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LE CONTENTIEUX DES SURETES
Pacta sunt servanda
Séverin-Maxime QUENUM,
Avocat au Barreau du Bénin
CIFAF 30 août 2016
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PLAN
1- Introduction
2- Quelques rappels
2-1- Définition
2-2- Classification
2-3- Caractère
3- Les sources du contentieux des sûretés
4- Compétence juridictionnelle en matière de sûreté
4-1- Compétence ratione materiae
4-2- Compétence ratione loci
5- Procédures
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1- Introduction
D’un point de vue conceptuel, le contentieux des sûretés peut
être perçu comme l’ensemble des litiges qui se rapportent aux
sûretés.
Toutefois, à l’aune de l’appréciation des juristes, praticiens du
droit, une telle approche paraît sinon réductrice, du moins
tend- elle à occulter la dimension processuelle des sûretés
au profit du rapport fondamental et du droit substantiel.
Pour faire justice, on pourrait alors dire que le contentieux des
sûretés désigne l’ensemble des règles juridiques qui régissent
la solution par la voie juridictionnelle des litiges nés à propos
des sûretés.
Cette seconde approche conduit nécessairement à exclure
les différends qui ne se résolvent pas en jugement
notamment, ceux que ne tranche pas le juge étatique et qui
font appel aux modes alternatifs de règlement des conflits ou
de recouvrement des créances à l’exception des adjudications
opérées devant notaire.
Ainsi entendu, le contentieux des sûretés peut être défini
comme la solution juridictionnelle des contestations qui
naissent à propos de la constitution des sûretés, de leur mise
en œuvre ou de leur résiliation.
Est-il alors nécessaire de préciser que ce sont ces règles qui
confèrent aux sûretés leur nature intrinsèque et leur donnent
leur véritable sens en ce que de par le juste équilibre qu’elles
assurent entre les intérêts des parties en présence, les
sûretés concourent à faciliter l’accès au crédit par
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l’emprunteur et elles donnent l’assurance au prêteur quant au
remboursement.
Ce n’est donc pas un moindre mérite du législateur
communautaire que d’avoir, à la suite de la réforme
intervenue en 2011, assoupli les conditions de constitution
des sûretés tout en renforçant leur efficacité.
En effet, à la pratique, il s’est avéré que l’Acte Uniforme
portant organisation des sûretés ne facilitait pas par exemple
les conditions de réalisation de sûretés réelles dans les Etats
membres de l’OHADA alors que celles-ci n’ont d’intérêt que si
le créancier peut y recourir aisément sans pour autant léser le
débiteur.
Il en est de même de certains formalismes qui se sont révélés
lourds, fastidieux, onéreux, sans grande efficacité
notamment, en ce qui concerne les sûretés personnelles dont
en particulier le cautionnement.
Sous cet aspect, on peut se risquer à affirmer que résolument,
les pays membres de l’OHADA se sont dotés des moyens et
mécanismes juridiques propres à leur permettre d’atteindre
les objectifs assignés à l’institution, savoir gagner le pari du
développement économique.
C’est d’ailleurs la raison d’être de l’organisation elle-même
puisque selon plusieurs auteurs, « les Etats membres de
l’OHADA ont compris que l’amélioration de leur
environnement des affaires devrait être au cœur de leur
stratégie de développement économique, l’enjeu majeur étant
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de soutenir le secteur privé qui, par nature, favorise la
croissance en créant de la richesse et l’emploi »1.
Pour autant, il ne sera pas examiné ici le régime juridique des
sûretés articulé autour de leurs conditions de formation et de
validité ou de leurs effets, pas plus que les innovations de fond
contenues dans l’Acte Uniforme relatives le 16 mai 2011 tout
comme d’ailleurs les contestations liées à la distribution des
deniers ou au classement des sûretés.
Tout au plus, sera-t-il passé en revue la définition que donne
le législateur lui-même des sûretés avant de dégager les
sources du contentieux entendu au sens des règles de forme
et de fond qui gouvernent la mise en œuvre des sûretés.
Il convient néanmoins de procéder à quelques rappels
d’intérêt scientifique.
2- Quelques rappels
2-1- Définition :
Aux termes des dispositions de l’article 1er de l’Acte Uniforme
portant Organisation des Sûretés, « Une sûreté est
l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un
ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir
l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-
ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures,
déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
1 Lionel BLACK YONDO, Michel BRIZOUA-BRI, Olivier TILLE LAMBIE, Louis-Jérôme LAISNEY et Ariane MARCEA-COTTE in Nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Lamy 2012, p.17
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inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou
fluctuant. »
2-2- Classification
L’ordre étant consubstantiel au droit, aussi est-il usuel chez
les juristes de procéder à des classifications et la matière des
sûretés n’échappe pas à cette règle que le législateur OHADA
s’est fermement employé à appliquer.
En effet, il résulte de l’article 4 de l’Acte Uniforme susvisé, la
réforme des sûretés n’a pas évincé la summa divisio au terme
de laquelle la doctrine distingue deux grands types de
sûretés à savoir, d’une part, les sûretés personnelles et
d’autre part, les sûretés réelles.
Article 4 : « Les sûretés personnelles, au sens du présent
Acte uniforme, consistent en l'engagement d'une
personne de répondre de l'obligation du débiteur
principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première
demande du bénéficiaire de la garantie… »
Il s’agit à proprement parler d’un mécanisme qui consiste à
adjoindre un second débiteur au débiteur initial ou principal
afin de garantir l’exécution de l’engagement de ce dernier.
Quant aux sûretés réelles, il n’en existe pas de définition
légale et c’est encore à la doctrine qu’il est revenue de
suppléer à la carence du législateur pour laquelle, il y a
« sûreté réelle lorsque certains biens du débiteur garantissent
le paiement de sorte que, en cas de défaillance, le produit de
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la vente de ces biens ou ces biens eux-mêmes sont remis par
préférence au créancier »2.
Toutefois, la loi oppose les sûretés mobilières aux sûretés
immobilières puis les sûretés conventionnelles aux sûretés
judiciaires…
Par ailleurs, si les sûretés personnelles sont limitativement
énumérées, il en va autrement des sûretés réelles dont
l’énumération légale n’est pas du tout exhaustive.
2-3- Caractère
Aux termes de l’article 2 de l’Acte Uniforme : « … les sûretés
qu’il régit sont accessoires de l'obligation dont elles
garantissent l'exécution ».
Il en résulte que les sûretés constituent dans leur essence
même des obligations accessoires en ce qu’elles sont
conçues et destinées à garantir l’exécution d’autres
obligations préexistantes.
3- Les sources du contentieux des sûretés
Elles sont exclusivement légales et s’articulent autour de cinq
(05) axes principaux notamment :
l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général
l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés
l’Acte Uniforme portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif
2 Raymond Guilien et Jean Vincent (Dir), lexique des termes juridiques, 13e éd, 2001, p.529
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l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution
le code de procédure civile, commerciale, sociale,
administrative et des comptes,
Il convient cependant d’ajouter que l’Acte Uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution paraît être le siège de la matière
puisque ce sont les règles qu’il établit qui gouvernent la
réalisation des sûretés considérée comme l’ensemble des
mécanismes juridiques qui permettent le recouvrement des
créances en rapport avec les sûretés.
Le législateur partout ailleurs renvoie quasi-
systématiquement à cet Acte Uniforme toutes les fois qu’il
s’agit de régler une contestation ou un litige né des sûretés.
4- Les règles de compétences en matière de sûretés
Le système juridique béninois hérité de la colonisation
s’organise autour de deux ordres juridictionnels ayant à leur
sommet la Cour suprême.
Il s’agit d’une part, d’un ordre administratif dont sont
justiciables les litiges entre particuliers et personnes publiques
et d’autre part, les litiges entre particuliers qui relèvent
exclusivement des juridictions de l’ordre judiciaire.
Il existe cependant des hypothèses où l’administration
publique est justiciable des tribunaux de l’ordre judiciaire,
notamment, en matière d’accident de la circulation.
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Quoiqu’il en soit, il est aujourd’hui acquis que c’est le droit
applicable à la solution du litige qui détermine la répartition
des compétences entre juge judiciaire et juge administratif.
Ainsi, lorsque le litige trouve sa solution dans l’application
d’une règle de droit public, il relève de la juridiction
administrative.
Au contraire, c’est la juridiction judiciaire qui doit être saisie si
le règlement du litige n’appelle que l’application des règles du
droit privé.
A partir de là, il n’est pas douteux que seules les juridictions
judiciaires sont compétentes en matière de sûretés et par voie
de conséquence le juge judiciaire apparaît comme le juge
naturel du contentieux des sûretés.
Cette clé de répartition qui repose sur la règle dite de
compétence générale n’épuise cependant pas le débat sur la
compétence qui consiste à déterminer à l’intérieur de l’ordre
judiciaire la juridiction apte à connaître du litige nés des
sûretés.
4-1- Compétence ratione materiae
Il n’est pas assez de déterminer l’ordre judiciaire pour régler
la question de la compétence juridictionnelle.
Encore faut-il déterminer à l’intérieur de cet ordre celui qui,
d’entre le juge civil et le juge commercial est qualifié en
matière de contentieux des sûretés.
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La question est réglée par le législateur dans l’article 772 du
code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative
et des comptes qui dispose que « relèvent de la matière
commerciale…
Les contestations relatives aux sûretés consenties pour
garantir l’exécution d’obligations commerciales… »
Ainsi, la détermination de la compétence matérielle repose sur
la nature civile ou commerciale de l’obligation.
Or, de droit constant, l’obligation commerciale est celle
souscrite par le commerçant, c’est-à-dire toute personne qui
accomplit à titre de profession des actes de commerce par
nature (ou réputé tels par la loi) ou encore l’obligation qui
résulte d’un acte de commerce par sa forme.
En somme, si la sûreté relève de la commercialité,
compétence est donnée au juge commercial.
A défaut, la juridiction civile, juge de droit commun, reprend
droit de cité.
Néanmoins, il faut souligner que cette répartition de
compétence entre juge civil et juge commercial n’a d’intérêt
que dans les litiges qui se rapportent à la formation et à la
validité des sûretés.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre des sûretés au
moyen des mesures d’exécution tendant à leur réalisation
(avec ou sans titre exécutoire) la distinction entre juge civil et
juge commercial perd tout intérêt.
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En effet, l’article 49 de l’Acte Uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution et l’article 585 du Code dit des procédures
donnent compétence exclusive au juge de l’exécution soit
pour connaître des contestations relatives aux mesures
conservatoires ou d’exécution forcée et en matière de
substitution de garantie quelle que soit la nature des rapports
préalables des parties ou celle de leurs obligations
antérieures.
La mise en œuvre de cette compétence est bien évidemment
exclusive des actions tendant à l’obtention de titre exécutoire
puisqu’une telle action, par définition, personnelle, emprunte
au régime juridique de l’obligation fondamentale.
4-2- Compétence ratione loci
Ce sont encore ici les règles du droit commun qui s’appliquent
en ce que le tribunal territorialement compétent est fonction
de la nature personnelle ou réelle de la sûreté.
Le cas échéant, le tribunal territorialement compétent sera
selon le cas, celui du lieu de domicile du débiteur (principal ou
garant ou même le tiers intervenant) celui du lieu d’exécution
de l’obligation ou de la mesure (inscription par exemple) ou
encore celui de situation du bien donné en garantie.
5- Les règles de procédure en matière de contentieux de
sûretés
Il convient enfin de souligner que toutes les règles du
contentieux des sûretés sont d’ordre public et n’admettent en
principe, aucune dérogation.
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En outre, les procédures sont gracieuses ou contentieuse
sont initiées soit au moyen d’une simple requête unilatérale
lorsqu’elles visent à l’obtention de mesure conservatoire par
exemple ou contentieuse quand s’élève une contestation ou
un litige à l’exception de la réalisation des hypothèques.
En effet, le juge des criées est saisi par le cahier des charges
déposé en même temps que le commandement de payer tel
que transcrit.