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DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes. 1 LE FUTUR DANS LES LANGUES ANCIENNES : TEMPS, ASPECT, MODALITÉ ? Anna ORLANDINI & Paolo POCCETTI Alma Mater Studiorum Université de Bologne- Université de Rome 2 [email protected] [email protected] Résumé Nous montrerons que la définition de futur comme un opérateur TAM (temps-aspect-modalités) s’adapte tout particulièrement aux langues anciennes, notamment au latin et au grec. D’un point de vue morphologique, en latin, le futur partage des formes avec le subjonctif, en accord avec la relation stricte entre le subjonctif et le futur que la grammaire comparée montre dans plusieurs langues. Du point de vue de l’analyse sémantique, le futur est non vérifiable, non véri-conditionnel, il exprime une prédication ouverte vers des mondes possibles, mais envisagée d’une manière différente selon les modes auxquels ce temps est associé, qui sont tout à fait significatifs pour reconnaître les nuances sémantiques véhiculées. La gamme des valeurs sémantico- pragmatiques que le futur peut revêtir est ainsi très vaste : elle s’étend d’une réalisation jugée comme probable ou presque certaine, à l’indicatif, alors qu’elle véhicule une nuance de possibilité dans les emplois potentiels, jusqu’à exprimer la valeur d’éloignement, et parfois d’atténuation dans certains emplois du futur II et au mode impératif. Ce mode au futur se prête ainsi à des fonctions pragmatiques très différentes entre elles, exprimant d’une part l’injonction dans les textes de loi et véhiculant de l’autre une nuance d’atténuation avec, souvent, des effets de politesse. Au participe, le futur est lié à d’autres modalités (intention, volonté, destin, etc.). En ce qui concerne l’aspect temporel, le rôle du locuteur semblerait différemment impliqué dans le futur du passé et dans le futur simple. INTRODUCTION Il n’est pas facile de définir les traits spécifiques qui caractérisent l’emploi du futur dans les langues qui le possèdent en tant que catégorie grammaticale autonome. Comme il est reconnu, le futur est un véritable opérateur TAM (temps-aspect-modalités). Une caractéristique semble universelle : le futur est non vérifiable du point de vue véri-conditionnel, il exprime une prédication ouverte vers des mondes possibles, mais envisagée d’une manière différente selon les modes auxquels ce temps est associé, qui véhiculent des nuances

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  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    1

    LE FUTUR DANS LES LANGUES

    ANCIENNES : TEMPS, ASPECT, MODALIT ?

    Anna ORLANDINI & Paolo POCCETTI Alma Mater Studiorum Universit de Bologne- Universit de Rome 2

    [email protected] [email protected]

    Rsum

    Nous montrerons que la dfinition de futur comme un oprateur TAM (temps-aspect-modalits) sadapte tout particulirement aux langues

    anciennes, notamment au latin et au grec. Dun point de vue morphologique, en latin, le futur partage des formes avec

    le subjonctif, en accord avec la relation stricte entre le subjonctif et le futur

    que la grammaire compare montre dans plusieurs langues. Du point de vue de lanalyse smantique, le futur est non vrifiable, non

    vri-conditionnel, il exprime une prdication ouverte vers des mondes possibles, mais envisage dune manire diffrente selon les modes auxquels

    ce temps est associ, qui sont tout fait significatifs pour reconnatre les nuances smantiques vhicules. La gamme des valeurs smantico-

    pragmatiques que le futur peut revtir est ainsi trs vaste : elle stend dune ralisation juge comme probable ou presque certaine, lindicatif, alors

    quelle vhicule une nuance de possibilit dans les emplois potentiels, jusqu exprimer la valeur dloignement, et parfois dattnuation dans certains

    emplois du futur II et au mode impratif. Ce mode au futur se prte ainsi des fonctions pragmatiques trs diffrentes entre elles, exprimant dune part

    linjonction dans les textes de loi et vhiculant de lautre une nuance dattnuation avec, souvent, des effets de politesse. Au participe, le futur est

    li dautres modalits (intention, volont, destin, etc.).

    En ce qui concerne laspect temporel, le rle du locuteur semblerait diffremment impliqu dans le futur du pass et dans le futur simple.

    INTRODUCTION

    Il nest pas facile de dfinir les traits spcifiques qui caractrisent lemploi

    du futur dans les langues qui le possdent en tant que catgorie grammaticale

    autonome. Comme il est reconnu, le futur est un vritable oprateur TAM (temps-aspect-modalits). Une caractristique semble universelle : le futur est

    non vrifiable du point de vue vri-conditionnel, il exprime une prdication ouverte vers des mondes possibles, mais envisage dune manire diffrente

    selon les modes auxquels ce temps est associ, qui vhiculent des nuances

    mailto:[email protected]:[email protected]

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    smantiques diffrencies. De cette manire, la gamme des valeurs que le

    futur peut revtir est trs vaste : il peut exprimer une prdication dont la ralisation est juge comme probable ou presque certaine, lindicatif, une

    nuance de possibilit dans les emplois potentiels, jusqu la valeur

    dloignement, et parfois dattnuation dans certains emplois du futur II et au mode impratif. Dautre part, le futur peut neutraliser certaines oppositions

    modales et aspectuelles, comme il arrive, par exemple, en grec ancien. En ce qui concerne les valeurs modales, les expressions du futur de

    lindicatif sont gnralement polysmiques entre lexpression de limminence, lintention (la modalit boulique ), la prdestination (la modalit

    althique ), la simple destination, le futur rhtorique dindignation (la modalisation exclamative)1, etc. En outre, ce temps se caractrise par des

    connotations illocutoires opposes : dune part, il est troitement li au regard du locuteur par lexpression dun jugement de probabilit , dun

    engagement personnel, dun souhait et, de lautre, il peut marquer une volont dloignement, de non engagement . Ces valeurs peuvent se manifester

    dans la mme classe morphologique (par ex. le mode indicatif) ou bien se distribuer travers des catgories grammaticales diffrentes (par ex.

    limpratif, le participe, dans les langues qui les possdent). Des fonctions

    diffrentes sont vhicules par les expressions synthtiques par rapport aux expressions analytiques ou priphrastiques dans les langues qui possdent

    les deux, telles que en franais je ferai ~ je vais faire. Les langues anciennes prsentent aussi des structures synthtiques et analytiques pour lexpression

    du futur avec des nuances demploi qui ne sont pas totalement superposables entre elles, comme lon voit, par ex., de la figure 1 :

    Figure 1.

    Formes synthtiques

    Formes analytiques

    Latin faciam facturus sum

    Grec

    Sanskrit karisymi kartsmi (

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    shall saccompagne de la 1re personne, alors que will est employ avec les

    2me et 3me. La mme distinction se constate dans les personnes du pluriel. Mais, au

    del de la rgle grammaticale, langlais manifeste une tendance substituer

    will shall, ce qui sinscrit dans une tendance plus gnralise des langues la grammaticalisation du verbe vouloir pour le paradigme entier du futur,

    comme en grec moderne et dans dautres langues balkaniques. lorigine de shall et de will se trouvent deux verbes modaux diffrents

    communs aux langues germaniques, respectivement devoir (ex. Goth. skulan) et vouloir (ex. Goth. wiljan). De la mme manire, parfois, dans des

    tournures pour exprimer le futur, en allemand, lon oppose sollen qui marque la 1re personne willen des autres personnes. Cest, donc, lexpression

    dontique qui se relie la Ire personne, alors que les autres sont marques par le verbe exprimant la modalit boulique, la volition. Selon Bybee et al.

    (1994 : 178), la volition est une "agent-oriented modality". Cette fonction est commune aussi au futur des langues romanes (cf. S. Fleischman 1982).

    Dun point de vue morphologique, le futur, mme lintrieur dune mme langue, est une catgorie instable, assujettie plusieurs moyens dexpression

    et des renouvellements dans la diachronie : lancien futur latin sest perdu

    dans les langues romanes, en parallle ce qui arrive en grec moderne par rapport au grec ancien. En ce qui concerne les langues indo-europennes, on

    ne peut pas reconstruire un paradigme de futur unitaire, mais des tendances et des convergences communes sont reconnaissables. Dune part, lon trouve

    le dveloppement dexpressions priphrastiques ( lorigine secondaires), le plus souvent ralises par des verbes modaux, les verbes tre et avoir, les

    verbes aller et penser accompagns dune forme nominale du verbe (participe, infinitif) ou dun nom dagent (par ex. en sanskrit). De lautre, les

    formes synthtiques partagent des morphmes communs au subjonctif et au dsidratif. Il y a aussi des langues indo-europennes, comme lhittite, o ni le

    futur, ni le subjonctif/optatif en tant que paradigmes autonomes ne sont attests. Ce panorama a donn lieu des hypothses trs varies sur le

    rapport entre temps et modes dans le systme verbal originaire des langues indo-europennes, dont le pivot a t la relation entre subjonctif/optatif et

    futur. Cest ainsi que, dun cot, on a conu les deux modes lorigine du

    paradigme du temps futur et, de lautre, inversement, le futur en tant que systme temporel a t envisag lorigine du systme modal reprsent par

    le subjonctif et loptatif2. Ce qui est certain, cest que partout le futur sest dvelopp partir de lopposition entre le systme du prsent et du pass de

    lindicatif. Sur ce noyau fondamental ont t bties des formations diffrentes composant les paradigmes du futur dans les langues anciennes, par ex. le

    futur du pass (fut. II) du latin, issu du thme du perfectum, et le futur passif du grec qui partage le systme de laoriste passif.

    Le latin et le grec gardent les vestiges de ce systme complexe en diachronie et en synchronie.

    2 Cette thse a t formule par HAHN (1953), se basant sur le systme du hittite.

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    Le paradigme du futur latin classique partage les formes du subjonctif

    voyelle longue (type faciam), mais en latin plus ancien on trouve des formes sigmatiques (type faxo chez Plaute), issues dun subjonctif de laoriste, qui a

    produit aussi des subjonctifs (type faxim au lieu de faciam). La proximit du

    type faxo avec des formations morphme dsidratif du type facesso, capesso, viso cot de facio, capio, video est tout fait vidente. De la mme

    manire, dans les dialectes du grec ancien, on trouve deux morphmes de futur respectivement du subjonctif aoriste (, du type < ) et du dsidratif

    (/o du type < ). La question qui demeure ouverte dans les deux

    langues est de savoir si lorigine de cette diffrente origine morphologique se

    trouve une distinction temporelle ou aspectuelle (si laction doit tre envisage

    comme dj ralise ou raliser). Dautre part, chez Plaute, la mme forme de futur faxo se rencontre avec des valeurs diffrentes dans les phrases

    subordonnes et dans les propositions principales3: dans les premires, elle figure en concurrence avec le futur II (= fecero), dans les autres, en

    concurrence avec le futur I (=faciam), comme le montrent les passages suivants :

    (1a) CLE. Nam neque Bellona mihi umquam neque Mars creduat ni illum

    exanimalem faxo, si convenero, niue exheredem fecero vitae suae (Plaut. Bacch. 848-850)

    Que ni Bellone, ni Mars, dsormais, ne me croient, si je ne lui arrache lme, ds que je laurai rencontr, si je ne le dpouille de sa vie !

    (1b) MED. Elleborum potabis faxo aliquos viginti dies. MEN.I At ego te pendentem fodiam stimulis triginta dies (Plaut. Men. 950-951)

    LE MD. Je te ferai boire de lellbore pendant environ vingt jours. MEN.I Et

    moi je te ferai pendre et te larderai coups daiguillon pendant trente !

    En latin, la concidence morphologique du futur des verbes primaires (3me et 4me conjugaisons) avec les dsinences du subjonctif se ralise dune manire

    inverse dans le futur du prsent (futur I) par rapport au futur du pass (futur II). Notamment, au futur du prsent (futur I) des verbes primaires (3me et

    4me conjugaison), la concidence morphologique avec le subjonctif naffecte que la Ire personne (ex. dicam, audiam), tandis quau futur du pass, la

    concidence exclut la Ire personne (ex. fecero ~ fecerim). Donc le rle du locuteur semblerait tre mis en cause dune manire diffrente dans le futur du

    pass et dans le futur simple du latin. Le grec ne distingue pas entre la premire personne et les autres comme

    le latin et l'anglais, mais il opre une distinction selon la diathse : plusieurs verbes grecs prsentent au futur de l'indicatif seulement la diathse moyenne

    (par ex. : fut. ; /: fut. ; : fut.

    ; fut. ; : fut. ), tandis que dans

    d'autres temps ils possdent aussi la diathse active. Il est bien connu qu'une

    proprit du moyen est celle d'exprimer une action dont le sujet assure, en mme temps, le rle d'Agent et de Patient. La valeur agentive lie la

    diathse moyenne reprsenterait ainsi le chanon intermdiaire entre la valeur

    3 Cf. DE MELO (2007 : 171 sq).

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    dontique d'obligation et la valeur temporelle dans le dveloppement du futur

    roman. Au futur, le grec ancien pour exprimer les diffrences daspect de laction,

    possde un nombre de variantes bien plus lev que les autres temps. Ces

    variantes ne sinsrent pas dans un paradigme fixe et valable pour tous les verbes, mais elles sont propres la fonction smantique de chaque racine

    verbale, quon peut rsumer de la manire suivante :

    Figure 2. Par rapport la racine verbale

    Futur form travers

    des degrs divers de la

    mme racine

    Futur form par des

    racines diverses

    Prsent employ aussi

    en fonction de futur

    Futur sans marque

    morphologique

    apparente

    avoir : et

    dire : et

    aller : signifie

    je vais et jirais

    aller : signifie

    je vais et jirais

    aller : signifie

    je vais et jirais

    aller : signifie

    je vais et jirais

    aller :

    signifie je vais et

    jirai

    manger :

    je mangerai

    Figure 3.

    Par rapport la diathse

    Moyen avec valeur

    active

    Moyen avec valeur

    active et /ou passive

    Passif distinct du

    moyen

    couter

    jcouterai

    connatre je

    serai connu

    ignorer

    jignorerai ; je

    serais ignor

    1. DE LA RELATION ENTRE LE PRSENT DU SUBJONCTIF ET LE FUTUR DE LINDICATIF : LE PARAMTRE [+/- DFINI]

    En latin, lexception dune forme priphrastique urus sim, -urus essem, atteste chez les grammairiens, mais quasiment ignore des auteurs latins

    dpoque classique, le futur nexiste pas dans le mode subjonctif, alors quil est prsent dans presque tous les autres modes : lindicatif, limpratif,

    linfinitif, et au participe. En ce qui concerne le grec, le futur est aussi prsent dans tous les modes

    lexception du subjonctif. Le subjonctif prsent exprime lui seul lide dune ralisation venir, dans

    les propositions compltives ainsi que dans les finales :

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    (2a) Metuo ne sero ueniam (Plaut. Men. 989)

    Je crains que je narrive tard (au prsent en franais, mais au futur en it. : Temo che arriver tardi)

    On pourrait expliquer la relation entre le prsent (subjonctif) et le futur

    (indicatif), en posant que le subjonctif prsent exprime dj, lui seul, lide de possibilits venir. En latin le subjonctif peut remplacer le futur souvent

    aussi dans des propositions indpendantes, par ex. :

    (2b) Quid ergo est ? Aliqua die te persuadeam, ut ad uillam venias et uideas casulas nostras (Petron. 46)

    Et puis aprs ? Je te dciderai bien un jour venir jusqu ma ferme voir

    mes bicoques.

    Toutefois, en gnral, une diffrence peut tre tablie entre les deux : le subjonctif prsente plusieurs possibilits ouvertes, et, pour cela, lon pourrait

    le connoter du trait [- dfini]. Alors que lindicatif futur, plus proche de ltat des choses du monde objectif, prsente de faon exclusive une seule possibilit

    qui se ralisera avec une marge de doute plus restreint. Pour cette raison, lon pourrait attribuer lindicatif futur le trait [+ dfini]4.

    Cependant, comme nous le disions, le futur peut aussi vhiculer lexpression de plusieurs attitudes du locuteur. Il existe, en effet, des cas particuliers de

    superposition presque totale entre lindicatif futur et le subjonctif prsent. Par exemple, dans la protase du systme hypothtique de lobjectivit, lindicatif

    futur exprime un jugement pistmique de possibilit ventuelle, plutt quune assertion de probabilit ou de certitude ; ce qui entrane la concurrence

    avec le systme hypothtique du potentiel:

    (3) Si patriam prodere conabitur pater, silebitne filius ? (Cic. off. 3, 90)

    Si le pre essaie de trahir la patrie, le fils se taira-t-il ?

    Dailleurs, la place mme du subjonctif potentiel, on trouve lindicatif futur dans les formules : dicet aliquis ( quelquun dira / pourrait dire ) ; quaeret

    fortasse quispiam ( quelquun demandera /pourrait demander ). Le potentiel englobe ainsi le trait [+ dfini] qui appartient au futur et le futur de son ct

    semble ouvrir une possibilit plus ventuelle, moins exclusive. Toutefois, comme le signale S. Nez (1991 : 230), une diffrence entre le

    potentiel et le futur de lindicatif peut tre saisie par rapport lemploi des adverbes pistmiques de certitude certe, profecto, ou de probabilit :

    fortasse, forsitan. Le futur de lindicatif est compatible avec tous ces adverbes :

    (4a) Sed profecto hoc sic erit (Plaut. Pseud.677) Mais certainement les choses se passeront ainsi

    4 Nous adaptons au latin une hypothse formule par A.M. CAMUSSI-NI (2009 : 25) pour le

    franais moderne. Lauteur explique ainsi le futur comme la combinaison des smes

    potentiel et dfini alors que le conditionnel serait la combinaison des smes potentiel et

    non-dfini .

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    (4b) Hoc uidebitur fortasse cuipiam durius (Cic. off. 1,7,23)

    quelqu'un cela semblera probablement trop dur

    Le potentiel en revanche est compatible seulement avec les expressions de la

    probabilit et non de la certitude :

    (5a) forsitan nos reiciat (Ter. Phorm.717) Il pourrait bien nous dbouter

    (5b) fortasse haec tu nunc mihi non credas (Plaut. Pseud. 888) Peut-tre ne crois-tu pas ce que je te dis ?

    Comme le dit Robert Martin (1983 :131) : Le futur, quoique li par nature

    au possible, au virtuel, lincertain, est soutenu dun mouvement de pense qui, prenant son dpart au possible, lachemine vers la certitude. Les saisies

    prcoces sur ce mouvement fournissent les emplois modaux, les saisies tardives, les emplois temporels .

    En grec, le futur peut alterner avec loptatif ou avec le subjonctif dans toutes les valeurs caractrisant ces modes, par ex.

    - avec le subjonctif dlibratif :

    (6) (Eur., Ion. 758)

    Parlons-nous ou gardons-nous le silence ou quoi dautre ?

    -avec le subjonctif ventuel : (7) (Od. 16, 437 sq.)

    Ce nest pas cet homme, ni jamais il y aura ou pourra natre celui qui ...

    -en fonction de subjonctif exhortatif ou dimpratif : (8) , (Plat., Prot. 338a)

    Vous ferez donc ainsi, coutez-moi bien (9) (Matth. 5, 43)

    Tu aimeras ton prochain

    La superposition avec le subjonctif et loptatif est manifeste par la

    prsence de la particule qui normalement saccompagne de ces deux

    modes : (10)

    (Philem. Frg.91 Kock) Jamais personne ne le fait ni pourrait le faire, ni aurait pu le faire en

    cachette.

    En outre, le futur se prsente dans les systmes hypothtiques la place du subjonctif,

    tantt dans la protase:

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    (11a) , (Soph., Ant. 93)

    Si tu dis cela, je te dtesterai.

    tantt dans lapodose :

    (11b) ... ...

    (Thuc. II, 80,1)

    disant que ... il serait ais, une fois en possession de lAcarnanie, de sassurer galement Zacynthe.

    Significativement, il nexiste pas un futur de lirrel. En effet, le futur ouvre vers un monde possible, bien que li au monde actuel, ce quen revanche

    lirrel ferme : les hypothses sont ainsi juges comme non ralises dans le prsent ou contrefactuelles dans le pass par rapport au monde actuel. La

    forme en turus, a, um saccompagne typiquement de linfinitif pass fuisse qui

    signale le blocage de toute ouverture possible :

    (12) Num censes his nuntiis quemquam physicum crediturum fuisse ? (Cic. diu. 2,58)

    Penses-tu quun homme de science aurait cru ces nouvelles ?

    En alternative, lon pourrait avoir la forme modale potuisse + linfinitif prsent. Dans ce cas aussi, le temps pass de potuisse bloque toutes les issues

    possibles. En revanche, dans les temps du prsent, ce sont prcisment les

    expressions modales avec possum, uolo, debeo ou la construction priphrastique passive (le type : Scio tibi hoc esse faciendum5) qui peuvent

    remplacer le futur :

    (13) Sunt qui putant te posse non decedere (Cic. Fam. 1,9,25)

    Certains pensent que tu pourras ne pas quitter la province

    Toutefois, malgr le rapprochement possible entre les tournures priphrastiques avec les modaux posse, uelle, debere et le futur, nous

    croyons, suivant en cela H. Pinkster (1985 et 1989), que ces tournures nannoncent pas les dveloppements romans et ne fonctionnent pas comme

    des auxiliaires du futur.

    2. NUANCES ASPECTUELLES.

    2.1. De la relation entre le futur priphrastique (participe futur -turus, -a,-um) et le futur simple de lindicatif : le conditionnement actuel6

    5 Ce nest qu partir de Tite Live que ladjectif verbal se trouve parfois en union avec fore :

    Non id Corneliae magis familiae quam urbi Romanae fore erubescendum (38, 59, 11)

    De cela les Cornelii ne devront rougir pas plus que la ville de Rome .

    6 Ce terme est emprunt A. SCHROTT (2001 : 161).

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    Un autre paramtre, celui du conditionnement actuel, nous permettra de distinguer, dun point de vue smantique, entre le futur priphrastique ralis

    par le participe futur en turus,-a,-um et le futur simple de lindicatif.

    Le futur priphrastique, tout comme le futur compositionnel du franais moderne7, est ancr dans la situation dnonciation par des indices que le

    futur simple ne possde pas. Pour cela, il se connote comme porteur dune ralisation plus proche du moment de lnonciation, voire immdiate, et donc

    plus certaine que le futur simple, plus incertain, dont la ralisation pourrait mme sembler parfois douteuse, parce que ce temps, sans ancrages

    dictiques, est coup de la situation dinterlocution. Ce procd se constate dans dautres langues anciennes qui prsentent le futur priphrastiques cot

    du futur synthtique, comme le sanskrit, o le futur priphrastique est souvent prcis par un lment dictique (ex. : demain) ou par une date.

    La prdication exprime par cette tournure est ainsi conditionne par la situation d'nonciation. Ce trait oppose la tournure priphrastique avec

    l'adjectif verbal en -urus + sum au futur simple8. Selon TRAINA-BERTOTTI (1977, II, 207) le futur priphrastique serait un futuro che muove dal

    presente, un futuro in fieri, e questo valore riconduce a unit i tre valori tradizionali, perch sia l'imminenza che l'intenzione hanno il loro punto di

    partenza nel presente, mentre la predestinazione riguarda ci che, in quanto inevitabile, gi scritto nel presente. Il futuro, invece, colloca il processo

    verbale in un tempo avvenire pi o meno lontano, ma senza rapporto con il presente : c' uno spazio vuoto, sia pur breve, tra i due termini che nella perifrastica attiva sono congiunti.

    De la mme manire, la tournure grecque + infinitif prend comme

    point de rfrence le moment de lnonciation, comme la soulign L. Basset9. Par l, lexpression avec dveloppe des valeurs qui portent sur

    lintention, lattente, linfrence. Rappelons ce propos que O. Szemernyi10 a ramen une racine verbale indiquant aller, ce qui le met en parallle

    avec des tournures dveloppes par dautres langues (par ex. le franais et

    langlais moderne). Par ailleurs, le grec ancien connat aussi une autre

    7 Cf. M.A. CAMUSSI-NI (2009 : 4).

    8 En ce qui concerne le latin archaque, l'ancrage avec le prsent a t envisag pour la premire fois par H. SJOEGREN (1906 : 227), repris ensuite par J. MAROUZEAU (1910 : 111 sq.),

    alors que W.M. LINDSAY (1988=1907 : 59), C.E. BENNET (1966=1910) y voient un pur futur.

    Toutefois, en latin tardif, cette tournure pourra exprimer aussi la valeur d'un futur simple :

    erunt credituri (Vet. Lat. I Cor. 14,21 ap. Filastr. 138,6) (mais Vulg. exaudient); quod

    numquam ero facturus (= faciam) (Greg. Tur. Hist. Franc. 8,1). J. HERMAN (1996 : 65) a

    prouv que les manuscrits de certains documents prsentent tantt le futur simple, tantt le

    futur priphrastique, sans aucune diffrence smantique. D'avis contraire, M. KOOREMAN

    (1996 : 329), s'appuyant sur les translations des textes bibliques, reconnat qu'il existe encore

    une diffrence en latin tardif entre ces deux expressions du futur. 9 Cf. BASSET (1979: 205 sq.)

    10 Cf. SZEMERNYI (1951: 346 sq.)

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    10

    tournure avec le verbe de mouvement aller suivi du participe pour

    exprimer le futur immdiat, strictement li au moment de lnonciation,

    comme, par exemple, dans le passage suivant : (14) (Hdt. 2, 25,1)

    Je vais continuer mon discours sur lEgypte

    Le conditionnement actuel exprime une nuance aspectuelle (limminence) qui peut tre indique en voquant le point de rfrence (referent point).

    Dans le futur priphrastique, le referent point est rapport au moment d'nonciation. Un rapprochement est possible avec le marqueur aspectuel anglais be + -ing11, un 'futur as a matter of course12 signalant quelque

    chose de normal ou d'attendu. Selon les schmas emprunts Reichenbach (1947), lon dcrira le futur

    priphrastique selon la Figure 4. et le futur simple selon la Figure 5., o S= speech point (moment dnonciation), R = referent point (moment

    de rfrence), E = event point (vnement) ; la virgule joint deux points

    concidents, alors que le tiret signale une sparation temporelle :

    Figure 4. Futur priphrastique Figure 5. Futur simple

    S,R E S R,E

    En exemple dun passage o le futur simple serait problmatique, et o le futur priphrastique exprime la pure nuance aspectuelle de limminence, nous

    proposons le passage suivant :

    (15) stabat percussuro similis [...] Vel stupens gestum illum saeuituri (Sen. dial. 5,12,5-6)

    Il resta dans l'attitude d'un homme qui va frapper [...] Comme fig sur place, il conservait le geste de l'homme qui va svir

    Ce passage montre aussi que limminence est une proprit aspectuelle plutt que purement temporelle ; en effet, percussurus mme rapport au temps du

    pass de la description (stabat) signale simplement ce qui a dj commenc dans le temps en question et qui virtuellement devrait se produire dans ce qui

    le suivra immdiatement. Dans ce cas, qui est aussi iconographique, lvnement demeure suspendu et aucune squence temporelle ne le ralisera

    effectivement.

    2. 2. Le futur du pass : laspect rsultatif

    Une spcificit de la langue latine est de reprsenter le procs verbal comme dj ralis grce des formes non-dictiques du pass. Pensons, par 11. Cf. E. GILBERT (2001 : 131).

    12. Cf. R. QUIRK et al. (1985 : 216).

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    11

    ex., la construction typiquement latine des uerba uoluntatis + participe pass

    passif, du type omnes uos conuentos uolo (Ter. Heaut. 20)13. Le futur du pass (ou le futur second) prsente la mme nuance aspectuelle de

    visualisation rsultative de la prdication. Cela permet de distinguer laspect

    duratif (futur simple) de laspect rsultatif (futur du pass) :

    (16) Nusquam facilius hanc miserrimam uitam uel sustentabo uel abiecero (Cic. Att.13,19,1)

    Dans aucun autre lieu il ne me sera plus facile ou de traner cette vie minable ou de ljecter loin de moi.

    La possibilit de suggrer un aspect rsultatif peut aussi permettre un

    engagement du locuteur pour une ralisation rapide et sre :

    (17)Deus sum, commutauero (Plaut. Amph. 53) Je suis un dieu, aussitt dit je ferai le changement

    La visualisation rsultative fait appel directement au locuteur. Dans le cas

    de la construction des uerba uoluntatis avec le participe pass, le signal vient explicitement du verbe de volont, dans le cas du futur II, la marque est dans

    la premire personne. Ce nest pas un hasard si, comme nous le remarquions auparavant, cest seulement la premire personne que le futur II se

    diffrencie du subjonctif parfait, alors que toutes les autres formes de la conjugaison sont communes.

    Dun autre ct, et comme il arrive souvent avec dautres marqueurs dintensification (pensons par ex. au fonctionnement de ladverbe uel en latin)

    pouvant aussi exprimer dautres nuances pragmatiques, par ex. lattnuation,

    le renvoi un temps du pass non-dictique permet parfois de signaler aussi la non prise en charge de la part du locuteur. Le futur II peut ainsi servir

    raliser une distanciation, manifestant lintention du locuteur de renvoyer un autre temps ou une autre personne quelque chose qui, pour linstant, ne l

    intresse gure : uidero ( on verra , it. vedremo ) uideritis ( vous verrez vous-mmes) :

    (18a) Quae fuerit causa, mox uidero ; interea hoc tenebo ( Cic. fin. 1,35)

    Quelle a t cette raison ? On le verra bientt ; en attendant je soutiendrai nergiquement ceci.

    (18b) Cur hoc fiat, uos uideritis, qui Aristotelem legitis (Varro, rust. 2,5,13) La raison de cela, cest vous de la voir, vous qui lisez Aristote.

    3. FUTUR ET MODALITS.

    13 Sur ce sujet, cf. A. ORLANDINI 1986.

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    12

    La relation entre la valeur modale et la valeur temporelle est bien troite. La

    forme de temps futur sest souvent dveloppe partir dexpressions modales antrieures14.

    Seul le contexte permet, dans la plupart des cas, de trancher entre les deux

    valeurs. Parfois la valeur modale peut prendre une telle importance quelle rejette au second plan la valeur temporelle proprement dite et aussi certaines

    valeurs aspectuelles. Dans la construction priphrastique active en turus,-a,-um, lvocation

    dune modalit lemporte sur la nuance aspectuelle dimminence, comme dans les passages que nous prsentons ici qui voquent tous des modalits. La

    conjugaison priphrastique peut ajouter l'ide neutre du futur une nuance de subjectivit, elle exprime un futur imminent, qui peut tre prsent par le

    locuteur comme intentionnel et dj sur le point de se raliser, avec parfois, l'ide de 'devoir'15. Il sagit, dans ces cas aussi, dun futur conu

    comme probable16. O. RIEMANN (1935 :243-245; 538-540) insistant sur l'analogie : scripturus sum - , envisage dans la tournure

    priphrastique la valeur de "destination".

    3.1. La modalit boulique

    La tournure priphrastique peut exprimer la volont (modalit boulique) du locuteur ou du sujet de la proposition principale. Le contexte sert exclure

    dautres interprtations, en particulier celle, la plus frquente et gnrale, selon la valeur aspectuelle dimminence. La prsence d'un quantifieur de

    dure, tel que, par ex., l'adverbe (diu), lorsqu'il s'agit d'un procs dont le dbut s'est dj ralis dans le pass-prsent, empche l'interprtation selon

    la valeur aspectuelle d'imminence ; dans le passage suivant, la nuance

    exprime est, en effet, la volont :

    (19) Quam diu haec curaturi sumus (Cic. Att. 12,11,1) Aussi longtemps que nous souhaitons nous occuper de cela

    La prsence d'un adverbe exprimant une rfrence temporelle pure, tel que,

    par ex., cras, "demain", qui par son propre smantisme vhicule dj l'ide de futur, empche aussi l'interprtation exprimant l'imminence :

    (20) CA. ille abducturus est mulierem cras (Plaut., Pseud. 82)

    Et l'autre veut emmener la fille demain

    14 Cf. S. FLEISHMANN (1982), CH. LEHMANN (1982: 27 sq.).

    15 Cf. LEUMANN-HOFMANN-SZANTYR (1965:556 sq.). En latin archaque, les nuances modales

    exprimant le 'devoir' et la probabilit taient peine bauches (cf. G. GARUTI (1954 : 22). La

    valeur radicale de 'capacit' a t signale pour la premire fois par K. VAN DER HEYDE (1935-6 :279 ss.), qui interprte l'adjectif en ro- comme vhiculant une qualit potentielle tre

    port faire quelque chose.

    16 Cf. R. KHNER et C. STEGMANN (1955:159 sq.).

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    13

    La scne de rfrence engendre par cras (un adverbe scnique, selon H.

    Nlke 2001 : 260), place la prdication dans un futur peine loign du moment d'nonciation ; la tournure priphrastique nexprimera donc pas la

    valeur aspectuelle dimminence, mais l'intention du locuteur selon la modalit

    boulique. La forme priphrastique peut, en effet, exprimer une volition du sujet de

    la phrase, un souhait, un dsir :

    (21) unus aggressurus est Hannibalem ? (Liv. 23, 9, 6)

    Un seul veut attaquer Hannibal ?

    Dans ces contextes qui sont tous agentifs17, la tournure priphrastique exprime une ide de dcision, de dtermination agir (vouloir faire quelque

    chose) :

    (22a) CO. Non estis cenaturi ? (Plaut. Merc. 750) Vous ne voulez pas dner ?

    R.B. Steele (1913 : 457) rapproche cet emploi de la construction anglaise going to, ayant le sens d'un futur qui est contenu ou qui a dj

    commenc dans le prsent. Selon O. Riemann (1935 : 244) : Cette

    priphrase prcde de si s'emploie d'une manire particulire en parlant d'un

    but qu'on suppose digne d'tre poursuivi et dont la poursuite doit rendre ncessaire l'action indique dans la principale :

    (22b) Me igitur ipsum ames oportet ... si ueri amici futuri sumus (Cic. fin. 2,85)

    Si nous voulons tre de vrais amis, il faut vraiment que tu m'aimes.

    3.2. La modalit pistmique

    La proprit du futur dexprimer un jugement du locuteur concernant la

    prdication nonce est partage par les langues modernes, comme le montrent le franais maintenant il sera dj la gare et litalien a

    questora sar gi arrivato . Les langues anciennes connaissent galement cette fonction du futur. Ainsi

    chez Plaute :

    (23a) TOX. Haec erit bono genere nata : nil scit nisi verum loqui (Plaut, Pers. 645)

    Elle est certainement de bonne famille, car elle ne sait pas mentir. (23b) MAEN.I Iratast, credo, nunc mihi; placabit palla quam dedi (Plaut,

    Maen. 600) 17 La volition est une agent-oriented modality , selon BYBEE et al. (1994 :178). Cette

    fonction est commune aussi au futur des langues romanes (cf. S. FLEISCHMAN 1982); selon BYBEE et al. (1994 : 263), la valeur d'intentionalit agentive ( intention ) reprsenterait le

    chanon intermdiaire entre la valeur dontique d'obligation et la valeur temporelle dans le

    dveloppement du futur roman.

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    14

    (Erotie) cette heure doit tre en colre contre moi; la mante que je lui ai

    donne lapaisera certainement.

    Parfois le verbe pouvoir au futur sert renchrir sur la valeur pistmique :

    (23c) Horunc illa nihilum quicquam facere poterit (Pl., Merc. 399) Celle-l ne saura rien faire de tout cela

    En grec, la valeur pistmique est indique par la tournure avec le verbe

    dj chez Homre :

    (24a) , ,

    (Od. 4, 199 sq.) En effet, mon frre est mort et il ntait pas le pire des Argiens, comme tu le

    sais certainement.

    Cette tournure sert exprimer une infrence videntielle tir comme consquence dune constatation ou dune condition18 :

    (24b) (Il. 21, 83)

    Je dois certainement tre odieux au Pre Zeus, qui ma confi dans tes

    mains (24c) ,

    (Od. 22, 321sq.)

    Si parmi ces gens tu te prsentes comme un devin, certainement au palais tu auras souvent pri pour que je ne rentre pas chez moi.

    En parallle au latin, en grec, le verbe pouvoir () au futur, valeur

    modale, saccompagnant de , renchrit sur la valeur pistmique :

    (24d) , ,

    (Dem. 19, 37)

    Celui-l (=Philippe) en prend la responsabilit, celui que vous, mon avis, nalliez pas pouvoir punir.

    3.3. La prdestination ou le futur contingent

    La tournure avec l'adjectif verbal en -urus admet aussi une paraphrase

    par le modal 'devoir' (auxiliaire du futur) signalant la prdestination19. Elle

    18 Fort justement E. MAGNI (1999) pense que les anciens futurs homriques des verbes actifs

    diathse moyenne expriment la modalit pistmique. Comme elle le remarque, la plupart de

    ces verbes sont, quant leur nature aspectuelle, des statifs ou des vnementiels. Par ailleurs,

    il existe en latin aussi un lien entre des anciens moyens, tel que, par exemple, uideor et la

    valeur aspectuelle stative (morphologiquement signale dans ce verbe par la voyelle -).

    19 L'ide de prdestination a t mise en lumire en particulier par . BENVENISTE (1948 : 104)

    qui rapproche la tournure priphrastique des substantifs en -tura qui partagent la mme

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    15

    exprime une dmarche fatale (selon la modalit althique). Pour cela, cette tournure est, selon H. Kronning 2001, vridicible, justiciable par son sens

    seul, d'une apprciation en termes de vrit ou de fausset. Toute paraphrase

    pistmique (par ex., par les adverbes probablement, sans doute,

    certainement, lat. fortasse, certe, profecto) est exclue, de mme que

    linterprtation aspectuelle selon limminence. La tournure n'est compatible qu'avec des prmisses convoques in absentia. La prdestination concerne le

    plus souvent la vie et la mort :

    (25a) Quoquo modo nos gesserimus, fiet tamen illud quod futurum est (Cic. diu. 2,21)

    Quelle que soit notre conduite de vie, il se produira en tout cas ce qui est destin se produire.

    Les conditions fatales de l'existence sont dj inscrites dans le pass-prsent.

    Par l'influence du participe grec, souvent le participe futur est employ sans sum :

    (25b) Accipimus peritura perituri (Sen. dial. 1, 5,7)

    Vous prir, ce sont des biens prissables que nous recevons.

    Cette caractristique se rencontre aussi dans la langue pigraphique d'une inscription funraire :

    (25c) Nunc data sum Diti longum mansura per aeuum (C.I.L. I. II2. 1732)

    Maintenant je suis l, voue Dis, destine y rester longtemps

    Le mme emploi du futur dans des contextes qui mettent en cause la vie et la mort se retrouve en grec :

    (26a) .

    , (Il. 21,110 sq.)

    Mais la mort et le destin cruel mattendent. Il y aura un jour, au matin, midi ou le soir, o quelquun marrachera la vie dans une bataille. (26b) (Il. 4,164)

    Un jour viendra o Ilion la sacre sera dtruite.

    Paralllement aux formations latines en turus sum, en grec + infinitif

    dveloppe la valeur de destination, comme dans :

    (27) (Od. 18, 19)

    Les dieux sont destins nous donner le bonheur

    nuance modale. Selon cet auteur (1977 : 95 sq.) la tournure cantare habeo qui est l'origine

    du futur roman exprime elle aussi une valeur modale de prdestination.

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    16

    Au participe, prcd de larticle , signifient un futur conu

    comme ce qui est destin arriver (et quon ne peut pas viter) en parallle

    quod futurum est de lexemple (25a).

    La destination :

    Il existe une diffrence importante entre la prdestination, qui ne dpend pas du contexte, mais de Dieu ou du destin (lquivalent du futur contingent)

    et une dmarche pragmatique (selon la modalit pistmique), lie au contexte d'nonciation. Par ex., dans la formule de salutation des gladiateurs :

    (28a) Haue imperator, morituri te salutant ! (Suet., Claud. 21,6) Salut toi, Csar, ces hommes-ci vous la mort te saluent

    Mme si la mort est annonce, imminente, elle n'est pas inluctable : certains

    d'entre eux peuvent toujours tre gracis au dernier moment. Les prmisses

    sont ici convoques in praesentia. La valeur la fois de volont et de

    destination est exprime par le participe futur moriturus dans (28b) :

    (28b) densos fertur moriturus in hostes (Verg. Aen. 2,511) Il s'avance au plus pais des ennemis pour y mourir (trad. J. Perret)

    Priam veut aller se battre, pourtant il n'est pas destin mourir parmi la foule

    des ennemis, mais devant un autel, par la main impie de Pyrrhus.

    En grec, linterprtation contextuelle de destination est souvent signale par

    une phrase conditionnelle, o la tournure de + infinitif figure dans

    lapodose :

    (29a) , (Soph. El. 379

    sq.) Il faut sattendre, si tu mets fin tes gmissements, ce quils tenvoient

    l. (29b) , (Dem. 20, 66)

    lorsquon doit sattendre, si on choue, subir aussitt un chtiment de la

    part des ennemis

    3.4. Le futur dit futurum historicum

    Dans le rcit ou dans les contes des vnements concernant le pass on peut trouver le futur, nomm par Wackernagel futurum historicum. Cet emploi

    est commun dans les langues romanes, par exemple, en franais : un vrai magasin - dira plus tard le grand Frderic ; en italien : Napoleone morir a

    SantElena il 5 maggio 1821, tandis que normalement il est vit en anglais. Parmi les langues anciennes, Wackernagel signale des exemples dans les

    langues indo-iraniennes et en latin, mais non en grec, o cet emploi du futur semble inconnu. En latin, ce futur se prsente dans des contextes semblables

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    17

    ceux quon a cits pour les langues romanes, par exemple, pour ouvrir ou pour

    conclure un rcit, ou dans une structure prsentative. Il sert souvent insrer un commentaire personnel du locuteur, en dautres termes il peut signaler, une

    fois de plus, la prise en charge du locuteur ou de lauteur du rcit. Ainsi,

    par exemple Tite-Live ouvre le livre VII :

    (30a) Annus hic erit insignis noui homini consulatu, insignis nouis duobus magistratibus, praetura et curuli aedilitate (Liv. 7,1,1)

    Cette anne se distinguera pour le consulat dun homo nouus, ainsi que pour deux nouvelles magistratures, la prture et ldilit curule

    Lors du premier combat avec Hannibal, la figure du jeune homme qui plus tard sera nomm Africanus est prsente ainsi :

    (30b) Is pauor perculit Romanos, auxitque pauorem consulis uolnus

    periculumque intercursu tum primum pubescentis filii propulsatum. Hic erit iuuenis penes quem perfecti huiusce belli laus est, Africanus ob egregiam

    uictoriam de Hannibale Poenisque appellatum (Liv. 21, 46, 8) La panique qui sempara des Romains fut augmente par le fait que le consul

    avait t bless. Mais il fut sauv par la valeur de son fils peine sorti de

    ladolescence. Celui-l sera le jeune homme qui aura le mrite de mener terme cette guerre et gagnera le surnom dAfricanus en raison de sa victoire

    glorieuse sur Hannibal et les Carthaginois.

    De la mme manire, Virgile prsente le meurtre de Pallas quun jour Turnus regrettera :

    (30c) Turno tempus erit magno cum optauerit emptum intactum/ Pallanta et

    cum spolia ista diemque/ oderit (Verg. Aen. 10 503-505) Un temps viendra o Turnus paierait trs cher la vie de Pallas, o il

    dtestera le baudrier et le souvenir de ce jour (trad. A.Bellessort)

    Le mme procd se retrouve dans un conte en indien ancien :

    (30d) samssiyvivhiy ya. S ya Sunanda bhihna itthi rayanam

    bhavissai Il la ramena la vie et il se maria avec elle. Elle sera une perle de femme,

    nomme Sunanda.

    3.5. Le futur de caractrisation

    Une autre interprtation modale du futur priphrastique au subjonctif est le

    "futur de caractrisation" (= en fr. : "aller pouvoir + infinitif")20, qui favorise

    20 Cf. P. LARREYA (1984 : 306 sq.).

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    18

    l'interprtation de l'nonc comme ralisant l'assertion d'une proprit et

    comme vhiculant une modalit du possible21 :

    (31a) Vinum si uoles experiri duraturum sit necne ... (Cato, agr. 108) Si tu veux essayer de voir si le vin va pouvoir durer ou pas ... (31b) , (Dem. 19, 43)

    Il fallait assurer le succs dun dcret qui allait pouvoir (=devait) provoquer la ruine des Phocens.

    Dans le passage suivant (31c), l'interprtation selon la valeur radicale de

    "capacit" est renforce par possum exprimant le mme sens, et avec lequel il est mis en parallle :

    (31c) DE. Ah! nescis quid dicturus sum, tace / Tris minas accudere

    etiam possum, ut triginta sient (Plaut. Merc. 431-432) Ah, tu ne sais pas ce que je suis capable de dire (je vais pouvoir dire),

    tais-toi. Je peux mme frapper en outre trois mines afin qu'elles soient trente

    Parfois, la tournure priphrastique peut signaler une possibilit gnrique

    pour le sujet :

    (31d) PE. Vbi essuri sumus ? (Plaut. Men. 147) O pouvons-nous dner ? (o allons-nous pouvoir dner ?).

    3.6. Lloignement de laction en fonction illocutoire

    Le futur peut exprimer un loignement de laction et aussi lier entres eux

    dune manire moins stricte les diffrents composants de lnonc. Cela est

    signal par des contraintes syntaxiques, par exemple travers lemploi des cas, qui expriment des relations moins strictes par rapport aux autres. Par

    exemple, en grec les expressions dappartenance et de proprit formules par le verbe tre () ou devenir () au futur nadmettent que le

    datif, qui exprime un lien moins fort et troit en comparaison du gnitif qui semploie dautres temps :

    (32a) (Il. 21, 92)

    Mais voici quici le chagrin matteindra (32b) (Dubois 1989,76)

    Jappartiens Epicharmos fils de Mnasandrida

    Le futur, en ce quil exprime un loignement de laction par rapport au speech act , peut tre exploit par le locuteur pour prsenter une

    affirmation dune manire plus nuance ou pour sadresser quelquun dune manire moins brutale. Ce temps a donc une fonction illocutoire dans la

    mesure o il sert formuler une question, une demande, un ordre sous une

    21 Cf. N. LE QUERLER (1996 : 30).

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    19

    forme polie. En latin, cette fonction est bien reprsente dans des formules

    souvent figes, telles que amabo (quon traduit tout simplement sil te plait ), mais aussi si tibi lubebit, si tibi videbitur, ut voles. Ce nest pas un

    hasard si parfois ces formules saccompagnent de limpratif II, dit futur, qui

    par rapport limpratif I vhicule une nuance de politesse, en prsentant un ordre qui ne demande pas une ralisation immdiate22 :

    (33a) Vt uoles, ut tibi lubebit, nobis legem imponito (Plaut. Asin. 239)

    Impose-nous les conditions ton gr, ta guise (33b) Si Lentuli nauis non erit, quo tibi placebit, imponito (Cic., Att. 1, 8,2)

    Si le bateau de Lentulus nest pas l, embarque-les l o tu voudras

    Le futur peut servir formuler une invitation, telle que la clbre invitation dner de Catulle :

    (34) Cenabis bene, mi Fabulle, apud me (Catull. 13,1)

    Tu dneras bien chez moi, mon cher Fabullus

    Ainsi chez Plaute, o le futur indicatif peut alterner avec limpratif II pour la mme fonction sans aucune distinction pragmatique :

    (35a) Hic apud nos hodie cenes, sic face (Plaut. Most.1129)

    Viens dner aujourdhui chez nous, ny manque pas! (35b) Hodie hic cenato, leno (Plaut. Rud. 1417)

    Viens dner avec moi, marchand !

    De mme, en grec, o cette fonction du futur se prsente souvent sous

    ngation ou en forme interrogative :

    (36a) (Plat. Symp. 172a)

    Apollodore, ne veux-tu pas mattendre? (=Attends-moi) (36b) (Aristoph., Nub. 367)

    Trve de balivernes! (=ne dis pas de btises) (36c) (Aristoph., Vesp. 397)

    Oh le sot, que fais-tu ? Ne veux-tu pas descendre ? (=descends donc)

    La fonction de politesse du futur est souligne par son emploi dans les expressions de prire :

    (37a) (Dem. 21, 58)

    Je vous demanderai (=je vous prie) de ne pas tre fchs envers moi (37b) (Eur. Med. 259)

    Je voudrai obtenir de ta part

    Mais cette fonction du futur est aussi trs rpandue en sanskrit :

    (37c) Prta tad e yama

    22

    Poccetti, paraitre.

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

    20

    Eh bien, nous y irons (= allons-y)

    et en franais, comme dans la phrase cite par W.Havers :

    (38) Garon ! mapporterez-vous de leau, sil vous plait ?

    3.7. Le futur d'indignation

    Dans cet emploi, le locuteur envisage scandalis des consquences venir

    et parfois, par le futur II, aussi des rsultats, comme dans le passage suivant :

    (39a) Scilicet haec Spartam incolumis patriasque Mycenas/aspiciet,

    partoque ibit regina triumpho,/coniugiumque domumque,patres natosque uidebit, ?/ Occiderit ferro Priamus ? Troia arserit igni ?/ Dardanium

    totiens sudarit sanguine litus ? (Verg. Aen. 2,577-582) Ainsi cette femme, sans que rien lait atteinte, reverra Sparte, Mycnes sa

    patrie, elle marchera en reine, elle aura triomph ; elle retrouvera son foyer

    et sa maison, les anciens et leurs enfants, escorte dune troupe de Troyens et de serviteurs phrygiens ? Priam aura pri par le fer, Troie aura brl dans

    les flammes, les rives de Dardanie tant de fois se seront couvertes dune sueur de sang ?

    ne, la nuit de la chute de Troie, dcouvre Hlne cache prs dun autel et, en proie la fureur se pose plusieurs questions rhtoriques marques par le

    futur d'indignation. Signalons au passage les trois futurs du pass vhiculant

    laspect rsultatif (cf. 2.2) ( Et Priam sera mort par le fer, Troie aura brle, le littoral aura su sang ) qui oppose le drame qui sest dj droul

    lavenir heureux qui attend Hlne. De mme, en grec, le futur peut partager cette nuance smantique.

    Signalons un dialogue dune comdie dAristophane, o se concentrent des emplois du futur avec des fonctions diverses :

    (39b) . , . .

    . . . , , . , , .

    , (Aristoph., Ran. 199-205)

    CHA. Veux-tu bien tasseoir ici, ventru? DI. Voil ! CHA. Veux-tu avancer les

    bras et les tendre ? DI. Voil ! CHA. Tu ne feras pas (=ne fais pas) donc le

    niais, mais cale tes pieds et pousse la rame avec ardeur DI. Et comment, novice que je suis, moi qui ne suis point marin et point salaminien, pourrai-

    je pousser la rame ? CHA. Trs aisment : tu entendras des chants magnifiques, ds que tu auras pris la rame.

    3.8. Le futur de prdiction

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

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    Le futur peut se projeter dans une dimension atemporelle, en prsentant

    une action toujours valable indpendamment de toute coordonne spatio-temporelle ou dictique. Cest pourquoi le futur se prte formuler des

    prdictions, des prophties, des avertissements. Cest le futur quon trouve

    dans les proverbes tels quen italien chi vivr vedr ou la menace/prdiction de Fra Cristoforo adresse Don Rodrigo verr giorno

    dans Les Fiance d'Alessandro Manzoni. Cet emploi est bien connu dans les langues anciennes, par ex, en latin :

    (40a) Numquam quisquam amico amanti amica nimis fiet fidelis (Naev.

    Com. 90) Jamais quelquun envers un ami, une amie envers son amant ne sera trop

    fidle. (40b)Gloria umbra uirtutis est: etiam inuitam comitabitur (Sen. epist. 79,

    13) La gloire est lombre de la vertu : elle laccompagne mme si elle ne le veut

    pas.

    Il se trouve en grec archaque :

    (41a) (Theogn.1245)

    Jamais leau et le feu ne se mlangeront (41b) , (Hes. Op. 503)

    Lt ne durera pas toujours : prparez vos chaumires

    et jusque dans la traduction de lAncien Testament :

    (42) (Septante, Psaumes 113,13)

    Oculos habent et non uidebunt. Ils ont des yeux, et pourtant ils ne seront pas capables de voir

    qui oppose la vue externe, une vue interne, la seule capable de faire

    voir . Dautre part, la distinction entre la prdiction et le souhait est souvent trs

    nuance et difficile saisir comme le montrent les deux passages parallles chez Plaute, lun exprim par le futur, lautre par le subjonctif :

    (43a) Dabunt di quae uelitis uobis (Plaut. Asin. 623)

    Les dieux vous accordent tout ce que vus pouvez souhaiter

    (43b) Di tibi dent quaecumque optes (Plaut. Asin. 45) Que les dieux exaucent tous tes souhaits

    4. CONCLUSIONS Devrions-nous considrer le futur comme un mode qui essaie de devenir

    temps ? Un emploi non marqu entre indicatif et subjonctif ? Nous croyons que non. l'origine on doit postuler une modalit (la modalit dontique, comme le

  • DLL 12. Anna Orlandini & Paolo Poccetti. Le futur dans les langues anciennes.

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    tmoigne la sensibilit la premire personne, en latin, en anglais, etc.), mais

    aussi, selon nous, lexpression de l'agentivit (signale par la frquence des verbes qui au futur prsentent la diathse moyenne). partir de ces deux

    caractristiques constitutives, ensuite le futur volue diachroniquement vers un

    statut exprimant la temporalit. Mais en synchronie, le futur peut aussi se nuancer de connotations

    illocutoires : il est un intensifieur de la certitude, mais il peut tre aussi un attnuateur. Ce n'est que l'approche pragmatique qui peut mettre jour les

    diffrentes facettes de ce TAM polyfonctionnel ; d'o l'importance fondamentale de l'examen des textes, pour dcider de l'interprtation chaque

    fois la plus adquate pour les contextes examins.

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    Pour citer cet article :

    Anna Orlandini- Paolo Poccetti, Le futur dans les langues anciennes :

    temps, aspect, modalit ? , De Lingua Latina, revue de linguistique latine du Centre Alfred Ernout [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne Juillet 2016. URL :

    http://www.paris-sorbonne.fr/rubrique2315 , 1-26..

    http://www.paris-sorbonne.fr/rubrique2315