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le Dictionnaire du Diable Ambrose Bierce

Le Dictionnaire du Diable

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du DiableAmbrose Bierce

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le Dictionnaire

du Diable

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abdiction n.

Acte par lequel un souverain atteste qu’il est sensible à la montée de température de son trône.

abdomen n.

Temple du dieu Estomac, dans la vénération duquel et non sans sacrifice s’engagent tous les hommes dignes de ce nom. Pour les femmes, cette religion ancienne n’exige qu’un assentiment relatif. Elles officient parfois à l’autel sans conviction ni grande efficacité, mais elles

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abdomen n.

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aborigènes n.

Personnes de moindre valeur qui encombrent le sol d’un pays récemment découvert. Elles cessent bientôt de l’encombrer pour le fertiliser

abrupt adj.

Soudain, sans cérémonie, comme l’arrivée d’un boulet de canon et le départ du soldat dont les intérêts s’en trouvent particulièrement affectés.

absent adj.

Particulièrement exposé à la dent du dénigrement ; diffamé; entièrement dans son tort ; supplanté dans la considération et l’affection d’autrui.

absent n.

Personne possédant un revenu qui a eu la prévoyance de se retirer de la sphère de l’exaction.

ne connaissent pas cette vénération véritable pour l’unique divinité que les hommes adorent avec tant de sincérité. Si la femme avait la haute main sur les affaires du monde, l’espèce deviendrait vite graminivore.

absolu adj.

Indépendant, irresponsable. Une monarchie absolue est une monarchie dans laquelle le souverain fait ce qui lui plaît aussi longtemps qu’il plaît aux assassins.Il reste peu de monarchies absolues, la plupart ayant été remplacées par des monarchies constitutionnelles, dans lesquelles le pouvoir du souverain de faire le mal

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abstinent. n.

Personne faible qui cède à la tentation de se refuser un plaisir. Un abstinent total est quelqu’un qui s’abs-tient de tout sauf de l’abstinence, et notamment de toute intervention dans les affaires d’autrui.

absurdité n.

Déclaration ou conviction manifestement incompatible avec notre propre opinion.

academia n.

École de l’Antiquité où l’on enseignait la morale et la philosophie.

académie n.

École moderne où l’on enseigne le football.

accident n.

Événement inévitable dû à l’effet de lois naturelles immuables.

accomplissement n.

La mort de l’effort et la naissance du dégoût.

accord n.

Harmonie.

(et le bien) est considérablement réduit et par des républiques que gouverne le hasard.

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accordéon n.

Instrument en harmonie avec les sentiments d’un assassin.

accuser v. tr.

Affirmer la culpabilité ou l’indignité d’autrui ; le plus souvent pour se justifier de lui avoir fait du tort.

adage n.

Sagesse désossée pour dents branlantes.

adhérent n.

Membre qui n’a pas encore reçu tout ce qu’il espère obtenir.

administration n.

En politique, ingénieuse abstraction conçue pour recevoir les claques et les coups de pied destinés au Premier ministre ou au Président. Homme de paille à l’épreuve des oeufs pourris et des chats crevés.

admiration n.

Façon polie que nous avons de reconnaître que quelqu’un nous ressemble.

adorer v. tr.

Vénérer dans l’espoir de quelque chose.

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affliction n.

Processus d’acclimatation qui prépare l’âme à un autre monde plus amer.

agitateur n.

Homme politique qui secoue les arbres fruitiers de ses voisins – pour en déloger les vers.

affirmatif adj.

Qui se trompe en donnant de la voix.

air n.

Substance nutritive généreusement fournie par la Providence afin d’engraisser les pauvres.

Allah n.

L’Être Suprême des musulmans, à ne pas confondre avec celui des chrétiens, des juifs et ainsi de suite.

alliance n.

En politique internationale, union de de~x voleurs qui ont la main si profondément enfoncee dans la poche l’un de l’autre qu’ils ne peuvent s’en prendre séparément à un troisième.

alligator n.

Le crocodile d’Amérique, supérieur en tout point au crocodile des monarchie déliquescentes de l’Ancien Monde. Hérodote affirmait que l’Indus était, à une

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ambidextre adj.

Qui peut prendre avec autant d’habileté dans une poche droite que dans une poche gauche.

ambition n.

Désir irrépressible d’être diffamé par ses ennemis de son vivant et d’être ridiculisé par ses amis une fois mort.

âme n.

Entité spirituelle à propos de laquelle ont eu lieu de fougueuses controverses. Platon prétendait que les âmes qui, dans un état précédent d’existence (anté-rieur à Athènes), avaient aperçu le plus clairement la vie éternelle pénétraient dans les corps des personnes qui devenaient des philosophes. Platon était lui-même un philosophe. Les âmes qui avaient le moins contem-plé la vérité divine animaient les corps des usurpateurs et des despotes. Dionysius Ier, qui avait menacé de décapiter le philosophe au large front, était un usurpa-teur et un despote. Platon n’était sans doute pas le premier à bâtir un système philosophique qui per-mettait des en prendre à ses ennemis; en tout cas, Il ne fut pas le dernier.

exception près, le seul fleuve qui produisait des croco-diles, mais il semblerait qu’ils aient migré vers l’ouest et se soient reproduits dans d’autres eaux.

amiral n.

Partie d’un navire de guerre qui se charge de discourir tandis que la figure de proue se charge de réfléchir.

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amitié n.

Bateau assez grand pour transporter deux personnes par beau temps, mais une seule quand le temps se gâte.

amnistie n.

Magnanimité d’un État envers des délinquants qu’il serait trop onéreux de punir.

amour n.

Folie temporaire qui peut se guérir par le manage ou en soustrayant le patient aux influences qui sont à l’ori-gine de son affection. Cette maladie comme les caries ou nombre d’autres infections, n’est répandue que parmi les races civilisées qui vivent dans des conditions artificielles ; les nations barbares qui respirent l’air pur et mangent une nourriture simple sont immunisées contre ses ravages. Elle peut s’averer fatale, mais plus souvent chez le médecin que chez le malade.

anecdote n.

Récit généralement mensonger. Néanmoins, la véra-citeé des anecdotes qui suivent n’a jamaisete mise en doute de manière convaincante.

‘‘Un soir, Mr. Rudolph Block, de New York, se retrouva à un dîner à côté de Mr. Percival Pollard le célèbre critique. – Mr. Pollard, dit-il, mon livre, La Biographie d’une vache morte, a été publié de façon anonyme, mais vous ne saurez ignorer qui en est l’auteur. Pourtant, dans votre article, vous en parlez comme de l’ouvrage de l’Idiot du Siècle. Pensez-vous que ce soit

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une critique honnête ? – Je suis désolé, Monsieur, répliqua aimmable-ment le critique, mais il ne m’était pas venu à l’idée que vous ayez vraiment pu ne pas souhaiter que le public sache qui l’avait écrit.’’ ‘‘Mr. W. C. Morrow, qui habitait à San Jose en Californie, avait la manie d’écrire des histoires de fantômes qui donnaient l’impression au lecteur qu’un flot de lézards fraîchement sortis de la glace remontait le long de son dos pour aller se cacher dans ses cheveux. À cette époque, San Jose avait la répu-tation d’être hantée par le spectre visible d’un bandit notoire prénomé Vasquez, qu’on y avait pendu. La Ville n’était pas très bien éclairée, et le moins qu’on puisse dire est que ses habitants répugnaient à sortir à la nuit tombée. Par une nuit particulièrement sombre, deux gentlemen se promenaient dans le coin le plus isolé de l’enceinte de la ville, parlant d’une voix forte pour se donner du courage, lorsqu’ils croisèrent Mr. J. J. Owen, le journaliste bien connu. – Eh bien, Owen, demanda l’un d’eux, qu’est-ce qui vous amène en ce lieu par une nuit pareille ? Vous m’avez dit vous-même que c’était l’un des endroits que Vasquez préférait venir hanter ! Et vous y croyez. N’avez-vous pas peur d’être dehors ? – Mon cher ami, répondit le journaliste sur un ton aussi lugubre que le gémissement d’un vent d’automne chargé de feuilles mortes, j’aurais peur d’être dedans. J’ai l’une des histoires de Will Morrow dans ma poche, et jamais je n’oserais aller dans un endroit où il y aurait assez de lumière pour la lire.’’

‘‘Le général H. H. Wotherspoon, président de l’École de Guerre, avait un babouin domestique de l’espèce dite nasique, un compagnon d’une intelligence

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année n.

Période de trois cent soixante-cinq déceptions.

anormal adj.

Qui ne se conforme pas à la moyenne. Dans le domaine de la pensée et du comportement, être indépendant

peu commune mais dune beauté parfaite. Un soir, en revenant à son appartement, le général fut surpris et peiné de trouver Adam (car tel était le nom de la créature, le général étant darwinien) assis à l’attendre, vêtu de la plus belle veste d’uniforme de son maître, avec les épaulettes et tout le reste. – Maudit ancêtre lointain ! tonna le grand stra-tège, que fais-tu encore debout après l’extinction des feux? Et avec ma veste, qui plus est ! Adam se leva et, le regard rempli de reproche, se mit à quatre pattes comme le veut son espèce, puis, trotta vers une table à l’autre bout de la pièce et revint avec une carte de visite: le général Barry était passé et, à en juger par la bouteille de champagne vide et plu-sieurs mégots de cigares, avait été reçu avec hospitalité pendant qu’il attendait. Le général s’excusa auprès de son fidèle parent et alla se coucher. Le lendemain, il rencontra le général Barry, qui lui dit : – Spoon, mon vieux, en te quittant hier soir, j’ai oublié de te demander où tu te procurais ces excellents cigares. Où les trouves-tu ? Le général Wotherspoon ne daigna pas répondre et s’éloigna. – Je t’en prie, pardonne-moi, dit Barry en le rat-trapant. Je plaisantais, bien sûr. J’étais là depuis moins d’un quart d’heure que j’avais compris que ce n’était pas toi.’’

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appel (faire) v. intr.

En termes de justice, remettre les dés dans le cornet pour les lancer à nouveau.

antipathie n.

Sentiment inspiré par l’ami d’un ami.

aphorisme n.

Sagesse prédigérée.

apothicaire n.

Complice du médecin, bienfaiteur du croque-mort, fournisseur des vers de tombeau.

appât n.

Préparation qui rend l’hameçon plus agréable au goût. La meilleure du genre est la beauté.

équivaut à être anormal, et être anormal à être détesté. Raison pour laquelle le lexicographe engage le lecteur à s’efforcer de ressembler à l’Homme Moyen mieux qu’il n’y est lui-même parvenu. Quiconque atteindra ce but connaîtra la paix, la perspective de la mort et l’espoir d’aller en Enfer.

appétit n.

Instinct implanté avec prévenance par la Providence en guise de solution au problème du travail.

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applaudissement n.

Écho d’une platitude.

arbre n.

Grand végétal destiné par la nature à servir d’instru-ment pénal, bien que les graves erreurs de la justice fassent que la plupart des arbres portent que des fruits négligeables, ou pas de fruit du tout. Quand il est naturellement pourvu, un arbre est un agent béné-fique de la civilisation et un facteur important de la morale publique. Dans l’Ouest sévère et dans le Sud sensible, ses fruits (respectivement blancs et noirs) sont agréables au goût des populations, bien qu’elles n’en mangent pas, et profitables à la prospérité générale, bien qu’ils ne soient pas exportés.

archevêque n.

Dignitaire ecclésiastique, d’un cran plus saint qu’un évêque.

architecte n.

Celui qui exécute les dessins de votre maison et nourrit des desseins sur votre argent.

ardeur n.

Qualité qui caractérise l’amour aveugle.

arène n.

En politique, piège à rats imaginaire dans lequel le politicien se bat contre sa réputation.

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argent n.

Bienfait qui ne nous est d’aucun avantage, sauf quand nous nous en séparons. Preuve de culture et passeport pour la bonne société. En posséder est supportable.

aristocratie n.

Gouvernement par les meilleurs des hommes. Indivi-dus qui portent des chapeaux veloutés et des chemises propres – coupables de bonne éducation et soupçon-nés de posséder un compte en banque.

armure n.

Sorte de vêtement porté par un homme qui a un forge-ron pour tailleur.

arrêter v. tr.

Détenir officiellement un individu accusé de compor-tement insolite. ‘’Dieu fit le monde en six jours et fut arrêté le septième’’ – Version non autorisée.

arrière n.

Dans le langage militaire américain, partie exposée de l’armée qui est la plus proche du Congrès.

arsenic n.

Sorte de cosmétique qu’affectionnent considérable-ment les dames, et qui les afflige considérablement à son tour.

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art n.

Ce mot n’a pas de définition.

art oratoire n.

Conspiration entre la parole et le geste pour tromper l’entendement. Tyrannie tempérée par la sténographie.

assez adv.

Tout ce qui existe dans le monde si vous l’appréciez.

aube n.

Moment où les hommes de raison vont au lit. Certains vieillards préfèrent se lever à cette heure ; ils prennent un bain froid et font une longue marche l’estomac vide, ou se mortifient autrement dans leur chair. Ils déclarent ensuite avec orgueil que ces pratiques sont la cause de leur solide santé et de leur grand âge ; la vérité étant qu’ils sont vieux et vigoureux non pas à cause de leurs habitudes, mais malgré elles. La raison pour laquelle seules des personnes robustes font de telles choses est qu’elles ont tué tous les autres qui s’y sont essayés.

audace n.

L’une des qualités les plus remarquables d’un homme en sécurité.

Australie n.

Pays situé dans les mers du Sud, dont le développe-ment industriel et commercial a été épouvantablement

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autruche n.

Gros oiseau auquel la nature (sans doute à cause de ses péchés) a refusé ce doigt postérieur, en quoi nombre de pieux naturalistes ont vu la preuve évidente d’une intention. L’absence d’une paire d’ailes en état de fonctionner n’est en rien un défaut, car, comme il l’a été ingénieusement fait remarquer, l’autruche ne vole pas.

avenir n.

Cette période de temps dans laquelle nos affaires prospèrent, nos amis sont sincères et notre bonheur est assuré.

autrement adv.

Pas mieux.

avilissement n.

Attitude mentale décente et habituelle en présence de la richesse ou du pouvoir. Particulièrement adapté à un employé quand il s’adresse à son employeur.

retardé par une fâcheuse querelle entre géographes sur la question de savoir s’il s’agissait d’une île ou d’un continent.

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Bacchus n.

Divinité commode inventée par les anciens pour avoir un prétexte de s’enivrer.

bain n.

Sorte de cérémonie mystique remplaçant un culte reli-gieux et dont l’efficacité spirituelle reste à prouver.

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baiser n.

Mot inventé par les poètes pour rimer avec ‘’pâmer’’. Au sens large, il est censé correspondre à une sorte de rite ou cérémonie témoignant d’une bonne entente; mais la manière dont il se pratique demeure inconnue du lexicographe.

baptême n.

Rite sacré d’une telle efficacité que celui qui se retrouve au Ciel sans l’avoir reçu sera malheureux a tout jamais. Administré avec de l’eau de deux manières - par immersion, ou plongeon, et par asper-sion ou humectation.

barbe n.

poils que coupent souvent ceux qui exècrent, à juste titre, l’absurde coutume chinoise consistant à se raser la tête.

baromètre n.

Instrument ingénieux qui nous indique le temps qu’il fait.

bataille n.

Méthode pour dénouer avec les dents un noeud poli-tique qui résisterait à la langue.

beauté n.

Pouvoir grâce auquel une femme charme un amant et terrifie un mari.

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bébé n.

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bébé n.

Créature difforme à l’âge, au sexe et à la condition indéfinis, particulièrement remarquable par la violence des sympathies et antipathies qu’elle suscite chez les autres, bien que dénuée elle-même de sentiment ou d’émotion. Il y a eu des bébés célèbres : par exemple, le petit Moïse, dont l’aventure dans les roseaux inspira sans doute, sept siècles auparavant, les scribes égyp-tiens, qui en tirèrent l’histoire oiseuse de l’enfant Osiris sauvé des eaux sur une feuille de lotus flottante.

belladonna n.

En italien, une belle femme. En anglais, un poison mor-tel. Un exemple frappant de l’identité essentielle des deux langues.

Bérénice (chevelure de) n.

Constellation (Coma Berenices) désignée ainsi en l’hon-neur de celle qui sacrifia sa chevelure pour sauver son mari.

bienfaiteur n.

Individu qui fait de gros achats d’ingratitude, sans pour autant en affecter matériellement le prix, qui reste à la portée de chacun.

bigamie n.

Faute de goût pour laquelle la sagesse future infligera un châtiment appelé trigamie.

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blanc adj. et n.

Noir.

blé n.

Céréale dont on arrive non sans peine à fabriquer un assez bon whisky, et qui sert également à faire le pain. On dit des Français qu’ils mangent plus de pain per capita qu’aucun autre peuple, ce qui paraît naturel, car eux seuls savent rendre la chose savoureuse.

bobard n.

Mensonge qui n’a pas encore fait ses dents. Ce qui se rapproche le plus de la vérité chez un menteur invé-téré : le périgée de son orbite excentrique.

bonheur n.

Sensation agréable qu’éveille la contemplation des misères d’autrui.

botanique n.

Science des végétaux – aussi bien ceux qui ne sont pas comestibles que ceux qui le sont. Traite largement des fleurs, qui sont en général mal dessinées, avec des couleurs de mauvais goût, et ne sentent rien.

bigot n.

Personne attachée avec obstination et zèle à une opi-nion que vous ne partagez pas.

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bouche n.

Chez l’homme, la porte de l’âme. Chez la femme, l’issue du coeur.

Brahmâ n.

Celui qui créa les Hindous, qui sont protégés par Vishnou et détruits par Shiva – une division du travail beaucoup mieux répartie que parmi les divinités de certaines autres nations. Les Abracadabrants par exemple, sont créés par le Péché, soutenus par le Vol et décimés par la Folie. Les prêtres de Brahma, comme ceux des Abracadabrants, sont de saints hommes éduqués qui ne sont jamais mauvais.

bouffon n.

Autrefois, fonctionnaire attaché à la maison du roi, dont le travail consistait à amuser la cour par des actes et des propos saugrenus, et dont le caractère absurde était attesté par son costume bariolé. Le roi lui-même étant vêtu avec dignité, il fallut quelques siècles au monde avant de découvrir que sa propre conduite et ses décrets étaient suffisamment ridicules pour amuser non seulement sa cour mais l’humanité tout entière. Le bouffon était communément qualifié de ‘’fou’’, mais les poètes et les romanciers se sont toujours plu à le représenter comme une personne singulièrement sage et spirituelle. Dans le cirque d’aujourd’hui, le fantôme mélancolique du fou de la cour parvient à ennuyer de plus humbles audi-toires en faisant les mêmes plaisanteries avec les-quelles, de son vivant, il attristait la grande salle de marbre, tourmentait le sens de l’humour des nobles et faisait couler le réservoir de larmes royales.

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brandy n.

Cordial composé d’un volume de tonnerre-et-éclair, d’un volume de remords, de deux volumes de meurtre sanglant, d’un volume de mort-enfer-et-tombeau et de quatre volumes de Satan clarifié.

Dose : toujours une pleine tête. D’après le Dr John-son, le brandy est la boisson des héros. Seul un héros s’aventurera à en boire.

bruit n.

Odeur nauséabonde à l’oreille. Musique non domesti-quée. Principal produit et signe authentique de la civilisation.

brute n.

Voir Mari.

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calamité n.

Rappel le plus souvent clair et implacable que les événements de ce monde ne sont pas de notre res-sort. Les calamités sont de deux sortes : le malheur qui nous arrive et le bonheur qui arrive à autrui.

cannibale n.

Gastronome de l’ancienne école qui conserve des goûts simples et s’en tient à l’alimentation naturelle de l’époque pré-porcine.

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canon n.

Instrument utilisé dans la rectification des frontières nationales.

carquois n.

Étui portatif dans lequel l’homme d’État d’autrefois et l’homme de loi aborigène transportaient leurs argu-ments les plus légers.

caporal n.

Homme qui occupe le barreau le plus bas de l’échelle militaire.

carnivore adj.

Qui s’adonne à la cruauté en dévorant le végétarien craintif, ses héritiers et ses ayants droit.

cartésien adj.

Relatif à Descartes, illustre philosophe, auteur de la célèbre proposition Cogito ergo sum - par laquelle il se plaisait à supposer qu’il avait démontré la réa-lité de l’existence humaine. Une proposition que l’on pourrait néanmoins améliorer de la manière suivante : Cogito cogito ergo cogito sum – ‘’Je pense que je pense, donc je pense que je suis’’, une approche plus juste de la certitude comme n’en a encore fait aucun philosophe.

caserne n.

Bâtiment dans lequel les soldats profitent d’une partie des choses dont ils ont la tâche de priver les autres.

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Cerbère n.

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célèbre adj.

Remarquablement malheureux.

Cerbère n.

Chien de garde des Enfers, qui avait pour charge de garder l’entrée – contre qui ou quoi, ce n’est pas très clair ; tout le monde, tôt ou tard, devait y aller, et personne ne voulait en forcer l’entrée. Cerbère avait, dit-on, trois têtes, et certains poètes lui en ont attribué jusqu’à cent. Le professeur Graybill, dont la vaste érudition et la connaissance approfondie du grec donnent un grand poids à l’ opinion, a procédé à une moyenne des estimations et est arrive au chiffre vingt -sept- un jugement qui serait tout à fait concluant si le professeur Graybill avait eu quelques lumières (a) en matière de chiens et (b) en arithmétique.

cerveau n.

Appareil avec lequel nous pensons que nous pen-sons. Ce qui distingue l’homme qui se contente d’être quelque chose de celui qui souhaite faire quelque chose. Un homme fortuné, ou qui a été propulsé à un poste important, a souvent un cerveau si plein que son entourage ne peut garder son chapeau sur la tête. Dans notre civilisation et sous notre forme républicaine de gouvernement, le cerveau est à ce point honoré qu’on le récompense en le dispensant de servir dans l’administration.

chair n.

Deuxième personne de la Trinité temporelle.

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chien n.

Sorte de divinité complémentaire ou subsidiaire destinée à recueillir l’excédent et le trop-plein de la vénération du monde. Cet Être divin, dans ses plus petites et plus soyeuses incarnations, occupe, dans l’affection de la femme, une place à laquelle aucun mâle humain ne saurait aspirer. Le chien est une survivance - un anachronisme.

charrue n.

Instrument qui réclame à grands cris desmains habi-tuées à la plume.

chat n.

Automate moelleux et indestructible fourni par la nature pour recevoir des coups de pied quand les choses vont mal dans le cercle familial.

chanvre n.

Plante avec les fibres de laquelle est fabriqué un article pour le tour de cou qui est souvent mis en place après une déclaration publique en plein air et évite à celui qui le porte de s’enrhumer.

chemin de fer n.

Le plus important des nombreux engins mécaniques qui nous permettent d’aller de là où nous sommes à là où nous ne serons pas mieux. Pour cette raison, le chemin de fer est tenu en très haute faveur par l’opti-miste, car il lui permet d’effectuer la transition avec la plus grande promptitude.

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chou n.

Légume du potager, à peu près aussi large et aussi sage qu’une tête d’homme.

chrétien n.

Personne qui croit que le Nouveau Testament est un livre d’inspiration divine admirablement adapté aux besoins spirituels de son voisin. Celui qui suit les enseignements du Christ tant qu’ils ne sont pas incom-patibles avec une vie de péché.

citation n.

Action de répéter de façon erronée les mots d’un autre. Mots cités de façon incorrecte.

ciel n.

Lieu où les méchants cessent de vous importuner en parlant de leurs affaires personnelles, et où les bons vous écoutent avec attention pendant que vous exposez les vôtres.

clarinette n.

Instrument de torture utilisé par une personne qui a du coton dans les oreilles. Il existe deux instruments pires qu’une clarinette – deux clarinettes.

cirque n.

Endroit où des chevaux, des poneys et des éléphants sont autorisés à voir des hommes, des femmes et des enfants se comporter comme des idiots.

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Clio n.

L’une des neuf Muses. Clio avait pour fonction de présider à l’Histoire – ce qu’elle accomplissait avec une grande dignité ; nombre de citoyens éminents d’Athènes occupaient des sièges à la tribune, tandis que les discours étaient prononcés par Messieurs Xénophon, Hérodote et autres présentateurs.

cochon n.

Animal (Poreus omnivorus) très proche de l’espèce humaine par la splendeur et la vivacité de son appé-tit, lequel est néanmoins plus limité, puisqu’il recule devant le cochon.

coeur n.

Pompe sanguine automatique et musculaire. Au sens figuré, cet organe fort utile est considéré comme le siège des émotions- une charmante illusion qui n’est cependant rien d’autre que la survivance d’une croyance jadis universelle. On sait désormais que les sentiments et les émotions résident dans l’estomac, et qu’ils se développent à partir des aliments transfor-més par l’action chimique des sucs gastriques. Le processus exact par lequel un bifteck devient un sentiment (tendre ou pas, en fonction de l’âge de la bête sur laquelle il a été prélevé); les stades succes-sifs d’élaboration par lesquels un canapé au caviar est transmué en une idée bizarre et réapparaît sous la forme d’une épigramme mordante ; les merveilleuses méthodes fonctionnelles de conversion d’un oeuf dur en contrition religieuse, ou un chou à la crème en soupir ému – toutes ces choses ont été patiemment établies par M. Pasteur, et par lui exposées avec une

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commissaire-priseur n.

Homme qui proclame avec un marteau qu’il a volé dans une poche avec sa langue.

complice n.

Individu qui s’associe à un autre dans un crime en pleine connaissance de cause, tel un avocat qui défend un criminel en le sachant coupable. Ce point de vue sur la position des avocats n’a pas encore reçu l’assen-timent de ces derniers, personne ne leur ayant offert d’honoraires pour qu’ils le donnent.

comestible n.

Bon à manger, et à même d’être digéré, comme un ver par un crapaud, un crapaud par un serpent, un serpent par un cochon, un cochon par un homme et un homme par un ver.

commerce n.

Sorte de transaction au cours de laquelle A déleste B des marchandises de C et que B compense en prenant dans la poche de D l’argent qui appartient à E.

convaincante lucidité. (Voir également ma monogra-phie, De L’Identité Essentielle des Affections Spirituelles et de Certains Gaz Intestinaux Libérés par la Digestion - 687 pages, in-quarto). Dans un ouvrage scientifique intitulé, je crois, Delectatio Demonorum (John Camden Hotton, Londres, 1873), cette vision des sentiments reçoit une brillante illustration ; et pour plus d’éclaircissements, consultez le fameux traité du professeur Dam, L’Amour en tant que Produit de la Macération Alimentaire.

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compromis n.

Ajustement d’intérêts conflictuels donnant à chaque adversaire la satisfaction de penser qu’il a obtenu ce qu’il n’aurait pas dû obtenir et qu’il n’est privé de rien sinon de ce qui lui était justement dû.

condoléances n.

Preuve que le deuil est un moindre mal que la sympa-thie.

conférencier n.

Individu qui met sa main dans votre poche, sa langue dans votre oreille et sa foi dans votre patience.

confident(e) n.

Celui ou celle à qui A confie les secrets de B, lequel a fait des confidences à C.

comportement n.

Conduite déterminée non pas par un principe mais par l’éducation.

compréhension n.

Sécrétion cérébrale qui permet à celui qui en a de reconnaître une maison d’un cheval grâce au toit de la maison. Sa nature et ses lois ont été exposées de façon approfondie par Locke, qui chevauchait une maison, et par Kant, qui vivait dans un cheval.

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congrès n.

Assemblée d’hommes qui se rencontrent pour abroger des lois.

connaissance n.

Personne que nous connaissons assez bien pour lui emprunter de l’argent, mais pas assez pour lui en prê-ter. Degré d’amitié qualifié de vague quand son objet est pauvre ou obscur et d’intime quand son objet est riche ou célèbre.

connaisseur n.

Spécialiste qui sait tout sur une chose et rien sur tout le reste.

Un vieux buveur de vin ayant été grièvement blessé lors d’une collision ferroviaire, on lui versa un peu de vin sur les lèvres pour le ranimer. ‘’Pauillac 1873’’, murmura-t-il avant de rendre son dernier soupir.

conseil n.

La plus petite des pièces de monnaie en usage.

corde n.

Instrument obsolète destiné à rappeler aux assassins qu’ils sont eux aussi mortels. On le leur met autour du cou et on le laisse en place pour le restant de leurs jours. Il a été largement remplacé par un appareil électrique plus complexe posé sur une autre partie du corps ; et qui laisse place rapidement à une machine appelée sermon.

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52

corporation n.

Système ingénieux qui permet de réaliser un profit personnel sans engager sa responsabilité personnelle.

corsaire n.

Politicien des mers.

couard adj.

Celui qui, dans une situation périlleuse, pense avec ses jambes.

couronnement n.

Cérémonie au cours de laquelle on investit un souve-rain des signes extérieurs et visibles de son droit divin à sauter sur une bombe.

couvent n.

Lieu où se retirent les femmes qui souhaitent méditer tout à loisir sur le vice de l’oisiveté.

critique n.

Personne qui se targue d’être difficile à satisfaire parce que personne ne cherche à le satisfaire.

Cui Bono ? (latin)

Qu’est-ce que ça me rapporterait de bon à moi?

Page 51: Le Dictionnaire du Diable

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cupidon n.

Le soi-disant dieu de l’amour. Cette création bâtarde d’une imagination barbare a été sans aucun doute infligée à la mythologie en raison des péchés de ses dieux. De toutes les conceptions hideuses et déplacées, celle-ci est l’une des plus offensantes et des plus infondées. L’idée de l’amour sexuel symbo-lisé par un bébé au sexe indéterminé, de comparer les affres de la passion aux blessures d’une flèche – d’introduire cet homoncule grassouillet dans l’art de manière grossière pour en matérialiser l’esprit subtil et ce qu’il suggère –, cette idée est éminemment représentative de l’époque qui, après lui avoir donné naissance, l’a déposée sur le seuil de la postérité.

curiosité n.

Qualité discutable de l’esprit féminin. Le désir de savoir si oui ou non une femme est affligée de curiosité est l’une des passions les plus dévorantes et les plus insa-tiables de l’âme masculine.

cynique n.

Canaille dont la vision défectueuse voit les choses telles qu’elles sont, et non telles qu’elles devraient être. D’où la coutume chère aux Scythes d’arracher les yeux d’un cynique pour améliorer sa vision.

Page 52: Le Dictionnaire du Diable

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danser v. tr.

Sautiller au son d’une musique ricanante, de préfé-rence en passant les bras autour de la femme ou de la fille de son voisin. Il existe maintes sortes de danses, mais toutes celles qui requièrent la partici-pation des deux sexes ont deux caractéristiques en commun : elles sont d’une remarquable innocence et fort appréciées des vicieux.

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débauché n.

Celui qui a poursuivi le plaisir avec tant d’ardeur qu’il a eu le malheur de le dépasser.

décalogue n.

Série de dix commandements – un nombre suffisant pour permettre une sélection intelligente de ceux que l’on veut observer, mais pas pour avoir l’embarras du choix.

décider v. tr.

Succomber à la prédominance d’un groupe d’influences sur un autre groupe.

dédain n.

Sentiment d’un homme prudent envers un ennemi trop redoutable pour qu’on s’oppose à lui impunément.

dégénéré adj.

Visiblement moins admirable que ses ancêtres. Les contemporains d’Homère offraient des exemples frappants de dégénérescence ; il leur fallait se mettre à dix pour soulever un rocher ou une foule, alors qu’un seul des héros de la guerre de Troie l’eût accompli sans difficulté. Homère ne se lasse jamais d’invectiver ‘’les hommes qui vivent dans cette époque dégénérée’’, ce qui explique peut-être pourquoi ils supportèrent de le voir mendier son pain – exemple saisissant d’un bien rendu pour un mal, car s’ils l’en avaient empê-ché, il serait sans doute mort de faim.

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délégation n.

En politique américaine, article de marchandise qui arrive en série.

délibération n.

Acte consistant à examiner son pain afin de déterminer quel côté est beurré.

délit n.

Infraction à la loi qui a moins de dignité qu’un crime et qui n’est pas suffisante pour être reçu dans la haute société criminelle.

déluge n.

Première expérience remarquable de baptême qui lava tous les péchés (et les pécheurs) du monde entier.

démissionner v. intr.

Renoncer à un honneur pour un avantage. Renoncer à un avantage pour un avantage plus grand.

dégradation n.

L’une des étapes du progrès moral et social lorsqu’on passe d’une situation privée à une promotion politique.

déjeuner n.

Breakfast d’un Américain qui est allé à Paris. Pronon-ciations diverses.

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désobéissance n.

Doublure d’argent du nuage de la servitude.

destinée n.

Autorité du tyran sur ses crimes et excuse de l’imbécile face à l’échec.

détresse n.

Maladie contractée par l’exposition à la prospérité d’un ami.

dette n.

Substitut ingénieux de la chaîne et du fouet du négrier.

deux fois adv.

Une fois de trop.

dentiste n.

Prestidigitateur qui, en vous mettant du métal dans la bouche, extrait des pièces de monnaie de votre poche.

désabuser v. tr.

Présenter à son voisin une erreur bien meilleure que celle qu’il a jugé avantageux d’embrasser.

désobéir v. tr. ind.

Célébrer par une cérémonie appropriée la maturité d’un ordre.

Page 56: Le Dictionnaire du Diable

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devoir n.

Ce qui nous pousse inexorablement dans la direction du profit, tout en suivant la ligne du désir.

diagnostic n.

Pronostic d’une maladie établi par un médecin en fonc-tion du pouls et du porte-monnaie du patient

diaphragme n.

Cloison musculaire séparant les désordres de la poi-trine de ceux des entrailles.

dictateur n.

Chef d’une nation qui préfère la peste du despotisme au choléra de l’anarchie.

dictateur n.

Chef d’une nation qui préfère la peste du despotisme au choléra de l’anarchie.

dictionnaire n.

Dispositif littéraire malveillant destiné à entraver l’évolution d’une langue et à la priver de souplesse. Le présent dictionnaire n’en est pas moins un ouvrage de la plus grande utilité.

diffamer v. tr.

Mentir au sujet d’autrui. Dire la vérité au sujet d’autrui.

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digestion n.

Transformation de victuailles en vertus. S’il est défec-tueux, le processus évolue au contraire en vices. Une circonstance dont le malicieux Dr. Jeremiah Blenn a déduit que les dames souffraient plus fréquemment de dyspepsie que les hommes.

dinde n.

Gros oiseau dont la chair, quand on la mange à l’occa-sion de certains anniversaires religieux, a la propriété singulière d’attester la piété et la gratitude. Soit dit en passant, c’est fort bon à manger.

diplomatie n.

L’art patriotique de mentir pour son pays.

discriminer v. tr.

Relever les particularités qui font qu’une personne ou une chose est, si possible, plus inacceptable qu’une autre

discussion n.

Méthode servant à confirmer les autres dans leurs erreurs.

dissimuler v. tr.

Enfiler une chemise propre sur le caractère.

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60

drapeau n.

Chiffon coloré brandi devant les troupes et hissé sur les forts et les navires.

duel n.

Cérémonie solennelle préliminaire à la réconciliation de deux ennemis. Une grande habileté est indispen-sable pour qu’elle se déroule de manière satisfaisante; en cas de maladresse, les conséquences les plus inattendues et les plus déplorables peuvent s’ensuivre. Il y a fort longtemps, un homme a perdu la vie au cours d’un duel.

distance n.

La seule chose que les riches veulent bien laisser les pauvres considérer comme leur, pourvu qu’ils la gardent.

divertissement n.

Tout genre de distraction dont les incursions repoussent la mort de découragement.

dramaturge n.

Celui qui adapte des pièces du français.

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duel n.

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économie n.

Achat du tonneau de whisky dont vous n’avez pas besoin pour le prix de la vache dont vous n’avez pas les moyens.

écouter aux portes v. intr.

Entendre secrètement le catalogue des crimes et des vices d’un autre ou de soi-même.

Page 61: Le Dictionnaire du Diable

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écrevisse n.

Petit crustacé qui ressemble beaucoup au homard, mais moins indigeste.

écrivailleur n.

Écrivain professionnel dont les vues sont opposées aux nôtres.

écritures n.

Livres sacrés de notre sainte religion, à ne pas confondre avec les écrits profanes et mensongers sur lesquels sont basées toutes les autres croyances.

éducation n.

Ce qui révèle aux sages et dissimule aux sots leur manque de compréhension.

effet n.

Le second de deux phénomènes qui se produisent tou-jours ensemble dans le même ordre. Le premier, qu’on appelle cause, est censé engendrer l’autre – ce qui n’est pas plus raisonnable que ne le serait quelqu’un qui, n’ayant jamais vu un chien autrement qu’à la poursuite d’un lapin, déclare que le lapin est la cause du chien.

égoïste adj.

Dépourvu de considération pour l’égoïsme d’autrui.

Page 62: Le Dictionnaire du Diable

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égotiste n.

Personne au goût médiocre, plus intéressée par elle-même que par moi.

électeur n.

Celui qui jouit du privilège sacré de voter pour l’homme qu’a choisi un autre homme.

électricité n.

Force qui déclenche tous les phénomènes naturels auxquels on est dans l’incapacité d’attribuer une autre cause. C’est la même chose que la foudre, dont la célèbre tentative de frapper le Dr Franklin repré-sente l’un des incidents les plus pittoresques ayant marqué la carrière de ce brave homme. La mémoire du Dr Franklin fait à juste titre l’objet d’une grande consi-dération, notamment en France, où son effigie en cire a été exposée récemment, accompagnée de ce compte rendu touchant sur sa vie et les services qu’il rendit à la science: ‘’Monsieur Franklin, inventeur de l’électricité. Cet illustre savant, après avoir effectué plusieurs voyages autour du monde, est mort aux îles Sandwich où il a été dévoré par les sauvages, de sorte qu’on n’a jamais retrouvé de lui aucun fragment.’’ L’élec-tricité semble destinée à jouer un rôle très important dans l’art et l’industrie. La question de son application économique à divers usages n’est pas encore réglée, mais l’expérience a déjà démontré qu’elle propulse mieux un tramway qu’un brûleur à gaz et qu’elle donne davantage de lumière qu’un cheval.

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65

encre n.

Infâme composé de tanate de fer, de gomme arabique et d’eau, principalement employée pour faciliter la propagation de la bêtise et promouvoir le crime intel-lectuel. Les propriétés de l’encre sont singulières et

élégie n.

Composition en vers dans laquelle, sans recourir à aucune des méthodes de l’humour, l’auteur vise à produire dans l’esprit du lecteur le plus affligeant découragement.

éloquence n.

Art de persuader les idiots par la parole que le blanc est bien la couleur qu’il paraît être. Englobe aussi le talent de faire passer n’importe quelle couleur pour du blanc.

émancipation n.

Transformation par laquelle un esclave passe de la tyrannie d’autrui à son propre despotisme.

émeute n.

Divertissement populaire offert à l’armée par des spectateurs innocents.

émotion n.

Maladie terrassante provoquée par une emprise du coeur sur la tête. Elle s’accompagne parfois d’un copieux déversement de chlorure de sodium hydraté par les yeux.

Page 64: Le Dictionnaire du Diable

épicurien n.

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contradictoires : elle peut faire des réputations et les défaire, les noircir et les blanchir, mais elle est plus généralement employée comme mortier pour joindre les pierres d’un monument de renommée, et ensuite comme badigeon pour dissimuler la qualité médiocre du matériau. Il existe des hommes, appelés journalistes, qui ont créé des bains d’encre, dans les-quels certaines personnes paient pour entrer, et d’autres pour en sortir. Il n’est pas rare qu’une per-sonne qui a payé pour y entrer paie deux fois plus pour en sortir.

enfance n.

Période de la vie humaine intermédiaire entre l’idiotie de la petite enfance et la folie de la jeunesse – à deux doigts du péché de l’âge mûr et à trois du remords de la vieillesse.

enveloppe n.

Cercueil d’un document ; fourreau d’une facture ; cosse d’un versement ; chemise de nuit d’une lettre d’amour.

envie n.

Émulation adaptée à la capacité la plus médiocre. Épau-lette n. Insigne servant à distinguer un officier militaire de son ennemi – c’est-à-dire de l’officier de grade infé-rieur auquel sa mort apporterait une promotion.

épicurien n.

Adversaire d’Épicure, sobre philosophe qui, estimant que le plaisir devait être le but essentiel de l’homme, ne perdit pas son temps à satisfaire ses sens.

Page 66: Le Dictionnaire du Diable

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épigramme n.

Petite pièce mordante en prose ou en vers, qui se caractérise souvent par son ton acide ou acerbe, et quelquefois par sa sagesse.

épitaphe n.

Inscription sur une tombe, démontrant que les vertus acquises grâce à la mort ont un effet rétroactif.

Ergoteur n.

Individu qui se mêle de critiquer notre oeuvre.

ermite n.

Personne dont les vices et les folies n’ont rien de sociable.

érudition n.

Poussière tombée d’un livre dans un crâne vide.

espoir n.

Désir et attente enroulés l’un dans l’autre.

esprit n.

Le sel avec lequel l’humoriste américain gâte sa cuisine intellectuelle en s’abstenant d’en mettre.

estime de soi n.

Évaluation erronée.

Page 67: Le Dictionnaire du Diable

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excès n.

En morale, un plaisir que renforce, par des sanctions appropriées, la loi de la modération.

évangéliste n.

Porteur de bonnes nouvelles, notamment (dans un sens religieux) de celles qui nous assurent de notre propre salut et de la damnation de nos voisins.

excentricité n.

Manière de se faire remarquer d’une telle facilité que les imbéciles y ont recours pour faire ressortir leur incapacité.

exception n.

Ce qui prend la liberté de se distinguer du reste de sa catégorie, comme un honnête homme, une femme fidèle, etc. ‘’L’exception confirme la règle’’ est une expression que l’on entend constamment dans la bouche des ignorants, qui se la répètent tels des per-roquets sans jamais remettre en cause son absurdité. En latin, ‘’Exceptio probat regulam’’ signifie que l’excep-tion met la règle à l’épreuve, non qu’elle la confirme. Le malfaiteur qui a détourné le sens de cet excellent dicton en lui faisant dire le contraire a exercé un pou-voir maléfique qui semble être immortel.

ethnologie n.

Science qui traite des diverses tribus d’Hommes, tels que bandits, voleurs, escrocs, cancres, fous, crétins et ethnologues.

Page 68: Le Dictionnaire du Diable

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excuser (s’) v. pron.

Poser les fondations d’une future offense.

expérience n.

Sagesse qui nous permet de reconnaître comme une fâcheuse vieille connaissance la folie que nous avons déjà commise.

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Page 70: Le Dictionnaire du Diable

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fantôme n.

Signe extérieur visible d’une crainte intérieure.

félicitations n.

Politesse de la jalousie.

félon n.

Personne plus entreprenante que discrète qui, en s’engageant pour une cause, en a conçu un regret-

Page 71: Le Dictionnaire du Diable

fantôme n.

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femelle n.

Du sexe opposé, ou déloyal.

fiancée n.

Femme qui a une belle perspective de bonheur derrière elle.

table attachement.

fidélité n.

Vertu particulière de ceux qui sont sur le point d’être trompés.

finance n.

L’art ou la science de gérer des revenus et des res-sources pour le plus grand profit du gérant.

foi n.

Croyance sans preuve en ce que raconte quelqu’un qui parle sans savoir de choses sans équivalent.

folie n.

Ce ‘’don et faculté divine’’, dont l’énergie créatrice et décisive inspire l’esprit de l’Homme, guide ses actions et enjolive son existence.

fourchette n.

Instrument utilisé essentiellement pour porter des animaux morts à la bouche. Auparavant, le couteau

Page 73: Le Dictionnaire du Diable

75

frontière n.

En géographie politique, ligne imaginaire entre deux nations qui sépare les droits imaginaires de l’une des droits imaginaires de l’autre.

funérailles n.

Cortège grâce auquel nous manifestons notre respect pour le mort en enrichissant l’entrepreneur de pompes funèbres et renforçons notre chagrin par une dépense qui accentue nos soupirs et redouble nos larmes.

était employé à cet usage, et nombre de personnes respectables continuent de lui reconnaître de multiples avantages sur l’autre ustensile, qu’elles ne rejettent cependant pas, mais dont elles se servent pour s’aider à charger le couteau. L’immunité dont bénéficient ces personnes face à une mort atroce et mmédiate est l’une des preuves les plus éclatantes de la pitié de Dieu pour ceux qui Le haïssent.

Page 74: Le Dictionnaire du Diable

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gargouille n.

Gouttière en saillie sur l’avant-toit des édifices médiévaux, généralement sculptée en une caricature grotesque d’un ennemi personnel de l’architecte ou du propriétaire.

généalogie n.

Étude de la filiation de quelqu’un à partir d’un ancêtre qui ne s’est pas particulièrement soucié d’établir la sienne.

Page 75: Le Dictionnaire du Diable

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généreux adj.

À l’origine, ce mot signifiait noble de naissance et s’appliquait à juste titre à d’innombrables personnes. Aujourd’hui, il signifie de nature noble et prend un peu de repos.

générosité n.

Libéralité de celui qui possède beaucoup en permet-tant à celui qui n’a rien de prendre tout ce qu’il peut.

géographe n.

Individu qui peut vous expliquer au pied levé la diffé-rence entre l’extérieur et l’intérieur du globe.

géologie n.

Science de la croûte terrestre – à laquelle s’ajoutera sans doute celle de son intérieur chaque fois qu’un bavard remontera d’un puits. Les formations géolo-giques du globe déjà répertoriées sont classées comme suit: le Primaire, ou celle du bas, qui se compose de rocs, d’os de mules embourbées, de tuyaux de gaz, d’outils de mineurs, de statues antiques dépour-vues de nez, de doublons espagnols et d’ancêtres. Le Secondaire est en grande partie fait de vers rouges et de taupes. Le Tertiaire comprend des voies ferrées, des chaussées brevetées, de l’herbe, des serpents, des bottes moisies, des bouteilles de bière, des boîtes de tomate en conserve, des citoyens intoxiqués, des détritus, des anarchistes, des chiens hargneux et des imbéciles.

Page 76: Le Dictionnaire du Diable

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gnou n.

Animal d’Afrique du Sud qui, à l’état domestique, ressemble à un cheval, à un buffle et à un cerf. À l’état sauvage, il évoque une sorte d’éclair, de tremblement de terre et de cyclone.

goutte n.

Nom donné par le médecin au rhumatisme d’un riche patient.

gouvernement monarchique n.

Gouvernement.

Grâces n.

Trois belles déesses: Aglaé, Thalie et Euphrosyne, qui étaient attachées à Vénus et la servaient sans percevoir de salaire. Elles ne faisaient aucune dépense pour le couvert et les vêtements, car elles ne man-geaient quasiment rien et s’habillaient selon le temps, portant la première brise qui venait à souffler.

gibet n.

Scène où se jouent des pièces miraculeuses, dans lesquelles l’acteur principal est transporté au ciel. Dans ce pays, le gibet est surtout remarquable par le nombre de personnes qui en réchappent

glouton n.

Personne qui échappe aux maux de la modération en s’adonnant à la dyspepsie.

Page 77: Le Dictionnaire du Diable

glouton n.

Page 78: Le Dictionnaire du Diable

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grammaire n.

Système de pièges soigneusement préparés pour faire trébucher l’autodidacte, le long du chemin sur lequel il avance vers la distinction.

gravitation n.

Tendance de tous les corps à s’approcher les uns des autres avec une force proportionnelle à la quantité de matière qu’ils contiennent – la quantité de matière qu’ils contiennent étant déterminée par la force de leur tendance à s’approcher les uns des autres. Une charmante et édifiante illustration de la façon dont la science, ayant fait de A la preuve de B, fait de B la preuve de A.

guillotine n.

Machine qui fait hausser les épaules à un Français pour une excellente raison.

guimbarde n.

Instrument non musical, dont on joue en le tenant fer-mement entre les dents et en tentant de le repousser avec le doigt.

Page 79: Le Dictionnaire du Diable
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82

Habeas Corpus (latin)

Assignation grâce à laquelle un homme peut être sorti de prison quand il est détenu pour un crime qui n’est pas le sien.

habileté n.

Ce qui tient lieu de cervelle à un imbécile.

Page 81: Le Dictionnaire du Diable

83

habitude n.

Entrave à la liberté.

hachis x.

Il n’existe pas de définition pour cc mot- personne ne sait ce qu’est le hachis.

haine n.

Sentiment approprié face à la supériorité d’autrui.

harangue n.

Discours d’un opposant, que l’on qualifie de harangue-outang.

hier n.

Enfance de la jeunesse, jeunesse de la maturité, passé enfui de la vieillesse.

histoire n.

Compte rendu généralement faux d’événements généralement sans importance, rapportés par des diri-geants qui sont en général des coquins et des soldats qui sont en général des abrutis.

historien n.

Commère de grande envergure.

Page 82: Le Dictionnaire du Diable

hyène n.

Page 83: Le Dictionnaire du Diable

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homéopathe n.

L’humoriste de la profession médicale.

homéopathie n.

École de médecine à mi-chemin entre l’allopathie et la science chrétienne. Pour cette dernière, les deux autres sont nettement inférieures car la science chré-tienne guérit des maladies imaginaires, ce dont elles sont incapables.

hospitalité n.

Vertu qui nous incite à nourrir et loger certaines personnes qui n’ont besoin ni de nourriture ni de logement.

hostilité n.

Sens particulièrement aiguisé et spécialement appliqué à la surpopulation de la terre. L’hostilité peut être active ou passive ; comme (respectivement) le senti-ment d’une femme pour ses propres amies et ce qu’elle éprouve pour toutes les autres personnes de son sexe.

hyène n.

Bête sauvage révérée par certaines nations orientales parce qu’elle a l’habitude de fréquenter de nuit les lieux où sont enterrés les morts. Mais les étudiants en médecine en font autant.

Page 84: Le Dictionnaire du Diable

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hypocondrie n.

Dépression de ses propres esprits.

hypocrite n.

Celui qui, professant des vertus qu’il ne respecte pas, s’assure l’avantage d’avoir l’air d’être ce qu’il méprise.

Page 85: Le Dictionnaire du Diable
Page 86: Le Dictionnaire du Diable

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ignare n.

Personne qui ne possède pas certaines connaissances qui vous sont familières et qui en possède certaines autres dont vous ne savez rien.

illusion n.

Mère d’une famille fort respectable comprenant l’Enthousiasme, l’Affection, l’Esprit de Sacrifice, la Foi, l’Espérance, la Charité et de nombreux autres fils et filles honorables.

Page 87: Le Dictionnaire du Diable

ignare n.

Page 88: Le Dictionnaire du Diable

90

illustre adj.

Bien placé pour recevoir les flèches de la méchanceté, de l’envie et du dénigrement.

imagination n.

Entrepôts de faits, dont un poète et un menteur sont copropriétaires.

immigrant n.

Individu borné qui pense qu’un pays est mieux qu’un autre.

imbécillité n.

Sorte d’inspiration divine, ou de feu sacré, affectant les détracteurs du présent dictionnaire.

immodeste adj.

Qui a un sens très développé de son propre mérite, doublé d’une piètre opinion de la valeur d’autrui.

impartial adj.

Incapable de percevoir un avantage personnel en prenant parti dans une controverse ou en adoptant l’une ou l’autre de deux opinions contradictoires.

immoral adj.

Inopportun.

Page 89: Le Dictionnaire du Diable

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impénitence n.

État d’esprit intermédiaire entre le moment du péché et celui de la punition.

impiété n.

Votre irrévérence envers mon dieu.

imposition n.

Action de bénir ou de consacrer par l’imposition des mains – une cérémonie commune à de nombreux systèmes ecclésiastiques, mais pratiquée avec la plus franche sincérité par la secte connue sous le nom de Voleurs.

imposteur n.

Rival qui aspire aux honneurs publics.

impunité n.

Richesse.

incompatibilité n.

Dans le domaine matrimonial, similarité de goûts, notamment celui de la domination. L’incompatibilité peut cependant prendre la forme d’une matrone aux yeux doux qui habite au coin de la rue. On a même connu des incompatibilités qui portaient la moustache.

Page 90: Le Dictionnaire du Diable

92

influence n.

En politique, un quo chimérique donné en échange d’un quid substantiel.

ingrat n.

Celui qui reçoit un avantage de quelqu’un d’autre, ou qui est un objet de charité.

injustice n.

Fardeau qui, de tous ceux que nous imposons à d’autres et portons nous-mêmes, est le plus léger dans les mains et le plus lourd sur le dos.

insurrection n.

Révolution qui échoue. Échec du mécontentement à remplacer un mauvais gouvernement par le désordre.

indifférent adj.

Imparfaitement sensible aux distinctions entre les choses.

indiscrétion n.

Culpabilité féminine.

interprète n.

Celui qui permet à deux personnes de langues diffé-rentes de se comprendre en répétant à chacune d’elles ce qu’il aurait été à l’avantage de l’interprète que l’autre eut dit.

Page 91: Le Dictionnaire du Diable

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intimité n.

Relation dans laquelle sont providentiellement entraî-nés des imbéciles pour se détruire mutuellement.

inventeur n.

Personne qui procède à une ingénieuse disposition de roues, de leviers et de ressorts et croit que c’est la civilisation.

irréligion n.

La plus importante des grandes croyances du monde.

Page 92: Le Dictionnaire du Diable

94

jaloux adj.

Indûment soucieux de conserver ce qui ne peut être perdu que si cela ne vaut pas la peine d’être gardé.

jarretière n.

Bande élastique destinée à empêcher qu’une femme sorte de ses bas et désole le pays.

Page 93: Le Dictionnaire du Diable

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je pron.

Premier mot du langage, première pensée de l’esprit, premier objet d’affection. En grammaire, c’est le pro-nom de la première personne du singulier. On prétend que nous en est le pluriel, mais qu’il puisse exister plus d’un moi-même paraît sans doute plus clair aux gram-mairiens qu’à l’auteur de cet incomparable dictionnaire. Concevoir deux moi-même est difficile, quoique merveilleux. L’usage franc et néanmoins gracieux du ‘’je’’ distingue un bon écrivain d’un mauvais ; ce dernier le porte à la manière d’un voleur qui tente de dissimuler son butin.

joug n.

Ustensile, Madame, dont le nom latin, jugum, a donné l’un des mots les plus éclairants de notre langue – un mot qui définit la situation matrimoniale avec une justesse et une précision poignantes. Mille excuses de ne pas en avoir voulu.

jour n.

Période de vingt-quatre heures, la plupart du temps mal employée. Elle se divise en deux parties, le jour proprement dit et la nuit, ou jour impropre – la pre-mière consacrée aux péchés des affaires, la seconde à ceux d’une autre sorte. Ces deux types d’activité sociale se chevauchent.

journal intime n.

Rapport quotidien de cette part de son existence que l’on peut se raconter à soi-même sans rougir.

Page 94: Le Dictionnaire du Diable

96justice n.

Page 95: Le Dictionnaire du Diable

97

justice n.

Denrée que, dans un état plus ou moins avarié, l’État vend au citoyen en récompense de son allégeance, de ses impôts et de ses services personnels.