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Une description vive et pratique pour les jeunes 3ème.
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HISTOIRE DES ARTS
Thème 1 : Art, Etat et pouvoir
Sujet 2
Le Déserteur de Boris Vian, 1954
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir.
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C´est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m´en vais déserter
Depuis que je suis né
J´ai vu mourir mon père
J´ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers.
Quand j´étais prisonnier
On m´a volé ma femme
On m´a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J´irai sur les chemins.
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
« Refusez d´obéir
Refusez de la faire
N´allez pas à la guerre
Refusez de partir. »
S´il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n´aurai pas d´armes
Et qu´ils pourront tirer.
Nota:
La version initiale des 2 derniers vers était:
"que je tiendrai une arme,
et que je sais tirer..."
Boris Vian a accepté la modification de son ami Mouloudji
pour conserver le côté pacifiste de la chanson!
La musique est, avant d’être engagée, un moyen pour celui qui l’écoute de s’évader,
d’échapper à la réalité, de méditer. Elle constitue un moyen très immédiat
d’atteindre le public qui est en permanence exposé, volontairement ou non, comme
par exemple dans les supermarchés, les aéroports, les salles d’attente, à la radio
entre les programmes, les boîtes de nuit.
Cependant, la musique possède un pouvoir qui n’est pas toujours exploité, celui
d’un pouvoir politique, qui peut être révélé : non seulement par les paroles
accompagnant certains types de musique, mais aussi dans la musique elle-même
et dans l’univers qui l’entoure.
C’est ce pouvoir politique qui est révélé par l’engagement de certains artistes, que
cet engagement corresponde à une critique, à un soutien à un parti politique,
une cause ou des idées, ou simplement à une constatation subjective de l’état
actuel du monde ou d’une situation précise.
Boris Vian (1920-1959) :
Boris Vian est un écrivain français, poète, parolier, chanteur, critique et
musicien de jazz (trompettiste), né le 10 mars 1920, à Ville-d'Avray (Hauts-de-
Seine), mort le 23 juin 1959 à Paris.
Il fut aussi ingénieur de l'École centrale, inventeur, scénariste, traducteur
(anglo-américain), conférencier, acteur d'occasion et peintre.
- Sa mère Yvonne Ravenez est pianiste et harpiste amateur.
- Cette maladie du coeur, dont ses oeuvres porteront la trace, en fera la cible de
l'affection trop étouffante de sa mère. Il en parlera dans L'Herbe rouge, et plus
encore dans L'Arrache-coeur
- Il obtient le baccalauréat final A-philosophie, avec option mathématiques.
- Il fréquente les cafés de Saint-Germain-des-Prés : café de Flore ou des
Deux Magots, à l'époque où ceux-ci rassemblent intellectuels et artistes de la rive
gauche : Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco,
Marcel Mouloudji ou Miles Davis.
- Son premier roman célèbre (signé sous le pseudonyme de Vernon Sullivan) est
J'irai cracher sur vos tombes, écrit en 1946. Le roman est très controversé,
notamment parce qu'il est retrouvé sur les lieux d'un crime passionnel. Boris Vian
est condamné en 1950 pour outrage aux bonnes moeurs. Après l'échec de
L'Arrache-coeur, il décide d'abandonner la littérature.
- Passionné de jazz, il joue de la trompette de poche dans les clubs de Saint-
Germain-des-Prés. Il est aussi directeur artistique chez Philips et chroniqueur
dans Jazz Hot de décembre 1947 à juillet 1958, où il tient une « revue de la
presse » explosive et extravagante.
- Son oeuvre connut un immense succès public posthume dans les années 1960
et 1970, notamment pendant les événements de mai 68. Les jeunes de la
nouvelle génération redécouvrent Vian, l'éternel adolescent, dans lequel ils se
retrouvent. Il a écrit onze romans (dont L’écume des jours) quatre recueils de
poèmes, plusieurs pièces de théâtre, des nouvelles, de nombreuses chroniques
musicales (dans le magazine Jazz Hot), des scénarios de films, des centaines de
chansons.
La chanson « Le Déserteur » (1954) :
A) INTRODUCTION
Il s’agit de sa chanson la plus célèbre (parmi les 461 qu'il a écrites). C’est une
chanson anti-militariste écrite à la fin de la guerre d'Indochine (soit le 15
février 1954), juste avant la guerre d'Algérie.
Il en a également co-composé la musique avec Harold Berg.
Elle fut enregistrée le jour de la défaite de l'armée française lors de la
bataille de Dien Bien Phu qui sonna le début de la fin de la guerre d'Indochine.
Bien que Boris Vian la chante lui- même quelques temps plus tard, c'est Marcel
Mouloudji qui en est le premier interprète. Il modifia certaines paroles avec
l'accord de Boris Vian.
Il s’agit d’une lettre adressée à « Monsieur le Président » par un homme ayant
reçu un ordre de mobilisation en raison d’un conflit armé.
B) ANALYSE DES PAROLES DU CHANT
Il s’agit d’un texte emblématique de la poésie engagée. C’est un chant de
protestation composé de 12 quatrains en rimes embrassées (ABBA) (ou 3
strophes musicales) et symbole de la liberté d’expression.
Il s’agit d’une lettre ouverte adressée à « Monsieur le Président » (le
président à cette époque est René Coty) par un homme ayant reçu un ordre de
mobilisation militaire en raison d’un conflit armé (=une guerre).
C’est une lettre argumentative dans laquelle on retrouve tous les procédés pour
convaincre : des répétitions (anaphores), des phrases injonctives et une stratégie
argumentative. L’homme y explique qu’il ne veut pas partir à la guerre, et
justifie sa décision par les décès survenus dans sa famille proche à cause de la
guerre, et par le fait qu'il ne veut pas tuer de pauvres gens.
Il révèle son intention de déserter et surtout incite les gens à suivre son
exemple (il prône donc la non-violence, c'est un appel à la paix).
Il est conscient que son acte aura de lourdes conséquences ; il ne fuit pas et
s'attend à être arrêté ou bien tué. "Vous pourrez dire à vos gendarmes, que je
n'aurai pas d'arme et qu'ils pourront tirer".
Vocabulaire :
- Déserteur : soldat qui a quitté son unité militaire sans y être autorisé / personne
qui abandonne une cause, un parti.
- Censure : Fait de censurer, d’interdire un livre, un film...
L'ACCOMPAGNEMENT INSTRUMENTAL
Formation instrumentale : Un petit orchestre de Jazz ou Jazz Band (piano,
contrebasse, batterie, guitare, trompette). Le choix d'un accompagnement
instrumental très léger (peu d'instruments et dans une nuance piano/mezzo-
forte) permet de rendre audible le texte qui porte un message important, lequel
doit être entendu et compris par tous.
Tonalité : Do Majeur. Le choix d'une tonalité neutre pour porter une mélodie
simple facile à retenir, permettant de porter avec simplicité un message difficile à
entendre, à faire accepter "je m'en vais déserter".
Structure : Introduction / Strophe 1 / Transition / Strophe 2 / Transition /
Strophe 3 / Coda (= conclusion)
Introduction et Coda : L'introduction est jouée par des instruments à vent avec
une prédominance de la trompette (avec sourdine). L'utilisation de cet instrument
de la famille des cuivres fait référence au côté martial. Elle introduit sur un tempo
lent et avec un caractère grave et solennel rendu par cette introduction pourrait
évoquer des funérailles militaires.
Strophe 2 : L'accompagnement instrumental change pour illustrer musicalement
les paroles (on parle alors de figuralisme) : "Quand j'étais prisonnier, on m'a volé
ma femme, on m'a volé mon âme et tout mon cher passé", L'accompagnement n'est
plus mélodique mais au contraire très rythmique. En effet, les instruments jouent
tous en homorythmie (=même rythme) et le batteur n'utilise plus les balais mais
les baguettes pour marquer le rythme et accentuer la nuance forte. Cet
accompagnement semble évoquer la détention, la souffrance physique, affective
et morale de cet homme qui a souffert des précédentes guerres et qui ne
veut plus revivre ces moments- là.
> REPRISES DU DESERTEUR
Ce chant fut repris par de nombreux artistes dont la militante pacifiste Joan
Baez pendant la guerre du Vietnam.
Déserteur (1983) de Renaud extrait de l'album « Morgane de toi ». Sa reprise
(titre paroles) est fortement inspirée de la chanson de Boris Vian mais la mélodie
est entièrement différente. Les paroles sont beaucoup plus familières mais la
contestation et le message de non violence restent conservés. Le texte est un
appel à la paix et à l'amour "Je n'suis qu'un militant du parti des oiseaux, des
baleines, des enfants, de la Terre et de l'eau".
V. QUELQUES CHANSONS ENGAGEES
Mourir pour des idées (Georges Brassens) / Gottingen (Barbara) / La complainte
du progrès (Boris Vian) / La Java des bombes atomiques (Boris Vian) / Les
bourgeois (Jacques Brel) /Les Anarchistes (Léo Ferré) / Au printemps, de quoi
rêvais-tu ?(Jean Ferrat)/ Poulailler’s song (Alain Souchon)/ Né quelque part
(Maxime Le Forestier) /Touche pas à mon pote (Alain Bashung) /Résidents de la
République (Alain Bashung) /Mai 68 (Gilbert Bécaud) /L’assassin assassiné (Julien
Clerc) / Antisocial (Trust) /Hexagone (Renaud) /Un jour en France (Noir Désir) /
A l’envers à l’endroit (Noir Désir) / L’assistant parlementaire (Miossec) / Le
clandestin (La Rue Kétanou) / La Guerre (La Tordue) / Le chant des partisans (Les
Motivés) etc…