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UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX-MARSEILLE
*******************
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
D’AIX-MARSEILLE
*******************
TITRE: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
MEMOIRE: POUR LE DESS DE
DROIT MARITIME ET DROIT DES TRANSPORTS
PRESENTE PAR JEAN-CLAUDE IMPOUTOU NGANTSIEMO
SOUS LA DIRECTION DE: Monsieur CHRISTIAN SCAPEL,
Maître des conférences.
ANNEE 1996-1997.
REMERCIEMENTS
A
-Monsieur Guy JOURDAN-BARRY, pour les informations et sa disponibilité;
-La promotion du DESS Droit Maritime et Droit des Transports 1996-1997,
pour l’ambiance amicale
nous exprimons toute notre profonde gratitude.
1
PRINCIPALES ABREVIATIONS
A.C.P. : Ancien Code Pénal
Cass.Civ. : Cour de Cassation, Chambre Civile.
Cass.Com. : Cour de Cassation, Chambre Commerciale
Cass.Crim. : Cour de Cassation, Chambre Criminelle.
Ch.Civ. : Chambre Civile
Ch.Com. : Chambre Commerciale.
C.P. : Code Pénal.
D. : Recueil Dalloz Sirey.
D.M.F. : Droit Maritime Français.
D.P. : Dalloz Périodique.
J.C.P. : Juris classeur Périodique.
J.O. : Journal Officiel.
N.C.P. : Nouveau Code Pénal.
N.C.P.Civ. : Nouveau Code de Procédure Civile.
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION---------------------------------------------------------------------------------4
CHAPITRE PRELIMINAIRE: LES CONDITIONS D’ACCES ET LE MODE D’EXERCICE
DE LA PROFESSION DE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE
NAVIRES---------------------------------------------------------------------------------------------------------
-8
TITRE PREMIER: NAVIRES LE RÔLE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR
DE NAVIRES---------------------------------------------------------------------------------------------------
16
CHAPITRE PREMIER: LES ATTRIBUTIONS DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES------------------------------------------------------------------------------
17
SECTION I: LE COURTAGE EN AFFRETEMENT ET LA VENTE DES NAVIRES-------------18
SECTION II: LA CONDUITE EN DOUANE DES NAVIRES ET LA TRADUCTION DE LA
LANGUE ETRANGERE--------------------------------------------------------------------------------------
26
CHAPITRE DEUXIEME: LE PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR
DE NAVIRES------------------------------------------------------------------------------33
SECTION I: ETENDUE ET LIMITES DU PRIVILEGE DU COURTIER MARITIME----------33
SECTION II: L’AVENIR DU PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR
DE NAVIRES: UN SUJET A REBONDISSEMENT-----------------------------------------------------48
TITRE DEUXIEME: LA SITUATION JURIDIQUE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES------------------------------------------------------------------------------
59
CHAPITRE PREMIER: LE STATUT PERSONNEL DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES------------------------------------------------------------------------------
59
SECTION I: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES EN TANT QUE
COMMERÇANT---------------------------------------------------------------------------------------------
59
3
SECTION II: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES EN TANT
QU’OFFICIER MINISTERIEL------------------------------------------------------------------------------
64
CHAPITRE DEUXIEME: LA RESPONSABILITE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES------------------------------------------------------------------------------
70
SECTION I: SUR LE PLAN CIVIL------------------------------------------------------------------------
70
SECTION II: SUR LES PLANS PENAL ET DISCIPLINAIRE-------------------------------------73
CONCLUSION-------------------------------------------------------------------------------------
80
INTRODUCTION.
Le transport maritime a connu une évolution indéniable pouvant s’apprécier sous
différents angles. Ainsi sous l’angle du moyen utilisé, on peut noter le passage du navire
à vapeur au navire à moteur diesel.
Cette évolution a touché aussi le rôle du capitaine de navire. En effet, ne
s’occupant que des formalités relatives au navire à l’entrée et à la sortie du port après que
le propriétaire eût cessé d’être présent à bord, les capitaines se trouvèrent obligés d’agir
également dans l’intérêt de la marchandise à partir du XVIIe siècle quand le marchand
mît fin à l’habitude qui consistait à accompagner lui-même la marchandise. Ils devaient
alors procéder à la livraison de leurs chargements et pouvaient être obligés d’acquitter les
droits d’importation, de réclamer aux autorités du port des certificats de descente pour les
marchandises qu’ils avaient transportées.
Mais confrontés à la complexité de la réglementation dont le non respect pouvait
leur faire encourir la confiscation de leurs chargements, la non maîtrise de la langue du
pays pour certains, auxquelles s’ajouta la réduction de la durée des escales, les capitaines
éprouvèrent le besoin de recourir à l’aide des intermédiaires mieux outillés; connaissant
la langue utilisée dans le pays, les usages des bureaux ainsi que les formalités à observer.
4
Ils se confièrent à cette fin, comme l’a écrit M Valin, à des « ...interprètes et
courtiers sans caractère qui n’étaient pas liés par la religion du serment; ajoutant à
l’infidélité de leurs services, l’exaction d’un salaire excessif »1.
Très vite, les capitaines se plaignirent des abus dont ils étaient victimes. La
nécessité de créer un corps des courtiers dont la probité et la compétence ne souffriraient
d’aucune zone d’ombre se fit sentir.
Ces courtiers devaient à la fois aider les capitaines dans leurs démarches à
l’entrée et à la sortie d’un port français, mais aussi éviter que ceux-ci fassent des
déclarations mensongères en vue de frauder la douane.
Ce corps fut mis sur pied par un édit de décembre 1657 par lequel Louis XVI
ordonna la création dans chaque amirauté de deux offices de courtier juré, l’un de juré
interprète, l’autre de conducteur de maîtres navires2. La nomination devait appartenir à
l’amiral, sous réserve de la première finance.
L’édit fut mis en vigueur dans quelques sièges d’amirauté mais resta dans le grand
nombre sans exécution.
Par ordonnances du 30 décembre 1661 et du 24 janvier 1662 et par arrêt du
conseil du 27 octobre 1663, le roi confirma les dispositions de l’édit de 1657. Il attribua
de nouveau la nomination des courtiers jurés à l’amiral de Vendôme et fit défense à tous
maîtres de navires de se servir d’autres courtiers que de ceux qui auraient reçu de lui
commission suffisante3.
Les courtiers de commerce n’eurent plus, dès lors, le droit de prêter leur concours
aux maîtres navires qu’à la condition d’avoir prêté serment au siège de l’amirauté en
qualité d’interprètes ou de conducteurs de navires.
Les commissions d’interprète juré et de conducteur de navires pouvaient être
accordées à la même personne ou à des personnes différentes. Dans ce dernier cas,
chacune devait se cantonner étroitement dans ses attributions. 1 M Valin: Commentaire de l’ordonnance de la Marine du mois d’Août 1681, cité par M. Pierre Aubry dans Etude sur le Courtage Maritime; Thèse de droit; Toulouse 1906; P.62 Lire M.Valin: Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la Marine du mois d’Août 1681, I, P.201 ; Cité par M; H. Bosc dans Du privilège des courtiers interprètes et conducteurs de navires et de sa suppression; Thèse de droit , Lyon 1915; P.163 Ibid
5
Le courtier interprète avait le droit de traduire les documents maritimes et de
servir de truchement aux capitaines ignorant la langue française; il n’avait pas le droit de
faire les déclarations en leurs lieu et place. Ce droit n’appartenait qu’aux courtiers
commissionnés pour la conduite des navires et ceux-ci, à leur tour, n’avaient pas le droit
de traduire aucune pièce, encore qu’ils connussent quelques fois parfaitement la langue
dans laquelle elle était rédigée.
Comme cette division de fonctions amenait les capitaines à payer deux droits de
courtage, on prit l’habitude de ne plus accorder de commission que pour les deux
fonctions ensemble. Ce n’était qu’une habitude et le roi eut toujours la faculté d’accorder
des commissions séparées.
L’ordonnance sur la Marine d’août 1681 vint confirmer les ordonnances, édit et
arrêt précédents et réglementer plus étroitement les fonctions des courtiers, interprètes et
conducteurs de navires.
Lors de la révolution de 1789, le privilège de ces courtiers fut supprimé pendant
quelque temps. En effet, la loi du 17 mars 1791 décréta la liberté du courtage; celle du 30
mars de la même année vint maintenir dans leurs fonctions les courtiers en activité. Mais,
quelques semaines plus tard, la loi du 8 mai 1791 reprit la loi du 17 mars et décida la
suppression des « offices et commissions d’agents et courtiers de change, de banque, de
commerce et d’assurances, tant de terre que de mer, conducteurs-interprètes... ».
Dès lors, toute personne qui voulut exercer l’une de ces fonctions n’eut qu’à
demander une patente qui était remise sur la production de la quittance de ses
impositions.
Cette liberté absolue amena le trouble et l’insécurité dans les relations
commerciales. Ce qui poussa M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angély à s’écrier dans son
discours sur la loi du 28 Ventôse an IX ( 19 mars 1801 ) que « toutes les bourses de
commerce offrent le spectacle décourageant du mélange d’hommes instruits et probes
avec une foule d’agents de change ou de commerce, qui n’ont pour vocation que le
besoin, pour guide que l’avidité, pour instruction que la lecture des affiches, pour frein
que la peur de la justice, pour ressource que la fuite ou la banqueroute »4.
4 Cf. M.Pierre Aubry;op.cit;P.7.
6
On finit par ressusciter le système du privilège. C’est la loi du 28 Ventôse an IX
qui en rétablit le principe.
Les rédacteurs du code de commerce poursuivirent l’effort dans le même sens. Ils
créèrent quatre catégories de courtiers privilégiés : les courtiers de marchandises, les
courtiers d’assurances maritimes, les courtiers interprètes et conducteurs de navires, les
courtiers de transport par terre et par eau. Pour la première fois, les qualités d’interprète
et de conducteur furent réunies dans un texte de loi.
Des quatre catégories de courtiers privilégiés créées par le code de commerce, il
ne reste aujourd’hui que celle des courtiers interprètes et conducteurs de navires. Les
trois autres n’ont pas survécu à l’épreuve du temps.
Ainsi, le privilège des courtiers de marchandises a été supprimé par la loi du 18
juillet 1866.
Les courtiers de transport, quant à eux, n’ont jamais existé que dans les textes.
Enfin, les courtiers d’assurances maritimes, après avoir résisté pendant longtemps,
ont été supprimés par la loi du 16 décembre 1978.
On comprend dès lors pourquoi, trois siècles après leur création; le privilège des
courtiers interprètes et conducteurs de navires, très connus sous le nom de courtiers
maritimes, continue à soulever des vagues de contestation. Les premières attaques ont été
portées sur le terrain de son impact sur le commerce international. Ensuite, sa conformité
au droit international a été mise en cause.
Faut-il ou non supprimer ce privilège?
Cette interrogation a traversé les siècles. D’ailleurs, au moment où nous avons
commencé cette étude, les bruits de sa suppression allaient bon train. C’est dire que le
moment n’est pas mal venu de présenter cet intermédiaire du transport maritime menacé
quant à son maintien sous la forme actuelle.
La présentation que nous ferons de ce professionnel obéit à une démarche en deux
temps. Dans un premier temps, nous mettrons l’accent sur son rôle dont la complexité se
7
révèle à travers les différentes attributions de la profession couvertes par un privilège
fortement protégé.
Ensuite, nous analyserons sa situation juridique qui sort de l’ordinaire notamment
son statut personnel hybride. Le courtier maritime est à la fois officier ministériel et
commerçant.
Mais auparavant, nous exposerons les conditions d’accès et le mode d’exercice de
la profession de courtier interprète et conducteur de navires.
CHAPITRE PRELIMINAIRE
LES CONDITIONS D’ACCES ET LE MODE D’EXERCICE DE LA PROFESSION DE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES.
Cumulant les qualités de commerçant et d’officier ministériel, le courtier interprète et
conducteur de navires exerce une profession dont l’accès est soumis à des conditions
précises (SECTION I). De plus, le mode d’exercice de cette profession n’est pas
abandonné aux caprices de ceux qui y accèdent (SECTION II).
SECTION I : LES CONDITIONS D’ACCES A LA PROFESSION
Les conditions d’admission à la profession de courtier interprète et conducteur de
navires sont prévues par la loi du 28 ventôse an IX (19 mars 1801) complétée par les
arrêtés du 29 Germinal an IX et du 17 Prairial an X.
Le postulant à ladite profession doit fournir un certain nombre de documents(§1),
et être nommé par le gouvernement avant de prêter serment (§2).
§1-LES PIECES A FOURNIR PAR LE POSTULANT.
8
Quiconque nourrit l’ambition de devenir courtier interprète et conducteur de
navires, dans l’état actuel des textes régissant la profession, doit réunir les documents ci-
après:
1 - un acte de naissance attestant un minimum d'âge de 21 ans: (article 7 de
l'arrêté du 29 Germinal an IX).
Notons que l’exercice de cette profession est exclusivement réservé aux personnes
de nationalité française. Les ressortissants des autres pays membres de la communauté ne
sont pas autorisés à devenir courtiers maritimes dans un port français. En effet,
l’ordonnance n° 69-815 du 28 AOUT 1969 et la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ont
confirmé cette exclusion. Le premier texte, modifiant le décret du 12 novembre 1938
relatif à la carte d’identité de commerçant pour les étrangers 5, a exclu l’activité du
courtier interprète et conducteur de navires des activités pouvant être exercées par les
ressortissants des autres Etats membres de la communauté aux mêmes conditions que les
citoyens français. La loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la
fonction publique exclut à son tour les ressortissants des Etats membres de la
communauté autres que la France de l ’accès aux corps, cadres d’emplois et emplois dont
les attributions sont inséparables de l’exercice de la souveraineté ou de prérogatives de
puissance publique de l’Etat ou des autres collectivités publiques 6. Or, il est indéniable
que le courtier maritime, en sa qualité d’officier ministériel (qui vise à prévenir les
fraudes auprès des douanes), participe à l’exercice de prérogatives de puissance publique
de l’Etat.
A propos de l’âge dont le minimum est fixé à 21 ans, soulignons que le mineur
autorisé à faire le commerce ne peut pas devenir courtier interprète et conducteur de
navires;
2 - le traité de cession entre le cédant et le cessionnaire de l’office (article 6 de la
loi du 25 juin 1841);
3 - un certificat de jouissance des droits civils, civiques et politiques (article 7 de
l'arrêté du 29 Germinal an IX). Ainsi, une personne condamnée à une peine
correctionnelle ou criminelle assortie d’une déchéance au sens de l’article 131-10 du
N.C.P. ne peut pas postuler à la profession de courtier interprète et conducteur de navires;
4 - un extrait du casier judiciaire ;
5Ordonnance n°69-815 du 28 août 1969 J.C.P.; 1969 ; éd. G. ; 35884. 6Loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, article 5 bis, J.C.P. ; éd. G. ; III; 64919.
9
5 - un certificat de stage effectué pendant 4 ans au moins dans une maison de
banque de commerce ou chez un notaire, etc...(art. 6 de l'arrêté précité); les services
accomplis par les officiers de la Marine Marchande sont considérés comme valables pour
ce stage;
6 - une demande;
7 - la lettre de démission du cédant et de présentation de son successeur(ou, en
cas de décès, l’acte de décès du titulaire);
8 - un certificat de libération du service militaire;
9 - l’état des produits bruts de l’office pendant la dernière période
quinquennale(circulaire du 17 juillet 1858);
10 - la commission du courtier démissionnaire (c’est-à-dire l’extrait de l'arrêté de
nomination);
11 - l’avis de la chambre syndicale (art. 2 de l’Ord. du 3 juillet 1816). Cet avis
porte sur l’aptitude professionnelle du postulant;
12 - l’avis du tribunal de commerce (art. 2 de l’Ordonnance précitée);
13 - l’avis du préfet (art. 3 de la même Ordonnance);
14 - une déclaration, signée par les parties en cause, qu’il n’a été fait aucune
contre lettre ni aucune convention accessoire, modifiant les clauses du traité de cession;
15 - un certificat de non faillite;
16 - pour les courtiers interprètes, un certificat de capacité pour la ou les langues à
interpréter (décret du 22 janvier 1813, art. 3). Ce certificat est délivré par le tribunal de
commerce qui fait subir un test au postulant devant un jury composé des personnes
maîtrisant la langue à interpréter.
Signalons qu’au cas du décès du titulaire, il faut ajouter à ces justifications un acte
de notoriété et si, parmi les héritiers, figure un ou plusieurs mineurs, une copie de la
délibération du conseil de famille approuvant la cession, ladite délibération homologuée
par le tribunal civil.
Lorsqu’il a réuni toutes ces pièces, le postulant remet le dossier à la chambre
syndicale des courtiers interprètes et conducteurs de navires du lieu où il compte
s’installer. Celle-ci transmet à son tour le dossier au préfet qui le soumet au ministre du
commerce. Le postulant va alors attendre la réponse du gouvernement.
10
§2-LA NOMINATION PAR LE GOUVERNEMENT SUIVIE DE LA PRESTATION DU SERMENT.
On ne devient pas courtier interprète et conducteur de navires tant qu’on a pas été
nommé par le Gouvernement, et on ne commence pas à exercer la profession avant
d’avoir prêté serment.
A - LA NOMINATION PAR LE GOUVERNEMENTA leur création (lire l’édit de décembre 1657), les courtiers jurés devaient être
nommés par l’amiral. Par les Ordonnances du 31 décembre 1661 et du 24 janvier 1662 et
l'arrêt du conseil du 27 octobre 1663, le roi confirma les dispositions de l’édit de 1657,
attribuant de nouveau la nomination des courtiers à l’amiral en la personne du Duc de
Vendôme7. La loi du 28 ventôse an IX, qui a rétabli les courtiers maritimes après leur
suppression par la révolution de 1789, réserva l’exercice de la profession à des personnes
commissionnées par le Gouvernement. C’est cette pratique qui continue à s’appliquer
pour l’accès à la profession de courtier maritime.
Nommés auparavant par décret du président de la république, ils sont, depuis
l’Ordonnance du 28 novembre 1958, nommés par arrêté ministériel dont le contenu
précise le nom du nouveau courtier, la ville dans laquelle il est autorisé à exercer ses
fonctions, le nom de l’ancien titulaire de l’office et la langue à interpréter .
Acte administratif individuel, l'arrêté de nomination est ensuite notifié à
l’intéressé et au tribunal de commerce de la ville dans laquelle il sera installé.
Certes nommé par le Gouvernement, le nouveau courtier ne peut pas encore
accomplir les actes relevant de sa profession, car il lui faut d'abord prêter serment. Ainsi,
l'arrêté du 28 octobre1996 8nommant Mr. D. comme courtier interprète et conducteur de
navires à Marseille précise qu’il"sera installé dans ses fonctions après avoir au
préalable prêté serment".
B - LA PRESTATION DU SERMENT .Le tribunal de commerce, après avoir reçu l'arrêté de nomination du nouveau
courtier maritime, va convoquer ce dernier pour lui faire prêter serment .
7BOSC Henri: Du privilège des courtiers interprétes et conducteurs de navires et de sa suppression. Thèse de droit. Lyon. 1915. P.16. 8Arrêté du 28 octobre 1996 J.O. de la république française du 20 novembre 1996 P.16930.
11
Ce serment est recueilli par le président du tribunal dans la forme ci-
après: "Veuillez jurer de remplir vos fonctions avec honneur et probité". La main droite
levée, le nouveau courtier maritime répond : "Je le jure".
Le tribunal établit le procès-verbal de la cérémonie.
Le nouveau courtier interprète et conducteur de navires est dès lors habilité à
accomplir ses fonctions. Il doit toutefois se conformer au mode d’exercice de la
profession prévu par les textes.
SECTION II: LE MODE D’EXERCICE DE LA PROFESSION.La profession de courtier interprète et conducteur de navires ne s’exerce pas en
société(§1), mais les intéressés doivent se regrouper en compagnie sur chaque place (§2).
§1-L’INTERDICTION DE CONSTITUER UNE SOCIETE .L’article 10 de l'arrêté du 27 Prairial an X, toujours en vigueur, interdit aux
courtiers maritimes d’avoir dans leurs charges des associés. Cette prohibition concerne
aussi bien les rapports entre confrères qu’avec les tiers .
A - DANS LES RAPPORTS ENTRE CONFRERES.De par sa qualité d’officier ministériel, le courtier maritime ne doit exploiter sa
charge qu’à titre individuel. L’exploitation en société est interdite, faute de texte
dérogatoire, comme il en existe, par exemple, pour les notaires, sur la base de la loi du 29
novembre 19669. En fait, les courtiers se regroupent par bureaux pour diminuer leurs frais
.
Cette interdiction n’empêche pas la constitution d’un fonds commun, par exemple
pour le rachat et, par voie de conséquence, la suppression de certaines charges devenues
vacantes ou la création d’une "bourse commune" entre courtiers interprètes et
conducteurs d’une même place.
A propos de la création d’une"bourse commune", on peut lire avec intérêt l'arrêt
rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 1èr février 196110. En
9Loi n° 66-879; J.O.; du 30 novembre 1966; J.C.P. ; 1966 ; éd. G. ; III , 32517.10Cass. Com. 1èr février 1961 ; D.M.F.; 1961; P. 368.
12
l’espèce, les faits étaient les suivants : par acte des 16 et 22 novembre 1907, les huit
courtiers interprètes et conducteurs de navires de la place de Rouen alors en fonction,
avaient conclu une convention, sur l’honneur, pour éviter entre leurs bureaux une
concurrence déloyale ou simplement incorrecte et pour assurer la valeur de leurs charges,
de verser 50% des émoluments bruts par eux perçus à une masse commune répartie par
huitième au profit de chaque titulaire, les autres 50% restant acquis au courtier qui aura
fait la conduite.
L’un des courtiers ayant refusé de poursuivre l’exécution de la convention, les
sept autres avaient saisi le tribunal de commerce de Rouen afin d’obtenir le paiement des
sommes qui leur étaient dues. Le tribunal avait déclaré valable la convention de bourse
commune liant les courtiers maritimes de Rouen.
Cette décision avait été infirmée par la cour d’appel de la même ville qui avait
jugé que la convention en cause était contraire à l’ordre public et devait être annulée dès
lors qu’elle était de nature à compromettre gravement la gestion d’un office. Pour la cour
d’appel, les versements à la bourse commune et les répartitions subséquentes avaient
pour conséquence d’une part de laisser à un des courtiers, dont la charge s’était
considérablement développée, un bénéfice absolument dérisoire et tout à fait insuffisant
pour lui permettre de vivre avec sa famille de façon décente, et, d’autre part, d’assurer à
un autre courtier, dont l’activité s’était tout à fait réduite ,une somme plus de dix fois
supérieure11.
L'arrêt de la cour d’appel de Rouen a été cassé par la chambre commerciale de la
cour de cassation au motif qu’en ne prenant en considération que la lésion des intérêts
particuliers d’un des contractants, lequel pouvait, moyennant le paiement d’un dédit,
s’affranchir de ses engagements contractuels, mais sans établir si les intérêts généraux de
la société avaient subi une atteinte du fait de la convention incriminée, la cour d’appel
avait violé par fausse interprétation les articles 6 et 1133 du code civil. Il découle de cette
décision que la convention de bourse commune conclue entre les courtiers maritimes
d’une même place est valable dès lors qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts généraux
de la société.
Depuis que la faculté de créer des sociétés professionnelles a été reconnue à
d’autres officiers ministériels, on est en droit de se demander si la prohibition qui frappe
les courtiers interprètes et conducteurs de navires a encore sa raison d’être. D’ailleurs,
une proposition de loi, tendant à les autoriser à constituer des sociétés entre eux , a été
11Cour d’appel de Rouen 29 novembre 1957, D.M.F.1958;P.156-159.
13
déposée par certains députés devant l’Assemblée Nationale le 27 juin 1991 (n°2161),
mais elle est restée sans suite jusqu’à présent.
B - DANS LES RAPPORTS AVEC LES TIERS.Interdit de constituer une société avec ses confrères, le courtier maritime ne peut
pas non plus se regrouper avec les tiers. Ainsi, la cession des parts d’un office à des tiers
a été condamnée par la jurisprudence parce qu’elle impliquerait l’existence d’une société
professionnelle, laquelle serait nulle et devrait être liquidée comme société de fait. C’est
ce qui ressort, par exemple, d’un arrêt rendu le 16 mars 1960 par la 2e chambre de la cour
d’appel de Rennes12. Cet arrêt, rendu à propos d’un courtier d’assurances maritimes, à
une époque où il jouissait encore de la qualité d’officier ministériel * , garde toute sa
portée pour le courtier interprète et conducteur de navires qui bénéficie toujours de ladite
qualité. Les faits, qui avaient donné lieu à cette espèce, étaient les suivants : un courtier
d’assurances maritimes avait cédé un certain nombre de parts de sa charge à des tiers et
avait été mandaté par eux pour gérer, comme seul titulaire, mais pour le compte de tous.
La cour d’appel avait jugé que la communauté d’intérêts résultant d’une telle
convention, était nulle et constituait une société de fait qui devait être liquidée dès lors
qu’elle avait existé et qu’il résultait de cette existence, entre les associés, des rapports de
fait qui devaient se régler par le partage équitable de l’actif ou du passif provenant
d’opérations faites en commun .
Cette jurisprudence s’appuie sur l’idée que l’office ministériel est hors commerce.
Pour la même raison, un " contrat de gestion ", par lequel un courtier interprète et
conducteur de navires confierait l’exercice de ses fonctions à un gérant, en s’engageant à
ratifier et signer tous les actes de celui-ci, serait également frappé de nullité.
L’interdiction de se regrouper en société avec des tiers suscite notre adhésion, et
pour cause, admettre que ceux-ci se joignent comme associés à un officier ministériel
pour l’exploitation de sa charge, serait faire d’eux des officiers ministériels de fait,
détenteurs d’un pouvoir juridiquement intuitus personae. Etant donné que les tiers
associés pourraient se retrouver avec plus de pouvoir que l’officier ministériel lui-même,
c’est un truisme que de dire que celui-ci ne servirait alors que d’écran à ceux qui, pris
individuellement, n’auraient peut-être pas eu l’honneur de devenir officiers ministériels.
Aussi pensons nous que, pour protéger le privilège dont jouissent les officiers
12Cour d’appel de Rennes (2e cham.), 16 mars 1960, D.M.F.,1961; P.334.* Le courtier d'assurances maritimes n'est plus officier ministériel depuis la loi n° 78-1170 du 16 décembre 1978 , J.O.; 17 décembre 1978.
14
ministériels, la création d’une société entre les tiers et un officier ministériel pour
l’exploitation de sa charge mérite d’être récusée.
Par contre, les courtiers peuvent occuper dans leurs bureaux autant d’employés
qu’il leur convient. Ces employés peuvent faire les traductions dont le courtier se rend
garant en les vérifiant et en les signant; ils peuvent aussi aller au bureau de douane
déposer les pièces confiées au courtier par les capitaines ou accompagner ces derniers,
mais ils n’ont pas le pouvoir d’interpréter, de traduire les dépositions orales des
capitaines. Il est donc prudent que le courtier les accompagne lui-même ou, en cas
d’empêchement, qu’il se fasse remplacer par un confrère.
§2-LA POSSIBILITE DE SE REGROUPER EN COMPAGNIE.Les courtiers interprètes et conducteurs de navires d’une même place doivent se
réunir en compagnie. Tel est le cas de ceux qui sont installés à Marseille. A l’article
premier de leur règlement de discipline intérieure, on peut lire: " la compagnie des
courtiers, conducteurs de navires et des courtiers d’assurances près la bourse de
Marseille, est composée des courtiers nommés par le Gouvernement, à l’effet d’exercer
sur ladite place et qui ont justifié de l’accomplissement des formalités prescrites par les
lois et règlements pour leur installation ".
La compagnie élit une chambre syndicale composée d’un syndic et d’un nombre
variable d’adjoints (six à la chambre syndicale de Marseille). Celle-ci exerce un pouvoir
disciplinaire sur les membres de la compagnie et organise la profession sur la place. Elle
intervient au besoin dans l’intérêt de ses membres notamment pour faire respecter le
monopole du courtage et poursuivre le courtage clandestin pratiqué par des
intermédiaires sans qualité. Elle correspond avec toutes autorités pour les questions qui
intéressent la compagnie ou qui sont déférées à son examen par l’administration
publique.
15
La compagnie a également pour rôle d’émettre un avis sur l’aptitude, la moralité
et la capacité légale des candidats aux places de courtiers présentés à l’agrément du
Gouvernement et, sur la situation du titulaire en instance pour transmettre sa charge.
Elle fournit tous renseignements d’intérêt commercial qui peuvent être demandés
par le Gouvernement et par l’administration. Soulignons enfin qu’elle règle à l’amiable
les différends qui peuvent s’élever entre les membres de la compagnie à l’occasion de
leurs fonctions.
Il est notable que la compagnie ne doit être constituée que lorsque la place réunit
un certain nombre de courtiers. Ce nombre est laissé à l’appréciation discrétionnaire des
autorités compétentes pour autoriser la constitution de la compagnie.
En l’absence de compagnie, c’est le président du tribunal de commerce qui fait
office de syndic. Ainsi à Sete, le président du tribunal de commerce de Montpellier
assume le rôle de syndic.
Signalons qu'il existe un syndicat national des courtiers maritimes( chambre
nationale des courtiers maritimes de France ) qui n'a aucun pouvoir sur les membres de la
profession. C'est un simple organisme corporatif.
TITRE PREMIER
TITRE PREMIER
LE RÔLE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
Le capitaine d’un navire, faisant escale dans un port français, choisit librement le
courtier maritime; néanmoins, comme tous les courtiers n'interprètent pas toutes les
langues, le choix du capitaine est restreint de ce point de vue.
En outre, il arrive que la charte-partie ou le connaissement indique à quel courtier
doit s’adresser le capitaine sous peine des dommages-intérêts envers l’affréteur. C’est
l’effet de la clause d’adresse. Il a également été soutenu que le non respect de cette clause
16
donnait au courtier désigné dans celle-ci le droit à des dommages-intérêts à la charge du
capitaine13.
Choisi librement, le courtier maritime peut aussi être révoqué en toute liberté par
le capitaine; toutefois, la révocation abusive lui donne droit à des dommages-intérêts,
comme à tout mandataire salarié.
Une fois choisi, le courtier interprète et conducteur de navires a un rôle complexe
à remplir. Pour l’appréhender, il convient d’étudier ses différentes attributions (chapitre I)
et le privilège dont il jouit dans l’exercice de ses fonctions (chapitre II).
CHAPITRE PREMIER
LES ATTRIBUTIONS DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES.
Les attributions du courtier interprète et conducteur de navires sont énumérées par
la loi du 28 Ventôse an IX et les arrêtés subséquents (29 Germinal an IX et 17 Prairial an
X), l’article 80 du code de commerce, l’Ordonnance du 14 novembre 1835, complétés par
les dispositions du titre VII du livre I de l’Ordonnance de la Marine d’août 1681.
L’énumération la plus précise est celle de l’article 80 c.com. qui dispose : "Les courtiers
interprètes et conducteurs de navires font le courtage en affrètement; ils ont, en outre,
seuls le droit de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les
13RODIERE Réné, Traité Général de Droit Maritime, Introduction, l'Armement, Dalloz, 1976; P. 552.
17
déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats, et tous les actes de commerce dont
la traduction serait nécessaire; enfin, de constater le cours de fret ou du nobis.
Dans les affaires contentieuses de commerce, et pour le service des douanes, ils
serviront seuls de truchement à tous étrangers, maîtres de navires, marchands, équipages
de vaisseau et autres personnes de mer.". Il convient d’y ajouter la vente des navires
comme le précise l’Ordonnance du 14 novembre 1835, car l’article 80 du c.com. n’est
pas limitatif dans l’énumération qu’il donne des principales fonctions des courtiers en
cause.
Avant d’entamer l’examen des fonctions qui sont encore accomplies par le
courtier maritime, signalons d’ores et déjà que la constatation du cours du fret - opération
qui consistait, pour les courtiers interprètes et conducteurs de navires, à se réunir pour
fixer le maximum et le minimum du taux de fret - est tombée en désuétude. Plusieurs
raisons expliquent cette désuétude. En premier, on peut comptabiliser la disparition des
bourses de commerce en France . Or, comme on peut le lire à l’article 72 c.com., le cours
de fret se détermine en fonction du résultat des négociations et des transactions qui
s’opèrent dans la bourse. Nous pouvons en déduire qu’il n’y a pas de constatation du
cours de fret sans bourse de commerce.
La seconde raison qui justifie la mise à l’écart de cette activité est la supplantation
du tramping par le transport maritime en ligne directe, qui a donné aux armateurs la
latitude de pratiquer les taux de fret fixes, connus à l’avance par les chargeurs.
A ces deux principales raisons, on peut ajouter le développement d’un
"relationnel confiance "* entre les armateurs et les chargeurs qui ne rend plus nécessaire
le recours au ministère d’un courtier maritime dans leurs négociations, notamment en ce
qui concerne la détermination du taux de fret pour le tramping.
Le courtier interprète et conducteur de navires continue à exercer ses autres
fonctions, c’est-à-dire le courtage en affrètement et la vente de navires (SECTION I)
ainsi que la conduite en douane et la traduction de la langue étrangère (SECTION II).
SECTION I : LE COURTAGE EN AFFRETEMENT ET LA VENTE DES NAVIRES.
* Nous devons cette expression à Mr. Guy JOURDAN-BARRY, le syndic des courtiers maritimes de Marseille..
18
Parmi les attributions du courtier maritime, c’est le courtage en affrètement et la
vente de navires qui sont exercées en concurrence avec les membres des autres
professions.
§1 - LE COURTAGE EN AFFRETEMENT
Pour étudier ce point, nous estimons utile de définir d’abord ce qu’il convient
d’entendre par courtage en affrètement, et ensuite, nous ferons le constat sur la pratique
actuelle de cette opération en France.
.A-DEFINITION.
Le courtage en affrètement peut être défini comme l’opération par laquelle un
intermédiaire met en relation un armateur et un affréteur en vue de la conclusion d’un
contrat d’affrètement.
Le courtier doit se livrer à un travail complexe aussi bien avant, pendant,
qu’après la conclusion du contrat.
En amont de celle-ci, il joue le rôle d’informateur. En effet, il est tenu de
collecter le maximum d’informations possibles susceptibles d’intéresser ses clients, de
façon à pouvoir le cas échéant, satisfaire à une demande de renseignements de leur part.
C’est ce qui a fait dire à M. Pierre DARDELET que: " Le courtier est, en quelque sorte,
un agent de renseignements, dans le domaine spécialisé que l’on a coutume d‘appeler le
marché mondial des frets et des navires. "14. Le courtier en affrètement note et répertorie
tous les détails que l’on peut connaître sur les conditions d’affrètement de telle catégorie
de navires : taux, période, variations, etc... Il doit être en mesure, quel que soit son
mandant, de renseigner ses clients sur les fluctuations du marché, de les informer
continuellement des offres d’affaires et des bateaux disponibles, des tendances de taux de
marché et faire des prédictions facilitant la conclusion des contrats. En bref, nous voulons
dire à l’instar de M. Pierre DARDELET qu’il doit : " projeter de façon permanente le
film des événements du marché international "15.
Pendant la conclusion du contrat, le courtier intervient comme mandataire de
l’une des parties au cours de la négociation. A ce titre, il doit exécuter les instructions de
son mandant, les soumettre à l’autre partie, sans prendre sur lui de les modifier, mais il
lui est possible d’y ajouter des commentaires en précisant bien que ces commentaires, qui
14 M. Pierre DARDELET: Le rôle du courtier d’affrètement et de vente de navires; D.M.F. 1981, P. 764.15Ibid P.767.
19
n’engagent que lui-même, n’ont pour but que d’éclairer l’autre partie sur ce que le
courtier pense être encore possible de négocier ou non dans les conditions formulées par
le mandat. Son seul souci est de parvenir à rapprocher les points de vue des parties
concernées. Il ne figure pas au contrat comme un commissionnaire. En pratique, il sert
d'intermédiaire aux deux parties.
Une fois le contrat conclu, le courtier peut déjà se frotter les mains, mais dans la
plupart des cas, il doit encore assumer un rôle quasi « notarial ». En effet, la difficulté de
séparer la rédaction du contrat d’affrètement de l’acte de courtage a fait que les courtiers
maritimes procèdent à cette rédaction. Toutefois, ils n’en ont pas le monopole car elle ne
requiert aucune qualité officielle. On peut en conclure que l’acte qu’ils établissent n’a pas
le caractère d’un acte authentique.
Il est utile de noter que dans la rédaction du contrat d’affrètement, le courtier doit
être précis et respectueux des ordres des parties d’autant plus que chaque mot, chaque
virgule, chaque chiffre comptent.
Lorsqu’ils ne rédigent pas eux-mêmes le contrat d’affrètement, les
courtiers expriment leur opinion quant au choix de la charte-partie et à la rédaction de ses
clauses, en fonction particulièrement, de l’évolution des techniques de transport et de
manutention, des changements dans les conventions et réglementations et modifications
dans la jurisprudence française et étrangère. Malheureusement leurs conseils ne sont pas
toujours suivis.
L’exécution des contrats peut également permettre au courtier de jouer un rôle
important ou d’être, seulement, l’organe de transmission, entre les deux parties, de leurs
factures, doléances et réclamations.
B - CONSTAT SUR LA PRATIQUE ACTUELLE
Le courtier interprète et conducteur de navires pratique de moins en moins le
courtage en affrètement. Diverses raisons expliquent ce recul.
En premier, il convient de souligner ce qui est vrai pour tous les courtiers: aucun
armateur, aucun affréteur n’est tenu de recourir au ministère d’un courtier en affrètement.
Aussi constate-t-on qu’un grand nombre de contrats d’affrètement sont conclus
directement par les armateurs, agissant par leurs chefs de succursales, et les affréteurs.
En outre, et c’est la seconde raison, le vent du progrès dans le monde maritime a
soufflé dans le mauvais sens pour les courtiers interprètes et conducteurs de navires.
20
Bénéficiaires d’un privilège lorsque les opérations de courtage concernent un armateur et
un affréteur se trouvant dans la ville où ils sont installés, ils connaissent une baisse de
clientèle à la suite du transfert des sièges sociaux de plusieurs armements à Paris où le
courtage en affrètement est libre. Il n’y a point de surprise que bon nombre de contrats se
concluent par l’intermédiaire des courtiers parisiens.
Un autre aspect, non négligeable, est la possession des connaissances spécifiques
qui s’impose au courtier d'affrètement depuis un certain nombre d’années. En effet,
depuis la diversification survenue dans le monde des affaires, le courtier doit non
seulement connaître les différents aspects du monde maritime mais il doit également
suivre les tendances économiques mondiales, les marchés d’échanges internationaux,
c’est-à-dire, être à la fois expert maritime et économiste.
Grâce à ses facultés d’adaptation, indispensables aujourd’hui aux courtiers de
toutes catégories professionnelles, et à la spécialisation de ses connaissances, il peut
apporter à ses mandatants les services qu’ils en attendent et jouer un rôle à part entière
dans l ’économie. Pour se faire, il doit limiter son champ d’action, tout en continuant
cependant à développer ses compétences, devenir plus efficace et doit renoncer à l’idée d’
être un " généraliste ". Il est difficile qu’un seul courtier maritime puisse être à la fois
expert dans des domaines aussi variés que : celui des traditionnelles marchandises sèches;
des réfrigérées, de l’affrètement à temps; du transport du gaz ou des produits
chimiques ;des produits pétroliers; du cabotage ; etc...Cela est d’autant plus vrai qu’il doit
cumuler dynamisme, rigueur, réflexion et connaissance aussi bien des navires, des
cargaisons et des ports que du droit.
Par ailleurs, cette spécialisation ne suffit pas à elle seule, si on y ajoute pas une
rationalisation des méthodes, l’aide des communications et surtout d’un personnel
hautement qualifié dans chaque secteur de l’activité maritime.
Le courtage n’est plus l’activité artisanale solitaire qu’il fut à l’origine, mais il est
devenu un travail d’équipe. Or, le courtier interprète et conducteur de navires, sauf le
droit d’avoir un personnel, est un exploitant solitaire de la charge dont il est titulaire.
Quel poids peut-il avoir face aux grandes sociétés de courtage, installées à Paris et à
l’étranger, capables d’offrir à leurs clients un éventail de compétences variées?
De plus, même s’il a une solide formation, il lui est difficile de concilier un
métier épuisant mentalement et physiquement, exigeant la rapidité et l’habilité avec
l’exercice obligatoire des autres attributions de sa profession.
21
A la lumière de ce qui précède, on peut s’étonner de l’explication fournie par M.
Pierre AUBRY16 pour qui : " Pour trouver du fret ou des bateaux, il faut que le courtier se
donne la peine de les chercher, tandis qu’il attend tranquillement dans son bureau que les
capitaines viennent lui confier la conduite de leurs navires. On comprend que les
courtiers se soient désintéressés des opérations qui exigeaient d’eux de l’initiative et leur
causaient des soucis pour se consacrer exclusivement à celles qui leur demandaient le
minimum d’efforts. ".
Cette explication qui se borne à souligner la paresse des courtiers maritimes à
faire le courtage en affrètement est loin d’ être convaincante. Aussi refusons nous d’y
adhérer, car les raisons objectives exposées ci-dessus paraissent suffisamment pertinentes
pour justifier le recul desdits professionnels dans le domaine en cause. D’ailleurs, tous les
courtiers maritimes n’ont pas renoncé au courtage en affrètement. Bien au contraire,
certains travaillent de concert avec les grandes sociétés de courtage en affrètement
installées à Paris.
§2 - LA VENTE DES NAVIRES.
L’article 80 du code de commerce ne dit pas que les courtiers maritimes ont le
droit de procéder à la vente des navires. On ne saurait cependant le leur refuser, car, si
l’article 80.c.com. n’en parle pas, il n’en est pas le cas des autres textes. L’Ordonnance
du 14 novembre 1835, par exemple, porte que ces courtiers auront droit à une rétribution
distincte pour la vente des navires: c’est dire qu’ils ont le droit d’y procéder. Et la loi du 3
juillet 1861 déclare expressément qu’ils ont le droit de procéder à la vente aux enchères.
Il est donc indéniable qu’un courtier maritime peut organiser la vente de gré à gré tout
comme la vente publique des navires .
16Pierre AUBRY : étude sur le courtage maritime, Thèse, Toulouse, 1905, P.92.
22
A - LA VENTE DE GRE A GRE .
Les courtiers interprètes et conducteurs de navires peuvent servir d’intermédiaires
dans les ventes de gré à gré, mais ils n’en ont pas le monopole. C’est affirmer qu’il n’y a
point de différence ici entre eux et les courtiers libres dont ils affrontent la concurrence.
Dans la vente de gré à gré, le courtier maritime intervient comme intermédiaire
entre un armateur vendeur et un autre acheteur, un chantier de construction ou de
réparation et un armateur.
Pour bien accomplir sa mission et par la même occasion disposer d’une grande
clientèle, il doit enregistrer les informations sur le type de navires en commande ou
d’occasion, les détails de leur mode de propulsion, les spécifications des moyens de
chargement , les détails de livraison, etc...
Il doit se doter d’une organisation complexe lui permettant de recueillir de façon
systématique les informations les plus significatives de la tendance en matière de
variation du marché des prix de navires (il doit prendre connaissance des prix obtenus
lors de la vente des navires ), des conditions de paiement, des délais de livraison de même
que des taux reportés sur les opérations de démolition. Il doit avoir toutes ces
informations à portée de main, car il doit être en mesure d’effectuer, à la demande d’un
éventuel client (acheteur ou vendeur), une évaluation aussi précise que possible des
navires.
Dans le droit fil de ce qui précède, il accomplit les démarches nécessaires auprès
des ambassades et consulats étrangers - si besoin est, après avoir fait dûment traduire les
documents en question dans la langue voulue. C’est également lui qui soumet aux
autorités de tutelle(en France, la direction de la Marine Marchande pour le compte du
ministère des transports), les contrats d’achats et de ventes de navires qui doivent être
approuvés et visés par ces autorités.
B - LA VENTE PUBLIQUE.
Une distinction mérite d’ être faite entre la vente volontaire et la vente forcée aux
enchères.
1) - la vente volontaire aux enchères.
23
Les courtiers maritimes ont le monopole de la vente volontaire aux enchères des
navires. C’est ce qui découle de la loi du 3 juillet 1861 dont les termes affirment ce qui
précède. Jusqu’à cette loi, ils n’intervenaient que comme simples courtiers en
concurrence avec d’autres professionnels (les notaires, avocats, par exemple). L’article 2
de ladite loi préconise toutefois que le tribunal a le droit de désigner une autre classe
d’officiers publics, mais il résulte de ses travaux préparatoires que cette exception n’a été
introduite que parce qu’il peut se trouver telle circonstance dans laquelle il est utile pour
la vente d’employer le ministère d’un officier public autre qu’un courtier maritime (c’est
le cas par exemple, lorsqu’il n’y a pas de courtier maritime dans la ville où la vente a
lieu).
Nonobstant cette exception, le monopole des courtiers maritimes garde toute sa
vigueur. Dans un très vieil arrêt rendu au siècle dernier, la cour d’appel de Douai avait
jugé que ce privilège était opposable aux courtiers de marchandises (autres courtiers
privilégiés de l’époque). Le raisonnement de la cour était le suivant : " ...la spécialité des
courtiers, interprètes, conducteurs de navires, institués par l’Ordonnance de la Marine,
leur donne une aptitude spéciale pour tout ce qui se rapporte aux négociations relatives
aux navires et les met en rapport avec ceux qui auraient à tirer parti de ce genre de
propriété, les courtiers de marchandises, dont la spécialité est toute différente, institués
par les lois qui ont crée les bourses de commerce, sont loin d ’offrir les mêmes avantages
aux intéressés... ". Par ailleurs, elle affirme: "...l’usage immémorial et universel a mis
dans les attributions de cette dernière classe de courtiers (interprètes et conducteurs de
navires), la vente publique des navires "17. Dès lors que rien n’a changé sur le plan textuel
depuis cette décision, force nous est donnée d'affirmer que la décision précitée a gardé
toute sa portée.
Par contre, on peut se demander si les courtiers maritimes ont un privilège pour la
vente des navires lorsque ceux-ci sont brisés et réduits en pièces. Il convient de
distinguer:
- si les débris ont encore conservé un caractère maritime, c’est-à-dire s’ils peuvent
être encore utilisés dans un navire, les courtiers maritimes auront seuls le droit de
procéder à leur vente. C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu à Nîmes, il y a plus d’un siècle
à propos des accessoires (agrès et apparaux) d’un navire échoué et devenu innavigable18.
17Cour d’appel de Douai, 20 décembre 1872 : D.P., 1873; 5; 150.18Nîmes 3 mai 1879; D.P.; 1880; 2; 121. S. 1879 ; 2; 239 .
24
Dans cette espèce, un notaire avait vendu les débris de ce navire aux enchères. Le
courtier maritime de la place, arguant son privilège, avait saisi le tribunal de Nîmes.
Celui-ci avait rendu une décision qui n’avait pas obtenu l’assentiment du courtier. Il avait
interjeté appel. La cour d’appel avait affirmé à cette occasion que les courtiers maritimes
ont, à l’exclusion de tous autres officiers ministériels, le droit de vendre les navires aux
enchères publiques. Et ce monopole s’étend à la vente des débris provenant d’un bâtiment
échoué et innavigable, toutes les fois du moins que ces débris présentent le caractère
d’agrès, d’apparaux, d’objets et matériel de marine ; par suite, les notaires ne peuvent y
procéder sans s’immiscer dans les fonctions des courtiers et sans encourir envers eux une
responsabilité.
Cet arrêt précisait également que le silence d’un courtier maritime ne devait pas
être interprété comme une renonciation au bénéfice de son privilège. En effet, pour la
cour, "un courtier ne saurait être considéré comme ayant renoncé au bénéfice de son
privilège par le seul fait de n’avoir pas répondu à l’invitation qui lui avait été adressée
éventuellement de présider à la vente des épaves et de n’avoir formulé aucune
réclamation lors de la publication des insertions qui annonçaient cette vente comme
devant s’opérer par l’entremise d’un notaire ".
Ce dernier argument n’emporte pas notre conviction. S’il n’y avait à Nîmes qu’un
courtier maritime, aucune vente aux enchères ne devait avoir lieu tant qu’il n’eût pas
répondu à l’invitation de la présider. Quel propriétaire de navire accepterait un tel état des
choses ? De toute évidence, le commerce s'accommode mal avec ce genre de freins ;
- si les débris sont réduits à l’état de masses informes, inutilisables dans un navire,
leur vente pourra être effectuée par n’importe qui.
La vente volontaire aux enchères publiques s’effectue selon les formes ordinaires
des ventes mobilières.
Le procès-verbal établi par le courtier maritime pour constater la vente est un acte
authentique et devra être publié au service des douanes du port d’attache du navire. Il est
notable que les ventes volontaires de navires aux enchères sont rares.
2)La vente forcée aux enchères.
Le courtier interprète et conducteur de navires peut également effectuer la vente
d’un navire saisi, mais il n’en a pas le monopole. Il doit ainsi affronter la concurrence ou
s’unir à des avocats, huissiers, notaires. Cette vente est réalisée selon la procédure
25
inspirée de la saisie immobilière dont nous jugeons utile de récapituler les principales
étapes. Le tribunal de grande instance, saisi par la citation délivrée par le créancier qui a
pris l’initiative des poursuites, doit, après vérification du titre exécutoire du créancier
saisissant et la régularité de la procédure de saisie menée jusque là, organiser la vente
publique du navire, en fixant la mise à prix, la date et les conditions de la vente. Et pour
le cas où il ne serait pas fait d’offre, le juge doit fixer, d’ores et déjà, le jour où une
nouvelle vente aux enchères aura lieu sur une mise à prix inférieure, également
déterminée dans la même décision (décret du 27 octobre 1967, article 40). Il n’y a pas
possibilité de surenchère après l’adjudication (décret du 27 octobre 1967, article 47).
Toutes ces modalités sont publiées par des affiches dont les articles 42 et 43 du
décret précité précisent le contenu et les lieux d’apposition (sur le grand mat du navire,
sur la porte du tribunal, à la chambre de commerce, au bureau de douanes et à la
circonscription maritime). Le juge est d’ailleurs habilité à ordonner, le cas échéant, les
formalités de publicité supplémentaires (article 41 du même décret). De toute façon, la
vente ne peut pas intervenir moins de quinze jours après l’apposition des affiches et une
insertion dans un journal d’annonces légales. Dans l’attente de la vente, le courtier
maritime joue le rôle d’agent de renseignements pour les éventuels enchérisseurs. Il peut
également leur faire visiter le navire, objet de la vente.
Suivant la décision du tribunal, la vente peut se faire à l’audience de criées du
tribunal de grande instance, ou devant un autre tribunal, ou encore en tout autre lieu du
port où se trouve le navire saisi.
L’adjudicataire est tenu de verser le prix à la caisse des dépôts et consignations,
dans les vingt-quatre heures. Sinon s’engagerait une procédure de folle enchère, qui
ferait supporter à l’adjudicataire défaillant, non seulement les frais de la nouvelle mise
aux enchères, mais aussi la différence éventuelle entre le montant de son enchère qu’il
n’a pas pu honorer, et du prix d’adjudication sur folle enchère (article 49 du décret
précité).
SECTION II : LA CONDUITE EN DOUANE DES NAVIRES ET LA TRADUCTION DE LA LANGUE ETRANGERE.
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Assurer la conduite en douane d'un navire ( §1) et procéder à la traduction de la
langue étrangère (§2), telles sont les attributions les plus connues du courtier interprète et
conducteur de navires.
§1- LA CONDUITE EN DOUANE DES NAVIRES.
Par conduite en douane, il faut entendre l’ensemble des formalités qui sont
accomplies à l’entrée d’un navire au port et à sa sortie auprès du tribunal de commerce,
des douanes ou des autres administrations publiques. Il existe deux types de conduite en
douane en France: l’un concerne les marchandises, et est réalisé par l’exploitant du
navire, c’est-à-dire par l’agent consignataire ou le réceptionnaire de la marchandise ;
l’autre quant à lui se rapporte uniquement au navire et est l’oeuvre du capitaine. Seul le
deuxième type nous intéresse dans cette étude.
A défaut d’agir lui-même, le capitaine ne peut se faire remplacer que par le
courtier interprète et conducteur de navires pour la conduite en douane de son navire.
Mais quelles sont les formalités qui doivent être accomplies à l’entrée et à la sortie d’un
navire dans un port français ?
A- FORMALITES A ACCOMPLIR AUPRES DES GESTIONNAIRES DU PORT.
Les gestionnaires du port sont: la capitainerie et la direction du port.
1° A LA CAPITAINERIE DU PORT.
Le courtier maritime prend des contacts pour l’obtention du numéro d’ordre
d’escale. Il opère également le pointage de la numérotation des navires à l’arrivée et des
départs pour le paiement des différentes taxes.
2°A LA DIRECTION DU PORT.
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Il transmet les caractéristiques physiques du navire pour établir le volume taxable.
Il procède à la clarification et à la justification de ces paramètres.
Le courtier y remet également des informations de la DN ( Entrée et sortie ).
Enfin, il est tenu à la confirmation pour utilisations statistiques des tonnages avec
provenance et/ou destination par la fourniture de copies des manifestes.
B-FORMALITES A ACCOMPLIR A L’ADMINISTRATION DES DOUANES.
Après traduction des éléments fournis par le bord ou leurs agents, le courtier
maritime remplit le formulaire du manifeste D1 et le dépose à l’entrée dans un délai
imparti de 24 heures. Ce dépôt est, suivant les besoins, précédé du dépôt d’une
déclaration de gros ( faite par le transitaire ). La procédure équivalente est accomplie à la
sortie avec dépôt dans un délai imparti de cinq jours.
Il dépose également les documents de nationalité -certificats de jauge:
présentation des originaux et remise de photocopies avec traduction éventuelle de ceux-
ci.
Il y effectue également le dépôt du manifeste des provisions de bord.
Le courtier interprète et conducteur rédige la déclaration Navire ( Entrée et sortie)
avec calculs des droits de port ( Taxe navire, Taxe de stationnement, Taxe
d’avitaillement, Taxe sur les passagers ), constituant engagement avec: application des
diverses formules de calcul de la Taxe Navire et ses réduction: importance de l’escale
( rapport entre chargement/déchargement et capacité du navire ), Ligne régulière
( comptabilisation du nombre des escales avec complication des consortium ou escales
multi-bassins, etc...), différence de tarification Entrée et Sortie, cause, type d’exploitation
ou Zone géographique de provenance ou de destination, changement de ligne régulière.
Il reçoit et règle les relevés décadaires des droits de port échus.
Il réceptionne puis transmet ou instruit les bulletins différentiels.
Le courtier maritime effectue le dépôt des mises en charge( permettant le
ravitaillement) et de la billette de sortie (par escale) ou clearance.
Il procède à l’établissement d’attestations et certificats de déchargement visés par
la douane ainsi que du TC 12 visé par la douane pour transmission au commandant dans
le cadre des procédures communautaires.
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Il perçoit auprès des Armements et règle à la douane des redevances pour Travaux
Rémunérés ( TR).
Notons au passage que le courtier se charge aussi de la transmission des copies
des listes d’équipage à la police de l’Air et des Frontières.
C-FORMALITES A ACCOMPLIR AUPRES DU TRIBUNAL DE COMMERCE.
Le courtier interprète et conducteur de navires y dépose le rapport de mer établi
par le commandant du navire, après traduction et affirmation.
Il traduit en outre oralement les témoignages de l’équipage.
En dehors des administrations, le courtier maritime prend des contacts avec
d’autres intervenants du monde maritime. Il en est ainsi des consignataires de navires, des
transitaires et des différents prestataires de services portuaires.
1°- DANS LES CONTACTS AVEC LES CONSIGNATAIRES NAVIRES
Il peut être amené à réaliser les opérations suivantes:
-assistance pour l’établissement et le suivi des dossiers d’obtention du régime
Lignes Régulières et Comptabilisation des escales;
-établissement et remise d’extraits de Manifestes facilitant le transfert ou le retrait
de marchandises des quais;
-si la procuration lui est fournie, affirmation et signature du Manifeste D1 Entrée
pour le compte de l’exploitation de l’aire de dédouanement;
-analyse de l’escale d’un navire en vue de sa juste taxation;
-établissement de comptes proforma;
-encaissement de taxes pour le compte des Organisations patronales ( UMF);
-relations entre différents Agents lors de slots charter agreement ou partage de
capacité ou autre formule économique de réparation du navire avec garantie de la
confidentialité commerciale.
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2°- DANS LES RELATIONS AVEC LES TRANSITAIRES ET LES
PRESTATAIRES DE SERVICES PORTUAIRES.
Il peut transmettre les numéros de Gros aux transitaires.
Pour la Société Nationale de Sauvetage en Mer, il réalise la facturation et la
remise au représentant local de la contribution du navire par escale.
Aux Sociétés de Lamanage et de Pilotage, il transmet les volumes attestés par la
PAM et la douane en vue de leur propre facturation.
Précisons en plus que le courtier maritime peut être appelé à collaborer avec les
divers fournisseurs du navire. Il peut, par exemple, transmettre les numéros et dates des
actes de nationalités de navires pour exemption de T.V.A. aux Shipchandlers, DHL,
Blanchisseurs...
Enfin, il est possible qu’il accomplisse des démarches auprès des consulats
étrangers telles que les déclarations spécifiques de certaines marchandises ( dangereuses
par exemple ), visa des Manifestes Export et Règlement des frais consulaires ou
l’obtention de certificats d’origine ou visa de ceux-ci.
§2-LA TRADUCTION DE LA LANGUE ETRANGERE .
Cette traduction peut revêtir deux formes : orale et écrite.
A-LA TRADUCTION ORALE.
Comme l'indique son nom, le courtier interprète et conducteur de navires joue
également le rôle d'interprète pour la ( ou les ) langue ( s) déterminée ( s) par l'arrêté de
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nomination. Cette activité est signalée par la plupart de textes relatifs à la profession des
courtiers maritimes. Ainsi, définissant ces derniers, l'édit de décembre 1657, dit rôles de
Ré et d'Oléron, disposait : " Tout maître ou capitaine de navire étranger qui ignore la
langue du pays où il vient commercer, a besoin d'un interprète pour se faire entendre,
pour faire dans les bureaux les déclarations auxquelles il est tenu, pour vendre ses
marchandises et en acheter d'autres pour son retour, en un mot pour faire son commerce.
Il a donc fallu dans tous les temps des interprètes et des courtiers conducteurs des maîtres
navires...".
Plus tard , LOUIS XVI, Roi de France et de Navarre, rappelait dans les lettres
patentes du 19 juillet 1776 que " les courtiers interprètes conducteurs de navires sont
maintenus dans le droit exclusif d'assister les capitaines et marchands étrangers ... et de
leur servir d'interprète pour faire les déclarations dans les greffes et différents bureaux et
autres actes publics ".
La traduction de la langue étrangère ou l'interprétariat est indivisible de la
conduite en douane . En effet, c'est en servant " de truchement à tous étrangers,maîtres de
navire, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de mer " ( al. 2 de l'article
80 du c.com.), que le courtier maritime est appelé à faire preuve de ses qualités
d'interprète. Il en est ainsi , par exemple, lorsqu'il accompagne deux membres de
l'équipage au tribunal de commerce pour affirmer le rapport de mer.
Toutefois, il existe un cas de figure dans lequel la traduction orale est séparable
de la conduite en douane : c'est quand le courtier est désigné par un tribunal pour servir
d'interprète à un capitaine ( ou à toute personne ne parlant pas la langue française au sens
de l'article 80 du c.com., al. 2 ) dans une procédure contentieuse .
B-LA TRADUCTION DES DOCUMENTS ECRITS .
D'après l'alinéa 1er de l'article 80 du c.com., les courtiers maritimes ont le droit
exclusif de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les
déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats, et tous actes de commerce dont la
traduction serait nécessaire. Il découle de ce texte que le capitaine ne peut pas traduire
lui-même un document écrit dans une langue autre que le français lorsque la traduction
31
est nécessaire. C'est vrai dans une procédure contentieuse, ça l'est moins pour les
documents à déposer auprès de l'administration de douanes; du tribunal de commerce; ou
d'autres administrations lorsqu’il effectue lui-même la conduite en douane de son navire.
L'interprétation de l'article 80 c.com.,al. 1, a soulevé des interrogations sur deux
points. En premier, on a cherché à savoir s'il ne vise que les tribunaux de commerce, et
par suite, les courtiers interprétant devant les autres juridictions doivent être soumis à la
formalité du serment. Le texte ne faisant aucune distinction entre les juridictions devant
lesquelles les courtiers remplissent leur fonction de traducteurs, il est loisible d'en déduire
qu'ils ne sont pas tenus, même devant les tribunaux civils ou correctionnels, de prêter
serment comme cela est exigé des interprètes d'occasion. Néanmoins, si la pièce à
traduire ne rentre pas dans la catégorie de celles prévues par l'article 80, le courtier
interprète n'est qu'un expert traducteur ordinaire soumis aux formalités du droit commun.
Dans les ports où il n'existe pas de courtiers maritimes, on prend un interprète
quelconque selon les règles du droit commun, c'est-à-dire nommé par le tribunal ou
choisi par les parties d'un commun accord.
En second, on s'est demandé si le courtier interprète peut être récusé au sens de
l’article 234 du Nouveau code de procédure civile portant que les techniciens peuvent
être récusés pour les mêmes causes que les juges. La réponse à cette question doit être
nuancée :
-si le courtier désigné par le tribunal pour traduire le document est en même temps
courtier attitré d'une des parties, il ne fait aucun doute qu'il peut être récusé par l'autre
partie.
En dehors de ce motif, la récusation d'un courtier interprète est une bataille sans
enjeu, parce que la traduction de documents laisse infiniment moins de place à
l'appréciation individuelle par comparaison à l'expertise .
Les traductions faites par le courtier maritime font foi jusqu'à inscription de faux.
Le choix d'un courtier interprète et conducteur de navires a l'avantage de faire
bénéficier au capitaine ( et par delà à l'armateur ) le report de la liquidation des droits de
port parce que tout courtier maritime souscrit au bénéfice de l'administration des douanes
une "soumission cautionnée des droits de port ". Par cette soumission , il s'engage à payer
, dans le délai maximal de 30 jours à partir du jour de l'inscription au registre de
liquidation , des droits de port relatifs au navire, à sa conduite, ainsi que les remises,
intérêts ou pénalités légalement exigibles.
32
Il convient également de noter que le courtier maritime a élargi son activité hors
du cadre défini par les textes régissant la profession. On le retrouve par exemple dans la
consignation des navires, la délivrance des marchandises, le recouvrement du fret en
vertu d'un contrat spécial.
Enfin, les actes accomplis par le courtier interprète dans le cadre de son privilège
font foi jusqu'à inscription de faux.
CHAPITRE DEUXIEME
LE PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE
NAVIRES
33
Tout comme les autres officiers ministériels, le courtier maritime bénéficie dans
l'exercice de ses fonctions d'un privilège ( 5e rang ) dont il convient à présent d'étudier
l'étendue et les limites ( SECTION I ) avant de s'interroger sur son avenir ( SECTION
II ).
SECTION I : ETENDUE ET LIMITES DU PRIVILEGE DU COURTIER
MARITIME.
Le privilège couvre-t-il toutes les attributions du courtier interprète et conducteur
de navires ? Comment est -il protégé ? (§1) ; Quelles sont ses limites ? (§2).Telles sont
les questions auxquelles nous tenterons d'apporter des réponses .
§1-ETENDUE ET PROTECTION DU PRIVILEGE .
Dans le premier chapitre de cette étude, nous avons analysé les différentes
attributions du courtier maritime. Ici, notre travail va se limiter à voir si dans l'exercice de
toutes ces attributions, il jouit du privilège établi par l'article 80 c.com. Ensuite, nous
dirons quelques mots sur ce qui se passe en cas de violation de celui-ci.
A-ETENDUE DU PRIVILEGE.
La lecture de l'article 80 c.com. laisse transparaître que le privilège dont jouit le
courtier maritime couvre la traduction écrite des documents rédigés en langues étrangères
devant les tribunaux et la conduite en douane des navires. Ils sont les seuls habilités à les
faire, dit le texte en substance. Mais ce texte ne précise pas si les courtiers maritimes
jouissent également d'un privilège pour le courtage des affrètements. S' en tenant à la
lettre du texte précité, certains auteurs19ont soutenu que le privilège des courtiers
maritimes en matière d'affrètement ne s'imposait pas. D'autres, par contre, ont défendu
l'idée selon laquelle ce privilège s'étend au courtage des affrètements20sur la place où ils
existent. C'est aussi la position de la jurisprudence. Précisons que le privilège ne joue que
lorsque l'opération concerne un armateur ( fréteur) et un affréteur installés dans la même
ville que les courtiers maritimes. C'est dire que quand l'un d'entre eux est ailleurs, le
privilège des derniers tombe
19Paulette VIEUX-FOURNERIE et Daniel VEAUX : auxiliaires terrestres du transport maritime. Courtiers; Editions Techniques - Juriss-classeurs-1992, fascicule 1195.20Lire Réné RODIERE : Traité Général de Droit Maritime-Introduction; Armement; Dalloz 1976; P.553;
34
Enfin, ils ont également le privilège sur la vente publique volontaire aux enchères
des navires.
B-LA PROTECTION DU PRIVILEGE
Quand leur privilège est violé, les courtiers maritimes peuvent demander au juge des
référés , sur le fondement de l'article 873 du N.C.P.Civ., que soit interdit à l'usurpateur de
poursuivre les opérations de conduite en douane au port de la ville dans laquelle ils sont
installés sans leur concours, pour trouble manifestement illicite.
En outre, des poursuites pénales pourront être engagées contre celui qui a agi au
mépris de leur privilège pour usurpation des fonctions. Par ailleurs, la responsabilité de
l'Etat pourra être engagée devant les juridictions administratives pour faute des services
de douanes, qui ont accepté de traiter avec un intermédiaire non attitré.
1)-Poursuites pour usurpation des fonctions.
Les attributions des courtiers maritimes sont protégées par l'article 433-12 du
N.C.P(article 258 A.C.P.) . Ce texte sanctionne le fait par toute personne agissant sans
titre,de s'immiscer dans l'exercice d'une fonction publique en accomplissant l'un des actes
réservés au titre de cette fonction. Trois éléments caractérisent cette infraction : une
fonction publique
( fonction qui donne à son titulaire le droit de participer, d'une façon quelconque, à
l’exercice de la puissance publique. Ce qui est le cas de la fonction de courtier maritime
dont l'une des missions est de prévenir d'éventuelles fraudes auprès de l'administration
des douanes) , un acte d'immixtion ( acte de la fonction usurpée) , et le défaut de titre de
celui qui a agi. Ce délit touche ceux qui, sans être courtiers maritimes, effectueraient la
conduite en douane, le courtage des affrètements, la traduction des documents écrits en
langue étrangère ainsi que la vente publique volontaire des navires au détriment des
professionnels attitrés de la place.
Ainsi, sous l'empire de l'ancien code pénal, à Saint-Vigor-d'Ymonville, un sieur
Vilgicquel, ayant mis en douane différents navires étrangers, sans l'intervention des
courtiers maritimes du Havre, avait été poursuivi pour usurpation des fonctions sur le
fondement de l'article 258 C.P. La cour d'appel de Rouen avait, le 24 mai
197321,considéré qu'il y avait là un délit correctionnel d'usurpation de fonctions - on
21Cour d'appel de Rouen, 24 mai 1973; 4e ch.; D.M.F.; 1974; P.21.
35
aurait dit autrefois de "marronnage" ( article 8 de la loi du 28 ventôse an IX) - et était
entré en condamnation. Notons que cette décision a été cassée par la haute cour au motif
que les formalités douanières relatives à un navire amarré à des appontements privés
faisant partie du port autonome du Havre, mais situés dans une commune voisine et
extérieure à cette ville, ne sont pas de la compétence exclusive des courtiers interprètes et
conducteurs de navires établis sur la place du Havre22. En d'autres termes, le sieur
Vilgicquel n'avait pas violé le privilège de l'article 80 c.com. et ne pouvait être reconnu
coupable du délit d'usurpation de fonctions. Le délit n'aurait été caractérisé que si les
appontements en cause étaient situés dans la commune du Havre comme l'avait jugé la
cour d'appel.
L'usurpateur des fonctions des courtiers maritimes est passible de trois ans
d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende.
2)-La responsabilité de l'Etat.
La responsabilité de la puissance publique peut être engagée lorsqu'une
administration( notamment celle des douanes) a accepté qu'un intermédiaire autre que le
courtier maritime procède à la conduite en douane d'un navire. C'est ce qui découle du
jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen le 8 juin 198123. Les faits qui
avaient donné lieu à cette décision étaient les suivants : pendant la période allant du 8
décembre 1976 au 9 avril 1977, des consignataires de navires avaient effectué des
opérations de mise en douane de navires au bureau des douanes de la commune de
Rouen. Estimant qu'en acceptant ces opérations, le service interrégional des douanes avait
commis une faute, la compagnie des courtiers interprètes et conducteurs de navires et
courtiers jurés d'assurances de Rouen, avait cherché en responsabilité l'Etat aux fins
d'obtenir l'attribution d'une indemnité en réparation du préjudice ayant résulté de la
violation de leur privilège.
Le tribunal avait décidé qu'en s'abstenant de faire respecter, par tous moyens
appropriés, les dispositions de l'article 80 c.com., le service interrégional des douanes
avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
22Cass.crim. 12 juin 1975; D.M.F.; 1976; P. 285 et J.C.P. 1976. II. 1820623Tribunal administratif de Rouen, 5 juin 1981, D.M.F.;1982; P.95-121.
36
De la même veine est la décision rendue par le conseil d'Etat le 23 décembre
198724 . Trois opérations de mise en douane ayant été effectuées en 1978 par des
consignataires de navires alors que les navires concernés étaient amarrés dans les limites
territoriales de la commune de Bordeaux, les courtiers maritimes de cette place avaient
saisi le directeur du service interrégional des douanes de Bordeaux d'une demande
d'indemnité au motif que ces mises en douanes de navires avaient été faites
irrégulièrement dans les limites du port autonome par des personnes n'ayant pas la qualité
de courtier. Le service des douanes en acceptant ces entorses à leur monopole légal aurait
commis une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique à leur
égard, pour un montant égal aux courtages perdus. En l'absence de réponse, les plaignants
ont déposé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Le tribunal ne leur a donné qu'une satisfaction partielle. Ils ont fait appel du
jugement et le conseil d'Etat a décidé qu' "... en acceptant ces mises en douane, le service
interrégional des douanes a négligé de faire respecter les prescriptions de l'article 80
c.com. et a ainsi commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat...".
La leçon à tirer de cette jurisprudence est la suivante : il appartient à
l'administration des douanes de faire respecter la légalité et que l'Etat français est
responsable des honoraires de courtage éludés.
La responsabilité de l'Etat peut également être engagée quand l'administration des
douanes refuse à un courtier maritime le droit de conduire en douane des navires accostés
à un poste situé dans les limites administratives du port où il a été nommé25.
§2-LES LIMITES DU PRIVILEGE.
Le privilège accordé par le législateur aux courtiers interprètes et conducteurs de
navires n'est pas absolu. Bien au contraire, il est limité quant à son étendue territoriale
ainsi qu'en ce qui concerne les personnes tenues de le respecter.
24Conseil d'Etat ( contentieux, 6e et 10e sous-sections ), 23 décembre 1987, D.M.F.; P. 366-372.25Tribunal administratif de Marseille, 17 novembre 1992, D.M.F.1994; P.88.
37
A-LA LIMITE TERRITORIALE.
Il est unanimement acquis que les courtiers maritimes ne bénéficient que d'un
privilège de place. Mais le législateur n'ayant pas précisé ce qu'il convient d'entendre par
place, la doctrine et la jurisprudence se sont retrouvées dans la tourmente lorsqu'il a fallu
dire si la compétence territoriale des courtiers maritimes se limite aux dimensions de la
ville dans laquelle ils sont nommés ou si elle s'étend aux installations portuaires situées
hors de cette ville,c'est-à-dire à l'ensemble du port autonome, notion administrative qui
recouvre un ensemble de ports situés dans une zone portuaire .
Le problème se pose avec acuité depuis que certains grands ports ont développé
leurs installations au-delà des limites de leur commune , et se sont étendus sur le territoire
de communes voisines. Dès lors, selon qu'on s'en tient aux limites de la commune ou à
celles du port, la compétence territoriale des courtiers maritimes n'a pas la même étendue.
L'enjeu n'est pas sans intérêt parce que d'une part, un autre intermédiaire qui
effectuerait la mise en douane d'un navire sur l'étendue territoriale couverte par le
privilège des courtiers maritimes sera reconnu coupable du délit d'usurpation de fonctions
et l'administration des douanes, qui accepterait une telle opération, commettrait une faute
susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat; et d'autre part, parce que plusieurs
intermédiaires maritimes
( consignataires de navires notamment) recherchent presqu'avec frénésie une pancarte sur
laquelle il serait inscrit : ici s'arrête le privilège des courtiers maritimes. Car, après la
pancarte, la conduite en douane des navires serait libre et ils pourront l'effectuer sans
encourir une quelconque sanction.
Jusqu'au début des années quatre-vingt, la jurisprudence tant judiciaire
qu'administrative était divisée sur cette question . La même division était perceptible dans
les rangs de la doctrine.
Une partie des décisions peut être rattachée à l'idée selon laquelle le privilège des
courtiers interprètes et conducteurs de navires s'étend non pas aux limites de la commune
dans laquelle ils sont nommés, mais à celles du port. Dans ce sens, on peut recenser l'arrêt
rendu par la cour d'appel de Rouen le 4 juillet 197326- le navire Araya- . Le navire Araya
battant pavillon libérien, entré sur lest dans le port autonome du Havre et amarré à
26Cour d'appel de Rouen ; 4 juillet 1973 ; D.M.F.; 1974 ; P. 21.
38
l'appontement privé d'une société à Saint-Vigor-d'ymonville, avait été conduit en douane
par le concessionnaire de cet appontement.
La cour d'appel avait écarté l'argument du concessionnaire selon lequel
l'appontement en cause, quoique situé dans les limites du port autonome du Havre, n'est
pas couvert par le monopole des courtiers du Havre qui se borne aux limites de la ville du
Havre, siège de la bourse auprès de laquelle les courtiers de cette ville sont nommés.
Plus précise est la décision rendue par la même juridiction le 6 décembre 1978.
Un navire s'amarre dans le port autonome de Rouen hors des limites de la ville de Rouen.
Les opérations de conduite en douane sont effectuées par le préposé d'une société et la
compagnie des courtiers interprètes et conducteurs de navires de Rouen l'assigne devant
le tribunal correctionnel de cette ville pour violation de leur privilège.
La cour, réformant le jugement rendu par les premiers juges, a affirmé qu'aucun
texte ne fixe l'étendue du monopole des courtiers maritimes. En outre, elle a souligné que
la notion de "ville" ne recouvre en l'espèce aucun concept juridique précis. Plus
pertinente est l'argumentation selon laquelle "...si l'on doit admettre que, pour les
courtiers de commerce, le privilège est restreint à la ville même où ils sont établis, à
l'exclusion de la banlieue de ces villes (Cass.crim.,24-7-1852, S.1852, 1, 584 ), il n'en est
pas nécessairement de même à l'égard des courtiers maritimes qui exercent leur monopole
dans un port, et non dans une ville au sens étroit du terme; que d'ailleurs les courtiers
maritimes de Rouen sont actuellement nommés pour le port, et non pour la ville de
Rouen; qu'il doit être recherché, selon le critère retenu par la cour de cassation
( cass.crim.12-6-1975), si le prévenu a exercé l'activité à lui reprochée pour des navires
stationnés dans des bassins dépendant d'un port unique, appartenant à la place de
commerce de Rouen, et dans lequel s'exerce le monopole de la compagnie des courtiers
de Rouen;...à cet égard le port de Rouen dépasse en fait les limites de la commune de
Rouen, dans laquelle une surface très réduite est consacrée à l'accostage des navires de
mer, en raison de l'existence de ports urbains;...la plupart des navires faisant escale à
Rouen sont amarrés dans des bassins dépendant des communes voisines qui forment avec
ceux de la commune de Rouen un port unique, sans continuité, dépendant de la même
place de commerce.."27Elle a réitéré sa position dans une autre décision du 24 mai 198428.
Comme nous l'avons noté ci-dessus, les juridictions administratives ne sont pas
restées en marge de la question. Ainsi, le 5 juin 1981, le tribunal administratif de Rouen
27Cour d'appel de Rouen ; 6 décembre 1978 ; D.M.F. 1978 ;P.9828Cour d'appel de Rouen 24 mai 1984; D.M.F.1985; P. 343
39
avait affirmé : " Que la place du courtier maritime ne saurait être limitée, lorsqu'il s'agit
d'un port s'étendant sur plusieurs communes, à la partie du port sur le territoire de la
commune où ce dernier a été nommé; qu'une telle interprétation aboutit à vider le
privilège des courtiers de sa substance; que la part du port de Rouen, située sur le
territoire de la ville, ne comprend pratiquement plus d'appontements; que désormais, les
courtiers sont nommés pour un port déterminé et non plus pour une ville"29
Cette tendance jurisprudentielle a été soutenue par le doyen René RODIERE30.
Selon lui, aucun rapport n'existe entre la ville et les activités d'un courtier maritime. Les
ports autonomes composent une unité économique. Au surplus, jamais courtier interprète
n' est nommé par l'arrêté qui l'institue "auprès d'une bourse". Il est nommé à Bordeaux, au
Havre...Dire alors que ce courtier ne peut opérer que les navires de la ville de Bordeaux,
ou du Havre, ...serait oublier que les navires n'entrent pas dans une ville mais dans un
port. Le siège de l'activité d'un courtier est le port, non la ville. Etant donné que les zones
des ports sont délimitées, il faut s'en tenir à cette règle, le courtier installé à Rouen peut
opérer seul les navires dans le port de Rouen... Le seul point à discuter est de savoir si le
poste d'accostage ou d'ancrage du navire est dans ladite zone portuaire. Il ajoute qu' "
aucun argument ne résiste à cette construction qui consiste à mesurer les limites de la
compétence des courtiers conducteurs et interprètes de navires aux limites du port ,
autonome ou non, qui porte le nom de ville visée dans leur arrêté de nomination; il ne
s'agit pas de communes et de limites territoriales des communes mais du port. La solution
contraire aboutirait par exemple à cette absurdité : un navire est amarré à la limite de
deux communes; comme cela peut se produire au Havre où le quai ne s'interrompt pas à
la limite de deux communes; il est amarré partie sur le territoire du Havre, partie sur celui
de Harfleur. Que va-t-on faire ? Dire que les courtiers du Havre ont leur monopole pour
la partie du navire qui est au droit de la commune du Havre et pas pour celle qui est au
droit de la commune de Harfleur ? Va-t-on tenir compte de l'emplacement de son château
? Et alors distinguer éventuellement suivant qu'il est amarré dans un sens ou dans l'autre ?
Que le bon sens triomphe puisque les textes ne veulent rien dire...! "
Nonobstant la pertinence des arguments du Doyen René RODIERE, on peut se
demander si , en l'absence d'un texte, le souci de faire triompher le bon sens suffirait pour
29Tribunal administratif de Rouen, 5 juin 1981, D.M.F.1982, 95.30Réné RODIERE : Traité Général de Droit Maritime ; précité P. 559-560; Journal de la Marine Marchande et la Navigation aérienne, 61e année -n° 3094, Hebdomadaire, jeudi 5 avril 1979, P. 780-781; Observations sur l'arrêt Cass.crim. 12 juin 1975 - Navire Araya - J.C.P. 1976, éd. G., II, 18206.
40
justifier l'extension du privilège des courtiers maritimes aux installations portuaires
situées hors de la commune où ils sont établis. Les monopoles devant être interprétés
restrictivement, il paraît plus logique , sur le plan du droit , de dire que celui des courtiers
doit être cantonné à l'intérieur des limites territoriales de la ville où ils sont institués.
C'est dans ce sens que vont les décisions les plus récentes rendues par les hautes
juridictions françaises ( cour de cassation et conseil d'Etat ). Il convient de lire à ce sujet
l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 22 juillet 198631. Dans cette
espèce, la société Jules Roy avait procédé à des opérations de conduite en douane des
navires étrangers accostant à des appontements du port de Rouen en dehors de la
commune de Rouen. La compagnie des courtiers interprètes et conducteurs et courtiers
jurés d'assurances de Rouen a assigné la société Jules Roy aux fins d'obtenir la réparation
du dommage qui lui aurait été causé par ces activités exercées en violation du monopole
accordé par l'article 80 du c.com. aux courtiers interprètes et conducteurs de navires pour
les opérations de douane .
Cassant la décision rendue par les juges de la cour d'appel de Rouen, la haute
instance a affirmé : " si les attributions des courtiers interprètes et conducteurs de navires
s'exercent nécessairement , en raison de leur nature, dans le port dont est dotée la ville où
ils sont établis, il ne saurait être pour autant admis, sauf dispositions contraires d'un texte
spécial, une extension de leur privilège à d'autres ports ou parties de ports ne dépendant
pas directement de la même ville." Cette jurisprudence a été confirmée le 6 octobre
199232. Mr. Valette, courtier maritime à Caen, se prévalant du monopole de l'article 80
c.com., a assigné deux compagnies de navigation devant le tribunal de commerce en leur
réclamant, en outre des dommages-intérêts, le coût des prestations qu'il aurait dû
effectuer à l'occasion de la conduite en douane de leurs navires dans le port de
Ouistreham. Il prétendait que son monopole s'étendait à l'ensemble des installations
portuaires existant sur le territoire des communes de Caen et de Ouistreham, ainsi que des
communes limitrophes. Il ajoutait que la règle selon laquelle les courtiers et conducteurs
de navires sont nommés par le gouvernement dans une ville déterminée à laquelle se
limite leur monopole, n'est applicable que dans la situation dans laquelle un port s'est
progressivement développé au-delà des limites de la ville qui en était inévitablement
dotée et s'est ainsi géographiquement étendu au cours du temps depuis la définition légale
du monopole ; mais, elle ne saurait recevoir application lorsque, comme en l'espèce, un
31Cour de cassation ( ch.com.), 22 juillet 1986, D.M.F. 1986, P. 736-738.32Cour de cassation ( ch.com.), 6 octobre 1992, P. 629.
41
port excédait les limites de la ville de nomination du courtier depuis une époque
antérieure à la définition légale du monopole.
Reconnaissons qu'on ne peut pas reprocher à l'avocat de Mr. Valette d'avoir
manqué d'imagination. Mais, nous partageons la réflexion de Mr.Y. Tassel selon qui : "
l'effort était, du point de vue de la raison, déraisonnable. Car si un texte, qui peut
concerner une étendue plus grande, limite le domaine de son application à une étendue
inférieure, il exclut par là-même son application à l'étendue supérieure. Si donc le port
d'Ouistreham existait avant le décret limitant le monopole au port de Caen , il était
évident que l'auteur du décret en avait exclu le port d'Ouistreham."33 C'est dans ce sens
qu' a statué la cour de cassation qui a réaffirmé que " le monopole des courtiers
interprètes et conducteurs de navires se limite à une ville déterminée. Leurs attributions
s'exercent dans le port dont est dotée cette ville. Leur privilège, sauf disposition contraire
d'un texte spécial, ne s'étend pas aux installations portuaires, aux ports ou parties du port ,
existant déjà ou nouvellement créés hors des limites du territoire de la commune. ".
Le conseil d'Etat partage l'interprétation que la cour de cassation donne de
l'étendue territoriale du privilège des courtiers maritimes. C'est ce qui découle sans
ambiguïté de sa décision du 23 décembre 198734 dans laquelle il énonce qu'il résulte de la
combinaison des dispositions des articles 74 et 80 du c.com.que le monopole des
courtiers interprètes et conducteurs de navires s'exerce à l'intérieur des limites territoriales
des villes dotées d'un port mais ne s'étend pas aux communes voisines sur le territoire
desquelles les installations du même port peuvent se trouver également implantées.
Cette seconde tendance jurisprudentielle a reçu l'adhésion du Doyen Chauveau
qui, contestant la "notion d'unicité du port autonome et d'indivisibilité de son activité", a
affirmé que le siège du privilège du courtier est la ville dans laquelle il a "ses bureaux et
installations"35
Une décision isolée du tribunal de commerce de Saint-Nazaire avait estimé que le
privilège des courtiers maritimes s'étendait à tout le ressort du tribunal de commerce36.
33Y. TASSEL : note sous l'arrêt du 6 octobre 1992, précité P. 630-631.34Conseil d'Etat ( contentieux, 6e et 10e sous-sections ), 23 décembre 1987, D.M.F.1988, P. 366-368.35Paul Chauveau : observations sur le jugement du tribunal correctionnel de Rouen du 20 janvier 1978, D.1978; P. 412-414.36Tribunal de commerce de Saint-Nazaire, 24 octobre 1979,D.M.F. 1980; P. 363-369.
42
Hormis son approbation par le Doyen René Rodière37 - la solution est bonne - , cette
décision n'a pas obtenu un écho favorable aussi bien en jurisprudence qu'en doctrine.
C'est reconnaître qu'elle n'a pas créé une troisième tendance sur l'interprétation de
l'étendue territoriale du privilège en cause.
A la lumière de ce qui précède, et en l'absence d'un texte spécial, on peut dans
l'état actuel des textes et de la jurisprudence conclure que le privilège des courtiers
maritimes ne dépasse pas les limites territoriales de la ville dans laquelle ils sont
nommés. Trois conséquences peuvent être tirées de cette situation :
-les autres intermédiaires maritimes peuvent, dans les dépendances du port,
situées en dehors de la commune d'origine, procéder à la conduite en douane des navires
sans encourir les sanctions pénales prévues par l'article 433-12 du N.C.P.;
-dans ces dépendances, les courtiers interprètes peuvent aussi procéder à la
conduite en douane des navires, mais en concurrence avec les autres intermédiaires, et
cela quel que soit le lieu où est situé le bureau des douanes où se fait l'essentiel des
formalités;
-enfin, rien n'interdit qu'un courtier soit nommé pour deux communes voisines
aux installations portuaires intégrées.
Notons qu'une proposition de loi déposée par certains députés devant l'assemblée
nationale et enregistrée le 27 juin 1991 à la présidence de celle-ci sous le N° 2161 a, entre
autre, apporté une solution à la question de l'étendue territoriale du privilège des courtiers
maritimes suscitée par l'inadéquation des étendues territoriales entre port et ville. Trois
dispositions y précisent les règles de l'exercice du monopole, en fixant la zone territoriale
de leur compétence :
-l'article 80 du c.com. serait complété de la manière suivante : " les courtiers
interprètes et conducteurs de navires exercent leurs attributions dans l'ensemble de la
circonscription administrative du port dont est dotée la ville où ils sont nommés au titre
de l'article 74 ";
-dans le cas d'un port autonome ayant une circonscription administrative très
étendue, une division en secteurs déterminés interviendrait ( par décret en conseil d'Etat )
37 Lire les observations du Doyen René Rodière sous le jugement précité P.369.
43
dont les limites définiraient le champ territorial d'application du monopole des courtiers
qui y sont affectés;
-un décret en conseil d'Etat fixerait le tribunal de commerce auquel seraient
rattachés les courtiers interprètes et conducteurs de navires dans tous les cas où ils
seraient appelés à exercer leurs attributions dans le ressort de plusieurs tribunaux de
commerce.
Cette proposition de loi était à la hauteur des attentes et son adoption aurait permis
de mettre fin à la querelle ci-dessus exposée. Malheureusement , l'intervention du
législateur sur ce point se fait encore attendre.
B-LA LIMITE TENANT AU DROIT RECONNU A CERTAINES PERSONNES
D'AGIR SANS LE MINISTERE DU COURTIER MARITIME.
Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 80 c.com. : " Dans les affaires contentieuses
de commerce, et pour le service des douanes, ils serviront seuls de truchement à tous
étrangers, maîtres de navire, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de
mer. ".
Pris à la lettre, ce texte pourrait laisser croire que le truchement des courtiers est
indispensable même aux passagers d'un navire touchant un port français où sont installés
des courtiers, et à leur interdire de prendre tel ou tel guide ou interprète de leur choix s'ils
ne parlent pas français . Ce n'est pas la solution admise et ce n'est que pour les capitaines,
les maîtres de navire que joue le privilège. Mais même pour ces derniers, le ministère
d'un courtier maritime n'est pas imposé. Ils peuvent agir par eux-mêmes comme le
précise l'article 14 de l'Ordonnance sur la Marine d' Août 1681 : " les maîtres et
marchands qui voudront agir par eux-mêmes ne seront pas tenus de se servir ni
d'interprètes ni de courtiers."
Commentant cette ordonnance, Valin écrivait : "...ce n'est que par privilège que
les maîtres et marchands peuvent se passer d'interprètes et courtiers en agissant par eux-
mêmes"38.
38Cité par Henri BOSC : Du privilège des courtiers interprètes et conducteurs de navires et de sa suppression, Thèse précitée ( note n° 3 ), P. 41-42
44
Cette interprétation est difficilement acceptable, et pour cause, elle contredit un
principe de droit commun d'après lequel chacun a le droit de faire ses affaires comme il
lui plaît, sous réserve des restrictions établies par la loi dans un but d'ordre public ou
d'intérêt général. Aussi partageons-nous l'opinion de M. Bédarrides qui disait : " En
réalité, le droit d'agir par soi-même n'est pas un privilège; c'est un droit naturel
préexistant à l'institution des courtiers; faire ses affaires quand on peut se passer
d'intermédiaire est un droit inhérent à chacun."39 C'est dire que celui qui a un intérêt
propre, c'est -à- dire qui gère sa propre affaire, peut agir pour la conservation de sa chose,
et notamment remplir auprès de la douane les formalités dont l’inaccomplissement aurait
pour effet nécessaire de l'engager et de la compromettre.
Pour revenir au texte, disons que l'article 80 c.com. ne rend obligatoire le
ministère du courtier maritime que dans le cas où les " maîtres et marchands " ne peuvent
ou ne désirent pas se passer d'intermédiaires. Mais que doit-on entendre par " maîtres et
marchands " au sens de l'Ordonnance sur la Marine ?
Il n'y a pas eu de difficultés à admettre que le capitaine du navire peut agir sans le
truchement du courtier. C'est incontestable car ce qui est officiellement permis au
mandataire doit en toute logique être autorisé à son mandant. Ainsi le capitaine peut se
présenter lui-même au service des douanes ou au tribunal de commerce s'il parle français
et si ses documents sont écrits ou déjà traduits en français. En pratique, le capitaine
s'abstient de remplir lui-même des formalités assez compliquées dans un port où , en
général, il ne séjourne pas longtemps.
Le capitaine n'agissant que comme mandataire de l'armateur, il est admis que
l'armateur peut agir par lui-même. Une décision ministérielle du 25 octobre 1816,
reproduite dans la circulaire des douanes du 12 novembre 1817, l'a reconnu40. L'armateur
étant le possesseur du navire, en vertu de son droit de propriété, il peut intervenir pour
tout ce qui concerne le navire, son bien.
L'agent local de l'armateur, ou le commis succursaliste, peut aussi se charger des
opérations de conduite en douane. Une pratique frauduleuse, consistant, de la part des
39Conclusions présentées par M. Bedarrides dans la décision de la cour de cassation du 27 décembre 1873, D. 1875, I, P.89.40Lire Georges Ripert, Droit Maritime précité , P. 774-775.
45
maisons d'armement et des chargeurs, à créer des commis succursalistes fictifs, avait vu
le jour . Mais la jurisprudence avait très vite réagi en imposant un certain nombre de
conditions pour reconnaître la qualité juridique de l'agent qui se présentait comme un
commis succursaliste de l'armateur. Il devait être installé à demeure dans le port où il
prétendait représenter l'armateur; ne devait pas s'occuper des affaires d'une autre
compagnie de transport maritime que celle dont il affirmait être son commis
succursaliste; et enfin, devait être en mesure de traiter toutes les affaires de la compagnie
qu'il représentait dans le port auquel il était affecté. En résumé, le commis succursaliste
devait réellement être l'alter ego de l'armateur et non un artifice créé pour les besoins de
l'escale. Sa personnalité devait se confondre avec celle de l'armateur au point où ,
lorsqu'il agissait, c'était encore ce dernier qui agissait.
Aujourd'hui le commis succursaliste a disparu et est remplacé par l'agence locale
de la compagnie d'armement dont le directeur ne peut pas effectuer les opérations de mise
en douane des navires de la compagnie.
Le chargeur peut enfin agir en personne. Ceci n'est vrai que lorsqu'il y a un
chargeur unique de la cargaison. Cette solution a été étendue à son mandataire, le
consignataire unique de la cargaison. C'est un commissionnaire auquel la cargaison
entière est adressée avec mission soit de la répartir entre divers destinataires, soit de la
vendre pour le compte de l'expéditeur; lui seul est réputé destinataire de la marchandise,
et lui seul a le droit d'en réclamer la livraison au capitaine; étant considéré à l'égard des
tiers comme le propriétaire de la cargaison, il est normal qu'il soit admis comme le serait
le propriétaire lui-même à faire les déclarations et démarches nécessaires. Une circulaire
ancienne du 25 octobre 1817 lui a reconnu ce droit et les courtiers n'ont pas trop osé
protester contre cette pratique41
Relevons que, si le chargeur unique ou son mandataire a intérêt à effectuer la
conduite du navire à l'entrée du port, il n'en a plus à la sortie du navire sur lest. Dans ce
cas, le capitaine ou l'armateur ou encore le directeur de l'agence locale doit s'en occuper
personnellement, ou à défaut, recourir au truchement d'un courtier maritime.
La question de savoir si le consignataire de navire avait un intérêt propre sur le
navire, et pouvait effectuer sa conduite en douane, a fait couler beaucoup d'encre. La
réponse à cette question a été rendue plus difficile par la loi du 3 janvier 1969, qui a
41Georges Ripert, précité, P.775-776.
46
défini le statut juridique du consignataire de navire. L'article 11 de cette loi dispose : " le
consignataire du navire agit comme mandataire salarié de l'armateur. Il effectue pour les
besoins et le compte du navire et de l'expédition, les opérations que le capitaine
n'accomplit pas lui-même." L'article 16 du décret d'application de ladite loi ( décret du 19
juin 1969 ) précise qu’: " Il pourvoit aux besoins normaux du navire et de l'expédition ."
Il est incontestable que la conduite en douane relève des "besoins normaux du navire et
de l'expédition " .
Alors, le consignataire de navire n'aurait-il pas le pouvoir d'effectuer la conduite
en douane dès lors qu'il dispose, par l'effet de la loi du 3 janvier 1969, au même titre que
le capitaine, de véritables pouvoirs légaux ?
Dans un arrêt du 28 novembre 1980, la 1èrechambre de la cour d'appel de Paris a
adopté une position qui est une réponse affirmative à notre interrogation42. M. Daniel
Surget exerçant la profession de courtier maritime à Cherbourg a assigné la société
Truckline Ferries S.A.pour l'entendre condamner à lui payer une provision au motif
qu'elle avait directement mis en douane des navires sans passer par son ministère et a
ainsi violé le privilège que lui reconnaît l'article 80 c.com. Il est notable que la société
défenderesse a pour objet, entre autre, la consignation de navires.
La cour a décidé que les dispositions de l'article 11 de la loi précitée et de l'article
16 de son décret d'application, faisant du consignataire de navire un" substitut du
capitaine " pour les opérations relatives à la réception, à la livraison des marchandises et
aux besoins normaux du navire et de l'expédition, opérations comprenant nécessairement
les conduites en douane que le capitaine était déjà habilité à effectuer seul, sans le recours
au truchement du courtier maritime, consacrent le rôle de plus en plus important des
consignataires de navires, et la volonté du législateur tenant compte de l'évolution des
techniques économiques et commerciales, de soulager le capitaine du plus grand nombre
de tâches administratives en raison des cadences plus grandes des déplacements de
navires et de la réduction des escales. Elle a ajouté, qu'en l'espèce, la société
Truckline, à la fois armateur, affréteur, consignataire et, manutentionnaire, pouvait
valablement prétendre relever du domaine des exceptions au monopole prévu par l'article
80 du c.com., à l'occasion des opérations de conduite en douane qui lui sont reprochées
par Daniel Surget.
Cette solution était déjà celle de la cour de cassation en 1875, dans une décision
qui avait mis sur le même pied armateur, pour le navire, le chargeur unique pour la
42Cour d'appel de Paris , 28 novembre 1980, D.M.F.1981, P. 219-224
47
cargaison et le consignataire unique, soit du navire, soit de la cargaison entière, pour
l'intérêt qu'il représente43.
La décision de la cour d'appel de Paris a été cassée par la chambre commerciale
de la cour de cassation le 24 janvier 198444. Dans son arrêt, la haute instance rappelle que
selon les dispositions de l'article 80 du code de commerce auxquelles la loi du 3 janvier
1969 n'a apporté aucune restriction, ni affréteur ni le gérant ni le consignataire du navire
ne sont dispensés de recourir, pour le service des douanes, au ministère des courtiers
interprètes et conducteurs de navires.
La cour de cassation a ainsi confirmé l'état de la jurisprudence fixé depuis son
arrêt du 25 février 189545.
Remarquons qu'ajouter les consignataires de navires à la liste déjà longue des
personnes pouvant agir sans l'intermédiaire des courtiers maritimes, reviendrait à réduire
le privilège de ces derniers en peau de chagrin. Or, une telle mission n'appartient pas aux
tribunaux. Dès l'instant que la loi du 3 janvier 1969 n'a pas eu pour objectif de supprimer
ou de restreindre le privilège prévu par l'article 80 du c.com46., la position adoptée par la
cour de cassation dans l'arrêt du 24 janvier 1984 précité mérite d'être approuvée.
Toutefois, l'exclusion du consignataire de navires heurte le bon sens. Elle est
difficilement justifiable à côté de l'admission du consignataire unique de la cargaison.
Tous deux étant des mandataires, pourquoi faire bénéficier la dispense au mandataire du
chargeur et la refuser à celui de l'armateur ?
Il y a peut-être un début d'explication à ce couac en mettant en avant le fait que le
consignataire unique de la cargaison, détenteur de tous les connaissements, est plus
proche du propriétaire de la cargaison que ne l'est le consignataire du navire pour le
navire qui, malgré tout, reste pour lui la chose d'autrui.
Le consignataire de navires n'est pas le seul à qui la porte d'accès à la conduite en
douanes des navires a été fermée au nez. D'autres prétendants ont reçu le même accueil.
Il en est ainsi des consuls étrangers.
43Cour de cassation 22 janvier 1875, D. 1876, 1, 33644Cour de cassation (ch. Com.), 24 janvier 1984, D. M.F. 1984, P.287-29045Cour de cassation ( ch. Civ.), 25 février 1895, D. 1895, 1, 39346Lire les extraits des travaux préparatoires dans l'article de M. Bouloy, avocat au barreau de Paris: courtiers maritimes et consignataires de navires ; D.M.F. 1981.P.195-199
48
Dans le même fil d'idées, il est utile de préciser qu'aucun mandataire choisi par le
capitaine, l'armateur, le chargeur unique ou le consignataire unique de la cargaison n'a le
droit d'accomplir les opérations de conduite en douane.
SECTION II: L'AVENIR DU PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES : UN SUJET A REBONDISSEMENT.
Le courtier interprète et conducteur de navires a un privilège semblable à ceux qui
appartiennent à tous les autres officiers ministériels, notaires par exemple. La question
de sa suppression n'est qu'un aspect de la question plus générale de la suppression des
privilèges des officiers ministériels.
Toutefois, la question se présente pour les courtiers maritimes avec plus d'acuité
que pour les autres officiers publics pour la raison suivante: les courtiers maritimes sont,
non seulement des officiers publics, mais encore des commerçants. Ils se trouvent dans
le monde des affaires et ne sont en contact qu'avec des personnes pénétrées de l'esprit des
affaires, animées par la recherche de profit. Or les affaires ont besoin avant tout d'un
grand espace de liberté et tous ceux qui s'y intéressent sont épris de liberté. Il est donc
compréhensible que le contact entre les hommes hantés par la liberté et le privilège
fortement protégé des courtiers maritimes soit une source de conflits aigus et permanents
que ne peuvent en produire les rapports entre les autres officiers publics et leur clientèle.
Depuis de longues années, le privilège des courtiers maritimes a subi des assauts
plus fréquents que les campagnes dirigées contre les autres officiers ministériels. Pour en
avoir plus d'éclaircissements, faisons une petite remontée dans le temps.
A partir de 183147, commença une campagne de pétitions contre les courtiers
privilégiés. Bien que cette campagne, qui dura trente ans, fût spécialement dirigée contre
le monopole des courtiers de commerce, le gouvernement impérial fit procéder à une
vaste enquête sur le courtage en général. L'enquête a conclu expressément à ce que le
caractère d'officiers publics fût conservé "aux courtiers d'assurances et aux courtiers
maritimes"48.
47Voir Pierre Thibault: Du monopole des courtiers maritimes, thèse pour doctorat, Paris, L.G.D.G. 1908, p. 3248Exposé des motifs de la loi du 18 juillet 1866, corps législatif, 1865, VI, p. 632-642
49
Depuis la suppression des courtiers jurés d'assurances maritimes par la loi n°
1170 du 16 décembre 197849, les critiques contre le privilège des courtiers maritimes ont
redoublé d'intensité. C'est surtout la conduite en douane qui est la cible des attaques.
La guerre entre les partisans du courtage privilégié et leurs opposants en France
est passée d'un terrain à un autre. Initialement focalisée sur l'impact du privilège sur le
commerce international ( §1), elle se déroule depuis un certain temps sur le terrain de sa
compatibilité ou non avec le droit international (§2). Soulignons toutefois qu'il n'y a
point de déterminisme dans notre affirmation.
§1 -L'ANCIENNE CONTROVERSE: L'IMPACT DU PRIVILEGE SUR LE
COMMERCE INTERNATIONAL
Le privilège des courtiers maritimes a été très tôt attaqué sur le terrain où il est né.
Ses partisans et ses opposants se sont affrontés pour sa suppression ou pour son maintien.
A- PLAIDOYER POUR SA SUPPRESSION
On a reproché au privilège des courtiers interprètes et conducteurs de navires
d'élever les taux des courtages et de grever par conséquent les marchandises importées
d'une véritable taxe. Renchérissant cette argumentation, le Doyen Georges Ripert
écrivait: "Mais, on peut, je crois, admettre sans crainte d'erreur qu'en moyenne le taux des
courtages est plus élevé en France que dans les pays de courtage libre, par exemple en
Angleterre, ce qui se comprend facilement, puisque les courtiers sont obligés de supporter
les frais d'acquisition d'un office." Il poursuivait dans les termes ci-après: "Le privilège a,
en matière de commerce, de mauvais résultats..." 50
Dans le même sens, M.Henri Bosc écrivait:"Les courtiers maritimes, institués
pour être les protecteurs et les guides du commerce maritime étranger, se voient quelques
fois considérés par lui comme ses pires ennemis et ne peuvent quelques fois à leur tour
éviter de considérer les armateurs étrangers comme une proie réservée."51
Considérant que les droits de courtage sont plus lourds en France, les capitaines
étrangers, notamment les anglo-saxons, ont également pris part à la campagne en
49Loi n° 1170 du 16 décembre 1978, D.M.F. 1979, 124.50Georges Ripert: Droit Maritime, précité p. 765-76651Henri Bosc, thèse précitée, p. 153
50
soutenant qu'ils ne voyaient pas la nécessité de l'intervention d'un courtier interprète et
conducteur de navires lorsqu'ils font escale dans un port français.52
Le privilège est donc considéré comme un obstacle au bon fonctionnement de
l'économie des transports maritimes et des échanges internationaux. Mais tout le monde
n'a pas adhéré à cette critique. Bien au contraire, le maintien du privilège a été défendu
avec des arguments non négligeables.
B- PLAIDOYER POUR SON MAINTIEN
Les raisons pour lesquelles le courtage privilégié a été institué militent encore en
faveur de son maintien, disent ses défenseurs. Ils affirment qu'il serait dangereux de
permettre à n'importe qui d'exercer les fonctions de courtier interprète et conducteur de
navires. Les capitaines seraient exposés à être trompés par des individus peu connus, qui,
n'ayant aucune situation stable, n'auraient rien à perdre et n'hésiteraient pas à commettre
des abus de confiance. Or, avec le courtage privilégié, les capitaines qui arrivent dans un
port français sont certains de ne s'adresser qu'à des hommes dont l'honorabilité et la
capacité ne souffrent d'aucun doute. Car, ils sont autorisés à exercer leurs fonctions après
enquête et examen, et surveillés par une chambre syndicale. Les capitaines ont un agent
officiel auquel ils peuvent confier leurs intérêts sans craindre d'être trompés.
A ce propos, le Doyen René Rodière et M.Emmanuel Du Pontavice ont
récemment écrit : "...les courtiers maritimes encadrés par leurs chambres syndicales ont
une réputation qui leur fait honneur et ne méritent pas les enchaînements d'humeur dont
ils ont été parfois l'objet."53
Le courtage privilégié est également considéré comme une garantie de confiance
pour les grandes administrations et surtout pour la douane. Ces administrations peuvent
avoir une pleine confiance dans les déclarations des courtiers maritimes, parce que ce
sont des hommes de probité éprouvée et pour lesquels le souci de préserver une situation
acquise est une raison de plus de ne pas mettre en péril la loyauté et la sincérité. De plus,
la réglementation administrative est trop compliquée pour que le capitaine puisse
facilement s'y reconnaître et n'y faire aucune infraction.
52Voir Paulette Veaux-Fournière et Daniel Veaux, article précité, juris-classeurs-1992, fascicule n° 119553René Rodière, Emmanuel Du Pontavice, précis Dalloz, Droit Maritime, 12e édition, Dalloz 1997, p. 246
51
Un autre argument vient s'inscrire au tableau de ceux qui précèdent pour soutenir
le maintien du courtage privilégié. Si celui-ci a pour effet de faire hausser le prix des
courtages, il y aura là une sorte de taxe frappant indirectement la marine étrangère et par
suite une sorte de droit protecteur pour la marine nationale française. Enfin, la
suppression du privilège entraînerait un coût financier important puisqu'il faudra
rembourser les charges des courtiers maritimes.
Tous ces arguments n'échappent pas à la critique, exception faite de la probité et
la capacité des courtiers maritimes sur lesquelles même les opposants au privilège n'ont
pas eu grand chose à dire. Pour le reste, la discussion peut être déclarée ouverte.
La garantie de confiance qu'offre le courtage privilégié aux grandes
administrations ne suffit pas à justifier le maintien de cette institution. En effet, si les
fonctionnaires de ces administrations comptent sur les courtiers maritimes pour les
épargner des soucis d'un contrôle minutieux et d'une surveillance attentive des
déclarations faites par les capitaines, alors les courtiers interprètes et conducteurs de
navires ne seraient que les auxiliaires des administrations, faisant ainsi double emploi
avec les vérificateurs, les contrôleurs et les inspecteurs de ces administrations. Ces
derniers n'auront plus de raison d'être, et, à un moment où les autorités françaises parlent
de plus en plus de la réduction des déficits publics, il y aurait certainement là de quoi
faire l'économie de quelques millions de francs.
Il est également difficile d'adhérer à l'idée selon laquelle le courtage privilégié,
grâce à la hausse des prix de courtage qu'il entraîne, contribue à la protection de
l'armement français. Cet argument est critiquable à un double titre. D'une part, les droits
de courtage payés par les étrangers profitent entièrement à des simples particuliers et non,
comme cela devait être, au trésor public. Il est donc malaisé de parler d'une sorte de taxe
frappant indirectement la marine étrangère. D'autre part, si la France veut assurer la
protection de son armement, rien ne l'empêche d'établir des surtaxes de pavillon afin de
fermer ses ports aux navires étrangers au lieu de pratiquer une surtaxe déguisée.
Enfin, l'argument tiré du coût financier important qu'entraînerait la suppression
des charges n'est pas exempt de toute critique. Les courtiers maritimes n'étant pas
installés en société, leurs offices n'ont pas une valeur vénale susceptible d'engloutir une
part criante des finances publiques.
52
Nonobstant la fragilité des arguments avancés par les défenseurs du courtage
privilégié, observons que celui-ci a survécu aux attaques menées à son encontre quant à
l'effet qu'il produit sur le commerce international. Ce n'est point surprenant dès lors que
les critiques n'ont pas atteint le coeur même de cette institution, c'est-à-dire la principale
raison pour laquelle elle a été créée - accorder aux capitaines étrangers une garantie
d'honorabilité et de capacité.
§2- LA CONTROVERSE MODERNE : LA COMPATIBILITE DU PRIVILEGE
AVEC LE DROIT INTERNATIONAL.
Tout comme la mondialisation de l'économie pour les économistes,
l'internationalisme du droit est un phénomène qui ne relève plus de la surprise pour les
juristes. Cela est plus vrai pour le droit maritime qui est une branche de droit très
marquée d'internationalisme. Aussi le professeur Pierre Bonassies a-t-il écrit : "
l'internationalisme du droit maritime découle de la nature des choses. La mer, à la
l'inverse des frontières terrestres qui divisent les systèmes juridiques comme elles
divisent les peuples, a toujours été un trait d'union entre les cultures juridiques, comme
elle est un lieu de rencontre privilégié entre les hommes. Dès l'origine, les contacts
multiples entre les membres de la communauté maritime, la solidarité qui s'est créée entre
eux, ont fait que les réglementations maritimes ont tendu à s'harmoniser et à s'unifier dans
une dialectique permanente du national et de l'international "54
On comprend dès lors que l'article 80 du c.com., texte qui établit le privilège des
courtiers maritimes - auxiliaires du transport maritime- , soit confronté aux textes
internationaux relatifs à ce transport. Toutefois, les textes internationaux n'ayant pas la
même valeur juridique en France, il convient de s'interroger, d'une part, sur la conformité
du privilège prévu par l'article précité au droit international ordinaire, et d'autre part, sur
sa conformité au droit international privilégié ou droit communautaire.
54Pierre Bonassies, Cours de droit maritime général, 1ère partie, année universitaire 1996-1997, p.9
53
A-LE PRIVILEGE DE L'ARTICLE 80 c.com. ET LE DROIT INTERNATIONAL
ORDINAIRE
Le 25 février 1895, la chambre civile de la cour de cassation, confrontant le
privilège des courtiers maritimes au traité franco-anglais du 28 février 1882, déclarait: "
Si l'article 9 du traité franco-russe du 1eravril 1874 autorise les capitaines et patrons des
bâtiments français et russes à se servir, dans les ports respectifs des deux Etats, soit de
leurs consuls, soit d'expéditionnaires désignés par eux-mêmes, c'est sous la réserve des
dispositions spéciales inscrites en cette matière dans les codes de commerce des deux
pays. Dès lors, les capitaines ou armateurs des navires anglais, auxquels le traité franco-
anglais du 28 février 1882 a concédé, par la clause de la nation la plus favorisée, le même
traitement qu'aux navires russes, doivent, comme les capitaines ou armateurs des navires
français, se conformer à l'article 80 du code de commerce, et recourir, dans les mêmes
cas, au ministère des courtiers maritimes ."55
On peut déduire de cet arrêt que pour la cour de cassation, le privilège des
courtiers interprètes et conducteurs de navires devrait s'effacer devant une convention
internationale qui lui serait contraire.
La haute cour annonçait déjà l'ouverture d'un nouveau front d'attaques contre le
privilège des professionnels susnommés. Ces attaques se sont pérennisées dans le temps
au point où, à chaque ratification par la France d'une convention internationale touchant
aux attributions des courtiers maritimes, les opposants à leur privilège vérifient si l'heure
de sa "messe de requiem" n'est pas arrivée.
Ainsi, la signature de la convention sur le régime international des ports
maritimes à Genève le 9 décembre 1923 pouvait être une réponse positive à leur attente.
Car, à l'article 2 de cette convention, on peut lire : " Sous condition de réciprocité et avec
la réserve au premier alinéa de l'article 8, tout Etat contractant s'engage à assurer aux
navires de tout Etat contractant un traitement égal à celui de ses propres navires ou des
navires de n'importe quel Etat, dans les ports maritimes placés sous sa souveraineté ou
son autorité, en ce qui concerne la liberté d'accès du port, son utilisation et la complète
jouissance des commodités qu'il accorde à la navigation et aux opérations commerciales
pour les marchandises et leurs passagers. L'égalité de traitement ainsi établie s'étendra
aux facilités de toutes sortes, telles que: attribution de place à quai, facilités de
55Cass.civ. 25 février 1895, S. 1895,1, 233.
54
chargement et déchargement, ainsi qu'aux droits et taxes de toute nature perçus au nom
ou pour le compte du gouvernement, des autorités publiques, des concessionnaires ou
établissements de toutes sortes ".
Pour éviter toute spéculation, la France a fait assortir son adhésion à la convention
ci-dessus citée d'une réserve pour déclarer qu'elle ne considérait pas l'obligation prévue
par l'article 80 c.com. comme une mesure contraire au principe d'égalité posé par l'article
2 de cette convention.56
La ratification par la France de la convention de Londres du 9 avril 1965 visant à
faciliter le trafic maritime international a encore fait resurgir le problème de la conformité
du privilège des courtiers maritimes au droit international. Cette convention contient en
son annexe une norme 2.2.3. suivant laquelle: " les pouvoirs publics acceptent la
déclaration générale, datée et signée par le capitaine, l'agent du navire ou tout autre
personne autorisée par le capitaine " et une norme 2.3.3 ainsi conçue " les pouvoirs
publics acceptent la déclaration de cargaison datée et signée par le capitaine, l'agent du
navire ou toute autre personne autorisée par le capitaine ".
La France ayant ratifié cette convention sans réserves 57, on pourrait dire que ces
déclarations- déclaration générale et déclaration de la cargaison- qui font l'essentiel de la
conduite du navire ne sont plus le monopole des courtiers maritimes. Une telle
interprétation est fausse, et pour cause, les normes 2.2.3.et 2.3.3 de la convention de
Londres ne sont que des recommandations. Il en est d'ailleurs ainsi de toutes les autres
dispositions de cette convention. En effet, aux termes de l'article 1er de ce texte, les
gouvernements s'engagent à prendre toutes mesures appropriées... et l'article 3 le
réaffirme.
Ainsi, comme aucune disposition de la convention n'a été reprise par un texte
interne français, elle n'est pas applicable en France. C'est ce qu'a rappelé la cour d'appel
de Rouen dans l'arrêt du 7 octobre 1986 58 en soulignant que la convention du 9 octobre
1965 en chargeant les Etats de prendre toutes les dispositions pour faciliter le trafic
maritime international ne peut être invoquée par un particulier et n'est pas applicable en
France.
56René Rodière et Emmanuel Du Pontavice, précité, P. 246.57Décret n° 204 du 29 février 1968, J.O., 2 mars 196858Cour d'appel de Rouen ( 1èreet 2e ch. Civ. Réunies ) 7 octobre 1986, D.M.F. 1987, P.514-525.
55
En résumé, la convention internationale signée à Londres en 1965 n'a pas modifié
le privilège prévu par l'article 80 c.com. Et aucune autre convention ne l'a supprimé par la
suite. Mais peut-on affirmer la même chose quant à sa conformité au droit
communautaire ?
B- LE PRIVILEGE DE L'ARTICLE 80 c.com. ET LE DROIT
COMMUNAUTAIRE.
Lorsqu'on confronte un texte interne au droit communautaire c'est très souvent
pour vérifier s'il ne constitue pas une entrave à la libre circulation des marchandises au
sens des articles 30 et 34 du traité de Rome ou à la liberté d'établissement des personnes
eu égard aux articles 52, 55 et suivants dudit traité ou encore une discrimination prohibée
par l'article 7 du même texte. C'est ce qui s'est produit pour le privilège prévu par l'article
80 c.com.. Dans une instance sur renvoi, la cour d'appel de Rouen ( arrêt précité note n°
53), la société Truckline Ferries S.A. avait allégué que le privilège des courtiers
maritimes établi par l'article 80 c.com. constitue à la fois une entrave à la libre circulation
des marchandises et au libre établissement des personnes ainsi qu'une discrimination
contraires aux articles précités du traité de Rome. Point par point, la cour a répondu à
l'intimée par des termes qui n'ont pas fait l'unanimité des commentateurs.
Répondant en premier sur le reproche selon lequel le monopole constitue une
mesure d'effet équivalent à une restriction, la cour signale que la société intimée n'a pas
démontré que le fait pour le capitaine ou l'armateur ne désirant pas agir lui-même de
confier à un courtier maritime le soin des formalités de conduite en douane plutôt qu'à un
quelconque agent salarié serait de nature à entraver directement ou indirectement,
actuellement ou même potentiellement le volume des importations et des exportations.
Elle poursuit en précisant qu'au plan purement matériel de l'exécution des opérations de
conduite en douane, rien ne permet de dire que l'intervention d'un courtier interprète
expérimenté pourrait entraver ou ralentir l'accomplissement des indispensables
formalités.
Remarquons que sur ce premier point, la cour d'appel de Rouen se contente de
noter que la société intimée n'a pas apporté la preuve que la législation française
organisant les attributions des courtiers interprètes et conducteurs de navires et
56
confirmant leur monopole est incompatible avec les dispositions des articles 30 et 34 du
traité de Rome. Il n'est par conséquent pas exclu de penser qu'une preuve aurait conduit la
cour à une conclusion contraire.
Toutefois, l'intervention du courtier interprète dans la conduite en douane des
navires n'étant pas obligatoire et n'entraînant pas des formalités ou contrôles
supplémentaires, autres que ceux que le capitaine ou l'armateur agissant seul est tenu
d'accomplir ou de subir, il serait difficile de convaincre les juges que le privilège de
l'article 80 c.com. constitue une entrave au sens des articles 30 et 34 du traité de Rome.
Bien au contraire, comme le dit la cour, l'intervention des courtiers maritimes " est de
nature à faciliter et à accélérer les opérations de conduite dont ils sont chargés et à
prévenir d'éventuelles fraudes ".
La cour avait également à dire si le privilège de l'article 80 c.com. est une entrave
au libre établissement des personnes, contraire à l'article 52 alinéa 2 et à l'article 55 du
traité. Elle n'a pas fait foi à la demande de la société Ferries S.A. au motif que la
réglementation nationale réserve l'accès aux fonctions de courtier interprète et conducteur
de navires aux seuls citoyens français et il en est ainsi pour tous les officiers ministériels
ou publics. C'est à l'évidence en raison de ce que l'officier ministériel ou public participe
dans une certaine mesure en France, à l'exercice de l'autorité publique que la législation
française réserve à ses nationaux l'accès à de telles fonctions. Et l'article 55 du traité
s'inscrit dans le droit fil de ce qui précède. En effet, il prévoit que sont exceptées de
l'application du chapitre 2 ( sur la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat
membre dans le territoire d'un autre Etat membre ), les activités participant dans l'Etat
intéressé, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique.
Par ailleurs, la société intimée alléguait que le privilège des courtiers maritimes
constitue une discrimination prohibée par l'article 7 du traité. Sur ce point, la cour a
répondu en jumelant les articles 7, 52, et 55. D'après elle, le fait de réserver l'accès de la
profession aux nationaux n'est pas une discrimination prohibée par l'article 7. Par-delà de
la conclusion à laquelle elle a abouti, on peut se demander si la cour n'a pas mal compris
la critique formulée par la société Ferries S.A. En effet, il s'agissait moins de la prise en
considération de la nationalité pour l'accès à la profession de courtier interprète que de sa
prise en compte pour désigner les armateurs ou capitaines tenus de recourir au ministère
du courtier maritime. En d'autres termes, la cour se devait de dire si le privilège de
57
l'article 80 c.com. concerne aussi bien les armateurs français que les armateurs étrangers
comme le pense le professeur Manin dont la consultation avait été produite par les
appelants - Daniel Surget et le Syndicat des courtiers maritimes - devant la cour59. Ce qui
aurait justifié sa conclusion conformément à l'article 7 du traité de Rome.
Par contre, si le privilège de l'article 80 c.com. ne touche que les armateurs
étrangers, alors il serait indéniable qu'il y aurait une discrimination fondée sur la
nationalité, contraire à l'article précité. Tel est l'avis du professeur Pierre Bonassies qui a
écrit: " ...c'est un fait incontournable que la réglementation française crée ici une
différence entre les armateurs français et les autres armateurs communautaires. Ce que
peut faire un armateur français- faire opérer la conduite en douane de ses navires par un
consignataire -, les armateurs communautaires ne le peuvent pas. La compatibilité du
droit français avec le droit communautaire est donc, dans notre opinion, moins évidente
que ne le dit la cour de Rouen."60. Pour rendre le droit français compatible avec le droit
communautaire, il propose que l'on impose l'intervention des courtiers maritimes pour
tout navire, français ou étranger.
L'analyse du professeur Pierre Bonassies est conforme à la lettre même de
l'article 80 c.com. qui ne préconise le "truchement " exclusif des courtiers interprètes et
conducteurs de navires que pour " tous étrangers, maîtres de navire, marchands,
équipages de vaisseau et autres personnes de mer". Ne visant que les étrangers, ce texte
laisse aux "maîtres de navire français "la possibilité de faire conduire leurs navires par un
intermédiaire autre qu'un courtier maritime. Ce qui n'est autre chose qu'une
discrimination interdite par l'article 7 du traité de Rome.
Il semble qu'en réalité aucune distinction ne soit faite entre les armateurs étrangers
et les armateurs français, et que tous soient assujettis au ministère du courtier maritime
lorsqu'ils ne veulent pas accomplir eux-mêmes les formalités de conduite en douane.
L'inadéquation entre la réalité et le texte de l'article 80 c.com. est difficile à expliquer.
On peur se demander si les rédacteurs dudit texte n'ont pas commis une erreur de syntaxe.
Si tel est le cas, alors qu'attend-t-on pour le réécrire ?
59Voir la note sous l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 7 octobre 1986 précité, p.525.60Pierre Bonassies, D.M.F.1988; P.89-90.
58
L'étude du rôle des courtiers interprètes et conducteurs de navires nous a permis
de cerner leurs attributions et leur privilège. Mais elle n'offre qu'une vue partielle desdits
professionnels. Aussi est-il nécessaire de procéder à l'analyse de leur situation juridique,
nous voulons dire, de leur statut personnel et de leur responsabilité. Telle est la tâche à
laquelle nous nous consacrons dans la seconde partie de ce mémoire.
59
TITRE DEUXIEME.
LA SITUATION JURIDIQUE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES.
Le courtier interprète et conducteur de navires a l'un des statuts les plus curieux
que l'on puisse trouver en droit français ( chapitre I ). En outre, sa responsabilité est
multiforme car elle est susceptible d'être engagée sur plusieurs plans ( chapitre II ).
CHAPITRE PREMIER
LE STATUT PERSONNEL DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR
DE NAVIRES.
Contrairement à la plupart des officiers ministériels qui ne peuvent se livrer à une
activité commerciale : notaires, huissiers, greffiers ( Ord.du 2 novembre 1945 ), le
courtier interprète et conducteur de navires est à la fois commerçant et officier ministériel
ou public. Il a ainsi un statut personnel que l'on qualifie d' "hybride".
SECTION I : LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
EN TANT QUE COMMERÇANT.
La qualité de commerçant du courtier maritime découle de la lecture combinée
des articles 1 et 632 alinéa 8 du code de commerce. Le premier texte dispose que " Sont
commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession
habituelle". Le second déclare quant à lui que " La loi répute actes de commerce...toute
opération de change, et de courtage ".
Les courtiers faisant de leur profession habituelle d'opération de courtage sont
donc incontestablement commerçants. Cette qualité fait naître sur la tête du courtier
interprète et conducteur de navires des droits et des obligations.
60
§1- LES DROITS NES DE LA QUALITE DE COMMERÇANT
En tant que commerçant, le courtier maritime a le droit de prendre part aux
élections à la chambre de commerce et de l'industrie tout comme au tribunal de
commerce.
A- LE DROIT DE PRENDRE PART AUX ELECTIONS A LA CHAMBRE DE
COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE.
Mentionnons en prime que le courtier maritime est tenu de s'inscrire au registre du
commerce et des sociétés conformément à l'article 1er du décret n° 84-406 du 30 mai 1984
(J.C.P.1984, éd. G., III, 55735 ) dont les termes sont les suivants: " Il est tenu un registre
du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration: les personnes
physiques ayant la qualité de commerçant..."
Une fois inscrit, le courtier interprète devient électeur aux élections des membres
de la chambre de commerce et d'industrie de sa circonscription. C'est ce qu'enseigne
l'article 6 de la loi n° 87-550 du 16 juillet 1987 ( J.O. 19 Juillet 1987 ). Au sens dudit
article, sont électeurs aux élections des membres d'une chambre de commerce et
d'industrie à titre personnel: les commerçants immatriculés au registre du commerce et
d'industrie.
Le courtier maritime est également éligible à la chambre de commerce et
d'industrie. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à l'article 13 de la loi précitée. Cet
article proclame que "sont éligibles aux fonctions de membre d'une chambre de
commerce et d'industrie, sous réserve d'être âgés de plus de trente ans ...les électeurs
inscrits à titre personnel sur la liste électorale de la circonscription correspondante et
justifiant...qu'ils sont inscrits depuis cinq ans au registre du commerce et des sociétés ".
Précisons que la participation aux élections à la chambre de commerce et d’
industrie ne se fait que sous réserve de remplir les conditions fixées par l'article L.2 du
code électoral et de ne pas avoir été condamné à l'une des peines, déchéances ou
sanctions prévues par les articles L.5 et L.6 du même code ou par les articles 192 et 194
de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation
judiciaires.
61
B- LE DROIT DE PARTICIPER AUX ELECTIONS AU TRIBUNAL DE
COMMERCE.
Pour un bref aperçu historique , rappelons que les tribunaux de commerce ou
juridictions consulaires furent institués à la fin du Moyen Age pour trancher rapidement
les litiges nés à l'occasion des grandes foires. L'expérience se révélant bénéfique, un édit
pris en 1563 à l'instigation du chancelier Michel de l'HOSPITAL institua, de manière
permanente et non plus temporaire, plusieurs tribunaux de commerce dans les grandes
cités commerçantes. Les juges les composant étaient élus par leurs pairs: c'est sans doute
la raison pour laquelle la Révolution conserva cette structure d'ancien régime61. Aussi la
particularité relative à la composition de ces juridictions résulte directement de ces
origines.
Chaque tribunal de commerce est exclusivement composé de juges élus en
nombre variable selon l'importance de l'activité juridictionnelle. Cette élection est à deux
degrés: les commerçants et industriels qui remplissent les conditions prescrites par
l'article 6 de la loi n° 87-550 du 16 juillet 198762 élisent les délégués consulaires qui, avec
les membres des juridictions et organismes consulaires ( chambre de commerce et
d'industrie ), élisent à leur tour les juges consulaires parmi les personnes inscrites sur la
liste électorale des délégués, âgées d'au moins trente ans, justifiant d'au moins cinq ans
d'activités commerciales et n'ayant pas fait l'objet d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires.
Il résulte de ce qui précède qu'un courtier maritime, en sa qualité de commerçant,
peut valablement se faire élire d'abord comme délégué consulaire, et ensuite comme juge
consulaire dès lors qu'il remplit les conditions fixées par les textes.
Lorsqu'on est commerçant, on a pas que des droits. Bien au contraire, on est aussi
tenu à certaines obligations.
61Francis Kernaleguen, Institutions judiciaires, éd. Litec, 1994 ; p. 12962Ibid P.48.
62
§2- SES OBLIGATIONS.
Le courtier maritime est astreint à certaines obligations comptables et fiscales
propres aux commerçants.
A- L'OBLIGATION DE TENIR UN LIVRE COMPTABLE.
Aux termes de l'article 84 c.com., les agents de change et les courtiers interprètes
et conducteurs de navires sont tenus d'avoir un livre vêtu des formes prescrites par
l'article 11.
Ils sont tenus de mentionner dans ce livre, jour par jour, et par ordre de dates ,
sans ratures, interlignes ni transpositions, et sans abréviations ni chiffres, toutes les
conditions des négociations et, en général, de toutes les opérations faites par leur
entremise.
Signalons que l'article 11, auquel l'article 84 renvoie , ne prescrit plus de formes
de nos jours; il faut interpréter et se référer à l'article 10 actuel qui prescrit, comme le
faisait l'article 11, au temps où l'article 84 fut modifié pour la dernière fois ( c'est-à-dire
par la loi du 18 juin 1929 ), que le livre dont il s'agit doit être coté et paraphé par un juge
d'instance ou par un officier municipal.
L'obligation de tenir un livre comptable est également affirmée par l'article 33 du
règlement de discipline intérieure de la compagnie des courtiers interprètes de Marseille
dans les termes ci-après: " Les membres de la compagnie sont tenus de justifier, à toutes
réquisitions du Syndic, de la tenue régulière du livre d'opération dont le code de
commerce leur impose l'obligation. Ils ne peuvent avoir qu'un seul carnet ou journal.
Toutes les opérations faites par leur ministère doivent y être exactement consignées avec
l'indication des noms des parties contractantes".
En sus de la tenue du livre comptable, le courtier maritime doit s'acquitter des
charges fiscales propres aux commerçants.
63
B- L’ OBLIGATION DE S’ACQUITTER DES CHARGES FISCALES
PARTICULIERES AUX COMMERÇANTS.
Comme tous ceux qui exercent une activité professionnelle, le courtier interprète
et conducteur de navires est un contribuable de l’Etat. Il paie d’abord l’impôt sur les
bénéfices selon le régime des commerçants individuels. Il est ensuite soumis à la taxe
professionnelle.
1)- L’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux.
Selon l’article 34 du code général des impôts, sont considérés comme bénéfices
commerciaux et industriels, les profits réalisés par des personnes physiques et provenant
de l’exercice d’une activité commerciale.
Les bénéfices industriels et commerciaux imposables au titre d’une année
déterminée sont, en principe, ceux obtenus la même année. En effet, ces bénéfices font
l’objet d’une déclaration annuelle de la part du contribuable .
Une fois déterminé et déclaré, le bénéfice imposable vient s’ajouter aux autres
revenus du courtier: revenus fonciers, revenus mobiliers...pour former avec eux le revenu
global et c’est celui-ci qui est frappé de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques( IRPP ). C’est dire que les BIC ne font pas l’objet d’une imposition spéciale,
ils sont imposables en même temps que les revenus extra-professionnels du contribuable.
A l’inverse si celui-ci réalise un déficit fiscal, ce déficit viendra en diminution de son
revenu global imposable.
2)- La taxe professionnelle.
Née sur les cendres de l’ancienne patente, elle est due par toute personne qui
exerce à titre habituel une activité professionnelle non salariée, donc en premier lieu par
les commerçants individuels et les sociétés commerciales.
Cette taxe est un impôt local dont le montant est calculé en fonction de deux
éléments de base: la valeur locative des immobilisations corporelles dont a disposé le
contribuable moins une fraction des salaires qu’il a versés ou des recettes qu’il a perçues;
après quoi, et sous réserve de divers abattements, on multiplie ces éléments de base par
les taux que vote chaque année chacune des collectivités bénéficiaires ( commune,
déplacement...).
64
Signalons que, bien que ses achats soient soumis à la TVA comme pour tous les
autres citoyens, les honoraires perçus par le courtier maritime échappent à cet impôt.
SECTION II: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
EN TANT QU’ OFFICIER MINISTERIEL.
Titulaire d ’une charge lui permettant d’exercer sa fonction à titre de monopole, le
courtier maritime est un officier ministériel. Cette qualité lui confère des droits et
l’astreint à certaines obligations.
§1- LES DROITS NES DE LA QUALITE D'OFFICIER MINISTERIEL.
Le courtier maritime a droit à la rétribution pour les services accomplis. Il a
également le droit de présenter son successeur.
A- LE DROIT A LA RETRIBUTION POUR LES SERVICES ACCOMPLIS.
Le courtier interprète et conducteur de navires perçoit des honoraires pour les
services rendus.
A ce propos, l’ordonnance du Roi relative aux courtage maritime du 14 novembre
1835 ( art. 1 à 6 ) dispose que les courtiers maritimes ont droit à une rétribution pour
chaque opération qu’ils accomplissent. Ainsi, ils perçoivent des droits différents pour la
conduite en douane d’un navire, pour le courtage d’affrètement, pour la vente des navires
et pour la traduction des documents écrits en langue étrangère en cas de contestation
prévue par l’article 80 du code de commerce. Le texte prévoit également que
l’interprétation orale qui se trouve comprise dans la conduite en douane, serait
susceptible d’une rétribution supplémentaire dans certains lieux.
Il est intéressant de noter que les droits perçus pour la conduite à l’entrée du
navire au port sont différents de ceux de la conduite à la sortie. Aussi, le courtier chargé
de la conduite d’entrée d’un navire n’est pas nécessairement chargé de la conduite à la
sortie. De plus, toutes les opérations de conduite en douane sont indivisibles, c’est -à-
dire que le courtier maritime a droit à toute la rétribution prévue pour la conduite
( d’entrée ou de sortie) alors même qu’il n’a été requis que pour une seule opération.
65
C’est ce qu’ avait rappelé le tribunal de commerce de Dunkerque le 14 Janvier
1952 dans l’affaire du Navire: « PINIOS ». D’après le tribunal, le courtier maritime
chargé des opérations de conduite d’un navire lors de son entrée dans le port a, par
application du principe de l’indivisibilité de la conduite, droit à la totalité des honoraires
correspondant à la conduite d’entrée, sans que le courtier par l’entremise duquel il a été
requis puisse prétendre y apporter une déduction pour avoir lui-même effectué la
conduite de sortie du navire63.
Enfin, les navires en simple relâche, repartant sans avoir embarqué ou débarqué
des marchandises, ne paieront pas des droits plus élevés que les navires sur lest.
Remarquons que les droits de courtage maritime sont fixés par le gouvernement
au moyen d’un décret. Ainsi, ceux qui sont actuellement appliqués ont été fixés par le
décret n° 92-1008 du 17 septembre 1992 ( J.O. du 23 septembre 1992 ). D’après le tarif
prévu par ce texte, pour la conduite d’un navire de 3000 tonneaux, chargé des
marchandises de la première catégorie ( Houille, coke, minerai de fer et de manganèse ) ,
les droits de courtage maritime s’élèvent à 0,3070 francs ( ports de Dunkerque, le Havre,
Rouen- Marseille ) à l’entrée alors qu’ils descendent à 0,2286 à la sortie.
Les courtiers maritimes n’ont pas le droit de percevoir des honoraires supérieurs à
ceux prévus par les tarifs officiels. Par ailleurs, on s’est demandé s’ils peuvent réclamer
des droits inférieurs à ceux déterminés par les textes gouvernementaux. Le décret de 1992
précité déclare que les réductions sont accordées aux navires de lignes directes. Cette
précision permet de penser qu’ils ne peuvent pas accorder des réductions à d’autres
navires. Car, leur dignité s’accommoderait mal de marchandages dans l’exercice de leur
fonction privilégiée. D’ailleurs, l’article 34 du règlement de discipline intérieure de la
compagnie des courtiers près la bourse de Marseille, en son alinéa 2 , fait obligation aux
courtiers de percevoir la totalité de leurs droits de courtage et de ne se soumettre, pour
leur règlement à la réalisation d’aucune condition éventuelle. Toutefois, le marchandage
des honoraires est possible pour les actes accomplis en dehors de leur monopole, et pour
cause, ils les fixent librement dans ce cas. Il en est ainsi pour la vente d’un navire de gré à
gré, par exemple.
63Tribunal de commerce de Dunkerque; 14 janvier 1952; D.M.F.1953; P. 567-570.
66
Les litiges relatifs aux droits de courtage sont portés devant le tribunal de
commerce de la résidence du courtier même si ce n’est pas le tribunal du domicile du
défendeur.
B-LE DROIT DE PRESENTER SON SUCCESSEUR
Sous l'ancien régime le système de la vénalité des charges permettait à un
particulier ayant acheté sa charge au roi d'en disposer ensuite comme un bien : c'était un
élément de son patrimoine qui, à titre d'exemple, pouvait se transmettre aux héritiers.
La révolution abolit ce système, réservant les nominations au gouvernement : il
était pourvu à ces fonctions comme à tout autre emploi public. Toutefois l'ancien titulaire
d'un office - ou ses héritiers - détenait les dossiers. Aussi le successeur était de fait
conduit à payer son prédécesseur pour entrer en possession d'éléments qui lui assuraient
la clientèle concernée par les dossiers.
La loi des finances du 28 Avril 1815, en son article 91, a officialisé cet état de fait
en consacrant la distinction du titre et de la finance: le titre demeure hors du commerce,
le droit d'exercer la fonction étant subordonné à une investiture personnelle délivrée par
l'autorité publique. Mais le gouvernement s'engage à conférer le titre à la personne
présenter par l'ancien titulaire de l'office si elle remplit les conditions d'exercice de la
fonction : le titulaire de l'office a un droit de présentation de son successeur qui a une
valeur patrimoniale, la finance.
La différence avec le système de la vénalité de l'ancien régime réside dans le fait
que, a l'époque, c'était le roi qui cédait la charge et percevait le prix alors que désormais
ce prix est encaissé par l'ancien titulaire sous le contrôle du Gouvernement qui perçoit un
droit d'enregistrement sur le prix exprimé dans l'acte de cession ( cf. Article 724 du code
général des impôts ) .
Ces observations qui concernent tous les officiers ministériels sont, et c'est un
truisme, aussi vraies pour le courtier maritime . D'où , toute personne qui désire exercer
cette profession doit s'entendre avec le titulaire d'un office et obtenir moyennant finance
qu'il se démette en sa faveur. Il ne fait aucun doute les courtiers sont propriétaires de
leurs charges et peuvent les vendre. Il convient toutefois d'y apporter une limite relative à
l'hypothèse de la destitution. Dans ce cas, le droit de présenter un successeur disparaît,
67
mais le Gouvernement oblige la personne qu'il nomme à payer au prédécesseur une
indemnité qu'on fixe en général d'après le prix auquel le courtier destitué avait acquis sa
charge. Il est interdit au courtier maritime de ne vendre qu'une partie de sa charge, car la
loi ne lui permet pas de former une société avec des tiers. Ceci explique également le fait
que le cédant ne peut pas se réserver à lui ou à ses héritiers le droit de participer aux
bénéfices.
Sauf clause contraire prohibitive, un courtier maritime qui a cédé son office n'est
pas obligé par là même de s'abstenir de toute profession pouvant nuire au cessionnaire. Il
peut s'établir, par exemple comme consignataire de navires alors que le cessionnaire
pratique aussi la même activité.
Retenons que la transmission à titre gratuit d'un office est parfaitement
concevable.
Enfin, en cas de suppression, le titulaire est indemnisé par ses confrères qui vont
bénéficier de la disparition de sa charge.
$2 SES OBLIGATIONS
Exercer son ministère et s'abstenir de faire le commerce pour son propre compte,
telles sont les obligations qui s'imposent au courtier maritime en sa qualité d'officier
ministériel.
A- L' OBLIGATION D' EXERCER SON MINISTERE.
Cette obligation pèse sur le courtier interprète et conducteur de navires dans tous
ses aspects. Ainsi, il doit accomplir son ministère au profit de tout requérant. Mais si le
client ne lui inspire pas confiance, il peut lui exiger une garantie ( le versement à l'avance
des droits du port par exemple ). Tel serait le cas d'un client dont il a eu connaissance de
l’insolvabilité ou encore d'un navire de tramping immatriculé à l'étranger. Pareille
précaution cadre bien avec la sauvegarde de la probité, l'un des gages de sa profession.
De plus, c'est à lui que l'administration des douanes va adresser la facture des droits du
port.
Le courtier maritime ne peut pas refuser d'intervenir sous prétexte qu'il a été
requis à la mauvaise heure. Bien au contraire, il doit être disponible à tout moment, c'est-
68
à-dire pendant les jours et les heures de travail normalement admis. Il peut même être
requis les dimanches et jours fériés en cas d'urgence.
Investis de plusieurs attributions, on pouvait s'attendre à ce que les courtiers d'une
même place s'entendent pour que chacun d'entre eux n'exerce qu'une seule fonction. Par
exemple, que Mr Dupont puisse s'occuper uniquement de la conduite à l'entrée; Mr
Boriot de la conduite à la sortie; Mr Tibot du courtage en affrètement; et enfin, Mr
Tartampion de la vente des navires.
Une telle répartition des fonctions est interdite car chaque courtier maritime est
tenu d'exercer toutes ses attributions, du moins en théorie. Dans la pratique, il est difficile
pour un courtier maritime d'offrir un service de qualité à sa clientèle pour chacune de ses
attributions. Ainsi, le courtage en affrètement, opération qui demande beaucoup de
disponibilité et un éventail considérable de connaissances techniques, n'est plus effectué
que par un petit nombre de courtiers maritimes. Il en est d'ailleurs de même de la vente
des navires. Actuellement, bon nombre de ces professionnels ne s'occupent que de la
conduite en douane des navires.
L'obligation d'exercer le ministère est imposée au courtier maritime sous peine des
sanctions civile et pénale à la fois ( cf. article 16 de l'arrêté du 29 Germinal an IX ) .
B- L' OBLIGATION DE NE PAS FAIRE LE COMMERCE POUR SON PROPRE
COMPTE.
Aux termes de l'article 85 du code de commerce, un agent de change ou courtier
ne peut, dans aucun et sous aucun prétexte, faire des opérations de commerce ou de
banque pour son compte. IL ne peut s'intéresser directement ni indirectement, sous son
nom, ou sous un nom interposé, dans aucune entreprise commerciale.
Ce texte ne permet pas aux courtiers maritimes de faire le commerce pour leur
compte. La philosophie de ce texte est proche de celle de l'article 10-1 al . 2 ( article
inséré par la loi du 31 décembre 1970 dans l'ordonnance du 28 septembre 1967 qui avait
institué la commission des opérations de Bourse ) qui réprime l'exploitation abusive
d'informations privilégiées. En effet, si la loi a interdit aux courtiers de s'intéresser au
commence c'est parce que, par leur fonction, ils disposent d'informations sur les
marchandises. Tel est le cas des courtiers maritimes qui, grâce à la conduite en douane
des navires, reçoivent en premier les manifestes. Ce qui leur donne des informations sur
69
les cargaisons chargées à bord des navires dont la conduite leur est confiée. Leur laisser
la faculté de faire le commerce serait admettre qu'ils acquièrent en priorité les cargaisons
qui les intéressent ou en favorisent l'acquisition par les sociétés dans lesquelles ils ont des
participations.
Il reste que la prohibition de l'article 85 c.com. n'est pas jugée très opportune pour
les courtiers interprétés et conducteurs de navires par tous les auteurs. Ainsi pour René
Rodière et Emmanuel Du Pontavice64, la règle posée par l'article 85, alinéa 2 "
s'expliquait très bien pour les courtiers de marchandises parce qu'on pouvait craindre
qu'ils ne faussent dans leur intérêt les cours qu'ils avaient mission officielle de constater.
Elle s'explique moins pour les conducteurs et interprétés de navires qui, s'ils achètent
pour revendre à leur compte, ne font pas d'opérations susceptibles d'interférer avec leur
mission officielle " .
Les actes accomplis par le courtier en violation de l'article 85 c.com. sont
valables, mais il s'expose à la peine de destitution et à une amende prononcée par le
tribunal de police ( lire article 87 c.com. ).
64René Rodière, Emmanuel Du Pontavice, Précis Dalloz, Droit Maritime; 12è édition; Dalloz 1997, P. 247.
70
CHAPITRE DEUXIEME
LA RESPONSABILITE DU COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE
NAVIRES.
Le courtier maritime ne bénéficie pas d'un régime de responsabilité spécifique.
C'est donc dans les termes du droit commun qu'il engage sa responsabilité, c'est-à-dire en
tant que mandataire salarié. Celle-ci a un caractère multiforme en ce sens qu'elle peut être
mise en oeuvre sur les plans civil ( SECTION I ), pénal et disciplinaire ( SECTION II ).
Signalons d'ores et déjà que grâce à la probité et à la capacité dont ils font preuve, la
responsabilité des courtiers maritimes est rarement mise en cause.
SECTION I : SUR LE PLAN CIVIL.
Nous commencerons par étudier la responsabilité du courtier maritime à l'égard
du mandant ( §1) avant de dire quelques mots sur sa responsabilité à l'égard des
cocontractants de ce dernier ( §2 ).
§1- A L'EGARD DU MANDANT.
Le courtier interprète et conducteur de navires est responsable envers son mandant
(armateur ou le capitaine ) du dommage causé par les fautes (prouvées) commises dans
l'exécution de sa mission.
Ainsi, pour le courtage en affrètement, il engage sa responsabilité pour les fautes
commises à l'occasion de la rédaction et de la surveillance du contrat d'affrètement. A
titre d'illustration, il commet une faute s'il accepte des conditions autres que celles qui lui
71
avaient été indiquées par l'armateur ou affréteur. Il est aussi en faute s'il fournit des
renseignements inexacts à son mandant. Il répond en outre des négligences qu'il a
commises dans l'exécution de sa mission et les tribunaux tiennent compte dans
l'appréciation de ses fautes de sa qualité de professionnel. On peut dès lors accepter sans
surprise la décision rendue par la cour d'appel de Paris (5é ch.) le 24 octobre 1984 dans
laquelle il est affirmé que "le fait de ne pas vérifier, notamment à partir des plans en sa
possession, si le navire choisi par lui avait la capacité de recevoir l'intégralité de la
cargaison à transporter, dont on lui avait fourni les caractéristiques, comme le fait de ne
pas mentionner dans la charte-partie ni le cubage ni le coefficient d'encombrement de la
marchandise, constituent des fautes de nature à engager sa responsabilité. Le courtier
d'affrètement ne saurait se décharger de sa responsabilité en communiquant à son client
les caractéristiques du navire choisi par lui et en invitant son mandant à communiquer
ces informations au chargeur"65.
En ce qui concerne la conduite en douane d'un navire, le courtier maritime répond
du préjudice causé par la traduction ou la remise tardive des pièces qui lui ont été
transmises. C'est ce qui apparaît dans l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la
cour de cassation le 11 mars 196566.
Un courtier maritime de Bordeaux n'avait pas directement adressé les
connaissements à son mandant et avait aussi donné l'ordre au consignataire à Dakar de ne
pas délivrer la marchandise.
Les juges de fond avaient estimé que sans cette attitude du courtier, "une partie
du retard aurait pu être comblée, évitant ainsi une perte aussi importante". Ils en avaient
déduit qu'il avait commis une faute et un lien de causalité avec le préjudice subi par le
mandant. Ils ont mis à sa charge une part de responsabilité (1/6) dans l'avarie des
marchandises.
Sur pourvoi du courtier , la haute juridiction a confirmé la décision des premiers
juges. Elle a souligné que par des constatations et appréciations souveraines, les juges du
fond ont pu déduire la faute qu'ils imputaient au courtier, qu'ils ont précisé le lien de
causalité entre cette faute et le préjudice subi par le mandant; d'où il suit que la cour
d'appel a donné une base légale à sa décision.
65cour d'appel de Paris (5é ch.) , 24 octobre 1984, D.M.F. 1985; P.361 et s.66cour de cassation, ch. commerciale, 11 mars 1965, navire "Isabella", D.M.F. 1965, p. 405 et s.
72
Pour la vente des navires, il répond de ses fautes comme officier ministériel. Il
doit éclairer les parties sur la portée des clauses de l'acte de vente.
§2- A L' EGARD DES COCONTRACTANTS DU MANDANT.
En principe, le courtier interprète et conducteur de navires n'est pas responsable
de l'exécution des contrats conclus par son intermédiaire. Ainsi, lorsqu'il effectue la
conduite en douane d'un navire, il n'est pas personnellement tenu de payer les droits de
douane et taxes de stationnement du navire.
Toutefois, il en est autrement lorsqu'il a pris un engagement personnel. C'est ce
qu'a rappelé la cour de cassation dans une décision du 5 juillet 1988 ( navire IRISH-
SPRUCE)67 . Après avoir pris en charge le navire Irish-Spruce le 13 novembre 1984, un
courtier au port de Marseille avait, dès le 23 novembre 1984, fait connaître à l'armateur,
lequel ne répondait pas à ses demandes de provision, qu'il a renoncé à son mandat et en
avait avisé le service des douanes. Celui-ci avait, le 21 Janvier 1985, délivré une
contrainte en paiement des droits de stationnement du navire pour toute l'année 1984.
Dans un jugement du 4 juillet 1985, le tribunal d'instance de Marseille ( D.M.F.
1986, P.167 ) , avait décidé qu'un courtier maritime, qui n'était pas personnellement tenu
des obligations résultant de l'article R. 212-2 du code des ports maritimes ( la taxe
portuaire de stationnement des navires est à la charge de l'armateur ), a pu valablement
mettre fin au mandat qui lui avait été donné par l'armateur. La douane en ayant été
dûment informée en temps opportun, il y a lieu de déclarer fondée l'opposition dudit
courtier à la contrainte décernée à son encontre par le receveur principal des douanes,
pour le paiement de taxes de stationnement.
Pour le Professeur Pierre Bonassies: " la décision paraît raisonnable, car on voit
mal ce qui justifierait que le courtier maritime qui a pris en charge la conduite en douane,
c'est-à-dire son entrée dans un port, soit responsable ad infinitum des taxes de
stationnement encourues par ce navire, et ce d’autant plus que les ports disposent
aujourd'hui des moyens nécessaires pour amener l'armateur réticent à résipiscence "68.
67Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 1988; Bull. Civ. IV, n° 227; D.M.F.1990, 62 . Observations du Professeur P. Bonassies.68Lire P. Bonassies, D.M.F.1987, P. 72.
73
Le jugement du tribunal d'instance de Marseille a été désapprouvé par la cour
d'appel d'Aix le 18 Septembre 198669. Pour elle, intervenue en dehors des conditions
auxquelles la renonciation du mandataire est subordonnée par l'article 2007 du code civil,
la renonciation du 23 novembre n'exonérait pas le courtier de sa responsabilité en tant que
mandataire. Au surplus, ayant contracté une obligation en son nom, le courtier était
devenu débiteur direct et personnel du service des douanes.
La cour de cassation a confirmé cette décision en rejetant le pourvoi formé contre
elle. La haute juridiction a écarté toute référence à l' article 2007 du code civil, lequel ne
concerne que les relations entre le mandant et le mandataire. Elle observe que l'arrêt de la
cour d'appel d'Aix avait retenu exactement que le courtier avait contracté sous son nom
une obligation vis-à-vis du service des douanes et était devenu le débiteur direct de celui-
ci. Dès lors, il ne pouvait invoquer dans ses rapports avec cette administration sa
renonciation au mandat de l'armateur.
Le Professeur P.Bonassies a souligné que la décision pourra apparaître sévère, car
le courtier s'était bien engagé à payer les droits de port, mais seulement pour les " navires
à sa conduite " . Or, à dater du 23 novembre 1984, le navire Irish-Spruce n'était plus à sa
conduite. Cette affaire illustre l'avantage qu'il y a pour l'administration des douanes à
traiter avec un courtier maritime qui a souscrit une" soumission cautionnée" de droits de
port au bénéfice de l'administration-par laquelle il garantit à cette administration le
recouvrement de ses droits.
SECTION II : SUR LES PLANS PENAL ET DISCIPLINAIRE.
Les fautes commises par le courtier maritime dans l'exercice de ses fonctions
peuvent engager sa responsabilité pénale (§1) tout comme sa responsabilité disciplinaire
(§2).
§1- SUR LE PLAN PENAL.
69Se référer aux observations du Prof. P. Bonassies D.M.F. 1990, 62.
74
Le droit pénal a pour objet de réprimer ceux qui enfreignent les règles établies en
vue de protéger la société. Le courtier maritime n'exerçant pas son activité hors de la
société, il est donc normal qu'il ne soit pas à l'abri de l'arsenal répressif. C'est d'autant
plus vrai que par son rôle d'intermédiaire, il peut nuire au bon fonctionnement de la
société. A titre d'exemple, imaginons un courtier maritime qui, après avoir reçu les
manifestes des mains du capitaine d'un navire, s'abstient de les présenter à
l'administration des douanes et refuse de les restituer au capitaine, bloquant ainsi le navire
qui ne pourra ni décharger sa cargaison ni reprendre le large. Il serait inadmissible qu'un
tel comportement échappe à la répression. D'où l'intérêt d'appliquer au courtier interprète
et conducteur de navires les textes répressifs qui sanctionnent les infractions susceptibles
d'être commises par lui dans le cadre de ses fonctions. Ainsi, des poursuites pénales
peuvent être engagées, à titre principal, contre lui pour violation du secret professionnel,
abus de confiance et faux en écriture.
A- LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL.
L'article 226-13 N.C.P. réprime : " la révélation d'une information à caractère
secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en
raison d'une fonction ou d'une mission temporaire...".
Par son rôle d'intermédiaire, le courtier maritime est mis au courant de diverses
informations par les capitaines, armateurs, affréteurs, vendeurs et acheteurs de navires. Il
est par exemple l'une des premières personnes à prendre connaissance de la cargaison
chargée à bord d'un navire dont il assure la conduite en douane. Or, " le secret couvre tout
ce qui relève de l'exercice de l'activité ou de la qualité professionnelle "70. C'est dire que
le courtier maritime ne doit pas révéler de façon consciente toutes les informations qui
lui sont confiées par ses commettants.
Il convient tout de même d'atténuer la portée de cette assertion car, s'il est mis en
cause dans une procédure quelconque, il peut violer le secret pour les besoins de sa
défense.
Un courtier maritime reconnu coupable du délit de violation du secret
professionnel est passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de
100.000 francs.
70Lire Michel Véron, Droit Pénal Spécial, 5é édition; Masson/Armand Colin; 1996.P.143.
75
B- L' ABUS DE CONFIANCE .
Aux termes de l'article 314 -1 du Nouveau Code Pénal, l'abus de confiance est le
fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un
bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les
représenter ou d'en faire un usage déterminé.
Cette infraction suppose préalablement la remise d'un bien à titre précaire dans le
cadre d'un contrat. Telle est la situation du courtier maritime qui ne reçoit les documents
qu'en qualité de mandataire. Il est notable que les documents écrits peuvent être
considérés comme biens au sens de l'article précité.
L'abus de confiance suppose également que le bien ait été remis pour un usage ou
un emploi déterminé. C'est le cas du professionnel en cause à qui les documents ne sont
remis qu'à charge pour lui de les transmettre, les traduire, les présenter et les restituer au
commettant. Ainsi, pour la conduite en douane d'un navire par exemple, les manifestes ne
lui sont remis qu' afin qu'il les traduise ( s'ils ne sont pas rédigés en Français ), les
présente aux administrations .
Enfin, l'abus de confiance n'est consommé que par le détournement du bien remis.
C'est affirmer que le courtier interprète et conducteur de navires ne sera poursuivi que s'il
n'a pas transmis les documents à lui confiés et ne les a pas, non plus, remis à son
commettant. Pour reprendre notre précédent exemple, disons qu'il y aura abus de
confiance s'il ne rend pas les manifestes au capitaine dès lors qu’il s’est abstenu de les
présenter aux administrations. Cette affirmation souffre d'une exception tenant à
l'impossibilité de restituer le bien lorsque celle-ci résulte de la perte. Il en va de même
lorsque le courtier exerce un droit de rétention sur les documents afin d'obtenir le
paiement de ses honoraires.
Un courtier maritime reconnu coupable d'abus de confiance sera puni des peines
aggravées en raison de sa qualité d'officier ministériel. Il encourt ainsi dix ans
d'emprisonnement et 10.000.000.francs d'amende ( cf. art. 314-3 N.C.P.).
76
C- FAUX EN ECRITURE.
En application de l'article 441 du N.C.P., le courtier interprète et conducteur des
navires peut être poursuivi pour faux en écriture de commerce lorsqu'il a modifié par
grattages, ratures ou surcharges son livre comptable. Il en sera de même lorsqu'il y a
consigné des informations mensongères. A titre d'illustration, le faux sera constitué dès
qu'il sera établi que le courtier a sciemment inscrit sur le livre comptable une date autre
que celle de l'opération ou une somme différente de celle perçue.
Le Courtier maritime pourra également être poursuivi pour faux en écriture
publique. Rappelons qu'il est officier public et qu'en cette qualité il établit des actes ayant
une valeur authentique. S'il modifie sciemment les données de l'opération dans l'acte qu'il
établit pour la constater, il commet le faux . Il en sera ainsi, par exemple, s'il inscrit dans
un acte de vente de navire des parties autres que celles qui ont réalisé l'opération.
Dans le cas du faux en écriture de commerce, le coupable est punissable de trois
ans d'emprisonnement et de 300.000.Francs d'amende.
Par contre en raison de sa qualité d'officier ministériel, le courtier est passible des
peines criminelles ( quinze ans de réclusion criminelle et de 1.500. 000 Francs d'amende)
lorsqu'il a commis le faux en écriture publique.
§2- SUR LE PLAN DISCIPLINAIRE.
La source du droit disciplinaire régissant les courtiers interprètes et conducteurs
de navires c'est l'article 22 de l'arrêté du 27 Prairial an X conçu dans les termes ci-après: "
les agents de change et les courtiers de chaque place, sont autorisés à faire un règlement
77
de discipline intérieure qu'ils remettront au Ministère de l'Intérieur pour être, par lui,
présenté à la sanction du gouvernement."
Il découle de ce texte que le droit disciplinaire applicable aux courtiers maritimes
est un droit propre à chaque place. Ainsi, il y en aurait un pour la place de Marseille, un
pour Bordeaux, un autre pour Rouen, etc...
Néanmoins, chaque règlement de discipline intérieure étant au préalable soumis à
l'approbation du Gouvernement, à la réflexion , on peut dire qu'il ne donnerait pas son
quitus à un règlement qui contiendrait des dispositions très différentes de celles formant
la charnière des textes similaires.
Aussi nous est-il permis d'affirmer que le règlement de discipline intérieure de la
compagnie des courtiers près la Bourse de Marseille, texte qui nous sert de fondement
pour cette étude, peut être pris comme référence pour appréhender les mesures
disciplinaires qui gouvernent les courtiers maritimes dans l'exercice de leur profession sur
l'ensemble du territoire français.
Ce texte a été approuvé par un décret de Napoléon signé au palais des Tuileries le
12 octobre 1863.
Dans son titre VII, il énumère les fautes disciplinaires et les peines encourues.
A- LES FAUTES DISCIPLINAIRES.
Les fautes prévues par le règlement de discipline intérieure des courtiers
près la Bourse de Marseille peuvent être classées en quatre catégories en fonction de leur
gravité.
1°_ Entrent dans la première catégorie, les fautes suivantes:
- tout manquement sans cause légitime aux assemblées générales et aux
convocations adressées par la chambre syndicale;
-le fait de n'avoir pas donné, sans retard, à la chambre syndicale, les
renseignements demandés par l'organe du syndic, dans l'intérêt de la compagnie, sous
réserve, toutefois, du secret que le courtier doit à ses commettants;
- le fait d'avoir consenti un abandon de courtage ou de s'être soumis, pour le
règlement de ses droits, à la réalisation de conditions éventuelles;
-l'entrave à la négociation d'une affaire dont s'occupe un collègue ou
l'interruption de ce dernier lorsqu'il’est en conférence avec un négociant;
78
-toute démarche auprès des négociants et toute opération de courtage les
dimanches et jours fériés sauf cas d'urgence.
2°- Au dessus des fautes de la première catégorie, se situent les fautes ci-après:
-conduite ou exercice des fonctions donnant lieu à des plaintes qui seraient
reconnues de nature à porter atteinte à la considération de la compagnie;
-refus ou négligence, avec récidive, de se rendre au sein de la chambre
syndicale pour y fournir des renseignements demandés lorsque déjà, précédemment, le
courtier aura été condamné à l'amende;
-entrave à un collègue dans ses opérations;
-le fait de ne pas tenir régulièrement son livre d’ opérations;
-indifférence envers un ou plusieurs membres de la chambre syndicale dans
l'exercice de ou à l’occasion de l'exercice de leurs fonctions.
3°- Dans la troisième catégorie, on peut comptabiliser:
-conduite ou exercice de la profession donnant lieu à des plaintes de nature à
porter atteinte à l'honneur du courtier concerné;
-récidive pour des faits passibles de censure ou d'amende;
-insultes ou injures graves envers un ou plusieurs membres de la chambre
syndicale dans l'exercice ou à l’occasion de l'exercice de leurs fonctions.
4° -Enfin, tout au sommet de la pyramide des fautes, se trouvent:
-le fait d'avoir enfreint les lois ou règlements d'administrations publiques qui
régissent la profession;
-le fait d'avoir fait des opérations de commerce pour son propre compte;
-le fait d'avoir pris un intérêt ou donné sa garantie dans une opération traitée par
son entremise;
-le fait d'avoir prêté son nom à des individus non commissionnés;
-le fait d'avoir favorisé, directement ou indirectement, leurs opérations ou d'y
avoir pris intérêt;
-le fait de n'avoir pas tenu le livre voulu par l'article 84 C.com. ou d'avoir tenu,
en même temps, plusieurs carnets ou journaux;
79
-récidive, pour un fait ayant été puni d'une suspension, dans l'intervalle des
deux années qui suivent cette suspension.
B- LES PEINES DISCIPLINAIRES.
Conformément à l'article 56 du règlement de discipline intérieure, après que le
courtier inculpé aura été mis en même, par une convocation, de venir présenter sa
défense, la chambre syndicale pourra prononcer les peines qui suivent par degré de
gravité:
1°- l'amende pour les fautes de la première catégorie. Elle consiste dans la
privation des jetons de présence pendant un certain temps ou dans la condamnation au
paiement d'une somme déterminée. Si l'amende infligée n'est pas acquittée dans le mois
de la décision, la chambre syndicale est autorisée à former opposition sur les intérêts du
cautionnement, sans préjudice de toutes autres poursuites ( article 50 )*
2°- La censure est la peine prévue pour l'une des fautes de la deuxième catégorie.
C'est le blâme prononcé par le syndic contre un courtier: soit en chambre syndicale, soit
en Assemblée Générale. Elle est inscrite au procès-verbal et affichée dans le local de la
compagnie pendant une semaine au moins et quatre semaines au plus ( article 50 ).
3°-Lorsqu'un courtier a commis une ou plusieurs fautes relevant de la troisième
catégorie, la suspension sera prononcée. Elle emporte l'interdiction d'entrée dans le lieu
des réunions de la compagnie.
4°-Enfin, celui qui commet l'une des fautes les plus graves au regard du
règlement, fera l'objet d'une dénonciation à l'autorité au moyen d'un rapport spécial
adressé à Monsieur le préfet pour l'application de l'article 17 de l'arrêté du 29 Germinal
an IX.
* l'éfficacité de cette mesure peut être mise en cause dès lors que les courtiers maritimes ne fournissent plus de cautionnement pour accéder à la profession.
80
CONCLUSION
L’étude du courtier interprète et conducteur de navires nous a révélés que les
textes qui régissent la profession sont très vieux. En effet, le dernier texte en date remonte
à l’ordonnance du Roi du 14 novembre 1835 dans laquelle fut précisée la définition de la
conduite du navire.
Ce constat nous pousse à nous demander s’il n’y a pas là le signe d’une
profession abandonnée par les pouvoirs publics car, il est difficile de croire que depuis le
texte ci-dessus cité, la profession de courtier maritime n’a pas eu besoin d’être adaptée
aux multiples évolutions connues par le monde maritime. Le législateur aurait dû, par
exemple, intervenir pour préciser l’étendue territoriale du privilège qui couvre les
différentes attributions de cette profession afin de suivre l’agrandissement des ports. Ce
qui aurait permis d’éviter de mettre la doctrine et la jurisprudence dans la tourmente.
81
Par ailleurs, à une époque où le mot privilège trouve de moins en moins d’écho
favorable dans le monde économique, et que la concurrence est présentée par de
nombreux économistes comme le principal régulateur du commerce mondial, le courtier
maritime a peu de chance de préserver sa profession sous la forme actuelle.
De plus, il est le seul des quatre courtiers privilégiés créés par le code de
commerce à être encore en fonction.
Il nous paraît plus plausible de transformer ce diagnostic en pronostic, c’est-à-dire
de penser qu’il empruntera le chemin suivi par les trois autres(la disparition).
Nous avons conscience que la perte d’une situation acquise est toujours difficile à
accepter. Mais la suppression du privilège des courtiers interprètes et conducteurs de
navires n’aura pas que des effets négatifs pour les professionnels encore en fonction. Bien
au contraire, grâce à la probité et à la compétence dont ils font preuve jusqu’à ce jour,
qualités auxquelles il sied d’ajouter l’expérience, ils disposent des atouts nécessaires pour
s ’épanouir dans un système où la liberté du courtage maritime serait consacrée.
En outre, ils auront la faculté de se regrouper en société, donc d’avoir plus de
poids qu’actuellement.
C’est avec des pincements au coeur que nous arrêtons cette étude qui risque d’être
considérée comme les prémices d’une « messe de requiem », et de nous donner l’image
d’un « prêtre de malheur ».
Mais pouvons nous, en toute objectivité, aboutir à une autre conclusion ?
82
BIBLIOGRAPHIE
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83
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Journal de la Marine Marchande et de la Navigation
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VEAUX FOURNERIE Paulette et VEAUX Daniel : Auxiliaires terrestres du transport
maritime.
*Courtiers.Fascicule 1195. Editions techniques
Juris-classeurs 1992.
84
ANNEXES
85
TABLE DE MATIERES
INTRODUCTION--------------------------------------------------------------------------------4
CHAPITRE PRELIMINAIRE: LES CONDITIONS D’ACCES ET LE MODE
D’EXERCICE DE LA PROFESSION DE COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES----------8
SECTION I: LES CONDITIONS D’ACCES A LA
PROFESSION.-----------------------------------8
§1-LES PIECES A FOURNIR PAR LE
POSTULANT.----------------------------------------------------8
§2-LA NOMINATION PAR LE GOUVERNEMENT SUIVIE DE LA
PRESTATION DU
SERMENT---------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------10
A-LA NOMINATION PAR LE GOUVERNEMENT
------------------------------------------------------------10
B-LA PRESTATION DU
SERMENT--------------------------------------------------------------------------------11
SECTION II: LE MODE D’EXERCICE DE LA
PROFESSION-----------------------------------------12
§1-L’INTERDICTION DE CONSTITUER UNE
SOCIETE---------------------------------------------------12
A-DANS LES RAPPORTS ENTRE
CONFRERES--------------------------------------------------------------12
B-DANS LES RAPPORTS AVEC LES
TIERS-------------------------------------------------------------------13
§2-LA POSSIBILITE DE SE REGROUPER EN
COMPAGNIE---------------------------------------------15
TITRE PREMIER: LE ROLE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE
86
NAVIRES.---------------------------------------------------------------------------------------------
--------------16
CHAPITRE PREMIER: LES ATTRIBUTIONS DU COURTIER INTERPRETE
ET CONDUCTEUR DE
NAVIRES----------------------------------------------------------------------------------------17
SECTION I : LE COURTAGE EN AFFRETEMENT ET LA VENTE DES
NAVIRES------------18
§1-LE COURTAGE EN
AFFRETEMENT-------------------------------------------------------------------------18
A-
DEFINITION-----------------------------------------------------------------------------------------
-------------------18
B-CONSTAT SUR LA PRATIQUE
ACTUELLE-----------------------------------------------------------------20
§2-LA VENTE DES
NAVIRES----------------------------------------------------------------------------------------22
A-LA VENTE DE GRE A
GRE----------------------------------------------------------------------------------------22
B-LA VENTE
PUBLIQUE--------------------------------------------------------------------------------------------
--23
1)-LA VENTE VOLONTAIRE AUX
ENCHERES---------------------------------------------------------------23
2)-LA VENTE FORCEE AUX
ENCHERES----------------------------------------------------------------------------------------25
SECTION II: LA CONDUITE EN DOUANE DES NAVIRES ET LA
TRADUCTION DE LA LANGUE
ETRANGERE-----------------------------------------------------------------------------------------
-------26
87
§1-LA CONDUITE EN DOUANE DES
NAVIRES---------------------------------------------------------------26
A- FORMALITES A ACCOMPLIR AUPRES DES GESTIONNAIRES DU
PORT------------------27
1)-A LA CAPITAINERIE DU
PORT-------------------------------------------------------------------------------------------------27
2)-A LA DIRECTION DU
PORT------------------------------------------------------------------------------------------------------27
B-FORMALITES A ACCOMPLIR A L’ADMINISTRATION DES
DOUANES----------------------27
C-FORMALITES A ACCOMPLIR AUPRES DU TRIBUNAL DE
COMMERCE-------------------28
§2-LA TRADUCTION DE LA LANGUE
ETRANGERE-------------------------------------------------------30
A-LA TRADUCTION
ORALE-----------------------------------------------------------------------------------------30
B-LA TRADUCTION DES DOCUMENTS
ECRITS-------------------------------------------------------------31
CHAPITRE DEUXIEME: LE PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE
NAVIRES----------------------------------------------------------------------------------------33
SECTION I: ETENDUE ET LIMITES DU PRIVILEGE DU COURTIER
MARITIME----------33
§1-ETENDUE ET PROTECTION DU
PRIVILEGE-------------------------------------------------------------33
A-ETENDUE DU
PRIVILEGE----------------------------------------------------------------------------------------33
B-LA PROTECTION DU
PRIVILEGE-----------------------------------------------------------------------------34
1)-POURSUITES POUR USURPATION DES FONCTIONS------------------------------------------------------------------
34
2)-RESPONSABILITE DE
L’ETAT--------------------------------------------------------------------------------------------------35
88
§2-LES LIMITES DU
PRIVILEGE----------------------------------------------------------------------------------37
A-LA LIMITE
TERRITORIALE------------------------------------------------------------------------------------
-37
B-LA LIMITE TENANT AU DROIT RECONNU A CERTAINES PERSONNES
D’AGIR SANS LE MINISTERE DU COURTIER
MARITIME------------------------------------------------------------------------43
SECTION II: L’AVENIR DU PRIVILEGE DU COURTIER INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE NAVIRES : UN SUJET A
REBONDISSEMENT------------------------------------------------------------48
§1-L’ANCIENNE CONTROVERSE: L’IMPACT DU PRIVILEGE SUR LE
COMMERCE
INTERNATIONAL----------------------------------------------------------------------------------
----------------------49
A-PLAIDOYER POUR SA
SUPPRESSION-----------------------------------------------------------------------49
B-PLAIDOYER POUR SON
MAINTIEN--------------------------------------------------------------------------50
§2-LA CONTROVERSE MODERNE : LA COMPATIBILTE DU PRIVILEGE
AVEC LE DROIT
INTERNATIONAL----------------------------------------------------------------------------------
----------------------52
A-LE PRIVILEGE DE L’ARTICLE 80 C.Com. ET LE DROIT INTERNATIONAL
ORDINAIRE------------------------------------------------------------------------------------------
----------------------53
B-LE PRIVILEGE DE l’ARTICLE 80 C.Com. ET LE DROIT
COMMUNAUTAIRE-----------------55
TITRE DEUXIEME: LA SITUATION JURIDIQUE DU COURTIER
INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES----------------------------------------
59
89
CHAPITRE PREMIER: LE STATUT PERSONNEL DU COURTIER
INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE
NAVIRES----------------------------------------------------------------------------------------59
SECTION I: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
EN TANT QUE
COMMERÇANT-------------------------------------------------------------------------------------
---------------------59
§1-LES DROITS NES DE LA QUALITE DE
COMMERÇANT----------------------------------------------60
A-LE DROIT DE PRENDRE PART AUX ELECTIONS A LA CHAMBRE DE
COMMERCE ET DE
L’INDUSTRIE----------------------------------------------------------------------------------------
-----------------60
B-LE DROIT DE PARTICIPER AUX ELECTIONS AU TRIBUNAL DE
COMMERCE-------------61
§2-SES
OBLIGATIONS--------------------------------------------------------------------------------------
-----------62
A-L’OBLIGATION DE TENIR UN LIVRE
COMPTABLE---------------------------------------------------62
B-L’OBLIGATION DE S’ACQUITTER DES CHARGES FISCALES
PARTICULIERES AUX
COMMERCANTS-----------------------------------------------------------------------------------
----------------------63
1)-L’IMPOT SUR LES BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX--------------------------------------------
63
2)-LA TAXE PROFESSIONNELLE-------------------------------------------------------------------------------------------------
63
SECTION II: LE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES
EN TANT QU’OFFICIER
MINISTERIEL---------------------------------------------------------------------------------------
64
90
§1-LES DROITS NES DE LA QUALITE D’OFFICIER
MINISTERIEL----------------------------------64
A-LE DROIT A LA RETRIBUTION POUR LES SERVICES ACCOMPLIS
---------------------------64
B-LE DROIT DE PRESENTER SON
SUCCESSEUR----------------------------------------------------------66
§2SES
OBLIGATIONS--------------------------------------------------------------------------------------
------------67
A-L’OBLIGATION D’EXERCER SON
MINISTERE----------------------------------------------------------67
B-L’OBLIGATION DE NE PAS FAIRE LE COMMERCE POUR SON PROPRE
COMPTE------68
CHAPITRE DEUXIEME: LA RESPONSABILITE DU INTERPRETE ET
CONDUCTEUR DE
NAVIRES----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------70
SECTION I: SUR LE PLAN
CIVIL-------------------------------------------------------------------------------70
§1-A L’EGARD DU
MANDANT--------------------------------------------------------------------------------------70
§2-A L’EGARD DES COCONTRACTANTS DU
MANDANT------------------------------------------------72
SECTION II: SUR LES PLANS PENAL ET
DISCIPLINAIRE-------------------------------------------73
§1-SUR LE PLAN
PENAL---------------------------------------------------------------------------------------------73
A-LA VIOLATION DU SECRET
PROFESSIONNEL----------------------------------------------------------74
91
B-L’ABUS DE
CONFIANCE-----------------------------------------------------------------------------------------
-75
C-FAUX EN
ECRITURE--------------------------------------------------------------------------------------------
----76
§2-SUR LE PLAN
DISCIPLINAIRE---------------------------------------------------------------------------------76
A-LES FAUTES
DISCIPLINAIRES---------------------------------------------------------------------------------
77
B-LES PEINES
DISCIPLINAIRES----------------------------------------------------------------------------------
79
CONCLUSION-------------------------------------------------------------------------------------
80
BIBLIOGRAPHIE---------------------------------------------------------------------------------
82
ANNEXE---------------------------------------------------------------------------------------------
84
TABLE DES MATIERES------------------------------------------------------------------------
92
92