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Q uand j’étais ado, j’écoutais du rap, Sens Unik, IAM et NTM. Je me souviens qu’avec mes copains, on jouait au basket en les écoutant et on se faisait mousser en rêvant de ces banlieues françaises décrites comme des ghettos. A l’époque, j’au- rais sans doute préféré avoir des problèmes de banlieu- sard pour pouvoir les chan- ter moi aussi. Cependant, à part des boutons et une mère protectrice, je nageais dans un bonheur déconcertant, c’est sans doute pour ça je me suis mis au grunge peu après. Je me souviens que ce qui m’excitait le plus, c’était de dire à mes potes en parlant des banlieues : Ca va péter. Mes potes me regardaient avec des grands yeux et me demandaient sou- dain apeurés : Mais quoi, comment ça va péter ? Alors je leur répondais drapé dans mon fier mystère : Je vous le dis. Ca va pé- ter. A l’époque, j’imaginais qu’il y aurait la révolution en vachement bien, avec genre des mecs qui foutent le feu partout et après on aurait tous vécu ensemble, toutes les couleurs et toutes les origines, solidaires. Yo! Et ça a pété ! Bilan : 10’000 voitures incendiées et quatre morts. Mais les émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005 n’ont finalement rien changé. La méga loose. Quand j’ai appris l’identité des assassins de la rédaction de Charly Hebdo, je me suis dit : voilà, après des dizaines d’années d’incompétence politique en banlieue, le vrai soulèvement prendra la forme d’une radi- calisation religieuse. Pas cool du tout ! Cependant, après de brèves recherches, je dois avouer que je me suis bien trompé, car le problème des filières djihadistes n’a rien de spé- cifique aux banlieues, qui plus est fran- çaises. C’est un fléau sociétal qui touche toutes les sociétés occidentales, Suisse y compris. ALLAH IS LOOKING FOR YOU En effet, les djihadistes se recrutent dans tous les milieux et dans toutes les religions. La majeure partie est issue de la classe moyenne et se révèle initiale- ment… athée. En rupture, ces jeunes de tous horizons se sont salement margi- nalisés faute de trouver leur place dans la photo de famille nationale. Pas seule- ment des jeunes fragilisés socialement ou familialement: C’est une juxtaposition de différentes catégories - familles athées, catholiques, musulmanes, désunies, unies, insérées ou désocialisées, de banlieue ou de province, explique Jean-Pierre Filiu, pro- fesseur à Science Po Paris, historien et spécialiste de l’islam contemporain. Difficile d’expliquer ce qui relie tous ces jeunes, mais à l’heure où le but de l’exis- tence revient à se faire briquer l’égo par des projos, certains choisissent des che- mins de traverse bien craignos pour ac- céder à leur quart d’heure de gloire. Ils zieutent ce qu’il y a sur le web-supermar- ché : pas mal de sous-cultures proposent leur lecture du monde clé en main, parmi elles l’islam version gros con. Peu im- porte ta religion et ton milieu social, tu viens simplement avec ton cerveau en terre glaise humide, des chouettes vidéos t’attendent. J’ai lu le récit de vie des malchanceux frères Kouachi, mais malgré cet éclai- rage, j’en voudrais toujours à ces deux teubés d’avoir massacré les mecs qui m’ont appris à penser autrement qu’avec mes pieds ou ma bite. J’ai un cerveau et je le dois à Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Oncle Bernard et Honoré ! Si tu rajoutes Reiser dans la salle de rédac’, je me fais hara-kiri direct. HE LES PROFS ! HE LES PARENTS ! Vous qui avez l’air si perdus face à ces jeunes têtes de nœuds, c’est pas compli- qué de leur expliquer pourquoi il ne faut pas dire : D’accord ils sont morts, MAIS fallait pas blasphémer sur le Coran. Ce fameux « mais »… Ne vous cassez pas la nénette et enfoncez-leur dans le crâne qu’on peut ne pas être d’accord, MAIS personne ne tue personne, jamais, c’est comme ça, il n’y a ni « mais », ni débat, nada, niet, tout le monde vit. Il n’y a ni guerre sainte, ni permis de tuer. Desproges disait : « La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kaaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes. Autant que la vôtre, je renie la mienne. L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc. » A l’époque, je me disais que c’était marrant, mais qu’il exagérait, la jeunesse c’est l’espoir non ? On est tous unis, tous frères, on va changer cette pu- tain de société, pas vrai mec!? Ben non. Desproges avait raison. J’avais l’autre soir ce débat avec un ami: « Est-il plus grave de mourir jeune ou vieux ? » On peut défendre que mourir jeune c’est terrible, car on a encore tant de choses à faire. Cette opinion semble évidente dans notre société de la jouis- sance et du divertissement. Mais dans une société collectiviste, ne reconnai- trions-nous pas la perte inestimable que représente le décès d’un vieux ? Tant de savoir enterré et donné en pâture à la vermine ! Cabu avait 76 ans, Honoré 73, Wolinski 80, leur savoir était immense. Au milieu de cette tribu massacrée, notre monde a perdu trois grands chefs indiens. OPEN THE BORDERS Vous pouvez relativiser tout ce que vous voulez, vous époumoner à chan- ter la Marseillaise, ce rassemblement du dimanche 11 janvier a eu beau nous tirer des larmichettes, ce n’est que de la poudre aux yeux. On assiste aux mêmes liesses populaires quand le borgne né- gationniste passe au deuxième tour et quand la France marque des grosses pa- tates dans la lucarne droite au Mundial. Ca ne change rien. Au risque de paraître prophétique ou pathétique, des temps sombres nous attendent: actes anti-is- lam, journalistes qui claquent des dents et qui claquent tout court, tyrannie du bon sens, manifestations de fachos, re- débat autour de la peine de mort, apolo- gie des massacres, patriot act en français, la truie présidente et enfin : fermeture des frontières. Oui, nous allons assister à un inévitable repli sécuritaire et remonter herméti- quement la fermeture éclair de nos fron- tières, alors que le ver s’éclate à l’arme au- tomatique dans la pomme. 37’000 tweets « Je suis Kouachi ». On se fout de qui ? On fait quoi ? On referme le bocal, histoire que ça moisisse encore un peu plus ? Si on massacre aujourd’hui des journalistes, on fait quoi demain ? On bute qui ? C’est qui la cible ? Qui va te manquer de respect pe- tit merdeux ? Mickey Parade? Ces salopes de Femen ? Ta mère en string devant le Prisunic ? Hein ? Fils de pute. Durant les événements, un type normal s’est distingué : Lassana Bathily. Ce mu- sulman ex-sans-papiers travaille depuis quatre ans dans une épicerie casher porte de Vincennes avec plein de juifs dedans. Ca c’est normal. Vivre ensemble c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est de tuer des journalistes et des juifs pour de tristes certitudes. Lassana a caché six otages dans une chambre froide : c’est courageux et normal, car c’est normal d’être courageux. Lassana n’est pas un héros, c’est un homme. Le destin de Lassana, le sans-papiers devenu héros national, me fait penser aux opinions d’Albert Jacquard au sujet de l’immigration: « Une société a surtout besoin de personnes capables de dynamisme, de résistance devant l’adversité. Or bien souvent ce sont ces qualités qui sont mises en valeur par la succession des aventures qui ont fait de ces gens des clandestins. Parvenir aux frontières européennes en traversant des déserts, en traversant des océans est la preuve d’une audace, d’un courage, d’une capacité de réaction devant les obstacles qui sont justement des caractéristiques à prendre en compte pour les accueillir. Le simple fait qu’ils aient osé courir tous ces risques devrait leur donner véritablement un droit de rester chez nous. » Les hommes qui sont morts dans cette salle de rédaction étaient peut-être des enfants, mais c’était avant tout des huma- nistes qui auraient refusé que des murs s’érigent suite à leur mort. Alors en leur mémoire, ouvrons-nous au monde et mé- tissons-nous. Ouvrons nos frontières. Ca je peux vous assurer que Cabu, Wolinski, Honoré, Oncle Bernard et Charb, ils au- raient grave kiffé. × TOUT EST PARDONNÉ OU BIEN ? 2 TROUS DE BALLES À CHARLIE HEBDO 12 MORTS TRAGIQUES TEXTE Ronard N O 22 – HIVER 2015 Le Genevois Libéré

Le Genevois Libéré n°22

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Journal d'opinion fondé à Genève en 2003.

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Page 1: Le Genevois Libéré n°22

Quand j’étais ado, j’écoutais du rap, Sens Unik, IAM et NTM. Je me souviens qu’avec mes copains, on jouait au basket en les écoutant et on se faisait mousser en rêvant de

ces banlieues françaises décrites comme des ghettos. A l’époque, j’au-rais sans doute préféré avoir des problèmes de banlieu-sard pour pouvoir les chan-ter moi aussi. Cependant, à part des boutons et une mère protectrice, je nageais dans un bonheur déconcertant, c’est sans doute pour ça je me suis mis au grunge peu après. Je me souviens que ce qui m’excitait le plus, c’était de dire à mes potes en parlant des banlieues : Ca va péter. Mes potes me regardaient avec des grands yeux et me demandaient sou-dain apeurés : Mais quoi, comment ça va péter ? Alors je leur répondais drapé dans mon fier mystère : Je vous le dis. Ca va pé-ter. A l’époque, j’imaginais qu’il y aurait la révolution en vachement bien, avec genre des mecs qui foutent le feu partout et après on aurait tous vécu ensemble, toutes les couleurs et toutes les origines, solidaires. Yo! Et ça a pété ! Bilan : 10’000 voitures incendiées et quatre morts. Mais les émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005

n’ont finalement rien changé. La méga loose.

Quand j’ai appris l’identité des assassins de la rédaction de Charly Hebdo, je me suis dit : voilà, après des dizaines d’années

d’incompétence politique en banlieue, le vrai soulèvement prendra la forme d’une radi-calisation religieuse. Pas cool du tout ! Cependant, après de brèves recherches, je dois avouer que je me suis bien trompé, car le problème

des filières djihadistes n’a rien de spé-cifique aux banlieues, qui plus est fran-çaises. C’est un fléau sociétal qui touche toutes les sociétés occidentales, Suisse y compris.

aLLaH iS LooKing foR YoUEn effet, les djihadistes se recrutent dans tous les milieux et dans toutes les religions. La majeure partie est issue de la classe moyenne et se révèle initiale-ment… athée. En rupture, ces jeunes de tous horizons se sont salement margi-nalisés faute de trouver leur place dans la photo de famille nationale. Pas seule-ment des jeunes fragilisés socialement

ou familialement: C’est une juxtaposition de différentes catégories - familles athées, catholiques, musulmanes, désunies, unies, insérées ou désocialisées, de banlieue ou de province, explique Jean-Pierre Filiu, pro-fesseur à Science Po Paris, historien et spécialiste de l’islam contemporain. Difficile d’expliquer ce qui relie tous ces jeunes, mais à l’heure où le but de l’exis-tence revient à se faire briquer l’égo par des projos, certains choisissent des che-mins de traverse bien craignos pour ac-céder à leur quart d’heure de gloire. Ils zieutent ce qu’il y a sur le web-supermar-ché : pas mal de sous-cultures proposent leur lecture du monde clé en main, parmi elles l’islam version gros con. Peu im-porte ta religion et ton milieu social, tu viens simplement avec ton cerveau en terre glaise humide, des chouettes vidéos t’attendent.

J’ai lu le récit de vie des malchanceux frères Kouachi, mais malgré cet éclai-rage, j’en voudrais toujours à ces deux teubés d’avoir massacré les mecs qui m’ont appris à penser autrement qu’avec mes pieds ou ma bite. J’ai un cerveau et je le dois à Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Oncle Bernard et Honoré ! Si tu rajoutes Reiser dans la salle de rédac’, je me fais hara-kiri direct.

He LeS PRofS ! He LeS PaRentS !Vous qui avez l’air si perdus face à ces jeunes têtes de nœuds, c’est pas compli-qué de leur expliquer pourquoi il ne faut pas dire : D’accord ils sont morts, MAIS fallait pas blasphémer sur le Coran. Ce fameux « mais »… Ne vous cassez pas la nénette et enfoncez-leur dans le crâne qu’on peut ne pas être d’accord, MAIS personne ne tue personne, jamais, c’est comme ça, il n’y a ni « mais », ni débat, nada, niet, tout le monde vit. Il n’y a ni guerre sainte, ni permis de tuer.

Desproges disait : « La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes.

Autant que la vôtre, je renie la mienne. L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc. » A l’époque, je me disais que c’était marrant, mais qu’il exagérait, la jeunesse c’est l’espoir non ? On est tous unis, tous frères, on va changer cette pu-tain de société, pas vrai mec!? Ben non. Desproges avait raison.

J’avais l’autre soir ce débat avec un ami: « Est-il plus grave de mourir jeune ou vieux ? » On peut défendre que mourir jeune c’est terrible, car on a encore tant de choses à faire. Cette opinion semble évidente dans notre société de la jouis-sance et du divertissement. Mais dans une société collectiviste, ne reconnai-trions-nous pas la perte inestimable que représente le décès d’un vieux ? Tant de savoir enterré et donné en pâture à la vermine ! Cabu avait 76 ans, Honoré 73, Wolinski 80, leur savoir était immense. Au milieu de cette tribu massacrée, notre monde a perdu trois grands chefs indiens.

oPen tHe boRdeRSVous pouvez relativiser tout ce que vous voulez, vous époumoner à chan-ter la Marseillaise, ce rassemblement du dimanche 11 janvier a eu beau nous tirer des larmichettes, ce n’est que de la poudre aux yeux. On assiste aux mêmes liesses populaires quand le borgne né-gationniste passe au deuxième tour et quand la France marque des grosses pa-tates dans la lucarne droite au Mundial. Ca ne change rien. Au risque de paraître prophétique ou pathétique, des temps sombres nous attendent: actes anti-is-lam, journalistes qui claquent des dents et qui claquent tout court, tyrannie du bon sens, manifestations de fachos, re-débat autour de la peine de mort, apolo-gie des massacres, patriot act en français, la truie présidente et enfin : fermeture des frontières.

Oui, nous allons assister à un inévitable repli sécuritaire et remonter herméti-quement la fermeture éclair de nos fron-tières, alors que le ver s’éclate à l’arme au-tomatique dans la pomme. 37’000 tweets

« Je suis Kouachi ». On se fout de qui ? On fait quoi ? On referme le bocal, histoire que ça moisisse encore un peu plus ? Si on massacre aujourd’hui des journalistes, on fait quoi demain ? On bute qui ? C’est qui la cible ? Qui va te manquer de respect pe-tit merdeux ? Mickey Parade? Ces salopes de Femen ? Ta mère en string devant le Prisunic ? Hein ? Fils de pute.

Durant les événements, un type normal s’est distingué : Lassana Bathily. Ce mu-sulman ex-sans-papiers travaille depuis quatre ans dans une épicerie casher porte de Vincennes avec plein de juifs dedans. Ca c’est normal. Vivre ensemble c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est de tuer des journalistes et des juifs pour de tristes certitudes. Lassana a caché six otages dans une chambre froide : c’est courageux et normal, car c’est normal d’être courageux. Lassana n’est pas un héros, c’est un homme.

Le destin de Lassana, le sans-papiers devenu héros national, me fait penser aux opinions d’Albert Jacquard au sujet de l’immigration: « Une société a surtout besoin de personnes capables de dynamisme, de résistance devant l’adversité. Or bien souvent ce sont ces qualités qui sont mises en valeur par la succession des aventures qui ont fait de ces gens des clandestins. Parvenir aux frontières européennes en traversant des déserts, en traversant des océans est la preuve d’une audace, d’un courage, d’une capacité de réaction devant les obstacles qui sont justement des caractéristiques à prendre en compte pour les accueillir. Le simple fait qu’ils aient osé courir tous ces risques devrait leur donner véritablement un droit de rester chez nous. »

Les hommes qui sont morts dans cette salle de rédaction étaient peut-être des enfants, mais c’était avant tout des huma-nistes qui auraient refusé que des murs s’érigent suite à leur mort. Alors en leur mémoire, ouvrons-nous au monde et mé-tissons-nous. Ouvrons nos frontières. Ca je peux vous assurer que Cabu, Wolinski, Honoré, Oncle Bernard et Charb, ils au-raient grave kiffé. ×

toUt eSt PaRdonné oU bien ?

2 tRoUS de baLLeSà cHaRLie Hebdo

12 moRtS tRagiQUeS

t e x t e

Ronard

no22 – HiveR 2015

Le Genevois Libéré

Page 2: Le Genevois Libéré n°22

en effet, au-delà de la stupeur, du dé-goût, et de la tristesse, on se dit qu’il y a une place à prendre. Oh certes, le Genevois Libéré n’a pas forcement le talent, ni l’audience pour com-

bler le vide laissé par un Charlie déca-pité, mais si douze personnes assises dans le 11e arrondis-sement de Paris arrivent par leurs dessins et leurs coups de gueule hebdomadaires à devenir la cible première de fanatiques écervelés, on se dit qu’en la poussant juste un peu, on pourrait nous aussi entrer au pan-théon des martyrs de la liberté.

En fait il suffit de pas grand chose pour se retrouver l’ennemi public: caricaturer sans retenue tous les bigots de la terre, gueuler quelques vérités bien senties contre une société qui aime se répéter que « jusqu’ici tout va bien » et aussi ajouter une bonne dose de grossièreté pour la déconne.

Je ne dis pas qu’on en a le talent, mais après tout, au départ le Genevois Libéré est aussi parti de l’idée qu’on voulait se créer notre petite tribune - sans que personne ne nous le demande d’ailleurs - pour que chacun dans notre rédaction

puisse chier à la gueule de Freysinger ou Tariq Ramadan quand ça lui chante, mais si possible en le faisant avec un minimum d’inspiration pour divertir avant tout. En effet, dans notre société capitaliste à la parole plus ou moins libérée mais surtout à l’attention d’un poisson rouge, un me-dia n’a normalement que l’importance qu’il mérite. En d’autres mots, si le pro-pos n’est pas pertinent, à priori il devrait mourir de lui-même. C’est d’ailleurs bien pour cette raison qu’on vous distribue le Genevois Libéré gratuitement, sous

vos nez, presque de force pour que vous vouliez bien prendre la peine de nous lire un temps soit peu, avant de finir quelque part entre un égout ou derrière vos toilettes. Aussi, je suis consterné de voir qu’un journal satirique tiré à 50’000 exemplaires et qui a de la peine boucler ses fins de mois cristallise tant de haine chez les psychopathes. Minute « hebdo-madaire politiquement incorrect » comme il aime à se qualifier, ou plutôt carrément facho, ne publie certes pas de caricatures, mais atteint à peu de choses près la même

audience, soit 40’000 exemplaires, mais on y fout pas le feu dès qu’il s’offusque de l’introduction de menus halal dans les cantines scolaires, en titrant « Le porc est un vrai plat de résistance ».

Bref, je pense qu’avant d’avoir tué la li-berté, on a surtout tué l’humour et le droit de rire de tout… sans qu’on demande de pouvoir en rire forcément avec tout le monde : juste ceux qui auraient bien vou-lu continuer de payer le marchand pour leur feuille de chou.

Sincèrement, je pense que si l’on a en-tendu tellement de commentaires cette dernière semaine et qu’on a tous eu envie de manifester, soit avec nos baskets sur le pavé, soit simplement en changeant nos photos de profil, c’est parce que c’est tout même absurde, sidérant et révoltant de se dire qu’il existe des gens qui veulent buter des vieux soixante-huitards, un peu anarchistes, pas mal bobos et joyeuse-ment libertaires, pour les railleries qu’ils s’amusent à dessiner. On peut ne pas aimer leur humour, s’en choquer peut-être, mais Charlie Hebdo, c’est quand même pas la Pravda, et bien idiot celui qui prend ses dessins au premier degré. D’ailleurs, à l’heure où chaque internaute est transformé en éditorialiste et y va de son analyse pour expliquer, défendre, ou même attaquer Charlie, je fais le pari que beaucoup seront forcément déçus par le numéro « historique » qui vient de sortir. En effet, il semblait évident que Charlie nous ressorte des caricatures du pro-phète, par conviction et pour réasséner son droit à la provocation, plutôt qu’un manifeste universel sur le droit d’ex-pression et l’amour du prochain. Ce que je trouve très bien dans la mesure où franchement je ne suis pas certain que la bande à Luz soit la mieux placée pour porter un message humaniste et de tolérance absolue. Non, ils sont juste de fervents athées, et ça Mesdames et Messieurs dans une république laïque ça donne effectivement le droit de tourner en ridicule et de se moquer des croyants et des pratiquants, surtout quand ceux-ci sont arrogants au point de ne pas com-prendre que la religion est au mieux un guide de valeurs personnelles pour me-ner sa propre existence et surtout pas un livre de lois à appliquer aux autres. Aussi, à tout ceux que les dessins de Charlie ont blessés, au point de sympathiser ou de vouloir comprendre la folie des meur-triers, c’est avec plaisir que nous vous adressons le conseil suivant :

« Si votre religion implique de tuer, prière de commencer par vous-même . » ×

Unis. Dans une grande marche républicaine. Les dirigeants français et du monde entier, main dans la main, après avoir vaincu les bar-bares. Voilà les images qui nous

sont rapportées par les médias. Des scènes émou-vantes, des messages de tolérance et de solidarité, la Marseillaise entonnée. Toute une ker-messe de belles paroles et de bons sen-timents que les caricaturistes morts de Charlie Hebdo aurait certainement conchiée. La récupération politique dans tout ce qu’elle a de plus honteuse. Une façon de noyer les problèmes de fond de la société française sous des vagues d’émotion. On traite les frères Kouachi et Amedy Coulibaly de barbares et de

monstres, et certainement ils le sont, mais n’oublions que ces barbares et ces monstres sont des Français issus de la banlieue parisienne, des produits d’un

pays en pleine faillite sociale qui, à force de ghettoïser une partie de sa population et de laisser une partie de sa jeu-nesse en totale déshérence, finit par en payer le prix fort. Et je ne parle pas que des at-tentats, mais du phénomène

bien plus répandu de la montée de la ra-dicalisation chez les jeunes de banlieue, du nombre toujours croissant de ces ados paumés, de ces petits délinquants tota-lement livrés à eux-mêmes et frustrés jusqu’à la moelle qui haïssent tellement leur pays et le peu qu’il leur « offre » qu’ils sont prêts à tuer ou à aller se faire tuer plutôt que de continuer à vivre leurs vies de merde dans les cités.

Les médias nous disent que des fous d’Al-lah leur ont lavé le cerveau, mais claire-ment la religion n’est qu’un prétexte. Ce qui les pousse au terrorisme, c’est d’abord leur sentiment de mal-être extrême. Ils ne sont rien ; ils ne servent à rien ; ils ne savent pas quoi faire de leurs vies. Et la France, à part une marche symbolique, qu’est-ce qu’elle leur propose? Une édu-cation au rabais, du chômage, des alloca-tions misérables, mais surtout une bonne dose de mépris et d’indifférence. Faut pas se foutre du monde. Le faux symbole de l’unité ne tiendra pas longtemps, car il ne correspond à aucune réalité. La France n’a jamais été plus divisée, et si elle ne se donne pas les moyens de reconstruire une société plus juste où il y aura moins d’exclus et moins d’injustice, cette divi-sion ne fera que grandir et les frères Kouafi ou Amedy Coulibaly de demain seront toujours plus nombreux. ×

L’Unité mon cUL

à QUand Une fatWa SUR Le

genevoiS LibéRé ?

« Ils » vise bien évi-demment les com-manditaires des attentats contre Charlie l’Hebdo

mais aussi les autres extrémistes liber-ticides. Mais pourquoi ont-ils gagné ? La réponse est assez simple.La remise en question par une large frange de la population du caractère approprié de la publication des cari-catures, soit la censure qu’aurait dû s’imposer Charlie l’Hebdo dans sa ligne éditoriale, est le premier indice des effets archi pervers des attentats. A quoi rime cette phrase ressassée par des millions de personnes : ce n’est pas parce que Charlie aurait dû s’abstenir de publier les caricatures que ses jour-nalistes méritaient d’être exécutés ! Un tel argument passe complètement à côté de la liberté d’expression. Cha-cun, dans le cadre légal, a le droit - et à mon sens le devoir - d’exprimer son opinion. Les caricatures étaient l’opi-nion de Charlie l’Hebdo pas celle d’autres millions de personnes. Affir-mer que quelqu’un qui a envie d’expri-mer une opinion devrait se restreindre lorsqu’elle n’est pas partagée par les autres est tout simplement de la cen-sure. Que cette opinion choque, heurte, elle ne tuera jamais. La liberté d’expression n’est pas juste un petit plaisir pour embêter son voi-sin ; elle sert à ce que les gens puissent défendre des points de vue, forcément divergents, afin de trouver des dénomi-nateurs communs. C’est probablement la liberté la plus importante en démo-cratie. Sans liberté d’expression, pas de débat possible. Sans débat, pas d’idées

nouvelles, meilleures, plus intelligentes, plus justes, plus innovantes, en d’autres

termes pas de progrès. Nous le voyons bien d’ailleurs, le pro-gramme des extrémismes est de nous emmener sur un chemin régressif. Ce n’est pas l’homme de Cro-Magnon qui est visé, lui avait certainement le droit de s’étourdir, de jouir, de rire, de pen-ser, de débattre, d’évoluer, de changer, mais celui de la période de Mahomet (570 à 632 après Jesus Christ), pas for-cément très gai, un léger macho, un brin colérique, un poil va-t’en-guerre, un chouillat à cheval sur les principes ! C’est contre cette régression que nous devons nous battre. Le progrès n’est possible que dans la confrontation non des armes mais des idées et sans liberté d’expression, tout cela n’est simple-ment pas possible. Maintenant, pourquoi ont-ils gagné ? Car demain dans les rédactions et au vu des premières réactions comman-dant l’autocensure sous couvert de cor-rection envers les autres, ce sont des journalistes sur la réserve, ayant peur, qui produiront les nouvelles et livre-ront leur analyse. L’effet se fera vite ressentir ; ainsi seules les têtes brûlées produiront du contenu subversif, ce qui est certes mieux que rien, mais pas for-cément une panacée quant à la qualité de l’édition, donc de la formation des idées.C’est malheureusement très grave, mais espérons que le futur me donnera tort de sorte que les attentats renforce-ront la liberté d’expression au lieu de l’affaiblir ! ×

maiS PoURQUoi

ont-iLS gagné ?

t e x t e

Karl

i L L U S t R at i o n

Charbu

t e x t e

Jéjé

i L L U S t R at i o n

Eisbär

t e x t e

Oncle Phil

Page 3: Le Genevois Libéré n°22

L’historien Paul Veyne ne croyait pas si bien dire quand il affirmait que tout le malheur du monde n’avait jamais empê-ché un homme de ressentir la puissance

d’une rage de dents. Et, ce dimanche matin, malgré tout la merde qui s’est abat-tue sur le monde, s’il y a bien une chose qui me fait encore plus chier que d’écouter l’actualité, c’est de me retrouver encore une fois à écrire un article à l’arrache pour le Genevois Libéré. Mikroutch ayant pris les rênes de la rédaction il y a plusieurs mois et ren-voyé le prochain numéro directement aux calendes grecques, je me pensais tranquille pour un moment. Mais voilà que des caricaturistes se font flinguer. Ronard rappelle tout le monde et c’est encore une fois la chenille qui redémarre. Charb et les autres renvoyés ad patres, ça me fait chier, les types qui crament des églises au Niger ça me fait chier, Valls qui pleure dans son petit carré de mouchoir au nom de la République, ça me fait chier – bon ça me fait rire un peu aussi – mais surtout, ça me fait chier. Et dire quelque chose là-dessus, ben vous l’avez deviné : ça me fait chier.

LeS vacanceS de La meRdeTout avait pourtant bien commencé. Mon doctorat enfin en mains, je m’apprê-tais à retourner dans la Mère Patrie, le paisito, l’Uruguay, pour les vacances. Une semaine était d’ores et déjà réservée à un endroit indiqué par le Petit futé – grimoire irresponsable – comme idyllique : le Cabo Polonio. Un endroit si paradisiaque et préservé du monde que les voitures n’y circulent pas, que l’électricité n’y est pas arrivée, que l’eau courante n’est qu’une chimère du futur. Préservé du « monde », mais pas des plaisanciers : il faut appa-remment réserver bien en avance son lit. Peu avant le départ, je prends donc contact via Facebook avec Daniel Peña-garicano1 qui loue des chambres sur place. Alors que je m’apprête à lui virer un bras via Western Union, je détecte une anomalie sur la photo de la « chambre matrimoniale » qu’il me propose : elle n’a pas de murs. Renseignement pris, ce n’est pas une illusion d’optique. Le type a transformé son modeste grenier en quatre « suites » grâce à de la toile du jute. Ingénieux, n’est-ce pas ? Toute l’inti-mité d’un open space allié à la chaleur (et à l’odeur) humaine d’un bon vieux dortoir

ainsi qu’à ses chatoyantes discussions. Pourquoi se faire chier pour 90 euros dans un TGV Lyria quand on peut passer

une semaine au Cabo Polonio pour le quintuple du prix ?

Je me rabats sur une autre pension qui semble avoir, elle, des murs. Je ne me doute de rien, j’ai foi en l’Humain. Quelques semaines plus tard,

nous voici presque sur place. Après quatre heures de trajet depuis Montevideo, le bus nous a laissé à l’entrée du Cabo Polo-nio. Ça ressemble un peu à une aire d’au-toroute française sauf qu’ils servent des empanadas au lieu d’un menu « croq’ma-lin » (un sandwich au pâté, des chips au fromage et un coca zéro). On ne se doute pas que derrière cette bonhomie, se cache pourtant l’antichambre de l’Enfer.

Nous sommes empilés dans des camions à deux étages pour un trajet d’une quin-zaine de kilomètres sur les dunes. Mal-gré les particules fines qui se déposent dans les poumons des passagers faute de pot d’échappement, la « banane » est de rigueur. Chaque fois que l’on croise des gens sur les plages ou d’autres caravanes négrières comme la nôtre, il faut leur faire « coucou » à grand renfort de bat-tements de bras. Moments de solitude. À l’arrivée au Cabo Polonio, on est lâché sur le célèbre « marché des artisans ». Des rastas vendent des colliers de plastique et des sarouels que même un vieux teufeur se verrait contraint de refuser. Si on a échappé à la yourte uruguayenne version Daniel Peñagaricano, le reste des loge-ments disponibles consiste quasi exclu-sivement en dortoirs aussi spacieux que le cul de mon chien. Que le cul de mon chien encombré d’une horde d’adoles-centes en vacances. La chambre qui nous a été allouée répond au doux nom de « los calamares » ce qui semble davantage évoquer l’odeur corporelle du tenancier de 16 ans et demi que le mollusque.

On n’est pas dans la merde. Je serre la main de Bruce très fort. En moins d’une heure cet endroit réussit à évoquer dans mon esprit les heures les plus sombres de l’Humanité : la traite humaine, Au-schwitz et le camping du Paléo (dix ans trop tard et sans la musique). Bruce es-saie de me remonter le moral. Allons voir les lions de mer qu’il propose, ça va nous changer les idées. On avance vers le bout de la presqu’île. Au loin une masse. On approche. Paf ! Un lion de mer crevé. On

continue. Paf ! Un deuxième lion de mer crevé. C’est la dèche. Acculés dans le dé-sespoir, on essaie plutôt d’aller manger. On trouve un endroit où il y a de la place. Paf ! Un enfant est en train de pisser sur la terrasse. Re-acculés, on se tourne vers une valeur sûre : la plage. Alors qu’on cherche à poser nos linges, un gros nuage couvre le soleil et un petit vent se lève. Paf ! Il fait 15 degrés. Pendant que le re-gard de Bruce est appelé par un ignoble parapente à moteur aux couleurs rasta-fari dans le ciel, son pied se pose sur un étron (humain). Paf ! C’est la MERDE.

Et puis, notre misère estivale est inter-rompue par l’actualité, là-bas au loin. Deux imbéciles débarquent à Charlie et flinguent la rédaction. Toute la tris-tesse du monde s’abat sur nous. Grâce à feu Steve Jobs, la transmission des mauvaises nouvelles ne connaît plus les frontières. Avec Bruce, on est vissé aux informations. Et puis, déjà largement dé-goûtés, on cède à la pire des tentations : regarder ce qui se dit sur Facebook. Face-book, cette grande exposition virtuelle des vicissitudes contemporaines qui per-met à de véritables pets mentaux de se présenter comme de soi-disant opinions. Y traîner c’est un peu comme mettre un thermomètre dans le cul de la société : t’as toute de suite une température fiable du niveau de connerie ambiante. La mort de Charlie sur Facebook, c’est un peu comme les Automnales, y’a à boire, à manger et surtout à dégueuler.

Macédoine de « oui je condamne, mais », « je ne partage pas leur humour, mais », « ils faisaient quand même des gags sexistes, mais », « quand même c’était

un peu limite, mais » et autres merdes en boîte qui ne valent pas deux clous. Faux intellectuels crypto frigides dont même les sous-sections communales de quelque petit parti local n’ont pas voulu : quand vous vous exprimerez ailleurs que dans un « statut » Facebook, on repar-lera de vos hypothétiques opinions. Si l’option « je ne vous aime pas » existait, je vous l’appliquerais sans réserve. D’ici là, je vous salue (de haut) et vous dis : ta gueule.

cHaRLie et La temPéRatURe RectaLe dU monde

Et puis, Facebook, c’est quand même la version J’accuse 2.0. pour tous ceux qui ont envie de moraliser leur prochain depuis leur canapé. Lui nous rappelle que pendant ce temps, à Veracruz, les aborigènes sont exterminés. Lui que, pendant que l’on pleure sur 10 personnes et demie, les Amérindiens se meurent dans les réserves. Lui, finalement, que personne n’en a rien à foutre de ce pays qu’est l’Afrique parce qu’on est des ra-cistes. Ami de la compétition des causes, de la moralisation à deux balles, je te rappelle que toi non plus tu n’en as rien à foutre des aborigènes (sauf la fois où tu t’es payé un didgeridoo à Caribana), que des Amérindiens tu ne connais que ces attrape-rêves fabriqués par des en-fants chinois que ta mère a au-dessus de son lit, que le Niger et le Nigeria se sont deux pays différents et que quand tu sau-ras situer le Congo sur une carte, alors là, oui merci, on en rediscutera. Tu sais quoi ? Pars devant (en Enfer) et ta gueule. Quant aux Anonymous qui stimulent la

morosité ambiante avec des animations HTML, merci de continuer à vous consa-crer aux séries télé. Je viens de vérifier, là, il manque encore des sous-titres coréens pour la dernière saison de Grey’s Anatomy. Merci et en passant, vos gueules. Et puis, il n’y a pas de petites causes. Certains profitent ainsi de l’affluence sur Face-book pour nous rappeler qu’il faut payer la Tribune de Genève. Vous savez quoi ? Vos gueules encore une fois. Et plutôt porter la burqa.

Heureusement, Daniel Peñagaricano nous rappelle qu’il y a de vraies causes qui valent le coup d’être menées, de vrais imbéciles qui méritent d’être châtiés. Histoire de ramasser encore un peu de clientèle, le voilà qui poste une photo de la vue depuis son taudis. « Encore une magnifique journée au Cabo ! On a encore des places de libres  » écrit-il. L’enculé : il pleut des cordes. Ta gueule le rasta. ×

1  Qui apparaît sous son vrai nom :

qu’il soit maudit, tout simplement.

Vous avez vu la photo des politiciens pendant la manif pour Charlie Hebdo ? David Cameron, Benjamin Netanyahu, Ah-met Davutoğlu, Mahmoud Abbas, le roi Abdullah II, Sergey Lavrov... La liste est longue et continue. Tout les pires qui ne se privent pas de censurer les médias à tour de bras dans leurs pays respectifs,

quand ce n'est pas carrément de la torture et la mise à mort qui prime. A gerber. J'ai bien

regardé la photo : ils sont tous en costards noir, tous vieux, tous gras et dégarnis... J'ai vraiment bien cherché, j'ai pas trou-vé le petit bonhomme avec le pull rayé rouge et blanc, la canne et le bonnet. Je suis nul à ce jeu. ×

LibeRté déPReSSion

ta gUeULe

t e x t e

Vero Pipo

i L L U S t R at i o n

Bruce

t e x t e

Olive

Page 4: Le Genevois Libéré n°22

La RédactionRonard : Professeur RonronJéjé : sème sa zone Karl : CavannaOlive : Charlie OlegVero Pipo : SigoulènePtidjoule : Charlie SheenBruce : L’uruguayen Pylone et Gros Tony : Shirley et Dino

Je gifLe avec ma biteBarrigue

Votre gazette est disponible en caissette à la Petite Reine, devant la roulotte de The Hamburger Foundation (THF), à la Barje des Volontaires, à la librairie Papiers Gras et aux Bains des Pâquis !

www.facebook.com/legenevoisliberewww.legenevoislibere.ch

Graphisme : giganto.ch Impression : Les Belges

PtidJoULe n’aime PaS LeS genS

Qu’est-ce que c’est que cette histoire de récupération politique ? On ne peut pas appeler à voter quand on veut ? Est-ce que je dois m’habiller en noir ? Je déplore la disparition de douze Français. Mais je ne suis pas Charlie du tout, je suis Charlie Martel si vous voyez ce que je veux dire ! JM Le Pen

J’ai le plus profond respect pour le mépris que j’ai des hommes.Pierre Desproges

Sur le Titanic en train de sombrer, est-il raisonnable de consacrer beaucoup d'efforts et d'intelligence à obtenir une meilleure cabine?Albert Jacquard

Je viens de rompre avec Dieu.Je ne l’aime plus.En amour, on est toujours deux. Un qui s’emmerde et un qui est malheureux.Depuis quelque temps, Dieu me semblait très malheureuxAlors, j’ai rompu.Pierre Desproges

Moi j’aime pas Wolinski. Ptidjoule

Nous n'avons pas la liberté de ne pas être libres.Albert Jacquard

Il n’y a pas, chez l’immense majorité des musulmans, de désir de communautarisation ; dire que le ramadan est une pratique communautaire, c’est comme si on disait que Noël pour les chrétiens ou les fest-noz pour les Bretons sont du communautarisme (il y en a qui le disent).Olivier Roy, islamologue

Il y a des gens qui sont de culture musulmane, qui respectent le ramadan comme moi je peux faire Noël et bouffer de la dinde chez mes parents, mais ils n’ont pas à s’engager plus que ça contre l’islam radical en tant que musulmans modérés, puisqu’ils ne sont pas musulmans modérés, ils sont citoyens.Charb

Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. Plus je connais les femmes, moins j’aime ma chienne.Pierre Desproges

Bernard Minet nous annonce la mort de Framboisier.Ça fait aussi mal au cul que si Donald nous annonçait la mort de Mickey.La rédaction

bReveS

Je vous emmerde, c'est à peu près tout ce qui me vient en tête depuis que j'ai entendu parler de l'attentat contre la « liberté d'expression ».Je vous emmerde

bande de cons, tous au-tant que vous êtes, reli-gieux de tous poils, politi-cards opportunistes, récu-pérateurs de droite ou de gauche, pères la morale qui savent mieux que tous le monde ce que les morts voulaient.Je vous emmerde, je suis même déçu de ne pas avoir chopé la gastro afin de vous envoyer un li-quide chaud et visqueux.Défenseur de la démo-cratie, pauvre connard va, t'as oublié dans quel monde on vit où bien, elle est où ta putain de démocratie, ça fait combien de temps qu'un homme politique a pris une décision pour le peuple et non pas pour les actionnaires ?Réveille-toi abruti, tu t'indignes parce que les médias t'ont dit qu'il fallait t'indigner, sombre merde, peuple con,

quelques morts et toi majorité silen-cieuse tu finis par ouvrir ta gueule et tu appelles au retour de la peine de mort, sac à merde.

Ce qui me fait le plus dégueuler, je crois, c'est que le seul qui me déçois pas, qui reste droit dans ses bottes, c'est ce gros bâtard de Le Pen, le père de la petite truie, au moins lui il n'essaie pas se faire passer pour qui il n'est pas, c'est une saloperie de facho et il l'affirme.J'aimerais être Charlie mais j'ai pas envie de te ressembler, tu me débectes, t'es un veau, un moins que rien, un mouton.Voilà ça fait du bien j'ai pu sortir ça de mon organisme.Maintenant cher lecteur, si tu es encore là après ce torrent

d'insultes, sortons de l'affectif, état dans lequel la plupart des gens sont, et analy-sons la situation, à tête reposée et avec une bonne dose de sang froid.D'un autre côté, cette gerbe d'insultes m'a bouffé pas mal d'énergie et comme on est dans l'urgence pour pondre le canard, histoire de surfer sur la vague

et de se rappeler à ton bon souvenir, j'ai pas beaucoup de temps et plus trop de jus pour continuer.Tentons quand même quelque chose.Il y a quelque chose de vraiment déran-geant qui est en train de se passer en ce moment, des gens sont morts pour avoir fait des petits mickeys, c'est triste des gens sont morts, ils ont été abattus, puis oubliés quasiment tout de suite, ils ne sont plus des personnes, ils sont des mar-tyrs de la liberté, des symboles de la ré-publique, retour du drapeau, de l'hymne national et de toutes ces inepties.Dans ces attentats c'est le chauvinisme qui a gagné.« Je suis Charlie » n'est plus un hommage au victimes, c'est devenue un copyright, une marque déposée, bientôt dans ton hyper, casher, halal ou Leclerc, la vase-line « Je suis Charlie » pour t'aider à faire passer toutes les nouvelles lois sécuritaires.Je m'égare, je sors de mon registre, je n'ai pas parlé de mon nombril, j’arrête, je suis en train de devenir aussi con qu'un éditorialiste.

Bisous les chauves ×

t e x t e

Ptidjoule