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Le contentieux du crédit à la consommation Sur les 113,4 milliards d’euros que représente chaque année le crédit à la consommation (soit 7.3% du produit intérieur brut - chiffres 2003 publiés par la Banque de France) 10% rencontrent des incidents de paiement . Si 80% d’entre eux sont réglés amiablement, 20%, soit 2% de l’encours total, aboutissent à un contentieux devant une juridiction . C’est dire l’importance que revêt, pour les acteurs du monde judiciaire que sont les juges et leurs greffiers, les avocats et les huissiers de justice, l’étude des spécificités procédurales de ce contentieux, que celui-ci résulte de la défaillance de l’emprunteur dans l’exécution de ses obligations contractuelles ou du non respect par le prêteur des exigences de formes imposées par la loi. Le législateur de 1978 a entendu soustraire les litiges nés de l’application de la loi n78-22 du 10 janvier 1978 (dite "Loi Scrivener" du nom du secrétaire d'Etat qui en est l'auteur) relatif à la protection des consommateurs dans le domaine du crédit à la consommation, des règles de procédure de droit commun. Il leur a appliqué un régime spécifique, destiné à la fois à faciliter l’accès à la justice pour le particulier en regroupant l’ensemble du contentieux devant le tribunal d’instance, juridiction devant laquelle il est possible de se défendre sans devoir rémunérer un avocat, et à dissuader les prêteurs de profiter des difficultés de leurs emprunteurs pour alourdir leur charge d’intérêt en leur imposant d’agir à bref délai. Ainsi, l’article 27 de la loi du 10 janvier 1978 prévoyait, initialement, que "le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application de la présente loi. Les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance". Bien que bref, et d’apparence simple, ce texte a suscité de longues controverses doctrinales et jurisprudentielles, et 1

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Le contentieux du crédit à la consommation

Sur les 113,4 milliards d’euros que représente chaque année le crédit à la consommation (soit 7.3% du produit intérieur brut - chiffres 2003 publiés par la Banque de France) 10% rencontrent des incidents de paiement . Si 80% d’entre eux sont réglés amiablement, 20%, soit 2% de l’encours total, aboutissent à un contentieux devant une juridiction .

C’est dire l’importance que revêt, pour les acteurs du monde judiciaire que sont les juges et leurs greffiers, les avocats et les huissiers de justice, l’étude des spécificités procédurales de ce contentieux, que celui-ci résulte de la défaillance de l’emprunteur dans l’exécution de ses obligations contractuelles ou du non respect par le prêteur des exigences de formes imposées par la loi.

Le législateur de 1978 a entendu soustraire les litiges nés de l’application de la loi n78-22 du 10 janvier 1978 (dite "Loi Scrivener" du nom du secrétaire d'Etat qui en est l'auteur) relatif à la protection des consommateurs dans le domaine du crédit à la consommation, des règles de procédure de droit commun. Il leur a appliqué un régime spécifique, destiné à la fois à faciliter l’accès à la justice pour le particulier en regroupant l’ensemble du contentieux devant le tribunal d’instance, juridiction devant laquelle il est possible de se défendre sans devoir rémunérer un avocat, et à dissuader les prêteurs de profiter des difficultés de leurs emprunteurs pour alourdir leur charge d’intérêt en leur imposant d’agir à bref délai.

Ainsi, l’article 27 de la loi du 10 janvier 1978 prévoyait, initialement, que "le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application de la présente loi. Les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance".

Bien que bref, et d’apparence simple, ce texte a suscité de longues controverses doctrinales et jurisprudentielles, et auxquelles le législateur a pris part, généralement pour limiter la porté de l’interprétation que lui en avait donné la Cour de cassation, tant sur l'étendue de la compétence du tribunal d'instance que sur la nature et les conséquences du délai de deux ans,

Intégré entre-temps, en 1993, dans le Code de la consommation sous l’article L 311-37, il se présente désormais sous une forme alourdie par rapport à sa version initiale :

Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.   Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après

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adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L. 331-7.

1 La compétence du tribunal d'instance

La doctrine et la jurisprudence se sont divisées dès l'origine sur l'étendue de la compétence donnée par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 (dénommé ci après article L 311-37 du Code de la consommation) au tribunal d'instance. Pour les uns, la compétence d'attribution de cette juridiction devait être limitée aux seuls litiges portant sur une disposition de la loi du 10 janvier 1978, par opposition aux litiges résultant de l'inexécution du contrat soumis aux règles de compétence de droit commun ( CA Rouen, 28 avril 1981, GP 1981, 2, som p 233, CA Paris 2 juillet 1981, GP 1981, 1, jur p 535, note Laraize, CA Reims, 5 oct 1982, GP 1983, 1, note Devarenne, CA Paris, 31 mai 1983, Quot Jur 6 mars 1984 p 3, D 1984 IR p 87, CA Aix 26 novembre 1983, GP 1984, 1, IR p 87, CA Paris 22 février 1985, D 1985 Flash n 12). Echappaient donc à la compétence du tribunal d'instance les actions en remboursement du prêt, en paiement des loyers ou celles nées du contrat de vente. Pour les autres, le tribunal d'instance devait connaître au contraire l'ensemble des litiges applicables aux contrats soumis à la loi du 10 janvier 1978 (TI Nancy 3 mars 1981, D 1982, Inf Rap 154, CA Douai, 24 nov 1983, GP 1984, 1, 367, TI Bordeaux, 29 avril 1984, D 1984, 364 note Kermaleguen).

La Cour de cassation devait prendre parti en faveur de la seconde thèse en jugeant que l'ensemble des litiges concernant les opérations de crédit soumises à la loi du 10 janvier 1978 et de ses décrets d'application relevaient de la compétence du tribunal d'Instance (Cass Civ 11 juin 1985, Bull Civ I p 166, GP 1985, 2, jur p 746 note Moussa, D 1986, Jur p 138 note Warembourg-Auque, RTDCiv 1986, p 406 obs Normand, JCP 85, ed G, IV, 295, Banque 1985, 1072 obs Rives Lange), comme par exemple le contentieux né de la défaillance de l'emprunteur (Cass Civ I 9 décembre 1986, Bulletin 1986 I N° 293 p. 278, Gazette du Palais, 16 avril 1987, N° 106, note Michel Mayer et René Pinon, GP 16 avril 1987, p 8, JCP 1987 n 20862 note Bey).

La Cour de cassation précisait ensuite que l'article L 311-37 s'appliquait aussi à l'égard de la caution (Cass Civ I 24 nov 1987, Bull N° 307 p. 220 D 1987, IR p 250, Cass Civ I, 17 novembre 1993, Bull N° 334 p. 231 Audijuris n 39 p 35 note Vigneau).

La compétence ainsi donnée tribunal d'instance est une compétence spéciale d'attribution. Elle n'est donc pas limitée aux litiges dont l'enjeu ne dépasse pas 10 000 € (limite de la compétence générale d’attribution du tribunal d’instance résultant de l’article R 321-3 du Code de l’organisation judiciaire depuis sa modification par le décret du 14 mai 2005) mais à l'ensemble des actions résultant d'un contrat soumis à la loi du 10 janvier 1978 (c’est à dire, depuis la promulgation du Code de la consommation, les articles L 311-1 à L 311-37).

La jurisprudence reconnaît cependant une exception au profit des Caisses de crédit municipal qui, en tant qu'établissements publics communaux, disposent, en vertu de l'article R 2342-4 du Code général des collectivités territoriales, du privilège de pouvoir émettre eux mêmes des titres exécutoires pour le recouvrement de leurs créances,

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même celles soumises à la loi du 10 janvier 1978 et ce, sans être tenues d'engager une action devant le tribunal (Cass Civ I 9 mai 1996, Bull n° 195 p. 136, Répertoire du notariat Defrénois, Cass civ I 15 septembre 1996, n° 17 p. 1032, note J.L. Aubert). En revanche, elles sont tenues d’émettre et de notifier leur titre exécutoire dans le délai de deux ans (Cass Civ I 23 mars 1999, bull n° 107 p 70 , Cass Civ I 4 décembre 2001, Bull n° 308 p 196 ) et le tribunal d'instance est compétent pour connaître de l'opposition formée par le débiteur à l'encontre d'un tel titre exécutoire . Celui-ci doit, dans ce cas, saisir le tribunal dans le délai de deux ans à compter de la date où il a eu connaissance du titre (Cass Civ I 9 mai 1996, op. cit.).

2 Le délai d'action de l'article L 311-37 du Code de la consommation1

2.1 Nature du délai Dans sa rédaction initiale, l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 ne mentionnait pas la nature du délai de deux ans qu'il instaurait. Deux thèses se sont alors opposées. Pour les uns, il s'agissait d'un délai de prescription alors que, pour les autres, l'article 27 instaurait un délai préfix (ou de forclusion).

Rappelons que le délai de forclusion est un délai qui enferme dans un laps de temps déterminé l'exercice de l'action en justice devant les premiers juges (Roger Perrot, RTDCiv 1977 p 367). Son expiration constitue une fin de non recevoir qui empêche le créancier d'agir à l'encontre de son débiteur alors que la prescription libératoire, fondée sur une présomption directe et précise de paiement, dissout le rapport d'obligation par l'inaction du créancier pendant un certain temps (Carbonnier, Droit Civil Tome IV Les obligations, n 140 PUF). La prescription sanctionne la négligence de l'ayant droit tandis que les délais préfix, mesures de police juridique, ont pour but, d'un point de vue moralement neutre, simplement à des fins d'utilité publique, de rendre objectivement impossible l'accomplissement d'un acte (Carbonnier op.cit).(voir à ce sujet sur la distinction entre les délais de prescription, préfix et de procédure l'arrêt rendu par l'assemblée plénière de la Cour de Cassation le 14 janvier 1977 D 1977 p 89, et les conclusions de l'Avocat Général Schmelck rapportées au Dalloz, et les commentaires de MM Perrot et Rodiere in RTDC 1977 p 365 et GP 19 mars 1977 I p 145).

L'enjeu de la controverse n'était pas sans intérêt puisque de la solution dépendait le point de savoir si ledit délai pouvait faire l'objet d'une interruption, si les parties pouvaient y renoncer et s'il pouvait être soulevé d'office par le juge en tant que fin de non recevoir d'ordre public (Monachon Duchene, La forclusion en matière de crédit à la consommation, JCP 1995, I n 3814), permettant ainsi à ce magistrat de secourir des consommateurs qui, n’étant que trop peu souvent assistés d’un professionnel du droit, ne peuvent soulever à bon escient l’irrecevabilité de l’action de leur créancier.

La Cour de cassation prenait partie, dans un premier temps, en faveur du délai de prescription (Cass Civ I 9 décembre 1986, Bulletin 1986 I N° 293 p. 278Gazette du Palais, 16 avril 1987, N° 106 106, note Michel Mayer et René Pinon GP 16 avril 1987, p 8, JCP 1987 n 20862 note Bey, Cass Civ I 16 juin 1987, Cass Civ I 23 février 1988, Bull n° 48) en sanctionnant, sur le fondement de l'article 2223 du Code civil, les tribunaux d'instance qui avaient soulevé d'office le moyen tiré de l'expiration du

1 cf à ce sujet Isabelle Gelbard-Le Dauphin, « le délai de forclusion en matière de droit de la consommation », in le Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation

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délai de deux ans. Toutefois, cette solution, défavorable aux consommateurs, devait rencontrer la résistance de certaines juridiction du fond (Douai 24 novembre 1983, GP 1984 I p 367, Paris, 20 novembre 1985, GP 20 avril 1986, Bordeaux 9 mars 1987 inédit, Paris 15 janvier 1987, D 87 IR p 28) dont la position était assurément plus proche de l'intention du législateur (cf intervention du rapporteur de la loi au Sénat, M. Thyraud, JO Débats parlementaires du sénat 12 octobre 1976 p 2717).

A la suite de deux interventions législatives (article 2-XII de la loi du 23 juin 1989 ajoutant à la suite de l'article 27 les termes "à peine de forclusion" et la loi du 31 décembre 1989 ajoutant à la suite du texte initial "y compris lorsqu'elle sont nées de contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la Loi du 23 juin 1989") la Cour de cassation, prenant acte de l'intervention du législateur, devait modifier sa jurisprudence pour considérer que le délai instauré par l'article 27 constituait un délai préfix (Cass Civ I 10 décembre 1991, bull n° 348, Audijuris n 15/16 Décembre 1991 p 63, Cass Civ I 22 avril 1992, Bull n° 131 et 133, Audijuris n 22-23 p 65 note Vigneau, D. 93 p 77 note Sultana), de sorte que le juge pouvait relever d’office son expiration et que les parties ne pouvaient, même de façon expresse, y renoncer ( Cass 1ere civ 17 novembre 1993, bull n° 333 ).

2.2 Les actions soumises au délai Le texte initial prévoyait que toute action née de l'application de la loi du 10 janvier 1978 devait être introduite devant le tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance et ce, à peine de forclusion.

La Cour de cassation en a déduit que ce délai devait s’appliquer non seulement aux actions en paiement tirées de la défaillance de l'emprunteur, mais pouvait aussi être opposé à l'emprunteur qui soulève, par voie d'action ou d'exception, la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en raison du défaut de régularité de l'offre préalable (Cass. avis, 9 octobre 1992, bull n° 4, GP 25-27 octobre 1992 p 20, D 1992, IR, p 268, Cass Civ I 3 novembre 1993, Bull Civ I n° 312 p 217, Audijuris n 39 p 28 note Vigneau, Cass Civ I 3 janvier 1996, Bull n° 11, D 96 IR 3 janvier 1996, Cass Civ I 18 janvier 2000, pourvoi 97-21.020 inédit, Cass Civ I 15 février 2000, pourvoi 98-14.093, inédit) ou de la validité de la clause de variation d ‘intérêt (Cass Civ I 4 novembre 2003, pourvoi n° 01-10160, inédit ).

La Cour de cassation devait considérer aussi que ce délai devait s’appliquer à tous les litiges, sans exception, concernant les opérations de crédit et leur cautionnement réglementés par les articles L. 311-1 et suivants et ce, quel qu’en soit le fondement.

Ainsi, non seulement y les actions introduites par les emprunteurs qui, se prévalant d’une irrégularité du contrat de prêt au regard des règles spécifiques au crédit à la consommation prévues aux articles L 311-8 et suivants du Code de la consommation, soulevaient la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts sur le fondement de l’article L 311-33, mais aussi celles qui invoquaient une cause de nullité de droit commun prévue par le Code civil.

Ainsi, elle a jugé qu’une caution ne pouvait invoquer la nullité pour dol de son engagement plus de deux ans après la signature de cet acte ( Cass Civ.I 15 décembre 1998, Bulletin 1998 I N° 365 p. 251, JCP 99, II, 10098 , note Monachon-Duchène JCP Ed. Ent. 1999-06-24, n° 25, p. 1106, note Monachon-Duchène, Cass Civ I15 juillet

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1999, bull n° 246, Cass Civ I 26 février 2002, bull n° 72)

Elle a, par la suite, heureusement abandonné cette jurisprudence, devant laquelle refusaient de s’incliner certaines juridictions du fond (par ex CA Bordeaux Ere ch A 7 septembre 1998, BICC 1er mai 1999, n° 561 p 42 qui écarte la forclusion à une action en contestation de la stipulation d’intérêts) en considérant que n’étaient pas soumises au délai de l’article L 311-37 les actions fondées non pas sur les dispositions spécifiques de la loi Scrivener mais sur le droit commun du contrat . Ainsi, peut être engagée plus de deux ans après la conclusion du contrat l’action engagée en vue de contester l’existence du consentement donné à la souscription d’un emprunt, celle-ci s’analysant non en une action relative aux opérations de crédit régies par les articles L 311-1 et suivants mais en une action en contestation de l’existence même d’une convention, soumise en tant que telle à la prescription de droit commun (Cass Civ I 1er avril 2003, Bull.2003 I n°n°94 p.72, JCP 2003 ed G II.10109 note Monachon-Duchène, RTDCom juillet/septembre 2003 p 552 obs D. Legeais, Les Annonces de la Seine 7 octobre 2004,p 7 obs Christelle Fanet) .

La première chambre civile a du aussi, sous l’influence du législateur, assouplir sa position au sujet des actions fondées strictement sur les disposition des articles L 311-1 et suivants du Code de la consommation .

En effet, pour mettre fin à la jurisprudence initiée par l’avis du 9 octobre 1991, que certains considéraient comme trop favorable au prêteur, la loi du 11 décembre 2001 a modifié le texte de l’article L 311-37 en limitant aux seules actions engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur, c’est à dire, concrètement, aux actions en paiement introduites par le prêteur. (Xavier Lagarde, Forclusion et crédit à la consommation, JCP ed G 2002 Doctrine I 106).

L’action de l’emprunteur destinée à faire constater la nullité du contrat est donc soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du Code civil. Celle en vue de faire constater la déchéance du prêteur du droit aux intérêt sur le fondement de l’article L 311-33 du Code de la consommation pour n’avoir pas soumis à l’emprunteur une offre de prêt conforme aux prescriptions des articles L 311-8 à L 311-13, qui ne relève pas du régime des nullités (Cass Civ I 2 juillet 1996 bull n° 283, arrêt rendu en matière de crédit immobilier mais dont la solution est transposable par analogie à la matière du crédit à la consommation), devrait être soumise, comme en matière de crédit immobilier (Cass Civ I 4 mais 1999, Bull Civ I n° 151, JCP G 1999, IV 2162, Cass Civ I 13 mars 2001, bull n° 70, Cass Civ I 16 octobre 2001, Bull N° 258 p. 163, Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, n° 1, janvier-mars 2002, chroniques, p. 34-35, note Bernard Saintourens, Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 351-357, note Jacques Normand, Contrats, concurrence, consommation avril 2002 p 42 obs G. Raymond) à la prescription décennale de l’article L 625-5 du code de commerce, qu’elle soit présentée par voie d’action principale ou par voie d’exception .

Mais, conformément au principe de la non-rétroactivité, l’exclusion des actions de l’emprunteur du champ d’application de l’article L 311-37 ne s’appliquera qu’aux contrats conclus antérieurement à cette modification législative. Ceux passés avant la loi du 11 décembre 2001demeureront soumis à la règle du délai de deux ans dégagée par la Cour de cassation (Cass Civ I 18 mars 2003, bull n° 83 ).

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En revanche, n’est pas soumise au délai de l'article L 311-37 l'action en résolution ou en annulation du contrat de crédit consécutive à celle du contrat principal en application de l'article L 311-21. En effet, pour la Cour de cassation, en raison de l'effet rétroactif attaché à la résolution judiciaire du contrat principal, celui-ci est réputé n'avoir jamais été conclu, de sorte que le prêt est résolu de plein droit (Cass Civ I 1er décembre 1993, Bull Civ 1993 I n 355 p 248, pour une solution identique en matière d'annulation Cass Civ I 16 décembre 1992, Bull Civ 1992 I n 316 p 207). La formulation "de plein droit", implique l'automaticité de l'effacement du contrat de crédit, d'où il résulte que l'emprunteur qui a fait prononcer la résolution ou l'annulation du contrat principal n'a plus à demander la résolution ou l'annulation du contrat de crédit mais seulement à la constater . Ainsi, viole ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer forclose l'action des emprunteurs tendant à faire prononcer la résolution du contrat principal qui n'avait jamais été exécuté et obtenir la restitution par la société de crédit des mensualités de remboursement versées, retient que l'événement qui avait donné naissance à leur action était la lettre de l'organisme de crédit les informant de la délivrance des fonds, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L 311-21 que la résolution ou l'annulation du contrat de crédit consécutive à celle du contrat principal n'est pas soumise au délai de forclusion prévu par l'article L 311-37 (Cass Civ I 27 février 1996, bull n° 112, Audijuris n64 mai 1996 p 15 note Vigneau, Cass Civ I 12 janvier 1999, Bull n° 16, Revue des Huissiers de justice 1999 p 633).

La Cour de cassation considère aussi que l’emprunteur qui s’oppose au remboursement d’un prêt accessoire à une vente en invoquant le défaut de livraison du bien ne soulève qu’un simple moyen de défense au fond qui ne constitue pas une action au sens de l’article L 311-37 et n’est donc pas soumis au délai de deux ans (Cass Civ I 7 janvier 1997, bull n° 8, Cass Civ I 12 janvier 1999, bull n° 16 )

A également été jugé que l'action en revendication par laquelle le bailleur, se prévalant de l’inexécution par son locataire d'un contrat de location avec promesse de vente, réclame la restitution de son bien à celui-ci à qui il l'a remis à titre précaire naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue par l'article L 311-37 du Code de la consommation ne constitue pas un titre pour le locataire et n'est pas applicable à la revendication de la chose louée par le crédit bailleur. (Cass Civ I 20 décembre 1994, Bull Civ I n 384, Audijuris n 49 janvier 1995 p 20 note Vigneau, Revue des Huissiers de Justice avril 1995 p 490, JCP 1995, ed G II n 22423 note Monachon Duchene, JCP 1995 I, 3878 n 7 obs Périnet-Marquet).

Pour la Cour de cassation, qui étend par analogie le domaine d'application de l'article 2236 du Code Civil, si le bailleur ne peut plus dans ce cas réclamer le paiement des loyers impayés, il n'en demeure pas moins que le locataire ne peut prétendre avoir exécuté le contrat et se prévaloir d'un droit de propriété sur le bien. Autrement dit, la forclusion de l'action en paiement ne fait pas disparaître le fond du droit, et notamment le fait que le contrat de location est résilié par le défaut de paiement des loyers. Le bailleur peut donc encore se prévaloir de cette résiliation pour obtenir la restitution du bien. L'action en revendication du bailleur a pour source non pas la créance personnelle du bailleur sur le débiteur mais son droit de propriété sur la chose.

On signalera enfin qu’une fois que le prêteur a obtenu contre le débiteur un titre exécutoire et qu’il lui a signifié, le délai de forclusion n’a plus vocation à s’appliquer

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(pour une application de cette règle à l’action spécifique du Crédit Municipal : Cass 2eme civ 24 juin 2004, arrêt n° 1086, bull n° 324)

2.3 Le point de départ du délai2

2.3.1 Le délai applicable au prêteur

2.3.1.1 L’action en recouvrement d’un prêt impayé

La Cour de cassation pose le principe général selon lequel le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe nécessairement à la date de l'obligation qui lui a donné naissance (Cass Civ I 30 mars 1994, Bull n° 126, Revue des Huissiers de Justice 1995 n 1 p 9, JCP 1995 II n 22405 note Gramaize, Audijuris n43 p 15 note Vigneau ).

Elle en déduit que, s'agissant des actions en paiement, le délai court à compter de la première échéance impayée non régularisée,(Cass Civ I 9 décembre 1986 Bull Civ I , 293 p 278 D 1987 somm 455 note Aubert, GP 16 avril 1987, N° 106 106, note Michel Mayer et René Pinon, JCP 1987 II N° 20862, note E.M. Bey, Cass Civ I 22 avril 1992, bull n° 132, D 1993 p 77 note Sultana, Contrat, Conc. Cons. 1992 n 143, GP 6 juillet 1994 p 15 note Monachon Duchene).

Selon cette jurisprudence, une échéance non payée à son terme ne peut être considérée comme impayée et faire courir le délai de forclusion que si elle n'est pas par la suite régularisée. Lorsque des paiements sont effectués postérieurement à des échéances impayées, ils opèrent régularisation de celles-ci dans la limite de leur montant (Cass Civ I 25 octobre 1994, bull n° 307, Revue des Huissiers de Justice 1995 n 1 p 115).

Cependant, cette régularisation n'est possible que tant que la déchéance du terme n'est pas intervenue. En effet, la position de la Cour de cassation telle que résultant de l'arrêt du 22 avril 1992 est fondée sur le principe selon lequel les échéances payées avec retard mais régularisées ne peuvent plus donner lieu à une action. Or, une fois la déchéance du terme prononcée, les règlements effectués par l'emprunteur sont inopérants pour empêcher le prêteur de se prévaloir de l'exigibilité immédiate des sommes restant dues. Il en résulte que, dans ce cas, le point de départ du délai doit être fixé à la première échéance impayée non régularisée avant la date de déchéance du terme (Cass Civ I 7 février 1995, bull n° 77, Audijuris n 52 avril 1995 p 3 note Vigneau, Cass Civ I 4 février 2003, bull n° 42 ).

Une nuance doit cependant être apportée pour les contrats qui contiennent une clause prévoyant la résiliation de plein droit sans aucune formalité dés la première échéance impayée. On aurait pu en effet considérer que, dans ce cas, le point de départ du délai de forclusion court automatiquement dés la première échéance impayée, même si, par suite de paiements ultérieurs, elle a été recouvrée. Mais la Cour de cassation

2 pour une étude d’ensemble sur la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de point de départ du délai de forclusion de l’article L 311-37, se reporter à l’article de Stéphane Piedelièvre paru à la Gazette du Palais du 12 décembre 2003, Doctrine p 2

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considère que ce type de clause contrevient aux dispositions d’ordre public de la loi qui prévoit, à l’article L 311-30 du Code de la Consommation, qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement du capital restant dû, de sorte que le caractère facultatif de cette sanction interdit toute résiliation automatique et suppose, en revanche, une manifestation de volonté du prêteur de procéder à la résiliation du contrat. Leur déniant par conséquent toute portée juridique, elle juge que les paiements effectués postérieurement aux échéances impayées ont pour effet de les régulariser tant qu’ils interviennent avant que le prêteur n’ait manifesté sa décision de se prévaloir de la déchéance du terme (Cass civ I 7 juillet 1998, bull n° 241) .

Mais cette dernière règle doit être relativisée dans la mesure où, depuis, la Cour de cassation a jugé qu’aucune régularisation ne pouvait jouer lorsque le prêteur s’était, conformément aux stipulations contractuelles, préalablement prévalu de la déchéance du terme, rendant immédiatement exigible la dette correspondant à la totalité des sommes dues ( Cass Civ I, 4 février 2003, bull n° 42, Les Annonces de la Seine, 13 décembre 2004 n° 75 p 14 obs Toula Mirella ). Elle considère alors que les versements postérieurs à la première échéance impayée qui a provoqué contractuellement la déchéance du terme ne pouvaient valoir régularisation et, partant, différer le point de départ du délai de forclusion .

Le paiement d'échéances de remboursement d'un prêt par prélèvements sur un compte fonctionnant à découvert conformément à une convention expresse ou tacite opère paiement. En conséquence, le délai de forclusion court à compter de la résiliation de la convention de découvert. (Cass Civ I 17 mars 1998, bull n° 118, Cass Civ I 9 juin 1998, bull n° 206, 10 décembre 2002, bull n° 305, aussi CA Versailles 1ere ch B 31 octobre 1997, Revue des huissiers de justice 1998 p 953).

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion, par dérogation expresse prévue par la loi du 31 décembre 1989 qui a introduit à cet effet un second alinéa à l’article L 311-37, est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 du Code de la consommation ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L. 331-7 .

La Cour de cassation considère qu’en application de ce texte, l’adoption d’un plan de redressement fait courir un nouveau délai pour agir, quand bien même il aurait été expiré avant l’adoption du plan par suite de l’inaction du créancier. Ainsi, un créancier qui aurait laisser passé le délai de forclusion retrouve son droit d’agir en cas d’acceptation d’un plan de redressement comprenant sa créance. (Cass 1ere civ 23 novembre 1999, inédit, pourvoi n° 97-18356).

On s’étonnera de cette décision qui aboutit à faire revivre un délai de forclusion expiré, par un acte de volonté émanant du débiteur – l’acceptation d’un plan de réaménagement comprenant la créance forclose- alors que, s’agissant d’un délai de forclusion qui, comme tel, d’ordre public, le débiteur ne peut y renoncer (Cass 1ere civ 17 novembre 1993, bull n° 333 qui énonce qu’est soumis au délai de forclusion prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, le recours personnel de la caution qui a payé le prêteur contre l'emprunteur et ces dispositions étant d'ordre public, l'emprunteur ne

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peut, même de façon expresse, renoncer à leur application »).

Dans un arrêt ultérieur, la 1ere chambre civile est venue préciser qu’une telle règle ne pouvait être invoquée par le créancier forclos à l’égard de la caution non partie au plan (Cass 1ere civ 18 octobre 2000, bull n° 254 qui énonce, en visant les articles 2036 du Code civil et L 311-37 du Code de la consommation, que « de même qu'une caution ne peut se prévaloir à l'encontre du créancier des mesures prises en faveur du débiteur principal par un plan judiciaire de redressement, de même le créancier ne peut invoquer [à l’égard de la caution] ce plan pour prétendre qu'un nouveau délai de forclusion lui serait ouvert à compter du premier incident affectant l'exécution dudit plan »). Il s’agit, en quelque sorte, d’une cause de report du point de départ du délai personnelle au débiteur principal qui a accepté le plan de réaménagement de ses dettes et qui, conformément aux principes édictés à l’article 2036 du Code civil, ne s’étend pas à la caution.

Son considérés comme convenant d'un rééchelonnement les emprunteurs qui écrivent à leur banque qu'ils seraient "en mesure de reprendre fin janvier les prélèvements normaux et de pouvoir les doubler et peut-être même de les tripler fin avril ... afin de rattraper au plus vite le retard" et la banque qui leur répond qu'elle avait pris "bonne note de l'engagement de reprendre à compter de la fin janvier 1988 les prélèvement normaux et ce, chaque mois jusqu'à extinction de la créance" Dès lors, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident qui suit cet accord (Cass Civ I 27 octobre 1993, bull n° 303, D 1994 IR p 4, étant précisé que, depuis, la Cour de cassation a considéré que les juges du fond appréciaient souverainement l’existence d’un accord de rééchelonnement au sens de l’article L 311-37, Cass Civ I 26 janvier 1999, bull n°31 , Revue des Huissiers de Justice 1999 p 632, Cass Civ I18 janvier 2005, inédit, pourvoi n° 03-15135).

Lorsqu'une ordonnance de référé accorde des délais de paiement à un emprunteur, le point de départ du délai de forclusion est reporté à la date de cessation des effets de l'ordonnance (Cass Civ I 4 avril 1995, bull N° 160, Audijuris n 57 octobre 1995 p 23 note Vigneau, GP 12,13 janvier 1996 Jur p 14).

2.3.1.2 Le cas particulier des ouvertures de crédit

Une banque peut consentir de diverses façon une ouverture de crédit, soit en lui accordant, de façon tacite ou expresse, une autorisation de découvert qui lui permettra d’utiliser, moyennant le paiement d’agios, un compte bancaire non approvisionné, soit en lui proposant une ouverture de crédit reconstituable utilisable par fractions, plus communément appelé crédit-révolving ou crédit permanent et dont le régime particulier est fixé aux articles L 311-9 et L 311-9-1 du Code de la consommation.

S’agissant d’une autorisation de découvert consentie tacitement ou non par une banque qui consent à son client des avances de fonds et qui, rappelons le au passage, est soumise aux dispositions de la loi Scrivener dès lors qu’elle dépasse trois mois (Cass Avis 9 octobre 1992, bull n° 1, JCP 93, Jurisprudence n22024 p 127 note Morgan de Revery-Guillaud, GP 25 oct 92 p 19, Cass Civ I 30 mars 1994, bull n° 126, Revue des Huissiers de Justice 1995 n 1 p 9, JCP 1995 II n 22405 note Gramaize, Audijuris n43 p 15 note Vigneau, Cass Civ I 16 janvier 1996, bull n ° 31 p. 20, JCP ed.

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Entr. 1996-02-22, n° 8, p. 79, note P. Bouteiller D IR 1996 p 39, Audijuris n 64 mai 1996 p 24 note Vigneau), le point de départ du délai court à compter de la date à compter de laquelle le solde devient exigible (Cass Civ I 30 mars 1994, Bull n° 85, JCP 1995, II n 22405 note Gramaize, Audijuris n 43 p 15 note Vigneau, Cass Civ I 4 juin 1996, bull n° 238, Cass Civ I 1er juin 1999 bull n° 186 ).

En l’absence de terme convenu, le point de départ du délai est fixé à la date de la résiliation de l’ouverture de crédit par l’une ou l’autre des parties (Cass Civ I, 9 juin 1998, Bull n° 206, Cass Civ I 1er juin 1999, Bull n° 186, Cass Civ I 24 février 2004 Bull N° 62 p. 48) et non à compter de la date de clôture du compte, peu important que celui-ci fût qualifié de « compte courant » ( Cass Civ I18 janvier 2005 Bulletin 2005 I N° 30 p. 22 ).

Lorsque les parties sont convenues d'un découvert en compte d'un montant limité, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation (Cass Civ I 18 janvier 2005, Bulletin 2005 I N° 31 p. 24)

S’agissant des ouvertures de crédit reconstituables et utilisables par fractions, la Cour de cassation a, pendant un temps, assimilé leur régime à celui des découverts bancaires en considérant que le délai courait à compter de la date à laquelle prenait fin l’ouverture de crédit (Cass Civ I 9 mars 1999, Bull n° 85 , GP 19/20 novembre 1999, jur p 26, note O.-M. Boudou et A. Claude) et ce, quelles que soient les modalités de remboursement prévues au contrat. Elle a, ensuite, opéré un important revirement de jurisprudence à la suite d’un arrêt de l’assemblée plénière qui a jugé que, lorsqu’une telle ouverture de crédit est assortie d’une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Ass Plén. 6 juin 2003, bull n° 6 p 15, D AJ p 1692 obs Valérie Avena-Robardet, D 2003, Jur, P 28 note Xavier Lagarde, RD bancaire et financier juillet-aout 2003, RTDCom juillet/septembre 2003.549 obs D. Legeais, Les Annonces de la Seine, 13 décembre 2004 n° 75 p 14 obs Toula Mirella, également sur le même sujet cf à ce sujet l’intéressant article d’Agnès Bigot, favorable à la solution retenue, « les relations prêteur/emprunteur défaillant en matière de crédit mobilier à la consommation », Revue de droit bancaire et financier 2004 , Analyses, p 55)

La Haute juridiction considère aussi que, dans le cas où le montant du découvert est conventionnellement limité, le dépassement du découvert maximum convenu devait être tenu pour une échéance impayée manifestant la défaillance de l’emprunteur et faisait courir le délai (Cass Civ I 23 mai 2000, Bull n° 157, JCP ed G 2000 II 10419 note JF Clément, Cass Civ I7 décembre 2004, D 2005, Act Jur p 141 obs Valérie Avena-Robardet, Contrats, Conc., consom., 2005, comm n° 53 obs Guy Raymond, Cass Civ I 30 mars 2005, bull n° 159, RTDCom 2005.575 obbs Dominique Legais, Contrats, conc. Conso. Juin 2005, comm n° 141 obs Raymond ).

Elle juge par ailleurs qu’une convention tacite de découvert est incompatible avec la conclusion préalable d’une convention expresse de découvert d’un montant déterminé.(Cass Civ I 4 juin 2002, bull n° 160 D 2002 Jur Actualité jurisprudentielle p 2120 obs C. Rondey, JCP ed G 2003 II, 10123 note Vigneau, JCP ed Entr 2003, jur 1205, Cass Civ I7 décembre 2004, Bull N° 304 p. 254, D 2005, Act Jur p 141 obs Valérie Avena-

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Robardet, 18 janvier 2005, Contrats, conc. Consom., 2005, comm n° 55 note Guy Raymond) Il faut donc en déduire que, dans l’hypothèse où les échéances d’une telle convention sont prélevées sur un compte fonctionnant lui-même à découvert, celui-ci ne peut être considéré comme résultant d’un accord tacite entre la banque et son client. Dès lors, et par dérogation à la règle posée par l’arrêt du 17 mars 1998 précité, le prélèvement sur le compte ne vaut pas paiement et a donc pour effet de faire courir le délai de forclusion. Ainsi que le souligne Guy Raymond le silence de l’emprunteur ne peut justifier une autorisation de l’aggravation de son endettement vis à vis de l’organisme teneur du compte de l’emprunteur.

Dans l’hypothèse d’une ouverture de crédit entièrement utilisée pour financer l’acquisition d’un seul bien, la Cour de cassation, qui ne s’arrête pas à la qualification de crédit révolving donnée par l’établissement de crédit, considère que les parties sont en réalité liées par un contrat de prêt d’un montant déterminé qui devait être intégralement remboursé avant que son bénéficiaire puisse en disposer de nouveau. Elle en déduit que, dans ce cas, le délai de forclusion partait de la première échéance impayées non régularisée. (Cass Civ I 4 octobre 2000, bull n° 236, JCP ed G 2001, II n° 10 492 note Monachon-Duchêne, Contrats, conc. Conso. Février 2001, comm n° 31 obs Raymond). 2.3.2 Le délai applicable à l’emprunteur

Dans le cas d'une action fondée sur l'irrégularité du contrat, le point de départ du délai court à compter de la date à laquelle le contrat est définitivement formé (Cass Civ I 3 janvier 1996, Bull n° 178, D 1996 IR p 47, Cass Civ I 9 décembre 1997, bull n° 364, Revue des huissiers de justice 1997 p 953, Cass Civ I 7 novembre 2000, bull n° 284, Cass Civ 1ere 2 octobre 2002, bull n° 229, Cass civ I 23 novembre 2004, Bull N° 287 p. 241aussi CA Versailles 1ere ch B 21 novembre 1997, BICC 1er juillet 1998 p 45, ), c’est à dire, selon la cour d’appel de Versailles, la date d’expiration du délai de rétractation (CA Versailles 1ere ch B 27 mars 1998, BICC 1er nov 1998, n° 1161 p 22). Il a été jugé que lorsque l’offre ne prévoyait aucune date, le point de départ courrait à compter de la remise effective des fonds (CA Bordeaux 1ere ch A 26 juin 1997, Revue des huissiers de Justice 1998 p 61).

Dans le cas d'un solde débiteur d'un compte bancaire, le point de départ de l'action court à compter de la date de la convention d'ouverture de compte (Cass Civ I 10 Avril 1996, bull n° 178, Audijuris n 64 mai 1996 p 28 note Vigneau, D 1996 IR p 132, ).En revanche, s’il s’agit d’un découvert consenti tacitement, le point de départ du délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui, par voie d’action ou d’exception, se prévaut de l’absence d’offre préalable, est la date à laquelle le solde débiteur est devenu exigible. (Cass 1ere civ, 1er octobre 2002, bull n° 222, Cass Civ I 24 février 2004, Bulletin 2004 I N° 62 p. 48, D 2004, act. Jur. P 876, obs Valérie Avena-Robardet) Enfin, le délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui conteste la régularité, au regard des dispositions de l’article L 311-9, des conditions de la reconduction ou du renouvellement de l’offre préalable d’un crédit utilisable par fraction, court à compter de chaque reconduction ou renouvellement (Cass Civ I 1er octobre 2002, Bull n° 222, Cass Civ I 16 mars 2004, Bull N° 90 p. 73, D 2004, act. Jur. P 947 obs Valérie Avena-Robardet, Cass Civ I 18 janvier 2005 Bull N° 30 p. 22 ).

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Le délai de deux ans n'est cependant pas opposable à une partie en cas de fraude commise par celui qui s'en prévaut (Cass Civ 3 novembre 1993, Bull Civ I p 217, Audijuris n39 p 28).

2.3.3 L’action de la caution

La caution dispose de deux recours distincts fondés sur les articles 2028, qui prévoit une action personnelle, et 2029 du Code Civil qui repose sur le mécanisme de la subrogation. Il ne fait aucun doute que le recours subrogatoire de l'article 2029 est soumis aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978 puisque, selon une jurisprudence constante, le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire (Cass Civ 1ere, 4 avril 1984, Bull Civ I, n 131, Cass Com 5 décembre 1985, Bull Civ IV, n 269, RTDCiv 1986, 351, obs Mestre). Clôturant le débat qui s'était instauré entre les juridictions du fond sur le point de savoir si, en raison de son caractère personnel, le recours visé à l'article 2029 était ou non soumis aux dispositions de la loi Scrivener (dans un sens défavorable Douai 19 juin 1986, DS 1988, 369, Paris 12 mai 1989, DS 1989 inf rap 189, Bourges 29 mai 1989 JCP 90 II 21495 obs Benet, Paris 16 février 1990, DS 1990 Inf rap 64 et dans un autre sens Versailles 24 janvier 1989, GP 1989, 2, somm 406), la Cour de cassation est venue préciser que l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, tel qu'interprété par les lois du 23 juin 1989 et du 31 décembre 1989, s'appliquait à toutes les opérations réglementées par la loi du 10 janvier 1978, et notamment au recours personnel de la caution à l'encontre de l'emprunteur principal (Cass Civ I. 17 novembre 1993, bull n° 333, Audijuris n39 p 35, Revue des Huissiers de Justice 1994 p 461 note Bazin, Contrats, Conc, Consomm 1994 n° 84 obs Raymond). Il s'ensuit que le recours, personnel de la caution fondé sur l'article 2028 ou subrogatoire, doit être, en application de l'article L 311-37, intenté devant le tribunal d'instance du domicile du débiteur dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance, et ce, à peine de forclusion.

Cependant, le point de départ du délai diffère selon le type de recours utilisé. L'événement qui a donné naissance à l'action subrogatoire est celui qui a donné naissance à l'action principale, soit en règle générale le premier incident de paiement non régularisé (Cass Civ I 9 décembre 1986, Bull Civ I bull n° 293 p 278, GP 16 avril 1987, N° 106 106, note Michel Mayer et René Pinon, JCP 1987 II N° 20862, note E.M. Bey Cass Civ I, 22 avril 1992, bull n 132 p. 88, D. 18 février 1993, n° 7, p. 77, note J. P. Sultana, Audijuris 22/23 p 65, D 1993, p 77).

Lorsque le débiteur a cessé d'honorer ses remboursements lors de la mise en liquidation judiciaire, l'obligation principale de la caution naît de la première échéance impayée, et ce indépendamment de la nécessité pour le créancier de déclarer parallèlement sa créance et de la faire admettre par le juge commissaire. (CA Toulouse 18 octobre 1994, BICC 1er février 1995 p 48).

L'évènement qui a donné naissance à l'action personnelle se situe quant à lui au jour du paiement par la caution (Cass Civ I 9 décembre 1997, bull n° 366, Revue des huissiers de justice 1997 p 954).

Le point de départ du délai pendant lequel la caution peut, par voie d’action ou

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d’exception, contester la validité de son engagement, est la date à laquelle son consentement a été consenti (Cass Civ I 15 décembre 1998, Bull n° 365, Revue des Huissiers de justice 1999 p 632).

On notera par ailleurs que la Cour de cassation considère, sévèrement, que la caution solidaire, qui est donc privée du bénéfice de discussion, ne peut opposer au créancier la forclusion encourue par celui-ci dans ses poursuites contre le débiteur principal. Dès lors que la caution solidaire est assignée avant l’expiration du délai biennal de forclusion, l’action peut être poursuivie même si le créancier est forclos à l’égard du débiteur principal(Cass Civ Iere 8 octobre 1996, bull n° 340, D 1997, Somm p 165, obs Aynès, RD Bancaire et bourse 1996, p 239 obs Contamine-Raunaud, RTDCiv 1997 p 187 obs Crocq, GP 1997, somm p 445 obs Piedelièvre, JCP ed G 1997, I, 4033, obs Simler).

Enfin, la caution ne peut plus se prévaloir, plus de deux ans après la demande d’exécution du cautionnement faite par le créancier, des dispositions de l’article L 313-10 du Code de la consommation qui permet d’opposer à celui-ci l’impossibilité de se prévaloir de la garantie en raison de la disproportion manifeste de celle-ci à ses biens et revenus (Cass Civ I 23 mai 2000, bull n° 155, RTDCOm 2000.998, obs Bouloc - également sur ce sujet M. Farge « l’application au cautionnement du bref délai prévu en matière de crédit mobilier à la consommation » , JCP 2001 ed G I n° 310) . 2.4 Conséquences du délai

Contrairement au délai de prescription qui est interrompu par les causes énumérées par l'article 2244 du Code Civil (une citation en justice, un commandement, une saisie) l'article 2248 (la reconnaissance de dette) ou l'article 2249 (interpellation), ou suspendu par la minorité ou la tutelle (article 2252), le délai de forclusion est indifférent à ces événements. Ainsi n'interrompent pas ce délai une sommation de payer ( Cass Civ I 10 décembre 1991, bull n° 348, RJDA 1992 n 3 p 204 ), une reconnaissance de dette (Cass Civ I17 novembre 1993, bull n° 333 , Audijuris n 39 p 35 note Vigneau), ou une assignation devant une juridiction incompétente (Cass Civ I 17 mars 1998, Bull n° 177, Audijuris n 32 p 9 et 10 note VIgneau), la saisine de la commission de surendettement (Cass Civ I 16 décembre 1992, Bull n 318), un procès verbal de recherches ayant ultérieurement révélé le domicile du débiteur et qui ne peut être assimilé à celui dressé en application de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile (CA Dijon 30 juin 1995, JCP 1996 IV n 177) Seules, donc, interrompent le délai la saisine du tribunal d'instance, par voie d'assignation, indépendamment de sa mise au rôle (Cass Civ I 20 octobre 1998, Bull N° 307 p. 213, Procédures, 1998-12, n° 12, p. 8, note R. Perrot), une assignation en référé-provision (Cass Civ I 1er juin 1999, Bull n° 185) la déclaration au greffe prévue à l'article 847-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, la déclaration de créance faite au cours d'une procédure de surendettement (Cass Civ I 28 novembre 1995, JCP 1996 IV n 156, D 1996, IR p 8, Contrats, Conc. Consom. 1996 n 31 obs Raymond) ou d'une procédure de redressement judiciaire commercial suivie de l'admission définitive d'admission par le juge-commissaire (Cass Com 20 juin 1995, Revue des Huissiers de Justice mars 1996 p 321 note Vidal) , de même que la demande du débiteur adressée à la commission de surendettement de recommander des mesures de redressement, après échec de la tentative de conciliation (Cass Civ I 19 mai 1999, Bull n° 169 ).

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Lorsqu'une juridiction incompétente est saisie, le délai est interrompu par le jugement du tribunal initialement saisi qui constate l'incompétence et saisit le tribunal d'instance (Cass Civ I 17 mars 1993, Bull n° 118 p 79, Audijuris n 32 p 9 et 10, Contrats, Conc., Cons 1992 n 18, Bull Civ I 17 mars 1998, Bull n° 117, Bull Civ I 7 octobre 1998, Bull n° 288, 1ere civ 18 janvier 2005, Bulletin 2005 I N° 30 p. 22). La signification devant la cour d’appel de conclusions tendant à la confirmation d’un jugement de condamnation rendu par une juridiction incompétente est aussi de nature à interrompre le délai de l’article L 311-37 (Cass Civ 10 décembre 1996, Bull N° 446 p. 312, D. 1997-06-19, n° 24, p. 303, note I. Fadlallah , Cass Civ I 31 mars 1998, Bull n° 136, Cass Civ I 1ère civ 9 juillet 2005, inédit, pourvoi n° 97-11849 ) .

Il a été jugé que l'action du prêteur ne pouvait être tenue pour engagée par la simple présentation d'une requête en injonction de payer et que seule la signification de l'ordonnance d'injonction de payer interrompait le délai (Cass Civ I 3 octobre 1995, Juris-Data n 002439, JCP ed G 1er novembre 1995, Actualités p 3, Audijuris n 58 novembre 1995 p 51 note Vigneau, GP 11/13 février 1996, Pan p 16, mais aussi CA Versailles 1ere ch B 21 nov 1997, BICC 15 juillet 1998 p 31).

En revanche, une fois l'action introduite, le délai est suspendu durant l'instance. Ainsi, un créancier ayant vu sa demande en paiement rejetée en première instance, n'encourt pas la forclusion en ayant formalisé son appel plus deux ans après le prononcé du jugement dés lors que l'action avait été introduite en temps utile et que par l'effet suspensif du délai d'appel et de l'appel, le litige se poursuivait entre les parties tant que le jugement n'avait pas été signifié (Cass Civ I 3 octobre 1995, bull n° 343, JCP ed G 1er novembre 1995 Actualités p 3, Audijuris n 58 novembre 1995 p 51 note Vigneau).

S'agissant du crédit municipal qui, en tant qu'établissement communal doté d'un comptable public, dispose du privilège de pouvoir d'émettre lui même un titre exécutoire, le délai est interrompu par l'émission du titre exécutoire ( Cass Civ I 13 Mars 1996, bull n° 135, JCP 1996 Pan 1057, Cass Civ I 23 mars 1999, bull n° 107 ).

Le tribunal d'instance compétent est celui du domicile du débiteur ou du lieu d'exécution du contrat, en général le lieu de versement des fonds (Articles 42 et 46 du nouveau Code de procédure civile).

En raison de son caractère préfix, le délai de l'article L 311-37 constitue une fin de non recevoir que le juge, en application de l'article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile, doit relever d'office (Cass Civ I 9 juin 1993, bull n° 211 Audijuris n 35 p 8, Cass Civ I 20 juin 2000, pourvoi 98-15.220 inédit) et qui peut être soulevée, conformément à l’article 123 du même code, en tout état de la procédure, même pour la première fois devant la cour d’appel après le dépôt de conclusions au fond (Cass Civ 1ere 31 mars 1998, bull n° 136)

Vincent VigneauConseiller référendaire à la Cour de cassationProfesseur associé à l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines.

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