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UNIVERSITÉ DE LAUSANNE FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES CRIMINELLES Le droit du commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse dans le cadre actuel du commerce mondial THÈSE de doctorat présentée à la Faculté de droit de l’Université de Lausanne par Bogdan Mihalache Licencié en droit Editions Schulthess Genève/Bâle/Zurich 2011

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UNIVERSITÉ DE LAUSANNE FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES CRIMINELLES

Le droit du commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

dans le cadre actuel du commerce mondial

THÈSE de doctorat

présentée à la Faculté de droit de l’Université de Lausanne

par

Bogdan Mihalache Licencié en droit

Editions Schulthess Genève/Bâle/Zurich 2011

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Remerciements Que le Professeur Andreas R. ZIEGLER trouve ici l’expression de ma profonde gratitude pour sa confiance en moi, montrée dès le début, et pour l’esprit ouvert avec lequel il a dirigé le présent ouvrage. Mes plus sincères remerciements s’adressent également au Professeur Mathias KRAFFT, ainsi qu’au Monsieur Daniel FELDER, pour l’examen critique et attentif qu’ils ont prêté à ce travail, ainsi que pour leurs observations constructives. Qu’il me soit également permis de remercier à des personnes spéciales pour moi, telles que le Dr. iur. Tudor POP ou le Maître Edmond TAVERNIER : leur présence dans ma vie est une chance et sans leur soutien cette thèse n’aurait pu jamais être écrite. Je dois un merci tout particulier également à Razvan, qui a consacré son temps, de manière régulière et avec la plus grande générosité, afin de m’aider à la mise en page de cet ouvrage, de même qu’aux anciens collègues de la Bibliothèque de la Faculté de droit de Fribourg – Catherine, Laurence et Jean Paul - qui m’ont aidé à peaufiner le texte. Vu que cette thèse achève un parcours académique de longue haleine, je tiens aussi à honorer mes premiers Professeurs, Monsieur Alexandru IORDAN, en privé, et Madame Julie CHAILLOU, à l’Ecole Centrale de Bucarest, pour m’avoir inculqué le plaisir de rédiger en français. En outre, mes remerciements les plus chaleureux s’adressent à mes amis de cœur qui ont été à mes cotés durant ces années de travail: je pense avant tout, ici en Suisse, à Cristian et Sabrina, à Eric et Manon, à toute la famille Léger, ainsi qu’à Octavian et Alice, Adi, Benoît ou Gerry. Une pensée va également à Bucarest, ma ville natale, d’où j’ai toujours reçu l’amour et les encouragements de ceux qui m’ont été toujours proches: je pense surtout à ma famille élargie - notamment à Carmela, Ionel, Elena, Razvan, Cristi, Dana, Ely, Violeta, Marian et Victoria – ainsi qu’à mes amis Andrei, Ana, Claudiu, Lucian, Sorin, Camy, Kiky et à tant d’autres personnes. Pour des considérations liées à l’espace de publication, je ne peux malheureusement pas citer tous auxquels j’adresse mes remerciements, mais chacun d’entre eux est dans mon cœur. Je ne saurai évidemment oublier mes parents, Laura et Ilie, et ma sœur Ana-Narcisa: ils sont le fondement de tout ce que j’ai pu réaliser dans ma vie. Enfin, je pense tendrement à ma très aimée Claudia, sans qui tout simplement cette thèse ne serait pas ce qu’elle est, ainsi qu’à mon seul trésor, Edmond Alexandru, auquel je souhaite de me rendre, un jour, ses observations sur cette thèse.

* * * * *

Cette thèse a été soutenue le 6 mai 2010. Dans la mesure du possible, il a été tenu compte de l’état de la législation, de la doctrine et de la jurisprudence au 28 février 2011.

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A mes parents A Claudia

A Edmond Alexandru

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VII

Sommaire

SOMMAIRE ...................................................................... VII

LISTE DES ABREVIATIONS........................................... XI

INTRODUCTION ................................................................. 1

Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises ................... 5

Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales : le commerce mondial des marchandises à la lumière des défis majeurs actuels .............................................................................. 5

Section A La globalisation : ange ou démon ............................................ 7

Section B Le changement climatique et le développement durable : éviter le pire ............................................................................ 12

Section C La prolifération des structures commerciales bilatérales ou régionales ................................................................................ 19

Section D L’émergence des nouveaux acteurs majeurs dans l’économie mondiale ............................................................... 33

Section E La reformulation du rôle de l’Etat........................................... 40

Section F Le danger terroriste ................................................................. 43

Section G Synthèse .................................................................................. 48

Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises .......................................................... 57

Section A Le commerce des marchandises au sein de la politique commerciale commune de l’UE ............................................. 57

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Sommaire

VIII

Section B La politique globale de l’UE dans le Cycle de Doha et les implications pour sa stratégie visant les échanges des marchandises ........................................................................... 63

Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse? ................................. 81

Section A L’universalisme et le multilatéralisme dans la participation à l’OMC, le pragmatisme dans les rapports avec Bruxelles ... 81

Section B La participation à l’AELE : la conclusion des accords de libre échange ........................................................................... 86

Section C L’Alleingang : la voie impossible ......................................... 101

Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse .............................................................. 105

Chapitre 1 Les produits industriels ............................................. 105

Section A L’Accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et la CEE ....................................................................................... 105

Section B La mise en œuvre du régime découlant de l’ALE 1972 dans le commerce bilatéral des marchandises ...................... 152

Section C Les instruments juridiques liés au commerce bilatéral des marchandises ......................................................................... 182

Section D Les cas particuliers liés au commerce bilatéral des marchandises ......................................................................... 193

Chapitre 2 Les produits agricoles ................................................ 203

Section A L’agriculture suisse dans le contexte européen et mondial .. 203

Section B L’Accord agricole de 1999 ................................................... 208

Section C La perspective d’un ALEA entre la Suisse et l’UE .............. 220

Chapitre 3 Les produits agricoles transformés .......................... 225

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Sommaire

IX

CONCLUSION GENERALE ........................................... 231

BIBLIOGRAPHIE ............................................................ 249

TABLES DES ARRETS CITES ....................................... 297

INDEX ALPHABETIQUE ............................................... 301

TABLE DES MATIERES ................................................. 307

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XI

Liste des abréviations AAS Accord entre la Confédération suisse, l’Union européenne

et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen (RS 0.362.31)

AB Appellate Body at WTO (Organe d’appel à l’OMC) ACFTA ASEAN-China Free Trade Area (Zone de libre-échange entre l’ASEAN et la Chine) ACP African, Caribbean and Pacific ADDES Association pour le développement de la documentation sur

l’économie sociale AED Agence européenne de défense AELE Association européenne de libre échange (EFTA) European Free Trade Association AFC Administration fédérale des contributions Aff. Affaire AF Arrêté fédéral AFD Administration fédérale des douanes AFDI Annuaire français de droit international AFRI Annuaire français de relations internationales AFTA ASEAN Free Trade Area AI Canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures ALE Accord de libre-échange (FTA) (Free Trade Agreement) ALEAC Accord de libre-échange d'Amérique Centrale (CAFTA) (The Central America Free Trade Agreement)

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Table des abréviations

XII

ALENA Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA) (North American Free Trade Agreement) ALEPE Accord de libre-échange et de partenariat économique entre

la Suisse et le Japon ALPDS Association des laboratoires de prothèse dentaire de Suisse ALP Station de recherche Agroscope Liebefeld – Posieux AMP Accord OMC sur les marchés publics AMS Agro Marketing Suisse ANASE Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) (Association of Southeast Asian Nations) ANZCERTA Australia-New Zealand Closer Economic Relationship

Trade Agreement (Accord commercial entre l’Australie et la Nouvelle

Zélande visant la création d’une zone économique intégrée)

AOC Appellation d’origine contrôlée APEC Asia Pacific Economic Cooperation

(Conférence économique des pays du bassin du Pacifique) art. article ASDI Annuaire suisse de droit international ASSP Annuaire suisse de science politique ATF arrêt du Tribunal fédéral ATPSM Agricultural Trade Policy Simulation Model ATV Accord sur les textiles et les vêtements, conclu au sein de

l’OMC BO + CN/CE Bulletin Officiel de l’Assemblée fédérale bpa Bureau suisse de prévention des accidents

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Table des abréviations

XIII

BTA Bilateral Trade Agreement (Accord commercial bilatéral) c-à-d. c’est-à-dire (i.e.) (id est) CAEM Conseil d'assistance économique mutuelle CAFTA-DR Dominican Republic - Central America-United States Free

Trade Agreement (Accord de libre-échange entre la République

Dominicaine, l’Amérique centrale et les Etats Unis) CAN Communauté Andéenne des Nations CARICOM The Caribbean Community (Communauté des Caraïbes) CARIFTA Caribbean Free Trade Association (Association du libre-échange des Caraïbes) CCCM Caribbean Community and Common Market (la Communauté des Caraïbes et leur Marché commun) CCDAA Conférence de coordination pour le développement de

l'Afrique Australe CCG Conseil de Coopération du Golfe (Arabie Saoudite,

Bahreïn, Emirats arabes unis, Katar, Koweït et Oman) CCI Chambre de commerce, d’industrie et des services CDC Conférence des Gouvernements cantonaux CDE Cahiers de droit européen CE Conseil des Etats CEA Communauté Economique Africaine (African Economic Community) CEDEAO Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest CEDECE Commission pour l’étude des Communautés européennes

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Table des abréviations

XIV

CEDH Convention européenne des droits de l'homme (RS 0.101) CEDRE Centre de Recherches Européennes, Université Rennes I CEE Communauté économique européenne CEREG Centre d’études et de recherche en économie et en gestion

(Université de Yaoundé II) CERIC Centre d’Etudes et de Recherches Internationales et

Communautaires (Université Aix-Marseille III) CER-N Commission de l'économie et des redevances du Conseil

national CES Comité économique et social CF Conseil fédéral cf. confer CGN Compagnie Générale de Navigation sur le lac Léman ch. chiffre chap. chapitre CEN Comité Européen de Normalisation CENELEC Comité Européen de Normalisation Electrotechnique CIJ Cour Internationale de Justice CJCE Cour de Justice des Communautés européennes (ECJ) (European Court of Justice) CMED Commission mondiale sur l’environnement et le

développement CMLR Common Market Law Review CN Conseil national Comco Commission suisse de la concurrence

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Table des abréviations

XV

COMESA Common Market for Eastern and Southern Africa (Marché commun pour l'Afrique australe et orientale) consid. considérant CPEIAA Conseil de Prospective Européenne et Internationale pour

l’Agriculture et l’Alimentation CP Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0) CRINEN Commission de recours en matière d'infrastructures et

d'environnement CSME CARICOM Single Market and Economy (Espace économique et Marché unique de CARICOM) CSNU Conseil de Sécurité des Nations Unies Cst. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril

1999 (RS 101) DGEFA Directorate-General of Economic and Financial Affairs DFAE Département fédéral des affaires étrangères DFE Département fédéral de l’économie DFF Département fédéral des finances DFI Département fédéral de l’Intérieur DFJP Département fédéral de justice et police DGD Direction générale des douanes DTAP Conférence suisse des directeurs des travaux publics, de

l’aménagement du territoire et de l’environnement ECOFIN Conseil pour les Affaires Économiques et Financières de

l’UE economiesuisse Fédération des entreprises suisses EEE Espace économique européen (EEA) (European Economic Area)

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Table des abréviations

XVI

éd. édition édit. éditeur(s) EFSA European Food Safety Authority (Autorité européenne de sécurité des aliments) Electrosuisse Association pour l’électrotechnique, les technologies de

l’énergie et de l’information ELJ European Law Journal ELR European Law Reporter ERA European Research Associates ESB Encéphalopathie spongiforme bovine FER Fédération des Entreprises Romandes FF Feuille fédérale FMI Fonds Monétaire International FIP Fondation pour l’Innovation Politique GAFI Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux GAFTA Greater Arab Free Trade Area (Zone élargie arabe du libre-échange) GATS General Agreement on Trade in Services (AGCS) (Accord général sur le commerce des services) GATT General Agreement on Tariffs and Trade (AGTDC) Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce GDP Gross Domestic Product (PIB) (Produit Intérieur Brut) GMS The Greater Mekong Sub-Region Program (Programme de la grande sous-région de Mékong) GRAPPE Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique

Ecologique

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Table des abréviations

XVII

GRDAP Groupe de recherches en droit des affaires et de la propriété (Université Lumière Lyon 2)

GSSI Groupe Suisse Solidarité internationale HICLR Hastings International & Comparative Law Review i.e. id est (c'est-à-dire) ibid. ibidem id. idem IGP Indication géographique protégée IRLE International Review of Law and Economics IRS Internal Revenue Service (Autorité fiscale des Etats Unis

d’Amérique) ISO International Organization for Standardization IUED Institut Universitaire d’Etudes du Développement JIEL Journal of International Economic Law JLE The Journal of Law and Economics JLOE The Journal of Law Economics and Organization JO (JOUE) Journal officiel de l’Union européenne J.O.C.E. Journal officiel des Communautés européennes LAgr Loi fédérale du 29 avril 1998 sur l’agriculture (RS 910.1) LBFA Loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole

(RS 221.213.2) LC Lomé Convention LCB Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens

utilisables à des fins civiles et militaires et des biens militaires spécifiques (RS 946.202)

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Table des abréviations

XVIII

LDFR Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (RS 211.412.11)

let. lettre LEmb Loi fédérale du 22 mars 2002 sur l’application de sanctions

internationales (RS 946.231) LETC Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques

au commerce (RS 946.51) LFA Loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales

dans l’agriculture (RS 836.1) LFE Loi du 1er juillet 1966 sur les épizooties (RS 916.40) LFMG Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre

(RS 514.51) LGBl Liechtensteinisches Landesgesetzblatt (Recueil Officiel de la Principauté de Liechtenstein) LMI Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (RS 943.02) MDP Mécanisme pour un développement propre (instrument du

Protocole de Kyoto) MEA Multilateral Environmental Agreement (Accord multilatéral environnemental) MEFTA Middle East Free Trade Area Initiative

(Initiative pour une zone de libre-échange dans le Moyen-Orient)

MERCOSUR Communauté économique des Pays de l'Amérique du Sud MOC Mise en œuvre conjointe (instrument du Protocole de Kyoto) Momagri Mouvement pour une organisation mondiale de

l’agriculture Motosuisse Association des importateurs suisses de motos et scooters n° numéro

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Table des abréviations

XIX

NILR Netherlands International Law Review NOAA National Oceanic and Atmospheric Administration (Administration océanique et atmosphérique américaine) NOMES Nouveau mouvement européen suisse NT National Treatment Clause (Clause du traitement national) NZLEA Nouvelle zone de libre-échange andéenne

NZZ Neue Zürcher Zeitung OSEC Centre de compétences pour la promotion de l’économie

extérieure suisse OCDE Organisation de coopération et de développement

économiques OCS Organisation de coopération de Shanghai OEA Opérateur économique agréé (Authorized Economic Operator) OECE Organisation Européenne de Coopération Economique OFAG Office fédéral de l’agriculture OFEV Office fédéral de l'environnement OFSP Office fédéral de la santé publique OIE Organisation mondiale de la santé animale OITE Ordonnance du 18 avril 2007 concernant l’importation, le

transit et l’exportation d’animaux et des produits animaux OJ Loi fédérale du 16 décembre 1943 d’organisation judiciaire OMC Organisation mondiale du commerce (WTO) (World Trade Organization) OMD Organisation mondiale des douanes OME Organisation mondiale de l’environnement

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Table des abréviations

XX

ONU Organisation des Nations Unies ORD Organe de règlement des différends de l’OMC (DSB) (Dispute Settlement Body at WTO) OSEC Business Network Switzerland OVF Office vétérinaire fédéral OW Canton d’Obwald p. page(s) par. paragraphe p.ex. par exemple (z. B) (zum Beispiel) PJA Pratique juridique actuelle PCS Parti chrétien social PEC Protection de l’environnement et des consommateurs PED Pays en développement PER Prestations écologiques requises PESD Politique européenne de sécurité et de défense PEV Parti évangélique suisse PMA Pays moins avancés PME petites et moyennes entreprises PMP normes relatives aux caractéristiques des produits ou aux

procédés et méthodes de production s’y rapportant PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement PRD Parti radical démocratique suisse PTA Preferential Trade Agreement (Accord commercial préférentiel)

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Table des abréviations

XXI

PVD Pays en voie de développement (LDC) (Least Developed Countries) Rec. Recueil RGDIP Revue générale de droit international public RIA Regional Integration Agreement (Accord d’intégration régionale) RMCUE Revue du Marché Commun et de l’Union européenne RS Recueil systématique du droit fédéral RSDA Revue suisse de droit des affaires RSDIE Revue suisse de droit international et de droit européen RSR Radio Suisse Romande RTA Regional Trade Agreement (Accord de commerce régional) SACU Southern African Customs Union Union douanière d’Afrique australe (Afrique du Sud,

Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland) SADC Southern African Development Community (Communauté de développement d’Afrique australe) SCGI Schweizerische Gesellschaft für Chemische Industrie (Société suisse pour l'industrie chimique) SECO Secrétariat d'Etat à l'économie, DFE SNV Association suisse de normalisation SOE State Owned Enterprises (Entreprises propriété de l’Etat) SPG Schéma de préférences tarifaires généralisées (GSP) (Generalized System of Preferences) SPS Sanitary and Phytosanitary Measures ss. suivantes

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Table des abréviations

XXII

Swissmem Industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux

SwissT.net Swiss Technology Network TF Tribunal administratif fédéral TAFTA Transatlantic Free Trade Area TF Tribunal fédéral suisse TG Canton de Thurgovie Traité CE Traité instituant la Communauté européenne trim. trimestre TRIPS Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual

Property Rights (ADPIC) (Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété

intellectuelle qui touchent au commerce) TTFSEE Trade and Transport Facility in South-East Europe

(Programme de facilitation du commerce et du transport dans l’Europe de Sud-est)

UDC Union démocratique du centre UE Union européenne UEMOA L'Union économique et monétaire ouest-africaine UE – MSFE Union Européenne, Mouvement suisse pour la fédération

de l’Europe UMS Union maraîchère suisse US United States USP Union suisse des paysans UPSV Union Professionnelle Suisse de la Viande UW Université de l'Etat de Washington

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Table des abréviations

XXIII

VSSM Association suisse des maîtres menuisiers et fabricants de meubles

WIPO World Intellectual Property Organization (OMPI) (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) ZLEA La Zone de libre-échange des Amériques (FTAA) (Free Trade Area of the Americas)

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1

Introduction

Comme il a été affirmé à juste titre, « en raison de la situation géographique de la Suisse, sa prospérité économique dépend très directement de ses bonnes relations avec l’UE et de l’absence d’événements politiques générateurs de conflits sur le continent européen »1

Cette contribution se propose d’analyser le droit du commerce des marchandises entre l’Union européenne (ci-dessous UE) et la Suisse, à une étape où les échanges commerciaux promus par Berne placent la Suisse entre les acteurs de premier rang à l’échelle internationale

.

2

Chronologiquement, et pour des raisons liées à la publication, l’examen ci-dessous a été effectué en prenant en considération les sources consultées jusqu’au début 2011, soit la première année suivant celle ayant vu l’entrée en vigueur des plusieurs instruments juridiques

et où les discussions quant à l’avenir des rapports bilatéraux avec Bruxelles connaissent plusieurs scénarios possibles. En outre, ayant à l’esprit la dimension économique de l’UE dans le monde et la position particulière de la Suisse dans le concert européen, pays ancré au cœur de l’Europe mais sans y être formellement intégré, l’objet d’analyse de cette contribution apparaît d’autant plus intéressant.

3, adoptés suite au Traité de Lisbonne (ci-dessous TL)4 et définissant les nouveaux cadres institutionnel et décisionnel de l’UE5, éléments importants dans la perspective de la présentation de la politique commerciale commune (ci-dessous PCC) mise en place par Bruxelles6

En essayant toutefois d’insérer cette discussion dans le cadre large de l’aperçu des échanges commerciaux du monde contemporain, l’examen va porter sur chaque domaine formant le droit du commerce des marchandises entre les deux parties, avec un regard particulier sur l’Accord de libre-échange de 1972 (ci-dessous ALE ou Accord de 1972) conclu entre la Suisse et, à l’époque, la Communauté Economique Européenne (ci-

.

1 BRUGGMANN, La coopération avec les pays de l’Est, p. 57. 2 « La Suisse est un pays important sur le plan des importations et des exportations avec une part d’environ 1,2 % du commerce mondial des marchandises. Ainsi, la Suisse pointe au 14e rang des pays classés selon le volume d’importation et au 15e rang selon le volume d’exportation (l’UE compte comme un seul pays) » (CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 481). 3 Versions consolidées du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Version consolidée du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (JOUE n° C 83 du 30 mars 2010). 4 Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JOUE n° C 306 du 17 décembre 2007) et entré en vigueur le 1er décembre 2009, soit le premier jour du mois ayant suivi l'achèvement du processus de ratification dans les vingt-sept États signataires, avec le dépôt des instruments de ratification à Rome. 5 Le Traité de Lisbonne modifie, sans pourtant les remplacer, les deux traités fondamentaux de l'UE, à savoir le traité sur l'Union européenne (ci-dessous TUE) et le traité instituant la Communauté européenne (ci-dessous TCE), ce dernier étant également renommé «traité sur le fonctionnement de l'Union européenne» (art. 2 ch. 1 TL). En outre, « ces deux traités ont la même valeur juridique. L'Union se substitue et succède à la Communauté européenne » (art. 1er ch. 2 let. b TL). On va donc abréger ce nouveau traité issu suite au Traité de Lisbonne sous la formule TfUE, pour le délimiter du TUE, qui a été modifié, mais a gardé pourtant son nom. 6 Cf. infra p. 57ss.

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Introduction

2

dessous CEE), instrument assez ancien et un peu en dehors du feu des projecteurs de l’actualité médiatique, mais qui a toujours du poids dans la balance actuelle des rapports économiques entre la Suisse et son partenaire européen. Selon une opinion exprimée par un des responsables de haut niveau d’economiesuisse, l’association faîtière des industries suisses, « un des accords les plus importants avec l’UE qui est souvent oublié dans les discussions, c’est l’Accord de libre-échange de 1972; sans cet accord, une grande partie des activités industrielles en Suisse serait gravement menacée »7

.

La première partie du présent ouvrage va esquisser le cadre des relations économiques internationales contemporaines.

Dans une première section, nous nous proposons de mesurer la dimension

contemporaine du commerce mondial des marchandises, à la lumière des relations internationales contemporaines. Cette analyse va prendre en compte le cadre actuel desdites relations, décrit à partir de la globalisation, en tant que phénomène socio-économique principal, accompagné des effets secondaires mais néanmoins d’importance maximale, tels que le changement climatique et son rapport avec le développement durable, la prolifération des structures commerciales régionales, l’émergence des nouveaux acteurs majeurs dans l’économie mondiale, la reformulation du rôle de l’Etat ou le danger terroriste.

La deuxième section offre au lecteur un aperçu global de la place de l’UE dans le

commerce mondial des marchandises, avec une définition de sa politique développée dans ce domaine, en prenant en compte les dernières évolutions en matière suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

La troisième section présentera en détail la place que la Suisse occupe dans les

échanges internationaux, l’analyse étant menée sous trois angles différents : premièrement, la participation suisse à l’Organisation mondiale du commerce (ci-dessous OMC), caractérisée par l’envie d’universalisme et de multilatéralisme, et présentée à la lumière du pragmatisme affiché dans les rapports avec Bruxelles, ensuite, la conclusion des accords de libre-échange au sein et en dehors de l’Association européenne de libre-échange (ci-dessous AELE) et enfin un point de vue sur une aventure solitaire de la Suisse sur la scène économique internationale.

La deuxième partie va traiter le principal objet d’étude de notre analyse, le

commerce des marchandises entre la Suisse et l’UE, en abordant les trois grands domaines qui le composent: les produits industriels, les produits agricoles et les produits agricoles transformés. Chaque section essayera d’esquisser, pour les différentes catégories de marchandises, les évolutions possibles que subiront les rapports bilatéraux entre Berne et Bruxelles, à la lumière de l’imbrication existante entre, d’un côté, l’ALE et, d’un autre côté, les Accords bilatéraux de 1999 ou ceux de 20048

7 ODIER, Dire oui le 26 novembre, p. 2.

.

8 Cf. infra p. 107; même si, dans le langage courant, ces deux notions, ainsi que celles de « Bilatérales I » et « Bilatérales II » (voir même Bilatérales bis), sont souvent utilisées (et nous n’en ferrons pas exception tout au long de cet ouvrage), il est néanmoins important de préciser, suivant

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Introduction

3

La première section contenant l’examen du commerce bilatéral des produits industriels représente l’essentiel de cette partie. Il y a quatre sous-sections permettant de visualiser la complexité de cette catégorie d’échanges : d’abord, le texte analyse l’accord bilatéral proprement dit conclu entre Bruxelles et Berne en 1972; ensuite, à travers l’actualité des rapports bilatéraux – avec des sujets tels que l’insertion dans le droit suisse du fameux principe communautaire « Cassis de Dijon » - l’analyse propose, à la lumière du cadre juridique OMC réglant les obstacles techniques au commerce, une présentation des modalités permettant la mise en œuvre du régime découlant de l’ALE dans le commerce bilatéral des marchandises, en utilisant à la fois les critères du champ d’application territoriale (avec les développements enregistrés dans l’espace communautaire et celui suisse) et matérielle (analysant le domaine des produits harmonisés et celui des produits non harmonisés); en outre, nous allons nous pencher sur les instruments juridiques liés au commerce bilatéral des marchandises, présentés à partir de l’Accord de 1990 entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises (englobé pourtant dans la présentation du nouveau instrument juridique conclu en 2009 sur sa base et intégrant aussi les mesures douanières de sécurité), jusqu’au règlement REACH de 2009; enfin, l’examen va se conclure par un survol des cas particuliers liés au commerce bilatéral des marchandises, à l’exemple du conflit sur les réexportations ou celui des importations parallèles (et l’interférence avec les droits de propriété intellectuelle).

Il est nécessaire de souligner que la sous-section traitant l’accord bilatéral de 1972 a été construite en suivant la logique de la présentation utilisée par le Conseil fédéral lors de la soumission au Parlement, avec, en sus de l’historique et de la portée ou des cas de jurisprudence – suisse et communautaire – liés audit accord, une partie décrivant minutieusement le texte proprement dit de l’accord : parmi les dispositions analysées, d’une importance accrue apparaissent celles définissant les mesures d’accompagnement (avec, d’un côté, leur comparaison effectuée à la lumière des dispositions OMC et, de l’autre côté, un regard attentif porté sur le régime de la concurrence inscrit dans l’Accord de 1972, ainsi que les problèmes en découlant, tels que le régime d’aides d’Etat) et celles fixant le cadre juridique pour régler les différends liés audit accord.

La deuxième section va aborder le sujet délicat des produits agricoles, objet

d’innombrables différends au niveau mondial et domaine en pleine mutation également entre les deux parties; la discussion portera aussi bien sur la perspective d’un futur accord bilatéral de libre-échange agricole que sur les derniers cas d’application du régime législatif actuel enregistré dans ce secteur stratégique.

Une troisième section se donne la tâche de survoler les évolutions enregistrées

dans le domaine des produits agricoles transformés, surtout à la lumière de la révision du Protocole n° 2 ALE lors des Accords bilatéraux de 2004, en évoquant des exemples de la

FELDER (Cadre institutionnel, p. 96), que dans le deuxième paquet des accords conclus entre Berne et Bruxelles il y avait également deux accords multilatéraux : d’une part, l’Accord sur la fraude qui, vu les compétences concurrentes de la CE et des Etats membres (art. 280 TCE, repris par le nouveau art. 325 TfUE), était un accord mixte et, d’autre part, l’Accord Schengen qui relevait à la fois de l’ancien 1er pilier (compétence de la CE) et de l’ancien 3ème piller (coopération policière et judiciaire en matière pénale dans la compétence de l’UE).

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Introduction

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pratique rencontrés dans ce secteur, tels que le conflit lié aux produits nécessaires à la fabrication des cervelas.

Dans la conclusion, nous allons formuler des considérations finales à la lumière

des arguments développés antérieurement. Le texte sera conclu par un survol des voies possibles quant à l’avenir des échanges bilatéraux, dans le cadre large des schémas de coopération développés entre les deux parties. Partant des réalités présentes telles que, d’une part, l’intégration de facto caractérisant l’économie suisse par rapport à l’espace communautaire et, d’autre part, la question des limites du bilatéralisme économique actuel, des réflexions seront développées sur la portée présente et future de l’ALE ainsi que sur l’ensemble des instruments bilatéraux réglant le commerce bilatéral des marchandises.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques

internationales : le commerce mondial des marchandises à la lumière des défis majeurs actuels

Longtemps après la Deuxième Guerre mondiale, la carte planétaire des relations

économiques internationales était plus ou moins hétérogène, se dévoilant comme une conséquence logique du nouveau partage des sphères d’influence convenu entre les deux super puissances, les Etats-Unis d’Amérique (ci-dessous les Etats-Unis) et l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes (ci-dessous URSS). D’une part, les Etats-Unis et ses partenaires européens réunis militairement sous la coupole de l’Organisation du Traité de l’Atlantique de Nord (OTAN); d’autre part, il y avait l’URSS et les participants au Pacte de Varsovie; un troisième mouvement, celui des pays non alignés, est apparu – sous l’initiative du Maréchal Tito en 1956 à Brioni - pour proposer une alternative à la confrontation des deux systèmes et englobant, parmi d’autres, des pays qui sont actuellement les nouvelles puissances émergeantes (le Brésil ou l’Inde). Axées essentiellement sur les échanges commerciaux tissés entre partenaires de la même structure politique, les politiques économiques nationales étaient fortement influencées par la lutte menée dans les deux camps pour gagner la Guerre froide. Sur le Vieux continent, alors que l’Ouest, bénéficiant du soutien financier offert par le Plan Marshall américain, commençait les Trente Glorieuses années de prospérité et de croissance économique, l’Europe centrale et orientale, enfermée derrière le Rideau de Fer, s’alignait sur la politique économique dictée depuis Moscou au sein du CAEM.

Bien qu’apparemment dans une position secondaire par rapport au facteur politique9

9 PIENING soutenait à juste titre que « it is axiomatic to say that trade and economic relations lie at the root of all foreign policy. Most relations between one state and another are ultimately decided by economic interests. A nation’s prosperity, more so today than ever before, depends on being able to sell the goods or commodities it produces. For this, access to as wide a market as possible, and to a market that offers a minimum of restrictions, is essential » (Global Europe, p. 14).

, l’économie a joué pourtant le rôle décisif dans la chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’Empire soviétique : la bataille ne s’est pas déroulée cette fois-ci dans des confrontations armées, quoique, malgré le camouflage entretenu au niveau des rapports politiques, les deux superpuissances mondiales soient retrouvées plusieurs fois opposées, directement ou indirectement, dans les conflits militaires, tels que le Vietnam, l’Afghanistan, la péninsule coréenne ou dans la longue liste des guerres déroulées sur le continent africain; la bataille s’est engagée plutôt dans la compétition entre deux systèmes économiques radicalement opposés. La faillite du système prônant le contrôle de l’économie par l’Etat a ouvert donc largement la porte au nouveau modèle d’économie mondiale, basé sur l’économie de marché et le libéralisme économique. Le nouvel ordre juridico-politique dessiné à la fin des années ’90 a fait ainsi le passage de la géopolitique classique, traitant les conflits entre Etats pour la conquête des nouveaux territoires, à la

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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géoéconomie construite sur l’envie de l’accaparement des nouveaux marchés économiquement rentables10

La fin de la Guerre froide a marqué également l’avènement d’un nouvel ordre mondial. L’OMC a été ainsi mise en place par l’Accord créant cette institution

.

11 (ci-dessous Accord OMC), instrument qui, dans l’annexe contenant les Accords multilatéraux sur le commerce des marchandises (annexe 1 A à l’Accord OMC), comprenait un Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-dessous Accord GATT12), englobant, en vertu de l’art. 1 let. a GATT 1994, le premier Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, conclu le 30 octobre 1947 (ci-dessous Accord GATT 194713

Contenant, entre autres, également des dispositions, d’une part, sur les services (avec un Accord général sur le commerce des services

).

14, ci-dessous Accord GATS) et, d’autre part, sur les droits de propriété intellectuelle (avec un Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce15

Une radiographie du système actuellement en vigueur au sein du cadre OMC ainsi qu’une analyse de l’interdépendance avec les alliances commerciales construites à l’échelle régionale vont nous aider à mieux comprendre les données encadrant la place et la portée du libre-échange affiché dans la politique économique suisse par rapport au bilatéralisme avec Bruxelles, objet principal de cet ouvrage.

, ci-dessous Accord ADPIC), l’OMC se présentait ainsi comme la construction à caractère rassembleur imaginée dans le but de régler les rapports commerciaux dans le monde postérieur à la disparition du l’Empire rouge, agissant dans un esprit qui vise l’encouragement des échanges commerciaux à l’échelle planétaire. Dans ce début de millénaire, le tableau des relations économiques contemporaines se présente pourtant loin d’être dépourvu de danger, au contraire, il se montre comme une image relevant plusieurs contrastes.

10 DULUCQ prêchait le nouveau monde en train de naître : « Avec la pacification des échanges internationaux, les menaces militaires et les alliances ont perdu leur importance; dès lors, les priorités économiques ne sont plus occultées et passent au premier plan. À l’avenir, c’est peut-être la crainte des conséquences économiques qui réglera les contentieux commerciaux, et sûrement plus les interventions politiques motivées par de puissantes raisons stratégiques. Et s’il faudra encore une menace extérieure pour assurer l’unité et la cohésion interne des nationaux et des pays, cette menace sera désormais économique ou, plus exactement, géoéconomique» (Le rêve américain en danger, p. 40). 11 Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, conclu à Marrakech le 15 avril 1994, approuvé par l’Assemblée fédérale le 16 décembre 1994, entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 1995 (RS 0.632.20). 12 RS 0.632.20., Annexe 1A.1. 13 RS 0.632.21. Tout au long de cet ouvrage, nous allons utiliser la formule «GATT 1947» chaque fois quand nous allons citer cet instrument juridique avant l’avènement de l’OMC; pour la présentation des instruments issus après cet événement historique, nous allons utiliser la formule «GATT 1994». En revanche, chaque fois quand nous allons citer des articles de l’Accord GATT 1947 repris dans l’Accord GATT 1994, nous allons utiliser tout simplement, comme c’est usuel en matière, la formule « GATT». 14 RS 0.632.20., Annexe 1B. 15 RS 0.632.20., Annexe 1C.

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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Section A La globalisation : ange ou démon ? Sans se donner pour but de compléter la longue liste des ouvrages traitant la

globalisation en tant que phénomène, il nous apparaît important de fixer au moins ses fondements théoriques – quelque fragiles soient-ils – afin que le discours sur la circulation mondiale des marchandises trouve sa juste place.

D’abord, malgré le fait que ces dernières années ce terme fait la une de la presse mondiale et l’objet d’innombrables analyses doctrinales16, les auteurs s’accordent à dire qu’il est impossible de lui trouver une définition exhaustive. Selon DELBRŰCK, la globalisation est un phénomène à plusieurs facettes qui échappe à toute définition, pouvant pourtant être caractérisé par trois traits fondamentaux17

Ainsi, bien que, pour la majorité des auteurs, ce phénomène apparaisse comme la nouveauté marquant la vie humaine à l’aube du nouveau millénaire, donc y compris les rapports économiques, il existe également un important courant qui n’y voit qu’une continuité par rapport aux expériences économiques que les différents Etats ont connues antérieurement dans leur histoire. Tout en déplorant l’absence de confiance dans les institutions censées guider l’avancement de la mondialisation, STIGLITZ compare l’impact de l’évolution des rapports économiques contemporains avec les transformations connues lors de l’industrialisation du siècle passé

.

18, alors que CESA se montre même plus catégorique, rejetant nettement l’idée d’une quelconque nouveauté apportée par la globalisation19

16 Parmi d’autres, voir KOFMAN Eleneor & YOUNGS Gillian, Globalization : Theory and Practice, 2nd ed., Continuum London, 1996; TAUSCH Arno & HERRMANN Peter, MITTELMAN James (ed), Globalization, Critical reflections, Lynne Rienner Publishers, London, 1996; Globalization and European Integration, Nova Science Publishers, Hauntington, New York, 2001; HELD David & Mc GREW Anthony, Globalization / Anti-Globalization, Polity Press, Cambridge, 2002; STIGLITZ Joseph, Globalization and Its Discontents, Penguin Books, London, 2002; HELD David & Mc GREW Anthony, The Global Transformations Reader, Polity Press, Cambridge, 2004; BOUCHET Michel-Henry & CERAM Sophia-Antiopolis, La globalisation, Introduction à l’économie du nouveau monde, Pearson Education France, Paris, 2005; OSTERHAMMEL Jürgen & PETERSSON Niels, Globalization – A short history, translated by GEYER Dona, Princetown University Press, Princetown & Oxford, 2005; ARTUS Patrick & VIRARD Marie-Paule, La globalisation, le pire est à venir, Inégalités croissantes, gaspillage des ressources, spéculation financière, course absurde aux profits et implosion de l’Europe, La Découverte, Paris, 2008.

.

17 « Globalization is an empirical concept in so far as it relates to objective factors of global dimension regardless of whether we as human beings recognize their global character or not. (…) Globalization is a strategic concept in the sense that it process resulting from a deliberate effort on the part of governmental and non-governmental actors to liberalize or deregulate the world markets. (…) Globalization is a subjective phenomenon. It signifies a new perception of past and present political, economic, ecological, social and especially legal processes » (DELBRŰCK, Structural Changes in the International System and its Legal Order, p. 14-16). 18 « Oggi viviamo un processo di globalizzazione analogo a quello di un secolo e mezzo fa, ma senza le istitzioni globali in grado di affrontarne le conseguenze. Possediamo un sistema di gouvernance globale, ma siamo privi di un governo globale. Ancora peggio, proprio nel momento in cui la necessità di istituzioni internazionali e più forte che mai, la fiducia in quelle che esistono, come il Fondo Monetario Internazionale e la Banca Mondiale, non è mai stata più bassa » (STIGLITZ, In un mondo imperfetto, p. 5.s). 19 « Chi vede nella globalizzazione un completo rovesciamento delle regole del gioco della economia e della politica internazionale soffre, con ogni probabilità, di "novitismo", cioè della smania di

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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Les avantages d’un commerce conduit à l’échelle planétaire nous apparaissent en contradiction avec les dangers d’une globalisation non maîtrisée; cette opposition surgit alors que les raisonnements des deux camps sont présentés comme irréconciliables, souvent dans une bataille beaucoup plus médiatique que d’argumentation. Encouragé par l’entrée en jeu, à partir des années ’80, des économies asiatiques traditionnellement réticentes et fermées sur elles-mêmes, ou par la résurrection, dès la chute du communisme dans les années ’90, des pays de l’Europe centrale et orientale, l’économie globale a connu un rythme de croissance soutenu et progressif, bien que touché régulièrement par des crises financières d’ampleur (celle de l’Asie de Sud-est, en 1997, ou bien celle ayant secoué, dès 2007, les bourses financières du monde entier) : ainsi, le commerce mondial a augmenté cinq fois par rapport aux années ’80, alors que le taux de contrôle du PIB mondial contenu dans les échanges commerciaux internationaux est monté de 36% à 55%20. Plusieurs facteurs ont été identifiés à la base de cette explosion, « notamment le progrès technique, qui a considérablement réduit le coût des transports et des communications, l’ouverture des politiques commerciales, et les changements dans l’organisation économique »21

D’une part, les partisans de la mondialisation se vantent de la croissance économique porteuse de prospérité pour davantage de populations; ils soulignent la chance d’apporter le développement pour des millions de gens défavorisés et ainsi de contribuer à l’émancipation de plusieurs peuples opprimés, et insistent que ce modèle économique est intimement lié à l’Etat de droit et aux droits de l’Homme. D’autre part, les adversaires de ce système lui imputent les atteintes à l’environnement, l’accroissement des inégalités constatées entre les partenaires économiques, la favorisation de l’intensification des flux migratoires, la dégradation des conditions de travail existantes dans plusieurs pays en développement – suite à la recherche désespérée de pouvoir maintenir la productivité requise sur les marchés mondiaux – entraînant ainsi des horaires de travail terrifiants et dépourvus de droits sociaux ainsi que des salaires honteux; en outre, la contestation du libéralisme économique joint à la globalisation des échanges économiques a connu des formes plus violentes dans ses manifestations qui ont accompagné les grandes réunions de l’OMC

.

22

scorgere a ogni costo grandi novità anche quando non ve se no. (…) Da un punto di vista concettuale e teorico, dunque, gli studi sulla globalizzazione ci offrono davvero vecchie novità. (…) la maggior parte dei fenomeni legati alla globalizzazione - l’esistenza dei quali non può ovviamente essere negata – ha si conseguenze per gli affari internazionali, ma conseguenze che sono, di solito, largamente esagerate o comunque ricondicibili a cause diverse dalla globalizzazione. (…) istituzioni internazionali, imprese multinazionali, mercati transnazionali, incidono in varia misura sugli affari internazionali; tuttavia essi, lungi dall’agire in un vuoto politico, sono constantemente chiamati a fare i conti con i governi nazionali » (CESA, Le vecchie novità della globalizzazione, p. 417-418).

.

20 Le FMI propose ces chiffres, en ajoutant: « it is noteworthy that all groups of emerging markets and developing countries, when aggregated by income group or by region, have been catching up with or surpassing high-income countries in their trade openness, reflecting the widespread convergence of low- and middle-income countries’ trade systems toward the traditionally more open trading regimes in place in advanced economies.» (FMI, Globalization and Inequality, p. 137). 21 OMC, Rapport sur le Commerce Mondial 2007, p. 264. 22 Observant ce clivage, FRITZ arrive à la conclusion que « la mondialisation participe alors aux grands thèmes du progrès et de la civilisation, et elle permettrait de dépasser les clivages archaïques qui entravent l’évolution de notre planète Terre. Le progrès technique, l’essor des

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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Bien que ces dernières années le mouvement antimondialiste ait connu une augmentation des prises de position partout dans le monde, il est également vrai que ses revendications font encore l’objet de controverses au sein de son propre camp23

Suivant FEUER, « la mondialisation a trouvé bien des défenseurs et bien des détracteurs, non point tant parce qu’elle affecte géographiquement l’ensemble de la planète que parce qu’elle entend imposer à l’échelon universel des conceptions et des techniques issues d’une interprétation souvent radicale du libéralisme économique »

.

24, ce qui « a pour conséquence directe un mouvement tendant à universaliser, à généraliser et à uniformiser les règles destinées à régir les activités économiques internationales »25

Avec le système économique développé à travers la mondialisation, on peut constater également un paradoxe indéniable : d’une part, à travers la faillite du centralisme économique étatique proposé par le système communiste, il ne fait aucun doute que l’économie de marché a apporté le bien-être et le confort matériels pour plusieurs millions des personnes; d’autre part, à partir des années ’90, on a constamment enregistré une augmentation de la pauvreté partout dans le monde, avec des conséquences désastreuses surtout dans les pays en voie de développement et, à titre général, dans l’hémisphère Sud. Par contre, la sécurité du commerce et des investissements s’est renforcée dès 1994. Le cadre institutionnel établi offre les leviers permettant de développer les échanges entre différents participants au commerce mondial. Il reste néanmoins vrai que beaucoup de domaines se trouvent encore en dehors du cadre législatif approuvé au sein de l’OMC

.

26

affaires, l’affirmation de l’individu, le démantèlement des barrières entre les hommes, sont alors autant de phénomènes qui peuvent être jugés positivement, mais avec des accents fort différents suivant les choix personnels. De la même façon, ceux qui jugent la mondialisation dangereuse forment un ensemble hétérogène; nationalistes, fondamentalistes, religieux, révolutionnaires socialistes et plus largement tout un courant humaniste la conteste pour des raisons souvent différentes : tantôt l’idée même de mondialisation avec les rapprochements qu’elle implique est frappée d’anathème, tantôt c’est le contenu de la mondialisation en cours, avec sa vision très particulière de l’homme et de la société, qui est rejeté » (Introduction, p. 12-13).

.

23 Analysant les formes et les perspectives du mouvement contestataire antimondialiste, FOUGIER constatait déjà en 2002, à propos de ses représentants, que « l’alternative proposée (…) a des contours encore relativement flous : pour la plupart d’entre eux, ils n’aspirent pas à une révolution politique et économique, c'est-à-dire à une prise de pouvoir d’Etat et à une transformation radicale du système économique, y compris par la violence; leur objectif serait plutôt d’ordre éthique, à savoir mettre l’humain au centre des préoccupations économiques, tenir davantage compte des intérêts sociaux et environnementaux au détriment des seuls intérêts économiques et financiers à court terme » (Le mouvement de la contestation, p. 855). 24 FEUER, Libéralisme, mondialisation et développement, p. 148. 25 Ibid. 26 Analysant l’impact de la mondialisation sur la sécurité des transactions commerciales, TOUSCOZ observe, d’abord, que les « accords plurilatéraux » relatifs aux aéronefs civils, aux marchés publics, au secteur laitier et à celui de la viande bovine n’ont pas fait l’objet d’une acceptation commune de la part des Etats; ensuite, que le cadre normatif institué à Marrakech est dépourvu tant d’une clause spécifique en matière culturelle que d’une référence à la « clause sociale », périclitant ainsi ladite sécurité par l’inexistence des normes concernant les conditions de travail ou la rétribution de la main-d’œuvre; enfin, que l’universalité du système est encore loin d’être achevée, tant que le colosse russe reste à l’écart du jeu et jusqu’à la réglementation des rapports avec d’autres organisations internationales dont l’activité pourrait se chevaucher avec la sienne : OIT pour les normes de travail, OMPI pour la propriété intellectuelle, FMI pour les investissements (Mondialisation, p. 629-631).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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Le multilatéralisme prôné à travers tout le système développé par l’OMC n’est pas autre chose qu’une facette de la global governance27, mais exprimée dans le cadre de la régularisation des échanges économiques planétaires : d’ailleurs, la définition de ce terme tellement utilisé actuellement peut en témoigner28. Bien qu’il y ait une différence palpable entre le périmètre OMC – destiné par définition aux gouvernements étatiques – et les différents sujets destinataires de ce nouveau concept, il s’agit en fait de la même philosophie d’action: c’est la recherche du modèle de gouvernance économique mondiale le mieux adapté aux exigences, souvent contradictoires, des acteurs agissant au cours des négociations commerciales. Il s’agit de la seule solution capable de contenter à la fois les velléités parfois protectionnistes des grandes puissances économiques et les désirs de transformation provenant de la part des pays en voie de développement. Autrement dit, il s’agit ici de la quête d’une solution unanimement acceptable et, partant, imposable erga omnes, afin que le domaine des échanges économiques interétatiques soit gouverné par des normes non équivoques et équitables; on peut y voir, gardant les proportions, presque le même type « d’effort de rassemblement conceptuel » recherché pour réglementer les rapports commerciaux entre privés.29

Pourtant, le cadre commercial international est plutôt sombre à l’heure actuelle. L'économie des pays OCDE, malgré des signes encourageants quant à l’avenir

30

27 Cette notion est l’extrapolation, dans le domaine économique et à l’échelle mondiale, du concept de bonne gouvernance qui, selon FAU-NOUGARET, est apparu au moment où des organisations internationales, telles que le FMI ou la Banque mondiale, « s’efforçaient de trouver un concept permettant de suggérer aux pays en développement et ceux en transition de démocratiser leurs régimes sans leur imposer d’opter pour leur type de démocratie »; à son tour, celui-ci trouve ses origines dans la notion de gouvernance qui, apparue premièrement en droit interne anglo-saxon et ensuite en droit international, visait les situations où le gouvernement n’était plus considéré comme la concrétisation institutionnelle du contrat social, censé agir pour le bien commun, mais uniquement comme un « acteur du jeu démocratique au même titre que le peuple, les organisations syndicales, patronales, groupes de pression, dont les intérêts pouvaient être contraires à ceux des autres acteurs » (La bonne gouvernance, p. 172).

, ne s’est pas encore complètement remise après la récession la plus profonde et élargie enregistrée pendant plus de cinquante années. L’institution en cause, dans un rapport de 2009, considérait que les conditions financières limitées enregistrées au niveau international et une perte généralisée de confiance avaient pesé sur l'activité déployée par ses membres,

28 La Commission de l'ONU sur la gouvernance globale définit le terme de gouvernance globale de la manière suivante : « Governance is the sum of many ways individuals and institutions, public and private, manage their common affairs. It is a continuing process through which conflicting or diverse interests may be accommodated and co-operative action may be taken. It includes formal institutions and regimes empowered to enforce compliance, as well as informal arrangements that people and institutions either have agreed to perceive to be in their interest » (Comission on Global Governance, Our Global neighbourhood, p. 2). 29 BONNEL, s’exprimant en faveur d’un Code Commercial Global, considérait que « what is envisaged at international level is not a comprehensive code intended to replace the existing national civil codes but rather an integrated body of rules relating to the most important commercial transactions, leaving the general contract law to be supplemented by other more flexible instruments such as the UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts » (Do We Need a Global Commercial Code?, p. 861). 30 « à mesure que les marchés des capitaux continuent de se normaliser et que les entreprises et les ménages poursuivent leur désendettement, la croissance estimée devrait progressivement se renforcer dans la zone de l’OCDE en 2011-2012 » (OCDE, Perspectives économiques 2010, p. 3).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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entraînant un effondrement de 13.2% de la croissance commerciale mondiale réelle31 avant de préconiser que, sur la base des politiques adoptées, un rétablissement projeté apporte la croissance près de son potentiel régulier vers la fin 2010. Le commerce mondial, au centre de la crise globale en 2009, a été en chute libre32. L'OMC, à son tour, avait prévu en 2009 que les volumes d'échange globaux se contracteraient par 9%, la plus mauvaise situation depuis la Deuxième Guerre mondiale. La Banque Mondiale estimait que, entre le Sommet du G2033 de novembre 2008 à Washington et celui d’avril 2009 à Londres, pas moins de dix-sept pays membres du G20 avaient développé quarante-sept politiques ayant des effets limitatifs sur le commerce34. Cela apparaissait d’autant plus inquiétant si on considère le rôle que les pays du G20 jouent actuellement dans les rapports économiques déroulés sous la coupole de l’OMC et leur impact sur les échanges mondiaux de marchandises. Le Conseil fédéral a très bien identifié ce rôle, en constatant, en fin d’année 2009, que « bien que peu de progrès ne soient dignes d’être mentionnés (…), une certaine pression du G20 s’est néanmoins manifestée sur les négociations de Doha »35, ayant à l’esprit « la montée en puissance du groupe G20 aux dépens du groupe G8 dans le rôle de leader économique international suite à la crise économique et financière »36

Malgré ses imperfections, qui représentent l’objet du débat actuel quant au futur de l’institution, l’OMC se présente pourtant comme un système unitaire, dans sa forme,

.

31 OCDE, Perspectives économiques 2009, tableau 1.1, p. 9. 32 « Après une croissance annuelle régulière d’environ 8% enregistrée pendant la demi-décennie passée, la croissance du commerce mondial avait commencé à s'affaiblir au début 2008 et s’est littéralement effondrée dans le dernier trimestre. Cette contraction du commerce mondial touche tout l'éventail de produits et toutes les régions, étant la plus mauvaise jamais enregistrée depuis que les données comparables existent (1965). (…) Une baisse dans le financement du commerce, suite à l'hésitation des banques pour accorder des prêts, est souvent mentionnée comme un facteur clé derrière l'effondrement du commerce mondial, mais même lorsque des conditions globales de crédit sont prises en considération par analogie, il reste difficile d'expliquer l'effondrement du commerce. Cette situation pourrait refléter le fait que le rétrécissement du financement octroyé à l’échelle commerciale a été plus profond que celui indiqué ou que cette situation a eu un impact plus fort sur le commerce mondial que dans des épisodes du passé » (OCDE, Perspectives économiques 2009, p. 20). 33 Le G20, qu’il faut distinguer du « G20 de l’OMC » (cf. infra p. 34 et p. 54), rassemble aussi bien les pays industriels importants que des pays en développement, et se compose des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales de dix-neuf pays : l'Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, le Mexique, la Russie, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Turquie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique. L'UE, qui est représentée, dès l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, par la présidence du Conseil européen et par la Banque Centrale Européenne, est le vingtième membre. Pour assurer une cohérence économique globale et des institutions travaillant ensemble, le directeur général du FMI et le président de la Banque mondiale plus les responsables du Comité monétaire et financier international et du Comité de développement du FMI et de la Banque mondiale participent également aux réunions du G20. A la réunion de Pittsburgh, qui s’est déroulée entre le 24-25 septembre 2009, les chefs d’Etat présents ont déterminé que le G20 remplacera de manière permanente, comme "conseil permanent pour la coopération économique internationale", l’ancien G-8 formé uniquement des Etats industriels occidentaux (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie). En 2010, les Sommets du G20 ont eu lieu à Toronto (juin) et Séoul (novembre). 34 Exemples dans le Financial Times, mercredi le 1er avril 2009, p. 5. 35 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 457. 36 CF, Id., FF 2010 I 431.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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dans sa fonctionnalité et dans son contenu. Cette recherche de l’unité se fait à travers l’opposition des différentes options de politique commerciale, entre les intérêts nationaux souvent conflictuels, entre les impératifs de stratégie économique37

Cette description de l’état actuel de la mondialisation économique – en tant que phénomène général et réalité indéniable de nos jours - ne peut pas oublier les données secondaires qui l’accompagnent.

. Cette unité n’est pas parfaite, surtout dans son contenu matériel, elle piétine souvent, notamment lors des tractations visant les domaines sujets aux négociations, mais elle est là, elle existe, elle peut être toujours améliorée.

Section B Le changement climatique et le développement durable :

éviter le pire Sans mesures de protection environnementale, le commerce peut causer des

dégâts environnementaux en favorisant la croissance économique par la consommation insoutenable des ressources naturelles. La globalisation telle qu’elle est conçue à présent est inexorablement liée au changement climatique : celui-ci, d’une part, est devenu trop évident pour qu’on puisse se permettre ignorer le problème de l’harmonisation nécessaire entre la croissance économique et la préservation de l’environnement et, d’autre part, déploie des effets qui sont plus qu’importants pour la survie, à long terme, de la race humaine38

Longtemps considérés comme deux domaines radicalement opposés, les échanges économiques et la protection de la nature sont actuellement définis conjointement

.

39

37 NOUVEL analyse cette unité tripartite du système OMC : du point de vue formel, le système se caractérise par l’existence d’une pluralité d’instruments – environ une vingtaine d’accords, de mémorandums et listes des concessions – qui sont tous annexés à l’Accord de Marrakech. Fonctionnellement, on peut constater, en première place, l’existence d’un objet et d’un but communs à tout le système – l’élimination des discriminations, la réduction des droits de douane et des obstacles dans les échanges commerciaux et l’établissement d’un système commercial multilatéral intégré -, deuxièmement, la présence d’une unité opératoire du système, vu que l’intention de se lier ne peut porter que sur l’intégralité du système et à l’égard de tous les Membres, sans oublier l’unité instaurée par la mise en place du règlement des différends. Finalement, l’unité matérielle du système se dégage à travers, d’une part, des rapports de cumul entre les règles, vu que chacune d’entre elles est présumée avoir un sens différent par rapport aux autres mais existe seulement par une lecture conjointe de tout le contenu du texte et, d’autre part, des rapports d’exclusion entre les règles, par la renonciation à la prolifération et la surexploitation des clauses échappatoires ayant miné la cohérence de l’ancien système (L’unité du système commercial multilatéral, p. 654ss).

, dans

38 YAZIJI, tout en prévenant qu’en l’absence de mesures immédiates pour freiner le changement climatique, les températures moyennes devraient monter, jusqu’à la fin du siècle, de 5 à 7° C par rapport aux niveaux de l’époque préindustrielle, avertit que « sans exagération aucune, la civilisation telle que nous la connaissons est menacée » (Climat : sortir vainqueur). 39 THOMAS & TEREPOSKY observent à ce sujet: « the interaction of trade and environment issues gives rise to a host of issues (…): measures to conserve natural resources; measures which address competitive effects of differences in environmental regulation between countries; measures which apply domestic standards to imported goods; and measures which enforce international environmental agreements » (The Evolving Relationship, p. 31-32).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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un cadre purement économique ou dans un contexte visant une stratégie plus large40, vu que la prise de conscience de l’enjeu environnemental s’est graduellement renforcée dans ces dernières années41. A titre d’exemple, une étude scientifique de dernière heure sur les effets du réchauffement climatique indique qu’environ 80% de la banquise pourrait disparaître en été à l'horizon 2040, au lieu de l’année 2100 comme précédemment estimé42

Bien que la prise de conscience de la nécessité de trouver l’équilibre entre commerce et environnement se soit universellement développée ces dernières années – aussi bien au niveau des organismes privés et de la société civile qu’à travers des coopérations, soit non formelles

. S’il est vrai que les nouvelles données pourraient favoriser l’essor de différentes activités industrielles, secteurs potentiellement gagnants si on considère les nouvelles routes qui vont être dégagées pour faciliter ainsi les échanges commerciaux, il est également important de se poser la question de l’avenir de la flore et de la faune concernées par lesdits changements, avec les défis constitués par le problème de l'adaptation de l'écosystème régional.

43

Pour certains auteurs

soit institutionnalisées, tissées entre plusieurs Etats ou acteurs régionaux - cela ne signifie nulle part que le problème ait été résolu. Au contraire, il y a un vrai problème lié au cadre juridique réglant le commerce mondial : fondé sur les aspirations et les préoccupations d’après-guerre, qui favorisaient à l’époque le développement économique à l’exclusion des soucis environnementaux, celui-ci est censé régler à présent les mécanismes d’un commerce mondial où les échanges économiques et la protection du milieu naturel doivent vivre ensemble.

44

40 YAZIJI, op. cit., indique que « aux Etats-Unis, le lien se renforce entre émissions de CO2, compétitivité économique et sécurité nationale ».

, l’analyse porte même encore plus loin et aboutit à la conclusion que l’harmonisation entre la croissance économique et la protection de l’environnement est entravée, sinon bloquée, par la répartition actuelle des pouvoirs au

41 GALEOTTI & KEMFERT ont indiqué les variables conditionnant l’interaction entre l’essor du commerce mondial et la protection de l’environnement global : « The economic theory of international trade liberalizations says that free trade maximises the efficiency of resources allocation. However, only if natural and environmental resources are efficiently priced, i.e. all externalities and social costs are internalized, will global output be brought into balance with environmental costs. If resources are unpriced or underpriced or externalities are not taken into account due to market or policy failure, resources will be misallocated. In this case, free trade would not maximize global social welfare. This means that positive welfare effects of trade liberalization could be overcompensated for by negative welfare effects such as wasteful resource depletion or environmental degradation » (Interactions between Climate and Trade Policies, p. 710). 42 La surface de l'océan Arctique couverte par la glace à la fin de l'été à cette échéance pourrait se limiter à « 1 million km2, instead of todays’ 4,6 millions km2 » (WANG & OVERLAND, A sea ice free summer Arctic within 30 years?, p. 4), cette situation pourrait constituer une aubaine pour la circulation maritime et l'extraction de minerais et de pétrole, mais pose le problème de l'adaptation de l'écosystème. 43 La Table Ronde conjointe UE-Etats-Unis sur le Commerce et l’Environnement, tenue au Steigenberger Hôtel de la La Haye en 1994, s’achevait, entre autres, sur la nécessité de coopter dans cette démarche les pays en développement, tout en soulignant, d’une part, l’importance de clarifier les leviers financiers de cette collaboration et, d’autre part, la conviction que « the dichotomy between unilateral and multilateral measures is not as wide as it seems to be » (BRINKHORST & VAN BUITENEN, Focus on Environment and Trade, p. 16). 44 ABDELMALKI & SADNI-JALLAB, Les " sept mots " du commerce mondial contemporain, p. 139-141.

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sein de l’OMC; trois ambiguïtés de l’OMC en tant qu’organisation multilatérale font obstacle pour arriver à une telle harmonie: en premier lieu, la mission originelle de l’OMC est de libéraliser les échanges et non de protéger l’environnement, ce dernier souci n’intervenant qu’assez tardivement et son traitement continuant de soulever « des problèmes parfois insurmontables »; deuxièmement, le cadre juridique international mis en place dans ce but devient de plus en plus complexe, tant au niveau du paquet législatif mis en place qu’à celui des organisations et institutions ayant adopté des mesures dans ce domaine, ce qui conduit à une dilution de sa mise en place effective au niveau de l’OMC même; enfin, il ne fait aucun doute que les principaux acteurs de l’OMC restent divisés, les Etats-Unis restant fidèles à leurs ambitions de libre-échange, les Européens prônant le multilatéralisme comme politique économique et les pays en développement se trouvant encore à la recherche de leur meilleure option économique.

La protection de l’environnement se retrouve actuellement parmi les priorités d’action à l’OMC, en y bénéficiant de plusieurs instruments pour sa mise en pratique : le Comité du Commerce et Environnement, les rapports entre les accords multilatéraux environnementaux (ci-dessous AME) et, d’un côté, l’intégration régionale45 et, d’autre côté, le cadre général OMC46, la jurisprudence rendue en la matière par les panels et les organes d’appel47

45 Dans le cadre des recherches menées pour mieux intégrer la composante environnementale dans le cadre d’un accord régional, en espèce par rapport au projet de la ZLEA, DEERE observe les avantages possibles d’une revalorisation de la dimension environnementale: « first, the regional environment agreement would work to enable more rigorous decision-making by improving environmental data gathering and analysis. (…) Second, the agreement would promote capacity building, coordination, policy exchange, and sharing the best of practices among national and intergovernmental environmental institutions and initiatives. (…) Environmental compliance and public participation in environmental management should be a third focus a regional environment agreement. (…) Fourth, the Agreement should address financing to avail government, civil society, and business with adequate resources to build the necessary environmental infrastructure at the local, provincial/state, and national levels across the hemisphere. (…) Finally, a key function of the agreement would be to facilitate the process of environmental reviews of trade agreements » (Greening Trade in the Americas, p. 148-149).

. Comme image d’ensemble, les négociations déroulées au sein de l’OMC et portant sur les interrelations entre commerce et environnement se concentrent sur trois thèmes fondamentaux: « la clarification de la relation entre les règles de l’OMC et les obligations commerciales spécifiques énoncées dans les AEM; l’amélioration des

46 Alors que RUTGEERTS avait considéré que « the conclusion of MEAs is the best guarantee for trade measures not to be protectionist, and MEAs are the only possible answer to global environmental problems » (Trade and Environment, p. 86), dans une analyse de ces rapports, SHIH propose d’abord deux scénarios – d’une part, celui où les parties signataires d’un AME sont également des membres OMC, le multilatéralisme apparaissant ainsi comme un "concept diffus", vu que les droits et les obligations contenus dans les deux types d’accords se chevauchent et, d’autre part, celui où une des parties est membre OMC, sans pourtant participer à un AME, et alors le multilatéralisme peut justifier pourquoi l’AME peut être une exception à l’OMC - et conclut que « as long as the fundamental right – the right to participate – is met, multilateralism is the ideal s olution for MEA – GATT/WTO conflict » (Multilateralism and the case of Taiwan, p. 117-118). 47 Dans une analyse comparative des décisions rendues par différentes instances judicaires à caractère international, y compris les panels et les organes d’appel de l’OMC, FRENCH concluait déjà en 2000 qu’il résulte que « it is increasingly apparent that these international tribunals are prepared to adopt a more purposive approach to the notion of ”environmental protection” as a means of justifying derogations from the free trade rules » (The Challenging Nature of Environmental Protection, p. 26).

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procédures d’échange de renseignements entre l’OMC et les secrétariats des AEM; la réduction, voire l’élimination, des obstacles au commerce visant les biens et services environnementaux »48

Plusieurs voix se sont exprimées dans la doctrine pour envisager les évolutions possibles au sein de l’OMC dans le rapport entre les règles sur le commerce et celles sur la protection de l’environnement. Sans pouvoir faire un inventaire exhaustif de celles-ci

.

49, on se limite ici à souligner qu’il n’y a pas de « plan miracle » pour réussir à concilier les deux groupes de dispositions et que, vraisemblablement, il faudrait à la fois un effort de redéfinition d’une stratégie mondiale du commerce et un nouvel encadrement des normes réglant le fonctionnement du mécanisme institutionnel de l’OMC, sur la base des dernières évolutions jurisprudentielles en la matière. Puisque les règles applicables au commerce et à la libéralisation des échanges nécessitent souvent des accords d'accès au marché qui peuvent être utilisés pour éluder les réglementations environnementales, à moins que des mesures appropriées protégeant l'environnement soient établies dans la structure du système commercial, les restrictions commerciales devraient être disponibles comme élément de force pour, d’une part, favoriser à l’échelle planétaire la protection de l'environnement et, d’autre part, pour aborder en particulier des problèmes écologiques globaux ou transfrontaliers et pour renforcer les accords environnementaux internationaux. Les pistes à explorer à l’avenir ne concernent pas seulement les modalités, mais également les domaines où l’interaction entre commerce et environnement va jouer un rôle important50

Le bien-être et le développement économique des catégories de populations défavorisées jusqu’à présent sont intimement liés à la globalisation dans sa perspective éthique. Autrement dit, la mondialisation des échanges commerciaux doit être accompagnée non seulement d’une amélioration de la force économique de ces populations, mais également d’un renforcement de leur statut juridique et de la protection

.

48 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 441. 49 Pour synthétiser les différentes opinions exprimées dans la doctrine quant aux pistes possibles à explorer afin de pouvoir concilier, au sein de l’OMC, le rapport « commerce - environnement », GREEN identifie trois catégories de commentateurs : « First, in terms of specific negotiations or actions around particular issues, most commentators on WTO rules and climate change point to the need for states to ensure they have transparent, well-documented regulatory process and to engage in international negotiations over the use of specific instruments to combat climate change. (…) Second, some commentators call for greater explicit balancing of trade and environment (and other issues) at the international level. (…) Third, other commentators believe that the dispute settlement mechanism at the WTO is the best able to deal with these issues on a case-by-case basis, particularly with recent shifts by the Appellate Body towards incorporating other international agreements and providing opportunities for a broader range of stakeholders and experts to present views » (Climate Change, p. 187-189). 50 Comme “passerelles” possibles pour les négociations sur le rapport entre le commerce et l’environnement, BOISSON DE CHAZOURNES & MBENGUE identifient l’éco-étiquetage, et notamment la question de savoir si le cadre OMC autorise l’utilisation par des programmes liés à l’éco-étiquetage de certaines normes fondées sur des PMP ne se rapportant pas à des produits, des biens et des services environnementaux, avec l’épineux problème de la notion de « biens environnementaux » et l’évolution du concept des « services environnementaux », le rapport entre la propriété intellectuelle et l’environnement, avec un regard particulier sur le droit des brevets, les règles en matière de transfert des technologies, la protection de la biodiversité et des connaissances traditionnelles et, enfin, l’agriculture, touchant surtout à la diversité biologique, au réchauffement climatique et l’appauvrissement de la couche d’ozone (La Déclaration de Doha, p. 889-890).

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qui en découle51. Dans la doctrine, l’analyse du rapport entre le commerce, la protection de l’environnement et le développement, ne s’est pas faite uniquement par rapport à chacun de ces domaines, les auteurs ayant cherché à analyser cette équation sous l’angle des variables, telles que les normes de travail52 ou la protection des consommateurs53

Dans le domaine des échanges commerciaux, il apparaît bien clair que la réforme de l’OMC doit passer par la mise au centre des préoccupations communes de la recherche d’une solution permettant l’essor économique de tous les pays participant au système multilatéral. Présentée souvent comme un frein pour un commerce juste et équitable au niveau mondial, cette libéralisation au profit de tous les acteurs impliqués dans les négociations internationales a néanmoins ses adeptes irréductibles, qui y voient la solution permettant des gains pour tous les participants au commerce mondial

.

54

Un ordre juridique limitant l’écart entre les pays avancés et ceux en voie de développement sera la clé d’une meilleure manière de développer les échanges commerciaux, en apportant stabilité et prospérité économiques, et rendant ainsi plus

.

51 FISCHBACH observe que « pour éviter que la mondialisation ne contribue à accentuer encore davantage le clivage entre régions riches et régions pauvres, il importe d’encadrer et de l’enrichir par une nouvelle dimension, (…) la dimension éthique. Cette nouvelle dimension doit s’étendre aux domaines clés des relations internationales que sont à la fois le commerce, la coopération et la prévention des conflits. La démocratie et le respect des droits de l’homme constituant la seule manière durable d’éviter la violence et la guerre, ils sont aussi un préalable indispensable à l’accès aux échanges commerciaux et à la prospérité » (Droits fondamentaux et mondialisation, p. 229). 52 Ainsi, HOWSE & TREBILCOCK ont imaginé une évolution de cette relation tripartite sous l’angle de l’augmentation de l’importance des normes de travail, en observant que « once carefully disaggregated and scrutinized, ”fair trade” claims related to environmental and labour standards are not necessarily groundless, nor self-serving of protectionist interests, nor as threatening to the liberal world trading order as free traders often make out » (The Fair Trade-Free Trade Debate, p. 78). 53 BERNAUER & SATTLER après avoir exposé les deux points de vue antagonistes opposés au sein de l’OMC – d’une part, les libéraux, affirmant que les réglementations de PEC sur les produits, telles que les normes d’emballage ou la composition des produits alimentaires, sont souvent imaginées de façon à produire un effet protectionniste et, d’autre part, les défenseurs de l’environnement et des consommateurs répliquant que lesdites réglementations sont « l’expression des différences légitimes qui découlent de l’exigence de mesures de protection imposée par les sociétés » (Les litiges de l’OMC, p. 942) – expliquent en guise de conclusion que « les conflits liés à la PEC aboutissent plus souvent à l’étape de la mise en conformité quand ils ont fait l’objet d’un recours devant le Groupe spécial/Organe d’appel dans la première phase de la procédure » (Id., p. 961). 54 OCDE, Le programme de Doha pour le développement : « Du point de vue économique, une réduction tarifaire non discriminatoire est un scénario doublement gagnant qui profite à la fois aux pays développés et aux pays en développement. L’amélioration de l’accès aux marchés élargit le choix des consommateurs, tant au niveau des produits que des prix. La répartition efficace des ressources se trouve aussi améliorée dans les pays en développement comme dans les pays développés (si les distorsions de prix sont moindres, l’utilisation des ressources nationales dans les différents secteurs évolue pour tenir compte de l’avantage comparatif). Pour les pays en développement, l’amélioration de la répartition des ressources et l’augmentation des recettes à l’exportation contribuent au revenu national et accroît le montant des ressources disponibles pour les investissements liés au développement. Le développement économique de ces pays élargit à son tour les débouchés potentiels pour les produits de l’OCDE. En outre, plusieurs autres avantages peuvent découler de l’expansion du commerce, comme le renforcement des échanges culturels, la prise en compte des préoccupations humanitaires ou l’amélioration des relations internationales » (p. 3).

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réalisable la coopération entre les différents partenaires économiques55. Au lieu d’accroître l’écart entre les différents niveaux de vie enregistrés sur la carte géoéconomique, le commerce mondial moderne devrait avancer sur la voie de l’élimination progressive des fléaux caractérisant les sociétés moins développées, tels que le sous-emploi, la précarité, l’analphabétisme, la malnutrition ou la vulnérabilité. Pour que les négociations commerciales du Cycle de Doha56 puissent aboutir au succès, il est impératif de créer les instruments permettant une vraie croissance économique des pays en développement57. Cela s’avère d’autant plus difficile à réaliser quand on voit, d’une part, les réticences exprimées par les grands blocs commerciaux quant aux domaines soi-disant « stratégiques », justifiées, selon ceux-ci, par le besoin de ne pas perdre leur poids économique dans différents secteurs du commerce mondial58 et, d’autre part, l’impuissance souvent affichée par les pays en développement, dépourvus de moyens pour une intégration réelle sur le marché international59

55 On peut voir les germes d’une telle évolution dans le Nouvel ordre économique international proposé, à l’aide d’une Déclaration adoptée en 1974 par l'Assemblée générale des Nations Unies (résolutions 3201 et 3202/S-VI et résolution 3362/S-VII), par les pays en développement réunis au sein du groupe des Soixante-dix-sept créé à l’ONU. Dans une contribution analysant la relation entre la mondialisation et le droit international du développement, FLORY M. synthétise cette approche économique en soutenant que la doctrine promouvant la nécessité de mettre ensemble des deux concepts « se précise à partir des insuffisances d’un programme de rattrapage et de l’incapacité à modifier un système de l’exploitation des pays en développement déclaré responsable par les économies dominantes. Ce sont donc des structures qu’il s’agit de modifier, à commencer par la première en importance, celle du commerce international. On dénonce la détérioration des termes de l’échange. On réclame la souveraineté permanente sur les richesses naturelles et donc le droit de nationaliser, la reconnaissance d’un patrimoine commun de l’humanité, le libre transfert de technologie, le droit au contrôle des investissements et la surveillance des multinationales » (Mondialisation, p. 617).

. Pourtant, bien que difficilement

56 SUBEDI note, à propos des raisons justifiant l’appellation de Doha Round, que « as the decisions within the WTO have to be taken by consensus, the developing countries that now make up the numerical majority within the WTO could block any decision that was not in their interest. As a result, the Doha meeting gave the WTO an opportunity to respond to critics claiming that it was not after all an organisation devoted to promoting the interests of capitalism. That is why the new round has been termed the “development round”, as if the WTO were turning its attention to promoting the interests of developing countries and fostering economic quality » (The Road from Doha, p. 433). 57 Sur ce point, ISMAIL affirme à juste titre que « the LDCs and other small, weak and vulnerable economies, will need ambitious results in all areas of the development dimension of the multilateral trading system – fair trade, capacity building, balanced rules, and good governance – to address the development challenges that result from multilateral liberalization, and to enable them to secure some of the gains that would arise from the new opportunities in the multilateral trading system. Fulfilling the need of the LDCs and other small, weak and vulnerable economies will be a necessary condition to achieve the success of the round and the legitimacy of the multilateral trading system » (How Can Least-Developed Countries and Other Small, Weak and Vulnerable Economies Also Gain, p. 66). 58 Par exemple, le règlement du Conseil n° 980/2005 du 27 juin 2005 (JOUE n° L 169 du 30 juin 2005, p. 1ss) a introduit un nouveau système « SGP Plus », dont BARTELS, citant l’affaire EC- Tariff Preferences (WT/DS246/AB/R du 20 avril 2004), considère que se trouve « in clear violation of the condition set out by the Appellate Body that all would-be beneficiaries in a similar situation be granted the same preferences » (The WTO Legality, p. 877). 59 Analysant les questions que certains se posent quant aux tendances protectionnistes enregistrées dans les pays développés ainsi que les modalités dans lesquelles celles-ci vont évoluer au sein des stratégies commerciales favorisant les arrangements commerciaux préférentiels, LOW observe à

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envisageable à court terme, cette possibilité pour ces pays de se doter d’institutions et de mécanismes adaptés aux exigences du commerce mondial actuel représente une des clés essentielles de leur future prospérité économique60 et, heureusement, certaines initiatives prises les dernières années laissent croire qu’il y a des chances pour mettre en place de vrais instruments visant à diminuer le fossé Nord-Sud61

Par conséquent, la stratégie économique promouvant le principe du développement durable apparaît comme la clef de voûte d’un nouveau système économique permettant de soutenir à la fois la croissance économique et le bien-être de l’humanité. Promu, du point de vue de la législation nationale, au statut « d’objectif étatique »

.

62 et bénéficiant d’une clarification conceptuelle toujours plus accrue au niveau international63, le contenu extrêmement large de ce principe ne peut être, suivant la jurisprudence de la CIJ, que bénéfique afin de concilier les impératifs économiques et ceux environnementaux du monde contemporain64

son tour que « many developing countries have expressed concern about their capacity to absorb the administrative and negotiating burden of the potential new agenda » (Developing Countries in the Multilateral Trading System, p. 810).

. Son noyau dur, reliant le

60 En cas de mise en pratique de la libéralisation du commerce, « the best approach would be for developing economies to adopt domestic institutions and create domestic alignment of incentives to minimize the amount of external enforcement needed » (BOWN & HOEKMAN, Developing Countries and Enforcement of Trade Agreements, p. 192). 61 A titre d’exemple, les deux instruments imaginés par le Protocole de Kyoto : « le MDP repose, comme la MOC, sur des projets financés par des acteurs publics ou privés, sur une base bilatérale ou multilatérale » et qui « doit aider le pays hôte à parvenir à un développement durable et à contribuer à l’objectif ultime de la Convention sur les changements climatiques » (MOLINER- DUBOST, Le mécanisme pour un développement propre, p. 964-965). 62 Défini ainsi par l’art. 2 al. 2 Cst., le développement durable se retrouve aussi bien parmi les concepts guidant la Confédération et les cantons au niveau de la politique interne relative à l’environnement et à l’aménagement du territoire - « l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain» (art. 73 Cst.) – qu’entre les missions de la Confédération en matière d’affaires étrangères: ainsi, selon l’art. 54 al. 2 Cst., elle doit préserver la prospérité de la Suisse et contribuer, notamment, à «soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté» ainsi qu’à promouvoir «la préservation des ressources naturelles ». 63 FEUER décrit l’évolution de ce concept, en insistant sur l’élargissement continu du son contenu matériel: d’abord, le développement économique qui, dans la pensée anglo-saxonne, « se confond d’une certaine manière avec la croissance, c'est-à-dire avec l’augmentation du PNB ou du PIB, global ou par tête »; ensuite, dès 1969, le terme de développement social, introduit par la Résolution 2542 de l’Assemblée générale de l’ONU et regroupant « en un seul ensemble la totalité des éléments composants : paix et sécurité internationales, dignité et valeur de la personne humaine, droits de l’homme et libertés fondamentales, justice sociale, pleine utilisation des ressources humaines, droit pour chacun au travail et au libre choix de son travail »; plus tard, le terme de développement humain, résultant notamment des travaux de réflexion entrepris par le PNUD à partir de 1990 et fondé sur trois éléments qualifiés comme essentiels pour la vie de l’homme : la longévité, le savoir, et le niveau de vie; enfin, le développement humain durable, synthétisant cette évolution des théories émises après la deuxième Guerre mondiale et ayant comme objectif « d’ajouter à la coopération universelle en matière économique une coopération mondialisée, dans le domaine cette fois-ci des biens immatériels et leur utilisation pour le progrès de tous » (Vers des changements de paradigmes, p. 283, p. 287, p. 289, p. 291). 64 « The components of the principle come from well-established areas of international law – human rights, State responsibility, environmental law, economic and industrial law, equity, territorial sovereignty, abuse of rights, good neighbourliness – to mention a few » (WEERAMANTRY, Opinion séparée, p. 207).

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développement économique à la protection environnementale au bénéfice de l’épanouissement des populations actuellement en détresse, voire des générations futures65, comporte plusieurs aspects essentiels66; il a fait déjà l’objet de mesures législatives adoptées à l’échelle internationale67, mais, pour qu’il connaisse une mise en œuvre meilleure et plus efficace, il nécessite des efforts pour mieux le définir conjointement à l’échelle internationale: « le besoin d’une hiérarchie et d’une contrainte – pour négocier, coopérer, définir les instruments de régulation et les appliquer – n’a jamais été aussi vif »68

.

Section C La prolifération des structures commerciales bilatérales ou

régionales

La montée en puissance du régionalisme représente indéniablement une des caractéristiques fondamentales de ce début de millénaire. Les changements intervenus à l’échelle planétaire sont nombreux, en dessinant des nouvelles géométries quant aux alliances commerciales qui se mettent en place: « La modification des rapports de force du maillage de l’économie internationale s’est poursuivie et même intensifiée. Le commerce transpacifique a encore gagné en importance par rapport aux échanges transatlantiques. La part du commerce Sud-Sud, à savoir les échanges entre les pays en développement et les pays émergents, a connu une nouvelle augmentation »69. Les partisans du système multilatéral des échanges dénoncent la recrudescence des développements commerciaux régionaux (voir bilatéraux)70

65 La composante anthropocentrique du concept de développement durable est située au cœur de l’analyse minutieusement effectuée par EPINEY & SCHEYLI, qui observent les effets positifs que peuvent produire, pour les générations à venir, les mesures prises actuellement pour protéger l’environnement: ils considèrent ledit concept comme la garantie de conditions de vie équivalentes pour les générations futures, tout en se prononçant pour une protection tant au niveau global que régional; ils pensent en outre que ce concept regroupe l’ensemble des circonstances et ressources ayant un impact sur le maintien des conditions de vie des générations futures; enfin, ils le voient orienté vers le long terme « sans limite dans le temps » (Le concept de développement durable, p. 256).

, alors que les adeptes de ceux-ci réclament une meilleure prise en compte de leurs besoins au niveau mondial.

66 Cette relation tripartite est décrite par MICHALOPOULOS qui observe qu’elle « has many facets, including the formal recognition that poverty is a major cause of environmental degradation, provision of assistance to developing countries to promote sustainable development, issues related to the impact of new environmentally motivated standards imposed by developed countries on the competitiveness of developing countries’ exports, and the broad relationship of different trade liberalization measures and the environment » (Developing Country, p. 18). 67 Déclaration sur l’intégration de l’adaptation du changement climatique dans la coopération liée au Développement, p. 1015. 68 MALJEAN-DUBOIS, Environnement, Développement durable et droit international, p. 622. 69 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 431. 70 GHERARI explique que « cette perception est nourrie en droit international du commerce par la discrimination qui le caractérise, replié qu’il est sur le Etats qu’il réunit autour du traitement préférentiel que ceux-ci s’accordent, alors que le multilatéralisme est logiquement ouvert à tous (ou presque) et repose sur la non-discrimination » (Le bilatéralisme conquérant, p. 266).

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Vu leur nombre en constante croissance71, leurs différentes formes et leur influence à plusieurs niveaux sur le commerce mondial, des examens variés - provenant soit de la part de la doctrine, soit de la part des institutions réglant les échanges internationaux72 – ont ciblé la nature des accords d’intégration économique régionale. Bien que relativement nouveau, ce phénomène ne représente, pour certains analystes, qu’une continuation dans une longue série de manifestations analogues73

Vu la multitude des types et formes des accords d’intégration régionale, il n’existe pas encore une « recette de succès » pour que lesdits accords puissent être considérés comme parfaitement viables, pleinement fonctionnels et assurant une vraie coopération interrégionale

.

74

71 NICOLAS identifie différentes motivations pour ce phénomène : les difficultés du cycle des négociations de l’OMC ayant incité nombre de pays, par pur pragmatisme, à privilégier l’approche régionale, qui permet plus aisément et plus rapidement de trouver un accord avec les principaux partenaires commerciaux; les accords "minilatéraux" entre PED, ayant souvent pour objectif de constituer un groupe structuré au sein duquel les échanges intra-régionaux puissent se développer; les accords bilatéraux entre économies en transition (notamment ceux nés du démantèlement de l’ex-Yougoslavie ou encore les républiques d’Asie centrale) visant à faciliter leur insertion dans l’économie mondiale; en outre, « dans le cadre des accords Nord-Sud, (…) les pays du Nord cherchent (…) à atteindre des objectifs autant politiques et stratégiques que strictement politiques (…); en revanche les pays du Sud cherchent (…), d’une part, à s’assurer un accès privilégié au marché de leur partenaire plus développé et, d’autre part, à conforter d’éventuels efforts de réforme économique; enfin, l’attitude positive de la part des pays comme le Japon et la Corée, traditionnellement défenseurs du multilatéralisme, (…) s’explique aisément par la volonté de ne pas laisser le champ libre à la Chine dans la région (effet de domino) » (Le régionalisme commercial, p. 799-800).

. En revanche, il ne fait aucun doute que pour qu’un tel accord soit réellement mis en place, il faut d’abord qu’il exprime la volonté d’engagement politique des pays signataires, ensuite qu’il représente le mieux les intérêts et les sensibilités

72 SCHIFF & WINTERS, dans leur activité menée pour le compte de la Banque Mondiale, dressent un inventaire du contenu et des chances offertes par les accords d’intégration régionale : « regional integration agreements (RIA’s) may be an optimal way of attaining political objectives, including security; (…) there is no presumption that regional trade liberalization is benign and increases welfare; neighbouring countries can greatly benefit from regional co-operation in areas of water resources, infrastructure and environment; RIA’s may improve member countries terms of trade, but this is unlikely to occur for RIA’s made up of small and poor developing countries » (Regionalism and Development, p. 480-481). 73 ECHINARD & GUILHOT affirment que, depuis la décennie quatre-vingt, une « quatrième vague du régionalisme » se développe dans le monde: la première étape s’est déroulée vers le début du 20ème, quand les accords commerciaux bilatéraux conclus par les grandes puissances – quarante-six pour la Grande-Bretagne, trente pour l’Allemagne et une vingtaine pour la France – ont fortement contribué à l’intégration économique européenne et ont participé à l’ouverture du système commercial international depuis le milieu du 19ème siècle; une deuxième vague a été représentée par la période de l’entre-deux-guerres, quand les préférences régionales de l’époque eurent pour conséquence de fragmenter le monde en blocs fermés, ancrés sur les empires coloniaux, de favoriser le détournement du commerce et de réduire les relations multilatérales; enfin, le troisième cycle a été enregistré après la deuxième guerre mondiale, beaucoup de ces accords étant malheureusement fondés sur des modèles de développement d’importation-substitution, difficilement compatibles avec une intégration régionale (Le « nouveau régionalisme », p. 777- 779). 74 Bien que, si on considère uniquement la composante économique de l’UE, SEMUHIRE propose le modèle européen d’intégration régionale qui par « son efficacité, son unité et son uniformité devraient néanmoins servir d’exemple aux autres ordres juridiques régionaux » (Les organisations internationales, p. 199).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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régionales des parties concernées, et enfin qu’il signifie la mise en place des institutions communes flexibles quant à leur fonctionnement mais également fermes au moment d’appliquer les traités en question.

Pour certains auteurs, il y a six formes d’intégration économique, classées dans un ordre ascendant selon leur degré d’intensité75, alors que pour d’autres, qui soulignent les avantages obtenus grâce à ces formes de coopération économique, des géométries variables sont identifiées par rapport à ce domaine en perpétuelle évolution76

Qu’elles soient dans leur forme classique, incorporant plusieurs acteurs, ou dans une intégration plus poussée, sous la forme du bilatéralisme

.

77

La carte planétaire des structures économiques régionales couvre actuellement tous les continents, fruit d’une évolution constante de chaque décennie. Il est utile de les visualiser, afin de mieux comprendre les enjeux de ces entités économiques.

, les géométries économiques asymétriques exprimant l’idée de régionalisme apportent plusieurs éléments nouveaux par rapport au cadre OMC : en premier lieu, en fournissant des éléments prometteurs pour la suite du développement régional, elles peuvent faire figure de forum de négociations et ensuite comme modèle d’application dans des problèmes qui, ultérieurement, peuvent être repris même au niveau multilatéral; en outre, elles sont souvent accompagnées des mesures permettant le partage conjoint des ressources naturelles et des avancées techniques, en offrant ainsi une plus grande responsabilité pour les acteurs directement impliqués; enfin, elles permettent de construire, graduellement et bénéficiant de « l’expérience du terrain », des relations de confiance entre les dirigeants politiques et économiques des différentes parties signataires.

Sur le continent américain, la partie nordique est regroupée autour de l’ALENA, traité établissant dès 1993 une zone de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique; bien que visant principalement la création d’un espace économique de libre- 75 « Preferential trade areas, where Member Countries agree to levy reduced, or preferential, tariffs on partner countries (such as Britain’s Commonwealth Preference System); FTAs, where trade barriers between partner countries are abolished, but each member country determines its own external (i.e. non-FTA) trade barriers (for example NAFTA); customs unions, where intra-union free trade prevails and a common external trade policy is adopted by Member Countries (for example MERCOSUR); common markets, which are customs unions with further provisions to facilitate the free movements of goods, services, and factors of production, and the harmonization of trading and technical standards (for example the European Community and the Economic European Area); economic unions, which provide for additional harmonisation in general economics (fiscal policy and monetary co-operation/union, etc.), political, social and legal policies (for example the EU); political unions, which are the ultimate form of economic integration (for example the United States) » (BILAL & OLLALREAGA, Regionalism, p. 159-160). 76 Suivant FIGUIÈRE & GUILHOT, il y aurait trois types d’intégration économique régionale : celle aux frontières, s’exprimant par une concentration des flux économiques accompagnée d’une régulation de ceux-ci et de leurs modalités entre les pays, exemplifiée par l’ACFTA; celle en profondeur, supposant une régionalisation des flux économiques, accompagnée d’une harmonisation des pratiques des différents acteurs présents à l’intérieur du chaque pays, à l’exemple de l’ALENA; enfin, celle régionale, impliquant à la fois une intégration en profondeur et un transfert de souveraineté de certaines prérogatives d’un Etat à une institution supranationale, comme c’est le cas au sein de l’UE (Caractériser les processus régionaux, p. 84). 77 Selon TRAKMAN, les avantages spécifiques du bilatéralisme se résument ainsi : remplir les lacunes du multilatéralisme, l’enrichir, en consolidant des économies régionales et en soutenant le développement, contribuer à faire avancer la politique extérieure, offrir une chance supplémentaire aux pays en développement d’avoir une voie et encourager également la réforme dans le domaine des droits de l’Homme (trad. anglais, The proliferation of Free Trade Agreements, p. 379ss).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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échange entre les trois partenaires, le traité comprend également des éléments d’une plus profonde intégration, tels que la libre circulation des capitaux ou l’harmonisation des standards environnementaux. Pour la doctrine, l’importance de ce traité apparaît ainsi comme primordiale78

L’Amérique centrale réunit au sein de l’ALEAC des pays avec une situation économique et sociale plus ou moins hétérogène - le Nicaragua, le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Costa Rica - cette situation ayant permis une évolution unitaire dans les rapports noués entre ce bloc commercial et les Etats-Unis, le maître incontestable dans les rapports commerciaux développés dans cette partie du monde

.

79

L’Amérique du Sud connaît deux constructions parallèles. D’une part, on constate qu’à la lumière des nouvelles évolutions géostratégiques, les puissances économiques importantes de la région – telles que l’Argentine et le Brésil - ont pris la décision de transformer leurs anciens traités bilatéraux pour pouvoir instituer une zone de libre-échange : ainsi, les deux pays cités, ensemble avec l’Uruguay et le Paraguay et, depuis 2006 le Venezuela, forment le MERCOSUR, organisation régionale qui possède les attributs lui permettant de mener une vraie stratégie économique, y compris un mécanisme de règlement des différends

.

80. D’autre part, sur les débris de l’ancien Pacte Andin, dissous dans les années ’80, un nouvel espace de libre-échange andin (la CAN) - comprenant la Colombie, le Pérou, l’Equateur, la Bolivie et bénéficiant des structures institutionnelles complètement renouvelées - avait été instauré. Les deux entités économiques régionales ont graduellement fusionné afin d’unifier le continent sud-américain dans une large zone de libre-échange81

En revanche, le projet américain visant l’instauration de la ZLEA est très mal accueilli sur le continent latino-américain, les associations, les syndicats et les partis politiques y voyant uniquement une subordination à la politique libérale de Washington: dans un continent ayant basculé à gauche dans sa grande majorité, à la fois le MERCOSUR et les pays de la NZLEA s’y opposent farouchement car, selon eux, il aurait des conséquences sociales très négatives; seuls exceptions: le Chili, dirigé depuis 17 janvier 2010 par l'entrepreneur multimillionnaire Sebastian Piñera et également

.

78 « The establishment of NAFTA is widely viewed as a turning point in international trade relations confirming the shift towards regional blocs », PREUSSE, Regional Integration in the Nineties, p. 148. 79 Dès la fin des années ’90, l’administration américaine essaie de créer une large zone de libre- échange des Amériques (ZLEA) englobant trente-quatre pays, soit toute l'Amérique, sauf Cuba. Dans cette stratégie, la conclusion d’un traité de libre-échange avec l’ALEAC - adopté le 27 juillet 2005, avec un vote très serré (217 pour, 215 contre), par le Congrès américain - était considérée comme une étape dans l’instauration de la ZLEA : les droits de douanes étaient supprimés sur plusieurs types de produits, particulièrement les produits manufacturés et agroalimentaires. 80 Entre ledit mécanisme et celui opérant au niveau de l’OMC, les différences sont pourtant de taille : « according to the WTO rules, the retaliatory measures can only be undertaken pursuant the DSB authorization. (…) Accordingly, the panel and AB reports must also be approved, within the DSB, by all other Member States not participating in the controversy. (…) One minor difference to be mentioned is that the WTO panelists are appointed on a case-by-case basis, since there are no standing panelists » (GAMA SÁ CABRAL & GIOVANNA LUCARELLI DE SALVIO, Considerations on the Mercosur Dispute Settlement Mechanism, p. 1026). 81 Le 19 octobre 2004, les deux parties ont signé un Accord fixant la création d’une zone de libre- échange entre le MERCOSUR et la Communauté Andine, après avoir grimpé un échelon vers leur pleine intégration économique par la signature de l’Accord sous-régional de complémentarité économique, le 6 décembre 2002.

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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premier pays sud-américain à avoir signé un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, la Colombie, où le nouveau président Juan-Manuel Santos - s’appuyant sur les acquis de la politique pro-américaine développée durant huit ans par son prédécesseur Alvarro Uribe - compte beaucoup sur la signature avec Washington d’un traité de libre-échange, en discussion depuis de longues années, et le Pérou, usant d’une manœuvre politique habile82, ont soutenu fermement la coopération économique avec les Etats-Unis, pour essayer de pénétrer sur le large marché nord-américain83

Les démarches réalisées pour instaurer une ZLEA n’ont pas abouti jusqu’à présent. Pour ses partisans, l’instauration d’une telle zone serait bénéfique même pour le continent européen, à la lumière de plusieurs arguments : d’abord, l’interdépendance économique entre l’UE et les Etats-Unis en termes d’investissement, de développement technologique, d’emploi et de revenus; ensuite, du point de vue politique ladite création serait l’étape logique afin d’accélérer la libéralisation des échanges arrêtée dans le cadre de l’Uruguay Round; enfin, elle pourrait servir en tant que remède aux fréquentes disputes commerciales entre les deux parties

.

84

Dans la région des Caraïbes, il y a eu également des pas accomplis vers la création d’une intégration régionale plus accentuée. L’actuelle structure, la CARICOM

. L’impossibilité du 3ème Sommet des Amériques, tenu à Mar del Plata le 4 et 5 novembre 2005, de présenter un ordre du jour complet pour maintenir la ZLEA encore vivante a pratiquement confirmé qu'il y a peu de chance, à l'avenir, de mettre sur pied un accord commercial complet entre partenaires commerciaux affichant des stratégies économiques aussi différentes. Pourtant, des faibles espoirs sont encore nourris après le 5ème Sommet des Amériques, tenu du 17 au 19 avril 2009, au Trinidad Tobago.

85

82 Les grandes mobilisations contre cet accord ont ruiné le Pérou pendant des mois, plus de 60.000 pétitions signées par des citoyens péruviens exigeant que l'accord soit soumis à un référendum populaire. Les candidats opposés à la conclusion d’un tel accord ayant gagné en juin 2006 la majorité dans le Congrès de Lima, les membres de l’ancien Congrès ont employé une manœuvre astucieuse, votant pour approuver ledit accord dans leurs dernières semaines restantes.

,

83 Ces accords s’inscrivent dans une longue liste d’instruments juridiques bilatéraux que les Etats- Unis – mise à part leur présence au sein du cadre multilatéral de l’OMC et leur participation dans plusieurs constructions régionales (ZLEA, ANASE, ALENA, MEFTA, APEC ou ALEAC) - ont tissé, progressivement et partout dans le monde, dans les domaines du libre-échange commercial (avec l’Australie, le Bahreïn, Israël, la Jordanie, la Corée du Sud, la Malaisie, le Maroc, le Panama, le Singapore, ou avec les pays de la SACU), des investissements bilatéraux (l’Uruguay et la Rwanda), ou des accords cadre pour le commerce et l’investissement (US Government, Trade Agreements). 84 ETIENNE, Le projet de la zone de libre-échange des Amériques, p. 340. 85 L’’organisation a ses origines dans la CCCM établie lors du Traité de Chaguaramas, entré en vigueur le 1er août 1973 et ayant comme quatre premiers signataires Antigua-et-Barbuda, la Jamaïque, la Guyane et Trinité-et-Tobago; à cette époque, la nouvelle construction était censée remplacer CARIFTA (1965-1972), qui avait été organisée en vue de fournir une coopération économique renforcée entre les pays de langue anglaise des Caraïbes, après la dissolution de la Fédération des Antilles, ayant duré du 3 janvier 1958 au 31 mai 1962. Le Traité révisé de Chaguaramas, établissant CARICOM et comprenant le CSME a été signé, le 5 juillet 2001, par les chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes lors de leur vingt-deuxième réunion au moment de la conférence à Nassau, aux Bahamas. Les membres actuels sont : Antigua-et-Barbuda (1974), le Bahamas (1983, mais à l’écart de l’union douanière), le Belize (1974), la Dominique (1974), le Grenade (1974), la Guyane (1973), Haïti (2002), la Jamaïque (1973), le Montserrat (territoire britannique, 1974), le Saint Christophe Nièves (1974), Sainte Lucia (1974), Saint Vincent et les Iles Grenadines (1974, le Suriname (1995), Trinité-et-Tobago (1973); les membres

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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travaille dans un climat d’insécurité accrue, aggravé par les difficultés causées par l’instabilité politique enregistrée constamment et, dans les derniers vingt ans, par la vague déferlante des destructions causées par les intempéries naturelles dues au changement climatique.

En ce qui concerne l’Asie, l’exemple d’intégration régionale le plus réussi est indéniablement l’ANASE. Fondée dans les années ’60 par cinq Etats de l'Asie du Sud-Est maritime – pour y développer la croissance et le développement, assurer la stabilité et, dans le contexte de la guerre froide, faire obstacle à l’avancée du communisme - cette organisation régionale, à caractère politique, économique et culturel ayant connu des élargissements successifs86, se propose à présent de renforcer la coopération et l'assistance mutuelle entre ses membres, d'offrir une espace propice pour régler les problèmes régionaux et œuvrer ensemble afin d’adopter un position commune dans les négociations internationales. Dans sa composante économique, la coopération régionale était soutenue dès le début, mais elle s’envole effectivement, à partir de 1991, sur l'initiative thaïlandaise de créer la zone de libre-échange entre les membres de l’organisation. Retardée par les différentes crises ayant secoué la région dans les années ’90, la signature de l'accord - diminuant radicalement les barrières douanières – ne fut possible qu'en 2002. La même année, la Chine avait lancé un projet majeur destiné à établir une zone de libre-échange entre elle et l'ANASE. Une autre initiative de coopération régionale réussie en Asie, bien que de moindre importance que celle de l’ANASE, a été le Programme GMS87

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont signé en 1983 un accord de libre-échange (ANZCERTA), qui s’est proposé d’approfondir les relations commerciales privilégiées mises en place lors du premier accord, signé entre les deux parties en 1966. Cet accord, sujet à trois révisions formelles – subies en 1988, 1992, 1995 – et faisant partie distincte, dès 1995, de la rencontre ministérielle bilatérale entre les ministres nationaux du commerce, représente un exemple parfait de la mise en place d’une zone de libre-échange

.

88

associés sont: Anguilla (1999), les Bermudes (2003), Les Iles Vierges Britanniques (1991), les Iles Cayman (2002) et les Iles Turks et Caicos (1991); enfin, les sept observateurs sont : l’Aruba, la Colombie, la République Dominicaine, le Mexique, les Antilles Néerlandaises, le Porto Rico (Etats-Unis) et le Venezuela.

.

86 Les membres fondateurs sont les Philippines, l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, et la Thaïlande (1967), rejoints plus tard par le Brunei (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997) et le Cambodge (1999). 87 En 1992, six pays le long du fleuve Mékong – le Cambodge, la Chine, le Laos, le Myanmar, la Thaïlande, et le Vietnam – ont décidé de lancer l’initiative GMS; celle-ci s’était proposée de valoriser des données stratégiques importantes, telles que la proximité géographique, les ressources communément exploitables et la volonté de paix, au bénéfice d’un programme de coopération économique sous-régionale ayant pour but l’obtention des avantages économiques mutuels; déjà dans sa deuxième décennie, ledit programme met en place pour les six membres les bases d’une coopération déroulée à plusieurs niveaux – parmi eux, le développement des infrastructures, des échanges, et des investissements -, parallèlement avec le lancement des mesures nationales de réforme et d'ouverture des marchés, offrant ainsi des avantages considérables et créant un espace économique dynamique et évolutif en Asie du Sud-est centrale. 88 « The Agreement is one of the most comprehensive bilateral free trade arrangements in existence, and the most comprehensive that either Australia or New Zealand belongs to » (FITZHENRY Joan & ROBERTSON David, Australia-New Zealand Closer Economic Relations Trade Agreement, p. 136).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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L’Afrique se trouve, également dans ce domaine, à la dernière place sur la liste des structures régionales développées avec succès dans le cadre de la mondialisation. Le continent noir ne peut pas encore se vanter d’avoir lancé des modèles réussis d’intégration économique régionale, car les défis auxquels il doit faire face sont énormes. D’abord, il est obligé de gérer sur toute sa superficie des graves problèmes politiques, économiques et sociaux, héritier malheureux des divisions remontant à son passé colonial, s’exprimant y compris aujourd’hui sous la forme d’inutiles et sanglants conflits armé. Ensuite, il se montre incapable de soutenir une vision globale pour la mise en valeur commune de l’énorme potentiel humain se trouvant sur place, étant dépourvu souvent du soutien que les anciennes puissances devraient lui octroyer afin qu’il puisse se développer tout seul. Enfin, il reste tributaire de son retard technologique qui ne cesse de s’accroître chaque jour. En dépit d’un nombre important de structures économiques (sous)régionales mises en place les dernières décennies – telles que l’UEMOA89, la SADC90, la CEDEAO91 ou la COMESA92 - on est très loin de parler de résultats encourageants obtenus de manière constante, ce qui revient à dire que pour l’Afrique « ce regroupement économique régional est plus théorique que réel »93

En ce qui concerne la Russie, après le vide du pouvoir suite à la chute de l’Union Soviétique, elle a retrouvé peu à peu les attributs de superpuissance, en multipliant les accords économiques avec les différents acteurs du commerce international, en jouant à fond la carte de l’exploitation de ses richesses naturelles et en négociant assidûment son

.

89 Créée à Dakar (Sénégal) le 10 janvier 1994, ayant son siège à Ouagadougou (Burkina Faso) et comptant comme membres le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo et, depuis le 2 mai 1997, la Guinée-Bissau, cette organisation sous-régionale a comme but la réalisation d’une intégration économique plus poussée des États membres. 90 Cette organisation qui vise à promouvoir le développement économique de l'Afrique australe a succédé le 17 août 1992 à la CCDAA, qui avait été fondée le 1er avril 1980, et comprend, à côté des neuf pays fondateurs - l’Angola, le Botswana, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie, le Zimbabwe – cinq membres ayant adhéré plus tard : la Namibie (1990), l’Afrique du Sud (1994), l’Ile Maurice (1995), la République démocratique du Congo (1997) et Madagascar (2005). 91 Créée le 28 mai 1975, cette organisation régionale compte aujourd'hui, avec l’arrivée en 1976 du Cap-Vert, quinze États membres: le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo; bien qu'à la base son rôle était purement économique, ladite organisation a œuvré activement au maintien de la paix, comme condition sine qua non pour la croissance économique. 92 En tant que pilier de la CEA, cette organisation institue une zone de commerce préférentiel comprenant vingt Etats membres, s'étendant de la Libye au Zimbabwe; formée en décembre 1994 pour remplacer une zone de commerce préférentiel existante depuis 1981, elle a vu neuf de ses Etats membres former une zone de libre-échange en 2000 - le Rwanda et le Burundi y adhérant en 2004 et les Comores et la Libye en 2006 – et est composée à présent par : l’Angola (1981), le Burundi (1981), les Iles Comores (1981), la République Démocratique du Congo (1981), Djibouti (1981), l’Egypte (1999), l’Erythrée (1994), l’Ethiopie (1981), le Kenya (1981), la Libye (2005) (lors du 10ème Sommet), Madagascar (1981), le Malawi (1981), l’Ile Maurice (1981), le Ruanda (1981), les Iles Seychelles (2001), le Soudan (1981), le Swaziland (1981), l’Uganda (1981), la Zambie (1981), le Zimbabwe (1981). 93 C’est l’opinion d’ABWA qui, pour conclure son analyse visant le régionalisme économique sur le continent noir, ajoute également : « En tous cas, il est facile de constater que, ni au Nord de l’Afrique, ni au Sud, à l’Est ou à l’Ouest de l’Afrique, aucun regroupement économique régional ne peut être cité comme modèle de réussite » (L’Afrique, p. 475).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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entrée à l’OMC94. Engagée dans les négociations pour l’adhésion à l’OMC et sur fond de crise économique globale, la Russie apparaît dernièrement parmi les plus ardents défenseurs d’une refonte du système commercial actuel, prônant des régulateurs globaux basés sur le droit qui puissent encadrer l’économie mondiale et, en dépit de son rejet formel à l’adresse de l’isolationnisme économique, n’excluant pas un retour aux pratiques protectionnistes95. Quant à sa sphère traditionnelle d’influence, elle a cherché à la défendre bec et ongles après 1991, l’exemple le plus éloquent étant sans doute la CEI. Regroupant onze des quinze ex-républiques soviétiques96

Il y a eu également d’autres constructions de coopération économique régionale, pourtant sans avoir eu une importance significative dans le commerce mondial : on peut citer ici la GAFTA

, cette organisation s’est proposée également de développer et d’approfondir les liens commerciaux entre Moscou et l’Asie centrale après la chute du système communiste. L'issue la plus significative pour le CIS a été la mise en place, dès 1993, d'une véritable union économique entre les Etats membres, avec le vœu déclaré d’instituer une zone de libre-échange pour 2005; ce projet, comme la plupart des objectifs établis pour cette période, n’a pas abouti à des résultats concrets, faute de bon fonctionnement des organes exécutifs de l’organisation.

97, l’Accord d’Agadir98, la GUAM99 ou l’OCS100

94 Parmi les nombreuses questions à régler, le fonctionnement des entreprises étatiques représente une question épineuse, SELIVANOVA arrivant à la conclusion que « the fundamental concern of many WTO members appears to be the lack of transparency in the way that monopolies function in Russia’s energy sector, and in the relationship between such enterprises and the Russian government » (World Trade Organization, p. 585).

.

95 L’ambassadeur BRATCHIKOV affirmait que « en situation de crise, il est extrêmement difficile d’éviter un certain renforcement des tendances protectionnistes. (…) Un certain protectionnisme pourrait être justifié à condition qu’il se prenne dans des conditions spécifiques » (Pour la Russie, p. 1). 96 Les trois pays baltes ayant rejoint entre temps l’UE, c’est l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et l’Ukraine qui composent cette communauté, la Georgie n’adhérant qu’en 1993 après une intervention de Moscou en faveur du gouvernement d’Edouard Chevardnadze, ancien ministre des affaires étrangères de Gorbatchev; quant au Turkménistan, il a fait connaître en 2005 sa décision de limiter sa participation en tant qu’observateur. 97 Créée le 1er janvier 2005, cette organisation représente un pacte fait par la Ligue arabe pour réaliser un bloc économique arabe complet qui peut rivaliser au niveau de l’économie mondiale contemporaine. Ayant comme membres actuels le Bahreïn, l’Egypte, l’Iraq, la Jordanie, le Kuwait, le Liban, la Libye, le Maroc, l’Oman, la Palestine, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, les Emirats Arabes Unis et le Yémen, l’organisation réalise à présent près de 96% du commerce interne du monde arabe. 98 L’Accord d’Agadir pour l’établissement d’une zone de libre-échange entre les nations arabes méditerranéennes a été signé à Rabat, le 25 février 2004, et visait à bâtir une zone de libre-échange entre la Jordanie, la Tunisie, l’Egypte et le Maroc, représentant également la première étape possible dans l'établissement de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange; tous les membres de l’accord ayant depuis rejoint la GAFTA, ledit accord a été effectivement remplacé. 99 Créée lors du sommet de Yalta, qui s’est déroulé du 6 au 7 juin 2001, la GUAM est une organisation régionale composée par quatre Etats de la CIS – la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, et la Moldavie -, qui s’est proposée de travailler afin d’assurer la stabilité et la prospérité dans une région ayant connu plusieurs années difficiles. Perçue parfois comme un contrepoids à l’influence de Moscou dans la région, l’organisation n’a pas réussi à avancer avec les projets mis en route, sans pourtant se dissoudre. 100 Créée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par les présidents de six pays eurasiatiques – la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, la Russie et le Tadjikistan – cette organisation avait

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

27

Quant au régionalisme économique en Europe, l’après-guerre a vu apparaître plusieurs entités avec différentes motivations : alors que l’Ouest enregistrait, d’une part, une structure ayant pour seul but le libre-échange et, d’autre part, une construction ayant parmi ses caractéristiques possibles l’intégration politique de ses membres, dans l’Est la coopération économique était éclipsée par l’appartenance politique au système dirigé depuis Moscou101

Aujourd’hui, le bon fonctionnement de la composante régionale au sein du cadre multilatéral de l’OMC représente un des points majeurs en discussion et un défi à relever pour l’avenir. L’interdépendance contemporaine entre le système multilatéral de l’OMC et les accords d’intégration régionale a été expliquée comme ayant à la base le concept de compromis réciproque

.

102

A partir de 1994, le cadre actuel définissant les modalités de coopération régionale au sein du commerce mondial des marchandises est représenté par l’art. XXIV Accord GATT

, dérivant à son tour de la théorie du pluralisme constitutionnel, (dans le sens de la théorie des éléments constitutifs), régissant la structure et l’activité de l’OMC: cette théorie est censée apporter un nouveau discours pour l’interaction entre le cadre global et celui régional du développement économique, en reconnaissant la diversité des systèmes régulateurs opérant dans le cadre du système commercial mondial et l’interaction enregistrée entre ces derniers.

103

pour but d’améliorer les relations entre membres, en contribuant à régler les problèmes de frontière sur l’ancienne frontière sino-soviétique et en œuvrant pour faciliter la coopération économique régionale; malheureusement, c’est la composante militaire qui a pris le dessus dans les efforts des Etats membres, l’intégration économique étant laissée comme objet de préoccupations pour d’autres enceintes regroupant les mêmes participants, telles que la CEI ou la nouvelle coopération bilatérale sino-russe.

. Cette disposition, agissant comme une exception à un principe fondamental de l’ordre juridique de l’OMC – la clause de la nation la plus favorisée -, sa réglementation, tant au niveau du libellé qu’à celui de sa mise en œuvre, aurait dû être réalisée de la manière la plus précise. Malheureusement, malgré un libellé du texte long et dense, il reste quelques « zones grises » auxquelles la doctrine n’a pas tardé à s’attaquer.

101 Cf. supra p. 5 et infra p. 92. 102 TINY explique que, dans le rapport entre l’OMC et le développement des structures régionales, ce compromis apparaît sous quatre formes : « The first of these is integration. It depicts accommodation as promoting a common normative and institutional umbrella for the different systems operating in the global system. In this sense, integration may lead to a convergence trend among the WTO and RTAs or between RTAs suh as EU and NAFTA (…). Coherence is the second form of accommodation. It depicts accommodation as a set of practices promoting coherence and consistency between norms of different systems so as to protect and enhance the predictability and stability of the global trade system. (…) The third form of accommodation is mediation. It starts by acknowledging the irreducible nature of conflicts. Mediation holds that the consequences for non-co-operative behaviour are too great and may put the global trading system and its objectives at risk. (…) Finally, there is negotiation. It depicts a situation in which trade officials talk with each other to see if some form of accommodation is possible » (Regionalism and the WTO, p. 143). 103 Si, dans le cas du commerce des services, la disposition correspondante est l’art. V GATS, en revanche, en qui concerne les droits de propriété intellectuelle, il n’y a pas de disposition légale dans ce sens; selon EINHORN, « the reason apparently was that TRIPs, like the Berne and Paris Conventions, contains a very broad NT obligation which leaves little room for customs unions and free trade areas to provide for preferential treatment to regional trade partners » (The impact of the WTO Agreement on TRIPS, p. 1074).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

28

Les critiques, communément et constamment faites par la doctrine, reprochaient le fait que des éléments clés - tels que l’actualisation des accords, plans et programmes pour l'établissement d’une zone de libre-échange ou d’une union douanière, « dans un délai raisonnable » afin que le Conseil du commerce des marchandises de l’OMC puisse décider leur compatibilité avec le droit en vigueur (art. XXIV par. 5 c Accord GATT), ou bien la formulation selon laquelle les barrières commerciales devraient « être éliminées pour l'essentiel » des échanges commerciaux développés entre les territoires constitutifs (art. XXIV par. 8 b Accord GATT) – étaient imprécises104

Vu que le moment de la création de l’OMC coïncidait avec la recrudescence des structures commerciales régionales partout dans le monde, amenant un danger potentiel pour l’aspect multilatéral du commerce mondial, un document très important

et pouvaient être manipulées en faveur des accords commerciaux détournant les règles unanimement acceptées.

105 - se proposant de régler de manière plus ciblée cette interconnexion - a été également adopté lors de la Conférence de Marrakech. Malgré le fait que le texte s’efforçait d’apporter des clarifications106, la doctrine ne s’est pas montrée enthousiaste; en déplorant également l’absence de règles concrètes pour s’appliquer dans plusieurs domaines, des nouvelles pistes étaient proposées, telles que, entre autres, couvrir d’avantage de secteurs dans les échanges économiques ou réinterpréter les principes fondamentaux de l’ordre juridique institué par l’OMC107

Il est indéniable que ledit Mémorandum n’a certainement pas effacé toutes les ambiguïtés découlant de l’art. XXIV Accord GATT: l’absence de volonté politique pour

.

104 Commentant la formulation « éliminés pour l'essentiel », AHN observait que «the possibility of trade remedy actions between parties of customs union or free-trade areas that can be, by nature, used only under certain circumstances and also for a limited period of time would be regarded as the permitted realm of trade restriction even under customs unions or free-trade areas » (Foe or Friend of GATT Article XXIV, p. 121). 105 « Mémorandum d'Accord sur l'Interprétation de l'Article XXIV de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce de 1994 », Annexe 1A.1.d à l’Accord instituant l’OMC, RS 0.632.20. 106 Ainsi, tout en reconnaissant, dès le début, « la partie significative des unions douanières et des zones de libre-échange » dans le commerce mondial, le Mémorandum apporte quelques précisons importantes, parmi lesquelles on cite : le “délai raisonnable” mentionné à l'art. XXIV par. 5 let. c GATT ne devrait dépasser 10 ans que dans des cas exceptionnels (point 3); la relation entre l’engagement de la procédure de l'art. XXVIII GATT et l'art. XXIV par. 6 GATT, lorsqu'un Membre établissant une union douanière se propose de relever un droit consolidé (point 4); l’investiture du groupe de travail en tant que premier organe d’examen des notifications, faites par les Membres au titre de l'art. XXIV par. 7 let. a GATT, avec comme tâches la présentation du rapport au Conseil du commerce des marchandises sur ses constatations en la matière (point 7) ou l’obligation de recommander dans son rapport un plan et un programme au cas où, contrairement à ce qui est prévu à l'art. XXIV par. 5 let. c GATT 1994, un accord provisoire notifié conformément à l’art. XXIV par. 7 let. a GATT ne comprendrait pas ces documents (point 10); l’emploi des dispositions des articles XXII et XXIII du GATT dans la procédure concernant le règlement des différends (point 12). 107 « Such rules would, for example, insist on coverage of all trade sectors, without exception; provide for transparent rules of origin, liberal accession or admission rules, and stronger disciplines on antidumping actions; insist on general MFN trade liberalisation proceeding or accompanying regional liberalization; provide for implementation timeframes preferably shorter than the ten years suggested by the Understanding, and possibly insist on application and supremacy of WTO law within the arrangement » (NG’ONG’OLA, Regional Integration and Trade Liberalization in Africa, p. 165).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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définir et mieux encadrer l’interaction entre l’OMC et les coopérations régionales a fait que, pour certains auteurs, le Mémorandum soit dépourvu d’effets dans la pratique108

Du point de vue de la jurisprudence OMC, l’interdépendance entre les accords d’intégration régionale et le cadre multilatéral du commerce mondial a fait l’objet des conclusions de l’Organe d’appel dans l’affaire Turkey – Restrictions of Imports of Textile and Clothing products

.

109

Il s’agit d’une affaire très importante, avec beaucoup d’écho dans la doctrine.

110, vu que, pour la première fois, la discussion portait sur le problème du contrôle juridictionnel de l’art. XXIV GATT, dans un contexte international caractérisé par l’accroissement du nombre des coopérations régionales partout dans le monde, avec chaque membre de l’OMC comme partie à au moins un accord de ce type. Le Panel s’était déjà prononcé sur cette question, en soulignant que « l’art. XXIV GATT ne constitue pas une lex specialis par rapport aux obligations découlant des autres dispositions GATT/OMC »111 ce qui a déterminé FABBRICOTTI à conclure que le phénomène de l'intégration régionale doit être interprété à la lumière des dispositions GATT/OMC112

L’affaire avait comme point de départ une plainte déposée par l’Inde contre les restrictions quantitatives en matière textile instaurées par la Turquie dans le cadre de l’union douanière mise en place entre celle-ci et l’UE. En tant qu’un des quatre membres autorisés à maintenir provisoirement des restrictions quantitatives dans le cadre de l’Accord sur les textiles et les vêtements

.

113

En ce qui concerne la définition de l’union douanière, son analyse est centrée à partir de deux critères : premièrement, il aborde la question de la fameuse et controversée

(ci-dessous ATV), conclu au sein de l’OMC, l’UE avait obtenu de la part de la Turquie son accord pour qu’elle adopte les mêmes restrictions, afin de respecter les standards OMC requis en matière d’union douanière : à la lumière de l’art. XXIV par. 8 let. a point ii GATT, il serait nécessaire que les membres d’une telle union adoptent un régime extérieur « identique en substance ». L’alignement de la Turquie sur la politique commerciale européenne en la matière a été immédiatement dénoncé par l’Inde qui a invoqué la violation des articles XI et XIII du GATT et l’art. 2 de l’ATV. L’Organe d’appel abordant plusieurs points dans son analyse, il est important de rappeler ici uniquement les questions du contenu matériel de la relation tissée entre les accords régionaux et le cadre multilatéral de l’OMC.

108 « Overtime, criticism of Article XXIV was levelled at both its content, which was considered at time contradictory and imprecise, and at the weak enforcement of the conditionality contained in it that was possible within the GATT » (GRILLI, Multilateralism and Regionalism, p. 215). 109 WT/DS34/AB/R du 22 octobre 1999 in International Legal Materials, vol. XXXVIII, n° 6, 1999, p. 159ss. 110 MATHIS, trad. anglais, Turkey - Restrictions, p. 103-114; RUIZ FABRI, Chronique du règlement des différends, p. 411ss; FABBRICOTTI, Gli accordi di integrazione economica regionale, p. 793-810; WECKEL, Chronique de jurisprudence internationale, p. 53-54; FLORY Th., Chronique, p. 53-54. 111 WT/DS34/R, par. 9.186. 112 « I comportamenti degli Stati parti di unioni doganali e aree di libero scambio giungano ad interferire con gli obiettivi e i principi del sistema multilaterale degli scambi nella misura minore possibile. Dunque, l’art. XXIV no puo essere letto e applicato disgiuntamente dal resto del sistema GATT/OMC » (FABBRICOTTI, op. cit., p. 802). 113 RS 0.632.20, Annexe 1A.5.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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construction terminologique « l’essentiel des échanges »114 - applicable au commerce interne pratiqué entre des membres - en statuant que si ce n’est pas la totalité des échanges qui est visée, c’est néanmoins beaucoup plus qu’une « certaine partie », et en offrant comme moyen d’appréciation le fait que, malgré sa flexibilité, le degré de cette souplesse doit pourtant se rapporter à l’essentiel (§ 48); deuxièmement, il traite la formulation « identique en substance »115

Quant à l’interprétation de l’art. XXIV GATT, l’Organe d’Appel, au bout d’une analyse à la fois « textuelle et contextuelle », arrive à la conclusion que cette disposition est un « moyen de défense » qui « ne peut être utilisé que si deux conditions sont remplies » (§ 58) : d’une part, la partie qui l’invoque « doit démontrer que la mesure en cause est adoptée au moment de l’établissement d’une union douanière qui satisfait pleinement aux prescriptions des paragraphes 8 a) et 5 a) de l’article XXIV » et, d’autre part, « cette partie doit démontrer qu’il serait fait obstacle à l’établissement de ladite union douanière si elle n’était pas autorisée à adopter la mesure en cause »; il est expressément prévu que les conditions sont cumulatives.

- applicable au commerce extérieur adopté par les membres de l’union douanière – en statuant qu’il s’agit d’une identité de leur contenu, et non pas des instruments, l’appréciation devant être faite selon des critères aussi qualitatifs que quantitatifs : il faut aboutir à quelque chose de « très voisin » de l’identité, ce qui n’est pas le cas pour « des réglementations commerciales comparables » (§ 50) .

On peut donc observer que l’Organe d’Appel a confirmé les conclusions du groupe spécial, sauf qu’il y est arrivé d’une manière clairement plus restrictive, en qualifiant l’exception pour cause d’intégration économique de « moyen de défense »116

Pour l’instant, il est certain que la recrudescence des structures économiques régionales a des conséquences pour le commerce mondial.

.

Un de ses avantages réside dans le fait que ce type de structure économique peut servir en tant qu’espace pour expérimenter différentes formes d’intégration économique; les résultats ainsi obtenus pourraient servir pour tirer des leçons quant à leur faisabilité dans un cadre multilatéral. Il y a également un certain effet mobilisateur : un accord mis en place dans une région du monde peut se dévoiler comme le catalyseur déterminant l’entrée en jeu des autres partenaires régionaux, restés silencieux jusque-là, mais obligés dorénavant de bouger s’ils ne veulent pas rester à l’écart des évolutions possibles qui, à l’avenir, leur procureraient des avantages inattendus117

114 Art. XXIV par. 8 a) i GATT: « les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives (…) sont éliminés pour l'essentiel des échanges commerciaux entre les territoires constitutifs de l'union ».

. Dans ces conditions, il est

115 Art. XXIV par. 8 a) ii GATT : « les droits de douane et les autres réglementations appliqués par chacun des membres de l'union au commerce avec les territoires qui ne sont pas compris dans celle-ci sont identiques en substance ». 116 Par rapport à cette nuance, RUIZ FABRI conclut que “l’affirmation selon laquelle les accords régionaux sont des exceptions par rapport au multilatéralisme est donc particulièrement nette et sans précédent, opérant même une rupture avec la prudence antérieure », op. cit., p. 412. 117 Dans le cadre de l’analyse portant sur l’intégration régionale asiatique, SEN parle dudit effet d’incitation à participer, en ajoutant également deux autres avantages potentiels : « Since most BTAs involve selective and progressive liberalization, it can facilitate governments to initiate domestic economic reforms, which would otherwise be difficult to undertake at the multilateral level. (…) Finally, since trade has a direct link with security issues, majority of the recent BTA’s, which are in the form of broader economic partnership agreements, facilitates members to enhance their economic as well as strategic links, since both members become important stakeholders in

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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évident que plus nombreux se comptent les participants aux structures régionales, plus grand devient le coût de la non-participation des autres pays de la région, même si ceux-ci œuvrent activement dans le cadre du système multilatéral du commerce; dans le monde contemporain, rester à l’écart des évolutions enregistrées dans le cadre du développement régional signifie pour chaque pays une chance en moins de pouvoir avancer au sein des négociations du commerce multilatéral.

Une autre particularité des structures régionales de coopération économique créées ces dernières années c’est leur flexibilité. En effet, à l’aide du libre-échange régional et des investissements étrangers qui y sont rattachés, le développement économique apporte, en ce qui concerne la réglementation des conflits potentiels, la possibilité d’obtenir une solution, la plus équitable possible et acceptable par toutes les parties; cette solution est obtenue en partant du cadre d’action moyennant exclusivement les instruments politiques – parfois rigide et soumis à trop de contraintes – et arrivant à celui employant différentes formes de réglementation judiciaire, instaurées souvent lors de la mise en place d’un accord de coopération régionale. Ces accords offrent en fait des solutions qui représentent le fruit d’une interconnexion entre deux plans d’action visant la réglementation des disputes – ceux politique et judiciaire – et, dans le cadre d’un tel traité, le déroulement de la procédure judiciaire peut s’avérer le moteur servant à la résolution du conflit. Finalement, on ne peut que constater la diversité des types et formes desdits accords régionaux, aspect réjouissant dans la quête du modèle d’intégration économique le plus réussi.

Comme désavantages possibles, il ne faut pas oublier la composante extra- économique de ces accords, pesant souvent plus lourdement que celle économique proprement dite118

liberalizing and facilitating trade, investment and economic cooperation, and are hence committed to maintaining peace and stability among them » (New Regionalism in Asia, p. 565-566).

: à titre d’exemple, il faut uniquement se rappeler que la politique commerciale de l’UE est un des principaux instruments de la politique étrangère de l’UE. L’idée de suivre une tendance économique « à la mode » actuellement – la favorisation de l’intégration économique régionale – peut s’avérer, dans certaines circonstances, un vrai piège : la dépendance, par rapport au libre-échange instauré avec les co-partenaires privilégiés de la coopération régionale, pourrait potentiellement accroître la fragilité des

118 Malgré le poids de la composante extra-économique d’un accord régional, certains auteurs insistent et expriment leur confiance dans la partie économique d’un tel instrument juridique car, à leur avis, une extension au maximum possible des avantages commerciaux réciproques, apportant prospérité et bien-être pour les parties, peut œuvrer afin de réduire, voir mettre fin, à des disputes historiquement très anciennes; GARVEY exprime ce raisonnement en suggérant l’accord NAFTA comme une éventuelle source d’inspiration pour contribuer à la solution du conflit israélo- palestinien : «Thus, for example, the NAFTA contains an express exclusion of the notion of free movement of persons, and it retains the power of the parties independently to regulate dumping and subsidies. Not being a customs union, and not having the EU objectives of political integration, it is limited to trade and investment relations. These characteristics of NAFTA exist also in the Middle East, where there is great reluctance to concede any sovereignty, given the mistrust between the states of the region. NAFTA is also relevant because it is the first regional free trade agreement bringing together, as principal and original parties, extremes of developed and undeveloped economies and political cultures. Most significantly, the autocracy, executive dominance, corruption and lack of transparency that characterize the political culture of the Palestinian Territories also have been the hallmarks of Mexican politics, and have been consistently indentified as principal impediments to achieving the promises of NAFTA » (Regional Free Trade Dispute Resolution, p. 163).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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économies en question, étant donné qu’il existe toujours le risque de voir les préférences commerciales modifiées, voir retirées, pour des raisons d’ordre politique. De même, une des vraies limites de ces accords est représentée par le cloisonnement qu’ils impliquent de par leur propre nature. En fait, étant donné le but poursuivi entre les différentes parties de l’accord visant l’abaissement graduel des barrières commerciales, il peut y avoir la situation où d’autres acteurs économiques - offrant des coûts au moins aussi attrayants que ceux convenus, mais qui ne font pas partie de l’arrangement mis en place – restent à l’écart du schéma de coopération, au détriment du développement économique régional. Pour les opposants à cette politique commerciale, les Etats se retrouvent de toute manière affaiblis119

En outre, il faut également souligner que la portée de ces accords est parfois limitée, soit à cause de leur application souvent imparfaitement mise en pratique, faute de moyens se situant en dessous des ambitions affichées, soit par le fait que beaucoup de ces accords ne visent que des domaines strictement encadrés des économies nationales, les rendant ainsi inapplicables à une palette territoriale plus élargie. De même, il ne faut pas exclure l’hypothèse du chevauchement entre différents accords de libre-échange régional – vu que l’économie globale d’aujourd’hui soutient les interdépendances entre plusieurs domaines économiques – ce qui, à long terme, pourrait générer, quant à la mise en œuvre proprement dite de tels accords, des coûts administratifs considérables et une confusion par rapport au régime juridique applicable, à cause du besoin de négocier séparément des accords touchant à des secteurs déjà, bien que partiellement, objet des précédentes réglementations. Il faut également tenir compte du fait que l’intégration des nouveaux standards dans les accords régionaux « de dernière génération » – les investissements financiers et l’injection du capital étranger dans les économies nationales, l’épineuse question des conditions de travail existantes dans certains pays en développement (avec un regard particulier sur le travail des enfants et des femmes), sans oublier la question environnementale

.

120

Enfin, la coopération régionale peut également poser des questions quant au système de règlement des différends. Alors que, dans les dernières années, ledit système connaît, dans le cadre multilatéral développé à l’OMC et bénéficiant des décisions des instances structurées hiérarchiquement, une clarification conceptuelle et une unité décisionnelle toujours plus accrues, ce système peut poser des problèmes importants dans le cadre régional, où plusieurs facteurs – tels que les niveaux différents de développement

- devrait passer par de longues et âpres négociations, vu que ces nouveautés changeraient, parfois de manière substantielle, la donne au sein des arrangements déjà en place.

119 « Le démantèlement demandé des droits de douanes aboutit non seulement à priver les États de ressources dont ils ont un besoin urgent, mais aussi à restreindre l’arsenal des politiques commerciale et économique nécessaires à une politique industrielle active » (BRAUNSCHWEIG, Contre le verrouillage de l’injustice structurelle: une critique des accords de libre-échange, p. 33). 120 Comme tendances possibles caractérisant l’évolution future des accords de libre-échange, HEYDON & WOOLCOCK ajoutent à cette liste l’élimination tarifaire sur les articles manufacturés, mais non sur les produits agricoles, quelques rares modèles dominants de règles d’origine, telles que PanEuro ou ALENA, et l’utilisation renforcée des listes hybrides pour les services (Evolution des accords de libre-échange, p. 12).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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économique, les intérêts stratégiques à défendre ou les anciennes sensibilités nationales – peuvent augmenter le risque des atteintes portées à son bon fonctionnement121

.

Section D L’émergence des nouveaux acteurs majeurs dans l’économie

mondiale La montée en puissance des nouveaux leaders régionaux (le Brésil, l’Inde et la

Chine), se dessinant comme un défi adressé aux structures classiques du partage du pouvoir politique et économique, ne peut être qu’un appel à la redistribution des cartes dans le cadre du commerce mondial.

Sur le continent sud-américain, la nouvelle puissance régionale qui fait figure d’acteur majeur au sein de l’OMC est indéniablement le Brésil. Bénéficiant, d’une part, d’un vaste territoire dépositaire d’énormes richesses naturelles, d’une main-d’œuvre qualifiée, d’une société extrêmement métissée et donc traditionnellement ouverte aux changements, le Brésil a également été obligé de gérer ses difficultés internes, tenant notamment à la corruption accrue affectant son système politique, aux inégalités sociales flagrantes, au décalage entre le niveau de vie rencontré dans les grandes villes par rapport à celui des larges agglomérations urbaines de la campagne.

Le Brésil a commencé à redresser son économie à partir des années ’90122

121 LOUNGNARATH & STEHLY, avant de se prononcer en faveur des avantages offerts par un système multilatéral de résolution des conflits commerciaux, effectuent une comparaison entre le système de règlement des différends conçu à l’OMC et son équivalent au sein de la coopération régionale nord-américaine, statué dans le Chapitre 20 de l’ALENA : « First, from an historical perspective, attempts to reform the general dispute settlement mechanism have been made without success. The proposition of a tripartite tribunal, (…) given the dissymmetry of the Parties’ economies (two industrialized countries and one developing country), would have indeed wished for a mandatory dispute settlement mechanism which would have guaranteed less intervention by the Parties and a greater compliance with the Panel’s recommendations. (…) Secondly, for political reasons, the idea of modifying the dispute settlement mechanism at the same time as the enlargement of NAFTA seems to us unlikely. The mechanism is much too profitable for the United States for it to accept its reconsideration. (…) Third, the sustained lobby by politicians and decision makers in the US public and private sectors for the suppression of the binding dispute settlement mechanism in the matter of antidumping and countervailing duties certainly does not favour a jurisdictional reinforcement of NAFTA’s Chapter 20 » (The General Dispute Settlement Mechanism in the North American Free Trade Agreement, p. 69).

, en essayant de mettre en place une vraie stratégie économique, rejetant la mainmise étatique sur l’économie nationale, capable de sortir celle-ci de son immobilisme et de l’adapter aux défis des nouvelles réalités géopolitiques internationales. Les efforts sur le plan

122 Par la loi fédérale n° 8.031 du 12 avril 1990, le Gouvernement brésilien avait lancé un vaste programme de privatisation, qui se donnait trois buts. D’abord, il fallait changer la position de l’Etat dans le cadre de l’économie nationale, à l’aide du transfert vers le secteur privé de plusieurs de ses activités, qui étaient auparavant exercées au sein du secteur public; l’exécutif prônait également une administration publique plus efficace, et espérait que, avec une direction privée, les compagnies privatisées seraient plus dynamiques et plus productives. Ensuite, il fallait réduire la dette interne de l’Etat par l’utilisation des actifs obtenus lors de la vente des compagnies privatisées et par l’annulation des aides étatiques allouées antérieurement aux activités désormais transférées au secteur privé. Enfin, il était souhaité de renforcer les marchés financiers brésiliens et de démocratiser le capital des compagnies sujettes à la privatisation.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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économique ont été accompagnés des mesures prises dans le domaine de la réforme de la classe politique123, ce qui a fait que le Brésil, malgré ses problèmes encore latents, puisse connaître un essor économique réel et ainsi devenir un vrai leader régional, de même qu’un acteur incontournable au sein des négociations poursuivies à l’OMC. Dans les deux dernières décennies, Brasilia a pris plusieurs initiatives lui permettant de s’arroger ce titre : elle a constamment œuvré pour une évolution du MERCOSUR; elle a conclu des accords régionaux importants; elle est un facteur clef de l’équilibre stratégique zonal – en développant par la politique de l’ancien président Lula des relations privilégiées avec Washington, sans renier son appartenance à la vague socialiste ayant déferlé sur le continent sud-américain; elle représente la porte-parole du « G20 de l’OMC »124, essayant d’obtenir le maximum d’avantages dans les âpres négociations commerciales avec les colosses européen ou nord-américain; enfin, elle s’est montrée préoccupée face aux défis majeurs que l’Homme devra affronter à l’avenir125

Sur le continent asiatique, la nouvelle puissance émergeante est l’Inde. Ancien berceau d’une civilisation florissante et héritier d’une longue histoire ayant vu apparaître et disparaître de nombreuses formes d’organisation sociale, le sous-continent indien a été depuis toujours le carrefour des commerçants et des marchands venus d’Asie, d’Afrique, d’Arabie ou d’Europe. A l’heure d’Internet et des nouvelles technologies accompagnant la nouvelle ère des échanges commerciaux mondiaux, l’Inde revendique plus que jamais une place de leader mondial, s’appuyant sur son poids démographique écrasant, son assiduité dans l’appropriation desdites technologies, et son savoir-faire adapté aux réalités du XXIème siècle : à titre d’exemple, il suffit de rappeler que, fin 2009, le nouveau

.

123 En analysant les échanges enregistrés dans les rapports noués entre l’exécutif et le législatif de Brasilia, ALSON, observait, comme facteur bénéfique, l’accroissement des pouvoirs présidentiels par la Constitution brésilienne de 1988, et, pour justifier son approbation, affirmait que « the logic for exchange of pork for policy reform is that presidents typically have greater electoral incentives than members of Congress to care about economic growth, economic opportunity, income equality, and price stabilization » (Pork for Policy, p. 87). 124 Coalition de pays en développement formée, lors des travaux précédant la réunion ministérielle OMC de Cancún de septembre 2003, en tant que groupe distinct au sein de cette organisation. Regroupant l’Afrique du Sud, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Chine, Cuba, le Guatemala, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, le Nigeria, le Pérou, le Pakistan, le Paraguay, les Philippines, la République bolivarienne du Venezuela, la Tanzanie, la Thaïlande, l’Uruguay, le Zimbabwe, l’Égypte et l’Équateur, ledit groupe cherche à obtenir des réformes ambitieuses de l’agriculture dans les pays développés (à ne pas confondre avec le G20, désormais « institutionnalisé », qui regroupe des ministres des finances et des gouverneurs de banques centrales, voir supra p. 11). 125 KELLMAN observe pourtant que, pour juger à juste titre l’attitude du Brésil par rapport à la question environnementale, il faut d’une part noter les avancées – telles que les mesures gouvernementales prises à la fin des années ’80, l’organisation en 1992 du Sommet de Rio de Janeiro, ou les pas accomplis en 1997, quand le Brésil, d’une part, s’était rallié aux trois pays (l’Allemagne, Singapour, l’Afrique du Sud) ayant signé l’engagement pour réduire la désertification forestière et, d’autre part, « joined forces with the World Wildlife Fund in an effort to dedicate ten percent of the rainforests to a national preserve by the year 2020 » - aussi bien que les défaillances – « in Kyoto, Brazil refused to recognize publicly the critical role that rainforests play in storing carbon dioxide and the direct impact their destruction has in contributing to global warming » (The Brazilian Legal Tradition, p. 150).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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président américain Obama a reconnu ce pays comme « une puissance globale montante et responsable »126

Avec tous ces atouts, l’Inde a déjà effectué des pas importants dans la restructuration de son économie et s’est pleinement engagée sur la voie des réformes lui permettant de satisfaire aux critères de l’OMC : elle est devenue un acteur majeur dans les négociations sur les marchandises, elle a accompli de vrais progrès sur le chemin de la conciliation des besoins de croissance économique avec ceux de la protection environnementale

.

127, elle fait partie du commerce mondial des services128 et a commencé à lutter pour une meilleure protection des droits de la propriété intellectuelle. Par conséquent, le marché indien a gagné en confiance et a accueilli davantage d’investisseurs étrangers129. Enfin, la position indienne au sein des négociations commerciales mondiales est d’autant plus intéressante si on considère que, dans ces moments de crise économique au niveau planétaire, l’Inde apparaît à la fois comme le défenseur des catégories défavorisées des pays participant aux échanges mondiaux et, en même temps, l’adversaire du retour au protectionnisme commercial130

Vu que la domination économique de New Delhi sur le continent sous-indien va per se

.

131

126 Lors de la visite d’Etat effectuée à Washington, en novembre 2009, par le premier ministre indien Manmohan Singh, le même président a également reconnu l’Inde comme « une démocratie multiethnique comme les Etats-Unis », tout en soulignant le caractère « équilibré » des échanges entre les deux pays, (LEMA, Washington offre à l’Inde la reconnaissance, p. 5).

, l’Inde a progressivement cherché à s’impliquer davantage dans la coopération régionale du grand continent asiatique. Avec une économie lancée à pleine vitesse dès

127 Bien qu’il reste énormément de choses à faire dans ce domaine, il est néanmoins vrai que « the combination of strong legislative mandates, an activist judiciary, aggressive, public interest litigators, and a proliferation of highly committed environmental NGO’s means that India is no longer the heaven it was once for industries indifferent to environmental values » (ROSENCRANZ & YURCHAK, Progress on the Environmental Front, p. 527) 128 Suivant une analyse rendue par KARMAKAR, « the services sector in India has had a remarkable phase of growth in the past couple of decades, and has emerged as the key driver of economic growth in the country. During 1981-1990, the services sector output grew at the rate of 6.6 percent per annum. During the 1990s, however, the sector grew at an average annual rate of 9 percent, ahead of the growth rate of industry at 5.8 percent per annum and that of agriculture at 3.1 percent per annum, and contributed approximately 57 percent of Indian GDP in 2004.Business services have been the fastest growing sector in the 1990s, attaining a growth rate of about 20 percent per annum » (Disciplining Domestic Regulations under GATS, p. 128-129). 129 Par rapport aux bénéfices de la présence des capitaux étrangers en Inde, CHHIBBER & MAJUMDAR observaient : « There is relatively little doubt of the importance of the potential role that foreign capital can play in the economic development of countries such as India. (…) If such evidence establishes a positive spillover effect, then it is further indication that those foreign firms’ presence has a salutary presence on the Indian domestic corporate sector as a whole» (Foreign Ownership and Profitability, p. 234-235). 130 Dans ce sens, le premier ministre indien SINGH a déclaré en avril 2009 : « Protectionism has to be avoided. Protectionism is not only on goods but also in the area of services. Financial protectionism is also bad and should be avoided. Some action by the developed countries particularly the withdrawal of capital resources from the developing countries by the banks of the developed countries is equally worrisome » (Mission pour un mandat, p. 9). 131 Pour CARPENTIER DE GOURDON & BERTHET, « la disproportion géographique et démographique entre l’Inde et le Sri Lanka, le Népal, les Maldives et même le Bangladesh ne facilite pas le développement d’une coopération régionale directe» (La politique étrangère de l’Inde, p. 255).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

36

1991132

Bien que l’Inde puisse compter sur pas moins de neuf accords de coopération économique conclus au niveau régional, la doctrine a déploré l’absence de coordination entre la stratégie commerciale de New Delhi et les obligations assumées par l’Inde au sein de l’OMC

, l’envie de l’Inde de s’engager dans l’intégration économique asiatique est évidente à présent, vu sa démarche de signer l’accord de coopération économique avec Singapour, ainsi que son engagement approfondi avec l’ANASE au niveau des réunions officielles. Cela a abouti à voir l’Inde être invitée au premier « Sommet East Asia », qui s’est déroulé à Kuala Lumpur en décembre 2005, considéré comme le fondement d’une intégration économique asiatique possible dans un futur proche.

133

Quant au rapprochement sino-indien, certains y ont vu une approche commune pour leur développement économique, élaborée parallèlement avec leur stratégie individuelle pour s’imposer sur le marché mondial; en revanche, pour d’autres, cette coopération n’est qu’un alignement indien sur les positions chinoises, étant donné le poids écrasant de Pékin dans la région

. Par conséquent, le succès de ces démarches va dépendre de la façon dont le gouvernement indien pourra créer une réelle imbrication entre ses ambitions régionales et son rôle important dans le cadre des négociations commerciales multilatérales, dans un effort de coordination avec les réformes entamées au niveau de l’économie nationale.

134

La Chine n’est plus, depuis déjà pas mal de temps, uniquement une puissance régionale. Occupant un des cinq sièges du Conseil de Sécurité de l’ONU, bénéficiant de son énorme poids démographique, dépositaire des extraordinaires ressources naturelles, parfaitement adaptable aux évolutions technologiques préconisées en place pour demain, le pays de l’Empire du Milieu apparaît économiquement comme l’objet de toutes les convoitises et le marché à gagner à l’avenir.

.

Au niveau bilatéral, déjà avant son accession à l’OMC, elle avait conclu des accords extrêmement importants, lui ouvrant de nouvelles perspectives pour sa croissance économique : l’accord bilatéral avec les Etats-Unis de 1999 et ensuite celui avec l’UE de 2000135

132 C’est l’année pendant laquelle le gouvernement central a introduit le concept de New Industrial Policy, destiné à relancer l’économie indienne, enfermée au milieu des années ’70 dans une isolation marquante par rapport à l’économie mondiale et ayant retrouvé un peu de vigueur dans les années ’80, grâce à l’aide financière étrangère; voir JATANA, trad. anglais, Did Whirlpool Make Its Mark in India?, p. 331ss.

.

133 « India has been quick to climb on the RTA bandwagon. The signing of these RTA’s however not rooted in any comprehensive trade policy encompassing the WTO, the RTAs and the domestic policy reforms. Consequently, most of India’s RTAs contain some provisions that may not be consistent with relevant WTO rules » (FARASAT, Regionalism, India’s Quest for Regional Trade Agreement, p. 459). 134 RACINE constate, à propos de l’Inde, qu’elle « suit la Chine pas à pas dans ses relations avec l’ASEAN : en 2002, la Chine a proposé une zone de libre-échange à l’ASEAN à l’horizon 2010; l’Inde a fait de même l’année suivante. En 2003, l’ASEAN et la Chine ont signé "un partenariat stratégique pour la paix et la prospérité"; l’Inde a signé un partenariat de même type avec l'ASEAN en 2004; le PNB chinois demeure plus du double de celui de l’Inde; l’Inde et la Chine ont signé en 2005 un partenariat stratégique » (Kuala Lumpur 2005, p. 1). 135 LIGNEUL notait que l’importance de cet accord ne résidait prioritairement pas dans ses dispositions, « redondantes par rapport à celles de l’accord sino-américain de 15 novembre 1999 », mais plutôt dans son objectif final, qui était « la perspective de l’adhésion de la Chine à l’OMC, un événement indéniablement majeur pour le système commercial multilatéral; ainsi, même s’il est

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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Membre de l’OMC depuis 2001, la Chine avance sur la voie de la libéralisation économique, tout en refusant l’ouverture politique et la discussion sur la question des droits de l’Homme136. Pourtant, il ne fait aucun doute que sa présence dans le cadre commercial multilatéral du monde contemporain ne peut pas lui être refusée, tous les Etats ayant l’intérêt stratégique de garder de bonnes relations avec Pékin, afin que leur accès sur le marché chinois géant ne soit pas entravé. Bien que la majorité de la doctrine s’accorde pour reconnaître le bien-fondé de l’accession de la Chine dans l’enceinte réglant les échanges commerciaux multilatéraux, il existe pourtant des auteurs qui, immédiatement après 2001, ont vu cette acceptation plutôt comme une sorte de stimulant pour la poursuite des réformes internes qu’une récompense pour la réussite des efforts concrétisés au niveau macro-microéconomique : en effet, beaucoup de secteurs vitaux de l’économie nationale ne remplissaient pas les conditions pour une accession à l’OMC137

juridiquement un accord bilatéral d’importance relative, l’accord du 19 mai 2000 a une portée multilatérale, déguisée mais majeure » (La portée de l’Accord bilatéral, p. 438).

. Il s’ensuit que l’acceptation de Pékin au sein de l’OMC s’est faite plutôt sur la volonté de toutes les parties pour que sa réalisation ait lieu dans le cadre du Cycle de Doha et au détriment des règles du droit de l’OMC, un grand nombre d'engagements étant pris par confiance, au lieu d’insister que lesdites règles soient déjà mises en place : des obstacles structurels majeurs restent encore à surmonter, tels que la mainmise de l’Etat sur la majorité du commerce extérieur, l’appareil bureaucratique extrêmement bien mis en place et conditionnant les perspectives des entreprises étrangères pour un accès efficace au marché, les implications de l'accession pour un secteur étatique énorme et encore tributaire du demi-siècle d’économie centralisée, ou, enfin, les problèmes collatéraux liés aux aspects sociaux du travail, tels que l’activité des femmes et des enfants ou la protection sociale. Les variables qui conditionnent le respect par la Chine des obligations assumées au sein de l’OMC ont été déjà identifiées, dès 2001, dans la doctrine spécialisée. Il y avait ainsi des facteurs positifs : la réforme du marché et la libéralisation économique, ces deux aspects représentant désormais des impératifs pour le pouvoir en place à Pékin, et la nouvelle pratique chinoise concernant l’ouverture du pays vers la signature des traités internationaux, qui a vu depuis deux décennies les efforts déployés au plus haut niveau afin de suivre les standards mondiaux (les Accords ADPIC ou les

136 Parmi les présentations les plus éloquentes de cette évolution, on retient celle affirmant que : « In this new age of globalization, however, the international behaviour of China has indicated a change in its perception. China has come out from its general ambivalence about participating in international affairs (with globalization as its fashionable term). China’s leadership has come to appreciate that membership in various international organizations enhances China’s power and status and is essential to its modernization drive. Moreover, it has looked to international co- operation, as it is termed in China, to solve problems inherent to globalization. China seems to have decided to seek globalization’s benefits and accept its risks. The WTO accession is a symbolic watershed in China’s approach to international issues. The decision to join the WTO, and to accept the disciplines and rules that lie as its heart, not only is the latest important step enabling China to navigate globalization’s currents, but also signifies its new perception of international order » (KONG, China’s WTO Accession, p. 842). 137 Un des principaux problèmes au moment de l’adhésion était le poids gigantesque de la présence étatique sur le marché entrepreneurial chinois: selon les chiffres de BLUMENTAL « the state- owned sector currently comprises more that 300.000 SOEs, over one-third of the country’s GDP, and is the provider of livelihood and social welfare for over 200 million employees, pensioners and their families » (Applying GATT to Marketizing Economies, p. 115).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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règles OMPI) dans le domaine des droits de propriété intellectuelle138. Il y avait également les facteurs négatifs 139: la culture de la loi, ou plutôt son absence, vu que dans leur longue histoire les Chinois avaient connu l’obéissance au pouvoir personnel d’un individu plus souvent que celle à la loi; les considérations politiques, avec notamment l’épineuse question taïwanaise et le cadre OMC140

Il était plus qu’évident que le géant chinois ne pouvait pas rester à l’écart des développements économiques enregistrés sur le continent asiatique. Ainsi, la Chine avait lancé l’initiative d’une grande zone de libre-échange asiatique : les négociations ont abouti à la signature en 2002 de l’accord-cadre, qui se proposait d'établir la zone en 2010 pour l'ANASE 6

; les défauts institutionnels, tels que la division entre le processus législatif et son application sur le terrain, la crédibilité des mécanismes pour solutionner les conflits, la relation souvent non institutionnelle nouée entre les autorités centrales et locales; enfin, l’attitude chinoise envers le droit international, souvent réticente.

141

Malgré les circonstances propices à la croissance économique – telles que la reprise économique asiatique accompagnant le formidable essor de l’économie chinoise, l’injection des capitaux asiatiques nécessaires pour financer la croissance ou le renouement de la coopération commerciale intra-asiatique après une longue période ayant vu les pays de l’ANASE privilégier plutôt le rapprochement avec les pays occidentaux –, auxquelles il faut ajouter la parfaite compatibilité de l’ANASE avec le cadre OMC, il reste bien des points d’interrogation quant à l’avenir de cette « coopération » : le poids démographique et la taille économique de la Chine engendrent des besoins qui pourraient à long terme lui conférer le statut de leader incontesté d’une telle alliance, avec des répercussions possibles sur la nature même de l’organisation; en outre, vu le degré différent de développement économique enregistré parmi les membres de l’ACFTA, il paraît assez raisonnable d’envisager beaucoup plus d’obstacles techniques à la réalisation de cette coopération régionale que dans d’autres cas similaires; enfin, un effort sera également nécessaire pour harmoniser toutes les initiatives prises pour soutenir le

et en 2015 pour l'ANASE au complet. Il s’agira de la plus grande zone de libre-échange dans le monde, comptant deux milliards de consommateurs potentiels dont le PIB sera d’environ deux mille milliards de dollars. Pour réussir ce projet, la Chine et les dix nations du Sud-est asiatique se sont fixées pour objectifs la libéralisation du commerce et des services, ainsi que la réduction des tarifs douaniers.

138 KONG, Enforcement, p. 1185-1187. 139 Ibid. 140 La plupart des observateurs s’accordent à dire que la question taiwanaise soulève des problèmes uniquement quant au statut politique de l’île, vu que l’interdépendance économique entre les deux parties s’est progressivement renforcée, et qu’il n’y a aucune raison pour que cette situation change; dans ce sens, CHARNEY & PRESCOTT observaient que « whether the statehood of Taiwan should be pursued requires the consideration of a myriad of interests. For example, while Taiwan is economically strong and independent, its future lies in international trade, particularly within the East Asian region. Full and open access from Taiwan to the markets of China must be an important consideration in any solution. Even now, China and Taiwan benefit economically from trade and good business relations, which they have a strong interest in enhancing » (Resolving Cross-Strait Relations between China and Taiwan, p. 474). 141 Groupe réunissant les économies plus avancées de l’organisation : le sultanat de Brunei, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

39

développement économique régional142

Dans une période, de 2000 à 2007, marquant un tournant clair pour l'économie mondiale, avec un renforcement généralisé de la position des pays en voie de développement en tant qu'exportateurs sur les marchés globaux, la Chine affiche des chiffres remarquables

. En revanche, cela ne change en rien la conviction des autres partenaires de l’ANASE quant à l’impossibilité du scénario laissant le colosse chinois en dehors du cadre réglant les futurs accords commerciaux régionaux.

143

Finalement, dans sa stratégie relative au continent asiatique, la Chine a également visé la recherche des intérêts économiques communs avec un ancien adversaire de taille, le Japon : éloquent pour l’ouverture de la Chine et pour sa politique économique internationale future, ce n’est pas le domaine qui a vu naître ladite coopération, en l’occurrence le commerce des produits agricoles, mais surtout le fait que, pendant toute la durée du conflit, entre son début à la fin 2000 – quand les négociations sur à l’accession chinoise à l’OMC étaient sur la dernière ligne – et son règlement à la fin 2001 – peu après le moment de ladite accession – les parties ont fait référence aux règles OMC

lui permettant de compter parmi les acteurs incontournables du nouveau système commercial mondial.

144

Faisant parfois l’objet de critiques de la part de certains auteurs.

145

142 A ce propos, INAMA constatait que « there is little effort to link and sequencing efforts to liberalize and stimulate intra-regional trade and initiatives among the AFTA, the ACFTA and the GMS initiatives and the real impact that these various initiatives have had and might have on the future in terms of increasing regional trade and economic growth» (The Association of South East Nations-People’s Republic of China Free Trade Area, p. 578-579).

, la croissance économique constante de ces puissances émergeantes ne fait plus aujourd’hui aucun doute et génère des effets secondaires d’importance réelle : d’abord, en réunissant des acteurs ayant plus ou moins les même caractéristiques, elle représente le critère pour sceller des futures alliances économiques; ensuite, bénéficiant du prestige de la réussite économique réelle, elle leur offre un vrai pouvoir de négociation à l’encontre des grandes puissances; de même, bien que jusqu’à présent faisant figure de cas particulier - ayant à la

143 La Commission européenne s’est prononcée en 2008: « China is by far the most remarkable performer: it has almost doubled its overall market share since 1995, reaching 14.1% to overtake the US. (p. 2). Emerging economies, most notably China, widened their investment base from textile to other industrial sectors. Most industrialised countries now face a trade deficit with China in the following sectors: office & telecommunication equipment and electrical machinery » (Commission européenne, EU performance in the global economy, p. 9). 144 NAKAGAWA a expliqué: « Such de facto resort to the rules of the WTO can be explained by the following factors. First, Japan incorporated the rules of the WTO by amending its domestic laws and regulations relating to safeguard measures in 1994. The rules of the WTO, therefore, were part of the applicable law of the case for Japan. Secondly, China was at the final stage of its accession negotiation to the WTO, and China thought it politically appropriate to base its arguments, at least partially, on the rules of the WTO » (Lessons from the Japan-China « Welsh Onion War », p. 1025). 145 DI TURI observe que « secondo alcune opinioni radicali, nei Paesi in via di sviluppo i vantaggi commerciali anche grazie al mantenimento, negli stessi Paesi, di condizioni di lavoro e di produzione che violerebbero le più elementari norme a tutela del lavoratore. I Paesi industrializzati, pur non contestando la legitimità dei vantaggi comparati di cui altri Stati dispongono, insistono sulla necessità che detti vantaggi non siano ottenuti attraverso violazioni degli standards fondamentali in materia di lavoro. Tali standards, enunciati in alcune convenzioni internazionali del lavoro, hanno ad oggetto la libertà di associazione e di contrattazione collettiva, la proibizione del lavoro forzato, la non discriminazione sul lavoro, l’eliminazione delle forme di sfruttamento del lavoro minorile » (Globalizzazione dell’economia, p. 114-115).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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base des piliers démographique et territorial extrêmement pesants - elle se dévoile comme le modèle possible à suivre pour les autres pays en développement; enfin, elle représente un formidable aimant pour la main d’œuvre et les investissements étrangers, soucieux d’assurer dès aujourd’hui leur présence sur les marchés gagnants économiquement de demain.

Le rapport entre l’utilisation des nouvelles technologies et le développement économique représente un autre élément qui va conditionner la place des nouvelles puissances émergeantes dans le commerce mondial de demain. Longtemps considérée comme une expression de la puissance économique appartenant aux pays riches, ladite utilisation devient un atout considérable pour ces pays en pleine croissance économique, d’autant plus si le facteur démographique est également pris en compte146

.

Section E La reformulation du rôle de l’Etat

Il ne fait aucun doute que dans ce nouveau millénaire la globalisation implique

une redéfinition du rôle de l’Etat. Longtemps considéré comme le sujet de droit international public classique - ordonnant presque exhaustivement les domaines d’activité de la vie humaine, y compris les échanges commerciaux entre les différentes communautés - les dernières décennies ont vu monter en puissance les formes privées de réglementation des activités humaines au détriment des formules étatiques. Les évolutions subies au niveau du commerce mondial sont analysées la plupart du temps dans un contexte large, couvrant d’autres aspects de la vie des différentes communautés147

Cette dilution de la présence des Etats, en tant qu’acteurs à titre exclusif dans les échanges mondiaux, apparaît presque comme une donnée naturellement explicable dans ce début du nouveau millénaire. L’utilisation de l’Internet comme outil de travail, engendrant une augmentation exponentielle des domaines et structures liés au commerce

.

146 A l’occasion des 50 ans du système commercial multilatéral, le directeur général de l’OMC, M. RUGGIERO, constatait déjà que « the global economy has entered a new phase in which information – and the technologies which deliver it – is no longer the preserve of a clutch of advanced economies, the lucky few, but is now a key factor of production for all members. This is also a phase where the costs of exclusion from the fast-moving information economy have never been greater – especially for the least-developed countries. I am convinced that the relationship between development and the accessibility of technology will be a central subject for the future international trade agenda – subject which has already been engaged in the current discussion on electronic commerce in the WTO » (50 Years of the Multilateral Trading System, p. 27). 147 TWINING, en analysant le rapport entre la globalisation et les différentes théories de droit, voyait trois défis à surmonter pour ce phénomène : « First, globalization and interdependence challenge ˝black box theories˝ that treat nation-states or societies or legal systems as discrete, impervious entities that can be studied in isolation either internally or externally. (…) Secondly, (…) today a picture of law in the world must deal with a much more complex picture involving established, resurgent, developing, nascent and potential forms of legal ordering. (…) What are the prospects for a genuine ius humanitatis dealing with the common heritage of mankind? (…) At the transnational level, we are seeing the development of a new ius mercatoria – a system of largely private regulation within the capitalist world economy with institutions such as international arbitration playing an increasingly significant role? Third (…), this is the matter of conceptual clarification, more particularly the construction of a conceptual framework and meta-languages that can transcend legal cultures » (Globalization and Legal Theory, p. 7-9).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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virtuel rend presque impossible la totale maîtrise de l’Etat sur les échanges économiques en place. La société actuelle se développe d’une façon extrêmement différente par rapport à celle du XXème siècle : la communication temporelle et spatiale est en constante amélioration, l'interconnexion se réalise entre communautés autrefois séparées, l’accès s’avère plus facile aux différentes stratégies économiques présentes sur les marchés, les déplacements des populations et, partant, des idées sont à l’ordre du jour.

Plusieurs études ont analysé l’impact que la mondialisation a eu sur l’organisation de l’Etat moderne. A titre d’exemple, SASSEN réussit à présenter de manière très subtile les transformations que l’Etat a connues dans le contexte de la mondialisation : d’abord, il constate que « la stratégie globale des entreprises privées, les nouvelles capacités techniques associées aux technologies de l’information et des communications, certains éléments de l’activité des Etats, ont constitué des échelles stratégiques autres que l’échelle nationale et (…) ont également impliqué une déstabilisation des hiérarchies d’échelle qui ont été l’expression de relations du pouvoir ainsi que d’économies politiques d’une ère antérieure »148; ensuite, pour lui « le caractère incorporé du global exige que les contraintes et les limites nationales soient au moins en partie levées, ce qui implique la nécessaire participation de l’Etat, même si cela va jusqu’à rendre inévitable le retrait de l’Etat de la régulation de l’économie »149; de même, il observe que dans le cas de l’économie mondiale, la négociation – engagée par les arrangements des Etats participant à l’établissement des régimes transfrontaliers - implique « le développement, à l’intérieur des Etats nationaux (…), des mécanismes nécessaires à la reconstitution de certains éléments du capital national en capital mondial et au développement et à la garantie de nouveaux types de droits pour les capitaux étrangers, dans le cadre de ce qui correspond toujours en principe à des territoires nationaux placés sous l’autorité exclusive de l’Etat »150; enfin, il conclut que « l’Etat peut être perçu comme intégrant à son action le projet global de réduction de son propre rôle dans la régulation des transactions économiques, tout en prêtant à ce processus son efficacité opérationnelle et sa légitimité »151

Aussi bien les analystes économiques que politiques s’accordent à dire que la globalisation remplace, au fur et à mesure de son évolution, la souveraineté absolue dont l’Etat disposait autrefois, et il ne fait aucune doute qu’actuellement les Etats ne sont plus en mesure de contrôler leurs propres économies et territoires de la même manière qu’avant la Deuxième Guerre mondiale : autrement dit, afin d’affronter les défis du monde actuel et, surtout, futur, chaque Etat responsable est pratiquement obligé à partager, avec les autres acteurs étatiques, des domaines de compétence aussi variées que possibles et qui, dans le passé, lui appartenaient totalement (allant de la défense nationale jusqu’à l’utilisation des ressources naturelles). Cela ne signifie pas pour autant que les Etats ne comptent plus au niveau de l’économie globalisée contemporaine. Au contraire, pour certains auteurs

.

152

148 SASSEN, L’Etat et la Mondialisation, p. 971.

, la globalisation signifie en fait la fin de la structure actuelle de la communauté internationale plutôt que la disparition du concept d’« Etat nation ». Selon

149 Id., p. 974. 150 Id., p. 975. 151 Id., p. 977. 152 HOBE, The Era of Globalization, p. 663, repris par COLEMAN & MAOGOTO, After the Party, is there a Cure for the Hangover?, p. 55.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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ce point de vue, l’Etat nation va survivre et occupera une position intermédiaire entre les entités régionales du type de l’UE - des vrais « supra Etats » - et les organisations non gouvernementales. A l’opposé de cette approche se trouve NOVOSSELOFF qui, en présentant la multiplication des organisations internationales dans la vie de la communauté internationale, a esquissé, de manière concise mais précise, le rapport entre la globalisation et le rôle de l’Etat : « Le multilatéralisme est favorisé par l’essor des interdépendances. Dans ce cas, l’existence des organisations ne témoigne pas seulement de l’intensification des relations internationales, mais également de l’incapacité des Etats à assurer, par les moyens classiques, le règlement des nombreux problèmes internationaux »153

La recherche d’une libéralisation plus poussée se heurte au souci de préserver des domaines traditionnellement soumis à la tutelle étatique. Ainsi, le modèle de l’Etat providence devient pour certains le mal à éradiquer, alors que, pour d’autres, il reste celui à suivre. Des discours enflammés abondent quotidiennement dans la presse mondiale en faveur ou à l’encontre de la privatisation des services publics, certains y voyant l’heureux démantèlement d’un réseau inefficace et pesant sur les finances publics, d’autres criant leur désespoir face aux atteintes portées à un système où l’Etat traditionnellement protégeait le contribuable.

.

Dans le contexte de la globalisation, la perte de vitesse de la présence étatique s’est ainsi progressivement faite sentie dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Bien que les interprétations de la doctrine puissent paraître parfois trop pessimistes154, il semble néanmoins pertinent de se poser la question de savoir si la direction dans laquelle la situation évolue est juste et ensuite de l’impact de cette évolution sur le commerce mondial. Entre l’abandon de la mainmise étatique sur l’ensemble des économies occidentales, sorties gagnantes des Trente Glorieuses années post 1945155

, et la récente crise financière mondiale, avec ses ramifications ressenties dans toutes les activités humaines, il se pose la question, pour les futures géométries permettant d’encadrer le commerce mondial, de savoir où la présence de l’Etat - quasi invisible mais pourtant impérieusement nécessaire - doit s’arrêter.

153 NOVOSSELOFF, L’essor du multilatéralisme, p. 309. 154 CARBONE avait tiré la sonnette d’alarme: « Si tratta, quindi, di una situazione abbastanza preoccupante. Preoccupante perché, da un lato, si è perso il controllo della formazione democratica di regole relative al settore finaziario, mercantile e societario, dall’altro, è impedita qualsiasi efficiente rilevanza della prezenza dello Stato al fine di garantire la distribuzzione della ricchezza prodotta da tali regole senza individuare adeguate strutture alternative a livello intrenazionale che possano svolgere tale funzione. Viene di fatto cosi a mancare qualsiasi regola diretta o indiretta di legittimazione democratica del sistema che governa il modo di essere di una parte importante della vita internazionale degli individui, delle imprese e degli Stati: e cioè la vita economica dell’umanità » (Corporate Governance, p. 315). 155 JACOBS observait que « generally, the more successful economies in Europe have moved away from state control to a more liberal system. This has become part of the political consensus, no longer contested on party political or ideological grounds » (The State of International Economic Law, p. 27).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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Section F Le danger terroriste Le terrorisme156

En tant que premier volet de notre analyse, la sécurité des transports de marchandises, et du commerce en général, est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale après les attentats du 11 septembre 2001. Vu l’enjeu majeur représenté pour chaque acteur étatique par la fluidité des échanges internationaux, la protection de ces échanges est devenue un problème global, dans l’intérêt et au bénéfice de tout pays engagé dans le commerce international.

représente un autre défi de taille pour la stabilité, actuelle et future, de l’économie mondiale, étant donné la relation d’interdépendance entre ce fléau et le système commercial mondial : ainsi, d’une part, le terrorisme touche de plein fouet les échanges mondiaux de marchandises, en tant que partie encore représentative du commerce global et, d’autre part, il utilise ces rapports commerciaux afin d’extraire une partie importante de ses ressources financières.

Les Etats-Unis ont placé la surveillance accrue du trafic international des marchandises parmi les mesures prioritaires destinées à lutter contre le terrorisme international, faisant également pression pour que des mesures semblables soient adoptées au niveau international157

L’UE a réagi à son tour en introduisant des mesures de sécurité dans son code des douanes communautaire. Le règlement (CE) n° 648/2005

.

158 – dit «amendement sécurité» – a réformé le Code des douanes communautaire, en introduisant la notion juridique d’OEA, entrée en vigueur sur le territoire européen depuis le 1er janvier 2008 et permettant des facilités lors des contrôles douaniers en matière de sécurité et de sûreté ainsi que des simplifications douanières. De même, Bruxelles a décidé en 2009159

En tant que pays tiers, la Suisse a été directement visée par le paquet de mesures communautaires, et des évolutions significatives entre les deux parties ont été enregistrées dernièrement

qu’à partir du 1er janvier 2011 une déclaration préalable (sommaire) des marchandises en provenance ou à destination de pays tiers serait nécessaire, afin qu'un examen des risques puisse être réalisé dans le domaine de la sécurité et de la sûreté (alors que le premier concept est lié aux conditions objectives encadrant la circulation des marchandises, le deuxième concerne plutôt les éléments liés aux acteurs impliqués dans les échanges économiques).

160

Quant au deuxième volet du notre examen, le problème du financement des activités terroristes, il apparaît comme difficile à traiter, non seulement par son volume impressionnant, mais également par l’interférence entre le licite et l’illicite dans l’obtention et la valorisation des sommes nécessaires à ce type d’activités

.

161

156 Pour une définition, voir SAUL, Defining Terrorism in International Law, p. 57ss; BROWN, Global Terror and the International Community, p. 20ss.

.

157 Pour un aperçu chronologique des mesures prises au sein de l’OMD, voir BETHENOD, Opérateur économique agréé, p. 1. 158 Règlement (CE) n° 648/2005 du Parlement européen et du Conseil en date du 13 avril 2005, JOUE n° L 117 du 4 mai 2005, p. 13 – 19. 159 DFF/AFD, Transposition «Security Amendment", 25 février 2009. 160 Cf. infra p. 165ss. 161 Dans une analyse menée en 2005, NAPOLEONI concluait : « Dans le village global de l’économie internationale, certains pays de la nouvelle économie de la terreur interagissent inévitablement

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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Le cadre juridique international contemporain a favorisé l’interdépendance entre le monde financier et les mouvements terroristes : l’évolution de l’économie globale au tournant des années 1990 s’est traduite par un accès facilité aux nouvelles technologies, une libéralisation accrue des échanges, provoquant un affaiblissement du contrôle étatique des flux financiers et des inégalités marquantes entre les niveaux de développement économique enregistrés sur la carte planétaire.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont déclenché une accélération accrue des initiatives internationales et nationales destinées à lutter contre le terrorisme : par exemple, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme162

Au niveau international, le combat a été mené aussi bien au sein des organisations internationales, telles que l’ONU ou le FMI, que par le biais des institutions spécialisées, à l’image du GAFI, ou à travers des efforts des autres organismes internationaux, réunis au niveau décisionnel ou informel, tels que le Groupe Wolfsberg des banques suisses

était ratifiée, avant l’attaque contre le World Trade Center, par quatre pays, alors que depuis elle a été signée par cent trente-deux pays, et ratifiée par cent dix-sept.

163, le Comité de Bâle164 ou le Groupe d’Egmont165

avec les économies des pays occidentaux. (…) Les institutions financières occidentales recyclent l’essentiel de l’argent généré par l’économie illégale du monde entier, soit environ 1.5 milliards de dollars par an » (Qui finance le terrorisme international, p. 302).

. En tant que principale enceinte pour

162 RS 0.353.22. 163 Le groupe de Wolfsberg est une association d'onze banques actives au niveau international, qui vise à développer des standards industriels pour des domaines différents, tels que les services financiers et les produits connexes, les stratégies liées au choix du client, les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et les politiques établies pour combattre le financement du terrorisme. Le groupe s’est réuni pour la première fois en 2000, au Château Wolfsberg (Suisse), en compagnie des représentants de Transparency International, pour travailler sur la rédaction des directives organisant les mesures anti-blanchissage d’argent dans le service bancaire s’adressant aux particuliers. Les principes établis conjointement ont été édités, plus tard, en octobre 2000 (et mis à jour en mai 2002). 164 Créé en 1974 et initialement appelé le « Comité Cooke », du nom de Peter Cooke, un directeur de la Banque d'Angleterre qui avait été un des premiers à proposer sa création et fut son premier président, ce Comité est une institution hébergée par la Banque des règlements internationaux à Bâle, qui, quatre fois par an, traite les sujets relatifs à la supervision bancaire. Composé de représentants des banques centrales et des autorités prudentielles des treize pays (l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, il a décidé, lors de sa réunion tenue les 10 et 11 mars 2009, de s'élargir à l'Australie, au Brésil, à la Chine, à la Corée, à l'Inde, au Mexique et à la Russie. Le 10 juin 2009, il a également reçu parmi ses membres Hong-Kong et Singapour, ainsi que d'autres membres du G20, tels que l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Indonésie et la Turquie. 165 Créé en 1995 à Bruxelles, lors de la rencontre qui s’est déroulée au palais d'Egmont Arenberg, ce groupe se réunit régulièrement pour trouver des moyens de coopérer dans le domaine financier, particulièrement dans les secteurs de l'échange de l'information, de la formation et du partage de l'expertise en la matière. Ses membres sont les unités d'intelligence financière (trad. anglais, Financial Intelligence Units), en occurrence, des agences centrales au niveau national, responsables de la réception (et, si la loi donne droit, de la demande), de l’analyse et de l’envoi, aux autorités compétentes, des renseignements financiers : (i) concernant soit un montant suspecté comme provenant des activités criminelles, soit le financement potentiel du terrorisme, ou (ii) requis par la législation nationale, afin de combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Toute unité d'intelligence financière, qui se considère être conforme aux critères

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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mener le processus législatif à l’échelle mondiale, l’ONU a constamment élaboré des résolutions166 et conventions internationales abordant la lutte contre le terrorisme international de manière sectorielle, à l’exemple de la toute dernière Convention sur le terrorisme nucléaire167 et, récemment, a multiplié les efforts afin de mettre sur pied une Convention générale sur le terrorisme international168. Au niveau régional169, les efforts sur le continent européen ont été déployés aussi bien au sein du Conseil de l’Europe170 que par l’activité toujours plus accrue des organes de l’UE171. Enfin, au niveau national, beaucoup de pays ont pris des mesures censées s’attaquer directement au financement du terrorisme, un regard particulier devant être porté sur des pays, tels que la Suisse, qui traditionnellement ont adopté une législation financière et bancaire très permissive à l’égard des entrées de capital étranger dans les établissements bancaires situés sur leur territoire : dans ce sens, les autorités suisses ont mené une politique cherchant à la fois à protéger son sacro-saint secret bancaire et à répondre aux attentes des partenaires économiques stratégiques quant à la coopération voulue par Berne dans le cadre des efforts internationaux en la matière172

La doctrine a également produit un impressionnant matériel de recherche dans ce domaine et on peut déjà noter un certain consensus quant à la définition du terme « financement du terrorisme »

.

173

énoncés ci-dessus, est éligible pour être acceptée, le groupe d’Egmont comptant, début 2010, autour de cent-vingt membres provenant de tous les continents.

. Les difficultés d’analyser ce phénomène proviennent du fait que la lutte contre le financement du terrorisme a souvent été liée aux

166 Une place particulière, vu l’impact des événements survenus dans ce mois-là aux Etats-Unis, occupe la Résolution n° 1373, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 28 septembre 2001, lors de sa 4385ème séance. 167 Résolution n° 1540 du 28 avril 2004, adoptée lors de la 4956ème séance du Conseil de sécurité des Nations unies. 168 ONU, Assemblée générale L/3125. 169 Pour un récent aperçu des politiques étatiques régionales dans cette question, voir GIRALDO & TRINKUNAS, Terrorism Financing and State Responses, 2007. 170 Pour un aperçu complet, voir Conseil de l’Europe, La lutte contre le terrorisme – Les normes du Conseil de l’Europe, 3ème édition, Strasbourg, 2005. 171 Pour un aperçu complet, il faut consulter PACREAU qui, en guise de conclusion, tout en observant une culture de la lutte contre le terrorisme et la prolifération de celle-ci tant au niveau européen qu’au sein des Etats membres, déplore le fait que « les nombreuses mesures adoptées par les différents organes de l’UE ne permettent que difficilement d’avoir une vue d’ensemble sur la cohérence de son action en matière de lutte contre le terrorisme et sa prolifération » (Le rôle de l’Union européenne, p. 548). 172 La Suisse a accompli des pas vers une harmonisation de sa législation en matière de lutte contre le financement du terrorisme: ainsi, d’abord, elle a ratifié des instruments internationaux majeurs, tels que la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (RS 0.812.121.03) ou celle du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (RS 0.311.53), ensuite, elle a conclu des accords bilatéraux en la matière, tel que l’accord sur la fiscalité de l’épargne conclu avec l’UE (voir infra p. 107) parallèlement avec l’adaptation de la législation interne, et les mesures visant l’organisation criminelle (art. 260ter CP). 173 DAVIS note et explique ce consentement: « There appears to be a reasonably strong international consensus on the core of the definition of “financing” of terrorism. That consensus is embodied in the Financing of Terrorism Convention (…). The Convention effectively defines “financing” to mean providing or collecting funds (defined to mean assets of all kinds) with the intention or knowledge that they will be used, in whole or in part, to carry out terrorist activity » (The financial war on terrorism, p. 181-182).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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développements enregistrés dans le combat législatif contre le blanchiment d’argent, mais elle ne peut pas être circonscrite uniquement à cet aspect174. Bien que les deux domaines présentent des points communs, tels que leur placement dans la sphère des comportements réprimés par la loi, le financement du terrorisme se distingue du blanchiment d’argent par son but175, qui consiste à vouloir soutenir ce type d’activités, sans distinction de la source, licite ou illicite, de l’argent176. De plus, des transferts de fonds terroristes à partir de fonds ayant une origine légitime sont effectués presque aussi souvent que ceux provenant des fonds illicites, ce qui ne fait que compliquer les données en jeu177

Une partie de la doctrine a par conséquent approuvé le point de vue selon lequel la source de ces actes se trouverait beaucoup moins dans des considérations d’ordre religieux que dans la valorisation habile de la part des réseaux terroristes des mécontentements générés par les écarts de niveau de vie et d’accès aux ressources économiques présents dans le monde

.

178

Les défis de l’avenir vont porter certainement sur la création des nouveaux mécanismes capables de lutter de manière plus efficace contre le financement des réseaux

.

174 NAPOLEONI expliquait le fait que « le blanchiment d’argent, les activités légales des organisations armées, l’aide humanitaire ne représentent que quelques-uns des liens qui unissent ces deux systèmes. Leur degré d’interdépendance est étonnamment élevé. L’Occident est le premier consommateur de stupéfiants et le premier vendeur des armes au monde, ce qui correspond respectivement aux principaux crédits et débits de la balance des paiements des organisations armées » (op. cit., p. 302). 175 WARDE souligne que « on sait aujourd’hui que c’est de l’argent propre qui a servi aux attentats. Si certains terroristes peuvent parfois être impliqués dans des petits délits, aucune transaction financière n’a servi à effacer la piste des fonds ou à infiltrer de l’argent sale dans le système financier. Et l’objectif ultime des terroristes n’est assurément pas de s’enrichir ou d’accéder à la respectabilité financière » (Propagande impériale, p. 106). 176 Un examen récent du FMI explique cette particularité : « Although both financing of terrorism and money laundering offenses are based on the common idea of attacking criminal groups through measures aimed at the financing of their activities, the two offenses are distinct. In particular, in terrorism financing, the funds used to finance terrorist acts need not to be proceeds of illicit acts, and need not have been laundered. These funds may have been acquired and deposited in financial institutions legally. It is not their criminal origin that makes them “tainted”, but their use, or intended use, to finance terrorist acts, or to provide support to terrorists or terrorist organisations » (FMI, Suppressing the financing of terrorism, p. 49). 177 RAPHAELI a identifié les difficultés majeures grevant à présent le dépistage des sommes destinées à soutenir les réseaux terroristes : « Terrorist organizations often transact money through third parties, numbered accounts, offshore accounts, charitable organizations and disguised fronts. Many transactions are cash transactions, often through money-changers who keep incomplete records, if any, and often operate outside the supervision of the central banking authorities. Transactions may be conducted through Islamic banks which, until recently, have escaped close scrutiny. There is a considerable number of banks operating offshore that are also not subject to scrutiny. Some countries invoke banking secrecy, often to conceal illegal activities. Many organizations suspected of terrorist or terrorist-related activities use multiple aliases » (Financing of Terrorism, p. 174). 178 CASSANI se demande, à juste titre selon nous, par rapport aux motivations des actes terroristes : « peut-être n’est-ce pas l’argent qui est le nerf de la guerre en matière de terrorisme, mais le fanatisme politique et religieux, nourri par l’injustice, l’oppression politique et le sous- développement économique, qui font que les individus n’ont plus rien à perdre » (Le train de mesures contre le financement, p. 313); voir ég. BAUDOUЇ, Les défis du terrorisme, p. 158, MOHAMAD, Terrorism and the Real Issues, p. 29.

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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terroristes. Dans cette perspective, la coopération internationale sera la pierre angulaire du système international de l’avenir : celle-ci devra être opérationnelle et susceptible de répondre de manière permanente aux nouveaux outils imaginés par les réseaux terroristes179. Il faut pourtant souligner que le fait d’uniquement mettre en place ces structures ne va pas suffire, étant donné l’écart technologique existant entre un groupe privilégié des pays avancés économiquement et la majorité des autres membres de la communauté internationale180

En outre, les experts devront imaginer de nouvelles formes d’action capables de détecter et de combattre plus efficacement les réseaux de financement implantés partout dans le monde à plusieurs échelons de la société. L’ère de la globalisation facilite un meilleur rassemblement des informations et permet ainsi, au cas où la volonté politique est présente, la mise sur pied des outils financiers efficaces.

.

Il sera également nécessaire de repenser le système des contrôles des institutions bancaires et des acteurs internationaux actifs dans le domaine (les fonds d’investissements, les organismes de crédit)181

Un autre aspect fondamental dans la lutte contre le financement du terrorisme sera également la réponse législative que la communauté internationale offrira au développement constant, et dans un rythme toujours plus croissant, des nouvelles technologies et à leur utilisation accrue par les réseaux terroristes

afin d’assurer une meilleure transparence des opérations, tout en respectant les droits que ceux-ci peuvent réclamer à juste titre pour leur bon fonctionnement, tels que la clause de confidentialité ou le secret bancaire. Ces impératifs vont alourdir la tâche des législateurs, d’autant plus qu’ils doivent faire face à une faiblesse généralisée des législations nationales, dépassées par l’ampleur transfrontalière du terrorisme.

182 : compte tenu de la diversité et de la complexité des méthodes de blanchiment d’argent, les composantes du système législatif et répressif international devront envisager de se réunir à des intervalles beaucoup plus réguliers afin de répertorier les dernières tendances et de fixer des stratégies adéquates183

179 Concernant le gel des avoirs liés aux activités terroristes, GAFNER se prononce en faveur des modifications visant le plus haut niveau de décision : « il devrait être possible que ce gel soit ordonné à l’initiative des autorités compétentes, du Conseil de sécurité ou à la demande d’un Etat tiers » (L’incrimination du financement du terrorisme, p. 94).

.

180 Pour GARDELLA, le fossé entre les pays développés et les autres membres de la communauté internationale est un défi de l’avenir : « The international initiatives risk being a suitable remedy only for countries with high quality financial systems and may seem unrealistic when addressed to developing countries with unsatisfactory law enforcement structures, poor in technology and financial culture » (Fighting the Financing of Terrorism, p. 452). 181 MARTIN J.-C. imagine un système mettant l’accent, d’une part, sur la poursuite des bailleurs de fonds, par une amélioration des régimes proposés par la Convention de 1999 et la Résolution 1373 et, d’autre part, par le gel et la confiscation des avoirs liés au terrorisme, en favorisant dans ce but la publication de listes de terroristes et bailleurs de fonds et renforçant le rôle de détection des institutions financières privées (Les règles internationales, p. 422 à 430). 182 CLARKE explique ainsi que : « Globalization has provided tools for the dissemination of radical Islamist ideas and methods. Modern communication systems such as the internet enable their instantaneous transmission. Islamist terror cannot be eradicated by blocking access to these technologies. We cannot wind back the clock. Globalization is here with all its benefits and costs » (Legal Aspects of Globalization, p. 153). 183 GILMORE identifie comme défis majeurs de l’interdépendance entre avancées technologiques et financement du terrorisme, d’une part, les cartes intelligentes, soit les instruments du type de

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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Section G Synthèse La structure même du système de l’OMC est construite autour du libre-échange :

en effet, « ces accords ramènent sur le devant de la scène et consacrent le modèle économique du libre-échangisme, modèle d’inspiration essentiellement anglo-saxonne qui trouve son origine idéologique au XIXe siècle principalement »184

Il est certain que l’ordre économique mondial s’est renforcé à la suite du passage du système de l’Accord GATT à celui qui a vu naître l’OMC : le cadre institutionnel a été ainsi créé, assorti d’une panoplie des accords et autres instruments légaux réglant ces rapports. Malgré les critiques qui peuvent être formulées à son encontre, le cadre institué à partir de 1994 représente un pas en avant vers la régularisation des échanges économiques, comprenant également la circulation mondiale des marchandises, dans un monde totalement différent de celui de 1947. Les avancées du système OMC sont considérables par rapport au GATT 1947 et visent plusieurs aspects. D’abord, alors que le GATT 1947 était un ensemble de règles sans base institutionnelle, créé « à titre provisoire » et soutenu par un petit secrétariat associé, ayant eu ses origines dans la tentative d'instituer dans les années ‘40 une Organisation Internationale du Commerce, l'OMC est une institution permanente avec son propre secrétariat. Deuxièmement, alors que les règles GATT 1947 avaient comme objet les échanges des marchandises, la réglementation de l’OMC couvre, en plus des celles-ci, aussi les services et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle. Troisièmement, les accords instituant l'OMC sont presque tous multilatéraux et comportent des engagements pour une adhésion entière des Etats souhaitant en faire partie, alors que, bien que le GATT 1947 eût été un instrument multilatéral, le contexte international avait changé dans les années 80, quand beaucoup de nouveaux accords, bilatéraux ou plurilatéraux, étaient apparus. Enfin, il est certain que le système de règlement des différends institué par l’OMC soit plus rapide, plus automatique, et ainsi beaucoup moins susceptible des blocages, que le vieux système GATT de 1947.

. Ce système fonctionne essentiellement sur la base de deux principes : d’une part, la clause de la nation la plus favorisée, imposant à une partie d’offrir à toutes les autres parties les mêmes avantages commerciaux accordés à une autre partie et, d’autre part, le traitement national obligeant chaque partie à octroyer à un produit importé les mêmes conditions que celles qu’il applique aux produits fabriqués chez elle.

Il faut souligner que, au moins en théorie, le nouvel ordre économique mondial se propose de refléter non seulement les intérêts commerciaux et les droits individuels de chaque membre de l’OMC, mais également leur intérêt commun à promouvoir la prospérité de la communauté internationale. Qu’il s’agisse de marchandises, de services, ou du domaine de la propriété intellectuelle, le monde actuel est en pleine mutation, la carte des intérêts géopolitiques en constante transformation, les marchés économiques à gagner en perpétuelle évolution. Cela implique la recherche d’un périmètre multilatéral d’action, juste et équitable comme partage, offrant pour tous les acteurs impliqués aussi

cartes de crédit munis d’un microprocesseur contenant une valeur stockée sous forme codée, avec leur variante dite peer-to-peer permettant le transfert d’argent électronique d’une carte à une autre sans recours à un intermédiaire financier et, d’autre part, les systèmes qui utilisent l’Internet comme un moyen de transfert d’argent électronique (L’argent sale, p. 48). 184 ZIEGLER, De l'inévitable internationalisation de la procédure administrative, p. 626.

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bien un cadre de négociation qu’un instrument impartial pour trancher les conflits. Pour cette raison, l’OMC dispose du pouvoir d’appliquer les principes légaux soutenant cet ordre économique, à travers un mécanisme efficace de règlement des différends, invocable par tous ses membres en cas de violation d’un des principes fondamentaux.

Dans cette discussion, il est aussi nécessaire d’aborder la question de la protection tarifaire existante au sein de l’OMC dans le domaine de la circulation des marchandises, un des dossiers majeurs où le clivage Nord-Sud est perceptible.

En effet, malgré le constat de la doctrine relatif à l’abaissement des droits imposés par les pays industrialisés à l’encontre des pays en voie de développement et ceux moins avancés185, il existe pourtant des secteurs où les pays industriels ne font preuve d’aucune retenue pour taxer les produits de leurs partenaires commerciaux moins puissants économiquement186

En outre, comme la doctrine l’avait déjà observé

. Les secteurs en question deviennent ainsi contre-productifs pour les économies des pays en développement ou moins avancés : puisqu’il s’avère être plus avantageux pour les pays défavorisés d’exporter des produits bruts, en épargnant ainsi des dépenses pour leur transformation, cela signifie pour ces pays, à long terme, également des capacités de travail plus restreintes. Partant, les stratégies économiques développées dans ces pays défavorisés ne peuvent que suivre un alignement sur les positions imposées par les pays avancés, ce qui contribue à alimenter les frustrations à l’égard de ces derniers.

187

Dans ces conditions, le clivage Nord-Sud apparaît être beaucoup plus qu’une simple formulation de la presse définissant des intérêts économiques divergents

, les négociations sont arrivées à un point critique à cause de deux obstacles majeurs : d’une part, après avoir couvert progressivement presque tous les domaines importants de l’activité économique, les échanges mondiaux sont arrivés, lentement mais inévitablement, à un point où, au cœur des débats se trouvent des domaines hautement sensibles et traditionnellement sous haut contrôle national, comme l’agriculture ou la liberté d’établissement des services. D’autre part, la redistribution des cartes concernant le tableau contemporain des puissances commerciales mondiales – avec une Amérique enregistrant une croissance économique fragile, un pôle asiatique en pleine expansion vu les rythmes de croissance indien et chinois, un Brésil affichant de plus en plus ses ambitions de leader du continent sud-américain et une Europe en quête d’éliminer ses problèmes d’endettement – se fait, inexorablement, à la lumière des considérations géopolitiques.

188

185 WTO, Industrial Tariff Liberalization, p. 7.

. Ce

186 VENTURINI, en observant que les pays avancés économiquement appliquent un taux d’imposition de 2,1% sur les exportations des autres pays développés, loin de celui de 3,9 % enregistré pour les produits provenant des pays en développement et de celui de 3,1% appliqué à l’égard des marchandises importées des pays moins avancés, explique que dans des industries telles que les textiles et les habits, la gomme, la maroquinerie et les chaussures ou l’industrie des poissons, les pays fort économiquement perçoivent encore à l’encontre des pays en développement des droits élevés et progressifs : « permangono dazi elevati o progessivi (che cioè aumentano con il progredire della transformazione del prodotto) e "picchi" tariffari (definiti quali dazi di almeno tre volte più alti rispetto alla media della tariffa doganale: essi representatno circa il 10% dei dazi al’importazzione nei Paesi sviluppati) » (Il negoziato NAMA, p. 122). 187 DEFARGES MOREAU, Mondialisation, Multilatéralisme, et Gouvernance globale, p. 903. 188 Pour ABDELMALKI & SANDRETTO, il fait partie des sept concepts choisis pour définir le commerce mondial dans le dernier quart de siècle : « essor des échanges, interdépendances croissantes, hiérarchisation et polarisation renforcées, asymétries, notamment Nord-Sud,

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fossé s’est agrandi durant les dernières années et apparaît de manière toujours plus éloquente dans le cadre du système de l’OMC qui, depuis sa création, a de la peine à réconcilier tous les intérêts présents pendant les négociations. En outre, l’image qu’offre aujourd’hui l’OMC reflète un certain degré atteint dans l’évolution des relations économiques internationales, un point où plusieurs questions surgissent : le système actuel multilatéral doit-il se réformer ? et, si oui, quels seraient les éléments clefs de cette réforme ? La répartition des pouvoirs au sein de l’OMC encourage-t-elle la vraie négociation ou s’agit-il plutôt de choix imposés aux acteurs de moindre importance ? Les grandes puissances peuvent-elles accepter une diminution de leur sphère d’influence au bénéfice des nouveaux leaders ?

Aucune de ces questions ne trouve de réponse simple. Une vérité est quand même hors de tout débat : dans le système OMC, les cartes à jouer sont encore dans les mains des acteurs majeurs de la scène internationale et beaucoup dépendra de leur vision du monde à venir189. Il faut pourtant remarquer, à l’instar d’une partie de la doctrine, que « le fait que l’Organe de règlement des différends de l’OMC ait donné gain de cause au Brésil contre les Etats-Unis sur le coton et contre l’Europe sur le sucre montre que les échecs des conférences ministérielles n’empêchent pas la consolidation juridique du multilatéralisme commercial »190

En essayant d’apercevoir une solution aux défis multiples d’un monde globalisé actuel et surtout futur, nous considérons que le multilatéralisme représente la solution viable à retenir

.

191

vulnérabilité des pays du Sud, avènement de nouveaux pays industrialisés, tertiarisation » (Les " sept mots " du commerce mondial contemporain, p. 14ss).

. Tous ces problèmes ne peuvent plus trouver de solution nationale, mais au minimum un projet régional qui pourrait être étendu à l’échelle planétaire. Que

189 MORTENSEN constate que: « The legalisation, privatisation and constitutionalisation processes within WTO are political choices. This is not a coincidence. The institutions which govern globalisation are reflections of the rules and procedures of the dominant actors (…). The governance debate is, therefore, a necessary part of the future globalization research. It is only when we have established the “who governs” questions that is possible to address the “who benefits” question, and discuss whether that was the intention behind the arrangement, and how to correct this misfit between aspirations and actual practice of trade governance » (The Institutional Requirements of the WTO, p. 188). 190 ABBAS, Eléments d’analyse de la crise du multilatéralisme, p. 893; les deux affaires évoquées par l’auteur concernaient deux cas où le Brésil, grande puissance émergeante, avait obtenu des victoires significatives contre les grands acteurs de l’OMC : d’abord, dans l’affaire « États-Unis - Subventions concernant le coton Upland » (WT/DS267/AB/R), l'Organe de règlement des différends avait adopté des documents, y compris le rapport du 3 mars 2005 rendu par le Groupe spécial de règlement des différends, visant à ce que les États-Unis retirent les subventions prohibées au titre des programmes de garantie du crédit à l'exportation; ensuite, dans l’affaire « Communautés Européennes - Subventions à L'exportation de Sucre » (WT/DS265/AB/R, WT/DS266/AB/R, WT/DS283/AB/R) la décision de l’Organe d’appel confirmait toutes les conclusions du Groupe spécial de règlement des différends qui avait constaté, le 28 avril 2005, que l’UE subventionnait ses exportations de sucre au-dessus du niveau formellement notifié à l’OMC, ce que l’on appelle sa « liste d’engagement », donc en violation de l’Accord de l’OMC sur l’agriculture, constatation majeure confirmée par l’Organe d’appel. 191 On peut appuyer cette idée en citant HALLAERT qui observe que « If both multilateral and preferential liberalizations erode preferences, there is a key difference between them: the distribution of welfare gains. (…) the gains from PTAs are limited to signatories and tend to come at the expense of the rest of the world. (…) In contrast, virtually all countries gain from multilateral liberalization » (Proliferation of Preferential Trade Agreements, p. 823).

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ce soit la protection de l’environnement ou le développement durable, la régulation des flux commerciaux mondiaux ou le respect des droits de l’Homme, l’accès à l’éducation ou l’exportation des technologies, le contrôle du commerce des armes ou le terrorisme international, dans tous ces cas une réponse globale, ayant comme fondements les avantages d’un système multilatéral, doit être trouvée. Même dans les domaines les plus sensibles, à l’exemple de l’agriculture, la solution multilatérale est indéniablement plus avantageuse à long terme que l’approche protectionniste192

Bien qu’assez ancien.

193, le concept de multilatéralisme garde son importance, il reste à le façonner afin qu’il reflète les réalités du monde contemporain. Il s’agit en effet du seul système permettant de varier les actions entamées afin de trouver des solutions viables aux défis du commerce mondial actuel. A cause de son large éventail d’application, il constitue l’approche particulière offrant – entre les membres d’une communauté internationale autant interconnectée que celle que nous connaissons- les moyens pour gérer les crises potentielles et résoudre les conflits. Ceci par le biais des différentes étapes, allant de la prévention et de la médiation, en passant par les missions de bons offices pour arriver aux sanctions économiques, aux embargos et, assez exceptionnellement aujourd’hui, à l’intervention armée. Autrement dit, malgré ses imperfections, le multilatéralisme s’avère être une réponse adéquate aux grands problèmes du monde contemporain alors que la solution bilatérale ne peut plus représenter un cadre adéquat pour contenir et régler les questions actuelles. Parmi les solutions à envisager pour l’avenir, la doctrine a surtout insisté sur la nécessité de réformer l’Organe de règlement des différends, en examinant la possibilité de créer un mécanisme de référé - analogue à celui qui, dans les procédures nationales, statue provisoirement dans des cas urgents - afin de permettre une décision plus rapide pour les litiges soulevés, et le positionnement dans les rapports avec la société civile194

L’évolution du multilatéralisme est intrinsèquement liée à l’évolution de l’ordre juridique mis en place à travers le système OMC. Il est évident qu'une conception limitée de l'OMC, percevant la législation issue de cette institution comme une part d’un système

.

192 STIGLITZ & CHARLTON observent à juste titre les désavantages du protectionnisme agricole : « First, preferential agreements harm those countries that are not in the agreement, including many which are very poor. (…). Second, if the developing countries only sell part of their production in preferential markets, then they are selling the rest of their output at lower than normal prices because of the depressing effect of OECD protection on prices in the rest of the international market » (Fair Trade for All, p. 225ss). 193 Déjà en 1941, il était observé que « le commerce international reflète l’interdépendance qui existe entre les divers pays. L’amélioration des facilités de transport, au cours des cent dernières années, a permis d’accroître progressivement le nombre des produits qui pouvaient être échangés non seulement dans le commerce local entre Etats voisins, mais encore dans le monde entier. Des pays de plus en plus nombreux ont été ainsi attirés dans l’orbite de "l’économie mondiale" et les répercussions économiques des phénomènes locaux se sont étendues sans cesse davantage à des vastes régions » (Société des Nations, p. 84). 194 Pour RICHEZ-BAUM, « l’OMC souffre de plusieurs maux. Tout d’abord, l’exercice de réductions tarifaires arrive à ses limites, les cycles précédents ayant réduit par leur succès les marges de manœuvre encore possibles. Dans le même temps, l’OMC ne s’est pas renouvelée en abordant davantage les règles qui régissent le commerce mondial; les problématiques liées à l’investissement et à la concurrence, principalement, ont été exclues de l’agenda du cycle de Doha. Par ailleurs, et plus grave encore, l’OMC souffre d’un modèle décisionnel basé sur l’unanimité en imposant à tous des concessions fondées sur le modèle ricardien dépassé des avantages comparatifs » (La réforme de l’OMC, p. 418).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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légal fermé, mènera à des résultats différents de ceux engendrés par une approche plus progressive, considérant le droit de l’OMC comme une partie du corps législatif élargi du droit international. En même temps, cette dernière solution n’est pas sans risques car une forte extension des domaines couverts par les négociations peut toujours aboutir à un affaiblissement de sa spécificité. Du point de vue des évolutions enregistrées jusqu’à présent au sein de l’OMC, il apparaît que, alors que les documents institutionnels ont laissé la porte ouverte en faveur de cette conception élargie du droit OMC, avec le Préambule à l’Accord OMC faisant référence expressis verbis au développement durable et au droit international développé quant à ce concept (par. 1), la jurisprudence OMC s’est montrée pour sa part beaucoup plus réticente en statuant, malgré ses vœux souhaitant que la lecture du droit OMC ne soit pas faite dans une isolation clinique par rapport au droit international, qu’il ne faut pas considérer que les obligations découlant des droits environnementaux et des droits de l’Homme devraient automatiquement être considérées comme « normes légales » dans le contexte de l’OMC195

En ce qui concerne l’émergence du concept du développement durable, censé concilier à la fois la croissance économique et les impératifs environnementaux, il faut admettre le fait que c’est indéniablement la solution de l’avenir. Bien plus qu’une hypothétique OME, qui ne ferait qu’alourdir un peu plus le nombre des institutions déjà en place au niveau international

.

196, il faudrait un changement de stratégie économique mondiale, permettant l’émergence des nouvelles formes de commerce à l’échelle mondiale197, ainsi que la création d’un cadre d’action multilatéral198 favorisant l’épanouissement économique des pays confrontés de nos jours à la détresse, parallèlement à l’utilisation rationnelle des ressources de la Terre, dans un contexte général de clarification et de simplification des rapports entre le commerce et l’environnement 199

Quant à l’augmentation des structures régionales, il s’avère difficile de tirer un bilan sur son influence à l’encontre du système commercial mondial actuellement en place : une chose est sûre, l’interaction s’exerce des deux côtés, entre la propagation du

.

195 Rapport de l’Organe d’Appel de l’OMC dans l’Affaire United States – Standards for Reformulated and Conventional Gasoline, WT/DS2/AB/R, adopté le 20 mai 1996. 196 Pour GAINES, la création d’une telle organisation n’aura pas forcement des conséquences pratiques positives : celle-ci « would confront the same objective realities about environmental management weaknesses, economic development aspirations, and the balance of political power within and among nations that have hindered existing environmental organizations » (The Problem of Enforcing Environmental Norms in the WTO, p. 343). 197 Pour un aperçu complet des notions telles que le commerce alternatif, le commerce équitable, le commerce durable, le commerce éthique ou le commerce responsable, voir STÜCKELBERGER, Une éthique du commerce mondial, p. 21. 198 C’est également l’avis majoritaire de la doctrine, sauf des positions assez singulières en faveur de l’unilatéralisme dans les échanges commerciaux internationaux, à l’exemple de CHARNOVITZ, qui croit que « thus, the issue is not if unilateralism is justified, but rather when is justified. The strongest justification for environmental unilateralism is to implement a treaty obligation, undertaken (voluntarily) by a nation » (Environmentalism Confronts GATT Rules, p. 45). 199 Parmi les avantages découlant d’une telle clarification, DESTA identifie, d’une part, la sauvegarde de la liberté des plus petites nations commerçantes pour déterminer les normes environnementales qu'elles voient comme les plus appropriées selon leur niveau de développement et, d’autre part, la reformulation des règles actuelles du multilatéralisme dans les politiques commerciales et environnementales, et l’élimination de l'unilatéralisme économique affiché par les Etats les plus grands et plus puissants (Food Security and International Trade Law, p. 449ss).

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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régionalisme et le multilatéralisme, en tant que stratégie économique guidant les échanges économiques contemporains au niveau international200

En même temps, suivant une réflexion doctrinale toujours d’actualité, il existe un réel « besoin de clarification »

.

201

Il faut pourtant garder à l’esprit les avantages d’une régionalisation proprement mise en place

de la relation multilatéralisme - régionalisme, si on considère qu’actuellement le risque que la détermination affichée par différents pays pour mettre en place des structures bilatérales ou régionales aboutisse en même temps à les éloigner du champ d’action réunissant les acteurs étatiques déployant des efforts afin de développer sur des bons rails le multilatéralisme économique.

202

Quant au rôle que l’Etat est appelé à jouer à l’heure du commerce globalisé, le besoin de reformuler le périmètre et les moyens d’action de celui-ci est évident, dans un moment ou « les firmes transnationales à stratégie globale, procédant par implantation, fusions, acquisitions, accords de coopération etc. tendent souvent à créer des marchés oligopolistiques au plan mondial »

, envisagée comme une contrepartie et, pourquoi pas, un modèle potentiel pour un processus plus juste de mondialisation.

203

Enfin, en ce qui concerne le rapport entre la mondialisation et le danger terroriste, on a conclu que la communauté internationale devrait avoir comme principal objectif le renforcement de ses efforts destinés, d’une part, à réduire les inégalités entre les différentes régions du monde et, d’autre part, à promouvoir un commerce mondial équitable, bénéfique pour tous et capable ainsi de limiter le plus possible les frustrations engendrant dans certaines régions la haine et les actions violentes.

.

Comme tableau général il faut par conséquent retenir que, malgré tous les problèmes signalés auparavant, on ne peut éluder les aspects positifs apportés, par la globalisation, au développement des échanges de biens et marchandises, à partir de 1994. Sans adopter une attitude triomphaliste, il est juste de reconnaître l’impact positif dudit phénomène sur la croissance économique mondiale, en favorisant l’interconnexion commerciale entre espaces, peuples et mentalités éloignées.

200 PREUSSE résume le mieux le débat que la doctrine connaît en raison de la montée en puissance du phénomène de la régionalisation dans l’économie mondiale : « The interpretation of this new trend from the economic point of view is controversial. While traditional trade theory emphasis the discriminatory character of regionalization and points out the potential threat for the multilateral trading system, new theoretical and empirical work, on the dynamic effects of economic integration supports a more positive view of regional trading arrangements. The positive effects of regionalization are expected to be significant in the case of deep integration that is the formation of common markets including free flows of capital and labour and a comprehensive harmonization of institutions and regulations. Under these conditions, regionalization becomes a promoter of multilateral free trade » (Regional Integration in the Nineties, p. 149). 201 Peu après la création de l’OMC, FLORY Th. affirmait déjà que « l’articulation entre le nouveau régime commercial à vocation mondiale et le développement des blocs régionaux de plus en plus puissants comporte en l’état actuel de nombreux points d’incertitude qui devront à l’avenir être clarifiés » (La mise en place, p. 111). 202 Pour KEBABDIJAN, « l’originalité de la régionalisation, par rapport à la mondialisation, est de développer des champs nouveaux d’intégration. Un de ces champs est celui des normes, des institutions et des politiques. Les seules formes de gouvernance de la globalisation qui existent dans le monde sont, en effet, inscrites régionalement. (…) Un aspect important de cette diversité concerne les formes d’organisation entre pays ou régions ayant des niveaux inégaux de développement » (Europe et globalisation, p. 40). 203 TOUSCOZ, Conclusions, p. 167.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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Bien que, pour certains, la globalisation, dans son approche économique relative aux échanges commerciaux réglementés au sein de l’OMC, est un phénomène ayant produit plus de mal que de bien (donc rejetable tout en revenant aux stratégies purement nationales), nous considérons que la question fondamentale n’est pas de savoir si cette évolution devrait continuer à avoir lieu (elle doit se poursuivre, car plus de commerce signifie plus de chances pour aboutir à une prospérité matérielle204

Le protectionnisme ne peut pas représenter une solution, mais le multilatéralisme ne peut subsister dans sa forme actuelle. Son réajustement signifierait qu’il serait impérieux, sans remettre en question la libéralisation des échanges internationaux des marchandises, des monnaies, des capitaux et des investissements, de reformuler les règles du jeu à l’échelle planétaire, ceci afin que tous les intérêts en jeu soient pris en compte.

), mais plutôt comment la rendre plus efficace pour la population de la Terre.

Pour conclure, il faut reconnaître que la mondialisation des échanges de marchandises suit l’évolution du cadre général offert au sein du système OMC. L’une des causes du fossé Nord-Sud découle du fait que le développement du Sud reste pour l’instant bloqué à cause de la protection accordée par les pays du Nord pour leurs préférences collectives (les mesures sociales, l’agriculture, l’environnement), qui sont des préférences différentes par rapport à celles faisant l’objet des échanges commerciaux205

La septième et, jusqu’à présent, dernière conférence ministérielle de l’OMC, qui s’est déroulée fin novembre 2009 à Genève, n’a fait que confirmer ce blocage : à l’exception du fait que, selon Pascal Lamy, les trois jours de réunion avaient permis d'accumuler « l'énergie politique »

. Du fait que les préférences ne sont pas les mêmes pour les parties à la table des négociations, il est certain par conséquent que leur généralisation reviendrait en d’autres termes à un retour à une ère protectionniste, où chaque participant au commerce mondial favorise, de manière plus ou moins visible, ses propres produits.

206 nécessaire pour conclure le Cycle de Doha, les résultats de ladite conférence ont été plutôt faibles207

Par contre, un réajustement considérable a été enregistré dans le camp des pays en développement, où vingt-deux Etats, regroupant le « G20 de l’OMC »

, aucune percée majeure n’étant à signaler.

208

204 « L’OCDE estime qu’une augmentation du commerce de 10 % conduit à long terme à une croissance du revenu moyen par habitant de 4 % dans ses pays membres. Cela ne vaut toutefois pas uniquement pour la zone OCDE, mais également pour les pays en développement et les pays émergents, qui ont enregistré d’importants gains de prospérité grâce à l’intégration économique. Les études de la Banque mondiale montrent que, dans le monde, le nombre d’hommes vivant dans une extrême pauvreté a reculé de 53 % à 26 % entre 1981 et 2005 » (CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 433).

et deux Etats

205 Il est intéressant de signaler pourtant que, les Etats-Unis seraient, avec le Canada, les seuls perdants d’une libéralisation multilatérale dans les échanges de marchandises : « They would lose from a multilateral liberalization in trade and goods. But their loss is negligible and, actually, less than the GDP measurement error. At most, the US loss would amount to 0.005% of its initial GDP and Canada 0.03%. Moreover, this loss may be overestimated since the simulation ignores the services sector, in which the United States is expected to be a major winner from multilateral liberalization » (HALLAERT, op.cit., p. 823). 206 OMC, Jour 3. 207 OMC, Résumé du Président. 208 Cf. supra p. 34; quant à la répartition des pouvoirs entre les puissances émergeantes au sein dudit Groupe, la doctrine a expliqué que “ la Chine, de par son poids économique, confère une légitimité

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Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales

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non membres de l’OMC209, ont signé le premier accord multilatéral entre les pays du Sud, instrument préférentiel qui se propose d’abaisser les droits de douane de 20 % en moyenne sur 70 % des produits de ces pays: selon les estimations, une telle réduction « augmenterait leurs exportations de 11.7 milliards de dollars par année »210

Il apparaît donc vraisemblable que, pour surmonter l’actuel conflit d’intérêts, il faudra que la communauté internationale puisse arriver à identifier des biens publics mondiaux, objet à la fois d’une garantie collective et d’une défense commune.

.

En outre, suivant une opinion récente, il faudra peut-être assister à un changement dans la politique menée à l’OMC avec, d’une part, l’abandon de son ancien rôle de catalyseur et le passage vers un niveau plus élaboré, celui de stabilisateur, dans lequel le mécanisme de règlement des différends prendrait le dessus sur les négociations longues et, souvent, inefficaces et, d’autre part, l’instauration d’un système d’action permettant les géométries variables à la place de la « politique du paquet unique » impliquant l’obligation de respect de la même norme par tous les membres211

Enfin, et surtout, il faudra repenser les ressorts conditionnant l’interaction entre le régionalisme et le multilatéralisme dans les politiques élaborées à l’OMC

.

212

.

et une crédibilité certaines à ce groupe, même si elle n’est pas la première à monter au créneau et laisse au Brésil le soin d’assumer le rôle de leader politique » (NICOLAS, La Chine, p. 855). 209 L’Algérie et l’Iran. 210 ETWAREEA, La mini-ministérielle de Genève, p. 21. 211 PAUWELYN, trad. anglais, New Trade Politics for the 21st Century, p. 567. 212 En évoquant, parmi d’autres exemples, le TTFSEE, MAUR insiste sur le lien qui doit exister entre les solutions régionales et le cadre multilatéral du commerce international : « Regional solutions to trade facilitation should not always be thought as a substitute to multilateral, national or other regional interventions, but also a complement. (…) It is also a fact that, in order to become operational, regional cooperation has to rest on international rules and institutions » (Regionalism and Trade Facilitation, p. 1005).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

Section A Le commerce des marchandises au sein de la politique commerciale commune de l’UE

Ayant à l’esprit l’objet de cet ouvrage, focalisé sur le commerce des biens entre

l’UE et la Suisse en tant qu’état tiers, nous n’insisterons pas sur la question des échanges des marchandises à l’intérieur de l’Europe, nécessitant une radiographie détaillée des aspects techniques engendrés par le commerce des marchandises au sein de l’UE213, mais nous déterminerons plutôt l’incidence de ce domaine sur la politique globale menée par Bruxelles, en insistant sur l’intégration de celui-ci dans l’architecture complexe des relations extérieures de l’UE, et décrivant ainsi le volet extérieur de ce type de commerce. Cette approche est d’autant plus recommandée que l’UE, sur la base d’un volume impressionnant des échanges intracommunautaires (60% du commerce de l’Union), assurait – selon un examen de 2008 - un 38% du commerce mondial des marchandises, bien devant l’Amérique du Nord qui comptait seulement 22%214. Avec une expérience acquise progressivement pendant les dernières quatre décennies, l’UE représente actuellement le premier bloc commercial de la planète, sa puissance résultant de l’imbrication entre les aspects liés à sa stratégie et à l’activité de ses institutions215

Pour mieux comprendre les changements intervenus dans le régime de la PCC.

216

Dès les débuts du projet européen destiné à promouvoir la paix et la prospérité sur un continent ravagé par la deuxième guerre mondiale, la politique commerciale a été choisie, à côté de la politique agricole commune et de la politique des transports, comme un des trois piliers du nouveau projet économique communautaire, axé sur la mise en valeur conjointe des ressources naturelles, technologiques et humaines de l’Europe. Par la suite, le caractère exclusif de la compétence communautaire dans cette matière a été

, suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il faut absolument revisiter les évolutions législatives et les actions de l’UE sous le régime du TCE.

213 MERCIER décortique le régime général de la circulation des marchandises au sein de l’UE, avec ses trois piliers : le régime communautaire des importations (L’Union européenne et la circulation des marchandises, p. 4 à 148), le régime communautaire des exportations (Id., p. 149 à 198) et les relations conventionnelles de la Communauté avec les pays tiers ou les organisations internationales (Id., p. 199 à 347). 214 MONTHÉ (L’Union Européenne, p. 3), qui identifie également les facteurs de la puissance européenne (un riche héritage, une population nombreuse et qualifiée et des réseaux de transport performants) et les limites de celle-ci (une capacité d’innovation insuffisamment valorisée, une dépendance multiforme). 215 « The trade power of the EU comes above all from the strength of its internal market and the efficiency of its institutions in negotiating lucrative commercial deals » ( MEUNIER & NICOLAÏDIS, The European Union as a conflicted trade power, p. 113). 216 Du point de vue formel, le Traité de Lisbonne (art. 2 ch. 112 TL) a réaménagé la place de la PCC au sein de l’action extérieure de l’UE, contenue dans le nouveau TfUE : ainsi, le titre IX du TCE, intitulé «LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE», est devenu le nouveau Titre II du TfUE, inséré dans la cinquième partie sur l'action extérieure de l'UE; du point de vue des dispositions légales en matière, l’art. 131 TCE a été modifié au sein du nouvel art. 206 TfUE et l’art. 133 TCE a été remplacé par le nouvel art. 207 TfUE.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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constamment réaffirmé par la CJCE217

Suivant la doctrine, la politique commerciale a vocation à appréhender l’ensemble des relations économiques avec les pays tiers

, en servant de parfait exemple de la méthode d’intégration prônée par les pères fondateurs du projet européen.

218. En effet, si, à l’aube de la construction communautaire, le Traité de Rome prévoyait seulement trois types d’accords internationaux – les accords tarifaires et commerciaux, figurant à l’art. 133 TCE, les accords passés avec d’autres organisations internationales, réglementés par les articles 302 à 304 TCE (nouvel art. 220ss TfUE), et les accords d’association de l’art. 310 TCE (nouvel art. 217 TfUE) – la suite du développement législatif communautaire a enregistré un accroissement progressif des domaines d’action dont l’utilisation renforcerait la politique commerciale commune, l’Acte unique de 1986 et le Traité de Maastricht ayant étendu les possibilités de conclusion d’accords externes dans de nombreux autres domaines219. La CJCE a également apporté une vraie contribution quant à l’élargissement de la compétence communautaire en matière de relations extérieures, y compris dans la sphère touchant les échanges commerciaux internationaux, en définissant tant le contenu que les limites de ces pouvoirs220

Reposant sur une politique douanière et sur des règles commerciales communes, la PCC représente l’équivalent du marché unique en ce qui concerne les relations de l’UE avec les pays tiers. Il faut pourtant souligner que les germes de l’unification douanière européenne - achevée complètement dès 1968 et permettant une taxation identique d’une marchandise importée sur le territoire de l’UE, qu’elle entre sur le marché européen à Hambourg ou Barcelone - se sont retrouvés dans la réflexion juridique avant même la deuxième guerre mondiale, quand était exprimé non seulement le souhait pour une Union douanière à l’intérieur du continent

.

221, mais que l’importance d’une bonne politique tarifaire pour l’ensemble d’une politique commerciale était également soulignée222

217 Avis 1/78.

.

218 PESCATORE, La politique commerciale, p. 921. 219 Les nouveaux domaines ont visé la recherche et le développement technologique (art. 170 TCE repris par le nouvel art. 186 TfUE), l’environnement (art. 174 TCE repris par le nouvel art. 191 TfUE), ou la coopération au développement (art. 181 TCE repris par le nouvel art. 211 TfUE, prévoyant la possibilité pour la Communauté, sous réserve de la compétence des États membres, de coopérer avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes, dans les mêmes conditions procédurales que pour les précités articles 170 et 174 TCE). 220 CJCE, Aff. 22/70 : « Chaque fois que, pour la mise en œuvre d’une politique commune prévue par le traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles communes, les États membres ne sont plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou même collectivement, de contracter avec les États tiers des obligations affectant ces règles » (p. 263); voir le commentaire de NEFRAMI, Cour de justice, p. 113. 221 En 1928, CRISTU, soutenant déjà que « l’Union douanière est certainement le vrai moyen de mettre fin à l’anarchie économique européenne » (p. 223), proposait comme mesures à prendre « 1. l’unification de la nomenclature douanière; 2. l’insertion dans les tarifs de commerce de la clause de la nation la plus favorisée; 3. la suppression des prohibitions d’importation et d’exportation; 4. la suppression des inégalités , en ce qui concerne le traitement des étrangers, personnes physiques et morales, au point de vue juridique et fiscal » (L’Union Douanière Européenne, p. 235-236). 222 « Il est parfaitement vrai que le développement économique d’un pays n’est pas conditionné de façon exclusive par sa politique tarifaire; mais le fait de constater que des pays libre-échangistes et des pays protectionnistes ont subi un développement commercial à peu près comparable, n’implique pas la conclusion que la politique douanière n’a pas une grande importance » (CRISTU, op. cit., p. 92-93).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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Malgré tout, pendant longtemps, la législation sur le commerce extérieur a reçu peu d’attention de la part de la Commission et de la doctrine. La construction de l’Europe passait prioritairement à travers l’achèvement d’un marché intérieur. Une panoplie d’accords régionaux a été graduellement mise en place, parallèlement à la réactivation des liens privilégiés de l’Europe avec ses anciennes colonies. Alors que la mondialisation se dessinait toujours plus vigoureusement pendant les dernières décennies, l’explosion du commerce extérieur et la prise en compte de son importance déterminante pour la croissance économique et, partant, pour la prospérité de la population européenne, ont repositionné ledit commerce pour le mettre au centre des préoccupations affichées en matière de politique extérieure par Bruxelles.

Actuellement, à côté du volet interne concernant la libre circulation des marchandises entre les Etats membres, l’Union douanière comporte un volet extérieur établi sur la politique tarifaire commune envers les Etats tiers : ainsi, l’UE bénéficie d’un important bagage d’instruments lui permettant de développer différents types de stratégies économiques, en fonction des partenaires commerciaux en jeu. Ces instruments sont, en premier lieu, les principes uniformes de l’art. 133 al. 1 TCE, repris par le nouvel art. 207 al. 1 TfUE et réglant principalement les accords commerciaux223, l'uniformisation des mesures de libération, la politique d’exportation et les mesures de défense commerciale, deuxièmement, le SPG224, en fait un ensemble de politiques commerciales spécifiques lancées vers plusieurs zones géographiques sous-développées et avec certains pays en transition afin que ceux-ci puissent se développer par leurs propres moyens; enfin, les instruments dits de défense commerciale (art. 133 al. 1 TCE in fine et repris par le nouvel art. 207 al. 1 TfUE), ayant pour but à la fois de garantir un commerce équitable et de défendre les intérêts des entreprises européennes conformément aux accords de l'OMC et, en même temps, offrant à ses membres le droit de lutter contre les pratiques déloyales, à l’aide de trois paquets de mesures : les mesures anti-dumping225, les mesures anti-subvention226 et les mesures de sauvegarde227

Suivant la doctrine, le volet matériel de cette politique est représenté par l’intégration dans l’ensemble de l’ordre juridique communautaire des mesures que la CE, dans le cadre de l’ancien premier des trois piliers de l’UE, prenait de manière autonome

.

223 Les accords de commerce, les accords d’association, les accords de coopération et les aides au développement, dont le volet économique est le plus important, sont autant des instruments économiques utilisés comme moyens de politique étrangère, cette connotation politique ressortant du fait qu’ils peuvent remplir plusieurs fonctions politiques, telles que « constituer un préambule à un rapport politique bilatéral, sanctionner une relation politique existante, assurer un équilibre politique entre partenaires opposés ou contrebalancer une présence antagoniste dans les pays bénéficiaires de l’accord » (DE WILDE D’ESTMAEL, La dimension politique des relations économiques extérieures de la Communauté, p. 24). 224 En ce qui concerne le SPG, McKENZIE considère que « despite presenting a number of legal and practical challenges, it is an approach that has significant potential and merits further consideration by trade and climate change policymakers in developed countries » (Climate Change, p. 695). 225 C’est la situation quand, pour des produits franchissant le territoire douanier commun, la Commission impose des droits compensatoires, à la demande d'une entreprise européenne lésée par la pratique qui consiste dans la fixation, par les producteurs d'un pays tiers, d’un prix de vente inférieur au prix pratiqué sur leur marché national ou au coût de production. 226 Il s’agit du cas où la Commission, ayant la conviction qu'un produit importé est subventionné par son Etat d'origine, peut recourir à des droits compensatoires. 227 C’est la situation quand, sur requête de la part d'un ou de plusieurs Etats membres, la Commission peut temporairement limiter les importations d'un produit, si un secteur est en difficulté.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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ou sur la base des engagements internationaux assumés par Bruxelles228. Dans l’exercice de cette politique et guidée ainsi par le souci de trouver de nouvelles formes d’action pour répondre aux défis économiques de demain229

Avec comme fondement l’art. 131 TCE - dont les trois objectifs de la PCC ont été gardés, voir même renforcés, suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne

, l’UE adopte deux types de stratégie commerciale : d’une part, celle défensive, consistant à contrôler strictement l’entrée des produits étrangers sur le territoire européen et, d’autre part, celle offensive, construite dans le but de trouver les meilleures solutions pour l’accès des produits européens sur les marchés des Etats tiers.

230 - et bénéficiant d’une riche jurisprudence évolutive, la PCC est devenue progressivement un des outils permettant à l’UE de peser comme un acteur indispensable du commerce mondial. Nous pouvons clairement voire la place stratégique occupée par la politique commerciale commune dans l’ensemble des instruments permettant à l’UE de s’affirmer dans le monde: cette politique permet, d’une part, l’exploitation des ressources de l’Union et la mise en valeur du savoir-faire acquis pendant des générations et, d’autre part, la promotion d’un certain modèle pour bâtir des rapports économiques dans le monde, étroitement lié aux problématiques majeures de la société (environnement, changement climatique, développement durable); enfin, il ne faut pas oublier que cette politique permet également la reconnaissance du rôle extrêmement important que Bruxelles joue actuellement sur l’échiquier géopolitique planétaire231

Puisque la stratégie commerciale globale de l’UE est intrinsèquement liée à l’OMC, il apparaît ainsi évident que les transformations subies par le mécanisme mis en place lors des Accords de Marrakech sont au cœur des intérêts exponentiels affichés par Bruxelles dans le domaine des relations économiques extérieures

.

232

228 OCHSNER, La politique commerciale de l’UE, p. 36.

. Il s’agit d’une relation complexe, que le Traité de Lisbonne apporte quelques modifications à la

229 OCDE identifiait comme les nouveaux défis pour la politique économique de l’UE la tâche de promouvoir le marché commun, d’ouvrir les industries de réseau à la concurrence, de lever les obstacles à la mobilité des travailleurs, de renforcer l’efficacité de la politique de cohésion régionale, et de renforcer le rôle de Bruxelles dans le monde (OCDE, Etude économique de l’UE 2007, p. 1). 230 Le nouvel art. 206 TfUE, en simplifiant son libellé par l’annulation des dispositions du 2ème alinéa de l’art. 131 TCE, stipule que les trois objectifs de la PCC (développement harmonieux du commerce mondial, la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux, la réduction des barrières douanières) seront dorénavant la tâche de l’Union, et non plus des Etats membres. En outre, des nouveaux domaines ont été rajoutés, soit directement dans le texte du traité - les investissements étrangers directs – soit en indiquant « la réduction des barrières douanières et autres ». 231 BLIN considère, à juste titre selon nous, que « les modalités consacrées dans les dispositions relatives à la politique commerciale conditionnent très largement le rayonnement international de l’Europe et sa capacité à promouvoir de manière crédible sa propre vision de la mondialisation, qu’elle souhaite plus équilibrée et plus équitablement partagée » (L’Apport de la Constitution européenne, p. 90). 232 RICHEZ-BAUM souligne l’importance du bon choix quant à la stratégie commerciale globale de l’UE, construite en relation directe avec la réforme de l’OMC : « Il est pourtant essentiel que l’Europe définisse la libéralisation qu’elle veut. La compétitivité de l’Union européenne ne peut être détachée d’une analyse stratégique des enjeux et des choix commerciaux internationaux. (…) À défaut d’une telle réflexion et d’une doctrine internationale, l’Union européenne risque de limiter sa politique commerciale à une politique de suivisme » (op. cit., p. 417).

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politique commerciale commune, celles-ci pouvant représenter des nouveaux points de départ quant aux stratégies à adopter. Ainsi, dans l’effort de rapprocher l’Europe de ses citoyens, de rendre son pouvoir décisionnel plus compréhensible à ceux directement concernés, les pouvoirs du Parlement européen seront largement étendus dans cette matière : la Commission aura ainsi l’obligation de l’informer de l’avancée des négociations, au même titre que le comité spécial du Conseil (art. 207 ch. 3 al. 3 TfUE). En outre, un grand pas en avant sera accompli dans la direction du renforcement de l’homogénéité décisionnelle, puisque il y aura plus de clarification entre les accords soumis à la majorité qualifiée et ceux sujet à l’unanimité (art. 207 ch. 4 TfUE)233

Concernant strictement la stratégie commerciale internationale de l’UE, la Commission européenne avait lancé un nouveau concept lors de sa communication de 2006

.

234. Ce programme envisageait la force économique de l’Europe comme le résultat de l’imbrication de deux données fondamentales : la compétitivité de ses exportations au niveau mondial et l’accès renforcé sur son territoire des produits manufacturés étrangers, à l’aide d’une politique appropriée concernant les importations. Dans ce but, la stratégie économique de l’Europe avait redéfini les priorités de la politique commerciale de Bruxelles : d’une part, il fallait garantir l’ouverture des marchés pour les importations dans l’UE et, d’autre part, il fallait améliorer l’accès aux marchés pour les exportateurs européens. Ceci à travers une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle à l’échelon mondial, comme élément essentiel pour les entreprises européennes ayant beaucoup investi dans la conception et l’innovation et, surtout, un accès meilleur sur les marchés asiatiques, en éliminant certains obstacles au commerce à l’aide d’une nouvelle génération d’accords de libre-échange avec les économies d’Asie. Enfin, ledit concept lançait également une stratégie supplémentaire, conçue par des moyens indirects, utilisée désormais par Bruxelles dans sa lutte incessante pour ne pas perdre du terrain dans la bataille, l’opposant au colosse outre-atlantique, pour la domination des échanges commerciaux mondiaux: elle a ainsi exprimé, en ce qui concerne des droits d’accès sur les différents marchés, la volonté de se voir accorder, par les partenaires de négociation, des droits équivalents à ceux qui feront l’objet d’accords de libre-échange entre ces partenaires et des parties tierces235

Deux ans après la publication de ladite communication, la Commission lançait, fin 2008, un rapport sur le commerce et la compétitivité qui décortiquait l’impact de Bruxelles dans l’économie globale contemporaine à la lumière des conditions concurrentielles actuelles. En abordant les forces et les faiblesses de l'UE dans le

.

233 Avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il y avait souvent des conflits entre la Communauté et les Etats membres sur l’interprétation de la notion de PCC (question sur ce qui entre dans son champ d’application) et sur la nature de la compétence de la Communauté (compétence exclusive ou partagée). Beaucoup d’Etats membres ont constamment prôné une conception restrictive de la compétence communautaire. A l’inverse, la Commission a toujours privilégié une interprétation extensive de la notion de PCC (se basant sur les éléments de cohérence de l’action externe de la Communauté et sur la nécessité d’éliminer tout risque de détournement de trafic préjudiciable à la réalisation du marché intérieur). Après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ces conflits ont été éliminés, car le texte stipule clairement que la PCC devient une compétence exclusive de l’UE (art. 2B ch. 1 lit. e TfUE). 234 Commission européenne, Une Europe Compétitive dans une économie mondialisée, p. 10. 235 La Commission avait indiqué que l’UE devait obtenir de ses partenaires « au moins la parité totale » avec le traitement que ces derniers accordent aux pays concurrents, les Etats-Unis en première ligne, c’est sous-entendu (Ibid.).

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commerce international, le rapport avait pour but de vérifier si le diagnostic lancé par la Commission en 2006, indiquant la poursuite de la stratégie énoncée dans ladite communication comme priorité à l’ordre du jour de la politique commerciale européenne, tenait toujours la route.

Le rapport conclut que la stratégie envisagée pour les marchandises reste plus adéquate que jamais et offre des réalisations marquantes, bien que des améliorations fussent toujours à envisager236. Le bilan de l’UE dans le commerce de marchandises demeure bon, avec une part de marché stable par rapport à un déclin net pour les exportations américaines et japonaises. L'Europe continue à tirer un énorme avantage de l'économie globale, en approvisionnant les fabricants domestiques avec des produits provenant du monde entier pour être transformés, et dominant beaucoup de marchés globaux d'exportation237

Du point de vue conceptuel, la politique commerciale de l’UE mérite quelques considérations générales. Le but fondamental de la puissance commerciale de l’UE ressort très clairement : Bruxelles emploie sa force économique afin d’obtenir, de la part des partenaires commerciaux, des concessions avantageuses quant à son accès aux marchés étrangers. C’est la pure stratégie économique de résultat employée par le plus fort acteur actif sur le marché des échanges, armé des arguments capables d’imposer sa volonté (capacité de production riche aussi bien qualitativement que quantitativement, poids démographique non négligeable). En procédant de cette manière, cette stratégie fonctionne également comme un moteur principal dans la globalisation de l’environnement économique international, phénomène qui nécessite une augmentation

. En outre, l’Europe affronte bien les nouvelles conditions d’action existantes sur les marchés mondiaux : depuis le milieu des années 1990, une importante redistribution de parts de marché s’est déroulée entre les pays émergents et les pays développés, mais aussi entre les pays développés eux-mêmes. Dans cet environnement hautement concurrentiel, l’UE a globalement maintenu sa part de marché mondiale, alors que les États-Unis et le Japon ont cédé du terrain. L’UE reste le premier exportateur mondial de produits manufacturés et domine les marchés des produits de haute qualité.

236 « The European Union's trade balance for manufactured products is improving considerably, reaching €162bn. The jump of €105bn between 2000 and 2007 has helped to partially offset the rise in the energy bill, for which the deficit increased by €137bn. In parallel, the agricultural deficit rose from €20bn to €28bn. In the manufacturing sector, the EU increases its surplus by relying on its proven assets. With export levels in the non-electrical machinery, motor vehicles, plastic products, pharmaceutical products, paper and paper articles sectors all being about twice as high as import levels, they account for the bulk of the EU’s surplus in manufactured products. The balance on nonelectrical machinery improved during the period by €68bn, motor vehicles by €25bn, pharmaceutical products by about €22bn, and plastic products by €7bn. In contrast, the EU's trade deficit in office and telecommunication equipment worsened by €17.5bn, reaching the very high level of €88bn, with an import coverage ratio below 50%. The EU also experienced a severe decline in the textile and clothing sector, with a €16Bn worsening of its trade balance, which stands at €46bn » (Commission européenne, EU performance in the global economy, p. 9). 237 Le rapport conclut: « The report concludes also that the EU's performance in merchandise trade remains good with a stable market share in comparison to a net decline for American and Japanese exports. It translates into a growing surplus for manufacturing products which has partially offset the rise in the energy bill over the last decade. This relatively good EU performance in the context of a growing number of competitors is driven by the great ability of European exporters to sell high-quality products at premium price due to quality, branding and related services » (Commission européenne, Id., p. 27).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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des échanges commerciaux à l’échelle planétaire. En outre, il existe également un aspect spécifique à la stratégie commerciale européenne consistant dans l’emploi, de la part de Bruxelles, de sa puissance commerciale pour aboutir à la mise en place des objectifs non économiques. Cela se réalise à travers, d’une part, l’élaboration des instruments juridiques poursuivant la réalisation des impératifs économiques et octroyant la priorité à différentes questions sensibles, telles que la protection de l’environnement (changement climatique, recherche des nouvelles sources d’énergie, protection de la Terre), les normes industrielles de sécurité des produits (affectant directement les consommateurs) ou les débats liés aux problèmes sociaux (législation sur le travail, protection accrue pour les femmes et les enfants) et, d’autre part, par l’utilisation des considérations plutôt politiques et stratégiques (les partenariats de développement, les relations d’association, les zones de libre-échange offrant aux bénéficiaires des avantages indéniables par rapport aux pays tiers développant des relations économiques avec l’UE). On pourrait considérer que, dans ce cas, on se trouve devant une stratégie économique des moyens, favorisant l’imbrication entre l’atteinte des buts économiques et la quête des solutions pour les grandes questions contemporaines.

Pour les prochaines décennies, la Commission a déjà constaté que les échanges de marchandises – dont les produits manufacturés représentent une place importante - vont continuer à peser dans l’ensemble des rapports commerciaux internationaux : d’une part, ils vont contribuer directement au bien-être et à la croissance de la productivité, engendrant une demande significative dans les domaines de la recherche et des services hauts de gamme, avec des effets sur le reste de l'économie et, d’autre part, on s'attend à ce que la fabrication, définie dans un sens étroit, va employer directement moins de personnes qu'aujourd'hui et représentera une partie relativement plus petite de l'ensemble de l’économie238

. En outre, Bruxelles devra œuvrer sur plusieurs chantiers pour améliorer ses performances économiques: elle devra ainsi, d’une part, focaliser ses investissements sur le secteur manufacturé des produits de haute technologie et, d’autre part, continuer à renforcer la présence sur les marchés émergeants, avec un regard particulier sur l’Asie, se trouvant en croissance rapide. En même temps, la recherche devrait trouver une place renforcée parmi les priorités d’action communautaire de l’avenir, ayant à l’esprit le rapport toujours plus étroit entre l’avancée technologique et les nouveaux moyens de production performants apportant la domination des marchés économiques.

Section B La politique globale de l’UE dans le Cycle de Doha et les

implications pour sa stratégie visant les échanges des marchandises

Malgré la montée en puissance des échanges concernant les services239

238 Commission européenne, Augmenter la croissance de la productivité, p. 8.

, ou l’augmentation constante des domaines liés aux droits de propriété intellectuelle, le commerce mondial des marchandises garde encore toute son importance, aussi bien dans

239 Déjà en 2000, ABDELMALKI & SANDRETTO constataient que « aujourd'hui, les seuls services commerciaux sont équivalents à la somme du commerce mondial des produits de l'industrie automobile et de l'électronique réunis » (op. cit., p. 14).

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le nouvel ordre économique mis en place à l’échelle planétaire à partir de 1994 qu’au sein de la politique commerciale communautaire : dans les années ’90, par exemple, plus de 85% des exportations ainsi que 65% des importations étaient liées à cette subdivision du commerce international240

Par conséquent, l’examen de la politique suivie par l’UE dans ce secteur doit être mené dans le cadre large de l’analyse des instruments que Bruxelles développe afin de justifier son rôle d’acteur majeur du commerce mondial. Une analyse de la politique commerciale de l’UE, développée lors des négociations qui se sont déroulées dans le cadre du Cycle de Doha et reposant sur trois piliers - « d’abord, garantir la primauté du multilatéralisme; ensuite, rassembler l’ensemble des Etats dans le système commercial mondial; enfin, élargir les champs de la régulation mondiale »

.

241

- nous permet ainsi d’effectuer une analyse à la fois sectorielle, visant donc le secteur particulier des échanges des marchandises, et globale, ayant comme but de décrypter complètement les ressorts du système commercial contemporain.

a. Garantir la primauté du multilatéralisme L’UE a fait preuve depuis plus de cinq décennies de son attachement au système

commercial multilatéral. Bénéficiant, quelles que soient ses transformations internes (successivement sous l’appellation de la CEE, la CE et puis l’UE), d’un poids réel pour les tractations242

240 PIENING, op. cit., p. 15.

, l’UE s’est présentée à la table des négociations, dans tous les grands cycles de négociations déroulées au sein de l’OMC, avec un programme, certes pas toujours satisfaisant pour les autres partenaires de discussion, mais toujours orienté vers l’obtention de résultats concrets pour la régularisation du commerce mondial et soucieux de présenter des alternatives viables pour construire le cadre du commerce mondial. Lors du « Kennedy Round » (1963-1967), la CEE, en négociant pour la première fois sur son tarif extérieur commun, et non pas par l’intermédiaire de chaque pays pris séparément, est apparue comme un partenaire de force comparable lors des discussions entamées avec la puissance économique américaine. A l’époque du « Tokyo Round » (1973-1979), bien qu’occupée par des querelles internes provoquées par l’admission de nouveaux membres et l’intégration du marché commun, la CEE a proposé des avancées courageuses pour la reconstruction du système financier touché de plein fouet par l’effondrement du système de Bretton Woods. Elle s’est retrouvée parmi les initiateurs de la Déclaration de Tokyo du 12 septembre 1973 faisant mention de besoins spécifiques des pays les moins avancés, et a participé aux négociations imposant des réductions substantielles pour les droits de douane. De même, pendant les négociations tenues lors du fameux « Uruguay Round » des années ‘90, la CE s’est trouvée dans la ligne de mire des négociations ayant abouti aux Accords de Marrakech. Enfin, lors du « Doha Round » lancé en 2001, l’UE se retrouve dans la situation où elle doit harmoniser les mesures qu’elle prend sur son plan interne, avec des questions liées aux transformations constantes ayant lieu sur le chantier communautaire et impliquant de nouvelles reformulations de stratégie, y compris au

241 BOURRINET, La politique commerciale commune de l’Union européenne, p. 20. 242 Déjà en 1962, le Secrétaire exécutif du GATT à l’époque, WHITE observait que « l’Europe, en effet, se trouve mieux que quiconque aujourd’hui en mesure de provoquer l’abaissement des droits de douane dans le monde entier » (L’Europe et le commerce mondial, p. 2).

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niveau de la politique commerciale, avec celles qu’elle doit adopter sur le plan externe, imposées par le besoin de s’adapter aux nouveaux impératifs conditionnant le déroulement des flux commerciaux au niveau international.

La stratégie de la Communauté pour les négociations sur le programme de Doha a été celle poursuivie dès le début de l’actuel cycle des négociations. Plusieurs moments-clé ont marqué cette évolution : les conclusions du Conseil, notamment celles d'octobre 1999, du 28 juin 2003, du 8 décembre 2003 approuvant la communication de la Commission intitulée «Redynamiser les négociations relatives au Programme de Doha pour le développement - l'optique de l'UE »243

Parmi les nombreux documents accompagnant sa stratégie, ladite communication de la Commission européenne – publiée, le 26 novembre 2003, suite aux réflexions et consultations menées depuis Cancun - avait touché plusieurs points sensibles, en dévoilant la stratégie de l’UE dans le domaine des relations commerciales internationales. D’abord, elle réaffirmait le multilatéralisme en tant que pierre angulaire du système mondial des relations commerciales, en soulignant vigoureusement les avantages qui en découlent sans pourtant cacher les dangers possibles en cas de protectionnisme

, ainsi que dans les conclusions de la Présidence du 12 juillet 2004.

244. Ensuite, elle exprimait son accord quant à la surpression des subventions aux exportations agricoles afin de relancer le Cycle de Doha, en marquant ainsi un changement profond dans sa stratégie : l’agriculture faisait ainsi le passage entre son statut de secteur situé et maintenu en dehors des négociations sur la libéralisation des échanges à celui du domaine ouvert à une libéralisation progressive, bien sûr maîtrisée et représentant la monnaie d’échange pour des éventuelles tractations en d’autres secteurs245. Enfin, dans le domaine des produits non agricoles, tout en acceptant le principe de la contribution au processus de libéralisation de chaque membre selon son niveau de développement et de capacité économique, elle s’est montrée réticente à bloquer ledit processus, notamment quand les règles exceptionnelles viseraient non pas uniquement les pays en développement, mais également les nouvelles puissances émergentes246

Durant la période précédant la conférence ministérielle de l'OMC à Hong-Kong, l'UE avait présenté en octobre 2005 une offre sans précédent, consistant dans la réduction de 70% des subventions agricoles faussant les échanges, la réduction de 60% des droits de douane les plus élevés sur les produits agricoles et une réduction moyenne de ces

.

243 Documents COM, ISSN 0257-9545, Nº 734, 2003, p. 1-20. 244 « L'OMC doit demeurer au coeur de l'ouverture des marchés et du renforcement des règles commerciales, puisque l'approche multilatérale de la coopération commerciale, qui repose sur les principes de transparence et de non-discrimination, reste le moyen le plus efficace et le plus légitime de gérer la mondialisation et les échanges entre les pays » (p. 4). 245 « Plus précisément, il s'agit, à partir de niveaux consolidés, de réduire sensiblement les mesures de soutien interne qui ont un effet de distorsion sur le commerce. En revanche, les aides nationales sans (grande) incidence sur les échanges qui répondent à des objectifs relevant de politiques essentielles dans l'exercice des droits souverains des pays membres - les soutiens de la "boîte verte", par exemple - ne peuvent être ni limitées ni réduites » (p. 7). 246 « Étant donné que le commerce des pays en développement porte à raison de 70 % sur les produits industriels et que c'est entre eux que ces pays dressent les barrières les plus élevées, il n'y aura des avantages importants en matière de commerce et de développement qu'en cas d'ouverture sérieuse du marché au sein des pays en développement, particulièrement des pays aux économies les plus avancées, qui sont parfaitement capables d'apporter une contribution utile » (p. 10).

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droits de 46%, et l'élimination totale des subventions à l'exportation. Malheureusement, l’accueil des États-Unis et du « G20 de l’OMC »247 a été glacial : l'offre de l'UE ayant été considérée comme étant insuffisante, des réductions plus importantes ont été demandées, sans qu’il y ait en contrepartie des offres claires sur l'ouverture des marchés des produits industriels et des services ni même sans mettre de l'ordre dans leurs propres programmes agricoles ayant pour effet de fausser les échanges. Par conséquent, les parties ont préféré aller à Hong-Kong avec des plans d’action moins ambitieux, ce qui explique pourquoi la conférence ministérielle avait été considérée comme un échec248

Le rapport entre la régularisation du commerce mondial et la santé de l’économie européenne est également au cœur du débat, toujours actuel, sur la dynamique des échanges mondiaux : les chiffres indiqués, par exemple en 2007, prouvent indéniablement que les exportations de marchandises européennes n’ont qu’à gagner si le volume total des échanges internationaux s’accroît

.

249

247 Cf. supra p. 34 et p. 54.

, cela incitant les négociateurs européens à trouver les solutions les meilleures pendant les négociations déroulées au sein de l’OMC. Dans la même logique, des voix ayant une certaine importance dans la définition d’une stratégie économique européenne s’élèvent et demandent que la position de l’UE aille vers un renforcement des structures multilatérales, au bénéfice d’un

248 Selon la Commission européenne, un regard plus attentif pourrait nous permettre de nous rendre compte que des pas en avant y ont été quand même enregistrés dans quelques domaines très importants. Ainsi, pour l’agriculture, les participants ont décidé plusieurs mesures : l’élimination totale de toutes les formes de subventions à l'exportation pour les produits agricoles jusqu’à 2013; l’instauration des trois tranches de réduction des aides au marché national, l'UE se trouvant dans la tranche supérieure, les États-Unis et le Japon dans la tranche intermédiaire et les autres pays, y compris les pays en développement, dans la tranche inférieure; la mise en place des quatre tranches de réduction des droits de douane sur les produits agricoles, les réductions les plus importantes étant appliquées aux droits les plus élevés. En ce qui concerne les produits industriels, les parties avaient approuvé la conclusion d'un accord sur l’application de la formule dite « suisse » (c'est-à-dire que les droits plus élevés font l'objet de réductions plus importantes), les paramètres de cette formule, en particulier ceux applicables aux pays en développement, devant encore être examinés. Il y a eu également une série de mesures en faveur du développement: l’adoption d’une franchise de droits et de quotas pour tous les produits exportés par les pays les moins avancés dans les pays développés, les Etats-Unis et le Japon ayant provisoirement limité cette franchise à 97% des produits, en excluant donc certains, tandis que l'UE avait accordé déjà une franchise de droits et de quotas pour tous les produits depuis 2001; la suppression par les pays développés de toutes les formes de subventions à l'exportation pour le coton (qui représentait un produit d'exportation important pour de nombreux pays défavorisés) jusqu’à la fin de 2006; la modification de l'accord de l'OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC) afin de faciliter l'accès des pays défavorisés à des médicaments moins onéreux; l’annonce, par l'ensemble des pays développés, d'une augmentation de l'aide afin de permettre aux pays en développement d'améliorer leur capacité commerciale, y compris les projets d'infrastructure destinés à accroître les exportations, l'UE s’engageant à fournir une aide de 2 milliards d'euros en faveur du commerce jusqu’à 2010 (Commission européenne, Le Programme de Doha pour le développement). 249 DGEFA : « Les exportateurs à l'UE ont clairement tiré avantage de cet environnement commercial dynamique. Le volume d'exportations, ralenti entre le premier et deuxième trimestre de 2006, a rebondi au second semestre pour atteindre des taux de croissance annuelle de plus de 10% dans la zone euro et 6 ½ % au niveau de l'UE. Pendant toute l'année, les exportations ont augmenté de 8.2% dans la zone euro et de 9.2% au niveau de l'UE » (trad. anglais, Economic forecast Spring 2007, p. 23).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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commerce qui puisse impliquer et, surtout, rendre gagnants davantage d’acteurs de l’économie globale contemporaine250

.

b. Rassembler l’ensemble des Etats dans le système commercial mondial La stratégie promue par l’UE au cours des négociations pour le Doha Round a été

celle du dialogue, tout en œuvrant afin de protéger, voir agrandir, son influence sur les marchés mondiaux. Bien qu’elle ait milité activement pour renforcer le multilatéralisme global, elle a également cherché à construire des alliances économiques régionales à l’aide de bénéfices octroyés pour l’accès des partenaires sur le marché européen251

Les instruments utilisés par l’UE pour mettre en pratique la PCC dans le domaine des échanges de marchandises sont, pour l’instant, les unions douanières et les accords de libre-échange. Dans la stratégie de Bruxelles, la création d’une zone de libre-échange a été plus souvent choisie que la mise en place d’une union douanière, peut-être à cause du fait que ladite zone est « beaucoup moins difficile à mettre en œuvre que la première et comporte pour l’Etat associé des contraintes beaucoup moins grandes »

.

252

Il y a trois cas d’union douanière établie par Bruxelles avec des partenaires commerciaux, deux déjà notifiés à l’OMC - celui de l’Andorre

.

253 ainsi, et surtout, que celui de la Turquie254 - aussi bien qu’un accord conclu, sans cette notification, avec la principauté de San Marino255

Par contre, les accords de libre-échange sont beaucoup plus nombreux et connaissent plusieurs formes, reliant ainsi Bruxelles, dans une relation de coopération économique privilégiée, à des partenaires ayant différents niveaux de développement. En Europe, ces accords sont établis avec la Suisse

.

256, et par extension le Liechtenstein257, dont l’analyse constituera le noyau dur de cette recherche, ainsi qu’avec les Iles Féroé, en tant que région autonome rattachée au Danemark258

Un cas spécial est celui des pays se trouvant aux frontières du territoire douanier européen. L’importance majeure de ces accords réside dans le fait que, à côté de leur

.

250 Dans un rapport essayant d’esquisser le visage de l’UE vers 2020, GRANT, le directeur d’un important think-tank abordant le thème de la construction européenne, et VALASEK affirment : « The priority for European governments is clear. They must reform and improve their institutions and capabilities, so that the EU can be more effective as a force for good. They must work to strengthen multilateral bodies, and the international rule of law. And they must engage the other powers, including those that are undemocratic, to persuade them of the benefits of multilateralism » (Preparing for the multipolar world, p. 36). 251 COTTIER & SCHEFER NADAKAVUKAREN, dans une analyse sur la position de la CJCE, ont observé que « the Court developed a doctrine of effect direct and effet utile for regional trade agreements, in particular the EFTA Agreements and Association agreements. This reinforced the market access rights of foreign exporters into the Community to a considerable degree. Foreigners are now in a position to invoke the provisions of these Agreements before the ECJ notwithstanding the fact that there exists international dispute settlement machinery » (The Relationship between World Trade Organization Law, National and Regional Law, p. 102). 252 LYCOURGOS, L’association avec union douanière, p. 358. 253 Union douanière limitée aux produits industriels, OJ L 374 du 31 décembre 1990. 254 Union douanière limitée aux produits industriels, OJ L 35 du 13 février 1996. 255 Union douanière limitée aux produits industriels, OJ L 359 du 9 décembre 1992. 256 Accord de libre-échange, OJ L 300 du 31 décembre 1972. 257 Bien que sous le régime de l’ALE de 1972, le Liechtenstein participe actuellement à l’EEE. 258 Accord de libre-échange, OJ L 53 du 22 février 1997.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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nature commerciale, ils expriment également une volonté d’intégration politique : ainsi, les accords de libre-échange et de coopération conclus avec les pays du bassin méditerranéen – l’Algérie259, l’Egypte260, Israël261, la Jordanie262, le Liban263, le Maroc264, l’Autorité palestinienne265, la Syrie266 et la Tunisie267 - ont visé non seulement à donner une réelle impulsion aux économies de ces pays268, mais également, à travers l’association de ces pays aux mécanismes politico-économiques communautaires, de renforcer les institutions politiques de cette zone tellement vulnérable située au sud du Mare Nostrum269; de même, les accords conclus avec les pays des Balkans – l’ancienne république de Macédoine270, la Croatie271, l’Albanie272, le Monténégro273, la Bosnie et la Herzégovine274 - visent avant tout la stabilisation de la région après les longues années de guerre, comme un premier pas pour les développements futurs dans la collaboration bilatérale; enfin, cette stratégie a été testée avec succès dans le cas heureux de l’admission progressive dans l’espace communautaire des anciens pays du bloc communiste de l’Europe centrale et orientale, lors des élargissements de 2004275 et de 2007276

259 Accord d’association, OJ L 265 du 10 octobre 2005.

. Il faut souligner que la doctrine a en outre expliqué qu’une des clefs de la réussite des ces projets économiques repose sur la nécessité de coordonner les mesures prises pour accroître la coopération économique avec les pas accomplis dans la direction de la reconnaissance et de la protection des droits sociaux et économiques, avançant

260 Accord d’association, OJ L 345 du 31 décembre 2003. 261 Accord d’association, OJ L 147 du 21 juin 2000. 262 Accord d’association, OJ L 129 du 15 mai 2002. 263 Accord provisoire, OJ L 262 du 30 septembre 2002. 264 Accord d’association, OJ L 70 du 18 mars 2000. 265 Accord d’association, OJ L 187 du 16 juillet 1997. 266 Accord de coopération, OJ L 269 du 27 septembre 1978. 267 Accord d’association, OJ L 97 du 30 mars 1998. 268 Déjà en 1992, BENLACHEN TLEMCANI déplorait comme « carence principale des rapports euro-maghrébins (…) leur caractère statique. Donner à la coopération son véritable sens, c'est-à- dire celui du lien contractuel dépassant le simple échange des marchandises pour se situer dans une perspective et une dimension culturelle, voilà le défi que maghrébins et européens auront à surmonter dans les années à venir » (Bilan de la coopération MAGHREB-CEE, p. 49). 269 Tout en saluant les bénéfices réels et potentiels de ces accords, BÉRAUD tirait également la sonnette d’alarme, appréciant que « il faut s’interroger sur les perspectives et les limites de ces initiatives, en identifiant les liens entre la réévaluation des enjeux de la coopération euro méditerranéenne et l’aptitude des pays en développement concernés par les nouveaux accords d’association à s’appuyer sur les programmes des partenaires et des institutions de l’Union européenne pour consolider leur position dans le système industriel mondial » (La construction d’avantages comparatifs dynamiques, p. 49). 270 Accord de Stabilisation et Association, OJ L 84 du 20 mars 2004. 271 Accord de Stabilisation et Association, OJ L 26 du 25 janvier 2005. 272 Accord de Stabilisation et Association, OJ L 239 du 1er septembre 2006. 273 Accord de Stabilisation et Association, OJ L 345 du 28 décembre 2007. 274 Accord de Stabilisation et Association, conclu le 1er juillet 2007, mais l’entrée en vigueur a eu lieu uniquement pour l’Accord intérimaire sur le commerce et les questions liées au commerce. 275 Le Traité d’adhésion - pour les dix nouveaux pays formant l’UE 25 (Chypre, la république Tchèque, l’Estonie, l’Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie), OJ L 236 du 23 septembre 2003 – entré en vigueur le 1er mai 2004. 276 Le Traité d’adhésion - pour les deux nouveaux pays formant l’UE 27 (la Bulgarie et la Roumanie), OJ L 157 du 21 juin 2005 - entré en vigueur le 1er janvier 2007.

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

69

comme exemple l’essor économique connu dans les années ’80 par la péninsule ibérique277

Bruxelles a négocié aussi depuis plusieurs années l’instauration d’une zone de libre-échange avec les six membres du Conseil de coopération du Golfe, organisation régionale regroupant l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar. L’intérêt de l’UE pour cette zone est facile à identifier, vu la place essentielle que cette région joue dans les dossiers d’importance maximale, tels que celui de l’énergie, des investissements ou de la lutte contre le terrorisme. Les négociations, débutées en 1990 et relancées en 2002 avec un nouveau et plus vaste mandat, incluant le commerce en investissements et les services, n’ont pas encore abouti à un accord; en revanche les rapports économiques bilatéraux, réglementés toujours au niveau de l’accord bilatéral de coopération de 1988

.

278, n’ont pas cessé d’évoluer: pour preuve, il faut citer l’instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme dans le monde279

L’UE œuvre également pour définir les moyens de promouvoir des relations économiques bilatérales avec l’Iran : ainsi, bien que lancées en 2002, les négociations avec Téhéran pour la conclusion d’un accord de commerce et de coopération ont été suspendues dès août 2005, suite à la reprise par l’Iran des activités nucléaires; depuis, le commerce bilatéral – dans lequel l’importation de l’énergie par Bruxelles couvre 90% des échanges - est également affecté, en vertu des sanctions imposées par l’ONU

, qui dessine le cadre actuel de la coopération entre les deux parties (et d’autres pays avec des revenus élevés) dans le domaine financier.

280

L’action de l’UE a également poursuivi l’amélioration graduelle des rapports économiques avec le puissant voisin de l’Est, la Russie. Réglementés par un accord d’association et de coopération signé en 1994

.

281, ces rapports ont pris une nouvelle tournure lors du Sommet bilatéral de juin 2008282

277 Pour MARTIN I., « the Barcelona scheme needs to be complemented in one way or another by a minimum guaranteed standard of social and economic rights: (…) it is the main lesson that can be drawn from a number of successful trade liberalization cases, such as Spain and Portugal in the late 1980s, where liberalization was accompanied by implementation of a welfare state system » (The Social Impact, p. 450).

, ayant vu le lancement des négociations sur un nouvel accord entre les deux colosses économiques. L’UE et la Fédération de Russie ont pris un certain nombre d'engagements en faveur des droits de l'Homme et des normes démocratiques, notamment dans le Conseil de l'Europe et l'OSCE, et le respect de ces normes devra être reflété dans le futur accord. Il s’agit d’une nouvelle preuve de la

278 Accord de coopération entre, d’une part, la CEE et, d’autre part, les pays signataires de la Charte du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar), JOCE n° L 54 du 25 fevrier1989, p. 3 - 15. 279 Parlement européen et Conseil, règlement n° 1889/2006, JOUE L n° 386 du 29 décembre 2006, p. 1ss. 280 Le commerce avec l'Iran est sujet à certaines restrictions dérivées des sanctions appliquées par le Conseil de sécurité de Nations Unies à l'Iran, en vertu des Résolutions n° 1737 du 23 décembre 2006 (ONU, S/RES/1737 - 2006) et n° 1747 du 24 mars 2007 (ONU, S/RES/1747 – 2007) publiées dans le 62ème Recueil annuel « Résolutions et décisions du Conseil de Sécurité » du 1er août 2006 à 31 juillet 2007 (S/INF/62); les restrictions commerciales avec l'Iran sont réglées par les règlements du Conseil de l’UE n° 423/2007 et n° 618/2007, ayant établi la liste de produits interdits à l'exportation en Iran. 281 OJ L 327, 28 novembre 1997. 282 UE – Russie, Rapport sur le lancement des négociations pour un nouvel accord UE – Russie, p. 1.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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stratégie européenne visant l’imbrication entre commerce et développement, comme moteur d’un essor économique.

En même temps, Bruxelles a établi une série d’accords avec les membres de l’espace ex-soviétique, destinés à la fois à consolider leurs nouvelles institutions politiques et à promouvoir l’intégration progressive de ces pays dans les échanges internationaux. A titre d’exemple, les rapports entre l’UE et l'Azerbaïdjan se sont développés en trois étapes majeures, à partir de l'accord d’association et de coopération signé en 1996, et entré en vigueur en 1999283. Après l’élargissement de l'UE, Bruxelles a lancé la Politique européenne de voisinage284, et l'Azerbaïdjan en est devenu partie dès 2004. Un plan d'action285 conçu pour ce pays a constitué ensuite l’objet de discussions menées par la Commission avec le gouvernement azerbaïdjanais et, le 14 novembre 2006, celui-ci a été finalement adopté. Cette stratégie se retrouve également dans les coopérations que Bruxelles a nouées entre-temps avec des pays comme l’Arménie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie286 ou l’Ukraine287

De même, l’UE a intensifié, dans la dernière décennie, sa présence active dans les relations commerciales avec les pays d’Amérique centrale et ceux du continent sud-américain.

.

D’abord, l’accord de libre-échange avec le Mexique, entré en vigueur en juillet 2000 comme partie intégrante de l’Accord d’association économique, de coordination politique et de coopération288, permet aux exportations européennes de bénéficier du même accès au marché mexicain que celui réservé aux exportations du Canada et des États-Unis, ses partenaires de l’ALENA. En ce qui concerne les échanges de marchandises, la libéralisation visait principalement les produits industriels289 et les produits agricoles290

283 OJ L 246, 17 septembre 1999.

et était conforme à l'art. XXIV GATT, dans le sens où elle demandait la libéralisation de tout le commerce à la fin des périodes de transition respectives.

284 Cf. UE, Politique de voisinage. 285 Cf. UE, Plan d’action. 286 En décembre 2007, le Conseil de l'Union européenne a invité la Commission à engager, en collaboration avec les États membres et la Présidence, un dialogue avec la République de Moldavie en vue de lancer un partenariat pilote pour la mobilité afin « de poursuivre et d’intensifier leur dialogue et leur coopération dans les dimensions essentielles qui fondent l’Approche globale dans le domaine de la migration, à savoir une meilleure gestion des migrations légales, le renforcement du lien entre "migration" et "développement" et la lutte contre l’immigration illégale ». (UE-Moldavie, UE et la Moldavie entrent dans un partenariat de mobilité, p. 1). 287 En février 2008, des négociations sur l'établissement d'une zone de libre-échange bilatérale complète, comme partie intégrale d’un nouvel accord d'association, ont été lancées en raison de l’accession imminente de Kiev à l’OMC, fait accompli dès mai 2008. 288 OJ L 276, 28 octobre 2000. 289 Il était prévu une libéralisation de 100% des échanges des produits industriels à partir du 1er janvier 2003 du côté de l'UE et du 1er janvier 2007 pour le Mexique; en outre les exportateurs mexicains ont obtenu un accès préférentiel immédiat pour 82% des produits industriels depuis juillet 2000 et pour les 18% restants à partir de janvier 2003. 290 L’année 2010 a été fixée comme date pour la libéralisation, dans une valeur de 80% pour les importations de l'UE et de 42 % de celles de Mexique; quant aux importations des produits de la pêche, la libéralisation va s’appliquer pour 100% des importations de l'UE et 89 % du Mexique.

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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L’UE et le Chili ont conclu en 2002 un accord d’association291, considéré parmi les instruments de stratégie économique les plus courageux en faveur du libre-échange et, par « sa couverture en termes de produits et la largeur de ses engagements, l’un des plus ambitieux et novateurs jamais obtenus dans un accord bilatéral avec l’Union »292

Des négociations sont en cours pour libéraliser les échanges avec le MERCOSUR, qui est le Marché commun du Sud regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Malgré les problèmes ayant grevé constamment les rapports noués entre les deux blocs régionaux

. Les dispositions créant la zone de libre-échange dans le domaine des marchandises représentent des règles transparentes et fortes dans plusieurs domaines, tels que la facilitation des échanges des marchandises, en particulier celles du secteur des vins et des spiritueux, ainsi que celui des mesures sanitaires et phytosanitaires; pour ces deux domaines, des accords spécifiques sont annexés à l'accord d'association et visent les règlements techniques et les procédures d'évaluation de conformité, la réglementation du régime douanier et les secteurs et les normes connexes.

293, l’UE occupe déjà le premier rang parmi les partenaires commerciaux des pays du MERCOSUR et les investisseurs étrangers de la région. Bénéficiant de la volonté politique des deux parties294, les négociations ont pour objet la libéralisation du commerce des biens et des services, la politique de concurrence et les investissements étrangers, les marchés publics, les droits de propriété intellectuelle. En dépit du cadre bilatéral qui s’esquisse de manière toujours plus convaincante, il existe encore beaucoup de pas à accomplir295

Enfin, l’UE a intensifié les efforts pour avancer les discussions ayant pour but la conclusion d’un accord avec la Communauté Andine, les deux parties ayant réitéré, en 2008, leur attachement à trouver des solutions pour « les besoins spécifiques de développement des pays membres de la Communauté Andine, prenant en considération les asymétries entre et dans les régions et le besoin de flexibilité, comme solution appropriée, de la partie de l'UE »

.

296

De nouvelles évolutions ont été enregistrées également dans la coopération entre Bruxelles et les soixante-sept pays d’ACP. Conformément aux accords de Cotonou

.

297

291 Cf. UE – Chile, Accord.

, les

292 Commission européenne, Maîtriser la mondialisation, p. 15. 293 VENTURA avait identifié trois gros problèmes dans les relations bilatérales : d’abord, les exportations du MERCOSUR avaient été axées sur des aliments que l’UE pouvait importer également d’autres régions du monde; ensuite, l’UE s’est montrée toujours plus méfiante dans le secteur agricole, hautement politisé et ayant subi la réforme de la PAC et, enfin, le MERCOSUR a été traditionnellement l’allié des Etats-Unis dans les querelles causées par la politique des subventions européennes (Les asymétries, p. 379). 294 UE - MERCOSUR, Communiqué conjoint. 295 SONNET synthétisait cet état de la coopération bilatérale : « Attending to EU-MERCOSUR linkages, there is not a common idea to propose a commercial policy among the MERCOSUR countries. This fact determines that each country negotiate with EU solely and sign agreements that not benefit the bloc. Although the existence of high complementary productive structure between EU and MERCOSUR the gains of a free trade area would depend on the achievement of a consolidated trade policy among MERCOSUR countries. Deep and structural asymmetries between blocs and strong restrictions on market access in EU are both problems without solution yet » (European Union and MERCOSUR, p. 62). 296 UE - Communauté Andine, Déclaration de Lima, ch. 2, 4ème alinéa. 297 Ces accords, signés au Bénin en juin 2000, ont remplacé la Convention de Lomé, signée en 1975 dans la capitale togolaise, qui était un programme de coopération ambitieux - créé entre 15 pays de

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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tarifs préférentiels - octroyés unilatéralement par l’UE au bénéfice des produits exportés par ces pays - ont été remplacés298, suite à l’instauration des zones de libre-échange mises en place à travers des accords de partenariat économique. L’importance de ces accords ressort sous plusieurs volets : d’abord, la Communauté faisait preuve de son soutien pour les efforts de coopération et d’intégration entrepris par ces pays, en redynamisant des anciennes formes de coopération, dépourvues de réussite, à travers de nouveaux types de collaboration; ensuite, elle cherchait la mise en pratique d’un concept théorique plutôt prometteur, basé, d’une part, sur l’octroi de préférences accordées aux entreprises régionales africaines candidates à l’attribution de contrats de développement structurel et financier et, d’autre part, sur l’application possible aux importations communautaires provenant de la part des pays, ou groupes régionaux de pays, des droits de douane inférieurs à ceux normalement perçus en vertu de la clause de la nation la plus favorisée; en outre, vu les incitations que les accords en question soulevaient pour la constitution d’un couple UE-ACP potentiellement actif au niveau des négociations déroulées au sein de l’OMC, on peut parler également d’une utilité indirecte pour le commerce mondial multilatéral299; de même, il fallait réagir pour remédier aux effets d’une politique ayant créé des distorsions au niveau régional, notamment du point de vue des autres blocs économiques africains300

la CE et 46 pays de l’ACP, dont beaucoup de petites îles représentant des Etats en voie de développement – et qui établissait, à titre principal, un système de préférences tarifaires accordant à ces pays l'accès au marché européen et aux fonds spéciaux, maintenant ainsi la stabilité des prix dans les produits agricoles et les produits d'extraction; ladite convention a été modifiée successivement, la quatrième fois, en 1995, dans les Îles Maurice. Les accords de Cotonou ont apporté comme changement essentiel l'association à ce processus des nouveaux acteurs comme la société civile, le secteur privé, les syndicats, les autorités locales : ceux-ci étaient désormais impliqués dans les consultations et la planification des stratégies de développement national, à l'accès aux ressources financières et impliqués dans l'exécution des programmes de développement.

, suivant ainsi la ligne d’action de la Communauté prônant

298 Ce remplacement était vivement demandé dans la doctrine spécialisée, COSTELLO ayant apprécié que « the moment came so that the EU reconsiders in a fundamental way the use of the preferential trade agreements (…) incompatible with the standards and the aspirations of the multilateral commercial system » (The EU and the World Organization, p. 343). 299 BLUMANN expose cette idée tout en concluant que « la participation à l’Organisation Mondiale du Commerce des Etats ACP présentera un autre avantage : celui de faciliter l’insertion de ces pays dans le commerce mondial. L’OMC servira ainsi de cadre initiatique pour affronter les rudes disciplines du libre-échange, un libre-échange que l’Accord de Cotonou entend organiser, structurer autour de la constitution d’intégrations économiques régionales » (Conclusion générale, p. 514). 300 Sur ce point, MATAMBALYA résume l’incidence que l’ancien système de la Convention de Lomé a eu sur la situation des pays de SADC : « Preference redundancy and erosion of preference margins, the negative weight of both the export portofolio of the SADC economies and the character of EU demand of SADC goods on the export efforts of the SADCeconomies, peculiarities of the LC which complicate its management and the management of some of its instruments, leverage on vested interests, the failure to collate the disbursements of aid funds and efficiency in the utilisation such funds, the languidly and skimpy reaction of the LC to the development needs and priorities of the SADC economies, as well as the existence of a multitude of special costs of preferences (expressed through such factors as increasing trade deficit, rising debt, structural disequilibrium and export dependencies andproduction dependencies,etc.) manifest some of the key intrinsic weaknesses of the LC » (Demerits of the EU Policies, p. 272).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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l’intégration régionale comme un soutien au multilatéralisme et non pas comme une entrave à celui-ci.

Dans les négociations poursuivies en vue d’aboutir à la conclusion des partenariats économiques, on peut observer les efforts déployés par Bruxelles afin d’identifier des normes communes permettant la réglementation de nouveaux domaines sujets à codification, tels que les services, la propriété intellectuelle, la concurrence, la bonne gouvernance, les préoccupations environnementales, les questions de droit du travail ou les investissements. De même, la recherche d’un système permettant la solution des différends commerciaux, ou l’harmonisation des prescriptions techniques et la mise en place des instruments communs de défense commerciale représentent d’autres éléments clés dans les négociations en cours.

Les accords de partenariat conclus par l’UE, à l’instar de ceux établis par les Etats-Unis, l’autre géant commercial, pourraient aboutir à une situation nouvelle caractérisée par un rééquilibrage des processus de développement industriel et technologique. En contribuant, d’une part, à limiter les différences de force économique en faveur des ex-puissances coloniales et, d’autre part, à remodeler les caractéristiques des échanges bilatéraux considérés, jusqu’à présent, comme "inamovibles" par lesdites puissances en vertu d’une constante contrainte protectionniste, cette nouvelle approche politique des relations économiques internationales permets de soutenir les efforts de « récupération de terrain » déployés par les pays en développement. En outre, cette nouvelle donnée offrirait la possibilité aux pays en question d’éliminer progressivement les barrières au développement, telles que : d’abord, les rapports disproportionnés de force économique dans leurs échanges avec les pays industriels; ensuite, le blocage technologique enregistré en vertu des spécialisations acquises au début de leur évolution et ayant contribué à les faire restés bien appauvris ou dépourvus de capacité innovatrice; de même, les difficultés que ces pays affrontent à cause de l’imbrication entre leur retard économique et les problèmes soulevés par les transformations douloureuses de leurs société; enfin, la forte pression concurrentielle externe, face à laquelle ils sont souvent dépourvus de moyens, ajoutée à une production limitée aussi bien qualitativement que quantitativement.

Bien que, selon également l’opinion de Bruxelles, de réels avantages puissent être déduits de ces accords, un fort courant de la doctrine a déploré aussi bien la dégradation enregistrée dernièrement quant à l’accès aux marchés européens pour les exportations des pays en développement301, ainsi que les conséquences défavorables des nouveaux accords pour ces pays302

301 CORREA soutient que « Par ailleurs, les Etats ACP n’ont que partiellement tiré profit de leur commerce privilégié avec la CE. (…) La part des Etats ACP dans le commerce avec l’Union européenne est passée de 6.7% en 1976 à 3% en 1998. (…) Cette situation a eu comme conséquence notoire une désintégration du tissu social de beaucoup d’Etats ACP dans la mesure où les produits agricoles concernés par les échanges entre les Etats ACP et la CE ont vu leur cours sur le marché mondial baisser dramatiquement » (Les nouveaux accords commerciaux, p. 102).

. Avec, d’une part, la Commission dépourvue de cohérence

302 PEREZ constate à cet égard: « These countries will have to eliminate tariff barriers on nearly all of their European imports. As a result, domestic prices should drop, boosting the consumer welfare, but decreasing the market shares of local producers and non-European exporters. This could in turn harm not only the ACP industries, but also the regional integration process, by substituting European imports to regional exchanges. Furthermore, eliminating duties on European goods will lead to fiscal looses for ACP governments, as most rely heavily on customs revenues and the EU

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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stratégique devant le morcellement régional du continent africain et, d’autre part, les Etats africains percevant les discussions sur l’avènement d’un APE « comme une manière de proroger le statut de puissance donatrice et donc dominante de l’Union européenne et de pérenniser le rapport économique privilégié entre les deux parties »303, la Déclaration de Kigali304 - rejetant toute signature des APE en décembre 2007 et remettant en cause leur pertinence, comme un symbole du refus d’accepter la position dominante de Bruxelles305 - n’a fait que concrétiser une impasse grandissante dans les rapports économiques entre Europe et Afrique : les dirigeants du continent noir demandent plus de garanties en matière de développement, en subordonnant l’avancement des concessions en matière de libéralisation des marchés à l’établissement d’un lien entre les discussions bilatérales sur l’APE et les négociations multilatérales déroulées au sein de l’OMC. Les négociations sont en cours pour la conclusion des accords succédant à ceux de Cotonou, la seule construction régionale ayant trouvé une entente avec Bruxelles étant jusqu’à présent CARIFORUM306

Nous allons également rappeler l’importance que représente pour l’UE le lien transatlantique : en dépit des nombreux conflits commerciaux surgis entre Bruxelles et Washington depuis la création de l’OMC

.

307, litiges touchant différents domaines - tels que l’agriculture, incorporant à son tour des questions comme les aides étatiques, le sort des organismes génétiquement modifiés ou les hormones, ainsi que les secteurs de haute technologie ou la question de l’accès au marché – et ayant provoqué de nouvelles formes de sanction de la part de chacun des acteurs308

is the main exporter towards the ACP markets » (Are the Economic Partnership Agreements, p. 1000).

, ledit lien reste une priorité d’action sur l’agenda que l’UE s’est proposé de travailler en vue d’aboutir à une régularisation du système mondial des échanges. De même, la relation économique avec le Japon ne cesse

303 VADCAR, Suspension des Accords de Partenariat Economique, p. 84. 304 Signée lors de la 14ème session de l’Assemblée parlementaire UE-ACP, tenue du 19 au 22 novembre 2007. 305 Position qui pourtant existe, OBASANJO admettant il y a plus d’une décennie que « the bald fact is that at present Africa does not have the leverage to deal on equal terms with its European and other trading partners » (The Need for an African Response, p. 184-185), se prononce en faveur de l’intégration régionale du continent noir comme une prémisse pour changer ces données. 306 UE, Mise à jour nombre des accords commerciaux. 307 Identifiant quatre types de tels conflits – la discrimination commerciale en violation des règles OMC, les disputes réglementaires concernant la légitimité des régulations adoptées au niveau interne, les faux conflits requérant un compromis politique plutôt qu’une solution judiciaire et les conflits concernant les droits des particuliers, PETERSMANN propose deux innovations : d’une part, il considère que « EU and US citizens should be enabled to challenge discriminatory transatlantic market access restrictions in domestic courts (or in a joint Transatlantic Market Court) based on reciprocally agreed rules, including precise and unconditional WTO prohibitions of trade discriminations » et, d’autre part, il persiste et signe que « TAFTA remains the most effective legal and political strategy for protecting general citizen interests in free transatlantic movement of goods, services and investments, and in more effective citizen rights and judicial remedies vis-à-vis protectionist abuses of trade policy powers » (Preventing and Settling Transatlantic Economic Disputes, p. 585ss). 308 PERDIKIS & READ: « The threatened use of carouseling by the United States against the EU in the beef hormones dispute is an interesting development. Carouseling is an imaginative type of retaliation whereby the list of products targeted by trade sanctions is varied periodically, so increasing uncertainty and dislocation in a losing respondent’s export sector » (Critical Issues in WTO Dispute Settlement, p. 275).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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d’évoluer vers un élargissement des secteurs bénéficiant de facilités octroyées conjointement pour développer un commerce toujours plus ouvert, synonyme de croissance économique; de plus, l’orientation de Bruxelles sur le continent asiatique va déboucher également, tôt ou tard, sur un accord avec l’ASEAN309. Enfin, bien qu’orientée vers l’accroissement des échanges avec les pays émergents, l’UE montre l’exemple et tente de trouver les solutions répondant aux grandes questions liées à l’émergence de ces nouveaux acteurs majeurs de l’économie mondiale : ainsi, la Chine, premier pays avec lequel l’UE avait signé un accord commercial en 1978310, mais n’ayant pas encore acquis le statut d’économie de marché fonctionnelle de la part de Bruxelles et Washington311

A travers toute cette présentation, on peut conclure que, à l’exception de l’épineuse question de l’agriculture, on pourrait croire que le Vieux continent est quand même loin du concept de l’« Europe forteresse »

, le Brésil ou l’Inde représentent les exemples les plus éloquents.

312 avancé par les auteurs eurosceptiques et, à travers une stratégie prônant le multilatéralisme en tant qu’option de politique économique, Bruxelles déploie ses efforts afin de contribuer à la régularisation du commerce mondial. En revanche, les détracteurs de la politique commerciale communautaire soutiennent que, malgré les avancées enregistrées dans certains domaines, tel que l’incorporation du terme de développement durable à partir du Traité d’Amsterdam ou la dimension sociale du marché unique européen, cette politique est avant tout discriminatoire313

309 ANDREOSSO-O’CALLAGHAN & NICOLAS identifient les trois grands axes d’un tel instrument juridique: « trade liberalization (including tariff elimination, non-tariff barriers and other ”behind the border measures”), trade facilitation, and cooperation » (What Scope for an EU- ASEAN Free Trade Agreement, 119ss).

. L’agriculture, sujet de discorde et générateur de

310 A la veille du Traité de Maastricht, à côté de la possibilité pour Pékin de rejoindre le cadre OMC, les grandes orientations de l’action européenne – pour l’essentiel encore d’actualité aujourd’hui - en faveur de fortes relations économiques avec Pékin visaient : «Firstly, cooperation products should be extended to more sectors and (…) organized to improve China’s product quality control, design and packing, transportation technique, modernisation of traditional export products and exploration of new products. Secondly, (…) coordination could involve more European enterprises, promote industrial cooperation with the small States, enhance the guidance of the community and avoid repetition of projects (…). Thirdly, adopting new ways of cooperation. Expansion of cooperation requires first of all financial assistance which should be solved in a positive way » (HU, Legal and Policy Issues, p. 353). 311 Une opinion récente admet pourtant que pour la Chine « the recognition of China’s full market economy status seems to be more meaningful in a political sense than an economic interest for China », tout en soulignant que lors du dernier examen, effectué en juin 2007 par Bruxelles sur les conditions d’octroi d’un tel statut, Pékin avait réussi uniquement une des cinq conditions en jeu (LINGLIANG, A Preliminary Perspective, p. 133). 312 Déjà en 1993, BANETH constatait que « les importations communautaires de produits manufacturés en provenance des pays non membres ont augmenté plus vite que le commerce intra- communautaire, démentant ainsi la prétendue "Forteresse Europe" » ( "Fortress Europe", p. viii). 313 GAVIN conclut que « the EU as a regional trading block is inherently discriminatory in that it gives preferential treatment to its own members over third countries » (The European Union and the Globalization, p. 11), alors que HEIDENSOHN identifie dans la politique commerciale communautaire trois sources pour cette discrimination: « First, discrimination results from the EU pursuing a common commercial policy. Second, the Union’s trade policies have been discriminatory in that the number, range and nature of the special trade agreements concluded by

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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l’immobilisme affiché dans les négociations tenues à l’OMC, reste pourtant un secteur hautement protégé par Bruxelles314 et il va constituer sans doute un des problèmes majeurs à résoudre à l’avenir, afin que le cadre des échanges mondiaux puisse être accepté par toutes les parties impliquées : la position de l’UE sur le dossier agricole devra être reconsidérée afin que de vraies avancées puissent être enregistrées, l’UE se trouvant dans une réelle impasse, ceci même avec certains pays comptant parmi ses alliés stratégiques fidèles315

.

c. Elargir les champs de la régulation mondiale

La politique commerciale commune, avec son puissant secteur réservé aux échanges de marchandises avec les Etats tiers, représente à elle seule l’expression, à une échelle plus réduite, des transformations subies par le projet européen dès ses débuts et jusqu’à présent. Si dans les années ’60 cette politique était cantonnée au commerce de marchandises et à la défense commerciale, elle a connu par la suite une extension graduelle permettant l’incorporation de nouveaux domaines, tels que les services, l’agriculture, la propriété intellectuelle ou les investissements. L’évolution des rapports de forces sur les marchés mondiaux, le besoin d’une constante et facile adaptation aux nouvelles réalités macro-économiques, ainsi que tout simplement la nécessité de présenter une réponse cohérente face aux défis de l’économie mondiale en perpétuelle transformation ont favorisé, et même rendu nécessaire, cet élargissement du contenu matériel de la PCC.

A titre d’exemple, une comparaison entre l’ordre juridique de l’UE et celui de l’OMC, en dehors du fait que les deux systèmes avaient en commun leur nature libérale316, nous laissait apercevoir une différence de taille : alors que les Parties à l’Accord GATT 1947 poursuivaient uniquement « la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et (…) l’élimination des discriminations en matière de commerce international »317, les fondateurs du projet communautaire visaient avant tout « l’établissement d’un marché commun et l’harmonisation progressive des politiques économiques des Etats membres » (art. 2 du Traité de Rome)318

the European Union have led to a “pyramid of preferences”. Third, (…), specific trade policy measures have resulted in protectionism on a sectoral basis » (Europe and World Trade, p. 69-70).

. Depuis lors, les choses ont évolué : les nouvelles questions incluses lors du Cycle Uruguay parmi les sujets à régulariser au niveau international – les services, les problèmes liés à la

314 Voir l’analyse des obstacles tarifaires et non tarifaires que Bruxelles impose pour la protection de l’agriculture faite par SONNET qui conclut que « EU protects her agricultural sector by establishing tariffs which are higher than the general average of the tariffs established for food, fishing, the textiles and the clothes » (op. cit. p. 52). 315 STEENBERGEN observait déjà à la fin du Cycle de Tokyo: « it follows that the EC is increasingly isolated with regard to agricultural export subsidies and import levies, at is come under pressure, not only from the US, Australia and New Zealand (traditional exporters), but also from a growing list of developing countries » (Trade Regulation since the Tokyo Round, p. 213). 316 Pour ROCA, « quel que soit le degré d’intervention des systèmes communautaire et multilatéral, leur dénominateur commun réside sans conteste dans la libéralisation des échanges, totale dans le premier, progressive dans le second » (Le démantèlement, p. 37). 317 2ème consid., Préambule GATT 1947. 318 Traité instituant la Communauté européenne, version consolidée JOCE n° C 325 du 24 décembre 2002.

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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propriété intellectuelle et aux investissements, ainsi que ceux concernant les standards techniques et sanitaires – ont réduit considérablement la différence enregistrée entre le champ matériel des deux ordres juridiques; pourtant la nature des deux ordres juridiques reste quand même très différente. Autrement dit, suivant l’exemple de sa contrepartie régionale, l’ordre juridique de l’OMC ne s’est plus limité à la question de la réduction des barrières commerciales ou à l’élimination des traitements discriminatoires, mais a fait le passage vers une étape supplémentaire, où la composante encore primordiale du commerce multilatéral, c'est-à-dire la libéralisation du commerce international, se trouve confrontée au besoin de prendre en compte des considérations restées auparavant exclues des stratégies économiques. En même temps, l’interaction entre les deux ordres juridiques se fait également dans l’autre sens, si l’on considère, à l’instar de quelques auteurs, le droit communautaire comme un modèle à l’échelle réduite du système de l’OMC319

Suite à plusieurs prises de position provenant périodiquement de la Commission, la stratégie de l’UE en matière de commerce mondial a connu, depuis le lancement du Cycle de Doha, une accélération quant à cette évolution constante caractérisée par l’incorporation parmi ses priorités d’action de plusieurs sujets qui jadis restaient en dehors des stratégies économiques. Des sujets transversaux ayant été inclus dans la politique économique européenne, tels que l’environnement ou le développement, sont devenus les exemples d’une nouvelle stratégie visant avant tout une réponse cohérente aux défis soulevés par la société globalisée contemporaine.

.

Un exemple éloquent de cette nouvelle vision de l’UE est celui du schéma de préférences tarifaires généralisées (ci-dessous PTG). Déjà en juillet 2004, Bruxelles adoptait de nouvelles directives quant aux modalités de fonctionnement du PTG pour la décennie 2006-2015, par le biais d’une Communication extrêmement importante de la Commission320. Ce document avait été suivi fin 2004 d’une proposition faite par la même institution au Conseil321, concernant les modalités de réglementation en la matière. Sur cette base, le Conseil a adopté un Règlement322

319 Pour KEBABDIJAN, « l’Europe peut être interprétée comme l’expérimentation d’une voie originale de régulation de la globalisation (sa globalisation interne : l’européanisation) grâce à la construction d’un système complexe de pouvoirs comportant un pouvoir gouvernement transnationalisé » (p. 168), alors que GAVIN conclut, en s’appuyant sur l’incorporation graduelle de questions telles que l’environnement ou les droits sociaux dans ordre juridique communautaire, que « this EU model of dealing with civil society is far ahead of the WTO and could, therefore, provide some lessons » (op. cit., p. 16).

qui proposait un système révolutionnaire : en renonçant aux trois catégories anciennes de régimes d'encouragement, l’UE met en place un seul cadre, rassembleur, couvrant plusieurs domaines d’action, tels que les droits de l’Homme, les droits sociaux (les droits des travailleurs, en priorité), la protection environnementale, la lutte contre la corruption et le combat contre la production et le trafic des drogues. Pour une action efficace dans ces domaines, l’UE fixe à la charge des pays en développement, comme condition d’accès au régime spécial d'encouragement, la ratification et l’introduction dans leur rapports

320 Commission européenne, Pays en développement, commerce international et développement soutenable. 321 Proposition de règlement du Conseil portant application d’un système de préférences tarifaires généralisées, COM (2004) 699 final, 20 octobre 2004. 322 Conseil de l’UE, Règlement (CE) n° 980/2005.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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bilatéraux des plusieurs instruments juridiques internationaux : d’une part, pas moins de huit conventions ONU concernant les droits de l’Homme323 et huit conventions OMT324 et, d’autre part, sept conventions à choisir dans un paquet comprenant sept conventions environnementales325, trois conventions sur les drogues326 et une convention anti-corruption327. Enfin, Bruxelles utilise le mécanisme de surveillance de chaque convention afin, d’un côté, d’établir la liste des pays remplissant les conditions pour l’octroi du SPG328 et, d’un autre côté, mener des investigations quant au respect des sanctions et des principes établis dans les instruments précités, comme condition pour le maintien des avantages promis329. Suivant la doctrine330

323 ANNEXE III, Conventions visées à l'art. 9, PARTIE A : Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2), Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, (RS 0.103.1), Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (RS 0.104), Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (RS 0.108), Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0.105), Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107), Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (RS 0.311.11), Convention internationale du 30 novembre 1973 sur la suppression et la répression du crime d'apartheid (FF 1999 V 4917)..

, on considère également qu’il s’agit ici d’un système exprimant à la fois la nouvelle vision élargie de la politique commerciale de

324 ANNEXE III, Conventions visées à l'art. 9, PARTIE A : Convention du 26 juin 1973 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (RS 0.822.723.8), Convention du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (RS 0.822.728.2), Convention du 25 juin 1957 sur l'abolition du travail forcé (RS 0.822.720.5), Convention du 28 juin 1930 concernant le travail forcé ou obligatoire (RS 0.822.713.9), Convention du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main- d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (RS 0.822.720.0), Convention du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (RS 0.822.721.1), Convention du 9 juillet 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (RS 0.822.719.7), Convention du 1er juillet 1949 concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective (RS 0.822.719.9). 325 ANNEXE III, Conventions visées à l'art. 9, PARTIE B : Protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (RS 0.814.021), Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination (RS 0.814.05), Convention de Stockholm du 22 mai 2001 sur les polluants organiques persistants (RS 0.814.03), Convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (RS 0.453), Convention de Rio de Janeiro du 5 juin 1992 sur la diversité biologique (RS 0.451.43), Protocole de Cartagena du 29 janvier 2000 sur la prévention des risques biotechnologiques (RS 0.451.431), Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (RS 0.814.011). 326 ANNEXE III, Conventions visées à l'art. 9, PARTIE B : Convention unique des Nations unies du 30 mars 1961 sur les stupéfiants (RS 0.812.121.0), Convention des Nations unies du 20 décembre 1988 sur les substances psychotropes et Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (RS 0.812.121.03). 327 ANNEXE III, Conventions visées à l'art. 9, PARTIE B : Convention des Nations unies du 9 décembre 2003 contre la corruption (RS 0.311.56). 328 Art. 10 ch. 2 du règlement (CE) n° 980/2005. 329 Articles 16 et 17 du règlement (CE) n° 980/2005. 330 « The new 10 years guidelines and implementing Regulation significantly change the way in which the special incentives function under the GSP » (HARRISON, Incentives for development, p. 1676).

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Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises

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l’UE, construite sur l’interconnexion de plusieurs chantiers de travail dans le but d’obtenir l’harmonisation du commerce et du développement, et une preuve d’attachement de Bruxelles aux efforts déployés à l’échelle internationale pour améliorer le cadre commercial multilatéral.

La question environnementale a généré tellement de débats qu’elle fait déjà figure à part dans l’ensemble des nouvelles pistes de réflexion et de questions nécessitant une prise en compte au moment de l’établissement des politiques économiques communautaires. Il existe plusieurs initiatives prises par l’UE en relation avec cette question : on va rappeler, d’abord, le cas des écotechnologies proposées au début de l’année 2004331, destinées à pouvoir aussi bien lutter efficacement contre le changement climatique qu’à permettre d’obtenir une efficacité accrue dans le processus technologique tout en épargnant le maximum possible de ressources utilisés332

Pour conclure, saluons le rôle marquant que l’UE a joué, surtout à partir des années 2000, dans la promotion d’une stratégie économique ayant le développement comme un des points de référence. Il s’agit ici de la conséquence d’une politique économique conjointement soutenue par la Commission et les Etats membres et dont les chiffres sont significatifs : la Commission européenne fournit à elle seule 10% de toute l’aide mondiale et 50% de celle-ci avec les Etats membres

.

333

De plus, dans le cadre de ses stratégies économiques développées à l’échelle internationale, Bruxelles joue un rôle phare dans l’incorporation des différentes composantes du volet social de la notion de travail (interdiction du travail des enfants et du travail forcé par exemple), bien que ce processus soit assez lent en raison de certaines réticences manifestées au niveau national. Vu l’absence d’une clause sociale dans l’Accord OMC

. L’importance de cette collaboration se montre d’autant plus marquante durant une période enregistrant l’abandon des autres programmes d’aide de la part de plusieurs donateurs et la multiplication des périodes de récession économique enregistrées globalement.

334

Enfin, les développements législatifs et jurisprudentiels enregistrés à Bruxelles quant au problème complexe du commerce en ligne, touchant certainement à l’avenir plusieurs aspects du « commerce classique », peuvent servir comme orientation vers une réglementation future de cette matière au niveau multilatéral

, la position de l’UE peut constituer, même à long terme, un exemple à suivre pour les futures négociations se déroulant au sein de l’OMC.

335

.

331 Commission européenne, Promouvoir les technologies au service du développement durable. 332 HENRY souligne les avantages de ces nouvelles technologies : « elles contribuent à l’innovation technologique et, en plus, elles peuvent renforcer la compétitivité européenne, ouvrir des marchés potentiels et finalement créer des emplois nouveaux hautement qualifiés » (Des technologies pour relancer la croissance, p. 321). 333 DGEFA, Responses to the challenges of globalization, p. 65. 334 Reprenant les idées avancées par les auteurs acquis à cette cause, DUFOUR explique la motivation de ce rejet : « l’objectif politique visé – améliorer les conditions des travailleurs des pays les moins avancés – et l’instrument politique utilisé – recourir à des mesures restrictives à l’importation – sont totalement disjonctifs. Il est en effet à craindre que les principales victimes des mesures commerciales restrictives imposées par le pays importateur à l’encontre de produits exportés spécifiquement identifiés soient les personnes que l’on entendait initialement protéger, à savoir les travailleurs du pays exportateur qui ne bénéficient pas de justes conditions de travail » (L’Organisation Mondiale de Commerce et les normes minimes de travail, p. 183). 335 Pour un examen de la question, voir EDWARDS, The New Legal Framework.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse ? Section A L’universalisme et le multilatéralisme dans la

participation à l’OMC, le pragmatisme dans les rapports avec Bruxelles

On peut affirmer sans la moindre hésitation que la Suisse fait partie des acteurs

importants dans l’évolution du système GATT/OMC, de par les efforts qu’elle a déployés pour la réglementation de plusieurs dossiers sensibles, par ses initiatives soumises lors de négociations qui se sont déroulées dans différents Sommets et même par l’importance de Genève en tant que lieu historiquement reconnu pour la recherche de solutions diplomatiques unanimement acceptables.

Et pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître pour un pays fervent adepte du libre-échange, il a fallu dix-huit ans avant que la Suisse devienne acteur à part entière dans le cadre dudit système. Une explication historique peut être trouvée à ce retard336 : trois obstacles à la participation de la Suisse se sont présentés après 1948. En premier lieu, l’incorporation de l’agriculture dans la liste des domaines visés par le processus de libéralisation contrastait farouchement avec le souci suisse de protection de ce secteur économique stratégique. Deuxièmement, le lien établi entre l’Accord GATT 1947 et le FMI n’était pas à l’époque bien considéré par la Suisse337

Cette méfiance suisse vis-à-vis des formes d’intégration supranationale, qu’il s’agisse de coopérations politiques ou de partenariats économiques, peut s’expliquer par la préoccupation de ne pas porter atteinte aux valeurs fondatrices de la Confédération, c'est-à-dire la démocratie directe, la neutralité et le fédéralisme. L’évolution de la Suisse en tant qu’acteur impliqué au niveau européen et mondial se caractérise par la réticence politique doublée d’un pragmatisme économique. En outre, le jeu et l’interconnexion entre ces deux facteurs ont déterminé, probablement plus que dans tout autre pays, en tenant compte des particularités suisses, les positions prises par Berne dans l’intégration européenne et mondiale.

. En troisième lieu, les désaccords existaient entre Berne et Washington – principal acteur et soutien de l’Accord GATT 1947 –, désaccords dépassant même le cadre des suspicions américaines quant à la position suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale. C’est ainsi que la Confédération suisse n’a établi des relations avec le système GATT qu’à partir de 1958, pour y accéder définitivement seulement en 1966.

Parmi les facteurs qui peuvent expliquer pourquoi Berne a choisi l’approche économique au détriment de l’intégration politique avec Bruxelles il faut rappeler, même s’il n’y a rien de nouveau dans cette affirmation, que le rapport entre le politique et

336 GOETSCHEL & BERNATH & SCHWARZ, Politique extérieure suisse, p. 186. 337 Aussi bien le GATT que le FMI ont été le résultat de la politique économique américaine conçue durant la deuxième guerre mondiale, par laquelle « le Congres américain encourageait la libération des échanges par l’abaissement des tarifs douaniers ou la suppression des taxes financières à l’étranger, suscitait le démantèlement des contrôles des prix et des monopoles d’Etat » (BOSSUAT, p. 32).

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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l’économie est guidé toujours par la poursuite des intérêts économiques338 et, dans la même perspective, que des sujets tels que l’adhésion à des structures supra-étatiques rencontre également l’opposition des partisans de tout ce qui est lié au national339

L’imbrication entre la méfiance politique et le pragmatisme économique a conditionné, voir renforcé, l’attitude plutôt réservée que Berne a constamment affichée dans ses rapports politiques avec Bruxelles. Sur le plan strictement économique, la formule employée qui couvre le mieux cette réalité est celle de « la politique des petits pas »

.

340

La méfiance envers les structures supra étatiques fait partie de la philosophie politique développée constamment en Suisse. Tenant compte de tous les éléments caractérisant la construction politique particulière que représente la Confédération suisse, il semble parfaitement logique que la vision politique adoptée à Berne diffère de celle préconisée et soutenue depuis Bruxelles. Différentes contributions de la doctrine ont essayé d’apporter les explications pertinentes quant à ladite méfiance, à l’exemple de GABRIEL qui a analysé en détail le caractère unique du modèle politique suisse

, présentée comme un instrument bénéfique pour la Suisse : ainsi, elle peut échapper aux désavantages économiques d’une adhésion à l’Europe (apport de 1% de son PIB au budget communautaire), elle peut garder son libre choix quant aux piliers de son économie (fiscalité des entreprises, réglementation des secteurs financiers et bancaires, financement du son régime de sécurité sociale) et elle peut préserver une indépendance monétaire pour le franc suisse.

341

De façon générale, la balance s’est inclinée jusqu’à présent nettement en faveur des considérations politiques : il est clairement utopique de concevoir toute appartenance suisse à une structure économique sans prendre en compte les traits particuliers du système politique suisse; la participation suisse à l’OMC, organisation intergouvernementale à vocation planétaire, ne fait que confirmer ce point de vue, car les compromis politiques en découlant sont âprement négociés et ne comportent toutefois pas de changements majeurs pour le système politique mis en place à Berne. Suivant la doctrine, des considérations d’ordre économique représentent une déterminante importante pour le choix de la stratégie de politique européenne, mais elles ne sauraient se substituer à des considérations d’ordre politique sur le rôle futur de la Suisse dans une nouvelle Europe

.

342

338 « Although economic elites, in particular export-oriented sectors, were more favourable toward integration, when market access was important, political elites additionally required the political impediments to be low » (GSTÖHL, Reluctant Europeans, p. 222).

. De ce point de vue, il est intéressant de noter qu’au niveau

339 « Myths about national exceptional, heroic fights for independence and resistance, or certain features of the political systems may produce awkward EU members » (Id., p. 223). 340 CURZON PRICE, Effets économiques de l’intégration pour la Suisse, p. 95. 341 « Another trait of Swiss political culture is smallness, or what in German is referred to as Kleinstaatlichkeit. The Swiss are extremely aware of being a small polity, and it is something that they like. It is no coincidence that the only Swiss political philosopher of renown is Jean- Jacques Rousseau, the Genevan famous for his advocacy of small, directly rules republics. Like most Swiss, Rousseau was sceptical of large political units. In many of his publications he depicted the evils of large and generally governed kingdoms. (…). To this day many Swiss are convinced that large political entities and Grossräume are inherently unstable. From this perspective, the European Union is seen as bound to fail » (GABRIEL, The price of political uniqueness, p. 8). 342 HAUSER & BRADKE, Traité sur l’EEE, p. 278.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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multilatéral, l’aspect économique a, selon une opinion justifiée, dépassé les clivages d’ordre politique entre les différents acteurs, avec ou contre leur gré343

En même temps, du point de vue purement économique, la Suisse a fait constamment des efforts d’ouverture, traduits par des mesures en faveur du multilatéralisme, afin d’adapter son système législatif en fonction des changements intervenus à l’échelle globale. Un exemple typique concerne le domaine des marchés publics. L’Accord OMC sur les marchés publics

.

344, en vigueur depuis le 1er janvier 1996, réglemente au niveau multilatéral ce secteur stratégique, en imposant des principes345 et une procédure de fonctionnement346. L’instrument juridique bilatéral, conclu entre la Suisse et l’UE dans le cadre des Bilatérales I347 a repris dans ses dispositions348 les grandes lignes de l’AMP, tout en élargissant le champ d’application dudit accord multilatéral : dans la liste des destinataires des entités visées par les règles OMC - comprenant la Confédération, les cantons et les entreprises publiques - de nouvelles entités, telles que les communes (art. 2 par. 1) ou les entreprises privées concessionnaires (art. 3 par. 3) ont été ajoutées. En outre, la liste des secteurs couverts par les règles OMC – comprenant l’eau, l’électricité et les transports urbains - a été également étendue, en y incorporant les télécommunications (Annexe I) et le transport ferroviaire (Annexe II), le secteur énergétique incluant aussi le gaz, le pétrole ou le charbon (Annexe III), les services (Annexe IV), ainsi que les transports, comprenant également ceux des téléphériques et remonte-pentes (art. 3 par. 2 let. f). Parmi les avantages marquants de l’Accord bilatéral il faut observer qu’avec son entrée en vigueur – et la couverture des domaines où, auparavant, il fallait que les acheteurs suisses soient capables de présenter des offres de 3% moins chères - « les entreprises suisses ne seront plus désavantagées dans tous les secteurs non couverts par l’accord OMC »349

Dans cette équation complexe qui caractérise la poursuite des rapports politiques et économiques entre Berne et Bruxelles, un rôle important est joué également par ceux qui défendent les intérêts économiques suisses à Bruxelles. En effet, vu qu’ils constituent

.

343 Dans un plaidoyer contre l’actuel système OMC fondé uniquement sur le libre-échange, LANNOYE & TRÉPANT constatent que « l’idée qui veut que le marché doit prévaloir sur le politique se traduit clairement dans le fonctionnement d’une institution fondée sur une hiérarchie des valeurs où le commerce occupe la position dominante » (L’OMC – Quand le politique se soumet au marché, p. 97). 344 RS 0.632.231.422. 345 Les principes fondamentaux concernaient l’égalité de traitement pour tous les soumissionnaires (art. III), le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement (art. V), la transparence des procédures (art. XVII) ainsi que le droit de recours contre des décisions liées aux procédures de soumission et d’adjudication, octroyé à partir de certains seuils (art. XX). 346 Parmi les dispositions clé, il faut citer les procédures de passation de marchés (art. VII), l’invitation à soumissionner pour des marchés envisagés (art. IX) et les procédures de sélection (art. X), l’appel d’offres limité (art. XV). 347 Cf. infra p. 107. 348 Les entités concernées doivent présenter des appels d’offre, les critères de sélection doivent être non-discriminatoires et prédéfinies » (art. 4 par. 1 let. d), le critère principal d’attribution des marchés étant « l’offre économiquement la plus avantageuse (…) ou l’offre au prix le plus bas » (art. 4 par. 1 let e); cette interprétation large à permis d’agrandir la liste des critères dont il faut tenir compte, tels que les « délais, la qualité, l’impact sur l’environnement, les conditions de travail et les conditions salariales locales ou l’égalité de traitement entre homme et femme » (DFAE/DFE, Les sept accords bilatéraux, p. 17). 349 DFAE/DFE, Les sept accords bilatéraux, p. 20.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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le premier échelon de contact entre les milieux politiques ou économiques communautaires et leurs contreparties suisses, ils déploient un travail extrêmement important pour le développement des relations bilatérales; en outre, en surveillant de très près l’évolution du rapport bilatéral des forces, ils fournissent également les informations les plus utiles pour la prise de décisions de Berne à l’égard de son partenaire européen; enfin, à cause de leur poids important dans la balance économique autochtone, leur point de vue est loin d’être négligeable pour les dirigeants politiques suisses350

Si on examine les décisions prises par Berne au fur et à mesure de sa participation aux rapports économiques se déroulant à l’échelle européenne et mondiale, la Suisse a fait preuve d’une volonté d’universalisme qui, réunie avec les considérations de politique commerciale extérieure, permet de comprendre le choix traditionnel des autorités suisses en faveur des relations commerciales construites sur une base non préférentielle. Le concept d’universalisme s’exprime dans le droit international public par le système de la nation la plus favorisée, un des piliers du système international des relations économiques mis en place après 1945

.

351. La clause dudit système a pour effet d’incorporer au traité qui la contient les normes d’un traité conclu par un des contractants avec un Etat tiers et auquel elle renvoie352

A l’aube de la nouvelle phase de construction européenne mise en place dès 1945, il y avait en Suisse une conscience des limites et des avantages de l’économie suisse : d’une part, l’exiguïté du territoire national était une donnée incontestable qui ne pouvait pas être compensée par le positionnement géographique du pays au coeur de l’Europe et, d’autre part, vu la relative pauvreté du sol et du sous-sol, les matières premières n’étaient pas suffisantes pour assurer un développement économique capable de garantir un revenu convenable aux habitants. Partant, il était évident que la prospérité de la Suisse se présentait comme « presque totalement indépendante des ressources naturelles du pays, étant conditionnée par le marché du monde »

.

353

350 Une publication de 2004 dresse une liste des acteurs représentant les intérêts de Berne à Bruxelles : economiesuisse, l’Académie syndicale européenne comme porte-parole des associations syndicales suisses, le Département Cargo des CFF, la représentation de Swiss Tourisme, l’Association des banques suisses et les cantons suisses qui y sont représentés par des avocats suisses travaillant avec une étude américaine d’avocats. Cette liste couvre en priorité le niveau gouvernemental et celui des milieux d’affaires; en outre, il ressort qu’economiesuisse ne représente que le parapluie sous lequel sont défendus les intérêts de l’économie suisse dans sa globalité, alors qu’au niveau individuel, les grands multinationales suisses (Nestlé, Novartis, Roche, ABB, Winterthur, Swiss Life, Swiss Re) ainsi que les grandes banques suisses (UBS et Credit Suisse) sont présentes également à Bruxelles et agissent en tant que collecteurs d’informations pour leurs sièges principaux basés en Suisse. Enfin, les intérêts non économiques se retrouvent aussi dans la capitale belge, mais n’interviennent qu’à titre ad hoc et uniquement à l’occasion des négociations menées entre la Suisse et l’UE (GRESCH-BRUNNER, trad. anglais, Swiss Interest Representation in Brussels, p. 32ss).

.

351 Il n’est pas dépourvu d’importance de souligner que la clause de la nation la plus favorisée est contenue dans l’article inaugural du premier texte d’importance majeure issu de la fin de la Deuxième Guerre mondiale : « Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes » (art. I GATT). 352 GUGGENHEIM, Traité de droit international public, p. 104. 353 RAPPARD, La Suisse et le marché du monde, p. 58.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

85

Le rejet des arrangements fondés sur des traitements commerciaux préférentiels se retrouve également lors de la naissance de l’AELE : ainsi, «vu les dangers inhérents aux solutions bilatérales et les insuffisances de ces dernières»354

Cette approche multilatérale trouve dans le libre-échange le minimum nécessaire à accomplir dans les échanges commerciaux contemporains. En adoptant une politique fondée sur le libre-échange et le multilatéralisme, les Etats n’ont qu’à gagner, malgré les inconvénients que certains partisans des solutions économiques nationales pourraient soulever. En fait, le protectionnisme ne peut être que la mauvaise réponse aux changements structurels de l’économie mondiale : les solutions pour résoudre les multiples problèmes engendrés par la mondialisation - toujours plus accrue et dont les bénéfices apparaissent trop souvent injustement repartis – ne peuvent pas résulter à partir des visions nationales de promotion du commerce, et ne peuvent se dégager par des agissements étatiques individuels. Suivant la doctrine, il apparaît ainsi certain que « en édifiant des obstacles aux échanges, les Etats pensent enrayer le déclin de l’emploi dans les secteurs protégés et, alors qu’ils ont depuis longtemps admis que le maintien d’obstacles entre leurs différentes régions ou provinces serait un grave handicap pour le développement national, ils pénalisent le niveau de vie et la compétitivité de leur pays, en bloquant des ressources au profit de productions inefficaces et en forçant les consommateurs et les utilisateurs de biens intermédiaires à payer les produits au-dessus du prix mondial »

, la Suisse soutenait ouvertement le multilatéralisme et proposait la création d’une zone de libre-échange englobant d’autres pays non membres de la CEE.

355

Dans ce début de millénaire, la référence dans la dynamique des évolutions caractérisant la politique économique suisse reste l’universalisme, comme stratégie découlant de la participation, active et à la recherche des résultats concrets, au sein de l’OMC

.

356 et de la conclusion des différents accords de libre-échange. C’est d’ailleurs le vœu exprimé par le Conseil fédéral, dans une prise de positon relative à l’imbrication entre le système multilatéral de l’OMC et les accords de libre - échange : pour le gouvernement fédéral « les accords de libre-échange ne sauraient se substituer au système commercial multilatéral à l’OMC, qui doit donc poursuivre son développement »357

354 CF, Message du 5 février 1960, FF 1960 I 892.

. La ligne suivie par le gouvernement suisse suit pratiquement la voie souhaitée déjà constamment par les milieux d’affaires suisses, très intéressés à une ouverture sur plusieurs plans d’action de l’économie suisse : « au vu de la tendance mondiale au régionalisme et au bilatéralisme, la Suisse doit – à l’instar de la stratégie de l’UE – non seulement consolider son engagement multilatéral et les relations bilatérales avec ses

355 HENRY, Dynamique du Commerce international, p. 74. 356 Le Conseil fédéral montrait les lignes de cette participation au cours de 2009: « Dans ces négociations, la Suisse a présenté plusieurs propositions concrètes en vue de résoudre les éventuels conflits entre les règles commerciales et les règles environnementales et a communiqué des principes généraux d’interprétation à cet égard. En outre, elle s’est associée à d’autres membres de l’OMC partageant son point de vue pour soumettre une liste de biens environnementaux (fours solaires, produits de construction biodégradables comme le jute ou le sisal, cellules photovoltaïques, installations éoliennes, etc.) pour lesquels il conviendrait, selon eux, de libéraliser davantage le commerce, et ainsi de le stimuler. La Suisse soutient par ailleurs la libéralisation d’autres biens et services environnementaux » (CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 441). 357 CF, Rapport sur la politique économique extérieure 2006, FF 2007 I 853.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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principaux partenaires commerciaux (UE), mais aussi élargir ses relations bilatérales avec d’autres partenaires importants (Etats-Unis, Japon) »358. En même temps, la Suisse a travaillé au niveau multilatéral, pendant 2009, à l’amélioration des capacités commerciales des pays les moins avancés : parmi ses activités359

, elle a financé, dans le contexte du Cadre intégré renforcé (CIR), des programmes financés au Laos et au Mozambique, elle a adhéré à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), programme ayant pour but d’aider, d’une part, les gouvernements nationaux à mettre en place des procédures d’octroi de concession transparentes et, d’autre part, à fixer les critères permettant l’utilisation des recettes provenant des concessions octroyées aux entreprises de matières premières (telles que les minéraux, le pétrole et les pierres précieuses).

Section B Participation à l’AELE : la conclusion des accords de libre-

échange Il est nécessaire, après l’analyse des efforts menés par la Suisse au sein de l’OMC,

de présenter les pas accomplis par Berne quant à la conclusion des accords bilatéraux, voir plurilatéraux, au niveau international. Cette démarche s‘impose uniquement si on considère le lien d’interdépendance entre ces différentes stratégies formulé par le Conseil fédéral, l’approche bilatérale étant vue comme un soutien des efforts accomplis au niveau multilatéral360

En guise d’introduction, il est utile de souligner le fait que les données démographiques et géographiques de la Suisse ont, depuis longtemps

.

361

Force est de constater que la notion de libre-échange a été embrassée, développée et soutenue par la Suisse dès les premiers instants marquant l’entrée de la Suisse sur le marché commercial européen, modernisé suite aux développements engendrés par la révolution industrielle

, favorisé la préférence que les milieux d’affaires suisses ont prêtée aux exportations, perçues comme moyen parfait pour compenser l’étendue territoriale limitée de leur pays, agissant comme un obstacle à une politique massive des importations.

362

358 economiesuisse, Derniers développements, p. 1.

. La doctrine de l’époque expliquait de manière simple et concise

359 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 505. 360 « L’engagement plurilatéral et bilatéral de la Suisse complète son engagement multilatéral. Il poursuit donc les mêmes objectifs de durabilité et contribue, en particulier, à la cohérence des dispositifs réglementaires internationaux dans les domaines commerciaux, sociaux et environnementaux. Il peut en outre permettre de combler d’éventuelles lacunes réglementaires » (CF, Id., FF 2010 I 445). 361 PIUZ notait, dans un commentaire sur les anciens rapports économiques noués entre Genève et Marseille, que « les quelques villes suisses qui participent aux opérations du commerce lointain réunissent à peine 150.000 habitant au XVIIIème siècle. Ces villes s’entourent, sauf Genève, d’un arrière-pays au service des fabricants et artisans, donc un espace plus producteur qu’acheteur. Cette population des villes et des banlieues ne représente qu’un faible potentiel de consommation » (Marchandises du commerce, p. 500). 362 Il ne fait aucun doute que le système économique prôné à la fin du XVIIIème siècle par Adam Smith – application à l’échelle internationale du libre-échange en tant que politique économique permettant l’accumulation des richesses par tous les Etats et donc la paix durable partout dans le monde, l’abandon des guerres et conflits commerciaux internationaux et la non ingérence de l’Etat

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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les raisons de ce choix, en apportant également la preuve d’un certain savoir-faire suisse dans les négociations accompagnant ce type de comportement économique : « De tout temps, la Suisse a été dévouée au libre-échange. C’est une conséquence de sa situation. Notre pays doit, pour vivre, exporter une partie de ses bras ou de ses produits; (…) par exemple, les traités avec la France prévoyaient régulièrement qu’en échange des troupes levées pour le service du Roi, les toiles du lin et de chanvre et les peaux fraîches ou tannées provenant des cantons seraient admises dans le royaume en franchise de droits et pourraient librement y circuler et être vendues »363. Pour le même auteur, la chance de gagner progressivement des marchés pour les exportations suisses de haute qualité se dévoilait ainsi comme une nécessité absolue pour la Suisse, en éloignant en même temps la sombre perspective d’un cloisonnement économique : « Persuadé que la facilité à défaut de la liberté complète des échanges est une condition indispensable de notre prospérité nationale, j’envisage que la Suisse ne peut, même en apparence, passer dans le camp du protectionnisme »364

Ce privilège accordé au développement des relations commerciales fondées sur le libre-échange s’est retrouvé également dans la politique économique adoptée par Berne, dès le départ de la construction économique de l’Europe, au lendemain de la deuxième conflagration mondiale. Le choix de Berne de participer à l’édifice d’un certain modèle de « nouvelle Europe » doit être observé uniquement dans la perspective des devoirs que lui incombaient en vert de cette appartenance. Ainsi, le rejet par la Suisse d’un scénario impliquant des atteintes à sa souveraineté - si le choix des autorités suisses avait porté sur une adhésion à la CEE - est facilement explicable prenant en compte les buts nettement moins contraignants de l’AELE : la création d’une zone de libre circulation des marchandises industrielles, tout en établissant un grand marché européen.

.

Dans sa formulation, le terme même de « libre-échange » présente une connotation purement économique : il s’agit d’une modalité de développement des rapports commerciaux qui, « en matière d’échanges transfrontaliers de marchandises, de prestations de services et de capitaux, n’applique aucun protectionnisme tarifaire (droits de douane et limitations de quantités) et non tarifaire (obstacles techniques et administratifs au commerce) »365

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse a observé le processus de la construction européenne avec une retenue prudente découlant de considérations de politique étrangère. Le respect du principe de neutralité a poussé les autorités suisses à

. Il est vrai que, en ce qui concerne sa mise en pratique, l’élément politique joue indéniablement le rôle principal, mais ladite connotation - loin des significations des termes tels que « communauté » ou « union » - a représenté un élément significatif ayant conditionné les négociations poursuivies ultérieurement : en d’autres termes, avant toute forme de rapprochement politique, la priorité a toujours été donnée, dans les rapports bilatéraux, à la coopération économique.

dans les affaires économiques internationales, le respect par tous les Etats des lois du libre- échange et de la libre concurrence en tant que « main invisible » permettant un partage optimal du capital entre les différents secteurs de l’économie - représentait la solution idéale pour la Suisse, pays doté d’une structure étatique originale, favorisant les particularités cantonales à côté d’une uniformisation fédérale « supra étatique », et obligé de se tourner vers l’extérieur pour survivre économiquement. 363 DROZ, Protectionnisme ou libre-échange, p. 229. 364 Id., p. 266. 365 GOETSCHEL & BERNATH & SCHWARZ, op. cit., p. 186.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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adopter une attitude de réserve vis-à-vis de toute appartenance à un bloc ou à une alliance d’Etats à caractère supranational. Un premier témoignage dans cette direction est offert en lisant les trois réserves émises le 9 juillet 1947 par le gouvernement de Berne lors des négociations pour la signature de l’accord sur l’OECE :

«1. (…) la Suisse ne prendra aucun engagement qui serait incompatible avec son statut traditionnel de neutralité.

2. Les résolutions de la Conférence, qui affecteraient l’économie suisse, ne pourront devenir obligatoires à l’égard de la Confédération que d’entente avec elle.

3. La Suisse se réserve la liberté de maintenir les accords commerciaux qu’elle a conclus avec les états européens qui ne participeront pas aux travaux de la Conférence et d’en conclure de nouveaux »366

Par rapport à l’attitude adoptée par Berne dans les années ’50, il a été à juste titre observé que, du fait que la CECA – qui venait d’être créée à l’époque – couvrait uniquement le secteur du charbon et de l’acier, il apparaissait que le fédéralisme et la démocratie directe auraient été très peu, sinon pas du tout, touchés mais que l’adhésion à Bruxelles était hors de question pour des raisons tenant à la neutralité

.

367

Une première tentative visant l’instauration d’une zone de libre-échange paneuropéenne se produit à la veille du Traité de Rome. Le Royaume-Uni, conscient de l’enjeu représenté sur le plan commercial par l’instauration d’un Marché Commun des Six, proposa en juillet 1956 l’établissement d’une zone de libre-échange entre le Marché Commun et les autres membres de l’OECE. La Suisse – aussi bien au niveau politique, par la voix du conseiller fédéral Petitpierre

.

368, qu’au niveau économique, par celle du chef du Département fédéral de l’économie publique, M. Holenstein369 - fît part de son appui à cette initiative, mais à la condition du respect de quelques exigences bien précises370. En ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la Suisse s’exprimait en faveur, d’une part, de la réglementation de l’origine afin de pouvoir bloquer les tromperies concernant le trafic des marchandises et, d’autre part, d’une définition la plus large possible des produits considérés comme originaires. Malheureusement, les obstacles d’ordre technique371 ainsi que, notamment, ceux politiques372

366 CF, Message du 20 août 1948, FF 1948 II 1118.

ont empêché l’aboutissement de ce projet : à la fin de l’année 1958, la

367 SCHINDLER & BRUNNER, Vereinbarkeit von EG-Mitgliedschaft und Neutralität, p. 114-117. 368 Déclaration présentée devant le Conseil de l’OECE, Paris, 28-29 février 1956. 369 voir NZZ, n° 411 du 13 février 1957, n° 415 du 14 février 1957, n° 2970 du 18 octobre 1957. 370 La Suisse soutenait une position axée sur les valeurs de l’universalisme (la nouvelle zone de libre- échange était censée favoriser le développement du commerce international), du rôle de l’Etat maintenu dans les secteurs stratégiques (économie, finances, société), du multilatéralisme (conçu comme solution pour construire un accord sur l’agriculture fondé sur la réciprocité). 371 Il y avait deux modèles d’intégration économique radicalement opposés : d’une part, les pays industriels membres de l’OECE, mais absents au sein de la CEE (l’Autriche, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Norvège, la Suède et la Suisse), qui souhaitaient uniquement un accord prévoyant l’élimination des obstacles aux échanges et des règles générales applicables à la concurrence; d’autre part, le groupe des pays conduit par la France qui visait, à côté de la conclusion de l’accord de libre-échange, l’harmonisation des politiques dans les domaines économiques, commerciaux ou sociaux. 372 L’hostilité du général de Gaulle concernant une éventuelle présence française au sein d’une zone de libre-échange incluant la Grande Bretagne.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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tentative de créer la zone de libre-échange entre les dix-sept membres de l’OECE fut définitivement abandonnée.

Au début des années ’60, la seule forme de participation suisse approfondie à la construction de la nouvelle Europe pouvait donc se faire sur le plan économique. Ainsi la Suisse a été parmi les signataires de la Convention de Stockholm, du 4 janvier 1960, instituant l’AELE373, (ci-dessous Convention AELE) qui réunissait les Etats européens occidentaux non signataires du Traité de Rome et qui visait uniquement une intégration économique entre ses membres, sans se proposer une coopération politique poussée. Pendant ces années, la neutralité était toujours regardée comme le principal obstacle à l’adhésion à la CEE.374

A la lumière du préambule de la Convention AELE - annonçant que les pays membres étaient « déterminés à faciliter l’établissement dans un proche avenir d’une association multilatérale ayant pour objet d’éliminer les obstacles aux échanges et de développer une coopération économique plus étroite entre les membres de l’Organisation européenne de coopération économique, y compris les membres de la CE » - l’objectif central de la politique d’intégration de la Suisse se présentait comme celui « d’éviter, conjointement avec les autres pays non membres de la CE, que l’Europe de l’Ouest ne se scinde en plusieurs marchés »

.

375

A l’appui des raisons économiques pertinentes - la pauvreté de la Suisse en matières premières, la superficie territoriale, l’existence de barrières élevées entravant les échanges internationaux et la modération de la protection accordée au marché national - le gouvernement suisse « plaidait pour que le volume des échanges bénéficiant des avantages de la zone soit très large »

.

376, en marquant ainsi « son choix en faveur d’une zone de libre-échange, organisée aussi libéralement que possible et conçue de manière à offrir les plus grands avantages économiques »377

L’AELE était essentiellement une zone de libre-échange pour les produits industriels, avec par conséquent l’exclusion de l’agriculture, sauf en cas de conclusion d’accords bilatéraux, et ne comportant ni tarifs extérieurs communs ni politique commerciale commune. De plus, il n’y avait aucun organe supranational qui pouvait inquiéter les partisans de la souveraineté suisse. En outre, la Suisse gardait le pouvoir de contrôle sur les flux de ses importations, grâce à une disposition lui permettant d’agir ainsi en cas des difficultés survenant dans des secteurs particuliers (art. 20 Convention AELE); il s’agissait d’une norme qui exprimait avant la lettre la philosophie des mesures de sauvegarde, devenues ultérieurement un classique des accords internationaux en la matière

.

378

373 RS 0.632.31.

. Le message du Conseil fédéral du 1960 ne laissait aucun doute : les buts des pays fondateurs de cette association étaient de contrebalancer le poids de la CEE, d’éviter les discriminations douanières dans leurs échanges avec les pays du Marché Commun et « de résoudre le problème essentiel, qui est celui de la scission de l’Europe dans le

374 « Während der Föderalismus der Schweiz und die direkte Demokratie im Falle eines Beitritts zur EWG niemals aufgegeben werden müßten, sondern nur eingeschränkt wurden, läßt sich die Neutralität nicht reduzieren. Eine halbe Neutralität ist so viel wie keine » (SCHINDLER, Spezifische politische Probleme aus Schweiz Sicht, p. 281). 375 NELL, Négociations sur l’Espace Economique Européen, p. 18. 376 CF, Message du 5 février 1960, FF 1960 I 880. 377 Ibid. 378 Convention AELE révisée; art. 27 ALE 1972.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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domaine de la politique commerciale, par suite de l’entrée en vigueur séparée du Traité de Rome»379

Contrairement à la situation rencontrée dans le cas de l’union douanière, la zone de libre-échange ne portait pas atteinte à l’autonomie tarifaire et commerciale de ses membres vis-à-vis des pays tiers; au contraire, chaque Etat membre disposait toujours de la liberté de conclure de nouveaux accords de commerce avec les pays tiers, tenant compte du fait qu’il n’y avait pas de tarif extérieur commun pour les produits importés de l’extérieur. Partant, chaque Etat membre pouvait octroyer à ses partenaires commerciaux le régime de la nation la plus favorisée.

.

Au moment de la naissance de l’AELE, le libre-échange était cité en premier lieu parmi les intérêts de la Confédération que les responsables de la politique du commerce suisse devaient suivre. A côté de l’universalisme du commerce et de l’autonomie de la politique commerciale, il était déjà considéré en 1969 que le libre-échange permettrait « à l’industrie nationale d’acquérir à des conditions avantageuses les matières premières nécessaires à la production, puis d’écouler celle-ci à des prix concurrentiels sur les marchés étrangers »380. En outre, il y avait quatre fonctions identifiées pour ladite organisation : celle tactique, vu que les pays fondateurs avaient pour but d’augmenter leur pouvoir de persuasion commerciale et celui de négociation; celle éducative, vu que l’AELE permettait aux entreprises d’obtenir l’expérience nécessaire à leur bon fonctionnement sur le marché européen élargi qui, un jour ou l’autre, deviendrait réalité; celle compensatoire, par le fait que l’AELE permettait l’accès à un marché de quatre-vingt-dix millions de consommateurs en contrepartie de l’incapacité de pénétrer sur celui de la CEE et enfin, celle démonstrative, permettant d’analyser et d’émettre un jugement sur le fonctionnement d’un marché de libre-échange381

Dès les premiers jours de la création de l’AELE, la Suisse est apparue comme un moteur principal de son bon fonctionnement : la plupart des séances se déroulaient à Genève alors qu’elle jouait un rôle actif dans l’établissement du calendrier définitif des réductions tarifaires, processus accompli le 31 décembre 1966 quand le libre-échange industriel a été réalisé entre les Etats membres. Dans la doctrine, il a été expliqué très clairement que, ayant bénéficié en Suisse de l’aide des milieux intéressés, l’accélération des réductions tarifaires était motivée surtout par « la nécessité de maintenir un parallélisme aussi étroit que possible entre la démobilisation tarifaire de l’AELE et celle de la CEE (…) dans la perspective d’une participation éventuelle à un grand marché européen englobant les pays des deux groupements »

.

382

L’Europe occidentale connaît alors une époque où l'équilibre presque parfait règne entre les deux associations économiques, aussi bien du point de vue des Etats membres que de celui du volume des échanges commerciaux.

.

La même année où le Royaume Uni proposait l’ouverture de négociations en vue de son adhésion à la CEE, la Suisse déposa une demande d’ouverture de négociations avec la CEE, le 15 décembre 1961, et se disait prête à « harmoniser » ses relations dans plusieurs domaines comme la libre circulation des marchandises, des services, des

379 CF, Message du 5 février 1960, FF 1960 I 928. 380 VEYRASSAT, La Suisse et la création de l’AELE, p. 111. 381 Id., p. 59-60. 382 ROETHLISBERGER, La Suisse dans l’AELE, p. 26.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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capitaux, en excluant pourtant celle des personnes; même le domaine sensible de l’agriculture ou celui des transports firent l’objet des négociations.

Les milieux économiques ont salué la décision des autorités politiques de favoriser l’association au détriment de l’adhésion à l’UE. Il était remarqué que l’Union suisse du Commerce et de l’Industrie (Vorort) adoptait une vision incluant, d’une part, la crainte vis-à-vis d’un isolement économique de la Suisse et, d’autre part, le soutien de l’idée que l’adhésion à la CEE – ou même l’union douanière avec celle-ci – serait incompatible avec le concept de neutralité383. En outre, la Vorort soutenait l’harmonisation envisagée par les autorités suisses avec les tarifs externes de la CEE, en adoptant en même temps des réserves quant aux politiques communautaires agricoles et sociales ou la libre circulation des travailleurs384

Les négociations menées au sein de GATT, qui se sont déroulées lors du Kennedy Round et visant l’amélioration des échanges économiques mondiaux, ont porté leurs fruits en Europe dès la moitié des années ’60. Ainsi, les tensions douanières entre la CEE et l’AELE avaient commencé à se détendre et les deux associations avaient débuté la réduction de la discrimination douanière entre elles : fin 1966 pour l’AELE, avec l’entrée en vigueur de la dernière réduction tarifaire proposée par la Convention AELE, et juillet 1968 pour la CEE, avec la réalisation de la libre circulation des marchandises

.

385. Les importantes réductions douanières convenues dans cette période ont transformé cette période en « une étape décisive dans l’évolution des relations économiques entre la Suisse et la Communauté »386. En même temps, c’est dans cette période que la communauté internationale franchissait une nouvelle étape marquée par la prise de conscience à l’égard de « l’enjeu représenté par un marché d’échelle mondiale »387

Au début des années ’70, le rapprochement intervenu entre les deux entités économiques de l’Europe occidentale était évident : malgré le fait que celui-ci n’a pas été exprimé par la création d’une zone de libre-échange paneuropéenne, il y a eu pourtant la signature de plusieurs accords bilatéraux de libre-échange, y compris l’ALE analysé en détail ci-dessous

.

388. Alors que le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark ralliaient le camp de la CEE, l’AELE se présentait à ce moment-là affaiblie et dépourvue des moyens pour réellement faire face à la CEE389

Malgré des initiatives.

390

383 KEEL, Le grand patronat suisse, p. 244-251.

censées renforcer la vitalité économique de la CEE au sein et en dehors des relations tissées avec les partenaires de l’AELE, donc également avec la Suisse, les années ’80 ont signalé également différents points négatifs dans cette coopération bilatérale : l’absence de mécanisme pour la solution des conflits,

384 Id., p. 251-255. 385 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 651. 386 REY, Préface, p. 12. 387 THOMAS, Les politiques économiques au XXè siècle, p. 71. 388 Cf. infra p. 105ss. 389 « The European Free Trade Association appeared not as a homogenous group but rather as a partnership for convenience for the purpose of reaching an acceptable arrangement with the EC » (GSTÖHL, op. cit., p. 139). 390 « Le Livre blanc sur l’achèvement du Marché Intérieur » de la Commission européenne, sorti en juin 1985 et contenant environ 300 mesures législatives destinées à éliminer les obstacles physiques, techniques ou fiscaux susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du marché (infra p. 155), ou le Rapport Cecchini de 1988, qui identifiait les réglementations techniques comme la catégorie la plus importante de barrières commerciales.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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l’inexistence du pouvoir d’imposer des sanctions en cas de subventions excessives octroyées aux industries nationales, l’absence de réglementation pour le « cumul d’origine » instaurée quant aux produits AELE, l’ambiguïté concernant aussi bien les restrictions à l’exportation que la directe applicabilité des accords391

Les pas positifs enregistrés dans la création d’une zone européenne de libre-échange se montraient pourtant importants : la zone de libre-échange CE/AELE établie pour les produits industriels le 1er juillet 1977 était en pleine marche, alors que les derniers tarifs concernant les produits sensibles ont été levés en 1984. Pour encadrer les avancées enregistrées dans la mise en place des accords de libre-échange, le Grand-duché de Luxembourg a accueilli, le 9 avril 1984, une session ministérielle commune, qui a permis aussi l’élaboration d’une Déclaration commune

.

392 d’importance considérable393

Jean Zwahlen, l’ambassadeur suisse auprès de l’OCDE en 1987, remarquait à juste titre, d’une part, la limitation des accords de libre-échange AELE/CE aux produits industriels et, d’autre part, l’impossibilité d’utiliser la clause évolutive insérée dans ces accords vu que « les nouveaux domaines d’intégration - l’harmonisation des normes techniques, les achats publics, la promotion de l’innovation industrielle, la fiscalité - dépassaient les échanges de produits industriels »

.

394

Dans ce contexte, le Rapport du Conseil fédéral présenté en 1988

; il plaidait ensuite pour la formule d’un accord multilatéral entre la Commission et l’ensemble des pays AELE à la place d’un instrument juridique bilatéral conclu séparément entre chaque pays AELE et Bruxelles.

395 se proposait de mener une « politique d’intégration active », avec comme objectif « plutôt de créer une situation aussi semblable que possible à un marché intérieur, dans lequel les quatre libertés peuvent être réalisées dans une mesure plus ou moins grande selon les conditions préalables spécifiques et compte tenu des intérêts de tous les participants »396. Le rapport bénéficiait du soutien des milieux économiques qui, une fois de plus, étaient d’accord avec les élites politiques quant au poids représenté par les obstacles de nature politique, tout en postulant une adoption autonome des règles communautaires afin de compenser au maximum les coûts provoqués par la non-participation à la CEE397

L’Europe se trouvait ainsi au début des années ’90 dans une pleine phase de réajustement géopolitique : d’une part, dans la partie centrale et orientale du continent, la chute du Mur de Berlin avait permis aux anciens pays satellites de Moscou de retrouver, sur le plan politique, la liberté perdue à la fin de la deuxième Guerre mondiale, alors que sur le plan économique le CAEM s’effondrait

.

398

391 ERA, The European Community and EFTA in the 1980s, p. 5.

comme une conséquence logique des changements intervenus; d’autre part, dans l’Europe occidentale, le président de la

392 EFTA & EC, Joint Declaration of the Ministerial Meeting of Luxembourg, 9 April 1984. 393 Les ministres exprimaient le besoin de coopération dans les domaines des standards industriels, de la simplification des formalités frontalières, des règles sur l’origine, des aides étatiques ou de l’attribution des marchés publics; en même temps, le document proposait pour la première fois – malgré une mise en forme confuse – le terme d’Espace Economique Européen. 394 ZWAHLEN, La Suisse et le Marché Commun, p. 14. 395 CF, Rapport du 24 août 1988, FF 1988 III 233. 396 Id., FF 1988 III 285. 397 Id., FF 1988 III 365. 398 Décision adoptée le 28 juin 1991 à Sofia, suivi le 1er juillet 1991 par la dissolution du Pacte de Varsovie.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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Commission européenne Jacques Delors se prononçait pour la première fois - dans une allocution tenue le 17 janvier 1989 devant le Parlement européen - en faveur d’une institutionnalisation des relations CE-AELE399

La réunion d’Oslo des pays AELE a permis d’offrir une réponse positive à l’initiative de la Commission, en se prononçant en faveur de la « réalisation la plus complète possible de la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes, dans le but de créer un Espace Economique Européen dynamique et homogène »

.

400. Après des discussions informelles (de mars à décembre 1989), suivies par des pourparlers exploratoires (de décembre 1989 à mars 1990) ayant fait « ressortir l’importance des divergences et l’incertitude de l’entreprise»401

L’Accord créant l'Espace économique européen (ci-dessous Accord EEE)

, les négociations entre les deux structures occidentales économiques ont été finalement lancées en juin 1990 et ont duré jusqu’en octobre 1991.

402

Les prémisses d’une intensification des rapports économiques entre Bruxelles et Berne se présentaient ainsi sous de bons auspices, d’autant plus que les chiffres mesurant lesdits rapports étaient plus qu’encourageants : la CE représentait à elle seule le 58.9 % du total des exportations suisses, alors que les échanges avec les pays de l’ensemble de l’EEE couvraient 65.2 % desdites exportations

fût finalement signé le 2 mai 1992 à Porto; cet instrument juridique remplissait partiellement les attentes des pays AELE : à la place d’une structure unitaire EEE dotée d’un organisme de surveillance CE-AELE et d’une cour de justice indépendante EEE, ceux-ci ont dû accepter une structure bipolaire CE-AELE avec un mécanisme de contrôle (art. 108 ch. 1 Accord EEE) et une cour AELE (art. 108 ch. 2 Accord EEE). Si les pays AELE n’ont pas disposé du droit d’invoquer des exceptions permanentes à la règle de la reprise de l’acquis communautaire, en revanche ils ont obtenu le droit de soulever au niveau du système institutionnel de l’Accord EEE des questions d’intérêt général, sous la forme du droit d’évocation (art. 89 ch. 2 Accord EEE), bien que le droit d’initiative restât formellement l’apanage de la Commission (art. 99 ch. 1 Accord EEE).

403

399 « We can stick to our present relations, essentially bilateral, with the ultimate aim of creating a free trade area encompassing the Community and EFTA; alternatively, we can look for a new, more structured partnership with common decision-making and administrative institutions to make our activities more effective and to highlight the political dimension of our cooperation in the economic, social, financial and cultural spheres » (DELORS, Statement on the Broad Lines of Commission Policy, p.16).

. En outre, les investissements suisses directs dans la CE avaient explosé de 28.6 %, dans la période 1982-1985, à 71 % dans la

400 AELE, Déclaration du 14-15 Mars 1989, consid. 11, p. 37. 401 DU BOIS, La Suisse et l’Espace Economique Européen, p. 30. 402 JOCE n° L 1 du 3 janvier 1994, p. 3ss; L’Accord EEE couvrait : les quatre libertés fondamentales du marché intérieur, les règles sur la concurrence, les politiques horizontales (les politiques sociales, la protection du consommateur, les questions de l’environnement) et les politiques collatérales (l’éducation, le tourisme, la coopération dans la recherche et le développement, la protection civile, les petites et moyennes entreprises); en revanche, ledit Accord ne couvrait pas : la politique commerciale commune et les relations extérieures, la politique agricole commune, la politique commune de pêche, la politique commune des transports, les politiques régionales, la taxation directe et indirecte, la politique économique et monétaire, les contributions au budget ou la coopération politique (la politique commune étrangère et de sécurité commune, la justice et les affaires intérieures). 403 EFTA, European economic integration: effects of "1992", p. 45.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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période 1986-1988404

Malgré tous les développements énoncés et, surtout, les perspectives ouvertes à l’avenir par cette intégration, l’Accord sur EEE a été pourtant rejeté en Suisse

; bien que ce pourcentage ait diminué (39.7 % dans la période 1989-1990), le volume des investissements se chiffrait encore à 48 % en 1990, exprimant une forte confiance des milieux économiques suisses dans leurs partenaires européens.

405, faute de réussite de la part du Conseil fédéral de bien faire passer le message expliquant les avantages économiques d’une telle participation. La nature quasi supranationale de l’Accord EEE et l’absence de voix au sein de cette coopération ont soulevé des craintes par rapport à l’accroissement de l’influence étrangère406; en outre, tenant compte des salaires élevés, sources potentielles supplémentaires de motivation pour ceux désirant de s’installer en Suisse, et du pluralisme linguistique de la Suisse, favorisant au moins théoriquement une insertion plus facile des étrangers, il y avait une certaine anxiété vis-à-vis des effets indésirables qu’un tel possible scénario pourrait déployer407

Par rapport à la réalité économique du début des années ’90, le rejet exprimé par le peuple suisse s’avérait d’autant plus comme une crainte exprimée à l’égard d’une éventuelle perte de souveraineté suisse au sein du grand espace européen commercial plutôt qu’une prise de position adoptée sur la base de critères économiques. En fait, les économies des pays de l’AELE, et particulièrement celle de la Suisse, étaient déjà activement intégrées à l’espace communautaire : cela ressortait des chiffres du commerce extérieur, des investissements directs, des chiffres des personnes employées et du fait que les prix de plusieurs marchandises faisant l’objet des échanges commerciaux - à l’exception du domaine de l’agriculture – correspondaient à ceux des membres fondateurs de la CE

.

408. En outre, des analyses pertinentes et neutres des milieux économiques dévoilaient, à l’appui des indices macroéconomiques objectifs, le non fondé des craintes exprimées lors de la votation populaire de 1992409

Suite au refus populaire de rejoindre l’EEE, le Conseil fédéral a, une fois de plus, cherché à poursuivre une route médiane entre le respect des résultats des urnes et les intérêts stratégiques de la Confédération : d’une part, le rejet de la participation à l’EEE laissait comme seule alternative viable la décision de « geler » la demande d’adhésion

.

410

404 LESKELÄ, EFTA Countries Foreign Direct Investment, p. 27ss.

; d’autre part, il fallait trouver une voie pour refuser l’isolement par rapport à l’Europe, et cela s’est fait par le biais d’un programme de « régénération de l’économie de marché

405 Le 6 décembre 1992, le peuple suisse s’est exprimé par un taux de participation (78.3 %) rarement atteint dans l'histoire des votations populaires: 50.3 % des votants et 16 des 23 cantons ont rejeté l’Accord sur l’EEE. 406 LANGEJÜRGEN, Die Eidgenossenschaft zwischen Rütli und EWR , p. 98. 407 « The fear of too high a proportion of foreign nationals in Switzerland that has been apparent for many years springs from a general anxiety that a further increase of the foreign population could affect Switzerland’s autonomy and identity » (SENTI, Switzerland, p. 226). 408 En même temps, les conclusions relevaient un autre aspect: « internal market-style integration of EFTA countries also would have a far greater disinflationary impact on EFTA economies » (WIESER, Price Differentials, p. 29). 409 ANTILLE & BACCHETTA & CARLEVARO & MÜLLER & SCHMIDT: « The results show that, overall, the integration measures are beneficial to the Swiss economy. We show that per capita welfare gains resulting from trade liberalization and from a ban on cartels dominate the welfare losses resulting freer international labour mobility » (Switzerland and the European Economic Area, p. 644). 410 CF, Message du 24 février 1993, FF 1993 III 769.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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suisse », se structurant autour de l’adaptation envisagée à la législation communautaire et du début des négociations avec Bruxelles dans seize domaines411

Finalement, le gouvernement fédéral a commencé en décembre 1994, avec l’appui de la majorité de la classe politique et des groupes d’intérêts économiques, des négociations bilatérales dans sept domaines d’activités : transport aérien, transport terrestre, agriculture, libre circulation des personnes, l’acquisition des marchés publics, recherche et obstacles techniques au commerce. Parmi tous les domaines des « Bilatérales I », les deux accords touchant directement à la question du droit des marchandises entre la Suisse et l’UE ont couvert la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité et les échanges de produits agricoles. Ces instruments juridiques s’inscrivaient dans une stratégie à long terme du Conseil fédéral, poursuivant l’élimination des entraves techniques au commerce par le biais des deux volets : l’harmonisation autonome des prescriptions suisses avec le droit de la CE et la conclusion d’accords internationaux sur l’accès réciproque aux marchés

.

412

La nouvelle direction poursuivie par Berne dans les relations avec Bruxelles avait comme effet indirect une reformulation de son rôle au sein de l’AELE, institution qui, à son tour, s’était réorganisée pour mieux répondre aux défis économiques que l’Europe rencontrait au début du nouveau millénaire. D’ailleurs, lors des négociations sectorielles avec la CE et ses Etats membres, le Conseil fédéral avait déjà indiqué qu’il était « prêt, au terme de ces négociations, à offrir l’égalité de traitement à ses partenaires de l’AELE »

.

413. Il avait confirmé cette intention dans le Message relatif à l’approbation des accords sectoriels de 1999, où il affirmait que, « afin d’assurer un marché européen aussi homogène que possible, il a été prévu que la Suisse conclurait un accord analogue avec les Etats membres de l’AELE-EEE.414

Suite à l’offre de la Suisse, le Conseil de l’AELE au niveau ministériel a décidé en juin 1999 de procéder à une révision complète de la Convention AELE

.

415, afin d’atteindre une coopération économique de plus haut niveau entre les Etats signataires. Cette coopération améliorée devait « en particulier refléter l’état des relations entre les Etats de l’AELE et l’UE, prendre en considération les développements intervenus dans les relations entre les Etats de l’AELE et certains Etats tiers non membres de l’UE, et enfin tenir compte de certains développements intervenus dans le cadre commercial multilatéral, notamment à l’Organisation mondiale du commerce»416

Dans la version consolidée adoptée à Vaduz le 21 juin 2001, la Convention révisée instituant l’Association Européenne de Libre-échange (ci-dessous Convention AELE révisée), amendant l’accord précité de Stockholm, a été approuvée par l’Assemblée fédérale le 14 décembre 2001 et est entrée en vigueur le 1er juin 2002

.

417

411 Id., FF 1993 III 771.

. Pour les analystes, le nouvel instrument plaçait « les relations contractuelles entre la Suisse et les autres Etats de l’AELE à un niveau comparable à celui résultant des accords

412 Cf. infra p. 161ss. 413 Réponse écrite du Conseil fédéral du 20 août 1997 à la motion 97.3363, Accords sectoriels bilatéraux avec l'UE - Elargissement aux pays de l'AELE, déposée le 20 juin 1997 au Conseil national par Peter Vollmer, BO CN 2004, p. 341. 414 CF, Message du 23 juin 1999, FF 1999 VI 5733. 415 RO 1960 I 635. 416 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4733. 417 RS 0.632.31.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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sectoriels bilatéraux, l’accord sur la coopération scientifique et technologique faisant seule exception »418

Du point de vue des principaux amendements touchant à la circulation des marchandises, la révision a apporté trois changements importants pour la Suisse.

.

D’abord, les dispositions existantes relatives au commerce proprement dit des marchandises, le noyau originel de l’AELE, ont été reformulées suite, d’une part, à la suppression des dispositions n’ayant plus de justification et, d’autre part, à l’introduction des nouveaux articles compatibles avec les évolutions ayant eu lieu simultanément dans le commerce entre Berne et Bruxelles. Le nouveau régime affirmait donc, en premier lieu, l’interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que de toutes taxes d’effet équivalent, avec une application analogue également aux droits de douane à caractère fiscal (art. 3 Convention AELE révisée)419; il stipulait aussi l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (art. 7 Convention AELE révisée)420, avec toutefois la possibilité donnée aux Etats d’appliquer des exceptions justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux et de l’environnement, de protection de trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale (art. 13 Convention AELE révisée)421. Quant aux impositions intérieures (art. 4 Convention AELE révisée), le texte reprenait le libellé de l’art. III par. 1 GATT (al. 1) interdisant de favoriser les produits nationaux, et reformulait les principes applicables pour la ristourne d’impositions intérieures liée aux produits exportés vers le territoire d’un des Etats membres (al. 2)422

Ensuite, les dispositions existantes sur le commerce des produits agricoles ont été mises à jour en tenant compte des développements intervenus dans les relations entre les Etats de l’AELE et des Etats tiers non membres de la CE ainsi que dans le cadre de l’OMC : un art. 8 Convention AELE révisée contenait le nouveau régime applicable à ces produits, en utilisant plusieurs renvois aux annexes du texte; en outre, les concessions tarifaires sur les produits agricoles de base ont, dans certains cas, été étendues, à l’exemple des produits appartenant au secteur fromager

.

423

418 DI PIETRO, La révision de la Convention fondatrice de l’AELE, p. 49.

.

419 Les anciens articles 3 AELE, sur les droits de douane à l’importation, désormais obsolètes quant aux périodes transitoires pour le démantèlement tarifaire, 4 AELE, concernant le régime tarifaire de la zone, et 5 AELE, réglementant le détournement de trafic, ont été abolis. 420 Suppression de l’ancien art. 10 AELE, qui fixait comme date limite pour l’élimination desdites restrictions le 31 décembre 1969. 421 Par rapport à l’ancien art. 12 AELE, on observe la reformulation de causes « nécessaires à la prévention de désordres ou de crimes » (let. b), ainsi que la suppression de celles « se rapportant à l’or ou à l’argent » (let. f), ou de celles « se rapportant aux articles fabriqués dans les prisons » (let. g); on observe, en revanche, l’introduction dans le nouveau régime de dispositions touchant à la protection de l’environnement. 422 Alors que le nouveau régime exprime plutôt le principe d’équivalence d’imposition, l’ancien art. 7 al. 1 AELE pratiquement interdisait ces mesures, en octroyant aux Etats membres la possibilité de « refuser d’admettre au bénéfice du régime de la zone tarifaire les marchandises bénéficiant des ristournes de droits de douane (…) dans le territoire desquels les marchandises ont été soumises aux processus de production ». 423 Annexe D, Tableau 3, p. 51.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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Enfin, la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité a été introduite dans la Convention AELE, instituant une équivalence par rapport aux normes de l’accord sectoriel bilatéral sur la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité (art. 15 Convention AELE révisée). De plus, le texte a recadré une nouvelle procédure de notification des projets de règles techniques, applicable, à la lumière des développements intervenus dans la CE et dans l’EEE, également aux services de la société de l’information (art. 14 Convention AELE révisée).

La révision de la Convention AELE a également apporté des modifications importantes dans d’autres domaines : le nouveau régime a intégré la protection des droits de propriété intellectuelle424 pour tenir compte des exigences actuelles en la matière, notamment au regard du droit de l’OMC, a imposé le principe de la libre circulation des personnes entre les Etats de l’AELE425, a créé des dispositions sur les investissements426 et le commerce des services427, en maintenant certaines restrictions dans ces deux domaines qui, toutefois, étaient destinées à être progressivement supprimées; il a aussi réglementé le transport aérien et le transport terrestre, selon des règles similaires à celles contenues dans l’accord sectoriel bilatéral sur le transport aérien, ainsi que dans celui sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (art. 35 Convention AELE révisée) et a introduit pour les Etats membres un accès mutuel à leurs marchés publics428

Les exigences à prendre en compte lors de la conclusion des accords de libre-échange ont évolué au fur et à mesure des transformations subies par le système mondial des règles commerciales. Selon le gouvernement fédéral suisse, il importe d’éviter le « risque de fragmentation de l’ordre commercial international »

allant au-delà de leurs engagements actuels dans le cadre de l’OMC (art. 37 al. 2 Convention AELE révisée).

429

Bien que le libre-échange fasse souvent parfaitement le jeu des grandes puissances économiques mondiales

suite à l’augmentation du nombre d’accords préférentiels, vu que cette situation pouvait causer de graves dysfonctionnements dans certains domaines, comme celui des règles d’origine, et causer des problèmes importants aux économies axées sur les exportations, à l’instar de l’économie suisse.

430

424 Chap. VII Convention AELE révisée.

, il s’avère néanmoins vrai que, pour chaque pays

425 Chap. VIII Convention AELE révisée. 426 Chap. IX Convention AELE révisée. 427 Chap. X Convention AELE révisée. 428 Chap. XII Convention AELE révisée. 429 CF, Rapport sur la politique économique extérieure 2006, FF 2007 I 853. 430 Dans une contribution synthétisant des années d’expérience pratique dans les hautes sphères de l’économie canadienne, DRAKE avait présenté les dix avantages d’un système économique fondé sur le libre-échange, en arrivant à démontrer ses répercussions bénéfiques sur plusieurs domaines d’activité : l’emploi et la prospérité en sortent renforcés, avec plus de 46% du PIB canadien provenant du commerce international; l‘accès au marché représente la principale conséquence de ce système des règles économiques; la moitié des ressources permettant le soutien des programmes sociaux provient du commerce international; la taille du marché canadien impose le choix d’une économie tournée vers l’extérieur; l’imbrication des règles guidant le commerce mondial, dont celles de l’OMC en premier plan, permet une meilleure prise en compte des intérêts des pays autres que les géants économiques traditionnels ou émergents; à l’exemple du Mexique, ayant retrouvé son souffle économique suite à sa participation à l’ALENA, le libre-échange permet le progrès et l’aide aux pauvres, si bien que le système doit connaître des améliorations à l’avenir; les normes du travail auront des chances d’être respectées également dans les pays en développement,

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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situé en dehors de ce cercle très restreint, le libre-échange représente également une des options viables à prendre dans la politique économique extérieure. C’est ainsi que les pays ayant une économie de taille réduite ou moyenne peuvent faire bénéficier de leurs produits les partenaires commerciaux avec lesquels ils entretiennent des relations économiques; cette solution permet également aux économies de s’ouvrir au monde et de recevoir les avantages du savoir-faire des économies plus avancées; c’est finalement la modalité permettant d’éviter l’autarcie économique qui apparaît et se développe dans le cadre des économies protectionnistes

La Suisse ne fait pas exception à cette règle et la poursuite du libre-échange dans la politique suisse a continué, avec même plus d’ardeur, dans la période ayant suivi la création de l’OMC. Membre fondateur de l’AELE, la Suisse a ouvert de nouveaux horizons à sa politique de libre-échange, en signant un nombre considérable d’instruments juridiques de ce type après les années ’90, sur la base de critères constamment définis et adaptés en fonction des partenaires commerciaux431. La justification de cette stratégie est sans équivoque : « Entre 1988 et 2008, le commerce extérieur suisse a augmenté de 5,7% en moyenne annuelle alors que le commerce avec les partenaires de libre-échange a augmenté de plus de 10,5% en moyenne pendant les quatre années qui ont suivi l'entrée en vigueur des ALE »432. Détail tout à fait significatif, lorsque le Conseil fédéral avait adopté la stratégie de politique économique extérieure, la Suisse avait moins d’accords de libre-échange que l’UE. Actuellement, « c’est l’inverse, et cela grâce à la nouvelle tactique »433

En ce qui concerne les nouveaux Etats membres de l'UE, cette évolution a nécessité d’abord l'élimination des préférences douanières conclues de façon bilatérale avec ces pays dans le cadre de l'AELE, suivie par l’application des mêmes taux que ceux au bénéfice des marchandises originaires de l'UE-15; ce processus a enregistré l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs en deux étapes : dès le 1er mai 2004, pour les pays faisant partie de cet élargissement

adoptée par Berne : auparavant, la Suisse entamait des négociations avec des États tiers seulement lorsque ces derniers avaient conclu un accord avec l’UE; à présent, la Suisse devance Bruxelles, comme dans le cas des accords conclus avec la Corée du Sud, du Japon et du Canada.

434, et à partir du 1er janvier 2007 lors de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie435

bien que cela ne soit pas le cas à présent; les produits des partenaires économiques peuvent ainsi entrer sur le territoire canadien; enfin, l’explosion enregistrée dans le secteur des petites entreprises – regroupant les acteurs avec moins de 1 million dollars canadiens chiffre d’affaires - est plus qu’importante, celles-ci représentant autour de 70% des exportateurs (Les avantages du libre-échange, p. 13).

.

431 Suivant le Conseil fédéral, « le choix des partenaires potentiels pour un ALE s’effectue selon les critères suivants: i) l’importance économique du partenaire, ii) une discrimination avérée ou potentielle par rapport aux principaux concurrents sur le marché concerné, iii) la volonté de négociation du partenaire et la probabilité de parvenir à conclure un accord et iv) la promotion des objectifs de la Suisse en matière de politique extérieure » (CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 447). 432 ABT, L'importance des accords de libre-échange avec des partenaires extérieurs à l'UE, p. 5. 433 GERBER Jean-Daniel, Tour d’horizon de la politique économique extérieure suisse, p. 25. 434 ALE avec Estonie (FF 1997 II 154, en vigueur du 1er octobre 1997 au 30 avril 2004), avec l’Hongrie (FF 1994 I 924, en vigueur du 1er juin 1994 au 30 avril 2004), avec la Lettonie (FF 1997 II 182, en vigueur du 1er août 1997 au 30 avril 2004), avec Lituanie (FF 1997 II 2003, en vigueur du 1er août 1997 au 30 avril 2004), avec la Pologne (FF 1993 I 522, en vigueur du 1er septembre

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

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En ce qui concerne les pays de l’Europe situés en dehors de l’UE, des accords de libre-échange ont été conclus entre les pays membres de l’AELE et, séparément, la Croatie436 et la Macédoine437. Le 17 décembre 2009, des accords ont été également signés avec l’Albanie438 et la Serbie439. Enfin, un accord a déjà été signé, le 24 juin 2010, avec l'Ukraine440

Depuis le milieu des années 90, les pays de l’AELE ont progressivement étendu leurs rapports économiques à la région méditerranéenne, dans le but de participer à la grande zone de libre-échange euro méditerranéenne prévue par l'UE dans le cadre du processus de Barcelone autour de 2010. En outre, les pays de l'AELE visent également à promouvoir la coopération économique dans la région stratégique euro-méditerranéenne. Pour l’instant, l’AELE a déjà conclu huit accords de libre-échange avec différents partenaires du bassin méditerranéen, parmi lesquels la Turquie

, alors que des négociations, d’une part, se déroulent avec l’Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan et, d’autre part, sont en préparation avec la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro.

441, Israël442, le Maroc443, l’Autorité palestinienne444, la Jordanie445, le Liban446, la Tunisie447 et l’Egypte448

Il est également intéressant de noter que, au sein de l’AELE, la Suisse a poursuivi la multiplication des instruments de libre-échange avec des partenaires potentiels du monde entier, situés sur des continents différents, afin de répondre à l’explosion des accords régionaux et suprarégionaux de libre-échange dans le monde. Ainsi, des accords de libre-échange ont été conclus avec le Mexique

. En même temps, des négociations sont en cours avec l'Algérie.

449, le Chili450, Singapour451, la République de Corée452, le Canada453, la Colombie454 et, récemment, le Pérou455

1994 au 30 avril 2004), avec la République tchèque (FF 1992 V 923, en vigueur du 1er décembre 1992 au 30 avril 2004), avec la Slovaquie, (FF 1992 V 923, en vigueur du 1er décembre 1992 au 30 avril 2004), avec la Slovénie, (FF 1996 I 788, en vigueur du 1er septembre 1998 au 30 avril 2004).

.

435 ALE avec la Bulgarie, (FF 1994 I 853, en vigueur du 1er juin 1994 au 31 décembre 2006) et avec la Roumanie (FF 1993 II 366, en vigueur du 1er février 1994 au 31 décembre 2006). 436 RS 0.632.312.911; en vigueur depuis le 1er septembre 2002. 437 RS 0.632.315.201.1; en vigueur depuis le 1er mai 2002. 438 RS 0.632.312.32; en vigueur depuis le 1er novembre 2010. 439 RS 0.632.316.821; entrée en vigueur le 1er octobre 2010. 440 FF 2011 II 1547; l’entrée en vigueur est attendue en milieu de 2011. 441 RS 0.632.317.613; en vigueur depuis le 1er avril 1992 442 RS 0.632.314.491; en vigueur depuis le 1er juillet 1993. 443 RS 0.632.315.491; en vigueur depuis le 1er décembre 1999. 444 RS 0.632.316.251; en vigueur depuis le 1er juillet 1999. 445 RS 0.632.314.671; en vigueur depuis le 1er septembre 2002. 446 RS 0.632.314.891; en vigueur depuis le 1er janvier 2007. 447 RS 0.632.317.581; appliqué depuis le 1er juin 2005, en vigueur depuis le 1er juin 2006. 448 RS 0.632.313.211; appliqué depuis le 1er août 2007, en vigueur depuis le 1er septembre 2008. 449 RS 0.632.315.631.1; en vigueur depuis le 1er juillet 2001. 450 RS 0.632.312.451; en vigueur depuis le 1er décembre 2004. 451 RS 0.632.316.891.1; en vigueur depuis le 1er janvier 2003. 452 RS 0.632.312.811; en vigueur depuis le 1er septembre 2006. 453 RS 0.632.312.32; en vigueur depuis le 1er juillet 2009. 454 FF 2009 II 2037; signé le 25 novembre 2008 et dont l’entrée en vigueur est attendue pour le 1er semestre du 2011; pour un commentaire, voir ETIENNE & SCHLUEP CAMPO, L’accord de libre-échange avec la Colombie coordonne politique économique extérieure et coopération au développement.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

100

Une autre catégorie importante d’instruments juridiques conclus par les pays AELE est représentée par les accords négociés avec des organisations régionales regroupant plusieurs Etats, à l’exemple des pays de la SACU. Conclu le 7 août 2006, et entré en vigueur pour la Suisse le 1er mai 2008456, celui-ci couvre, quant au commerce des marchandises, le commerce des produits industriels et agricoles transformés ainsi que les produits de la pêche (art 6); il est important de signaler également la présence de dispositions sur la propriété intellectuelle (chapitre III), les services, les investissements et les marchés publics (chapitre IV) ou la coopération économique et l’assistance technique (chapitre V). S’appuyant sur de fortes motivations économiques – avec d’une part, Pretoria, de loin le partenaire commercial le plus important de la Suisse sur le continent africain, absorbant la quasi-totalité (plus de 95 %) de la valeur des échanges entre la Suisse et la SACU et, d’autre part, Berne, avec un montant global d’investissements directs de 1393 millions CHF en 2004, ayant grimpé au septième rang parmi les investisseurs étrangers dans ce pays – et, symboliquement, représentant une chance pour la coopération économique avec le continent noir457, la démarche de la Suisse ne peut pas être regardée autrement que dans une perspective de continuité : « le but de la politique suisse dans le cadre de l’AELE vis-à-vis des pays tiers est de garantir à ses propres acteurs économiques des conditions d’accès aux marchés étrangers importants qui soient stables, prévisibles, sans obstacles et, dans la mesure du possible, sans discrimination par rapport à leurs principaux concurrents »458. Dans la catégorie des instruments juridiques conclus avec des organisations régionales il faut également inclure l’accord conclu par les pays AELE avec les Etats appartenant au Conseil de coopération du Golfe459

Enfin, les informations datées fin février 2011 indiquaient le fait que la Suisse et les pays de l'AELE étaient impliqués dans deux types d’approche : d’une part, les négociations des accords de libre-échange, avec des pays situés surtout en Asie (l’Inde, Hong-Kong, la Thaïlande, l’Indonésie) et, d’autre part, les discussions exploratoires en vue de l’ouverture possible de telles négociations (le Vietnam). En outre, il faut garder à l’esprit que la Suisse, comme membre de l’AELE, construit également des rapports économiques privilégiés sur la base des déclarations de coopération AELE qui existent avec les pays du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), la Mongolie, l’Île Maurice, la Malaisie et le Panama.

, c'est-à-dire l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et l’Oman.

455 FF 2010 VI 5599, signé le 24 juin 2010 (AELE) et 14 juillet 2010 (Pérou), l’entrée en vigueur est attendue en milieu de 2011. 456 RS 0.632.311.181; en vigueur depuis le 1er mai 2008. 457 Lors de son entrée en vigueur, il était clairement indiqué que l’accord « permettra d’éliminer – après une période transitoire – les discriminations actuelles sur le marché sud-africain découlant de l’accord sur le commerce, le développement et la coopération entre l’Afrique du Sud et l’UE, en vigueur depuis janvier 2000 (JOCE n° L 311 du 4 décembre 1999), ainsi que les discriminations résultant d’autres accords préférentiels actuels et futurs conclus par la SACU avec d’autres concurrents de la Suisse » (DFE, Accord de libre-échange AELE – SACU, p. 1). 458 CF, Message du 10 janvier 2007, FF 2007 I 957. 459 FF 2009 VII 6595; signé le 22 juin 2009, l’entrée en vigueur est attendue pour le 1er semestre du 2011.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

101

Section C Alleingang : la voie impossible

La voie de l’indépendance économique a pu également être observée comme une des options en jeu pour certaines parties des milieux d’affaires suisses. Se fondant sur des données telles que la renommée des produits suisses, le savoir-faire transmis de génération en génération dans un environnement éloigné des conflits militaires, ou la main d’œuvre hautement qualifiée dans des domaines spécialisés, cette stratégie s’inscrit dans une vision socio-économique englobant des termes tels que Alleingang, soit la vision du chevalier solitaire, ou Überfremdung, soit l’idée selon laquelle l'installation massive de travailleurs immigrés en Suisse représentait un véritable danger pour l'«identité suisse», menacée d'altération, voire d'anéantissement, les deux soutenus par une politique de neutralité ayant permis de préserver la Suisse des conflits qui ont constamment ébranlé notre continent.

Le point culminant de cette attitude, dévoilant une Suisse frileuse et peu orientée à l’ouverture vers le monde extérieur, s’est manifesté lors des votations de 1992 pour l’accession à EEE, quand le peuple suisse, fortement influencé par les forces politiques autochtones eurosceptiques, avait rejeté cette nouvelle forme d’intégration européenne. Il est pourtant intéressant de souligner que, immédiatement après le vote de 1992, l’Alleingang a été, au plus haut niveau décisionnel de la politique suisse460

Pendant une décennie, les effets de la votation de 1992 se sont faits nettement sentir au niveau de la macroéconomie suisse, enlisée dans une stagnation économique persistante, d’autant que les réformes intérieures conçues en vue d’une libéralisation plus poussée n’ont pas porté leurs fruits. La conclusion généralement dégagée après cette période a été celle que l’Alleingang économique a fait rater une double chance à la Suisse

, rejeté comme option de stratégie économique, dans un effort, d’une part, d’apaiser les craintes européennes quant à un cloisonnement économique adopté par Berne et, d’autre part, de laisser ouverte toute option pour les futures coopérations bilatérales.

461

En outre, et même plus grave encore, l’Alleingang aurait eu des conséquences désastreuses pour ceux qui étaient annoncés comme les grands gagnants de cette politique, les salariés. En effet, selon une argumentation parfaitement justifiable

: d’une part, la participation proprement dite à l’EEE, avec tous les effets indirects en découlant (accroissement des échanges dans un espace économique dynamique, variation de l’offre et de la demande bénéficiant au consommateur européen et à celui suisse, signal fort pour la participation de Berne à la construction de l’Europe postérieure à la chute du communisme) et, d’autre part, le retard pris dans le lancement des réformes économiques par la Suisse, élan pris en vertu de l’intégration au sein du système nécessitant la diversification des échanges commerciaux avec les partenaires européens, un peu moins en cas de retranchement derrière ses propres lignes.

462

460 Lors des débats ayant suivi dans le Parlement suisse après le rejet de 1992, CAVELTY soulignait, à titre de président de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats, que « l’Alleingang avec le danger d’isolement et de nationalisme malsain qu’il comporte ne représente pas une voie praticable ».

, bien que ceux-ci se considèrent comme protégés par le fait de rester à l’écart de ce nouvel espace concurrentiel, en réalité ce sont eux qui ont payé la facture pour cette non-

461 HELD, Dix ans après le refus de l'EEE, p. 2. 462 GHELFI, Le prix de l’isolement, p. 2.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

102

participation suisse, car les entreprises, afin de dynamiser leur position affaiblie par rapport à des concurrents qui disposaient des conditions cadres plus favorables, ont dû réaménager la politique des investissements et partant, des répercussions se sont enregistrées sur le niveau salarial.

Enfin, cette vision prônant une totale disjonction suisse par rapport aux structures économiques et politiques mises en place à la fin de la guerre froide a souvent agacé des partenaires traditionnels de Berne qui y voyaient une preuve irréfutable de la volonté de la Suisse d’obtenir le maximum de concessions en échange de la plus faible implication de sa part463

La Suisse a donc entamé un long processus d’adaptation législative et de restructuration de toute sa stratégie macroéconomique, les négociations ayant permis la conclusion des deux générations d’Accords bilatéraux avec Bruxelles

, en affectant visiblement l’image de la Suisse en Europe et ailleurs.

464

D’abord, l’Alleingang ne peut offrir que des victoires temporaires, sous la forme d’élections gagnées, mais du point de vue de la concrétisation de cette « particularité suisse » il n’y a pas eu d’avancées quant à l’amélioration de l’économie nationale pendant une longue décennie, entre le rejet de l’EEE au début des années ’90 et l’entrée en vigueur des Bilatérales I

, un troisième paquet d’instruments juridiques bilatéraux étant actuellement en cours de négociation. Même dans les rangs de ceux qui étaient contents du résultat des votations de 1992, plusieurs arguments ont plaidé en faveur de l’abandon de cette politique du « chevalier seul ».

465

Ensuite, des solutions telles que « l’Alleingang » ou « l’Europe à la carte » sont aussi peu réalistes qu’une adhésion prochaine de Berne à l’UE : ainsi, on voit mal comment l’économie suisse aurait pu se développer sans se connecter de manière renforcée à l’espace européen l’entourant, de la même manière qu’on n’imagine pas que, d’une part, Bruxelles puisse accorder un statut à part à certains de ses membres sans craindre de créer un précèdent ou, d’autre part, que Berne lancerait les réformes nécessaires à une adhésion de plein droit à l’ordre juridique communautaire. Par conséquent, suite à sa position de 1992, la Suisse s’est retrouvée dans une position légèrement inconfortable par rapport à son voisin européen, cela nécessitant l’acceptation, dans les rapports bilatéraux, de certaines « concessions »

.

466

Enfin, l’Alleingang n’est pas possible entre la Suisse et l’Europe puisque, au delà de toute considération partisane ou contraire à un rapprochement avec l’UE, il y a en jeu des « intérêts bilatéraux »

(la poursuite des négociations globales, l’inclusion dans les négociations des domaines apparemment moins importants, etc).

467

463 JUTZET observait en 2005, en qualité de président de la Commission de politique extérieure du Conseil national, que « l’Alleingang, le secret bancaire et la soustraction fiscale agacent souvent à l’extérieur » (L’Alleingang suisse agace, p. 2).

à la fois matériels, concernant avant tout l’accès au marché et la prospérité qui en découle, et immatériels, visant prioritairement des questions telles que la sécurité sur notre continent, ce qui requiert le développement d’une politique de coopération conjointement mise en place, quelle que soit la forme sous laquelle celle-ci

464 Cf. infra p. 107. 465 Ibid. 466 SANOUSSI, L’intégration de la Suisse dans l’Europe, p. 21. 467 MARFURT, Notre politique européenne, p. 1.

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Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse?

103

puisse être conçue (des accords bilatéraux, un accord d’association, voire même, bien que peu probable à court terme, une adhésion).

Malgré tous ces arguments, la Suisse fait pourtant preuve d’une volonté d’action à titre individuel, si on analyse les accords conclus par Berne en dehors de la structure de l’AELE. Cette poursuite du bilatéralisme a été affichée par la Suisse en tant qu’option de politique économique autonome, avec point de départ l’ALE bilatéral entre la Suisse et la CEE de 1972468 et, comme moment intermédiaire, l’accord bilatéral avec les Iles Féroé469

Pourtant, cette stratégie s’est fortement confirmée les dernières années, dans les rapports avec des partenaires commerciaux très importants pour l’économie suisse.

.

D’une part, il faut remarquer la conclusion de l’accord de libre-échange et de partenariat économique (ALEPE) entre Berne et Tokyo, s’agissant ici du « premier accord de ce type (conclu par le Japon) avec un partenaire européen et du premier accord de libre-échange avec un pays industrialisé occidental »470. Pour les autorités suisses, cet instrument juridique présente une signification particulière : il s'agirait du « plus important accord de libre-échange conclu par la Suisse depuis celui de 1972 avec la Communauté européenne »471. Contenant des dispositions élargies sur les échanges des marchandises (libéralisation du commerce des biens industriels et de certains produits agricoles de base et transformés, règles d’origine, procédures douanières, facilitation des échanges, élimination des obstacles techniques), l’accord se distingue également par les mesures envisagées dans de nouveaux domaines, tels que la promotion et la facilitation du commerce électronique472. Signé le 19 février 2009, l'accord est entré en vigueur par échange de notes le 1er septembre 2009473

D’autre part, il faut noter les pas accomplis par la Suisse dans la direction de la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, partenaire stratégique à la fois commercial et politique

.

474, ayant généré déjà de vifs débats parlementaires à Berne475

468 Cf. infra p. 105.

, ainsi que, suivant l’exemple des développements enregistrés dans la

469 RS 0.946.293.142; en vigueur depuis le 1er mars 1995. 470 CF, Message du 6 mars 2009, FF 2009 III 2440. 471 SECO/DFE, ALEPE entre la Suisse et le Japon, p. 1. 472 ZILTENER & ZBINDEN observaient cette nuance : « Dans le cas des trois précédents traités économiques globaux qui ont marqué l’histoire des relations entre la Suisse et le Japon, soit ceux de 1864, 1896 et 1911, on avait à chaque fois réagi à la signature par le Japon d’accords avec d’autres États. Il s’agissait alors d’éviter la discrimination des entreprises helvétiques. Cette fois, la Suisse a exploré des terres nouvelles à bien des égards» (L’accord de libre-échange et de partenariat économique entre la Suisse et le Japon, p. 10). 473 RS 0.946.294.632. 474 A titre d’exemple, il faut uniquement rappeler que, par exemple, « en 2004, 10% des exportations, pour une valeur de 14,2 milliards de francs, étaient destinées aux Etats-Unis. De ce fait, le marché des Etats-Unis était le deuxième débouché le plus important pour notre pays. Simultanément, la Suisse a importé des marchandises pour 5,7 milliards de francs (4,3% des importations totales) en provenance des Etats-Unis, ce qui place ce pays au sixième rang de nos fournisseurs », DFF/AFD, Les Etats-Unis – un important débouché pour la Suisse, p. 12. 475 Question 05.1080 (Accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Quelles conséquences sur les relations avec l'UE?) ainsi que l’interpellation 05.3376 (Accord de libre-échange Suisse - Etats- Unis. Conséquences d'une levée des obstacles non tarifaires pour le secteur agricole), déposées le 16 juin 2005 au Conseil national par Walter Hansjörg, avec la réponse du Conseil fédéral intervenue le 7 septembre 2009.

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Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises

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coopération bilatérale développée avec Tokyo, la déclaration conjointe faite à Washington sur le commerce électronique, ayant pour but de « promouvoir le commerce électronique, d'éviter des mesures discriminatoires, et de garantir aux utilisateurs une sécurité juridique accrue ainsi qu'un climat de confiance favorable aux échanges électroniques »476

En outre, et surtout, la Suisse a poursuivi également un processus exploratoire au sujet d'un éventuel accord de libre-échange avec la Chine, acteur incontournable des échanges commerciaux mondiaux actuels et futurs, pièce maitresse sur l’échiquier géostratégique des intérêts politiques et économiques de tout pays. Le 28 janvier 2011, les deux pays ont officiellement lancé des négociations concernant un accord de libre-échange.

.

Enfin, la Suisse s’est activement intégrée dans les efforts déployés à l’échelle internationale dans le domaine sensible du l’aide au développement, en abordant une stratégie largement soutenue par la coalition parlementaire de Berne pour l’octroi des fonds destinés à la reconstruction des pays pauvres477

.

476 SECO/DFE, Déclaration conjointe Suisse-Etats-Unis sur le commerce électronique, p. 1. 477 GSSI, Non à l’Alleingang en matière de politique de développement.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

Chapitre 1 Les produits industriels Section A L’Accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et

la CEE

a. L’historique Au début des années ’70, le passage de l’AELE à la CEE envisagé par la Norvège

le Danemark, l’Irlande, et, surtout, le Royaume-Uni (concrétisé d’ailleurs pour les deux derniers pays dès 1972), allait changer complètement la donne en termes d’équilibre de puissance économique. En même temps que l’ouverture, le 30 juin 1970, des négociations portant sur l’adhésion à la CEE des quatre pays mentionnés, il fut convenu au Sommet de La Haye d’entamer des négociations avec les cinq « autres » pays de l’AELE sur la conclusion d’arrangements commerciaux satisfaisants.

Entre 1972-1973, les membres de l’AELE ont conclu quatorze accords avec les « Communautés élargies », sept avec la CEE et sept avec la CECA478

Le Conseil fédéral se déclarait ainsi favorable à la proposition de la Commission d’établir la libre circulation des produits industriels, considérant cette solution comme bénéfique pour les deux parties : « un marché de 300 millions d’habitants s’ouvrirait à l’industrie suisse d’exportation; en échange la CEE obtiendrait des facilités d’accès au marché suisse qui, malgré son exiguïté, dispose d’un pouvoir d’achat particulièrement important; la capacité d’absorption de ce marché apparaît lorsque l’on sait que la valeur des exportations de la CEE vers la Suisse atteint le double de celles des exportations suisses vers la CEE »

.

479

En outre, le gouvernement suisse de l’époque avait calculé « qu’un accord de libre-échange couvrirait totalement ou en partie environ 90 pour cent des importations et exportations suisses en provenance et à destination de la CE élargie – représentant en même temps environ 44 pour cent de l’ensemble des exportations suisses – et que la

. En outre, il était évident que les avantages découlant des accords bilatéraux conclus séparément entre la Suisse et ses partenaires européens devaient être repensés, vu que ces Etats se retrouvaient désormais à l’intérieur de la CEE élargie : il fallait trouver un accord entre la Confédération et ses partenaires agissant d’une seule voix.

478 Les pays membres de l’AELE ont signé les sept autres accords bilatéraux de libre-échange avec la CEE en deux étapes : en 1972, l’Autriche, le Portugal, la Suisse, la Suède (membres fondateurs) et l’Islande (membre dès 1970), et en 1973 la Norvège (également membre fondateur) et la Finlande (pays associé à partir de 1961). L’entrée en vigueur de ces instruments a eu lieu successivement au cours de l’année 1973 : en janvier, pour l’Autriche, le Portugal, la Suisse, la Suède, en avril, pour l’Islande, en juillet pour la Norvège et en octobre pour la Finlande. La même année, sept autres accords bilatéraux de libre-échange furent signés entre les États AELE et, cette fois-ci, la CECA; parmi ces instruments, ceux avec l'Autriche, la Suisse, le Portugal et la Suède entreront en vigueur en janvier 1974. 479 CF, Rapport du 11 août 1971, FF 1971 II-1 769.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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moyenne des droits de douane qui seraient éliminés serait élevée à 8.6 pour cent »480

L’importance de l’aspect économique dans ces pourparlers politiques ressort du fait que la délégation suisse a maintenu - tout au long des négociations commencées en décembre 1971 - des contacts étroits avec les commissions parlementaires compétentes ou les groupes d’intérêts économiques

ce qui offrait indéniablement les arguments à faire valoir pour une coopération institutionnalisée plus poussée avec le partenaire européen.

481

Bien que le libre-échange ainsi institutionnalisé n’ait pas couvert les matières telles que la mise en œuvre d’une clause d’arbitrage

.

482, les marchés publics, les obstacles non tarifaires au commerce, la coopération dans les questions monétaires, régionales, industrielles ou environnementales, la Suisse affichait pourtant son contentement et définissait ledit accord comme « la réglementation contractuelle la plus importante qui ait jamais été établie entre la Suisse et la CEE »483. En outre, une analyse484

L’accord fut approuvé par l’Assemblée fédérale le 3 octobre 1972

rendue à l’époque par le VORORT indiquait clairement que la majorité de sociétés inventoriées favorisait le libre-échange dans le domaine des produits industriels, sans enregistrer des différences entre les secteurs concernés.

485 et ensuite soumis, pour des considérations politiques, au referendum. En effet, selon l’ancienne Constitution suisse486, en vigueur à l’époque des votations sur ledit accord de libre-échange, l’art. 85 ch. 5 plaçait l’approbation des traités avec les Etats étrangers dans la compétence des Chambres fédérales, alors que l’art. 89 al. 4 prévoyait la possibilité de soumettre à un referendum facultatif les traités internationaux conclus pour une durée indéterminée ou pour plus de quinze ans; cette deuxième option avait été complétée dans la pratique gouvernementale pour les accords qui, indépendamment de leur durée et de la possibilité de les dénoncer, modifient profondément la structure des institutions suisses ou entraînent un changement fondamental dans la politique extérieure de la Suisse487. Pour le Conseil fédéral, l’intention de soumettre l’Accord de libre-échange à la votation s’imposait parce que, en dépit du fait que l’accord ne portait pas atteinte à l’ordre constitutionnel, ni ne modifiait d’une façon importante la politique étrangère de la Suisse, cet instrument juridique présentait une portée considérable : « les Accords visent à régler de façon durable les rapports entre la Suisse et les Communautés élargies. L’aménagement des relations avec les Communautés constitue l’une des tâches le plus importantes de la politique étrangère et de la politique économique extérieure de la Suisse. (…) Bien qu’une interdépendance relativement étroite nous lie aujourd’hui déjà aux Etats des CE, le libre-échange avec la Communauté élargie créera une situation nouvelle pour notre économie »488

480 EFTA, European economic integration: effects of "1992", p. 15.

. Il s’ensuit par conséquent que ledit Accord de libre-échange présente une telle importance et préoccupe « si fortement une partie de l'opinion publique, que renoncer à emprunter cette voie, inusitée il est vrai, serait en contradiction

481 DU BOIS, La Suisse et le défi européen, p. 75-94. 482 Cf. infra p. 131. 483 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 720. 484 VORORT, Wirtschaftspolitische Aspekte der Europäischen Integration, 258ss. 485 Art. 1 al. 1 de l’AF du 3 octobre 1972 (RO 1972 3165). 486 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874 (RO 1 1). 487 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 725. 488 Id., FF 1972 II 727.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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par trop flagrante avec l'usage qui veut que, dans d'autres domaines, le souverain participe à la formation du droit interne suisse »489. Lors des votations, le vote favorable enregistra une victoire écrasante, avec 72.5% du peuple suisse et des cantons qui l’approuvèrent in corpore : c’était « un succès éclatant - et révélateur – du sens des urgences que les autorités ont su éveiller en Suisse »490. L’Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE entra en vigueur le 1er janvier 1973491

.

b. L’analyse Afin de mieux cerner les aspects variés réglés par l’ALE, l’analyse se trouvant ci-

dessous va examiner l’accord, suivant la logique de la description faite par le Conseil fédéral lors de la présentation de son Message pour l’approbation du Parlement492

.

1. Le préambule et les objectifs Le préambule de l'Accord de 1972 définit le cadre général des dispositions

contenues dans l’ALE. En rappelant la liaison étroite existant entre cet Accord et le processus d'élargissement des Communautés européennes, le but de l’Accord étant de consolider et d'étendre les relations économiques entre la Suisse et la Communauté et d'assurer le développement harmonieux de leur commerce (par. 1 Préambule), ainsi que le respect des obligations des Parties leur incombant en vertu d’autres accords internationaux (par. 4 Préambule), les négociateurs ont laissé, dans le 3ème paragraphe du préambule, une mention quant à « la possibilité de développer et d’approfondir leurs relations, lorsqu’il apparaissait utile dans l’intérêt de leurs économies de les étendre à des domaines non couverts par le présent accord ». Sur cette base juridique, mais par l’intermédiaire d’accords distincts, il y a eu les développements ultérieurs, par exemple les Bilatérales I de 1999493 ou bien les Bilatérales II de 2004494. Les Parties contractantes se montraient déterminées à supprimer de manière progressive « les obstacles pour l’essentiel » à leurs échanges bilatéraux, à la lumière des dispositions de l’Accord GATT concernant les zones de libre-échange (art. XXIV ch. 5 GATT)495, ce qui revient à dire que, à l’instar de l’Accord AELE, l’Accord de libre-échange de 1972 avait créé une zone de libre-échange et non pas une union douanière496

489 Ibid.

. La différence est de taille, vu que, dans la première alternative, seul le commerce entre Etats parties est visé, concernant

490 DU BOIS, La Suisse face à l’intégration de l’Europe, p. 25. 491 RS 0.632.401. 492 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 645. 493 Textes originaux des Accords bilatéraux I CH–UE de 1999 : Libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681), Transport aérien (RS 0.748.127.192.68), Transports terrestres (RS 0.740.72), Agriculture (RS 0.916.026.81), Obstacles techniques au commerce (RS 0.946.526.81), Marchés publics (RS 0.172.052.68), Recherche (RS 0.420.513.1). 494 Textes originaux des Accords bilatéraux II CH–UE de 2004 : Schengen (RS 0.360.268.1), Dublin (RS 0.142.392.68), Fiscalité de l'épargne : Accord (RS 0.642.026.81) et échange de lettres (RS 0.642.026.811), Lutte contre la fraude (RS 0.351.926.81), Produits agricoles transformés : Accord (RS 0.632.401.23) et Protocole no. 2 (RS 0.632.401.2), Environnement (RS 0.814.092.681), Statistique (RS 0.431.026.81), MEDIA (RS 0.784.405.226.8), Pensions (RS 0.672.926.81). 495 Pour un commentaire sur la notion « pour l’essentiel », cf. supra p. 28. 496 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 646.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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ainsi seulement l’activité économique à l’intérieur de la zone, alors que la deuxième option implique l’établissement d’un tarif douanier commun vis-à-vis des Etats tiers, se rapportant donc aussi aux échanges réalisés à l’extérieur de la zone. Il faut aussi signaler que la création d’une zone de libre-échange n’entraînait pas l’abolition des contrôles des marchandises aux frontières : dans une telle hypothèse, les marchandises en provenance d’Etats tiers pourraient facilement accéder au marché suisse en transitant par l’UE et vice-versa497

Les objectifs de l’Accord de 1972 sont complétés par les dispositions de l'article premier qui, de manière peu commune, se ressemble au préambule, vu qu’il ne contient pas d'obligations précises. Ladite disposition se limite à énumérer ces objectifs : « l'essor de l'activité économique, l'amélioration des conditions de vie et des conditions d'emploi, l'accroissement de la productivité et la stabilité financière » (let. a). De plus, il est indiqué que les échanges doivent se faire dans des « conditions équitables de concurrence » (let. b) et que les Parties contractantes désirent contribuer, par cet Accord, au « développement harmonieux et à l'expansion du commerce mondial » (let. c). Pour le Conseil fédéral, le dernier point « constitue également un objectif important et traditionnel pour la Suisse, et une marque de volonté d'ouverture vers le reste du monde qui caractérise cet Accord »

.

498

.

2. Le libre-échange des produits industriels

L’Accord établit le libre-échange bilatéral pour les produits industriels, en excluant de son champ d’application les produits agricoles499

Le champ d’application matériel est défini par l’art. 2 ALE à l’aide de renvois à divers protocoles et annexes. Les produits concernés sont partagés en deux sous-catégories : d’une part, les produits relevant des chapitres 25 à 99 de la Nomenclature de Bruxelles

. L’analyse doit prendre en compte plusieurs facteurs.

500 et, d’autre part, les produits agricoles transformés501

La disposition centrale de l’Accord est l’art. 3 ALE, qui interdisait l’introduction de nouveaux droits de douane dans les échanges bilatéraux (ch. 1) et prévoyait la suppression progressive des droits de douane existants, par tranches de 20% de réduction appliquée à l’encontre desdits droits, avec un calendrier fixant comme délai final le 1er

juillet 1977 (par. 2 4ème tiret). Le calcul des taux réduits exigeait la fixation d'un droit de base et la date choisie comme date de référence a été le 1er janvier 1972 (art. 5 ALE). En outre, l’art. 16 ALE réglait le régime des pays AELE qui étaient en train d’adhérer à la CE : ainsi, après la période transitoire prévue par les traités d'adhésion, fixée au 1er juillet 1977, il était interdit aux anciens membres de l'AELE de réserver, de quelque manière que ce soit, un traitement préférentiel à leurs anciens partenaires. Enfin, l’art. 17 ALE instituait une dérogation à la création de la zone de libre-échange, motivée par le souci de Berne de « conserver les zones franches situées au-delà de la frontière franco-suisse, dans

.

497 DFAE/DFE, Elargissement de l’UE : conséquences, p. 2. 498 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 664. 499 Cf. infra p. 111ss. 500 Nomenclature pour la classification des marchandises dans les tarifs douaniers; actuellement : cf. Convention internationale du 14 juin 1983 sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises; RS. 0.632.11. 501 Cf. infra p. 225ss.

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Chapitre 1 Les produits industriels

109

la région genevoise, et le Traité d'union douanière avec la Principauté de Liechtenstein »502

Selon l’art. 4 par. 1 al. 1 ALE, il fallait appliquer le régime de la suppression progressive des droits de douane à l’importation également pour les droits de douane à caractère fiscal. Bien que dépourvus d’effets protecteurs sur le marché, ceux-ci représentaient uniquement une source pour remplir les caisses de l’Etat et, par conséquent, l’intérêt à les voir disparaître n’existait pas. La solution la plus convenable, d’autant plus qu’elle permettait d’empêcher tout traitement fiscal discriminatoire entre les produits nationaux et ceux importés, était leur conversion en taxes internes (art. 4 par. 1 al. 2 ALE), surtout « sous la forme des impôts de consommation spéciaux »

.

503

En sus des mesures visant l’abolition des obstacles tarifaires, l’ALE contribue également au démantèlement des obstacles non tarifaires, en interdisant l’introduction de nouvelles restrictions quantitatives ou d’effet équivalant à l’importation (art. 13 par. 1 ALE) et fixant, au deuxième alinéa, les délais précis pour mettre en application ces mesures; en revanche, les restrictions quantitatives ou mesures d’effet équivalant à l’exportation ne tombaient pas sous le coup de l’accord, ce qui permettait à la Suisse, par exemple, de « maintenir l’interdiction d’exporter la ferraille »

. Ce régime visait tout particulièrement les produits pétroliers, les véhicules automobiles et les films.

504. Cette lacune a été comblée en 1989 quand lesdites mesures ont été également introduites (art. 13bis ALE505), dans une logique de renforcement de l’élimination progressive desdits obstacles non tarifaires, qui fera l’objet d’un examen séparé506

Pourtant, le Conseil fédéral considérait à l’époque, de la même façon que la Commission européenne plus d’une décennie plus tard dans son fameux Livre blanc relatif à l'achèvement du marché intérieur

.

507, que les articles précités concernant la suppression des obstacles non tarifaires faisaient partie d’un groupe de dispositions qui, vu qu’elles n’apportaient « que peu de nouvelles obligations »508

D’autres produits bénéficiaient d’un régime particulier, régi par l’application du renvoi de l’art. 8 ALE au Protocole n° 1. Le choix, sur la base de la méthode sélective, des produits tels que le papier ou les métaux, était justifié par le fait que « dans les autres

pour la Suisse, avaient seulement une faible incidence sur les échanges bilatéraux. Dans ce groupe, il y avait également l’interdiction d’introduire des taxes d’effet équivalent à des droits de douane à l’importation (art. 6 ALE) et à l’exportation (art. 7 ALE), ainsi que le Protocole n° 5 qui, en instituant la règle de l’application non discriminatoire de ce régime par Berne (art. 1 al. 2), permettait à la Suisse de maintenir intégralement le régime des réserves obligatoires pour les produits couverts par l’Accord, notamment les carburants et les combustibles liquides, les huiles de graissage minérales, les antibiotiques, l'engrais de potasse et le phosphate brut.

502 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 667. 503 Id., FF 1972 II 665. 504 Id., FF 1972 II 669. 505 Introduit par l’art. 1 du Protocole additionnel du 12 juillet 1989, RS 0.632.401.01. 506 Cf. infra p. 161ss. 507 « On avait d'abord imaginé que ces "barrières non tarifaires", pour les appeler par leur nom, n'auraient que peu d'importance par rapport aux droits de douane proprement dits, mais la récession les a fait se multiplier » (Commission européenne, Livre blanc relatif à l'achèvement du marché intérieur, p. 6); cf. infra p. 155. 508 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 669.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

110

cas, la charge tarifaire suisse est si faible qu'une prolongation de son délai de suppression n'apporterait pas de soulagement sensible, ou bien les marchandises en cause ne constituent pas un important courant d'échanges traditionnels »509. Ledit régime concernait en outre les produits d’horlogerie : un Accord horloger séparé510, et complémentaire à l’instrument juridique analogue bilatéral de 1967511, a été ainsi conclu également entre les deux parties dans le but de fixer, sur la base des dispositions spécifiques déjà adoptées par le Conseil fédéral512, « les modalités d'une procédure de certification prévue par un traité international et destinée à garantir, grâce à une étroite coopération industrielle, l'équivalence de qualité entre les pièces constitutives de mouvements de montres en provenance de la CEE et les pièces suisses correspondantes »513

Une autre catégorie de dispositions visaient les « marchandises provenant de la transformation de produits agricoles » (art. 9 ALE et Protocole n° 2), englobant donc à la fois des composants industriels et agricoles, dont l’analyse est l’objet d’un chapitre séparé du présent ouvrage

, permettant ainsi de considérer « comme suisse une montre dont le mouvement est de fabrication suisse pour 50% au moins de la valeur de toutes les pièces constitutives y compris le coût de l’assemblage » (art. 2 Accord complémentaire).

514

Les règles d’origine représentaient une question essentielle dans la nouvelle réglementation, vu que pouvaient entrer dans le champ d’application du libre-échange bilatéral uniquement « les produits originaires de la Communauté et de la Suisse » (art. 2 ALE). Le cadre juridique desdites règles était fixé à l’aide du renvoi effectué par l’art. 11 ALE au Protocole n° 3. Cet instrument juridique établit, comme règle générale pour l’octroi du statut de produit originaire d’une des Parties à l’Accord de 1972, la nécessité pour ledit produit de remplir soit le critère de la production intégrale (art. 1 chiffres 1 et 2 let. a Protocole n° 3), rempli lorsque aucun matériau provenant d'un pays tiers n'est employé dans la fabrication, soit celui de l'ouvraison ou de la transformation suffisante (art. 1 chiffres 1 et 2 let. b Protocole n° 3), imposant que le produit fini se range sous un autre numéro du tarif douanier que chacune des matières de base utilisées. Pourtant, la complexité des cas envisageables dans la pratique a déterminé les négociateurs à inclure, dans deux listes contenant des réglementations spécifiques, des exceptions à la règle du deuxième critère. La liste A énumère donc 680 cas où le produit n'est réputé «originaire» que si, en plus du changement de position tarifaire consécutif à l'ouvraison, certaines conditions supplémentaires sont réunies, telles que des exigences quant aux matières premières de pays tiers admises, ou le critère du pourcentage souvent fixé à 50 %

.

515

509 Id., FF 1972 II 670.

. La liste B énumère les cas où l'origine est acquise même si l'ouvraison ou la transformation

510 Accord complémentaire à 1'« Accord concernant les produits horlogers entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne ainsi que les Etats membres» (FF 1972 II 978). 511 Accord concernant les produits horlogers entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne ainsi que ses Etats membres, conclu le 30 juin 1967, approuvé par l’Assemblée fédérale le 20 décembre 1967, entré en vigueur le 1er janvier 1968 (RS 0.632.290.13). 512 Art. 2 par. 2 let. b Ordonnance du Conseil fédéral du 23 décembre 1971 réglant 1'utilisation du nom « Suisse » pour les montres (RO 1971 1915). 513 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 674. 514 Cf. infra p. 225ss. 515 Critère du pourcentage fixé pour les Chapitres 28 à 39 (Chimie, produits connexes et matières plastiques) et pour ceux de 78 à 83 (Métaux) de la Nomenclature de Bruxelles.

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Chapitre 1 Les produits industriels

111

n'entraîne pas de changement de position tarifaire, mais d'autres conditions sont remplies : entrent ainsi en jeu le critère du pourcentage, variable ici entre 5 et 50 %516, ou celui de l'accomplissement d'obligations telles que celle d'utiliser certains matériaux de base ou de mettre en œuvre un processus de travail spécial517

Vu la volonté de maintenir le libre-échange réalisé dans l'AELE tout en respectant le caractère bilatéral de l’Accord de 1972, une autre question importante concernait la réglementation des cas relatifs aux échanges avec les autres Etats non adhérents à la CEE mais membres de l'AELE. Les négociateurs ont introduit la règle dite du «cumul», permettant aux produits ayant déjà acquis l'origine d'un Etat contractant de subir de nouvelles transformations dans un ou plusieurs Etats contractants (la CEE était considérée comme un pays) sans perdre leur origine : ce principe autorise donc « une succession de processus de transformation dans tous les pays de la zone européenne de libre-échange, que ces processus confèrent l'origine ou non »

.

518

, avec la condition, toutefois, que les matériaux provenant de pays tiers ne peuvent y être utilisés qu'entre des limites précises (5%, selon l’art. 2 ch. 2 Protocole n° 3). Enfin, l’art. 23 ch. 1 Protocole n° 3 instituait une autre règle importante, concernant l’interdiction du « drawback » - autrement dit la restitution ou la non perception des droits sur des marchandises servant à la fabrication de produits d'exportation - dès que la réduction tarifaire sur les droits de base aurait atteint 40 %.

3. L’inapplicabilité de l’Accord de 1972 aux produits agricoles L’Accord de 1972 ne s’appliquait donc pas aux produits agricoles : cette

exclusion était justifiée par « les différences existant entre les politiques agricoles des deux Parties (qui) ne permettraient pas un tel arrangement »519. Lors des négociations, la délégation suisse avait fait savoir aux partenaires européens que, malgré leur volonté d’incorporer ce domaine dans le texte négocié, cela était hors de question pour les représentants suisses, étant donné qu’il « apparaissait clairement que l’extension du régime de libre-échange à l’agriculture était étroitement liée au problème de l’adoption par la Suisse de la politique agricole commune »520

L’Accord de 1972 contenait pourtant, à côté du renvoi effectué par l’art. 2 ALE au Protocole n° 2 réglant le régime de la composante agricole incorporée dans les produits agricoles transformés, deux dispositions concernant le domaine agricole.

.

516 Par exemple, confèrent le caractère de « produit originaire » l’ouvraison, la transformation ou le montage pour lesquels sont utilisés des produits, parties et pièces détachées "non originaires" dont la valeur n'excède pas 25 % de le valeur du produit fini, applicables pour, entre autres, les produits ayant le n° tarifaire 84.16 (Calandres et laminoirs, autres que les laminoirs à métaux et les machines à laminer le verre; cylindres pour ces machines), 84.17 (Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement, pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température, pour les industries du bois, des pâtes a papier, papier et cartons) et 84.31 (Machines et appareils pour la fabrication de la pâte cellulosique - pâte à papier - et pour la fabrication et le finissage du papier et du carton), FF 1972 II 875. 517 Par exemple, confèrent le caractère de « produit originaire » la fusion et le traitement thermique du cuivre affiné, des déchets et débris de cuivre pour les produits ayant le n° tarifaire 74.01 (Alliages de cuivre), FF 1972 II 874. 518 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 680. 519 Id., FF 1972 II 646. 520 Id., FF 1972 II 656.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

112

D’une part, l’art. 10 ALE définit le cadre d’action dans l'éventualité où des produits industriels soumis à l’Accord ou à la réglementation des produits de l'industrie alimentaire seraient affectés à l’avenir par les politiques agricoles développées par les Parties ou par leurs conséquences. Selon l’Accord de libre-échange, chaque Partie restait libre, pour tel ou tel produit, de modifier le régime de libre-échange à la lumière des nouveaux éléments guidant sa politique agricole (art. 10 par. 1 ALE); bien qu’indépendante de la volonté de l’autre Partie, cette mesure devait être pourtant prise en considération des intérêts du partenaire et, le cas échéant, des consultations étant possibles au sein du Comité mixte (art. 10 par. 2 ALE).

D’autre part, l’art. 15 ALE - au delà de la « clause évolutive »521, dans le sens d’une déclaration d’intention visant à favoriser le développement harmonieux des échanges de produits agricoles (par. 1), ou de leur engagement d’éviter toute discrimination en matière vétérinaire, sanitaire et phytosanitaire (par. 2) – contenait l’engagement des parties de rechercher des solutions aux difficultés qui pourraient apparaître dans les échanges de produits agricoles (par. 3), en créant ainsi « la base de discussion pour les problèmes mutuels d'échanges agricoles qui faisait défaut jusqu'ici (…), un progrès considérable »522

aux yeux de Conseil fédéral.

4. Les mesures d’accompagnement523

4.1. Les généralités Pour la mise en œuvre efficace des dispositions de l’Accord de 1972, le texte

prévoyait des mesures d’accompagnement censées, « après l’élimination des entraves aux échanges, (…) éviter que des préjudices économiques n’apparaissent à la suite d’abus ou d’événements imprévus »524

D’abord, l’art. 18 ALE imposait aux Parties de s’abstenir « de toute mesure ou pratique de nature fiscale interne établissant directement ou indirectement une discrimination » entre les produits nationaux et ceux importés. Ayant des similitudes de libellé avec les dispositions des articles 4 AELE et III GATT, ledit article de l’Accord de 1972 exprime, en ce qui concerne l’imposition des marchandises, la volonté des Parties de mettre en place, d’une part, le principe de non-discrimination lors de l'importation de marchandises (al. 1) et, d’autre part, celui de l'interdiction de surcompensation lors de l'exportation de produits : en effet, « les produits exportés vers le territoire d'une des Parties contractantes ne peuvent bénéficier de ristourne d'impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés directement ou indirectement » (al. 2). Enfin, le Conseil fédéral avait élargi son domaine d’application également dans le cas des biens d’investissements soumis à une charge fiscale préalable (la soi-disant « taxe occulte ») ainsi qu’aux impôts de consommation spéciaux

.

525

521 DFAE/DFE, Rapport explicatif pour la procédure de consultation, p. 60.

.

522 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 685. 523 « Toutes les dispositions de l'Accord ayant pour but d'assurer le bon fonctionnement du libre- échange et d'en délimiter le champ d'application » (Id., FF 1972 II 687). 524 Ibid. 525 Id., FF 1972 II 688.

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Chapitre 1 Les produits industriels

113

Ensuite, l’art. 19 ALE interdisait toute restriction concernant « les paiements afférents aux échanges de marchandises ». Les négociateurs ont voulu ainsi stipuler encore un autre moyen destiné à faciliter les échanges commerciaux entre les deux parties, à l’exemple des dispositions similaires existantes dans d’autres accords internationaux, telles que les articles 28 et 38 AELE.

De même, les clauses de sécurité et de police trouvaient leur place dans l’Accord bilatéral. L’importation ou l’exportation de certains produits pouvait être interdite ou restreinte pour de motifs d’intérêt public (art. 20 ALE), mais cela ne devait pas constituer « un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Parties contractantes » (art. 20 ALE in fine). L’art. 21 ALE garantit le droit de chaque Partie de prendre les mesures nécessaires pour sa sécurité, à l’exemple de celles concernant les renseignements contraires aux intérêts essentiels de sa sécurité (let. a), le commerce des marchandises à statut spécial, telles que les armes ou les munitions (let. b) ou bien les informations essentielles à sa sécurité en cas de conflits internationaux (let. c). Faisant figure de « tâches étatiques primaires que la politique douanière et commerciale ne touche pas »526

En ce qui concerne le manquement à des obligations assumées, l’Accord prévoit une disposition (art. 22 ALE) exprimant un principe fondamental pour le droit conventionnel lui-même : « pacta sunt servanda », ou bien l’obligation de chaque Partie de remplir intégralement les tâches lui incombant dans l’exécution d’un instrument juridique. Suivant le Conseil fédéral, il est important également de souligner que le sens de cet article repose dans le renvoi effectué à la procédure de sauvegarde de l’art. 27 ALE (applicable chaque fois qu’une Partie ne remplit pas ses obligations contractuelles) et que ladite procédure est applicable seulement en cas de non respect des obligations insérées dans l’Accord et non pas dans l’hypothèse d’un manquement à la réalisation des objectifs de l’Accord (art. 22 par. 2 ALE)

et se retrouvant également dans d’autres instruments juridiques conclus au niveau international – tels que les articles 13, 33 al. 1 et 39 AELE, l’art. 30 TCE (actuel art. 36 TfUE) ou les articles XX et XXI GATT - les deux Parties ont donc recherché à travers ces dispositions une solution équilibrée, destinée à offrir à la fois les moyens pour exercer un contrôle sur les biens objet de la circulation des marchandises et d’empêcher au maximum le risque potentiel d’abus commis dans cet exercice.

527

Les articles 24 ALE, concernant les disparités douanières, 25 ALE, sur le régime du dumping, et 26 ALE, touchant aux difficultés sectorielles et régionales ont été insérés dans l’Accord de 1972 pour compléter le cadre juridique mais, dès le début, le Conseil fédéral émettait des réserves quant à leur application future : en citant par exemple, le cas du premier article précité, le gouvernement se montrait d’avis que « on peut admettre que, dans le cadre du présent Accord de 1972, cette disposition ne sera pas non plus appliquée, ou que très rarement »

.

528. Ces dispositions présentent pourtant une autre caractéristique commune, vu que les trois cas peuvent faire l’objet de la clause de nécessité libellée dans le texte de l’Accord de 1972529

526 Id., FF 1972 II 688.

.

527 Id., FF 1972 II 691. 528 Id., FF 1972 II 694. 529 « Lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitant une intervention immédiate excluent un examen préalable, la Partie contractante intéressée peut, dans les situations visées aux articles 24, 25 et 26, ainsi que dans les cas d'aides à l'exportation ayant une incidence directe et immédiate sur

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Les difficultés de balance des paiements (art. 28 ALE) constituent également une raison justifiant l’adoption de mesures de sauvegarde, le texte de l’Accord de 1972 prévoyant seulement l’obligation d’informer l’autre Partie sur le contenu des mesures décidées. 4.2. La concurrence 4.2.1. Le contenu

La disposition contenue dans l’ALE 1972 concernant le régime bilatéral de la

concurrence a fait couler beaucoup d’encre jusqu’à présent, vu son libellé programmatique et les difficultés concernant sa mise en œuvre.

L’ALE considère toujours comme « incompatibles avec le bon fonctionnement de l'Accord de 1972, dans la mesure où ils sont susceptibles d'affecter les échanges entre la Communauté et la Suisse», les pratiques suivantes : « tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence » (art. 23 par. 1 let. i) ainsi que « l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’une position dominante sur l’ensemble des territoires des Parties contractantes ou dans une partie substantielle de celui-ci » (art. 23 par. 1 let. ii).

La cause des discussions se trouve dans le libellé différent affiché par l’art. 23 ALE et les articles 81, 82 et 83 TCE (nouveaux articles 101, 102 et 103 TfUE), ainsi que dans l’interprétation que ces articles ont connue dans la jurisprudence suisse et communautaire.

Dans son Message de 1972, le Conseil fédéral expliquait ainsi l’inexistence des termes « interdit » et « nul » par rapport au texte des articles 81ss TCE (nouveaux art. 101ss TfUE) : la procédure adoptée, correspondant à la Convention AELE, laisse « aux autorités de chaque Partie contractante le soin d’établir les faits et au besoin de trouver des solutions en conformité avec leurs procédures internes et de manière autonome lorsque l’autre Partie fournit la preuve d’une violation des règles de concurrence »530. Il persistait dans cette interprétation, en ajoutant que l’Accord de 1972 « n’oblige pas les parties contractantes à modifier leur politique et leur législation en matière de concurrence »531. En conclusion, il affirmait que l’ALE « établit plutôt des règles de concurrence qui s’ajoutent aux législations cartellaires de la Suisse, de la CEE, des Etats membres et qui s’appliquent, en sus de ces lois, aux échanges entre la Suisse et la CEE »532

Quant à la position adoptée par la CEE, le Message rappelait la déclaration relative à l’art. 23 par. 1 ALE adoptée par Bruxelles lors des négociations, avec la volonté clairement exprimée de se servir, par le double levier de la Commission veillant d'office à ce que ses décisions soient respectées et le contrôle de celles-ci susceptible d’être effectué par la CJCE, des critères résultant de l’application des articles 81ss TCE

.

les échanges, appliquer sans délai les mesures conservatoires strictement nécessaires pour remédier à la situation » (art. 27 par. 3 let. d ALE 1972). 530 Id., FF 1972 II 692. 531 Id., FF 1972 II 693. 532 Ibid.

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Chapitre 1 Les produits industriels

115

(nouveaux art. 101ss TfUE), y compris en adoptant une définition large quant aux lieux où les effets des pratiques douteuses – c'est-à-dire tendant à fausser la concurrence - pourraient se produire, que ce soit « à l’intérieur de la CEE ou entre la CEE et la Suisse »533. Il n’est pas dépourvu d’importance de souligner que cette interprétation de la CJCE, approuvée par la doctrine dite «de la mise en œuvre » permet de sanctionner les comportements des entreprises étrangères lorsque ces agissements, conçus à l’étranger, sont mis en œuvre sur le territoire dont relève l’autorité de concurrence; dans une interprétation analogue, la jurisprudence américaine a développé la doctrine de l’effet534

Le contenu de l’article sur la concurrence inséré dans l’Accord de 1972 a été repris en 2001, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit, par l’art. 18 par. 1 de la Convention AELE révisée

.

535. Cette disposition appartenait principalement au droit procédural, remplaçant l’ancien art. 15 sur les pratiques commerciales restrictives, inséré dans le texte initial de la Convention AELE536, était destiné seulement aux Etats de l’AELE et soumis aux dispositions relatives au règlement des différends présentes dans le texte de la Convention AELE révisée. Il est pourtant nécessaire de signaler le recours possible à une instance arbitrale qui « cependant, vu la nature des dispositions de la Convention AELE en matière de concurrence, (…) ne peut, le cas échéant, qu’examiner de manière très générale si un Etat de l’AELE prend les mesures nécessaires contre des restrictions à la concurrence entravant les échanges »537

A la différence des dispositions correspondantes se trouvant dans le TCE, l’art. 23 ALE ne parle donc que de caractère « incompatible avec le bon fonctionnement de l’Accord » des accords entre entreprises, des abus de position dominante et des aides d’Etat. La doctrine a regretté à plusieurs reprises cette formulation ambiguë et a cherché à trouver des solutions. Dès les premières années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’Accord, il était déjà observé que « la Suisse et la CEE ont même renoncé à mettre en place un organe compétent pour exécuter l’art. 23 et dont les décisions, assorties de sanctions, auraient été applicables aux entreprises. Cela confirme, s’il en était encore besoin, l’idée selon laquelle l’art. 23 est une disposition relevant plus de la politique commerciale que du droit proprement dit »

.

538. Dans une autre opinion plus récente, il était soutenu que « l’objectif est louable, mais il faudrait lui donner davantage de poids et des possibilités d’être respecté. La création d’un organe chargé de l’application de cette disposition aurait été utile »539

Selon une autre opinion autorisée en la matière, cette fois-ci du côté suisse, vu que l’art. 23 ALE ne va toutefois pas dans le sens d’une interdiction et qu’il laisse simplement aux parties le soin de prendre toutes les mesures appropriées après avoir réuni un Comité mixte chargé de l’application de l’Accord, l’ALE « ne contient dès lors aucune règle de concurrence directement applicable et doit être considéré avant tout comme une voie de règlement diplomatique »

.

540

533 Ibid.

.

534 VAN MIERT, Les défis du droit de la concurrence européen, p. 5. 535 Cf. supra p. 95. 536 Ibid. 537 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4745. 538 CHOFFAT, L’applicabilité directe de l’Accord de libre-échange du 22 juillet 1972, p. 189-190. 539 HOFMANN, La liberté économique suisse, p. 386. 540 TERCIER / VENTURI, Les ententes illicites et l'abus de position dominante, p. 17.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

116

Le caractère même de l’organe chargé d’examiner le respect du traité, c'est-à-dire un Comité mixte agissant en en tant qu’organe de gestion commune, explique pourquoi l’application effective des dispositions de l’Accord fait peut connaitre des interprétations différentes. Le rôle plutôt informel et de coordination attribué au Comité mixte ne résulte pas seulement de la lecture des dispositions qui lui sont attribuées dans l’ALE, mais il est exprimé clairement aussi dans le Message de 1972 : « l’accord n’institue pas d’organes ayant des pouvoirs comparables à ceux de la Commission des CE ou de la Cour de Justice européenne; il ne peut être prononcé des sanctions à la majorité à l’égard de la Partie contractante coupable d’une infraction »541

Selon une position doctrinale largement répandue et acceptée en Suisse, « les dispositions en matière de concurrence de l’accord de libre-échange n’ont dès lors pas eu une grande influence sur le droit suisse »

.

542

Le TF s’est prononcé assez vite sur la portée de l’art. 23 ALE dans un arrêt, Stanley Adams, qui sera largement présenté dans la section consacrée à l’examen de la jurisprudence relative à l’ALE

.

543

Les critiques à propos de cette décision, émanant de la doctrine favorable à l’effet direct des dispositions ALE, ont été parfois virulentes, à l’image de celle soulignant le fait que « le drame de l’arrêt Adams (…) réside (…) dans l’effet dévastateur des considérations générales développées par le Tribunal fédéral sur la nature de l’Accord (…), considérations de caractère à décourager les particuliers à se prévaloir en justice des nombreuses règles de l’accord qui se prêtent à une application directe »

. Dans cette partie du texte, il faut uniquement noter que la conclusion de l’arrêt exprimait l’idée que l’Accord de libre-échange et ses principes de concurrence ne portent pas atteinte aux lois pénales des deux parties, en particulier à l’art. 273 CP, et que la protection des secrets d’affaires n’est pas contraire aux obligations conventionnelles de la Suisse découlant de l’ALE.

544

Les auteurs s’opposant audit effet direct se sont contentés de rappeler que « la raison principale pour le rôle très discret de l’art. 23 ALE est que les articles 81 (ex 85) et 82 (ex 86) du Traité offrent à la Commission des moyens bien suffisamment efficaces pour poursuivre les pratiques anticoncurrentielles qui affectent le commerce entre Etats membres et que la liste des entreprises suisses touchées d’une manière ou d’une autre par les règles communautaires de concurrence s’allonge au fil des années »

.

545

.

4.2.2. La question des régimes fiscaux La question des aides publiques, apparue dans le cadre du conflit généré par les

régimes fiscaux appliqués à l’encontre des sociétés étrangères basées en Suisse, a de nouveau enflammé les esprits entre les deux parties après une période relativement calme suivant l’entrée en vigueur des Bilatérales II546

541 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 692.

. Le conflit est né d’une interprétation différente de l’art. 23 par. 1 let. iii ALE qui stipule que « sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l'accord, dans la mesure où ils sont susceptibles d'affecter les échanges

542 STOFFEL & DEISS, La décartellisation en Suisse, p. 39. 543 Cf. infra p. 137. 544 JACOT– GUILLARMOD, L’applicabilité directe des traités internationaux, p. 137. 545 MERCIER & GILLIERON & MACH & AFFOLTER, Grands principes du droit de la concurrence – Droit communautaire, droit suisse, p. 518. 546 Cf. supra p. 107.

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entre la Communauté et la Suisse : (…) toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Le problème de la fiscalité, vu dans son ensemble, a toujours créé des divergences entre les partenaires suisses et européens. Sans entrer dans les détails des accords qui ont fait l’objet des Bilatérales II entre la Suisse et l’UE547, on conviendra de dire que le problème de la fiscalité a représenté une donnée essentielle dans la construction des rapports au niveau politique entre les deux parties. L’interdépendance dans les échanges économiques, la proximité géographique de la Suisse, la renommée de la place financière suisse, les différences de taxation dans les systèmes d’imposition de ces parties et, last but not least, l’importance de la question du secret bancaire – défendu par la Suisse, jusqu’en mars 2009548

Malgré ces considérations, il importe de souligner que le différend relatif aux régimes fiscaux adoptés par les cantons suisses ne touche qu’indirectement le domaine de la fiscalité, et partant le cadre juridique fixé à travers l’accord conclu lors des Accords bilatéraux de 2004, le conflit étant lié aux aides publiques, bannies selon l’Accord de libre-échange de 1972

, avec la même ardeur que, par exemple, la question de la neutralité – ont été parmi les considérations ayant conditionné l’évolution des développements bilatéraux dans le problème de la fiscalité.

549

A l’automne 2005, le problème de l’interprétation de l’art. 23 ALE est revenu en force sur le tapis. La Commission européenne avait pris dans sa ligne de mire les régimes fiscaux des cantons de Zoug et de Schwyz. Aux yeux de l’exécutif européen, les deux régimes fiscaux cantonaux favoriseraient de manière inadmissible les holdings étrangers

.

550

Cette situation apparaissait d’ailleurs dans un contexte particulièrement en mutation du point de vue des régimes fiscaux adoptés en Suisse. Ainsi le canton d’Obwald rejoignait le club des cantons de Suisse centrale à forte capacité financière, à côté des deux cantons déjà mentionnés et de celui de Nidwald, par une votation lors de laquelle une majorité de 86% des électeurs avait approuvé un passage « d’un extrême à l’autre à l’échelle de taxation»

, en appliquant ainsi de manière contraire à l'Accord de libre-échange de 1972 l'imposition des sociétés étrangères.

551, en passant de la catégorie des fortes impositions à celle des faibles impositions. Avec, par exemple, un impôt sur les bénéfices de 6.6%, les sociétés ne trouveraient nulle part ailleurs en Suisse une taxation aussi favorable, et cela, pour l’economiesuisse – l’organisation de défense des entreprises suisses – représentait le signe d’une «saine concurrence »552

547 Ibid.

.

548 Quand la Suisse, la Belgique et le Luxembourg ont ont indiqué à l’OCDE qu’ils retiraient leurs réserves formulées auparavant à l’encontre de l’art. 26 OCDE (cf. infra p. 122). 549 En revanche, on va admettre, suivant l’argumentation de RUSSOTTO, le lien intrinsèque entre ces deux questions qui, ensemble avec trois autres sujets, à savoir les modalités pour modifier et élargir l’accord bilatéral de 2004 sur la lutte contre la fraude, l’éventuelle transposition dans un nouvel accord bilatéral de l’art. 26 OCDE réglant l’échange d’informations à la demande ainsi que la possibilité d’une directive communautaire destinée à reformuler les mécanismes de coopération administrative en matière fiscale, sont des thèmes liés à la globalité de la question fiscale débattue entre Berne et Bruxelles (Si elle agit vite, la Suisse peut parer). 550 SWISSINFO, L'UE rejette les privilèges fiscaux cantonaux. 551 SWISSINFO, Obwald va se muer en paradis fiscal. 552 SWISSINFO, Dispute fiscale entre Berne et Bruxelles.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Le litige concernait les allégations avancées par la Commission européenne à l’encontre de la Suisse, lui reprochant le fait que certaines modalités de l’imposition cantonale applicable à certaines personnes morales pourraient être incompatibles avec l’art. 23 par. 1 let. iii ALE. Il était soutenu que « les avantages fiscaux conférés aux entreprises concernant les transactions qu’elles passent avec des personnes qui sont domiciliées hors de la Suisse ou concernant des activités économiques qu’elles effectuent hors de Suisse pourraient constituer des aides publiques qu’elle considère interdites par cet accord »553. Le document comportait également une prise de position suisse, rejetant sans la moindre hésitation le lien entre l’art. 23 ALE et les régimes fiscaux adoptés en Suisse : « de manière générale, il faut souligner le fait que la Suisse n’a conclu aucun accord avec l’UE qui affecterait les règles fiscales de droit interne applicables aux personnes morales en Suisse ou dans la Communauté; en concluant l’Accord de libre-échange de 1972, la Suisse et la CEE ne visaient aucune harmonisation de droit, ni concernant les règles applicables aux marchandises, ni dans les domaines de la concurrence ou des aides d’Etat »554

Lors de la 50ème séance du Comité mixte de l’ALE, tenue en décembre 2005, la délégation suisse avait réitéré ses positions affirmées depuis le début de l’affaire : pour elle, « les indications fournies par la Commission européenne ne permettent pas de voir en quoi certaines pratiques cantonales en matière d’imposition des sociétés pourraient influencer les échanges commerciaux couverts par l’accord; (…) l’ALE règle exclusivement les échanges de certaines marchandises; (…) à l’époque de sa conclusion. Il n’était pas dans l’intention ni de la Suisse, ni de l’UE de prévoir d’une quelconque manière une harmonisation du droit concernant les marchandises, la concurrence ou les aides d’Etat »

.

555

Début 2006, l’échange des déclarations opposées a continué régulièrement, venant même de la part des hauts responsables de chaque partie, comme par exemple, le chef de la délégation suisse à Bruxelles, Bernhard Marfurt qui signalait, en s’appuyant sur l’exemple du taux 0% appliqué par l’Estonie, que « la question de la concurrence fiscale est très actuelle et controversée au sein même de l’UE », alors que, d’une part, Mme Benita Ferrero-Waldner, la commissaire européenne aux relations extérieures, affirmait que « le contrôle des aides publiques qui faussent la concurrence constitue un pilier essentiel de la politique en matière de concurrence du marché commun »

.

556 et d’autre part, M. Eneko Landaburu, Directeur général des relations extérieures à la Commission européenne, parlait d’un « problème sérieux »557

La réponse, très attendue, aux allégations de la part de l’UE, est intervenue du côté suisse au mois de mars 2006. Le document

dans les relations entre la Suisse et l’UE.

558

553 DFAE/DFE, Dispositions cantonales sur l’imposition des entreprises, p. 3.

peut être synthétisé en trois points : d’abord, les modalités d’imposition des sociétés holding, des sociétés d’administration et des sociétés mixtes ne tombent pas dans le champ d’application de l’ALE, vu que la CE ne peut pas imposer à la Suisse son interprétation évolutive des règles de concurrence en

554 Id., p. 4. 555 DFAE/DFE, Séance 2006 du Comité Mixte à Bruxelles. 556 SWISSINFO, Pas d’accord fiscal entre Berne et Bruxelles. 557 SWISSINFO, Fiscalité: Berne réfute les critiques de l'UE. 558 DFAE/DFE, « Imposition cantonale des sociétés », . 1ss.

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interprétant l’art. 23 ALE ; ensuite, même au cas où les allégations rejetées par la Suisse s’avéreraient vraies, les allégements fiscaux mis en cause ne constitueraient pas des aides d’Etat entravant le fonctionnement de l’Accord, étant donné le fait que les mesures cantonales incriminées peuvent bénéficier à tous les opérateurs économiques, indifféremment de leurs nationalité, production ou branche économique d’activité; enfin, à l’appui de l’évaluation de la part de l’OCDE considérant le régime fiscal suisse comme non dommageable, le rejet porte également sur la critique selon laquelle la responsabilité de la Suisse serait engagée en sa qualité de participante au marché intérieur européen. Le document contient aussi un examen détaillé portant sur les trois types de sociétés mentionnées, afin de démontrer que les échanges de marchandises, réglementés par la lettre et l’esprit de l’art. 23 ALE, ne sont pas concernés par l’activité des ces trois entités économiques.

A l’issue d’une autre rencontre dans le cadre du Comité mixte, le même M. Marfurt déclarait que « nous sommes en train de parler de quelque chose qui touche au cœur du système politique suisse »559

Dans la suite de cette interprétation, au mois de juin 2006, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey confirmait que « pour la Suisse, il n’y pas de lien juridique entre l’ALE et les pratiques fiscales évoquées », en ajoutant toutefois que « la place financière suisse pâtirait d’un différend fiscal avec l’UE »

.

560. La position radicalement différente de Bruxelles a été à son tour confirmée au mois de juillet 2007 par le président de la Commission européenne, M. José Manuel Baroso, qui incriminait les pratiques fiscales « clairement discriminatoires, qui vont contre les règles du marché intérieur »561

Les discussions engagées entre les parties lors des réunions du Comité mixte n’ayant pas porté des fruits, la Commission européenne s’est vue contrainte, le 13 février 2007, d’adopter une décision sur une aide d’Etat concernant la Suisse

.

562 : elle y statuait formellement que les mesures fiscales suisses en cause « ne sont pas compatibles avec les dispositions de l’art. 23 par. 1 ALE en ce sens qu’elles constituent une aide publique qui menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines branches de productions » (ch. 73, p. 18). Il est important de préciser que, coté UE, « la décision prise par la Commission européenne porte sur une aide d’Etat et ne concerne pas la fiscalité, ce dont le public helvétique n'a pas suffisamment pris connaissance, d’où l’évocation trompeuse d’un différend fiscal »563

559 SWISSINFO, La fiscalité divise toujours la Suisse et l’UE.

. En revanche, pour la Suisse, il s’agit d’une décision unilatérale qu’elle a toujours contestée. En effet, la Suisse a toujours considérée comme infondée l’interprétation de la Commission européenne selon laquelle certaines modalités fiscales des cantonaux fausseraient la concurrence et entraveraient le commerce de marchandises dans une mesure incompatible avec l’Accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et l’UE. Selon Berne, il n’existe aucune règle contractuelle entre la Suisse et l’UE qui l’obligerait à harmoniser son système d’imposition des sociétés avec celui des Etats membres de l’UE. Partant, il ne peut être

560 CALMY-REY Micheline, Le couple Suisse-Europe est en panne. 561 SWISSINFO, Barroso augmente la mise au poker fiscal. 562 Décision de la Commission du 13 février 2007 concernant l’incompatibilité de certains régimes suisses d’imposition des sociétés avec l’accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse du 22 juillet 1972, Bruxelles, C (2007) 411 final. 563 Délégation de l’UE pour la Suisse et la Principauté de Liechtenstein, Discussion sur les aides d'Etat.

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question de la violation d’un quelconque accord. Cela vaut tout particulièrement pour l’Accord de libre-échange de 1972 : celui-ci régit exclusivement le commerce de certaines marchandises et ne constitue pas une base juridique suffisante pour évaluer dans quelle mesure l’imposition des sociétés entraîne une distorsion de la concurrence. La Suisse ne fait pas non plus partie du marché intérieur de l’UE. Par conséquent, les règles de concurrence du Traité CE, dont, par exemple, celles qui concernent les aides d’Etat, ne sont pas applicables à la Suisse.

Dans une suite logique, le 14 mai 2007, le Conseil de l’UE a donné mandat à la Commission européenne de trouver une solution mutuellement acceptable, qui garantisse que les sociétés ne bénéficient plus en Suisse d’avantages fiscaux déloyaux, sachant que pour l’heure, les recettes réalisées à l’étranger n’y sont pas soumises au même régime d’imposition que les gains générés en Suisse. Dix mille entreprises sont concernées, avec comme cible notamment les holdings, les sociétés d'administration et les sociétés mixtes, dont les revenus d'origine étrangère sont soit exonérés des taxes, soit très faiblement taxés.

La Suisse avait proposé, en réponse, quelques ajustements : elle s’était déclarée prête à interdire aux holdings basées en Suisse d'exercer la moindre activité commerciale, même à l'étranger, en leur permettant pourtant de continuer à percevoir d'autres revenus liés à la gestion de leurs participations dans d'autres entreprises, telles que les dividendes, les intérêts, ou les frais de management; en outre, les sociétés mixtes, dont le nom devrait changer, ne pourraient plus exercer d'activités commerciales ou industrielles en Suisse564

La deuxième réforme de l'imposition des entreprises, que le peuple avait accepté, même de manière très serrée (avec seulement 50.5%

.

565), le 24 février 2008, améliorait nettement la situation des entreprises, notamment des petites et des moyennes entreprises (PME). Pourtant, il n’y avait pas de réponse à toutes les autres questions en jeu et la Confédération avait ainsi confirmé son intention d’éliminer le régime des sociétés boîtes aux lettres, dans le cadre d'une troisième réforme de l'imposition des entreprises dont le gouvernement a jeté les fondements en décembre 2008566

Estimant que la deuxième réforme de la fiscalité des entreprises n’avait pas résolu tous les problèmes d’imposition des entreprises, le Conseil fédéral a, début décembre

. Le Conseiller fédéral Hans Rudolf Merz a donc chargé un groupe de travail regroupant des représentants de la Confédération et des cantons de matérialiser une nouvelle réforme de l'imposition des entreprises. Certaines mesures ont été ainsi avancées afin que les entreprises actives en Suisse supportent moins de charges fiscales superflues, cela ayant comme conséquence une réelle consolidation de la position de Berne dans la concurrence fiscale internationale. Motivé par la volonté de promouvoir la croissance économique suisse, le Conseil fédéral proposait non seulement de supprimer le droit d'émission sur les fonds propres et sur les fonds de tiers et d'éliminer les entraves fiscales au financement des groupes de sociétés, mais aussi d’introduire des modifications au statut cantonal des sociétés holding et des sociétés d'administration : parmi les plus importantes mesures, les bénéfices de ces sociétés, qu'ils soient de sources suisse ou étrangère, devraient en effet être traités de manière uniforme.

564 SWISSINFO, Berne prête à lâcher du lest sur la fiscalité cantonale. 565 FF 2008 III 2455. 566 DFF, Le Conseil fédéral pose les bases d'une nouvelle réforme de l'imposition des entreprises.

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2008, posé les bases d’une nouvelle réforme de la fiscalité des entreprises et chargé le DFF de préparer un nouvel avant-projet de réforme.

Dans le cadre de cette réforme, le Conseil fédéral prévoyait notamment de modifier les statuts fiscaux cantonaux, afin de prendre en compte certains souhaits de l’UE. Ainsi, des mesures ciblées devaient garantir que les bénéfices suisses et étrangers de toutes les sociétés soient soumis au même traitement. Parmi les mesures envisageables figuraient en premier lieu l’interdiction générale de l’activité commerciale des sociétés holding, certaines modifications du traitement des sociétés mixtes ainsi que la suppression du statut de « société de domicile ».

La Suisse a informé l’UE du projet de modification des statuts fiscaux cantonaux. Sur cette base, un compromis s’est cristallisé au printemps 2009 entre la Suisse et la Commission européenne en ce qui concerne la question des régimes fiscaux cantonaux. Ce compromis s’est toutefois heurté à l’opposition de quelques Etats membres et un consensus n’a ainsi pas pu être trouvé.

En juin 2010, l’ECOFIN avait invité la Commission européenne à initier un dialogue sur le Code de Conduite relatif à l’imposition des entreprises avec la Suisse.

Le 18 août 2010, le Conseil fédéral a chargé le DFF d’établir des contacts exploratoires avec la Commission européenne concernant l’éventuelle instauration d’un dialogue sur le Code de Conduite. Ces entretiens servent à fixer les modalités d’un éventuel dialogue et à déterminer le lien entre ce possible dialogue et celui mené jusqu’ici au sujet des régimes fiscaux cantonaux. La Suisse est, en effet, prête à entamer un nouveau dialogue, mais elle « estime essentiel de délimiter clairement les sujets qui seront abordés »567

Vu que la solution du conflit sur les aides publiques octroyées à travers les régimes d’imposition de la Suisse est, bien que de manière indirecte, inséparablement liée aux développements enregistrés au niveau bilatéral en matière de fiscalité de l’épargne, il n’est pas dépourvu d’importance d’esquisser brièvement le cadre juridique actuel.

. Ces contacts exploratoires sont actuellement en cours.

Le 3 juin 2009, la Commission européenne a formellement adopté sa « recommandation » aux Etats membres relative à la renégociation de l'accord sur la lutte contre la fraude. Tout en laissant la porte ouverte à d'autres solutions, la Commission prônait « clairement une renégociation de l'accord sur la lutte contre la fraude qui lie la Suisse et l'UE depuis 2004 »568

La Suisse s'était en effet engagée, le 13 mars 2009, à assouplir son régime fiscal, sans pourtant remettre en question son très important secret bancaire : « Le secret bancaire ne protège cependant pas les auteurs de délits fiscaux. Dans un contexte de globalisation des marchés financiers et surtout de crise financière, la coopération

. La renégociation de l'accord du 2004 avec la Suisse se donne pour but l'ouverture de négociations pour la conclusion d'un accord de coopération fiscale entre l'UE et ses Etats Membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part. Cette recommandation s'inscrit dans le cadre plus large d'une ouverture de négociation d'accords (qui viseraient, outre la coopération en matière fiscale, également les aspects de la lutte contre la fraude en matière de protection des intérêts financiers des parties contractantes) que Bruxelles essaye de mettre en place avec des pays, tels que Andorre, Monaco et le Saint Marin, soupçonnés dans le passé d’avoir entretenu une législation fiscale permettant l’existence des paradis fiscaux.

567 DFF, Rapport 2011 sur les questions financières et fiscales internationale, point 3.4.1, p. 14. 568 SWISSINFO, Bruxelles repart à l'attaque du secret bancaire suisse.

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internationale en matière fiscale revêt une importance accrue. Le Conseil fédéral continuera de soutenir les efforts déployés dans ce domaine »569. Par cette mesure, Berne avait retiré – de même que l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg - l'importante réserve qu'elle avait formulée, déjà il y a plusieurs années, à l’encontre de l'art. 26 du modèle de Convention fiscale de l'OCDE570, en vertu de laquelle la Suisse ne peut livrer de renseignements qu'en cas de soupçon «d'escroquerie fiscale» (et pas de simple «soustraction», autrement dit d’évasion fiscale). En outre, pour sortir son nom de la liste « grise » établie par l’OCDE à l’issue du Sommet G20 de Londres d’avril 2009571

Bien que les défenseurs de la renommée de la place financière suisse aient vanté la modernité de la réglementation suisse en la matière, permettant de marier tradition (secret bancaire) et innovation (nouveaux défis pour la criminalité économique)

, comprenant des pays qui ont annoncé un assouplissement dans leur politique d'information fiscale mais ne l'appliquent pas encore, la Suisse s’est engagée à réviser ses conventions de double imposition avec les Etats qui le lui demandaient, en vue d’une entraide administrative améliorée, conformément à l’art. 26 OCDE ci-dessus indiqué.

572, les derniers conflits d’intérêts ayant secoué le secteur bancaire suisse573

569 Administration fédérale, La Suisse entend reprendre les standards de l'OCDE.

montrent que le chemin reste encore long jusqu’à ce que Berne impose une législation vraiment efficace dans ce domaine d’importance stratégique. En même temps, il faut remarquer que le discours sur la place financière suisse, identifiée de toute manière comme réunissant les valeurs dont la Suisse est fière dans le monde, ait dernièrement réuni sur les mêmes positions des acteurs diamétralement opposés sur la question européenne : si les détracteurs de Bruxelles se sont mobilisés, comme prévu, pour la défense à tout prix du secret bancaire, en revanche, plus surprenante est la position affichée par economiesuisse, regroupant constamment des positions plutôt favorables à l’intégration économique

570 L’art. 26 OCDE a été mis à jour en juillet 2005 : les nouvelles dispositions précisent qu’un État ne peut pas refuser une demande de renseignements uniquement parce que ceux ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national (par. 4) ni parce que ceux ci sont détenus par une banque ou un autre établissement financier (par. 5). 571 OCDE, Rapport sur l’état des juridictions examinées, p. 1. 572 ROTH U. a d’ailleurs placé cette caractéristique de la place financière suisse parmi les quatre atouts majeurs du secteur bancaire suisse, à côté de la longue expérience démocratique, de l’excellente infrastructure et de la fiscalité modérée (La place financière suisse, p. 3). 573 On peut citer, d’abord, le procès opposant UBS au fisc américain, avec, d’une part, le Conseil fédéral ayant négocié - sur la base de Accord du 19 août 2009 entre la Suisse et les Etats-Unis concernant la demande de renseignements de l'IRS relative à l’UBS, avec Annexe et Déclarations (ci-dessous Accord CH – Etats Unis 09, RO 2009 5669) - la livraison d’environ quatre mille quatre cents noms de clients américains de la banque jusqu’en août 2010 et, d’autre part, le Département américain de la justice ayant annoncé, le 24 octobre 2010, qu’il abandonnait les poursuites pénales contre la banque; ensuite, la fuite des informations bancaires confidentielles à cause d’un ancien informaticien de la filiale d’HSBC à Genève, qui avait remis aux autorités françaises des données bancaires concernant des contribuables ayant des comptes cachés en Suisse, cela déclenchant une vague de réactions de la part de Paris (la France annonçant son intention d’établir une liste de quelque trois mille noms présumés d’avoir triché le fisc); enfin, début février 2010, l’Allemagne a reçu la proposition, contre plusieurs millions d’euros, d’obtenir une liste contenant les données bancaires de mille cinq cents contribuables allemands possédant des comptes dissimulés en Suisse, cette situation ayant provoqué la réaction de la chancelière Angela Merkel qui a fait savoir qu’elle comptait se la procurer, tout comme elle l’avait fait en 2008, dans une affaire similaire concernant la banque liechtensteinoise LGT.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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européenne de la Suisse, qui déclarait en 2008 que « notre souveraineté fiscale n’est pas négociable (et que) la Suisse n’a aucune raison de céder sur ce point »574

Les développements à l’avenir seront d’autant plus intéressants si on considère les prises des positions contradictoires enregistrées au sujet du secret bancaire

.

575. En outre, au niveau de la Suisse, le Conseil fédéral s’est vu contredit lors des décisions rendues début 2010 par le TAF576 : il y était stipulait que l’entraide administrative octroyée dans le différend entre l’UBS et le fisc américain avait été accordée en l’absence des bases juridiques nécessaires, tenant compte du fait que l’Accord de double imposition en vigueur avec les Etats-Unis577 en vigueur au moment des faits distinguait encore entre soustraction et fraude fiscales. Lesdites décisions du TAF, favorables au client américain ayant «simplement» omis de déclarer des avoirs en Suisse, aurait pu laisser croire des évolutions similaires pour une majorité écrasante, quatre mille deux cents personnes, des quatre mille quatre cents clients, dont les données doivent être livrées au fisc américain578. Pourtant, à la lumière des évolutions législatives enregistrées en Suisse au cours de l’année 2010579, la procédure d’entraide s’est même renforcée. En juillet 2010, le TAF a rejeté le recours d'une cliente de l'UBS580

574 economiesuisse, Nos défis de politique économique, p. 5.

, en considérant que l'accord approuvé le 17 juin 2010 par le Parlement doit être appliqué, et cela même en cas d'infractions à la

575 Nous citions l’intervention musclée du Président français Sarkozy lors dudit Sommet de Londres, ayant martelé que « l’ère du secret bancaire est révolue » et la prise de position de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf qui, en défendant, dans une interview accordée à fin février 2010 (NZZ, 21 février 2010, p. 1.), la suppression de la distinction entre la fraude et la soustraction fiscales, et cela même pour les contribuables suisses, n’en contredisait pas moins frontalement la ligne suivie jusqu’ici par le Conseil fédéral. 576 TAF, Affaires n° A-7814/2009 (7ème consid.) et n° A-7929/2009 du 22 février 2010 (7ème consid). 577 Convention entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, RS 0.672.933.61. 578 De manière générale, dans le cadre de l'application de l'Accord passé le 19 août 2009 entre la Suisse et les Etats-Unis, plus de quatre mille dossiers avaient été effectivement transmis, fin février 2011, à l’IRS. Ces transmissions ont fait suite à des décisions rendues par l'AFC et devenues par la suite exécutoires, par écoulement du temps ou par confirmation de la part du TAF pour ce qui concerne celles qui avaient fait l'objet d'un recours. A cela, il faut encore ajouter les dossiers transmis à l'IRS sur la base d'un consentement écrit fourni par les personnes visées par une éventuelle procédure d’entraide. En autorisant formellement la banque, ou l’AFC, à transmettre leurs données bancaires directement à l'autorité fiscale américaine, elles rendaient ainsi la procédure d'entraide à leur encontre inutile et dépourvue d'objet : les deux instruments délivrés par les personnes visées par la procédure et permettant cette transmission directe portent le nom "John Doe Waiver" (autorisation transmise directement à l'UBS SA, 703 cas) et de "consent to transmission" (autorisation transmise directement à l'AFC, cent quarante-quatre cas). 579 Les décisions du début 2010 du TAF avaient obligé le gouvernement à conclure, avec les Etats Unis, un Protocole modifiant l'Accord CH – Etats-Unis 09 : il s’agit du Protocole du 31 mars 2010, applicable à titre provisoire dès le jour de sa signature par les parties, selon son art. 3 al. 2 (RO 2010 1459, ci-dessous Protocole CH – Etats-Unis 10) et soumis, avec ledit accord, au Parlement pour qu'il puisse être appliqué. Par arrêté fédéral du 17 juin 2010, portant approbation de l'Accord CH – Etats-Unis 09 et du Protocole CH – Etats-Unis 10 (RO 2010 2907), l'Assemblée fédérale a approuvé les deux instruments et autorisé le Conseil fédéral à les ratifier (la version consolidée de l'Accord CH – Etats-Unis 09 et du Protocole CH – Etats-Unis 10 est publiée au RS 0.672.933.612, la langue originale de cette convention étant l'anglais). L'arrêté fédéral précité n'a pas été soumis au référendum facultatif en matière de traités internationaux, selon l'art. 141 al. 1 let. d ch. 3 Cst. 580 AF, Affaire n° A-4013/2010 du 15 juillet 2010.

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Constitution, à des lois fédérales et à la CEDH, dont l’art. 8 garantit la protection des données personnelles. Dans son jugement, le TAF avait souligné en outre que, conformément à la Constitution, les autorités étaient tenues d'appliquer le droit international, dont fait partie l'accord approuvé par le Parlement, et que les règles de cet accord primaient les autres dispositions de droit international. Pour le TAF, les intérêts économiques de la Suisse ainsi que l'intérêt à pouvoir respecter les engagements contractés en vertu du droit international étaient en jeu et emportaient sur les intérêts individuels de confidentialité de la recourante, même quand il s’agissait de la protection des données personnelles. Fin 2010, le TAF a admis quand même un autre recours contre AFC581

En dépit du rejet exprimé par Berne, en décembre 2009, quant à l’existence d’un lien entre la question de la fiscalité cantonale et le champ d’application de l’ALE

, mais seulement pour le fait que « le droit d'être entendu de la recourante n'a été respecté à aucun stade de la procédure devant l'autorité intimée dont l'intéressée ignorait même l'existence ». Fin janvier 2011, la situation enregistrée devant le TAF était la suivante : depuis la conclusion de l'accord "UBS" du 19 août 2009, quatre cent dix-sept recours avaient été déposés auprès du Tribunal administratif fédéral, deux cent quarante-huit cas ayant été liquidés et cent soixante dix-neuf procédures étant encore pendantes devant ladite instance.

582, il nous semble plus indiqué pour la Suisse de bâtir une réponse générale à la délicate question fiscale envenimant les rapports économiques bilatéraux, à travers une stratégie englobant l’imbrication entre des solutions avancées pour répondre aux différents problèmes de la fiscalité et combinant « d’une part, la célérité, contrôlée, des réponses suisses et, d’autre part, la définition des positions concrètes, répondant aux exigences de transparence de l’UE, qui devront impérativement ménager et préserver l’exceptionnel acquis fiscal et financier de la Suisse »583

. Une telle réponse pourrait être l’initiative de la Suisse, lancée début 2010, face aux récentes attaques contre le secret bancaire, appelée Rubik. La proposition élaborée par Association suisse des banquiers vise à mettre sur pied un «impôt libératoire», ou impôt à la source, que les banques prélèveraient et reverseraient aux autorités fiscales étrangères, tout en garantissant l’anonymat de leurs clients. Bien que plus généreuse par rapport aux Accords bilatéraux déjà en place avec l’UE, vu que ledit système élargirait l’assiette fiscale aux dividendes et aux gains en capitaux, l’offre de Berne est considérée comme insuffisante par Bruxelles, qui vise clairement l’échange automatique d’informations.

4. 3. Les mesures de sauvegarde

4.3.1. L’analyse de l’art. 27 ALE

Les négociateurs de l’Accord de 1972 ont prévu une disposition, très détaillée et technique, destinée à offrir au régime de libre-échange instauré conjointement des

581 TAF, Affaire n° A-6668/2010 du 15 décembre 2010. 582 Lors de la 55ème séance du Comité mixte de l’ALE 1972, tenue en décembre 2009 à Bruxelles, la délégation suisse a réaffirmé fermement sa position, selon laquelle « ce différend n’entre pas dans le champ d’application de l’accord sur le libre-échange » (DFAE/DFE, Séance 2009 du Comité Mixte à Bruxelles). 583 RUSSOTTO, op. cit., p. 17.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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moyens de réponse face à des événements imprévisibles susceptibles de causer des entraves aux échanges. Lesdits événements imprévus, nécessitant l’utilisation de la procédure de sauvegarde, peuvent donc apparaître sous plusieurs formes, telles que l’impossibilité d’une Partie de remplir ses obligations assumées en vertu de l’Accord, les difficultés économiques dans tel secteur économique ou dans telle région, la mauvaise mise en pratique des tâches spécifiques à un domaine particulier, les pratiques de dumping, la violation des dispositions de l'Accord, etc. A la lumière de ces considérations, ainsi que de l’utilisation de telles mesures dans d’autres accords conclus au niveau international584, l’introduction d’une telle procédure apparaissait, lors des négociations sur l’ALE, comme inévitable pour la délégation suisse, qui « s'est tout particulièrement efforcée de donner aux procédures de sauvegarde une forme qui restreint le plus possible l'élément d'insécurité inhérent et qui assure tout d'abord un examen objectif de la situation au cas où surgiraient des difficultés »585

L’art. 27 par. 1 réglemente une première phase de la procédure de sauvegarde, c'est-à-dire la surveillance statistique des importations. Il s’agit d’un exercice unilatéralement décidé par une Partie qui, pour des hypothèses telles que les disparités douanières (art. 24 ALE), le dumping (art. 25 ALE) ou les difficultés sectorielles et régionales (art. 26 ALE), et craignant une complication de la situation existante sur un marché déterminé, décide de manière indépendante de contrôler plus soigneusement l’évolution des flux commerciaux des produits importés. Comme il s’agit d’une « procédure administrative ayant pour objet de fournir rapidement des renseignements au sujet de l'évolution des courants commerciaux », la seule obligation incombant à la Partie ayant décidé cette mesure est l’information de l’autre Partie, qui pourra ainsi déployer les efforts nécessaires afin d’éviter l’introduction des mesures de sauvegarde. De même, il est sous-entendu que les consultations bilatérales restent à tout moment la solution la moins onéreuse pour éteindre le conflit.

.

Les règles de procédure proprement dites pour encadrer la mise en pratique des mesures de sauvegarde sont présentées à l’art. 27 par. 2. Il s’agit d’un inventaire général des pas à accomplir avant et pendant la mise en application des mesures de sauvegarde.

Bien que la négociation reste le moyen pour éliminer tout obstacle au commerce bilatéral, le Conseil fédéral estimait toutefois que, dans trois cas spécifiques, des mesures de sauvegarde apparaissaient comme inévitables : « les Parties ne parviennent pas à s'entendre; une des Parties contractantes ne se tient pas aux recommandations du Comite mixte; le Comité mixte arrive à la conclusion qu'en l'occurrence une solution positive n'est pas possible »586

Si la procédure de sauvegarde est lancée, l’ALE impose ensuite que la priorité dans le choix des mesures soit donnée aux mesures apportant « le moins de perturbation au fonctionnement de l'accord » (l’art. 27 par. 2 al. 2 ALE) : les négociateurs ont favorisé ainsi la poursuite du but économique fixé par l’Accord, qui ne doit pas subir les fluctuations liées à l’apparition de conflits dans un secteur déterminé du commerce bilatéral. Cette précision est d’autant plus importante que, malgré le fait que ces mesures ne sont pas fixées de manière exhaustive dans l’Accord – ce qui est explicable en vertu de la diversité des situations envisageables – elles apparaissent d’habitude sous la forme

.

584 Cf. supra. p. 89. 585 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 689. 586 Ibid.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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du rétablissement des différents obstacles au commerce supprimés en vertu du régime de libre-échange. Il est également nécessaire de rappeler que les rétorsions doivent être appliquées strictement en réponse à une situation conjoncturelle défavorable à la Partie ayant décidé de les utiliser, mais que leur exercice n’est pas illimité et que, en cas de mauvaise application, l’autre Partie est en droit de répondre avec des contre-mesures, déclenchant ainsi une procédure de sauvegarde séparée, comme réaction justifiée à une violation de l’Accord, dont la procédure instaurée par l’art. 27 ALE fait intégralement partie.

Enfin, l’obligation pour la Partie en cause de notifier « immédiatement » (l’art. 27 par. 2 al. 3 ALE) ces mesures apparaît comme pleinement justifiée, car elle va permettre au Comité mixte, d’une part, de contrôler régulièrement leur impact sur les échanges de marchandises et, d’autre part, à travers « des consultations périodiques », de construire les moyens pour éliminer le plus rapidement possible les entraves au commerce bilatéral.

L’art. 27 par. 3 ALE offre un catalogue des mesures à prendre, dans plusieurs hypothèses spécifiques, pour la mise en œuvre de la procédure générale indiquée à son deuxième paragraphe.

Ainsi, dans le cas des règles de concurrence (let. a), est indiqué le droit des Parties de saisir le Comité mixte chaque fois qu’une d’elles considère « qu'une pratique donnée est incompatible avec le bon fonctionnement de l'accord » (al. 1) ainsi que l’obligation de lui fournir « tout renseignement utile » et « l'assistance nécessaire » (al. 2) pour l’examen du dossier. Ayant à l’esprit les difficultés rencontrées dans la solution du conflit sur le régime des aides publiques octroyées, selon les allégations de l’UE, en violation de l’art. 23 par. 1 let. iii, par les régimes fiscaux adoptés par les cantons suisses587

Le régime des disparités douanières, réglementé par l’art. 24 ALE, est le deuxième cas spécifique d’application de la procédure de sauvegarde (let. b). Il est important de souligner la différence de nuance dans le libellé du texte, à propos du pouvoir du Comité de « prendre toute décision utile » (al. 1) pour la solution du conflit, ainsi que le délai, considérablement plus court, « trente jours » (al. 2), avant qu’une taxe compensatoire ne soit instaurée; le calcul de celle-ci doit tenir compte justement des disparités tarifaires enregistrées par rapport aux prix des matières premières ou des produits incorporés (al. 3).

, le caractère politique conféré à cette procédure au sein du Comité nous apparaît dans toute sa dimension. En outre, l’Accord institue le « délai de trois mois » à compter du moment de la notification adressée au Comité, et le « retrait de concessions tarifaires » comme mesure de sauvegarde prioritairement adoptée. De manière analogue, le même mécanisme se retrouve dans le cadre d’un autre accord international, conclu pourtant au niveau régional : ainsi, en vertu du renvoi effectué par l’art. 18 par. 2 Convention AELE révisée, réglant la concurrence, aux dispositions de l’art. 40 par. 2 Convention AELE révisée, réglant les mesures de sauvegarde, il est considéré que « si un Etat membre estime qu’une pratique donnée est incompatible avec le présent article, il peut demander des consultations selon les procédures prévues (…) et prendre les mesures appropriées pour remédier aux difficultés résultant de la pratique en question ».

Enfin, le régime de dumping (art. 25 ALE) constitue le troisième cas particulier d’application des mesures de sauvegarde (let. c). Le texte, peu détaillé, prévoit uniquement la consultation des Parties au sein du Comité mixte, avant que « des mesures 587 Cf. supra p. 114ss.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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appropriées » soient prises. Le libellé restreint de cette réglementation s’explique probablement par le fait qu’au niveau multilatéral, les deux Parties étaient, juridiquement, déjà liées par le fameux « Code antidumping »588, une réglementation spéciale adoptée lors du « Kennedy Round » et faisant partie de l’Accord OMC589, contenant également une disposition sur les types des mesures de sauvegarde à adopter, avec des instructions sur le calcul des droits de douane compensatoires (art 8); en outre, « non seulement les procédures de dumping entre pays de l'Europe occidentale sont rares, mais encore, dans une zone de libre-échange ou dans une union douanière, les pratiques de dumping se retournent très rapidement contre leur auteur : celui-ci ne dispose, en effet, plus de droits de douane empêchant le reflux des marchandises faisant l'objet d'un dumping vers son propre marché »590

Finalement, le catalogue des mesures applicables lors de la procédure de sauvegarde contient une disposition spéciale, conçue particulièrement pour les situations d’urgence, nécessitant des décisions à prendre dans un intervalle calculé en heures au lieu des délais habituels calculés en jours, voire en mois, avant que les mesures de rétorsion soient adoptées. Il s’agit de la clause de nécessité, intervenant « lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitant une intervention immédiate excluent un examen préalable » (art. 27 par. 3 let. d ALE). Applicable théoriquement aux trois cas spécifiques ci-dessus indiqués, ainsi que « dans les cas d'aides à l'exportation ayant une incidence directe et immédiate sur les échanges », la clause de nécessité a été beaucoup moins présente dans la pratique, car des obligations supplémentaires des Parties, insérées dans le texte de l’Accord, l’empêchent d’être activée: pour citer un exemple, l’obligation des Parties de notifier les réductions de droits de douane, statuée par l’art. 12 ALE, permet de prévoir la création des disparités douanières entre les deux partenaires commerciaux, évitant par conséquent la possibilité d’une éventuelle application de l’art. 27 par. 3 ALE. Une caractéristique de la clause de nécessité consiste dans le fait qu’elle permet la prise uniquement des mesures conservatoires, dans l’attente que les organes communes se réunissent, au plus vite également, afin de trouver une réponse commune à une situation d’urgence : ces mesures sont autorisées uniquement pas lesdites organes et, une fois de plus, doivent être celles qui sont « strictement nécessaires » pour régler le différend.

.

4.3.2. La comparaison avec le régime OMC en la matière

Vu que lors de l’analyse effectuée sur les cas spéciaux permettant l’application des mesures de sauvegarde de l’art. 27 ALE, il y a eu également des renvois aux dispositions analogues se retrouvant dans les instruments juridiques conclus au niveau multilatéral et régional, l’analyse va se focaliser uniquement sur la clause générale réglementant ce type de mesures dans l’Accord GATT : il s’agit de l’art. XIX GATT, une disposition concernant les « mesures d'urgence concernant l'importation de produits particuliers », qui sera présentée ci-dessous, afin de pouvoir distinguer à la fin ses différences par rapport au régime bilatéral institué à travers l’art. 27 ALE.

588 Accord du 30 avril 1967 relatif à la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (RO 1967 1945). 589 RS 0.632.20, Annexe 1A.8. 590 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 695.

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Le premier paragraphe de l’art. XIX GATT présente un catalogue aussi bien des circonstances justifiant l’adoption des mesures d’urgence que des types de telles mesures qui peuvent être adoptés par les Parties. Ledit article stipule que dans des cas particuliers – tels que, l’évolution imprévue des circonstances et par l'effet des engagements, y compris les concessions tarifaires, assumés en vertu de l’Accord GATT et déterminant l’importation « d’un produit sur le territoire de cette partie contractante en quantités tellement accrues et à des conditions telles qu'il cause ou menace de causer un dommage grave aux producteurs nationaux de produits similaires ou de produits directement concurrents » (al. 1) - chaque Partie bénéficie de la faculté de suspendre l'engagement, en totalité ou en partie, de retirer ou de modifier la concession. La même possibilité est offerte également pour la Partie exportatrice, bénéficiaire d’une préférence pour la commercialisation d’un produit, qui peut s’en servir chaque fois que l’importation « cause ou menace de causer un dommage grave aux producteurs de produits similaires ou de produits directement concurrents, qui sont établis sur le territoire de la partie contractante bénéficiant ou ayant bénéficié de ladite préférence » (al. 2). Les deux hypothèses connaissent un autre élément commun, dans le sens que leurs actions peuvent se dérouler uniquement « dans la mesure et pendant le temps qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer un tel dommage ».

Le deuxième paragraphe de l’art. XIX GATT prévoit la procédure à suivre avant le déclenchement des mesures de sauvegarde proprement dites. Il est nécessaire pour la Partie se préparant à de telles mesures d’envoyer un préavis, par écrit et avec une marge suffisante de temps pour en prendre connaissance, à toutes les Parties Contractantes de l’Accord GATT ; en outre, elle doit permettre aux Parties « ayant un intérêt substantiel en tant qu'exportatrices du produit en question » de faire un examen des mesures qu’elle entend prendre. L’accord stipule ensuite le droit pour une Partie de prendre des mesures conservatoires « à titre provisoire sans consultation préalable », chaque fois que « des circonstances critiques où tout délai causerait un tort qu'il serait difficile de réparer »; il est toutefois demandé aux Parties d’entamer immédiatement des consultations.

L’art. XIX par. 3 GATT présente deux autres situations à caractère différent. Dans la première hypothèse, au cas où les consultations ont lieu mais les Parties

n’arrivent pas à trouver un accord, la Partie intéressée à de telles mesures a la faculté d’agir, alors que, pour les Parties que ces mesures léseraient, le texte indique « qu’il serait loisible de suspendre (…) l'application au commerce de la partie contractante qui aura pris ces mesures ou (…) au commerce de la partie contractante qui aura demandé que ces mesures soient prises, de concessions ou d'autres obligations substantiellement équivalentes qui résultent du présent Accord » (let. a); en observant, pour la deuxième option évoquée, la condition de l’inexistence d’une quelconque objection formulée par les Parties contractantes, il faut également noter le délai pour agir, qui doit se situer entre les trois mois à compter de l’application des mesures d’urgence et celui de trente jours à compter du moment de la réception du préavis écrit par les Parties contractantes.

Dans le cas où les mesures d’urgence de l’art. XIX par. 2 GATT auraient été prises sans consultation préalable, causant ou menaçant de causer « un dommage grave aux producteurs nationaux de produits affectés par elles », la Partie destinataire de ces mesures « aura la faculté (…) de suspendre des concessions ou d'autres obligations (…) dans la mesure nécessaire pour prévenir ou réparer ce dommage » (let. b), ce qui revient à dire que le texte du GATT spécifie expressément le cas des contre-mesures; le texte de

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l’accord subordonne la décision de prendre de telles mesures conservatoires, d’une part, à l’existence d’un tort difficilement réparable en cas de non agissement de la Partie lésée et, d’autre part, à sa limitation temporelle entre le moment de « la mise en application de ces mesures et pendant toute la durée des consultations ».

Pour conclure, il faut donc distinguer quelques différences importantes entre le régime multilatéral présenté ci-dessus et celui imposé au niveau bilatéral en vertu de l’art. 27 ALE.

Tout d’abord, à la différence de l’art. 27 ALE, disposition procédurale effectuant des renvois aux différentes dispositions spécifiques de l’accord bilatéral de libre-échange, l’art. XIX GATT restreint le régime juridique applicable aux mesures d’urgence en utilisant une formule plutôt générale pour définir les cas d’application desdites mesures : celles-ci peuvent être prises en cas d' « évolution imprévue des circonstances et par l'effet des engagements, y compris les concessions tarifaires, qu'une partie contractante a assumés en vertu du présent Accord » (par. 1 let. a).

En deuxième lieu, la différence est de taille pour le régime mis en place avant la prise desdites mesures: si, au niveau bilatéral, le Comité mixte est l’organe appelé à trancher la dispute, sur la base de tous les éléments qui sont mis à sa disposition, en recherchant « une solution acceptable pour les Parties contractantes » (art. 27 par. 2 al. 1 ALE), en revanche, dans le cadre multilatéral du GATT, l’obligation d’envoyer le préavis aux Parties contractantes et celle de fournir des éléments explicatifs sur son choix aux parties directement intéressées (art. XIX par. 2 GATT) ouvrent la porte à un débat plus large et, partant, à une solution offrant également des effets « indirects » (liés aux jugements rendus par les panels OMC, mais visant d’autres Etats que ceux parties au litige), vu l’impact des décisions rendues par lesdits panels sur les stratégies commerciales futures adoptées par tous les pays membres de l’OMC.

Troisièmement, il importe de souligner que pendant la mise en application des mesures de sauvegarde (ou d’urgence, selon la formulation de l’art. XIX GATT), le régime multilatéral stipule que celles-ci doivent être prises « dans la mesure et pendant le temps qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer ce dommage », alors que l’art. 27 ALE impose que « les mesures qui apportent le moins de perturbation au fonctionnement de l'accord doivent être choisies par priorité », dans un libellé identique à celui de l’art. 40 par. 2 AELE et favorisant la poursuite du but économique visé par l’accord de libre-échange.

Enfin, il est intéressant de noter que si les mesures conservatoires sont indiquées aussi bien dans le cadre du régime de libre-échange - en cas de « circonstances exceptionnelles nécessitant une intervention immédiate » sans possibilité de procéder à un examen préalable entre les parties (art. 27 par. 3 let. d ALE) – que dans celui multilatéral (art. XIX par. 2 GATT in fine), en revanche, dans le cadre du régime multilatéral, le recours auxdites mesures est compensé par une indication expresse de la possibilité de contre-mesures (art. XIX par. 3 let. b GATT).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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5. La procédure et les dispositions finales

5.1. Le comité mixte : organe de gestion contrôlant, à travers une clause de règlement diplomatique, la bonne mise en œuvre de l’Accord de 1972

Toutes les questions concernant les aspects procéduraux de la mise en application

dudit Accord ont été confiées à une seule institution créée dans ce but, le Comité mixte; le Conseil fédéral justifiait ce choix en soulignant que « grâce au caractère bilatéral de l'Accord et à la simplicité de son contenu et de son application, il est possible de se contenter d'un minimum d'institutions »591

Le Comité mixte de l’Accord de 1972 se voit recevoir un statut de gestionnaire chargé des responsabilités quant au bon fonctionnement de l’accord de libre-échange. Actif en tant qu’organe paritaire de gestion, ledit comité ne peut prendre ses décisions que « d’un commun accord » (art. 30 al. 2 ALE); lesdites décisions sont surtout prévues en cas de modifications de règles d'origine, en matière de procédure au sein du Comité mixte concernant l’établissement d'un règlement intérieur (art. 29 al. 3 ALE) ou pour la constitution de groupes de travail (art. 31 al. 3 ALE). Le caractère diplomatique de la procédure instituée par l’Accord de 1972 ressort, d’une part, du fait que le Comité mixte adopte comme instruments juridiques des recommandations et, d’autre part, du fait que l’exécution des décisions est effectuée selon les règles propres à chaque Partie contractante. Comme l’examen de l’Accord de 1972 l’a déjà prouvé

.

592

Parmi les fonctions très importantes du Comité mixte, il est prévu celle de gérer l’échange d'informations ainsi que les consultations bilatérales (art. 29 par. 2 ALE), chaque Partie pouvant en prendre l'initiative; il s’agit ici de la mise en place, au niveau de la structure décisionnelle du Comité, d’un mécanisme de coopération permettant le traitement des dossiers sensibles dans leur phase initiale, avant qu’ils deviennent des cas nécessitant une intervention des responsables décisionnels plus importants.

, les seuls cas où le caractère obligatoire résulte de la formulation des tâches attribuées au Comité mixte concernent la formulation des devoirs des Parties liés aux mesures de sauvegarde (art. 27 par. 2 al. 1 et par. 3 let. b ALE).

Du point de vue du fonctionnement, l’Accord de 1972 prévoit l’obligation des parties de se réunir « au moins une fois par an » (art. 31 par. 2 al. 1 ALE), occasion d’analyser l’état des rapports économiques bilatéraux et de confronter les points de vue de chaque Partie, avec la possibilité de rencontres supplémentaires « chaque fois qu’une nécessité particulière » le requiert (art. 31 par. 2 al. 2 ALE). En outre, le Comité mixte se donne également la tâche de se transformer en enceinte permettant le développement de nouvelles pistes dans la collaboration bilatérale, pour « devenir ainsi, avec la Mission permanente de la Suisse auprès des CE, le centre des échanges d'idées et d'informations entre Berne et Bruxelles »593

Pourtant, au cours des négociations, la délégation suisse avait milité ouvertement en faveur de l’introduction d’un mécanisme permettant le règlement judiciaire des différends entre parties. De son côté, Bruxelles avait défendu bec et ongle son opposition à une telle démarche : en effet, la CE voulait défendre l’exclusivité de la CJCE pour

.

591 Id., FF 1972 II 697. 592 Cf. supra p. 125. 593 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 697.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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l’interprétation du droit communautaire, dont les accords conclus par les Communautés européennes font partie. Comme la pratique ultérieure a pu le démontrer – avec des décisions, telles que les fameux avis 1/76594, 1/91595 ou 1/92596

Les résultats des négociations ont été ainsi une forme diplomatique de règlement des conflits liés à la mise en pratique de l’Accord de 1972. En effet, la motivation d’un tel choix s’imposait d’elle-même : en tenant compte du consensus nécessaire pour la prise des décisions au sein du Comité mixte, il aurait été très difficile, voire impossible, d’y arriver lors du règlement d’un différend issu de l’application de l’Accord de 1972. Expliqué dans la doctrine

, statuant clairement le rôle exclusif attribué à la CJCE dans l’interprétation et l’application du droit communautaire – l’intransigeance de Bruxelles sur ce point des discussions est parfaitement explicable. La position adoptée par la délégation communautaire visait ainsi à éviter l’immixtion d’une instance judiciaire, autre que la CJCE, dans le champ décisionnel couvert par la jurisprudence communautaire.

597, le mode diplomatique de règlement des différends est un concept de droit international public caractérisant les constructions institutionnelles développées au sein des instruments juridiques conclus au niveau de la coopération intergouvernementale, tels que l’Accord EEE, dont les dispositions spécifiques sont presque identiques598

La Suisse avait en outre « plaidé avec insistance »

. Il s’agit donc d’un mécanisme fondé sur la recherche des solutions « en douceur », excluant tout recours à la force contraignante quant à leur mise en œuvre; il faut pourtant admettre la valeur de moyen de pression que présente, dans le cas de conflits se déroulant devant le Comité mixte, la nécessité d’arriver à un compris acceptable par les parties.

599 en faveur de l’introduction de l’arbitrage, comme moyen de résoudre les différends découlant de l’Accord de 1972, lors de presque toutes les négociations avec la CE ainsi que lors des séances du Comité mixte de l’ALE. Il n’est pas dépourvu d’importance de signaler que, en dépit de l’exclusion de la clause d’arbitrage dans le cadre de l’ALE « pour des raisons d'incompatibilité »600

594 Avis du 26 avril 1977, Projet d'accord relatif à l'institution d'un Fonds européen d'immobilisation de la navigation intérieure, Recueil de jurisprudence 1977, p. 741.

avec le système de la CEE, pourtant, cette clause a pu trouver sa place dans les instruments juridiques bilatéraux conclus ultérieurement entre Bruxelles et Berne : exceptionnellement, la Suisse avait obtenu l’introduction d’une clause arbitrale

595 Avis de la Cour du 14 décembre 1991, Projet d'accord entre la Communauté, d'une part, et les pays de l'AELE, d'autre part, portant sur la création de l'EEE, Recueil de jurisprudence 1991, p. I- 6079. 596 Avis de la Cour du 10 avril 1992, Projet d'accord entre la Communauté, d'une part, et les pays de l' AELE, d'autre part, portant sur la création de l' EEE, Recueil de jurisprudence 1992, p. I-2821. 597 FELDER, op. cit., p. 108. 598 Article 111 Accord EEE : « 1. La Communauté ou un État de l'AELE peut soumettre tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application du présent accord au Comité mixte de l'EEE conformément aux dispositions ci- après. 2. Le Comité mixte de l'EEE peut régler le différend. Tous les éléments d'information utiles pour permettre un examen approfondi de la situation en vue de trouver une solution acceptable sont fournis au Comité mixte de l'EEE. À cet effet, le Comité mixte de l'EEE examine toutes les possibilités permettant de maintenir le bon fonctionnement du présent accord ». 599 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 660. 600 Ibid.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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dans l’Accord du 14 septembre 1978 sur la coopération avec Euratom dans le domaine de la fusion nucléaire contrôlée et de la physique des plasmas (art. 17)601 ainsi que dans l’Accord du 10 octobre 1989 concernant l’assurance directe autre que l’assurance directe sur la vie (art. 38)602. Malgré cette avancée, la portée de ladite clause est restée sans conséquences, et la présence formelle dans le texte n’a pas été suivie par une vraie mise en pratique : « ces deux clauses n’ont pas été utilisées et, à notre avis, il est peu probable qu’elles le soient un jour »603. Le recours à un tribunal arbitral a été, une fois de plus, inséré dans un autre instrument juridique conclu au niveau bilatéral entre la Suisse et l’UE, pourtant cette-fois ci avec une différence de taille : à la différence des accords de 1978 et 1989, l’Accord de 2009 prévoyait expressément « qu’aucune question d'interprétation des dispositions du présent accord, identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire, ne pourra être réglée dans ce cadre » 604

.

5.2. Les dispositions finales

Le libellé de l’art. 33 ALE - indiquant que les annexes et protocoles joints à l'Accord de 1972 en font partie intégrante – présente ainsi une « double signification: d'une part, tout manquement à des dispositions de ces annexes et protocoles doit être considéré comme un manquement à l'Accord lui-même; en revanche, les déclarations et lettres ne peuvent à cet égard être assimilées à l'Accord »605

L’art. 34 ALE introduit le délai de dénonciation de douze mois. Malgré le caractère durable que les Parties avaient voulu accorder à l’Accord de libre-échange et sans porter atteinte aux considérations de stratégie économique, habituellement construites sur des projets à long terme, le Conseil fédéral voulait laisser toutes les options possibles pour la poursuite du régime de libre-échange, y compris donc celle de notifier la dénonciation de l’instrument bilatéral, décision motivée par le fait que « il est néanmoins important pour un Etat neutre que soit évitée toute apparence d'engagement irrévocable et que, comme par le passé, il soit possible de rétablir le statu quo ante en cas d'évolutions politiques non prévisibles »

.

606

L’art. 35 ALE statue le champ d’application territoriale de l’Accord de 1972 - pour la Suisse et pour la CE - en spécifiant que pour celle-ci le régime sera celui en vigueur selon le TCE.

.

Enfin, l’art. 36 ALE fixe le 1er janvier 1973 comme date limite pour l’entrée en vigueur de l’Accord (al. 3), moment également choisi pour procéder à la première adaptation des tarifs extérieurs (art. 3 par. 2 1er tiret ALE). En sus des instructions concernant les langues de rédaction de l’Accord (al. 1), le texte souligne l’approbation de l’accord selon les règles nationales de chaque Partie (al. 2).

601 RS 0.424.11. 602 RS 0.961.1. 603 FELDER, op. cit., p. 108. 604 Art. 29 in fine Accord de 2009 entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité (cf. infra p. 182). 605 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 699. 606 Ibid.

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6. Les déclarations

A la fin du texte de l’Accord de 1972, protocoles compris, les deux parties ont adopté des déclarations unilatérales et conjointes afin d’exprimer des intentions générales, de faire des constatations ou de clarifier des termes.

Une première déclaration commune était relative à l’art. 4 par. 3 Protocole n° 1607

Les parties adoptaient également une prise de position commune concernant les transports de marchandises en transit

qui constatait que l’échange de lettres - survenu au niveau bilatéral le 30 juin 1967, relatif à l’Accord concernant les produits horlogers – demeurait valable et, partant, constituait une source valable à utiliser au cas où l’ALE ne s’appliquait pas pour les produits du chapitre 91 de la Nomenclature de Bruxelles.

608 : les délégations signataires concluaient qu’il était dans leur « intérêt commun » que, pour les biens en provenance et à destination de chacune des deux Parties, les prix et conditions ne constituent pas de discrimination ou distorsions fondées sur le pays de provenance ou de destination, capables d’entraver la libre circulation des marchandises. Suite logique des autres instruments bilatéraux conclus antérieurement en la matière, tels que l’Accord relatif à l'établissement de tarifs directs internationaux ferroviaires pour les transports de charbon et d'acier609, cette déclaration avait été rédigée en termes de réciprocité et s’imposait presque de soi-même, tenant compte du fait « qu'indépendamment des questions spécifiques (…), la situation géographique de la Suisse en Europe est et sera favorable à une étroite collaboration avec nos pays voisins dans le domaine des transports »610

La troisième déclaration commune.

611 visait la question plus large des travailleurs ressortissant des Etats membres en Suisse et avait ses racines dans une situation sensible ayant gêné les négociations de l’ALE. En effet, la conclusion de l’Accord de 1972 fut également subordonnée au règlement d’une question, présentant de fortes connotations politiques et liée aux intérêts d’un pays européen important, voisin de la Suisse et membre fondateur de la CE : il s’agissait de la situation des travailleurs immigrés italiens, arrivés massivement en Suisse après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La commission italo-suisse avait rendu un Procès-verbal en juin 1972 pour adapter la situation de ces ouvriers et prit des décisions concernant la possibilité de changer d’emploi pour les résidents à l’année, celle de changer de lieu de travail pour les saisonniers, la réduction du délai de transformation du permis de saisonnier en permis annuel, ou les questions de regroupement familial afin « d’améliorer les conditions de vie et de travail de la main d’œuvre italienne travaillant en Suisse pour la prospérité de notre économie »612

607 FF 1972 II 951.

. La déclaration soulignait, d’une part, l’intérêt commun des deux parties

608 FF 1972 II 952. 609 RS 0.742.404.1; RO 1957 381; le 5 juin 2003, la Commission européenne agissant en tant que Haute Autorité et au nom des représentants des gouvernements des Etats membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), laquelle a cessé d’exister en 2002, avait dénoncé selon sa décision du 12 avril 2002 (2002/275/CECA) l’accord précité conformément à son art. 11; la dénonciation avait entraîné l’annulation de l’accord et de ses protocoles complémentaires (RO 2003 III 3535). 610 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 700. 611 FF 1972 II 953. 612 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 701.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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pour les questions liées au problème de la main d’œuvre et, d’autre part, le respect pour la politique de stabilisation du marché de l’emploi adoptée par les autorités helvétiques.

Une autre déclaration commune, relative à l’application régionale de certaines dispositions de l’Accord de 1972613

Enfin, très importante était la déclaration de la CEE relative à l’art. 23 par. 1 ALE

, permettait à la CEE de limiter l’application des mesures qu’elle était en droit de prendre en vertu des articles 23 à 26 ALE, selon la procédure prévue par l’art. 27 ALE ou en vertu de l’art. 28 ALE: ainsi, la CEE définissait selon ses propres règles l’application territoriale desdites mesures.

614

: les règles de concurrence applicables dans l’espace communautaire servaient de modèle pour la mise en application autonome de ce domaine dans le cadre de l’Accord de 1972.

7. Les accords additionnels avec le Liechtenstein

La Principauté de Liechtenstein est liée à la Suisse par le «Traité du 29 mars 1923 concernant la réunion de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse»615

En vertu de ces dispositions, il était décidé, d’une part, que les traités de commerce et de douane conclus par la Suisse avec des Etats tiers s'appliqueront dans la Principauté de la même manière qu'en Suisse (art. 7) et, d’autre part, que « la Principauté de Liechtenstein autorise en outre la Confédération suisse à la représenter dans les négociations qui auront lieu avec des Etats tiers en vue de la conclusion de traités de commerce et de douane, et à conclure ces traités avec plein effet pour la Principauté » (art. 8 par. 2).

: il s’agit d’un instrument juridique qui confirmait les liens historiques privilégiés et le caractère spécial d’intégration existant entre les deux pays, conclu par les deux parties « animées du désir de rendre plus étroites et plus intimes les relations d’amitié » bilatérales (Préambule, consid. 1).

Malgré la clarté desdites dispositions, le Conseil fédéral, en concertation avec Vaduz, a voulu éliminer toute forme d’ambiguïté relative à la portée de l’ALE, car pour Berne il se posait un problème « du fait qu'il ne s'agit plus de traités de commerce et de douane au sens traditionnel du terme, tels qu'ils étaient » en 1923. En conséquence, deux protocoles adjacents élargissaient le champ d’application de l’ALE à la Principauté de Lichtenstein : un Accord sur la validité dans la Principauté de Liechtenstein de l’Accord du 22 juillet 1972 entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse616 et un Accord sur la validité dans la Principauté de Liechtenstein de l’Accord du 22 juillet 1972 entre la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier et la Confédération suisse617

613 FF 1972 II 954.

. L’adoption par le Parlement suisse de ces deux accords est intervenue en même temps que celle de l’ALE: parmi les quatre projets accompagnant le Message du 16 août 1972 et soumis à l’approbation du Parlement, il y avait également un

614 Cf. supra p. 114. 615 RS 0.631.112.514. 616 LGBl 1973, n° 10, 14 février 1973. 617 LGBl 1974, n° 17, 14 mars 1973.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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instrument618

Il est important de noter que, malgré le fait que la participation de la Principauté à côté de la Suisse était déjà intervenue pour d’autres accords internationaux, tels que la Convention AELE

qui, dans son article unique, approuvant la validité pour le Lichtenstein de l’ALE (al. 1), autorisait le Conseil fédéral à ratifier cet élargissement (al. 2) et excluait la soumission dudit arrêté au référendum en matière de traités internationaux (al. 3).

619, le bénéfice du régime de libre-échange présentait une situation particulière : pour mieux souligner « le caractère durable et l'importance des engagements pris »620, l’extension au territoire liechtensteinois du régime bilatéral de libre-échange instauré entre Berne et Bruxelles s’est faite, à titre exceptionnel, sous la forme des accords additionnels tripartites, alors que pour la mise en application dudit régime élargi il était envisagé de permettre la présence d'un représentant de la Principauté dans le cadre même de la délégation suisse, afin de garantir « la sauvegarde des intérêts du Liechtenstein »621

Le statut de Vaduz est devenu réellement particulier quand, une semaine après le rejet de l’EEE par le peuple suisse et les cantons en 1992, la Principauté avait accepté pour sa part l’entrée dans ce club, se retrouvant ainsi liée à deux espaces économiques conçus d’une manière complètement différente : il s’agit d’un privilège plus coûteux, pourtant payant en termes d’avantages qui en découlent

.

622

.

c. La portée L’ALE, instrument bilatéral conclu entre la CEE et un pays tiers, vise uniquement

les marchandises en tant qu’objet des échanges commerciaux. Par rapport au TCE, acte fondamental de l’ordre juridique communautaire, il n’y aucune référence aux services, ni à l’établissement des personnes physiques ou d’entreprises.

Dans son Message adressé à l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral synthétisait la portée de l’ALE pour la Suisse : « l’Accord établit un lien durable avec les Communautés européennes et représente un pas important vers notre objectif traditionnel qui est de collaborer à l’intégration de notre continent, dans la mesure où cela nous est possible tout en sauvegardant notre démocratie directe, les attributions de notre parlement et notre politique étrangère reposant sur notre neutralité » 623

On y voit clairement, d’une part, la détermination - exprimée à l’époque - par la Suisse de contribuer à la relance économique de notre continent et, d’autre part, la recherche d’une solution politique pragmatique, permettant de ne pas porter atteinte aux attributs clés de la démocratie suisse.

.

618 Arrêté fédéral approuvant les Accords additionnels sur la validité pour la Principauté de Liechtenstein des Accords entre la Suisse et la Communauté économique européenne et les Etats membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (FF 1972 II 731). 619 Protocole spécial du 4 janvier 1960 relatif à l’application à la Principauté de Liechtenstein de la Convention instituant l'Association européenne de libre-échange (RO 1960 678). 620 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 703. 621 Ibid. 622 « The privilege of belonging to two economic areas is costly in that more administration is created, as well as the fact that financial contributions must be made to both the EEA institutions and to Switzerland. Nevertheless, these additional burdens are generally understood to be an investment in Liechtenstein’s future » (GSTÖHL, Successfully Squaring the Circle, p. 171). 623 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 647.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Par conséquent, l’ALE représentait pour le Conseil fédéral « une solution intermédiaire entre l’adhésion et l’isolement »624. En effet, l’ALE permettait à la Suisse de sauvegarder la devise « intégration économique sans participation politique »625

Du point de vue politique, économique et social, l’Accord de libre-échange de 1972 répondait parfaitement aux exigences imposées par les conditions spécifiques suisses : ainsi, l’ALE ne touchait ni à la volonté, ni à la capacité de la Suisse de poursuivre librement sa politique étrangère reposant sur la neutralité; il préservait la liberté d'action dans les relations de politique économique nouées par Berne avec des pays tiers; il ne touchait pas la démocratie directe ou la structure fédérative de la Suisse; la politique agricole suisse, domaine hautement sensible et politisé, demeurait inchangée; la défense économique en cas de guerre et l'approvisionnement du pays ne connaissaient pas des modifications de régime juridique; la politique autonome suisse en matière de marché du travail continuait à s’appliquer

.

626

Analysant l’Accord de 1972 à la lumière des considérations économiques, il est intéressant de noter que le Conseil fédéral spécifiait que l’AELE continuait à exister, même après l’entrée de trois Etats membres dans la CEE, ce qui représentait, à notre avis, une affirmation destinée à dissimuler au maximum la balance progressivement penchée en faveur de la CEE quant aux rapports de force économique entre les deux bloques; en même temps, il observait que l’ALE n’obligeait pas la Suisse à harmoniser sa politique économique et sa législation interne avec celles des Communautés européennes mais admettait déjà les difficultés futures pour maintenir cette situation : « néanmoins, il est probable qu'à l'avenir, nous serons amenés de plus en plus fréquemment à donner à certains problèmes des solutions assez semblables à celles qui ont été adoptées dans les pays voisins »

.

627

Du point de vue institutionnel, comme on l’a déjà vu, le seul organe créé par l’Accord de 1972, le Comité mixte (articles 29, 30 et 31 ALE), n’avait aucun pouvoir capable de porter atteinte au pouvoir juridictionnel du TF, en se limitant aux attributions de gestion de l’Accord.

.

Par conséquent, le traité répondait pleinement aux nécessités économiques et commerciales ainsi qu’aux caractéristiques particulières de la Confédération628. Il représentait tout simplement « le noyau et la base de nos relations avec les Communautés élargies, surtout si d'autres arrangements concernant des domaines non visés par l'Accord, viennent s'y ajouter »629

Quant aux évolutions possibles de l’Accord de libre-échange envisageables sur la base du régime juridique instauré en 1972, les négociateurs avaient prévu une disposition (art. 32 ALE) qui pouvait représenter un point de départ dans cette direction : il était stipulé que, pour « développer les relations établies par l’Accord en les étendant à des domaines non couverts par celui-ci » (al. 1) il fallait qu’une Partie adresse une demande motivée à l’autre Partie contractante; toutefois, en soumettant la ratification ou l’approbation - par les Parties « aux procédures qui leur sont propres » (al. 2) - des

.

624 Id., FF 1972 II 649. 625 DIRLEWANGER & LEIMGRUBER & PORDENONE, L‘Allemagne a t-elle encore besoin de la Suisse ?, p. 126. 626 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 720-721. 627 Ibid. 628 CHEVALLEY, Relations Suisse - UE et Suisse – ONU, p. 2. 629 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 720.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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accords portant sur de nouveaux domaines de collaboration, Berne mettait une barrière à toute reprise automatique des futures évolutions enregistrées dans l’espace communautaire, sans pouvoir s’empêcher de reconnaître le besoin d’ajustements législatifs qui pourront intervenir dans les rapports avec Bruxelles : « il est cependant clair que la Suisse ne pourra éviter, à l'avenir non plus, de réexaminer périodiquement l’ensemble de ses relations avec les CE »630. Les pistes possibles d’action découlant de cette disposition avaient déjà été identifiées depuis la fin des années ’80, quand il était affirmé que ladite disposition « laisse la porte ouverte à l’avenir en donnant la possibilité à la Suisse et à la CE d’examiner d’éventuels développements de l’Accord »631

.

d. L’interprétation de l’ALE par la jurisprudence 1. le TF

Malgré l’analogie de la formulation des dispositions précitées de l’ALE avec les

articles 23, respectivement 28, du Traité CEE – celui-ci ayant permis à la jurisprudence communautaire de formuler le principe Cassis de Dijon -, l’ALE a constamment fait l’objet d’une l’interprétation restrictive de la part du TF. Cela s’expliquait par l’impossibilité pour le TF d’interpréter les dispositions dudit Accord de la même manière que celles du TCE, en raison des différences existantes entre les objectifs des deux traités, comme il ressort de la jurisprudence OMO632

L’année de la signature de l’ALE, le TF se penchait déjà sur l’interprétation des dispositions d’un autre accord de libre-échange auquel la Suisse était partie.

.

Dans l’arrêt « Banque de Crédit international »633 de 1972, concernant la question de savoir si l’art. 16 AELE pouvait conférer un droit à l’octroi d’une autorisation de la police des étrangers, le TF se montrait clairement favorable à la reconnaissance des effets directs aux dispositions d’un accord conclu par la Suisse, la Convention AELE en l’espèce. Après avoir énoncé d’abord que « les traités internationaux approuvés par l’Assemblée fédérale s’incorporent au droit fédéral et, lorsqu’ils créent des règles de droit, sont obligatoires pour les autorités (…) et les citoyens, pourvu qu’ils soient directement applicables »634, le TF définissait ensuite le caractère self-executing d’une disposition d’un traité, dans la mesure où « celui-ci pose des règles de droit suffisamment précises pour s’appliquer comme telles à un cas d’espèce et constituer le fondement d’une décision concrète, la majeure du syllogisme juridique dont la décision sera la conclusion »635

630 Id., FF 1972 II 722.

. Le TF reconnaissait en outre que « le principe de non-discrimination que pose cet art. 16 ch. 1 AELE apparaît suffisamment

631 SCHWAMM, citant la définition faite pour la première fois par M. Willy de Clercq, le 20 mai 1987 à Interlaken, des quatre principes devant guider la CE dans les relations avec les pays de l’AELE (donc la Suisse) : la priorité absolue de l’intégration européenne, la sauvegarde par la CE de l’autonomie de son processus de décision, l’équilibre des avantages et des obligations dans tous les domaines de coopération et la nécessité de ne pas exclure à priori aucun domaine d’activité (Politique économique extérieure de la Communauté européenne vis-à-vis de la Suisse, p. 69). 632 Cf. infra p. 140. 633 ATF 98 Ib 385. 634 consid. 2a. 635 Ibid.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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précis pour être directement applicable comme tel par les autorités administratives et judiciaires, sans nouvelle intervention du législateur national ou international »636. À l’appui de l’application directe d’une disposition de la Convention AELE, le TF apporte finalement l’exemple du Conseil fédéral qui, en vertu de l’art. 125 lit. c ancienne OJ637

Cette orientation n’a pas été reprise dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALE.

, avait admis le 23 avril 1969, au sujet du recours introduit par la société Neamar Shipping SA, que le principe conventionnel de non-discrimination était applicable sans hésitation en droit interne.

Déjà en 1978, le TF adoptait une approche « défensive » consistant dans le refus de reconnaître un effet direct aux dispositions de l’Accord de libre-échange conclu par la Suisse. Dans l’arrêt « Stanley Adams »638

Le TF a rejeté le pourvoi de M. Adams, en refusant de considérer les dispositions de l’art. 23 ALE comme un ensemble de règles imposant des devoirs pour les particuliers. Le TF appuyait son raisonnement

, il s’agissait d’un collaborateur du groupe-marketing M2 / Uebersee au sein de l’entreprise F. Hoffmann-La Roche & Cie S.A., ayant son siège à Bâle. En 1973 il avait donné connaissance aux organes des Communautés européennes du contenu de plusieurs documents intitulés « Management Informations » et d’une pièce intitulée Jann-lettre du 25 juin 1973. Reconnu coupable par le Tribunal pénal de Bâle-Ville, le 1er juillet 1976, de délit successif de service de renseignements économiques et de violation successive de secrets d’affaires, M. Adams avait été condamné par défaut à une peine d’emprisonnement de douze mois avec sursis, ainsi qu’à l’expulsion du territoire suisse durant cinq ans. Sur le recours interjeté par M. Adams, le Tribunal d’appel du canton de Bâle-Ville avait confirmé le jugement de première instance, à l’exception toutefois de l’expulsion du territoire suisse qui a été annulée. M. Adams s’était pourvu en nullité auprès du TF et concluait à l’annulation du jugement du Tribunal d’appel; pour plaider son innocence, le recourant invoquait, d’une part, l’inapplicabilité de l’art. 273 CP, censé assurer une protection efficace de la Confédération contre des Etats totalitaires étrangers, étant donné que la CEE ne s’inspirerait pas d’une idéologie totalitaire, et d’autre part, le devoir de coopération institué par le jeu des articles 23 al. 2 et 27 al. 3 qui primerait, en tant qu’obligation résultant d’un traité international, sur le droit interne de l’Etat.

639

636 consid. 2b.

sur une argumentation graduelle : en premier lieu, le TF énonçait des considérations générales sur à l’Accord dans son ensemble, en rappelant « la nature purement commerciale » de l’ALE; ensuite, le TF insistait sur l’exclusion sciemment choisie par les deux parties du devoir de coordination réciproque des normes juridiques communautaires et des normes juridiques suisses; enfin, les juges fédéraux ajoutaient que « les règles de droit déjà existantes ont été reconnues de part et d’autre en vue d’une application illimitée et autonome ». Ainsi, la conclusion allait dans le sens que « l’accord de libre-échange et ses principes de concurrence ne touchent pas aux lois pénales des deux parties, en particulier à l’art. 273 CP ». Pour toutes ces raisons, le TF établissait donc que l’art. 23 ALE ne fixait aucune obligation pour les particuliers, ce qui

637 RS 3.521. 638 ATF 104 IV 175. 639 consid. 2c.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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signifie que cette disposition, n’étant pas une norme d’interdiction, elle n’avait pas été violée.

Le refus de la part du TF de reconnaître l’effet direct de l’art. 23 ALE était identique à celui exprimé par la majorité de la doctrine.

Ainsi, WAELBROECK, en rappelant que l’Accord n’édicte aucune interdiction à la charge des particuliers et que le Comité mixte ne peut pas être saisi par une personne privée, concluait que « l’art. 23 n’impose donc aucune obligation directe aux particuliers; l’incompatibilité qu’il décrète est de nature à produire effet uniquement dans les relations entre parties contractantes »640. A son tour, HIRSCH - dans un commentaire écrit peu de temps après l’affaire « Banque de Crédit international », avec le but d’examiner dans quelle mesure les particuliers pourront invoquer, devant les autorités suisses, certaines dispositions de l’ALE – indiquait clairement que « l’article 23 ne confère pas des droits aux entreprises lésées par des ententes ou par certaines pratiques de positions dominantes »641. Enfin, pour CHOFFAT « l’effet direct de l’art. 23 est définitivement exclu, dès l’instant où l’on considère les sanctions mises en place par les parties à son ch. 2; celui-ci ne concerne pas les entreprises directement, mais s’adresse aux Etats cocontractants »642

Il y avait pourtant des opinions favorables à la reconnaissance des effets directs pour les dispositions contenues dans les accords de libre-échange. Par exemple, à la suite de l’affaire Hoffmann-La Roche portée devant la CJCE

.

643, HUNNINGS s’exprimait sans réserve en 1977644, militant explicitement pour une application directe de l’art. 23 ALE645. En répondant à l’argumentation présentée en réponse par WAELBROECK, qui refusait encore de reconnaître un effet direct à l’art. 23 ALE646, HUNNINGS a réitéré ultérieurement ses conclusions647

Etant donné l'effet créé par l’affaire Stanley Adams, Jean Ziegler, député au Conseil national, a demandé au Conseil fédéral, parmi d’autres questions, si l’art. 273 CP n’était pas en contradiction avec l’Accord conclu le 22 juillet 1972 entre la Suisse et la CEE. En s’appuyant sur une argumentation qui soulignait le droit que les deux Parties s’étaient réservées d’appliquer de façon autonome et souveraine leur ordre juridique

.

640 WAELBROECK, L’effet direct de l’accord relatif aux échanges commerciaux, p. 128. 641 HIRSCH, L’accord entre la Suisse et la CEE, p. 198. 642 CHOFFAT, op. cit., p. 192. 643 CJCE, Aff. 85/76. 644 « Consequently, in the absence of internal legislative implementation, a treaty such as the FTAs could, apart from the tariff provisions, be regarded as merely a series of pious wishes with no legal consequences of practical importance » (HUNNINGS, Enforceability of the EEC-EFTA Free Trade Agreements, p. 171). 645 « Article 23 (1) (i) and (ii) in other respects meet the requirements for direct applicability as well as do Article 85 (1) and 86, and it is not necessary, as a test of direct applicability, that a treaty provision should state a sanction. There does not therefore seem to be any reason to deny direct ffect applicability to these provisions as such » (Id., p. 187). 646 « Applying Article 23 (1) (i) directly would lead to a most unsatisfactory situation, since agreements fulfilling the conditions of exemption of Article 85 (3) would have to be declared prohibited under the Free Trade Agreement » (WAELBROECK, Enforceability of the EEC-EFTA Free Trade Agreements, p. 30). 647 « Article 23 also has its effect on the private level. Indeed it is the only one (…) not to refer specifically to an obligation or right of a contracting state. (…) My conclusion, therefore, is still and even more firmly now than last year that Article 23 is indeed directly applicable » (HUNNINGS, A Rejoinder, p. 287 et p. 290).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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interne, le Conseil fédéral a conclu en stipulant que « il n’est donc pas possible que surgisse un conflit entre l’accord de libre-échange et le droit suisse, en particulier l’interdiction du service de renseignements économiques »648

En 1979, le TF a adopté une interprétation très restrictive de l’ALE. Dans son fameux arrêt « Bosshard Partners Intertrading AG v. Sunlight AG »

.

649

Sans se pencher ici sur l’analyse des aspects liés au droit des marques

, plus connu sous le nom d’« OMO », le TF devait se prononcer dans le cadre d’une affaire de nature commerciale, impliquant deux sociétés ayant distribué des détergents similaires sur le marché. Sunlight AG faisait partie du groupe d’entreprises Unilever, au sein duquel il y avait une société mère dont le siège était aux Pays Bas, et des filiales dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Toutes ces sociétés utilisaient la marque de lessive OMO. Une société actionnant en tant que tiers, Bosshard Partners Intertrading AG, avait offert en Suisse, sous la marque OMO, des produits de lessive et des savons provenant d’une filiale allemande dudit groupe d’entreprises, pour un prix inférieur à celui du produit OMO fabriqué en Suisse par Sunlight AG.

650, on va rappeler que le TF a tout simplement confirmé l’interdiction de procéder à une telle opération. Le TF, indiquant très clairement que l’ALE n’était qu’un arrangement de nature commerciale, expliquait la portée dudit instrument juridique qui préservait l’autonomie de la législation interne de chaque Etat membre : « il n’emporte pas, comme le Traité qui institue la Communauté économique européenne, une réglementation supranationale de la concurrence qui obligerait les parties contractantes à adapter leur propre droit interne»651. Pour le TF, en plus « l’accord ne prévoit pas un organe qui, à l’instar de la Cour européenne de justice en tant qu’institution de la CEE, pourrait fixer obligatoirement l’applicabilité directe de ses normes »652. De même, le TF admettait sans aucun doute le droit du juge suisse d’interpréter de manière autonome les dispositions de l’ALE et de l’appliquer « conformément à son caractère et à son but politico-économique »653. Enfin, l’art. 13 ALE ne serait pas directement applicable, vu que, malgré son libellé clair et non sujet à interprétation, il ne s’adresse qu’ « au législateur suisse et à l’administration »654

Pour le Conseil fédéral, le TF n’a pas adhéré à la thèse selon laquelle l’art. 13 de l’Accord de libre-échange de 1972 garantissant la libre circulation des marchandises puisse porter atteinte, par le jeu d’importations parallèles, aux droits qui dérivent du droit suisse en matière de marques; il en résulte, même selon le Conseil fédéral, que le TF avait « donc adopté une attitude plutôt réservée sur la possibilité pour des particuliers d’invoquer l’effet direct des dispositions de l’accord »

.

655

Dans un commentaire rendu par la doctrine peu de temps après cette décision du TF, cataloguant celle-ci comme « surprenante » du point de vue suisse et « décevante » du celui européen, il y avait une désapprobation non dissimulée à l’encontre des motivations jurisprudentielles; la nature uniquement et purement commerciale de l’ALE

.

648 CF, Réponse à l’interpellation Ziegler du 12 juin 1979, p. 1378. 649 ATF 105 II 49. 650 Cf. infra p. 195ss. 651 consid. 3a. 652 Ibid. 653 Ibid. 654 consid. 3b. 655 CF, Réponse au Postulat Alder du 8 octobre 1982, FF 1984 I 473.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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était contestée, vu que « ce type d’accord, à l’instar de l’union douanière, prévoit également l’élimination des barrières douanières, des restrictions de commerce et spécialement des obstacles techniques au commerce »656. À l’appui d’une abondante littérature favorable, tant en Suisse qu’au niveau de la CE, JACOT – GUILLARMOD concluait à l’équivalence matérielle au niveau légal entre les articles 30 et 36 TCE (nouveaux articles 36 et 42 TfUE) et les articles 13 et 20 ALE657

Plus tard, le même auteur y voyait, à côté de la jurisprudence Stanley Adams, « deux coups presque mortels à l’effet judiciaire de l’ALE en droit suisse; (…) l’effet négatif (…) tient moins aux décisions judiciaires concrètes considérées qu’aux considérations générales qui – sans que cela fût nécessaire pour résoudre les questions posées au fond – y ont été développées par le Tribunal fédéral; (…) la dévalorisation jurisprudentielle de l’ALE résulte des affirmations (…) qui contiennent des inexactitudes, dont surtout, lire, dans l’art. 13 ALE, sous le concept “Parties”, que le législateur et l’administration, à l’exclusion du juge, et (…) priver l’individu de l’accès au droit européen et de la protection juridique qu’il est en droit de tirer»

.

658

La nouvelle direction adoptée par le TF a probablement été le fruit des craintes quant à l’inexistence, en cas de confirmation de la jurisprudence favorable à l’applicabilité directe (type « Banque de Crédit international »), d’une réaction analogue de la part des juges communautaires. Alors que cet état des faits aurait plutôt incité le TF à adopter une attitude plus réservée, il apparaît que « les affirmations de l’arrêt Sunlight vont, (…), bien au-delà de ce qui était nécessaire pour rejeter le recours »

.

659

Dans cette jurisprudence restrictive à l’égard de l’applicabilité directe de l’ALE, le TF a confirmé une fois de plus sa ligne d’action à l’occasion de l’arrêt « Maison G. Sprl »

.

660

En mai 1985, l’Inspectorat de douane de Chiasso-Strada avait soumis à la redevance sur le trafic des poids lourds deux camions de la maison G. Sprl, immatriculés en Belgique et chacun d’un poids total supérieur à 19 tonnes. La somme réclamée à ce titre s’est élevée à 15 CHF par véhicule, somme correspondant à la redevance minimale pour une entrée en Suisse limitée à un jour. Statuant sur le recours, la Direction générale des douanes avait confirmé, le 8 octobre 1985, lesdites décisions de taxation en constatant que, dans la mesure où elle consistait en un droit d’utilisation du réseau routier, la redevance en cause respectait pleinement le droit international en vigueur.

rendu en 1986.

La société belge propriétaire des camions a interjeté un recours de droit administratif au Tribunal fédéral visant à obtenir l’annulation de la décision rendue le 8 octobre 1985. Elle apportait comme arguments plusieurs éléments : selon elle, les motifs retenus dans la décision en cause reposaient sur une qualification erronée de la taxe – qui était un impôt et non pas un droit d’utilisation des routes -, la perception de la redevance telle qu’aménagée par l’ordonnance du 12 septembre 1984 réglant la redevance sur le trafic des poids lourds (OTPL)661

656 JACOT-GUILLARMOD, Decision of 25 January 1979, p. 433.

était discriminatoire et entraînait en outre la violation

657 Id., note 18. 658 JACOT – GUILLARMOD, Le juge national, p. 352-355. 659 GAJA, L’effet direct et réciprocité, p. 17. 660 ATF 112 Ib 183. 661 RS 741.71.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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de plusieurs accords internationaux conclus par la Suisse, dont les articles 13 et 18 de l’ALE 1972.

En rejetant le recours, le TF a expliqué que « dans la mesure où la redevance critiquée n’est pas discriminatoire, sa perception ne provoque pas d’effets indirects comparables à une restriction quantitative des importations prohibée par l’art. 13 de l’Accord conclu avec la Communauté »662; en outre, le TF réaffirmait, quant à la portée des dispositions contenues dans le préambule ou dans l’art. 1 ALE, leur caractère de « simples déclarations à caractère de programme (qui) ne contiennent aucune obligation juridique que le juge administratif se doit d’appliquer »663

En commentant cette ligne jurisprudentielle suivie par le TF, la doctrine essayait de distinguer les pistes possibles à suivre pour empêcher que cette pratique ne devienne irréversible; à l’appui de la possibilité laissée ouverte (consid. 17) par la CJCE dans l’arrêt Kupferberg

.

664, il était ainsi souhaité que « le problème de l’applicabilité directe de l’accord de libre-échange pourrait faire l’objet d’une négociation entre la Communauté et les pays de l’AELE »665

Dans l’arrêt « Association pour le recyclage du PVC ».

666 de 1992, le TF devait se prononcer dans une affaire concernant une interdiction des emballages pour boissons PVC, prononcée à l’encontre de deux recourantes dont l’activité était strictement liée au secteur industriel des eaux minérales : d’une part, l’Association pour le recyclage du PVC, siégeant à Zurich et regroupant trois producteurs d’eaux minérales françaises ainsi que trois fabricants de PVC, ceux-ci fournissant la matière première auxdits producteurs, qui à leur tour façonnaient les bouteilles, les remplissaient à la source et assuraient la distribution en France et dans les pays voisions; d’autre part, la Communauté des intérêts des producteurs d’eaux minérales françaises, dont le siège est également à Zurich et comptant comme membres les trois sociétés productrices déjà membres de l’association. En effet, sur la base du libellé de l’art. 3 al. 2 de l’ordonnance du Conseil fédéral sur les emballages pour boissons du 22 août 1990 (ci-dessous OEB)667

Par la voie du recours de droit administratif, les deux recourantes avaient demandé au Tribunal fédéral d’annuler l’arrêté du Conseil d’Etat et de constater que l’interdiction des emballages pour boissons PVC violerait l’art. 13 ch. 1 de l’ALE et que

, les deux recourantes avaient saisi le Conseil d’Etat de Fribourg sur la question de savoir si ledit article leur interdisait le dépôt et la mise en vente d’eau minérale en bouteille après le 1er novembre 1991. Par arrêté du 20 août 1991, le Conseil d’Etat fribourgeois avait confirmé que telle était bien la portée des articles 3 al. 2 et 10 OEB.

662 consid. 3c. 663 Ibid. 664 Cf. infra p. 149. 665 JACOT – GUILLARMOD, Expressions juridiques, p. 316. 666 ATF 118 Ib 367. 667 L’ancien texte de l’OEB (RO 1990 III 1480) stipulait à l’art. 3 que les fabricants et les importateurs n’étaient pas « autorisés à remettre des boissons qu’en emballages recyclables » (al. 1) et que ces emballages ne pouvaient contenir des matières plastiques que si leur élimination pouvait « être considérée comme sans danger pour l’environnement » (al. 2), selon des normes définies par renvoi à d’autres textes législatifs; à présent, la nouvelle OEB, arrêtée le 5 juillet 2000 par le Conseil fédéral (RS 814.621), autorise à l’art. 3 seulement les emballages « qui n’entraînent pas des coûts supplémentaires importants ni des difficultés techniques considérables pour les organisations existantes de collecte, de traitement ou de recyclage ».

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Chapitre 1 Les produits industriels

143

l’interdiction de remise de l’art. 3 al. 2 OEB, qui avait les effets d’une interdiction d’importation, ne serait pas justifiée par l’ordre public, réservé par l’art. 20 ALE.

Le TF d’abord déboutait les requérants à travers l’argument du champ d’application matériel. A partir d’une argumentation basée sur l’art. 2 ALE et ses renvois au Protocole n° 2, le TF expliquait que l’Accord couvre les limonades et les eaux gazeuses aromatisées, mais, en revanche, ne s’applique pas à l’eau minérale, car celle-ci ne figure pas audit Protocole : par conséquent, « ce produit n’entre donc pas dans le champ d’application de l’accord de libre-échange et (…) doit être assimilé à un produit agricole »668 . En plus, même dans cette hypothèse, l’argumentation allait encore plus loin et soulignait que l’engagement des parties de favoriser, dans le respect de leurs politiques agricoles, le développement harmonieux des échanges de produits agricoles auxquels ne s’appliquait pas l’Accord (art. 15 ALE) n’était qu’une « déclaration d’intention sans portée obligatoire » et dépourvue « de caractère immédiatement applicable »669

Ensuite le TF procédait à l’examen des articles 13 et 20 ALE. Malgré leur libellé jugé « équivalant » dans le TCE (articles 28 et 30, correspondant aux articles 34 et 36 TfUE)), il y avait pourtant une différence fondamentale entre les deux instruments juridiques : d’une part, l’ALE qui n’est «qu’un arrangement de nature commerciale»

. La logique suivie par le TF nous semble d’autant plus surprenante que la question porte sur des emballages servant pour commercialiser l’eau minérale, en l’espèce les bouteilles PVC.

670 à la différence du Traité de Rome qui est une « réglementation supranationale obligeant les Parties contractantes à adapter leur propre droit interne »671

En reprenant l’argument de l’interprétation autonome du juge suisse, le TF concluait que « la garantie des compétences réservées par l’art. 20 ALE au législateur national (…) l’emporte, dans la pesée des intérêts, sur la réalisation des objectifs de la libre circulation des marchandises »

.

672

Des voix dans la doctrine suisse craignaient les effets de cette jurisprudence restrictive de la part du TF : « Il est évident que, compte tenu de la disproportion entre l’Union européenne et la Suisse, celle-ci a bien plus d’intérêt à l’ouverture du marché européen à ses produits que l’Union européenne à celle du marché suisse. Notre pays a à perdre de l’adoption par la Communauté d’une jurisprudence restrictive en réponse au manque d’ouverture du Tribunal fédéral »

.

673

L’arrêt « Ministère public de la Confédération c. A., B., et C. ».

674

Deux sociétés, celle anonyme X SA et celle individuelle Y avaient vendu, entre 1996 et 1997, dans plusieurs points de Berne, de l’eau minérale gazeuse et non gazeuse (non sucrée) avec la marque San Pellegrino, conditionnée en emballages perdus respectivement en bouteilles PET de 1,5 l; ceux-ci, acquis auprès d’un importateur d’Italie, portaient l’indication relative à leur matériau de fabrication (PET), le symbole

de 1998 touchait de nouveau, même à titre secondaire, la question de l’applicabilité directe de l’art. 13 ALE.

668 consid. 6a. 669 Ibid. 670 consid. 6b. 671 Ibid. 672 consid. 6. 673 GARRONE, La libre circulation des marchandises, p. 76-77. 674 ATF 124 IV 225.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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correspondant et la mention « non disperdere nell’ambiante », sans pourtant indiquer le caractère recyclable des bouteilles PET.

Déclarées coupables, au motif de la vente de l’eau minérale San Pellegrino en bouteilles PET non conformes à l’OEB, d’infractions à la Loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l’environnement675 et à la Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale676

A titre principal, il s’agissait de savoir si l’inobservation de l’obligation d’indiquer sur les emballages de boissons en PET qu’ils sont recyclables était conforme à la législation suisse en la matière

par le Tribunal d’arrondissement de Berne-Laufon, et sanctionnées d'amendes variant de 300 à 500 CHF, les deux sociétés ont obtenu gain de cause de la part du Tribunal supérieur du canton de Berne, déclenchant ainsi le recours en nullité interjeté par le Ministère public de la Confédération.

677. A titre accessoire, le TF, après avoir rappelé de nouveau que la législation communautaire et le droit suisse sont deux ordres juridiques distincts, se limitait à trancher que, même dans l’hypothèse où l’art. 4 al. 2 OEB devait poser des exigences plus sévères que celles instituées par l’UE et, partant, cette disposition constituerait éventuellement une entrave technique au commerce, ladite disposition « ne saurait être qualifiée de grave »678. Pour le TF, l’indication requise sur la bouteille n’introduit aucune nouvelle restriction quantitative à l’importation ni aucune mesure d’effet équivalent dans le commerce bilatéral, en respectant à la lettre les dispositions réglant le libre-échange avec Bruxelles : « on ne voit pas en quoi la réglementation qu’instaure l’art. 4 al. 2 OEB empêcherait de manière inadmissible les importations parallèles ou violerait l’art. 13 ALE »679

L’arrêt « Sonderabfallverwertungs-AG, SOVAG ».

680

La société SOVAG, spécialisée dans l’élimination des déchets spéciaux, exportait vers l’Allemagne des cendres d’électrofiltre provenant de résidus de déchets incinérés, où elles étaient stockées définitivement dans une décharge souterraine. En avril 2002, l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEV) avait fixé le taux de la taxe pour les déchets exportés par ladite société à une valeur de 50 francs par tonne. La société SOVAG a recouru contre cette décision auprès du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), ensuite auprès du TF, en demandant que ladite taxe soit fixée à une valeur de 15 francs par tonne.

marque pourtant une exception dans cette ligne jurisprudentielle « défensive » du TF quant au caractère directement applicable des dispositions de l’ALE.

Le TF constate, dans un premier temps, que « la taxe ne correspond pas à un droit de douane au sens de l’art. 7 ALE »681

675 RS 814.01.

, en ajoutant après que « la différence du taux selon le lieu du traitement ne constitue pas une discrimination au sens des articles 18 et 20

676 RS 241. 677 L’ancien texte de l’OEB (RS 814.017) stipulait à l’art. 4 al. 2 que « les commerçants ne sont autorisés à remettre aux consommateurs finaux des boissons en emballages perdus qu’à condition que figurent sur l’emballage l’indication de la matière dans laquelle il a été fabriqué et la mention qu’il est recyclable »; à présent, nouvelle OEB, arrêtée le 5 juillet 2000 par le Conseil fédéral (RS 814.621). 678 consid 4. 679 Ibid. 680 ATF 131 II 271. 681 consid. 10.3.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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ALE, vu que le prix du traitement est différent, ce qui justifie parfaitement une taxe différenciée »682. En examinant la compatibilité des différents taux avec les articles 7, 18 et 20 ALE, le TF semble avoir implicitement admis que ces dispositions étaient directement applicables, tout en laissant ouverte la question de la compatibilité avec le système GATT/OMC. Pourtant, dans une interprétation nuancée, il s’agirait plutôt d’un obiter dictum concernant la portée générale des articles 7, 18 et 20 ALE, étant donné que même si on les appliquait directement il n’y aurait pas eu de violation683. Ceci semble aussi résulter de la jurisprudence ultérieure des Commissions de recours en la matière684

Enfin, dans l’affaire « Estée Lauder GmbH – Clinique ».

685, le TF s’exprimait, en 2006, en faveur d’une interprétation des règles de droit interne à la lumière des normes du droit international: « Zum übergeordneten Recht zählt ebenfalls das von der Schweiz übernommene internationale Recht, wobei allerdings selbst die Beschwerdeführerin nicht behauptet, die Schweiz sei gegenüber der Europäischen Union verbindliche Verpflichtungen eingegangen, die im vorliegenden Fall in ihrem Sinne (etwa durch die analoge Anwendung des so genannten "Cassis de Dijon-Prinzips") massgeblich wären. Einschlägig ist somit einzig Art. 38 Abs. 1 LMG686, wonach der Bundesrat beim Erlass seiner Bestimmungen internationale Empfehlungen und Aussenhandelsbeziehungen berücksichtigt. Diese limitierte bundesrätliche Pflicht zur Beachtung internationalen Rechts rechtfertigt im entsprechenden Umfang auch die Berücksichtigung der zu beachtenden Normen bei der Auslegung des schweizerischen Rechts. Im vorliegenden Zusammenhang verbleibt aber kein entsprechender Spielraum bei der Interpretation von Art. 3 Abs. 2 GebrV687. Die schweizerische Gesetzgebung beruht auf dem Grundsatz der klaren Abgrenzung von Lebensmittel- und Heilmittelgesetzgebung. Dieser Gesetzeszweck darf nicht durch eine gegenläufige Auslegung des Verordnungsrechts nur deshalb wieder abgeschwächt werden, weil die Europäische Union insofern allenfalls weniger strenge Regeln kennt. Dass es dabei zu Diskrepanzen kommen kann, die für die Hersteller oder Importeure von Gebrauchsgegenständen mit Schwierigkeiten verbunden sind oder gegebenenfalls einen zusätzlichen Aufwand verursachen, ist Folge der strengeren schweizerischen Gesetzgebung und in Kauf zu nehmen. Dies zu ändern steht grundsätzlich nicht in der Kompetenz der Rechtsanwendenden Behörden »688

En résumant cette jurisprudence, on peut observer que le TF n’a pas eu trop souvent l’occasion de se prononcer au sujet de l’Accord de 1972, aussi bien dans la question de son applicabilité directe qu’en ce qui concerne sa compatibilité avec la législation fédérale.

.

En ce qui concerne l’applicabilité directe, il nous semble que l’approche défensive adoptée progressivement par le TF a exprimé une attitude peu ouverte, motivée par les soucis de garder toujours une unité d’interprétation et de ne pas aller à l’encontre de la position pragmatique adoptée par Berne, peu disposée à faire des concessions

682 consid. 10.4. 683 ZIEGLER, Die Bedeutung, par. 23ss. 684 Décision de la CRINEN du 20 octobre 2005 (Beschwerdeverfahren H-2004-174 - Postwesen – Vorzugstarife für die Beförderung von Presseerzeugnissen); voir à ce sujet ZIEGLER, Die Bedeutung. 685 Arrêt 2A.693/2005 du 28 août 2006. 686 Bundesgesetz über Lebensmittel und Gebrauchsgegenstände, RS 817.0. 687 Verordnung über Gebrauchsgegenstände, RS 817.04. 688 consid. 4.5.

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dangereuses du point de vue des intérêts stratégiques, à la fois politiques et économiques, de la Suisse.

Quant au deuxième point, l’explication offerte par la doctrine indique le fait que, tenant compte du domaine réglementé par ledit Accord – le commerce des marchandises industrielles –, il s’agit d’un secteur situé fondamentalement dans la sphère de compétence fédérale, ayant toujours reçu de la part des autorités une vision économique libérale et, partant, exposé dans une moindre mesure au risque de provoquer des conflits entre les autorités administratives et judiciaires suisses689. La doctrine a néanmoins observé, à juste titre, que la ligne jurisprudentielle développée par le TF a fait preuve d’incohérence dans ses décisions : ainsi, il a été considéré qu’« une certaine insécurité juridique règne, à tout le moins jusqu’à l’établissement d’une jurisprudence solide – et parfois même après, puisqu’il arrive que le tribunal fédéral modifie sa jurisprudence ». Les difficultés rencontrées par les juges fédéraux dans la tâche de créer une telle jurisprudence sont compréhensibles en prenant en considération l’absence, justifiée tenant compte de la pratique rencontrée dans le domaine des accords de libre-échange, d’une clause dans l’ALE stipulant l’application directe dudit Accord. Par conséquent, il s’ensuit que cette question ne peut se régler que selon les règles nationales de chaque partie, ce qui peut aboutir à des modalités différentes de mise en pratique : c’est le cas également dans l’ALE, où la jurisprudence du TF apparaît plutôt restrictive par rapport à celle développée par la CJCE690

En conclusion, il apparaît très clairement que, en dépit des opinions majoritairement défavorables de la doctrine, le TF a fait preuve d’une résistance manifeste à l’encontre de toute ouverture, au bénéfice des individus, quant à leur droit d’invoquer les dispositions des articles 13, 20 et 23 de l’ALE. Se montrant réticent à tout signe d’ouverture dans sa jurisprudence relative aux droits octroyés aux individus en vertu de l’Accord bilatéral de libre-échange, le TF – dans des cas tels que les affaires précitées Adams

.

691, OMO692 ou PVC693 - a bâti son raisonnement à travers des décisions qui n’ont pas fait l’unanimité dans la doctrine694

.

2. La CJCE Avant tout, il faut mentionner que la théorie de l’effet direct connaît plusieurs

facettes au niveau de la jurisprudence communautaire. D’une part, la CJCE a fait preuve d’une très large ouverture, en reconnaissant l'effet direct du droit communautaire du fait que « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement

689 PATRY, Le juge suisse face au libre-échange européen de 1992, p. 239. 690 EPINEY & MEIER & MOSTERS, Les cantons entre adhésion à l’UE et « voie bilatérale », p. 178. 691 Cf. supra p. 138. 692 Cf. supra p. 140. 693 Cf. supra p. 142. 694 Par rapport aux décisions en question, COTTIER & OESCH estimaient : « They are regrettable and constitute missed opportunities. They reflect judicial restraint, deference and predominance of federalist concerns at a time when competition law in Switzerland was yet weak » (International Trade Regulation, p. 324).

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Chapitre 1 Les produits industriels

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les États membres, mais également leurs ressortissants »695. D’autre part, la jurisprudence de la Cour relative aux accords GATT/OMC a fait preuve d’un verrouillage étonnant par rapport à la conception large qu’elle a constamment construite pour reconnaître ledit effet. Pour justifier son refus d’octroyer ledit effet aux dispositions des accords GATT/OMC la Cour de Luxembourg a constamment soutenu que, d’un côté, l’Accord GATT a été considéré plutôt comme un instrument créé lors de et dans le but des négociations commerciales, et non pas un accord définitif et, de l’autre côté, les dispositions dudit Accord - caractérisées par « la grande souplesse de dispositions, notamment de celles qui concernent les possibilités de dérogation »696 - ne sont pas considérées comme suffisamment précises pour qu’elles puissent bénéficier de l’effet direct. Cette attitude plutôt méfiante a été pourtant saluée par un certain courant de pensée qui y décelait « le souci responsable de respecter et de préserver au maximum l’équilibre institutionnel à l’intérieur de la Communauté ainsi que la nature particulière de l’ordre normatif de l’OMC »697. Enfin, il n’est pas sans intérêt de rappeler le fait que, malgré le refus de la Cour de Luxembourg de reconnaître l’effet direct des dispositions GATT/OMC, la doctrine a identifié, en 2008, des arrêts où la CJCE s’inspire clairement des motivations se retrouvant dans les décisions de la Cour AELE qui, quant à elle, a pour source des règles de l’OMC 698; en plus, bien que peu nombreuse, la jurisprudence de la CJCE contient également des prises de position admettant les règles de l’OMC parmi les sources du droit communautaire699

Vu la longue liste des partenaires commerciaux de l’ancienne CEE, certains d’entre eux devenus entre temps membres de la nouvelle UE, il va de soi que la position de la Cour de Luxembourg - quant à l’interprétation à donner aux dispositions des accords de libre-échange - sera analysée dans une perspective plus large que celle du TF. Une attention particulière sera pourtant portée aux affaires impliquant des développements concernant l’ALE conclu entre la CEE et la Suisse.

.

La jurisprudence de la CJCE relative aux dispositions mentionnées, malgré des premiers arrêts également assez « défensifs », permet de saisir une approche différente par rapport à celle du TF. L’affaire « Châtain »700

695 CJCE, Aff. 26/62, p. 23.

de 1979 a représenté la première fois que les juges de Luxembourg ont dû trancher dans un cas impliquant des accords conclus entre la Communauté et les pays membres de l’AELE, en particulier la Suisse. Le litige au principal se déroulait dans le cadre d’une information judiciaire suivie contre le gérant

696 CJCE, Affaires jointes 21 à 24/72, consid. 21. 697 LIČKOVA, La Communauté européenne et le système GATT/OMC, p. 137. 698 BRONCKERS explique comment la CJCE, dans un arrêt très important (CJCE, Affaire C-192/01) introduisant dans la Communauté un régime plus libéral des additifs nutritionnels, avait cité plusieurs fois une décision rendue par la Cour AELE - Affaire E-3/00, Autorité de Surveillance AELE c. Norvège Annuaire AELE, 2000/01, p. 73 - qui, en annulant une prohibition norvégienne relative aux importations des céréales enrichies des vitamines, suite à l’absence de toute analyse pertinente sur les risques de santé publique, s’inspirait des règles OMC, démarche qui « was quite apparent for the informed observer » (From “Direct Effect” to “Muted Dialogue”, p. 891). 699 « Mais que le droit de l’OMC ne soit pas juridictionnellement invocable ne signifie pas qu’il ne fait pas partie de l’ordre juridique communautaire » (Opinion de l’avocat général M.M. Poiares Maduro, Affaires conjointes C-120/06 P et C-121/06 P, par. 37, Recueil de la CJCE, 2008 I-6529); pour des commentaires sur cette affaire, voir ALEMANO & SCHMAUCH, At the end of the tunnel, p. 349ss. 700 CJCE, Aff. 65/79.

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de la société auquel il était reproché d’avoir déclaré en douane à une valeur supérieure au prix normal des marchandises achetées à la maison mère société Sandoz AG établie en Suisse, ce qui lui aurait permis, selon les autorités douanières, de transférer irrégulièrement des capitaux à la maison mère en Suisse. Parmi les questions préjudicielles soulevées, il fallait examiner si l’art. 13 ALE interdisait à un Etat membre de la Communauté de donner à une marchandise importée une valeur inférieure à celle déclarée et de sanctionner ainsi un importateur pour avoir fait une déclaration pour une valeur majorée aux fins d’une exportation illégale de capitaux à l’intérieur d’un groupe de sociétés.

Après s’être longuement arrêtée sur l’interprétation des règlements communautaires concernant la détermination de la valeur en douane701, la CJCE a répondu que « la minoration par les autorités compétentes d’un Etat membre du prix facturé des marchandises importées d’un Etat tiers ne répond pas aux objectifs poursuivis par les règles relatives à la détermination de la valeur en douane des marchandises; cependant, l’établissement de la valeur en douane conformément à ces règlements ne saurait avoir pour effet d’obliger les administrations fiscales et financières des Etats membres à reconnaître cette valeur à des fins autres que l’application du tarif douanier commun »702. En ajoutant que la même réponse est valable dans le cadre de l’art. 13 ALE, la Cour conclut que les sanctions éventuelles pour les infractions «concernant les législations financières ou fiscales autres que les douanes (…) relèvent de l’ordre juridique communautaire »703

La CJCE exclut ainsi que l’art. 13 ALE puisse protéger un importateur contre les sanctions infligées pour des infractions commises dans les domaines financier ou fiscal. En même temps, l’effet direct de l’art. 13 ALE n’est pas analysé, vu que la CJCE arrive à la même solution, aussi bien en se fondant sur les règlements communautaires, que par ledit article.

.

Dans l’arrêt « Polydor »704 - relatif aux dispositions de l’accord entre la CEE et le Portugal705

La CJCE a répondu, quant à la question de savoir si les articles 28 et 30 du TCE devraient avoir la même interprétation que celle accordée aux articles 14 par. 2 et 23 de l’accord avec le Portugal, en statuant que « il y a lieu d’analyser ces dispositions à la lumière tant de l’objet et du but de l’accord que de son contexte »

, à l’époque pays tiers - le litige au principal concernait une action en violation du droit d’auteur dirigée contre deux entreprises britanniques, Harlequin et Simons, spécialisées dans l’importation et la vente des disques phonographiques, qui auraient importé, en provenance du Portugal, et mis en vente au Royaume-Uni, des disques de musique populaire du groupe « The Bee Gee’s », sans avoir obtenu l’autorisation du titulaire des droits d’auteur, RSO, ou de son licencié exclusif au Royaume-Uni, la société affiliée Polydor.

706

701 p. 1366ss.

. Ainsi, elle examine les différences dans la formulation des objectifs des deux instruments juridiques : d’une

702 p. 1387. 703 Ibid. 704 CJCE, Aff. 270/80. 705 Accord entre la CEE et la République portugaise, signé à Bruxelles le 22 juillet 1972, conclu et approuvé, au nom de la Communauté, par le règlement n° 2844/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JOCE 1972 n° L 301, p. 164). 706 consid. 8.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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part, elle rappelle sa « jurisprudence constante en vertu de laquelle l’exercice de son droit par un titulaire du droit de propriété industrielle et commerciale en vue d’empêcher l’importation dans un Etat membre d’un produit en provenance d’un autre Etat membre, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’art. 30, non justifiée à la lumière de l’art. 36 »707; d’autre part, ces considérations ne se retrouvent pas dans le cadre des relations entre la Communauté et le Portugal, vu que l’examen des dispositions de l’accord fait apparaître que celles-ci « n’ont pas la même finalité que le traité CEE »708, raison pour la doctrine d’apercevoir une marge de manœuvre dans le raisonnement des juges communautaires709

Elle conclut par conséquent que « dans le cadre de l’accord, des restrictions aux échanges de marchandises peuvent être considérées comme justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale dans une situation où leur justification ne saurait être admise à l’intérieur de la Communauté »

.

710

L’arrêt « Kupferberg ».

711

Sur une première question, la CJCE qualifie l’art. 21 de l’accord comme « susceptible d’être appliqué par une juridiction et donc de produire des effets directs dans l’ensemble de la Communauté »

a continué la ligne jurisprudentielle de la CJCE faisant obstacle à ce que les articles intégrés dans des accords de coopération économique conclus par Bruxelles avec les pays tiers aient la même valeur que ceux inscrits dans le TCE, et cela sans égard pour un éventuel libellé analogue entre les dispositions en cause. Dans cette fameuse affaire, portée devant la CJCE par l’intermédiaire de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’art. 90 TCE (remplaçant l’ex art. 95, nouvel art. 110 TfUE) et de l’art. 21 al. 1 de l’accord précité entre la CCE et le Portugal, il s’agissait d’un litige opposant un importateur allemand au Hauptzollamt Mainz au sujet du taux de l’impôt dénommé « droit compensatoire de monopole » (« Monopolausgleich ») qui avait été appliqué lors de la mise en libre pratique d’un lot de vins de Porto en provenance du Portugal.

712, s’attirant ainsi les éloges de la doctrine713

En ce qui concerne la question de savoir si l’art. 21 de l’accord « prévoit une interdiction de discrimination analogue à celle prévue à l’art. 95 al. 1 TCE » (nouvel art. 114 TfUE), la CJCE explique d’abord que, en dépit de l’objet identique des deux articles en question, « chacune de ces deux dispositions, d’ailleurs rédigées en termes différents, doit cependant être envisagée et interprétée dans le cadre qui lui est propre »

.

714

707 consid. 7.

. Elle continue ensuite, avec la jurisprudence Polydor à l’appui, en estimant que «les

708 consid. 18. 709 « There is all the more ground for a restrictive interpretation in the cases where the judiciary of the other party to the treaty has already given a similar restrictive interpretation, such as the Supreme Court of Switzerland in OMO case » (SCHERMERS, The direct application of Treaties with Third States, p. 568). 710 consid. 19. 711 CJCE, Aff. 104/81. 712 consid. 26. 713 « La sentenza Kupferberg si caratterizza come una decisione fondamentale a proposito degli effetti diretti, segnando una tendenza favorevole all’applicabilità immediata di norme internazionali convenzionali nell’ordinamento comunitario » (MARCHISELLO, L’Efficacia diretta degli accordi internazionali, p. 262). 714 consid. 29.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

150

interprétations (…) données de l’art. 95 du traité ne peuvent être transposées, en vertu d’une simple analogie, dans le cadre de l’accord de libre-échange»715

Enfin, cette affaire présente une particularité importante, du fait que la CJCE y propose, bien qu’assez discrètement et sans trop insister sur ce point, la poursuite d’une éventuelle piste pour contribuer à la vraie mise en œuvre de l’applicabilité directe de l’accord : ainsi, les institutions communautaires compétentes pour négocier et conclure un accord avec un pays tiers « sont libres de convenir avec celui-ci des effets que les dispositions de l’accord doivent produire dans l’ordre interne des parties contractantes ».

.

716

ASCHENBRENNER, en saluant la décision de la CJCE - qui, selon lui, rendait plus efficace l’application de l’article en cause

717 - se méfiait pourtant de la sortie de secours laissée par la Cour dans l’interprétation des articles des accords718, qui pouvait à tout moment permettre aux juges de nier l’effet direct des dispositions719

La même approche craintive ressort de l’analyse de BEBR qui observait que « since, however, such a derogation is subject to a mere political procedure, practically to a political negotiation, the unconditional character of the obligations appear somewhat doubtful»

.

720

Un premier exemple d’interprétation « offensive » des dispositions d’un accord de libre-échange de la part de la CJCE survient avec l’arrêt « Leopold Legros e. a »

.

721 rendu en 1990. Cette affaire portait sur le prélèvement d’une taxe lors de l’importation sur l’île française de la Réunion des voitures fabriquées en Allemagne et en Suède et achetées en France métropolitaine. La Cour réalise un double examen de la compatibilité de ladite taxe avec, d’une part, les dispositions du TCE, et d’autre part, les dispositions de l’accord CEE - Suède, et, sans remettre en cause la jurisprudence Polydor, elle lui refuse tout simplement l’application en espèce722

La petite nuance, dans l’affirmation de la Cour.

723, par rapport à la jurisprudence précitée, a été très bien saisie dans la doctrine qui a commenté à ce propos : « certes, les dispositions n’ont pas nécessairement le même sens, mais à l’inverse il n’est pas interdit qu’elles puissent l’avoir »724

La justification avancée par la Cour est plus que convaincante : « dans le cadre de l’objectif de l’élimination des obstacles aux échanges, la suppression des droits de douane à l’importation joue un rôle primordial. Il en va de même pour la suppression des taxes d’effet équivalent qui, selon la jurisprudence de la Cour, sont étroitement liées aux

.

715 consid. 30. 716 consid. 17. 717 ASCHENBRENNER: « will foster the legal effectiveness of the provisions of the Agreements and will make them part of the day-to-day life of traders operating under the FTAs » (After Kupferberg, p. 32). 718 « interpreting in (…) aim, purpose and context » (Ibid.). 719 « to take back with one hand what it was ready to give as a matter of principle with the other » (Ibid.). 720 BEBR, Agreements concluded by the Community, p. 70. 721 CJCE, Aff. C-163/90. 722 consid. 23. 723 Ibid. : « Il est vrai que les termes d’un accord conclu entre la Communauté et un pays tiers n’ont pas nécessairement la même signification que les termes identiques figurant dans les dispositions du traité CEE ». 724 HOFMANN, op.cit., p. 391.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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droits de douane stricto sensu725. L’accord serait donc privé d’une partie importante de son effet utile si la notion de taxe d’effet équivalent, figurant dans son article 6, devait être interprétée comme ayant une portée plus restreinte que celle du même terme figurant dans le traité CEE »726

L’arrêt Eurim-Pharm.

727

La CJCE, dans un premier temps, reconnaît implicitement

a continué la nouvelle orientation de la CJCE. Il s’agissait d’un litige opposant la société Eurim-Pharm dont le siège social était établi en République fédérale d’Allemagne, au Bundesgesundheitsamt (« Office fédéral de la santé ») à propos du refus que lui avait opposé cet office d’autoriser la mise en circulation sur le marché national du médicament « Adalat-R », utilisé contre l’hypertension et les angines de poitrine.

728

La jurisprudence communautaire favorable à l’interprétation concordante des anciens articles 30 et 36 TCE et des dispositions incorporées dans des accords de libre-échange a été continuée dans une autre affaire, Commission / Italie

l’applicabilité de la jurisprudence concernant les articles 28 et 30 TCE (à leur tour, remplaçant les ex articles 30 et 36 TCE, nouveaux articles 36 et 36 TfUE) à l’interprétation des articles 13 et 20 de l’accord de libre-échange entre la CEE et l’Autriche, pour se lancer, dans la suite, dans une argumentation qui rappelle celle de l’arrêt Lepold Legros e. a : « dès lors qu’elle avait déjà en sa possession toutes les informations nécessaires au sujet de ce médicament et que l’identité du médicament importé et du médicament autorisé n’était pas contestée, l’autorité sanitaire allemande n’avait aucun besoin d’obtenir une quelconque coopération des autorités autrichiennes. Ce serait priver les articles 13 et 20 de l’accord d’une grande partie de leur effet utile que de juger qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation telle que celle en cause ».

729, relative aux dispositions correspondantes de l’accord de libre-échange avec la Norvège. La Cour dispose, quant aux articles 15 par. 2 et 20 dudit accord, que cet instrument juridique « comporte, en ce qui concerne les échanges entres les parties contractantes, des règles identiques à celles des articles 30 et 36 du traité et il n’existe, en l’espèce, pas de raisons pour interpréter ces règles différemment que lesdits articles du traité »730. Vu que la Cour avait ainsi « appliqué le principe de la reconnaissance mutuelle aux accords de libre-échange »731, pour une partie de la doctrine, cette décision était « assurément un grand pas en direction de la suppression des entraves non tarifaires dans le cadre des accords de libre-échange »732

.

725 CJCE, Affaires jointes 2 et 3-69; CJCE Aff. C-260/90. 726 consid. 26. 727 CJCE, Aff. C-207/91. 728 consid. 24 : « À supposer même que la jurisprudence de la Cour relative aux articles 30 et 36 du traité ne soit pas transposable à l’interprétation des articles 13 et 20 de l’accord ». 729 CJCE, Aff. C-228/91. 730 consid. 48. 731 GARRONE, op. cit., p. 73. 732 Ibid.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Section B La mise en œuvre du régime découlant de l’ALE 1972 dans le commerce bilatéral des marchandises

a. Les considérations générales et cadre juridique multilatéral : l’Accord OMC sur les obstacles techniques au commerce

L’instauration du régime de libre-échange entre la Suisse et l’UE passait par une suppression, progressive et totale des obstacles commerciaux entre les deux parties. Plusieurs catégories desdits obstacles étaient identifiées733

La coopération entre les deux partenaires commerciaux semble avoir été réalisée de manière peu intense mais, à notre avis, clairement pragmatique, compte tenu de la marge de négociation laissée par les évolutions politiques entre les deux parties. Dans une tentative menée à la fin des années ’80, la Convention dite de Tampere avait apporté les premiers pas dans la direction d’une harmonisation des normes applicables dans les deux espaces économiques de l’Europe occidentale : il agissait d’un instrument juridique conclu entre les Etats de l’AELE, en 1988, portant sur la reconnaissance mutuelle des résultats d’essais et des preuves de conformité

comme entravant, seules ou en combinaison les unes avec les autres, le bon déroulement des échanges bilatéraux : les restrictions au commerce international, telles que celles applicables aux acquisitions d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger ou les monopoles du sel et de l'alcool, les impôts perçus à la frontière, les procédures douanières et autres taxes, les barrières au commerce non tarifaires, en particulier les obstacles techniques au commerce, les dispositions du droit privé, à l’exemple des droits de propriété intellectuelle et des normes sur la responsabilité civile et, enfin, les ententes privées.

734

Ensuite, par les efforts déployés pendant plusieurs années par l’Association suisse de normalisation (ci-dessous SNV), Berne s’est régulièrement affirmé dans le cadre des comités européens et internationaux

.

735

Tenant compte du fait que la présentation du champ matériel de l’ALE a déjà relevé les mesures concernant le démantèlement des barrières tarifaires et d’une partie de celles non tarifaires

chargés de travailler à la recherche de solutions viables pour l’uniformisation des différents systèmes nationaux en la matière.

736, l’examen ci-dessous va se concentrer sur la grande partie des obstacles non tarifaires, toujours plus nombreux, affectant majoritairement le commerce de marchandises, alors que l’incidence des droits de propriété intellectuelle fera l’objet d’une analyse séparée737

Au niveau multilatéral, avec l’élimination des droits de douane dans les pays signataires des Accords de Marrakech et selon l’échéancier établi à l’issue des négociations de l’Uruguay Round, la question de l’élimination des entraves indirectes au commerce ou de ce qu’on appelle les « obstacles techniques au commerce » se retrouvait

.

733 DFE, Poursuite de l'élimination des entraves techniques au commerce. 734 Convention du 15 juin 1988 entre les pays de l’AELE sur la reconnaissance mutuelle des résultats d’essais et des preuves de conformité (avec annexes), RS 0.941.293, RO 1990 1704; en respectant les conditions requises par l’art. 13 de la Convention, la Suisse s’est retirée en 2003, RO 2003 I 859. 735 CEN, CENELEC, ISO. 736 Cf. supra p. 109. 737 Cf. infra p. 195ss.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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parmi les priorités des entreprises et des Membres de l’OMC. Cette question a fait l’objet d’un instrument juridique spécifique, l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (ci-dessous, Accord OTC), conclu à Genève le 12 avril 1979, approuvé par l’Assemblée fédérale le 12 décembre 1979, et entré en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1980738

Cet accord, tout en clarifiant les dispositions du texte qui avait été conclu à l’issue du Tokyo Round (1973-79), se donnait comme objectif d’empêcher que les règlements techniques et les normes, les procédures d’essai et de certification ne constituent des entraves supplémentaires au bon déroulement du commerce international.

.

Le Préambule de l’Accord énonce, en effet, que les règlements techniques et les normes, y compris les prescriptions en matière d'emballage, de marquage et d'étiquetage, et les procédures d'évaluation de la conformité aux règlements techniques et aux normes ne doivent pas créer d'obstacles « non nécessaires au commerce international » (consid. 5 Préambule Accord OTC). Dans ce but, le texte de l’accord fixe le sens et la couverture matérielle que chaque instrument était censé avoir.

Par règlement technique, l’annexe 1 de l’accord définissait un « document qui énonce les caractéristiques d'un produit ou les procédés et méthodes de production s'y rapportant, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont le respect est obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de terminologie, de symboles, de prescriptions en matière d'emballage, de marquage ou d'étiquetage, pour un produit, un procédé ou une méthode de production donnés » (ch. 1, Annexe 1 à l’Accord OTC). Par norme, la même annexe de l’accord entend un « document approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des produits ou des procédés et des méthodes de production connexes, dont le respect n'est pas obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de terminologie, de symboles, de prescriptions en matière d'emballage, de marquage ou d'étiquetage, pour un produit, un procédé ou une méthode de production donnés » (ch. 2, Annexe 1 à l’Accord OTC). Enfin, par procédure d'évaluation de la conformité, la même annexe de l’accord comprend « toute procédure utilisée, directement ou indirectement, pour déterminer que les prescriptions pertinentes des règlements techniques ou des normes sont respectées » (ch. 3, Annexe 1 à l’Accord OTC).

L’Accord relatif aux obstacles techniques au commerce reconnaît toutefois, à chaque Etat membre, la possibilité « de prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité de ses exportations, ou nécessaires à la protection de la santé ou de la vie des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux, à la protection de l’environnement, ou à la prévention de pratiques de nature à induire en erreur, aux niveaux qu’il considère appropriés » (consid. 6 Préambule Accord OTC). Il y était toutefois requis que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer « soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, et qu’elles soient par ailleurs conformes aux dispositions du présent accord » : l’accord imposait donc que les procédures d’évaluation de la conformité à des règlements techniques ou à des normes ne devaient pas avoir d’effet discriminatoire. De même, il était stipulé que « les procédures d'évaluation de la conformité seront élaborées, adoptées et appliquées de manière que les fournisseurs de produits similaires originaires du territoire d'autres Membres y aient accès à des conditions non moins favorables que celles qui sont 738 RS 0.632.231.41.

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accordées aux fournisseurs de produits similaires d'origine nationale ou originaires de tout autre pays, dans une situation comparable » (art. 5.1.1 Accord OTC), exprimant ainsi deux principes fondamentaux compris dans l’Accord GATT et fonctionnant comme des piliers du commerce multilatéral : celui de la nation la plus favorisée (Art. I) et celui du traitement national (Art. III).

L’Accord OTC opère une distinction importante : tout en soulignant, au moins par son placement dans le libellé du texte de l’Accord, le rôle central des procédures d'évaluation de la conformité appliquées par des institutions du gouvernement central (art. 5 Accord OTC), il prévoit également – dans un effort de décentralisation favorisant au maximum la fluidisation des échanges commerciaux - les procédures d'évaluation de la conformité appliquées par des institutions publiques locales (art. 7 Accord OTC), ainsi que par les organismes non gouvernementaux (art. 8 Accord OTC), en développant ainsi les dispositions de base quant à l’élaboration, l’adoption et l’application de règlements techniques par des institutions publiques locales et des organismes non gouvernementaux (art. 3 Accord OTC).

En outre, afin que les mesures précitées de l’Accord puissent réellement être mises en pratique, la partie finale du texte pose les bases d’une coopération interétatique axée sur deux volets : celui concernant les renseignements sur les règlements techniques, les normes et les procédures d'évaluation de la conformité (art. 10 Accord OTC) et celui de l’assistance technique aux autres Membres (art. 11 Accord OTC).

Une autre clause exprimant le multilatéralisme promu par cet accord était celle concernant le traitement spécial et différencié des pays en développement, membres de OMC, qui stipulait clairement que « dans l'élaboration et l'application des règlements techniques, des normes et des procédures d'évaluation de la conformité, les Membres tiendront compte des besoins spéciaux du développement, des finances et du commerce des pays en développement Membres, pour faire en sorte que ces règlements techniques, normes et procédures d'évaluation de la conformité ne créent pas d'obstacles non nécessaires aux exportations des pays en développement Membres » (art. 12.3 Accord OTC).

L’importance considérable de cet accord réside non seulement dans le fait d’avoir fixé le cadre juridique pour les développements analogues enregistrés au niveau bilatéral, voire régional, mais ressort également si on considère le nombre d’autres accords GATT ayant, directement ou indirectement, trait à l’Accord OTC, tels que l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires739, l’accord relatif à la mise en œuvre de l’art. VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994740, l’accord sur les règles d’origine741, l’accord sur les procédures de licences d’importation742, l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires743, ou l’accord sur les marchés publics744

Au niveau bilatéral, l’accord de libre-échange de 1972 avait déclenché le processus d’élimination des obstacles non tarifaires. Aussi bien l’interdiction d’introduire

.

739 RS 0.632.20, Annexe 1A.4. 740 RS 0.632.20, Annexe 1A.9. 741 RS 0.632.20, Annexe 1A.11. 742 RS 0.632.20, Annexe 1A.12 743 RS 0.632.20, Annexe 1A.13. 744 RS 0.632.231.422 (Annexe 4.b, partie de l’annexe 4 - concernent les Accords commerciaux plurilatéraux – à l’Accord instituant Accord instituant l’OMC, RS 0.632.20).

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de nouvelles restrictions quantitatives que celle visant les mesures d’effet équivalent, ainsi que les délais fixés pour l’élimination de ces entraves ont été des mesures ayant un effet positif sur l’évolution des échanges bilatéraux. Pourtant, vu la complexité des facteurs impliqués dans le déroulement des échanges économiques bilatéraux, elles étaient loin de suffire. D’autres obstacles non tarifaires affectaient continuellement et de manière considérable le commerce des marchandises : il s’agissait des différences de prescriptions relatives aux produits et de la non-reconnaissance des certificats de conformité. L’analyse va donc les présenter en fonction de deux données fondamentales : le champ d’application territoriale (avec les développements enregistrés dans l’espace communautaire et dans celui de la Suisse) et celui matériel (analysant le domaine des produits harmonisés et celui des produits non harmonisés).

b. Dans l’UE

1. Les produits harmonisés

Au sein de l’UE, les prescriptions avaient été harmonisées dans de nombreux domaines. Ces prescriptions englobaient, d’abord, les mesures concernant les produits proprement dits, telles que les normes de qualité, les prescriptions concernant leur emballage ou celles réglant leur étiquetage, ensuite, les mesures appliquées aux différents procédés rencontrés dans le commerce des marchandises, tels que la fabrication, le transport, le dépôt ou l’entretien et, enfin, les mesures fixant l’homologation dans les pays d’origine et de destination de la marchandise. En règle générale, les prescriptions techniques visaient dans leur ensemble à garantir la sécurité et la santé des consommateurs et à limiter autant que possible les dommages à l’environnement.

La réduction du nombre des entraves techniques au commerce représentait l'un des buts majeurs de la stratégie adoptée par Bruxelles afin de créer, au bénéfice de l’économie communautaire, les conditions capables d’apporter la prospérité économique aux populations des Etats membres, de faciliter les échanges commerciaux à l’intérieur de l’espace communautaire, et, partant, d’accroître sa force économique dans les échanges avec les partenaires commerciaux. Ce but se retrouvait également évoqué dans le Livre blanc relatif à l'achèvement du marché intérieur, document communiqué par la Commission au Conseil en juillet 1985745

Le démantèlement de ces entraves a fait continuellement l’objet d’une action concertée de l’UE, structurée sur la base de deux principes fondamentaux: le principe de l’harmonisation et celui de l'équivalence des différentes législations techniques nationales. Il est nécessaire de souligner que, dans l’espace communautaire, le premier choix de Bruxelles - quant aux actions de la Communauté menées afin de faciliter le commerce entre les Etats membres - a porté sur la mise en application des mesures pour « le domaine non harmonisé »

et qui se donnait pour tâche de mettre en place une stratégie visant l'élimination des frontières physiques (première partie), celle des frontières techniques (deuxième partie) ainsi que celle des frontières fiscales (troisième partie).

746

745 Doc. COM (85) 310 final du 14 juin 1985.

. Autrement dit, la Communauté devait utiliser la voie de l'harmonisation uniquement si, à cause d’une absence de compatibilité suffisante entre

746 Cf. infra p. 158ss.

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différentes réglementations nationales, le principe de l'équivalence des différentes législations techniques nationales ne portait pas ses fruits au niveau de la relance économique pour un secteur déterminé de l’économie communautaire.

Le terme même d’harmonisation impliquait la fixation de la part de la CE des règlements techniques uniformes pour les produits, en utilisant des instruments tels que les directives communautaires; celles-ci faisaient ensuite l’objet d’une transposition dans la législation nationale de chaque Etat membre. Seulement si cette validation effectuée au niveau national était complètement accomplie, marquant ainsi l’entrée en vigueur de la directive, alors les prescriptions matériellement uniformes pouvaient s'appliquer sur tout le territoire communautaire aux produits concernés. Pour définir ces situations, la doctrine a commencé à utiliser le terme de « domaine harmonisé ».

En fonction de la méthode de légiférer choisie par Bruxelles au fur et à mesure du développement de la politique communautaire dans les domaines harmonisés, il fallait, pourtant, opérer une nouvelle distinction.

Il y avait, d’abord, « l'ancienne approche » de l'UE : Bruxelles élaborait notamment des directives, ou, parfois également, des règlements directement applicables, établissant - de manière détaillée et extrêmement soucieuse pour chaque détail technique visé - les exigences relatives aux produits concernés. On peut citer comme exemples présentés à l’époque « les prescriptions sur les produits alimentaires, les médicaments, les produits chimiques ou les véhicules à moteur »747

Il y avait, ensuite, « la nouvelle approche », définie par le Conseil en mai 1985

. Les domaines soumis aux directives conformes à cette manière de travailler se sont continuellement rétrécis, preuve des difficultés reprochées à cette méthode : lourdeur administrative, paperasserie inutile, perte de temps, absence de cohérence et retard dans l’application de la législation communautaire.

748

A son tour, la nouvelle méthode avait été complétée en 1989 par « l'approche globale »

: Bruxelles se limitait uniquement à déterminer les "exigences essentielles" et renvoyait ensuite à certaines normes techniques permettant de satisfaire à ces exigences essentielles. Le travail d’élaboration de ces normes appartenait désormais aux organismes européens de normalisation.

749

747 CF, Message du 15 février 1995, FF 1995 II 502.

déterminant les procédures uniformes pour l’évaluation de la conformité des produits. Il y avait donc huit types de procédures, appelées "modules", qui étaient réglementés; le producteur, sur la base des règlements techniques, bénéficiait du choix entre plusieurs possibilités. En règle générale, un « organisme notifié » était chargé d’examiner et de certifier la conformité du produit ou des conditions de production (la soi-disant « assurance qualité ») aux prescriptions. A titre exceptionnel, une seule procédure (le module A), applicable à une grande partie des domaines des machines et des appareils électriques, prévoyait la possibilité de faire évaluer la conformité par le producteur lui-même. Le choix et la notification de ces organismes restaient une option des pays faisant partie de l’EEE, les seules conditions imposées par Bruxelles étant la sauvegarde de la compétence et la non ingérence dans leurs activités. Suivant l'entrée en

748 Résolution du Conseil de l'UE du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d'harmonisation technique et de normalisation (JOCE n° C 136 du 4 juin 1985). 749 Résolution du Conseil de l’UE n° 90/C 10/01 du 21 décembre 1989 concernant une approche globale en matière d'évaluation de la conformité (JOCE n° C 10 du 16 janvier 1990).

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vigueur définitive de ces réglementations, les produits concernés ne pouvaient être mis sur le marché de l'UE ou de l'EEE sans être munis du "marquage CE" apposé par le producteur : cette opération fournissait la preuve que le produit en question avait rempli toutes les exigences des directives pertinentes, y compris celles relatives aux procédures d'évaluation de la conformité.

Enfin, la révision de la « nouvelle approche » est intervenue en 2008 lors de l’élaboration d’un paquet législatif élargi visant les marchandises, qui se donnait pour but de consolider le fonctionnement du marché intérieur. Adopté avec des amendements, le 21 février 2008, par le Parlement européen et, le 23 juin 2008, par le Conseil de l’UE, ledit paquet de mesures visait à limiter le risque de distorsion de concurrence dû à des pratiques différentes de désignation des organismes d’évaluation de la conformité par les autorités nationales et les inégalités de traitement en ce qui concerne les produits non conformes ou dangereux, ensuite, à renforcer la confiance dans le marquage de conformité et, enfin, à donner une cohérence plus forte dans la mise en œuvre et l’application de ces dispositions. Il y avait trois instruments juridiques adoptés : d’une part, deux règlements, le premier750 réglementant l'application de certaines règles techniques nationales à des produits commercialisés légalement dans un autre État membre (ci-dessous le règlement sur le principe de la reconnaissance mutuelle), et le deuxième751, applicable à compter du 1er janvier 2010, introduisant des règles renforcées sur la surveillance du marché dans les buts de protéger les consommateurs contre les produits dangereux, y compris des produits importés dans la Communauté en provenance de pays tiers, et d’accroître la confiance dans l’évaluation de la conformité des produits, tout en renforçant le rôle de l'accréditation des organismes d'évaluation de la conformité; d’autre part, une décision qui – en précisant le rôle et la signification du marquage «CE» et en garantissant la protection - fixait un cadre juridique commun pour les produits industriels, qui servirait comme fondement pour les réglementations sectorielles futures, permettant également l’adoption à l’avenir des définitions et des procédures communes, simples et cohérentes, concernant la commercialisation des produits industriels752. Ce nouveau cadre juridique apportant des éléments nouveaux à la fois dans son ensemble et à l’intérieur de chaque instrument pris séparément, était censé « améliorer la libre circulation des marchandises, simplifier et moderniser les règles et les principes applicables au marché intérieur, renforcer les règles de sécurité des produits »753

.

750 Parlement européen et Conseil, règlement (CE) n° 764/2008 établissant les procédures relatives à l'application de certaines règles techniques nationales à des produits commercialisés légalement dans un autre État membre et abrogeant la décision n° 3052/95/CE, (JOUE n° L 218 du 13 août 2008). 751 Règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) n° 339/93 du Conseil (JOUE n° L 218 du 13 août 2008). 752 Décision n° 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 relative à un cadre commun pour la commercialisation des produits et abrogeant la décision 93/465/CEE du Conseil (JOUE n° L 218 du 13 août 2008). 753 Entreprise Europe, p. 3.

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2. Les produits non harmonisés : la jurisprudence Cassis de Dijon

Parallèlement à la réglementation des produits harmonisés, parfois dénoncée comme excessive par les opposants à un Bruxelles trop bureaucratique, le droit communautaire a prévu un système qui, à travers l’activité créatrice de droit entreprise par les juges communautaires quant aux dispositions des Traités, ainsi que, ultérieurement, par les efforts déployés par la Commission européenne pour guider la mise en application de l’adaptation nécessaire de ce régime, a fixé le cadre juridique nécessaire à la réglementation des produits non harmonisés.

Pour réaliser la libre circulation des produits à l’intérieur du Marché commun, les traités communautaires ont prévu, dès le début de la construction du marché intérieur, l’interdiction des obstacles techniques aux échanges commerciaux. Les instruments utilisés dans ce but ont été, d’une part, l’art. 28 (ancien art. 30 TCE, nouvel art. 34 TfUE) énonçant le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et des mesures d’effet équivalent et, d’autre part, et l’art. 30 (ancien art. 36, nouvel art. 36 TfUE) du Traité CE.

Pendant longtemps, la CJCE avait considéré que les obstacles techniques aux échanges étaient conformes au Traité s'ils étaient limités à l'obligation pour les produits importés de respecter les dispositions imposées aux produits nationaux. Par ailleurs, la CJCE avait toujours estimé que les réglementations applicables aux seuls produits nationaux étaient licites même si elles créaient une discrimination à rebours à leur détriment, à condition qu'elles n'interviennent pas dans un domaine harmonisé au niveau européen754

Le changement de la Cour est intervenu au début des années ’70 avec, dans un premier temps, l’arrêt « Dassonville »

.

755

Les juges de Luxembourg ont rendu ensuite le fameux arrêt « Cassis de Dijon »

, dans lequel il était clairement statué que «toute réglementation commerciale des Etats susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire est à considérer une mesure d‘effet équivalant à des restrictions quantitatives» (consid. 5).

756

Par conséquent, même dans les domaines non harmonisés, les Etats n’étaient plus libres d’imposer des réglementations nationales à leur bien plaire. Ils devaient se limiter donc à prendre des dispositions justifiées par des motifs d’intérêt général, tels que ceux de l’ancien art. 30 TCE, ou par « des exigences impératives d’intérêt général, tenant notamment à l’efficacité de contrôles fiscaux, la protection de la santé publique, la loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs » (consid. 8).

. Le litige concernait un importateur allemand de la liqueur de cassis de Dijon, la société allemande Rewe-Zentral AG, qui se voyait interdire l’importation de celle-ci en Allemagne, la teneur en alcool du liquide étant inférieure au taux minimal prescrit pour une liqueur dans ce pays. Dans l’argumentation qui donnait gain de cause à l’importateur allemand, la CJCE affirmait que « tout produit légalement fabriqué et commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être commercialisé dans un autre Etat membre » (consid. 14).

754 AGUILAR, Questions et réponses, p. 1. 755 CJCE, Aff. 8/74. 756 CJCE, Aff. 120/78.

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Chapitre 1 Les produits industriels

159

La CJCE a allongé au fil des années la liste des exigences impératives : ainsi y ont été successivement incorporées la protection des travailleurs757, la défense de la création cinématographique758, aussi bien que la protection du consommateur759, sans oublier la protection de l’environnement760. Pour le dernier cas, « l’apport jurisprudentiel s’avère particulièrement bienvenu, puisque l’environnement au même titre que la protection des consommateurs figure parmi les grands absents du Traité de Rome dans sa version originaire»761

La doctrine a synthétisé aussi d’autres domaines couverts au fur et à mesure des développements jurisprudentiels communautaires, « tenant à la standardisation, aux objectifs légitimes de politique économique et sociale, à la lutte contre l’inflation, à l’assainissement des finances publiques et à la protection des œuvres et valeurs culturelles »

.

762

La portée de l’arrêt Cassis de Dijon ressort très bien de la formulation suivante : « cet arrêt, qui (…) a donné lieu à une abondante littérature, y compris de manière à l’époque inhabituelle, à un commentaire officiel de la Commission

.

763, a marqué une étape décisive dans l’évolution de la jurisprudence relative à la prohibition des restrictions quantitatives et des mesures d’effet équivalent. Cette prohibition est au même titre que celle des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, indispensable à l’établissement d’un espace économique unifié au sein duquel s’applique, sans restrictions, ni entrave, la libre circulation des marchandises »764

L’application, depuis un quart de siècle déjà, du principe «Cassis de Dijon» a été faite non seulement à l’aide d’une riche jurisprudence, mais a également et constamment fait l’objet d’une surveillance renforcée de la part de la Commission européenne, à travers des communications

.

765 et rapports766 censés guider la bonne mise en pratique par les Etats membres : cela s’est fait par Bruxelles constamment et avec une attention accrue car, dans ses efforts visant la réduction du nombre des entraves techniques au commerce, la stratégie de l’UE avait eu comme premier choix l’application du principe de l'équivalence des différentes législations techniques nationales767

Malgré le succès des mesures adoptées, ayant renforcé la cohésion d’action de l’économie communautaire, il était pourtant impossible d’éliminer toutes les entraves au commerce bilatéral. Par conséquent, des étapes supplémentaires ont été franchies au niveau de l’économie européenne, telles que les développements enregistrés quant au principe de la reconnaissance mutuelle, preuve de la prise de conscience de l’importance de ce principe pour la bonne santé de l’économie de l’UE. Sur une très courte période, plusieurs instruments y ont fait référence.

.

757 CJCE, Aff. 60 & 61/84. 758 CJCE, Aff. C-154/88. 759 CJCE, Aff. C-184/96 & Aff. C-220/98. 760 CJCE, Aff. 240/83. 761 DUBOIS & BLUMANN, Droit matériel de l’Union européenne, p. 251. 762 KELLER, L’élimination des entraves techniques, p. 76. 763 JOCE n° C 256 du 3 octobre 1980, p. 2. 764 BOULOUIS & CHEVALLIER, Grands arrêts de la Cour de justice des communautés européennes, p. 16. 765 Commission, Communication Cassis de Dijon, p. 2; Commission, Faciliter l’accès de produits au marché d’un autre Etat membre, p. 2. 766 Commission, Deuxième rapport biennal 2002. 767 CF, Message du 15 février 1995, FF 1995 II 501.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

160

D’abord, la Communication de la Commission « La reconnaissance mutuelle dans le cadre du suivi du plan d'action pour le marché intérieur »768, rendue suite à l'invitation du Conseil « Marché intérieur » de mars 1998, effectuait une analyse des difficultés constatées dans l'application de la reconnaissance mutuelle, en observant des obstacles pour l’application dudit principe (des contrôles qui ne sont pas toujours nécessaires interviennent dans les pays de destination; des délais administratifs, des coûts de procédure et une inaptitude à traiter des questions complexes; un manque de confiance réciproque dans les actes des autres États membres). Ensuite, la résolution du Conseil, du 28 octobre 1999, sur la reconnaissance mutuelle769, dans laquelle cette institution soulignait l'importance de la reconnaissance mutuelle pour le bon fonctionnement du marché intérieur, but pour lequel il est nécessaire de combiner d'une manière cohérente la législation harmonisée, la normalisation, les instruments permettant la vérification de la conformité et la reconnaissance mutuelle. En outre, la Communication interprétative de la Commission, intitulée « Faciliter l'accès de produits au marché d'un autre État membre: l'application pratique de la reconnaissance mutuelle »770, visait à clarifier le principe de la "reconnaissance mutuelle" et à aider ainsi les entreprises et les administrations nationales à mieux l'appliquer. De même, des rapports biennaux sur l'application du principe de reconnaissance mutuelle dans les marchés de produits et de services : le premier771 étant moins efficace que le deuxième772, qui estimait que beaucoup de progrès restent à faire dans le domaine des services, des produits techniquement complexes ou de ceux qui peuvent poser des problèmes de sécurité ou de santé. Enfin, la résolution du Conseil, du 24 juin 1999, relative à la gestion des accords de reconnaissance mutuelle773

Comme l’analyse va montrer ci-dessous, l’évolution enregistrée quant à la mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle avait lieu dans une période relativement similaire avec les développements connus par la législation suisse en la matière

dans laquelle le Conseil invitait la Commission à, premièrement, élaborer une proposition relative aux principes directeurs pour la gestion des accords de reconnaissance mutuelle avec des pays tiers et à élaborer un accord type pour les futures négociations, deuxièmement, à élaborer un vade-mecum expliquant les accords de reconnaissance mutuelle et leur mise en œuvre et, finalement, à établir périodiquement des rapports relatifs à la mise en œuvre des accords en vigueur.

774

La réalité du terrain avait dernièrement indiqué des nouveaux dysfonctionnements majeurs quant à l’application dudit principe

.

775

768 COM (1999) 299 final.

, ce qui a déterminé la Commission à

769 JOCE n° C 141 du 19 mai 2000. 770 C/2003/3944 - JOUE n° C 265 du 4 novembre 2003. 771 SEC (1999) 1106. 772 COM (2002) 419 final. 773 JOCE n° C 190 du 7 juillet 1999. 774 Cf. infra p. 165ss. 775 Commission, Le marché intérieur des marchandises : « Certaines règles techniques nationales constituent toujours d’importants obstacles à la liberté des échanges dans l’Union. Des faiblesses dans l’application des règles du traité et le contrôle de leur respect, surtout dans les secteurs non harmonisés, sont considérées comme représentant une entrave majeure, en particulier pour les PME. (…) De nombreuses dispositions européennes sont critiquées pour leur lourdeur ou leurs incohérences: les acteurs concernés déplorent les incertitudes et les incohérences qui subsistent

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Chapitre 1 Les produits industriels

161

réagir : une proposition de règlement a été ainsi avancée, le 14 février 2007, afin de repenser le principe de la reconnaissance mutuelle au sein du marché intérieur776

Cette proposition de règlement était partie intégrante du paquet législatif précité élargi visant les marchandises

.

777. Adopté en tant que règlement, l’instrument juridique en cause définissait les normes régissant le principe de la reconnaissance mutuelle778

: en premier lieu, il établissait de manière plus claire, à l’art. 2 ch. 1, la procédure à suivre par les autorités nationales qui entendent interdire la mise sur le marché de produits importés d’un autre Etat membre de la CE (let. a), exiger la modification du produit ou la réalisation d’essais supplémentaires (let. b), ou le retrait du produit (let. c). Avec la charge de la preuve incombant à l’autorité qui limite ou interdit l’accès à son marché, la nouvelle procédure doit respecter les délais suivants: l’opérateur économique dispose de vingt jours ouvrables à compter de la notification par l’autorité compétente pour envoyer ses observations à cette dernière (art. 6 ch. 1 par. 3). L’autorité dispose ensuite de vingt jours ouvrables pour rendre sa décision, avec possibilité de prolonger une fois ce délai, au maximum de vingt jours ouvrables (art. 6 al. 2). En outre, les décisions des autorités nationales doivent pouvoir faire l’objet d’un recours devant les juridictions nationales ou d’autres instances de recours (art. 7 al 3). Dans le but de favoriser la transparence de la procédure, le règlement prévoit enfin, à l’art. 9, la création dans chaque Etat membre de points de contact obligés de veiller quant à la transmission d’informations, soit sur les règles techniques applicables (al. 1 let. a), soit sur les coordonnées des autorités compétentes dans l’Etat membre et les voies de recours (al. 1 let. b).

c. En Suisse

Sur le plan des efforts visant à rendre « euro compatible » la législation interne suisse suite à la débâcle enregistrée lors de la votation sur l’EEE, la Suisse a adopté une stratégie axée sur deux réformes : d'une part, l'harmonisation croissante et autonome des prescriptions techniques suisses avec celles de la CE et, d'autre part, la conclusion des accords internationaux avec les partenaires commerciaux. 1. Les produits harmonisés

1.1. LETC et LMI

En 1995, le Conseil fédéral avait présenté la Loi fédérale sur les entraves

techniques au commerce (ci-dessous LETC779

La loi faisait partie de la stratégie économique développée par le Conseil fédéral suite aux évolutions ayant eu lieu sur le plan interne, avec le rejet de l’EEE, et international, avec l’instauration d’un régime spécifique dans le cadre OMC. Le Conseil

), qui se donnait pour but d’empêcher la création d’entraves techniques au commerce et l’élimination des entraves déjà existantes.

dans le corpus réglementaire de l’Union. Ainsi, des définitions différentes coexistent pour un même produit, tandis que d’autres notions fondamentales ne sont pas définies du tout » (p. 6). 776 Commission, Document accompagnant la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil. 777 Cf. supra p. 157. 778 Règlement (CE) n° 764/2008. 779 RS 946.51.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

162

fédéral s’exprimait très clairement sur ces circonstances externes : « Parmi les traités auxquels la Suisse participe, l’Accord GATT du 12 avril 1979 relatif aux obstacles techniques au commerce est, en ce qui concerne les règlements techniques, le plus important. 43 Etats, dont les principaux partenaires commerciaux de notre pays, avaient ratifié cet accord fin 1993. Celui-ci a également été repris avec quelques modifications dans l'acte final de l'Uruguay Round, signé le 15 avril 1994 et complété par l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires. Les deux textes lieront désormais l'ensemble des Etats membres du GATT, soit plus de 100 pays »780

La LETC était une loi-cadre, autrement dit nécessitant plusieurs adaptations des nombreuses prescriptions sectorielles en vigueur. Son but principal visait la prévention de nouvelles entraves techniques au commerce (art. 1 al. 1 LETC) affectant le commerce bilatéral dans toutes les phases et à tous les niveaux de l'élaboration, de l'adoption et de l'application des règlements techniques (art. 1 al. 2 let. a LETC). Son champ d’application matérielle concernant « tous les domaines dans lesquels la Confédération a édicté des prescriptions techniques » (art. 2 al. 1 LETC), la loi faisait une distinction importante entre les prescriptions techniques (art. 3 let. a LETC) et les normes techniques (art. 3 let. b LETC), les premières étant des règles de droit adoptées par l'Etat alors que les dernières, sont, « en règle générale, élaborées et adoptées par des organisations privées et que leur application est volontaire »

.

781

Il est important de souligner ici le rôle du Conseil fédéral : bien que le projet propose en plusieurs points de transférer au Conseil fédéral la compétence de conclure des accords internationaux pour l'ouverture mutuelle des marchés dans le domaine des règlements techniques (art. 14 LETC), le gouvernement ne peut agir que selon « les compétences et les tâches » attribuées par la LETC (art. 1 al. 2 let. b LETC) et visant « exclusivement des questions de procédure et de coopération »

.

782, étant obligé toujours de « s'en tenir au champ d'application, aux buts de la présente loi en général et aux principes régissant la préparation, l'adoption et la modification des règlements techniques (articles 4 à 6 LETC) »783

Suivant la structure du texte législatif, aussi bien dans sa rédaction initiale.

784

Il y a, en premier lieu, les articles (articles 4 à 7 LETC) s'adressant, dans une démarche préventive, uniquement au « législateur fédéral »

que dans son libellé présent, la LETC est partagée en trois grandes catégories de dispositions.

785

En deuxième lieu, le texte contient des dispositions s'adressant premièrement « aux autorités »

et contenant des principes qui devaient être pris en compte lors de l'élaboration, de l'adoption et de la modification des règlements techniques. En outre, il fallait inclure dans cette catégorie également l’art. 8, disposition qui réglemente le contrôle du Conseil fédéral sur tous les organismes qui procèdent à des essais, à l'évaluation de la conformité, à l'enregistrement ou à l'homologation.

786

780 CF, Message du 15 février 1995, FF 1995 II 499.

(articles 9 à 18 LETC et les articles 2l à 24 LETC); la loi fixe ainsi les conditions favorisant la limitation, de manière efficace et sur une vaste échelle, des

781 Id., FF 1995 II 495. 782 Id., FF 1995 II 554. 783 Id., FF 1995 II 529. 784 RO 1996 1725. 785 CF, Message du 15 février 1995, FF 1995 II 511. 786 Ibid.

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Chapitre 1 Les produits industriels

163

entraves techniques au commerce en Suisse grâce aux mécanismes modernes, tels que la création et la délégation de compétences (art. 10 LETC), ainsi qu'à la description de procédures (articles 21 et 22 LETC, sur l’entraide administrative qui s’est déroulée en Suisse et à l’étranger). Il est nécessaire de noter que, afin de « permettre aux autorités et aux particuliers d'être informés rapidement et d'une manière fiable sur les règles techniques de la Suisse et des autres Etats »787, la loi avait requis la création d’un centre national de renseignements sur les prescriptions et les normes techniques (art. 13 LETC), conçu selon la condition imposée par l'art. 10 Accord du GATT 1979 relatif aux obstacles techniques au commerce. Cette tâche a été déléguée, en vertu de l'art. 3 de l'ordonnance de notification788

La troisième catégorie de dispositions s'adresse en revanche « à tous les sujets de droit »

, à la SNV, organisme qui bénéficie, depuis 1991, d'un centre suisse de renseignements sur les règles techniques (Switec). Sur la base de l'art. 27 de ladite ordonnance, ce mandat est fixé de manière détaillée dans un contrat de droit public conclu entre la SNV et le Département fédéral de l'économie publique, notamment en ce qui concerne la question de la rémunération (art. 13 al. 2 LETC).

789. D’une part, il y a les dispositions réglant certains principes relatifs au respect des règlements techniques et aux preuves de conformité qui s'y rapportent (articles 17 et 18 LETC), ainsi que celles fixant le contrôle ultérieur, ou la surveillance du marché (articles 19 à 20 LETC); d’autre part, la loi institue des sanctions pénales en cas de violation de ces prescriptions (articles 25 à 32 LETC) qui visent « à garantir que la responsabilité propre des agents économiques - renforcée par la LETC dans le domaine des règlements techniques - ne pourra conduire à une violation du droit sans lourdes conséquences »790

Une première modification de la LETC a eu lieu suite à la révision de la Convention AELE en 2001

.

791. D’abord, le préambule de la loi était reformulé : la citation de la Convention de Tampere était supprimée, car le Conseil fédéral indiquait que cette mention « n’a plus de raison d’être, dans la mesure où cette convention est remplacée par l’annexe I » 792 à la Convention AELE révisée. Ensuite, toutes les trois dispositions concernées (les articles 6 lettres a et b, 14 alinéas 2 et 3, et 15793) ont été complétées par de nouvelles conditions concernant des « prescriptions ou des normes concernant les services ». Le gouvernement expliquait d’abord que cette formulation couvrait « intentionnellement tous les services et non seulement ceux liés à la société de l’information »794

787 Id., FF 1995 II 563.

comme c’était le cas lors de ladite révision. Il continuait et indiquait que, vu la formulation non exhaustive de la liste des compétences du Conseil, ainsi que tenant compte du sens et du but de l’art. 14, qui octroyait au Conseil fédéral une compétence directe de conclure des accords internationaux incluant également la procédure d’information (art. 6 LETC), il considérait que, « sur la base de l’art. 47bisb al. 3, let. c, de la loi fédérale du 23 mars 1962 sur la procédure de l’Assemblée fédérale,

788 RS 632.32. 789 CF, Message du 15 février 1995, FF 1995 II 511. 790 Ibid. 791 Cf. supra p. 95. 792 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4743. 793 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 14 décembre 2001, en vigueur depuis le 1er juin 2002 (RO 2002 883 884; FF 2001 4729). 794 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4743.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

164

ainsi que sur la forme, la publication et l’entrée en vigueur des actes législatifs795, en relation avec l’art. 6 et l’art. 14 al. 1 (LETC), le Conseil fédéral disposerait déjà de la compétence de conclure des accords internationaux relatifs aux prescriptions et normes concernant les services »796

Outre l’ajustement d’une précision formelle, en bas de page, engendrée par la création du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui s’est vu transférer les compétences de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures

.

797 (art. 18 al. 3 LETC), c’est lors de la révision du droit pénal suisse que la LETC a connu des nouvelles modifications, concernant ses dispositions pénales (articles 23 à 26 ainsi que 29 et 30 LETC798). Le changement n’affectant pas le champ matériel justifiant la répression pénale, les modifications concernaient seulement le type de la peine encourue par le coupable. Le Conseil fédéral s’expliquait : « pour l'adaptation des sanctions prévues dans les autres lois fédérales, c'est la clef de conversion799 de l'article 333 CP qui s'appliquera. (…) Sitôt le présent projet adopté, ces travaux devraient toutefois être réalisés rapidement afin de répondre aux impératifs de la sécurité du droit »800; en outre, il minimisait l’impact des nouvelles sanctions pénales contenues dans des lois telles que la LETC, vu que « la grande majorité des condamnations a été prononcée sur la base de la loi fédérale sur la circulation routière801, de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers802 et de la loi fédérale sur les stupéfiants803. Additionnées à celles qui ont été prononcées en application du code pénal, ces condamnations représentent près de 90% des condamnations prononcées en Suisse »804

Enfin, les dernières modifications, et les plus substantielles quant au contenu matériel de la loi, la LETC les a connues lors de l’introduction dans le droit suisse du principe jurisprudentiel communautaire Cassis de Dijon, dans le cadre des mesures visant le renforcement du commerce bilatéral pour les produits non harmonisés; elles font l’objet d’un examen détaillé ci-dessous

.

805

Dans le cadre des mêmes efforts pour adapter de manière autonome la législation suisse aux développements connus par l’espace communautaire, il importe de signaler le fait que, bien avant que le principe Cassis de Dijon connaisse le débat ayant animé la société suisse quant à son rôle dans la poursuite des rapports économiques bilatéraux, il y a eu déjà l’insertion des fondements dudit principe dans le système juridique suisse dès

.

795 RS 171.11. 796 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4744. 797 Art. 5 de l’Ordonnance du 14 juin 1999 sur l’organisation du Département fédéral de l’économie, RS 172.216.1; voir RO 2000 187, art. 16. 798 Nouvelle teneur selon l'art. 333 du code pénal (RS 311.0), dans la teneur de la LF du 13 décembre 2002, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (RO 2006 3459). 799 Cette clef de conversion applique « le principe selon lequel la quotité de la peine, c'est-à-dire le minimum et le maximum de la peine encourue, ne doivent pas être modifiée » (CF, Message du 21 septembre 1998, FF 1999 II 1960). 800 FF 1999 II 1996. 801 RS 741.01. 802 RS 142.20. 803 RS 812.121. 804 CF, Message du 21 septembre 1998, FF 1999 II 1960. 805 Cf. infra p. 171ss.

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Chapitre 1 Les produits industriels

165

les premiers instants suivant le « dimanche noir » de 1992806 : au moment où le Conseil fédéral cherchait les moyens pour échapper à l’isolement économique qui se profilait, l’idée de donner un nouvel élan à l’économie suisse est passée à travers des instruments législatifs adoptant le modèle communautaire. En effet, parmi les mesures adoptées dans le cadre des négociations précédant la signature des Bilatérales de 1999, l’art. 2 LMI807

Vu que la loi reprenait également les limitations prévues à la liberté d’accès au marché

reprenait la philosophie du principe Cassis de Dijon : « toute personne a le droit d’offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur le territoire suisse pour autant que l’exercice de l’activité lucrative en question soit licite dans le canton où elle a son siège ou son établissement ».

808, il y avait donc une incorporation dans la législation suisse – afin de faciliter les échanges commerciaux au niveau intercantonal - d’un des principes fondamentaux de la construction européenne, affirmés et protégés par la CJCE quant à leur mise en pratique. En commentant l’application du principe Cassis de Dijon dans la Communauté européenne et sa reprise à l’intérieur du marché suisse, la doctrine affirmait qu’alors que « la jurisprudence Cassis-de-Dijon, telle qu’elle a été reprise par le Conseil et la Commission, a pour but de réaliser une harmonisation horizontale, là où l’harmonisation verticale s’avère inutile, trop longue et trop difficile à obtenir »809, avec la LMI « le législateur helvétique a manifestement cherché un palliatif à l’harmonisation insuffisante des législations cantonales »810

Pourtant, en raison du fait que l’adaptation autonome de ladite législation suisse ne permettait pas, à elle seule, d’éliminer toutes les entraves au commerce bilatéral, il fallait donc pour les autorités suisses activer également le deuxième volet de la stratégie post 1992, c'est-à-dire la conclusion des accords internationaux avec les partenaires commerciaux. Cela s’imposait d’autant plus vu que, bien que les prescriptions suisses soient devenues équivalentes à celles existant sur le marché communautaire, l’examen de conformité – nécessaire à la commercialisation du produit suisse sur ledit marché – restait encore obligatoire, impliquant des retards et des coûts supplémentaires.

.

1.2. L’Accord de reconnaissance mutuelle de 1999

Sans la reconnaissance mutuelle des examens de conformité, les produits suisses destinés au marché de l’UE continuaient d’être soumis à l’obligation d’un double examen de conformité, une première fois effectué auprès d’un organe de certification en Suisse et une seconde fois à l’entrée sur le territoire de l’UE : ces procédures constituaient de vrais obstacles au commerce, entraînant des pertes considérables d’argent et des retards importants dans la chaîne commerciale. C’est à cet échelon précis, dans le système de la commercialisation d’une marchandise sur le territoire de l’autre partie, que Berne et

806 Formule utilisée par le conseiller fédéral pro-européen Jean-Pascal Delamuraz, au soir du refus en votation populaire de l'adhésion de la Suisse à l’EEE. 807 RS 943.02. 808 Art. 6 LMI; en droit européen, bien que différentes quant à leur formulation par la jurisprudence – exigences impératives en matière de libre circulation des marchandises et exigences impérieuses en matière de liberté d’établissement ainsi que de libre prestation de service – les deux notions ont pourtant des contenus semblables. 809 MARTENET & RAPIN, Le marché intérieur suisse, p. 16. 810 Id., p. 18.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

166

Bruxelles ont décidé d’intervenir. Signé le 21 juin 1999 en tant que partie de l’ensemble des Accords bilatéraux I, l’Accord sur la reconnaissance mutuelle (ci-dessous ARM 1999) a été accepté par le peuple suisse en votation populaire le 21 mai 2000, et est entré en vigueur le 1er juin 2002811

L’accord contient un préambule ayant une triple importance : ainsi, il établit le lien avec l’ALE (consid. 2), inscrit cet instrument juridique dans le cadre large des efforts accomplis au niveau multilatéral, surtout tenant compte de la volonté affichée dans l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (consid. 5, Préambule Accord OTC

.

812

Le principe de la reconnaissance mutuelle était énoncé de la manière suivante : pour toutes les catégories de produits visés par cet instrument bilatéral et dans le but déclaré « d’éviter la duplication des procédures », l’accord introduisait l’acceptation mutuelle, par les deux parties, des rapports, certificats, autorisations et marques de conformité provenant des « organismes figurant à l’annexe 1 » (art. 1 al. 1 ARM 1999), ainsi que des déclarations de conformité du fabricant, attestant la conformité à leurs exigences respectives; le texte imposait comme conditions : l’équivalence des exigences suisses et communautaires, « la conformité avec la législation communautaire » pour les rapports, certificats, autorisations et déclarations de conformité du fabricant (art. 1 al. 2 ARM 1999), ainsi que le caractère identique des marques de conformité exigées par la législation d’une Partie avec celles apposées sur les produits mis sur le marché de cette Partie (art. 1 al. 2 ARM 1999 in fine).

), en laissant une porte ouverte pour la conclusion d’accords parallèles entre la Suisse et les pays membres à la fois de l’AELE et de l’EEE (consid. 8).

Par la lecture conjointe de l’art. 3 et de l’annexe 1 de l’accord, les parties avaient établi une liste exhaustive des produits tombant dans le champ d’application de l’ARM: les machines, les équipements de protection individuelle, les jouets, les dispositifs médicaux, les appareils à gaz, les appareils à pression, les équipements terminaux de télécommunication, les appareils et systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphère explosible, la sécurité électrique et compatibilité électromagnétique, les engins et matériels de chantiers, l’instrument de mesurage et préemballage, les véhicules à moteur, les tracteurs agricoles ou forestiers, les bonnes pratiques de laboratoire813, les bonnes pratiques de fabrication des médicaments814

811 Accord entre la Confédération suisse et la CE relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité (RS 0.946.526.81). Vu les modifications apportées au texte de l’accord, il est nécessaire de faire la distinction entre le texte ayant toujours été en vigueur (ci– dessous ARM) et le texte original de l’accord (RO 2002 1803, FF 1999 5440) qui n’est plus en vigueur (ci-dessous ARM 1999).

et les certifications de lots (Annexe 1 ARM). La lecture de cette liste indique que les secteurs les plus visés étaient l’industrie des machines, les entreprises chimiques et pharmaceutiques ainsi que les fabricants de produits médicaux et d’appareils de mesure. En revanche, des produits tels que « les substances chimiques, les produits phytosanitaires, les biocides et les produits de

812 Cf. supra p. 152. 813 Connues également sous le nom des examens GLP (Good Laboratory Practices) nécessaires pour l’enregistrement de substances chimiques. 814 Connues également sous le nom des inspections GPM (Good Manufacturing Practices) pour les différencier des autorisations de médicaments qui, dépourvues d’une reconnaissance réciproque, n’entrent pas dans le champ d'application de l’accord.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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construction »815 restaient en dehors du champ d’application de l’accord de 1999. En mars 2008 pourtant, comme preuve du caractère évolutif de l’ARM, les deux parties ont décidé d’étendre le champ d’application des accords aux produits de construction816

L’art. 4 ARM 1999 établissait le régime juridique pour l’origine des biens : l’accord s’appliquait ainsi « aux produits originaires des Parties » (al. 1), ainsi qu’aux produits des Etats membres à la fois de l’AELE et de l’EEE si des accords de reconnaissance mutuelle d’évaluation de la conformité existent entre Berne et ces Etats (al. 2); l’accord s’appliquait également au cas où les biens faisaient l’objet d’une déclaration sur facture prévue au Protocole n° 3 de l’ALE (al. 4). L’accord contenait dans l’Acte final une prise de position commune par laquelle les Parties contractantes s’engageaient à revoir l’art. 4 de l’accord « notamment afin d’inclure les produits originaires d’autres pays, une fois que les parties auront conclu avec ces pays des accords de reconnaissance mutuelle relatifs à l’évaluation de la conformité »

. Il importe d’observer que cette annexe pouvait faire l’objet non seulement d’une révision (art. 18 ARM), mais, à titre particulier, également d’une suspension, totale ou partielle, « si une Partie constate que l’autre Partie ne respecte pas les conditions du présent accord » (art. 19 ARM). Enfin, il est essentiel de signaler que seuls les domaines harmonisés dans l’UE ont pu être inclus dans l’accord.

817

L’ARM contenait en outre un ensemble d’articles assez « techniques » mettant en place le cadre juridique pour l’activité des autorités de désignation : il y avait ainsi des normes sur les organismes d’évaluation de la conformité (art. 5 ARM 1999), les autorités de désignation (art. 6 ARM 1999), la vérification des procédures de désignation (art. 7 ARM 1999) ou celle des organismes d’évaluation de la conformité (art. 8 ARM 1999).

.

L’art. 11 ARM 1999, fixant les règles pour l’inclusion et le retrait des organismes d’évaluation de la conformité, était conçu comme un des articles clefs dans la procédure de reconnaissance mutuelle, dont l’amélioration de son fonctionnement a été le moteur des changements intervenus en 2007. Dans sa variante initiale, ladite disposition octroyait un rôle accru au Comité de l’accord, au détriment de la célérité des procédures requise afin d’encourager des échanges bilatéraux : on pouvait noter, d‘abord, l‘obligation des parties, « désirant qu’un organisme d’évaluation de la conformité soit inclus ou retiré de l’annexe 1 » de notifier une proposition de décision y relative au Président du Comité (art. 11 let. a ARM 1999), ensuite, la compétence du Comité de prendre une telle décision (art. 11 let. b ARM 1999) et, enfin, le pouvoir du Comité « de retirer un organisme de l’annexe 1 » (art. 11 let. e ARM).

Il fallait également observer la mise en place d’un Comité pour la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité (art. 10 ARM). Celui-ci était chargé d’une part, à l’image de son organe équivalent dans le cadre de l’ALE, d’attributions concernant le bon fonctionnement de l’accord, telles que la formulation des recommandations, la prise des décisions ou l’adoption d’un règlement intérieur (art. 10 al. 2 ARM); d’autre part, lançant un modèle qui sera adopté pour l’ensemble des Accords bilatéraux I, le Comité était investi, à travers une clause de règlement diplomatique

815 DFAE/DFE, Les sept accords bilatéraux, p. 22. 816 Décision n° 1/2008 concernant l’inclusion dans l’annexe 1 d’un nouveau chapitre 16 sur les produits de construction, adoptée le 12 mars 2008, entrée en vigueur pour la Suisse le 12 mars 2008, RO 2009, p. 217. 817 Déclaration commune des Parties contractantes relative à la révision de l’art. 4, RO 2002 1886.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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analogue à celle figurant dans l’ALE, de pouvoirs pour régler les différends liés à l’interprétation ou à l’application de l’ARM 1999. La terminologie choisie représentait pourtant un pas supplémentaire, le Comité bénéficiant d’un moyen plus fort pour assurer son respect, suite à l’introduction d’un libellé soigneusement choisi pour définir la manière institutionnelle d’agir ainsi que d’une notion qui faisait défaut dans l’Accord de libre-échange de 1972 : « le comité s’efforce de régler le différend » pour arriver à « une solution acceptable » pour les deux parties (art. 14 ARM 1999).

A côté de ladite annexe 1, exhaustive et limitant le champ d’application matériel de l’ARM, l’accord indiquait l’existence d’une deuxième annexe (art. 3 ch. 3 ARM), contenant les principes généraux de désignation des organismes d’évaluation de la conformité : on y trouvait le principe définissant les éléments nécessaires pour encadrer le concept de compétence technique (Annexe 2 ch. 3), et celui selon lequel l’accréditation constitue une présomption de compétence technique des organismes d’évaluation de la conformité pour l’application des exigences fixées par l’autre Partie (annexe 2 ch. 6 let. a ). En cas d’absence des éléments constituant le deuxième principe, les parties prévoyaient aussi une clause « de secours », importante vu que son contenu fait un renvoi aux normes réglant au niveau multilatéral l’élimination des obstacles techniques au commerce818

La principale conséquence découlant de l’art. 1 ARM 1999, véritable noyau dur de la réforme apportée par cet accord, consistait dans la possibilité pour l’exportateur suisse d’effectuer un seul examen de conformité, selon les prescriptions du droit communautaire, dans un organisme de certification suisse indiqué dans l’accord. La variante avec deux examens - un selon les normes suisses, l’autre selon la législation européenne - restait quand même possible, au cas où les prescriptions suisses différaient de celles communautaires (Chapitre 14, Section V, par. 2, 2ème al. et Chapitre 15, Section III, par. 3, let. b de l’Annexe 1). Vu les économies réalisées en termes financiers, ou tenant au fait de la limitation considérable des retards enregistrés dans la circulation des marchandises, les milieux économiques se sont montrés contents des avantages découlant de l’introduction du système de l’examen unique de conformité. Le commerce bilatéral des produits industriels n’a eu qu’à gagner de l’introduction du nouveau régime, plus souple dans les procédures administratives appartenant aux deux parties. Dans tous les échelons de la production, les avantages ont pu être mesurés sans difficulté : en partant des fabricants et jusqu’au consommateur, les nouveautés introduites par le régime de la reconnaissance mutuelle ont pu éliminer un nombre important d’obstacles techniques au commerce, aussi bien au niveau de la fabrication que de la distribution, ou même par rapport aux coûts de développement. En outre, l’encouragement donné suite à l’allégement de la procédure administrative a favorisé également l’introduction de nouveaux produits sur le marché. Enfin, il faut déceler un effet indirect découlant de ce changement de régime: la perception sur la place économique suisse a aussi changé, avec des investisseurs européens ayant plus de facilité dans leurs démarches, leur nombre en augmentation fortifiant une concurrence bénéfique pour le consommateur helvétique.

.

818 « En l’absence de système d’accréditation ou pour d’autres raisons, les autorités responsables demandent aux organismes d’évaluation de la conformité de fournir la preuve de leur compétence par d’autres moyens tels que: la participation à des arrangements régionaux ou internationaux de reconnaissance mutuelle ou à des systèmes de certification » (annexe 2 ch. 6 let. b).

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Chapitre 1 Les produits industriels

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Pour saisir les effets positifs que l’accord était supposé produire pour l’économie suisse, il suffit de souligner que, dans un document officiel important émis peu après l’entrée en vigueur dudit accord, il était écrit de manière significative « inconvénients : aucun »819. En outre, une analyse de dernière heure - observant que l’accord englobe la plupart des produits industriels et qu’il profite en particulier à des secteurs comme la machine outil, l’électronique, les produits médicaux, les appareils de mesure, la métallurgie, la chimie ou l’industrie pharmaceutique - offre des chiffres réjouissants quant à sa rentabilité au niveau macroéconomique : « sur la base de cet accord, l’industrie suisse d’exportation réalise des économies de l’ordre de 200 à 500 millions de francs par an. Quant aux gains d’une commercialisation accélérée, ils sont difficilement chiffrables »820

Pourtant, les effets bénéfiques n’ont pas signifié automatiquement l’élimination de tous les obstacles au commerce. Malgré le niveau d’harmonisation augmenté entre les deux parties, « dans une enquête réalisée fin 2004, la Comco constatait qu’il existait des prescriptions considérées par les entreprises et les fédérations d’entreprises comme des entraves au commerce décisives, au moins dans le domaine des aliments et dans le secteur du ˝near food˝. Les exemples mentionnés sont les prescriptions relatives aux déclarations et (…) aux procédures d’examen de conformité »

.

821

Dans leurs efforts afin d’améliorer le fonctionnement et, partant, l’utilité de l’accord de 1999 pour l’ensemble des échanges bilatéraux, Berne et Bruxelles ont adopté, en 2007, un accord sur la révision de l’ARM (ci-dessous Accord révision)

. L’exemple de l’industrie alimentaire peut être sans doute représentatif pour toute la palette des domaines où les produits suisses se trouvent en compétition avec ceux provenant de l’UE.

822

En premier lieu, à la lumière de leur Déclaration conjointe sur l’art. 4 incluse dans l’ARM, les deux parties ont élargi le champ d’application des règles d’origine, dans le but de « faciliter les échanges entre les Parties et de simplifier le fonctionnement de l’accord » (Préambule, consid. 16 Accord révision). Dans le nouveau système, le changement est radical, vu que les dispositions de l’ARM s’appliquent aux produits couverts par l’accord « quelle que soit leur origine » (art. 4 ARM 2007), couvrant aussi les produits d’origine autre que suisse ou communautaire. En tout cas, le changement du régime s’imposait de lui-même, vu que, lors de l’entrée en vigueur de la Convention AELE révisée

, apportant ainsi des changements significatifs au texte original (ci-dessous ARM 2007).

823

819 DFAE/DFE, Les sept accords bilatéraux, p. 23.

, Berne avait conclu avec ses partenaires étatiques membres de l’AELE, membres également de l’EEE, un ARM parallèle à celui qui avait été conclu entre la Suisse et la CE en 1999. L’introduction des deux nouvelles dispositions sur les obstacles techniques au commerce - les articles 14 AELE, imposant l’obligation à la charge des signataires de notification des projets de règles techniques, et 15 AELE, introduisant le

820 DFAE/DFE, Obstacles techniques au commerce, p. 2. 821 economiesuisse, Supprimer les entraves au commerce, p. 2. 822 Accord portant révision de l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, conclu le 22 décembre 2006 et entré en vigueur, par échange de notes, le 1er février 2007, RO 2007, p. 713. 823 RS 0.632.31.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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principe de la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité824 - était motivée par le fait « qu’en raison de l’intensification considérable de la coopération internationale dans les secteurs de produits concernés par l’annexe I, la Confédération aura besoin de ressources personnelles et financières supplémentaires afin de pouvoir permettre que l’accord sectoriel conclu avec l’UE soit mis en œuvre avec succès »825

Deuxièmement, l’art. 11 ARM 1999 a été également reformulé, avec un nouveau texte qui, « pour simplifier le fonctionnement de l’accord » (Préambule, consid. 22 Accord révision) établissait une nouvelle procédure pour « la reconnaissance, le retrait de reconnaissance, la modification du champ d’activité et la suspension des organismes d’évaluation de la conformité » (art. 11 ARM 2007). Le nouveau texte se proposait de limiter au maximum la lourdeur des procédures administratives, en misant plutôt sur la collaboration bilatérale au niveau desdits organismes et en éliminant, pour la majorité des tâches, le recours au Comité de l’accord : ainsi, pour chaque Partie, l’obligation de notifier la volonté de faire reconnaître un organisme d’évaluation de la conformité se fait dorénavant à l’adresse de l’autre Partie (art. 11 ch. 1 let. a ARM 2007), la même nouveauté étant introduite également pour les cas de retrait, suspension ou rétablissement de la reconnaissance d’un organisme par une Partie (art. 11 ch. 2 ARM 2007). Le Comité de l’accord reste toutefois compétent, en vertu de ses attributions maintenues à l’art. 8 ARM 2007 auquel renvoie l’art. 11 ch. 4 ARM 2007, pour le cas de contestation « de la compétence technique d’un organisme d’évaluation de la conformité reconnu, placé sous la juridiction de l’autre Partie ».

.

Troisièmement, les changements intervenus à l’art. 11 ARM 2007 ont rendu nécessaires des modifications du contenu matériel826

Fin 2009, des nouveautés importantes liées à la mise en œuvre de l’ARM sont intervenues. D’abord, la législation sectorielle suisse concernant les machines

des autres articles de l’accord : ainsi, à l’art. 8 ARM 2007, les parties ont introduit une obligation de signaler, dans la liste des organismes d’évaluation de la conformité, la suspension éventuelle d’organismes d’évaluation de la conformité reconnus, « pour faciliter les échanges entre les Parties et garantir un fonctionnement transparent de l’accord » (Préambule, consid. 19 Accord révision); de même, à l’art. 9 ARM 2007, les parties ont obligé les autorités de désignation « de s’efforcer à veiller à ce que les organismes d’évaluation de la conformité reconnus coopèrent de manière appropriée, pour faciliter le fonctionnement de l’accord » (Préambule, consid. 20 Accord révision); enfin, à l’art. 10 ARM 2007, les parties ont décidé, par souci de simplification dans le fonctionnement de l’accord, « de limiter aux cas contestés par l’autre Partie la nécessité pour le Comité de décider de la reconnaissance ou du retrait de la reconnaissance d’organismes d’évaluation de la conformité » (Préambule, consid. 21 Accord révision).

827

824 « (…), la Suisse d’une part, et l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège d’autre part, acceptent mutuellement les rapports, certificats, autorisations, marques de conformité et déclarations de conformité du fabricant conformément aux dispositions de l’annexe I ».

a pu être

825 CF, Message du 12 septembre 2001, FF 2001 VI 4768. 826 Du point de vue strictement formel, tenant aux termes utilisés dans le texte de la révision, il était indiqué : « considérant que, pour refléter les modifications introduites à l’art. 11 de l’accord, les termes ˝organismes d’évaluation de la conformité figurant dans l’annexe 1˝ doivent être supprimés et remplacés, dans les art. 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11, par les termes ˝organismes d’évaluation de la conformité reconnus˝ » (Préambule, consid. 13 Accord révision). 827 Ordonnance sur la sécurité des machines (OMach), RS 819.14.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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adaptée à la nouvelle Directive de l’UE sur les machines, en vigueur à partir du 29 décembre 2009828. En outre, le champ d’application de l’ARM a pu être étendu au secteur des ascenseurs. En revanche, « l’adaptation à l’évolution de la législation de l’UE du chapitre sectoriel relatif aux véhicules à moteur ainsi que l’inclusion dans l’accord d’un nouveau chapitre sectoriel sur les biocides initialement prévues ont été retardées en particulier en raison de négociations sur les dispositions institutionnelles (participation de la Suisse au comité de l’UE, question de l’évolution de la législation) »829. Suite à des modifications ayant eu lieu au niveau de la Convention AELE830

, l’Annexe I de cet instrument juridique pourra désormais être adaptée automatiquement à l’évolution de l’ARM Suisse-CE.

2. Les produits non harmonisés : l’adoption unilatérale de la jurisprudence Cassis de Dijon

Si l’ARM de 1999 permettait de réduire considérablement les entraves au

commerce bilatéral pour les domaines qui ont été harmonisés au sein de l’UE, les problèmes subsistaient, voire s’aggravaient, pour les secteurs encore soumis aux législations nationales composant le marché intérieur, rendant ainsi quasi inévitable le débat sur l’incorporation de lege du principe Cassis de Dijon dans la législation suisse.

De même, dans la perspective d’une dynamisation de l’économie suisse, en passant par les efforts déployés afin d’éliminer l’image « Suisse, îlot de cherté », le débat autour de l’incorporation - dans le droit réglant les échanges commerciaux entre Berne et Bruxelles - du fameux principe « Cassis de Dijon », vrai moteur catalyseur pour l’essor des échanges intra-communautaires, trouve sa pleine justification.

Devant une longue liste d’interventions parlementaires visant, d’une part, des questions liées aux entraves au commerce831 ou bien, d’autre part, l’application souhaitée du principe Cassis de Dijon en Suisse832

828 Directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE (JOUE n° L 157 du 9 juin 2006).

, le Conseil fédéral s’est vu régulièrement mis,

829 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 484. 830 Vu la décision 2/2009 du 16 juin du Conseil de l’AELE, l’art. 53 al. 4 Convention AELE a été modifié et l’Annexe I de ladite Convention, relative à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité conclue entre la Suisse et les Etats de l’AELE parties à l’EEE, remplacée. 831 Motion 01.3362 Grobet (Etiquetage sur l’origine de biens de consommation), motion 03.3572 CEATE-N (Particules émises par les moteurs diesel), motion 04.3669 Zisyadis (Déclaration des vins infusés au chêne), motion 05.3072 Gysin (Provenance du bois; déclaration obligatoire). 832 Postulat 04.3390 Leuthard (principe du Cassis de Dijon); motion 04.3473 Hess (Cassis de Dijon: test pour la disponibilité à réformer); interpellation 05.3054 Bührer (Effet du principe du "Cassis de Dijon" sur la concurrence. Evaluation); interpellation 05.3116 Sommaruga (Pouvoir d'achat et prix. Compatibilité avec les normes de l'UE dans l'intérêt des consommateurs) qui requérait des réponses concrètes à la question de savoir, d’abord, quelles étaient les principales catégories de biens de consommation, de matières auxiliaires pour l'agriculture et de médicaments pour lesquelles on constatait des divergences entre la législation communautaire et celle de la Suisse en ce qui concerne le niveau de protection, ensuite, lesquelles de ces divergences reflétaient une différence notable du niveau de protection entre la Suisse et l'UE, et enfin lesquelles n'entraînent pratiquement aucune différence, permettant ainsi d'adapter la législation suisse à celle de l'UE sans réduction du niveau de protection; postulat 05.3122 du groupe socialiste (Pouvoir d'achat et prix. Suppression des barrières non tarifaires), qui invitait le Conseil fédéral à soumettre au Parlement

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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ces dernières années, dans l’obligation de répondre aux questions quant à l’éventuelle application dudit principe dans les relations économiques bilatérales avec l’UE. Comme une incorporation dudit principe était impossible à faire sans apporter des modifications dans la législation suisse, les efforts de Berne se sont orientés vers l’indentification afin des solutions législatives capables d’ajuster le cadre juridique existant, avec un regard spécial sur la LETC.

La Comco, censée aussi proposer des solutions pour améliorer le niveau quantitatif et qualitatif des échanges avec l’UE, s’exprimait ainsi en 2004 : « Le fait que l'UE dispose déjà aujourd'hui d'un niveau de protection très élevé dans les domaines de la protection de la santé, de la sécurité, de l'environnement et des consommateurs, et que de nombreuses marchandises circulent déjà librement dans les 25 pays membres même dans les domaines non harmonisés (il n'existe donc aucune entrave à l'importation pour ces produits), démontre qu'une telle confiance basée sur le principe du "Cassis de Dijon" pourrait conduire à faciliter la libre circulation des marchandises et – dans l'optique de la lutte contre les prix élevés en Suisse – améliorer le bien-être social. A l'instar de l'arrêt de la CJCE dans le cas "Cassis de Dijon", des exceptions à cette règle resteraient toujours possibles »833

Le Conseil fédéral a réagi et, au printemps 2005, il a approuvé l’idée que le principe établi par l’arrêt Cassis de Dijon, qui vaut pour les relations entre les Etats membres de la CE, soit applicable également au commerce des marchandises entre la Suisse et la CE. Si, jusqu’à ce moment-là, l’exécutif suisse avait privilégié la recherche de solutions basées sur la réciprocité, en revanche, pour les domaines où cela s’avérait impossible, il était disposé « à ouvrir le marché suisse aux produits qui peuvent circuler librement dans la CE. Ce sont notamment tous les produits pour lesquels il n'existe pas de dispositions harmonisées sur le plan européen ou pour lesquels la Suisse n'a pas encore adapté sa réglementation au droit communautaire »

.

834

Dans un exercice de pragmatisme politique, mais surtout de réalisme quant à l’évaluation des effets économiques d’une telle adoption, le Conseil fédéral se prononçait en faveur d’une manière globale d’analyser ladite adoption, afin d’éviter le piège d’une solution simpliste du type laissant croire qu’adopter le principe communautaire de l’équivalence des législations signifierait résoudre le problème des entraves au commerce. Il affirmait clairement que « il faut toutefois être conscient que les importations de marchandises ne sont pas entravées uniquement par des prescriptions techniques différentes, mais aussi par d'autres mesures étatiques comme les droits de douane, les procédures douanières ou les taxes, des dispositions du droit privé telles que les droits de propriété intellectuelle ou les dispositions en matière de responsabilité civile et des accords privés contraires au droit des cartels »

. Les produits visés étaient déjà mentionnés: ceux de la construction et les biens alimentaires (domaines dans lesquels les prescriptions n’étaient pas entièrement harmonisées dans la CE) ou bien encore les vélos (soumis seulement à des réglementations nationales).

835

un rapport répertoriant les dispositions non tarifaires qui entravaient le commerce des biens avec l'étranger et faisaient augmenter les prix en Suisse.

.

833 Comco, Rapport annuel 2004, p. 8. 834 CF, Communiqué du 4 mai 2005, par 3. 835 CF, Réponse du 25 mai 2005, p. 202.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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Dans cette vision, les obstacles à l’importation des marchandises étaient multiples, et chacun d’entre eux pouvait, seul ou combiné à un autre, aboutir au cloisonnement du marché suisse.

L’adoption unilatérale par la Suisse du principe Cassis du Dijon, malgré un soutien quasi majoritaire dans les milieux économiques et politiques suisses, était pourtant accompagnée de prises de positions de la part d’acteurs économiques importants soulignant la nécessité de prendre en considérations les problèmes qui pourraient demeurer même après l’éventuelle application dudit principe. Ainsi, pour la Société suisse pour l'industrie chimique, même une adoption unilatérale du principe d’équivalence des législations ne résoudrait pas les problèmes suivants : la limitation des possibilités de négociation du côté suisse, vu que Berne ne pourrait plus conclure des accords ARM sur une base réciproque avec des Etats tiers dont elle reconnaît unilatéralement les normes; la discrimination domestique, vu que les producteurs suisses devraient continuer de respecter les prescriptions internes suisses, contrairement aux importateurs de produits concurrents de l’UE; la violation du principe de la nation la plus favorisée au sein de l’OMC836; finalement, le champ d’application imprécis, vu la forte influence jurisprudentielle développée par la CJCE pour modeler ce principe et qui ferait défaut dans l’ordre juridique suisse837

De manière générale, il était avancé qu’il y aurait une opposition farouche de la part des secteurs économiques que l’application du principe du Cassis du Dijon soumettrait à une plus forte concurrence. En ce qui concerne les associations de défense des consommateurs, elles ont salué le projet mais, à l’exemple de la Fédération romande des consommateurs, ont exigé des garanties solides sur la qualité des produits importés

.

838

Fin 2005, le Conseil fédéral, en réponse au postulat.

839 déposé par la future conseillère fédérale Doris Leuthard, a approuvé un rapport sur le principe Cassis de Dijon. Présenté comme un instrument examinant les différentes options quant à l’application dudit principe840

836 Art. I al. 1 GATT stipule : « Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes ».

et formulant le cadre général pour la mise en œuvre de ce principe en Suisse, le rapport formulait les pistes d’action suivantes : si la première alternative – visant la poursuite de la réglementation dans un cadre contractuel – était impossible à poursuivre, vu que la Communauté avait demandé à la partie suisse une reprise totale de l’acquis communautaire applicable aux marchandises (y compris le droit de la concurrence, le droit des aides d’Etat, le droit des consommateurs et le droit fiscal) et d’arrangements institutionnels complexes (la reconnaissance par la Suisse de la compétence d’institutions communautaires avec incidences directes sur la Suisse), alors il en découlait logiquement que le choix devait porter sur la deuxième option, demandant une ouverture unilatérale du marché suisse à tous les produits de la CE et, respectivement, la troisième option, visant une ouverture unilatérale uniquement aux

837 SGCI, Principe dit du Cassis du Dijon, p. 3. 838 DEEAE, Une larme de Cassis de Dijon, p. 2. 839 Cf. supra p. 171. 840 DFE, Différentes options pour une application du principe dit Cassis de Dijon.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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produits pour lesquels les deux parties appliquaient des prescriptions techniques différentes.

En évaluant ces aspects d’abord du point de vue de la politique européenne, ensuite à la lumière de la politique économique et de la politique de concurrence et enfin, sous l’angle de la politique économique extérieure, le Conseil fédéral arrivait à la conclusion qu’il serait souhaitable d’adopter la troisième option, vu qu’une reconnaissance unilatérale et systématique de toutes les règles communautaires applicables aux marchandises mènerait à la situation, défavorable pour la Suisse, où « la CE n’aurait plus aucun intérêt à continuer d’appliquer et de développer les accords conclus avec la Suisse, qui l’obligent à donner aux produits suisses l’accès au marché communautaire. Le Conseil fédéral est donc d’avis que la reconnaissance unilatérale des règles communautaires ou des règles des Etats membres de la CE doit être limitée aux domaines dans lesquels la législation suisse n’est pas encore harmonisée avec celle de la CE ou dans des domaines non harmonisés dans la CE»841

Les opinions exprimées à l’intérieur de l’espace communautaire en faveur du projet suisse n’ont pas tardé à se faire entendre. L’idée généralement dégagée était celle selon laquelle « en appliquant le principe de reconnaissance mutuelle tel qu’il résulte de l’arrêt Cassis de Dijon, le Conseil fédéral suisse veut donc redynamiser la concurrence au sein de la Confédération et ainsi lutter contre "l’îlot de cherté" que constitue la Suisse en obtenant une réduction des coûts pour les entreprises et les consommateurs suisses »

.

842

Fin octobre 2006, sur la base d’un document complexe et exhaustif présenté comme projet de travail aux milieux économiques concernés, Berne avait ouvert la procédure de consultation sur les divergences des prescriptions techniques suisses par rapport au droit de la CE. Il s’agissait d’un instrument de travail ayant « pour objet de lister et d'examiner les divergences entre les prescriptions techniques suisses et le droit en vigueur dans la CE »

.

843 et qui justifiait toute l’analyse en partant du « rôle déterminant de la notion de prescription technique»844 : en effet, bien que théoriquement il s’agissait des moyens utilisés par les Etats pour accomplir des objectifs de nature commerciale, tels que la protection de la sécurité et de la santé des consommateurs et des travailleurs ou la protection de l'environnement naturel, dans la pratique des échanges commerciaux ils étaient utilisés constamment pour aider indirectement les produits nationaux face à la concurrence extérieure, en imposant aux produits étrangers des conditions plus difficiles d’accès au marché. Pour déterminer si les divergences devaient être éliminées ou maintenues, le Conseil fédéral s’est tenu aux critères de l’art. 4 LETC, stipulant que les prescriptions ne créent pas d’entraves techniques au commerce845 et qu’elles soient conformes aux obligations internationales assumées par la Suisse846

841 CF, Rapport du 23 septembre 2005, p. 22.

.

842 CCI, Vers un marché suisse plus ouvert aux produits européens, p. 2. 843 CF, Examen des divergences, p. 7. 844 Ibid. 845 Il faut qu’elles soient élaborées de manière à être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de la Suisse, les dérogations à ce principe n’étant admissibles que dans la mesure où elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée aux échanges et sont rendues nécessaires par des intérêts publics prépondérants (la protection de la morale, de l’ordre et de la sécurité publics, la protection de la vie et de la santé de l’être humain, des animaux et des végétaux, la protection du milieu naturel, la protection de la

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Chapitre 1 Les produits industriels

175

A la fin de cette consultation, le Conseil fédéral a présenté à l’opinion publique un rapport qui laissait filtrer une approche plutôt défensive de la part des cent treize participants847 interrogés. En effet, le document dévoilait une différence assez évidente entre, d’une part, les opinions exprimées unanimement en faveur du maintien des divergences entre la législation suisse et celle communautaire848 et, d’autre part, les opinions assez mitigées manifestées à l’égard des propositions visant l’élimination desdites divergences849. Dans un document publié ultérieurement850

Le 29 novembre 2006, le Conseil fédéral avait ouvert la procédure de consultation du texte d’un projet de loi considérablement modifié (la nouvelle LETC, ci-dessous Projet 2006 nLETC

, il était indiqué que sur les soixante-neuf divergences accompagnant le projet de révision de la LTEC, dix-sept représentaient des exceptions au principe «Cassis de Dijon», vingt-trois constituaient des divergences dans les procédures d'autorisation de mise sur le marché, d'autorisation d'importation ou d'interdiction d'importation, alors que, dans les vingt-neuf cas restants, il était proposé d'abandonner la divergence.

851). Le but déclaré de cette démarche était de « permettre aux produits légalement mis sur le marché dans la CE ou dans l’EEE de pouvoir également circuler librement en Suisse, sans autre contrôle, soit parce que les prescriptions techniques suisses sont harmonisées avec celles de la CE, soit en vertu d'accords conclus avec la CE, ou encore du fait de l'application en Suisse du principe dit Cassis de Dijon »852. Ledit principe était donc conçu comme un « volet supplémentaire »853 dans l’arsenal des moyens utilisés pour éliminer les entraves techniques au commerce. A long terme, les effets secondaires de ces mesures pourraient également être perçus au sein du cadre général des démarches entreprises par Berne afin, d’une part, d’harmoniser sa législation avec celle de la Communauté et, d’autre part, d’aboutir à une meilleure santé de l’économie suisse, en provoquant des répercussions à plusieurs niveaux, celui du consommateur en premier lieu854

L’art. 16b al. 1 Projet 2006 nLETC - intitulé « ouverture unilatérale du marché » - incorporait dans la législation suisse le fameux principe Cassis de Dijon tel qu’il existe

.

sécurité au lieu de travail, la protection des consommateurs et de la loyauté dans les transactions commerciales, la protection du patrimoine culturel national, la protection de la propriété). 846 Accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce et l’ALE du 22 juillet 1972 entre la Suisse et la CEE. 847 Vingt cantons, cinq partis, sept associations faîtières et quatre-vingt autres participants. 848 Sur les quarante propositions émanant des offices fédéraux et contenues dans les listes 1 à 3 du rapport, seulement dans deux cas il y a eu une majorité atteinte de justesse alors que, dans six autres cas, la proposition a reçu l’opposition d’une minorité importante. 849 Sur les vingt-neuf propositions émanant des offices fédéraux et contenues dans les listes 4 et 5 du rapport, une majorité s’est manifestée dans seulement six cas contre la proposition et uniquement dans trois cas il y a eu une minorité importante. 850 DFE, Décision intermédiaire du 31 octobre 2007. 851 Assemblée fédérale de la Confédération suisse, Projet texte nLETC. 852 SECO/DFE, Ouverture de la consultation, p. 1. 853 FF 2006, p. 9047. 854 KAPPEL & LANDMANN, en prônant l’intégration économique extérieure comme facteur de prospérité et de croissance, observaient à juste titre que « le fait que les prix en Suisse sont parmi les plus élevés au monde n’est pas la conséquence exclusive du niveau de vie atteint, mais s’explique en grande partie par les déficits d’intégration de la Suisse, qui, à leur tour, sont dus à une réglementation excessive des marchés et au fait que la Suisse a toléré trop longtemps certaines entraves à la concurrence » (La Suisse dans un monde en mutation, p. 396).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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dans la pratique et la jurisprudence communautaire depuis plus de trois décennies. Une lecture littérale du texte nous permet de saisir son caractère complémentaire, dans le sens que ce principe facilite l’accès au marché suisse des produits ne remplissant pas les conditions de l’art. 16a Projet 2006 nLETC, c'est-à-dire s’ils satisfont aux réglementations techniques suisses ou si leur accès au marché suisse est fondée sur un accord international855. Dans le cas où les prescriptions suisses et étrangères ne sont pas entièrement harmonisées - seule hypothèse nécessitant l’application dudit principe856

Une autre nouveauté était enregistrée par l’art. 16b al. 1 let. c Projet 2006 nLETC: l’ouverture unilatérale du marché était accordée également aux Etats tiers, à condition que Berne ait déjà conclu des ARM des évaluations de conformité, soit sous la forme de traités, soit sous celle des instruments de coopération entre autorités. En adoptant cette ouverture vers les partenaires commerciaux non membres de la CE ou de l’EEE, on considérait que la Suisse « remplit les engagements qu’elle a contractés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en relation avec la clause de la nation la plus favorisée »

-, pour qu’un produit ait libre accès au marché suisse, il faut qu’il satisfasse aux prescriptions techniques d’un Etat membre de la CE ou de l’EEE et ensuite qu’il ait déjà été mis sur le marché dans cet Etat (art. 16b al. 1 let. b Projet 2006 nLETC).

857. On y voit en même temps une confirmation de la ligne prônant – à l’instar de toute l’évolution de la politique économique suisse - l’universalisme dans les échanges internationaux; cela permet également de constater non seulement que « l’application autonome du principe Cassis de Dijon est compatible avec le droit communautaire, mais, (…) qu’elle va plus loin que l’application de ce principe dans la CE »858

L’application du principe mentionné connaissait pourtant deux sortes d’exceptions, mentionnées par l’art. 16b alinéas 2 et 3 Projet 2006 nLETC. Le deuxième alinéa de l’art. 16 prévoyait, d’une part, les exceptions générales appliquées uniquement d’une manière très restrictive et fixées à l’échelon législatif ou à celui réglementaire (let. a); d’autre part, les exceptions concernant les produits soumis à homologation et les substances sujettes à notification en vertu de la législation sur les produits chimiques

.

859 ainsi que les produits dont l’importation serait interdite ou soumise à une autorisation préalable860

855 Il est intéressant à noter que le projet en question prévoyait une section spéciale (Section 6) quant à la conclusion (art. 14) et aux dispositions d’exécution (art. 15) des accords internationaux par le Conseil fédéral.

(art. 16b al. 2 let. b Projet 2006 nLETC). A l’époque, les

856 En effet, lors d’une harmonisation complète de la législation suisse avec celle de la Communauté, les produits conformes au droit européen remplissent mutatis mutandis les prescriptions suisses; cette situation doit être envisagée à la lumière des dispositions du nouvel art 18a Projet 2006 nLETC, réglant les conditions requises pour la mise en circulation des produits couverts par les articles 16b al. 1 let. a ou b, ou 16c Projet 2006 nLETC. 857 CF, Rapport explicatif sur la révision partielle de la LETC, p. 27. 858 Id., p. 54. 859 Le principe Cassis de Dijon ne s’applique pas vu que, dans une telle hypothèse, les autorités suisses de surveillance du marché ne disposeraient pas de dossiers d’homologation et, donc, seraient privées de la possibilité de contrôler dûment le marché; ces produits sont soumis à une procédure simplifiée, tenant compte de l’art. 5 al. 1 let.c nLETC. 860 Le principe Cassis de Dijon est inapplicable, vu qu’il pourrait offrir la possibilité de contourner un régime d’octroi - concernant l’octroi des autorisations - extrêmement strict, à l’exemple de : l’art.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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exceptions générales étaient comprises dans une liste insérée dans un document présenté par le Conseil fédéral lors de l’ouverture de la consultation concernant la modification de la LETC861

Quant à l’art. 16b al. 3 Projet 2006 nLETC, le législateur s’offrait une porte de secours destinée à être utilisée au cas où les exportations suisses seraient discriminées par rapport aux produits européens. Il s’agissait également d’un texte à caractère programmatique, vu la référence précise au besoin de prendre en considération « les intérêts de politique économique extérieure ». L’insertion de cette disposition dans le projet de loi avait été toutefois contestée même dans les rangs des partisans d’une ouverture à l’Europe : ceux-ci, outre qu’ils considéraient la solution de l’ouverture unilatérale du marché comme une démarche « certes courageuse et nécessaire, mais sans que la Suisse soit membre de l’Union, extrêmement dangereuse du point de vue de l’Etat de droit »

.

862, ils déploraient l’absence d’instruments et de moyens permettant d’éviter les discriminations envisageables à l’encontre des produits helvétiques863

En effet, malgré l’introduction d’un article proposant, spécifiquement et en contrepartie de l’introduction unilatérale dudit principe, des « mesures visant à empêcher la discrimination des producteurs suisses » (art. 16c Projet 2006 nLETC), celle-ci faisait figure de pire crainte pour la mise en pratique du principe Cassis de Dijon en Suisse, à côté de la question du droit d’agir en justice (art. 20b Projet 2006 nLETC), inséré à l’instar de celui prévu par la loi sur le marché intérieur, et de la question sensible d’une instance comparable à la CJCE (art. 19 Projet 2006 nLETC), investie de l’autorité de rendre des décisions exécutoires. Le projet soumis en consultation prévoyait en plus la possibilité pour la Comco de surveiller l’application du principe (art. 20b al. 2 Projet 2006 nLETC), faute de quoi l’application réelle d’un principe censé régler les activités économiques régulières resterait lettre morte

.

864

Les nouvelles prescriptions en matière d'information sur le produit étaient également significatives dans cette révision, à la lumière du fait que ces changements intervenaient dans un pays plurilingue tel que la Suisse. En modifiant la législation sur les denrées alimentaires, l'information sur le produit devrait être rédigée dans au moins une langue officielle de la Suisse (art. 4a al. 1 Projet 2006 nLETC), alors que, uniquement pour les mises en garde et les précautions d'emploi, pourraient être exigées la ou les langues officielles du lieu de vente (art. 4a al. 2 let. a Projet 2006 nLETC).

.

Couvrant des produits utilisés quotidiennement - à l’image de la plupart des denrées alimentaires, des produits cosmétiques, des textiles, des bicyclettes ou des systèmes d’alarme contre le feu et les cambriolages – l’application dudit principe n’est 24 al. 2 LFE (RS 916.40), l’art. 9 OITE (RS 916.443.11), l’art. 2 LEmb (RS 946.231), l’art. 9 LFMG (RS 514.51), ou les articles 2 et 11 LCB (RS 946.202). 861 SECO/DFE, Examen des divergences, p. 11-49. 862 NOMES, Oui à Cassis de Dijon, p. 2. 863 Ibid. : « En effet, la Suisse n’étant pas membre, les citoyens et les entreprises suisses ne profiteraient pas de la protection juridique et de l’interdiction de la discrimination. De même, la Suisse n’est pas représentée dans les institutions de l’UE qui décident de l’application du principe du Cassis de Dijon. Ainsi, les citoyens suisses n’auraient pas la possibilité de défendre activement leurs intérêts ». 864 « Sans mécanisme concret, tel que la possibilité de contrer les décisions de l’administration interdisant les importations ou induisant des distorsions de concurrence, le principe du Cassis de Dijon restera un tigre de papier » (economiesuisse, Principe du Cassis de Dijon : un pas de plus, p. 8).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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pas destinée « à remplacer le principe de l’harmonisation ou de rapprochement des prescriptions nationales avec le droit communautaire, mais à le compléter, comme c’est le cas dans la CE »865

Echu le 16 mars 2007, le délai de consultation relatif à la révision de la LETC a clôturé une étape essentielle durant laquelle ont été exprimés environ cent soixante avis, adressés, directement, par les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, les associations faîtières de l'économie ainsi que par d'autres participants à la procédure de consultation et, indirectement, par le biais d'autres organisations faîtières.

.

Le Conseil fédéral a recensé toutes les opinions exprimées dans un Rapport866 présenté à fin 2007 : cet document ne voyait qu’une poignée des interlocuteurs approuvant le projet « sans réserves »867; pour le reste, l’accueil de la grande majorité des questionnés était plutôt réservé : ainsi, il y avait, d’une part, ceux qui soutenaient le projet mais qui exprimaient toutefois « des questions et des remarques sur certains aspects du projet ou sur certaines dispositions »868 et, d’autre part, les participants qui ne se prononçaient pas fondamentalement contre le projet, mais en partie faisaient valoir « des réserves importantes »869; ces deux catégories étaient rejointes par ceux qui s’exprimaient purement et simplement pour « le rejet du projet »870

A son tour, la doctrine a enregistré plusieurs points de vue qui ont été exprimés dans le débat concernant l’introduction unilatérale du principe Cassis de Dijon dans la législation suisse.

.

En citant des effets positifs attendus lors de la révision de la LETC - la suppression des barrières commerciales techniques par l'harmonisation optimale des dispositions relatives aux produits suisses avec le droit communautaire, l'animation de la concurrence à l'intérieur du pays, l'abaissement des frais pour les entreprises et le renforcement des effets de la loi sur les cartels déjà révisée – VON WIETERSHEIM déplorait pourtant l’absence de protection juridique au niveau de la CE et le danger de discrimination pour les produits suisses destinés à l’exportation; en même temps, il affirmait - tenant compte de la réserve ancrée juridiquement871

865 CF, Rapport explicatif sur la révision partielle de la LETC, p. 13.

et comparée à « l’épée de

866 CF, Rapport sur les résultats de la procédure de consultation relative à la révision de la LETC. 867 PEV, PCS, bpa, CGN, Electrosuisse, Chambre de commerce Suisse-Allemagne, Motosuisse, RETEST Gmbh, Swissmem, SwissTnet, VSSM. 868 Est représentative pour cette catégorie la position exprimée par economiesuisse qui sert de baromètre : bien qu’elle ait considéré que le projet tenait compte des principales préoccupations de l’économie, elle pensait toutefois qu’il se focalisait trop sur la surveillance du marché et l’intervention des autorités, en réclamant la nécessité d’introduire d’autres améliorations, à l’exemple de l’accélération de l’harmonisation des prescriptions d’autorisation sans helvétismes, des mesures évitant que les produits suisses soient discriminés par rapport aux produits importés et l’allégement administratif pour les producteurs et les importateurs en transférant le fardeau de la preuve aux autorités (CF, Rapport sur les résultats de la procédure de consultation relative à la révision de la LETC, p. 3). 869 Les cantons AI, OW, TG craignaient une discrimination des PME suisses par rapport à leurs concurrents de l’UE, vu le caractère unilatéral de l’introduction du principe Cassis de Dijon. 870 Plusieurs participants (DTAP, UDC, FER, Union suisse des détaillants, ALPDS) doutaient de la pertinence du projet pour l'économie suisse, car celui-ci aurait des effets essentiellement au niveau des importations. 871 Art. 16b al. 3 Projet 2006 nLETC : « Si l’accès des produits suisses au marché d’un Etat étranger n’est pas garanti ou qu’il y soit fait obstacle, le Conseil fédéral peut décider que l’al. 1 ne

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Chapitre 1 Les produits industriels

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Damoclès » - qu’une application réciproque du principe Cassis de Dijon pourra probablement être atteinte en fin de compte, en concluant que « mit Eintritt einer solchen Rechtsfolge des Art. 16b Abs. 3 wäre jedoch die Diskriminierung schweizerischer Produkte nicht behoben »872

Toujours dans le cadre de la révision partielle LETC, à fin octobre 2007, le Conseil fédéral a arrêté d’autres dispositions

.

873

D’une part, il a donné ainsi son feu vert pour dix-huit exceptions à l'application du principe Cassis de Dijon. Dans cinq cas

censées accélérer les efforts pour éliminer les entraves au commerce bilatéral entre la Suisse et l’CE, en s’attaquant à deux types de mesures : les mesures visaient, d’un côté, les prescriptions techniques et, d’un autre côté, les divergences des procédures et des critères d'autorisation de mise sur le marché et d'importation par rapport au droit en vigueur dans la CE, ainsi que les interdictions d'importation.

874, il n’a fait que maintenir les prescriptions techniques existantes et divergentes par rapport au droit en vigueur dans la CE, alors que dans les autres treize cas, il a considéré que l'exception s'appliquerait de manière restreinte ou seulement pour une durée provisoire. En outre, le Conseil fédéral a décidé de renoncer à trente-quatre divergences875

En ce qui concerne le deuxième volet de mesures, le gouvernement fédéral a confirmé un nombre total de vingt divergences

par rapport aux prescriptions techniques en vigueur dans la CE.

876, alors que, dans d’autres cas, les divergences ont été restreintes, limitées dans le temps ou tout simplement supprimées877

Le Conseil fédéral a finalement adopté, le 25 juin 2008, le message concernant la version finale de la révision partielle de la LETC (ci-dessous, Projet 2008 nLETC), un projet qui veut harmoniser la législation suisse avec le règlement de la CE. En observant que, malgré leur utilité, les deux stratégies poursuivies jusqu’à cette date en vue d'éliminer les entraves techniques au commerce à l'égard de la CE - d'une part

, laissant ainsi la voie libre pour l’adaptation des prescriptions suisses à celles de la CE.

s’applique pas à certains types de produits ou à l’ensemble des produits importés de cet Etat. Il tient compte, ce faisant, des intérêts économiques de la Suisse et en particulier de ses intérêts de politique économique extérieure ». 872 VON WIETERSHEIM, Cassis ist nicht gleich Cassis, p. 12. 873 SECO/DFE, Documentation pour la presse - Examen des divergences. 874 A titre d’exemples, il s’agissait notamment de l'obligation d'indiquer la teneur en alcool pour les boissons alcoolisées sucrées, qui comptait comme mesure destinée à protéger les jeunes, de l'interdiction d'utiliser du plomb dans les peintures et les vernis, motivée par la volonté de protéger la santé et l'environnement, et de l'interdiction d'utilisation des phosphates dans les lessives qui, bien que déjà en vigueur depuis quelques années, s’est vue bénéficier d’un régime allégé, permettant désormais la rédaction dans une seule langue officielle. 875 Il faut souligner que, dans vingt-trois cas, l'adaptation du droit suisse aux prescriptions techniques de la CE était le moyen qui rendait possible la suppression de l'entrave au commerce, à l’exemple de l'étiquetage des produits chimiques qui n’étaient pas classés comme dangereux, alors que, dans sept autres cas, les prescriptions seraient maintenues, mais les entraves au commerce disparaîtront lors de la mise en vigueur du principe Cassis de Dijon accompagnant la révision de la LETC, à l’exemple de l’industrie des yogourts. 876 On peut citer, à titre d’exemples, la décision d’instituer une valeur limite plus sévère du cadmium dans les engrais minéraux, pour des raisons concernant la protection de l'environnement et de la santé, ou l'interdiction d'importer des peaux de chiens et de chats. 877 C’est le cas de la divergence relative à l'admission des matières premières dans la fabrication des aliments pour animaux.

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l'harmonisation croissante des prescriptions techniques suisses avec celles de la CE et, d'autre part, la conclusion de l’ARM en matière d'évaluation de la conformité – avaient laissé subsister pourtant un « grand nombre d'entraves techniques au commerce à l'égard de la CE, tout en contribuant au niveau excessif des prix »878

L’application unilatérale dudit principe à certaines importations en provenance de la CE et de l’EEE signifie concrètement que, selon l’art. 16a Projet 2008 nLETC, les produits légalement mis sur le marché dans la CE ou l'EEE doivent en principe pouvoir circuler librement en Suisse sans autre contrôle : la seule condition préalable est que les produits en question ne présentent aucun risque majeur pour des intérêts publics prépondérants, notamment pour « la protection de la santé, de l'environnement ou des consommateurs et des consommatrices »

et faisaient ainsi obstacle à la concurrence en Suisse, le gouvernement suisse a décidé d’introduire, de manière autonome, le principe dit Cassis de Dijon sur le marché suisse, confirmant ainsi les propositions de 2006.

879

Un autre paquet important dans cette réforme visait un renforcement des règles instituées pour ne pas défavoriser les producteurs suisses. Ainsi, conformément à l’art. 16b Projet 2008 nLETC, il serait d’abord permis aux entreprises suisses de mettre également sur le marché suisse des produits destinés à l'exportation et fabriqués selon les prescriptions techniques de la CE ou d'un pays membre de la CE ou de l'EEE, mettant ainsi « les exportateurs suisses sur un pied d’égalité avec leurs concurrents de la CE ou de l’EEE »

.

880

Ensuite, un régime spécial pour les denrées alimentaires (art. 16c à art 16e Projet 2008 nLETC) est mis en place : sous réserve d'une autorisation provenant de l’OFSP - délivrée sous forme de décision de portée générale, dont peuvent se réclamer aussi bien les importateurs que les producteurs suisses (art. 16d Projet 2008 nLETC) - les denrées alimentaires produites selon les prescriptions techniques de la CE ou conformément aux prescriptions techniques d'un Etat membre de la CE ou de l'EEE et qui sont légalement sur le marché doivent avoir accès au marché suisse, permettant d’avoir ainsi un « double avantage : l’application du principe Cassis de Dijon au secteur des denrées alimentaires – domaine dans lequel la protection de la santé revêt une importance cruciale –, tout en évitant la discrimination des producteurs suisses »

.

881

Le projet apportait également une nuance assez importante en matière d’information sur le produit : désormais, les précautions d’emploi nécessitant au besoin des inscriptions en deux langues de la Confédération concernent expressément la formulation : « les instructions qui touchent à la sécurité des personnes » (art. 4a al. 1 let. b Projet 2008 nLETC). En outre, ces mesures ont été conçues afin de permettre de gagner en termes de fluidisation commerciale des marchandises, permettant, par exemple, que

. Enfin, les prescriptions spéciales pour la Suisse sont éliminées de manière systématique dans le cadre de la révision de la LETC, ce qui contribue à offrir aux producteurs et aux importateurs suisses les mêmes conditions concurrentielles.

878 CF, Message du 25 juin 2008, FF 2008 VII 6644. 879 Id., FF 2008 VII 6679. 880 Id., FF 2008 VII 6684. 881 Id., FF 2008 VII 6660.

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des produits allemands puissent être « importés en Suisse alémanique sans que les informations sur le produit doivent être traduites dans toutes les langues officielles »882

De même, l’introduction des nouvelles dispositions sur l’élaboration des prescriptions techniques en général (art. 4 al. 5 Projet 2008 nLETC) contribue à l’insertion de lege de la « nouvelle approche » adoptée par la CE en la matière, stratégie qui veut que « lors de l’élaboration de prescriptions techniques, il faudra dorénavant se concentrer explicitement sur le niveau de protection et sur les objectifs à atteindre, et non sur la solution technique à retenir pour obtenir le niveau de protection (let. a) »

.

883. Il faut quand même souligner que, de facto, celle-ci avait été déjà introduite de manière indirecte en Suisse, si on considère que, sur la base de l’art. 4 al. 2 LETC, les prescriptions techniques suisses avaient déjà été largement harmonisées avec celles de la CE : « désormais, les prescriptions techniques devraient en principe être exclusivement élaborées selon la nouvelle approche; les dérogations à ce principe ne sont admissibles que si nos principaux partenaires commerciaux prévoient également de telles dérogations »884

En outre, la réforme a également visé une simplification des procédures pour les produits soumis à homologation. Ainsi, conformément à la pratique adoptée dans la CE, le principe dit du Cassis de Dijon ne doit pas s'appliquer à des produits soumis à homologation. En revanche, les procédures pour les produits déjà homologués à l'étranger en vertu de prescriptions équivalentes doivent être simplifiées, en particulier dans le secteur des médicaments « qui représentent environ 90 % de la valeur des importations pour les procédures qu’il convient de simplifier »

.

885

En analysant les nouveautés insérées dans le texte final de 2008, par rapport à celui de 2006, on peut effectuer une approche comparative riche en enseignements: le projet confirme l’importance de l’organe d’exécution chargé par la loi de surveiller le marché (art. 19 al. 1 Projet 2008 nLETC); les voies de recours et le rôle de « gardien » attribué à la Comco (art 20a Projet 2008 al. 1 et al. 3 nLETC ), en vertu de son droit de recours, sont également bien définis; on peut néanmoins observer l’élimination des dispositions permettant l’accès au marché suisse des produits sur la base d’un accord international, avec comme corollaire la limitation des dispositions permettant la conclusion d’un tel accord par le Conseil fédéral, et la disparition de l’article programmatique de 2006 évoquant la prise en considération des intérêts de politique économique extérieure.

.

Visant, d’une part, des produits pour lesquels il n'existe pas de prescriptions harmonisées avec la CE ou qui ne sont pas couverts par un ARM en matière d'évaluation de la conformité, tels que des cosmétiques, des textiles, de l'habillement, des denrées alimentaires et des meubles et, d’autre part, principalement des secteurs d’activité comme celui de la chimie, celui des métaux et des articles métalliques, et celui des instruments, la révision de 2008 proposait des avantages substantiels pour l’économie suisse dans trois directions : d’abord, une baisse des prix pour les catégories concernées de biens de consommation et de prestations préalables importés des pays de la CE, avec notamment pour conséquence un abaissement des coûts de production pour les entreprises, ensuite un

882 Id., FF 2008 VII 6678. 883 Id., FF 2008 VII 6676. 884 Ibid. 885 Id., FF 2008 VII 6719.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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potentiel d’économies estimé « à près de 2 milliards de francs »886

L’introduction du principe Cassis de Dijon, malgré sa signification et son importance, ne peut pourtant pas résoudre rapidement tous les problèmes de l’économie suisse : suivant une analyse effectuée par le DFE récemment, « il est primordial que l’action politique s’exerce prioritairement là où les prix élevés résultent de l’action de l’Etat et où elle a par conséquent le pouvoir d’agir et de réformer en profondeur les règles du marché. C’est le cas pour la politique agricole et pour les prix administrés par l’Etat dans le secteur de la santé et celui des infrastructures. Le renforcement de la concurrence peut aussi bénéficier au consommateur par l’intermédiaire des échanges internationaux de marchandises »

, avec, indirectement, une baisse du prix des importations et des économies sur les produits fabriqués en Suisse et, enfin, l’accroissement du revenu réel des ménages induit par la baisse des prix qui devrait avoir une incidence positive sur la demande intérieure.

887

.

Section C Les instruments juridiques liés au commerce bilatéral des

marchandises

a. L’Accord de 2009 entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité

Dans la panoplie des instruments et mécanismes que Berne et Bruxelles utilisent pour encourager le commerce bilatéral des marchandises, il faut également citer les modifications que les deux partenaires ont apportées, en 2009888, à un autre accord qu’elles avaient conclu antérieurement, assez technique et datant de 1990889

Fruit des négociations qui se sont déroulées successivement, entre le 20 juin 1989 et le 20 décembre 1989, à Bâle, Bruxelles, Chiasso et Genève, l’Accord de 1990 se donnait pour but de « faciliter le passage des marchandises aux frontières entre la Suisse et la CE et d'en réduire les coûteux temps d'attente causés par le contrôle des véhicules, des marchandises et des documents, surtout dans les trafics ferroviaire, routier et aérien »

, relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport bilatéral des marchandises (ci-dessous, Accord 1990).

890

Le texte du traité définissait d’abord les notions de « contrôle ».

891 et « formalité »892

886 Id., FF 2008 VII 6722.

(art. 1 Accord 1990) en tant que principaux moyens de filtrer la

887 DFE, La Suisse, îlot de cherté, p. 6. 888 CF, Message du 27 novembre 2009, FF 2009 VIII 8091. 889 RS 0.631.242.05. 890 CF, Message du 9 janvier 1991, FF 1991 I 477. 891 « Toute opération par laquelle la douane ou tout autre service de contrôle procède à l’examen physique ou à l’inspection visuelle, soit du moyen de transport, soit des marchandises elles— mêmes afin de s’assurer que leur nature, leur origine, leur état, leur quantité ou leur valeur sont conformes aux données des documents présentés » (art. 1 let. a Accord 1990). 892 « Toute formalité à laquelle l’administration soumet l’opérateur et qui consiste en la présentation ou en l’examen des documents, des certificats accompagnant la marchandise ou, d’autres données,

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Chapitre 1 Les produits industriels

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circulation quotidienne des marchandises entre la Suisse et l’espace communautaire. Le principe des contrôles par sondages était la règle mise en place : la base dudit contrôle devait être « constituée par l’ensemble des expéditions empruntant un poste frontière, (…) et non par l’ensemble des marchandises qui constituent chaque envoi » (art. 4 ch. 2 Accord 1990), afin d’encombrer au minimum le trafic des marchandises. Cet article était directement lié par son contenu à la disposition imposant la fluidité du trafic, art. 13 Accord 1990, par laquelle les deux parties devaient prendre les mesures nécessaires « pour garantir que les temps d’attente causés par les différents contrôles et formalités n’excèdent pas les délais nécessaires à leur bonne exécution » (al. 1), ainsi que « garantir dans la mesure du possible la fluidité du trafic » (al. 2).

Des dispositions vétérinaires (art. 5 Accord 1990) et phytosanitaires (art. 6 Accord 1990) étaient introduites dans le texte : pour ces dernières, l’Accord prévoyait même la possibilité d’adopter des mesures de sauvegarde, en statuant que « lorsqu’une partie contractante estime qu’il existe un danger imminent d’introduction ou de propagation sur son territoire d’organismes nuisibles, elle peut prendre temporairement les dispositions nécessaires en vue de se préserver contre ce danger » (al. 4). Pour un meilleur fonctionnement de l’Accord, les parties introduisaient le principe de la délégation de compétences, accordant à la douane un rôle préférentiel pour sa mise en place : « par délégation expresse des autorités compétentes et pour le compte de celles-ci, un des autres services représentés et de préférence la douane peut effectuer des contrôles dont ces autorités ont la charge » (art. 7 Accord 1990). Sans porter préjudice à l’application du principe du contrôle par sondage, l’Accord prévoyait en outre la reconnaissance des contrôles et des documents attestant que les produits importés ou en transit « répondent aux conditions prévues dans la législation du pays d’importation ou aux conditions équivalentes dans le pays d’exportation » (art. 8 Accord 1990).

En garantissant la possibilité de franchir la frontière à tout moment (avec l’obligation que le « le passage des frontières soit assuré vingt-quatre heures par jour », selon l’art. 9 ch. 1 let. a 1er tiret Accord 1990), et en prévoyant le devoir d’assurer « partout où cela se révèle techniquement possible et lorsque le volume du trafic le justifie, des voies de passage rapide réservées aux marchandises placées sous un régime douanier de transit » (art. 10 Accord 1990), l’Accord proposait d’autres mesures afin de fluidifier le plus possible les échanges bilatéraux de marchandises. De la même manière doit être interprétée la disposition particulière sur les facilités de paiement, qui impose aux parties de mettre en place un système dans lequel les sommes, dues en vertu des contrôles effectués à la frontière, puissent être « acquittées également sous forme de chèques bancaires internationaux garantis ou certifiés, libellés dans la monnaie du pays dans laquelle ces sommes sont exigibles » (art. 19 Accord 1990).

La coopération entre les deux administrations faisait également partie des ces mesures : ainsi, les parties s’engageaient, d’abord, à « renforcer la collaboration tant au niveau national que régional ou local » (art. 11 al. 1 Accord 1990), aussi bien pour les autorités mettant en place les systèmes de contrôle que pour les organes effectuant lesdits contrôles, ensuite, d’informer l’autre partie au cas où elle aurait « l’intention d’appliquer un nouveau contrôle ou une nouvelle formalité » (art. 12 Accord 1990) et, enfin, de mettre en place une réelle assistance administrative en octroyant, « sur demande ou, si quel qu’en soit le mode ou le support, concernant la marchandise ou les moyens de transport » (art. 1 let. b Accord 1990).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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elles estiment que cela est dans l’intérêt de l’autre partie contractante, de leur propre initiative, toute information en leur possession (y compris les constatations et rapports administratifs) utile pour la bonne exécution du présent accord » (art. 14 Accord 1990).

Enfin, pour la mise en pratique de l’Accord, une Commission mixte bipartite était instituée (art. 15 Accord 1990), avec des attributions administratives liées au bon fonctionnement de l’instrument bilatéral : parmi celles-ci, l’obligation, au moins, d’une réunion annuelle (ch. 3), l’adoption d’un règlement intérieur (ch. 4) et l’organisation de son activité par des sous-comités, en fonction de la question à régler (ch. 5). Pour exercer ses fonctions (art. 17 Accord 1990), elle émettait des recommandations (ch. 1) ou adoptait des décisions qui, pourtant, étaient « exécutées par les parties contractantes selon leurs propres règles » (ch. 3).

Il importe également de souligner que, même dans cet instrument juridique, les parties prévoyaient déjà un mécanisme de règlement des différends en stipulant que chaque conflit lié à la mise en application de l’Accord 1990 devait être soumis à ladite Commission « qui en cherche le règlement à l’amiable » (art. 18 in fine Accord 1990). Certes, le caractère diplomatique est encore présent, mais il s’agit néanmoins d’une meilleure formulation que celle rencontrée dans l’ALE.

Les conséquences de l’Accord étaient sur le coup défavorables du point de vue financier, mais favorables quant au trafic des marchandises : « Il en résultera une perte de recettes probable de 3,7 millions de francs par année. La fluidité du trafic dans les bureaux de douane à la frontière s'en trouvera en revanche améliorée »893

Les deux parties ayant compris la nécessité d’adapter leur régime aux nouvelles réalités géoéconomiques enregistrées au début du millénaire, surtout à la lumière des politiques menées après le 11 septembre 2001, les négociations ont permis à la Suisse et à l'UE de reconnaître réciproquement l'équivalence de leurs standards de sécurité dans un nouvel instrument bilatéral

.

894, entré en vigueur provisoirement le 1er juillet 2009895, (ci-dessous Accord 2009), en les ajoutant aux dispositions concernant la facilitation des contrôles et des formalités requises lors du transport des marchandises, mises en place depuis 1990. Ces transformations se montraient d’autant plus nécessaires vu que « depuis les années 1990, l’intégration verticale - en particulier le commerce vertical intra-industriel (livraison de semi-produits) – s’est fortement développé. La part des semi-produits représente environ 30% du total des échanges »896

Le préambule de l’Accord explique les modifications intervenues : l’Accord en vigueur, « pour des raisons de clarté et de renforcement de la sécurité juridique, remplace l'Accord de 1990 », dont le contenu est repris dans le présent Accord (consid. 2); la suppression des dispositions vétérinaires et phytosanitaires est intervenue suite à leur

.

893 CF, Message du 9 janvier 1991, FF 1991 I 482. 894 FF 2009 VIII 8115. 895 L’Assemblée fédérale ayant adopté l'arrêté fédéral portant sur l'approbation et la mise en œuvre de l'Accord entre la Suisse et la CE (nouvellement UE) sur la facilitation et la sécurité douanières (« CF, Arrêté du 18 juin 2010 »), le Conseil fédéral avait décidé de l'appliquer provisoirement à partir du 1er juillet 2009 (art. 33 al. 1 Accord 2009), afin de garantir sans interruption le bon fonctionnement des échanges de marchandises. Vu que le délai référendaire échouait, le 7 octobre 2010, sans avoir été utilisé, le Conseil fédéral avait transmis, le 27 novembre, l’accord aux Chambres fédérales pour approbation. L'accord a été ratifié par la Suisse le 31 décembre 2010 et est entré en vigueur au 1er janvier 2011. 896 CF, Message du 27 novembre 2009, FF 2009 VIII 8108.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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reprise par l'Accord bilatéral du 21 juin 1999 relatif aux échanges de produits agricoles (consid. 8); l’Accord développe la participation suisse à la mise en place de la législation communautaire concernant la sécurité douanière (consid. 12); la motivation principale de l’Accord réside dans la volonté commune « d’améliorer la sécurité dans les échanges de marchandises entrant ou sortant de leur territoire sans entraver la fluidité de ces échanges » (consid. 13) et « d'instaurer, dans l'intérêt des parties contractantes, des mesures douanières de sécurité équivalentes lors du transport des marchandises en provenance ou à destination des pays tiers » (consid. 14).

Les nouvelles définitions introduites à l’art. 1, concernant les notions de « risque »897 et de « gestion des risques »898

D’abord, le chapitre III, destiné aux nouvelles mesures de sécurité, contient des éléments procéduraux. Le paquet de ces dispositions concerne les « marchandises en provenance ou à destination des pays tiers » (art. 9 ch. 1 Accord 2009), alors que les deux parties « renoncent à appliquer les mesures douanières de sécurité définies au présent chapitre lors du transport des marchandises entre leurs territoires douaniers » (art. 9 ch. 2 Accord 2009). Sur la base de la législation communautaire en la matière

, ouvrent la série d’éléments innovants très importants contenus dans cet Accord et regroupés en trois catégories.

899

897 « la probabilité que survienne, en liaison avec l'entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier de l'une des parties contractantes et des pays tiers et la présence de marchandises n'étant pas en libre circulation sur le territoire de l'une des parties contractantes, un événement qui constitue une menace pour la sécurité et la sûreté de la Communauté, de ses États membres ou de la Suisse, pour la santé publique, pour l'environnement ou pour les consommateurs » (art. 1 let. c Accord 2009).

et pour des raisons de sécurité, l'UE introduira, pour les échanges de marchandises avec les Etats n'appartenant pas à l'UE, des dispositions prévoyant que l'importation, par une « déclaration sommaire d'entrée », et l'exportation, par une « déclaration sommaire de sortie », doivent être déclarées à l'avance (règle dite des 24 heures). Le contenu de ces déclarations se trouve décrit par le renvoi de l’art. 10 ch. 6 à l’annexe I de l’Accord. Par conséquent, dès l'introduction des nouvelles prescriptions de l'UE, il n’y aura plus besoin d’une déclaration préalable (sommaire) dans les échanges bilatéraux de marchandises entre la Suisse (y compris la Principauté de Liechtenstein) et l'UE. Cette exemption

898 « la détermination systématique des risques et la mise en œuvre de toutes les mesures nécessaires pour limiter l'exposition aux risques. Ce terme recouvre des activités comme la collecte de données et d'informations, l'analyse et l'évaluation des risques, la prescription et l'exécution de mesures ainsi que le contrôle et l'évaluation réguliers du processus et de ses résultats, sur la base de sources et de stratégies définies par la Communauté, ses États membres ou la Suisse, ou au niveau international » (art. 1 let. d Accord 2009). 899 Avec le nouveau régime en place - le règlement (CE) n° 273/2009 de la Commission, du 2 avril 2009, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, par dérogation à certaines dispositions du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission; JOUE n° L 91/14 du 31 avril 2009 - instituant l'obligation de déposer une déclaration sommaire d'entrée ou de sortie, la Commission de l'UE a instauré une réglementation transitoire valable jusqu'au 31 décembre 2010, reprise également dans le présent accord (art. 10 ch. 4 Accord 2009). De ce fait, la Suisse attendra, elle aussi, le 1er janvier 2011 pour instaurer l'obligation de déclarer préalablement les marchandises dans les échanges commerciaux avec les Etats tiers.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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s’applique à 80 % des importations en Suisse et 60 % des exportations suisses900. Cela signifie que Berne exigera ladite déclaration pour tous les envois en provenance ou à destination directe (fret aérien) d'Etats non membres de l'UE ainsi que pour les marchandises transitant par le territoire de l'UE à destination d’un autre pays tiers. De manière significative, pour les transports aériens des marchandises, pris en charge dans le cadre d'un contrat de transport unique à destination d'un Etat non membre de l'UE et transbordés sur le territoire de l'UE, le bureau de douane suisse de sortie sera considéré comme un bureau de douane de sortie de l'UE901

Ensuite, les parties ont introduit des nouveautés très importantes également quant au fonctionnement des organes de l’Accord (Chapitre V Accord 2009). En premier lieu, pour le développement du droit régissant les mesures de sécurité énoncées au Chapitre III, les experts suisses devront faire part de leur avis, au même titre que les experts des États membres (art. 22 al. 1 Accord 2009), et la Suisse sera informée chaque fois que « la Commission européenne transmettra sa proposition aux États membres ou au Conseil de l'UE » (art. 22 ch. 2 Accord 2009). Les experts suisses vont de plus participer, en tant qu’observateurs, aux réunions du Comité du Code des Douanes, organisme « qui assiste la Commission européenne dans l'exercice de ses compétences d'exécution » des mesures de sécurité (art. 23 Accord 2009). En troisième lieu, les parties se sont également engagées à ne pas contourner le régime institué par l’Accord bilatéral, à travers des accords parallèlement conclus avec des pays tiers (art. 25 Accord 2009).

. Les parties ont également introduit le statut d' « opérateur économique agréé » (en abrégé OEA), grâce auquel les entreprises certifiées bénéficient d'un assouplissement des prescriptions douanières de sécurité dans le commerce avec les Etats tiers. La Suisse adopte cette pratique, et les certificats AEO provenant des deux parties sont mutuellement reconnus (art. 11 ch. 1 4ème par. Accord 2009). L’art. 12 Accord 2009 définit le cadre des nouveaux contrôles douaniers de sécurité et la gestion des risques en matière de sécurité, en ordonnant que les contrôles « autres que ceux inopinés reposent sur une analyse des risques utilisant des procédés informatiques » (ch. 1) et en créant une équivalence « des systèmes de gestion des risques en matière de sécurité » (ch. 3). L’art. 13 Accord 2009 institue le suivi de la mise en œuvre des mesures douanières de sécurité, en prévoyant, dans son ch. 2, une liste non exhaustive concernant les modalités pour assurer cette tâche (l’évaluation périodique de la mise en œuvre du chapitre en question, l’examen en vue d'en améliorer l'application ou d'en modifier les dispositions, l’organisation de réunions thématiques entre experts des deux parties). Enfin, l’art. 14 Accord 2009 offre la protection du secret professionnel et des données personnelles pour les informations échangées par les parties.

Enfin, bien qu’appartenant toujours aux mesures liées au fonctionnement de l’Accord, il nous semble nécessaire de souligner séparément la procédure concernant le règlement des différends. Il y a dans ledit Accord, d’une part, le mécanisme déjà présent dans l’Accord de 1990 (art. 18 Accord 1990) prévoyant un Comité mixte investi du pouvoir de rechercher le règlement à l'amiable de « tout différend entre les parties contractantes touchant l'interprétation ou l'application du présent accord » (art. 24 Accord 2009). La nouveauté vient de l’énoncé de l’art. 29 Accord 2009 qui, en ce qui concerne

900 DFF, AFD, Rapport sur l’Accord entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité, p. 3. 901 Pour un examen détaillé, DFF/AFD, Transposition "Security Amendment", 22 janvier 2009.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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les mesures douanières de sécurité, introduit pour les parties la possibilité de « demander au Comité mixte de procéder à des consultations quant à la proportionnalité de ces mesures et, le cas échéant, de décider de soumettre un différend à ce sujet à un tribunal arbitral ». Suivant un modèle adopté en 2001, à travers l’art. 48 Convention AELE révisée, il s’agit d’un des très rares cas dans lesquels les deux parties peuvent recourir à un mécanisme judiciaire situé en dehors du cadre juridique et institutionnel instauré à travers leur coopération bilatérale : chaque partie peut donc demander au Comité mixte de procéder à des consultations et, le cas échéant, de décider de soumettre un différend à ce sujet à un arbitrage; cette avancée est pourtant limitée par deux conditions : d’un côté, les mesures envisagées «doivent être proportionnées et se limiter à ce qui est nécessaire» et de l’autre côté, l’impossibilité de traiter, dans le cadre de la procédure arbitrale, une question d'interprétation des dispositions de l’Accord 2009 identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire : « Les questions d’interprétation concernant des dispositions qui se recoupent avec les dispositions correspondantes du droit de la CE ne peuvent pas être élucidées dans ce cadre ». Le libellé du texte a voulu ainsi clairement protéger l’exclusivité de la compétence de la CJCE pour l’ensemble du droit communautaire, dont les accords externes font intégralement partie. Les mesures précitées comme première condition pour recourir potentiellement à la procédure arbitrale sont appelées mesures de rééquilibrage, et interviennent, par exemple, quand une partie « que l’équivalence des mesures douanières de sécurité n’est plus assurée» (art. 29 Accord 2009); il s’agit plutôt, selon nous, d’une forme plus perfectionnée des mesures de sauvegarde, en considérant le droit d’une partie contractante de « suspendre l'application de dispositions du chapitre III » si l'équivalence des mesures douanières de sécurité des parties contractantes n'est plus assurée (art. 29 Accord 2009).

L’importance de l’Accord, avec son régime transitoire octroyé à Berne, est d’autant plus considérable si l’on tient compte de la proximité territoriale de la Suisse par rapport à tous ses voisins, partenaires importants de son commerce bilatéral avec l’UE : « au vu des liens économiques étroits de la Suisse avec les Etats de l'UE (et notamment avec nos voisins l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Autriche), l'obligation de déclarer préalablement les marchandises aurait des répercussions hautement néfastes sur les échanges internationaux de marchandises et provoquerait des files d'attente imprévisibles aux postes frontières concernés. Il est essentiel pour les deux parties que la circulation des marchandises soit fluide au sein de l'Europe et que le dédouanement aux frontières soit rapide »902. Le Conseil fédéral considérait, dans un premier temps, que « l’obligation de présenter une déclaration sommaire d’entrée et de sortie a une signification décisive »903 et, ensuite, que « les dispositions institutionnelles de l’Accord (méthode de reprise des futurs développements de l’acquis communautaire pertinent, type de participation de la Suisse aux organes de l’UE visant à développer cet acquis, conséquences d’une éventuelle divergence au niveau des règles de sécurité douanière entre la Suisse et l’UE) sont équilibrées et judicieuses »904

.

902 DFF, AFD, Rapport sur l’Accord entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité, p. 9. 903 CF, Message du 27 novembre 2009, FF 2009 VIII 8108. 904 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 468.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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b. Le règlement REACH

Parmi les nouveaux domaines d'intérêt commun étudiés au sein des délégations mixtes UE – Suisse se trouve également un dossier qui présente un intérêt pour les produits industriels en général, et le secteur chimique en particulier : il s’agit du secteur très restreint de la sécurité en matière de produits chimiques. Se trouvant, à fin 2009, dans la phase des travaux préparatoires en vue d’éventuelles négociations, ce domaine fait partie de la liste905

Les modifications intervenues dans la législation suisse sont la conséquence directe du changement de régime juridique connu par ce secteur dans l’espace communautaire. En juin 2007, les modifications

incluant, actuellement, d‘autres secteurs touchant directement ou indirectement à la réglementation des produits industriels, tels que l’électricité, pour lesquels les deux parties ont décidé d’approfondir leur collaboration future.

906 apportées au texte original907 du règlement du Conseil et du Parlement européen n° 1907/2006, relatif à l’amélioration de la sécurité en matière de produits chimiques, sont entrées en vigueur dans l’UE, contenant des dispositions nouvelles quant à l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques fabriquées ou importées dans l’UE (son acronyme anglais, REACH908

Le règlement en cause présentait plusieurs éléments novateurs. En introduisant le principe « pas de données, pas de marché » (art. 5 règlement n° 1907/2006), selon lequel les substances, telles quelles ou contenues dans des préparations, ne sont pas fabriquées dans la Communauté ou mises sur le marché si elles n'ont pas été enregistrées, le règlement instituait, d’une part, l’obligation d’enregistrement auprès de l’agence (articles 6 à 12 règlement n° 1907/2006) et, d’autre part, celle de fournir des informations à des fins générales d'enregistrement (articles 10 à 14 règlement n° 1907/2006). Le cadre juridique de cette autorisation était minutieusement décrit dans le deuxième chapitre du Titre VII dudit règlement (art. 60ss réglant l’octroi, la révision, la demande, la procédure d’adoption, et les obligations du titulaire d’une telle autorisation), alors que le but général de cette autorisation était décrit comme étant « d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d'autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables » (art. 57 règlement n° 1907/2006).

- soit l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances - ayant été repris comme dénomination officielle du règlement); le même instrument créait également une agence européenne des produits chimiques, censée coordonner l’activité dans ce secteur de production.

905 Cf. infra p. 245. 906 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission; JOUE n° L 136 du 29 mai 2007, p. 3. 907 JOUE n° L 396 du 30 décembre 2006. 908 Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals (trad. anglais).

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Chapitre 1 Les produits industriels

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Le texte comprenait en outre les obligations quant à l’information à l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement : « le fournisseur d'une substance ou d'une préparation fournit au destinataire de la substance ou de la préparation une fiche de données de sécurité » (art. 31 ch. 1 règlement n° 1907/2006); il y avait aussi une « obligation de communiquer des informations en aval dans la chaîne d'approvisionnement au sujet des substances telles quelles ou dans des préparations pour lesquelles une fiche de données de sécurité n'est pas requise » (art. 32 règlement n° 1907/2006), ainsi qu’une « obligation de communiquer des informations sur les substances et les préparations en amont dans la chaîne d'approvisionnement » (art. 34 règlement n° 1907/2006). Le chapitre V énonçait les obligations des utilisateurs en aval, avec surtout l’introduction des évaluations de la sécurité chimique par ceux-ci et l’obligation de déterminer, de mettre en œuvre et de recommander des mesures de réduction des risques (art. 37 règlement n° 1907/2006).

Un autre point majeur de la révision apportée par ledit règlement a été la création de l’Agence européenne des produits chimiques, chargée à la base de gérer et, dans certains cas, de mettre en œuvre « des aspects techniques, scientifiques et administratifs du présent règlement et en vue d'en garantir la cohérence au niveau communautaire » (art. 75 ch. 1 règlement n° 1907/2006). Comme tâche principale, cette institution devait fournir « aux États membres et aux institutions de la Communauté les meilleurs conseils scientifiques et/ou techniques possibles sur les questions relatives aux produits chimiques qui relèvent de sa compétence et qui lui sont soumises conformément aux dispositions du présent règlement » (art. 77 ch. 1 Règlement n° 1907/2006); en outre, elle devait assumer l’obligation d’évaluation, faite sur les dossiers (art. 40ss Règlement n° 1907/2006) , les substances (art. 44ss règlement n° 1907/2006) et les intermédiaires qui font appel à elle, pour ces derniers la loi imposant des informations supplémentaires concernant leurs homologues restés isolés sur le site (art. 49 Règlement n° 1907/2006). Parmi les organes composant ladite agence (articles 76ss Règlement n° 1907/2006), il est à signaler la présence d’une chambre de recours (art. 89 règlement n° 1907/2006), organe judiciaire composé d'un président et de deux autres membres (ch. 1), désignés par le conseil d'administration, sur la base de l'expérience et de la compétence qu'ils possèdent dans le domaine de la sécurité des substances chimiques, des sciences naturelles ou des procédures réglementaires et judiciaires, sur une liste de candidats qualifiés adoptée par la Commission (ch. 3).

Le règlement européen a changé non seulement le régime des produits chimiques applicable à l’intérieur de l’UE, mais a également déployé des conséquences directes sur l’industrie chimique dans des pays non membres de l’UE. Les échanges avec Berne étaient donc directement visés, tenant compte du fait que « l’industrie suisse est particulièrement touchée dans la mesure où l’UE est, dans ce domaine également, le principal partenaire commercial de la Suisse »909

L’entrée en vigueur dudit règlement a créé des incompatibilités de régime juridique entre la législation adoptée par Bruxelles et celle de Berne, le droit suisse sur les produits chimiques étant dès le 1er août 2005 harmonisé avec celui de la CE. Selon la nouvelle donne, les entreprises suisses exportant, dans la CE, des préparations ou des objets contenant des produits chimiques – qui n'étaient pas souvent, voire pas du tout, confrontées à la législation européenne en la matière – devaient « faire face à un système complexe d'enregistrement (préalable) obligatoire des substances, dans lequel elles ont le

.

909 DFAE/DFE, Politique européenne de la Suisse - prochaines étapes, p. 5.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

190

fardeau de la preuve en matière de sécurité des substances »910

En plus du règlement REACH, l’UE avait aussi adopté un deuxième instrument de haute importance pour les produits industriels du secteur chimique : le règlement SGH

. Il en résultait non seulement de nouveaux obstacles au commerce bilatéral, touchant beaucoup aux échanges des produits appartenant au secteur chimique, mais également, vu les avancées enregistrées dans la législation communautaire, un niveau de protection de la population et de l'environnement plus élevé à l’intérieur de la CE.

911

Le Conseil fédéral s’est vu ainsi obligé de développer une stratégie de réponse à ces évolutions affectant un secteur vital des échanges bilatéraux de produits industriels. Ladite stratégie visait, d’une part, des structures institutionnelles capables de fournir de l’aide logistique aux entreprises suisses actives dans le secteur chimique : il a ainsi créé un service national d'assistance REACH, rattaché à l'organe commun de réception des notifications des produits chimiques de l’OFSP, de l'OFEV et du SECO; d’autre part, le besoin était évident pour la Suisse d’une adaptation législative, au moins « partielle, de la législation en vigueur afin d'harmoniser les dispositions existantes, tout en maintenant un niveau élevé de protection de la santé et de l'environnement »

(système global harmonisé de classification et d'étiquetage) qui, tout en réorganisant les instruments législatifs adoptés jusqu’à ce moment-là, fixait le cadre juridique général pour la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges utilisés dans l’industrie chimique.

912

En Suisse le régime juridique de ces produits était, fondamentalement, réglé par l’application de la Loi du 15 décembre 2000 sur les produits chimiques (ci-dessous, LChim

.

913) accompagnée de l’Ordonnance sur la protection contre les substances et les préparations dangereuses (ou l’Ordonnance sur les produits chimiques, ci-dessous OChim914). En vigueur depuis le 1er août 2005 (art. 111 OChim), le cadre juridique en place a dû être repensé, afin de tenir compte de l'introduction dans l'UE du règlement REACH et du règlement SGH (système global harmonisé de classification et d'étiquetage), deux instruments juridiques ayant considérablement modifié les exigences concernant la mise dans le commerce des produits chimiques. Suite à l’entrée en vigueur, le 1er février 2009, des nouvelles dispositions de l’OChim915, une réaction en chaîne a déterminé des ajustements partiels des autres instruments du paquet législatif concernant le secteur chimique suisse, tels que l’Ordonnance sur les produits biocides916, celle sur la réduction des risques liés aux produits chimiques917 ou celle sur les produits phytosanitaires918

910 DFI, La Suisse confrontée à REACH, le nouveau règlement européen, 2ème par.

.

911 Règlement n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006, JOUE n° L 353 du 31 décembre 2008, p. 1. 912 DFI, Le Conseil fédéral a approuvé la révision de l'ordonnance sur les produits chimiques, par. 1. 913 RS 813.1. 914 RS 813.11. 915 OChim, Modification du 14 janvier 2009, RO 2009 I 401. 916 RS 813.12. 917 RS 814.81. 918 RS 916.161.

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Chapitre 1 Les produits industriels

191

Les principales modifications de la législation suisse concernaient plusieurs points.

Le nouveau régime a d’abord élargi la notion de fabricant de telles substances, en ajoutant aux personnes qui fabriquent, produisent ou importent des substances, des préparations ou des objets, chaque personne « qui se procure en Suisse des substances, des préparations ou des objets et qui les remet à titre commercial, sans en modifier la composition » (art. 2 ch. 1 let. c OChim); de même, de nouvelles définitions ont été ajoutées afin de tenir compte des évolutions communautaires : la recherche et le développement scientifiques, les activités de recherche et développement axées sur les produits et les processus, le résumé d’essai consistant » (art. 2 ch. 2 lettres h, i et j OChim).

Par le renvoi aux dispositions communautaires pertinentes, l’art 6a OChim a introduit une différence entre les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) et celles très persistantes et très bioaccumulables (vPvB). A son tour, l’obligation fondamentale de contrôle autonome incombant au fabricant a été reformulée, afin de la clarifier et de rendre plus facile son suivi : selon le nouveau régime, ladite obligation consistait dans le classement, l’emballage, l’étiquetage; l’élaboration des scénarios d’exposition et l’établissement d’une fiche de données de sécurité (art. 7 ch. 1 lettres a, b, c, d, e OChim). En outre, pour renforcer le contrôle du respect des obligations découlant du statut de fabricant d’une nouvelle substance, l’art. 16 ch. 2 OChim prévoyait désormais le pouvoir de l’organe de réception des notifications d’exiger « la notification d’une nouvelle substance contenue dans un objet, lorsqu’il a des raisons de suspecter que la substance peut être libérée dans les conditions d’emploi de l’objet ». Cette nouvelle règle était accompagnée de l’introduction, à l’art. 16a O Chim, des éléments permettant de mesurer la quantité déterminante de substance conditionnant l’application des nouvelles normes.

L’art. 18a O Chim introduisait une autre nouveauté, à l’aide du renvoi au règlement REACH : il s’agit de la notion de rapport sur la sécurité chimique, censé contenir plusieurs types d’évaluation (art. 18a lettres a, b, c, d OChim), celle-ci étant réalisée sur les dangers pour la santé humaine, les dangers physico-chimiques, les dangers pour l’environnement, ou sur les caractères PBT et vPvB; pour ces derniers, l’ordonnance ajoutait des mesures précises à prendre en cas de leur repérage (art. 18a let. e OChim).

Le législateur a introduit des nouvelles exigences concernant les essais à effectuer sur les nouvelles substances chimiques, en établissant le principe que « le fabricant doit veiller à ce que les essais, les méthodes d’essai et l’évaluation des résultats d’essais correspondent à l’état des connaissances scientifiques et techniques » (art. 35 ch. 1 OChim). En imposant le recours aux dispositions européennes, à la fois communautaires (art. 34 ch. 1 let a OChim) et appartenant à l’OCDE (art. 34 ch. 1 let. b OChim), la loi demandait en outre la prise dûment en compte « de la protection des animaux en cas d’essai sur des animaux » (art. 34 ch. 3 let. b OChim), l’utilisation de méthodes alternatives permettant ainsi de croire à une réduction des essais sur les animaux de laboratoire.

La nouvelle réglementation prévoit également la possibilité d'utiliser le nouveau système de classification et d'étiquetage SGH pour les produits destinés aux utilisateurs professionnels : un nouveau chapitre 4a, intitulé « Classification, étiquetage et emballage

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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selon le règlement SGH », institue une reprise partielle du système SGH adopté à l’intérieur de l’espace communautaire, à travers des dispositions comprenant, entre autres, le principe du choix du fabricant (art. 56a OChim) pour utiliser cette classification - en dérogation des normes générales quant à la classifications des substances (art. 8 OChim) et celle des préparations (articles 10 à 15 OChim) – ainsi que celui de la transposition des termes en droit suisse, le texte stipulant que « les termes de fournisseur, de fabricant, d’importateur ou d’utilisateur en aval utilisés dans le règlement SGH correspondent au terme de fabricant utilisé dans la présente ordonnance » (art. 56b OChim). Alors que la présente modification évitera des frais supplémentaires dus à une modification de l'étiquetage, il est prévu qu’il y aura, dans les prochaines années, une reprise globale du système SGH. Il faut également rappeler ici que la reprise dans le règlement SGH de l'ancienne annexe I de la directive 67/548/CEE919 a déterminé également, en doit suisse, une modification de l’ordonnance sur la classification et l'étiquetage officiels de certaines catégories dangereuses des substances920

Un autre point majeur de la révision du droit suisse a concerné le régime des substances particulièrement dangereuses. Pour celles-ci, d’une part, une importance accrue provient également de la reformulation de l’obligation de communiquer - applicable pour les substances existantes dangereuses ou PBT ou vPvB et les préparations dangereuses (art. 61 OChim), pour certaines substances nouvelles (art. 62 OChim) et même pour les préparations non dangereuses (art. 63 OChim) - et ayant pour but « d'éviter toute commercialisation abusive en Suisse de tels produits chimiques, sous forme de substances ou de préparations, aussi longtemps que des mesures semblables d'autorisation ne sont pas introduites au niveau de la loi sur les produits chimiques, ce qui peut prendre encore quelques années »

, complétant le régime général sur la classification officielle découlant de l’art. 9 OChim.

921

Comme il peut être remarqué, la reprise dans la législation suisse du règlement REACH n’est faite qu’à titre partiel : « la dernière révision a repris certains éléments

. Le contenu de la déclaration, libellé à l'art. 64 OChim, doit indiquer si la substance est autorisée dans l'UE pour l'usage prévu de la préparation. L'usage prévu des substances doit être précisément indiqué dans la fiche de données de sécurité (art. 52 OChim). L'annexe 4 de l'OChim va reprendre la liste des substances de l'annexe XIV du règlement REACH, qui sera régulièrement mise à jour, contenant les substances potentiellement dangereuses (p. ex. substances cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, ou toxiques, persistantes et bioaccumulables). D’autre part, un nouveau chapitre - sur l’utilisation de substances et de préparations particulièrement dangereuses - permet de définir une liste indicative de celles-ci (art. 76 OChim), en instaurant des nouvelles règles sur leur entreposage (art. 77 OChim), les cas d’exclusion de la vente en libre service (art. 78 OChim), ou les obligations particulières liées à la remise (art. 80 OChim). Toutes ces mesures permettront indéniablement d’obtenir un meilleur contrôle et la prise de mesures de gestion des risques mieux adaptées.

919 Directive 67/548/CEE du Conseil du 27 juin 1967 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses, JOCE n° 196 du 16 août 1967, p. 1. 920 Ordonnance du DFI, du 28 juin 2005, sur la classification et l’étiquetage officiels des substances, RS 813.112.12. 921 OFSP, Pourquoi une obligation de communiquer, par. 1.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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dudit, sans pour autant introduire de nouvelles obligations, telles que l'enregistrement des substances existantes »922. L'introduction d’une telle obligation, ou de celle concernant l’autorisation des produits chimiques, supposerait toutefois des changements au niveau de la LChim. Des évolutions importantes ne peuvent pas être prévues pour 2011 car, malgré des avancées de l’année 2010, il y a une absence de pouvoir de négociation de la part de l’UE923

.

Section D Cas particuliers liés au commerce bilatéral des

marchandises a. Le conflit sur les réexportations

En février 2004, la Suisse avait appris que l’administration douanière communautaire avait élaboré une circulaire demandant aux Etats membres de supprimer, dès le 1er mars 2004, l’admission préférentielle appliquée aux produits originaires de l’UE puis réimportés par celle-ci à partir de pays parties à des accords de libre-échange. Ayant à l’esprit qu’une partie importante des échanges bilatéraux, développés sur la base de l’ALE, était directement visée par ladite mesure, Berne avait tout intérêt de suivre cette affaire : en effet, une telle mesure aurait eu des conséquences dommageables pour les acteurs économiques suisses concernés, tenant compte du fait que, par exemple, les centres logistiques situés en Suisse auraient été particulièrement touchés (secteurs de la chimie, des textiles et des vêtements, des machines et des appareils), de même que les maisons de vente par correspondance qui disposent d´entrepôts en Suisse, et le commerce aurait certainement payé le prix fort. En cas d’application, la mesure touchait l’économie suisse à tous les échelons et dans tous les secteurs : les entreprises de fabrication, aussi bien dans le secteur industriel - machines, chimie, textiles - que les entreprises artisanales, les centres de distribution, les intermédiaires, l’industrie automobile, la vente par correspondance.

Survenu au moment où Berne souhaitait boucler les Bilatérales II dans leur ensemble, alors que Bruxelles refusait tout lien entre la signature de l´accord sur la fiscalité de l´épargne et ceux sur la sécurité intérieure et l´asile, le nouveau durcissement des relations commerciales entre la Suisse et l’UE était perçu, pour certains, comme « sans doute un moyen d’accroître la pression sur les négociateurs suisses, en les impressionnant »924

922 OFSP, Texte explicatif, p. 2.

. En outre, la manière d’agir de l’UE avait suscité en Suisse de vives critiques aussi bien de la part des pouvoirs décisionnels politiques qu’économiques,

923 Dans un bilan affiché, en fin 2010, sur le site de l’OFSP, il était indiqué: « Il n'est pas encore décidé si les principes du règlement REACH seront introduits en Suisse, et si oui, à quel niveau. Lors de sa séance du 18 août 2010, le Conseil fédéral a adopté le mandat de négociations entre la Suisse et l'Union Européenne portant sur une collaboration dans le domaine de la sécurité des produits chimiques, sous réserve des consultations des commissions de politique extérieure des chambres fédérales ainsi que des cantons. Les consultations dureront probablement jusqu'à fin décembre 2010. Le moment auquel les négociations pourront commencer n'est pas encore connu (la Commission européenne ne possède pas encore de mandat pour négocier avec la Suisse dans ce domaine) » (OFSP, REACH et la Suisse, p. 1). 924 SWISSINFO, L'Union frappe la Suisse avec de nouvelles taxes.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Berne ayant par conséquent immédiatement requis les pourparlers bilatéraux afin de trouver une solution qui puisse être acceptable pour les deux parties.

Les craintes de l’économie ont déterminé une réaction conjuguée de la part des Chambres fédérales : à la suite d’interpellations urgentes, le Conseil national et le Conseil des Etats ont soumis des questions quant aux conséquences de cette mesure pour l’ensemble de l’économie suisse. Une de ces prises de position résumait, à elle seule, tout le débat en cause.

Dans l’interpellation urgente925 déposée par le porte-parole du groupe UDC, M. Hansruedi Wandfluh, faisant partie d’un groupe d’interpellations émanant de formations politiques différentes mais ayant le même objet926, plusieurs questions étaient adressées au sujet de la mesure décrétée par Bruxelles : ainsi, les parlementaires en question voulaient savoir le contenu exact de la mesure décrétée par l'UE; ils voulaient connaître le volume des droits de douane que l'UE envisageait de percevoir sur les marchandises réexportées ainsi que l’impact que ces droits auraient sur l'économie suisse; ils se posaient des questions sur la compatibilité de ladite mesure avec les accords de l'OMC et les éventuelles mesures envisagées par Berne, telle que l’introduction d’une plainte à l'OMC; ils s’interrogeaient sur la manière d’agir de Bruxelles, qui a fait recours souvent à des mesures prises unilatéralement, à l’exemple de celles décidées dans le trafic aérien ou dans les difficultés rencontrées par les banques suisses pour accéder au marché allemand. La réponse du Conseil fédéral927

Trois « rounds » de négociations ont suivi. D’abord, à Bâle le 24 février 2004, la Suisse a pu obtenir, comme priorité absolue, un sursis - pour le 1er juin - dans l’application de la mesure prise à son encontre; les parties sont aussi tombées d’accord

, présentée le 12 mars 2004, pouvait être résumée ainsi : d’abord, en estimant à quelques millions de francs et à plusieurs milliers d'emplois perdus les dommages subis par la Suisse, il précisait qu’« il est toutefois impossible de donner un ordre de grandeur, attendu qu'il s'agit d'une multitude d'entreprises qui ne sont pas toutes affectées de la même manière » (ch. 3); ensuite, en confirmant sa pratique « de tenter dans un premier temps de régler au niveau bilatéral les problèmes avec ses partenaires commerciaux » (ch. 4), il gardait en réserve le recours aux instruments multilatéraux seulement en cas d'échec des négociations bilatérales; enfin, en considérant, d’une part, comme « inacceptable aussi bien le changement de pratique juridique de l'UE que la manière dont il a dû prendre connaissance de la mesure envisagée » et, d’autre part, qu’ « une modification de la pratique juridique établie, comme l'envisage l'UE, pourrait compromettre sérieusement l'atmosphère des négociations en cours » (ch. 5), le gouvernement suisse se montrait « déterminé à trouver rapidement, avec l'UE, une solution au problème qui garantisse le régime juridique actuel de la Suisse » (ch. 6).

925 Interpellation urgente 04.3006, Droits de douane de l’UE sur les réexportations, déposée le 1er

mars 2004 au Conseil national par le Groupe UDC, avec porte-parole Hansruedi Wandfluh, BO CN 2004, p. 341. 926 Interpellation urgente 04.3018, Droits de douane de l'UE sur les réexportations, déposée le 3 mars 2004 au Conseil national par le groupe socialiste, porte-parole Susanne Leutenegger Oberholzer, BO CN 2004, p. 341ss; Interpellation urgente 04.3019, Mesures contre la politique de l'UE en matière de droits de douane, déposée le 3 mars 2004 au Conseil national par le groupe radical libéral, porte-parole Ruedi Noser, BO CN 2004, p. 341ss; Interpellation urgente 04.3021, Mesures contre la politique de l'UE en matière de droits de douane, déposée le 3 mars 2004 au Conseil des Etats par le libéral Rolf Büttiker, BO CE 2004, p. 113ss. 927 CF, Réponse du 12 mars 2004.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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pour approfondir l’examen permettant de trouver de possibles bases juridiques dans l’Accord bilatéral de libre-échange de 1972 et les conséquences d’éventuelles taxes douanières pour l’économie. Dans un deuxième temps, le 14 avril 2004, les parties sont convenues d’appliquer le principe du « statu quo » dans les relations commerciales bilatérales, en exprimant ainsi la volonté commune d’affirmer que « les problèmes visés par la nouvelle interprétation de l’UE quant aux échanges agricoles et au remboursement des taxes douanières ne concernaient pas les flux commerciaux entre la Suisse et l’UE »928

Cet accord a été avalisé le 19 mai 2004 au niveau politique par les délégations du Conseil fédéral et de la présidence de l’UE, étant formellement garanti dans « une procédure écrite par le Comité mixte Suisse-UE sous forme de recommandation »

. Dans une troisième rencontre, le 22 avril 2004, les deux délégations se sont accordées sur l’interprétation selon laquelle les dispositions de l’Accord bilatéral de libre-échange de 1972 permettaient la réimportation exemptée des taxes pour tous les produits industriels originaires, sans souci concernant leur provenance, soit-elle de l’UE ou de la Suisse. En revanche, ce bénéfice de la franchise douanière n’était pas octroyé aux réexportations de produits agricoles, exclus de l’Accord de libre-échange de 1972, et de produits agricoles transformés, soumis à une réglementation particulière.

929, ce qui a fait que la « pratique de la franchise douanière » - ayant prévalu jusqu’à ce moment pour les réexportations - est restée « inchangée »930

.

b. Les importations parallèles La complexité actuelle de la question des importations parallèles931

928 CF, Rapport sur la politique économique extérieure 2004, FF 2005 II 1050.

fait naître un problème particulier, touchant à la fois au régime des droits immatériels et à celui de la propriété, aux considérations de politique économique développées à l’intérieur d’un pays qu’aux stratégies de conduite économique mises en place par celui-ci dans les relations avec les partenaires commerciaux. Pour la Suisse, en plus, cette question a réellement créé, récemment, des contradictions entre différents régimes juridiques, vu que Berne a adopté progressivement un régime de libre circulation des marchandises alors que, dans le même temps, elle défendait vigoureusement la protection de la recherche et de l'innovation : il en est résulté, par conséquent, une opposition entre la liberté commerciale et la protection de la propriété intellectuelle. L’analyse effectuée ci-dessous va se focaliser, à la lumière des considérations touchant à la circulation des marchandises entre la Suisse et l’UE, sur l’interconnexion entre les développements enregistrés dans la législation suisse sur les brevets d’invention, pris dans le contexte plus large de l’ensemble des droits immatériels, et la question des importations parallèles.

929 Ibid. 930 DFAE/DFE, Document final sur le sommet Suisse – UE, p. 2. 931 « Au sens large, le terme d’importations parallèles désigne le commerce transfrontalier qui permet à l’importateur de tirer avantage de la différence de prix avec l’étranger; il importe un produit acheté à l’étranger pour le revendre sur le marché indigène en marge des réseaux de distribution du producteur; (…) au sens strict, le terme d’importations parallèles désigne le commerce transfrontalier de produits protégés par des droits de propriété intellectuelle » (CF, Message du 21 décembre 2007, FF 2008 I 264).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Le point de départ a été la décision du Tribunal fédéral du 7 décembre 1991, dans laquelle les juges ont tranché dans une affaire, « Kodak SA c. Jumbo-Markt AG. » 932

Le TF avait d’abord fait une précision pour délimiter, dans ce segment des droits de la propriété intellectuelle, la jurisprudence concernant les différents types d’épuisement du droit

, concernant l’épuisement en droit des brevets. La société Kodak (Suisse) SA, détentrice du brevet suisse équivalent du brevet européen appartenant à sa société mère, était titulaire d’un droit exclusif de vente des produits Kodak, sur l’ensemble du territoire suisse. Le problème intervenait du fait que la société Jumbo Markt AG commercialisait, en plus de la marchandise provenant de Kodak (Suisse) SA, des pellicules couleur et des appareils photo jetables importés directement d'Angleterre, où ils avaient été mis en circulation, avec l'autorisation de Kodak Grande-Bretagne. La société Kodak (Suisse) SA avait ouvert action pour violation du droit des brevets et, le 23 novembre 1998, le Tribunal de commerce de Zurich s’était prononcé en faveur de l’épuisement international des droits.

933. On rappelle qu’antérieurement, pour d’autres types de droits immatériels, le TF avait confirmé le principe de l’épuisement international : dans l’arrêt « Channel »934 le TF avait statué que la LPM ne permettrait pas d’empêcher la vente en Suisse d’un produit mis en circulation à l’étranger par une personne juridique faisant partie du même groupe que le titulaire de la marque suisse. Malgré la critique qui reprochait à cette jurisprudence « la création d’une inégalité - entre les importateurs parallèles avantagés par rapport aux distributeurs agréés - qui fausse le libre jeu de la concurrence »935, il convient d’ajouter que le TF a considéré ultérieurement, dans l’arrêt « Nintendo »936

Dans le droit des marques, le TF avait pourtant introduit, par l’arrêt « OMO »

, que ces considérations valaient aussi pour les cas visant le droit d’auteur.

937

932 ATF 126 III 129.

, une exception au principe de l’épuisement international, en statuant que le titulaire de la marque suisse garde le droit de faire obstacle à l’importation d’un produit mis en circulation à l’étranger par une société du même groupe dans la situation où le produit étranger se distingue du produit suisse sur des points qui ne sont pas indifférents aux consommateurs; en espèce, la lessive vendue en Suisse avait des particularités qui lui

933 Pour les définir, voir COTTIER & STUCKI: « Im nationalen Handelsverkehr tritt die Erschöpfung ein, wenn das Produkt durch den Schutzrechtsinhaber oder mit seiner Zustimmung (z.B. im Rahmen eines Lizenzvertrages) in Verkehr gesetzt worden ist. Der Inhaber des Immaterialgüterrechts kann das weitere Schicksal des Produktes auf dem Markt rechtlich nicht mehr beeinflussen; seine Rechte sind „erschöpft“. (…) Im internationalen Handelsverkehr beantwortet die Erschöpfungsdoktrin die Frage, ob eine sog. erste Inverkehrbringung eines immaterialgüterechtlich geschützten Produktes im Land A zur Folge hat, dass der Schutzrechtesinhaber sein Weiterveräusserungsrecht bezüglich dieses Produkts in andern Ländern als dem Land A behält oder verliert („erschöpft“). Behalten und durchsetzen kann er es, wenn er immaterialgüterechtliche Abweherpositionen mobilisieren und so z.B. eine Importsperre gegen einen Parallelimporteur richterlich verhängen lassen kann. Die Antwort hangt davon ab, ob die Doktrin der nationalen, internationalen oder regionalen Erschöpfung zur Anwendung kommt » (Parallelimporte, p. 35). 934 ATF 122 III 469. 935 ARN, L’arrêt Channel, p. 957. 936 ATF 124 III 321. 937 ATF 105 II 49; cf. supra p. 140.

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Chapitre 1 Les produits industriels

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conféraient une distinction clairement définie par rapport au produit distribué sous la même marque en Allemagne : la présence des paillettes bleues, son parfum et l’apprêt qu’elle conférait aux textiles. En ce qui concerne le droit communautaire, la CJCE, dans l’arrêt « Silhouette »938, a interprété l’art. 7 de la Directive 89/104/CE939 comme imposant aux Etats membres le principe de l’épuisement communautaire de la marque; pour les juges de Luxembourg, ce principe constitue donc non seulement un minimum (proscrivant l’épuisement national), mais aussi un maximum (interdisant l’épuisement international)940

Le TF a justifié l’abandon de sa ligne adoptée antérieurement par les différences frappantes entre le droit du brevet et les deux droits de propriété intellectuelle indiqués

.

941. Par conséquent, dans sa décision qui annulait le jugement du Tribunal de commerce zurichois, le TF s’est rallié à la notion d’épuisement limité au territoire suisse, donc national942, en ce qui concerne le droit des brevets. En précisant que le pouvoir du titulaire du brevet ne s’épuise pas au niveau national si la mise en circulation a lieu à l’étranger, le Tribunal fédéral a cependant émis une importante restriction dans la mesure où il a déclaré que la Loi fédérale sur les cartels (ci-dessous LCart943

La décision du TF est importante aussi bien pour avoir précisé sa jurisprudence dans le domaine du droit des brevets, mais également pour avoir constitué le point de départ de longs débats et d’évolutions législatives importantes, aussi bien pour des modifications dans le droit suisse des cartels que dans la législation suisse sur les brevets.

) était applicable (consid. 9 let. b) : par conséquent, le titulaire d’un brevet pouvait se fonder sur ce jugement pour s’opposer à l’importation parallèle de biens brevetés en Suisse, mais seulement s’il n’en résultait pas une restriction de la concurrence contraire au droit des cartels.

En s’appuyant sur le raisonnement du TF indiqué ci-dessus, lors de la révision de la LCart944

938 CJCE, Aff. C-355/96.

, le législateur a introduit deux nouvelles dispositions, afin de prévenir l’usage abusif du principe de l’épuisement national : ainsi, selon le nouveau régime, d’une part, tombaient désormais sous le coup de la loi « les restrictions aux importations fondées sur des droits de propriété intellectuelle » (art. 3 al. 2 2ème phrase), alors que, d’autre part, « sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace les accords passés entre les entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent

939 JOCE n° L 40 du 11 février 1989. 940 Cf. LEXINTER, Bibliographie doctrinale. 941 « Les droits d’exploitation du brevet et du droit d’auteur sont certes parents, mais il se rapportent à d’autres prestations intellectuelles, l’un à la technologie, l’autre à la culture. Au surplus, leur durée est différente. Le titulaire d’un brevet a beaucoup moins de temps pour l’amortissement de ses investissements que le créateur d’une œuvre de l’esprit. Enfin obtenir et conserver un brevet suppose le paiement de taxes et annuités, tandis que la protection du droit d’auteur couvre l’œuvre dès sa création. Pour le surplus, les droits d’auteur sont moins liés aux exemplaires de l’œuvre, dans lesquels le lien intellectuel s’actualise et s’exprime; d’ailleurs une œuvre artistique est susceptible d’exploitations fort diverses, contrairement au brevet, pour lequel l’usage économique réside en général dans l’objet breveté lui-même ». (consid. 6c ) 942 « les privilèges octroyés en droit des brevets s’épuisent ou se consomment, lorsque le titulaire du brevet aliène un objet couvert par le brevet ou lorsque cet objet est mis en circulation avec son consentement » (consid. 1b). 943 Loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence, RS 251. 944 LCart, Modification du 20 juin 2003, en vigueur depuis le 1er avril 2004 (RO 2004 II 1385).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues » (art. 5 al. 4). En résumant la portée des nouvelles modifications, il convient de retenir ce qui suit: les importations parallèles de produits brevetés étaient donc possibles, vu que le titulaire de droits de la propriété intellectuelle ne pouvait pas se défendre contre lesdites importations lorsque l’exercice de son droit d’exclusivité constituait une pratique anticoncurrentielle au sens de la LCart, à l’exemple d’un accord passé avec une autre entreprise (en particulier un accord vertical) ou d’un abus de sa position sur le marché. Pour le Conseil fédéral, la nouvelle teneur de la LCart doit « servir de correctif aux abus en matière de prix fondés sur l’épuisement national »945

En ce qui concerne les modifications de la loi sur les brevets d’invention (ci-dessous LBI

.

946), celles-ci ont engendré beaucoup plus de débats, nécessitant une analyse à la fois chronologique et comparative. En mai 2000, le Conseil fédéral approuvait le premier rapport « Importations parallèles et droit des brevets »947

Le 22 mars 2001, le Conseil national acceptait un postulat émanant de la CER-N

, rédigé en réponse à une question posée le 24 janvier 2000 par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (ci-dessous, CER-N) qui demandait au gouvernement de procéder à une analyse de l’épuisement en droit des brevets. Ledit rapport concluait qu’en l’état des connaissances, les effets économiques du passage de l’épuisement national au régime de l’épuisement international ne pouvaient être déterminés et qu’il ne fallait pas prendre de décision précipitée dans ce dossier (p.14); le Conseil fédéral se déclarait donc favorable au maintien du régime juridique de l’épuisement national en droit des brevets, tout en acceptant que la question fasse « l’objet d’études approfondies, qui vont au-delà des questions concernant le droit des brevets » (p. 16).

948

Le 29 novembre 2002, le Conseil fédéral approuvait le deuxième rapport « Importations parallèles et droit des brevets »

, demandant au Conseil fédéral de présenter un deuxième rapport sur l’épuisement en droit des brevets. Afin de répondre à ce postulat, le Conseil fédéral avait constitué un groupe de travail interdépartemental, sous la direction du Secrétariat général du Département fédéral de l’économie, qui avait ensuite attribué trois mandats d’étude à des experts externes chargés d’examiner la problématique sous différents angles : "Frontier Economics" à Londres s’est vu attribuer le changement de système et les conséquences économiques du passage de l’épuisement national à l’épuisement international dans le droit des brevets; INFRAS/Basys à Zurich/Augsbourg a été chargé de travailler sur les médicaments à usage humain et l’influence de la réglementation étatique sur les prix des médicaments, alors que l'Institut Max-Planck à Munich avait reçu la tâche de fournir un avis de droit sur les possibilités juridiques de pratiquer un épuisement régional ou différencié selon les produits.

949

945 CF, Message du 7 novembre 2001, FF 2002 II 1918.

, en réponse au postulat précité 00.3612 de la CER-N. Se fondant sur ces trois études circonstanciées, il était affirmé que « la Suisse peut décider elle-même du principe d’épuisement qu’elle applique du moment

946 Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d’invention, RS 232.14. 947 CF, Rapport du 8 mai 2000. 948 Postulat 00.3612, Importations parallèles - Rapport sur la problématique de l'épuisement d'ici la fin de 2002, déposé au Conseil national, le 21 novembre 2000, par la CER-N. 949 CF, Deuxième rapport - Importations parallèles et droit des brevets.

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Chapitre 1 Les produits industriels

199

qu’elle n’enfreint pas le principe de non-discrimination du GATT, le principe du traitement national prévu dans l’ADPIC et la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle950

Le 3 octobre 2003, le Conseil national acceptait un postulat émanant de sa CER-N

, ni le principe du traitement de la nation la plus favorisée de l’ADPIC » (p. 39). Ainsi, il était également indiqué que « la Suisse peut décider unilatéralement d’appliquer l’épuisement national, international ou différencié selon les produits », autrement dit, le Conseil fédéral rejetait le passage à l’épuisement international en droit des brevets, estimant que l’utilité économique escomptée – une croissance du produit intérieur brut de 0,0 à 0,1 % au maximum – « ne suffit pas à contrebalancer le coût politique du passage » (p. 39) à ce type d’épuisement. Il préconisait cependant des mesures empêchant « l’invocation abusive d’un brevet » (p. 21).

951 qui invitait le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure il serait souhaitable d’engager, au terme des négociations sur les Bilatérales II, des discussions dans le cadre de l’Accord de libre-échange entre l’UE et la Suisse en vue de mettre en place, au moyen d’un accord qualifié entre les parties, l’épuisement régional mutuel dans le droit des brevets. Cette nouvelle initiative faisait partie d’un cadre plus large des débats parlementaires concernant les changements touchant le domaine du droit des brevets et incluant différentes autres prises de position, telles que les postulats Sommaruga952 et Strahm953

Le 3 décembre 2004, le Conseil fédéral approuvait le troisième rapport « Importations parallèles et droit des brevets: épuisement régional »

.

954. En constatant que, à la lumière des obligations internationales de la Suisse, « en cas de passage de l’épuisement international à l’épuisement régional en droit des marques et en droit d’auteur, les Etats tiers membres de l’OMC seraient placés dans une situation plus défavorable qu’actuellement, ce qui serait contraire au droit de l’OMC » (p. VII, p. 3), le Conseil fédéral considérait l’épuisement national des brevets comme la solution viable, tout en se proposant de régler « la problématique de la protection multiple dans la loi sur les brevets d’invention, en cours de révision » (p. VII, ch. 4). Par conséquent, tenant compte de l’effet limité en termes de prospérité, le gouvernement estimait qu’il n’était « pour l’instant pas souhaitable d'engager des négociations avec l'UE en vue de mettre en place, au moyen d'un accord qualifié955

950 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle révisée à Lisbonne le 31 octobre 1958, RS 0.232.03.

, l'épuisement régional mutuel dans le droit des brevets » (p. VII, ch. 4).

951 Postulat 03.3423, Rapport sur l'épuisement régional dans la législation sur les brevets, déposé au Conseil national, le 24 juin 2003, par la CER-N. 952 Postulat 04.3197, Epuisement du droit des brevets. Réciprocité avec l'UE, déposé au Conseil des Etats, le 19 mars 2004, par Simonetta Sommaruga. 953 Postulat 04.3164, Protection des brevets. Réciprocité avec l'UE et allègements pour les importations parallèles, déposé au Conseil national, le 19 mars 2004, par Rudolf Strahm. 954 CF, Rapport du 3 décembre 2004. 955 Le terme « qualifié » - qui accompagne la notion d’accord - apparait dans la variante en francais, alors que dans la variante en allemand le rapport utilise la formule « isoliert Verhandlungen».

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

200

Le 20 décembre 2006, le Conseil national acceptait une motion émanant de sa commission des affaires juridiques956

Après le ralliement du Conseil des Etats, en mars 2007, aux décisions prises par le Conseil national fin 2006, le Conseil fédéral a donné son feu vert à la procédure de consultation sur le choix du régime de l’épuisement en droit des brevets, fixée entre le 18 avril et le 20 juin 2007, afin d’obtenir une image générale sur les opinions exprimées à cet égard et donner ainsi satisfaction aux requêtes du Parlement, qui lui demandait de présenter un projet de loi avant la fin 2007. En laissant ouverte toute option pour l’avenir, le message du gouvernement fait, sur la base des différents arguments favorables ou contraires aux thèses qui y sont développées, une présentation détaillée de chacune d’entre elles, dans le but d’obtenir la meilleure « appréciation juridique et économique »

, qui demandait au Conseil fédéral de soumettre à l’Assemblée fédérale une proposition de solution de la question de l’épuisement en droit des brevets dans un message séparé. La démarche était importante du fait que, pour la première fois, ladite question était séparée de celle concernant la modification de la loi sur les brevets, le Conseil national ayant demandé en outre la position du gouvernement sur des questions telles que les effets potentiels de l’introduction du régime d'épuisement international, d’abord, pour les produits et substances agricoles ou, ensuite, pour l’ensemble de l’économie à l’exception, toutefois, des produits dont les prix sont réglementés par l'Etat, en particulier ceux de l'industrie pharmaceutique et, enfin, dans un accord bilatéral avec l'UE sur l'épuisement régional dans le droit des brevets.

957

La modification de la LBI intervenue à la fin de la procédure de consultation de la question en cause.

958 maintenait ainsi un statu quo dans le droit des brevets. En introduisant un nouvel article 9a, concernant les exceptions « en particulier » aux effets du brevet, le législateur essayait de couvrir le maximum d’hypothèses possibles dans un seul et unique alinéa: d’une part, il insérait le principe de l’épuisement national et, d’autre part, il offrait une solution pour la question de la protection multiple, afin que ledit principe ne puisse pas être invoqué abusivement pour des marchandises protégées par plusieurs droits de propriété intellectuelle; en outre, l’épuisement international était applicable dans les cas où la composante brevetée d’un produit n’était que d’«importance moindre»959

En décembre 2007, le Conseil fédéral a approuvé le message concernant la modification de la LBI

.

960

956 Motion 06.3633, Clarification des possibilités et des conséquences en matière d'épuisement du droit des brevets, déposée au Conseil national, le 3 novembre 2006, par la Commission des affaires juridiques dudit Conseil.

: en réaffirmant que le principe de l’épuisement national est « un aspect essentiel de la protection conférée par les brevets » et que son application s’oppose à ce « qu’un innovateur en Suisse soit concurrencé par ses propres produits brevetés qu’un tiers aurait importés de l’étranger, ce qui l’obligerait à partager son avantage compétitif avec le revendeur », le gouvernement rejetait l’adoption d’un tout

957 DFJP, Choix du régime de l’épuisement en droit des brevets. 958 LBI, Modification du 22 juin 2007, RO 2008 III 2551. 959 Déjà au moment de la présentation du projet au Parlement pour approbation, le Conseil fédéral admettait la marge de manœuvre que cette formulation laissait subsister, causant ainsi, potentiellement, une certaine insécurité, mais ajoutait que celle-ci « permet tout de même aux tribunaux d’apprécier les circonstances en espèce et d’élaborer des lignes directrices générales » (CF, Message du 23 novembre 2005, FF 2006 I 111). 960 CF, Message du 21 décembre 2007, FF 2008 I 257.

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Chapitre 1 Les produits industriels

201

autre système de protection juridique, vu qu’une telle hypothèse « constituerait une atteinte de l’Etat à l’institution de la propriété qui ne permettrait pas de générer des prestations économiquement plus performantes »961. Le Conseil fédéral présentait quand même les avantages et les inconvénients de quelques variantes possibles dans des domaines hautement sensibles : il prenait en considération une possible exception, instaurant l’épuisement international, en faveur des moyens de production et des biens d’investissement agricoles962, une autre exception, instaurant l’épuisement régional, en faveur des moyens de production agricoles963 et une troisième en faveur de marchés présentant des conditions de commercialisation comparables964

Pour le Conseil fédéral, le passage du régime de l’épuisement national à celui de l’épuisement international n’était pas justifié, vu qu’il « se traduirait par un affaiblissement notable de la propriété intellectuelle, qui est vitale pour la place économique suisse »

.

965; sur la base de l’analyse menée par le gouvernement, la protection juridique offerte à travers le système de l’épuisement national voulait apparaître à la fois justifiée, vu que « le droit d’interdire les importations vise à garantir la protection de l’invention lorsque les marchandises ont été mises sur le marché à l’étranger avec l’accord du titulaire du brevet suisse dans des conditions non comparables à celles régnant sur le marché national »966, et équilibrée, tenant comte du fait que le maintien dudit système « ne signifie pas que les brevets éliminent la concurrence, car le droit d’interdire les importations, même sous un régime d’épuisement national, ne confère pas automatiquement un monopole (d’importation) sur un marché de produits »967; de même, l’épuisement national se justifiait, selon le Conseil fédéral, également du fait que, contrairement à ce qui était généralement admis, ce régime ne jouait qu’un rôle mineur dans le fait que la Suisse soit un îlot de cherté : selon le gouvernement, plusieurs facteurs sont à l’origine des écarts de prix avec l’étranger, parmi lesquels « les taxes douanières et les entraves techniques au commerce occupent une place prépondérante »968; enfin, quant aux rapports avec l’UE dans ce domaine, le Conseil fédéral considérait qu’ « il serait surtout intéressant d’instaurer l’épuisement régional avec la CE, plus précisément avec les Etats membres de l’EEE » à cause de « l’importance de ces zones économiques pour le commerce suisse, mais aussi (de) la comparabilité des conditions juridiques générales (qui) plaident pour cette option qui prévoit de varier la règle de l’épuisement en fonction des pays »969

961 DFJP, Maintien du principe de l’épuisement national en droit des brevets.

. Berne comptait sur une ouverture basée sur la réciprocité, c’est-à-dire uniquement dans le cadre d’un accord, thèse soutenue également par la grande partie de la doctrine, pour laquelle la Suisse

962 CF, Message du 21 décembre 2007, FF 2008 I 273; Le texte rappelle ainsi le nouvel art. 27b de la loi sur l’agriculture (FF 2007 V 4449), lequel prévoit une exception à l’épuisement national en droit des brevets en faveur des moyens de production et des biens d’investissement agricoles protégés par des brevets, auxquels s’appliquerait l’épuisement international. 963 CF, Message du 21 décembre 2007, FF 2008 I 275. 964 Id., p. 276. 965 Id., p. 288. 966 Id., p. 266. 967 Ibid. 968 CF, Message du 21 décembre 2007, FF 2008 I 270. 969 Id., FF 2008 I 277.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

202

violerait le principe de la nation la plus favorisée inscrit dans l’Accord ADPIC (art. 4) si elle instaurait unilatéralement le régime de l’épuisement régional970

Une année plus tard, le Parlement adoptait, lors du vote final, les modifications de la LBI

.

971. L’art. 9a a subi ainsi une modification profonde, le nouveau libellé contenant désormais trois dispositions concernant des situations différentes pour les importations de marchandises : ainsi, pour les marchandises mises en circulation à l’intérieur de l’EEE, la Suisse appliquera en principe le régime unilatéral de l’épuisement régional972

Enfin, l’été 2009, le Conseil fédéral, ayant constaté que « le délai référendaire a expiré le 16 avril 2009 sans avoir été utilisé »

(i.e. sans convenir d’aucune réciprocité) avec les Etats membres de l’EEE, ce qui revient à dire que les produits protégés par un brevet qui ont été mis en circulation, avec l’accord du titulaire du brevet dans l’EEE peuvent être importés en Suisse sans l’accord du détenteur du brevet (ch. 1); en outre, l’importation à titre professionnel de produits que le titulaire du brevet commercialise en dehors de l’EEE est possible si la protection conférée par le brevet revêt une « importance moindre » (ch. 4); enfin, pour les marchandises dont les prix sont imposés par l’Etat, en Suisse ou dans le pays de mise en circulation, les importations nécessitent l’accord du titulaire du brevet, en application donc du principe de l’épuisement national (ch. 5). La réglementation visait également le régime applicable au « dispositif permettant l’utilisation d’un procédé breveté » (ch. 2) et la mise en circulation des matières biologiques brevetées (ch. 5).

973

, a décidé, par conséquent, de fixer le 1er juillet 2009 comme date pour l’entrée en vigueur de la modification de la LBI relative à l’épuisement du droit.

970 Opinion a contrario, soutenant que l'épuisement régional est per se conforme à l’accord ADPIC et que ledit principe se légitime facilement à la lumière de l’art. 6 ADPIC, uniquement comme une sorte de lex specialis, sans qu'un examen de la compatibilité avec la clause de la nation la plus favorisée, instituée à l’art. 4 ADPIC, soit nécessaire. (ZIEGLER, Regionale Erschöpfung, ch. 4.2.2. et n° 46). 971 LBI, Modification du 19 décembre 2008, FF 2009 I 195. 972 Contre l'introduction unilatérale de l'épuisement régional, la doctrine s’était déjà prononcée : cette mesure, prise sur la base de l’accord ADIPC, conduit à des discriminations de facto contre des titulaires, également membres de l’UE/AELE, des droits dans ce secteur; elle serait impossible également sur la base de l’Accord GATT, puisqu’elle conduirait à des discriminations de jure, à l’intérieur du cadre OMC, faites à l’encontre des nationaux des Etats tiers non membres UE/AELE, réalisant des exportations parallèles dans ce secteur; la seule variante juridiquement la plus appropriée pour provoquer une libéralisation conforme au droit de ce domaine en Suisse, serait l'introduction de l'épuisement international par des législateurs ou les juridictions de l’ OMC : « Sie lässt massgeschneiderte Lösungen zu und verhindert die mit der nationalen Erschöpfung verbundene allgemeine, exzessive und zu breite Einschränkung des Wettbewerbs im gesamten Bereich patentgeschützter Produkte » (COTTIER & LIECHTI, Ist die einseitig statuierte regionale Erschöpfung im schweizerischen Patentrecht mit dem WTO-Recht vereinbar?, p. 22). 973 RO 2009 III 2615.

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Chapitre 2 Les produits agricoles Section A L’agriculture suisse dans le contexte européen et

mondial La question de l’agriculture occupe une position clé dans tous les grands dossiers

dans lesquels la Suisse est partie négociante : ainsi, d’abord, ce secteur se trouve à la base des échecs répétés enregistrés à l’OMC dans le cadre du dernier Cycle de Doha974

Fruit d’une évolution constamment menée vers la recherche du meilleur texte législatif en la matière, avec comme point de repère l’art. 23bis

, ensuite, il fait obstacle pour l’instant au lancement des discussions liées à la conclusion d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis et, enfin, il fait l’actualité d’un possible accord de libre-échange agricole bilatéral avec l’UE. Compte tenu de la superficie restreinte de la Suisse, de sa volonté constante d’assurer les moyens économiques permettant de soutenir sa politique de neutralité, de la population contenant jadis une composante rurale exceptionnellement forte, dont le soutien a constamment influencé les manœuvres des politiciens suisses, l’agriculture a toujours représenté un des piliers extrêmement importants de l’économie suisse.

975 de la Constitution de 1874976 affirmant que « la Confédération encourage la culture du blé dans le pays », la formule exprimée dans l’art. 104 Cst. montre les fondements de la conception suisse de l’agriculture, rassemblant à la fois les éléments de tradition – l’auto-approvisionnement du pays977 ou le soutien financier accordé au paysan978 – et les nouveautés, telles que l’importance accrue accordée aux prescriptions en matière de protection environnementale (al. 3 let. b, c et d)979 ou à « la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural » (al. 1 let. b). La portée de la tâche que l’agriculture s’est vue investie en vertu du mandat constitutionnel de 1999980 a été confirmée, en 2007, dans un sondage d’opinion ayant qui a, malgré les dissensions inhérentes à un sujet d’une telle importance, une prise de conscience renforcée des enjeux que ce secteur stratégique comporte pour l’économie suisse981

974 ETWAREEA cite Anand Sharma, le ministre indien du Commerce, qui, en novembre 2009, avait indiqué que « l’agriculture devra être au centre de tout accord », en expliquant que « l’explosion des prix alimentaires en 2008 a eu lieu parce que des nombreux producteurs, incapables de concurrencer la production et l’exportation subventionnées, ont abandonné les champs » (Les pays du Sud, p. 29).

.

975 Accepté en votation populaire du 3 mars 1929, FF 1929 I 519, RO 45 282. 976 Cf. supra p. 106. 977 Art. 23bis al. 1 Constitution de 1874 et art. 104 al. 1 let. a. Cst. 978 Art. 23bis al. 2 Constitution de 1874 et art. 104 al. 3 let. a. Cst. 979 Bien que timide, une approche environnementale surgissait déjà dans l’art. 24 al. 2 Const. 1874, qui stipulait que la Confédération « décrétera les mesures nécessaires à la (…) conservation des forets existantes ». 980 Il est généralement admis que les agriculteurs fournissent des prestations d’intérêt général, avec les quatre tâches reprises dans le mandat constitutionnel de l’art. 104 Cst. La fourniture de ces prestations impose des coûts aux agriculteurs qui sont rémunérés par des paiements publics. 981 La société 4hm AG et l’unité de recherches « Business Metrics » de l'Université de St Gall ont réalisé une étude sur l’agriculture suisse qui conclut que, « quelles que soient les différences entre les attentes des "conservateurs", "écologistes" et "réformateurs", il existe un dénominateur commun : tous accordent de l'importance à un auto-approvisionnement suffisant, à un revenu

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Pour paraphraser une réalité valable pour toute l’économie suisse, l’agriculture suisse doit régler sa montre à l’heure des mutations enregistrées au niveau européen et mondial. Il faut par conséquent percevoir un tableau tridimensionnel (marché suisse, européen et global) où les relations tissées entre les différents acteurs en jeu sont extrêmement complexes.

Sur le plan interne, l’agriculture suisse continue de connaître de profondes transformations. Bien que la réforme du secteur agricole, initiée à la suite du rejet suisse de l’EEE en 1992982, ait connu successivement plusieurs étapes importantes, avec la PA 2002983 et la PA 2007, l’écart entre les prix suisses et ceux pratiqués sur le marché commun n’a cessé d’augmenter. En plus, malgré les objectifs audacieux que la PA 2007 se proposait d’atteindre984, la réalité du terrain n’enregistrait des progrès concrets que concernant l’abandon progressif des quotas laitiers : « en 2006, quelque 63% des producteurs responsables de 75% de la production ont déjà abandonné ce régime »985. Finalement, les chiffres inquiétants relevaient l’état toujours plus précaire de la condition de l’agriculteur suisse986

On peut donc facilement observer que la réforme lancée par la PA 2011 avait émergé dans un contexte interne assez difficile. Le Message du Conseil fédéral

.

987

équitable pour les exploitations performantes, au maintien d'un niveau élevé en matière d'environnement et à l'entretien des espaces récréatifs publics » (OFAG, Confirmation du mandat constitutionnel).

établissait donc des objectifs très clairs : d’abord, améliorer la compétitivité des secteurs agricoles en amont et en aval, ensuite, permettre un processus d’adaptation socialement supportable, ayant à l’esprit la diminution du nombre des exploitations agricoles préconisée à un rythme de 2.5% par année, et enfin poursuivre le développement écologique, tenant compte de l’importance de celui-ci pour diminuer les pertes, accroître le rendement des ressources, ainsi que pour conserver et développer la diversité biologique dans l’agriculture. Bénéficiant d’une enveloppe de 13.65 milliards de francs sur quatre ans (2008-2011), cette stratégie a comme élément-clé la réduction de 50% du soutien aux prix du marché et la réattribution des fonds ainsi épargnés aux paiements directs; en même temps, les subventions à l’exportation devaient être liquidées jusqu’en

982 Le Conseil fédéral avait formulé, à l’époque, une nouvelle conception sur l’agriculture suisse, centrée autour d’un projet général, présentée dans son Septième rapport sur l’agriculture (FF 1992 II 140), ensemble avec le Message sur les paiements directs (FF 1992 II 1), et l’introduction de ces paiements, par les articles 31a et 31b dans la LAgr (FF 1992 VI 111). 983 Le Conseil fédéral a présenté, lors du message sur la Politique agricole 2002, un concept global, sous la forme d’une nouvelle LAgr (FF 1996 IV 1), adoptée par le Parlement le 29 avril 1998 (RO 1998 3033) et entrée en vigueur en 1999 (FF 1999 4794). 984 Les grandes lignes de la PA 2007 étaient l’élimination progressive des quotas laitiers, la modification du système de gestion des contingents tarifaires du bétail de boucherie et de la viande, la diversification des revenus ruraux, le renforcement du développement rural et l’institutionnalisation du principe de précaution dans la production alimentaire. 985 OCDE, La Suisse 2007, p. 237. 986 Un bilan de l’affaiblissement du secteur agricole: « Le nombre d'exploitations a baissé de plus de 160'000 en 1965 à quelque 63'000 en 2005; le nombre d'actifs dans le secteur a passé de 460'000 en tout en 1965 à 188'000 en 2005; le revenu agricole a atteint 54'000 francs en moyenne en 2005 alors qu’en 1990, il était près de 63'000 francs » (SWISSINFO, Les Suisses veulent une agriculture écologique et peu onéreuse, p. 1). 987 CF, Message du 17 mai 2006, FF 2006 VI 6081ss.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

205

2009 et les taxes douanières sur les aliments pour les animaux et les céréales étaient censées être fortement réduites.

Cette approche de l’exploitation agricole envisagée comme une entreprise dans laquelle le travail des paysans est effectué sur une base de volontariat a reçu plusieurs avis négatifs de la part des milieux économiques et politiques suisses prônant la sauvegarde de l’agriculture traditionnelle : ainsi, côté économique, d’une part, Bio Suisse avait déploré le fait que le projet du Conseil fédéral ne correspondait pas au mandat constitutionnel, en martelant que « l’avenir de l’agriculture suisse ne réside pas dans la production de masse, mais dans un clair démarquage par rapport à l’agriculture conventionnelle européenne de l’UE »988; d’autre part, les interventions répétées de la part de l’USP ont relevé la précarité des paysans suisses989 et le jeu dangereux auquel la Suisse s’expose en se pliant aux exigences de la politique agricole envisagée au sein des négociations OMC990. Côté politique, le gouvernement jurassien - qui s’est opposé fermement en invoquant des concessions trop grandes dans la nouvelle politique agricole du Conseil fédéral991 - était représentative pour l’ensemble des cantons suisses : « la grande majorité des cantons demande que l’on ne procède pas à l’ouverture des marchés et à la réduction du soutien du marché avant que les engagements au sein de l’OMC ou d’autres accords internationaux ne l’exigent »992

Certes, il y a des mesures à fort effet positif pour l’ensemble de l’économie, telles que la subordination de l’octroi des paiements directs aux agriculteurs à l’adoption par ceux-ci des pratiques agricoles écologiques respectant les exigences environnementales; dans ce sens, le système PER « unique au monde, (…) aspire à une approche globale des écosystèmes et des exploitations agricoles »

.

993 et la marque SUISSE GARANTIE équivaut à une assurance 100% pour la qualité alimentaire. En plus, pour les partisans d’une agriculture beaucoup moins protectionniste, la situation a nettement changé par rapport à il y a peu de temps – « le niveau particulièrement élevé du soutien aux producteurs n’a guère évolué depuis 1986-1988 »994, et le secteur agricole enregistre de nos jours un soutien beaucoup plus faible des prix du marché. Même la très prudente UPS a salué la collaboration toujours plus bénéfique entre les exploitations et les avantages qui en découlent995

988 Bio Suisse, Prise de position, p. 3.

.

989 SWISSINFO, Les paysans se disent toujours plus pauvres : « les personnes qui se trouvent au- dessous du seuil de pauvreté, représentaient 6.7% de la population en moyenne en 2004, alors que dans l’agriculture, ce taux varie entre 20% et 30% » (p. 2). 990 USP, L'USP s’oppose à l'utilisation du document de Falconer : « la diminution des protections douanières prévue dans le document de Falconer (c-à-d., celui présenté le 17 juillet 2007 par l’Ambassadeur Crawford Falconer, le Président du dossier agricole de l’OMC) est inacceptable et des modifications sont clairement nécessaires. Autrement, la Suisse serait inondée d’importations à bas prix, qui constitueraient une menace pour certains secteurs de production » (p. 1). 991 Gouvernement du canton JU : « Le soutien aux marchés est réduit progressivement, en particulier en ce qui concerne le marché du lait, mais les réductions vont au-delà des exigences de l'OMC, ce qui est inopportun et inacceptable ». 992 CF, Message du 17 mai 2006, FF 2006 VI 6252. 993 AMS, SUISSE GARANTIE, ch. 2. 994 OCDE, La Suisse 2005, p. 71. 995 « De 1999 à 2004, le nombre des communautés d’exploitation est ainsi passé de 551 à 892, alors que celui des communautés partielles d’exploitation (communautés d’élevage par exemple) augmentait de 166 à 432 », UPS, Agriculture suisse: esprit d’entreprise et innovation, p. 1.

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Selon les estimations officielles, bien qu’elles touchent l’ensemble du cadre agricole régissant le secteur agricole suisse996 et que des mesures d’accompagnement aient été mises en place997, les mesures envisagées ne « permettront de compenser, d’ici à 2010, que la moitié des effets découlant des négociations de l’OMC dans le cadre du Cycle de Doha »998. Selon une autre opinion, qui constate également le protectionnisme de la politique agricole actuelle, de nouvelles mesures devraient être adoptées, telles que le remplacement du mode actuel des paiements directs – liés aux surfaces agricoles – par celui en fonction de l’exploitation à plein temps et la nécessité de régler l’épineux problème de l’endettement des exploitations agricoles; finalement, cette argumentation identifie, comme nœud gordien des convulsions que connaît à présent l’agriculture suisse, le fait que la PA 2011 se heurte à l’ouverture internationale des marchés999

Des mesures concrètes ont déjà été proposées – telles que la différenciation plus nette entre les régions de plaine et les régions de montagne et des collines, la prise en compte dans les calculs occasionnés par l’allocation des paiements directs du nombre d’employés d’une exploitation ou le transfert de certaines prestations écologiques aux cantons – dans le but de « remplacer le système d’arrosoir par un concept qui permette de diriger les ressources précisément là où on le souhaite, par le biais d’une rémunération des prestations liée à des objectifs »

.

1000

Au niveau européen, la PAC, l’instrument construit et mis en place pour réglementer le secteur agricole communautaire, est confrontée à la fois aux défis du nouveau millénaire et aux questions liées à l’élargissement de l’UE, celui-ci ayant engendré l’arrivée au sein de la famille européenne de populations à forte tradition agricole, mais qui se trouvent dans une situation fragile et en quête de moyens pour remettre sur pied un secteur fortement affecté. Malgré le caractère de la PAC en tant que seule politique européenne intégrée, bénéficiant à ce titre d’environ 40% du budget communautaire, la situation dans le domaine de l’agriculture continue de s’aggraver, si on considère que, du « côté budgétaire rapporté à l’ensemble des budgets de l’UE et de ses Etats membres, celle-ci ne bénéficie que de moins de 1 % des dépenses publiques (niveau très faible en comparaison avec les dépenses de sécurité sociale ou de défense) »

.

1001

996 LAgr (RS 910.1), LBFA (RS 221.213.2), LDFR (RS 211.412.11), LFA (RS 836.1), LDAI (RS 817.0), LFE (RS 916.40).

; il faut également noter que, « pour la première fois, les dépenses

997 Ces mesures apparaissent, d’une part, sous la forme des principes adoptés au niveau de la politique économique agricole, tels que l’ouverture rapide des marchés après une phase de négociation d’environ trois ans, la mise en place d’une période d’adaptation de cinq ans avec des moyens financiers supplémentaires de la Confédération ou l’établissement des mêmes conditions pour tous les maillons de la chaîne actifs dans le secteur agricole et, d’autre part, à travers les décisions prises pour réglementer la situation au niveau de l’exploitation, telles que l’encouragement de l’arrêt prématuré de l’activité agricole, le développement des activités annexes, bénéficiant des aides fournies pour une formation, et enfin l’agrandissement de l’exploitation à l’aide des investissements fournis par l’Etat. 998 economiesuisse, Politique agricole 2011, p. 2. 999 HAUSER conclut : « la voie suivie actuellement n’est pas en mesure de résoudre dans un délai raisonable la contradiction fondamentale qui existe entre les intérêts de notre agriculture et ceux de notre économie d’exportation, avec, hélas, des conséquences négatives pour l’une comme pour l’autre » (La Politique agricole 2011 se heurte à l’ouverture, p. 36). 1000 economiesuisse, Politique agricole 2011, p. 4. 1001 CPEIAA, Argumentaire PAC, p. 2.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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consacrées à la compétitivité et la solidarité régionale (44.2%) ont dépassé celles pour l’agriculture, le développement rural et l’environnement (43.6%) »1002

Malgré tous les avantages fournis constamment depuis sa mise en place, la solution de la PAC est loin de faire l’unanimité et, selon une large approche des spécialistes, nécessite une reconsidération de ses éléments fondamentaux. Les situations conflictuelles liées à l’agriculture européenne font régulièrement la une de la presse quotidienne : les autoroutes bloquées ou les camions renversés au cours des révoltes paysannes ou les chalutiers restés aux quais durant les mouvements de protestations des pêcheurs offrent un coup de presse non négligeable à un métier autrefois à l’abri des projecteurs médiatiques. La situation s’avère être de plus en plus alarmante si on prend en considération la hausse des prix des produits agricoles dans l’UE et sur le marché mondial : en effet, il y a une demande toujours plus croissante de denrées alimentaires dans le monde entier, dans un contexte de diminution des ressources disponibles combiné avec l’explosion du prix du pétrole, matière première pour assurer le transport de nourriture dans le monde.

, ce qui, symboliquement, met en valeur les soucis de Bruxelles pour revitaliser la place de la coopération régionale au sein du projet européen.

Au niveau mondial, le cadre législatif mis en place au sein de l’OMC1003 a uniquement tracé les grandes lignes, en laissant aux parties la lourde tâche de négocier une solution unanimement acceptable, ce qui a conduit à une situation qui aujourd’hui semble explosive. Tant pour les pays riches que pour les PVD, l’agriculture présente une importance stratégique et la réglementation globale des problèmes conditionnant son bon fonctionnement a généré des conflits répétés au sein de l’OMC aboutissant, ces dernières années, même à la mise en question du processus de Doha1004. Pour les contestataires de l’actuel cycle des négociations, une libéralisation non régulée de l’agriculture aboutirait lors des quinze prochaines années, d’une part, à une explosion de la volatilité des prix agricoles internationaux, notamment des céréales et des viandes et, d’autre part, à une chute des revenus des agriculteurs partout dans le monde, brutale dans les pays les plus pauvres (-60%), durable dans les pays émergeants importateurs (Chine et Inde, 30% à 40%) et tendancielle dans les pays développés1005

1002 REITERER, L'Union européenne face au défi de l'ouverture des marchés, p. 4.

.

1003 L'art. 20 de l'Accord de l'OMC sur l'agriculture (RS 0.632.20, Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, Annexe 1A.3) établissait un mandat initial pour l’agriculture – « l'objectif qui est d'établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché » (let. d) -, alors que les paragraphes 13 et 14 de la Déclaration de Doha fournissaient le mandat de Doha : « les gouvernements Membres s'engagent à mener des négociations globales dont les objectifs sont (…) l’accès aux marchés, par des améliorations substantielles, les subventions à l'exportation, par la réduction de toutes les formes de subventions de ce type, en vue de leur élimination progressive (…) et le soutien interne, par la réduction substantielle des mesures de soutien ayant des effets de distorsion sur les échanges ». 1004 Lors du Cycle de Doha, l’agriculture a constamment représenté la cause de conflits entre les pays riches et ceux en développement : après une première impasse enregistrée en 2006, les négociations ont échoué de nouveau à Genève, en juillet 2008, à cause de la définition d’une « situation exceptionnelle » dans le cadre d’un mécanisme de sauvegarde. 1005 CARLES exprime ici les conclusions d’une récente étude du think tank français Momagri quant à l’imbrication entre les négociations commerciales actuelles et le rôle de l’agriculture, tout en concluant que « loin de prémunir le monde du protectionnisme, le Cycle de Doha nous y mènera tout droit » (Que le G20 n’endosse pas Doha).

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En outre, la communauté internationale se trouve confrontée à plusieurs défis majeurs du nouveau millénaire affectant irréversiblement le secteur vital de l’agriculture : la précarisation du métier dans un contexte de forte migration urbaine de la population, le rétrécissement des surfaces allouées à l’agriculture, l’épineux problème des effets des OGM divisant le monde entre les partisans des nouvelles méthodes censées lutter contre l’insuffisance alimentaire des nombreuses populations démunies et ceux qui craignent la situation de « cobayes » de celles-ci, l’insécurité alimentaire accentuée par la vague des épidémies liées au secteur vétérinaire.

Que ce soit dans le cadre multilatéral de l’OMC ou dans les coopérations instituées au niveau régional, les négociations sur les domaines liés à l’agriculture ont toujours provoqué de vifs débats et des discussions souvent contradictoires, étant donné le caractère stratégique de ce secteur économique. L’importance d’une bonne réglementation de ce domaine va donc au-delà de sa simple inclusion dans un accord de libre-échange, ayant des répercussions directes au niveau global de l’économie1006. La Suisse a toujours demandé la reconnaissance du « rôle spécifique » de l’agriculture, autrement dit imposer au niveau international la même lecture que celle qui ressort au niveau interne de l’examen de l’art. 104 Cst.1007

Bien que, dans le cadre du commerce bilatéral des marchandises entre l’UE et la Suisse, les produits agricoles n’aient pas été inclus dans le champ d’application de l’ALE

.

1008

, conséquence d’une attitude protectionniste de Berne dans ce domaine à l’époque fortement soumis au contrôle étatique, l’agriculture a fait en revanche l’objet d’un des sept premiers instruments juridiques signés au niveau bilatéral en 1999, preuve de la place que la Suisse et l’UE avaient réservée dans leurs rapports bilatéraux à ce secteur d’importance majeure.

Section B L’Accord agricole de 1999

L’accord agricole faisant partie des Bilatérales I1009 était censé couvrir un secteur

clé des rapports économiques bilatéraux, dont les chiffres – à peu près semblables en 1999 qu’une décennie plus tard – parlent d’eux-mêmes : « En 2007, 71 % des exportations suisses de produits agricoles étaient destinées à l’UE (soit 4,6 milliards de francs), et, inversement, 76 % des importations suisses (8,6 milliards de francs) provenaient de l’UE »1010

Si on considère le nombre de ses articles, uniquement dix-sept, l’Accord est assez réduit, mais il contient non moins de onze annexes, divisées en plusieurs appendices et

.

1006 HILAIRE & YANG ont observé à juste titre que : « Pour les participants à un accord de libre- échange, des bénéfices pourraient être substantiellement réduits si des secteurs sensibles, comme c’est le cas de l’agriculture, étaient exclus de la libéralisation bilatérale. Là où il existe une complémentarité insuffisante entre les structures commerciales mises en place entre les différents partenaires desdits accords, une telle exclusion pourrait finalement aboutir aux pertes enregistrées du point de vue des avantages globaux » (trad. anglais, The United States and the New Regionalism/Bilateralism, p. 622). 1007 Pour un aperçu de la position suisse sur ce sujet, voir BRAWAND, Le commerce mondial, p. 173. 1008 Cf. supra p. 111ss. 1009 Cf. supra p. 107. 1010 DFAE/DFE, Agriculture, p. 2.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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chapitres réglementant tous les aspects techniques des échanges bilatéraux des produits agricoles.

Avant tout, il est significatif de remarquer le renvoi à l’Accord de libre-échange du 22 juillet 1972, effectué dans le deuxième paragraphe du préambule de l’Accord agricole, qui indique très clairement le lien matériel et formel entre les deux instruments juridiques : « considérant qu’à l’art. 15 de l’Accord de libre-échange du 22 juillet 1972, les Parties se sont déclarées prêtes à favoriser, dans le respect de leurs politiques agricoles, le développement harmonieux des échanges de produits agricoles auxquels ne s’applique pas cet accord ». Autrement dit, un quart de siècle après le début de leurs rapports commerciaux de libre-échange, limités initialement aux produits industriels, les deux parties ont élargi progressivement le cadre juridique leur permettant de couvrir une palette toujours plus large dans leurs échanges bilatéraux de marchandises, en comblant également une lacune qui touchait à un nombre considérable de domaines d’intérêt commun, sans porter atteinte aux dispositions législatives nationales réglementant un domaine aussi sensible que l’agriculture.

Le texte, bien qu’opérant une ouverture dans le système protectionniste suisse, imposait uniquement une libéralisation partielle du marché agricole suisse. Comme tâche principale, l’Accord créait le cadre propice pour éliminer les obstacles tarifaires et non tarifaires qui pourraient entraver le commerce bilatéral, et cela à l’aide de deux modalités. D’une part, il y avait les concessions tarifaires (sous la forme de contingents d’importation et la suppression des droits de douane) qui étaient octroyées par les deux parties dans des secteurs comme celui des fruits et légumes, des viandes séchées, des pommes de terre, de l’horticulture et des autres spécialités : l’art. 2 de l’Accord exprime le principe, alors que les concessions tarifaires octroyées par la Suisse sont énoncées dans l’annexe 1 et celles à la charge de l’UE trouvent leur place dans l’annexe 2. D’autre part, il y avait l’élimination, par le biais d’une reconnaissance mutuelle de l’équivalence des règles techniques, des entraves non tarifaires au commerce, telles les indications sur les produits ou les dispositions en matière d’homologation, susceptibles de différer d’un pays à l’autre. On peut ainsi citer l’équivalence de l’application des modalités d’exécution des législations relatives au secteur phytosanitaire (art. 9 annexe 4); la prise en compte, dans le secteur des semences, de la législation communautaire concernant l’équivalence des contrôles des sélections conservatrices effectuées dans des pays tiers1011

1011 Décision 97/788/CE du Conseil du 17 novembre 1997, JOCE n° L 322 du 25 novembre 1997, p. 39.

(appendice 1 annexe 6); la reconnaissance de l’équivalence des dispositions législatives et réglementaires (art. 3 annexe 9) et la mise en œuvre de tous les efforts communs afin d’ assurer l’équivalence des régimes d’importation applicables aux produits obtenus selon le mode de production biologique en provenance de pays tiers (art. 6 annexe 9), dans le domaine des produits agricoles et denrées alimentaires obtenus selon le mode de production biologique; la fixation de l’objectif (art. 7 annexe 11), des éléments aidant à établir la reconnaissance de l’équivalence (art. 12 annexe 11), de la procédure mise en place pour vérifier l’équivalence des procédures (art. 13 annexe 11), des secteurs où l’équivalence est reconnue de manière réciproque (appendice 6 annexe 11) ainsi que la mise en place des contrôles aux frontières pour les secteurs où l’équivalence est reconnue de manière réciproque (appendice 10 annexe 11), dans le domaine des mesures sanitaires et zootechniques applicables au commerce d’animaux vivants et de produits animaux;

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enfin, la consultation des experts suisses par Bruxelles, au cas d’une reprise de l’acquis communautaire par la Suisse ou de son application par équivalence1012

L’Accord présente comme particularité la volonté exprimée par les deux parties d’améliorer l’accès aux marchés agricoles pour les produits auxquels les deux parties portent un intérêt particulier : par exemple, « la Suisse accorde des concessions pour les fruits et les légumes pendant la période où il n'y a pas de récolte (saison d'hiver) et pour les produits qui ne sont pas produits en Suisse ou seulement en quantités négligeables (par ex. l'huile d'olive) »

.

1013. En même temps, le Conseil fédéral, par souci de protection du caractère concurrentiel du secteur agricole, « a prévu des mesures d’accompagnement, notamment pour encourager les actions d’entraide en vue de la commercialisation des produits agricoles »1014

Répondant parfaitement aux intérêts de Berne qui exporte plus de fromage qu’elle n’en importe, le secteur des fromages bénéficie d’un régime juridique spécial, construit dans la perspective d’une libéralisation totale et prioritaire par rapport aux autres secteurs. Ainsi, ayant comme cadre juridique les instruments découlant de la lecture conjointe de l’art. 3 de l’Accord et de l’annexe 3, les deux parties se sont engagées à libéraliser graduellement les échanges réciproques de fromages, au terme d’une période de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’Accord. Ce libre-échange, instauré dans ce secteur hautement spécialisé en Suisse et dont les produits qui y sont fabriqués bénéficient d’une réputation mondialement reconnue, s’est montré non seulement un excellent moyen d’obtenir des recettes financières fructueuses, mais également un terrain d’expérimentation pour une intégration même plus poussée dans le commerce bilatéral : ainsi, depuis le 1er juin 2007 tous les types de fromages ont pu être échangés librement, sans restrictions quantitatives (contingents, quotas) ni droits de douane. Côté suisse, les bénéfices réalisés par des exportations de fromage vers l’UE se sont montrés à la hauteur des attentes, ayant atteint en 2007 un montant d’une « valeur supérieure à 440 millions de francs »

.

1015

Les règles d’origine sont également mentionnées, en application uniquement pour les annexes sur les concessions tarifaires des parties et sur celle ayant comme objet de réglementer les échanges du secteur fromager : l’art. 4 se contente ainsi de renvoyer aux dispositions du Protocole n° 3 de l’Accord de libre-échange de1972; en outre, dans le texte de l’Accord se trouve également une prise de position faite conjointement

.

1016

L’art. 5 de l’Accord est d’une importance particulière, vu qu’il fixe le but à atteindre, la réduction des obstacles techniques au commerce, en faisant également le renvoi aux annexes du texte, qui dressent à la fois la liste des domaines dans lesquels les deux parties doivent travailler et les moyens que celles-ci doivent employer afin de faire disparaître les obstacles non tarifaires.

, réglementant les zones visées à l’art. 4 ainsi que les exigences particulières y relatives, celles-ci étant définies dans les dispositions législatives et administratives respectives des deux Parties : en réalité le libellé du texte comprend uniquement une liste des documents communautaires, adoptés également par Berne.

1012 Déclaration relative à la participation de la Suisse aux Comités, RO 2002 II 2464. 1013 SPÖRRI, Information concernant les Accords bilatéraux de 1999, p. 2. 1014 OSEC, Les Accords bilatéraux I et II Suisse - Union européenne, p. 21. 1015 DFAE/DFE, Agriculture, p. 2. 1016 Appendice D à l’Acte final de l’accord de 1999, RO 2002 II 2460.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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Dans le domaine de la protection phytosanitaire (annexe 4), afin de simplifier les contrôles à la frontière, les deux parties s’accordent sur les mesures destinées à bloquer la propagation d’organismes nuisibles, en reconnaissant le principe du passeport phytosanitaire uniforme (art. 1 ch. 2 annexe 4). En outre, les deux Parties ont pris l’engagement de chercher des solutions conformes aux dispositions de l’annexe 4 pour des végétaux, produits végétaux et autres objets (Acte final de l’Accord, appendice A).

Dans le secteur des aliments pour animaux (l’annexe 5), en imposant un système de contrôle des produits, à la fois à leur origine (art. 5 annexe 5) et à leur destination (art. 6 annexe 5), l’Accord contribue indéniablement à garantir la qualité de ceux-ci.

En ce qui concerne les semences (annexe 6), pour des produits comme les pommes de terre ou les céréales, l’Accord impose une reconnaissance mutuelle de la conformité des législations directement dès l’entrée en vigueur de l’Accord (art. 2 annexe 6), alors que, en cas de modification de la législation suisse, une reconnaissance réciproque serait faite aux betteraves sucrières, aux plantes fourragères, aux oléagineux, aux plantes à fibres (art. 3 annexe 6) à l’exception notable des semences génétiquement modifiés (art. 5 ch. 3 annexe 6).

Dans le secteur du commerce des produits viti-vinicoles (annexe 7), les parties sont tombées d’accord sur le fait que les échanges bilatéraux de produits viti-vinicoles s’effectueront conformément aux dispositions techniques conjointement agrées, telles que les dispositions visées à l’appendice n° 1 relatives à la définition des produits viti-vinicoles, aux pratiques œnologiques, à la composition desdits produits et aux modalités de leur transport et de leur commercialisation (art. 4 annexe 7); en outre, les parties ont dressé, sur la base de l’art. 6 de l’annexe 7, des listes exhaustives quant aux dénominations protégées pour les produits viti-vinicoles originaires de la Communauté et de Suisse (appendice n° 2 à l’annexe).

En ce qui concerne les boissons spiritueuses et celles aromatisées à base de vin (annexe 8), les parties à l’Accord ont établi des listes communes (Appendice 1 pour la CE, Appendice 2 pour la Suisse) au bénéfice d’une reconnaissance mutuelle immédiate, alors que, pour certaines dénominations, à l’image de « la grappa », des dispositions spéciales ont été insérées dans des déclarations unilatéralement conçues1017

Pour le secteur de l’agriculture biologique (annexe 9), la reconnaissance réciproque des dispositions légales de l’Accord ne s’applique qu’aux produits et denrées alimentaires d’origine végétale issus de la culture biologique (art. 2 al. 1 annexe 9), alors que ce régime juridique pourrait s’étendre pour « les animaux, produits animaux et denrées alimentaires contenant des ingrédients d’origine animale » (art. 2 al. 2 annexe 9) dès que la Suisse et l’UE auront mis sur pied les bases légales nécessaires.

.

En ce qui concerne les fruits et les légumes frais (annexe 10), à l’exception des agrumes, l’UE reconnaît les fruits et légumes frais destinés à la consommation à l’état frais (art. 1 annexe 10), accompagnés du certificat de contrôle (art. 3 annexe 10); cette situation présente l’avantage de l’élimination de contrôle frontalier, donc des réductions importantes des coûts.

Enfin, la réglementation extrêmement minutieuse du commerce d’animaux vivants et de produits animaux (annexe 11) éclaire à elle seule les soucis de protection de la santé publique que les parties ont voulu exprimer : les mesures de lutte et de

1017 Cf. infra p. 214.

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notification des maladies sont détaillées pour chaque type d’épidémie animalière1018 (appendice 1), les échanges et la mise sur le marché sont établis pour chaque secteur de la santé animale1019 (appendice 2), l’importation d’animaux vivants, de leur sperme, ovules et embryons est strictement réglementée dans le commerce avec des pays tiers (appendice 3), de même que le secteur de la zootechnie, y compris l’importation en provenance des pays tiers (appendice 4), les contrôles et les redevances (appendice 5), les produits animaux et la délimitation des secteurs où l’équivalence est reconnue de manière réciproque (appendice 6, chapitre I), les autorités compétentes (appendice 7), les lignes directrices applicables aux procédures d’audit (appendice 9), les contrôles aux frontières et redevances (appendice 10). Cette annexe fait également l’objet d’une déclaration commune affirmant l’engagement des parties de ne pas s’attaquer devant les instances de l’OMC dans la recherche d’une solution aux problèmes engendrés par l’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ci-dessous ESB)1020

Fait significatif pour marquer une fois de plus l’importance particulière de l’Accord agricole dans l’ensemble des Bilatérales I, cet instrument juridique fait exception

.

1021

Fait même plus significatif encore, l’Accord agricole de 1999 prévoit, de la même manière d’ailleurs que l’ensemble des accords conclus au sein des Bilatérales I

à la pratique adoptée dans les autres accords qui consistait dans la création d’un seul Comité mixte. En effet, afin de résoudre les questions générales, l’art. 6 met en place un tel comité, qui est « chargé de la gestion du présent Accord et veille à son bon fonctionnement » (art. 6 ch. 2); parmi ses fonctions, il faut retenir également le pouvoir de modifier à tout moment les annexes 1 et 2, énumérant les concessions tarifaires que la Suisse et la Communauté se confèrent mutuellement, ainsi que les appendices des autres annexes incorporées dans l’Accord (art. 11). Un deuxième comité plus spécialisé, intitulé le « Comité mixte vétérinaire » (art. 19, annexe 11), doté d’un « règlement intérieur » (ch. 5) et muni « d’un pouvoir de décision dans les cas prévus par cette annexe » (ch. 2), est mis sur pied afin de renforcer la vigilance dans un domaine aussi sensible que celui de la médicine vétérinaire.

1022

1018 Fièvre aphteuse, peste porcine classique, peste porcine africaine, peste équine, influenza aviaire, maladie de Newcastle, maladies des poissons et des mollusques, encéphalopathies spongiformes transmissibles, fièvre catarrhale du mouton, zoonoses.

exception faite seulement de l’Accord de coopération scientifique, un article concernant les pouvoirs attribués au Comité mixte dans le règlement des différends entre parties : ainsi, ledit comité devait utiliser « tous les éléments d’information utiles » et examiner « toutes les possibilités » afin d’assurer le bon fonctionnement de l’Accord (art. 7). En adoptant la formulation insérée dans l’art. 14 l’ARM 1990 selon lequel le Comité « s’efforce de régler le différend », la clause de règlement des différends – d’ailleurs présente dans l’ensemble des Bilatérales I - confirmait le mode diplomatique choisi, à

1019 Bovins et porcins, ovins et caprins, équidés, volailles et oeufs à couver, animaux et produits d’aquaculture, embryons bovins, sperme bovin, sperme porcin. 1020 Cf. infra. p. 214. 1021 L’Accord sur la recherche fait également figure d’exception à la règle, mais dans un autre sens : il n’y a pas de Comité mis en place sur la base de l’Accord de 1999, mais la surveillance se fait par le « Comité Recherche Suisse/Communautés » (art. 10) de l’Accord-cadre de 1986 (RS 0.420.518). 1022 Art. 19 de l’Accord sur la libre circulation des personnes, art. 10 de l’Accord sur les marchés publics, art. 14 de l’Accord sur la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de conformité, art. 54 de l’Accord sur le transport terrestre, art. 22 de l’Accord sur le transport aérien.

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travers les attributions du Comité mixte de l’Accord de libre-échange de 1972, pour régler les conflits potentiels. Toujours quant à la question des moyens permettant le règlement des différends, il est également important de noter la coexistence - au sein d’un seul instrument juridique, partie des Bilatérales I - dudit système destiné à régler les conflits potentiels avec celui des compétences exclusives réservées à la CJCE (art. 29 Accord sur le transport aérien) pour tous les problèmes liés à la validité des décisions prises par les institutions de la Communauté, sur la base de leurs attributions octroyées par cet accord (art. 20 Accord sur le transport aérien).

Pour une situation de crise, telle que « la perturbation grave des marchés dans l’autre Partie » intervenue dans les domaines des concessions tarifaires bilatérales ou celui fromager (art. 10 al. 1), les rédacteurs du texte ont prévu la formule des mesures de sauvegarde permettant à l’autre partie de suspendre les échanges jusqu’au règlement du conflit. Il s’agit d’une procédure par étapes clairement décrite dans l’art. 10 al. 2 de l’Accord, avec l’obligation d’indiquer les motifs ayant conduit à cette situation, l’obligation d’informer dans les plus brefs délais l’autre partie ou l’engagement des consultations afin de trouver une solution appropriée. Pour les autres secteurs réglementés par l’Accord, la possibilité de recourir à ce type de mesures existe à plusieurs niveaux: ainsi, pour le secteur phytosanitaire, l’art. 10 al. 1 de l’Accord est repris « à la lettre » par l’art. 6 annexe 4; en ce qui concerne l’alimentation animale, le texte prévoit la possibilité pour chaque partie de prendre les mesures conservatoires appropriées de manière à permettre l’application d’une annexe de l’Accord (art. 10 al. 3 annexe 5); pour le secteur des produits agricoles et denrées alimentaires obtenus selon le mode de production biologique, les parties introduisent un élément supplémentaire quant à l’efficacité de l’Accord, des mesures de sauvegarde provisoires pouvant ainsi être arrêtées sans consultation préalable, lorsque tout retard infligerait un préjudice qu’il serait malaisé de réparer (art. 9 al. 1 annexe 9); en ce qui concerne la reconnaissance des contrôles de conformité aux normes de commercialisation pour les fruits et légumes frais, les parties ajoutent un élément nouveau dans le catalogue des mesures conservatoires appropriées, en permettant le recours à la suspension partielle ou totale des dispositions de la présente annexe si un accord n’est pas trouvé dans un délai de trois mois (art. 5 al. 4 annexe 10); enfin, pour le secteur des mesures sanitaires et zootechniques applicables au commerce d’animaux vivants et de produits animaux, la clause de sauvegarde mentionne le recours devant le Comité mixte de l’Accord (art. 20 al. 1 annexe 11).

Conditionnée par l’introduction par une des parties d’une demande motivée, qui va servir de base aux recommandations du Comité, la procédure de révision est prévue pour toute modification souhaitée du contenu de l’Accord (art. 12) et porte notamment sur l’engagement des négociations, qui aboutissent à des accords après ratification selon les règles nationales de chaque partie.

L’Accord contient par ailleurs une clause évolutive permettant aux deux parties de réaliser des pas supplémentaires vers l’ouverture réciproque des marchés. Les termes utilisés pour rédiger l’art. 13 sont soigneusement choisis : les parties, tout en s’engageant à accomplir des « efforts pour parvenir progressivement à une plus grande libéralisation des échanges agricoles » (al. 1), ce qui n’exclut pas même un niveau de libre-échange, prévoient quand même que chaque forme future de collaboration bilatérale serait soumise à la « ratification ou à l’approbation par les Parties, selon les procédures qui leur sont propres » (al. 4), afin d’apaiser ceux qui craignent une ouverture trop importante du

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marché agricole suisse. Sur la base de cette disposition et à la lumière des résultats favorables enregistrés jusqu’à présent quant à la mise en place et au fonctionnement de l’Accord agricole de 1999, les deux parties ont pu entamer les discussions exploratoires et les négociations préalables concernant la possibilité de lancer un ALEA dans les rapports bilatéraux1023

Finalement, pour mieux définir le cadre général de la collaboration bilatérale, le texte se conclut par un Acte final qui contient des déclarations des parties, exprimées unilatéralement

.

1024 et en commun1025. Dans la seconde catégorie, on doit mentionner la prise de position conjointe des deux parties sur l’importance de la protection octroyée par les AOP et les IGP1026

D’une part, les deux signes de qualité des produits agricoles et des denrées alimentaires liés à l’origine géographique étaient considérés comme étant « un élément essentiel de la libéralisation des échanges de produits agricoles et de denrées alimentaires » (par. 1). On peut clairement distinguer la volonté affichée par les deux parties à l’Accord d’utiliser les avancées, enregistrées dans la réglementation des secteurs viti-vinicole et des boissons aromatisées à base de vin, pour les mettre au profit de l’ensemble des échanges bilatéraux liés à l’agriculture. Dans cette perspective, il faut également souligner le fait que, tant le rôle reconnu dans cette déclaration aux AOP et aux IGP que la citation du règlement communautaire n° 2081/92

.

1027

D’autre part, les parties prenaient l’engagement d’insérer « les dispositions concernant la protection mutuelle des AOP et IGP dans l’Accord relatif aux échanges

, établissent une reconnaissance tacite des développements qui ont caractérisé ledit domaine au niveau multilatéral, où l’Accord ADPIC du 15 avril 1994 consacre la notion d’indication géographique à l’intérieur de l’OMC.

1023 Cf. infra p. 220ss. 1024 D’une part, la Suisse a inséré une Déclaration concernant la grappa, par laquelle cette dénomination était réservée à l’Italie, à l’exception des produits de ce type élaborés en Suisse italienne (RO 2002 II 2463) et une Déclaration relative à la dénomination des volailles en ce qui concerne le mode d’élevage (RO 2002 II 2463); d’autre part, la CE a émis une Déclaration concernant les préparations dites «fondues» (RO 2002 II 2463) alors que le Conseil a adopté une Déclaration relative à la participation de la Suisse aux Comités (RO 2002 II 2464). 1025 Déclaration commune relative au coupage de produits viti-vinicoles originaires de la Communauté commercialisés sur le territoire suisse (RO 2002 II 2461); Déclaration commune relative à la législation en matière de boissons spiritueuses et de boissons aromatisées à base de vin, octroyant un délai de trois ans à la Suisse afin d’adapter sa réglementation aux normes européennes (RO 2002 II 2461); Déclaration commune concernant l’annexe 11 relative aux mesures sanitaires et zootechniques applicables au commerce d’animaux vivants et de produits animaux (RO 2002 II 2462), aussi bien qu’une Déclaration commune relative à de futures négociations additionnelles (RO 2002 II 2463). 1026 Déclaration commune dans le domaine de la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (RO 2002 II 2462). 1027 Le règlement 2081/92 du 14 juillet 1992 (JOCE n° L 208 du 24 juillet 1992, p. 1) aboutissait à la reconnaissance de deux signes de qualité des produits agricoles et des denrées alimentaires liés à l’origine géographique : les AOP (objectivement exprimant l’origine géographique) et les IGP (concernant subjectivement cette origine); l’accord ADPIC du 15 avril 1994 (RS 0.632.20, Annexe 1C) ancrait la notion d’indication géographique parmi les outils de travail de l’OMC; le règlement (CE) 510/2006 du 20 mars 2006 (JOUE n° L 93 du 31 mars 2006, p. 12) abrogeait et remplaçait le règlement 2081/92, mais n’apportait pas de grandes modifications au régime antérieur; le règlement (CE) 479/2008 du 29 avril 2008 (JOUE n° L 148 du 6 juin 2008, p. 1) renforce et clarifie le régime juridique des AOP/IGP pour les produits viticoles.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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réciproques de produits agricoles sur la base de législations équivalentes, tant au niveau des conditions d’enregistrement des AOP et des IGP que des régimes de contrôles » (par. 2). En s’accordant à généraliser, dans leurs échanges commerciaux agricoles, un principe appliqué initialement dans un seul secteur de la coopération bilatérale, les parties se fixaient déjà comme but l’application pour tout l’Accord des dispositions relatives à la protection mutuelle des AOP et des IGP des produits agricoles autres que les appellations viticoles et les dénominations relatives aux spiritueux, déjà protégées par l’Accord bilatéral (annexe 7 pour les vins et annexe 8 pour les spiritueux).

De ce point de vue, il est plus facile de comprendre l’intérêt que, tant la Suisse que l’UE, font valoir pour « consolider » le régime juridique de leurs produits mondialement appréciés. Si on peut déjà trouver, dans le texte même de l’Accord, une réglementation - sur l’épineux problème de l’appellation Champagne - faite au bénéfice de Bruxelles, mais assortie d’un délai de deux ans favorable à la Suisse (art. 5 al. 8 annexe 7), c’est sur la base de cet engagement commun que les parties essaient actuellement de résoudre des dossiers « sensibles », comme celui du fameux fromage de Gruyère, fleuron de l’économie fromagère suisse, avec une production avoisinant les vingt-huit mille tonnes annuellement, alors que le Gruyère français enregistre une moyenne de deux mille tonnes.

La dénomination « Gruyère » est une appellation partagée entre la Suisse et la France depuis la Convention de Stresa1028, d’autres instruments juridiques bilatéraux ayant régi ce problème, à l’exemple du Traité de 1974 entre la Suisse et la France sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques1029. En Suisse, le «Gruyère» bénéficiait d’une AOP depuis 2001. En France, les formalités d’enregistrement en tant qu’AOP ayant abouti au niveau national, le dossier avait été transmis en 2007 à la Commission européenne en vue d’une protection au niveau communautaire. Une demande a été déposée simultanément à Bruxelles du côté suisse : ainsi, par un communiqué de presse du 23 juillet 20071030

En juillet 2010, les parties ont conclu les négociations relatives à un Accord sur la reconnaissance mutuelle des AOP et des IGP pour les produits agricoles et les denrées alimentaires (ci-dessous Accord AOP / IGP). Mi-janvier 2011, ledit Accord a été

, Berne, d’une part, informait que deux demandes parallèles d’enregistrement en tant qu’AOP, une par la Suisse et une par la France, avaient été déposées auprès de la Commission européenne et, d’autre part, déclarait s’engager prioritairement pour la protection réciproque de l’ensemble des AOP et IGP agricoles avec l’UE, sa priorité étant toujours la négociation d’un Accord de reconnaissance mutuelle global avec Bruxelles, devant permettre une protection mutuelle de l’ensemble des AOP et des IGP avec l’UE. Les négociations en vue de la conclusion de l’Accord susmentionné ont débuté en octobre 2007. Dans ce cadre, la Suisse et l’UE visaient une protection mutuelle de leurs dénominations sur le territoire de l’autre Partie, ce qui impliquait la recherche de solutions aux dénominations utilisées par les deux Parties, ce qui est le cas de la dénomination « Gruyère ».

1028 Convention internationale sur l’emploi des appellations d’origine et dénominations de fromages, conclue à Stresa le 1er juin 1951, entrée en vigueur pour la Suisse le 12 juillet 1953 (RS 0.817.142.1). 1029 RS 0.2332.111.193.49. 1030 OFAG, Protection de la dénomination Gruyère.

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approuvé par le Conseil fédéral et le Conseil des Ministres, dans sa composition ECOFIN regroupant les ministres nationaux de l’Economie et des Finances, et suit à présent les étapes suivantes nécessaires pour son application (signatures des parties, prononciation du Parlement européen le texte avant son entrée en vigueur).

Bien que la question du fromage « Gruyère » n’ait été que partiellement résolue (à lire résolue pour la Suisse mais pas pour la France)1031, l’importance de l’Accord AOP / IGP est de taille : d’une part, les négociations - déroulées sur la base de la déclaration commune rendue dans le domaine des AOP et des IGP et contenue dans l’Accord bilatéral agricole de 1999 - ont eu comme objet tous les produits agricoles, c.à.d. les produits laitiers, animaux (viande, salaisons), végétaux, à l’exception des vins et des spiritueux; d’autre part, ces négociations ont été spécialement importantes pour le secteur fromager, étant donné que c’est surtout dans ce domaine que la Suisse a une activité d’exportation vers l’UE, donc un intérêt à protéger ses dénominations contre leur utilisation inappropriée. L'Accord sera intégré comme nouvelle annexe de l'Accord agricole Suisse-UE de 1999 et, une fois en vigueur, assurera une protection juridique identique à celle existant à l'interne pour les AOP et IGP suisses sur territoire communautaire et pour celles de l'UE en Suisse. Comme l’OFAG l’a expliqué, « la Suisse verra la protection de ses dénominations (une vingtaine) étendue à l'ensemble du territoire de l'UE, un marché de près de 500 millions de consommateurs, et octroiera sur son territoire la même protection aux dénominations de l'UE (environ 800) »1032

Dans un commentaire sur la mise en œuvre de l’Accord agricole de 1999, il était déjà observé que celle-ci comportait deux aspects : d’une part, l’aspect quantitatif, concernant « la suppression des tarifs douaniers et l’augmentation des contingents pour les importations » et, d’autre part, la réalisation qualitative du libre-échange, exprimée par la diminution des barrières non tarifaires au commerce, cas où « l’harmonisation des prescriptions techniques, la non-discrimination réciproque et la reconnaissance juridique en constituent des éléments essentiels »

.

1033

Conformément aux chiffres avancés par Berne, il est certain que l’Accord agricole de 1999 a permis à l’économie suisse de tirer de vrais avantages de l’accès au marché européen : ainsi, « la valeur totale des exportations de fromages vers l’UE a connu une hausse constante, de l’ordre de 7 %, en moyenne annuelle, ces dernières années (2005-2007) »

.

1034, alors que « 76 % des importations suisses (8,6 milliards francs) provenaient de l’UE »1035

Presque une décennie après sa signature, l’Accord a connu, ces dernières années, des développements très intéressants, lors de la question des cervelas suisses. Du point de

.

1031 La déclaration commune de 2010 sur les dénominations homonymes, jointe à l’Accord AOP / IGP, va régler la relation entre l’AOP suisse « Gruyère » et une éventuelle IGP française « Gruyère ». Cette dernière n’est pas encore protégée dans l’UE (une demande pour une IGP est pendante) et ainsi n’a pas pu être intégrée dans l’accord AOP / IGP – au contraire du Gruyère suisse qui bénéficiera d’une AOP selon cet accord. Au cas où l’IGP française « Gruyère » serait enregistrée dans l’UE, elle devrait alors être différenciée de la dénomination suisse, afin que toute tromperie du consommateur puisse être évitée. Après une inscription éventuelle dans le registre communautaire, il y aura l’examen de son intégration dans l’Accord agricole bilatéral de 1999. 1032 OFAG, Suisse-UE: accord de protection en phase de ratification. 1033 economiesuisse, Analyse des conséquences économiques, p. 4. 1034 DFAE/DFE, Agriculture, p. 2. 1035 economiesuisse, Accords bilatéraux Suisse-UE I et II, p. 4.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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vue du cadre juridique en place, les échanges commerciaux d'animaux vivants et de produits animaux entre la Suisse et l’UE étaient, et sont encore, régis au niveau bilatéral par l’annexe « vétérinaire » de l'Accord bilatéral sur l'agriculture (annexe 11). Se fondant sur cet Accord, le Comité mixte vétérinaire Suisse-UE avait reconnu, le 1er décembre 2006, l'équivalence des législations des deux parties en matière de denrées alimentaires d'origine animale. Cette reconnaissance réciproque constituait non seulement l'un des principaux facteurs facilitant les exportations suisses de denrées alimentaires d'origine animale vers l'UE, mais avait également obligé Berne à appliquer, au même titre que l’UE, la législation sectorielle adoptée par Bruxelles. Du coup, au moment où l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE ci-dessous1036

Du point de vue de l’économie suisse, l'impact de cette mesure n'était guère perceptible pour la viande, car seulement 5% du bœuf consommé en Suisse provenait du Brésil; en revanche, cela posait un réel problème du point de vue de la production des cervelas, classés dans le patrimoine culinaire suisse, au même titre que la fondue ou la raclette : avec une production de cervelas atteignant près de cent soixante millions de pièces par an, soit près de vingt-cinq mille tonnes (équivalant à 30 % de la production de saucisses), l’industrie suisse fait dépendre des intestins de zébus brésiliens la commercialisation de pas moins de cent vingt mille vaches et trois cent soixante mille porcs, dont près de 90 % sont d'origine suisse. Ayant engendré un débat public dans lequel le discours enflammé portant sur la perte d’un (autre) symbole suisse

) avait classé le Brésil dans la liste des pays où il existait un risque «non négligeable» d'ESB, déclenchant ainsi à intérieur de l'UE l’interdiction de toute importation de bœuf brésilien, Berne s’est vue contrainte de suspendre à son tour les importations de boyaux des bœufs brésiliens.

1037

Ainsi, dans une interpellation déposée fin 2007 et intitulée «Avenir du cervelas. Le salut vient du Brésil»

a accompagné même la création d’un comité de défense du cervelas, la question des importations de viande brésilienne avait nécessité la mobilisation des branches économiques concernées et l’intervention des acteurs politiques.

1038

1036 L'OIE est l'organisation intergouvernementale créée en mai 2003 et chargée d'améliorer la santé animale dans le monde. Ayant repris l’acronyme et les attributions de l'Office international des épizooties, né grâce à l'Accord international signé le 25 janvier 1924 afin de combattre les maladies animales au niveau mondial, l’OIE établit des normes reconnues comme références mondiales par l’OMC. À fin 2009, l’OIE comptait 175 pays et territoires Membres, entretenant des contacts permanents avec 36 autres organisations internationales et régionales et disposant de Représentations Régionales et sous-régionales sur tous les continents.

, Rolf Büttiker, président de l'UPSV et conseiller aux Etats soleurois (PRD), invitait le gouvernement fédéral à agir pour garantir l'avenir de la saucisse et proposait dans le même temps quelques pistes d’action possibles. En demandant ainsi si le gouvernement était en mesure de faire revenir Bruxelles sur sa décision (point 3), ou si le gouvernement était décidé à tout mettre en œuvre auprès des autorités de l'UE afin que les boyaux de bœuf soient soumis à une nouvelle évaluation des risques (point 5), il s’exprimait également en faveur de l’obtention par Berne d’une exception, au moins temporaire, pour réimporter rapidement des boyaux du Brésil (point 4).

1037 « Le cervelas est la saucisse nationale », avait déclaré à Zurich Balz Horber, directeur de l’UPSV (RSR, Mobilisation pour sauver la peau du cervelas). 1038 Interpellation 07.3793 du 11 décembre 2007, BO de l’Assemblée Fédérale, Annexes, Conseil des Etats, 2ème session de la 48ème législature, vol. 2008, p. 99.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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Dans sa réponse1039

Fin 2008, de nouvelles avancées majeures ont été enregistrées dans ce domaine. D’abord, suite à la révision du droit alimentaire suisse, la Suisse et l’UE sont parvenues à une pleine parité des législations afférentes, ajoutant l’équivalence des dispositions portant sur l’hygiène des denrées alimentaires d’origine animale

, le Conseil fédéral manifestait son soutien aux mesures adoptées par Bruxelles, en soulignant encore une fois que l’OIE avait procédé à une réévaluation du statut ESB du Brésil en 2006, ce qui avait conduit à considérer depuis lors les boyaux du Brésil comme un produit à risque. Pour contrebalancer les pertes en approvisionnement et garantir le fonctionnement futur de l’industrie suisse, Berne faisait savoir que des pistes parallèles pour la fourniture des intestins bovins étaient déjà utilisées, en admettant que « l'importation en provenance de quelques pays d'Amérique du Sud, l'Argentine et l'Uruguay par exemple, est admise, car ces pays ont un autre statut ESB » (point 2). En outre, le Conseil fédéral expliquait le fait que des solutions, à la fois viables économiquement et garantissant les soucis de santé publique, étaient étudiées afin que les importations de Brésil puissent reprendre, même de manière limitée dans un premier temps : « la branche et l'OVF ont décidé fin décembre 2007 de commander une étude commune visant à démontrer à la Commission européenne et à l’EFSA que les boyaux provenant de certaines unités de production contrôlées du Brésil ne présentent pas de risque » (point 5). Pour le Conseil fédéral, il était essentiel de réunir dans une seule stratégie aussi bien des considérations de protection de la santé humaine et animalière, à l’exemple des mesures promouvant la sécurité alimentaire ainsi que la prévention des épizooties de manière globale, que des indices essentiels d’un commerce stable et prospère, tels que la solidité économique de la filière viande, le flux régulier des importations ou la confiance des consommateurs dans les denrées alimentaire suisses.

1040 à celle concernant, dès 2002, les domaines des maladies animales et de l’hygiène du lait et des produits laitiers. Ces pas accomplis vers une harmonisation législative et des prescriptions gardent toute leur importance, d’autant plus qu’ils ont prouvé la confiance mutuellement affichée des deux parties, dans un domaine ayant connu une succession de crises sérieuses au niveau européen, voire mondial1041

1039 Réponse du Conseil fédéral du 20 février 2008, publié in BO de l’Assemblée Fédérale, Annexes, Conseil des Etats, 2ème session de la 48ème législature, vol. 2008, p. 99.

.

1040 La révision portait sur cinq domaines : la suppression des contrôles vétérinaires, le renforcement des contrôles sur les importations en provenance des pays tiers, la question des aliments liquides pour porcs (la production des aliments pour porcs à partir de déchets de cuisine et de restes de repas sera ainsi interdite également en Suisse dès le 1er juillet 2011), le problème de la viande issue d’animaux traités avec des hormones de croissance (interdite en UE mais pas en Suisse, les engagements de Berne visaient notamment à limiter l’utilisation de cette viande au marché suisse et d’assurer une traçabilité des produits et un contrôle efficace) et enfin le transit des animaux par la Suisse (Bulletin de l’OVF du 16 janvier 2009, n° 1/09, p. 4 : accord signé le 23 décembre 2008, en vigueur dès le 1er janvier 2009). 1041 Entre autres, on peut rappeler d’abord l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine, appelée également « la maladie de la vache folle » ayant ravagé les élevages européens dans les années ‘90 et soupçonnée de transmettre à l'homme une variante de la maladie de Creutzfeldt Jacob, ensuite l'épizootie de fièvre catarrhale ovine, ou « la maladie de la langue bleue », très contagieuse pour les ovins, les bovins, les caprins qui a affecté le nord de la France en 2007, ou enfin la grippe aviaire, désignant une maladie virale proche de la grippe, due à un virus H5N1 hautement pathogène, qui infecte les oiseaux sauvages ou domestiques, et qui présente un risque de transmission pour l’homme, ayant touché plusieurs endroits du monde entre 2004 et 2006 et en 2009.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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Ensuite, par une décision prise fin 20081042, le Comité mixte vétérinaire a approuvé l’élargissement de l’annexe 11 de l’Accord bilatéral sur l’agriculture : « afin d'apporter les moyens nécessaires pour effectuer les contrôles à l'importation des produits d'origine animale en provenance des pays tiers, il est nécessaire d'intégrer au moins partiellement la Suisse au système d'alerte rapide établi par l'art. 50 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires1043 » (ch. 7). Berne a consolidé ainsi, une fois de plus, la reprise des dispositions communautaires concernant les conditions d’importation des intestins de bovins, la liste des pays potentiellement fournisseurs de tels produits comprenant, outre les pays sud-américains précités, la Chine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suède, la Norvège, l'Islande et la Finlande. La conséquence directe de cette mesure a été « l’abolition des contrôles vétérinaires de part et d’autre de la frontière entre la Suisse et l’UE lors des échanges d’animaux et de produits animaux, ainsi que l’intégration pleine et entière de la Suisse dans le système européen de contrôle vétérinaire des lots provenant des pays tiers »1044

Enfin, début 2009, sur la base de la reconnaissance que OIE avait faite au bénéfice de trois nouveaux Etats et régions du Brésil en tant que régions indemnes de la fièvre aphteuse avec vaccination, la Commission européenne a actualisé la liste des régions du Brésil en provenance desquelles les importations de viande bovine fraîche sont, à certaines conditions, autorisées: Etat du Mato Grosso do Sul, à l’exception des régions frontalières de la Bolivie et du Paraguay spécialement indiquées, ainsi que les Etats du Mato Grosso et du Minas Gerais

.

1045. La situation se présentait, après le premier semestre de 2009, de la manière suivante : côté importations, les boyaux de bœuf brésilien étaient toujours bannis, alors que des sources de remplacement avaient été trouvées, pour environ 70% des besoins, sur le continent sud-américain (avec l’autorisation des petites quantités en provenance d’Uruguay et de l’Argentine, ainsi que la reprise, dès août 2008, des échanges avec le Paraguay) et, en Chine, d’où provient environ 30% des importations de boyaux1046; côté recherche scientifique, la publication des résultats d’un rapport indépendant mandaté par Swiss Cervelas Task Force1047

1042 Décision n° 1/2008 du 23 décembre 2008 concernant la modification des appendices 2, 3, 4, 5, 6 et 10 de l'annexe 11, JOUE n° L 6 du 10 janvier 2009, p. 89.

a ouvert de nouveau le débat sur le bien-fondé des mesures adoptées par Bruxelles et reprises automatiquement par Berne. Ledit rapport présentait les résultats d'une approche basée par risque et chargée d’estimer l'exposition potentielle de l’Homme à l’épidémie contagieuse ESB, suite à la consommation des boyaux de saucisse faits à partir de l'intestin bovin, en supposant que les cervelas sont originaires de l'UE. Les conclusions du rapport, rejetant les risques de contamination pour le consommateur, ont déterminé les autorités suisses à inciter Bruxelles à revoir le régime applicable aux importations de

1043 JOUE n° L 31 du 1er janvier 2002, p. 1. 1044 Bulletin de l’OVF du 16 janvier 2009, n° 1/09, p. 6. 1045 Bulletin de l’OVF du 30 janvier 2009, n° 2/09, p. 22. 1046 DFE/ALP Fabrication de cervelas, p. 26. 1047 Cellule de crise, composée de représentants de l’industrie vétérinaire - des scientifiques spécialisés dans ce secteur et des représentants ministériels – et créée à Berne dans le but de cordonner les actions menées pour résoudre la crise bilatérale dans le secteur vétérinaire.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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viande de bœuf brésilien : en effet, il y était indiqué que, en cas de consommation de saucisses européennes, produites avec les boyaux brésiliens, « il s’agit, pour l’Homme, d’une d’exposition à un très bas niveau et, tenant compte de la barrière inter-espèces existante entre les humains et le bétail, cela représenterait un risque extrêmement bas; il faut conclure que les risques d’attraper l’épidémie contagieuse ESB, liée à l'utilisation des boyaux bovins, sont extrêmement réduits et que des changements dans la réglementation de l’UE en la matière pourraient être pris en considération sans que cela puisse représenter une augmentation significative du risque qu’encourent les consommateurs »1048. A la lumière des évolutions indiquées jusqu’à présent dans ce problème, et avec une année 2010 n’ayant pas enregistré des nouvelles évolutions sur cette question1049

Considéré comme une avancée libérale par les milieux favorables à l’ouverture graduelle de la Suisse à l’Europe, l’Accord apparaît comme incontournable dans la réglementation d’un secteur vital, fonctionnant en profonde interconnexion avec tout le reste de l’économie. La politique de l’autruche étant vouée d’emblée à l’échec, les négociations pour la conclusion d’un ALEA avec l’UE apparaissent comme une continuation logique du processus d’intégration économique avec Bruxelles.

, on va se contenter de dire que la Suisse n'a pas de position officielle à ce propos; elle fait simplement ce qui est indiqué dans les lois de l’UE concernant l'importation d'intestins provenant de pays tiers. A l’avenir, il existe des fortes chances que Berne introduise une motion auprès de l’OIE pour transférer la Suisse de la liste des pays ayant un « taux contrôlable de l’épidémie ESB » sur celle des pays ayant un « taux négligeable de l’épidémie ESB ».

Section C La perspective d’un ALEA entre la Suisse et l’UE

Par décision du 18 janvier 2006, le Conseil fédéral a donné le feu vert pour que le

DFE et le DFAE examinent la faisabilité, ainsi que les avantages et problèmes économiques qu’un accord de libre-échange avec l’UE pour les produits agricoles poserait à l’économie suisse. Soulignant la nécessité de remplir cumulativement plusieurs conditions afin qu’un tel accord puisse être une réussite1050, les premières estimations concernant l’impact possible d’un tel accord ont été clairement positives1051

1048 DET NORSKE VERITAS LTD., Evaluation sur les risques de transmissibilité de l'encéphalopathie spongiforme, suite à la consommation des boyaux bovins: Rapport pour Cervelas Task Force, n° 22926377, version finale, 17 décembre 2008, p. ii (trad. anglais).

.

1049 Seulement la Résolution 18 de l’Assemblée générale OIE, du 25 octobre 2010, ayant mis à jour la liste des pays d’où les importations des intestins de bovins sont autorisées. 1050 Afin que le libre-échange dans le domaine agricole puisse se développer de manière effective au bénéfice des deux parties, il faudrait, d’une part, que tous les maillons de la chaîne de production agricole (l’agriculture produisant les matières premières, le secteur en amont fournissant la totalité des produits nécessaires à la production ainsi que le secteur en aval comprenant les niveaux de transformation industrielle et ceux commerciaux menant au consommateur) soient concernés et, d’autre part, que les obstacles au commerce soient éliminés, à l’exemple des mesures préconisées dans ce but et visant les barrières non tarifaires (la reconnaissance contractuelle de l’équivalence des prescriptions portant sur les produits, l’application réciproque du principe Cassis de Dijon ou l’admission d’importations parallèles). 1051 DFAE/DFE, Accord de libre-échange agricole, p. 2ss.

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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D’abord, pour l’ensemble de l‘économie, la croissance économique connaîtra certainement un élan supplémentaire, générant ainsi un renforcement de la place économique suisse, une augmentation de la productivité de l’agriculture à côté d’une réduction substantielle des prix pratiqués, dans un enchaînement comprenant à la fois les matières premières, les denrées alimentaires, et l’allocation moyenne mensuelle allouée pour chaque famille à l’alimentation.

Ensuite, quant au secteur agroalimentaire, il y aura certainement des transformations structurelles, conditionnées quand même par les mesures d’accompagnement prévues dans ce but; ainsi, les chances d’exportation - bien que moins importantes, de ce point de vue, qu’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis ou une adhésion à l’UE - seront clairement consolidées, à cause de la compétitivité renforcée du secteur agricole, de l’ouverture d’un marché comptant 450 millions de consommateurs à la proximité de la Suisse et de la perte progressive d’intérêt pour le tourisme alimentaire.

Enfin, du point de vue suisse de la politique économique, agricole et européenne, la souveraineté de la Suisse sera préservée, vu qu’il n’y aura pas de reprise de la PAC européenne, alors que les efforts seront harmonisés dans le cadre unitaire de la libéralisation mondiale structuré à l’OMC.

Vu l’enjeu d’un tel accord, qui plus est dans un secteur aussi sensible que l’agriculture, elle-même subissant des transformations profondes ces dernières années, les prises de position et les réactions concernant le possible ALEA avec l’UE ont été très variées, à l’image des deux camps qui s’opposent en Suisse, les eurosceptiques et les europhiles.

D’une part, les partisans d’une Suisse traditionnellement à l’écart des mutations européennes ont invoqué plusieurs arguments contre l’accord envisagé. Ainsi, l’UPS a affiché dès le début ses doutes quant au bien-fondé d’un tel accord pour l’économie suisse1052; plus récemment, elle a nié en bloc l’image de la Suisse en tant qu’îlot de cherté1053, tout en défendant son rejet des importations parallèles - source d’atteintes à la qualité très chère au consommateur suisse - a réitéré sa méfiance envers la libéralisation agricole en tant que projet européen ou mondial1054 et a tracé les points-clé qui devront être discutés dans les négociations futures sur ce sujet1055

1052 USP, L’USP est très réservée : « Scepticisme quant à l’impact économique d’un tel accord sur les exploitations agricoles, les premières discussions internes ayant relevé qu’un accord de libre- échange global dans le secteur agricole aurait des conséquences financières encore plus graves qu’une solution moyenne trouvée à l’OMC » (p. 2).

. De même, l’UMS a fait

1053 UPS, Euphorie trompeuse : « Toutefois, l'écart entre les prix suisses et les prix dans les pays voisins a énormément diminué ces derniers temps. Bien des produits alimentaires sont maintenant vendus en Suisse à un prix inférieur ou au même prix que dans le sud de l’Allemagne, par exemple. Le cours élevé de l'Euro et l'explosion des prix sur le marché international sont également des facteurs favorables à un rapprochement des prix en Suisse et à l'étranger » (p. 1). 1054 USP, Comportement intolérable : « Le libre-échange de denrées alimentaires dans le monde entier n’aura pas pour effet de les transporter là où elles sont nécessaires, mais là où il existe un pouvoir d’achat; c’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’adopter des règles qui permettent à chaque pays d’avoir une agriculture autonome » (p. 1). 1055 USP, Ne pas se le laisser imposer : « Les questions liées aux impacts économiques, à l’influence sur nos coûts de production, aux potentialités réelles d’exportation, aux effets collatéraux de la reprise des aspects non tarifaires, comme la reprise de l’acquis communautaire dans le domaine de la loi sur les denrées alimentaires ou de la reprise du Cassis de Dijon devront être soigneusement analysées » (p. 2).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

222

connaître très clairement ses réticences quant à la possibilité d’un tel accord, les données en jeu1056 lui confirmant que la Suisse « n’est pas prête à faire le grand saut ». Enfin, un revers de taille pour l’ALEA a été enregistré lors de la prise de position de la Conférence des gouvernements cantonaux qui, ayant jugé insuffisant le mandat actuel des négociations, a rejeté pour le moment toute autre ouverture dans la politique européenne suisse1057

D’autre part, les partisans de l’ouverture de l’économie suisse soulignent les points gagnants, nets et d’extrême importance dans leur vision, d’un tel accord. economiesuisse identifie cinq avantages majeurs à la conclusion d’un accord réglementant le libre-échange agricole avec l’UE, souligne son effet de catalyseur pour d’autres accords semblables et le considère comme « la seule perspective viable pour l’économie suisse à moyen et à long termes »

.

1058. D’autres opinions n’ont pas relevé uniquement les profits dont toute l’économie suisse pourrait bénéficier (notamment au niveau de la compétitivité et du pouvoir d’achat renforcé par l’accroissement du budget des consommateurs, suite à la réduction des prix), mais également le fait qu’un tel accord compenserait le manque à gagner provoqué par la libéralisation toujours plus forte au sein de l’OMC, en représentant une continuation parfaitement envisageable dans le processus de réglementation des rapports économiques avec Bruxelles1059. Enfin, au niveau des milieux économiques et politiques directement impliqués dans les négociations, il y a eu également des prises de position clairement en faveur de ce projet de libre-échange agricole : en déplorant l’attitude défensive, non justifiée par les indices de productivité et de compétitivité affichés dernièrement, l’ALEA est perçu comme « la pièce maîtresse de notre dispositif qui ouvrira des nouveaux débouchés à nos agriculteurs »1060

1056 BRUNNER : « le manque de compétitivité de l’agriculture suisse (problème de coûts de main d’œuvre, d’énergie, d’eau et de construction) moins soutenue que dans l’UE (…), le nivellement des prix ajustés à la baisse ou encore le risque de disparition des cultures maraîchères en Suisse » (Accord de libre-échange agricole, p. 1).

.

1057 CDC, Libre-échange avec l'UE dans le domaine agroalimentaire : « l'ouverture de négociations sur l'accord large prévu par le Conseil fédéral aurait pour l'instant trop de conséquences négatives, quand bien même un accord avec l'UE serait en principe utile dans les domaines santé, sécurité alimentaire et sécurité des produits » (p. 1). 1058 « Un tel accord ferait diminuer le prix de nombreuses prestations initiales, induirait une harmonisation entre les prix de la majorité des producteurs et le niveau des prix au sein de l’UE et accroîtrait les perspectives d’exportation des produits suisses. (…) Dans le cadre d’un régime de libre-échange avec l’UE, l’agriculture pourrait toujours fournir des prestations en faveur de la collectivité, si le système de paiements directs était révisé de manière à tenir compte de leurs objectifs et de leur efficacité. À cela s’ajoute le fait que la Suisse se trouverait alors dans une meilleure position sur le plan de sa politique économique extérieure dans l’éventualité où l’UE conclurait des accords de libre-échange avec des États tiers. En effet, cela accroîtrait régulièrement la pression sur la Suisse en vue de la conclusion d’accords de libre-échange correspondants » (economiesuisse, Politique agricole 2011, p. 4). 1059 CHAVAZ : « L’extension du libre-échange avec l’UE à tous les produits agricoles serait donc la suite logique d’une politique menant à une libéralisation graduelle du trafic des marchandises entre la Suisse et l’UE » (Un accord de libre-échange agricole avec l’UE, p. 16). 1060 GERBER : « Si nous considérons l’amélioration de la productivité, que voyons-nous ? Le niveau d’auto-approvisionnement de la Suisse est aujourd’hui plus élevé qu’avant et après la Seconde Guerre mondiale, alors même que la population a augmenté d’environ 60% depuis 1950. Et qu’en est-il de notre compétitivité ? Entre 2003 et 2007, les importations de produits agricoles en provenance de l’UE ont certes crû de 6,4% mais, dans le même temps, nos exportations faisaient

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Chapitre 2 Les produits agricoles

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Quant au gouvernement suisse, il s’est prononcé, récemment, de nouveau en faveur de la conclusion, le plus rapidement possible, d’un ALEA avec Bruxelles. En réponse à une motion déposée par le conseiller aux Etats Rolf Büttiker1061, le Conseil fédéral a présenté, en mai 2009, un rapport1062

Les arguments qui y sont développés analysaient l’interconnexion entre la possibilité d’aboutir à un ALEA avec Bruxelles et la fin des négociations agricoles à l’OMC. Le rapport rappelait, tout d’abord, le besoin d’agir et « de ne pas attendre la fin de la phase transitoire prévue par l'OMC pour entamer le passage à un ALEA », afin de tirer profit des opportunités d'exportation sur les marchés étrangers, toute attente risquant « de perdre des parts de marché importantes qu’il serait par la suite extrêmement difficile de regagner »

qui, s’attaquant aux problèmes spécifiques engendrés par les transformations ayant lieu dans le secteur de la viande, n’a pas manqué l’occasion de rappeler l’engagement de la Suisse en faveur du projet de libre-échange avec l’UE concernant tout le secteur agricole.

1063. Il était ensuite estimé que l’ALEA s’avère être « d'autant plus judicieux » si le Cycle de Doha est conclu par un accord général multilatéral : en raison des estimations sur le marché, « la mise en œuvre des décisions de l'OMC entraînera une pression sur les prix suisses à la production équivalente à celle qui suivrait la conclusion d'un ALEA »1064. Enfin, pour tous les types d’accords – que ce soit au niveau bilatéral, à travers l’ALEA ou dans le cadre multilatéral des négociations agricoles à l’OMC, le Conseil fédéral se prononce pour la nécessité de mesures d'accompagnement adaptées pour que l’ouverture plus grande du marché agricole « soit socialement supportable »1065 : leur financement a été déjà présenté1066

En conclusion, pour Berne, l’avantage d’un ALEA réside spécialement, d’une part, dans le fait que, « contrairement à un accord OMC, celui-ci ouvrirait aux entreprises suisses des possibilités d'exportation significatives »

, alors que le catalogue définitif de celles-ci fait l’objet d’une analyse menée par un groupe de travail, composé des représentants des organisations importantes du secteur agroalimentaire et chargé de rédiger un rapport.

1067 et que, d’autre part, vu son effet plus large en direction de la baisse des coûts de production, l’accord créerait à la fois « une pression sur les prix et les parts de marché dans le pays ainsi que, grâce au libre accès réciproque au marché, des nouvelles possibilités d’écoulement pour les produits suisses sur les marchés européens »1068

Les partisans d’une telle solution, considérant que le protectionnisme suisse très étendu dans le domaine agricole ne réduit pas seulement les possibilités d’exportation des entreprises suisses mais tend aussi à figer au sein de ce secteur des structures qui ne la

.

un bond de 16,5% ! Il y a donc de la demande pour les produits suisses ! » (De nouvelles chances pour l’agriculture suisse, p. 1). 1061 Le 18 décembre 2006, celui-ci avait déposé la motion "Politique agricole et organisation du marché. Poursuite du développement" (06.3735) qui demandait au Conseil fédéral de présenter, dans un délai d'une année, des propositions concernant le développement du système d'importation en vigueur, comprenant la mise en adjudication des contingents tarifaires pour le bétail de boucherie et la viande. 1062 CF, Rapport du 6 mai 2009. 1063 Id., ch. 5.2, p. 25. 1064 Ibid. 1065 Id., ch. 2.2.1, p 11. 1066 CF, Message du 25 février 2009. 1067 CF, Rapport du 6 mai 2009, p. 4. 1068 Id., ch. 2.2.1, p. 11.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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rendent guère compétitive internationalement, voient le projet de l’ALEA comme « une étape stratégique importante, allant dans la bonne direction »1069, tout en soulignant que, si les consommateurs étrangers profiteront de produits de haute qualité et les suisses d’une offre plus étendue et d’un meilleur pouvoir d’achat, l’urgence de l’action s’impose : « le moment est favorable parce que les produits agricoles ont le vent en poupe, surtout ceux de qualité supérieure. Pour occuper les créneaux intéressants, il faut agir immédiatement; attendre plus longtemps pourrait s’avérer fatal »1070

En outre, il est estimé que, d’abord, cet instrument contribuerait à éliminer davantage les entraves au commerce; ensuite, il toucherait non seulement les matières premières, telles que la viande ou le lait, mais également les secteurs situés en amont (les semences, le matériel industriel nécessaire) ou en aval de la filière de la production agricole (les yogourts, les produits dérivés, les denrées alimentaires); de même, il aurait des incidences directes pour le consommateur, bénéficiaire direct à la fois de la baisse des prix, conséquence de la chute des coûts de production, et de la multiplication de l’offre des produits agricoles; enfin, il s’encadrerait dans la réforme nécessaire d’un secteur qui doit trouver les moyens de répondre aux changements structurels intervenus sur le marché mondial

.

1071

Vu les formidables enjeux résultant des nouveaux changements que l’agriculture connaît et connaîtra au niveau mondial, il ne fait aucun doute que la Suisse a besoin d’une mise à jour constante et nécessaire des rapports sectoriels avec le voisin européen, à l’aide de toutes les modalités de coopération envisageables, y compris celle d’un ALEA. Bien que les premiers indices résultant du libre-échange dans le secteur fromager soient plutôt rassurants, il s’agit désormais d’un nouveau contexte impliquant l’obligation de peser tous les intérêts en jeu, à une échelle sensiblement plus élargie et, partant, avec une responsabilité et des conséquences beaucoup plus importantes. On parle ici d’un dossier extrêmement important à suivre, dans un pays où la protection de l’agriculture est une cause nationale puisqu’elle est inscrite dans la Constitution.

.

1069 ATTESLANDER, Les accords de libre-échange sont vitaux pour notre économie, p. 28. 1070 NIKLAUS, Un accord agricole avec l’UE pour soutenir la branche, p. 30. 1071 DFAE/DFE, Libre-échange dans le secteur agroalimentaire.

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Chapitre 3 Les produits agricoles transformés

Englobant à la fois la composante agricole (les matières premières incorporées) et celle industrielle (par le processus de transformation de ces matières), les produits agricoles transformés (appelés également produits agricoles industriels, étant donné le degré de modification de la structure initiale du produit à travers un procédé industriel) représentent une catégorie à part, ayant connu une réglementation spéciale dans la législation suisse1072 et dans les relations commerciales bilatérales développées avec Bruxelles. Ces produits couvrent une large palette de produits employés quotidiennement dans l’alimentation humaine1073, d’où l’importance de leur codification. En raison de leur spécificité, ces produits ont connu un régime particulier dès le début de la coopération économique entre Berne et Bruxelles : d’une part, l’art. 2 let. ii ALE, incluait les produits figurant au Protocole n° 21074

Le Protocole n° 2 était un instrument juridique ayant un contenu très restreint : d’une part, seulement trois articles assez « techniques », concernant, d’abord, la retenue, à l’importation, d’un élément mobile ou d’un montant forfaitaire, ou l’application des mesures intérieures de compensation de prix (art. 1 1er tiret) et l’introduction des mesures à l’exportation (art. 1 2ème tiret), ensuite, la délimitation des droits de base applicables pour chaque Partie à l’Accord de 1972 (art. 2), et, enfin, les délais institués pour la suppression progressive de l’écart entre les droits de base institués par chaque Partie (art. 3); d’autre part, les deux tableaux énonçant les droits applicables par chaque partie pour les différentes catégories de produits industriels. Ledit Protocole était partie intégrante de l’accord bilatéral, en vertu du renvoi explicite indiqué à l’art. 33 ALE, et présentait une importance accrue, tenant compte du fait qu’il mettait en pratique le fameux « mécanisme de compensation des prix ». Il s’agissait d’une construction, ultérieurement développée par la LF précitée du 13 décembre 1974, censée corriger les nettes différences de prix enregistrées entre les matières premières agricoles suisses et celles européennes, Berne imposant ainsi des droits de douane ou allouant des subventions pour les exportations afin de compenser la différence des prix défavorable que la Suisse subissait par rapport aux prix des matières premières pratiqués à l’intérieur du marché commun, source d’un désavantage concurrentiel flagrant pour l’économie suisse.

parmi les matières qui étaient l’objet dudit Accord de libre-échange de 1972, avec un régime établi selon « les modalités particulières prévues » par les Parties; d’autre part, l’art. 9 ALE clarifiait la portée du protocole, en spécifiant que celui-ci « détermine le régime tarifaire et les modalités applicables à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles ».

1072 Le paquet législatif centré autour de la LF du 13 décembre 1974 sur l’importation et l’exportation de produits agricoles transformés (RS 632.111.72) comprend en outre l’ordonnance du 22 décembre 2004 concernant les éléments de protection industrielle et les éléments mobiles applicables à l’importation de produits agricoles transformés (RS 632.111.722), l’ordonnance du DFF du 27 janvier 2005 concernant les éléments mobiles applicables à l’importation de produits agricoles transformés (RS 632.111.722.1), et l’ordonnance du 22 décembre 2004 réglant les contributions à l’exportation de produits agricoles transformés (RS 632.111.723). 1073 Il s’agit, entre autres, des soupes, plats précuisinés, pâtes alimentaires, sauces, biscuits, pâtisseries, chocolat, glaces, bonbons, bières, café soluble. 1074 Protocole n° 2 concernant les produits soumis à un régime particulier pour tenir compte des différences de coût des produits agricoles incorporés, FF 1972 II1 783.

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

226

Après trois décennies d’utilisation et, surtout, à la lumière des nouvelles données existantes dans les rapports économiques bilatéraux, les deux parties ont décidé de faire évoluer ce système. Signé le 26 octobre 2004 avec l’ensemble du paquet législatif des Bilatérales II, l’Accord sur les produits agricoles transformés1075 a reçu l’approbation du Parlement le 17 décembre de la même année et a connu une application anticipée dès le 1er février 20051076 - « afin de faire bénéficier rapidement les acteurs économiques de ses avantages, (…) en particulier la réduction de droits de douane et de contributions à l’exportation, qui facilitera le commerce de denrées alimentaires entre la Suisse et l’UE »1077 - avant d’entrer définitivement en vigueur le 30 mars 20051078, sans « aucun lien juridique avec les autres accords des Bilatérales bis »1079. N’ayant malheureusement pas pu être clos dans le cadre des Accords bilatéraux de 1999, ledit accord, conclu lors des Bilatérales de 2004 en tant que premier instrument juridique adopté et, donc, dévoilant ainsi une certaine importance sinon une nécessité accrue pour les parties, représentait un effort pour améliorer les conditions cadre de la coopération bilatérale, ayant l’aval des principales chambres de commerce cantonales, associations professionnelles et entreprises suisses consultées1080

Il faut tout d’abord observer que l’accord sur les produits agricoles transformés

.

1081

Du côté matériel de l’accord, un auteur a vu dans ces modifications ce qui suit : « on est en réalité dans un cas de révision de l’ALE, soit de dispositions purement tarifaires, qui ne répondent ni au principe de l’équivalence des législations respectives, ni à celui d’une reprise du droit communautaire »

a mis à jour l’évolution des rapports bilatéraux concernant des produits appartenant, au moins, partiellement à un domaine - l’agriculture - laissé en dehors du champ d’application de l’ALE, mais pourtant d’une importance accrue et connectée à d’autres secteurs économiques.

1082; en outre, la liste des produits concernés par ledit Protocole a été élargie1083

1075 Cf. supra p. 107.

1076 Communiqué de presse du DFE du 26 janvier 2005; JOUE n° L 23 du 26 janvier 2005, p. 17. 1077 SECO/DFE, Libéralisation des échanges commerciaux à partir du 1er février 2005, p. 1. 1078 RO 2005, p. 1533. 1079 DFE, Premier accord des Bilatérales bis ratifié, p. 1. 1080 A la fin de la procédure de consultation, economiesuisse soutenait pleinement l’accord, en estimant: « Das Abkommen ist für die gesamte Wertschöpfungskette der Schweizer Agrarwirtschaft (Landwirtschaft, Industrie, Handel) von grosser Bedeutung und steigert deren Wettbewerbsfähigkeit » (DFAE/DFE, Bilaterale II: Vernehmlassungsverfahren, p. 8). 1081 Il est important de souligner que, dans son Message concernant l’ALE 1972 adressé au Parlement, le Conseil fédéral utilise deux termes pour définir les mêmes produits : « produits de l’industrie alimentaire » et « produits agricoles transformés » (FF 1972 II 676). L’explication consiste peut- être dans le souci du Conseil fédéral de ne pas rester cantonné uniquement dans l’utilisation de ce deuxième terme pour un accord qui laisse à l’écart de son application le secteur agricole, bien que l’appartenance des produits – tels que « le chocolat, les sucreries, les biscuits, les soupes, les préparations pour l’alimentation des enfants et la bière » (FF 1972 II 676) - au domaine agricole soit difficile à nier. 1082 MACH, La place des accords bilatéraux II, p. 172. 1083 Lors des Accords Sectoriels de 2004, les produits agricoles transformés ont été définis de la manière suivante : « il s’agit de produits de l’industrie alimentaire, c'est-à-dire du deuxième échelon de transformation, tels que le chocolat, les biscuits, les pâtes alimentaires et les glaces comestibles. Ne rentrent par contre pas dans cette catégorie les produits agricoles de base, ni les produits du premier échelon de transformation immédiatement en amont de l’agriculture, soit, par

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Chapitre 3 Les produits agricoles transformés

227

Quant au côté formel, la doctrine s’accorde à reconnaître qu’il n’y a aucun problème de compatibilité entre les accords de 1972 et l’instrument juridique adopté en 20041084

L’accord de 2004 se donnait pour tâche d’apporter au moins deux modifications importantes. L’objectif de cette démarche se présentait donc sous un angle double: d’une part, il fallait élargir et harmoniser la couverture dudit Protocole et, d’autre part, il était nécessaire « d’améliorer son mécanisme de compensation de prix résultant des politiques agricoles autonomes des parties pour les composantes agricoles incorporées dans les produits de l’industrie alimentaire, afin de pouvoir faire une utilisation plus efficace des moyens financiers disponibles pour les restitutions à l’exportation »

. Les six articles composant l’accord de 2004, double en tant que nombre par rapport aux articles contenus dans le Protocole de 1972, sont extrêmement concis, se limitant à délimiter le nouveau cadre juridique : ledit Protocole est remplacé par le nouveau Protocole n° 2, joint comme l’annexe 2 à l’accord (art. 1 ch. 2); l’abrogation, avec effet à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, des instruments juridiques antérieurs (art. 2); la confirmation des annexes en tant que partie intégrante de l’accord (art. 3); le champ d’application territoriale, d’une part, aux territoires où le traité instituant la Communauté européenne est applicable et dans les conditions prévues par ledit traité et, d’autre part, au territoire de la Suisse (art. 4 al. 1) ainsi que, en vertu de l’union douanière entre Berne et Vaduz, au territoire de la Principauté de Liechtenstein (art. 4 al. 2); approbation de l’accord par les Parties contractantes conformément à leurs propres procédures (art. 5 al. 1) et l’application anticipée de l’accord à compter du premier jour du quatrième mois suivant la date de la signature (art. 5 al. 2); la conclusion en double exemplaire dans les dix-neuf langues de l’UE 25 (art. 6 al. 1), et un régime légèrement différent pour la version maltaise du texte adopté (art. 6 al. 2).

1085. Si l’élargissement de la notion de produits agricoles transformés s’imposait de lui-même, vu les avancées technologiques enregistrées ces dernières années ayant permis l’apparition des nouveaux produits potentiellement susceptibles d’entrer dans cette catégorie1086

Ce mécanisme simplifié par rapport à celui instauré en 1972 prévoit que, dans les échanges des produits agricoles transformés, l’UE élimine totalement à la fois les droits de douane, grevant les produits agricoles transformés provenant du territoire suisse, et les subventions soutenant ses exportations vers la Suisse, alors que la Suisse, pour sa part, opère une réduction des droits de douane et subventions équivalente au niveau de la différence des prix des matières premières existante entre la Suisse et l’UE.

, en revanche, la solution visant la transformation du mécanisme de compensation des prix proposait un système nouveau appelé la compensation des prix nets.

Une situation spéciale est enregistrée dans l’industrie du sucre. Comptant parmi les produits agricoles de base cités dans le Protocole n° 2 et tenant compte du fait que son

exemple, les produits carnés, la poudre du lait, le fromage, la farine, le sucre cristallisé, les huiles et les graisses » (FF 2004 5624). 1084 Pour un examen de la question, voir ZIEGLER, Die Beziehungen, p. 694-695. 1085 OSEC, Les Accords bilatéraux I et II Suisse - Union européenne, p. 22. 1086 ROTH Th. considère que « pour la Suisse, l’ajout des compléments alimentaires, des produits phytopharmaceutiques, du café torréfié et du café soluble, entre autres, est particulièrement intéressant, comme l’est l’élargissement aux spiritueux, à la levure et au vinaigre, notamment, pour l’UE. L’ajout des boissons spiritueuses au Protocole n° 2 avait été décidé dès 1972, mais demeurait en suspens jusqu’à maintenant. Il était donc une condition incontournable à la révision » (L’accord sur les produits agricoles transformés, p. 12).

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

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prix a été constamment identique en Suisse et dans l’UE, les deux parties sont convenues d’adopter, uniquement pour ce secteur d’activité, la solution dite du double zéro1087

Cette solution a eu au moins le mérite de conclure un processus d’apaisement, initié conjointement par les deux parties pour remédier à une situation tendue enregistrée les dernières années dans ce secteur, créée suite à la forte augmentation des exportations suisses d’eaux minérales sucrées vers l’UE; afin d’éliminer cette entrave à la concurrence portant préjudice aux producteurs européens, les droits de douane préférentiels à l’importation avaient donc été provisoirement contingentés par l’UE dans l’«accord sur les limonades», conclu à Bruxelles le 17 mars 2000 et entré en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2001

: Berne, très exceptionnellement par rapport aux engagements assumés dans le cadre du mécanisme précité de compensation des prix nets et suivant l’exemple de Bruxelles, avait supprimé tous les droits de douane et les subventions pour les produits incorporant comme matière première uniquement du sucre. Autrement dit, vu l’inexistence des obstacles pour le commerce bilatéral dans ce domaine, le libre-échange a été introduit pour le sucre compris dans les produits industriels circulant entre la Suisse et l’UE.

1088. Lors de la révision du Protocole n° 2, la franchise douanière pour ces produits avait été réintroduite, mais il reste toutefois à signaler qu’en 2007, vu l’évolution enregistrée au sein de l’UE dans le secteur1089, les autorités suisses ont décidé d’augmenter le prix du sucre importé de l’UE, afin « de garantir à l'industrie alimentaire suisse des chances égales par rapport à ses concurrents européens, de sorte que les facilités commerciales prévues dans le Protocole n° 2 ne soient par mises en danger »1090

La portée de l’accord touche de manière importante aussi bien l’industrie agroalimentaire

.

1091 que l’agriculture1092 suisses, d’autant plus que les deux secteurs se trouvent dans une relation d’interdépendance totale1093

1087 Techniquement parlant, cela signifie qu’aucune des deux parties ne prendra plus de mesures destinées à compenser les prix.

; un bilan rendu en 2008 offrait une image d’ensemble et des chiffres positifs : « les échanges de produits agricoles transformés entre la Suisse et l’UE ont fortement augmenté depuis l’entrée en vigueur de

1088 Accord sous forme d’échange de lettres entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne d’autre part, concernant le Protocole n° 2 de l’Accord entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne, RO 2001, p. 1291; voir également Message CF relatif à cet accord, FF 2000, p. 4606. 1089 En Suisse, le prix du sucre importé (comprenant le prix du marché mondial auquel s'ajoute le droit de douane) est devenu nettement moins cher que dans l'UE tenant compte du fait qu’en Europe les prix du marché du sucre n'ont pas suivi les fluctuations observées sur le marché mondial. 1090 OFAG, Droit de douane sur le sucre, p. 1. 1091 Comptant environ 180 entreprises et 30.000 emplois en relation directe ou indirecte avec l’activité réglementée par l’Accord, cette industrie a connu une vraie bouffée d’oxygène dès 2004 avec l’accès, dépourvu d’obstacles tarifaires pour les producteurs suisses, à un marché de presque un demi-milliard d’habitants à l’intérieur du marché commun. 1092 Le secteur agricole s’attend à une croissance de la demande de matières premières mais, par le biais de l’accès facilité des produits suisses et européens, espère également une diversification de l’offre d’achat capable de générer un renforcement de la concurrence et de déboucher sur un abaissement des prix. 1093 « Die Nahrungsmittelindustrie ist ein wichtiger Kunde der Landwirtschaft. Die Konsumenten verlangen seit längerem sog. "Convenience food", d.h. weitgehend bereits zubereite Mahlzeiten. (…). Für den Absatz der Agrarprodukte ist daher eine funktionierende Nahrungsmittelindustrie unabdingbar » (TINNER, Landwirtschaftliche Verarbeitungserzeugnisse, p. 672).

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Chapitre 3 Les produits agricoles transformés

229

l’accord, les exportations vers l’UE croissant plus vite que les importations »1094

En outre, vu que le Protocole n° 2 révisé de l'ALE prévoit le contrôle et, si nécessaire, l'ajustement des prix de référence des produits agricoles de base par le Comité mixte au moins une fois l'an, ledit Comité a pris régulièrement des initiatives visant l’adaptation des mesures de compensation des prix, à partir du paquet issu à la suite de l’entrée en vigueur de l’Accord de 2005 et allant jusqu’à la compensation décidée en 2008, comme conséquence de la hausse des prix enregistrée dans le secteur laitier

, avec une flèche enregistrant 9% en 2005, 23% en 2006 et 29% en 2007.

1095

Quant à la position du gouvernement suisse, celle-ci avait été résumée dans une réponse faite par le Conseil fédéral à une interpellation parlementaire

.

1096 qui soulevait un autre problème issu des rapports bilatéraux, celui du tourisme d’achat. Dans cette prise de position, le Conseil fédéral se montrait convaincu que les changements introduits dans le régime applicable aux produits agricoles transformés constituent, « pour l'industrie de transformation des denrées alimentaires, la meilleure des bases pour les investissements futurs »1097

A la lumière des résultats enregistrés depuis l’entrée en vigueur de cet accord, il apparaît que la Suisse a réussi à concrétiser un de ses principaux intérêts en matière de politique économique : elle peut exporter un grand choix de produits sur le marché européen sans devoir se heurter aux obstacles tarifaires présents auparavant. Cette situation existe également dans les rapports économiques que Berne construit en dehors de l’Europe, si on considère les dernières évolutions enregistrées

, l’analyse présentant ainsi tous les bénéfices majeurs du nouveau Protocole n° 2 : d’abord, le renforcement de la place économique suisse pour l'industrie alimentaire de transformation, par la facilitation accrue des exportations à destination de l'UE, un marché de quelque 450 millions de consommateurs, avec comme conséquence directe un engagement plus efficace des contributions à l'exportation, vu qu’à quantité égale, leur volume diminuera quant aux produits agricoles de base utilisés; ensuite, la suppression des droits de douane pour de nouveaux produits, tels que le café torréfié ou les produits phytopharmaceutiques, pour lesquels Berne dispose d’un réel avantage comparatif; enfin, l’augmentation potentielle des investissements futurs en Suisse, suite aux avancées enregistrées quant à la libéralisation toujours plus accrue des échanges bilatéraux.

1098 quant au régime des produits agricoles transformés, dans la mise en application de l’Accord de libre-échange conclu avec les pays de la SACU : les parties à cet accord sont convenues, en vertu de la lecture conjointe de l’art. 6 par. 1 let. b dudit accord et de l’art. 4 al. 1 de l’annexe III à l’accord précité1099

1094 DFAE/DFE, Produits agricoles transformés, p. 2.

que, dès mars 2009, plus aucune contribution à l'exportation n'est versée pour les exportations de produits agricoles transformés à destination d'Etats de la SACU.

1095 SECO/DFE, Actualisation des mesures de compensation des prix. 1096 Interpellation 04.3136, Distorsions de concurrence et tourisme de consommation dans les régions frontalières, déposée par Hannes Germann, le 18 mars 2004, au Conseil des Etats; BO CE 2004, p. 416. 1097 CF, Réponse du 18 mai 2004, ch. 6 in fine. 1098 DFF, AFD, Interdiction de verser des contributions à l’exportation, p. 1. 1099 Art. 4 al. 1 annexe III concernant l’art. 6 par. 1 let. b de l’Accord de libre-échange AELE-SACU : « Les parties n'appliqueront pas des contributions à l’exportation, telles que définies par l’art. 9 de l'Accord OMC sur l'agriculture, dans leurs échanges des produits faisant l’objet des concessions tarifaires selon cette annexe ».

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Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse

230

Il en résulte en outre que le nouveau mécanisme de calcul permet à la Suisse de faire face à un volume supérieur de produits avec les mêmes capacités financières, vu que par exemple, en exportant plus de chocolat, elle entend également laisser pénétrer sur les marchés européens davantage de lait en poudre. La doctrine a généralement esquissé des prévisions de bon augure quant à la réussite de cet accord1100. Malgré cela, il faut également souligner que ce système n’épargne pas à Berne des effets négatifs dans le commerce que la Suisse développe avec les pays adoptant la même politique économique1101

Des questions sensibles pour l’industrie des produits alimentaires transformés vont certainement devoir être réglées à l’avenir. Parmi celles-ci, le débat sur la question des denrées alimentaires génétiquement modifiées - c’est-à-dire ajustées suite à l’insertion de nouvelles informations génétiques, provenant d'une bactérie par exemple, qui peuvent résister aux pesticides - ne cesse de s’accentuer partout dans le monde. La doctrine juridique, à l’exemple des spécialistes actifs dans ce domaine, reste partagée entre les partisans d’une ouverture et ceux qui rejettent l’octroi de la moindre concession, en essayant également de trouver une explication à l’ampleur que ce phénomène a connue ces dernières années

.

1102

1100 En résumant ce courant d’opinion, on peut citer ROTH Th. qui conclut que « Die erwarteten wirtschaftlichen Auswirkungen dieses Abkommens sind für die EU und die Schweiz gesamthaft positiv. Einzig die im internationalen Handel nicht wettbewerbsfähigen Branchen, deren Absatzmärkte nun neu liberalisiert sind, verlieren. Von diesem verstärken Handelswettherb und den damit verbundenen neun Absatzmöglichkeiten profitiert die exportorientierte Nahrungsmittelindustrie, jedoch nicht nur sie, sondern auch die Landswirtschaft als Rohstofflieferantin und die Konsumenten » (Ergebnisse des Abkommens, p. 682).

.

1101 ROTH Th. indique dans ce sens que « les pays fortement tournés vers l’exportation de produits agricoles ont toutefois de la peine à accepter ces mesures de compensation des prix, en particulier les contributions à l’exportation. Lors des négociations avec le Mexique, par exemple, il n’a pas été possible de s’entendre sur un protocole idoine, de sorte que les produits agricoles transformés n’ont pas été pris en compte dans l’accord avec ce pays. Dans le développement de son réseau de relations commerciales bilatérales, la Suisse doit s’attendre à rencontrer toujours davantage de résistance » (L’accord sur les produits agricoles transformés, p. 14). 1102 Par exemple, NUCARA explique: « Only when modern technologies came to play a role in the food sector did public interest and regulatory attention begin focusing on the main food elements and the technological process to which they have been subjected. This raises a fundamental question: given the fact that we have not regulated the bulk of what we eat, by what rationale should we “over-regulate” the latest innovations in products or processing methods? This question has strong implications, not least for international trade, and for the provisions of international instruments such as the SPS Agreement » (Precautionary Principle and GMOs, p. 50).

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231

Conclusion générale

Malgré son importance, le droit du commerce des marchandises ne représente qu’une partie de la large palette des rapports tissés entre la Confédération suisse et l’UE : déjà à l’époque de l’ALE, le Conseil fédéral admettait que « les relations entre la Suisse et les Communautés européennes ne se limitent cependant pas aux échanges de marchandises. L'Accord de 1972 ne couvre qu'une partie - importante - de ces relations »1103

Comme il a été dit justement, l’UE est le partenaire principal « non seulement politique mais aussi économique; les deux tiers environ des exportations suisses y convergent; le maintien du libre accès au marché communautaire est vital pour l’économie suisse »

. Les évolutions possibles dans ce domaine seront certainement influencées par le choix des deux parties concernant la forme de coopération bilatérale qu’ils vont adopter.

1104

Se trouvant, d’une part, entre la politique multilatérale menée au sein de l’OMC et le choix toujours plus visible des accords purement régionaux et, d’autre part, entre la recherche à l’échelle mondiale des solutions viables pour le plus grand nombre des acteurs des relations économiques et la tendance visant au renforcement des échanges bilatéraux, la Suisse doit effectuer ses choix à la lumière de ses intérêts, avec pragmatisme et efficacité.

. Ce positionnement central de Bruxelles dans la sphère des intérêts suisse implique davantage d’efforts déployés par Berne. Cela implique probablement une « nouvelle lecture de l’ALE » permettant d’aborder différemment les problèmes qui y sont réglementés, en adoptant par conséquent des solutions mieux adaptées à l’état actuel des relations bilatérales.

Cette nécessité d’une adaptation stratégique se révèle d’autant plus nécessaire à la lecture des chiffres du commerce extérieur communiqués ces dernières trois années.

En 2008, avec une balance commerciale bouclée sur un excédent historique de 20 milliards de francs, le commerce extérieur suisse avait progressé de 4,6% à l’exportation et de 1,8% à l’importation, affichant ainsi une santé remarquable, en dépit d’un quatrième trimestre catalogué comme « la pire débâcle »1105

1103 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 721.

depuis la même période de 2001 et d’une crise économique globalisée entraînant une forte récession dans tous les secteurs de l’économie mondiale. A son tour, le commerce extérieur avec l´UE, principal partenaire

1104 BRUGGMANN, op. cit., p. 57. 1105 Le rapport sorti début 2009 par l’AFD affiche des chiffres remarquables : « en 2008, les exportations ont franchi pour la première fois la barre des 200 milliards de francs (206'679,6 millions de francs), avec une hausse nominale de 4,6% (réel : +1,3%) sur une année. Sur une base nominale et corrigée de la différence du nombre de jours ouvrables, elles ont fait preuve d’une vigueur impressionnante, entre 6,2 et 8,7%, jusqu’à la fin du troisième trimestre. Le dernier trimestre 2008 a par contre viré au rouge vif et essuyé la pire débâcle depuis le 4ème trimestre 2001 (…). Les importations ont affiché une hausse nominale de 1,8% (réel : +1,6%) à 186'849,7 millions de francs. Le 4ème trimestre accuse ainsi, également dans cette direction du trafic, le plus gros revers depuis 2001 » (DFF, AFD, Le dernier trimestre 2008, p. 2-3).

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Conclusion générale

232

de la Suisse1106, s´était contracté de près de 14%, les échanges commerciaux bilatéraux ayant été marqués par une importante « chute des commandes de l’UE »1107

La situation du commerce extérieur suisse avait empiré au cours du 1er semestre 2009, toutes les branches exportatrices « ayant mordu la poussière, à des degrés toutefois très variables »

dans un contexte généralisé de crise économique et financière planétaire, mais avait gardé le même classement pour la liste des partenaires économiques avec lesquels Berne entretient le plus de relations commerciales à l’intérieur de l’UE : l’Allemagne, suivie par l’Italie et, en troisième position, la France sont le trio en tête aussi bien pour le volume des exportations que pour celui des importations. Dans le monde, les Etats-Unis continuaient, en dépit de la stagnation enregistrée dans les chiffres des échanges bilatéraux, d’être le leader dans la liste des partenaires commerciaux de Berne, malgré la montée en puissance du pôle asiatique, notamment avec les exportations japonaises, ayant bondi de plus d’un dixième de leur volume total.

1108

Pour la même période, les matières premières et semi-produits, deuxièmes en termes de volume sur la liste des importations suisses en 2008

: la métallurgie a été de loin celle qui a subi le plus grand revers (40% sur un an), les secteurs du fer et de l’acier ainsi que de l’aluminium ayant littéralement fondu de 59 respectivement 43% (à cause de l’érosion des prix). De même, les industries textile, horlogère, des matières plastiques ainsi que des machines et de l'électronique avaient perdu un quart de leurs exportations.

1109

Dans les biens d’équipement, deuxièmes en termes de volume sur la liste des exportations suisses en 2008

, avaient été affaiblies d’un quart : les demi-produits en métal ont chuté de plus de deux cinquièmes de leur volume total, alors que pour les demi-produits chimiques ainsi que ceux électriques et électroniques le chiffre est de trois dixièmes de leur volume total; à leur tour, les fournitures d’horlogerie ont perdu un quart de leur valeur; seul élément positif, les semi-produits pour l’industrie alimentaire ont présenté uniquement un léger recul (-5%).

1110

1106 « En 2008, 81,4 % des importations de marchandises de la Suisse provenaient de cette zone, qui a absorbé 62,5 % de ses exportations » (CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 464).

, une large gamme de produits avait été à l’origine de la baisse : les véhicules utilitaires, les matériaux de construction et de génie civil, ainsi que les machines et appareils, avec une situation particulière pour le secteur des machines pour la production (-28%) et pour celui des machines et des engins de travail.

1107 Analysant les échanges annuels enregistrés entre Bruxelles et Berne, dans le cadre de la radiographie du commerce extérieur de la Suisse sur l’ensemble de l’année 2008, un autre rapport de l’AFD indiquait que : « le chiffre d’affaires avec notre partenaire principal, l’UE, s’est contracté de presque 14 %. Un recul plus ou moins marqué a également caractérisé les autres régions économiques; avec -15 %, les pays émergents ont fermé la marche. Les pays en développement ont en revanche stagné (dont OPEP : +28 %). Au niveau des pays, les ventes vers l’Irlande se sont effondrées de 73 % (chimie). Celles vers la Turquie se sont tassées de deux cinquièmes. La Hongrie, le Canada et l’Inde ont rétrogradé d’un tiers, l’Autriche et le Mexique de 29 %. Le chiffre d’affaires a fondu d’environ un quart avec la Finlande, l’Espagne et Hong-Kong et de 19 % avec l’Australie. Notre principal débouché, l’Allemagne, a reculé de 15 %. Quant à la France, elle a présenté la plus faible baisse (-1,2 %) » (DFF, AFD, Le recul s’amplifie, p. 3-4). 1108 DFF/AFD, Commerce extérieur suisse – 1er semestre 2009, p. 3. 1109 DFF/AFD, Analyse du commerce extérieur 2008, liste « Emploi: Importation ». 1110 DFF/AFD, Analyse du commerce extérieur 2008, liste « Emploi: Exportation ».

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Conclusion générale

233

Dans ces conditions, les biens de consommation ont présenté seulement « un recul modeste », avec une hausse de presque la moitié dans le secteur de la bijouterie et de la joaillerie; en outre, il n’y a eu que de légères baisses de régime pour les secteurs importants des médicaments et celui des denrées alimentaires, boissons et tabacs, avec 2,1% respectivement 5,2%. La situation moins alarmante enregistrée dans le secteur des biens de consommation, d’une part, confirmait en fait les chiffres enregistrés en 2008, le plaçant aussi bien pour les exportations que pour les importations en tête de liste quant aux échanges des marchandises effectués par Berne1111

En ce qui concerne les importations, à l’exemple de la baisse de 18,1% subie dans les échanges avec l’UE, les chiffres du 2009 étaient, de manière générale, également insatisfaisants : les livraisons du Canada avaient diminué de deux cinquièmes (secteur des produits chimiques), celles de Hong-Kong et du Brésil d’un tiers, alors que pour un groupe de pays comprenant la Hongrie, la Belgique, la Suède, la Finlande, le Royaume-Uni, la Turquie, l’Italie et l’Allemagne, le taux a oscillé entre 20 et 24%. En revanche, le Japon et les Etats-Unis avaient pu afficher des réductions plus limitées des livraisons à destination de la Suisse, alors que, fait tout à fait remarquable, vu le contexte économique international, les importations de Chine avaient grimpé de 7,8%; de même, celles provenant d’Azerbaïdjan (213 millions CHF, découlant presque exclusivement des livraisons enregistrées dans l’industrie énergétique

et, d’autre part, s’expliquant par leur caractère nécessaire dans les besoins courants des consommateurs. A titre d’exemple, il faut uniquement regarder la liste de tels biens, comprenant trois catégories de produits: d’abord, les denrées alimentaires, boissons et tabacs; ensuite, les biens de consommation non durables autres que les denrées alimentaires, les boissons et les tabacs (les articles de confection, les autres articles de consommation non durables tels que les produits d'entretien, les cosmétiques et les médicaments et, aussi, les imprimés); enfin, les biens de consommation durables (le matériel d'aménagement d'appartement, les articles ménagers, les appareils ménagers, les appareils électroniques de divertissement, les jouets, articles de sport et de loisirs, les véhicules tels que les voitures de tourisme et les motocyclettes, les produits d’horlogerie, bijouterie et optique, et les instruments de musique et leurs accessoires).

1112) et du Viêt-Nam (2 milliards CHF dus à des entrées massives d’ornements en or pour refonte) « ont littéralement explosé »1113

Une conclusion sur l’année 2009 indiquait que, malgré l'augmentation des contacts bilatéraux au niveau politique avec les pays membres de l’UE, poursuivie durant tout au long de l’année 2009, les rapports développés économiquement ont eu à souffrir au niveau bilatéral, et cela en dépit du fait que l’UE se pointe toujours comme le premier partenaire commercial de la Suisse : « En raison de la crise économique internationale particulièrement prononcée sur le continent européen, la part de l’Europe au commerce extérieur de la Suisse au cours de l’année sous revue a fléchi à 71 % (année précédente 73 %). (…) Avec une part de 69 %, les échanges commerciaux avec les 27 Etats membres de l’UE ont diminué de 18 % au cours des trois premiers trimestres de l’année.

.

1111 DFF/AFD, Analyse du commerce extérieur 2008, liste « Le commerce extérieur suisse en 2008 - Vue d'ensemble ». 1112 190'916'089 millions CHF sur 212'510'381 millions CHF, selon l’AFD, pour la période janvier – juin 2009. 1113 DFF/AFD, Commerce extérieur suisse – 1er semestre 2009, p. 5.

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Conclusion générale

234

Contrairement à l’année précédente, les pays d’Europe centrale ont perdu en importance en tant que débouché pour les exportations suisses, celles-ci affichant un taux de croissance négatif de 27 % pour l’ensemble de la région »1114

Quant à l’année 2010, dans un contexte global ayant vu la reprise en puissance du commerce mondial (augmentation des échanges d’environ 25 % au premier semestre 2010 par rapport à l’année précédente), l’économie suisse a, elle aussi, rapidement dépassé la récession de 2009, enregistrant, au cours des trois premiers trimestres 2010, une croissance remarquable du PIB.

.

Par rapport à 2009, les exportations de marchandises suisses ont gagné 7,5 % durant les neuf premiers mois de l’année 2010 (janvier à septembre), avec quand même une répartition surprenante : alors que celles vers le principal marché d’exportation, l’UE, restaient à la traîne (4 %), en revanche, les exportations vers les pays émergents d’Asie, ceux de l’Amérique du Sud et de l’Amérique du Nord essentiellement, se sont avérées supérieures à la moyenne (augmentations de 12 à 15 %). Suivant le Conseil fédéral, « ce phénomène s’explique davantage par les différences conjoncturelles existant au niveau international entre les pays émergents en plein essor et les pays industrialisés moins dynamiques que par les variations du cours du change, dont l’impact est généralement plus tardif »1115

En prenant en compte la répartition par branche, on constate que la plupart des catégories de biens ont connu une évolution favorable durant les neuf premiers mois de l’année 2010, à l’exception des exportations de l’industrie de l’habillement qui ont affiché le même recul qu’en 2009. Des importantes marges de progression ont pu être enregistrées pour des industries telles que la métallurgie et l’horlogerie, (plus de 20 % chacune), alors que les industries phares de l’économie suisse, celles chimique et pharmaceutique, avec 7,5% et, respectivement, 6,6 %, ont assuré l’essentiel, sans dépasser les prévisions.

.

Malgré les bons résultats récents, la prudence est le mot d’ordre pour l’année 2011: principale raison, le fait que « la robustesse du franc pèse sur la croissance des entreprises exportatrices »1116

Quant à la relation avec l’UE, l’ALE s’inscrit dans la palette large des liens, comptant plus de cent quatre-vingt traités de portée et de contenu divers selon les experts

, à laquelle s’ajoutent les perspectives conjoncturelles de l’économie mondiale, avec la croissance fragile des États-Unis, l’endettement au sein de l’UE, la stagnation de l’économie japonaise affectée par le désastre du début mars 2011 ou le climat géopolitique d’instabilité, dû avant tout à la vague des révoltes populaires secouant le monde arabe.

1117

1114 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 514.

, qui unit la Suisse à son grand voisin qui l’entoure. L’avenir de l’Accord de libre-échange de 1972, vu les développements de la dernière décennie, ne peut pas être prédit. En même temps, il est important de souligner que le sort de cet instrument juridique va dépendre de la manière dont les relations bilatérales vont évoluer. Il y plusieurs options envisagées, du côté suisse, qui varient entre la poursuite du bilatéralisme, la recherche d’une formule d’association, l’adhésion à l’EEE, l’union douanière, ou pourquoi pas – vu le débat relancé en Suisse, début 2010 - une adhésion à l’UE.

1115 CF, Rapport et Messages du 12 janvier 2011, FF 2011 II 1342. 1116 economiesuisse, L’économie suisse toujours sur la voie de la croissance, p. 2. 1117 economiesuisse, Politique européenne : Le pragmatisme, p. 13.

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Conclusion générale

235

Il est vrai que les deux parties avaient esquissé leur cadre de coopération économique très tôt, à l’aide justement dudit Accord de 1972. Mais le contexte géopolitique a évolué très nettement dans le dernier demi-siècle : ainsi, au cours des 30 dernières années, non seulement la concurrence s’est intensifiée globalement - les marchés mondiaux étant de plus en plus influencés par des structures multinationales - mais le rythme de croissance de l’économie mondiale s’est accéléré à un niveau jamais atteint auparavant. Ainsi, la mondialisation et la régionalisation ont graduellement contribué à faire avancer toujours plus le processus d’intégration européenne : successivement, les traités de Maastricht, Amsterdam, Nice ou Lisbonne, ont dû tracer les nouvelles lignes d’action de l’Europe dans un monde en pleine mutation. Dans ce contexte, il est apparu toujours plus impérieux que la Suisse puisse réagir au vu des mutations subies par le marché européen, situé dans sa proximité géographique et faisant figure de premier partenaire économique. L’ALE, bien qu’encore en vigueur et régissant une partie importante des échanges bilatéraux, n’était plus suffisant pour la Suisse, petit pays orienté vers l’exportation.

Bien que les percées sectorielles enregistrées dans les relations économiques entre la Suisse et l’UE aient enregistré des résultats positifs significatifs, il ne fait aucun doute que celles-ci ne représentent que des solutions partielles. Dans les négociations menées avec le géant économique dirigé depuis Bruxelles, la Suisse a essayé jusqu’à présent de protéger bec et ongle les atouts de son économie performante, se préoccupant à tout moment de ne pas concéder des avantages à sa contrepartie qui pourraient porter atteinte aux intérêts suisses à l’avenir. En outre, il faut pertinemment envisager que Bruxelles, confronté aux besoins de résoudre des questions brûlantes liées à son évolution – tels que l’approfondissement qualitatif de son intégration, à l’exemple de la libéralisation des services, le problème du vieillissement de la population européenne, l’élargissement géographique, et l’épineux problème des relations avec la Turquie, ou la stabilisation des pays se trouvant dans sa proximité immédiate, l’espace ex-yougoslave en priorité – va difficilement garder le cas de la Suisse comme priorité parmi ses actions, en se montrant probablement moins disposée à trouver toujours des solutions taillées sur mesure pour Berne.

L’économie mondiale contemporaine est en vive et continuelle transformation, comme le présent ouvrage a essayé de le démontrer. Les acteurs économiques s’activent sur les marchés mondiaux à la conquête de nouveaux espaces, peu soucieux d’autres critères que leurs propres intérêts économiques. Dans ces conditions, on peut légitiment se demander si, dans les relations entre Berne et Bruxelles, le bilatéralisme ne serait quand même pas une option qui a atteint ses limites, bien que les avantages d’un tel système préférentiel soient importants. Devant la possibilité d’un scénario d’intégration plus poussée, cette question apparaît d’autant plus justifiée, non pas en raison des désavantages que le bilatéralisme permet d’éviter mais plutôt à cause des avantages que celui-ci fait manquer à la Suisse : quant aux désavantages, il faut observer que le bilatéralisme permet quand même de préserver, pour certains domaines, une souveraineté nationale qui, en cas d’adhésion, apparait moins évidente, alors que pour les avantages manqués, il faut penser que ceux-ci ne bénéficient qu’aux membres d’un club qui n’a pas parmi ses membres la Suisse et que, dans cette vision, le bilatéralisme, justement, ne peut que stagner la coopération entre les deux parties à un certain niveau.

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Conclusion générale

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Comme c’est le cas chaque fois qu’une perspective économique doit être évaluée pour l’avenir, toute option présente aussi bien des avantages que des inconvénients pour toutes les parties engagées dans les négociations. Côté suisse, la coopération économique avec Bruxelles ne saurait être en aucun cas un chemin dépourvu des obstacles. Les différences existantes entre les deux parties se montrent trop importantes pour que le risque de conflits puisse être complètement éliminé. C’est justement pour cela qu’il nous semble que le choix d’une voie commune, développée de façon toujours plus ambitieuse et menée intelligemment afin de dépasser les différences de points de vue, serait toujours préférable à la poursuite individuelle du développement économique ou à la favorisation d’une approche restrictive dans la collaboration entre les partenaires commerciaux. Au stade actuel, il apparaît ainsi avantageux pour la Suisse de faire bénéficier de ses atouts mondialement reconnus le géant économique voisin1118

Le vrai défi pour l’économie suisse sera certainement de trouver la meilleure approche avec laquelle Berne va concevoir la coopération économique avec l’UE. La préférence accordée depuis longtemps à la voie strictement bilatérale montre ses limites, d’autant plus si ce chemin se poursuit d’une manière rigide, peu ouverte et couvrant uniquement les secteurs stratégiques. Si on considère l’interdépendance accrue constatée aujourd’hui entre des secteurs auparavant traités comme totalement différents

. Hypothétiquement, dans un scénario d’intégration, elle pourra profiter de l’appartenance à un des acteurs avec une influence majeure dans le monde contemporain. Dans toutes ces options, la Suisse, en agissant dans l’esprit d’une intégration toujours plus poussée avec l’UE, favoriserait certainement, non seulement l’essor de sa propre économie, mais également celui du Vieux continent, en contribuant ainsi à une plus grande stabilité et à une prospérité constamment recherchées au niveau international.

1119, une coopération bilatérale couvrant davantage de domaines ne peut que servir les intérêts suisses. Cette idée est loin d’être nouvelle dans les rapports bilatéraux, puisque plusieurs dirigeants ont pris parti en sa faveur1120

1118 «Nos analyses montrent que la Suisse dispose d’avantages comparatifs sur la concurrence, notamment dans les branches des produits horlogers, de l’industrie chimique et pharmaceutique, des dispositifs médicaux et des appareils de mesure et de contrôle. Ces branches sont également celles dont les exportations enregistrent une croissance supérieure à la moyenne et donc pour lesquelles, sans surprise, le succès est au rendez-vous. (…) Ces atouts, qui sont notamment dus à l’importante disponibilité de main-d’œuvre hautement qualifiée, lui permettent de compenser largement l’inconvénient généré par les coûts salariaux et immobiliers très élevés» (BRÄNDLE & VAUTIER, L’économie suisse d’exportation est bien placée à long terme, p. 23).

.

1119 Voir, par exemple, un des sujets (si ne serait le sujet) à réglementer au début du nouveau millénaire : comment concilier, à l’échelle planétaire, le besoin de protection environnementale avec l’augmentation des échanges commerciaux ? Question qui connaît, depuis le fameux Rapport Brundtland rendu par la CMED en 1987, une réponse élargie incorporant l’aide au développement et l’éradication de la pauvreté. 1120 M. Per KLEPPE, Secrétaire général de l’AELE, s’exprimait ainsi à Genève en 1986: « Interestingly enough, the Community today prefers a multilateral approach. For many problems we need European solutions. Of course a number of bilateral questions remain. A multilateral approach might increase our influence, compared with solely bilateral relations. If we want to influence developments, we must first discuss and agree among ourselves, early enough to influence the Community. (…). I am afraid that old bilateral solutions very strongly hamper EFTA solutions. This will be a future problem for the EFTA countries » (Intervention, p. 182 et 184).

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Conclusion générale

237

Chacune des trois composantes réglementées par les accords économiques entre Berne et Bruxelles va sûrement évoluer à la lumière des rapports de force tissés sur le plan international.

La réglementation bilatérale dans le secteur des produits industriels suivra sans doute les évolutions enregistrées en la matière sur le plan mondial, alors que le sort de l’ALE pourra être différent si, à l’avenir, il y aura des négociations pour un accord-cadre bilatéral1121

Quant à l’agriculture, il est évident qu’un possible ALEA bilatéral, qui fait actuellement l’objet de discutions bilatérales, devra tenir compte à la fois de la PA 2011 ou de la PAC et des évolutions internationales développées en la matière. Les défis que le secteur agricole connaîtra à l’avenir ne seront pas des moindres. Tout d’abord, les dirigeants vont devoir trouver les modalités pour intégrer ce secteur traditionnel, hautement symbolique et pour plusieurs utilisations (entre autres, le secteur fournissant la nourriture à la population du monde, contribuant également à la préservation du patrimoine écologique mondiale) dans une économie mondiale dirigée inexorablement vers la rentabilisation maximale de toutes ces composantes. Il sera également indispensable de mieux esquisser le cadre permettant de construire un rapport juste entre l’agriculture, comme cadre économique permettant le travail de la Terre et de ses richesses, et le développement durable, comme solution pour harmoniser l’écologie et l’économie mondiales. Il sera nécessaire de trouver les moyens de garantir le revenu paysan et la survie à long terme de cette profession, en dépit de sa précarisation constamment enregistrée les dernières années; dans ce sens, le vrai problème sera le maintien de la rémunération des prestations de l’agriculture, malgré l’élimination progressive des subventions étatiques en la matière. En outre, il va falloir mettre en place les outils favorisant le développement d’un marché en graduelle amélioration, en dépit d’un environnement économique cher et des attentes toujours plus élevées. De même, il importera de trouver le juste équilibre entre la souplesse du marché et les instruments juridiques nécessaires à sa régularisation, autrement dit promouvoir les mesures destinées à augmenter la compétitivité du secteur, malgré les nombreuses restrictions et prescriptions légales mises en place. Enfin, en dépit de la forte concurrence qui ne va cesser de s’accroître au niveau international, il va falloir conquérir de nouveaux marchés extérieurs offrant des perspectives réelles d’essor économique.

comprenant également une réglementation pour cette catégorie des produits. Dans le même temps, cet instrument juridique reste indéniablement un exemple possible pour bâtir de futures collaborations au niveau bilatéral.

Enfin, le secteur des produits agricoles transformés connaîtra toujours les mêmes difficultés pour parvenir à une solution, étant donné son statut spécial, à mi-chemin entre le secteur agricole et le domaine industriel.

Ainsi, plus de trois décennies après son entrée en vigueur, l’ALE conclu entre la Confédération suisse et la CEE garde toute son importance, pas uniquement à la lumière des développements jurisprudentiels et doctrinaux qu’il a pu engendrer dans le passé, mais surtout à cause des discussions qui se font entendre actuellement quant à son avenir. Malgré son « âge », l’ALE continue d’exister et de régler un volume impressionnant de transactions commerciales. Soumis aux transformations agréées suite à d’âpres négociations, à l’exemple du cas des produits agricoles transformés, il représente un instrument incontournable dans les rapports économiques bilatéraux entre la Suisse et 1121 Cf. infra p. 242.

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Conclusion générale

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l’UE. Comme il a été observé à juste titre, cet Accord « ne voit son importance confirmée, tant par les politiques que par les juristes, que lorsque sa mise en œuvre est menacée, comme c’était le cas au printemps 2004; il concrétise quant à lui l’aspect libre circulation des marchandises de la liberté économique, les autres dispositions du traité étant bien moins utilisées; sa dimension économique reste tout de même importante »1122

L’ALE entre la Confédération suisse et la CEE reste l’un des piliers soutenant les relations économiques nouées entre Berne et Bruxelles. Il continue à diriger une bonne partie des échanges commerciaux entre la Suisse et l’UE, malgré le développement des échanges dans le secteur des services, intervenu en force ces dernières années. Bien qu’il ne représente plus « le noyau et la base de nos relations avec les Communautés élargies »

.

1123 - comme c’était le cas lors de son entrée en vigueur – l’ALE a rempli les prévisions de ses auteurs quant à son « caractère durable »1124

Les transformations connues lors de Bilatérales II (modification du Protocole n° 2 de l’ALE) se sont révélées bénéfiques mais loin d’être suffisantes. Pourtant elles sont inscrites dans le périmètre d’action que la coopération économique a pu avoir suite aux développements politiques. Les conflits engendrés par la lecture différente de l’art. 23 ALE et son incidence par rapport aux règles du droit de la concurrence nous montrent que l’Accord est toujours susceptible d’être amélioré, mais que pour cela, il faut conjuguer le réalisme économique et la volonté politique.

et est bel et bien entré dans sa quatrième décennie d’existence.

De plus, n’oublions pas que les relations économiques d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’il y a trois décennies. Actuellement, la Suisse doit construire sa stratégie de politique économique, dans laquelle les relations avec l’UE occupent comme toujours une position privilégiée, dans un contexte sensiblement différent de celui de l’année 1972. Partant de cela, ses efforts doivent privilégier plusieurs pistes d’action.

A première vue, l’option de la poursuite du bilatéralisme apparaît comme la plus satisfaisante pour la Suisse. Le Conseil fédéral, pour sa part, a d’ailleurs récemment indiqué son choix pour cette forme de collaboration avec Bruxelles : « sa principale priorité réside dans l’application intégrale de tous les Accords bilatéraux conclus avec l’UE. Cela concerne non seulement l’entrée en vigueur des accords dont la mise en œuvre n’est pas encore achevée (comme l’accord sur la lutte contre la fraude), mais aussi l’adaptation, le renouvellement, l’extension ou le développement des accords existants »1125. Toute la discussion, du point de vue de cette forme de coopération internationale, se porte - dans le rapport entre Berne et Bruxelles - autour de la notion de l’acquis communautaire. En fait, par les deux ensembles d’Accords bilatéraux avec l’UE1126

1122 HOFMANN, op. cit., p. 476.

, Berne s’est engagée à reprendre l’acquis communautaire développé à présent dans les domaines couverts par ces accords ou d’appliquer « une réglementation équivalente ». Sous cet angle, la Suisse bénéficie d’avantages concrets : elle reste libre d’approfondir la coopération avec Bruxelles uniquement dans les secteurs soumis à d’âpres négociations; elle peut à tout moment rejeter unilatéralement l’application des dispositions particulières de la législation européenne; elle n’est pas obligée de reprendre

1123 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 720. 1124 Ibid. 1125 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 465. 1126 Cf. supra p. 107.

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Conclusion générale

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des modifications ultérieures de l’acquis communautaire; enfin, les éléments traditionnels de son système politique peuvent continuer à fonctionner.

Pourtant, des changements sont intervenus durant ces dernières années, avec des implications considérables sur l’avenir des relations bilatérales. Fait confirmé dans la doctrine, en ce qui concerne la voie du bilatéralisme « il faut constater une tendance de l’UE à exiger une reprise plus ou moins complète de l’acquis communautaire »1127, autrement dit « la marge de manœuvre quant au contenu (des obligations contenues dans les accords) est réduite au minimum imaginable; les débats ne portent en fait pour l’essentiel plus que sur la question de la reprise ou non d’un acquis juridique donné »1128

L’idée de l’association de la Suisse à la CEE était encouragée déjà en 1960 par les partisans « d’une solution aussi peu dogmatique que possible et, dans ce sens, pragmatique des problèmes que pose l’intégration européenne »

. En outre, la taille économique et démographique de l’UE est bien différente par rapport à celle de la Suisse, ce qui permet à Bruxelles de mener une politique restreignant toujours plus sa disponibilité à accorder des concessions aux partenaires de discussion. Enfin, une photographie exacte du monde actuel nous montre l’envergure de l’UE dans le commerce mondial des marchandises, ce qui revient à dire qu’une participation suisse plus avancée à côté du géant européen ne pourra que lui servir.

1129, elle répond en même temps aux quatre principes fondamentaux : la prospérité et le progrès de l’économie suisse, la préservation d’une voie ouverte vers la fédération politique à la CEE, l’encouragement de l’unité économique de l’ensemble de l’Europe libre et le maintien du développement économique libéral en Europe. On trouve dans la presse de l’époque1130

En ce qui concerne l’adhésion pure et simple à l’UE, les prises de position ont varié selon les intérêts des différents acteurs de la vie politique et économique suisse.

d’autres prises de position en faveur de cette solution, considérée à la fois pragmatique et bénéfique pour la Confédération.

Le Conseil fédéral a eu une attitude pragmatique, toujours conditionnée par les caractéristiques particulières du système politique suisse. Il a considéré successivement l’option de l’adhésion sous plusieurs angles : « un obstacle insurmontable »1131; plus tard, il était d’avis que « en plus de la neutralité, (…) elle affecterait aussi la structure constitutionnelle de notre pays »1132 par l’abandon ou le partage des pouvoirs exercés par l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral et les cantons, en limitant la portée de la démocratie directe; en outre, pour le gouvernement fédéral l’adhésion demanderait de la part de la Confédération de renoncer à des « éléments solidement établis de la politique économique suisse, (…) par exemple dans le domaine de l’agriculture ou celui du marché du travail »1133

1127 EPINEY & MEIER & MOSTERS, op. cit., p. 105.

; enfin, cette formule de participation ne représente pas le but de l’approfondissement de relations suisses avec la Communauté, vu qu’elle « soulèverait

1128 Id., p. 107. 1129 UE – MSFE, p. 29. 1130 « Warum ist die Assoziationsfrage nicht abgeklärt ? » in Neue Bünder Zeitung, 8 février 1960; « Die Schweiz in der Kleinen Freihandelzone : wirklich der einzige Weg? » in Berner Tagblatt, 19 février 1960. 1131 CF, Message du 5 février 1960, FF 1960 I 890. 1132 CF, Rapport du 11 août 1971, FF 1971 II-1 751. 1133 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 649.

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Conclusion générale

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d’ailleurs des problèmes sous l’angle de la politique suisse de neutralité et pourrait mettre en question sa crédibilité »1134

Il est significatif de mentionner que la position du Conseil fédéral a constamment évolué au cours des deux dernières décennies : à la veille des votations sur l’EEE, l’adhésion était considérée comme « le but de notre politique d'intégration européenne »

.

1135; ensuite, tenant compte des développements enregistrées ultérieurement, et surtout à la lumière de la consolidation de l’approche bilatérale, le gouvernement suisse a finement nuancé le discours, arrivant à la conclusion, d’abord au début du millénaire, qu’ « il s'attend à ce que l'adhésion à l'UE renforce la cohésion nationale et le rayonnement du pays, que la représentation des intérêts de l'Etat s'améliore nettement grâce à notre participation aux nombreux organes multilatéraux de l'Union européenne, que l'appareil d'Etat et la densité de la réglementation aient plutôt tendance à diminuer qu'à s'alourdir, et que la politique d'ouverture européenne, allant de pair avec une adhésion, renforce la concurrence, ce qui encouragerait les réformes internes et la revitalisation des forces nationales qui sont indispensables »1136; enfin, dans la même philosophie d’action politique, après l’entrée en vigueur du deuxième paquet des Accords bilatéraux avec Bruxelles, le Conseil fédéral a résumé les débats passionnés sur cette question, en insistant qu’ « il en découle que notre relation à l’UE ne doit pas être jugée selon un schéma trop rigide du type "adhérer/ne pas adhérer". La question de fond est (…) plutôt de quelle manière et par le biais de quels instruments elle peut atteindre les buts fondamentaux que se fixe l’Etat et les objectifs de sa politique étrangère de la façon la plus optimale. Il convient tout d’abord, (…), de constater que la Suisse poursuit la même finalité que celle de l’intégration européenne, à savoir la paix et le bien-être commun en Europe, et qu’elle assume à cette fin ses responsabilités »1137. La dernière prise de position du Conseil fédéral est allée, en mai 2009, dans le sens de confirmer le fait que, malgré la préférence de Berne pour les Accords bilatéraux, « l’adhésion à l’UE reste également une option à long terme »1138

Les partisans d’une telle solution se montraient nombreux à un certain moment: « longtemps indifférents ou réfractaires, des industriels, des banquiers, des hommes politiques de tout parti - ou presque – plaident désormais pour l’entrée dans la Communauté »

.

1139. Côté politique, une initiative parlementaire récente, regroupant 101 signataires et portant le nom de la présidente de Nomes1140, la conseillère nationale bernoise Christa Bär Markwalder, demandait au Conseil fédéral de « réexaminer les instruments de politique européenne à la lumière du contexte actuel »1141

1134 CF, Rapport du 24 août 1988, FF 1988 III 325.

, caractérisé par la crise économique mondiale, répercutant les rapports de forces bilatéraux entre Berne et Bruxelles, l’affaiblissement possible de l’AELE en cas d’une future adhésion de l’Islande à l’UE et la confirmation, lors des dernières votations européennes (26 novembre 2008 et

1135 CF, Rapport du 18 mai 1992, FF 1992 III 1126. 1136 CF, Rapport du 3 février 1999, FF 1999 IV 3998. 1137 CF, Rapport du 28 juin 2006, FF 2006 VI 6621. 1138 DFAE/DFE, Politique européenne de la Suisse : La voie bilatérale, p. 9. 1139 DU BOIS, La Suisse et l’Espace Economique Européen, p. 60. 1140 Nouveau mouvement européen suisse, organisation fédératrice des partisans de l’UE tous partis politiques confondus. 1141 Postulat 09.3560, Politique européenne. Evaluation, priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration, déposé au Conseil national, le 10 juin 2009, par Christa Bär Markwalder.

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Conclusion générale

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8 février 2009) d’une population suisse majoritairement ouverte à l’Europe. Du côté de la société civile, une dernière initiative dans ce sens est celle du Club helvétique, un groupe de personnalités suisses actives dans plusieurs domaines de la vie publique et qui a pour but de cultiver et de nourrir la pensée politique confédérale et de développer dans un sens démocratique et progressiste les institutions de la Confédération. Déplorant le retard pris par le débat sur l’entrée de la Suisse dans l’UE et le paradoxe selon lequel plus les relations avec Bruxelles se resserrent, plus les Suisses prennent leurs distances, les membres dudit Club ont lancé, le 1er août 2009, un nouveau Manifeste pour l’adhésion à l’UE : ils considèrent qu’au lendemain de l’adhésion, la Suisse sera plus libre et plus forte qu’aujourd’hui, la reprise autonome des décisions européennes, se muant d’ailleurs en reprise automatique, leur apparaissant toujours plus humiliante; en outre, une telle adhésion s’impose d’elle-même, car ils n’acceptent pas que la Suisse, au cœur de l’Europe, reste en marge, qu’elle ne participe pas au débat européen, qu’elle se désintéresse de son propre continent, qu’elle se désavantage au lieu de défendre ses intérêts à droit égal; enfin, en accentuant qu’une adhésion planifiée peut raviver la Suisse, ils concluent que de nouveaux instruments de démocratie directe compenseront largement d’éventuels renoncements : « dès maintenant, il faut prévoir le referendum constructif, l’initiative législative, les euromotions, les votes sur l’application des directives générales de l’UE ou sur des prises de position fondamentales de la Suisse, et la transparence du financement des partis et de leurs campagnes »1142

D’autres auteurs.

1143

D’une part, l’adhésion signifierait d’abord « plus on produit et moins cela coûte », c'est-à-dire une diminution des frais par rapport au prix de la production; ensuite, la participation suisse aux décisions de Bruxelles serait pleine et entière, à l’opposé de son rôle d’avis imposé par la coopération développée dans le cadre de l’EEE; en outre, il y aurait la suppression des obstacles à l’accès aux marchés, la possibilité d’avoir plus d’avantages sur le marché européen, l’ouverture des marchés publics et le renforcement de la concurrence; enfin, l’élimination des risques de change suite à l’adoption par la Suisse de l’UEM

ont essayé de décrire de manière approfondie les avantages et les inconvénients d’une telle situation.

1144

D’autre part, les désavantages d’un tel scénario sont loin d’être négligeables : l’adhésion rendrait impossible la continuation de la politique agricole suisse, axée sur le maintien de la population agricole, la garantie d’un revenu équivalent aux autres secteurs et l’augmentation de la productivité; en plus, le risque d’une main-d’œuvre étrangère disposée à accepter des salaires de moindre valeur existerait bel et bien; de même, l’acceptation du principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national se

permettrait de réduire les frais des transactions.

1142 Club Helvétique, Manifeste pour l’adhésion à l’UE, in Le Temps, le 31 juillet 2009, p. 11. 1143 NEUJEAN, La Suisse entre le libre-échange et l’adhésion, p. 86ss. 1144 GRETHER & MÜLLER, dans une analyse du rapport entre une adhésion à l’UE avec ou sans UEM, affirmaient que, dans la première hypothèse, il y aurait « un gain de bien-être agrégé de l’ordre de 1.2 % du PIB » prouvant que « depuis le refus de l’EEE la Suisse a entrepris un processus de rapprochement unilatéral avec l’UE qui la rend aujourd’hui beaucoup plus proche de l’UE que ne l’étaient entre eux les pays participant à la mise en place du marché unique au début des années 90 », alors que dans la deuxième hypothèse, « le gain de bien-être agrégé passe à 2.5 % du PIB », situation due « avant tout à l’impact de la hausse des taux d’intérêt suisses, qui, tout à la fois, réduit l’investissement intérieur mais accroît l’épargne et donc les actifs nets de la Suisse sur l’extérieur » (Effets économiques d’une adhésion de la Suisse, p. 102-103).

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242

ferait sans conditions, ensemble avec le transfert de compétences à des institutions communes; enfin, l’adoption du droit communautaire relatif à l’UEM faciliterait des changements majeurs dans le système financier suisse, avec des conséquences pour le franc suisse et pour l’importance de la place financière suisse.

Concernant strictement l’évolution du secteur des marchandises suisses en cas d’une éventuelle adhésion suisse, le Conseil fédéral s’est abstenu de formuler une prévision exhaustive, ayant simplement affirmé que « l'utilité d'une adhésion pour notre économie (avant tout pour la production de marchandises et les prestations touristiques) est probable à long terme, mais elle est impossible à démontrer à ce stade »1145

Les pas accomplis en vue d’élargir et d’approfondir les relations avec l’UE ayant subi des revers importants, notamment avec le refus opposé à l’adhésion à l’EEE lors de la votation de 1992, il a donc fallu réagir par d’autres moyens aux conséquences économiques découlant du non exprimé à l’encontre de l’EEE. Les Accords bilatéraux avec l’UE apparaissent ainsi comme une tentative de la Suisse de garantir l’accès au marché européen, tout en sauvegardant les attributs de la politique extérieure suisse. Régissant une palette extrêmement large de domaines, ces instruments juridiques adoptés en deux temps ont pu régler la coopération bilatérale dans chaque secteur concerné, en offrant également un cadre unitaire permettant une stratégie commune. Mais, bien que les avantages qui en découlent soient indubitablement positifs pour l’économie suisse, certaines voix se sont élevées en demandant une avancée plus courageuse dans la direction d’une possible réglementation commune des rapports économiques entre Berne et Bruxelles, sous la forme d’un accord cadre général bilatéral

.

1146. Il n’est pas dépourvu d’importance de souligner que, dans une interview faisant suite à l’adoption par le Conseil fédéral du rapport tant attendu sur la politique européenne baptisé « Europe 2006 », l’ancien conseiller fédéral Joseph Deiss, europhile convaincu depuis plusieurs années, situait cette option comme première alternative parmi les diverses possibilités, en ajoutant que ledit accord « chapeauterait l’ensemble des accords bilatéraux » et le caractérisant comme faisant « actuellement l’objet de discussions entre experts suisses et européens »1147; plus récemment, en novembre 2009, le chef de la Mission suisse à Bruxelles, l’ambassadeur Jacques de Watteville, vantait un autre avantage majeur d’un tel scénario, qui « permettrait enfin de créer une instance commune d’arbitrage et de recours »1148. Tout dernièrement, en mai 2010, le Conseil fédéral, en répondant à une interpellation parlementaire1149

1145 CF, Rapport du 3 février 1999, FF 1999 IV 3996.

, clarifiait que « il n'y a pas de négociations en cours sur un accord-cadre entre la Suisse et l'UE ». Le gouvernement expliquait pourtant le principe de fonctionnement et les atteintes par rapport à un tel instrument juridique: l'idée d'un accord-cadre est née notamment du souhait d'améliorer le processus de mise à jour des deux législations, suisse et communautaire; toute solution devra cependant respecter

1146 BRON, dans une analyse faite en 2006 par rapport à l'acceptation de l'extension de la libre circulation aux dix nouveaux pays membres de l'UE, commentait : « En outre, la Suisse devra veiller à établir la pérennité des accords bilatéraux. L'idée d'un accord-cadre pour formaliser la collaboration entre Berne et l'UE fait son chemin. Reste qu'après une année où il a engagé toute son énergie dans la confirmation des bilatérales, le monde politique suisse va lever le pied sur le thème », (La Suisse met fin à treize ans de frénésie européenne, p. 2). 1147 LE TEMPS, La Suisse fait face à ses destins européens, p. 1. 1148 WERLY, Pour contourner l’écueil fiscal. 1149 CF, Réponse du 12 mai 2010.

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Conclusion générale

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la souveraineté des deux parties en excluant le principe d'automatisme de la reprise du droit communautaire par Berne; un accord-cadre permettrait tout au plus de régler uniformément diverses questions horizontales apparaissant dans le cadre de la plupart des Accords bilatéraux; enfin, un tel accord offrirait une plate-forme permettant de renforcer le dialogue politique entre la Suisse et l'UE.

Néanmoins, n’importe quelle solution devra passer par le long processus des négociations. Cela est d’autant plus vrai quand celles-ci sont déroulées entre deux entités complètement différentes non seulement par leur nature (d’une part, un Etat organisé sous la forme d’une confédération, et d’autre part, une union des Etats) mais également en ce qui concerne des indices économiques tels que le volume des exportations, la valeur du PIB ou le niveau des revenus pour chaque individu1150

Une chose est pourtant sûre pour Berne : il ne peut pas y avoir d’immobilisme par rapport à la situation de 1972 et, qu’importe la voie choisie, les efforts devraient être canalisés dans une direction indiquée il y a plus de trois décennies : « Nous attachons un prix tout particulier à la volonté exprimée par la Suisse dans le préambule de participer à l'œuvre de l'intégration européenne. Car, avec le degré actuel - et surtout prévisible - qu'atteint l'interdépendance économique, cette œuvre devient également la nôtre »

.

1151

Les nuances de cette évolution ont été clairement saisies dans les commentaires des divers auteurs

.

1152, alors que le Conseil fédéral s’est déclaré conscient des difficultés rencontrées par la Confédération suisse suite à son absence dans le processus communautaire de prise de décision, conscient que cela pèserait toujours plus lourdement vu l’augmentation de l’impact de Bruxelles sur l’économie suisse; déjà en 1988, il affirmait que « le fait d’être exclu du mécanisme de décision interne de la CE est plus lourd de conséquences aujourd’hui qu’il ne l’était en 1972. En effet la CE a pris plus de poids en Europe et dans le monde en s’élargissant et en multipliant ses compétences. En Suisse, son activité a un impact direct sur un nombre croissant de domaines. Nous considérons qu’il nous incombe d’intégrer également cet aspect dans notre examen permanent de la conception suisse de la coopération avec la Communauté » 1153

Comme cet ouvrage l’a déjà souligné, le rapport entre l’économie et le politique est déterminant dans le positionnement d’un pays sur la scène internationale, et cette réalité apparaît davantage dans le cas particulier de la Suisse : les milieux économiques y participent de manière active à l’élaboration des décisions politiques, aussi bien à

.

1150 Par rapport à cette idée, LUTZ fait le coomentaire suivant: « Ich bin der festen Überzeugung, dass das eigentliche Problem auf dieser Ebene liegen wird, nicht auf jener der wirtschaftlichen Benachteiligungen. Diese können sicherlich durch umsichtige pragmatisch-punktuelle Verhandlungen auf ein verträgliches Minimum reduziert werden, zumal wir in solchen Verhandlungen auch immer gewisse Trümpfe auszuspielen haben. Auch ist unsere Wirtschaft bestens gerüstet für verbleibende Diskriminierung: Ein Land, welches das höchste Pro-Kopf- Einkommen der Welt mit der niedrigsten Arbeitslosigkeit, einem strukturellen Nettokapitalexport und einem ständigen Aufwärtstrend seiner Währung verbindet, ist geradezu unanständig wettbewerbsfähig » (Europa im Visier, p. 5). 1151 CF, Message du 16 août 1972, FF 1972 II 720. 1152 OCHSNER observait que « l’accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et la CEE, que la Suisse envisageait en premier lieu comme un accord de nature économique, pourrait lui aussi, dans le contexte actuel, revêtir un aspect politique pour l’UE en tant que plate-forme de rencontre avec un voisin puissant économiquement et un partenaire qui se montre parfois quelque peu récalcitrant » (La politique commerciale de l’UE, p. 35). 1153 CF, Réponse au Postulat Hubacher du 12 mars 1986, FF 1987 I 688.

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Conclusion générale

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l’échelle cantonale que dans les stratégies mises en place au niveau fédéral. La pratique et la doctrine1154

Plusieurs questions peuvent surgir à propos du poids de chaque élément présent dans cette équation, mais toutes reviennent au même noyau dur : est-ce plutôt l’aspect politique – influencé de manière déterminante par les particularités du système suisse et, partant, vanté par les partisans des positions plutôt défensives – ou bien plutôt la réalité économique – appelant quotidiennement en faveur d’une intégration suisse plus approfondie en Europe, et dont les adeptes sont certainement plus penchés vers une ouverture plus courageuse vers le monde - qui va peser le plus lourdement ? En outre, quel serait l’instrument le mieux adapté pour protéger au maximum la souveraineté suisse

confirment que les organisations économiques contribuent sous plusieurs formes à la conclusion des accords commerciaux : d’abord, lesdites organisations sont sollicitées d’habitude au moment de la phase de consultation et plus rarement à la sortie de l’avant-projet (ce qui constitue la participation lors de la phase de préparation); ensuite, elles se retrouvent parfois dans les délégations suisses menant des négociations avec les différents partenaires commerciaux; enfin, le porte-parole de ces organisations exprime leur point de vue lors du vote d’approbation sous la Coupole fédérale, qui d’ailleurs voit siéger plusieurs experts et économistes membres des différents formations politiques représentées au Parlement.

1155

A court et à moyen termes, les considérations économiques ont pesé de manière décisive et, à la lumière des chiffres découlant de la mise en œuvre des Bilatérales I et II, l’option bilatérale s’est clairement imposée comme la voie à suivre, à court et moyen termes : en effet, le 8 février 2009, le dernier scrutin sur l’Europe a permis, avec un vote favorable de 59,6% et bénéficiant du soutien de la majorité de cantons, y compris ceux dernièrement aperçus comme plutôt « europhobes » - tels que Nidwald, Uri et Obwald - l’extension de la libre circulation des personnes au bénéfice des derniers pays ayant rejoint la famille européenne, la Bulgarie et la Roumanie

, tout en contribuant à l’essor économique de la Suisse et à sa projection dans l’avenir ?

1156. En outre, elle bénéficie du soutien inconditionnel des milieux d’affaires, conscients de l’importance capitale pour Berne du lien avec l’Europe : economiesuisse, cataloguant les premiers deux paquets des accords conclus avec Bruxelles comme « le success story helvétique »1157, considère ainsi que, motivée par le besoin de relations stables et de qualité avec l’UE, « la voie bilatérale reste la plus favorable »1158. Enfin, dans les perspectives concernant l’avenir de la politique européenne suisse, les responsables politiques avaient convergé à soutenir l’approche bilatérale avec Bruxelles, envisageant une stratégie construite sur trois piliers1159

1154 SIDJANSKI, Les groupes de pression et la politique étrangère en Suisse, p. 28ss.

: d’abord, la mise en œuvre des accords existants, avec l’extension de la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie, les modifications en cours de

1155 Nous admettons avec BRANDT que « le fait même de se trouver contraint à constituer une zone de libre-échange par l’adhésion à un ensemble de règles du jeu, ainsi qu’à un processus de décision (même s’il s’agit en occurrence de la règle de l’unanimité), implique tout de même une perte et un transfert de souveraineté que la Suisse a bel et bien dû accepter, compte tenu des priorités économiques de l’époque » (Les atouts de la Suisse face à l’Europe, p. 69). 1156 CF, Arrêté du 12 mars 2009, FF 2009 II 1429. 1157 economiesuisse, Accords bilatéraux Suisse-UE I et II, p. 1. 1158 economiesuisse, Politique européenne 2007, p. 1. 1159 DFAE/DFE, Politique européenne 2007, p. 1.

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Conclusion générale

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l’Accord sur la facilitation des douanes, l’accord Schengen/Dublin, l’accord Media, les programmes de formation, la question des IGP et des AOP, ensuite, la recherche des nouveaux domaines d’intérêt commun, à savoir les domaines de l’électricité, de la santé publique, du libre-échange agricole, Eurojust, le système Galileo ou un accord-cadre futur Suisse-UE et, enfin, la contribution financière suisse à l’élargissement de l’UE

Comme preuve du caractère continuellement évolutif de la relation bilatérale, il est important d’observer que chacune des trois directions de ladite stratégie a connu des réajustements importants en 2009. Ainsi, dans la mise en œuvre des accords existants, les deux parties ont conjointement accepté la nécessité d’améliorer l’accord bilatéral sur la fiscalité de l’épargne, ayant comme motivation le fait que « les revenus de l’épargne doivent être imposés de manière adéquate »1160, sans pourtant vouloir aller de l’avant et adopter l’échange automatique d’informations. Ensuite, en ce qui concerne la recherche des nouveaux domaines d’intérêt commun, Berne et Bruxelles ont identifié comme possibles de nouvelles pistes d’action commune pour l’avenir des domaines : le commerce des droits d’émission, suite à l’introduction du système d’échange de quotas d’émission, le 1er janvier 2005 dans l’UE et trois ans plus tard en Suisse; la coopération technique de la Suisse avec l’AED, en considérant que « la participation à la coopération multilatérale et au partage de connaissances dans le domaine de l’armement en Europe lui permettrait d’asseoir sa position en tant que pôle de recherche et de technologie et serait très profitable pour son industrie de l’armement »1161; la promotion de la paix, comme premier pas d’un futur accord accord-cadre PESD conclu entre les deux parties; les développements concernant les produits chimiques REACH1162; la modification de l’accord sur les assurances de 1989, dans la volonté de faire évoluer la réglementation du cadre juridique à la lumière des réalités contemporaines; quant au projet d’un accord-cadre général, des nouvelles clarifications « pré-négociations » ont été avancées1163. Enfin, quant au soutien financier octroyé par la Suisse pour l’élargissement de l’UE, Berne va se mobiliser dans un effort additionnel en faveur de la Bulgarie et la Roumanie, les derniers deux États ayant rejoint l’UE en janvier 2007: cette contribution doit faire l’objet d’une décision du Parlement, sous la forme d’un nouveau crédit-cadre, « portant sur cinq ans, à hauteur de 257 millions de francs, pour des projets que la Suisse avalisera elle-même »1164

On peut observer, par conséquent, la recherche d’une certaine forme de cohabitation – aux niveaux politique et économique - entre la Suisse et l’UE, ayant auparavant déjà prouvé son succès à un niveau sectoriel

.

1165

1160 DFAE/DFE, Politique européenne de la Suisse - prochaines étapes, p. 3.

, qui a été donc approuvée dernièrement par le peuple suisse pour l’ensemble des rapports avec Bruxelles. Pourtant, comme image d’ensemble quant aux échanges des marchandises, il faut souligner, une fois de plus, la direction dans laquelle évolue, dans ce domaine, l’encadrement juridique des rapports bilatéraux: pour tout observateur objectif et impartial, le libre-échange a gagné progressivement du terrain dans les trois catégories de produits analysés tout au

1161 Id., p. 4. 1162 Id., p. 5. 1163 Cf. supra p. 242. 1164 DFAE/DFE, Politique européenne de la Suisse - prochaines étapes, p. 6. 1165 Ayant rappelé que les « marchés considèrent l’euro et le franc, si ce n’est comme des jumeaux, du moins comme des monnaies soeurs », ROTH J.P. avait déjà considéré la cohabitation entre les deux monnaies comme « un succès » (L’euro – facteur stabilisateur, p. 7).

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long de ce projet. En effet, dans le domaine des produits industriels, les rapports initiés au début des années ‘70 se sont déroulés, voir renforcés, avec la même volonté commune de développer constamment les échanges bilatéraux, les changements intervenus concernant seulement le côté formel desdits rapports : ainsi, « le libre-échange avec l’UE est désormais intégralement soumis aux règles de l’accord de libre-échange Suisse-CE »1166

Par rapport à la question ayant été objet de cette thèse, c'est-à-dire l’analyse de l’état actuel des échanges bilatéraux des marchandises à la lumière des évolutions enregistrées à l’OMC, il nous convient de dire que pour l’instant, la poursuite de la voie inaugurée par l’ALE apparaît sous plusieurs facettes : ainsi, les deux parties défendent vigoureusement leurs intérêts dans la collaboration économique qui les unit et, en même temps, font souvent front commun pour affronter ensemble les défis posés par les transformations que le cadre multilatéral de l’OMC connaît incessamment. A titre d’exemple, il faut saluer l’initiative conjointe de Berne et Bruxelles dans le domaine de l’harmonisation, au sein de l’OMC, des règles commerciales avec celles environnementales: « à la demande pressante de la Suisse, de l’UE et de la Norvège et en dépit de l’opposition des pays en développement, certaines questions situées à l’interface entre les règles commerciales et les règles environnementales ont été intégrées au mandat du Cycle de Doha »

. En ce qui concerne les produits agricoles, après plus d’un quart de siècle de libre-échange réservé seulement aux produits industriels, et l’exclusion expressément indiquée, en 1972, des produits appartenant au secteur agricole, les parties ont lancé au début du nouveau millénaire les négociations quant à l’extension de ce régime juridique également à ceux-ci. Cela apparaît assez logique au vu des mutations intervenues à chaque niveau de la l’économie mondiale; on peut dire que cela s’imposait même, d’autant plus que, bien que sous une forme réduite initialement au secteur fromager, cette forme de commerce bilatéral existe déjà dans le secteur hautement sensible représenté par l’agriculture, signe du changement de temps et, partant, d’évolution dans les stratégies économiques de chaque partie. Enfin, malgré la spécificité des produits agricoles transformés, il y aura pour ceux-ci certainement des évolutions vers le libre-échange, un premier pas ayant été fait lors de l’introduction de la solution du double zéro dans l’industrie du sucre.

1167. Pour ce qui est lié strictement à la coopération économique développée entre Berne et Bruxelles, dans une majorité confirmée successivement lors des précédentes votations, les milieux à la fois politiques et économiques concernés s’accordent à reconnaître que le bilatéralisme offre la solution regroupant à la fois la collaboration économique souhaitée avec Bruxelles et l’indépendance politique défendue avec acharnement par Berne. Confirmant que cette approche « constitue la meilleure façon d’atteindre les objectifs – tant matériels qu’intellectuels – de la Suisse »1168

1166 RS 0.632.401; FF II 2005.

, le Conseil fédéral a conditionné le succès futur de la voie bilatérale par rapport aux éléments tels que la participation suisse à la prise de décision, avec une place également pour une marge de manœuvre dans la mise en place de ses politiques autonomes, la faisabilité du point de vue de la politique extérieure, en prenant en compte l’intérêt de l’UE de trouver des solutions sur la base d’accords sectoriels bilatéraux, et, enfin, les conditions-cadres économiques, qui doivent rester favorables à la Suisse.

1167 CF, Rapport et Messages du 13 janvier 2010, FF 2010 I 441. 1168 DFAE/DFE, Politique européenne de la Suisse : La voie bilatérale, p. 1ss.

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Entre tous les scénarios évoqués ci-dessus, nous considérons que seule une approche construite de la manière la plus large possible – donc englobant le maximum des domaines et secteurs de la vie économique - serait la meilleure solution pour un fonctionnement efficace des deux économies interdépendantes : d’une part, l’économie suisse pourrait bénéficier des avantages d’un meilleur accès à un marché comptant plus de 400 millions habitants, alors que l’UE pourrait tirer profit du savoir-faire suisse et des autres atouts reconnus depuis longtemps à l’économie suisse. Cette hypothèse aurait uniquement des gagnants, dans la personne du consommateur européen, soit-il citoyen suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE, qui bénéficierait de l’imbrication entre les deux options de politique économique réunies dans la poursuite des intérêts communs. Les effets seraient d’autant plus importants dans le cas de la Suisse, si on a à l’esprit l’image de ce pays perçu en tant qu’ « îlot de cherté ».

Le prix à payer par la Suisse consiste dans une harmonisation entre ses envies de développement économique et les limites que son système d’intégration politique européenne permet de franchir. D’une part, dans ce XXIème siècle il n’est plus possible de se contenter de suivre passivement les évolutions des marchés internationaux ou de préférer rester ancré dans des structures envisagées pour un certain moment de l’évolution politico-économique européenne. D’autre part, la force et la renommée de la Confédération suisse sont dues à un mécanisme construit progressivement, durant des siècles d’évolution étatique et sur la base des éléments fondamentaux - tels que la démocratie directe, le fédéralisme ou la neutralité – qui, à présent et à la lumière des considérations découlant des rapports envisagés avec Bruxelles, soulève des questions quant une éventuelle reformulation. Vu cette contradiction, on peut légitimement en Suisse se poser la question de savoir comment on peut concilier le besoin d’ouverture économique avec l’immobilisme observé par rapport au système des alliances politiques tissues à niveau européen. Autrement dit, comment pourrait-on parvenir à plus d’intégration économique alors que l’échafaudage politique suisse resterait dans un statu quo perpétuel ? Est-ce que le bilatéralisme dans sa forme actuelle (des accords liant de manière sectorielle les deux économies) peut s’avérer suffisant ? Nous en doutons, et cela pour presqu’un seul argument.

En effet, à une exception près1169

1169 Afin que les intérêts nationaux suisses soient défendus le mieux possible dans le domaine tellement sensible de la libre circulation des personnes, la participation de Berne au processus décisionnel européen est extrêmement forte dans la cadre de l’accord de Schengen, les experts mandatés par Berne étant consultés de la même manière que leur homologues « des Etats membres pour l’élaboration des propositions » (art. 6 Accord entre la Confédération suisse, l’Union européenne et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen, RS 0.360.268.1).

, la Suisse ne fait que reprendre, sous la forme des différentes procédures, la législation décidée à Bruxelles. Elle reste ainsi de jure à l’écart du processus décisionnel aboutissant souvent à des décisions qui la concernent directement de facto, ce qui n’est pas chose courante pour une démocratie habituée à passer au crible le moindre acte législatif. De même, il est indéniable qu’une intégration par l’adhésion équivaudrait à une reprise totale de l’acquis communautaire et se heurterait pour l’instant aux éléments constitutifs du système politique suisse, notamment les garanties offertes par la démocratie directe. Cela n’empêche pas de constater que, par l’adaptation autonome de la législation suisse (« autonomer Nachvollzug »), mise en pratique lors du lancement de la LETC, ou par la reprise partielle de l’acquis

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communautaire, intervenue dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes, la Suisse s’adapte progressivement au droit européen.

Si les avantages d’un tel système dans son ensemble ne font pas de doute, on peut raisonnablement se demander par contre si la solution d’un bilatéralisme sectoriel peut s’avérer payante à long terme. Cette question ressurgit avec d’autant plus de justification à la lumière des considérations géopolitiques contemporaines, caractérisées par une concurrence économique toujours plus accrue, enregistrée dans une mondialisation en perpétuel gain de terrain.

Il semble donc que, devant les limites de ce type de solution, développer la vision d’une approche multilatérale – par conséquent non limitée aux échanges des marchandises mais englobant aussi la question des services et celle de droits de propriété intellectuelle - pourrait représenter la solution optimale pour créer des avantages supplémentaires dans la poursuite des rapports bilatéraux. Cette idée découle de la nature même des ALE1170 et peut représenter une vraie chance pour l’économie suisse. D’ailleurs, à la veille de la votation populaire sur l’EEE, des voix s’élevaient en faveur d’une approche large de l’intégration, même si celle-ci serait faite seulement dans la perspective économique : en rejetant le scénario dans lequel la Suisse se contenterait uniquement de l’élimination des barrières techniques ou d’approcher les normes de la CE, les partisans d’une telle vision militaient en faveur des accords de réciprocité permettant que les contrôles d’homologation nationaux soient reconnus par les partenaires commerciaux, afin d’éviter les nouveaux contrôles pour les produits déjà inventoriés dans divers autres pays; la conclusion tirait la sonnette d’alarme : « tous ces faits illustrent les difficultés qu’entraîne un rapprochement vers la CE, uniquement dans le domaine des barrières techniques. C’est un processus long et délicat, galvanisant l’opposition de tous les acteurs économiques profitant de la régulation actuelle »1171

Avec ce tableau et à la lumière des évolutions préconisées au moment de la rédaction de cette thèse, n’est-il pas correct par conséquent de soutenir, à l’instar du Club helvétique militant pour une adhésion immédiate de la Suisse à l’UE, l’existence, d’une intégration de facto

.

1172

de la Suisse dans l’UE ? La rhétorique de la question ne doit pas tromper : il s’agit d’une coopération économique tellement poussée qui fait de la Suisse le pays tiers avec laquelle l’UE poursuit le degré d’intégration le plus avancé. Si on ajoute à cela le partage des valeurs démocratiques – telles que l’Etat de droit, la démocratie, l’économie de marché, la liberté de la presse ou la tolérance religieuse, auxquelles tant Berne que Bruxelles attachent la même importance – comme première étape pour une potentielle intégration politique à l’avenir, alors il résultera que le bilatéralisme, aussi puissant qu’il le soit actuellement, sera un jour une solution dépassée.

1170 «Il faut savoir que les accords de libre-échange ne règlent pas que les échanges de marchandises: ils régissent aussi certains points relevant du commerce des services et des investissements. C’est particulièrement important pour la Suisse, qui est très active dans le secteur tertiaire. S’ajoute à cela le fait que ces accords ne profitent pas qu’aux entreprises exportatrices mais aussi aux consommateurs, qui bénéficient par ce biais de produits meilleur marché et d’un choix plus large» (KÜNG, Les accords de libre-échange sont bons pour les exportations suisses, p. 29). 1171 SENTI, L’économie suisse, p. 107. 1172 « Le bilatéralisme arrive à son terme : aujourd’hui, la Suisse est de fait un membre de l’UE sans droit de vote » (Club Helvétique, Manifeste pour l’adhésion à l’UE, in Le Temps, le 31 juillet 2009, p. 11).

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http://www.swissinfo.ch/fre/infos/economie/Les_paysans_se_disent_toujours_plus_pauvres.html?siteSect=161&sid=7401757&cKey=1167922086000&ty=st SWISSINFO, Les Suisses veulent une agriculture écologique et peu onéreuse, 4 mai 2007, in http://www.swissinfo.ch/fre/a_la_une/Les_Suisses_veulent_une_agriculture_ecologique_et_peu_onereuse.html?siteSect=105&sid=7784857&cKey=1178291859000&ty=st SWISSINFO, Doris Leuthard: La Suisse mise sur l'ouverture des marchés, le 16 février 2007, in http://www.swissinfo.ch/fre/infos/economie/Doris_Leuthard_La_Suisse_mise_sur_l_ouverture_des_marches.html?siteSect=161&sid=7534581&cKey=1171613680000&ty=st SWISSINFO, Barroso augmente la mise au poker fiscal, 7 juillet 2006, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6878928&Key=1152301730000 SWISSINFO, Fiscalité: Berne réfute les critiques de l'UE, 9 mars 2006, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6535983&cKey=1141938222000 SWISSINFO, La fiscalité divise toujours la Suisse et l’UE, 5 mai 2006, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=43&sid=6690598 SWISSINFO, L'UE rejette les privilèges fiscaux cantonaux, 2 février 2006, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6435795&cKey=1138913886000 SWISSINFO, Pas d’accord fiscal entre Berne et Bruxelles, 16 décembre 2005, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6322388&cKey=1134737166000 SWISSINFO, Dispute fiscale entre Berne et Bruxelles, 15 décembre 2005, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6319390&cKey=1134630912000 SWISSINFO, Obwald va se muer en paradis fiscal, 11 décembre 2005, in http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=125&sid=6307314&cKey=1137774244000 SWISSINFO, L'Union frappe la Suisse avec de nouvelles taxes, 18 février 2004, in http://www.swissinfo.ch/fre/LUnion_frappe_la_Suisse_avec_de_nouvelles_taxes.html?cid=3775688 TERCIER Pierre & VENTURI Silvio, Les ententes illicites et l'abus de position dominante dans le nouveau droit suisse de la concurrence, in

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Bibliographie

296

http://www.taverniertschanz.com/uploads/publications/Rida-Cart.pdf VAN MIERT Karel, Les défis du droit de la concurrence européen, Discours du M. le Commissaire européen en charge de la concurrence, prononcé le 2 mars 1998, Bruxelles, in http://ec.europa.eu/comm/competition/speeches/text/sp1998_051_fr.html VON WIETERSHEIM Constantin, Cassis ist nicht gleich Cassis, Jusletter 2 juillet 2007, in http://www.weblaw.ch/fr/content_edition/jusletter/jusletter.asp?JusletterNr=430 ZIEGLER Andreas Roland, Die Bedeutung der völker- und europarechtskonformen Auslegung für das öffentliche Wirtschaftsrecht in der Schweiz, Jusletter 20 mars 2006, in http://www.weblaw.ch/de/content_edition/jusletter/artikel.asp?ArticleNr=4604

Regionale Erschöpfung und Meistbegünstigung im Rahmen der WTO, Jusletter, 9 juillet 2007, Genève, in http://jusletter.weblaw.ch/article/de/_5798?lang=de

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297

Table des arrêts cités

I. Décisions du Tribunal fédéral

- ATF 98 Ib 385 du 13 octobre 1972 dans la cause Banque de Crédit international

c. Conseil d'Etat du canton de Genève

- ATF 104 IV 175 du 3 mai 1978 dans la cause Adams c. Staatsanwaltschaft des

Kantons Basel-Stadt, JdT 1980 IV 10

- ATF 105 II 49 du 25 janvier 1979 dans la cause Bosshard Partners Intertrading

AG c. Sunlight AG, JdT 1979 I 261

- ATF 112 Ib 183 du 2 septembre 1986 dans la cause Maison G. Sprl c. Direction

générale des douanes

- ATF 118 Ib 367 du 7 juillet 1992 dans la cause Association pour le recyclage du

PVC et Communauté des intérêts des producteurs d'eaux minérales françaises c.

Conseil d'Etat du canton de Fribourg

- ATF 122 III 469 du 23 octobre 1996 dans la cause Chanel S.A. Genève et Chanel

S.A. c.EPA AG

- ATF 124 III 321 du 20 juillet 1998 dans la cause Imprafot AG c. Nintendo Co.

Ltd. und Waldmeier AG

- ATF 124 IV 225 du 27 août 1998 dans la cause Ministère public de la

Confédération c. A., B. et C., JdT 1999 I p. 808

- ATF 126 III 129 du 7 décembre 1999 dans la cause Kodak SA c. Jumbo-Markt

AG., JdT 2000 I p. 529

- ATF 131 II 271 du 8 mars 2005 dans la cause Sonderabfallverwertungs-AG,

SOVAG c. l’Office fédéral de l’environnement et le Département fédéral de

l'Environnement, des Transports, de l'Energie et de la Communication, JdT 2006

I 678

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Table des arrêts cités

298

II. Décisions de la Cour de Justice des Communautés européennes

- Affaire 26/62, Arrêt de la Cour N.V. Algemene Transport-en Expeditie

Onderneming van Gend & Loos c Administration fiscale néerlandaise du 5 février

1963, Rec. 1963, p. 3

- Affaires jointes 2 et 3/69, Arrêt de la Cour Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders

c. S.A. Ch. Brachfeld & Sons et Chougol Diamond Co. du 1er juillet 1969, Rec. 1969,

p. 211

- Affaire 22/70, Arrêt de la Cour Commission c/ Conseil (AETR) du 31 mars 1971,

Rec. 1971, p. 263

- Affaires jointes 21 à 24/72, Arrêt de la Cour International Fruit Company NV et

autres c. Produktschap voor Groenten en Fruit du 12 décembre 1972, Rec. 1972, p.

1219

- Affaire 8/74, Arrêt de la Cour Procureur du Roi c. Benoît et Gustave Dassonville du

11 juillet 1974, Rec. 1974, p. 837

- Affaire 85/76, Arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche & Co. AG

c. Commission des Communautés européennes, Rec. 1979, p. 461

- Avis 1/78, Arrêt de la Cour du 4 octobre 1979 sur le projet d’accord concernant le

caoutchouc naturel, Rec. 1979, p. 2871

- Affaire 120/78, Arrêt de la Cour Rewe-Zentral AG c. Bundesmonopolverwaltung für

Branntwein du 20 février 1979, Rec. 1979, p. 649

- Affaire 65/79, Arrêt de la Cour Procureur de la République c. René Châtain du 24

Avril 1980, Rec. 1980, p. 1345

- Affaire 270/80, Arrêt de la Cour Polydor Limited et RSO Records Inc. c. Harlequin

Records Shops Limited et Simons Records Limited du 9 février 1982, Rec. 1982, p.

329

- Affaire 104/81, Arrêt de la Cour Hauptzollamt Mainz c. Kupferberg du 26 octobre

1982, Rec. 1982, p. 3641

- Affaire 240/83, Arrêt de la Cour Procureur de la République c. Association de

défense des brûleurs d'huiles usagées du 7 février 1985, Rec.1985, p. 531

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Table des arrêts cités

299

- Affaires jointes 60 et 61/84, Arrêt de la Cour Cinéthèque SA et autres c. Fédération

nationale des cinémas français du 11 juillet 1985, Rec. 1985, p. 2605

- Affaire C-154/88, voir Affaires jointes C-153/88 à C-157/88 Arrêt de la Cour

Procédure pénale c. Gérard Fauque e.a. du 7 mars 1990, Rec. 1990 p. I-00649

- Affaire C-163/90, Arrêt de la Cour Administration des douanes et droits indirects c.

Léopold Legros et autres du 16 juillet 1992, Rec. 1992, p. I-4625

- Affaire C-260/90, Arrêt de la Cour Bernard Leplat contre Territoire de la Polynésie

française du 12 février 1992, Rec. 1992 p. I-643

- Affaire C-207/91, Arrêt de la Cour Eurim-Pharm c. Bundesgesundheitsamt du 1er

juillet 1993, Rec. 1993, p. 3723

- Affaire C-228/91, Commission c. Italie du 25 mai 1993, Rec. p. I-2701

- Affaire C-184/96, Arrêt de la Cour Commission des Communautés européennes c.

République française du 22 octobre 1998, Rec. 1998, p. I-06197

- Affaire C-220/98, Arrêt de la Cour Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG c.

Lancaster Group GmbH du 13 janvier 2000, Rec. 1998, p. I-117

- Affaire C-192/01, Arrêt de la Cour Commission c. Danemark du 23 septembre 2003,

Rec. 2003, p. I-9693

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301

Index alphabétique

A

Accord d’association : 2, 39, 58, 59,

63, 67, 68, 70, 71, 89, 90, 95, 103,

135, 234, 239, 247.

Accords multilatéraux

environnementaux : 14, 15.

Adhésion :

- des Etats à l’OMC : 26, 36, 37,

48.

- des Etats à l’UE : 68.

- de la Suisse à l’UE : 81ss, 105,

108, 136, 146, 165, 221, 234, 235,

239s, 247, 248.

Agriculture :

- communautaire : 57, 62, 65, 66,

71, 72, 73, 74, 75, 76, 203ss, 208s.

- notion : 15, 32, 34, 35, 49, 50,

51, 54, 171, 182, 201, 203ss, 237.

- suisse : 81, 88, 89, 91, 93, 94, 95,

96, 203ss, 208s, 241.

Arbitrale :

- Instance : 115, 242.

- Procédure : 187.

B

Bilatéralisme :

- en général : 19ss, 21, 53, 85.

- de l’UE : 59, 67ss.

- de la Suisse : 4, 6, 45, 84, 85, 95,

101, 103, 130, 134, 172, 194, 225,

231ss.

Bilatérales I et II / Accords

bilatéraux Suisse - UE : 2,3, 95,

102, 107, 116, 117, 165, 193, 199,

208, 212, 213, 26, 238, 240, 242.

C

Cassis de Dijon : 3, 137, 145, 158ss,

164, 165, 171ss, 220. 221.

Clause :

- arbitrale : 106, 130s, 167.

- de confidentialité : 47.

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Index alphabétique

302

- de la nation la plus favorisée : 27,

47, 58, 72, 84, 176, 202.

- de nécessité : 113, 127.

- de sécurité et de police : 113.

- échappatoire : 12.

- évolutive : 92, 112, 213.

- sociale : 9, 79.

Commerce des marchandises : 1, 2,

5s, 28, 57s, 100, 105s, 113, 146, 155,

172, 231.

Cycle de Doha : 11, 15, 16, 17, 37,

51, 54, 63ss, 203, 206, 207, 223,

246.

D

Développement durable : 2, 12ss,

19, 51, 52, 60, 75, 79, 237.

Doha : cf. Cycle Doha

Douane : cf. Mesures douanières de

sécurité.

E

Environnement :

- droits environnementaux : 52.

- notion : 13, 54, 58, 60, 62, 3, 77,

83, 159, 172, 180, 203.

- protection de l’environnement :

8, 9, 12ss, 35, 51, 63, 77, 96, 144,

153, 155, 159, 174, 179, 185, 190,

203, 236.

- règles/normes/exigences

environnementales : 15, 22, 52, 78,

85, 85, 107, 205, 246.

- question environnementale : 32,

34, 37, 79, 93, 106.

Environnementaux : cf. Accords

multilatéraux environnementaux.

Exportations :

- En général : 153, 202, 243.

- Pays développés : 49, 62, 70,

232.

- Pays en développement : 55, 71,

73, 154.

- Réexportations : 3, 193ss.

- Suisse : 86, 87, 93, 97, 103, 105,

177, 186, 208, 210, 216, 217, 222,

225, 228, 229, 231, 232, 234, 236,

248.

- UE : 50, 57, 61, 64, 65, 66, 70,

105, 227.

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Index alphabétique

303

F

Fiscalité: 45, 82, 107, 117s, 193,

245.

G

GATT: 6, 14, 19s, 33s, 48, 64, 70,

76, 81ss, 84, 91, 96, 107, 112, 113,

127ss, 145, 147, 152ss, 162, 163,

173, 199, 202.

Globalisation: 2, 7ss, 12ss, 40ss, 47,

50, 53, 54, 62, 77, 121.

H

Harmonisés :

- Produits harmonisés : 155ss,

161ss.

- Produits non harmonisés : 158ss,

171ss.

I

Importations :

- de la Suisse : 1, 86, 89, 103, 105,

125, 142, 171s, 186, 205, 208s, 220s,

229,

231, 232, 233.

- de l’UE : 57, 59, 61, 64, 70, 72,

75.

- parallèles : 3, 140, 144, 195ss.

L

Libre-échange :

- Accord(s) de libre-échange: 2,

19s, 61, 63ss, 81ss, 95s, 105s, 139s,

147s, 193, 203, 208, 220s, 228, 229,

246.

- Accord de libre-échange de 1972

entre la Suisse et la CEE : 1, 2, 3,

105ss, 209, 213, 225, 243, 246.

- Notion : 6, 14, 27, 31, 48, 72, 81,

83, 85, 86, 87, 90, 97, 98, 210, 213,

216, 220s, 245.

- Zone de libre-échange : 2, 19s,

36, 38, 63ss, 81ss, 86ss, 127, 135.

M

Mondialisation : 7ss, 12ss, 48ss, 59,

60, 65, 85, 235, 248.

Multilatérale/Multilatéralisme : 14,

18, 20, 29, 36, 37, 51, 54, 64ss, 74,

81ss, 89, 152ss, 182ss, 231, 245,

248.

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Index alphabétique

304

N

Non harmonisés : cf. harmonisés.

O

Obstacles :

- au commerce : 12, 15, 61, 85, 88,

107, 126, 150, 160, 165, 169, 173,

190, 209, 220, 228, 229.

- techniques au commerce : 3, 38,

76, 87, 88, 91, 95, 103, 106, 107,

109, 141, 152ss, 158, 162, 163, 166,

168, 171, 175, 209, 210.

OMC: 2, 3, 6, 7s, 19s, 33s, 48s, 57s,

64ss, 67ss, 79, 81, 86, 96, 97, 98,

127ss, 145, 147, 152ss, 161, 173,

175, 177, 194, 199, 202, 203s, 212,

214, 217, 220, 231, 246.

P

Politique commerciale commune:

1, 57ss, 63s, 89, 93.

Produits :

- agricoles : 2, 3, 39, 103, 107,

108, 110, 111ss, 136, 143, 166, 185,

195, 200, 203ss, 208ss, 237, 246.

- agricoles transformés : 2,3 100,

103, 107, 108, 111, 195, 225ss, 237,

246.

- industriels: 2, 3, 65, 66, 67, 70,

89, 92, 100, 103, 105ss, 108ss, 112,

157, 168, 169, 188, 190, 195, 209,

225, 228, 237, 246.

Protectionnisme : 26, 35, 51, 54, 65,

85, 87, 206, 207, 223.

R

Réexportations : cf. exportations.

Régionalisme économique : 19ss,

53, 55, 85.

S

Sécurité :

- Mesures douanières de sécurité :

3, 113, 132, 182ss.

- Sécurité du commerce, des

marchandises, des consommateurs:

9, 43, 63, 155, 157, 160, 170, 172,

174, 180, 208, 218, 219, 222.

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Index alphabétique

305

Transformés : cf. produits agricoles

transformés.

U

Universalisme : 2, 81ss, 88, 90, 176.

Z

Zone de libre-échange : cf. libre-

échange.

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307

Table des matières

SOMMAIRE ...................................................................... VII

LISTE DES ABREVIATIONS........................................... XI

INTRODUCTION ................................................................. 1

Partie I La place de l’UE et de la Suisse dans le commerce mondial des marchandises ................... 5

Chapitre 1 Le tableau général des relations économiques internationales : le commerce mondial des marchandises à la lumière des défis majeurs actuels .............................................................................. 5

Section A La globalisation : ange ou démon ............................................ 7

Section B Le changement climatique et le développement durable : éviter le pire ............................................................................ 12

Section C La prolifération des structures commerciales bilatérales ou régionales ................................................................................ 19

Section D L’émergence des nouveaux acteurs majeurs dans l’économie mondiale ............................................................... 33

Section E La reformulation du rôle de l’Etat........................................... 40

Section F Le danger terroriste ................................................................. 43

Section G Synthèse .................................................................................. 48

Chapitre 2 La politique de l’UE dans le commerce mondial des marchandises .......................................................... 57

Section A Le commerce des marchandises au sein de la politique commerciale commune de l’UE ............................................. 57

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Table des matières

308

Section B La politique globale de l’UE dans le Cycle de Doha et les implications pour sa stratégie visant les échanges des marchandises ........................................................................... 63

a. Garantir la primauté du multilatéralisme ................................. 64

b. Rassembler l’ensemble des Etats dans le système commercial mondial ............................................................... 67

c. Elargir les champs de la régulation mondiale .......................... 76

Chapitre 3 Quelle est la place de la Suisse? ................................. 81

Section A L’universalisme et le multilatéralisme dans la participation à l’OMC, le pragmatisme dans les rapports avec Bruxelles ... 81

Section B La participation à l’AELE : la conclusion des accords de libre échange ........................................................................... 86

Section C L’Alleingang : la voie impossible ......................................... 101

Partie II Le commerce des marchandises entre l’UE et la Suisse .............................................................. 105

Chapitre 1 Les produits industriels ............................................. 105

Section A L’Accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et la CEE ....................................................................................... 105

a. L’historique ....................................................................................... 105

b. L’analyse ........................................................................................... 107

1. Le préambule et les objectifs ........................................................... 107

2. Le libre-échange des produits industriels ........................................ 108

3. L’inapplicabilité de l’Accord de 1972 pour les produits agricoles . 111

4. Les mesures d’accompagnement ..................................................... 112

4.1. Les généralités .................................................................. 112

4.2. La concurrence ................................................................. 114

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Table des matières

309

4.2.1. Le contenu .......................................................... 114

4.2.2. La question des régimes fiscaux ........................ 116

4. 3. Les mesures de sauvegarde .............................................. 124

4.3.1. L’analyse de l’art. 27 ALE ................................ 124

4.3.2. La comparaison avec le régime OMC en matière ......................................................................... 127

5. La procédure et les dispositions finales ........................................... 130

5.1. Le comité mixte : organe de gestion contrôlant, à travers une clause de règlement diplomatique, la bonne mise en œuvre de l’Accord de 1972 ................................. 130

5.2. Les dispositions finales ..................................................... 132

6. Les déclarations ............................................................................... 133

7. Les accords additionnels avec le Liechtenstein ............................... 134

c. La portée ............................................................................................ 135

d. L’interprétation de l’ALE 1972 par la jurisprudence ....................... 137

1. le TF................................................................................................. 137

2. la CJCE ............................................................................................ 146

Section B La mise en œuvre du régime découlant de l’ALE 1972 dans le commerce bilatéral des marchandises ...................... 152

a. Les considérations générales et cadre juridique multilatéral : l’Accord OMC sur les obstacles techniques au commerce ............... 152

b. Dans l’UE .......................................................................................... 155

1. Les produits harmonisés .................................................................. 155

2. Les produits non harmonisés : jurisprudence Cassis de Dijon ........ 158

c. En Suisse ........................................................................................... 161

1. Les produits harmonisés .................................................................. 161

1.1. LETC et LMI .................................................................... 161

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Table des matières

310

1.2. L’Accord de reconnaissance mutuelle de 1999 ................ 165

2. Les produits non harmonisés : l’adoption unilatérale de la jurisprudence Cassis de Dijon ......................................................... 171

Section C Les instruments juridiques liés au commerce bilatéral des marchandises ......................................................................... 182

a. L’Accord de 2009 entre la Suisse et la CEE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité ..................................... 182

b. Le règlement REACH ....................................................................... 188

Section D Les cas particuliers liés au commerce bilatéral des marchandises ......................................................................... 193

a. Le conflit sur les réexportations ........................................................ 193

b. Les importations parallèles ............................................................... 195

Chapitre 2 Les produits agricoles ................................................ 203

Section A L’agriculture suisse dans le contexte européen et mondial .. 203

Section B L’Accord agricole de 1999 ................................................... 208

Section C La perspective d’un ALEA entre la Suisse et l’UE .............. 220

Chapitre 3 Les produits agricoles transformés .......................... 225

CONCLUSION GENERALE ........................................... 231

BIBLIOGRAPHIE ............................................................ 249

TABLES DES ARRETS CITES ....................................... 297

INDEX ALPHABETIQUE ............................................... 301

TABLE DES MATIERES ................................................. 307