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8 Oas Urtei!/le jugement le depassement de devis dans le contrat d' architecte global Arret du Triinmal federnl du 15 mars 2005 (4C.424/2004, mm publie au Recueil officiel) Pascal Pichmmaz*, Professeur a l'Universite de Fribourg I. les faits 1. Au debut de 1994, un maitre d'ouvrage, une entreprise de verres, confia a un architecte la planification et la direction des tra- vaux pour .realiser un batiment commercial avec logements a Do- mat/Ems (G1isons). La norme SIA 102 (ed.1984) fut integree au contrat. Le 18 fevrier 1994, l'architecte lui remit un projet de construction accompagne d'un de vis approximatif de 1695 000.- fr. Alors que les travaux avaient deja commence (fin mai 1994), on constata que les coil.ts etaient en realite bien. plus considerables que ceux estimes par l'architecte. Ce dernier soumit alors le 8 aofit 1994 au maitre d'ouvrage un nouveau devis de 1936275.05 fr., qu'il rectifia le 18 octobre 1994 par un devis de 1860279.- fr. Le decompte final fut etabli le 31 mai 1996 et indiquait un total de 2020681.- fr. 2. Le 3 octobre 2002, le Tribunal d'arrondissement de Plessur a condamne l'architecte a payer au maitre d'ouvrage la somme de 302681.- fr. a titre de dommages-interets pour depassement du devis approximatif, ce qui represente la totalite des coil.ts supple- mentaires apres deduction des frais occasionnes par des modifica- tions de commande du maitre. Le Tribunal cantonal des Grisons a confirme ce jugement le 22 mars 2004. Le Tribunal federal a rejete le recours en reforme de l'architecte. Les considerants en drnit 3. La question a resoudre par le Tribunal federal dans l'arret com- mente est en soi simple: Dans quelle mesure l'architecte est-il res- ponsable d'un depassement de devis dans le cas d'un contrat global (planification et realisation), lorsque celui-ci demeure en det;a de la marge de tolerance de 10%, fixee notamment par la norme SIA 102 (art. 4.2.5, ed.1984; art. 6.5.4, ed. 2003)? 4. Le Tribunal cantonal a juge l'affaire sous I' angle du contrat de mandat. Le Tribunal federal confirme ce point de vue sans autre discussion (cons. 2). La responsabilite du mandataire est ainsi fixee par l'art. 398 aL 2 CO qui exige de l'architecte la «bonne et fidele execution» de ses obligations. Ainsi, meme en !'absence d'une convention particuliere sur ce point, !'art 398 al. 2 CO im- pose a l'architecte de donner au maitre toutes les informations ne- cessaires sur l'evolution des couts, d'etablir le devis avec soin et d'effectuer un controle continu afin de pouvoir signaler au ma1tre dans les plus brefs delais d'eventuels depassements de devis. La Norme SIA 102 (ed. 1984) integree au contrat mentionne d'ail- leurs expressement ces obligations aux art. 3.6, 4.1.4 et 4.2.5. Abkurzungen: Beibiatt BR 1/2006 Abreviations: supplement DC 1/2005 5. Le Tribunal federal constate ainsi que l'architecte qui etablit un devis inexact, qui n'informe pas le maitre sur la marge d'erreur de son devis, ou encore qui ne surveille pas l'evolution des colits lors de la realisation de l'ouvrage afin d'avertir a temps le maitre si les couts augmentent viole ses obligations contractuelles. Il doit repa- rer le dommage cause au maitre dil a la confiance que celui-ci a mise dans les indications donnees par l'architecte (Vertrauens- schaden). Pour cela, il faut non seulement que celles-ci aient ete erronees ou insuffisantes, mais surtout que le maitre s'y soit fie a son detriment. Tel est le cas lorsque le maitre aurait choisi de re- noncer a la construction ou construit differemment s'il avait eu connaissance de !'evolution des couts (cons. 3.2.2.2). 6. L'architecte doit egalement informer le maitre sur le degre d'in- de ses pronostics dans le calcul des couts. En !'absence d'information sur ce point, le Tribunal federal retient que le maitre est en droit de s'attendre a ce que le montant indique dans le de- vis ne soit pas depasse. En effet, l'architecte eveille par son com- portement !'impression qu'il n'y a pas de risques lies au devis (cons. 3.2.1)< 7. Sauf convention contraire expresse, la marge de tolerance de 10% prevue a l'art. 4.2.5. Norme SIA 102 (ed. 1984) ne doit pas etre interpretee comme une clause restreignant la responsabilite de l'architecte. Cette marge cree uniquement la double presomp- tion de fait («Anscheinsbeweis») que l'architecte a viole ses obli- gations contractuelles lorsque les coil.ts depassent la marge de tolerance et qu'il n'a pas commis de violation lorsque !es coil.ts sont inferieurs a cette marge. Cette presomption tombe si la partie qui en subit les consequences peut etablir des faits propres a mettre en doute le respect par l'architecte de ses obligations. Tel est notarnment le cas si la partie demontre que l'architecte a viole son devoir de diligence. L'architecte ne peut se prevaloir de ma- niere absolue de la marge de tolerance que s'il a informe a temps et dument le maitre sur !'existence d'une marge d'incertitude et sur l'etendue de !'augmentation. Si tel n'est pas le cas, il faut exa- miner concretement quelle confiance le maitre etait en droit de donner au devis soumis par l'architecte. En l'espece, l'architecte a viole ses obligations contractuelles en n'informant pas le maitre de fa;;on adequate. Les informations contenues dans I' estimation des coil.ts du 18 fevrier 1994 etaient insuffisantes et le devis du 18 aoilt 1994 tardif. II ne peut des lors se prevaloir de la; marge de tolerance de maniere absolue. ' 8. Le Tribunal federal ajoute enfin que le maitre peut en outre ex- clure tout depassement de devis en fixant une limite de couts. Cela fut le cas en l'espece, du moins implicitement selon notre Haute Cour, puisque le maitre ne pouvait s'attendre a un depassement du devis, l'architecte ne l'ayant pas informe du degre de certitude de ses pronostics. Pour le Tribunal, la seule mention «approxima- * Je remercie Mme Stephanie Feinberg, assistante a la Faculte, pour !'aide qu'elle m'a apportee a la mise au point de l'appareil critique. BR I DC 1/2006

le depassement de devis dans le contrat d' architecte global

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Page 1: le depassement de devis dans le contrat d' architecte global

8 Oas Urtei!/le jugement

le depassement de devis dans le contrat d' architecte global Arret du Triinmal federnl du 15 mars 2005 (4C.424/2004, mm publie au Recueil officiel)

Pascal Pichmmaz*, Professeur a l'Universite de Fribourg

I. les faits

1. Au debut de 1994, un maitre d'ouvrage, une entreprise de verres, confia a un architecte la planification et la direction des tra­vaux pour .realiser un batiment commercial avec logements a Do­mat/Ems (G1isons). La norme SIA 102 (ed.1984) fut integree au contrat. Le 18 fevrier 1994, l'architecte lui remit un projet de construction accompagne d'un de vis approximatif de 1695 000.- fr. Alors que les travaux avaient deja commence (fin mai 1994), on constata que les coil.ts etaient en realite bien. plus considerables que ceux estimes par l'architecte. Ce dernier soumit alors le 8 aofit 1994 au maitre d'ouvrage un nouveau devis de 1936275.05 fr., qu'il rectifia le 18 octobre 1994 par un devis de 1860279.- fr. Le decompte final fut etabli le 31 mai 1996 et indiquait un total de 2020681.- fr.

2. Le 3 octobre 2002, le Tribunal d'arrondissement de Plessur a condamne l'architecte a payer au maitre d'ouvrage la somme de 302681.- fr. a titre de dommages-interets pour depassement du devis approximatif, ce qui represente la totalite des coil.ts supple­mentaires apres deduction des frais occasionnes par des modifica­tions de commande du maitre. Le Tribunal cantonal des Grisons a confirme ce jugement le 22 mars 2004. Le Tribunal federal a rejete le recours en reforme de l'architecte.

Les considerants en drnit

3. La question a resoudre par le Tribunal federal dans l'arret com­mente est en soi simple: Dans quelle mesure l'architecte est-il res­ponsable d'un depassement de devis dans le cas d'un contrat global (planification et realisation), lorsque celui-ci demeure en det;a de la marge de tolerance de 10%, fixee notamment par la norme SIA 102 (art. 4.2.5, ed.1984; art. 6.5.4, ed. 2003)?

4. Le Tribunal cantonal a juge l'affaire sous I' angle du contrat de mandat. Le Tribunal federal confirme ce point de vue sans autre discussion (cons. 2). La responsabilite du mandataire est ainsi fixee par l'art. 398 aL 2 CO qui exige de l'architecte la «bonne et fidele execution» de ses obligations. Ainsi, meme en !'absence d'une convention particuliere sur ce point, !'art 398 al. 2 CO im­pose a l'architecte de donner au maitre toutes les informations ne­cessaires sur l'evolution des couts, d'etablir le devis avec soin et d'effectuer un controle continu afin de pouvoir signaler au ma1tre dans les plus brefs delais d'eventuels depassements de devis. La Norme SIA 102 (ed. 1984) integree au contrat mentionne d'ail­leurs expressement ces obligations aux art. 3.6, 4.1.4 et 4.2.5.

Abkurzungen: Beibiatt BR 1/2006 Abreviations: supplement DC 1/2005

5. Le Tribunal federal constate ainsi que l'architecte qui etablit un devis inexact, qui n'informe pas le maitre sur la marge d'erreur de son devis, ou encore qui ne surveille pas l'evolution des colits lors de la realisation de l'ouvrage afin d'avertir a temps le maitre si les couts augmentent viole ses obligations contractuelles. Il doit repa­rer le dommage cause au maitre dil a la confiance que celui-ci a mise dans les indications donnees par l'architecte (Vertrauens­schaden). Pour cela, il faut non seulement que celles-ci aient ete erronees ou insuffisantes, mais surtout que le maitre s'y soit fie a son detriment. Tel est le cas lorsque le maitre aurait choisi de re­noncer a la construction ou construit differemment s'il avait eu connaissance de !'evolution des couts (cons. 3.2.2.2).

6. L'architecte doit egalement informer le maitre sur le degre d'in­~ertitude de ses pronostics dans le calcul des couts. En !'absence d'information sur ce point, le Tribunal federal retient que le maitre est en droit de s'attendre a ce que le montant indique dans le de­vis ne soit pas depasse. En effet, l'architecte eveille par son com­portement !'impression qu'il n'y a pas de risques lies au devis (cons. 3.2.1)<

7. Sauf convention contraire expresse, la marge de tolerance de 10% prevue a l'art. 4.2.5. Norme SIA 102 (ed. 1984) ne doit pas etre interpretee comme une clause restreignant la responsabilite de l'architecte. Cette marge cree uniquement la double presomp­tion de fait («Anscheinsbeweis») que l'architecte a viole ses obli­gations contractuelles lorsque les coil.ts depassent la marge de tolerance et qu'il n'a pas commis de violation lorsque !es coil.ts sont inferieurs a cette marge. Cette presomption tombe si la partie qui en subit les consequences peut etablir des faits propres a mettre en doute le respect par l'architecte de ses obligations. Tel est notarnment le cas si la partie demontre que l'architecte a viole son devoir de diligence. L'architecte ne peut se prevaloir de ma­niere absolue de la marge de tolerance que s'il a informe a temps et dument le maitre sur !'existence d'une marge d'incertitude et sur l'etendue de !'augmentation. Si tel n'est pas le cas, il faut exa­miner concretement quelle confiance le maitre etait en droit de donner au devis soumis par l'architecte. En l'espece, l'architecte a viole ses obligations contractuelles en n'informant pas le maitre de fa;;on adequate. Les informations contenues dans I' estimation des coil.ts du 18 fevrier 1994 etaient insuffisantes et le devis du 18 aoilt 1994 tardif. II ne peut des lors se prevaloir de la; marge de tolerance de maniere absolue. '

8. Le Tribunal federal ajoute enfin que le maitre peut en outre ex­clure tout depassement de devis en fixant une limite de couts. Cela fut le cas en l'espece, du moins implicitement selon notre Haute Cour, puisque le maitre ne pouvait s'attendre a un depassement du devis, l'architecte ne l'ayant pas informe du degre de certitude de ses pronostics. Pour le Tribunal, la seule mention «approxima-

* Je remercie Mme Stephanie Feinberg, assistante a la Faculte, pour !'aide qu'elle m'a apportee a la mise au point de l'appareil critique.

BR I DC 1/2006

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tif» figurant sur le devis n'etait pas suffisante, car le maitre n'etait pas suppose connaitre le contenu de la norme SIA 102 (ed.1984) - pourtant integree! - et la marge de tolerance qu'elle prevoit. Dans le cas d'espece, l'architecte savait en outre que le projet se situait a la limite des capacites financieres du maftre. Il avait des lors une obligation d'informer pour permettre au maitre de chan­ger ses projets au besoin.

9. S'il est responsable, l'architecte doit reparer le dommage cause par la confiance de9ue. Il ya toutefois deux limites: d'une part, le maitre doit imputer la plus-value objective du projet, a moins que celle-ci lui soit subjectivement inutile ou que celle-ci soit hors de ses possibilites financieres; d'autre part, l'architecte peut aussi demontrer que, meme dilment informe, le maitre n'aurait pas change d'avis SUI Ja realisation elle-meme OU les modalites de celle-ci. Dans ce dernier cas, il n'y aurait pas de dommage de confiance.

10. En l'espece, le Tribunal federal retient que le maitre aurait probablement change d'avis s'il avait ete correctement informe, puisque le projet de construction se situait a la limite de ses capa­cites financieres. L'architecte, qui savait cela, aurait du !'informer, d'une part, sur la ma:tge de tolerance de son devis et, d'autre part, immediatement sur l'ampleur et les consequences de sa mauvaise estimation. Il doit des lors prendre en charge I' ensemble du dom­mage objectif.

m. le commentaire

11. Le fondement de la responsabilite. Deja dans un arret de 19931, le Tribunal federal avait poseque dans un contrat d'architecte glo­bal, qui par definition porte SUI la realisation de plans et la direc­tion des travaux, la responsabilite pour le depassement de devis etait fondee sur les seules regles du mandat (CO 398 II)2• Il n'y a contrat d'entreprise que si l'architecte est charge exclusivement d'elaborer un devis ecrit3• Les principes degages de l'art. 375 CO sur le devis approximatif dans le contrat d'entreprise ne sauraient des lors s'appliquer4•

U. Il y a contrat de mandat lorsque le resultat envisage presente un alea serieux5• En effet, dans ce cas-la, on ne peut faire porter a l' architecte la responsabilite de tout echec du resultat vise, a savoir u11 devis exact. Or, tel est le cas pour l'architecte qui etablit un devis non pour sa propre prestation ( comme le ferait un entrepre­neur), mais pour les prestations fournies par des tiers entrepre­neurs. En tant que planificateur et directeur des travaux, l'archi­tecte est done tributaire de la qualite des calculs et des travaux effectues par les divers intervenants. Il ya des lors un alea suffisant pour admettre que le calcul du devis est soumis aux regles du man­dat.

13. Le Tribunal federal retient a juste titre que l'architecte a l' obligation, meme sans disposition particuliere, d'infonner le maitre sur les couts qu'il faut envisager pour la construction., en etablissant un devis de maniere diligente, en controlant continuel­lement si les couts demeurent dans les limites du devis et en infor­mant immediatement le maitre de tout fait important pour la suite de rexecution (cons. 3) 6•

14. La preuve du defaut de diligence. L'obligation de l'architecte est ainsi de faire un calcul du prix aussi diligent et soigneux que possible compte tenu des circonstances et d'aviser aussit6t le

BR I DC 1/2006

Das Urteil/Le jugernent 9

ma!tre sides circonstances peuvent influencer negativement I' evo­lution des cofits et la suite du projet. L'art. 398 CO n'exige au fond rien d'autre en posant comme critere que l'architecte est respon­sable de la «bonne et fidele execution» de ses obligations. En cas de depassement du devis, le maitre (creancier de l'obligation de moyens) doit done prouver la violation de l'obligation decoulant du contrat de mandat. II doit demontrer que le comportement de l'architecte etait inapproprie compte tenu des circonstances, qu'en particulier celui-ci n'a pas calcule les prix de far,;on diligente et soigneuse, comme le maitre pouvait l'attendre. Si la violation des obligations de l'architecte est demontree, cela signifie qu'il n'a pas ete diligent. Des lors, il aura necessairement eu un comportement fautif. En d'autres termes, la presomption de faute de l'art. 97 CO n'apporte rien de plus au maltre qui doit d'abord prouver la viola­tion du contrat.

15. La presomption de violation de l'obligation de diligence. Dans l'arret commente, le Tribunal federal pose toutefois une double presomption de fait. n affirme que la marge de tolerance de 10% mentionnee a l'art. 4.2.5 SIA-102 (ed. 1984) et a !'art. 6.5.4 SIA-102 (ed. 2003) entraine, d'une part, la presomption que l'architecte a viole ses obligations contractuelles lorsque les coil.ts depassent la marge de tolerance et, d'autre part, qu'il n'a pas viole ses obliga-. tions contractuelles lorsque les couts ne depassent pas cette marge (cf. cons. 3.2.2.1). Il ne s'agit plus ici d'une presomption de faute, mais bien d'une presomption de violation du contrat. En cas de depassement du devis donne par l'architecte en dec,:a de la marge de tolerance de 10%, le maitre doit demontrer directement que l'architecte a viole ses obligations. Ce dernier ne peut done pas se retrancher derriere la marge de tolerance! Si la violation du contrat est demontree, la faute l'est necessairement aussi. ·

16. Cette analyse du Tribunal federal nous parait convaincante dans sa construction. Elle a pour effet d'interpreter l'art. 4.2.5 SIA-102 (ed. 1984) en defaveur de l' architecte selon le principe qui s'applique a l'interpretation des conditions generales (in dubio contra stipulatorem). La marge de tolerance de 10% n'est pas une clause d'exoneration de responsabilite7, rnais uniquement une pre-

1 ATF 119 II 249/251 cons. 3b, JdT 1994 I 303, BR/DC 1994 47 ss, n° 87-90 (note P. Gauch); rappele notamment in ATF 122 III 61, JdT 1996 I 606, BR/DC 1996114, n° 235 s. (note R. ScHUMACHER);ATF 127 III 543 cons. 2a,JdT 2002 I 217, BR/DC 2002 90 n° 212 (note F. WERRO );TF, 27.2.2002, 4C.300/2001, cons. 2b.

2 P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, Zurich 1999, n. 61; P. TERCIER, Les contrats speciaux, 3e ed., Zurich 2003, n. 4861 ss.

3 ATF 114 II 53 cons. 2b, JdT 1988 I 360, BR/DC 1989 39 ss (note P. GAUCH).

4 Sur ces principes, pour tons !es autres, GAUCH, Contrat d'entreprise (note 2), n. 1001 ss; F. CHAIX, CR-CO I, n. 1 ss ad art. 375 CO.

s F. WERRO, Le mandat et ses effets, Fribourg 1993, n. 103; ThRCIER, Les contrats speciaux (note 2), n. 4596 s. (qui semble toutefois privilegier une approche plus pragmatique en fonction des solutions <<les mieux adaptees».); sur la delimitation, cf. eg. GAUCH, Le contrat d'entreprise (note 2), n. 240 ss.

6 R. SCHUMACHER, Die Haftung des Architekten ans Vertrag, in: Gauch/Tercier (edit.), Das Architektenrecht, 3' ed., Fribourg 1995, n. 725 ss, en part. n. 749 ss; eg. ATF 119 U 249 cons. 3b, JdT 1994 I 303, BR/DC 1994 47 SS, n° 87-90 (note P. GAUCH).

7 Cf. cep. pour une opinion difierente, P. GAUCH, Die Haftung des Archi­tekten fur die Uberschreitung seines Kostenvoranschlages, in: MeL Heiermann, Wiesbaden/Berlin 1995, 79 ss: «Solange der Kostenvoran­schlag sich innerhalb dieser Marge bewegt, die Toleranzgrenze also nicht tiberschritten wird, begeht der Architekt, was die Ungenauigkeit seines Voranschlages betrifft, keine Vertragsverletzung. Eine Architek c

tenhaftung fur die Ungenauigkeit des Kostenvoranschlages ist insoweit ausgeschlossen. [ ... ] Geschtitzt wird nicht das Vertrauen in die absolute Richtigkeit des Kostenvoranschlages, sondern nur das Vertrauen des

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10 Das Urteil/Le.jugement

somption de fait d'absence de violation contractuelle. L'impact de !'indication de la marge de 10% dans la Norme SIA-102 est des lors tres faible pour l'architecte. Celui-ci peut toutefois beneficier des effets de cette marge de tolerance s'il rend effectivement atten­tif le maftre de son existence, de ce qu'elle signifie et qu'il informe ce dernier de l'evolution des couts.

17. Une aggravation de la situation juridique de l'architecte. Dans la ligne des arrets precedents sur la question, cette decision ne ras­surera certainement pas les architectes qui agissent dans un contrat d'architecture global. Cela pour deu:x: raisons: d'une part, meme s'ils maintiennent l'augmentation des couts en de1;a d'une augmentation de 10%, ils risquent de devoir repondre d'un even­tuel dornmage pour faux renseignements8; d'autre part, tout en as­sumant une obligation de moyens, et non de resultat, le Tribunal federal leur fait supporter une presomption de violation du contrat et de faute lorsque l'augmentation depasse 10% («DerTo­leranzgrenze kommt bier die Funktion eines Anscheinsbeweises zu. [ ... ] Die Kosteniiberschreitungen, welche die Toleranzgrenze iibersteigen, lassen dabei auf Pflichtverletzungen des Architekten schliessen.» ). n s'agit indeniablement d'une aggravation de leur si­tuation juridique.

18. Calcul du dommage ne de la confiance de<;ue. Meme s'il a viole ses obligations, l'architecte ne repond que des consequences de la confiance qu'il a d'abord suscitee chez le ma!tre par son devis no­tamment et qu'il a ensuite de1;ue en ne l'informant pas suffisam­ment de !'evolution des couts ou en calculantde maniere erronee son devis. L'architecte ne doit cependant reparer que le dommage resultant de la confiance de\;Ue (reliance interest) et qui n'a pas ge­nere un profit pour le ma!tre. On peut mentionner les situations suivantes:

1° L' absence d'un comportement different. Il est juste que I' archi­tecte ne doive pas reparer la somme depassant le montant du cle­vis si le ma!tre dument informe n'aurait pas adopte un autre com­portement9. En effet, i1 n'y a alors pas de consequence a la confiance de1;ue, puisque meme df!ment informe le mru"tre aurait agi de meme (absence de lien de causalite). La preuve d'un com­portement different doit etre apportee par le ma1tre10•

2° L'existence d'une plus-value objective. Lorsque l'immeuble a subi une plus-value objective par rapport a l'etat qui aurait ete le sien sans le depassement de devis, il n'y a en principe pas d'obliga­tion de reparer, car il n'y a pas de dommage. Il en va autrement toutefois si la plus-value objective ne correspond pas a l'interet subjectif du ma!tre nous dit le Tribunal federal depuis quelques annees deja11; le dommage equivaut alors a la difference entre la plus-value objective et l'interet subjectif du maitre12• Cette conception est contestee par une partie de la doctrine qui preco­nise uniquement une reduction de la remuneration dans un tel cas13• Si l'on ne peut pas imposer au ma!tre d'accepter cette plus­value objective, parce qu'il est a la limite de ses capacites finan­cieres, l'architecte doit assumer la totalite du depassement, comme en l'espece.

3° La deduction des modifications de commande. Logiquement, . les modifications de commande faites par le maitre qui ont en~ tra!ne une augmentation du prix ne constituent pas un dommage,

a moins que l'architecte n'ait viole son obligation d'informer du­ment le ma!tre des consequences des modifications de commande.

19. En guise de conclusion, force est de constater que le Tribunal federal ne fait pas grand-cas de la teneur de la norme SIA-102 sur la marge de tolerance de 10%. n constate que le ma1tre n'est pas cense la conna!tre, alors meme que la norme SIA-102 a ete mte­gree au contrat! Assumant une obligation de moyens, l'architecte doit avant tout etre diligent taut dans l'estimation des Couts que dans l'information appropriee et suffisante du ma1tre. n doit avant tout veiller a ne pas laisser s'installer une fausse idee d'exactitude du devis. n risque sinon de devoir prendre a sa charge tout depas­sement de prix par rapport au devis etabli au moment de l'exe~u­tion, meme si la norme SIA-102 envisage une marge de tolerance de 10%. En revanche, s'il rend dument le maitre attentif sur la marge de tolerance, il remplit son obligation de diligence et1ne saurait etre tenu pour responsable en cas de depassement du devis en de1;a de la marge de tolerance de 10%.

La situation de l'architecte para!t des lors plus precaire que celle de l'entrepreneur qui etablit un devis approximatif au sens de l'art. 365 CO. Ce dernier n'est en principe pas tenu de repondre des depassements inferieurs a 10%, alors meme qu'il a estime son propre travail, contrairement ace que doit faire l'architectelJLa difference tient toutefois a la relation de confiance qui existe - et doit exister - entre l'architecte et son client. Si l'architecte ne veut pas tromper la confiance mise en lui, il doit informer conscien­cieusement son client et calculer aussi precisement que possible les couts. S'il remplit ces obligations, meme en cas de depassement de plus de 10% de son devis, il pourra demontrer sa diligence et exclure toute indemnisation.

Bauherrn darauf, <lass sich der Voranschlag innerhalb der Toleranz­grenze halt, die Toleranzmarge also nicht durchbrochen wird»; R. Scrru­MACHER, Die Haftung des Architekten fiir seine Kosteninformationen, recht 1994 126 ss, en part. 139 s.; H. HoNSELL, Haftung des Architekten fiir ungenauen Kostenvoranschlag und Bausummentiberschreitung, 1F 22 juillet 1993, PJA 1993 1260 s.

8 Pour ce constat, cf. deja P. GAUCH, Uberschreitung des KostenVoran­schlages - Notizen zur Vertragshaftung des Architekten (oder Inge­nieurs), BR/DC 1989 79 ss; F. WERRO, La responsabilite de l'architecte pour le depassement du devis et la reparation du dommage ne de la confiance dec;ue, 1F 22 juillet 1993, BR/DC 1993 96 ss, en part. 97; eg. H. ZEHNDER, Die Haftung des Architekten fiir die Uberschreitung seines Kostenvoranschlages, th., Fribourg 1994, n. 288.

9 GAUCH, (note 7) BR/DC 1989 82. 10 1F, 27.5.2003, 4C.71/2003, cons. 3. 11 A1F 119 ll249/251cons.3b,JdT 1994I303,BR/DC1994 47 ss,n° 87-90

(note P. GAuqi:); rappele notamment in A1F 122 III 61, JdT 1996 I 605, BR/DC 1996 114, n° 235 s. (note R. SCHUMACHER), commente par H. ZEHNDER, Das neue Kostenvoranschlagsurteil des Bundesgerichts (BGE 122 III 61 ff.) - Roma locuta causa finita?, PJA 1996 1251.

12 · JF, 27 .2.2002, 4C.300/2001,.cons. 3b; A1F 122 III 61 cons. 2c/aa, JdT 1996 I 605, BR/DC 1996 114, n° 235 s. (note R. SCHUMACHER), commente par ZEHNDER, (note 9) PJA 19961251;ATF 119 II 249/253 c. 3b/bb, JdT 1994 I 303, BR/DC 1994 47 SS, n° 87-90 (note P. GAUCH); eg. GAUCH, (note 7) BR/DC 1989 85; W. F'ELLMANN, Haftung fiir falsche Kostenschatzung, in: A. KOLLER (edit.), Recht der Architekten und Ingenieure, St-Gall 2002, 211 SS, en part. 223 s., 238 s.; SCHUMACHER, (note 6) n. 779 SS •

13 WERRO, (note 7) BR/DC 1993 96 SS, en part. 99; WERRO, Le mandat (note 5), n. 1002 et 1054 ss.

BR I DC 1/2006