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Le corps médical, la santé et l’hygiène dans l’EIC. A.-B. ERGO Les responsables de la santé et de l’hygiène étaient confrontés au Congo aux mêmes problèmes que les juristes : les distances, le temps nécessaire aux déplacements et le peu de personnel en rapport avec les immenses besoins sans compter les aléas de santé et le manque de moyens. Si on prend en considération toutes ces choses, entre 1885 (220 expatriés assez concentrés au Bas-Congo) et 1908 (2943 expatriés répartis dans 503 postes dans tout le pays), le travail effectué par le corps médical est d’autant plus remarquable que les vies, payées pour son accomplissement, sont très nombreuses. Ce n’est pas ce qu’on ressent à la lecture de l’article d’une trentaine de pages La médecine européenne dans l’État Indépendant du Congo (1885-1908) de Jean-Luc Vellut qui cadre peu avec le sujet (…dans l’État Indépendant du Congo) et qui disserte sur des faits non négligeables, mais marginaux. C’est pourquoi il me semblait utile de recadrer cette histoire, une précision de lieu et de temps, en citant essentiellement les hommes qui l’ont écrite. La période pré-léopoldienne, celle des factoreries au Bas-Congo, n’a laissé aucun document médical et la présence de médecins n’y est pas signalée avant 1876. Entre 1877 et l’État Indépendant du Congo, les efforts demandés aux pionniers, furent surtout physiques, dans une région aux conditions climatiques très différentes de celles des pays d’origine. Dans ces circonstances, les organismes les plus faibles résistèrent mal aux maladies endémiques de l’endroit et les décès furent importants : un expatrié sur cinq dans certaines régions. Très tôt cependant, des médecins belges vinrent proposer leurs services à l’Association internationale africaine (AIA) et parmi les premiers qui vinrent se dévouer sur place il convient de citer le pharmacien Courtois (1884) et également les médecins Dutrieux et Van den Heuvel qui ont accompagné les expéditions au départ de la côte Est de l’Afrique. Mais les problèmes de santé dépassaient les seuls expatriés et les maladies frappaient également les populations locales ou celles importées d’autres régions d’Afrique, lesquelles résistaient mal à certaines maladies, nouvelles pour elles et parfois importées par les pionniers. Il était du devoir du nouvel état de secourir, dans la mesure de ses moyens, toutes les personnes qu’il utilisait, aussi bien les autochtones que les pionniers. Et l’état n’a pas failli à ce devoir puisque l’organisation des secours médicaux et de l’hygiène fut une de ses premières préoccupations. Les missions et les entreprises créées ont également pris à leur compte une partie de ce travail. Dans un pays aussi vaste, aux communications difficiles, il ne fallait pas s’attendre à des miracles, mais on vit un nombre croissant de jeunes médecins de différentes nationalités se succéder au fur et à mesure de la création des postes. Un des premiers, le médecin Allard (1882-1885), mis sur pieds le service médical du Bas Congo et construisit même un sanatorium à Boma, pendant que d’autres médecins comme Wolf (1883-1886), Leslie (1883-1886), Nilis (1884-1885) et Mense (1885-1887) accompagnaient les premières expéditions dans le Haut Congo. C’est Mense qui organisa le service médical de Léopoldville, mais il convient de citer aussi l’excellent travail du médecin des missions protestantes Sims , qui restera de longues années dans ce poste clé. C’est en effet de ce poste que la décision sera prise de faire descendre certains malades dans le Bas Congo, et c’est de Matadi qu’on décidera de l’opportunité de leur renvoi en Europe. Au fur et à mesure de l’occupation du territoire et de la création des postes administratifs, des services médicaux voyaient le jour, comme à Basoko avec le médecin Dupont (1888-1895) ou à Djabbir avec le médecin Van Campenhout . Les médecins Montangie (1891-1892) et Magery (1892) moururent en accompagnant des expéditions comme de nombreux autres repris dans la liste suivante. Mais certains furent plus chanceux comme : le docteur Rossignon (1896-1907) présent à la bataille de Redjaf (1897) avec Chaltin, le docteur Amerlinck qui accompagne l’expédition Bia au Katanga en 1891, le docteur Hinde (1891-1894) qui prend part à la campagne arabe au côté de Dhanis, le docteur Buxant (1893-1895) qui prend part également à la campagne arabe mais au côté de Chaltin ou comme le docteur Meyers (1896-1899) qui fera même le coup de feu durant la répression de la révolte des soldats de Dhanis en 1897, tout comme les médecins Védy et Hennaux (1895-1907) ou le docteur Michaux (1894-1895) qui participera à la fin de la campagne arabe en Ituri.

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Le corps médical, la santé et l’hygiène dans l’EIC. A.-B. ERGO

Les responsables de la santé et de l’hygiène étaient confrontés au Congo aux mêmes problèmes que les juristes : lesdistances, le temps nécessaire aux déplacements et le peu de personnel en rapport avec les immenses besoins sanscompter les aléas de santé et le manque de moyens.Si on prend en considération toutes ces choses, entre 1885 (220 expatriés assez concentrés au Bas-Congo) et 1908(2943 expatriés répartis dans 503 postes dans tout le pays), le travail effectué par le corps médical est d’autant plusremarquable que les vies, payées pour son accomplissement, sont très nombreuses. Ce n’est pas ce qu’on ressent à lalecture de l’article d’une trentaine de pages La médecine européenne dans l’État Indépendant du Congo (1885-1908)de Jean-Luc Vellut qui cadre peu avec le sujet (…dans l’État Indépendant du Congo) et qui disserte sur des faits nonnégligeables, mais marginaux. C’est pourquoi il me semblait utile de recadrer cette histoire, une précision de lieu et de temps, en citantessentiellement les hommes qui l’ont écrite.

La période pré-léopoldienne, celle des factoreries au Bas-Congo, n’a laissé aucun document médical et la présence demédecins n’y est pas signalée avant 1876. Entre 1877 et l’État Indépendant du Congo, les efforts demandés auxpionniers, furent surtout physiques, dans une région aux conditions climatiques très différentes de celles des paysd’origine. Dans ces circonstances, les organismes les plus faibles résistèrent mal aux maladies endémiques del’endroit et les décès furent importants : un expatrié sur cinq dans certaines régions. Très tôt cependant, desmédecins belges vinrent proposer leurs services à l’Association internationale africaine (AIA) et parmi les premiersqui vinrent se dévouer sur place il convient de citer le pharmacien Courtois (1884) et également les médecinsDutrieux et Van den Heuvel qui ont accompagné les expéditions au départ de la côte Est de l’Afrique. Mais lesproblèmes de santé dépassaient les seuls expatriés et les maladies frappaient également les populations locales oucelles importées d’autres régions d’Afrique, lesquelles résistaient mal à certaines maladies, nouvelles pour elles etparfois importées par les pionniers.Il était du devoir du nouvel état de secourir, dans la mesure de ses moyens, toutes les personnes qu’il utilisait, aussibien les autochtones que les pionniers. Et l’état n’a pas failli à ce devoir puisque l’organisation des secours médicauxet de l’hygiène fut une de ses premières préoccupations. Les missions et les entreprises créées ont également pris àleur compte une partie de ce travail. Dans un pays aussi vaste, aux communications difficiles, il ne fallait pass’attendre à des miracles, mais on vit un nombre croissant de jeunes médecins de différentes nationalités se succéderau fur et à mesure de la création des postes.Un des premiers, le médecin Allard (1882-1885), mis sur pieds le service médical du Bas Congo et construisit même unsanatorium à Boma, pendant que d’autres médecins comme Wolf (1883-1886), Leslie (1883-1886), Nilis (1884-1885)et Mense (1885-1887) accompagnaient les premières expéditions dans le Haut Congo. C’est Mense qui organisa leservice médical de Léopoldville, mais il convient de citer aussi l’excellent travail du médecin des missionsprotestantes Sims, qui restera de longues années dans ce poste clé. C’est en effet de ce poste que la décision seraprise de faire descendre certains malades dans le Bas Congo, et c’est de Matadi qu’on décidera de l’opportunité deleur renvoi en Europe. Au fur et à mesure de l’occupation du territoire et de la création des postes administratifs, des services médicauxvoyaient le jour, comme à Basoko avec le médecin Dupont (1888-1895) ou à Djabbir avec le médecin VanCampenhout. Les médecins Montangie (1891-1892) et Magery (1892) moururent en accompagnant des expéditionscomme de nombreux autres repris dans la liste suivante. Mais certains furent plus chanceux comme : le docteurRossignon (1896-1907) présent à la bataille de Redjaf (1897) avec Chaltin, le docteur Amerlinck qui accompagnel’expédition Bia au Katanga en 1891, le docteur Hinde (1891-1894) qui prend part à la campagne arabe au côté deDhanis, le docteur Buxant (1893-1895) qui prend part également à la campagne arabe mais au côté de Chaltin oucomme le docteur Meyers (1896-1899) qui fera même le coup de feu durant la répression de la révolte des soldats deDhanis en 1897, tout comme les médecins Védy et Hennaux (1895-1907) ou le docteur Michaux (1894-1895) quiparticipera à la fin de la campagne arabe en Ituri.

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Médecins décédés pendant la durée de l’EIC.

Nom période âge cause nationalité fonctionAnelli, I. 1899-1899 29 maladie italien médecinArmour, S. 1896-1896 29 maladie américain médecinBoetz, P. 1898-1899 38 maladie belge médecinCaravaggi, A. 1898-1902 40 maladie italien médecinCastellote, R. 1898-1899 29 maladie anglais médecinCharbonnier, A. 1892-1894 28 maladie belge médecinCourtois, E. 1883-1884 28 maladie belge pharmacien engagé par l’AICDal Fabro, H. 1900-1901 30 accident italien médecinDecreny, E. 1891-1900 41 maladie belge médecinDe Corte, J. 1900-1908 26 maladie belge pharmacienDelecloz, H. 1896-1898 28 assassiné belge pharmacienFavre, M. 1900-1901 30 maladie italien médecinHanssen, C. 1898-1899 30 maladie belge médecinKutz, L. 1893-1896 29 maladie allemand médecinLeslie, R 1883-1894 34 maladie anglais médecin engagé par l’AICMagery, J. 1891-1892 26 assassiné belge médecin mission HodisterMontangie, A. 1891-1892 25 maladie belge médecinNillson, H. 1895-1896 46 maladie suédois médecinOehleirich, L. 1893-1893 29 maladie danois médecinPetit, A. 1889-1890 25 maladie belge médecinPeyrani, F. 1907-1908 26 accident italien médecinSmall, E. 1886-1896 41 accident anglais médecinStuckens, M. 1893-1893 31 maladie belge médecinVedy, L. (1) 1895-1907 36 maladie belge médecinWebb, S. 1894-1895 24 maladie anglais médecin

(1) Le docteur Vedy est le médecin qui a, pour la justice, constaté les morsures et la main arrachée par unphacochère chez l’adolescent Epondo. Le consul Casement n’a pas tenu compte de ses observations et a concludans son rapport au gouvernement britannique, de manière fallacieuse, que la main avait été coupée par unesentinelle de la Lulonga comme l’affirmaient les indigènes.

On remarquera que ces médecins sont de 7 nationalités différentes, qu’ils meurent pour la plupart durant leurpremier terme et que leur âge moyen est de 31 ans.À côté de ces médecins, il faut citer l’aide efficace des Sœurs de la Charité de Gand à l’hôpital de Kikanda créé par lacompagnie du chemin de fer qui engage également des médecins d’après le développement et l’étendue des travaux(notamment les docteurs Willems et Bertrand). Les dispositions législatives regardant l’hygiène, la santé ou l’art de guérir sont prises par décrets du roi ou parordonnances du gouverneur général comme, par exemple :

- le rôle du médecin comme expert des tribunaux (décret du 23/4/1889 article 41) ;- mesures hygiéniques en cas de dysenterie (ordonnance du 6/10/1889 articles 1 à 5) ;- maladies contagieuses épidémiques et épizooties (ordonnance du 24/8/1888 articles 1 à 14) ;- loi concernant le rapatriement des travailleurs étrangers (12/6/1892) ;- les mesures d’hygiène à prendre à l’égard des indigènes habitant à proximité des agglomérations

d’expatriés (20/2/1892) ;- l’ordonnance prescrivant la vaccination des indigènes et des gens de couleur (12/12/1894) ;- l’hygiène des centres urbains (14/8/1890) ;- la séparation des quartiers européens et indigènes (14/9/1898) ;- la création d’une Commission d’hygiène étudiant les questions de salubrité publique et veillant à

l’état sanitaire général (24/4/1899), la police sanitaire étant assurée par le commissaire de district ;

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ou en appliquant l’article 2 de l’acte général de la Conférence de Bruxelles de 1890 imposant un service sanitaire àtoute station ou expédition anti-esclavagiste ou encore en adhérant à la Convention de Genève sur les blessés etmalades de l’armée de campagne (27/12/1886).

Le 31/12/1888 un décret du roi fonde la première Association congolaise et africaine de la Croix rouge et le25/01/1889 est créée l’œuvre de l’Association de la Croix rouge du Congo dont les premiers collaborateurs furent lelieutenant général Joly, l’intendant en chef Maton et le colonel baron Lahure. Cette association a envoyé au Congo 3ambulances volantes qui ont été attribuées aux expéditions du Haut Uele, du Maniema et du Katanga. Chacune deces ambulances comprenait 3 tentes, 6 lits brancards, 6 hamacs, 2 pharmacies portatives contenant les médicamentset les instruments nécessaires à la pratique médicale. À Boma, en 1889, la croix rouge a créé 4 pavillons destinés auxexpatriés malades quels qu’ils soient et a mis ces pavillons à la disposition du médecin de Boma. Dans cette ville l’étata créé une pharmacie centrale mise sous la direction d’un pharmacien diplômé. La croix rouge a également créé unhôpital pour expatriés à Léopoldville en 1897. Les médecins en premier terme ont le grade de lieutenant, les autresont rang de capitaine. Les soins sont gratuits pour les agents de l’état et les indigènes, ils sont payants pour les autresà raison d’une £ par consultation. Un hôpital pour la Force publique a également été créé à Boma.Comme les médecins de campagne en Belgique à l’époque, les médecins du Congo préparent eux-mêmes lesmédicaments qu’ils prescrivent.À Boma également, fut créé un institut vaccinogène contre la variole pour répondre aux nombreuses demandes enprovenance des stations de l’état où les autochtones viennent en grand nombre pour se faire vacciner.

La recherche médicale dans l’EIC.

En 1896, le premier médecin venu au Congo pour y faire de la recherche médicale était le jeune bactériologiste HenriDemarbaix, mais celui-ci dut rentrer rapidement en Europe et mourut peu de temps après son retour. En 1897, degénéreux donateurs attribuent aux services médicaux un crédit de 50.000 francs pour fonder un laboratoire et unemission scientifique médicale au Congo. Un comité d’études composés de médecins discuta de l’utilisation de cesdons et le docteur Van Campenhout qui avait 6 années d’expérience au Congo fut choisi, après des stages à l’Institutde recherches médicales de Liverpool et chez les savants Marctrafava, Celli et Bastranelli à Rome pour diriger unlaboratoire de bactériologie et de chimie biologique, à Boma dans un premier temps, lequel sera transféré àLéopoldville plus tard.Le programme de recherche est relativement vaste :

- rechercher les causes de la fièvre bilieuse hémoglobinurique et les remèdes éventuels ;- rechercher la cause des diarrhées et des dysenteries tropicales et leurs connexions avec les hépatites

suppurées- rechercher les maladies produites par la filariose du sang et l’origine de l’éléphantiasis ;- déterminer la ration d’entretien nécessaire au Blanc s’acclimatant et au Blanc acclimaté, ainsi que la

capacité de travail des Blancs dans les deux états ;- analyser les denrées alimentaires utilisées au Congo.

Et plus tard, en rapport avec la maladie du sommeil, des travaux sur l’atoxyl et sur l’émétique de potassium appliquéen intraveineuse et des recherches sur les filarioses et plus particulièrement sur le filaire de Bancroft ou encore surles porocéphales. On y étudia aussi l’étiologie de la Tick fever. Il est assez étonnant de constater que J.-L. Vellut semble minimiser, dans son article, l’existence de travaux derecherches médicales à l’époque.

Certains médecins de passage à Boma (notamment Védy) feront des stages au laboratoire et le docteur Etienne de laCroix rouge de Boma entretiendra avec le laboratoire des relations professionnelles fortes, en renseignantjournellement à celui-ci les cas intéressants, en appliquant aux malades les traitements préconisés par VanCampenhout et en étudiant lui-même les nouveaux procédés.En 1900, le laboratoire sera repris par le docteur Broden qui le dirigera jusqu’en 1911, seul dans un premier temps,puis assisté du docteur Rhodain à partir de 1905.

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Les résultats des travaux du laboratoire durant les premières années sont détaillés dans deux publications éditées parHayez à Bruxelles en 1901 et en 1906. Mais en 1893, apparaît une publication de 125 pages du docteur Dryepondt,relatives aux maladies tropicales, publication qui distribuée largement contribuera à aider les broussards isolés.(Guide pratique hygiénique et médical du voyageur au Congo).Le roi Léopold II était très préoccupé de la santé des expatriés et des indigènes et en 1903, dans le but de poursuivreavec méthode la lutte contre la maladie du sommeil, il fait envoyer un questionnaire aux expatriés du Congo et auxanciens d’Afrique. Les résultats de cette enquête ont été envoyés à la mission de l’école de médecine tropicale deLiverpool composée des spécialistes Dutton, Todd et Christy. La même année, le roi finança une mission de cetteécole durant 23 mois au Congo, dont les travaux furent consignés dans les Mémoires XIII et XVIII de l’institution auxannées 1905, 1906 et 1907 sous la signature des spécialistes précités. Dans la préface de ce rapport, on peut lire : « ilnous est impossible d’exprimer suffisamment la dette de reconnaissance que nous avons envers l’État Indépendant duCongo et envers ses représentants ». En 1905, le docteur Dutton se blessa en inoculant la maladie à des cobayes et il succomba à celle-ci. La même année,le roi fit un don de 135.000 francs à l’institut de Liverpool et l’année suivante il créa un fonds de 300.000 francs àdécerner à la personne qui découvrira un remède contre la trypanosomiase. En 1906 également, le roi s’intéressaparticulièrement à la création de l’Institut de médecine tropicale au parc Duden à Forest, dont les premiersprofesseurs furent Van Campenhout, Firket et Jacquet, institut transféré plus tard à Anvers, où existant encoreaujourd’hui, il reste une référence reconnue en médecine tropicale.En 1907, le docteur Van Campenhout publie une communication dans les Annales de l’Académie de médecine deBelgique dans laquelle il parle d’une méthode de traitement de la maladie du sommeil expérimentée sur plusieursmalades avec des résultats satisfaisants. Cela répondait tout à fait à la note suivante du roi aux Secrétairesgénéraux : L’État Indépendant du Congo a mis fin à la traite sur ses territoires non sans une lutte de plusieurs années danslaquelle il a triomphé grâce à sa persévérance. Il a empêché l’entrée de l’alcool dans le Haut Congo qui, sans cetteprohibition, aurait été empoisonné. Il a introduit le vaccin, bienfait immense. Toute son énergie doit se porter àcombattre la maladie du sommeil qui décime l’Afrique centrale.Il est hors de doute que pendant cette période, malgré le nombre restreint de médecins pour la tâche à accomplir,l’effort a été d’une constance et d’une rigueur remarquables. Outre les hôpitaux dont on a déjà parlé, un hôpital futconstruit à Léopoldville en 1897 et deux autres à Stanleyville (1907) et à Nouvelle Anvers (1908). Un autre hôpital futconstruit à Coquilhatville et un dernier à Boma auquel fut annexée une école professionnelle pour infirmiers. Lechemin de fer, de son côté, créait un second hôpital à Thysville. Si les premières installations étaient réalisées enmatériaux locaux, elles furent assez rapidement transformées en hôpitaux plus modernes.Pour protéger les régions non infectées par la maladie, des postes de contrôle furent installés aux extrémités desgrandes voies de pénétrations à Yakoma, Ibembo, Stanleyville, Kindu, Kabinda, Uvira et Lado. Au passage à cespostes, tous les passagers étaient examinés par des médecinsDans les régions contaminées (la moitié du Congo) où on observe jusqu’à 80 % de décès dans la population, on aconstruit 14 lazarets pour recevoir et traiter les malades ; dans les postes officiels, les missions et les établissementscommerciaux, les responsables ont reçu une formation pratique élémentaire pour découvrir rapidement lestrypanosomés et leur donner des premiers soins avant de les transférer aux lazarets. Ils ont également été formés àdétruire les gites de la tsé-tsé près des habitations et le long des rivières.D’autre part, 8 centres vaccinogènes contre la variole ont été créés dans le pays où on a pu considérer qu’uneépidémie de variole n’était plus à craindre.En Belgique, à l’initiative du commandant Lemaire et de Madame de Rongé, fut créée une œuvre connue sous le nomde Villa coloniale de Watermael, où, dans une propriété d’un hectare, furent hospitalisés et soignés dans deschimbèques en bois, des pionniers qui rentraient gravement malades de l’EIC. Cette association fut active grâce auxdons privés et à ceux des grandes compagnies et du gouvernement. Des docteurs, anciens d’Afrique (VanCampenhout, Dryepondt, Hennaux), leur donnaient les soins indispensables.

En Uganda, autour du lac Victoria, la maladie du sommeil a décimé, à l’époque, 78% de la population. On en fait unsimple constat.

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Dans l’EIC, où plus de 50% du territoire subissaient cette endémie, au contraire, les contempteurs attribuent tous lestrypanosomés décédés au régime de Léopold II, celui qui fit probablement le plus pour combattre la maladie enAfrique centrale.Allez comprendre !En écrivant ces quelques lignes, je ne peux m’empêcher de penser au docteur Blanes (médecin espagnol) qui avaitrejoint notre équipe (4 Européens et 2 Congolais) en 1965, à la réoccupation armée de la plantation de Yaligimbadurant la rébellion muléliste. La situation du médecin était pratiquement celle des médecins pionniers : lespopulations, très éprouvées physiquement et moralement, commençaient à sortir de la forêt où elles s’étaientréfugiées durant un an et le médecin était arrivé avant et sans les médicaments, bloqués quelque part par ladésorganisation des transports. Au département des recherches que je réoccupais, le magasin des produits de laboratoire était intact et le docteur estvenu voir, préoccupé et anxieux, s’il contenait des produits utilisables comme médicaments. Il m’a demandé les 50litres de perhydrol (eau oxygénée très concentrée) qu’il comptait réduire avec de l’eau distillée (à fabriquer) et avaitprélevé certains autres produits chimiques purs dont il comptait faire des onguents avec de l’huile de palme solide.(Ce qu’il fabriqua lui-même durant les longues soirées). Il avait quitté le magasin plus rassuré.Dans l’attente des médicaments arrivés un mois plus tard, ce sont ces préparations improvisées et nonconventionnelles qui ont aidé et guéri certains malades.Je pense que comme le docteur Blanes, les médecins pionniers ont dû prendre, parfois, des décisions réfléchies etaudacieuses.Il faut avoir vécu l’Afrique, pour en parler et pour juger.

Des photos d’époque parlent mieux qu’un long discours

Hôpital pour militaires à Boma Hôpital pour autochtones à Boma avec école d’infirmiers

Le docteur Van Campenhout dans son laboratoire Le chimbèque à Watermael

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Installation de la Croix rouge à Banana Le docteur Van Campenhout

Hôpital de Léopoldville Hôpital de Nouvelle Anvers

Institut vaccinogène de Lokandu Laboratoire de bactériologie de Léopoldville

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Bamania. Infirmerie de l’hospice.

Boma. Pharmacie.

St

anleyville. Consultation médicale.

Hôpital pour Noirs. Coquilhatville

Hôpital de Léopoldville

Intérieur du laboratoire de Léopoldville

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