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N° 1172 du 18 au 24 avril 2013 courrierinternational.com Belgique : 3,90 € Tel-Aviv, carrefour du monde BELGIQUEAU TEMPS DES ZOOS HUMAINS TIBET— RÉSISTER AUTREMENT ESPAGNE — UNE ARNAQUE DE 32 MILLIARDS Foot, luxe, soutien aux islamistes… L’émirat est présent partout. La presse internationale s’interroge. DES SOURIS COMME DES HOMMES A quoi joue le Qatar ? Pour tester des traitements contre le cancer ou le VIH, des chercheurs créent des rongeurs génétiquement modifiés noir Belgique 3,90€ - Luxembourg 3,90€ (!4BD64F-eabacj!:l;q

Le Courrier International du 18 avril 2013

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A quoi joue le Qatar ?

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  • N 1172 du 18 au 24 avril 2013courrierinternational.comBelgique : 3,90

    Tel-Aviv, carrefour du monde

    BELGIQUEAU TEMPS DES ZOOS HUMAINS TIBET RSISTER AUTREMENTESPAGNE UNE ARNAQUE DE 32 MILLIARDS

    Foot, luxe, soutien aux islamistes Lmirat est prsent partout. La presse internationale sinterroge.

    DES SOURISCOMME DESHOMMES

    A quoi jouele Qatar ?

    Pour tester des traitementscontre le cancer ou le VIH, des chercheurscrent des rongeursgntiquementmodis

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    Les protines ont-elles un effet coupe faim ?

    Lalcoolisme est-il hrditaire ?

    100 pages

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  • Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 3

    DITORIALRIC CHOL

    www.courrierinternational.comTATS-UNIS Les suites de lattentat de Boston.Ractions et reportages.WEBDOC Fini de rire. Un baromtre de la libert de la presse vue travers les dessinateurs (photo). PAKISTAN AUTREMENT Dossier spcial ( suivre aussi via #Pakistanautrement): un autre regard sur le pays un mois avant les lections du 11mai.

    Retrouvez-nous aussi sur Facebook, Twitter, Google+et Pinterest.

    SUR NOTRESITE

    Double jeuA peine plus grand que la Dordogne,indpendant depuis moins dun demi-sicle, le Qatar aurait pu resterune petite ptromonarchie du Golfeune Suisse richissime avec desrserves de gaz et sans histoire. ett compter sans les rves de grandeur de lmir. Son carnet de chquesinpuisable a permis de transformer le Qatar en nouvelle Mecque du sport,en investisseur frntique, en nouveaumatre de lindustrie du luxe et desarts. Harrods, le PSG, le Printemps,Picasso : pas une semaine ne passesans quun nouveau rachat soitannonc, Londres, Paris ou Milan. En ce sens, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani est bien le dignehritier de Mohammed ben Thani,lentrepreneur respect de Doha choisien1868 par le colonel britanniqueLewis Pelly pour ngocier un trait de paix. Mais lmir du Qatar ne se contente pas de jouer au Monopoly.Celui qui destitua son pre en1995 par un coup dEtat sans violence sestvite initi aux subtilits de la politiqueinternationale. Il y a chez lui du Talleyrand, tant il use et abuse du double jeu diplomatique. Ami de toujours des Etats-Unis, il nancesans compter les armes des islamistes.Proche dEnnahda en Tunisie, du ctdes rebelles en Syrie et soutien duHamas, le Qatar est sur tous les fronts.Du Soudan lAfghanistan. Du Parcdes Princes au gratte-ciel londonienShard. Cette hyperactivit nit par inquiter. Trop ambigu, limage du Qatar se lzarde. Et si lmir, sestrois femmes (dont la cheikha Mozah)et ses vingt-quatre enfants continuentde fasciner le monde des puissants, lapresse internationale sinterroge: mais quoi donc joue le Qatar? Elmentsde rponse dans notre dossier et sur le site de Courrier international.

    En couverture : lmir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, lors dune visite ocielle Londres. Photo Kirsty Wigglesworth/AP-Sipa

    Retrouvez Eric Chol chaque matin 6 h 55,

    dans la chronique O va le monde

    sur 101.1 FM

    p.30 LA UNE

    Sommaire

    p.6 TATS-UNIS

    Boston sous le chocAu moins 3 personnes sont mortes et plus de 100 autres ont t blesses dans une doubleexplosion larrive du marathon, lundi 15 avril. Un attentat non revendiqu immdiatement.

    7 jours dansle monde.

    Les Aborignes se racontent

    Dun ct, il investit massivement dansle luxe, le sport, les terres arables, lespalaces et limmobilier. De lautre, il sou-tient des islamistes dans les pays duprintemps arabe et en Syrie. Enqutesur la stratgie politique et financirede lmirat.

    P.4

    QUOI JOUELE QATAR ?

    p.12

    Etats-Unis Les 166 oublis de GuantanamoDes dizaines de prisonniers trangers jamais inculps, jamais jugs sont en grve de la faim depuis plusieurs semaines pour protester contre le sort qui leur est fait. Je ne malimenterai que lorsquon maura rendu ma dignit, tmoigne lun deux.

    p.10

    VenezuelaLes fantmes de ChvezEn plein centre de Caracas, la tour de David, immense bidonville vertical,symbolise les drives du chavisme.Dimanche, pourtant, ses habitants sontalls voter pour le successeur dsign,Nicols Maduro. Dont llection de justesse la prsidence est dj conteste.

    360

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  • Edit par Courrier international SA, socit anonymeavec directoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 . Actionnaire La Socit ditrice du Monde. Directoire Antoine Laporte, prsident et directeur de la publication ; Eric Chol. Conseil de surveillance Louis Dreyfus, prsident.Dpt lgal Avril 2013. Commission paritaire n 0712c82101. ISSN n1154-516XImprim en France/Printed in France

    4. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    Rdaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baf, 75212 Paris Cedex 13Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax gnral 33 (0)1 46 46 16 01 Faxrdaction 33 (0)1 46 46 16 02 Site web www.courrierinternational.com courriel [email protected] Directeur de lardaction Eric Chol Rdacteurs en chef Jean-Hbert Armengaud(16 57), Claire Carrard (dition, 16 58), Odile Conseil (dlgue 16 27),Rdacteurs en chef adjoints Catherine Andr (16 78), RaymondClarinard, Isabelle Lauze (hors-sries, 16 54). Assistante DalilaBounekta (16 16) Rdactrice en chef technique Nathalie Pingaud(16 25) Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31) Direc-teur de la communication et du dveloppement Alexandre Scher(16 15) Conception graphique Javier Errea Comunicacin

    Europe Catherine Andr (coordination gnrale, 16 78), DanileRenon (chef de service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suissealmanique, 16 22), Gerry Feehily (Royaume-Uni, Irlande, 16 95), LucieGeroy (Italie, 16 86), Nathalie Kantt (Espagne, Argentine, 16 68),Daniel Matias (Portugal, Brsil, 16 34), Iwona Ostapkowicz (Pologne,16 74), Caroline Marcelin (chef de rubrique, France,17 30), Iulia Badea-Gurite (Roumanie, Moldavie, 19 76), Wineke de Boer (Pays-Bas), Solveig Gram Jensen (Danemark, Norvge), Alexia Kefalas (Grce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rnnqvist(Sude), Alexandre Lvy (Bulgarie, coordination Balkans), AgnsJarfas (Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie, Kosovo), Miro Miceski(Macdoine), Martina Bulakova (Rpublique tchque, Slovaquie),Kika Curovic (Serbie, Montngro, Croatie, Bosnie-Herzgovine),Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie), Russie, estde lEurope Laurence Habay (chef de service, 16 36), Alda Engoian(Caucase, Asie centrale), Larissa Kotelevets (Ukraine) AmriquesBrangre Cagnat (chef de service, Amrique du Nord, 16 14), EricPape (Etats-Unis, 16 95), Anne Proenza (chef de rubrique, Amriquelatine, 16 76), Paul Jurgens (Brsil) Asie Agns Gaudu (chef de service, Chine, Singapour, Tawan, 16 39), Christine Chaumeau (Asiedu Sud-Est, 16 24), Ingrid Therwath (Asie du Sud, 16 51), YsanaTakino (Japon, 16 38), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), Elisabeth D. Inandiak(Indonsie), Jeong Eun-jin (Cores), Kazuhiko Yatabe (Japon) Moyen-Orient Marc Saghi (chef de service, 16 69), Ghazal Golshiri (Iran),Pascal Fenaux (Isral), Philippe Mischkowsky (pays du Golfe), PierreVanrie (Turquie) Afrique Ousmane Ndiaye (chef de rubrique, 16 29),Hoda Saliby (chef de rubrique Maghreb, 16 35), Chawki Amari(Algrie), Sophie Bouillon (Afrique du Sud). Transversales PascaleBoyen (chef des informations, Economie, 16 47), Catherine Guichard(Economie, 16 04), Anh Ho Truong (chef de rubrique Sciences etInnovation, 16 40), Gerry Feehily (Mdias, 16 95), Virginie Lepetit(Signaux). Magazine 360 Marie Bloeil (chef des informations, 17 32),Viriginie Lepetit (chef de rubrique Tendances, 16 12), Claire Maupas(chef de rubrique Insolites 16 60), Raymond Clarinard (Histoire),Catherine Guichard. Ils et elles ont dit Iwona Ostapkowicz (chefde rubrique, 16 74)

    Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, responsabledu web, 17 33), Carolin Lohrenz (chef ddition, 19 77), Carole Lyon(rdactrice multimdia, 17 36), Paul Grisot (rdacteur multimdia,17 48), Pierrick Van-Th (webmestre, 16 82), Patricia Fernndez Perez(marketing), Agence Cour rier Sabine Grandadam (chef de service,16 97) Traduction Raymond Clarinard (rdacteur en chef adjoint),Natalie Amargier (russe), Isabelle Boudon (anglais, allemand),Franoise Escande-Boggino (japonais, anglais), Caroline Lee (anglais, allemand, coren), Franoise Lemoine-Minaudier (chinois),Julie Marcot (anglais, espagnol, portugais), Daniel Matias (portugais),Marie-Franoise Monthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais),Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol(anglais,espagnol), Danile Renon (allemand), Mlanie Sinou (anglais, espagnol),Leslie Talaga (anglais, espagnol) RvisionJean-Luc Majouret (chef deservice, 16 42), Marianne Bonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Grard, Franoise Picon, Philippe Planche, Emmanuel Tronquart (siteInternet) Photo graphies, illustrations Pascal Philippe (chef deservice, 16 41), Lidwine Kervella (16 10), Stphanie Saindon (16 53) Maquette Bernadette Dremire (chef de service), Catherine Doutey,Nathalie Le Drau, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, Denis Scudeller,Jonnathan Renaud-Badet, Alexandre Errichiello, Cline Merrien(colorisation) Cartographie Thierry Gauth (16 70) InfographieCatherine Doutey (16 66) Calligraphie Hlne Ho (Chine), AbdollahKiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon) Informatique Denis Scudeller (16 84)Directeur de la production Olivier Moll Fabrication NathalieCommuneau (direc trice adjointe), Sarah Trhin (responsable defabrication). Impression, brochage Maury, 45330 Malesherbes.

    Ont particip ce numro Alice Andersen, Lna Bauer, GillesBerton, Jean-Baptiste Bor, Isabelle Bryskier, Manon Flausch,Nicolas Gallet, Gabriel Hassan, Steven Jambot, Antonin Lambert,Manon Lemoine, Jean-Baptiste Luciani, Valentine Morizot,Corentin Pennarguear, Isabelle Taudire, Blandine Tourain.

    Secrtaire gnral Paul Chaine (17 46). Assistantes : NatachaScheubel (16 52), Sophie Nzet (partenariats, 16 99), Sophie Jan.Gestion:BndicteMenault-Lenne(responsable,1613). Comptabilit : 01 48 88 45 02. Responsable des droitsDalila Bounekta(16 16). Ventes au numroResponsable publications :Brigitte Billiard.Direction des ventes au numro : Herv Bonnaud. Chef de produit :Jrme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40). Diusion inter na-tionale : Franck-Olivier Torro (01 57 28 32 22). Promotion ChristianeMontillet. Marketing Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), VroniqueLallemand (16 91), Lucie Torres (17 39), Romassa Cherbal (16 89).

    GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLCOURRIER INTERNATIONAL pour la Belgique et le Grand Duch de Luxembourg est commercialis par le GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLqui est une association entre la socit anonyme de droitfranais COURRIER INTERNATIONALet la socit anonyme de droit belge IPM qui est lditeur de La Libre Belgique et de La Dernire Heure Les Sports. Co-grant Antoine LaporteCo-grant et diteur responsable Franois le HodeyDirecteur gnral IPM Denis PierrardDirection logistique IPM Christian De CosterCoordination rdactionnelle Pierre Gilissen

    + 32 2 744 44 33Ouvert les jours ouvrables de 8h 14h.Rue des Francs, 79 1040 BruxellesPublicit RGP Luc Dumoulin [email protected] + 32 2 211 29 54Services [email protected] + 32 2 744 44 33 / Fax + 32 2 744 45 55Libraires + 32 2 744 44 77Impression Sodimco SADirecteur Eric Bouko + 32 2 793 36 70

    Les journalistes de Courrier international slectionnent et traduisent plus de 1 500 sourcesdu monde entier : journaux, sites, blogs. Ils alimentent lhebdomadaire et son site courrierinternational.com. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilises cette semaine :Al-Ahram Weekly Le Caire, hebdomadaire. Algrie-Focus (algerie-focus.com) Paris, Alger, en ligne. Alternativas EconmicasBarcelone, mensuel. HaAretz Tel-Aviv, quotidien. The Canberra Times (extraits) Australie, quotidien. Clarn Buenos Aires,quotidien. The Christian Science Monitor (csmonitor.com) Boston, en ligne. CNN (edition.cnn.com) Washington, en ligne.Corriere della Sera Milan, quotidien. Dagens Nyheter Stockholm, quotidien. The Daily Telegraph Londres, quotidien. DawnKarachi, quotidien. El Diario (eldiario.es) Madrid, en ligne. Elaph (www.elaph.com) Londres, en ligne. Financial Times Londres,quotidien. The Guardian Londres, quotidien. Hrriyet Istanbul, quotidien. LIntelligent dAbidjan Cte dIvoire, quotidien.The New York Times Etats-Unis, quotidien. Le Nouvelliste Port-au-Prince, quotidien. The Observer Londres, hebdomadaire.Pgina12 Buenos Aires, quotidien. El Pas Madrid, quotidien. Qu Pasa Santiago, hebdomadaire. Le Rpublicain Bamako,quotidien. Science News Washington, hebdomadaire. Der Spiegel Hambourg, hebdomadaire. Le Temps Genve, quotidien.The Texas Observer Austin, mensuel. Tibetan Political Review Inde, en ligne. The Times Londres, quotidien. USAToday McLean(Virginie), quotidien. La Vanguardia Barcelone, quotidien. Webdo (webdo.tn) Tunis, en ligne. Die Zeit Berlin, hebdomadaire.

    Sommaire

    Toutes nos sources Chaque fois que vous rencontrez cette vignette, scannez-la et accdez un contenu multimdia sur notre site courrierinternational.com (ici, la rubrique Nos sources).

    7 jours dans le monde6. Etats-Unis. On ne peut pas tout protger9. Portrait. Ricken Patel :la voix du peuple, le clic de la souris

    Dun continent lautreAMRIQUES10. Venezuela. Les squatteursdu gratte-ciel votent aussi11. Hati. Laide assassine12. Etats-Unis. Les 166 oublis de Guantanamo

    ASIE14. Tibet. La rsistance au quotidien16. Pakistan. A Quetta, le bonheur malgr toutAFRIQUE18. Maroc. Pays dimmigrsespagnols 19. Cte dIvoire. Deuxbougies, un pays divis

    Transversales38. Economie. Une arnaque de 32 milliards deuros40. Sciences et innovation.Des souris plus humainesque jamais42. Mdias. Le blog qui nargue les narcos43. Signaux. Cerveauxmigrateurs

    36044. Reportage.En transit Tel-Aviv48. Plein cran. LesAborignes se racontent.Combatientes, la guerre hauteur dhommes50. Culture. Le roman 230 mains52. Tendances. En Catalogne,les clients font la plonge

    54. Histoire. 1982, Malouines.

    Les rsistants du bout du monde

    EUROPE20. Royaume-Uni.Ils sont venus enterrerThatcher22. Espagne. Le compteTwitter de la police fait un carton

    FRANCE24. Un pays bloqu, rong, min

    BELGIQUE26. Mmoire. Le zoo humainde 1913.

    A la une30. A quoi joue le Qatar ?

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  • 6. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    TATS-UNIS

    On ne peut pas tout protgerAu lendemain des explosions qui ont fait 3 morts et plus de 100 blesss lors du marathon de Boston, le 15 avril, les supputations allaient bon train sur les auteurs de ces attentats. USA Today appelle ne pas accuser trop vite.

    7 jours dansle monde.

    USA Today (extraits)McLean (Virginie)

    La scne est tristement fami-lire: assembls autourdcrans de tlvision, nousregardons dun il incrdule leux incessant de vidos ama-teurs. Nous essayons de com-prendre le dernier dune sriedvnements violents et inex-plicables survenus dans un lieuimprobable.

    Il y a six ans, ctait le campusde Virginia Tech. En juillet der-nier, un cinma du Colorado. Endcembre, une cole lmentairedu Connecticut. Ce lundi, cestsur la ligne darrive du mara-thon de Boston que deux enginsexplosifs ont tu trois personneset fait des dizaines de blesss.

    Comme les prcdents, cetattentat a surpris toutle monde. Il nauraitpeut-tre pas d. Legroupe de rexion HeritageFoundation a en eet dnombrpas moins de cinquante complotsterroristes dont quarante-deuxdorigine domestique depuisles attaques du 11septembre 2001.Le fait quils aient pu tre djous temps alimente en nous un sen-timent de conance aveugle. Lavrit est quil est impossible

    dassurer la scurit de tous lesrassemblements publics ou dan-ticiper la prsence dun dsquili-br. On ne peut pas tout protger enmme temps,explique Bill Bratton,ancien commissaire de police.

    Mme les sites arms sont vul-nrables. En tmoigne lexempledu psychiatre de larme NidalHassan, qui a tu 13 membres dupersonnel militaire de la base deFort Hood en 2009. Mais qui senprendrait au marathon de Boston,et pourquoi? Les Etats-Unis savent,par exprience, quil faut se merdes conclusions htives. En 1995,lexplosion dun btiment fdral Oklahoma City qui avait causla mort de 168 personnes ntaitpas luvre de terroristes tran-gers, comme on la dabord cru,mais celle dun forcen amricain.En 1996, aprs les attentats des

    Jeux olympiques dAt-lanta, on a dabord accusun garde de la scurit

    avant de dcouvrir que le res-ponsable tait un militant de lasuprmatie de la race blanche.

    Vu le nombre de camras devidosurveillance et dindices lais-ss sur le lieu de lattentat, le payssaura certainement bientt lavrit sur ces attaques et naurapas le temps de salir la rputationdinnocents.

    A limage des victimes datten-tats qui, juste aprs une explosion,vrient sils ont bien leurs deuxbras, leurs deux jambes, leurs yeux,leurs doigts et si les gens autourdeux nont pas besoin daide, notredegr de stupeur dpend dunombre des victimes et des dom-mages subis. Ce nest certes pasune consolation, mais cet gardles attentats de Boston auraientpu avoir des consquences bienpires si les bombes avaient t pluspuissantes et si la foule avait tplus compacte ce moment-l.

    Alors comment ragir cettetragdie? Avec dtermination.Nallons pas brandir des doigtsaccusateurs ou cder des libertsfondamentales. Et gardons notresang-froid car cest prcismentce que les terroristes essaient denous faire perdre.

    En finir avec la chasse aux sorciresPAPOUASIE-NOUVELLE-GUINE A deux reprises depuis dbut 2013,des femmes accuses dtre dessorcires ont t mises mortdans des conditions atroces, lyn-ches par la foule des faits quiont suscit une vague dmotionbien au-del du pays. En rponse,le Premier ministre, Peter ONeill,a annonc son intention dabro-ger la loi sur la sorcellerie, quidate de 1971. Celle-ci, prcise TheNew York Times, criminalise lapratique de la sorcellerie; elle recon-nat aussi des circonstances att-nuantes lauteur dun meurtresur une personne souponne desorcellerie.

    Des femmes enbas de lchelle

    SUISSE En matire dgalit entreles sexes, la Suisse est curieuse-ment la trane, note The WallStreet Journal, prenant lexempledu traditionnel festival Sechselu-ten, qui a lieu chaque anne Zurichpour clbrer la n de lhiver; le13avril, il a vu dler les reprsen-tants des corporations en costumedpoque uniquement deshommes, telle est la rgle, de plusen plus critique nanmoins. Lequotidien amricain rappelle queles femmes nont obtenu le droitde vote dans la Confdration hel-vtique quen 1971 et que la sphreprofessionnelle ne leur est gureplus favorable: la dirence desalaire entre hommes et femmesy est plus importante quen Franceou en Italie, mais aussi quen Rpu-blique tchque ou en Irlande. Etleur prsence des postes de direc-tion reste lune des plus faiblesdu monde.

    SOURCES : THE WALL STREET JOURNAL, GRANT THORNTON INTERNATIONAL BUSINESS REPORT 2013

    CHINE

    POLOGNE

    BOTSWANA

    TURQUIE

    AFR. DU SUD

    FRANCE

    MALAISIE

    TATS-UNIS

    INDE

    SUISSE

    JAPON

    Part des postes de direction occups par des femmes (par pays, en %)

    Moyennemondiale24 %

    5148

    3230282626

    2019

    147

    La monarchie a un coup dans laile

    ESPAGNE Alors que des aairesde corruption claboussent la familleroyale, la traditionnelle manifes-tation du 14avril, date anniversairede la proclamation de la IIe Rpu-blique, en 1931, a rassembl cetteanne une foule dEspagnols quiont dl pour demander uneIIIe Rpublique (photo). Cest sansdoute la plus forte mobilisation depuis1975 [aprs la mort de Franco, desmanifestations de masse ont eu lieupour exiger la rupture avec le fran-quisme], crit le magazine La Marea.Les scandales lis la maison royalesont srement la cause de ce succs.Daprs le journal El Diario, la droite(au pouvoir) et la gauche espa-gnoles tudient chacune de leurct un processus dabdication sile roi Juan Carlos dcidait de cderle pouvoir son ls Felipe. Le jour-nal en ligne de gauche Pblico a deson ct organis un sondage viaTwitter auprs de ses lecteurs: plusde 42000 avaient rpondu au15avril, se dclarant plus de 90%favorables la rpublique.

    Le mariage pour nous!

    BRSIL Mariagegay, titrel h e b d o -m a d a i r ebrsil ienVeja dansson ditiondu 10avril,affichant

    la une le couple form par laclbre chanteuse Daniela Mer-cury et sa compagne journaliste,qui ont publiquement rvl leurunion. La rvlation assume deson homosexualit par DanielaMercury na rien danecdotique:elle se produit en pleine pol-mique sur la nomination, le 7marsdernier, du pasteur homophobeet raciste Marco Feliciano la pr-sidence de la commission desDroits de lhomme et des Mino-rits de la Chambre des dputs.Un quivalent du Pacs existe auBrsil; le mariage homosexuelest autoris dans dix Etats de lafdration.

    Dessin de Pat Bagley, Etats-Unis.

    DITO

    USA TODAY McLean (Virginie)Quotidien, 1600000 ex.Ce titre populaire cr en 1982 nenore pas moins des articles de qualit.Unique quotidien national des Etats-Unis (avec The Wall Street Journal), il est sans doute aussi celui qui permetle mieux dapprhender les sujetsauxquels sintressent les Amricains.

    SOURCE

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  • 7 JOURS.Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 7

    du lundi au vendredi 16h15 et 21h50

    franceinfo.fr

    LACTUALITINTERNATIONALEUN MONDE DINFO

    DE NOUSILS PARLENT

    MAGNUS FALKEHED, correspondant du quotidien sudois Dagens Nyheter.

    La transparence,ncessaireet invitableLes ministres franais ont d dvoiler leur patrimoineau nom de la transparence. Est-ce, selon vous, une mesuresouhaitable et utile? Oui, cest en tout casncessaire et mme invi-table si lon veut la foisdonner plus doutils lapresse pour enquter etmettre les lus devant leursresponsabilits. Etre un lu nestpas un mtier comme un autre. Cest unmandat qui repose sur une conancemutuelle. En Sude, je sens demble de laconance de la part de ladministration mon gard et non de la mance, commecest trop souvent le cas en France.

    Laaire Cahuzac, qui est lorigine de cette mesure, va-t-elle, selon vous, laisser des traces dans la vie politique franaise? Oui, dans la mesure o pour la premirefois les lus ont lair de raliser quon achang dpoque. Les citoyens semblentmoins troubls que leurs lus, surtout lesplus jeunes, qui publient dj leur vie privesur les rseaux sociaux.

    Peut-on imaginer pareille aaire en Sude? Bien sr! On a eu des aaires similaires.Les Sudois ne sont pas gntiquement plushonntes que les Franais! Nous avons sim-plement des contre-pouvoirs plus ecaces.Il existe aussi en Sude, aprs soixante-quatreans de transparence permise par le droitdaccs aux documents publics, une racti-vit plus grande ds lors que largent de lasolidarit nationale est en danger.

    Ces poulets ne sont pas aects par le virus H7N9 c'est en tout cas ce quarme leur discret leveur. La scne se passe Yuxin, dans la province de Zhejiang, proche de Shanghai; les six marchs la volaille de la ville ont tferms par crainte de la transmission du virus. Le bilan de cette grippe aviaire s'tablissait le 15 avril 14 morts et 63 cas dinfection humaine. Photo William Hong/Reuters

    La face cache de la grippe aviaireDE LA SEMAINELA PHOTO

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    adhsions ont t enregistres depuisle mois de mars par Alternative pourlAllemagne (AfD), le parti anti-euroallemand, qui a tenu le 14avril Berlinson congrs fondateur. Unedangereuse nostalgie, des gens dupass, un saut en arrire : lesractions des grands partis face cettenouvelle formation traduisent uneinquitude palpable, estime Der Spiegel.Prnant un retour au deutschemark,lAfD pourrait tenir la cl du prochaingouvernement, met en garde laFrankfurter Allgemeine Zeitung.

    O lon reparle de la guerre de 2008GORGIE Le Premier ministre BidzinaIvanichvili a annonc, le 10avril, la cra-tion dune commission parlementairecharge de se pencher sur les circons-tances de la guerre de 2008. En jugeantque le pouvoir gorgien de lpoque a agide manire inadquate, linfatigable pour-fendeur du rgime du prsident Saaka-chvili reconnat implicitement que cestTbilissi, et non Moscou, qui a lanc lat-taque contre la rgion scessionnistedOsstie du Sud, estime leGeorgia Times.Je nenvisage pas de cooprer cette enquteantipatriotique, dont lobjectif est dbran-

    ler les fondements de lEtatgorgien, a quant lui

    dclar le prsident.Mais le ciel sobscurcitgravement au-dessusde Saakachvili, quirisque de se retrou-

    ver au tribunal avec sonentourage, prdit le

    quotidien russe Neza-vissimaa Gazeta.

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  • 7 JOURS8. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

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    La prsence militaire de la Russie dansles Balkans pourrait tre la rponse deMoscou au dploiement du bouclier anti-missile amricain en Europe. Cest lanalyseque fait le quotidien moscovite Nezavissi-maa Gazeta au lendemain de loctroi laSerbie, le 11avril, du statut dobservateurau sein de lOrganisation du trait de scu-rit collective (OTSC). Cette structure mili-taro-politique comprenant six pays delex-URSS (Russie, Armnie, Bilorussie,Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan) a tfonde en 1992,et rorganiseen 2002, pourfaire pendant lOtan.

    La Serbie, pays de lex-Yougoslavie, a pour-tant obtenu le statut de candidat ociel ladhsion lUE en mars2012.

    Il sagit dune perce de la Russie et de sesallis pour la dfense de leurs intrts gopo-litiques en Europe du Sud, rapporte le titre,qui cite le gnral Leonid Ivachov, anciendirecteur de la coopration militaire inter-nationale au ministre de la Dfense russe:Le statut de membre part entire de la Serbieau sein de lOTSC est envisageable. Cela lai-dera renforcer ses positions dans les Balkans

    et dans le rglement du problmedu Kosovo (Belgrade

    et Pristinane parvien-nent pas se mettred a c c o r d

    sur le degrdautonomie

    accorder aux Serbesdu nord du Kosovo). Le

    gnral voque galement lapossibilit dun dploiement de

    forces de maintien de la paix de lOTSCen Serbie et dune aide militaire des condi-tions favorables.

    RUSSIE-SERBIE

    Moscou avance ses pions dans les Balkans 1010

    mois de prison avec sursis ont t prononcs par un tribunal dIstanbul contre le clbre pianiste turc Fazil Say,condamn le 15avril pour un message sur Twitter juginsultant pour les musulmans.La pense est libre tant quellenest pas confronte larticle216 du Code pnal,titre ce sujet Radikal. Cest en eet cet article du Codepnal turc, condamnantnotamment lincitation la hainereligieuse, qui a t invoqupour justier les poursuitescontre lartiste. Le quotidienprcise que cette dcisionravive les inquitudes quant lalibert dexpression en Turquieet suscite des critiques de lapart de lUnion europenne.

    Un temple face la justiceinternationale

    THALANDE-CAMBODGE Cinquanteet un ans aprs avoir donn au Cambodgela souverainet sur le temple de PreahVihear, situ la frontire entre la Tha-lande et le Cambodge, la Cour interna-tionale de justice (CIJ) de La Haye est nouveau sollicite. Il sagit cette fois dedterminer la souverainet sur une zonede 4,6 kilomtres carrs, au nord-ouestdu temple, que la Thalande revendique.Cette aaire prsente plusieurs aspects desconits modernes: la culture, la politique, lenationalisme, le colonialisme et les relationsdiplomatiques, remarque The PhnomPenh Post. Depuis 2008, les troupes tha-landaises et cambodgiennes se sont aron-tes plusieurs reprises autour de cetemple construit au XIesicle par les roisangkoriens. Larrt de la CIJ est attenduen octobre ou novembre prochain.

    Dessin de Tiounine paru dansKommersant, Moscou.

    Un soldat cambodgien en factiondevant le temple de Prah Vikear.Photo T. Chhin Sothy/AFP

  • 7 JOURSCourrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 9

    INVENTIVEJe veux un mariageidologique qui soppose auxbigots catho-communistes et clrico-fascistes. LaCicciolina, ancienne star du porno, ex-dpute italienne et candidate du Parti libral, prsente le programme avec lequel elle compte conqurir la mairie de Rome. (La Repubblica, Rome)

    OBSERVATRICEJe me suis dit: Quel drle de visage botox, tellementinexpressif! AlexandraChevtchenko, militante des Femen, propos du prsident russeVladimir Poutine. Elle a perturbla visite du chef de lEtat russe la foire de Hanovre, en Allemagne,en lui montrant ses seins nus. (The Guardian, Londres)

    FATIGUCes trente annes

    taient fabuleuses, mais jai mieux faire en ce moment. Bill

    Wyman, bassiste des Rolling Stones de 1962

    1993, a refus la proposition de Mick Jagger de reprendre du service. (The Express, Londres)

    EXPERTLes banquiers prennent de la cocane et ce sont eux qui nous ont entrans dans cette terrible pagaille.David Nutts, professeur de neuropsychopharmacologie et ex-conseiller du gouvernementbritannique, croit connatre les raisons de lactuelle crisenancire. Selon le scientique, la drogue a rendu les banquierstrop srs deux, les poussant prendre toujours plus de risques.(Sunday Times, Londres)

    POSITIVECest un peu Big Brother,mais avec de bonnesintentions. Tracy Hurley,directrice de lcole de commerce de luniversit A &M San Antonio,au Texas, propos dune technologiepermettant de suivre les progrs destudiants via des manuels scolaireslectroniques. (InternationalHerald Tribune, Paris)

    LASJai eu droit toutes les dformations, la plusinsultante tanttoyboy [gigolo],dit lcrivain irlandaisColm Tibn propos de son nom. (Time,New York)

    ILS/ELLESONT DIT

    Ricken Patel,La voix du peuple, le clic de la souris

    Fondateur du rseau de cybermilitantisme international Avaaz, ce Britanno-Indo-Canadien ore un sduisant mlange doptimisme bat et de volontarisme politique.

    The Observer (extraits)Londres

    En mars dernier, cest unhomme de 36ans qui a pro-nonc Londres laCommonwealth Lecture [cetteconfrence, donne chaque annepar une personnalit originaire dundes pays du Commonwealth, estlvnement le plus important dela Fondation du Commonwealth].Son intervention promettait unenouvelle politique, un nouveau mili-tantisme, une nouvelle dmocratie.

    Loptimisme triomphant quex-priment ces formules est typiquede Patel, chez qui se mlent de faonextrmement sduisante platitudeset solide bon sens politique. Il nestpourtant ni un homme politiqueni un mgalomane multimil-lionnaire, mais le fondateuret prsident dAvaaz, ungroupe militant en ligne quientend combler le foss entrele monde tel quil est et lemonde tel que la majorit desgens voudraient quil soit.

    Si un tel objectif peut paratreaussi inoensif que fumeux, ilsest pourtant traduit de maniretonnamment ecace tra-vers le monde. Avaazqui signie voixdans plusieurslangues compted s o r m a i s20millions

    de membres, ce qui en fait le plusimportant rseau militant au monde.Depuis sa cration, en 2007, Avaaza men une srie de campagnes surdes sujets aussi divers que le chan-gement climatique, le soulvementsyrien ou lopposition RupertMurdoch. Pour galvaniser lopinionpublique, lorganisation sest sp-cialise dans lenvoi de ptitionslectroniques ses membres.

    Le succs dAvaaz sappuie surune sorte de vague esprit gnra-tionnel de contestation un genretrs spcique didalisme poli-tique, cocktail que Patel lui-mmeincarne parfaitement. Cest cetitre que le Hungton Post lui adcern le titre de meilleur acteurdu changement politique, que lemagazine Foreign Policy la fait gu-rer lanne dernire sur sa liste des

    dix premiers penseurs globaux etque le Forum conomique deDavos la slectionn comme

    jeune dirigeant mondial.Ceinture noire de karat, il a

    galement t dsign par lemagazine People comme le plussexy des superhros clibataires.

    Patel convient quil est pluttparadoxal pour un avocat de la

    dmocratie de masse dtreconsacr comme une

    clbrit par les richeset clbres. La simpleide dtre invit des

    dners ou desrceptions et debncier dun trai-tement spcial estun danger pour

    notre modle, sou-ligne-t-il. Je dois

    DR

    constamment garder lesprit que,chez nous, le patron, ce sont les adh-rents.

    Le modle dAvaaz, cest la mobi-lisation en ligne, pratique que cer-tains ont tendance dvaloriser enla qualiant de clictivisme, danslaquelle des centaines de milliers,voire des millions de personnesnont rien dautre faire pour expri-mer leur protestation qu cliquersur leur souris. Patel a une rponsetoute prte cette critique: Rduirenos actions un clic de souris estabsurde. Cest ce qui se passe aprs lesclics la faon dont nous utilisons cessoutiens qui entrane des change-ments incroyables.

    Le fondateur dAvaaz doit sonintrt pour les aaires du monde un frre an qui lui a expliqu laguerre froide alors quil navait que3ans. Cela a veill sa curiositpour lhistoire et ce quil appelle lepriple humain. Sa mre est uneBritannique dorigine juive et sonpre un Indien du Kenya.

    Aprs avoir dcroch son diplmede Philosophy, Politics andEconomics (PPE) Oxford, ilentame une matrise de politiquepublique Harvard puis, aprs plu-sieurs sjours dans des zones deconit (Sierra Leone, Liberia,Soudan et Afghanistan), il rentreaux Etats-Unis. L, il observe lesactivits de MoveOn.org, un groupemilitant amricain en ligne, et entre-prend de crer Avaaz, dont le nan-cement initial a t assur parplusieurs fondations.

    Aujourdhui lorganisation fonc-tionne en quinze langues, a tablison sige Manhattan et est trsconnue au Brsil, en France, enAllemagne et en Inde. Avaaz estentirement nance par ses adh-rents. Elle refuse toute contribu-tion provenant dune entreprise,et aucun individu ne peut verserplus de 5000dollars. Je pense quenous avons le nancement le plusintgre du monde, remarque Patel.

    En tout cas, Avaaz propose unesolution contemporaine lapathiepolitique. En vrit, insiste Patel,il y a aujourdhui normment de rai-sons dtre optimiste, plein despoir etde croire ce que nous faisons.Lidalisme pratique nest nalement

    que du bon sens.Andrew Anthony

    Ricken Patel.Dessin de DavidBromley, Australie, pour Courrierinternational.

    ILS FONTLACTUALIT

    DR

  • Le gouvernement na pas russi revendrela tour et, le 17octobre2007, quelques famillesont investi les lieux. Ma lle avait 8jourslorsque nous sommes arrivs. On dormait dansune tente, on avait froid et faim. Rien voir avecce que vous voyez aujourdhui: on a tout dblay,on a dbouch les canalisations Le sacrice envalait la peine, explique une femme dunequarantaine dannes que tout le mondeappelle la China. Elle fait partie des 16gar-diens de cette proprit de 121000mtrescarrs qui a t transforme en cooprativeet est dirige par un ancien dtenu, aujour-dhui pasteur vanglique, dle aux der-nires volonts dHugo Chvez concernantcette lection prsidentielle.

    Sur cet immeuble de 191mtres de haut,les antennes satellites ctoient les achesqui rendent hommage au prsident dfunt.Plusieurs habitants racontent comment,les yeux rivs sur leur tlvision, ils ontattentivement cout leur Comandante,qui, avant de partir La Havane pour sondernier traitement contre le cancer [endcembre2012], a dclar: Sil devait mar-river quelque chose, mon avis dnitif et vi-dent comme la pleine lune, cest que vous devezlire Maduro comme prsident.

    DUN CONTINENT LAUTRE10. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    Qu Pasa (extraits) Santiago

    Signer la liste et aller voter. Le 14avril,voil ce [quont fait] les Vnzuliensqui vivent dans la tour de David.Certains [sont descendus] pied du 28e tage,car cet immeuble na pas dascenseur. Du10e tage, dautres [se sont fait emmener] moto-taxi, cet engin trois roues qui monteet descend sur de larges rampes jusqu len-tre principale.

    Nous [avons] tous vot pour Nicols Maduro,comme la demand le prsident Chvez. Ici, ontablit une liste et, si cest ncessaire, on va cher-cher les gens, raconte Diana, une habitantede limmeuble, o cette forme de contrlesert encourager la participation civique.

    Diana est lune des 3600personnes quivivent dans ce gratte-ciel moiti construitdu quartier de La Candelaria, en plein centrede Caracas. La construction a commencen1990, lorsque le magnat David Brillembourgqui a donn son nom ldice a voulucrer un Wall Street vnzulien. Toutefois,en raison de son dcs, en1993, et de la crisenancire qui a clat en1994, les travauxont t interrompus alors que 60% seule-ment du btiment tait achev.

    La tour de David ressemble une petiteville, avec un coieur, des piceries, deuxcrches et un miniterrain de football.Lorsquon regarde ce gratte-ciel, il est impos-sible de ne pas y voir une mtaphore du cha-visme, un concept lui aussi inachev.

    Prcipices. De loin, cet dice habit pardes milliers de personnes ne se distinguepas des autres immeubles du centre deCaracas. Sur place, les habitants ont orga-nis les dirents espaces, ils ont construitdes cloisons en brique et pos du carrelagesur le bton froid. Pourtant, cette tour resteune construction inacheve, o les cagesdescalier vides, qui sont comme des prci-pices, ont dj cot la vie quatre personnesen cinq ans. Mais Dani Henrquez, lpouxde Diana, membre du comit directeur,raconte que, lanne dernire, un vhicule esttomb du septime tage. Malgr une chute de25mtres, il ny a pas eu de victimes. Un vri-table miracle.

    Les histoires comme celle-l renforcentlide quasi mystique selon laquelle les habi-tants de cette tour remplissent une mis-sion particulire, assimile au chavisme.Ils font tout leur possible pour tablir une

    sorte de religion civile autour de la gure dHugoChvez. Pour eux, sa maladie a t une agonie,et il ressuscitera le 14avril sils votent pourMaduro, assure Margarita Lpez Maya, doc-teur en sciences sociales et professeur lUniversidad Central de Venezuela.

    Le prsident Chvez nous a montr lexemple.Il nous a ouvert les yeux, nous a fait sentir quenous avions de limportance. Il a ordonn sesministres de nous aider et de trouver une solu-tion nos problmes, explique Dani. Dianaet lui navaient que deux enfants lorsquilssont arrivs. Le petit dernier est n ici, souritDani, entour de ses trois enfants. Dianaexamine ses longs ongles rouges et, tout endonnant du riz et de la viande son ls de8mois, continue son histoire. Nous navionspas de logement, une des surs de Dani quihabitait dj ici nous a fait venir. Au dbut,jtais panique par laltitude. Un jour, je suisalle jusqu lhliport, au sommet de la tour,et on pouvait voir tout Caracas, la ville sem-blait minuscule.

    Avant de vivre dans ce logement, Dianaa t lun des dix membres de lquipe den-tretien, qui reoivent un salaire au mmetitre que les gardiens des cinq postes descurit installs dans la tour. Chaque famille

    10. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    Asie ............14Afrique .........18Europe ..........20France ..........24

    Venezuela.Les squatteursdu gratte-ciel votent aussiAu cur de Caracas, 3 600 personnessquattent la tour de David, un gratte-cielinachev qui aurait d symboliser avantlre Chvez un Wall Street vnzulien.

    duncontinent lautre.amriques

  • appels exigeant une ranon avait t passdepuis le gratte-ciel. Les accusations lies toutes sortes dinfractions ne sont pasrares: vols la tire, trac de drogue et autresmalversations. Les chaueurs de taxi vi-tent cette zone et les touristes sont infor-ms du risque quils courent sils sapprochentde ldice. Dani reconnat que certains

    ont peut-tre des papiers traqus. Etde poursuivre: On ne se livre

    aucune discrimination entre lesbons et les mchants, mais on

    exige les actes de naissance etles certicats qui attestentque lEtat ne leur a pas attri-bu de logement. Si quel-quun fait une erreur et salitnotre nom, nous organi-

    sons une assemble pour dci-der sil faut ou non expulser

    cette personne. Cest le peuplequi dcide. Nous ne sommes pasun repaire de dlinquants. Dansce gratte-ciel de luxe inachev,

    de nombreuses ralits trsconcrtes dpendent de lavenir

    du chavisme. Les habitants nesinquitent pas seulement de leurventuelle expulsion, mais ausside lapprovisionnement en eau,par exemple. De leau est achemi-ne jusquaux appartements tous les

    quinze jours. Nous avons un groupecharg de la pomper et de la fairemonter par des tuyaux en caout-

    chouc, explique la China.Hidrocapital, la socit qui

    fournit leau dans cettezone, exige le paiementde 400000bolivars pour

    leur piratage du systme; cestpourquoi ils esprent que le nou-

    veau gouvernement les aidera ouannulera cette dette.

    Rien nest moins sr, tant donn quecertains dirigeants chavistes ne sont pasdaccord avec cette mthode. Cest dailleurscurieux, car, au vu et au su des autorits,plus de 20immeubles sont occups dansla zone de1,2km qui constitue La Candelaria.Dans lensemble de Caracas, il y en a 200.

    Lavenir de la tour de David est aussiincertain que celui du chavisme. Dans unbtiment qui concentre autant de passionpour le chavisme et son dfunt leader, ona du mal comprendre le combat de Dianaet Dani alors quils vivent dans une habi-tation si prcaire et quils nont pas accs une maison ou un appartement, commeles 2millions de familles vnzuliennesqui nont nulle part o aller. Jaime ce gou-vernement parce quil va donner une maison ma grand-mre; la mienne nira par arri-ver. Je ne vais pas mentir, jaimerais bien avoirun endroit moi, savoir que je ne risque pasdtre expulse tout moment, avoue Diana.Et Dani de rpliquer: Moi, je ne veux paspartir.

    Cest aussi dans ce pays, fait de contrastes,dincertitudes et dironie, quune partie delessence est importe, alors que le ptrolecoule ots. Et si, au cours des quatorzedernires annes, les dpenses sociales ontconsidrablement augment, les assassi-nats ont galement tripl.

    Mnica Rincn

    EUROPE.Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 11

    paie 150bolivars [environ 18euros] parmois. Par ailleurs, des places de stationne-ment sont louer dans ce btiment quinest jamais vraiment devenu un immeubleet encore moins un immeuble de luxe.Les aaires semblent tourner, mais le mon-tant des bnces (comme beaucoup dechoses ici) reste une information secrte.Nous sommes les vrais rvolutionnaires. Nousvivons la rvolution et nous construisons unnouveau mode de vie, comme Chvez nous laappris, arme Dani dun ton convaincu.

    La veille du dcs du Comandante,le viol dune jeune lle qui auraiteu lieu dans le parking de latour de David a suscit denouvelles plaintes de la partdes opposants limmeuble.Et ce nest pas nouveau: enavril2012, lenlvement duresponsable de lentrepriseNegocios de Costa Rica aentran des perquisitions, lors-quil a t suggr que lun des

    Le Nouvelliste Port-au-Prince

    Il se passe quelque chose. Les prota-gonistes lcran ne savent pas ose mettre. Bien vite, on comprendque la terre tremble. Que tout scroule.Assistance mortelle est lanc sur des imagesdu tremblement de terre du 12janvier2010.Le lm sachve comme il a commenc, surdes images de goudougoudou [lonomatopeutilise par les Hatiens pour dsigner leseets du sisme] saisies par des camrasqui tournaient en continu pour des raisonsde scurit en des points xes, au palaisnational ou ailleurs. Entre ces deux paren-thses du sisme, le lm de Raoul Peck sedroule comme un thriller. De squence ensquence, le spectateur traverse la catas-trophe Hati. Le documentaire se droulependant plus dune heure et quarante minutes.Plus long fut le tournage, qui a dur deuxans. Assistance mortelle est une litanie dou-loureuse. Un lent chemin de pnitence. Lespectateur est accroch. Tenu la gorge parle sujet. Un pays est dpec, assassin sousnos yeux. Une nation se laisse tuer. Laidea-t-elle fait plus de mal ailleurs? Il est permisden douter. Le nombre lev des morts cau-ses par le sisme attire la compassioncomme les cadavres en dcomposition atti-rent les mouches. Cependant, pas une foison ne voit, tout au long du lm, un corpscras. Pas un bless ni un cri. Le sujet estpourtant saignant. Le choix des images, lesdeux voix o, lironie de certaines scnes,tout est brutal, frontal, mortel. La lente mise

    AMRIQUES.Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 11

    HATI

    LaideassassineLe dernier documentaire duralisateur hatien Raoul Peckdcrit les ravages de lassistancehumanitaire de laprs-sisme.

    Llection de NicolsMaduro la prsidence du Venezuela, dimanche14avril, a t accueilliepar des manifestations de protestation Caracas. Selon la Commissionnationale lectorale,le dauphin dsigndHugo Chvez a obtenu50,66% des voix, contre 49,07% son adversaire, Henrique Capriles. Une victoire dun cheveu, armeUltimas Noticias, tant la margeentre les deux candidats est plustroite que ne lannonaient les sondages prlectoraux.Le vaincu, cest vous, a armHenrique Capriles, qui refuse dereconnatre la victoire de NicolsMaduro avant un nouveau dcomptedes voix et a annonc quil avaitrelev 3200incidents au cours de la journe lectorale. Bienvenue laudit [des rsultats]. Nous navonspas peur. Que les urnes parlent et disent la vrit, lui a rtorqu le prsident lu.

    AFFAIRES TRANGRESChristine Ockrent et les meilleurs experts nous racontent le mondeChaque samedi de 12h45 13h30

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    QU PASASantiago, ChiliHebdomadaire www.quepasa.clCr en 1971, cet hebdomadaireconservateur appartient augroupe Copesa, le plus importantgroupe multimdia du Chili, qui possde, entre autres, le quotidien national La Tercera.

    SOURCE

    Nicols Madura.Dessin de Bolign paru dans El Universal, Mexico.

    mort de la reconstruction, le pillage denos illusions, lexploitation du chagrin etde la misre tissent un voile de deuil quitoue le spectateur. A mesure que lesminutes trottent, chacun se dcouvre sujetdu lm. Sans tre lcran, vous tes danslhistoire. Le documentaire dresse le tableaudun norme rat. Cest le lm de notre his-toire rcente entremle avec celle de ceuxqui sont venus nous secourir aprs la catas-trophe du 12janvier. Cest aussi le rcit sansfard de la misre des institutions hatiennes,de la dpendance des pays comme le ntre,des limites du pouvoir de nos dirigeants etde labsence de la socit civile locale, bonneseulement grappiller quelques avantagesdes miettes tombes de la table de la com-munaut internationale. Ce lm devrait tredius grande chelle pour tre vu partous les Hatiens.

    Chaque tranger qui met les pieds en Hatidevrait en recevoir une copie et tre astreint regarder ce documentaire intgralementavant de recevoir lautorisation dentrer surle territoire. Assistance mortelle devrait treinject tous ceux qui nous veulent du bien,pas comme on administre une punition ouun vaccin, mais simplement pour quils com-prennent que nous sommes conscients denous faire avoir chaque fois que lon veutnous aider. Assistance mortelle dcrypte larpartition de laide humanitaire comme decelle dite aide au dveloppement dans unpays comme Hati. Il fait le dcompte desbons sentiments de lopinion publique mon-diale, de la gnrosit intresse des bailleurset des attentes des assists. Au bout duchemin, ces derniers recevront une bou-teille deau ; le pays, beaucoup de promesses ;et les intermdiaires garderont tous les mil-liards. Sans tirer de conclusion, Assistancemortelle fait tout pour mettre n la car-rire de Bill Clinton en Hati. Le super-envoy spcial [des Nations unies pour Hati]et tous ceux qui lui ressemblent en pren-nent pour leurs grade, titre et qualit. Lesassists, mortellement atteints, ne sont paspargns. Raoul Peck peut mettre en chan-tier son prochain lm, le sisme et les ravagesde laide se poursuivent.

    Frantz DuvalDius le 16avril 2013 sur Arte, voir pendantune semaine sur son site.

    La tour de David a fait lobjet dune exposition la dernire Biennale darchitecture de Venise. Photo Iwan Baan

    Nicols Maduro prsidentcontest

  • The New York TimesNew York

    Ici, il y a un homme qui nepse plus que 35 kilos. Unautre, 45. La dernire foisque jai vri, jen pesais 60, maisctait il y a un mois. Je suis en grvede la faim depuis le 10fvrier et jaiperdu prs de 14kilos. Je ne mali-menterai que lorsquon maurarendu ma dignit. Je suis dtenu Guantanamo depuis onze ans ettrois mois. Je nai jamais t inculpdaucun crime et ne suis jamaispass en jugement.

    Jaurais pu tre renvoy chezmoi il y a des annes personne,en ralit, ne me considre commeune menace. Et pourtant je suisencore l. Au dbut, larme am-ricaine a arm que jtais un

    garde dOussama Ben Laden.Ctait absurde, une ide tout droitsortie de ces lms amricains queje regardais autrefois. Mme euxne semblent plus y croire aujour-dhui. Mais ils nont pas non pluslair de trop se soucier du tempsque je passe ici.

    Quand jtais chez moi, auYmen, en 2000, un ami denfancema dit quen Afghanistan je pour-rais gagner plus que mon salairemensuel de 50dollars dans uneusine et que je pourrais nourrirma famille. Je navais jamais vrai-ment voyag et je ne savais riende lAfghanistan, mais jai tentlaventure. Jai eu tort de lui faireconance. Il ny avait pas de tra-vail. Jai voulu men aller, mais jenavais pas dargent pour rentrer.Aprs linvasion amricaine, en

    2001, jai fui au Pakistan, commetout le monde. Les Pakistanaismont arrt quand jai demand rencontrer quelquun de lam-bassade ymnite. L, jai t trans-fr Kandahar, et embarqu surle premier avion pour Guantanamo.

    Le mois dernier, le 15mars, jesuis tomb malade. Admis lh-pital de la prison, jai refus de mali-menter. Une quipe de lExtremeReaction Force (ERF), une escouadede huit policiers militaires en tenueantimeute, a fait irruption. Ilsmont attach les mains et les piedsau lit. Ils mont fait de force uneintraveineuse. Jai pass vingt-sixheures dans cette situation, atta-ch au lit, sans autorisation dalleraux toilettes. On ne ma mme paslaiss prier.

    Vestige de dignit. Je noublieraijamais la premire fois o ils montenfonc le tube alimentaire par lenez. Je ne peux dcrire quel pointil est douloureux dtre nourri deforce de cette faon. Quand ils lontenfonc, jai eu un haut-le-cur.Javais envie de vomir, mais ctaitimpossible. Ma poitrine, ma gorgeet mon estomac me faisaient sourir.Jamais je navais connu pareilledouleur. Je ne souhaite personnede subir ce traitement cruel.

    Ils continuent malimenter deforce. Deux fois par jour, ils mattachent une chaise dans macellule. Je me retrouve les bras, lesjambes et la tte sangls. Je ne saisjamais quand ils vont venir. Parfois,ils arrivent pendant la nuit, mme 23heures, quand je dors. Noussommes si nombreux tre engrve de la faim quil ny a pasassez de personnel mdical qua-li pour nous nourrir de force;il ny a plus aucune rgularit. Ilsalimentent les gens au fur et mesure, toute la journe.

    Un jour, linrmire ma enfoncle tube denviron 45centimtresdans lestomac, ce qui ma fait plusmal que dhabitude, parce quelletait bouscule par le temps. Jaiappel linterprte pour demanderau mdecin si la procdure taitcorrecte ou non. Je sourais tantque je les ai supplis darrter demalimenter. Linrmire a refus.Quand ils ont eu ni, une partie dela nourriture sest rpandue surmes vtements. Je leur ai demandde me changer, mais le garde napas voulu maccorder cet ultime

    vestige de dignit. Quand ils vien-nent pour mattacher ma chaise,si je rsiste, ils appellent lquipede lERF. Et donc jai le choix: soitjexerce mon droit de protestercontre ma dtention et je suis pass tabac, soit je me soumets et acceptedtre aliment de force.

    Si je suis encore l, cest uni-quement parce que le prsidentObama refuse de renvoyer desdtenus au Ymen. Cest absurde.Je suis un tre humain, pas un pas-seport, et jai le droit dtre traitcomme tel. Je ne veux pas mouririci mais, sans intervention du pr-sident Obama et du prsident duYmen, cest ce que je risquechaque jour. O est mon gouver-nement? Je me soumettrai toutesles mesures de scurit quilsvoudront pour pouvoir rentrerchez moi, mme si elles sont com-pltement inutiles. Je suis prt tout accepter pour tre libre. Jai35 ans. Tout ce que je veux, cestrevoir ma famille et fonder monpropre foyer.

    La situation est dsespre. Tousles prisonniers sourent terrible-ment. Ici, prs de quarante per-sonnes sont en grve de la faim.Des gens svanouissent dpuise-ment tous les jours. Jai vomi dusang. Et notre incarcration semblesans issue. Nous avons fait le choixde nous priver de nourriture et derisquer la mort tous les jours.

    Jespre simplement que grce nos sourances les regards dumonde se tourneront de nouveauvers Guantanamo, avant quil nesoit trop tard. Samir Naji Al-Hassan Moqbel

    12. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    TATS-UNIS

    Les 166 oublis de GuantanamoDes dizaines de prisonniers trangers jamaisinculps, jamais jugs sont en grve de la faimdepuis plusieurs semaines pour protester contre le sort qui leur est fait. Lun deux tmoigne.

    Vu dailleurs Lactualit franaise vue de ltranger chaque semaine avecavec Christophe Moulin et Eric Chol

    En direct vendredi 17 h 10, samedi 21 h 10, et dimanche 14 h 10 et 17 h 10.

    Ibo

    Ogr

    etm

    en /

    LCI

    ContexteRvolte au camp 6 Le centre dedtention de Guantanamovit sous tension depuisplusieurs mois. Le 6fvrier,des prisonniers ont entamune grve de la faim pourprotester contre leurdtention illimite, la dtrioration de leursconditions carcrales et lesoprations de lutte contrela contrebande impliquantla fouille de leurs corans,quils considrent commeune profanation. Sur les 166dtenus, 45 sont dsormais en grve de la faim et 13 dentre euxsont aliments de force.Cette situation tendue a abouti, le 13avril, unarontement entre gardienset prisonniers. La Maison-Blanche avait t informeen amont de lassaut quidevait permettre, selon lesmilitaires, de sassurer dela sant et de la scuritdes dtenus du camp6,rapporte TheMiamiHerald. Les quelque80prisonniers du camp6protaient jusque-l deconditions de dtentionplus clmentes: dans lesparties communes, ilspouvaient djeuner, prier,faire du sport ou encoreregarder la tlvision. Aprslintervention muscle desgardiens, 60dtenus ontt mis lisolement dansdes cellules individuelles.Lassaut a t lanc aulendemain dune visite detrois semaines de la Croix-Rouge, venue examiner les prisonniers en grve de la faim. BarackObamaavait promis de fermer le centre de dtention,ouvert en janvier2002 sous le gouvernement Bush, ds sa premire anne de mandat. Toutes ses tentatives dans ce sensont t contrecarres par le Congrs.

    SAMIR NAJI AL-HASSANMOQBELIncarcr depuis 2002 Guantanamo, ce dtenuymnite est g de 35 ans. Il a transmis ce tmoignage par tlphone, via un interprte, ses avocats de lorganisationcaritative Reprieve.

    Lauteur

    AMRIQUES

    Dessin de Brian Stauer paru dans Time, New York.

    DR

  • LA BELGIQUE VUE DU CIEL

    Dans les annes 70, le pre dAlexandre Laurent stait lanc dans laventure des photos ariennes. Quarante ans plus tard, emmen par le mme pilote, le ls retrouve Bruxelles et la Wallonie sous les mmes angles de vue. Une passionnante reconstitution offrant aux lecteurs dincroyables photos comparatives.

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    Abonnes : 40 Lecteurs : 45

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    Prix unique19 50

  • Tibetan Political Review(extraits) Inde

    Au-del de la vague dimmolations quia logiquement ni par dominer ledbat sur le Tibet [voir encadr], unmouvement de rsistance souterrain, moinsspectaculaire, est en passe de transformerle militantisme tibtain. Touchant tous lesTibtains sans considration des frontires,ce mouvement autonome et populaire estconnu sous le nom de Lhakar terme gn-ralement traduit par Mercredi blanc, par-fois par Pur dvouement.

    Les prmices du mouvement Lhakar sontapparus en 2008, la suite du soulvementqui avait alors embras le Tibet contre ladomination chinoise [des meutes Lhassaavec mort dhomme, ce qui a donn0 lieu un cycle de manifestations et de rpression].Quatreans aprs sa naissance, le mouve-ment Lhakar a radicalement chang la faondont les Tibtains conoivent le militan-tisme, en sappuyant sur trois lments cls:

    labandon du mode collectif, lutilisation dela culture comme dune arme et ladoptiondu principe de non-coopration.

    Le principal atout du mouvement Lhakarrside dans sa simplicit. Il est ax sur desaspects fondamentaux de la libert, en loc-currence sur les dcisions les plus prosaquesque les gens prennent au quotidien lemoment o ils se rendent au temple, le genrede musique quils coutent, les restaurantsquils frquentent, la langue quils pratiquent la maison plutt que sur les grandes dci-sions, lesquelles se paient plus cher.

    Dans les annes 1980, les Tibtains avaientpour habitude de se presser dans le templede Jokhang [ Lhassa] une fois par semainepour y allumer des lampes au beurre, y brlerde lencens et prier secrtement pour le dala-lama [toute allusion au leader spirituel, enexil en Inde depuis 1959, est interdite sur leterritoire chinois]. Essentiellement symbo-liques et religieux, ces rites se droulaientle mercredi, jour cens porter chance audala-lama [qui est n un mercredi]. Mais,

    en 2008, la campagne de rpression aveuglede la Chine a radicalis les Tibtains et poli-tis une nouvelle gnration. Rares ont tles familles tibtaines pargnes, et mmecelles qui taient restes clotres chez ellesen attendant la n de linsurrection ont euvent darrestations, de disparitions et dex-cutions.

    Face une Chine qui radiquait la moindreforme collective dopposition, les Tibtainsont ripost en dcollectivisant leur militan-tisme. A travers des initiatives individuellesporter les vtements traditionnels, mangertibtain, couter les stations de radio ind-pendantes [trangres], transmettre la languetibtaine chez eux, un grand nombre deTibtains ont entrepris dutiliser la sphreprive pour armer une identit rprimedepuis des dcennies.

    Dans un climat politique particulirementlourd, des rites qui taient jusque-l cultu-rels sont subitement devenus des gestes poli-tiques permettant aux gens de se dnir nonseulement comme tibtains, mais plus encorecomme non-chinois.Au jeu de la politiqueidentitaire, tre tibtain est devenu syno-nyme de ne pas tre chinois. Ce phno-mne a donn lieu toute une kyrielledactions concrtes qui dpassent le sym-bole et les mercredis.

    Fleur dlicate. En privilgiant les actesde rsistance individuels plutt que lesactes de protestation collective, le mou-vement Lhakar a dcentralis la rsistance.En faisant de leur domicile, de leur lieu detravail ou de leur ordinateur un terrain delutte, les Tibtains se servent de leurs choixindividuels, si simples soient-ils, et de leursactivits quotidiennes pour conqurir plusdespace social, politique et conomique.Les disciples du mouvement nattendentpas que la libert mane dun changementpolitique ou dun revirement de Pkin,mais de leurs propres rexions, dcisionset actions quotidiennes, lesquelles nour-rissent un monde parallle libre qui nirapar saranchir de lappareil rpressif chi-nois. Ainsi, en individualisant le militan-tisme, le mouvement Lhakar poursuitluvre de rsistance en donnant lin-dividu les moyens dagir.

    La premire chose que nous qui avonsgrandi en exil apprenons de notre culture,cest quelle est menace dextinction auTibet et dassimilation ltranger. Nouspensions que la culture tait la merci despolitiques, et les politiques menes au Tibetlaissaient peu despoir quant sa survie. LesTibtains de ma gnration avaient le sen-timent que la culture tibtaine tait sem-blable une eur dlicate: trs jolie, maisincapable de se dfendre.

    Or le mouvement Lhakar renverse cetteperception dmotivante de la culture. Depuisson avnement, un nombre croissant deTibtains se servent de la culture commedun outil pour rclamer davantage de droitspolitiques. Lart tibtain, la littrature, laposie et la musique leur permettent dex-primer leur foi dans le dala-lama, leuramour de la patrie et leur soif de libert. Leschansons message ou les vidos montrantdes images du dala-lama connaissent unsuccs foudroyant et se vendent par milliers.Cette recrudescence de la consommation

    de musique et de posie tibtaines a donnlieu un renouveau de lart et de la littra-ture. Pour la premire fois depuis des dcen-nies, des sicles peut-tre, les Tibtainsredcouvrent que la culture peut sauver lapolitique, au lieu dattendre que la politiquesauve la culture.

    Cette transformation trouve son expres-sion la plus vivante dans le regain den-thousiasme du public pour ltude dutib tain. Dans direntes rgions du Tibet,jeunes et vieux sengagent parler un tib-tain inaltr en bannissant les mots chinoisde leur vocabulaire. A Sertha, dans le Kham[rgion de lest du Tibet incluse dans la pro-vince chinoise du Sichuan], les anciens dis-tribuent gratuitement des dictionnaires auxjeunes. Les crivains et les musiciens du Tibetoriental, dont beaucoup prfraient la languedominante le chinois comme moyen dex-pression artistique, crivent ou chantentdsormais en tibtain. Dans les restaurantset les cafs, les patrons ne servent que lesclients qui commandent en tibtain. Les uti-lisateurs de [la plate-forme de microblog-ging] Weibo crivent en tibtain tous lesmercredis; ceux [des rseaux sociaux] Renrenet Facebook postent rgulirement des imageset des pomes caractre politique.

    Ce ne sont l que quelques exemples dela multiplication des actions de Lhakar tra-vers le Tibet, de Litang Lhassa en passantpar Ngaba, Rebkong, Sertar et Nangchen. Atravers lart, la posie et la littrature, lesTibtains ont su se crer une zone tout endgrads de gris, inconnue du monde en noiret blanc de la politique.

    Pour une gnration qui a grandi dans lemythe selon lequel nous ne pourrons jamaisrivaliser avec la puissance chinoise, rien nestplus stimulant que de voir notre culture pro-curer une palette darmes non violentes maisecaces. La culture tibtaine tait un avoirgel. Grce au mouvement Lhakar, elle estaujourdhui un capital actif. Elle tait unsceptre sacr, elle est aujourdhui un jave-lot dor.

    Plus dun millnaire sest coul depuisque le bouddhisme a apprivois le Tibet,mais notre instinct guerrier demeure intact.Nous nous jetons dans la bataille avant dencalculer les gains potentiels et den analyserles risques. Dans la quasi-totalit des lgendestibtaines, la bravoure et laction clipsentla planication et la prparation. La strat-gie occupe une place ngligeable dans lima-ginaire tibtain.

    Pendant des annes, la rsistance tib-taine sest essentiellement concrtise dansla rue. Or, si elles sont ecaces et peu ris-ques en exil, les manifestations se paientgnralement au prix fort au Tibet. Le simplefait de manifester peut vous valoir de vousfaire tirer dessus, ou plus certainement dtrejet en prison. En revanche, le mouvementLhakar privilgie la stratgie et, grce lui,les Tibtains ont appris apprcier leca-cit de la non-coopration une tactique

    DUN CONTINENT LAUTRE14. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    asie

    Aprs la rpression de laction collective, les Tibtains ont trouv travers le mouvement Lhakar une autre faon de militer, sur un mode la fois plusindividuel et plus culturel.

    Tibet. Larsistance au quotidien

    Lhakar, Mercredi blanc.Calligraphie www.tibetan-calligraphy.com

    Si Lhakar trouve un telcho, cest parce quil sagitdun mouvement ouvert,librement consenti et gomtrie variable

  • ASIE.

    qui convient aux plus tmraires commeaux plus timors tout en tant moins co-teuse et souvent plus ecace que les prcheset les actions de protestation.

    Depuis 2008, beaucoup de Tibtains nemangent plus que dans les restaurants tib-tains et nachtent plus que tibtain, obli-geant les boutiques chinoises mettre la clsous la porte dans plusieurs villes. Ripostepotique une loi martiale (qui ne dit passon nom) instaure par la Chine au Tibet,ce boycott (qui ne dit pas son nom) des com-merces tenus par les Chinois sappuie surles principes de non-coopration cono-mique chers Gandhi.

    Longtemps, les Tibtains de Nangchenont achet leurs lgumes des prix astro-nomiques chez les piciers chinois, qui avaientle monopole du march des fruits et lgumes.Mais, dbut 2011, un groupe de Tibtains a

    entrepris de boycotter les marchands chi-nois. Les rpercussions de leur boycott sesont multiplies lorsque le mouvement apris de lampleur. A peine deux mois plustard, bon nombre dpiceries chinoises avaientbaiss le rideau faute de clientle, bienttremplaces par de nouveaux marchands,tibtains cette fois.

    Pour la premire fois dans lhistoire rcente,les Tibtains dcouvrent que leurs actionsindividuelles peuvent avoir une inuencesur leur avenir commun. La rhtorique dela rsistance a volu, passant dun discoursde victimisation un discours ax sur len-gagement, la crativit et la stratgie. Jusquune date rcente, la plupart des discussionscommenaient et se terminaient par unevocation du sentiment dimpuissance desTibtains face une Chine intraitable.Aujourdhui, les salons et les maisons de th

    bruissent de conversations sur la rsistance,les stratgies et les actions mettre en uvre.

    Enhardis par les rsultats tangibles de lanon-coopration, les Tibtains ne voientplus la non-violence comme un principe reli-gieux qui restreint laction eective, maiscomme une arme stratgique qui libre leurpotentiel. Ainsi quil a dj t prouv maintesfois lors dautres rvolutions, rien ne sapeplus ecacement les fondements dune dic-tature quune campagne de non-coopra-tion suivie et gnralise.

    Lautomne dernier, les autorits chinoisesde Sershul, au Tibet oriental, ont apprhendune femme tibtaine qui portait la chuba[vtement traditionnel] un mercredi. Aumme moment ou presque, ils arrtaientplusieurs centaines de Tibtains accussdappartenir un groupe de sauvegarde dela langue tibtaine, et beaucoup dautrespour apologie du vgtarisme les anciensse plaisent croire que les bons karmas quilsaccumulent en rduisant leur consomma-tion collective de viande prteront longuevie au dala-lama.

    Ouverture.Le gouvernement chinois pour-rait bien avoir trouv un nouvel ennemi dansle mouvement Lhakar. Mais en le procla-mant son adversaire la Chine cible un concept,un mot abstrait, face auquel elle est dsar-me. Lessence de Lhakar nest pas la chubaque lon porte, mais lintention qui accom-pagne ce geste. Le vrai Lhakar est un mou-vement spirituel. A ce titre, il est invisible etnul ne peut latteindre ni les soldats, ni leschars, ni les balles. La rpression brutale lencontre de ceux qui parlent tibtain, por-tent certains types de vtements ou prati-quent le vgtarisme est la preuve que laChine nest plus aussi sre delle. Cetterpression se retournera contre le rgime etnira par renforcer le mouvement Lhakar.

    Paradoxalement, la menace pourrait bienvenir de lintrieur, dun malentendu sur lanotion de non-violence stratgique. Nousne devons pas penser que le simple fait deporter la chuba ou de parler un tibtain imma-cul sut remplir notre quota personnelde militantisme, ni que le fait de ne pas porterla chuba ou de parler une autre langue en estune violation. Une dnition troite de Lhakarrisque de ltouer avant terme; une d-nition plus large et ouverte donnera au mou-vement la place indispensable pour grandiret mrir. Sil existe mille faons de pratiquerle mouvement Lhakar, comment lEtat chi-nois pourra-t-il les combattre toutes?

    Les mouvements sociaux se nourrissentdes apports positifs et meurent ds lors quilssont disciplins par une autorit moralisa-trice. De fait, si Lhakar trouve un tel cho,cest prcisment parce quil sagit dun mou-vement ouvert, librement consenti et go-mtrie variable. Nous devons permettre toute personne dy apporter sa pierre entoute libert, sa guise et selon ses propres

    Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013 15

    Suicides

    Linformation aussi estrprime Au moins 113 Tibtains se sontimmols par le feu depuis 2009 en signede protestation contre le pouvoir chinois au Tibet, a indiqu n mars le gouvernement tibtain en exil Dharamsala, en Inde, cit par le sitetibtain Phayul. Des images de ces protestations prises par des tmoinssont rgulirement diuses sur Internet.An dempcher ces suicides, les autorits chinoises ont multipli les mesures. Outre la concentration deforces de scurit et la mise en place decamions incendie dans les sites sensibles,elles ont annonc en dcembre2012 que le fait dinciter ou daider autrui simmoler serait quali de meurtreavec prmditation, selon le quotidienchinois Gannan Ribao. En janvier2013, au moins 8 Tibtains ont t condamns de lourdes peines en relation avec des cas dimmolation. Un moine a tcondamn la peine de mort avecsursis.La diusion des informations sy rapportant est galement svrementrprime. Le 15avril, on a appris que 4 Tibtains avaient t condamns des peines de prison comprises entretrois et six ans dans lest du Tibet pouravoir commis des actes sparatistes et transmis ltranger des informationssur des immolations, selon Phayul.

    prfrences, plutt que de la conformer deforce certaines rgles et convenances. Cestde supporters que le mouvement Lhakar abesoin, et non de gendarmes.

    Lheure est venue de passer la vitessesuprieure en toant la philosophie dumouvement et en gnralisant sa pratique un rythme qui ne sera non pas dict par laChine, mais par les Tibtains. Ce nest pasle moment de diviser les Tibtains entre lesactivistes et les pacistes, le politique et leculturel, le laque et le religieux. Il convientau contraire de brouiller les lignes entre leculturel, le politique, le social et lcono-mique, car un tel cloisonnement nexiste pasdans la vie relle; nous voluons dans cha-cune de ces sphres en mme temps.

    Le jour est proche o lEtat chinois consi-drera tout Tibtain comme un militant etla moindre action comme subversive. Cest ce moment-l que nous saurons que laChine a perdu la bataille du Tibet.

    Tenzin Dorjee*

    * Tenzin Dorjee est le directeur gnral delassociation Etudiants pour un Tibet libre.

    Un jeune blogueur tibtain travaillesur son ordinateur son domicile danslest du Tibet.Photo Giancarlo Radice/Parallelozero

    Une femme en habit traditionnel fait ses courses au supermarch dun monastre dans lest du Tibet.Photo Giancarlo Radice/Parallelozero

  • ASIE

    moudjahidin (les terroristes dau-jourdhui), soutenus par la CIA,taient rfugis en toute scuritdans cette zone [o ils se regrou-paient, fuyant linvasion sovitiquede leur pays, lAfghanistan, avantdy retourner pour combattre]. Lesmercenaires y ont apport non seu-lement des armes, mais aussi dessubstances illicites. Dsormais, laprovince pakistanaise la moins peu-ple [le Baloutchistan, dont Quettaest la capitale] est un couloir pourles traquants de drogue.

    Les citoyens ordinaires de Quettaont bien conscience des contra-dictions auxquelles ils sont confron-ts au quotidien. Les postes decontrle des forces de scurit cer-nent toutes les aires de pique-nique,constate le Dr IrfanTareen, qui pra-tique la mdecine depuis vingt-cinqans. Il ajoute que la fermeture deplusieurs routes pour des raisonsde scurit gne la circulation dansla ville, mais fait aussi remarquerque, tous les vendredis, des ras-semblements ont lieu au stade Ayubet au parc Sadiq Shaheed pourdanser au rythme des tambours.Pendant ce temps, les marchs,htels et centres commerciaux nedsemplissent pas.Lhtel Baldia, lieu traditionnel derunion Quetta, continue dac-cueillir des universitaires, des politiciens et des personnalits lit- traires. Situ en face dun tribu-nal datant de lpoque coloniale,cet htel est toujours plein. Leclbre photographe Khalid Noorzai,devant une tasse de th, fait remar-quer combien ce lieu est propiceaux rencontres. Ici, tout le mondeparle de politique, on peut y retrou-ver les anciens camarades, dit-il. Degrandes gures politiques sontvenues ici pour partager leurs ides.Dans la province du Baloutchistan,il ne fait aucun doute que les dbatspolitiques sont toujours bien vivants.

    A part les aaires publiques, lanature et les ftes, il reste la gas-tronomie. Quetta est connue pourle rti de mouton de la ville voi-sine, Kuchlak, et le restaurant LehriSajji est en permanence assailli partous ceux qui veulent goter au tra-ditionnel plat rgional. Il ny a passi longtemps encore, tout cela, laculture, le dynamisme, faisait larenomme de Quetta. Mme si cer-tains essaient de dnaturer cetteimage, nombreux sont les habitantsqui font de leur mieux pour per-ptuer activement la vie de Quettatelle quils lont connue.

    Heba Islam

    16. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    Thierry Garcin et Eric Laurent6h45/6h57 du lundi au vendredidans Les Matins de France Culture

    en partenariat avec

    franceculture.fr

    PAKISTAN

    A Quetta, le bonheurmalgr toutLa capitale du Baloutchistan est connuepour sa tolrance, ses dbats dides et sa gastronomie. Aujourdhui frappepar la violence et le terrorisme, elle continue pourtant de charmer ses habitants.

    SUR NOTRE SITEcourrierinternational.com

    Pakistan autrement. Alors queles lections lgislatives du 11 maiapprochent, les journaux occidentaux se contentent gnralement de parlerde terrorisme, des talibans et des grandes familles politiques.Retrouvez avec Courrier internationalle Pakistan autrement et dcouvrez des candidats insolites, une socitdynamique et une culture riche. Suivezaussi le dossier sur Twitter via#Pakistanautrement

    Particularismesrgionaux Le Baloutchistan est une des quatreprovinces qui constituent lEtat fdral du Pakistan. Il ne reprsente en ralitquune partie du territoire baloutche, qui stend au-del des frontires, en Iran et en Afghanistan. Il existe un nationalismebaloutche trs virulent qui a donn lieu cinq guerres contre lEtat pakistanais pour la cration et lindpendance dun grand Baloutchistan. Quetta, la capitale de la province, est un des avant-postes du pays verslAfghanistan et est domine par la communaut pachtoune, qui pratiquelislam sunnite, tout comme lethniebaloutche. La minorit hazara pratiquequant elle lislam chiite. Elle a t la cible de plusieurs attaques violentes qui ont faitplus dune centaine de morts en fvrierdernier et qui ont conduit la dmission du gouvernement provincial.

    Situation

    Contexte

    COUR

    RIER

    INTE

    RNAT

    ION

    AL

    Kaboul

    IslamabadIslamabadIslamabad

    Karachi

    Quetta

    BALOUTCHISTAN

    SIND

    PENDJAB

    Z.T.

    K.P.

    GILGIT-BALTISTAN

    PAKISTAN

    AFGHANISTAN

    IRAN INDE

    200 km

    une forme de protection pour lesgroupes les plus vulnrables de lasocit. Les solides traditionstribales empchaient que les mino-rits comme les hindous et les chr-tiens ne soient la cible dattaquesviolentes.

    Aujourdhui, une contradictionest pourtant apparue. La tolranceest dsormais tapie dans lombrede la violence: elle existe encore,mais elle peine survivre. Commeles femmes sont encore libres etprotges, par exemple, les membresde minorits se tournent vers elleset les utilisent comme bouclierslorsquils voyagent dans les zonessensibles de la ville.

    Quetta est encadre par une for-teresse naturelle de montagnes

    le nom de la ville vient en eetdu mot kwatta, qui signie forti-cation en langue pachtoune. Ontrouve les montagnes Zarghoon aunord, Murdar lest, Chiltan au sudet Takatu louest. Au cur de laville, les ethnies et les langues sontnombreuses et varies. Pendantdes sicles, Quetta a accueilli brasouverts des personnes de toutesreligions et origines ethniques.Malgr les troubles et les aron-tements sanglants depuis plusieursannes, la population cherche lebonheur l o elle peut. Rcemment,Basant Panchami [fte hindoue] at clbr, ce qui montre le cou-rage des habitants, disposs fairede leur mieux pour enterrer la tris-tesse et la haine. Du petit-ls augrand-pre, toutes les gnrationsont fait voler des cerfs-volants[comme il est de coutume cetteoccasion]. Les journes ville mortecontinuent, mais les habitants sor-tent tout de mme pour pique-niquer la veille de ces vnements.

    En dpit de ces manifestationsde rsistance, la beaut naturelleet la culture dynamique de Quettasont clipses depuis quelque tempspar les attentats-suicides, lesassassinats et, plus gnralement,la violence. Tout a commencdans les annes 1980, lorsque les

    Dawn Karachi

    La ville de Quetta, malgr laviolence dont elle est rgu-lirement le thtre [voirencadr], reste clbre pour sonhospitalit. Il y a bien longtemps,elle tait aussi connue pour la paixqui y rgnait, mais cette poque estaujourdhui rvolue.

    Par le pass, les rgles religieuses,tribales et politiques constituaient

    Les postes decontrle des forcesde scurit cernenttoutes les aires de pique-nique

    Dessin de Traboulsi,Liban.

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    Marcos Martnez Bacelo nesait pas quand il pourra ren-trer chez lui. Cela fait main-tenant six mois que cet homme de36ans a quitt sa ville de Vigo, enGalice, pour travailler comme mca-nicien. Tout en passant ses doigtsrugueux dans ses cheveux poivreet sel coups court, il nous exposesa situation: il y a un an, il a perdulemploi quil occupait dans unecompagnie dlectricit espagnole.Aprs avoir trouv un autre travail,il a t de nouveau licenci six mois

    plus tard. Il a alors dcid de lais-ser sa femme et ses deux enfantsen Espagne et dembarquer pourle Maroc pour chercher un travail.

    Le plus dicile vivre, ici, cestde ne pas avoir ma famille mes cts,dclare Marcos Martnez en regar-dant les photos de ses deux enfants,Soraya, 10ans, et Nicolas, 3ans.

    Depuis trs longtemps, lesMarocains migrent vers lEuropepour travailler, mais aujourdhui,avec la crise conomique euro-penne, la tendance sinverse: cesont les Europens qui viennentau Maroc pour chercher un emploi.Cest le monde lenvers, crit Hein

    de Haas, codirecteur de lInstitutdes migrations internationales,ali luniversit dOxford. SelonlInstitut national de la statistiquedEspagne, le nombre dEspagnolsociellement enregistrs en tantque rsidents sur le sol marocaina t multipli par 4 entre2003et2011. Aujourdhui, des dizainesde milliers dentre eux se trouve-raient en situation illgale.

    Avant la crise, se souvient MarcosMartnez, personne en Espagne nau-rait imagin partir un jour au Marocpour travailler, a ne nous seraitjamais venu lesprit. Le chmageen Espagne a aujourdhui atteint

    le taux ahurissant de 26%, et lesMarocains ont cess de regarderlEspagne comme un pays decocagne. A lInstituto Cervantes deTanger, le nombre de Marocainsinscrits des cours despagnol adiminu de presque un tiers depuisle dbut de la crise, en 2008. Dansle mme temps, le nombre de CVdenseignants espagnols reuschaque mois a doubl, constateJavier Alvarez Glvez, un des diri-geants de cet tablissement.

    Natxo Laborda, professeur lInstituto Cervantes rcemmentdiplm de luniversit espagnole,est arriv en 2010 pour un stage.Cest en voyant que le taux de ch-mage chez les jeunes Espagnolsavait atteint 55% quil a dcid derester. En apprenant cela, jai eupeur de rentrer, dit-il.

    Un autre monde. Natxo Labordaest pay lheure et il ne bnciepas davantages. Ses revenus luipermettent de vivre dcemmentau Maroc, mais, selon lui, ce salairene serait pas susant Madrid.Grce aux compagnies arienneslow cost, il rentre en Espagne qua-siment chaque mois. Mme sil aimevoir ses amis et sa famille, il estheureux de vivre au Maroc tantdonn la conjoncture conomique.Avec ce que je vois l-bas, jaime autantrevenir Tanger.

    Prfrer vivre au Maroc quandon est espagnol peut semblertrange. Avec un PIB six fois inf-rieur celui de lEspagne et un tauxde chmage estim 30%, la criseest bien plus profonde au Maroc quenEspagne, rappelle Mehdi Lahlou,professeur dconomie lInstitutnational de statistique et dcono-mie applique du Maroc. Pourtant,il trouve logique que les Espagnolsenvisagent de venir chercher untravail dans son pays.

    Pour un sjour de moins de troismois, ils nont pas besoin de visapour entrer sur le territoire maro-cain. Et il leur sut de fouler le solespagnol, par exemple une enclave

    comme Ceuta ou Melilla, pourremettre les compteurs zro, alorsque les Marocains, eux, doiventfaire une demande de visa pourentrer lgalement en Espagne.

    En outre, avec un taux de changeentre le dirham marocain et leurode 10 pour 1, Mehdi Lahlou assureque les Espagnols qui travaillentpour des entreprises europennesau Maroc ou qui arrivent avec desconomies vivent comme des rois.

    Il ajoute que ces atouts permet-tent aux Espagnols daller et venirfacilement entre les deux conti-nents et de rpondre aux oresdemploi l o elles se prsentent.

    Quant Marcos Martnez, partirau Maroc tait sa meilleure chancede trouver un travail. Mais cela aun prix. Sa famille vit en Galice,dans le nord-ouest de lEspagne,depuis des gnrations. Frottantson pouce contre la paume de samain, Marcos Martnez montre quel point il a la Galice dans la peau:il est rong par la moria, le maldu pays des Galiciens. O quil vive,un Galicien reste un Galicien, dit-il.

    Bien que Tanger soit seulement12kilomtres de lEspagne, le Marocest un autre monde, dclareMartnez. Entre lappel la priredius cinq fois par jour par leshaut-parleurs et la consommationdalcool mal considre, le Marocest bien dirent de lEspagne.Pourtant, les dirences culturellesne semblent pas dissuader lesEspagnols aux abois.

    Propritaire dun restaurant,Hicham Abdelmoula recrute deschefs espagnols pour son tablis-sement de Tanger, spcialis dansla cuisine ibrique, qui surplombele dtroit de Gibraltar: l, chaquejour, les ferrys font la navette entrelEspagne et le Maroc. Le secteurespagnol de la restauration a tgravement touch par la crise: selonun rapport publi par le bureaudtudes Nielsen en 2012, le nombrede restaurants en Espagne na jamaist aussi bas depuis 1997.

    Hicham Abdelmoula a toujoursemploy des Espagnols pour travailler dans son restaurant,mais, depuis le dbut de la crise, ilremarque une auence accrue desenvois de CV et un changementdattitude des candidats.

    Ils sont pour la plupart prts quitter leur famille, tout laisser der-rire eux pour un salaire ici. Ils ontlair dsespr. Les candidats que jaiau tlphone narrtent pas de me rap-peler, cest presque du harclement. Ilssont prts tout, mme quitter leurpays et venir sinstaller en Afrique.

    Pour Abdelmoula, qui habitedepuis toujours Tanger, toutcela est surprenant. Imaginez,cest comme si demain les Amricainsallaient chercher du travail auMexique.

    Karis Hustad

    afrique

    18. Courrier international no 1172 du 18 au 24 avril 2013

    Maroc. PaysdimmigrsespagnolsPour fuir le chmage, ils sont de plus en plusnombreux quitter leur pays pour se rendre,notamment, dans le royaume chrien.

    2,7 %2,7 %Cest le taux de croissanceenregistr par l'conomiemarocaine en 2012. Il reprsente la moiti de celuide 2011 (5%), selon les chirespublis en janvier 2013 par le Haut-Commissariat au plan(HCP) et rapports parl'hebdomadaire de CasablancaLa Vie conomique. Pour 2013, le HCP prvoit une croissance de 4,8%.

    Dessin de Mayk paru dans Sydsvenskan, Malm.

  • LIntelligent dAbidjan Abidjan

    Au RHDP [Rassemblement des hou-phoutistes pour la dmocratie et lapaix, au pouvoir], on estime que le11avril est le jour de la victoire de la dmo-cratie sur la dictature. Au FPI [Front patrio-tique ivoirien, parti du prsident dchuLaurent Gbagbo], ce jour est considrcomme celui du deuil de la dmocratie etdu triomphe de la barbarie. En 2011, cettemme date, la Cte dIvoire orait un visagehideux aprs cinq longs mois dune crise ditepostlectorale. Ce jour-l soprait une alter-nance la tte du pays. Laurent Gbagbo,aprs un bras de fer avec son rival AlassaneOuattara, capitulait. Ce dernier prenait ainsiles rnes du pays. Ctait le couronnementdune longue lutte pour le pouvoir.

    Aujourdhui, ces tristes vnements sontderrire nous. Mais leurs squelles dans lecorps social ont du mal disparatre. Pourtant,des progrs ont t faits depuis, en dpitdes failles que lon peut relever. La Cte