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Le Journal de l’Afrique N°10 Table de matière La vidéo du mois de mai Editorial Génocide des Tutsi du Rwanda : à quand la vérité ? Par Raphaël Doridant Burkina Faso: «Cette transition n’est pas celle pour laquelle la popula- tion s’est battue» Par Jean-Baptiste Kaboré et Baba Miliki « Y-en-a marre » et « Balai-citoyen »: les nouveaux "Tirailleurs" de l'impérialisme en Afrique! Par Roland Fodé Diagne Les causes lointaines de la guerre au Mali Par Amadou Seydou Traoré Leçons bolivariennes pour l’Afrique Par Said Bouamama Brèves

Le Journal de l'Afrique n°10

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Investig'Action, mai 2015

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  • Le Journal de lAfrique N10

    Table de matire

    La vido du mois de mai

    Editorial

    Gnocide des Tutsi du Rwanda : quand la vrit ?

    Par Raphal Doridant

    Burkina Faso: Cette transition nest pas celle pour laquelle la popula-tion sest battue

    Par Jean-Baptiste Kabor et Baba Miliki

    Y-en-a marre et Balai-citoyen : les nouveaux "Tirailleurs" de l'imprialisme en Afrique!

    Par Roland Fod Diagne

    Les causes lointaines de la guerre au Mali

    Par Amadou Seydou Traor

    Leons bolivariennes pour lAfrique

    Par Said Bouamama

    Brves

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    Editorial :

    Au-del du discours politique

    En octobre 2014, la jeunesse a dabord secou puis renvers une dictature franafricaine incarne par Blaise Compaor au Burkina-Faso. Le peuple burkinab a t couvert de louanges pour avoir dcid de prendre son destin en main . Une organisation de la socit civile dnomme Balai Citoyen est depuis lors sur orbite. Ses moindres gestes sont suivis et relays par/dans les grands mdias de toute la plante.

    Au-del du discours politique, quest-ce qui a concrtement chang au Pays des Hommes intgres depuis la chute de Compaor, au profit des masses populaires ? Pourquoi les grands mdias qui fermaient leurs portes au prsident rvolutionnaire et charismatique Thomas Sankara rservent-ils un traitement princier aux leaders du Balai Citoyen ? Pour qui roulent ces derniers ? Six mois, aprs la rvolution burkinab , le Journal de lAfrique (JDA) revient sur ce moment fort de lhistoire du pays et apporte des rponses ces interrogations.

    Cette dition du JDA aborde bien dautres sujets tels que : les lections prsidentielles organises fin avril au Togo, les origines lointaines et imprialistes de la guerre qui a ensanglant le Mali en 2013

    Elle propose surtout aux Etats africains de suivre les pas des pays dAmrique latine ( travers lALBA) pour se librer de limprialisme, condition sine qua non pour enclencher un vritable dveloppement au service des citoyens et non la solde de limprialisme tentaculaire.

    Carlos Sielenou et Olivier A. Ndenkop

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    La vido du mois

    Ces gens-l qui meurent sur les plages, et je mesure mes mots, si ctait des blancs, la terre entire serait en train de trembler ! Mais l, ce sont des noirs et des arabes

    Invite lmission Ce soir ou jamais , dition du 24 avril 2015 sur France 2, lcrivaine Fatou Diome a trouv les mots justes pour dnoncer lhypocrisie des Occidentaux sur limmigration clandestine qui tue des milliers dtres humains chaque anne.

    Voir la vido ici https://youtu.be/726mdxtfQHo

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    Brves

    La Chine offre un stade olympique la Cte-d'Ivoire

    Stade national de Chine

    Pour une bonne organisation de la Coupe d'Afrique des nations de football (Can) 2021, la Chine offrira la Cte-dIvoire un stade olympique d'une capacit de 60 000. Lannonce a t faite le 22 avril 2015 par les autorits ivoiriennes.

    Cette infrastructure sportive cl-en-main sera construite sur 20 hectares dans la commune d'Anyama, au nord d'Abidjan partir de 2016 et permettra d'accueillir des comptitions d'athltisme, de football et de rugby. Une cit olympique sera galement construite autour de ce joyau.

    Les entreprises chinoises sont trs prsentes en Cte-dIvoire, notamment dans la construction de barrage et des infrastructures routires.

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    Enfin des vols directs entre lAfrique et le Japon !

    Photo DR

    La compagnie arienne Ethiopian Airlines a annonc fin avril 2015 le lancement dune ligne directe entre son hub dAddis-Abeba et Tokyo. Jusquici, les passagers qui partaient de lAfrique pour le Japon devraient transiter de pays en pays voire de continent en continent.

    Avec cet unique service direct entre lAfrique et le Japon, nos vols vers Narita donneront nos clients les meilleures options de connectivit possibles, a dclar Tewolde Gebremariam, PDG de la compagnie arienne thiopienne, cit par lAgence Ecofin. La compagnie thiopienne qui transporte 18 millions de passagers par an vient de signer un contrat avec Boeing pour lacquisition de 20 avions 737 MAX8 pour un montant de de 2,1 milliards de dollars.

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    Togo : Faure Gnassingbe rlu dans la contestation

    La Commission lectorale nationale indpendante (Ceni) constate que Faure Essozimna

    Gnassingb est lu au titre des rsultats provisoires, sous rserve de confirmation de ces

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    rsultats par la Cour constitutionnelle". Cest en ces termes que Taffa Tabiou prsident de la Ceni a annonc, en direct sur la chane de tlvision nationale du Togo mardi 28 avril au soir,

    les rsultats de la prsidentielle du 25 avril dernier. En reconnaissant un taux dabstention de 40%, la Ceni a indiqu que Faure Gnassingb au pouvoir depuis 2005 a obtenu 58,75 % des

    suffrages contre 34,95% pour son principal rival Jean-Pierre Fabre. Lopposition crie au hold-up lectoral en voquant les bourrages durnes .

    Faure Gnassingbe est arriv au pouvoir aprs la mort de son pre qui a dirig le pays de 1963

    2005.

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    Burkina-Faso : le nouveau code minier toujours attendu

    Photo DR

    Depuis deux mois, le Conseil national de transition reoit des propositions en vue de concevoir la mouture finale du nouveau Code minier du Burkina-Faso. Les populations lattendent depuis trois ans. Mais, le rgime de Blaise Compaor nen avait pas fait une priorit.

    Le vendredi 24 avril dernier, la Coalition des organisations de la socit civile intervenant dans le secteur minier a organis une confrence publique sur le thme : Quel code minier pour le dveloppement du Burkina Faso ? . Selon les acteurs de la socit civile burkinab, le code actuellement en vigueur est trop favorable aux entreprises minires . Ils sorganisent pour que le nouveau Code institue un Fonds minier de dveloppement local charg de financer les projets de dveloppement directement profitables aux populations.

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    Y en a marre et Balai-citoyen : les nouveaux "Tirailleurs" de l'imprialisme en Afrique!

    Que cachent vraiment ces beaux slogans de "dmocratie" et de "lutte contre les dictatures" scands par certains acteurs de la socit civile en Afrique ? L'exportation de la "dmocratie" travers les ONG ne rappelle-t-elle pas l'exportation de la "civilisation" qui fut l'un des principaux leitmotive de la conqute coloniale subie par les peuples de ce continent ?

    Par Roland Fod Diagne

    Photo DR

    L'opinion dmocratique, patriotique, panafricaine et anti-imprialiste sngalaise a appris avec tonnement l'opration de mercenariat de Y en a marre du Sngal et du Balai-Citoyen du Burkina Faso en Rpublique Dmocratique du Congo (RDC).

    Les autorits du pays de Lumumba, Mull et Kabila ont expuls les jeunes missionnaires ouest-africains en annonant avoir saisi du "matriel, de l'argent et des armes destins dstabiliser la RDC" et "arrt pour les juger leurs co-religionnaires congolais".

    Les jeunes "Tirailleurs" sngalais et burkinabs prtendent agir pour la "dmocratisation" de l'Afrique et "lutter" ainsi contre les "dictateurs" qui s'accrochent au pouvoir en traficotant les "institutions, les constitutions" pour "voler les lections".

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    Mais que cachent vraiment ces beaux slogans de "dmocratie" et de "lutte contre les dictatures" ? L'exportation de la "dmocratie" travers les ONG ne rappelle-t-elle pas l'exportation de la "civilisation" qui fut l'un des principaux leitmotive de la conqute coloniale subie par les peuples ?

    Ces mercenaires d'aujourd'hui ne sont-ils pas de simples copies des missionnaires d'antan qui balisrent la voie des "Tirailleurs" qui furent les troupes de choc commandes par les Faidherbe, les Gallini, les Bugeaud pour tailler les immenses territoires qui constiturent les empires coloniaux occidentaux?

    Y en a marre et Balai citoyen ne sont-ils pas des "tirailleurs" missionnaires complments des troupes de choc armes imprialistes d'aujourd'hui que sont les Daesh et Boko Haram au service de la franafric, de l'eurafric et de l'usafric ?

    Avant Y en a marre et Balai citoyen, les "rvolutions colores"

    Roumanie, RDA, Serbie, Georgie, Ukraine, etc., ont t les bancs d'essai exprimentaux pour renverser les pouvoirs qualifis de "dictatures" et y installer les nouvelles tyrannies "dmocratiques" librales bourgeoises soumises aux intrts imprialistes.

    Cette stratgie a t rcemment tendue aux rvoltes populaires en Afrique du nord et au Moyen-Orient sous le nom de "printemps arabes".

    La question est toujours la mme: comment dvoyer la colre du peuple contre les rgimes dictatoriaux libraux corrompus vers des pouvoirs "dmocratiques" libraux corrompus ?

    Ce schma dont l'objectif est de prserver le contrle de l'imprialisme sur le pays considr intgre les fers aux feux utilisables pour empcher la souverainet nationale et populaire que sont les fanatiques religieux, les dictatures militaires qui partagent le programme unique libral et la soumission aux diktats libraux du FMI, de la Banque Mondiale et de l'OMC et l'implosion des Etats-Nations l'instar de l'ex-Yougoslavie et du Soudan.

    Rappelons qu' la Baule en 1990, sentant la monte des mouvements populaires en Afrique, Mitterrand avait donn le coup d'envoi des "Confrences nationales" en dclarant : "S'il y a contestation dans tel Etat particulier, eh bien ! Que les dirigeants de ces pays en dbattent avec leurs citoyens. Lorsque je dis dmocratie, lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c'est la seule faon de parvenir un tat d'quilibre au moment o apparait la ncessit d'une plus grande libert, j'ai naturellement un schma tout prt : systme reprsentatif, lections libres, multipartisme, libert de la presse, indpendance de la magistrature, refus de la censure : voil le schma dont nous disposons".

    Ces "Confrences nationales" permirent ainsi de ramnager le systme semi-colonial en transformant les dictatures militaires et/ou civiles en multipartisme intgral sans toucher aux fondements conomiques et sociaux de l'oppression sculaire des peuples d'Afrique.

    Puis ce fut le tour d'Obama de prciser rcemment : "L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais d'institutions fortes".

    Cette formule est devenue l'Alpha et l'Omega d'une certaine lite africaine lobotomise qui se tourne de plus en plus vers l'imprialisme US. En effet l'opposition entre "hommes forts" et "institutions fortes" est une supercherie monumentale d'attrape-nigauds. Il n'y a pas et ne peut y avoir de muraille de Chine entre ces deux notions, car le lien est ici dialectique, les deux concepts s'influencent rciproquement sur la base des intrts et des objectifs des classes que reprsentent

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    les "hommes" et les "institutions". Quelles "institutions fortes" y a-t-il aux USA alors qu'un sur deux citoyens ne votent tout simplement plus et que le bipartisme bourgeois y interdit de fait toute candidature en dehors des deux partis "rpublicains et dmocrates" des capitalistes ? En quoi les "institutions judicaires US" sont-elles "fortes" alors que les crimes racistes restent terriblement impunis aux USA ? Quelles "institutions fortes" trouve-t-on en France quand le vote NON du peuple contre le trait constitutionnel est travesti par l'adoption du trait de Lisbonne par voie parlementaire ? En quoi les "institutions" des diffrents pays de l'UE et de l'UE elle-mme sont-elles "fortes" alors que le dni dmocratique y est manifeste au point que l'abstention et le vote xnophobe, raciste, islamophboe, rromophobe et fasciste ne cesse d'y grandir ?

    C'est ce pige dans lequel est manifestement tomb Y en a marre quand, suite l'audience que leur avait accord Obama Gore le 28 juin 2013, leur porte-parole dclare comme hypnotis : Le prsident Obama a t trs attentif notre discours sur la jeunesse. La rencontre a dailleurs dur plus longtemps que ce qui tait prvu initialement. Il a pris certains engagements (lesquels?!), mais je prfre ne pas entrer dans les dtails (lesquels?!), car un communiqu officiel sur cette rencontre doit tre rendu public prochainement. Concernant Yen a marre, il a conclu en nous demandant de rester forts : Be strong ! , indique Fadel Barro" (http://www.dakaractu.com/Fadel-Barro-Obama). Obama leur demande d'tre "forts" dans cet entretien coupable lors duquel selon Y en a marre "il a beaucoup t question de gouvernance et de dmocratie, mais aussi de lentreprenariat des jeunes, de limportance dun dveloppement qui passe par la terre, qui donne des raisons aux jeunes de rester chez eux" (idem).

    Gore Institute est "l'organisation panafricaine de la socit civile ouvrant la promotion de la dmocratie, du dveloppement et de la culture en Afrique" qui a abrit cette recommandation intresse de l'imprialisme US dmontrant ainsi quoi peuvent bien servir cette foison abondante d'ONG en Afrique comme l'Usaid, le Corps de la paix, etc. D'o cette sortie pertinente du site d'information Leral aprs le safari Y en a marriste avort de Kinshasa : "On savait que Y en a marre bnficie d'appuis financiers et de subventions des organisations non gouvernementales et des fondations internationales. Mais on ne savait pas que le pays d'Obama, travers le dpartement d'Etat, considre ces jeunes sngalais comme de puissants leviers pour redessiner la carte de l'Afrique".

    C'est ainsi que l'on apprend le rle de recruteur pour les basses besognes fortement monnayes de l'ambassadeur d'origine congolaise des USA au Burkina Faso. Son pedigree officiel en dit long sur sa mission qui consiste fabriquer des "rvolutions colores" la sauce africaine : "Dr. Tulinabo S. Mushingi a t confirm Ambassadeur extraordinaire et plnipotentiaire des Etats-Unis dAmrique auprs du Burkina Faso par le Snat amricain et le prsident Barack Obama, respectivement le 9 et le 25 juillet 2013. Lambassadeur Mushingi, un diplomate de carrire du Senior Foreign Service, a servi en qualit de Secrtaire excutif adjoint et Directeur excutif du Secrtariat excutif dEtat de 2011 2013. LAmbassadeur Mushingi fut galement Premier Conseiller lambassade des Etats-Unis dAmrique en Ethiopie o il sengagea activement promouvoir la politique amricaine dans la corne de lAfrique, tout en menant les activits des diffrentes agences gouvernementales et supervisant la gestion des ressources de cette mission qui constitue la troisime plus grande prsence du gouvernement amricain en Afrique, tout en apportant son appui la reprsentation amricaine auprs de lUnion Africaine. (...) LAmbassadeur Mushingi a galement occup diverses fonctions ltranger, y compris Kuala Lumpur, Malaisie; Maputo, Mozambique; Lusaka, Zambie; et Casablanca, Maroc; ainsi quau Dpartement dEtat Washington D.C., notamment auprs du Bureau of Intelligence and Research; le Bureau of International Organization Affairs et le Bureau of Human Resources. Il a reu plusieurs distinctions, dont deux Superior Honor Award du Secrtaire Clinton et du Secrtaire-adjoint Armitage et un autre pour son leadership remarquable au cours de la visite de quatre jours du Prsident Bush en Tanzanie, qui fut un vritable

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    succs. (...) LAmbassadeur Mushingi a travaill pour le Corps de la Paix des Etats-Unis dAmrique en Papouasie-Nouvelle-Guine, en RD Congo, au Niger et en Rpublique Centrafricaine".

    Confront cette orchestration provocatrice, Lambert Mend, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de la RDC annonce fermement les dcisions prises : "Nous avons dcid de les expulser de notre territoire : ils nont pas le droit de venir faire de la politique ici (...) ils ont prtendu tre venus ici pour agir dans le sens dun changement du rgime dun pays qui nest pas le leur, cela ne se fait pas. Conformment la loi, nous les expulsons donc de notre territoire. Nous navons pas nous expliquer sur cela. Il y a beaucoup de problme cet gard, il y a beaucoup dargent qui a circul, il y a des comptes qui ont t ouverts sous de fausses identits Il y a mme une fausse socit qui a t cre pour pouvoir inviter les trois Sngalais et le Burkinab. Nous avons trouv une littrature assez inquitante sur le retour des djihadistes ; nous avons retrouv des tenues militaires : tout cela ncessite que ceux qui sont la base de cette initiative puissent passer devant le procureur" (RFI).

    Pourquoi la Rpublique Dmocratique du Congo ?

    La RDC est, ds le dpart, un des pays d'Afrique qui a subi un traitement particulier de la part de tous les imprialistes. Aprs les massacres et gnocides du colonialisme Belge, le pays a t tout de suite mis sous coupe rgle suite l'assassinat de Lumumba puis de Mull et l'installation au pouvoir de Mobutu, second plus grand assassin du peuple Congolais. Commenait alors la longue nuit d'horreurs du rgime odieux mobutiste.

    Le Zare devint ainsi la base arrire de l'UNITA pro-no-coloniale contre le MPLA porteur du projet indpendantiste radical de l'Angola, contre la SWAPO de Namibie et l'ANC anti-apartheid sud-africain.

    Il faut ici rappeler l'internationalisme en acte fondamental de la "petite" Cuba qui, avec les combattants du MPLA, ont inflig la dfaite historique de Cuito Cuanavale aux troupes racistes sud-africaines soutenues par l'imprialisme US et de l'UE, ce qui a contraint Prtoria a libr Mandela et a ngoci le principe d'un homme = une voix.

    Mobutu, tout comme Houphout, Senghor, Bongo, Eyadma, Ahidjo, etc., ont t des piliers du systme no-colonial impos dans le sang par l'imprialisme l'Afrique. Ils ont t aussi des allis du sionisme en Afrique contre les droits inalinables du peuple palestinien.

    L. D. Kabila, qui avait maintenu un foyer de rsistance dans le Kivu ("Ehobora"), visit un moment par Che Guevara, forgea une alliance nationale et panafricaine en 1996 pour briser le pige de cet arbre palabre inefficace et trompeur de la "confrence nationale" impose par Mitterrand en 1990 avant de renverser le prsident lopard Mobutu.

    L'abandon de la voie rvolutionnaire et panafricaine par le Rwanda anti-fasciste qui avait stopp le gnocide, un moment alli de L. D. Kabila, se traduisit par une tentative de coup d'tat djoue contre Kabila et l'occupation militaire de l'est du Congo par des milices armes. Cette guerre d'occupation territoriale impose la RDC qui se poursuit encore a fait plus de 5 millions de morts pendant que les richesses de l'est du Congo continuent d'tre pilles par les multinationales des imprialistes US et de l'UE.

    L. D. Kabila fut assassin, mais le nouveau pouvoir congolais ne tomba pas et Joseph Kabila prit la relve de son pre tout en faisant des concessions aux imprialistes. Toutefois, ce

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    compromis qui cde l'affairisme imprialiste occidental a t accompagn d'une ouverture du pays d'autres partenaires conomiques dont les BRICS.

    Paralllement, des projets conomiques stratgiques panafricains d'envergure voient le jour avec l'Angola, le Zimbabw, l'Afrique du Sud, la Namibie, la Guine Equatoriale, le Mozambique, etc, y compris des projets de dfense militaire patriotique et panafricaine. L'axe que constitue la SADC prend ainsi peu peu le chemin du desserrement de l'tau no-colonial des puissances imprialistes US et de l'UE.

    Malgr le tour libral des politiques que mnent le fils Kabila, malgr ses concessions, force est de constater que les imprialistes cherchent se dbarrasser du rgime kabiliste parce que justement la Chine et d'autres pays mergents sont devenus et/ou sont en train de devenir les premiers partenaires conomiques et commerciaux de la RDC et des pays de la SADC. Il n'est pas rare d'entendre dans ces pays la phrase suivante: "la coopration avec les BRICS, en particulier la Chine, a ralis en quelques annes ce que des sicles de domination coloniale occidentale n'ont pas ralis, notamment en terme d'investissements dans les infrastructures".

    Confronts cette concurrence, et pour (re)contrler totalement le pays comme du temps de Mobutu, les imprialistes remettent en scne le dinosaure, ex-ministre de Mobutu, Tshisekedi, et autres apatrides qui ont mang la soupe de Mobutu, sans oublier l'achat d'lments de la "diaspora" congolaise en Europe pour vilipender J. Kabila en l'amalgamant avec les chefs d'tat no-coloniaux des rseaux franafricain, eurafricain, usafricain.

    Tout ce beau monde s'agite bruyamment et agressivement en attaquant parfois physiquement les autorits congolaises en visite dans les pays europens dans le but de ramener carrment la RDC dans le giron de la domination sans partage des imprialistes US et de l'UE.

    L o la guerre l'est et l'infodation aux imprialistes de la soi-disant "opposition" congolaise sont en passe d'chouer, c'est manifestement Y en a marre et Balai citoyen qui sont ainsi mis contribution par les imprialistes pour dstabiliser et renverser le pouvoir Kabiliste. Tout ceci est fait aussi pour berner la soi-disant lite africaine et les militants panafricanistes en les dcervelant avec les slogans de "dmocratie", "d'institutions fortes", de "guerres humanitaires".

    Cabral, Sankara, Nkrumah, Um Nyob, Cheikh Anta Diop comme icnes inoffensives

    Y en a marre et Balai citoyen ont souvent la bouche ou sur leurs tee-shirts ces figures historiques des luttes anti-colonialistes et anti-imprialistes africaines. Ils les prsentent comme leurs inspirateurs et rfrences. Presque tous ces hros sont des martyrs assassins par les mmes qui les financent et se tapissent derrire le "tourisme" politique prtendument "patriotiques et dmocratiques" des louangeurs Y a en marristes et du Balai citoyen qui en font des icnes inoffensives tout comme les publicistes des Multinationales prdatrices le font maintenant avec la figure du CHE.

    Certains d'entre eux sont des collabos conscients des imprialistes, mais tous ne le sont pas, notamment les dizaines et centaines de milliers, voire les millions de jeunes qui ont t les acteurs majeurs des historiques journes du 23 juin et du 30 au 31 octobre au Sngal et au Burkina Faso.

    Que savent-ils vraiment des thories et pratiques des rvolutions africaines incarnes par les Cabral, Sankara, Um Nyob, Osend Afana, F.R. Moumi, Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Victor

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    Diatta, Lamine Arfan Senghor, Thimoko Garan Kouyat, des doyens du PAI qui ne sont jamais renis, etc. ? Savent-ils que ces hros et martyrs ont t liquids par les imprialistes avec la complicit directe ou indirecte d'africains qui ont t les rouages humains de la servitude dont les peuples africains sont victimes jusque de nos jours? Sont-ils vraiment prts se mettre en thorie et en pratique l'cole de ceux et celles qui ne doivent pas devenir les icnes inoffensives instrumentalises par des pantins au service des imprialistes?

    Les grands rvolutionnaires africains ont forg, dfaut de vaincre, des thories et pratiques pour que l'Afrique et les peuples d'Afrique conquirent l'indpendance et la souverainet nationale et populaire. C'est cela qu'ils ont lgu la jeune gnration d'aujourd'hui qui doivent leur tour, comme le dit F. Fanon, s'acquitter de leur devoir en parachevant leur uvre mancipatrice inacheve.

    L'escapade no-coloniale en RDC de Y en a marre et du Balai citoyen interpelle chaque jeune qui s'est engag dans la mobilisation sociale et citoyenne contre les rgimes franafricain, eurafricain et usafricain que ces mouvements mdiatiss par les ONGs et la presse imprialiste ont symbol.

    La jeunesse africaine doit s'affranchir des diktats de la pense unique librale pro-imprialiste dcline sous la forme trompeuse de la promotion de "l'entreprenariat priv" et des "institutions fortes".

    En effet, seuls des hommes et des femmes "forts" forgeant des "institutions fortes" comme un parti populaire organis et un Etat stratge au service du peuple, c'est--dire de la majorit ouvrire, paysanne et des travailleurs du secteur informel, peuvent uvrer, en encadrant et en contrlant la bourgeoisie patriotique, frayer la voie la libration et ainsi planifier le dveloppement national et panafricain de l'Afrique pour les peuples africains.

    Source : InvestigAction

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    Burkina Faso: Cette transition nest pas celle pour laquelle la population sest battue

    Le 31 octobre dernier, Blaise Compaor, prsident du Burkina Faso depuis 27 ans, est oblig sous pression dnormes manifestations qui durent dj depuis le 28, de dmissionner. Larme Burkinab prend le pouvoir et le lieutenant-colonel Isaac Zida sautoproclame prsident. Aprs des ngociations avec les partis politiques, Zida accepte de devenir premier ministre et de laisser la fonction de prsident un ancien pilier de la politique compaorenne, Michel Kafondo. Le but de ce nouveau gouvernement de transition est dorganiser des lections en novembre 2015.

    Nous avons rencontr rcemment Jean-Baptiste Kabor*, militant de gauche qui vit Ouagadougou et qui tait sur place lors des vnements. C'tait pour nous une occasion de faire l'tat de la situation au Burkina Faso.

    Propos recueillis Ouagadougou par Baba Miliki

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    Michel Kafando, prsident de transition, photo DR

    Que pensent maintenant les Burkinabs, 5 mois aprs le dpart de Compaor, de la transition?

    Jean-Baptiste K.: Il y a un slogan que les Burkinabs reprennent pour se moquer de la transition actuelle. Ils disent plus rien ne sera comme avant comme l'a annonc le prsi-dent le jour de sa prestation de serment. Or jusqu prsent les Burkinabs ne voient rien qui ait chang. Les gens se moquent donc en reprenant cette phrase quil a os prononcer si solennellement. La dsillusion est l, aussi parmi ceux qui n'entendent rien la chose politique et qui ont cru en lui aux premires heures de la transition. Ils sont nombreux se rendre compte que la transition qu'ils vivent nest pas celle pour laquelle la population sest battue et trente-quatre jeunes sont morts fauchs par les rafales des mitraillettes du Rgiment de Scurit Prsidentielle (RSP).

    Prenez l'actuel prsident de la transition, Michel Kafando. Kafando tait ambassadeur au-prs des Nations Unies, pour le rgime Compaor. Avant Thomas Sankara, il tait ministre des Affaires trangres sous le rgime de Jean Baptiste Oudraogo puis celui de Sangoul Lamisana.

    Kafando a prfr l'exil en 1983, plutt que de vivre sous le rgime Sankara. Cest un r-actionnaire viscral, qui ne peut entendre parler de rvolution. Donc si un peuple insurg chasse un rgime dictatorial et quon appelle un tel type pour venir diriger, on comprend que la rvolution populaire nest pas acheve.

    Intressante est la position de la toute puissante glise catholique: nombreux sont ceux qui rclamaient pour diriger la transition, lvque de Bobo-Dioulasso (deuxime ville de

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    Burkina), Mgr Philippe Oudraogo, connu pour son pragmatisme et sa langue de feu, comme dirigeant de la transition. LEglise a refus sous prtexte quun homme de Dieu ne peut prtendre telle fonction. Elle a propos Michel Kafando qui lui, est donc trs proche des instances ultra-conservatrices de lEglise.

    C'est un militaire, le lieutenant-colonel Zida, qui s'tait auto-proclam prsident le soir du 30 octobre quand Compar s'tait enfui. Aprs les ngociations avec les par-tis politiques, il est devenu premier ministre de l'actuel gouvernement de transi-tion. Qu'en dire?

    JB. K.: Zida tait le numro 3 du tristement clbre Rgiment de Scurit Prsidentielle, le RSP la tte duquel se trouve le gnral Gilbert Diendr, chef dtat-major particulier de Compaor. Le numro 2 en est Mamadou Ker, ensuite vient ladjoint de Ker, le lieu-tenant-colonel Isaac Zida.

    Au moment des vnements, Zida tait Bobo-Dioulasso pour y prparer la visite de Blaise Compaor loccasion de la fte de larme qui tait prvue pour le 2 novembre. Cela dmontre assez la confiance qu'avait Blaise Compaor en Zida: le Prsident nen-voyait pas nimporte qui pour prparer son arrive dans une ville, surtout au niveau de la scurit et surtout Bobo.

    Zida a aussi jou un rle prdominant en tant qu'intermdiaire entre la rbellion de Guil-laume Soro en Cte-dIvoire et le pouvoir de Blaise Compaor. Aprs sa prise de pouvoir, lorsque lui a t pos la question de son action, il a rpondu, contenant mal sa colre, quil n'avait rien fait d'autre que dexcuter les tches que ses suprieurs lui avaient confies. Or cest bien lui qui avait organis de main de matre le recrutement des militaires qui ont procd au carnage qui a eu lieu Abidjan avant l'installation de l'ami fidle Alassane Ouattara comme prsident du pays.

    Zida est un militaire du RSP. C'est un rgiment tristement clbre: lenqute indpendante sur l'assassinat de Norbert Zongo (1) a indiqu 6 suspects, tous membres du RSP. Cest le RSP aussi qui a interpell ltudiant Dabo Boukari, depuis 1990 personne ne sait ce qui sest pass avec cet tudiant, son corps n'a jamais t retrouv. Cest le mme RSP de Gil-bert Diender, chef dtat-major de Compaor, qui a combattu aux cts de Charles Taylor au Liberia de concert avec le soutien de certains ministres, comme Salif Diallo, pass op-portunment dans l'opposition quelques mois avant la rvolution. Il existe de nom-breux tmoignages de militaires qui relatent avoir t au Liberia prendre livraison de car-gaisons de diamants alors qu'ils n'avaient officiellement que des ordres de missions de porteurs de courrier, dpchs par Compaor auprs de Taylor.

    On parle du fameux mouvement du Balai-Citoyen qui s'est retrouv la tte de la rvolution, que pensez-vous de ce mouvement?

    JB. K.: Dabord, il ne faut pas que lon parle de rvolution, car la rvolution est un chan-gement fondamental, or, il ny a eu aucun changement. Il y a eu d'une part un peuple in-surg qui a chass un dictateur et de l'autre des lments de ce mme ancien rgime dic-tatorial qui sont revenus ramasser le pouvoir avec la complicit d'imposteurs qui pr-tendaient se battre aux cts de ce peuple. Et ils en assurent fidlement la continuation

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    aujourd'hui, c'est business as usual, aprs une pause, les magouilles, la corruption, tous les maux de notre socit ont repris leur train-train quotidien et liberticide.

    On prtend que les rvolutions, de nos jours, se font par internet, en Tunisie et ailleurs comme chez nous, mais cest faux. Tout se passe dabord et avant tout sur le terrain. Avant linsurrection populaire, le Balai-Citoyen a essay quelques fois de convoquer les masses ses propres rassemblements, cela a chou chaque fois, il suffit de se rappeler de la priode o les dlestages (coupures d'lectricit) incessants Ouaga faisaient grincer des dents, ils ont appel les foules ragir: ils nont pas pu mobiliser plus de 200 personnes. Ensuite quand Blaise Compaor a tent son imposture pour pouvoir se reprsenter, de rviser larticle 37 de la Constitution, le Balai-Citoyen a appel les jeunes camper dans la nuit du 29 la place de la Nation: personne ny est all! Egalement la nuit du 30, ils ont demand aux gens de venir, personne na rpondu. Ils ne mobilisent pas. Or, lhistoire de notre pays montre que sous le rgime dictatorial de Blaise Compaor, mme sous les r-gimes dexception, il y a toujours eu des gens qui se sont battus, qui ont fait la prison et qui en sont sortis parfois infirmes. Quand on a assassin Norbert Zongo en 1998, nombre d'organisations se sont battues pour librer les espaces de libert. Cest partir de ces espaces de libert quil y a eu un tas dentits de la socit civile qui se sont battues pour leurs ides. cette poque, o le slogan Si tu fais, on te fait et ya rien... tait en vogue, les dirigeants du Balai-Citoyen se faisaient-ils entendre ? Existaient-ils seulement?

    Il y avait des gens qui se battaient et qui avaient libr des espaces de liberts. Le Balai-Citoyen, nexiste pratiquement que depuis deux ans et il revendique dj une rvolution et un soulvement populaire. Cest vraiment se moquer du combat rel des Burkinabs. La mobilisation du 29 a t le rsultat du travail des organisations populaires dans les quartiers avec les couches fondamentales de la population, runion aprs runion, mee-ting aprs meeting, cest a qui a amen lveil des consciences et c'est ce qui a rendu pos-sible cette norme mobilisation.

    Pourquoi cette mobilisation n'a-t-elle pas dbouch sur un vrai changement? Et comment comprendre alors que le Balai Citoyen ait pu se propulser sur l'avant de la scne?

    JB. K.: Reprenons le fil des vnements. Ctait une insurrection populaire qui voulait tout prix changer la situation mais par le biais de la presse, on a russi faire croire au peuple que le Balai Citoyen avait t lorigine de cette mobilisation. Ils n'ont fait, en ra-lit, que jouer un rle excrable autant que nfaste l'instant dcisif. Ds le 30 novembre, les manifestants exigeaient la dmission de Blaise Compaor et voulaient au pouvoir, le Gnral Lougu, un gnral la retraite. Cest un gnral trs populaire au sein des forces armes (non-RSP) et au sein des populations. Or les gens du Balai Citoyen disaient, la place de la Nation: Qui vous a dit que le gnral Lougu en veut?. En effet, il y avait eu une runion au sein des forces armes au cours de laquelle on a somm au vieux Gnral Lougu de ne plus ouvrir sa bouche et de se tenir en dehors de tout cela. C'est encore des membres du Balai-Citoyen qui ont accompagn le 30 octobre, les militaires du RSP flan-qus d'un professeur de droit constitutionnel, le professeur Augustin Ouaba, la Place de la Nation alors que le matin-mme, le RSP avait tir sur les manifestants! Ces mmes ma-nifestants ont scand Nous ne voulons pas du RSP, nous voulons Lougu, dautres Nous ne voulons pas des militaires au pouvoir. Le chanteur Smokey, un des dirigeants

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    de Balai-Citoyen, a pris la parole. Est-ce que vous tes sr que Lougu veut? Mais Lougu voulait bien, il lavait tmoign la radio Je veux, mais on ma dit que si je parle on me bute ici-mme, et mon garde du corps a d intervenir pour me sauver de la salle (avec une fracture la jambe lorsqu'il a saut le mur d'enceinte de l'endroit o se tenait la ru-nion pour sauver sa peau!). Cest alors que le Balai-Citoyen lui-mme est all chercher le lieutenant-colonel Zida pour proclamer quil avait pris le pouvoir. A ce moment, nous avons compris que les gens du Balai Citoyen taient dj les suppts des militaires du RSP et travaillaient en troite collaboration avec eux.

    Ce quon a donc vu cest une insurrection populaire non-arme. Le peuple se trouvait, les mains nues, face un RSP hyper-quip. Et au moment dcisif c'est l'association du Balai Citoyen et la puissance de feu du RSP qui ont rcupr la rvolution pacifique du peuple.

    Il faut souligner la collusion entre le Balai-Citoyen et les Etats-Unis. Il y a un trs grand nombre dONGs prsentes au Burkina, elles y font de l'humanitaire, parmi toutes les per-sonnes qui y travaillent un grand nombre d'entre elles ont le cur la bonne place. Mais, parmi elles, le corps de paix amricain (US Peace Corps) dnote: leurs membres ne se cantonnent pas au travail humanitaire, ils se rapprochent des milieux de l'opposition officielle et souterraine et rapportent minutieusement et rgulirement leurs faits et gestes. Pour nous ce ne sont que des espions: la petite amie de Samska Jah, un des leaders de Balai Citoyen, est membre des Peace Corps et il voyage rgulirement, grce elle, aux Etats-Unis. De l penser que le Balai-Citoyen a bnfici des faveurs de l'Oncle Sam il n'y a qu'un pas... Cest dailleurs la mme chose pour le mouvement sngalais Y'en a marre qui a bnfici de fonds d'OXFAM et de l'OSIWA (Open Society Initiative for West Africa de Georges Soros) qui lui a vers plus de 100.000.000 de francs CFA (150.000).

    Qu'est-ce que le peuple attend d'un vrai changement? Quelles sont les revendica-tions du peuple?

    JB. K.: Le nouveau gouvernement a commenc poursuivre une politique d'austrit et les intellectuels ont commenc parler dune trve sociale. Cest--dire que les travail-leurs devraient ranger leurs revendications pour un an. Cest la priode prvue pour la transition et dans laquelle il ny aurait quun seul but, cest lorganisation des lections. Mais ce nest pas pour lorganisation d'lections que le peuple sest soulev et que des citoyens sont tombs. Les gens se sont mobiliss parce quils vivaient une situation abso-lument misrable. Ils en ont fini avec lancien rgime dans lespoir de pouvoir mieux vivre. On ne peut donc pas leur demander de ranger leurs revendications dordre social. Les tra-vailleurs veulent par exemple la rouverture du dbat sur la loi 13, celle qui rgit leur fonction et qui est truffe dinjustices et dingalits. Ensuite, les travailleurs veulent, de-puis longtemps dailleurs, des augmentations de salaire. Certainement une augmentation du salaire minimum qui est maintenu un niveau indcent de 30.648 francs CFA (47,5) par mois. Mais ils ne sont pas couts. De plus, les travailleurs organiss dans les syndicats demandent une baisse relle du prix du ptrole, vu quau niveau mondial ce prix a chut. Or au Burkina Faso, on ny ressent pratiquement rien de cette chute: le litre de carburant n'a baiss que par deux fois de 25 francs CFA (0,03)!!!

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    Il y a aussi le code minier qui est beaucoup trop favorable aux grandes socits minires, personne n'en parle, tout est remis aprs les lections: la transition ne peut prendre au-cune dcision. Le code est maintenu pour au moins un an: combien de tonnes d'or, de zinc, de manganse etc. vont-elles disparatre sans comptabilisation? Il y a eu plusieurs cas de populations qui profitant du coup d'tat populaire se sont insurges contre les pratiques illgales des exploitants miniers. Ces socits prennent un permis dexploita-tion pour une superficie donne, or les populations s'aperoivent quelles reprent les sites d'orpaillage en exploitation traditionnelle sec (2), et en chassent les orpailleurs. Cette pratique nest videmment pas prvue dans l'nonc de leurs permis: appel la rescousse par les miniers, le nouveau rgime a envoy des contingents militaires pour mater orpailleurs et fauteurs de troubles et garder et scuriser ces zones.

    Compaor, c'est clair, ne reviendra plus au Burkina: les Amricains via l'ambassadeur de France (qui lui a permis de fuir le Burkina le vendredi 31 fatidique) lui ont fait com-prendre quils ne le veulent plus ici. La question des biens mal acquis et de l'enrichisse-ment illicite des 27 ans de son rgime, de la famille Compaor, de ses ministres et autres corrompus de son rgime, reste aussi une question ouverte qui nest nullement aborde par le rgime actuel. Aucune dmarche des nouveaux gouvernants n'est entreprise pour saisir les tribunaux pour que ces biens mal acquis soient restitus lEtat burkinab.

    Est-ce que les lections annonces pour novembre, pourraient amener un change-ment?

    JB. K. : Franchement, nous n'attendons pas grand-chose d'lections organises par ce r-gime de transition dirig par des individus comme Kafando et Zida. Pour un vrai change-ment il y a plusieurs conditions. Les conditions objectives, certainement dans le cas de notre pays, sont runies. Le divorce entre les gouverns et les gouvernants est l, du fait notamment des conditions de vie des gouverns qui sont trs prcaires. Mais les condi-tions subjectives, cest quoi? Cest que le peuple est conscient que ce n'est pas un homme qu'il faut changer mais bien un systme qui fait que notre pays reste contrl et gouvern par la France et de plus en plus par les tats-Unis, comme toute l'Afrique de l'Ouest dail-leurs. Or, ce travail de conscience et d'organisation tait en retard, notamment chez la grande masse des jeunes. Mais sachez quau Burkina Faso il existe des hommes et des femmes qui se battent nuit et jour pour qu'un jour les choses changent fondamentalement. Des gens qui croient la libert et cette galit qui fait tellement dfaut dans notre so-cit.

    Tant quil existe de linjustice il y aura des gens au Burkina qui se battront pour un monde meilleur.

    (1) journaliste assassin (brl vif dans son vhicule) alors qu'il enqutait sur le meurtre du chauffeur de Franois Compaor, frre de l'autre.

    (2) les orpailleurs sparent les paillettes d'or du minerai en concassant celui-ci manuellement, cest--dire sans aucun dommage pour l'environnement. Cela sappelle lexploitation sec. Les socits minires, par contre, emploient les cyanures et nitrates d'aluminium pour la sparation chimique de l'or du minerai, ce qui est un procd trs pollueur et toxique pour lenvironnement). Dans le film Prosprit sous Terre que Ronnie Ramirez a tourn en 2014 pour Zin-TV on peut entendre le Directeur de IAmGold SA, expliquer comment il tend son emprise sur toutes les zones aurifres non repres par les cartes gologiques satellitaires et exploites par les locaux; sa socit a propos aprs coup et en vain, au ralisateur jusqu'

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    800.000 pour rcuprer les bandes originales du film.

    (*) Jean-Baptiste Kabor est un pseudonyme. Craignant pour sa scurit, notre interlocuteur a requis lanonymat. Source : InvestigAction

    ..

    Gnocide des Tutsi du Rwanda : quand la vrit ?

    Vingt-et-un ans aprs le gnocide de 1994 qui a cot la vie un million de Rwandais tutsi, et sest accompagn du massacre de milliers de Hutu opposs ce crime, la question des responsabilits de lEtat franais se pose plus que jamais au vu des nouveaux lments charge apports depuis douze mois.

    Par Raphal Doridant

    En avril 2014, au moment de la vingtime commmoration, lancien ministre des affaires trangres Bernard Kouchner a ainsi confirm que le gouvernement gnocidaire a t form dans lenceinte de lambassade de France en avril 1994 , et que Paris lui a livr des armes jusquen aot 1994 . Des livraisons darmes implicitement reconnues par Hubert Vdrine, Secrtaire gnral de lElyse en 1994, devant la commission de la Dfense de lAssemble nationale.

    Interrog le 16 avril 2014 par le dput Joaquim Pueyo, qui lui demande : Est-ce que la France a livr des munitions aux forces armes aprs le dbut du gnocide ? quelle date ? , Hubert Vdrine rpond qu partir de 1990, la France a arm les Forces armes rwandaises (FAR) pour rsister aux attaques du Front Patriotique Rwandais (FPR) et permettre la ngociation dun compromis politique. Il ajoute : Donc, il est rest des relations darmement et cest pas la peine de dcouvrir sur un ton outrag quil y a eu des livraisons qui se sont poursuivies : cest la suite de lengagement davant, la France considrant que pour imposer une solution politique, il fallait bloquer loffensive militaire [1].

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    Hubert Vdrine

    Photo sous licence Creative Commons BY-NC-ND de Franois Van Zon.

    [L]a poursuite des livraisons darmes aux Forces armes rwandaises jusquen juillet 1994 est galement mentionne dans une note du 24 fvrier 1995 de la Dlgation aux affaires stratgiques (DAS) du ministre de la Dfense, rendue publique le 22 avril 2014 par Patrick de Saint-Exupry.

    Pour sa part, lex-capitaine Guillaume Ancel, qui a particip lopration Turquoise, a racont comment il avait t charg de dtourner lattention des journalistes, dans la deuxime quinzaine de juillet 1994, alors quun convoi darmes destines aux FAR tait achemin vers le Zare.

    Le tmoignage prcieux de Guillaume Ancel claire aussi les objectifs rels de lopration humanitaire Turquoise. Lex-officier affirme en effet avoir reu deux ordres de combattre le FPR. Le premier, transmis le 22 juin 1994, tait de raliser un raid sur Kigali, lors duquel le rle dAncel tait daller prs du front pour dsigner aux avions leurs cibles. Le second, le 30 juin, tait daller stopper par la force le FPR lest de la fort de Nyungwe. Une opration annule in extremis, le 1er juillet vers 5 h 30 du matin : Mon hlico a dj dcoll quand un officier de ltat-major du COS vient nous faire atterrir en urgence et annule toute lopration. Cela veut dire quil y a eu un ordre politique, de trs haut niveau, qui a d tre donn au dernier moment (vers 5 h du matin Paris, puisque lheure franaise est la mme que lheure rwandaise). Il a donc d rsulter dun long dbat nocturne, suscit par une des (rares) personnes qui Paris sont informes de cette opration .

    Briser la chape de plomb

    De ces discussions au plus haut niveau de lEtat, nous savons encore trop peu. Le travail de Jean-Franois Dupaquier (Politiques, militaires et mercenaires franais au Rwanda, Karthala, 2014) a certes permis de documenter la dsinformation mene par les services rwandais destination des autorits franaises dans le but de faire passer, avec laide de certains officiers franais, la guerre contre le FPR pour une agression extrieure commise avec laide dune puissance anglophone, lOuganda. Une prsentation taille sur mesure pour cadrer avec lobsession des responsables franais pour la stabilit des allis

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    africains et ractiver le syndrome de Fachoda , la vieille rivalit dinfluence avec les Anglo-Saxons .

    Cette dsinformation dont ils ont t la cible nexplique pas pour autant pourquoi les dirigeants franais, par ailleurs correctement renseigns par la Direction gnrale de la scurit extrieure (DGSE), ont maintenu envers et contre tout leur alliance avec les gnocidaires. Selon la note de la DAS cite par Patrick de Saint-Exupry, la DGSE avait mme propos le 4 mai 1994 une condamnation publique, sans appel, des agissements de la garde prsidentielle rwandaise et du colonel Bagosora . Ce dernier est considr comme larchitecte du gnocide, dont la garde prsidentielle tait lun des principaux fers de lance. Le 18 mai 1994, devant lAssemble nationale, le ministre des Affaires trangres Alain Jupp parle de gnocide et dclare que les troupes gouvernementales rwandaises se sont livres llimination systmatique de la population tutsi .

    Ds lors, pourquoi, deux mois plus tard, vacuer le gouvernement intrimaire rwandais vers le Zare ? Pourquoi faire de la force Turquoise un bouclier protecteur pour les FAR, derrire lequel elles pourront se rfugier avant de fuir le Rwanda pour se reconstituer au Zare, avec laide franaise ? A ces questions, comme tant dautres, les citoyens franais nont reu, pour toute rponse, quun rcit falsifi de la politique mene au Rwanda par un petit cercle de dirigeants politiques et militaires, un rcit qui reoit visiblement laval des plus hautes autorits de la Rpublique.

    [1] Voir lenregistrement vido en ligne. La question de M. Puyeo se trouve 39 40. La rponse de M. Vdrine se trouve 1h 00 38. Le compte rendu n44 des auditions de la commission de la dfense nationale et des forces armes, session 20132014, ne reprend pas les formules : donc il est rest des relations darmement , il y a eu des livraisons qui se sont poursuivies et cest la suite de lengagement davant, la France considrant que pour imposer une solution politique, il fallait bloquer loffensive militaire .

    Source : Survie

    Les causes lointaines de la guerre au Mali Depuis le dbut du 20me sicle, les ressources minires du Sahara : charbon (435 millions t), fer (500 millions t), manganse (3,5 millions t), phosphate (2 millions t), etc. aiguisent les apptits dans le monde capitalo-imprialiste. Dj en 1952, une mission de l'Assemble de l'Union franaise avait conclu la ncessit d'y crer un nouveau Territoire Outre-Mer (TOM). Et ds les premiers jets de ptrole Edjl et Hassi Messaoud (en Algrie), le gouvernement franais de l'poque a dpos l'Assemble nationale un projet de loi tendant faire du Sahara un territoire autonome . Voil l'expression lche ! Larticle que vous allez lire vous donne les cls pour comprendre la gense des vnements qui ont agit le nord du Mali dbut 2013.

    Par Amadou Seydou TRAORE

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    I- REPERES HISTORIQUES :

    Il faut tout d'abord se rappeler qu' l'instar des autres rgions du Mali, les anciens royaumes et empires pr-coloniaux ont opr dans les actuelles rgions Nord un brassage harmonieux de races et d'ethnies rsultant de complmentarits fcondes et tolrantes.

    Une des caractristiques essentielles des populations de la zone sahlo-soudanienne est leur attachement leur espace gographique, la simplicit de leur mode de vie, la cadence de leurs activits pastorales, agricoles, artisanales et commerciales. Tout au long de l'occupation de cet espace, les populations agro-pastorales de cette zone ont cr avec les populations sdentaires des rives du Niger, les conditions d'une vie harmonieuse et d'changes fructueux. Avant, l'occupation coloniale, des ententes tacites liaient sdentaires noirs et nomades blancs, dans le respect de leurs intrts mutuels.

    L'occupation coloniale crera les premires discriminations entre nomades blancs et sdentaires noirs. Les actuelles rgions Nord ont souffert d'une sous-administration chronique : 4 cercles, 10 coles dont 4 dites rgionales (primaires au niveau des chefs-lieux de cercles), 10 dispensaires et infirmeries. Cette administration, gographiquement et culturellement des annes-lumire des proccupations des habitants se caractrisait par la sparation systmatique des deux populations. Rien n'avait t entrepris en direction des populations nomades dans le domaine social et culturel. Seules les populations sdentaires taient astreintes aux 10 jours annuels de prestations obligatoires pour l'entretien des routes et la construction de btiments administratifs. Seules elles taient soumises, au recrutement pour l'cole, l'arme et pour les corves exiges pour les industries coloniales. Le rsultat le plus ngatif tant que rien n'a t entrepris pour le bien-tre physique ou culturel des populations nomades.

    L'un des pionniers de la scolarisation des populations nomades aura t le chef des Kel-Antassar de l'Ouest, Mohamed Ali Ag Attacher qui fit ouvrir des coles sous la tente, pour sa tribu, et dont il faisait assumer les dpenses par les parents des enfants ainsi scolariss. Ce fut l'origine des coles nomades et des cantines scolaires dans les VIme, VIIme et VIIIme rgions.

    Le Mali indpendant, dans ses plans nationaux de dveloppement entreprit de corriger les retards accumuls pendant la priode coloniale : au plan politique, le gouvernement mis en place par l'US RDA fit assurer la reprsentation des populations nomades par trois des leurs sur les dix lus des actuelles VIme, VIIme et VIIIme rgions. Devant l'insuffisance des cadres originaires de cette ethnie, le parti US RDA choisit quatre enseignants qui, aprs un complment de formation, furent nomms dans le commandement et dans la diplomatie.

    Au plan administratif, il fut cr les structures administratives (arrondissements), dotes des moyens rendant possible la vie sdentaire. Ces structures ont t chelonnes de la frontire avec le Niger celle qui nous spare de la Mauritanie, couvrant ainsi la zone d'occupation nomade dans sa totalit.

    Au plan conomique et social, il fut procd la cration de groupements d'leveurs pour toutes les fractions, des fdrations de groupements ruraux et pastoraux dans les arrondissements et l'ouverture d'une cole dans chaque chef-lieu d'arrondissement.

    La multiplication des magasins de la SOMIEX et des dpts de l'OPAM ont permis d'assurer l'abondance et la permanence du ravitaillement en produits de premire

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    ncessit, les officines de la pharmacie populaire ont mis les mdicaments la porte des populations de ces rgions. L'institution d'coles sous la tente, adaptes la vie migratoire des populations nomades, la mise en place de cantines scolaires ont t des mesures spcifiques leur mode de vie. Le coup d'Etat de 1968 a empch le dmarrage des travaux de construction et d'quipement par des fonds maliens, saoudiens et kowetiens d'une cinquantaine d'coles fondamentales bilingues particulirement adaptes la scolarisation des enfants nomades ainsi que la construction du lyce Mohamed V de Tombouctou cofinanc par le Maroc et le Mali.

    Des dlgations de femmes, de pionniers, d'artisans et d'artistes des rgions du nord parcouraient le reste du pays, apportant leur contribution la consolidation de l'unit nationale.

    La priode CMLN-UDPM concida avec la terrible scheresse qui contribua la dgradation profonde et continue de l'cosystme de la zone sahlienne. La scheresse et la dsertification ont gravement perturb le mode de vie des populations, le cheptel a t dcim et de nombreuses familles, fuyant la dsolation, cherchrent sous des cieux clments de quoi assurer leur survie. Le Nord du pays fut d'abord dlaiss, puis cyniquement exploit par le rgime dfunt qui dtourna d'importantes portions de l'aide extrieure, fruit de la solidarit internationale. L'on vit alors dans ces paysages de dsolation, pousser villas somptueuses et fermes agro-pastorales quipes et prospres. Plus grave, le rgime UDPM tout en assurant la promotion personnelle de cadres nomades vreux, raviva l'opposition sdentaires et nomades jadis encourage par le colonialisme, et la cristallisa en procdant la surreprsentation des populations nomades au dtriment de leurs compatriotes sdentaires, ainsi que le montre le tableau ci-dessous de reprsentation des lus UDPM.

    Population sdentaire : 1.000.000 habitants

    Population nomade : 200.000 habitants

    Sections UDPM Secrtaire gnral Dpute BEC

    Ansongo

    Bourem

    Goundam

    Gourma Rharous

    Kidal

    Mnaka

    Tombouctou

    Sdentaire

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Sdentaire

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    Nomade

    On peut maintenant, essayer de comprendre la gense des vnements qui ont agit le nord de notre pays. Il existe deux forces centrifuges : l'une d'origine externe et de nature imprialiste ; la seconde interne et de caractre racial, quoique des alliances puissent les souder provisoirement mme si, objectivement, des contradictions les divisent.

    II- L'O.C.R.S :

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    La premire, tant pour son antriorit que sa gravit, remonte aux dernires annes de la prsence coloniale au Soudan Franais. Le projet de cration de l'Organisation Commune des Rgions Sahariennes (OCRS) ambitionnait de dtacher des espaces territoriaux de l'Algrie, du Soudan Franais (le futur Mali), du Niger et du Tchad, des zones rputes riches en ressources minires au bnfice de la puissance coloniale. Le corollaire vident tait d'obtenir l'adhsion des populations, de miroiter aux yeux des ethnies blanches, la promesse de ne pas subir le commandement des anciens esclaves noirs .

    En quoi consistait ce projet ? Depuis le dbut du 20me sicle des hommes avertis avaient pressenti que le Sahara, dsert et infertile en apparence, pourrait bien devenir un jour, grce ses ressources minires, un territoire trs riche.

    M. Erik Labonne, ancien rsident de France au Maroc avait propos son pays de construire un grand ensemble industriel au Sahara.

    En 1952, une mission de l'Assemble de l'Union franaise avait conclu la ncessit d'y crer un nouveau Territoire Outre-Mer (TOM) et ds les premiers jets de ptrole Edjl et Hassi Messaoud (en Algrie), le Gouvernement Franais de l'poque a dpos l'Assemble nationale, un projet de loi tendant faire du Sahara, relevant de collectivits territoriales et ministres diffrents, un territoire autonome . Voil l'expression lche. Cette notion de Territoire autonome reviendra souvent sur le tapis concernant les rgions du Nord de notre pays.

    Malgr l'hostilit et l'opposition de plusieurs parlementaires d'Afrique du Nord et de l'Afrique subsaharien, l'Organisation Commune des Rgions Sahariennes (OCRS) fut cre par la loi franaise n057-7-27 de 10 janvier 1957 parue dans le Journal Officiel de la Rpublique Franaise du 12 janvier 1957. Le but officiellement proclam tait de promouvoir toute mesure propre amliorer le niveau de vie des populations et assurer leur promotion conomique et sociale dans le cadre d'une volution qui devra tenir compte de leurs traditions .

    L' OCRS devait exercer son autorit sur :

    2 grands dpartements algriens (Saoura et Oasis)

    Les cercles de Goundam, Tombouctou, Gao (limites de 1957)

    Le Nord des cercles de Tahoua et Agads au Niger

    La rgion du Bornou, Ennedi-Tibesti au Tchad.

    Les limites Sud de l'OCRS n'ont pas t fixes par les textes qui se sont borns indiquer que ses limites SUD devront tre prcises aprs consultation des assembles territoriales intresses . Ce qui tait vague pour permettre la France dont les armes se battaient l'poque en Algrie, de pousser les limites Sud aussi loin qu'elle le voulait, puisque les assembles consulter n'taient rien d'autre que des instances aux prrogatives rduites dans le cadre de l'Union Franaise.

    L'OCRS tait place sous la direction d'un dlgu gnral nomm en Conseil des ministres. Ce dlgu devait disposer l'intrieur de l'espace Saharien, de tous les pouvoirs ncessaires pour atteindre les buts de l'organisation et il nommait tous emplois . Il avait, toujours par dcret pris en Conseil des Ministres Franais, dlgation des pouvoirs prcdemment exercs par le Ministre de l'Algrie et par les Hauts Commissaires et gouverneurs de l'AOF et de l'AEF. Il tait responsable, avec l'assistance

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    d'un officier gnral, du maintien de l'ordre et avait autoris sur toutes les forces armes stationnes ou non dans la zone, qui pourraient tre mises sa disposition.

    Une sorte d'assemble assistait le dlgu gnral. Elle comprenait :

    16 reprsentants des populations des rgions sahariennes (8 Algriens, 2 Mauri-taniens, 2 Nigriens, 2 Soudanais, 2 Tchadiens tous sahariens)

    16 reprsentants des assembles franaises (8 dputs franais, 4 snateurs fran-ais, 2 Conseillers de l'Union, 2 membres franais du Conseil conomique)

    8 personnalits choisies au sein des organismes participatifs la mise en valeur du Sahara et on a cit l'poque : le bureau d'organisation des ensembles industriels, la CCFOM (Caisse Centrale), le bureau de recherche de ptrole, le bureau minier de la FOM (France d'Outre-Mer), le bureau de recherches minires de l'Algrie, Com-missariat l'Energie atomique.

    III- RICHESSE DU SAHARA :

    1. L'eau : il est gnralement admis par tous les hydrogologues comptents ayant tudi cette rgion, que le Sahara recouvre d'immenses rserves d'eau sous pres-sion.

    On cite couramment la Mer de SAVORNIN (800.000 km2 50.000.000.000 m3) et le Bassin de KATTARA (3 milliards de m3).

    La nappe la plus importante va de la Mauritanie la Somalie en passant par le Mali, l'Algrie, la Libye, le Niger, le Tchad, le Soudan et l'Ethiopie. Or ds qu'il y a de l'eau, tout devient possible au Sahara.

    1. Minerais : Il a t dcel dans les zones sahariennes, rien que la rgion Nord de Tombouctou les minerais suivants :

    Gypse : 3.000.000 tonnes

    Mirabilite : 198 millions de tonnes

    Glaubrite : 366 millions de tonnes

    Charbon : 435 millions de tonnes

    Fer : 500 millions de tonnes

    Manganse : 3,5 millions de tonnes

    Phosphate : 2 millions de tonnes

    Sel gemme : 53 millions de tonnes

    Des indices srieux existent, concernant le diamant, platine, le cuivre, le nickel, l'or, le lithium, l'uranium, le zinc, l'tain, le plomb et le ptrole. Le Journal Le Monde du 23-7-57 avanait le chiffre de 6 7 millions de tonnes de ptrole comme production potentielle annuelle du Sahara. On se souvient que l'Omnium Franais des Ptroles avait envisag de construire en Bourgogne une raffinerie rien que pour le ptrole saharien. Et Max Lejeune alors Ministre franais, inaugurant le pipeline n1 Toggourt en Algrie, dclarait : Dans quelques annes, la France, aide par des concours extrieurs arrivera obtenir son ravitaillement en carburant et deviendra directement aprs les USA et l'URSS la 3me

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    Puissance nergtique mondiale .

    Et c'est bien l le vritable mobile de la cration de l'OCRS qui a caus entre 1958 et 1960, une vritable fivre dans les milieux, capitalistes et gouvernementaux franais. Des actions mdiatiques ont t menes :

    Une exposition a t ouverte Paris pour faire connaitre les gravures rupestres dcouvertes par Henri Lhote Tam Ajers.

    60 jeunes du Club Alpin sous la conduite de Herzog, le vainqueur de l'Annapurna taient lancs la conqute des cimes du Hoggar.

    Des tudiants avaient fond l'Association de Jeune Sahara pour disait-on, Pro-mouvoir l'ide saharienne de la Jeunesse eurafricaine

    Le Conseil National de la SFIO (Section Franaise de l'Internationale Socialiste) a adopt le 16 mars 1958 Puteaux, une motion en faveur de l'OCRS.

    Le projet OCRS choua parce que le Gouvernement de la Rpublique Soudanaise dirig par l'US RDA, s'opposa fermement cette tentative d'atteinte notre intgrit territoriale, et parce qu'il fut rejet par la plupart des chefs de tribus et de fractions. Cette folle entreprise a donc t enterre l'installation du premier Conseil de Gouvernement de la Rpublique soudanaise, en prsence du Haut-Commissaire de la France et de l'Inspecteur des Colonies : la partie soudanaise tait reprsente par le Vice-prsident du gouvernement, Jean-Marie Kon et le Ministre de l'intrieur Mamadou Madeira Keita. Le projet d'amputation du territoire soudanais au profit de l'OCRS, fut retir devant l'opposition ferme de la partie soudanaise.

    L'anne suivante, en 1958, en prsence du gouverneur gnral des colonies, Messmer en visite chez nous, le conseiller territorial de Goundam, Mohamed El Mehdi, chef gnral des Kel Antassar revendiquait l'indpendance de la zone saharienne qu'il voulait faire riger en soi-disant Rpublique des Lithams pour soustraire les nomades blancs la domination de leurs anciens esclaves noirs . Le Gouverneur Gnral Messmer envisageait favorablement la requte. Il fallut la partie soudanaise un argument juridique et constitutionnel de taille, en l'occurrence l'appartenance de la Rpublique soudanaise la Communaut Franco-Africaine une et indivisible . On voit l un exemple d'alliance entre des forces centrifuges endognes et d'origine externe.

    Le chef Kel Antassar persista dans sa volont de scession dfinitive qui aboutit, la rbellion qui se manifesta dans l'Adrar des Iforhas et fut jugule en 1964. Un noyau rsiduel scessionniste a persist longtemps aprs et a trouv refuge au Maghreb.

    Le mouvement rebelle des annes 1990-1992, chacun le sait, a recrut les populations originaires des rgions dcims par la scheresse de 1973 et qui ont trouv refuge dans les pays voisins et en Libye. Des jeunes et des hommes valides ont t soumis une formation idologique pousse ; ils se sont aguerris dans les champs de bataille d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Certains rvaient d'instaurer au sein de la SAOURA, la rvolution du Mali. D'autres affirmant parler au nom d'un peuple de l'Azaouad, entendaient engager rsolument la lutte arme de libration pour recouvrer leur libert confisque et leur dignit bafoue et pour dcider librement de leur avenir conformment leurs aspirations lgitimes . Les premiers pensaient instaurer une

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    Jamahiriya et les seconds une Rpublique islamique. Un troisime mouvement proclamait que sa berbrit ne serait se raliser que dans une entit excluant les Arabo-islamiques. Les tenants de la Rpublique Islamique ont expdi une lettre au chef d'Etat de l'OUA, de la Ligue Arabe, de la CEE et des Etats Membres Permanents du Conseil de Scurit de l'ONU. Il y est dit que mandat a t donn la direction du Front Islamique Arabe pour la libration de l'Azaouad en vue d'informer longuement tous les pays frres et amis particulirement ceux de l'Afrique et du Monde Arabe, mais aussi la France en tant qu'ex-puissance coloniale, sur le sens et les objectifs de cette lutte de libration et sa ncessit historique devenue plus que jamais imprieuse quant la survie et l'affirmation de son identit propre sur le plan national .

    Il semble que parmi les tribus Touareg, le mouvement de rbellion n'ait touch ni les Ouilliminden de Mnaka, ni les Kel-Bourem, les Irreguenaten et les Iguadarane de Gourma Rharous, ni les Kel Temoulat et les Tillmds de Tombouctou, ni les Tinguerguif de Goundam et de Dir. Il en serait de mme des tribus Arabes des Kunta, des Tormoz et des Idreylouba et enfin les Kel Tamashek des Deg Hawalane, des Kel Haoussa et des Kel Essouk.

    IV- CONCLUSION :

    On peut constater en conclusion que les problmes qu'affrontent les rgions Nord du Mali, les rgions sahariennes d'Algrie, du Niger, du Tchad et de Mauritanie ne sauraient tre rduits une ncessit de dcentralisation administrative. Il s'agit de donner des rponses cohrentes des questions aussi graves que la volont de scession de populations nomades instrumentalises, de protection d'intrts conomiques et stratgiques, de risques ventuels d'unifications base raciale permettant des puissances trangres de s'accaparer des richesses minires en Afrique.

    Source : InvestigAction

    Leons bolivariennes pour lAfrique

    Lance en 2004, lAlliance bolivarienne pour les peuples de notre Amrique-Trait de commerce des Peuples (ALBA) a dj accomplie une uvre riche denseignements pour les peuples africains sur lesquels sabattent les rapacits de toutes les puissances imprialistes qui se dchirent pour piller les richesses ptro-gazires et les minerais stratgiques du continent. LALBA veille lespoir de tous les combattants anti-imprialistes par lexemple de souverainet quelle donne face aux puissances imprialistes et par ses prises de positions rvolutionnaires au niveau international.

    Par Said Bouamama

    Le 14 dcembre 2014, lAlliance bolivarienne pour les peuples de notre Amrique-Trait de

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    commerce des Peuples (ALBA) ftait ses dix ans avec ses onze pays membres. Btie sur les

    principes de solidarit, de simple coopration et de complmentarit , lAlliance se donne pour buts lradication totale de la pauvret, de lexclusion sociale et de la dpendance externei. La jeune Alliance a dj son actif de nombreuses ralisations qui attirent vers elle lattention et la solidarit des peuples africains. Surtout, lALBA veille lespoir de tous les combattants anti-imprialistes par lexemple de souverainet quelle donne face aux puissances imprialistes et par ses prises de positions rvolutionnaires au niveau international. Luvre dj accomplie est riche denseignements pour les peuples africains sur lesquels sabattent les rapacits de toutes les puissances imprialistes qui se dchirent pour piller les richesses ptro-gazires et les minerais stratgiques du continent.

    La solidarit rgionale pour desserrer ltau du march capitaliste mondial

    LAfrique ne manque pas dexpriences rvolutionnaires. A chaque fois, les gouvernements progressistes mis en place par les luttes populaires sont confronts au systme capitaliste mondial, son change ingal, aux stratagmes mafieux quil met en place pour faire pression la baisse sur les prix des matires premires et la dette internationale tranglant progressivement les Etats. Le leader panafricaniste Kwame Nkrumah a, ds 1963, mis en vidence la ncessit dune solidarit au moins rgionale pour rsister aux pressions nocoloniales ii. Dans son livre LAfrique doit sunir , il dveloppe les diffrentes raisons matrielles rendant ncessaire une dynamique de convergence au moins rgionale, si ce nest continentale : Sur le plan conomique, lauteur considre quil est impossible pour chaque pays de sortir de la situation de dpendance ; Les capitaux ncessaires pour une croissance consistante ne sont pas disponibles lchelle de chaque Etat ; Lexistence de plusieurs monnaies, dont certaines dpendent directement des puissances imprialistes, est une entrave aux changes ; Des politiques conomiques non coordonnes engendrent une concurrence entre les pays, ce qui ne peut que profiter aux centres imprialistes qui se rjouissent de lmiettement du continent ; Les projets industriels ou sociaux de grande ampleur ncessaires lamlioration des conditions de vie de la population et lindpendance conomique ne sont possibles qu lchelle du continent.

    LALBA est une mise en uvre concrte de ce programme de dconnection progressive avec le march capitaliste mondial. Les ralisations sont dores et dj consquentes en peine une

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    dcennie : les programmes communs de sant et dducation ont fait pass lindice de

    dveloppement humain de 0,658 en 2005 0, 721 en 2012 ; la nouvelle banque de coopration (banco de l Alba) finance 42 projets pour un montant de 345 millions de dollars (dans des domaines aussi divers que linfrastructure ou les communications, lalimentation ou lenvironnement, etc.) ; pour mener bien certains de ces projets, des entreprises communes ont t cres dites Grannationales (Grand-nationales) ; une monnaie virtuelle commune, le Sucre, a t cre pour servir dunit de compte intra-Alba et permet des changes rgionaux sans utiliser le dollar ; etc.

    La nouvelle dynamique rgionale base sur le principe de complmentarit (lexact inverse du principe de concurrence du FMI et de la Banque Mondiale) met les acquis de chacun au service de tous : le savoir mdical cubain a permis des millions de personnes de tous les pays de lALBA daccder aux soins, lanalphabtisme est entirement limin du Venezuela, de la Bolivie, de lEquateur et du Nicaragua grce la diffusion dune mthode cubaine dalphabtisation populaire de masse ; le ptrole vnzulien est mis au service de lensemble des pays membres par le plan Ptrocaribe, la chane Tlsur assure une information libre des manipulations des puissances imprialistes, etc.

    Au moment o lUnion Europenne impose aux pays africains des Accords de Partenariats Economiques (APE), c'est--dire louverture complte des frontires la concurrence des multinationales (cest--dire encore la plonge dans la misre de millions de paysans et dartisans), lexemple bolivarien dune intgration de complmentarit sans concurrence montre une autre voie pour lAfrique.

    Sappuyer sur les puissances mergentes pour diminuer la dpendance aux imprialismes

    Le colonialisme dans sa forme la plus pure est concrtis par le pacte colonial, cest--dire un rgime dchanges impos par le colonisateur, selon lequel la colonie ne peut importer que

    des produits provenant de la mtropole. Au moment des indpendances, les puissances coloniales ont impos (par le chantage, par les assassinats des leaders africains de la libration nationale, par des coups dtat, etc.) des accords de coopration qui reproduisent le pacte colonial , rduisant ainsi les indpendances des indpendances formelles.

    Initier un dveloppement indpendant suppose de desserrer ltau que constitue ce pacte colonial. Lexistence de puissances mergentes est cet gard un atout majeur de notre poque. Les pays dAfrique ont un intrt objectif dvelopper leurs changes avec la Chine, lInde, le Brsil, etc., pour restreindre les possibilits de rtorsion des pays imprialistes et ainsi sauvegarder leur souverainet nationale. Sur cet aspect galement lALBA est un exemple. Le dveloppement des changes des diffrents pays de lALBA avec les conomies mergentes donne une base matrielle sa politique dindpendance nationale. Ds sa naissance, lALBA affiche son choix politique en la matire : sappuyer sur le nouveau paysage multipolaire mondial pour se librer du systme imprialiste. Le 29 septembre 2014, le prsident vnzulien rclame ainsi une rforme de lONU pour que celle-ci reflte rellement le monde tel quil est :

    Les Nations Unies doivent sadapter un monde multipolaire et multicentrique, avec de nouveaux acteurs, des pays et des rgions mergents, qui ont une voix et leurs

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    propres penses et qui veulent tre respects. [ ] Un autre monde est possible et nous le dmontrons dans Notre Amriqueiii.

    Cest cette politique de refus du pacte colonial qui est la vritable base matrielle des positions anti-imprialistes de lALBA admire par tous les peuples africains : soutien au peuple palestinien, condamnation de lagression contre la Syrie, la Libye ou lIran, soutien la revendication argentine sur les Malouines, plainte contre les USA pour crime contre lhumanit, etc.

    Les conomies africaines sont aujourdhui trangles par des accords scandaleux avec les puissances imprialistes. Lexemple bolivarien de dveloppement des changes avec les puissances mergentes et de dveloppement de la coopration Sud-Sud est aussi pertinent pour notre continent.

    La diversit ethnique et culturelle est une richesse

    Amilcar Cabraliv et Ruben Um Nyobev (tous eux assassins par les puissances coloniales) nous ont lgu une leon qui a trop vite t oublie : Le dveloppement des tats africains doit se baser sur la ralit de leurs peuples cest--dire sur leurs diversits. Faute de cela, cette diversit peut tre instrumentalise par limprialisme pour diviser et justifier des interventions imprialistes. Nous ne sommes pas des dtribalisateurs [ ] Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies de notre peuple. Cest la source mme do jaillira la modernisation de la culture nationale proclamait Um Nyobe en ajoutant mais nous navons pas le droit de nous servir des ethnies comme moyens de luttes politiquesvi.

    La seule manire de sopposer linstrumentalisation imprialiste de la diversit culturelle est le traitement galitaire de toutes les nations, de toutes les cultures, de toutes les ethnies. Dans ce domaine galement, lALBA est porteuse despoir pour lensemble du monde et en particulier pour lAfrique. Elle dmontre que la construction dEtats ne suppose pas luniformisation, lassimilation force, la ngation culturelle, etc. Au contraire, lunit politique durable doit se baser et sancrer dans la richesse culturelle hrite de lhistoire. Linsistance de lALBA sur la fiert dtre afro-descendant et indien nest pas un effet de mode mais une conviction politique profonde. Le nom mme qua choisi lEtat bolivien rsume cette conviction : Etat plurinational de Bolivie.

    Ce nest quen sappuyant sur les cultures populaires relles que lmancipation peut mobiliser les peuples. Chaque peuple ne peut progresser vers sa libration du capitalisme quen mobilisant et en mettant en mouvement ses masses populaires. La socialisation des moyens de production sincarne ici dans le mot nationalisation et ailleurs dans lexpression droit de la Pacha Mama (Terre mre). Le prsident Evo Morales rsume cette leon de lALBA de la manire suivante : la dfense de la mre Terre, que nous les Indiens appelons Pachamama, est la meilleure bannire de lutte contre le capitalisme irresponsable et lindustrialisation irrationnellevii.

    LAfrique qui a tant de fois t victime dinterventions imprialistes bases sur une instrumentalisation de la diversit ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse doit lvidence se mettre lcoute de lexprience bolivarienne.

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    Sappuyer sur les mouvements sociaux

    Thomas Sankara na pas cess au cours de lexprience rvolutionnaire burkinab dinsister sur la ncessaire mobilisation des masses. Seules les masses organises la base et par en bas peuvent garantir une mancipation relle. Thomas Sankara nous rappelait ainsi sans cesse que :

    La rvolution a pour premier objectif de faire passer le pouvoir des mains de la bourgeoisie voltaque allie limprialisme aux mains de lalliance des classes populaires constituant le peuple. Ce qui veut dire qu la dictature anti-dmocratique et anti-populaire de lalliance ractionnaire des classes sociales favorables limprialisme, le peuple au pouvoir devra dsormais opposer son pouvoir dmocratique et populaireviii.

    Lexprience bolivarienne est dans ce domaine galement clairante. Le cinquime sommet de lALBA en 2007 ratifie le principe de la cration dun Conseil des mouvements sociaux en son sein. Il invite chaque pays membre faire de mme. Ce conseil est dsormais un des quatre ( ct du Conseil social, du Conseil conomique et du Conseil politique) qui dterminent les dcisions de lalliance. Il regroupe les mouvements sociaux (syndicats, organisations de luttes, mouvements fministes et mouvements de femmes, organisations des peuples indignes, etc.) des pays membres mais aussi ceux des pays non membres qui sidentifient la dmarche de lALBA (comme le mouvement des sans-terres au Brsil, par exemple). Il a pour objectif dassocier les mouvements sociaux toutes les dcisions de lalliance.

    Lassemble des mouvements sociaux des Amriques a adhr cette dmarche de lALBA. Sa lettre du 2 avril 2009 Pour construire lintgration partir des peuples, pour promouvoir et impulser lALBA et la solidarit des peuples, face au projet imprialiste dmontre que les peuples de lensemble du continent se reconnaissent dans lexprience bolivarienne. Cette lettre prcise :

    Le capitalisme central est secou par une crise structurelle. [ ] Cest une crise du systme, celui qui gnre la surproduction de marchandises et la suraccumulation de capitaux et dont la volte-face est laugmentation brutale de la pauvret, les ingalits, lexploitation et lexclusion des peuples, tout comme le pillage, les pollutions et la destruction de la nature ; [ ] Depuis Belm, o nous nous sommes runis, nous, des centaines de mouvements sociaux de tous les pays des Amriques qui nous identifions avec le processus de construction de lALBA, appelons et nous engageons raliser des plnires nationales dans chaque pays pour gnrer des collectifs unitaires de construction de lALBAix.

    Un des points faibles, et qui sest rvl important, des expriences rvolutionnaires en Afrique a justement t un appui insuffisant sur les mouvements sociaux. Dans ce domaine galement, lexprience de lALBA est riche pour lAfrique.

    Il est frquent en Afrique den appeler au combat pour une deuxime indpendance qui ne se contenterait pas dtre formelle. Cest justement cette indpendance que lALBA a

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    commenc construire. Elle est dfinie ainsi par le prsident quatorien Rafael Correa : Il y a 200 ans, nos librateurs nous ont donn lindpendance politique. Aujourdhui, nous, les nations du continent, devons gagner notre indpendance conomique, culturelle, sociale, scientifique, technologiquex. Prenons le mme chemin.

    Source : InvestigAction

    i Acuerdo para la constitucion des espacio economico del ALBA-TCP (ECOALBA-TCP), http://www.elcorreo.eu.org/IMG/pdf/ECOALBA.pdf, ii Kwame Nkrumah, L'Afrique doit s'unir, ditions Prsence Africaine, Paris, 2001 et Le no-colonialisme : Dernier stade de l'imprialisme, ditions Prsence Africaine, Paris, 2009. iii Nicolas Maduro, Assemble gnrale des Nations Unies, 29 septembre 2014, http://vivavenezuela.over-blog.com/2014/09/l-onu-doit-s-adapter-a-un-monde-multipolaire-nicolas-maduro.html, consult le 3 fvrier 2015 16 heures. iv Amilcar Cabral, Unit et Lutte, La Dcouverte, Paris, 1980. v Ruben Um Nyobe, Ecrits sous maquis, LHarmattan, Paris, 1989. vi Ruben Um Nyobe, Extrait de la lettre Andr-Marie Mbida, 13 juillet 1957, in Achille MBembe, Ruben Um Nyobe, Le problme national Kamerunais, LHarmattan, Paris, 1984. vii Evo Morales, 9me sommet de lALBA, http://www.editoweb.eu/vive_cuba/attachment/200466/, consult le 3 fvrier 2015 17 h 04.

    viii Thomas Sankara, Discours dorientation politique, 2 octobre 1983, "Oser inventer l'avenir" - La parole de

    Sankara, Pathfinder, New York, 1988, p. 46. ix Pour construire lintgration partir des peuples, pour promouvoir et impulser lALBA et la solidarit des peuples, face au projet imprialiste, lettre des mouvements sociaux des Amriques, 2 avril 2009, http://franceameriquelatine.org/IMG/pdf/Lettre_MS_Belem_2009-2.pdf, consult le fvrier 2015 18 heures 15. x Rafael Vicente Correa Delgado , 9me sommet de lALBA, http://www.editoweb.eu/vive_cuba/attachment/200466/, consult le 3 fvrier 2015 17 h 04.