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LE JOURNAL DE JUILLET, tous à l’ambassade Jeudi 01 juillet : ça commence fort ce mois-ci Ouaouh, pourvu que le mois entier ne soit pas à l’image de cette matinée… Même pas le temps de petit déjeuner, les visites se succèdent, pas toutes agréables. Ca commence par le réparateur de TV de Bongor qui vient prendre des nouvelles de son devis. J’en suis désolée, mais les pièces sont trop chères, je ne peux pas le faire travailler. Il me demande alors 7500F pour le diagnostic d’hier ! J’essaie de lui expliquer que je ne peux pas, que je lui ai clairement dit hier que je ne voulais qu’un devis pour savoir si oui ou non le centre culturel avait les moyens, qu’il fallait me prévenir si son entreprise faisait des devis payants. Lui n’en démord pas, m’explique que la consultation à l’hôpital est payante. Pourquoi pas mais lui ayant bien expliqué le contexte pécunier, il fallait alors qu’il me prévienne. Discussion de sourds, visiblement, il ne comprend pas mon point de vue et part fâché. De mon côté je suis bien énervée aussi car j’ai dû lâcher 2000F pour rien et je n’aime pas quand les discussions se terminent comme ça. Il es parti en disant que j’avais dit des mots trop forts, s’excitant sur « vous n’avez pas été assez clair ». Bon, c’est comme ça, mais ça vide beaucoup d’énergie pour un début de journée. Vient ensuite Nadoum Matho, instituteur, qui voulait parler de son projet d’amélioration de l’enseignement au primaire. Nous discutons longuement. Ils ont fait une enquête édifiante, portant sur 151 élèves de CM2 à qui ils ont donné un test : une phrase ½ tirée d’un livre de CP d’Hamadou et Mariam. La phrase était du genre : Hamadou roule sur son vélo. Il va trop vite et dérape. La marmite tombe par terre. Les questions : Hamadou roule t’il doucement ? ou qu’a fait la marmite ? Résultats : 34 élèves ont zéro, plus de la moitié ont moins de la moyenne… Certains ne savent pas écrire leur nom, d’autres répondent par des « Hamadou marmite » ou autres mots illisibles. C’est vraiment triste. Directement je ne peux pas faire grand chose pour eux, si ce n’est leur proposer les livres de la bibliothèque sur la pédagogie (autre enquête : les meilleurs instituteurs ont préparé des cours pour 3 mois, d’autres majoritaires pour une semaine, certains improvisent tous les cours…), ou la cour pour des rencontre débats. Mayeul arrive sur ces entrefaites du chantier et proposent qu’on les mette

LE JOURNAL DE JANVIERddata.over-blog.com/xxxyyy/0/03/10/69/documents-word/... · Web viewArrivés au pont de Chagoua, nous sommes sifflés par la douane. Aïe, j’appréhende toujours,

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LE JOURNAL DE JUILLET, tous à l’ambassade

Jeudi 01 juillet : ça commence fort ce mois-ci

Ouaouh, pourvu que le mois entier ne soit pas à l’image de cette matinée… Même pas le temps de petit déjeuner, les visites se succèdent, pas toutes agréables.Ca commence par le réparateur de TV de Bongor qui vient prendre des nouvelles de son devis. J’en suis désolée, mais les pièces sont trop chères, je ne peux pas le faire travailler. Il me demande alors 7500F pour le diagnostic d’hier ! J’essaie de lui expliquer que je ne peux pas, que je lui ai clairement dit hier que je ne voulais qu’un devis pour savoir si oui ou non le centre culturel avait les moyens, qu’il fallait me prévenir si son entreprise faisait des devis payants.Lui n’en démord pas, m’explique que la consultation à l’hôpital est payante. Pourquoi pas mais lui ayant bien expliqué le contexte pécunier, il fallait alors qu’il me prévienne. Discussion de sourds, visiblement, il ne comprend pas mon point de vue et part fâché. De mon côté je suis bien énervée aussi car j’ai dû lâcher 2000F pour rien et je n’aime pas quand les discussions se terminent comme ça. Il es parti en disant que j’avais dit des mots trop forts, s’excitant sur « vous n’avez pas été assez clair ».Bon, c’est comme ça, mais ça vide beaucoup d’énergie pour un début de journée.

Vient ensuite Nadoum Matho, instituteur, qui voulait parler de son projet d’amélioration de l’enseignement au primaire. Nous discutons longuement. Ils ont fait une enquête édifiante, portant sur 151 élèves de CM2 à qui ils ont donné un test : une phrase ½ tirée d’un livre de CP d’Hamadou et Mariam. La phrase était du genre : Hamadou roule sur son vélo. Il va trop vite et dérape. La marmite tombe par terre.Les questions : Hamadou roule t’il doucement ? ou qu’a fait la marmite ?Résultats : 34 élèves ont zéro, plus de la moitié ont moins de la moyenne…Certains ne savent pas écrire leur nom, d’autres répondent par des « Hamadou marmite » ou autres mots illisibles. C’est vraiment triste.Directement je ne peux pas faire grand chose pour eux, si ce n’est leur proposer les livres de la bibliothèque sur la pédagogie (autre enquête : les meilleurs instituteurs ont préparé des cours pour 3 mois, d’autres majoritaires pour une semaine, certains improvisent tous les cours…), ou la cour pour des rencontre débats. Mayeul arrive sur ces entrefaites du chantier et proposent qu’on les mette en contact avec des instits en France pour échanger sur les méthodes, en comparant notamment avec les classes en ZUS où de nombreux enfants ne parlent pas français à la maison.

C’est ensuite la fille de Monique, tellement semblable à sa mère que j’attends qu’elle prenne la parole avant de savoir qui j’ai en face de moi !Je continue la matinée en recrutant pour l’association. Ca y est nous sommes au complet, Christophe, le coordinateur du programme EVA (éducation à la vie et à l’amour) accepte le poste de secrétaire, puis je me rends dans l’enceinte du lycée, dans la concession où logent le proviseur et les censeurs.J’y trouve Lina Béatrice, la charmante fille du proviseur, qui accepte le rôle de secrétaire adjointe. Je soupçonne Mississipi de trouver que mon choix a été très très bon….

Pendant ce temps, Mayeul travaille sur le logement des pères qui dirigeront le collège. Il paraît que Bédoum a été convoqué à la brigade par un ouvrier qui a été viré parce qu’il a été pris en flagrant délit de vol de fût. Pas gonflé le gars…

Il accuse Bédoum pour avoir travaillé 50 jours sans être payé. Seule trace écrite, le cahier du chantier où il apparaît comme ayant bossé 16 jours et ayant eu un salaire. Mais est ce que le cahier suffira comme preuve ? Mathieu et Martin sont allés avec lui, mais ici le droit et la logique ne sont jamais sûrs de gagner, c’est ça qui fait vraiment peur.

On déjeune de riz et de pâtes. JB dit que le marché est mort, il n’y a plus rien.Pendant la sieste, je révise ma première leçon de ngambaye écrite ce matin pendant le repassage de Jean Baptiste. Ndi to ban wa, ça va avec la pluie ?Quand on émerge un peu tard comme cet après-midi, les soirées durent peu ! un petit tour au centre culturel, l’affichage des nouvelles activités et des nouvelles de la TV, la vérification que la boîte postale est vide, un tour au terrain, une petite réunion en vue du départ (combien de koros de riz achète t’on ? combien de condiments ? et pour la bouillie ? et pour le thé ??, combien de supporters emmènent t’on, loge t’on et nourrit t’on gratuitement ???), et il fait déjà bien sombre.

A la maison, en revanche, tout baigne dans un délicat parfum de beignets qui parvient jusqu’au nez du service construction…

Samedi 02 juillet : expédition ?

A priori, malgré les éclairs qui ont zébré le ciel toute la nuit, la terre est encore sèche et le voyage à Laï possible avec l’équipe de basket.Mayeul s’active, répare et prépare la voiture (vitre tombée au fond de la portière…) et file au chantier.Pour moi c’est samedi, Ndo balè, jour de nettoyage (le vrai mot pour dire samedi en ngambaye d’ailleurs !!). Je suis interrompue par le délégué au sport tout plein de palu et qui ne peut pas venir avec nous, les basketteuses à qui on confie la tâche d’aller au marché acheter de quoi faire la bouillie pour 40 personnes ce soir et de quoi proposer un petit déjeuner. Ils auront de la bouillie ce soir, mais un repas plus consistant juste avant le match dimanche. J’ai aussi la visite d’un père en colère… sa fille a fait le mur ce matin pour partir à Laï sans demander la permission. C’est la sœur qui a vendu la mèche. Elle n’est pas de Kélo, est en vacances ici et son père lui a payé un cours de couture, alors pas question d’aller à Laï…

Jean Baptiste de son côté profite de notre absence pour partir tôt ce matin, il veut aller dans le village de ses parents, et veut tenter les 50 km à vélo sans pluie. Avec le gros emprunt qu’il a fait pour couvrir sa nouvelle maison, il est un peu à sec. Alors il veut choisir un terrain au village, demander à ses parents de le désherber et d’y faire passer les bœufs, lui reviendra pour y planter le sésame. Il a déjà fait ça il y a quelques années, avait alors récolté 6 sacs de 100 kg !

Finalement, c’est le départ, non pas avec 3 pick up comme pensé initialement, mais avec la nôtre, plus un 7 tonnes !Le gros porteur est celui du patron des établissements Boumayo, les bars présents à Pala, Moundou, Kélo. Je n’en crois pas mes oreilles, Bertin m’annonce qu’ils ont été obligé en contrepartie de payer 60 litres de gazole, soit 30 000F, ce qui est beaucoup plus cher que ce qu’on avait prévu. J’ai du mal à comprendre, encore et toujours, que des gars intelligents comme Nguetto, inspecteur des douanes, et Bertin, directeur d’un ONG de micro-crédits, s’y prennent au dernier moment, quitte à payer beaucoup.

Enfin, c’est comme ça, peut être qu’il n’y a pas d’autres manières de fonctionner. Les joueurs et supporters embarquent dans la benne, notre voiture est réservée aux filles, qui viennent aider pour la préparation des repas.Bonne ambiance… les filles se font remarquer, criant, chantant et sifflant. Elles annoncent le passage des gars, parce que le poids lourd avance tout doucement, loin derrière.On rigole en douce quand on commence à les entendre chanter un des « tubes » du concert de la fête de la musique : « sans capote ne baise pas »… On se réjouit de n’avoir pas écrit en gros mission catholique sur la voiture, comme sur celle de l’américaine protestante dont le 4x4 est graffité de Jésus m’aime ou autre Le Seigneur est mon berger…5 minutes plus tard, après le passage d’un pont un peu branlant, elles entonnent « Jésus est merveilleux »… Tchad, terre de contraste !Miracle du jour, les gars du bac, qui ont le monopole et qui en profite avant l’arrivée du pont qui leur enlèvera leur business, acceptent de nous faire passer gratuitement le camion et nous. Enfin nous on s’était un peu planqués… on les connaît trop bien !Arrivée au bord du Logone à 15h. Le bac est vide, de l’autre côté du fleuve. En 5 minutes, c’est la débandade, les joueurs partent en pirogue pour s’entraîner, les supporters qui peuvent se le payer aussi : on se retrouve à 5 à attendre que le bac daigne venir. Mayeul et moi sommes un peu énervés de s’être faits planter comme ça, mais on se calmera un peu plus tard apprenant que le délégué des joueurs sera aller chercher de l’autre côté le chauffeur du bac (allant jusqu’à la mosquée) pour lui expliquer pourquoi nous n’avons pas de ticket.Nous attendons et attendons. On connaît leur manège : comme ils arrêtent à 17 heures, ils font une bonne pause, reviennent à 16h30 pour effectuer un unique aller-retour. Heureusement pour nous arrive le frère Daniel qui les connaît bien aussi. Lui ne perd pas son temps, gare sa voiture, prend la pirogue, passe de l’autre côté et va les secouer. Le temps de la traversée à contre courant et nous pouvons monter !Les conditions deviennent vraiment difficiles : la butte de débarquement est raide et le pick up trop chargé qui est devant nous se pique le nez dans la terre et ne peut plus redémarrer. Nous le contournons et laisser ceux du bac faire leur boulot.

Voilà, les joueurs sont installés au CLAC, les filles commencent à préparer la bouillie. Enfin, 3 sur les 8, les autres étant venues passer un WE à Laï aux frais de la princesse.

La délégation kéloise s’installe au CLAC à la lumière du film de John Woo qui y est projeté ce soir. Ca en jette ! ils ont sous-traité les films à une société quia construit un grand mur, l’a peint en blanc, et projette des DVD avec vidéo projecteur. Il faudrait que je me renseigne plus précisément…Les voilà à peu près installés, notre mission est terminée pour ce soir, nous pouvons aller chez les garçons.Il nous reste un peu de temps pour profiter du matériel de la radio… pour enregistrer une cassette avec des rythmes pour faire bouger l’atelier de break danse du centre, et faire une sélection de nos musiques chiliennes pour Pati la péruvienne.Nous sommes toujours très bien accueillis par Jean le technicien, Socrate et Jonas les journalistes, même si nous abusons un peu de leur local…Nous tombons bien ce soir, c’est l’anniversaire d’Ambroise (les gâteaux et citrons apportés tombent bien aussi !!). Blouze a préparé avec l’aide de Grâce ces

sandwichs samoussas, Ambroise a préparé un gâteau au chocolat, et il y a même une bouteille de vin. Fiesta !A la fermeture de la radio, les journalistes nous rejoignent, les paris pleuvent pour le match de demain !

Dimanche 03 juillet : match chauvin

Un bonheur de grasse matinée, un début de journée tout tranquille. Mayeul et Jérémie sont ensemble, parlant de Dono Manga ou essayant d’aider le réparateur venu sauver internet (toujours en panne, pas de chance pour nous).Moi je suis au CLAC pour une réunion préparatoire, que nous puissions échanger, désigner les arbitres, marqueurs et autres chronos.On voit débarquer un petit arbitre de Ndjamena, qui coupe Nguetto dans ses belles phrases sur le côté amical de la rencontre, et qui demande le pourquoi du comment des deux joueurs qui sont aussi entraîneurs. Djas et Nguetto, qui sont directement visés, le calment à coup d’exemple de joueurs célèbres en Afrique. Moi je rigole en douce, mais je n’y connais rien. De toutes manières, en termes d’organisation, c’est Kélo qui mène la danse : l’entraîneur de Laï est en fait entraîneur de volley, mais remplace un collègue absent.

Une petite salade de riz avec les merveilles du placard de Jérémie (maïs, thon et autres raretés) et c’est déjà l’heure du match. L’appareil en bandoulière, j’en profite pour canarder le petit Mathurin qui barbote dans un sceau d’eau avec des mines à rendre gaga un anti-bébé… Sa grande sœur Nadine nous accompagne au terrain, et doit trouver qu’il manque quelque chose à ma robe, car elle me tend son collier de perles en me disant « prends ». J’en suis très touchée… et lui rend avec bonheur car je n’ai pas exactement le même tour de tête qu’une fillette de 8 ans !Mayeul et Jérémie se mettent en arrière, moi je vais m’asseoir sur les bancs des invités et officiels. Le maire de Laï est déjà là, le SG de je ne sais quoi aussi, le Délégué régional de la jeunesse et sports également.La match est curieux, commence tout doux, se passe essentiellement non sur le terrain, mais à la table de marque. Les deux arbitres passent leur temps à s’expliquer, Nguetto doit souvent intervenir. Du coup, le public est un peu froid au début, surtout que les équipes se valent, et que le score est serré. Finalement, ça partira dans les dernières minutes. Quelques uns de nos bons joueurs ne sont pas au mieux de leur forme et ça finira à 47 contre 44 pour Laï. A cinq minutes de la fin du match, le délégué a fait du zèle et ordonné aux militaires présents de dégager les enfants et spectateurs, postés là où il ne fallait pas et qui bouchait la vue des invités assis. C’est bon, on ne voyait rien depuis le début du match, pourquoi tout interrompre, donner en spectacle des militaires qui le regard teigneux cravachent avec leur ceinturon ou bastonnent des petits et des grands, provoquant une bousculade, menaçant de casser les enceintes sono ?Comme d’habitude, il y a de la poussière et des tapettes et sandales dépareillées qui traînent sur la pelouse désertée, dans les secondes qui suivent… puis, tout le monde se remet au même endroit, habitués qu’ils sont aux coups en tous genres !Colette assise à côté de moi regrette une fois de plus la présence d’hommes en arme dans un lieu aussi pacifique qu’un terrain de sport. Je suis étonnée de voir que je m’y suis habituée… même s’il n’y en a pas à Kélo. Le truc qui me fait peur à moi, ce sont les coups perdus : leurs armes n’ont pas l’air d’être bien neuves.

Coup de sifflet, les autorités vont saluer les joueurs. Timide, je vais me mettre avec mon collègue Bertin pour aller ensemble se mettre dans le rang ! Nous

saluons l’équipe de Laï, puis je suis happée par Socrate, qui prépare l’émission Sport+ pour la radio Effata, et je dois donner au micro de son magnéto des impressions sur un sport dont je ne connais même pas bien les règles. Je me rends compte que la langue de bois, c’est assez simple en fait…Après, j’ai bien du mal à aller saluer mes joueurs, il y a foule !Je prends mon sac, la voiture, et vais au CLAC. Dans le programme, il fallait partir vite vite pour rentrer ce soir à Kélo.Mais…

- le chauffeur du bac à qui un repas avait été offert pour qu’il nous traverse après l’heure légale a fait savoir qu’il préférait les noix de colas et les cigarettes

- le bac est tombé en panne de l’autre côté du fleuve- les joueurs et supporters décident brusquement qu’ils ne veulent pas

rentrer ce soir, que c’est trop dangereux en pirogue, puis la route et les phares qui éclairent mal…

On se bat un peu avec Nguetto et le coach, d’autant plus que c’était prévu, qu’il y en a 3 ou 4 qui travaillent demain (dont Mississipi, stressé de ne pouvoir ouvrir la bibliothèque à l’heure), et que nous soupçonnons la majorité d’être venus pour s’amuser et de vouloir fêter ce soir encore.Mais le temps de la discussion, la nuit est tombée, il est définitivement trop tard. Le coach m’avoue être inquiet pour les filles qui vont aller au quartier. Je soupire, elles sont grandes et sont sensées être responsables. Mais je regrette autant que lui l’allure que prennent les choses.Je les laisse, invite les deux compères à boire un verre. Mais le coach ne viendra pas, « gardant la maison » pendant que les jeunes sont partis qu quartier. Décidément, c’est une crème ce coach !

Je rentre chez Jérémie, annonce que je reste la nuit en plus. Mayeul devait rester pour aller à Dono Manga demain, puis rentrer avec la voiture.Nguetto vient faire un tour, nous raconter ses malheurs avec l’arbitre qui était paraît-il fin saoûl…Un petit tarot puis au dodo, nous sommes tous claqués.

Lundi 04 juillet : pfffou…

Réveil à 5h45, Mayeul me pose au CLAC puis rentre chez les garçons. Je pars en camion avec les joueurs, Mayeul va à Dono Manga.Sauf que… il pleut à verse depuis 3 heures du matin, mettant tous les plans à terre.A 6 heures au CLAC, tout le monde dort ou presque, nous n’insistons pas et repartons nous mêmes nous coucher jusqu’à 8 heures. Il pleut toujours, la virée à Dono Manga s’avère impossible, la route est innondée, il n’y a pas de véhicule assez puissant pour passer. Sous la pluie toujours, je passe au service impression faire des copies de l’affiche du prochain concert (depuis la fête de la musique, les demandes pour des concerts se multiplient), Mayeul va au garage faire réparer l’essuie glaces qui a bien choisi son jour pour tomber en panne.Je vais faire un saut au CLAC voir ce qui se trame… il n’y a plus personne, que le délégué qui m’assure qu’ils sont encore au bord du fleuve. Je pose la voiture et vais à pied vers l’eau, me rendre compte de leur position. Mais avec les méandres, je ne vois rien, et je dois faire un footing dans le sable pour les trouver. Ils sont en train d’embarquer dans les pirogues, au grand complet. Le bac est toujours de l’autre côté, personne n’ayant l’air de le réparer.Le nouveau plan se dessine, qu’ils nous attendent, je repars prévenir Jérémie et Mayeul, nous prenons nos sac, Jérémie nous pose au fleuve, nous traversons et

voyageons tous les deux avec les joueurs dans le camion. Jérémie laisse la voiture au garage, quelqu’un la redescendra vers Kélo quand la route sera plus sèche et que le bac sera réparé.OK, sauf que quand nous arrivons au fleuve, nous voyons le gros camion jaune qui s’en va, qui stoppe à nos cris, qui attend, puis qui repart, pour finalement s’arrêter une fois monté sur la route (visiblement, des problèmes au démarrage). Nous voilà dans la benne, nous partons. Pas pour longtemps car au bout de 8 km, nous sommes arrêtés par une barrière de pluie. Il est 10h30, le gars annonce qu’il l’ouvrira à 14h… C’est bien en théorie ce système pour protéger les routes, mais quand ça te tombe dessus… !!Nous sommes en pleine brousse, certains, que nous suivons, décident d’aller à Béré à pied où il y aura de quoi boire et manger. Nous partons avec Tap, convaincus que ça ne sert à rien, mais que ça va nous occuper, pour la beauté du geste, pour le 1% rando de chacun de nos voyages.Nous marchons… ligne droite en latérite, du vert tendre de chaque côté, des rizières, champs de mil ou de coton. Nous ne le referions pas tous les jours, mais ces 2heures ½ de marche sont une occasion de découvrir ce trajet connu d’ôté, des rizières, champs de mil ou de coton. Nous ne le referions pas tous les jours, mais ces 2heures ½ de marche sont une occasion de découvrir ce trajet connu d’une autre manière. Les gens que nous croisons, souvent à vélo, parfois en boubou blanc dans les flaques, ont l’air étonnés de nous voir marcher au milieu du rien, puis nous nous saluons. Il ne pleut plus mais la route est bien mouillée et glissante, et mes tapettes ne sont pas des chaussures de marche. Je me rassure en voyant que les Pataugas de Mayeul ont une semelle de boue collée aux crampons, et qu’il glisse autant que moi. Tap est marrant, très attentionné, il doit croire que nous ne savons pas marcher, voire penser que nous sommes nés dans une voiture. D’ailleurs plusieurs nous feront la réflexion que nous sommes « forts », alors qu’eux mêmes viennent de faire la même chose.Nous traversons un village dans la forêt, nous sommes l’attraction, puis encore de la ligne droite et nous voyons le panneau ‘Bienvenue à Béré’ se profiler loin loin à l’horizon.Du vert partout, de ce beau vert que j’avais découvert par la fenêtre du train en Inde entre Calcutta et Bénares, des vaches, des troupeaux conduits par des nomades, des petites cases qui apparaissent entre deux palmiers, des agriculteurs qui marchent derrière la charrue tirée par des bœufs, des femmes qui sèment, des enfants qui jouent. Ces scènes champêtres rendent la marche agréable.Tap est bavard, nous raconte ce qu’on savait déjà sur son mariage un peu forcé à 16 ans ; nous parle des filles qui sont compliquées et qui n’ont pas les bons comportements comme les filles de Kélo qui sont allées faire la fête au quartier et ne sont parfois pas rentrées. Sa petite sœur à lui, il ne voudrait pas qu’elle vienne dans un déplacement de ce genre là. Elle et lui se comprennent bien, ils se parlent, mais elle vit avec leur grand frère qui ne parle pas mais a la chicote facile. Il vient d’envoyer un message à Tap pour dire que leur sœur était enceinte… 16 ans.Les relations garçons filles, tout un poème, et chacun des deux camps a ses responsabilités, quoi qu’ils disent. Il ne faut pas être féministe à tout crin, reconnaître que pour un peu de rêve, un peu d’action, un peu d’argent, un peu d’occupation, les filles sont assez faciles et intéressées ; éduquées aussi à s’intéresser assez peu à leur cerveau, devant parfois des fifilles un peu cruches et coquettes. De l’autre côté, des garçons qui « coupent » les filles à tout va, les considérant souvent comme des moins que rien, des filles quoi.Le résultat est souvent d’une tristesse…

Et après être arrivés à Béré, avoir bu un coca (frais !) et fait un tour au marché (en groupe, ça faisait un peu les parisiennes à la campagne, avec nos filles qui, contrairement à leurs tenues à Kélo, étaient toutes en pantalons et tee shirts, souvent moulant), le camion est arrivé, peut être 15 minutes après nous !Au moins, nous n’avons pas attendu assis sans rien faire.C’est reparti (une autre barrière de pluie sera négociée). L’ambiance ressemble à un déplacement de jeunes sportifs, c’est universel, avec des bans lancés, repris tous en chœur.Sauf que ça ne vole pas toujours très haut et vient conforter les lignes écrites plus haut. Mino ne me traduit pas tout, mais il y a des phrases du genre « on est partis avec les filles de Kélo pour que les gars de Laï puissent les baiser ». Ados du monde entier, toujours aussi graveleux et bêtas, on reprend un coup de vieux en entendant les gros rires…Dans la même série, un truc que je ne comprends pas non plus. Dans la rue, c’est très mal vu d’avoir un geste tendre, d’ailleurs les couples ne se promènent presque jamais ensemble. Mayeul et moi respectons toujours une distance de sécurité…Et bien parallèlement à ça, voilà qu’Emmanuel et Bienvenue s’allongent bien collés serrés au milieu du camion, avec les commentaires de tous les autres. Cette même Bienvenue qui chantent à la chorale tous les dimanche, et qui est la grande amie de la sœur Anne Marie.Moi j’avoue être désemparée devant autant de contradictions, et remet beaucoup en cause la religion ici. Quel sens a t’elle dans la vie quotidienne ? j’ai l’impression toujours plus forte que ça sert uniquement à rythmer le quotidien, à créer une communauté où il y a des activités qui peuvent passer le temps…En France, ces contradictions, ces hypocrisies, sont moins flagrantes, parce que les situations sont moins tirées à l’extrême. Ici, on est à fond dans la religion, on ne parle que de Dieu et des livres saints, mais en pratique, plus rien, voire l’opposé de ce qu’on dit. Chez nous tout est plus mou…

Sur ces réflexions, perturbées par les coups de sifflet et les chants, nous finissons pas arriver à Kélo. Il est 16 heures… La population est vite informée de notre retour et du résultat du match : du haut de notre camion, nous avons traversé le marché et la rie commerçante, des visages souriants à notre vue nous ont accueillis, on ne va pas cracher dessus !Nous sommes vannés, et ravis de trouver un repas qui nous attend. Mes muscles refroidis, je me rends compte de certaines douleurs après la marche forcée… heureusement que Tap n’est plus là !Mayeul et moi avons développé de jolies couleurs rougeâtres, malgré les nuages.Suprêmes efforts pour aller ouvrir la boîte postale, découvrir que nous n’avons pas de courrier, accueillir pour Mayeul un maçon et un entrepreneur qui débarquent 3 minutes après nous. Guy, un jeune très sympa adepte du centre culturel, vient en moto nous informer du décès subit de son père, d’un infarctus.Je découvre cette importance de l’annonce : il a emprunté une moto et va faire part de la nouvelle à tous.

Mais ça repart en plus gai après la visite d’Innocent : nous avons 4 colis qui nous attendent au presbytère, en provenance de Ndjamena.Familles, amis, soyez remerciés !! nous avons arraché les papiers, scotchs et ficelles pour découvrir les bonnes nouvelles, les nutella, fraises tagada, saucisson et babybel, les stylos, vêtements pour le centre, les photos de vous et toutes ces bonnes choses.Quelle bonne soirée passé au pays… Merci !!

Mardi 05 juillet : place mortuaire

Hé ben, est-ce la faute des tapettes, du sol glissant, de l’âge ou de l’encrassement ?De notre côté nous mettons nos courbatures et autres hanches en bouillie sur le compte de tout sauf de nous ! mais après une nuit où nos muscles se sont refroidis, nous sommes tout raides et tout rouges (c’est comme en Bretagne, le soleil se cache derrière les nuages).Comme la voiture est restée à Laï dans l’attente d’une hypothétique réparation du bac, nous sommes redevenus piéton. Mayeul essaie de négocier le scooter des sœurs, mais ça sera dur pour ce matin, elles ont du monde et doivent faire les courses. Nous sommes donc tous les deux à la maison, Mayeul dans la partie « service construction », moi dans la partie banalisée où je tente vaguement de travailler, finissant et savourant le courrier reçu hier.A onze heures, réunion d’équipe, je fais un petit point après un mois d’existence dans cette nouvelle configuration à 4. J’essaie de faire passer quelques messages aux deux jeunes, qui ne s’investissent pas autant que je le souhaitais dans leur rôle de bibliothécaire. Enfin, surtout Wangbeye, qui ne sait toujours pas où se trouvent les livres, même les plus demandés.Je les informe de la programmation des vacances, de la mise en place des nouvelles activités, et commence à les tenir au courant de la restructuration du centre pour que son pilotage soit assuré par une association.Dans la foulée, je passe prendre Mayeul, qui se trouve avec Félicité et Ambroise, de retour de Moundou pour passer une radio à l’hôpital.Le corps du père de Guy a été déposé chez Nguetto, car ils sont parents, et le cortège va prendre place dans un véhicule pour emporter le corps à Doba où aura lieu la cérémonie. Si nous voulons aller saluer Guy, c’est donc le moment.Yannick et Mississipi nous accompagnent, un sac à la main, car ils veulent aller à Doba avec la famille. Je m’interroge un peu sur leurs motivations car ils ne sont pas si proches que ça de Guy.Nous traversons le quartier Pagré et arrivons dans la concession. Devant se trouvent deux véhicules, un pick up et une ambulance. Sur la porte d’entrée, une photo du défunt imprimée, « Page 1 sur 1 ».A l’intérieur, la foule, femmes et hommes séparés, un côté multicolore répondant à son vis à vis de costumes sombres. De nombreuses têtes connues, Monique, Claudine, des femmes de la Senafet, des jeunes du centre comme Roadoum, Marcellin, le directeur de l’école, etc. Une émotion qui m’étreint à la gorge en voyant Guy s’avancer vers nous, un regard perdu beaucoup plus vrai que tous les cris des pleureuses. Je ne trouve pas les mots, Mayeul assure. J’arrive à lui dire que nous serons là pour l’accueillir au retour.Un homme fait une sorte de discours, puis le cercueil, simple boîte en planches, est sorti, le couvercle suivant derrière, puis mis dans l’ambulance. La famille proche monte à côté, les autres dans le véhicule. Les jeunes sont dépités, il y a trop de place et ils ne seront pas du voyage. Marcellin, le meilleur ami de Guy est déçu, mais comprend que l’important sera d’être là après. Yannick confirme, et explique que les gens seront gentils, mais que dans un mois, le défunt sera oublié. Il était divorcé d’avec la mère de Guy, celui-ci vivait avec son père et sa belle-mère avec ses deux petits demi-frère et sœur. Nous ne savons pas ce qu’il deviendra l’année prochaine.On dirait qu’ils veulent épaissir le mystère de la mort : infarctus, tension, ou … poison. Tu n’as pas vu ? son sang sortait de partout sur sa figure, sans blessure. Moi je suis restée avec les femmes, mais Mayeul a vu un corps propre et sans trace…

Dernier commentaire de Yannick : « la mauvaise chose, c’est qu’il n’était pas chrétien mais animiste ». Le Tchad et les tchadiens, tant de choses à essayer de percer.

Nous rentrons à la maison sous un soleil de plomb et partageons un repas plus joyeux avec nos visiteurs en transit, qui repartiront en occasion dans la foulée. Pas de sieste, au boulot après la pause carambar (au secours, leurs blagues sont vraiment de plus en plus minables).Mayeul, qui a obtenu le scooter, part sur le chantier et en revient un peu déçu. Ils avancent bien, mais un peu vite. Rien n’est parfait. A priori, il sent qu’ils n’ont pas l’habitude de travailler avec un architecte. Bédoum, le conducteur de travaux, n’a pas l’habitude de regarder les plans : pour lui, ce sont des indications, non pas des choses à respecter strictement.Ensuite, ils ne disent pas tout des moyens de mise en œuvre, Mayeul propose des solutions sur ce qu’on lui a dit, et découvre de nouveaux éléments une fois que c’est trop tard.Enfin, certaines demandes de Mayeul qui étaient transmises ne sont pas réalisées : un tableau a été posé au mur alors que les crépis extérieurs ne sont pas faits, en cas de grosse pluie, le tableau sera endommagé ; les portes ont été posées sans que la dalle intérieure n’ait été nettoyée, ce qui rendra une éventuelle chape difficile à réaliser… Tout n’est que raccords, comment le bâtiment vieillira t’il ? avec philosophie, il se dit que le second bâtiment, identique au premier, ne verra pas les mêmes erreurs.C’est vrai que l’entreprise de Matthieu n’a pas beaucoup de fonds, et donc peu de matériel en propre, qu’il doit tout louer et bricoler. Mayeul a eu l’occasion de rencontrer un autre entrepreneur à Laï, Allafiz, et de discuter boulot. Par exemple, eux ont des grandes tôles métalliques planes qui leur servent pour coffrer le béton. Les dalles sont donc strictement lisses. Avec Case Vie, le béton a pris les plis des feuilles de plastique…

Aujourd’hui je lançais à la bibliothèque une après midi « explication des règles du jeu » pour faire découvrir les autres ressources du centre, en plus des scrabble et autre dames qui marchent très bien. Personne n’est venu me trouver, et je n’avais pas assez d’énergie pour aller en trouver 2 ou 3, initier le truc pour faire tâche d’huile. Je ferais mieux la prochaine fois.

Il n’y a plus personne chez les prêtres, personne n’allume le groupe électrogène. Le dernier présent, Innocent, est parti à Yagoua au Cameroun, avec la sœur, … faire des courses. Merci les bons d’essence du diocèse, ça me met hors de moi ce gaspillage. Quand on voit que les voitures sont le premier poste de dépenses…Mayeul part faire un tour au presbytère, personne, entre et trouve la clé. 10 minutes plus tard, le gardien : « Ah, c’est toi, Mayeul !» !Visite de Christophe Ngarmadji et de Nadoum Matho pour préparer la première conférence débat du cycle « amour et sexualité », et de Bédoum pour Mayeul.Avec un peu de saucisson, nous sommes regonflés à bloc. Il y a vraiment de bonnes choses en France quand même.

Mercredi 06 juillet : macédoine de faits divers

Grande première, Mayeul va au chantier à vélo, avec celui de Jean Baptiste. Pas de voiture, les sœurs au scooter absentes… je crois qu’il aura utilisé tous les moyens du bord. Ca nous redonne envie d’acheter des petites reines, c’est bien pratique dans Kélo.Il y va pour régler des histoires de portes trop basses.

Moi mon rythme est décidément plus tranquille depuis les vacances. Je bouquine un peu, puis part en vadrouille au CEG porter la lettre que l’entraîneur de Laï m’a confié pour donner en main propre au directeur du CEG qui est son petit frère.Il est dans son bureau, m’accueille fraîchement (- Je vous dérange ? –Asseyez vous avant de me dire si vous me dérangez) (on perd l’habitude, en général, on a le droit au traitement nazara…), puis se détend quand j’explique le motif de ma venue. Il me demande des précisions sur la manière de passer un communiqué à la radio Effata car il voudrait présenter ses condoléances à la famille d’une brillante élève de 3ème qui vient de décéder. Elle était enceinte de 4 mois, et a avorté à l’aide des fameux docteurs Tchouko (docteurs l’arnaque), ces ignares en médecine qui vendent des comprimés sous le soleil du marché.C’était une fille chrétienne qui sortait avec un garçon musulman. Il y a plusieurs mois, le papa du gars, qui ne voulait pas d’une fille non musulmane, avait déjà amené les deux tourtereaux à la brigade. Ils avaient juré ne plus se revoir. Ce qu’ils n’ont pas réussi à respecter puisqu’il y a eu une grossesse. Aujourd’hui la fille est morte, le gars est au poste… en 3ème…

Je poursuis vers la librairie prendre les nouvelles revues de juillet. J’ai failli me faire avoir… nous finissions une discussion sur la place de l’indépendance avec le chef du service de l’immigration, nous nous sommes salués, et j’ai repris ma route. Oups… un militaire était en train de monter le drapeau, je me suis vite arrêtée et me suis composée une attitude des respect suprême. Ouf, pas de remarque !

JB a récupéré son vélo et a pu aller au marché.Mayeul prépare des tableaux d’avancement tâche par tâche pour essayer de bien cadrer le timing.Odile fait du courrier pour répondre aux gentils expéditeurs, puis se replonge dans les maths l’après midi, car les cours d’été vont commencer. Objectif, finir les programmes de l’année !Rendez-vous avec les break danseurs pour mettre au point leur atelier. Ils dansent dans un bar samedi, on va faire de la pub pour les cours, on essaiera après de leur passer des vidéos où des pros montrent leurs techniques décomposées en mouvements.

Visite de Bédoum, tout dépité par ses histoires de famille typiquement tchadienne. Comme il est jeune, qu’il gagne de l’argent, il est harcelé par toute sa famille. Là, il a un cousin au chômage qui squatte chez lui depuis un mois, bien sûr logé et nourri à l’œil. Maintenant il veut repartir, il emmerde Bédoum pour que celui-ci lui paye le voyage de retour…Il a aussi un oncle, le petit frère de son père, qui est entrepreneur. Il veut que son neveu lui paye des mètres, des niveaux et du matériel de chantier. Comme c’est son aîné, il n’a pas le choix. Bilan, il est à sec, ne fait aucune économie pour lui.En théorie, le système est réciproque. C’est celui qui va visiter un parent qui est pris en charge par ce parent. Mais si Bédoum rend la pareille au cousin squatteur, comme celui-ci ne travaille pas, ce sera quand même à Bédoum de payer tout. C’est là où ça coince.Alors après, quand l’ami de Mayeul de la mairie lui vante les mérites de la solidarité à l’africaine, on se dit que tout a été un peu dévoyé et qu’aujourd’hui c’est la jungle et chacun pour soi, plus on profite des autres, mieux c’est !

Jeudi 07 juillet : nada de especial

Avec Jean Baptiste, on commence bien les cours de ngambaye, nous on s’arrache les cheveux, lui il se tord de rire. Est ce que les français seraient incapables de se défaire de leur cartésianisme et de piger un truc pas trop trop logique ??En tous cas, j’avoue ne pas être brillantissime : pourquoi peut-on dire ma koussa (je mange), i koussa (tu manges), mais mam gere (je comprends) et pas ma gere ? Parfois il faut rajouter un a, d’autres fois c’est un k qu’il faut enlever, parce que ça ne sonne pas bien… et comment je fais pour savoir que ça ne sonne pas bien ?JB est gentil, il dit que c’est très bien quand on arrive à répéter une phrase, c’est un bon coach ! juste un peu trop bavard… à chaque question, on a un palabre sur la philosophie du mot et son caractère polysémique !Si vous rajoutez les lettres mangées pour aller plus vite, vous comprendrez notre désarroi face à cette langue que tout le monde qualifie de facile.Hé ben, heureusement que le marba n’est pas parlé ici, parce que là, c’est plus dur !Le marba est parlé à Baktchoro, 20 km nous sauvent un peu.

Sinon, une journée chaude et ensoleillée, même si le mercure ne dépasse plus trop les 30° à l’ombre. Travail, chantier à vélo, visite chez Marthe et Jérôme les deux profs de sport qui veulent bien entraîner des équipes pendant les vacances. Ils reviennent juste de Ndjamena et travaillent maintenant sur le terrain qu’ils ont acheté. Le coût du foncier s’envole à Kélo. Avant ça valait 60 000F, ils viennent de l’acheter 140 000F, grâce à la vente d’un terrain qui avait aussi pris de la valeur à 80000. J’ai l’impression de retrouver le système parisien : tu achètes un studio, tu le revends pour acheter un 2 pièces, tu le revends, etc…Mayeul revient dégoulinant, il faut dire que pédaler dans le sable sur un vélo nigerian qui a perdu une pédale et qui n’a plus de frein, il y a mieux pour faire des records de confort !

Déjeuner délice de frites et brochettes, siesta, téléphone avec Patrick, en direct d’une quincaillerie à Ndjamena pour acheter les pièces défectueuses de la TV du centre culturel.Re-boulot… démarrage des cours de maths d’été. Tous les jeunes qui faisaient partie de l’expédition à Laï me demandent si je suis bien reposée. Quand même vous avez marché 13 km. J’ai beau faire la fière et dire que ce n’est pas la première fois, ceux qui m’ont vu boiter pendant 2 jours m’ont démasquée.Ah, retour de Guy, après l’enterrement de son papa. A priori, il reste à Kélo, ce qui est une bonne nouvelle. Il sourit un peu mais garde une ombre dans ses yeux.

Bon, bilan du potager : c’est pas de notre faute, c’est la terre qui est nulle ! trop acide, avec trop de caillasses. Partout ailleurs, ça pousse en pagaille, mais chez nous, niet.Menthe, persil, tomates cerises : zéro.Radis : 3 pousses bouffées par les chenilles.Tomates moyennes : quelques pieds qui poussent de 2 mm par semaine (chez les gars à Laï, 20 cm en deux semaines…)Basilic : doucement, doucement.Seule grande réussite : les pastèques. Nous avons semé les graines de celles que nous avons mangé, et plusieurs pieds commencent à sortir.On va changer de stratégie, planter des pieds et non plus semer, et essayer plutôt les espèces locales (patates douces, maïs).Heureusement que sur le volet « les parigots à la ferme », la basse cour se porte mieux !

Contrairement à notre poulette sans instinct maternel, la cane fait bien son boulot : 12 œufs aujourd’hui, qu’elle ne couve pour l’instant que la nuit. Mais elle s’arrache les plumes du ventre pour leur préparer un petit nid douillet…La famille va bientôt s’agrandir !

Vendredi 08 juillet : du nouveauLa journée commence par un dialogue de sourds et un gros lapin. Mayeul essaye de fixer une date avec Jérémie pour aller ce coup-ci à Dono Manga, mais c’est parfois difficile de communiquer par radio, à raison d’une ou deux phrases. Et quand la réponse n’est pas celle que l’on attendait, il faut attendre la vacation du midi, ce qui n’accélère pas les choses.Moi c’est mon rendez-vous avec les très sympathique mais néanmoins imprévisible Jérôme, prof de sport, qui tombe à l’eau. Quand c’est à la première heure, j’aime pas…Patricia arrive et s’inscrit à la bibliothèque : elle souhaite faire des recherches sur la situation politique du Tchad avec cette histoire de referendum, pour pouvoir faire une petite présentation lors de la rencontre annuelle de leur congrégation à Kinshasa.

Nous travaillons ensuite avec Monique Teimta, relisant les statuts et réglements de son groupement Lam Lam tenkor, modifiant et clarifiant certains articles avant l’impression.Yannick arrive et vient nous prévenir « qu’une petite Odile est venue les visiter hier soir à 23 heures ». Je m’emballe tout de suite, je crois que Florence a donné mon prénom a sa fille… Yannick m’explique que la coutume veut que le prénom soit donné au bébé après une semaine, mais que lui la surnomme comme cela pour l’instant !Après le déjeuner, nous irons les visiter chez eux. Le papa Augustin est dans la cour et écoute RFI. Pour le 7ème, il n’y a plus lieu de s’affoler.Nous entrons dans la maison, dans la chambre où Florence se repose. Elle paraît en pleine forme, tout s’est bien passé. Elle a commencé à avoir des contractions la veille, mais ne s’est rendue qu’au dernier moment à l’hôpital. Elle y est restée « 40 minutes- 1 heure », puis comme la maman et l’enfant allait bien, tout le monde est rentré à la maison !Moins d’une heure… je n’en reviens pas…En tous cas, ils sont ravis d’avoir enfin une fille, « Dieu a fait la sourde oreille, jusqu’à maintenant, mais là, il nous a entendu » !Et finalement, Augustin a fait sa coutume a lui et a déjà donné un prénom à sa fille : ce sera Perpétue, et en langue zimé : Kantara, qui signifie « merci ».Après Chrysostome et Athanase, Perpétue ne détonne pas dans ce ballet de prénoms originaux.Nous lui remettons un petit doudou reçu de France. Nous étions curieux de voir sa réaction (peu de bébé en ont…), mais nous avions oublié que les cadeaux n’étaient jamais ouverts tout de suite. Nous attendrons les éventuels commentaires plus tard.

Nous les laissons se reposer et en profitons pour passer chez Tap, dans la nouvelle chambre qu’il loue dans une concession. C’est petit, très sommaire, mais au moins, il est indépendant et hors de la portée de la femme de son grand père qui lui menait la vie dure.Une pièce, une natte, un matelas, une bassine. Au clou, une chemise de rechange. Serions nous capables de vivre avec aussi peu, je suis franchement persuadée du contraire. La promiscuité avec les voisins a ses bons et ses mauvais côtés. Quand nous arrivons, cela lui permet d’emprunter un banc ; en

revanche, il y a peu d’intimité, les charmants bambinos d’à côté étant très intrigués par notre visite…Le hic, c’est que Tap est en très petite forme, un coup de palu ou un coup de froid chopé à Laï. Depuis hier, il a des vertiges. Nous avons peur qu’il ne s’agisse de sous-alimentation, mais il nous assure que son voisin (Younga le basketteur) lui a porté pour 50F de bouillie ce matin. Nous le laissons tranquille, Mayeul promet de repasser, avec dans l’idée de lui trouver des comprimés de quinine et du paracétamol.Qu’est ce que les conditions sont dures pour les travailleurs !Bien sûr, qui dit absence sur le chantier, dit pas de salaire, puisqu’ils sont payés à la journée. La protection sociale n’est pas très réelle.Au retour, idem, nous croisons Emmanuel, un très bon maçon, mais que Matthieu a prié de rentrer chez lui car il travaillait sur des échafaudages et avait des problèmes de vertige. Il est squelettique, flotte dans se vêtements.Avec lui, l’inévitable Koro, le neveu de Kourto, le gars toujours bourré qui avait traîné Sébastien en justice parce que ce dernier avait mis son CV à la poubelle…Il sent encore et toujours la cauchette.Hier même, il est venu trouver Mayeul. Il sentait à plein nez et celui-ci lui a fait remarquer. Réponse : c’est normal, tout le monde boit ici, c’est comme ça qu’on fait du bon travail.

Bref, retour juste à temps pour retourner au centre culturel, alors que le ciel devient menaçant. J’y retrouve le musicien Dionlar avec qui j’inaugure mes premières phrases en ngambaye. Il me fait rire en déclinant les phrases que Charlotte connaissait, bien utiles pour notre poste : le centre est fermé, il n’y a pas de vidéo ce soir, etc…Au programme du jour, la première des conteurs. Avec ce ciel et ces coups de tonnerre, j’ai peur que personne ne vienne, et surtout pas les vieux que nous avions invité.Finalement, ça ne sera pas comme j’avais imaginé. A cause de la pluie, nous nous réfugions dans la petite salle du bout, où nous sommes parfois obligés de nous interrompre, tellement le bruit de la pluie sur les tôles est rend toute conversation inaudible.Nous avons deux vieux au yeux malicieux. Ils parlent en lélé, racontent Kélo avant, quand il n’y avait pas encore les vélos, qu’on ne contestait pas l’autorité de son père, mais que malgré tout, on pouvait facilement sortir de la case en cachette car il n’y avait pas encore les portes métalliques…Assane Guinambaye fait la traduction en français, ponctuant toutes ces phrases, de « donc c’était comme ça ».Puis, ce sera au tour de Mississipi, d’une demoiselle inconnue, de Mino Evelyne puis de Bienvenue de raconter des histoires en ngambaye ou en zimé. Ils me tentent une traduction, mais c’est trop compliqué, et comme je suis la seule à ne pas avoir compris…Nous invitons tout le petit groupe à revenir la semaine prochaine. J’espère que ça fera tâche d’huile.L’atelier de break danse qui est dans la grande salle finit en même temps que nous. Ca commence à bien démarrer leur affaire, ils étaient une douzaine aujourd’hui. Petit à petit…

Je rentre au moment où Mayeul revient de chez Tap. Les docteurs Tchoukou étaient absents à cause de la pluie (les vendeurs ambulants de médicaments), mais Mayeul a pu aller à la pharmacie, lui apporter des comprimés (achetés à la pièce, 40F), et lui payer un plat de haricots pour se requinquer. Retour au

passage par chez Mathieu, pause nescafé. Ceux-ci n’étant pas informés de la maladie de Tap, ils repartent ensemble pour le visiter…

La famille de Mathieu s’apprête à venir passer les vacances à Kélo. Jean Baptiste nous quitte plus tôt pour aller à « la dernière prière » pour la tante de Juliette. Que de deuils en ce moment !

Samedi 09 juillet :

Ndo balè à nouveau, je remplace Bernard pour le ménage, il voulait aller au champ. Cali m’épatera toujours ! il me demande un néon grillé : avec ça, il enlève les deux bouts, remplace par des ampoules normales, et comme ça, peut charger 7 piles !!! J’ai rien compris à son truc !

Pour l’instant, nous ne nous plaignons pas du climat. Ce matin, il y a des petites ondées, mais qui ne bloquent rien ni personne, ce qui est pratique.Visite de Jérôme pour planifier les entraînements de hand et de volley. Ca sera sa femme Marthe qui assurera le volley.Le petit vélo bleu n’arrête plus. Il part au marché avec JB, revient et continue au chantier avec Mayeul.Visite de Tap, qui revient du dispensaire. Ce n’est toujours pas la grande forme avec ses vertiges. Il a voulu se lever cette nuit, mais n’a pas réussi à faire autre chose que tourner sur lui même…Petite virée chez Celtel, pour pouvoir préparer notre virée à Ndjamena, appeler Ernest pour prendre RDV avec la commission du FSD, appeler Amélie pour les prévenir qu’on va squatter une semaine.

Après le déjeuner et un repos éclair, nous partons à pied chez Patricia et Arlette. Je me sens vraiment plus à l’aise dans la rue maintenant, plus habituée aux regards. En revanche, je n’aime toujours pas passer dans le bout de la grande rue vers le rond point de Pala. Il y a toujours des hordes de gamins pour chanter en te suivant « Nazara calqué Amina saleté », le fameux « les blancs croient que je suis noir parce que je suis sale ». Une mère a la bonne idée de demander à son enfant de se taire…Malgré un ciel menaçant, il fait une chaleur lourde et nous descendons deux litres d’eau en arrivant. Nous échangeons les dernières nouvelles du monde et de Kélo, de la RESRAT, à la défaite de Paris 2012, ainsi que les attentats de Londres, nouvelles que nous ignorions.Très gentiment, elles nous prêtent leur scooter quand elles seront absentes pour que nous ayons un moyen de locomotion, et dans l’immédiat, la voiture, pour que Mayeul puisse aller à Laï demain. Sympas comme tout !Au retour, Mayeul me pose au CLAC, où le groupe des « Leaders » a prévu une projection vidéo dans le cadre de la sensibilisation contre le Sida.Une première K7 sur une histoire vraie « Je ne mourai pas seul », l’histoire d’un riche sidéen qui a tu son mal et qui est sorti avec une lycéenne. Celle-ci a été contaminée et est « tombée en grossesse ». Les parents portent plainte contre le gros et riche monsieur. Il n’y a pas de précédent au Tchad, tous attendent la décision de justice.

Ensuite, une cassette du Burkina, « scènes d’adolescents », avec des mises en scène sur « sortir de l’enfance », « qu’est ce que l’amour », « appartenir à un groupe », « qui décide pour moi », etc. avec des commentaires de jeunes, psychiatres, médecins, etc.

Ah, ça y est la mission se remplit à nouveau, tous rentrent de Laï où il y avait la RESRAT, la rencontre des religieux tchadiens. Comme c’est une rencontre nationale, il y a encore plein de monde, et prêtres et religieuses de Kélo sont sur les dents pour recevoir tout le monde ce soir.Voilà, l’orage se déchaîne enfin, le ciel s’ouvre et laisser passer des jets d’eau. Mieux que rue de Gergovie, la fuite au dessus de la grande table est une fontaine. Notre pauvre canard reste stoïque sous la pluie, tout abandonnée car Madame couve depuis ce matin et n’est plus là pour lui tenir compagnie…

Dimanche 10 juillet : invitations

Bon, Mayeul a emporté l’ordinateur pour 3 jours, j’ai un peu de retard, ce n’est plus très frais dans ma tête !Nous allons comme des somnambules à la messe… c’est vraiment trop tôt, nous ne sommes toujours pas des tchadiens levés à 5h du matin, et cette non-liberté religieuse est pesante.Bref, nous croisons pas mal de monde à la sortie, dont Nguetto revenu de Doba pour l’enterrement du père de Guy, mais qui a été blessé au pied pendant la voyage : une branche qui a ouvert ses pieds qui sortaient de l’arrière du pick-up…Les filles de JB nous attendent, nous prenons la route ensemble jusqu’à chez eux. Elle sont vraiment trop timides, la communication restera très basique tant que notre ngambaye le sera aussi. Arrivés là-bas, JB nous montre sa nouvelle construction. Quel décalage… il est très content de son bâtiment en brique, sol en terre, couverture en tôle. Nous, ça nous paraît le B.A BA, mais on comprend bien ce qu’il ressent, car nous avons vu les efforts qu’il a fait pour fabriquer les briques, et savons qu’il s’est endetté sur 11 mois auprès de nous pour le toit !Il a raison d’être fier de pouvoir léguer quelque chose à ses enfants.Nous discutons un petit temps dans la nouvelle maison avec son grand frère et lui. Nous revenons à pied à la maison, saluant au passage les têtes connues, dont Tap qui se remet doucement de son palu. Puis nous repartons à nouveau au quartier Dumbao, mais en voiture cette fois, grâce au mini 4x4 de Patricia et Arlette. Nous avons du mal à trouver la maison de Sam et la dépassons. Ca fera le bonheur d’un petit garçon qui aura droit à un tour en voiture en échange de ses indications sur la route.Sam a une grande concession, il héberge aussi ses cadets. Il n’a l’air de rien ce gars, mais il a notre âge, est chef de son atelier de soudure et s’en sort très bien. Il nous présente sa femme, Sophie, et leur deux petits Evariste et ??. Dommage, comme le veut l’habitude, nous mangerons avec Sam et son ami, mais sans sa femme…Nous sommes reçus comme des rois, repas à l’africaine comme nous l’annonce Sam. Après le lavage des mains avec la théière en plastique à rayures et au dessus de la bassine, le plateau arrive, avec sa couverture en laine ou crochet fait main, pour garder la chaleur. La calebasse pyrogravée qui contient la boule de riz, et le plat avec le poulet en sauce. Manger la boule ne nous pose aucun problème, mais qu’est ce que c’est chaud ! Il faut prendre un bout et le malaxer pour en faire une boulette plus dense, tout ça avec un matériau brûlant. Sam, qui manie le fer à souder toute la journée, ça ne le dérange pas. Nous ça nous fait rire, au bout de deux essais, nous avons la pulpe des doigts toute rouge et la peau toute fripée…Un autre poulet grillé, nous ne manquerons pas de nourriture !Puis, le thé, les sucreries, avec même du Sprite. Nous sommes tous avec un ventre bien plein, et les conversations repartent. Sam et son ami nous expliquent

ce que nous commençons à entrevoir, les difficiles relations entre les membres d’une famille. Sam lui a décidé de ne pas donner de l’argent à tous ses « frères ». Il sait que ça lui vaut une mauvaise réputation, mais il ne veut pas payer des fainéants. Il dit que sa priorité c’est aussi sa famille, sa femme et ses enfants.Ils nous racontent des cas au village : un homme avec 29 femmes… qui ne sait pas si tel ou tel enfant est de son sang !Ou un autre qui a 10 femmes et 66 enfants… qui peut nourrir une telle famille ? Sam, ça l’énerve, il sait que ces enfants là devront se débrouiller seuls trop vite, aller au marché, voler, traîner. « C’est fort ! ».Ils sont lucides, mais le constat est accablant, ils se rendent compte que le Tchad et ses malheureux 7 millions d’habitants n’intéressent pas beaucoup la planète…

Malgré la gravité des sujets, nous passons un bon moment, intéressant. Mais il est l’heure de les quitter car Mayeul soit continuer sur Laï, ce qu’il fait dans la foulée.Sur le goudron, un convoi s’approche, de gros 4x4 et des motos, feux allumés. J’avoue ne pas trop aimer ça. Les manifestations d’autorités et de pouvoir me font toujours l’effet d’être menaçantes.Mais pas de souci sur ce coup là, on nous apprend que c’est le corps d’un haut fonctionnaire, agronome originaire de Kélo, qui est rapatrié depuis Ndjamena.

Me voilà seule dans la grande maison. C’est quelque chose que personne ne comprend. Il faut dire que le gens sont rarement seuls dans leurs concessions !

Je suis reprise par le concert de rap donné au centre. Ce sera des rencontres et des discussions avec le jeunes, le temps que les musiciens s’énervent sur les appareils loués (ampli, enceintes, micros), puis reportent le concert à la semaine prochaine. Cela m’aura laissé le temps de discuter avec Sam, celui qui avait animé le concert du 22 juin, et de me rendre compte qu’il est le grand frère de Tokama Massi, celui avec qui je me suis tant énervée.J’explique à son frère notre différend, le fait qu’il ne veuille pas rendre l’argent et les journaux du Journal Avenir, qu’il soit têtu comme un âne. Nous discutons longuement, comme deux éducateurs devant un cas…Il m’explique qu’ils ont perdu leur père il y a 4 ans, que Sam est l’aîné, suivi de 4 petits frères, dont Massi. Sam s’est débrouillé pour faire vivre ses frères et leur mère, qu’après la bac, il devait partir faire ses études au Cameroun, mais qu’à la suite d’un malentendu avec son tuteur, ça a été reporté à l’année prochaine. Du coup, cette année, il a cherché à s’occuper à Kélo, à devenir répétiteur, à donner des cours au collège, à travailler de ci de là. Il est le seul à avoir de l’autorité sur Massi, qui ne respecte même pas sa mère.C’est franchement dommage que la rencontre avec Sam soit si tardive, c’est un gars bien, qui s’était aussi investi à Ndjamena dans le fameux Rafigui, le journal des jeunes. Maintenant, il part dans 10 jours à Yaoundé…

Ca y est, le soir tombe, et bien sûr, c’est quand je suis seule et que personne d’autre ne peut aller ouvrir à ma place que le coach de basket arrive quand je suis sous la douche… Ah, ces visites impromptues, pour me demander… le ballon pour demain matin.Si en partant de Kélo, j’aurais réussi à faire passer le message que le centre culturel (et donc moi) est ouvert de 8 à 11h, et de 15 à 19h30, sauf le dimanche, j’aurais fait un cadeau incroyable à mon successeur !

Le plus drôle, c’est que ça recommence pendant la nuit, avec un coup de téléphone à minuit…

Lundi 11 juillet : entre filles

Les hommes et mâles de la maison sont partis. Mayeul hier, et ce matin, c’est le gros canard noir qui a disparu. Heureusement JB est encore là, mais même en s’y mettant à deux pour la battue, pas de canard. Comme sa cane couve, il est parti visiter le monde.Je crois que c’est JB le plus déçu, « un gros canard comme ça, et c’est d’autres gens qui vont le manger »…La matinée passe vite, un peu éparpillé à droite et à gauche, entre une visite chez Monique, un saut à la boîte postale, un tour chez Cali et Issibey pour voir leurs inventions électriques (en fait, ils branchent deux petites ampoules de chaque côté du support du néon, remettent le verre pour diffuser la lumière, et font marcher le tout avec 7 piles en série…).Je fais aussi un saut au CLAC pour que nous coordonnions nos activités. Nous avons en effet chacun prévu de notre côté une conférence mercredi. Pour eux, c’est ponctuel, il s’agit de la visite de leur bailleur de fonds, ceux qui financent le programme IEC SRA (santé reproduction des adolescents), dont dépend le groupe de jeunes des « Leaders ». Jeu, sketchs, poèmes…Du coup, c’est nous qui allons décaler pour reprendre le mercredi les autres semaines. Mais je n’ai pas perdu mon temps car le directeur me donne des contacts à Ndjamena de personnes qui pourraient éventuellement financer le centre culturel, et notamment le fameux PNLS (programme national de lutte contre le sida). En attaquant sous l’angle du sport, apprendre les valeurs saines, l’hygiène du sportif, le PNLS pourrait financer le terrain de basket… !De retour à la bibliothèque, je peste contre le grand frère de Cali et Issibey, Wangbeye, qui décidément n’est pas à la hauteur. Il met encore 3 heures à aller chercher un document, range les livres la tête en bas, sans se préoccuper de l’ordre alphabétique. Pas du tout le même genre que Tobry, mais ils sont tous les deux gratinés.Je retrouve JB à la maison, qui tente des lessives entres les ondées de la matinée, malgré un soleil constant.J’espère que c’est le même temps à Dono Manga, que Jérémie et Mayeul puisse enfin s’y rendre et faire la « passation de pouvoir » !

J’ai la visite de Monique, pour régler son histoire d’emprunt. Sa fille Grâce a un nodule au sein, et à raison, elle s’inquiète et veut la faire opérer de toute urgence.Sauf qu’elle a trois mois d’arriérés de salaire, son mari quatre.C’est complètement ouf. Moi je ne comprends même pas comment toutes ces familles arrivent à manger encore.Monique, fataliste, dit que c’est difficile, mais qu’ils se « débrouillent »…J’imagine qu’en plus, comme c’est un couple où les deux travaillent, ils doivent subvenir aux besoins de bon nombre de parents…

L’après midi fille vite avec le nouveau groupe (plutôt restreint) de matheux. Ils n’étaient que deux… un prépare la deuxième session du ba au cas où et l’autre a eu le bac « l’année surpassée » et prépare un examen pour un institut d’agronomie. Bernard, lui, entame son premier groupe de français, qui va virer aussi à la philo. Il a trouvé un document dans la collection qui parle du français et de ses pièges, dont un chapitre sur les africanismes.Quand je lui énumère les phrases qui au début nous ont interloqué, ça le fait marrer comme une baleine : les « depuis depuis », les « 8 heures moins », les

« une fille doit savoir préparer » (sous entendu le repas ou la sauce), les « comment » pour les comment ça va, les « mon grand » pour le grand frère… finalement ce sont uniquement des raccourcis !

A la maison, c’est lundi, jour de congé de Gilbert. Il est donc venu prendre son cours de cuisinier auprès de Papa Jean Baptiste. La dernière fois c’était bien, c’était un cours sur les beignets. Aujourd’hui, c’est moins marrant, c’est sur les repas froids… Mais JB prend vraiment son rôle de papa, transmetteur de savoir, à cœur !Je ne sais pas ce qui se passe ce soir, mais il fait nuit, et j’entends les bruits de voix d’un homme qui a l’air de haranguer les foules au micro. Qu’est ce que c’est que ça encore ??

Mardi 12 juillet : le retour du mari

Heureusement que je me doutais que Mayeul ne reviendrait qu’aujourd’hui, parce que si j’avais été inquiète, ce n’est pas Rodrigue, l’opérateur radio, qui m’aurait rassurée !Il se pointe ce matin à 7 heures, pour me dire qu’il a oublié de me transmettre un message de Mayeul d’hier à midi… que Jérémie et lui ont eu une panne à Dono Manga, et qu’il ne rentrera que mardi !Rodrigue est parti à une place mortuaire (celle de l’agronome), alors comme d’hab, il en a oublié les vivants.

Ce matin, c’est l’élagage des arbres dans la cour du centre culturel. Je ne l’avais pas vraiment prévu, mais les scouts sont venus me trouver, ils cherchaient du boulot pour avoir un peu d’argent et pouvoir ainsi accueillir les membres d’autres villes pour la rencontre de ce WE.Ils ont été efficaces, agiles comme des singes pour monter dans les arbres, même sans branches intermédiaires, puis pour se débrouiller à la hache et avec une corde pour diriger (un peu) la chute.On ne peut pas dire qu’ils aient laissé la place très nette… mais au moins, il n’y a plus ces grosses branches qui abîment les tôles des toits.Passage de Marthe, notre future entraîneuse de volley, venue chercher les ballons de hand à gonfler, envoyée par son mari Jérôme, futur entraîneur de hand… Elle aurait souhaité 6 ballons pour l’entraînement, malheureusement, nous ne sommes pas aussi équipés.Course éclair à la librairie, il ne s’agit pas de rater le dernier numéro d’Amina, avec son roman photo à l’eau de rose. Sinon au moins 550 des 589 abonnés à ce jour m’en voudraient à mort…

Ca y est, retour de Mayeul dans le mini 4x4 beige tout plein de boue.Arrivé dimanche sans encombre à Laï, pour apprendre que le bac marchait à nouveau, mais s’était déjà stoppé pour aujourd’hui.Traversée en pirogue, joie de l’internet qui remarche. C’était donc bien l’arbre qui gênait la connexion! Top sophistiqué ces bijoux high-tech, mais parfois le basique fait irruption.Départ à Dono Manga le lundi avec sur consigne de Georges (n°1 quand Miguel est absent) une voiture solide du garage pour faire la route.Bilan à 7 km de Guidari, une roue arrière se détache !!!Heureusement, pas de casse ni de peur, l’arrière de la voiture s’est juste enfoncé dans le sol.Jérémie est resté pour essayer de réparer. Mayeul a emprunté un vélo et a pédalé vers Guidari pour envoyer un message radio.

Pannes vélo… il a fini la route à pied, et s’est fait doubler par Jérémie qui avait réussi une réparation de fortune.Message urgent à la radio pour que quelqu’un du garage vienne les chercher à Guidari.Les sœurs de Guidari, bien sympas, ont prêté leur voiture pour que les deux constructeurs puissent quand même aller sur le chantier de Dono Manga et y faire ce qu’ils avaient à y faire.Au retour, toujours pas de nouvelles des gars du garage… Les sœurs nourrissent les garçons à coup de pizzas maison, et proposent leur voiture pour continuer sur Laï.Merci les sœurs !Les compères arrivent fourbus à Laï vers 19h30. Brya, l’opératrice radio, n’avait pas transmis le message au garage. Décidément, ils brillent à la radio en ce moment !Et donc départ ce matin pour Kélo, après une nouvelle traversée en pirogue.Cette route pour Dono Manga a l’air vraiment horrible, c’est une vraie expédition pour y aller à chaque fois.Et Mayeul devra y retourner assez vite après notre retour de Ndjamena pour accuser réception de certaines tranches de travaux.Ya intérêt à ce qu’on lui donne un véhicule digne de ce nom, sinon, c’est moi, la femme rendue célibataire géographique, qui vais me fâcher toute rouge…

Plus qu’une après midi pour préparer la semaine prochaine.Il faut aller sur le chantier pour Mayeul.Il faut laisser les consignes pour les différentes activités pour moi.Il faut préparer les documents pour les différentes réunions, il faut prévoir les colis et lettres que nous pourrons confier à Jérémie lors de son départ pour la France.Mauvaise nouvelle… nous pensions profiter du retour à Laï de l’évêque avec sa belle voiture le 20… mais il paraît qu’il ramène avec lui 4 nouvelles sœurs mexicaines. Zut ! on ne va quand même pas mettre les nouvelles dans l’occasion du marché pour nos beaux yeux.

Bon, quand même, prendre le temps pour le sport, puisque c’est le lancement des entraînements de volley et hand avec Jérôme et Marthe. Il a plu et l’atmosphère est un peu menaçante, donc peu de passage et peu de succès. Mais avec Marthe, nous avons plus de chances, car nous sommes déjà deux et pouvons commencer à nous entraîner. Jérôme nous rejoindra dépité, il était archi seul sur le terrain de hand. Puisqu’il n’y a que des petits, hé bien, apprenons leur à jouer. Il y avait une petite ribambelle d’enfant arabes, pas évident pour communiquer, mais ils y allaient à coup de sourire…Finalement, les grands arriveront au fur et à mesure, pour un match final.Je ne regrette pas ce changement de coachs, ceux là sont très dynamiques, et en fin d’après-midi, je suis tombée nez à nez avec l’ancien, geignant sur les arriérés de salaires, qu’en conséquence il ne pouvait plus toucher au ballon, mais puant la cauchette à 10 km…Puis, réunion de la ligue de basket, pour mettre au point les phases finales.

Pendant ce temps, Mayeul se prend le chou avec Anne Marie. Il lui demande si elle peut lui prêter son scooter pour aller au chantier. Non, mademoiselle ne peut pas, elle en a besoin pour faire des choses. Mayeul, ahuri, la suivra des yeux, et la verra s’arrêter pour toute l’après-midi au niveau de la salle francophone, soit à 200 mètres de chez elle !

Sympa, hein, pour un matériel qui en plus ne lui appartient pas mais est prêté par le diocèse…Heureusement, Pati arrive sur son scooter à elle, pour nous le laisser en son absence puisqu’elle part deux mois à Kinshasa. Elle le dépose et fait 3 km à pied pour rentrer chez elle. Le contraste entre ces deux religieuses est vraiment saisissant ce soir…Mayeul peut donc faire son boulot, et faire une réunion avec Matthieu pour prévoir la semaine.

Ouf, c’est la course, tout imprimer pour emporter, boucler les sacs, … et se forcer pour finir la tarte au citron et ne pas gâcher !

Mercredi 13 juillet : oué, l’occasion du marché…

JB a tenu a être là, pour la « passation de la maison », malgré notre départ matinal. Le curé nous a proposé hier soir de nous emmener au parc auto en voiture, ce qui nous permet de reculer un peu l’heure du réveil. Sauf que… en roi de la comm’, il n’en parle pas à Henri qui pique la voiture sous nos yeux. Moralité, nous partons à pied, chopons deux clandos pour aller en moto au par cet y arrivons un peu avant 7 heures.La première occasion est déjà partie, un quart d’heure avant nous. Mais à Kélo, ce n’est pas trop grave, les bus se remplissent assez vite, surtout en cette période de vacances. D’ailleurs, il y a beaucoup de jeunes, plus que d’habitude.Notre attente est divertie par la présence de Baba Etienne, l’ami de Mayeul qui travaille à la mairie, et qui est aussi au parc pour accompagner un voyageur.Nous sommes des experts de l’occasion maintenant, on sait tout, prendre son billet, poser un sac pour réserver les meilleures places, donner un peu de la voix quand la mama pousse négligemment vos sacs…Départ à 8 heures, notre beau véhicule a été repeint mais est franchement poussif, avec une vitesse de pointe de 50 km à l’heure. Au moins, nous risquons moins les accidents.Devant nous, sur les banquettes qui ses font face, un musulman avec ses deux femmes, la première avec ses 3 petits et la seconde avec son bébé. Archi voilées, avec les collants noirs au pied dans les sandales, mais toujours avec ses voiles roses, jaunes et bariolés. Ce qui m’étonne toujours ce sont ces grands voiles, et paradoxalement, des genoux dénudés par le vent et les positions assises du véhicule, ces seins qui sortent facilement et sans pudeur pour l’allaitement.En tous cas, les deux coépouses, elles causent, elles causent, sur un petit ton aigu. Elles font le contrepoids des gars derrière nous qui causent, qui causent, mais dans les graves. Eux sont francophones, pour une fois, nous comprenons les interminables conversations dans les occasions du marché.Je crois que tout y est passé… le mil, le coton, les récoltes, la pluie, le climat, la politique, le système scolaire, les parasites qui profitent de parents bien placés, le chômage, …Le tout dans cette langue merveilleuse qui allie un français d’une rare pureté, dans le vocabulaire, les expression et la prononciation (jamais un j’voudrais par exemple), et des africanismes sortis de derrière les fagots. On sentait un goût pour la palabre, un ton docte voir philosophique, des têtes qui opinent du bonnet. Je ne sais pas bien décrire cette caractéristique, c’est comme si nous parlions philosophie en évoquant un pneu crevé, comme si chaque sujet était d’une extrême importance.Juste une petite crevaison et des passagers sollicités pour soulever le véhicule et remplacer le cric, puis un arrêt à 40 km de Ndjamena pour la prière de quelques passagers (alors que l’heure est dépassée !). Ablutions, courbettes, thé, on

repart. Nous en aurons profite pour acheter et goûter des espèces de galettes sucrées, encore inconnues.La zone est décidément moins verte que par chez nous, on voit encore beaucoup de secteurs sablonneux, malgré les flaques et mares qui apparaissent.Arrivés au pont de Chagoua, nous sommes sifflés par la douane. Aïe, j’appréhende toujours, que vont –ils encore inventer ?Nous nous arrêtons sur le côté un peu plus loin, un militaire arrive tranquillement, jette un vague coup d’œil sur le toit et nous laisse repartir. Nous dépassons alors un gros 4x4, garé un peu plus loin et prêt pour une éventuelle poursuite de fraudeurs.Voilà, aujourd’hui nous aurons mis 7h30 pour parcourir les 350 km Kélo-Ndjamena, pas un record, mais c’est passé assez vite. Nous arrivons à la gare routière, grouillante de monde comme à son habitude et les passagers se pressent : « vite, descendez, c’est plein de voleurs par ici ». nous récupérons le sac à dos, puis prenons la direction du quartier Moursal, à 2 pas, où habitent les filles de la DCC.

Il n’y a qu’Eglantine à la maison. Julie est rentrée en France pour les vacances, Amélie est encore au boulot.Bonheur, l’eau n’est pas coupée, nous pouvons nous rafraîchir et nous poser un peu, manger un petit bout. Ah ce frigo avec du beurre et du parmesan râpé !!

La soirée concoctée par les filles est un vrai régal pour nous autres broussards en manque de sorties culturelles…Elles ont invité leurs amis les musiciens du groupe des Pyramides, ainsi que d’autres amis, pour une petite soirée musicale.Nous découvrons un peu plus les tchadiens de la capitale : Bona, un bachelier comédien, Bouki, un artiste tanneur, Romain d’une ONG, et les gars de Pyramide.Excellente soirée !Nous commençons par quelques jeux qui mettent un peu l’ambiance, puis nous dégustons les pizzas des filles, et enfin, la guitare sort de son étui. Ca fait vraiment plaisir… une bande de musicos qui s’entendent bien, qui rigolent ensemble, improvisent, sortent des bruitages incongrus mais parfaits, et « accessoirement » chantent de magnifiques balades en langue sara ou en français. Des bons !Ils sont en train de s’organiser pour aller au Fest’Africa 2005, organisé par le tchadien Nocky, à Lille. L’équipe organisatrice leur a trouvé plusieurs concerts dont 2 en Italie, Amélie et Eglantine leur cherchent des concerts dans leurs villes d’origine.Ah lala, la vie est bien différente à Kélo, plus « nature, moins culture, ça fait du bien de revenir en ville… Nous sortons de notre campagne, tout bronzés avec la marque des tapettes. Les citadines, elles, vivent moins au grand air, font moins de marche à pied !

Jeudi 14 juillet : bonne fête

C’est ce que nous lancent tous les tchadiens qui connaissent notre nationalité !Nous laissons les filles aller bosser, émergeons plus tard, puis empruntant la voiture de Julie.Saut à la librairie la Source pour la bibliothèque, voir Ernest qui n’est pas là (fête nat !), aller à la procure passer un mail et envoyer les dernières photos du chantier à Miguel (mais une clé USB sur Windows 98, ça ne passe pas), aller à l’ambassade pour notre carte consulaire (on se doutait bien que ça serait fermé… on a vraiment été pris pour des doux dingues par le gardien), essayer internet à

la Poste (trop de monde), passer à INADES pour chercher les revues Agripromo que souhaitait Bernard (hé ben, contrairement à ce que je croyais, aucun problème pour trouver des revues de 1990. Bon, le numéro de 1976, ils ne l’avaient quand même plus…).Et un dernier petit tour à la CNPS pour les histoires d’alloc de JB. Ils lui ont versé une somme sur la base d’un seul enfant aux 2 et 3ème trimestre 2004. Un employé nous aide tout de suite et nous sort tout de suite la solution : il s’agit d’un complément pour le dernier enfant car les pièces justificatives ne sont arrivées qu’après. OK, mais pour les 6 premiers, il n’a rien reçu. Ah ? attendez… il revient, nous sort le numéro du bordereau qu’il faut encore réclamer à Moundou…Et pour 2005, il manque des pièces… que JB a laissé à Moundou la dernière fois.Parcours du combattant ??

Nous rentrons déposer la voiture, puis allons chez Mathieu. Sa femme doit nous remettre le CD de photos à imprimer qu’il devait donner à mes parents fin mai à l’époque où il devait aller en France…

Après le repas pris avec les filles du retour du boulot, nous les laissons se reposer, puis partons avec Mayeul au grand marché. Objectif : tissus.Nous retournons dans les boutiques à l’entrée du grand marché, mais presque tous sont en rupture de stocks. Plus de lin, peu de belles cotonnades, on ne trouve qu’une soie et deux imprimés pour des pantalons ou chemises.C’est rigolo, on s’adapte à des situations plutôt inhabituelles : le vendeur nous demande de sortir de la boutique car c’est l’heure de la prière. Gentiment, il nous installe un banc pour que nous attendions la fin…Après les cotons, nous entrons un peu dans le marché, dépassant les échoppes de montres, jouets en plastique et autres, pour tourner dans le rayon des pagnes. C’est ça le dépaysement, ils ne sont pas du tout rangés comme à Kélo. On les voit d’ailleurs beaucoup moins bien puisqu’ils sont roulés et superposés… et bien sûr, celui que tu veux voir est tout en bas de la pile !A Kélo, les vendeurs sont des hommes, ici ce sont des femmes : « viens ma chérie, j’ai des beaux pagnes », « moi j’ai ceux qui plaisent aux blancs », etc, etc.Tout un sketch !Et toujours le même souci, de nombreux pagnes me semblent magnifiques portés par les femmes, mais en rouleau, comme ça…

Retour à la maison, on se fait tout propres et civilisés, et en route pour l’ambassade. Enfin, pas l’ambassade puisque la réception du 14 juillet a lieu à la Résidence de France, là où habite l’ambassadeur. La rue est même bouclée pour l’occasion, et il y a une forte présence de militaires tchadiens.Bref, nous nous garons parmi de grosses et belles voitures, sortons nos passeports pour un contrôle sans problème, passons sous le porche de la résidence.Là, nous attendent (enfin pas que nous…) l’ambassadeur, sa femme et plusieurs personnalités représentant la France, en rang d’oignon, disposés pour serrer la main à tous les invités sans exception.Nous passons ensuite dans les jardins où des buffets ont été installés sous des tentes militaires kaki.Nous y retrouvons Vincent, Grégoire et un cousin venu en stage à Pala. Les buffets sont vides, pour l’instant l’heure est aux rafraîchissements, avec des raretés comme du Martini.Quand les jardins sont bien remplis, ce fut le discours de l’ambassadeur, sur une estrade, devant les drapeaux français et européen. Un bel exercice d’équilibriste

pour ménager la chèvre et le chou. Pas un mot sur le réferendum du 06 juin, mais le thème retenu était la presse. D’abord l’accent mis sur la liberté de la presse et sur le soutien de la France à une presse libre et d’investigation (en référence aux journalistes emprisonnés récemment). Puis, une critique des journalistes et d’un certain type de presse, qui calomnie, livre certaines personnes à la vindicte populaire, monte les ethnies les uns contre les autres. Ca c’était en référence au journal Le Temps qui vient de faire coup sur coup, deux numéros assez anti-politique africaine de la France.Là où il avait raison c’est que souvent, on trouve des articles assez agressifs et sans beaucoup d’analyse, mais plutôt de gros préjugés.Drôle d’impression d’être dans ce rendez-vous mondain où les volontaires et les jeunes ne sont pas la majorité. C’est rigolo de retrouver des gros odieux parlant fort et venu faire du relationnel…Mais c’est assez mélangé malgré tout, entre l’expat d’Esso, à quelques jours de la retraite, qui expliquait à Mayeul que des comme lui, les entreprises n’en voulait plus, qu’il était trop cher et qu’il admirait ceux qui venaient avec des contrats locaux, ne gagnant que quelques centaines de milliers de CFA par mois (s’il savait que nous c’est 100.000 tout rond…), les militaires en tenue blanche, dont un qui expliquait à Amélie qu’il s’occupait de former la garde républicaine de Déby, et qu’il commençait à y avoir du progrès, les jeunes femmes blanches aux tenues déplacées ou les jeunes femmes tchadiennes aux tenues très sophistiquées, il y avait de tout !Au début, je ne me trouvais pas trop à ma place, les conversations très businness et mondaines, pas passionnantes… et puis j’ai trouvé Ernest, il m’a présenté au jeune qui travaille pour le FSD, ce qui nous a permis de prendre RDV pour présenter mon projet pour le centre culturel.Après le hasard a voulu que je tombe sur plusieurs artistes tchadiens, chorégraphe, danseur, conteur, directeur de ballet ou de compagnie de cirque. J’ai essayé de les faire venir à Kélo. Tous ont promis, je sais que beaucoup ne pourront pas tenir parole, mais un avait l’air vraiment intéressé par venir et assez désintéressé par les conditions…Pendant ce temps, même s’il y avait du avoir des coupes dans le budget par rapport à 2004, le buffet se garnissait de plateaux de charcuterie et de fromage, avec des petits pains.Finalement, dans une ambiance un peu française, ça ne m’a pas semblé un plaisir extraordinaire que de manger du jambon de pays… on reprend vite ses habitudes !Même le vin rouge ou le champagne, sont passés presque inaperçus, idem pour les petits fours.Mais je ne crache quand même pas dans la soupe !Il restait quelques petits éléments pour nous montrer que nous étions au Tchad, comme le invités qui jetaient les papiers par terre ou les serveurs pas vraiment formés à un service guindé et qui ne se sont pas privés pour se moquer de moi quand j’ai renversé du champagne…Bilan : instructif… une fois par an !

Vendredi 15 juillet : changement de décor

Aujourd’hui sera moins faste…Je laisse Mayeul qui doit retrouver Djolba du bureau d’études, et je reprends la petite voiture de Julie pour aller voir Ernest dans son bureau sous la cathédrale.Nous parlons longuement du projet FSD. Il y a de moins en moins d’argent, la commission de novembre est reculée en janvier pour que l’enveloppe soit quand même un peu plus conséquente.

Il me déconseille vivement de présenter un gros projet à presque 70 millions, comme chiffré avec l’aide de Mayeul. D’autant plus que le CEGT de Kélo présentera aussi un projet avec ce type de budget en janvier…Je me range à son point de vue, ça serait plus sûr et permettrait de commencer plus vite si nous présentons le projet, tranche après tranche, en commençant par le plus urgent, comme les équipements en son, ordinateurs, énergie.Le terrain de basket pourrait se faire en parallèle avec d’autres financements, car le sport n’est plus vraiment une priorité pour un FSD avec peu d’argent !

Je continue en vitesse à la librairie La Source pour achever de consommer ma subvention. Il ne me reste même pas de quoi acheter le livre de physique qui a été volé, il faut encore compléter.Hop, nouvelle traversée de la ville sur l’avenue Mobutu pour récupérer Mayeul chez les filles et re-re traverser pour aller à l’ambassade. La dernière fois que nous étions venu, il y a plusieurs mois, il nous manquait des pièces opur justifier de notre mariage et de la nationalité de Mayeul, le passeport ne suffisant pas.Aujourd’hui, le service pour les cartes consulaires est plus coulant, et ne nous demande pas toutes ces pièces… ce qui signifie que nous aurions pu avoir notre carte la dernière fois !Il est presque midi, ce serait dommage de refaire une n-ième fois le trajet, il vaut mieux que nous laissions la voiture à la procure où nous sommes attendus pour déjeuner. Nous tentons le cyber café de la poste voisine, mais il ferme aussi à midi.Nous attendons donc dans le salon du réfectoire, avec toute une collection de revues.Le vendredi midi est le jour où l’archevêque de Ndjamena invite les DCC à déjeuner, et nous sommes donc de la partie. Mgr Mathias Ngarteri est d’un abord direct et facile. Nous commentons le discours de l’ambassadeur ou donnons des nouvelles de Kélo, tout en savourant le poulet grillé, les PdT, la boule de mil sauce gombo, ou le bon gâteau au chocolat.Siesta, petit saut sur un poste internet « lentissime », et visite chez Zara, l’amie d’Amélie et Julie, que nous avons déjà vue plusieurs fois. C’est sa maman, Kouki, qui fait les yaourts à la vanille qui me font rêver ! mais ça ne sera pas pour cette fois car Kouki vient de partir pour une réunion de famille.Zara nous fait entrer dans une pièce avec moquette, et banquettes avec de jolis coussins satinés roses. Un miroir, une grande armoire remplie de vêtements, une commode avec des produits de beauté. Une ambiance féminine !Une télé sur laquelle passe des clips de Coupé Décalé.Nous discutons bien puis jouons avec sa petite sœur Assaimé, une puce bien éveillée qui nous montre ses dessins et réalisations du jardin d’enfant.Et voilà, c’est la nuit, les moustiques commencent à nous dévorer. Ca c’est une autre des grandes différences avec Kélo !Nous quittons Zara, ses sœurs, ses cousines et ses amies, puis revenons à la maison.Juste le temps d’arriver à la maison, coup de fil d’Amélie sur le portable… elle a une panne de moto et demande de l’aide avec le pick-up !Zut, en revanche, nous avons oublié Belem, le fils de Mathieu, qui avait pour mission de nous apporter des gâteries.Il revient donc pour la troisième fois… Khadija nous gâté : un beau plateau, avec du poisson et une salade toutes saveurs. C’est vraiment sympa de sa part !!Nous l’avons vraiment découvert hier matin… les femmes ici, on les découvre mieux quand leurs maris ne sont pas là. A ce moment, elles sont bavardes… et pourtant, personne ne peut soupçonner Mathieu d’être un mari violent et macho.

Ne reste plus qu’à s’organiser pour demain : Mayeul prend contact avec les garçons, Vincent et Grégoire, qui projettent une excursion vers le rocher aux éléphants.

Samedi 16 juillet : excursions en célibataires

Ouf, qu’est ce qu’il fait chaud à Ndjamena… de quoi réveiller toutes nos crises cutanées de bourbouille !Mayeul se lève avant 6 heures, heure à laquelle arrivent Vincent et Grégoire, qui viennent le chercher pour partir en direction du Rocher des Eléphants.Je reste à la maison et profite d’une matinée de calme pour préparer l’envoi d’un CD à Laurent notre webmaster, afin qu’il puisse mettre en ligne de nouveaux textes et photos.Il fait chaud, et en plus, l’eau est coupée, quelle ville ! mais je ne me plains pas parce que ce matin, ça m’arrange, il y a l’électricité.

Patrick, le constructeur, et sa sœur Séverine, nous rejoignent pour le déjeuner. Puis après une petite sieste, nous partons en direction de Koundoul, juste au moment où les garçons rentrent de leur expédition au rocher des éléphants !Mais ils sont trop crevés pour nous accompagner…La route n’est pas extra, avec leur 504, ils se sont embourbés plusieurs fois et sont bien crottés.En revanche, il paraît que la balade vaut le coup d’œil : une immense plaine en ce moment assez verte, et dessus, 5 énormes rochers qui surgissent de nulle part. L’un d’entre eux ressemble effectivement à un éléphant.

Nous les laissons se reposer et passons d’abord chercher quelques membres de la famille chez qui nous allons et qui habitent Ndjamena. Nous nous rendons dans les quartiers arabes de la ville pour aller chez Ramadane et Kaka. Ah, les joies de la capitale… à l’autre extrémité du marché, vers la grande mosquée, plusieurs axes principaux sont en travaux. On roule et d’un coup, gros bouchon, une occasion a essayé de passé dans les tas de sable du chantier et s’est embourbée, les autres véhicules passent sur les trottoirs, font marche arrière, restent coincés à l’oblique… Nous finissons par en sortir… Je découvre comme cela des quartiers encore inconnus. Une avenue bordée d’arches où s’alignent les échoppes avec leurs étalages de tapis de prières. Plus loin, le coin de bijoux. Les quartiers arabes sont vraiment différents, pas les mêmes passants, pas de bar.Nous sommes très gentiment accueillis chez ce jeune couple avec leurs deux tout petits. Ils nous offrent un plat de nouilles locales, puis nous prenons la direction de la sortie de la ville.Nous nous arrêtons au passage au centre d’accueil pour déposer un mot à Jérémie qui doit arriver aujourd’hui. Nous croisons là bas Patricia, Maria Luisa et Marie Louise, en partance pour Kinshasa.Voilà… pont de Walhia, nous sortons de Ndjamena par le goudron, prenant la même route que pour Kélo.Koundoul est à 15 minutes de voiture, un gros village sec et aride.Nous nous rendons dans la famille d’Issa, ancien cuisinier de la procure de Ndjamena pendant 26 ans, et ami « traditionnel » des volontaires.Nous sommes également accueillis à bras ouvert par sa femme, qui ne parle que l’arabe mais avec qui la communication par le rire et les gestes est tellement simple, par ses nombreux fils et ses 2 filles.Devant les deux pièces, la cour, séparée par un petit muret non plein. D’un côté, le coin des hommes, de l’autre les femmes, avec accès sur le coin cuisine.Ca c’est l’avantage d’être une femme blanche : on peut aller des deux côtés…

Devant une assiette de délices (sorte de nougat à l’arachide), je demande à Issa de parler de son nouveau métier. Il est maintenant cuisinier à la base de Komé, où 900 personnes sont employées dans la zone pétrolifère.Ca a l’air assez hallucinant…Obligation de porter chemise à manche longue et chaussures fermées en toutes circonstance (du coup, même pour aller à la douche !!). Raison avancée : le palu. Si un employé chope le palu et que son employeur peut prouver qu’il ne portait pas de chemises longues ou de chaussures, les frais de santé ne sont pas remboursés.Lui est cuisinier pour les locaux : riz et viande tous les jours, pas de dessert.De l’autre côté, dans le coin des « expatriés », menu varié, yaourts, fromages, fruits ou desserts…Un état dans l’état, un coin d’apartheid au Tchad ?

Puis la femme d’Issa nous sert un plateau de riz avec du poisson… Nous n’aurons décidément fait que manger aujourd’hui !Le ciel est magnifique, mais se fait menaçant, il faut partir. Nous laissons Amélie qui dort ici et rentrera demain. Je vais saluer les femmes, expliquant que je dois aller retrouver Mayeul. Séance rigolade quand elles m’expliquent en geste que si mon mari était tchadien, il me tirerait l’oreille en me demandant où je suis allée aujourd’hui… Enfin, Issa non plus n’a pas l’air de ce genre là !Leur joie de vivre donne envie de retourner les voir un jour, au prochain passage…

De retour chez les filles (dont aucune n’est plus là…), nous prenons Mayeul et partons au CACK (centre d’accueil de Kabalaye) pour prendre Jérémie et Ambroise qui sont arrivés.Nous allons boire un verre au Tamarinier, où ceux qui n’ont pas passé la journée à manger peuvent se commander un poulet. Avec Jérémie et Patrick, nous allons deux boutiques plus loin se chercher un jus d’avocat et une viande grillée. Pour ça, Ndjamena, c’est bien pratique. Il y a nettement plus de possibilités de se restaurer qu’à Kélo !Mais nous ne ferons pas long feu car tout le monde est crevé, et en plus, la pluie se met à tomber. Patrick fera chauffeur pour poser les différents groupes là où ils dorment… on fait quand même pas mal de voiture mine de rien, la ville est assez étendue !

Très mauvaise surprise au retour à la maison, notre téléphone portable a disparu. Nous fouillons partout, sans résultat. Le plus curieux est que lorsque nous appelons à notre numéro depuis le fixe de la maison, nous tombons sur répondeur, alors que je suis sûre qu’il était allumé, puisque j’ai eu mes parents au téléphone juste avant de quitter la maison pour aller dîner.Je ne sais plus si je l’ai laissé sur la table basse dehors ou dedans, dans la grande pièce.Ce qui est vraiment ennuyeux, c’est que ce soir, c’est le gardien du samedi soir, et que les filles le soupçonnent d’avoir volé il y a peu l’appareil photo numérique d’Eglantine. Ca tombe mal, parce que le fait que le téléphone soit coupé laisse supposer un vol… C’est vraiment rageant, je m’en veux de ne pas l’avoir mieux protégé, parce que ça ne va pas nous simplifier la vie !

Dimanche 17 juillet : tout seuls à Ndjamena

Eglantine est toujours à Bakara, Amélie à Koundoul, nous gardons la maison…

Pas évident de se retrouver avec les garçons sans téléphone. Seul point positif, la ligne fixe de la maison des filles remarche, alors qu’il y avait des problèmes depuis des mois.Et puis, nous n’avons plus de moyen de locomotion…Finalement, tout s’arrange. Patrick et sa sœur Séverine passent prendre Jérémie et Ambroise au centre d’accueil, puis viennent à Moursal chez les filles pour déjeuner. Ils viennent avec dans leurs mains les trésors de Ndjamena, vin blanc, vin rouge, chips et springles…Nous appelons Belem, le fils de Mathieu, pour qu’il nous rejoigne. Après avoir grignoté, nous partons avec lui et Ambroise en direction du marché.C’est sympa de sa part de nous accompagner, comme ça il nous montre ses bons coins. Le grand marché est un endroit plus agréable que ce à quoi je m’attendais. On n’y est pas harcelés ni embêté. Il a été refait par une équipe d’archi conduite par le français Gérard Leclaire que nous avions rencontré la dernière fois. C’est assez massif et un peu trop sophistiqué, mais assez fonctionnel. Les commerces débordent du bâtiment. Dedans, ce sont des petites allées avec des micro échoppes. Dehors, des commerces plus informels, de nourriture ou autres.Nous commençons par les quincailliers qui font face aux épiciers. Nous achetons quelques appareils pour le centre culturel, dont un régulateur à mettre entre le groupe électrogène et le téléviseur (pour éviter de regriller les composantes comme la dernière fois).Nous entrons dans le bâtiment pour chercher les plombiers et avoir un premier aperçu des prix pour Ambroise. Comme il se retrouve à Laï sans Jérémie et Bertrand, il déménage, mais il faut installer l’eau courante dans sa nouvelle maison. Et la STEE ne fait pas grand chose, c’est au particulier de se trouver son compteur et ses tuyaux…Nous fouinons ensuite parmi les détaillants de pièces pour trouver de quoi réparer le magnétoscope. On trouve presque de tout par ici, les cartouches d’encre, et autres correcteurs, inconnus au marché de Kélo.Quelques fruits (là aussi, c’est plus garni et varié que chez nous à la même période ; ici on trouve des mangues, des tomates, bref des fruits et légumes, souvent en provenance du lac Tchad).Retour à Moursal et repos. Tentative de crumble mangue-banane, pas mal du tout… Patrick, Séverine, Ambroise et Jérémie partent festoyer à la Plantation, ce bar, dont la piste de danse accueille la jeunesse branchée à partir de 16 heures, et qui se vide à 20h. Mayeul et moi attendons Amélie qui doit revenir de Koundoul et dont nous avons les clés. Elle rentrera assez tard, heureuse mais crevée par ces 24h de brousse. C’est vrai que dormir sous un toit de tôle une nuit d’orage, ce n’est pas le plus reposant.Nous discutons de la manière tchadienne d’élever les enfants. Nous ne sommes pas habitués à si peu de précautions par rapport à nos bébés sur-protégés. Par exemple, Amélie s’est levée en pleine nuit pour aller couvrir le dernier qui était tout nu. C’est à la rude.Nous poursuivons et retrouvons la bande chez Ernest, pour l’apéro. Il habite dans la concession française, où tous les coopérants et expatriés logent. Les villas sont vraiment sans aucun charme, mais relativement confortables, car la concession est équipée pour palier aux coupures d’eau ou d’électricité. Et le carrelage blanc au sol est une chose assez rare…Décidément, nous faisons une replongée dans le milieu français en ce moment, du fait de nos compagnons et de la nourriture.Ce soir, ce sera au Carnivore, une des références gastronomiques de Ndjamena pour la cuisine française. Sur la carte, des pizzas, des galettes, des pavés de bœuf, des fondues bourguignonnes, des fruits de mer (un peu). Pleins de tables

en plein air, entourant une scène où des tchadiennes lascives chantent des airs romantiques…En tous cas, le pavé sauce au poivre est tendre et délicieux !Ernest nous parle du Tchad qu’il connaît mieux que nous. En 4 ans, il a vu beaucoup d’évolution, peut être liées au pétrole ? Avant, la clientèle de ce genre de restaurant était 100% blanche. Aujourd’hui, il y a une majorité de locaux. Conclusion, il y a de l’argent dans ce pays…Il racontait aussi comment son collègue chargé d’attirer des investisseurs au Tchad avait du mal : aucune entreprise n’est motivée pour payer des taxes exorbitantes (100% !!) et avoir pépin sur pépin ou des bâtons dans les roues à chaque initiative. Pourtant, il y a du boulot ! La SATOM, filiale du groupe VINCI, une des rares entreprises françaises, aurait un carnet de commande rempli pour 10 ans…Il y a même des conséquences à un plus petit niveau. Il paraît que les petits entrepreneurs n’achètent rien ici et n’investissent pas dans la matériel, qui est trop taxé et trop susceptible d’être volé. Ils font donc avec des outils sommaires pour un travail rudimentaire…Il citait aussi l’exemple d’un autre pays africain dont j’ai oublié le nom. Là bas, ceux qui pouvaient rouler en mobylette était des gens déjà importants. C’est vrai qu’au Tchad et à Ndjamena, on en voit passer des beaux 4x4 rutilants et climatisés… même si beaucoup d’entre eux appartiennent à L’ONU, l’UNICEF, etc, etc…Enfin, c’était bien instructif, et nous avons remercié doublement Ernest, qui a invité tout le monde pour le dîner !

Ce soir, partout en ville et dans le pays, tout le monde a l’oreille collée à son poste de radio : les résultats du bac sont donnés section par section. Ca commence à 19 heures et ça finit à 6 heures du matin. Il ne s’agit pas de s’endormir et les 54000 candidats s’apprêtent pour une nuit blanche !

Lundi 18 juillet : courses en tous genres

La journée commence sérieusement : Mayeul va voir Djolba du bureau d’études, et moi je pars dans un coin inconnu de Ndjamena, vers l’aéroport, où se trouvent les bureaux du PNLS, le Programme National de Lutte contre le Sida.Et là surprise, le Mr Sani avec qui j’avais rendez-vous est une tête connue, déjà rencontrée à Kélo. Lui en revanche avait très bien compris que son interlocutrice allait être moi. Ca me facilite la tâche…Je lui expose la situation du centre culturel, et mon point de vue qui est que par le biais des activités, nous luttons aussi contre le Sida, même de manière indirecte. Mon discours est assez rôdé, mais je suis convaincue que s’entraîner au basket 3 fois par semaine, occuper son temps, prendre conscience d’une certaine hygiène de vie pour être en forme, apprendre l’esprit d’équipe, tout ça aide aussi les jeunes à se construire.Il me propose de devenir sous-bénéficiaire d’un fonds des Nations Unies qui alloue 3 ou 4 millions de francs par an pour soutenir des activités de lutte contre le Sida. Pourquoi pas ?Je m’assure quand même de notre liberté d’expression (ne pas oublier que le centre est une structure du diocèse)…Je pense que nous pourrions bosser ensemble, quitte à développer des activités plus directement en lien avec le Sida, car au PNLS, ils raisonnent quand même beaucoup en terme de résultats (nombre de dépistages effectués, vente de préservatifs, etc.).

Je n’en reviens quand même pas… 1 million de francs par trimestre pour des activités ! Il faut se lever de bonne heure pour dépenser un budget pareil. J’avoue que je me demande comment les autres bénéficiaires dépensent leur argent, à moins qu’ils n’en reçoivent moins ? A Kélo, les autres sont le CLAC en premier lieu, avec son programme Leader des Jeunes (du fonds CCC… communication pour le changement de comportement), puis deux associations locales de personnes ou de veuves vivant avec le VIH).Attention à ne pas marcher dans les plates bandes du CDLS (comité diocésain de lutte contre le Sida). Je nage en pleins sigles ce matin !

Sani m’explique qu’il va voyager 3 semaine au nord du pays, dans les camps du HCR où s’entassent les réfugiés du Darfour. Plus de 12 camps de 10 000 personnes au minimum !Ils vont former des gens repérés comme étant des leaders sur le thème de la lutte contre le Sida. Il paraît qu’il y a pleins d’abus dans ces camps. Comme les gens sont pris en charge totalement, nourris et tout, de nombreux habitants des environs viennent y vivre… Personne ne travaille, tout le monde dépend des distributions d’eau, de vivres ou de médicaments. Et c’est tout un trafic dans lequel trempe les humanitaires. Il me confirme l’existence de viol ou d’abus sexuels contre des sacs de nourriture…Il part là bas la semaine prochaine, à bord d’un avion du PAM (Programme Alimentaire Mondial) qui relie Ndjamena à Abéché, presque toutes les semaines.

On fait quand même pas mal de kilomètres mine de rien dans cette ville. Je la re-traverse dans toute sa longueur pour aller chercher Mayeul, puis nous repartons au centre d’accueil pour prendre Jérémie et Ambroise. Nous laissons les affaires là bas et partons à pied pour un nouveau tour au marché. C’est la semaine du commerce pour nous… et nous découvrons que nous trouvons presque de tout ici. Nous passons dans une ruelle où les tailleurs et les petites alimentations s’alternent, puis arrivons au milieu des vendeuses de légumes ou de sauce arachides. Les premiers maïs font leur apparition. Ils sont encore un peu « chers », mais bientôt ça sera l’aliment de base.Pause jus de goyave pour préparer le plan d’attaque… je laisse les 3 garçons aller acheter les équipements de plomberie pour Laï et vais voir la rangée des cosmétiques. Finalement, le shampoing est à peu près au même prix qu’à Kélo, mais Ashta était en rupture de stock. A une autre cliente qui cherchais un parfum, je vois une boîte blanche avec un coquelicot rouge, je lui conseille Flower de Kenzo. Mais quand le marchand sort la boîte, je me rends compte qu’il s’agit d’une grossière imitation…Les garçons sont toujours dans leurs tubes. Je profite de toutes ces marchandises pour trouver deux starters qui m’avaient été volés sur les néons du centre. Un vieil homme passe, proposant des carreaux de moquette à vendre. Puis je vais voir du côté du matériel sono pour voir un peu les prix. Ca y est, Ambroise a son kit, et nous continuons, passant devant les étalages de vêtements et de chaussures (très classes ces pompes soi disant Puma en plastique brillant orange et noir). Jérémie se choisit un ensemble en bazin, tunique brodée et pantalon assorti comme portent les musulmans, sans leurs riches tissus. Nous passons devant les stands de bijoux en or, d’ustensiles de cuisine (spécial batteries de cuisine pour dot !), les dattes et les cauris. Nous regardons un peu pour un réveil (top celui à l’effigie d’Oussama Ben Laden) ou des cassettes, puis reprenons le chemin du CACK.

Au passage, nous faisons un saut au Centre Emmanuel, saluons Amélie et les autres, et je récupère le carton de livres que m’avait préparé Mickaël le bibliothécaire depuis mon dernier passage.Jérémie montre aussi l’atelier Ripla de broderie. Ce sont des femmes qui brodent à la main sur des nappes ou des serviettes des dessins représentant les peintures rupestres du Tibesti. Ca peut être assez joli, en revanche, ce n’est pas donné.Nous continuons chez Bouari, le maroquinier, qui habite aussi à Kabalaye, dans une toute petite rue où les murs et les maisons sont recouverts de crépis en boue séchée.Il nous montre son catalogue de sacs et chaussures, et nous les regardons avec plaisir travailler le cuir. Leurs réalisations sont plutôt sympas, et ça donne des idées.

Il faut s’arracher à ces plaisirs de Ndjamena… et rentrer chez les filles qui elles travaillent et doivent nous attendre !Surprise, nous retrouvons tout le monde, y compris Grégoire et Benjamin, qui eux aussi écument les boutiques pour le service construction de Pala, ou pour la bar qu’est en train de monter Kisito à Pala aussi.Pas de pause pour les touristes, nous rembrayons illico !Direction l’avenue de Gaulle avec ses alimentations européennes et la grande librairie Allah Akhbar. Nous trouvons entre autres merveilles du CIF ou des éponges, de la cannelle et des enveloppes… mais commençons à nous limiter si nous voulons avoir de quoi retourner à Kélo !Plus loin, nous allons au centre artisanal : une grande cour où différents hangars accueillent les vendeurs. Pas question de sauter une boutique, il faut faire le tour et rentrer chez chaque vendeur, même s’ils vendent à peu près tous la même chose. Il y a quelques trucs jolis, comme des porte couteaux en argent, assez stylisés, quelques petits masques en terre cuite, mais il y a beaucoup de babioles, voire des trucs assez moches.Et pas grand chose de tchadien en réalité. D’après eux, de nombreux objets viennent des Kotokos, une ethnie du Tchad, mais on trouve beaucoup d’objets « classiques » et déjà vus. Des croix touaregs, des dessins faits à base d’ailes de papillons, des bijoux en perle, des masques en bois, etc.Qu’est ce qu’on peut passer comme temps dans un endroit pareil, parce que les négociations… ça ne peut pas se faire dans l’urgence, sinon ça rate.Jérémie cherche quelques petits souvenirs à rapporter, mais nous le bousculons un peu car nous avons rendez-vous chez les filles.

Un rendez-vous pas très marrant d’ailleurs, puisque, sur les conseils de nombreuses personnes, nous avons décidé de parler avec Léonard, le gardien des filles, puis d’aller chez lui pour y trouver son fils Ousmane, gardien du samedi, voleur présumé de l’appareil photo d’Eglantine et de notre téléphone.Le pauvre Léonard est catastrophé, craignant aussi pour son poste. Je ne crois pas que nous puissions nous rendre compte de ce type de vie. Par exemple aujourd’hui, il a travaillé aux champs toute la journée, et comme nous lui avions donné RDV plus tôt que d’habitude, il a pris son vélo, sans manger, pour venir à Moursal.Nous prenons la voiture, et partons vers Walhia. Léonard habite juste de l’autre côté du pont. La différence avec la ville est frappante. Ici tout est calme, nous nous installons sur une grande natte au clair de lune, avec vue sur les champs de mil.Ousmane n’est pas là, mais une de ses sœurs va le chercher, et il arrive à vélo assez peu de temps après.

Eglantine et Amélie lui expliquent à nouveau les faits et lui rappellent sa responsabilité de gardien.La défense d’Ousmane est au début assez agressive et surprenante, et surtout dirigée contre moi. Je suis d’abord accusée de ne pas l’avoir salué (ce qui m’étonnerait vu que nous nous sommes parlés, que je lui ai proposé de se mettre sous la véranda car il commençait à pleuvoir, puis que je lui ai laissé la lumière pour qu’il puisse s’installer). Le meilleur (là le pauvre, avec 3 « patronnes » il a assez mal joué) a été quand il a expliqué que les femmes n’avions pas de cerveau, et qu’il avait constaté que moi je cherchais mon téléphone partout sans réfléchir, alors que Mayeul, lui au moins, semblait mettre en marche ses neurones. Autre argument de choc : les verres étaient à leur place quand nous sommes rentrés, donc s’il y avait eu un téléphone, il aurait été lui aussi à sa place.Bref… les filles lui donnent 3 jours avant de porter plainte, ce qui calme tout de suite Ousmane. Mais pas dans le sens prévu, car ici aller au poste ne fait peur à personne, presque tout y sont déjà allés pour un oui ou pour un non. Il est satisfait, dit qu’il s’expliquera au poste.Bon, la discussion est close, c’est une bonne chose. La femme de Léonard nous offre très gentiment un verre de lait sucré, puis nous repartons, posant Léonard à la maison, et continuant au restaurant « Le choix des jeunes » (ça ne s’invente pas !) où le reste de la bande nous attend.C’est chouette cet endroit, on peut boire un jus de goyave, d’avocat ou d’ananas, tout en mangeant un plat de poisson grillé pour trois fois rien.C’est sympa de se retrouver tous, car Ambroise, Grégoire et Benjamin reprennent la route demain matin. Comme Amélie rentre en France dans 3 semaines, c’est leur dernière soirée.Certains la poursuivent d’ailleurs dans un bar, mais moi je suis Amélie et Eglantine à la maison, je tombe de sommeil, et n’entendrais presque pas Mayeul rentrer…

Mardi 19 août : départ de Jérémie

Même genre de programme au pas de course que la veille. Ce matin, c’est un rendez-vous à l’ambassade avec le chargé du FSD et Ernest. Il y a foule pour retirer les visas aujourd’hui, et pour ne pas être en retard, je suis obligé de me faufiler pour m’annoncer.Xavier, un VI chargé d’aider au montage des projets, m’expliquent plus en détail la démarche de la coopération française via le FSD (fonds solidarité développement). Le prochain comité est bien décalé et reporté à janvier ou février. Lui me conseille de tenter le gros projet, quitte à la revoir à la baisse ensuite.Mais je me rends compte qu’il va y avoir un problème de délai. Imaginons, si nous sommes sélectionnés en février, l’argent est débloqué en mai 2006, et moi, je pars déjà au moins de novembre qui suit.Je ne sais pas si je vais avoir le courage de bosser sur la partie casse pied, procédurière et administrative sans avoir la certitude que quelqu’un prendra le relais, et surtout sans voir le début de la réalisation du chantier !!Il faudra que je vois ça avec le diocèse, car le long terme, c’est sur eux que ça tombe.Je touche un peu du doigt les deux extrêmes des bailleurs de fond. Aujourd’hui l’administration française, avec sa procédure lourde et complexe destinée à décourager les escrocs, et hier, les gros organismes internationaux qui distribuent des sommes parfois démesurées dans beaucoup de contrôle…

Les jours se suivent et se ressemblent un peu ! Je passe prendre Mayeul puis nous retrouvons Jérémie chez Ernest où il loge. Il est en train de boucler ses sacs, de les peser (30 kg…). Nous entassons tout ça dans la Suzuki de Julie et prenons la route de l’aéroport.Au passage, nous nous arrêtons à l’atelier de broderie de Kabalaye. Il reste des CFA à Jérémie et c’est vrai qu’elles ont quelques belles pièces. Prochain arrêt : l’atelier Rispa des brodeuses, puis le vrai chemin de l’aéroport pour un pré-enregistrement qui nous laissera plus de temps ce soir. Il n’y a que Jérémie qui a le droit de pénétrer dans la zone. Nous le laissons et histoire de faire encore plus de route… repartons chez les brodeuses où nous avons laissé notre sac !Re-aéroport… Les 30 kg ne sont pas passés, le bouclier Sao non plus, et le bagage à main a gonflé !Nous allons déjeuner sur de Gaulle, pour être à proximité des dernières courses à faire. Jérémie nous invite à manger libanais !Et ça sent le repas de transition, commençant par parler de Laï, finissant sur les CV et autres entretiens d’embauche. C’est clair que le retour n’est pas si simple que cela.Retour vers la maison avec un saut à l’Amandine, la pâtisserie tenue par deux français, pour y trouver une glace maison au citron pour ce soir. Nous nous arrêtons quand même à la Procure au passage pour voir si Miguel est arrivé, malgré le retard de son avion.Le saut de puce durera une heure, le temps qu’il nous raconte ses semaines en Espagne et que nous profitions de sa présence pour parler un peu boulot. C’est bien, comme ça ils auront pu se saluer avec Jérémie !Mais heureusement que la procure a un congélateur pour y laisser le sorbet en attendant !!Nous passons aussi au CACK car il paraîtrait qu’il y aurait une occasion pour Doba via Kélo demain… mais elle est déjà pleine !Jérémie croise un prêtre espagnol qu’il connaissait, et ça lui flanque la trouille  : il revient de 2 mois chez lui et est revenu avec 15 kg supplémentaire. Jérémie, lui, en a perdu l’équivalent pendant son séjour au Tchad…

Nous voilà à la maison, il s’agit maintenant de préparer le repas de fête de ce soir. Charles a préparé des brochettes de capitaine, il ne me reste plus que le gâteau au chocolat.Je ne sais pas comment ils font ces cuisiniers, mais moi, au bout de 5 minutes devant les fourneaux, je suis liquéfiée.Pas de chance, ce soir, il y a une coupure d’électricité, il faut vite se dépêcher pour nous mêmes boucler nos sacs, faire les colis et lettres que nous confions à Jérémie… je découvre que la lampe frontale est une invention merveilleuse !

Voilà les invités arrivent. Miguel et Marek qui devaient passer seront finalement empêchés. C’est toujours une drôle d’ambiance des repas de départ, chacun essaye de mettre de la joie malgré tout ! Photos souvenirs, petit cadeau à Jérémie et c’est déjà l’heure. Nous montons tous dans le pick-up de Patrick pour aller à l’aéroport. C’est finalement Séverine, qui repart vers la Belgique demain, qui se chargera du fameux bouclier Sao.On traîne, on traîne, mais vient l’heure des adieux… et on cherchera à voir Jérémie le plus longtemps possible à travers les vitres…Retour à la maison, et re-belote pour nos adieux à Amélie car demain nous partirons avant son réveil. Décidément…

Mercredi 20 juillet : batteries déchargées

Nous ne savons toujours pas quelle est la meilleure solution pour quitter Ndjamena. Ce coup-ci, nous sommes à 6h40 devant l’occasion, prenons et réservons nos places, mais il n’y a encore que 5 passagers. Nous avons la surprise de voir débarquer Diallo, un jeune de Kélo, qui voyage aussi ce matin !Un autre passager nous explique que les chauffeurs ne veulent pas s’entendre entre eux, qu’il n’y a donc aucune organisation, ce qui explique l’attente avant le départ. En fait, il y a plusieurs véhicules qui essaient en même temps de trouver des passager, ce sera donc peut être la deuxième voiture qui partira la première.Aujourd’hui, nous partirons à 9h40, c’est assez correct. Mais il y a un truc énervant, c’est le fait de nous demander à tous de monter, on se tasse bien, on se met à dégouliner, et c’est là où le chauffeur décide de faire le plein où d’aller vérifier un truc… Les passagers désapprouvent, pensent que c’est un moyen pour le chauffeur de nous traiter en bétail et de nous prouver que c’est lui le chef.

Au moment de l’installation, c’est la cohue, deux femmes qui viennent juste d’arriver poussent les sacs mis pour réserver les places et s’installent. Nous arrivons à récupérer les nôtres en râlant, mais un passager arrivé un peu tard n’a pas réussi, et fera tout le voyage coincé contre une grosse dame.Départ… A 5km, arrêt on fait le plein. A 10 km, nouvel arrêt, on gonfle les pneus… Au niveau de la déviation, le moteur s’essouffle et cale. Tout le monde descend, et s’installe à l’ombre des roniers sur le bord de la piste.Mais nous arriverons quand même à repartir.A chaque arrêt, la grosse femme refait un nouveau scandale, essayant toujours de grappiller de la place et s’excitant avec le chauffeur. Elle se fera beaucoup d’ennemis quand à cause d’elle, le chauffeur descendra et refusera de démarrer, alors que nous sommes tous entassés comme des petites sardines sous le soleil…

Arrêt à Guelendeng pour la prière de 13h30. Ca fait du bien de s’étirer les jambes et de boire un coca. A la table voisine, un routier qui rapporte des pièces de Moundou et qui sirote sa bière avant de reprendre la route. Il nous propose de nous payer un coca, car lui et nous sommes des routiers…

Arrêt traditionnel à Bongor, tout le monde fait ses courses dans cette ville proche du Cameroun. A cette saison, il y a toujours le sucre et le savon, mais les carottes ont été remplacés par les aubergines.Un gars bourré vient nous emmerder pour que nous lui payons une grande Gala (les bières d’ici) et se prend un sermon de la part d’un gars qui lui explique qu’il faut arrêter de déranger les étrangers et que s’il veut, il le paye 1500F la journée pour travailler aux champs…Moi j’aime bien cette ambiance de Bongor. La petite fille de la grosse dame s’est fait un copain en la personne du vendeur de jus d’oseille ; un des petits garçons d’un passager part tout seul découvrir la ville. Ils n’ont peur de rien ces petits quand même… il aura fait tout le voyage dans la poussière et la chaleur sur les genoux d’un monsieur inconnu, le voisin de sa maman…Les bornes kilométriques avancent doucement, le paysage est beaucoup plus vert, les plants de mil sont bien hauts maintenant. Djoumane, Gang, Baktchoro, Kélo, nous y sommes, il est 18h30. En route depuis 12 heures pour 370km.Et là, histoire de nous achever, nous apprenons que la douane a arrêté presque tous les clandos pour contrôles, que les autres ne sortent plus de peur d’être arrêtés à leur tour…Il nous faut donc rentrer à pied avec nos sac ! On emmène avec nous un des passagers qui cherche le foyer fraternel protestant, pour lui montrer la route.

Du coup, Kélo est d’un calme sans ses motards… le goudron est vide, des enfants jouent et courent dessus comme sur un grand terrain de jeu. Le contraste avec Ndjamena est d’autant plus saisissant.Nous laissons le voyageur entre les mains d’Eybah, trouvé dans la concession du grand père de Tap, le pasteur protestant. Les enfants nous accueillent, nous prennent les mains et nous font la fête, c’est vraiment touchant.Nous arrivons chez nous vidés, n’ayant presque rien mangé depuis la veille au soir, descendant 3 litres d’eau par personne…JB est là, fidèle au poste, c’est un bonheur de trouver un repas tout prêt. Nous nous échangeons rapidement quelques nouvelles, mais nous sommes morts…Mayeul a le courage d’aller saluer les prêtres, et il revient avec deux gros colis : les « quelques petits trucs » laissés par Jérémie quand il a trié ses affaires. C’est une mine !Pleins de jeux de société qu’il a fabriqué, des fils pour des bracelets brésiliens, des décalcos, des feuilles de pliage, des crayons de couleur, des pots de peinture, des bouquins… Le centre culturel va lui dédier une statue…Puis sitôt après le dîner, nous nous couchons et tombons comme des grosses masses.

Jeudi 21 juillet : de retour chez nous et au boulot

Bien vu, la montre que nous avons acheté à Ndjamena pour remplacer notre réveil français moribond n’a pas sonné. Nous nous habillons en vitesse pour ouvrir la porte à Jean Baptiste. En vrac, pendant la semaine…André est passé nous apporter un ananas de Bayaka.Pauline n’est toujours pas revenue.JB a planté des patates douces, des tomates, du piment et du basilic. On a un vrai champ maintenant !JB a retrouvé notre gros canard… tout mort, bouffé par les chiens des sœurs et laissé en vrac derrière un arbre. Marie Thérèse a demandé combien coûtait un canard. A suivre !Nous lui offrons le livre laissé par Jérémie sur les différents manières de cuisiner le riz (large sourire : ça, c’est mon domaine), ainsi que la petite brochure trouvée à l’INADES avec quelques conseils pour la culture du sésame, pour son champ de Bao.

Nous partons au boulot, la tête encore un peu en vrac, mais contents de retrouver nos connaissances et le travail.Mayeul file directement sur le chantier, qui a bien avancé même si le retard n’est pas complètement rattrapé. En revanche, s’il pouvait, il se cognerait la tête contre le mur pour une histoire de tableau mal placé… Depuis les début, les gars lui parlent d’1,80 du mur et Mayeul corrige à chaque fois pour 1,60. La dernière fois, ils ont revu ça avec Mathieu, et l’ont rajouté en gros sur les plans qui sont affichés sur le chantier. Et vlan, ça n’a pas raté !C’est fou, comme ils n’ont pas trop l’habitude de se référer aux plans, ou juste dans ses grandes lignes et pas dans ses détails, quand ils ont un truc dans la tête, impossible de se faire entendre…Côté Celtel, il faut payer une taxe de 7000F pour récupérer notre crédit et notre numéro. Comme il nous restait 5000F d’unités, c’est quand même plus rentable et plus pratique que de se réabonner à 5000F.

Au centre, ce sont les retrouvailles, les « bonne arrivée » et les « vous avez bien fêté »… tous n’ont retenu que ça, que j’allais au 14 juillet !!

La grande question est de savoir qui a son bac. A Kélo, série « C », néant… c’est à dire que tous ceux avec qui j’ai bossé cette année ont raté. Se remettre en question ??Sur le total du pays, seuls 22% sont admis d’office, et 47,2% sont admis ou admissibles à la deuxième session. Ce n’est pas brillant.Les Danga, Roland, Pinah, Bekila ont sans surprise réussi. Bienvenue s’inquiète de son année prochaine en terminale, car effectivement, il y aura du monde puisque il y aura beaucoup de redoublants.Je me remets tout de suite dedans, puisque j’avais oublié que le jeudi matin, c’était le soutien en maths pour les 1ères. C’est reparti pour les dérivées, mais avec un groupe bien motivé. Ils ont de quoi car ils n’ont pas du tout traité ce chapitre important, et leur prof de terminale ne reviendra sûrement pas dessus l’année prochaine.Mississipi me fait le bilan de la semaine. Pour moi c’est un peu un test car c’est la première fois que je m’absente aussi longtemps.Bon, pas de catastrophe, mais un bilan mitigé : le concert et la première des conférences ont eu lieu. Mais personne au rendez-vous des conteurs, et plus de traces des entraîneurs de volley et hand, Marthe et Jérôme. Un autre manuel scolaire volé, mais de nouveaux abonnés. On y arrivera aux 600, plus que 5.En revanche, Mississipi a chopé un gros palu, il est tout emmitouflé dans un anorak alors qu’il fait très lourd.

Pas de sieste pour moi après le bon repas de JB (qui équivalait pour la viande tendre au Carnivore de Ndjam). Après toutes ces vacances, il faut rattraper le retard au niveau du journal ! Nous avions emporté l’ordinateur, mais bon… je n’ai pas été aussi rigoureuse qu’à Kélo…

Mayeul poursuit son gros projet cet après-midi, entre deux visites, dont celle de Nicolas de Baktchoro et de Sam. Ce dernier s’inquiète déjà de notre départ et nous pousse à renouveler notre contrat !Autant j’étais en retard ce matin et les jeunes m’attendaient pour les maths, autant j’étais à l’heure cet après-midi, et personne n’est venu. Quelques petits rangements, quelques salutations, une mini prise de bec avec l’éternel Tokama Massi… ce coup-ci il voulait prêter sa carte à un ami de passage. Comme je lui expliquais qu’il fallait que son ami s’abonne, il a fini par attendre que je tourne le dos pour prendre un livre pour lui et le filer en douce à son ami. « Quoi, vous voulez dire que quand je prends un livre, il faut que ce soit moi qui le lise ?? » Ben oui… c’est assez logique, non ?Mais ça ne ternira pas l’après midi. Bernard est en pleine forme, ravi que je lui rapporte ses revues agricoles de Ndjam et en train de préparer son prochain cours de français, en potassant une contraction d’un texte du Soleil des Indépendances de Kourouma.Arrivent ensuite les basketteurs, toujours aussi discrets. Ils étaient en train de jouer à la pétanque devant le centre.Là, je sens une petite fatigue pour les membres de la ligue, malgré l’humour. Capitaines et coachs des 4 équipes ont reçu une convocation. Avant hier, date butoir pour régler affiliation et licence, aujourd’hui, tirage au sort pour les ½ finales. Bon…. Personne n’a réglé quoi que ce soit, pas de tirage au sort aujourd’hui ! Ils sont épuisants… je tente encore de les réveiller en les alertant sur le fait qu’ils sont en train de décourager les gens qui se battent pour leur permettre tout ça.Même le coach commence à fatiguer de venir au terrain tous les jours, et que les joueurs commencent à dire qu’ils n’ont plus rien à apprendre de lui. Quand on

voit que notre meilleur joueur n’a pas marqué un seul panier à Laï… on en doute !Je le réconforte en lui promettant qu’avec les petits, ce sera plus simple.Tout le monde est assez fatigué en ce moment je trouve. Pas mal de maladies, de palu ou d’autres infections. Le coach développe de gros champignons purulents sur un pied. Il soigne ça avec des remèdes traditionnels de plante, j’espère que ça va le soulager.Arrive ensuite Basile, Big Crown, un des musiciens du concert de dimanche, un peu déçu par les problèmes techniques et le fait qu’ils soient déficitaires. Je l’encourage aussi, puis raconte mes rencontres musicales de la capitale. Là, je le sens un peu envieux quand je lui dis que Pyramydes va au Fest’Africa à Lille en octobre. Il m’explique qu’il les connaît bien et qu’il a déjà joué avec eux. Mais c’est un gars bien, il m’assure qu’il doit beaucoup au centre culturel et qu’il ne nous lâchera pas l’année prochaine…

Je vois de la lumière dans le bureau du curé. Je vais aussi le saluer.Je lui demande de l’aide pour le paiement de l’onduleur. Mais il m’explique qu’avec l’amende qu’il paye pour le centre à la STEE de 50 000F, ça va être difficile… La paroisse serait en déficit, avec un comité de gestion pas toujours à la hauteur.Nous sommes souffrants…. Expression appréciée des tchadiens et très souvent utilisée…

JB aussi est rentré plus tôt. Le bébé de Gilbert est malade et il voulait faire un tour chez son fils car il soupçonne la mère de l’enfant de ne pas le nourrir assez.

Vendredi 22 juillet : premier cri de l’association

Aujourd’hui est un grand jour pour le centre culturel, nous avons une réunion ce soir avec les futurs membres du bureau pour discuter des statuts et du règlement intérieur de la future association qui pilotera le centre. Du coup, il faut que je me replonge dedans et que je potasse ma présentation à mon CODIR, pendant que Mayeul est sur le chantier. Il revient avec une histoire déprimante de Mathieu… Ce dernier avait acheté des tubes carrés de 40mm pour les portes du collège. Il apporte son matériel à un serrurier et lui commande les portes. Mathieu passe les reprendre et les emporte à Kélo. Là, il se rend compte que le gars l’a escroqué : il a revendu ses tubes de 40, en a acheté d’autres de 30, donc moins cher. Bilan, les portes ne sont plus aux bonnes dimensions !C’est dingue, parfois on a envie de tout claquer en se disant que dans ce pays tout est pourri, que tout est tellement de travers que rien n’est possible.Mais ce que je ne comprends pas c’est que ça arrive à quelqu’un qui est d’une famille influente, proche du parti au pouvoir.Et quand Mayeul parle d’action en justice, Mathieu refuse, il ne gagnera jamais, la justice est un peu… fluctuante.

Une fois prête, je me rends au CEG, mais je suis happée au passage par les gens de la commission Justice et Paix, en réunion à Kélo. Ils préparent la journée de la paix du 28 novembre (journée de l’indépendance, mais que la société civile essaye de transformer en journée de la paix), puis la semaine de la paix en janvier. Ils pensent à un concours de poèmes ou de chansons pour cette occasion et veulent avoir mon avis là dessus. Je leur suggère en plus de faire bosser les 3 groupes de musique kélois, en leur donnant un petit quelque chose pour qu’ils composent un hymne à la paix qui serait la musique phare de ces journées. Le

meilleur serait sélectionné, enregistré et diffusé à la radio Effata. A mon avis, ça pourrait leur plaire…Je reprends mon chemin, mais je tombe sur une jeune maman dont j’oublie toujours le nom, mais qui connaît bien le mien. Elle est avec son bébé Charlotte et son fils de 3 ans Bienvenu. Je m’alarme devant les boutons purulents qui forment une grosse croûte sur le front de celui-ci. Cela fait 6 mois, et ça se développe dans le dos. Je les emmène à la maison pour le désinfecter, mais je ne sais pas bien quoi faire d’autre. Le petit bout est courageux, pas un son, pas une protestation… il mettra sa petite main dans la mienne sur le chemin du retour.JB me dit que beaucoup de petits au quartier ont ça, qu’en général, on peut mettre des feuilles ou de la poudre de racine pour assécher et assainir la zone. Il paraît que c’est très contagieux. Que de maladies en ce moment !

J’arrive quand même à faire un saut chez le directeur du CEG, qui accepte de me rendre service. Il y a un de ses élèves de 3ème qui a emporté chez lui un manuel scolaire de biologie. Je lui laisse son nom et quand ce dernier viendra réclamer son bulletin au CEG, il devra d’abord rendre le livre.Je prends quelques nouvelles de leur grève. Rien de nouveau… Les arriérés de salaires montent à 4 mois, et le gouvernement n’a pas fait un geste. Bilan, les copies du concours d’entrée en 6ème et celles du BEPC sont toujours entassés dans un bureau, non corrigées…C’est ça le hic, c’est toujours les jeunes qui trinquent.

A midi c’est le bonheur… Depuis notre retour de Ndjamena, c’est Byzance !Fruits et légumes ont fait leur retour sur le marché de Kélo, et JB nous régale à coup de tarte à la ratatouille et de salade de tomates…

Je commence l’après-midi en remplaçant Mississipi à la bibliothèque. Son oncle de Moundou est arrivé avant hier en moto, et son véhicule a été pris dans la rafle. Ses papiers sont a priori en règle, mais ils demandent de l’argent pour la récupérer… Ils parcourent donc la ville à la recherche de l’argent.Quelques nouveaux bacheliers passent à la bibliothèque, le sourire aux lèvres, mais conscients que la partie n’est pas gagnée, qu’il faut se trouver une formation supérieure.Certains qui ont été recalé accusent le coup, disant ne pas s’y attendre. Il paraîtrait que les copies de Kélo ont été corrigées deux fois de suite car il y avait trop de bons résultats au début…

Puis à 17 heures, c’est la réunion. Le curé, futur directeur ; Nguetto et Mississipi les trésoriers, Ngarmadji et Lina Béatrice, les futurs secrétaires. Manquaient nos deux conseillers : le coordinateur du comité des jeunes (pas encore nommé pour 2005-2006) et Pierre, le directeur du collège de Mayeul (qui s’appelle maintenant collège St Joseph…).Présentation de l’organigramme et des papiers. Discussions, précision, modifications. On a bien travaillé !Tout le monde est d’accord pour rebaptiser le centre, mais je suis la seule à défendre l’idée d’un concours, appel à idée. Eux préfèrent que ça reste entre nous, pour mieux garder la main.C’est bien ça le comble…. Avant je n’aurais fait que ce que je croyais bon, et maintenant, sur mon impulsion, je me crée des co-décisionnaires !!

Pendant ce temps au service construction… Mayeul bosse d’arrache pied sur l’extension de l’école de Baktchoro. Les sœurs veulent présenter le projet à leur bailleur de fonds, Manos Unidas, pour le 15 août.

Mais Sébastien n’avait pas les mêmes méthodes de travail, ne laissant pas de traces écrites pour tout. Du coup, dessiner une extension à partir des plans de l’existant qui ne sont pas tout à fait conformes au terrain est un gros casse tête…

Dans le même genre prise de chou, mais dans un autre secteur, on remercie Jérémie !! Dans son carton aux merveilles, un rummik’s cube, avec son manuel d’utilisation. Qu’est ce qu’on peut passer comme temps à tourner ses petits cubes de couleur… Scientifiquement, ils auraient démontré qu’à partir de n’importe quelle position, on peut réussir en 22 coups, mais personne n’aurait réussi.A Kélo, on pousse loin les limites de notre patience…

Samedi 23 juillet : Jean Baptiste architecte

Mayeul avait besoin d’un assistant ce matin pour l’aider à faire les relevés des bâtiments existants de Baktchoro… et JB s’en est très bien sorti. On a un peu perturbé ses plans si bien organisés quant à son travail et son emploi du temps, mais ça l’a amusé et un peu changé !Je vais finir par y aller aussi… à chaque fois, Mayeul revient avec un cadeau de Carmen !Je ne me plains pas, je profite de ces occasions pour sauter sur l’ordinateur. J’ai remis au propre et compléter les textes fondateurs de l’association. Comme ça, dés que l’évêque passe (il quitte normalement Ndjamena aujourd’hui), je lui donne pour avoir son accord.Je fais un petit tour au CEG pour m’assurer qu’ils ont bien enregistré ma demande concernant mon voleur de livre… et je tombe au passage sur Fatime, une des filles qui est au cours du soir de l’école Notre Dame. Elle a en ce moment plein de visiteurs, des cousines venues de la capitale, mais aussi une qui vient d’Allemagne, qui débarque pour la première fois au Tchad et qui ne parle que l’allemand ! Je la renvoie sur Mayeul…Visite de Mathieu, qui trouve que Ndjam est de plus en plus invivable, que ses enfants et neveux ne connaîtront jamais le mode de vie d’avant, où tous étaient solidaires. Même après les événements de 1979, quand les gens sont revenus, ça allait encore. Bien sûr, il ne fallait pas trop se mêler de politique, mais sinon ça allait. Depuis 1989, tout se dégrade. Les gens sont chacun pour soi, et les escroqueries se développent, ce qui est un fait nouveau.Même au niveau de la propreté, avant le samedi était déclaré journée de la salubrité, et tous devaient nettoyer d’abord leur maison, puis devant la porte et la rue. On pouvait se faire arrêter si on était chez soi au repos ce jour là…Maintenant, les ledas (les sacs en plastique noir) recouvrent tellement le sol, que l’eau de pluie ne pénètrent même plus dans le sol.Il espère bien faire venir sa famille à Kélo car la vie de célibataire lui pèse. C’est vrai que son petit dernier commence à faire le petit dur sans son papa. Et avec le nouveau bébé qui arrive…Mais il voudrait être sûr d’avoir le chantier du deuxième bâtiment du collège. Or les bailleurs de fond n’ont toujours pas confirmé.

Visite pendant le même temps de Gédéon, le tailleur basketteur. Il vient saluer car aujourd’hui il s’est octroyé un jour de repos. Il a presque fini avec ses champs, il ne lui reste plus que les haricots. Dans la conversation, il m’apprend qu’il vient de perdre la semaine dernière son bébé de 2 ans, à cause de diarrhée amibienne. La saison est décidément meurtrière. Beaucoup prennent ça avec un calme et une fatalité que j’admire dans un certain sens. Ce détachement (ou

cette habitude des coups durs ?) est quelque chose de tellement absent chez nous.Côté Monique Dani, les nouvelles sont bonnes. Elle était partie à Doba sur un appel de sa fille, malade après son accouchement. La jeune maman va mieux, et le petit Magloire se porte bien. Son premier bébé était mort à la naissance…

Sitôt rentré, Mayeul repart sur le chantier. Pendant ce temps, j’enregistre les livres donnés par le centre Emmanuel. Initiations aux lettres latines… j’avais le même en 3ème ! je le garde au cas où des séminaristes seraient intéressés. Mais je doute qu’il sorte souvent celui-là !!

Après-midi course poursuite après l’évêque… tout le monde le cherche entre deux activités. Mathieu arrive tout essoufflé en moto, l’évêque est passé sur le chantier, Martin a envoyé un petit chercher le patron à vélo, mais celui-ci est arrivé trop tard, la voiture était déjà repartie sur Laï.Ca n’arrange pas mes affaires, j’avais des documents à lui passer et il était sensé déposer des sacs que nous lui avions confié à Ndjamena.Grande discussion avec Henri, qui déplore l’assistanat des chrétiens, et qui trouve qu’ils ne s’engagent pas assez dans la société civile.A propos de société civile, il paraît qu’il y a une grande marche de protestation à Kélo mardi des fonctionnaires en colère.L’histoire des motos arrêtées a du mettre aussi de l’huile sur le feu, car beaucoup de propriétaires de clandos sont fonctionnaires. Maintenant on leur demande de l’argent pour récupérer leurs engins, mais ils ne touchent aucun salaire depuis 4 mois. Alors comment faire ?Tiens, je croise Diallo aujourd’hui, celui qui attendait en même temps que nous pour voyager à partir de Ndjamena. Il n’avait pas voulu prendre notre occasion car trop pourrie et avait mis ses sacs dans un mini bus d’allure plus reluisante.En fait, après notre départ, un taxi lui a proposé, à lui et à ses deux cousins, de les emmener, contre 60 000F, et ils ont accepté. A une heure et demi de route, ils ont été sifflé par la police mais le chauffeur ne s’est pas arrêté. Ils ont été rattrapé, contrôle des papiers et compagnie. Le chauffeur n’avait rien sur lui, juste son permis… Ils sont restés là jusqu’à 18h, puis ils ont réussi à monter dans une occasion et sont arrivés à Kélo à 22h30 ! 60 000F de perdus et toute une journée…

Aïe, les moustiques commencent leur offensive, gare à la nuit tombante !Toujours pas un mot de la part de nos voisines sur le fait que leur chien furieux a bouffé notre gros canard bien dodu… Tant pis pour elles, si elles ne sont mêmes pas capables de prononcer un mot d’excuse, on va leur demander de nous racheter une bête. Il n’y a pas de raison que ce soit toujours les mêmes qui soient gentils…

Finalement, visite de l’évêque pendant le dîner, avec Henri. Il arrive avec 3 sœurs infirmières qui vont tenir l’hôpital de Dono Manga, deux mexicaines et une guatémaltèque (a priori, la première du Tchad !).Je ne sais pas bien comment exprimer ça, mais ce soir c’est flagrant : nous usons d’une liberté de ton vis à vis de l’évêque, que n’ont pas du tout les prêtres tchadiens. Ca doit venir du fait que nous ayons un socle culturel commun. C’est évident que nous nous comprenons tout de suite mieux, que nous avons grosso modo le même humour, que les sous entendus sont compris, etc. C’est encore un exemple de la réelle difficulté de communication entre personnes que tout oppose ou presque, même si la même langue est parlée.

Avec les tchadiens (et la réciproque est sûrement vraie dans l’autre sens, pour eux, vis à vis d’européens), nous ne sommes jamais 100% à l’aise car il faut être vigilant à la manière dont est perçu ce que nous disons, nous ne savons jamais vraiment si telle ou telle chose peut être dite, où sont les limites, etc.En tous cas, les nouvelles pour Mayeul sont bonnes, les financements pour le mobilier de la première tranche, et ceux pour la deuxième tranche, soit un deuxième bâtiment de 3 classes pour le CEGT, sont obtenus. Les devis puis passation de marchés peuvent commencer.

Dimanche 24 juillet : sous un soleil de plomb

Pour une saison des pluies… l’eau n’est pas si abondante, et le mercure fait une remontée en force depuis hier.Innocent étant toujours en congés chez lui au Nigeria, il n’y a personne dans la communauté francophone, et c’est Jacques, le responsable sur Kélo de la Commission Justice et Paix, qui s’y colle.Vers 10h, tout le monde s’étire, ruisselant, c’est la fin.On retrouve les habituelles têtes du dimanche, les Nguetto, Augustin et ses fils à qui nous demandons des nouvelles de la jeune maman Florence (bon, elle est venue au monde pour souffrir…), Christophe, etc.Nguetto et Christophe se donnent maintenant du « bonjour secrétaire » et du « bonjour trésorier » ! Christophe me présente un exemple de PV qu’il a rédigé, mais il mentionne que nous avons réuni tous les jeunes afin de créer cette association, ce qui n’est pas tout à fait exact.Marie Thérèse vient saluer son Mr EVA me tendant distraitement la main sans me regarder. Franchement aimable alors que je ne l’ai pas vue depuis 10 jours. Pas contente que je bosse avec son collaborateur de lutte contre le Sida ??Elle saluera Mayeul avec la même chaleur… et répondra à un gars qui l’interrogeait qu’elle est terrassée par le palu. Ce à quoi le gars répondra « ah oui, j’ai entendu dire qu’une de vos sœurs était tellement terrassée par le palu qu’elle a du être rapatriée au Cameroun »… C’est ça maintenant la version officielle du départ de Pauline pour cause de grave mésentente entre elles 3 ??On n’a pas fini d’en voir de toutes les couleurs avec ses sœurs. A la messe, elles ne donnent jamais rien à la quête. En France, cela ne me choque pas, mais ici où les prêtres et religieuses touchent un salaire largement supérieur à la moyenne, je ne trouve pas ça normal.

Je convie les musiciens rencontrés à la maison, et je leur présente la proposition de la commission Justice et Paix pour la composition d’un hymne à la paix pour la journée du 28 novembre. Ils sont tout à fait partants et reconnaissent que ça peut les aider, ça fait plaisir.Après une pause, nous pensions aller chercher Tap et Amazone pour aller déjeuner. Mais Younga et Tempo croisés au passage nous informe que Tap travaille depuis 3 jours à la Cotontchad, pour un petit temps. Ca me fait chaud au cœur, ils me disent qu’heureusement qu’il y a le centre culturel, sinon tout serait fermé à Kélo. Effectivement, le CLAC a fermé pendant deux semaines, pour cause de formations.Nous passons quand même saluer Amazone, mais elle est très timide et occupée par ses deux petits, pas très en forme aujourd’hui. Comme d’habitude, elle va nous chercher deux chaises chez les voisins pour nous asseoir.

Nous allons donc déjeuner tous les 2 chez Ouadi Choc, nous arrêtant au bord du goudron pour saluer les constructeurs métalliques et Guy. Il nous apprend qu’il va partir mardi définitivement pour Ndjamena. Maintenant que son père est mort,

il va vivre deux ou trois mois chez son oncle avant de louer une chambre. Il va reprendre, en plus du lycée, le poste d’apprenti menuisier qu’il avait quitté pour venir à Kélo, ce qui lui donnera un salaire. Ce sont toujours les meilleurs qui partent !Mais comme il sera au quartier Moursal à Ndjamena, celui des filles, on se reverra.

Classique Nashif spécial et jus de goyave sous les tôles ondulés de Ouadi choc qui nous font rôtir. On a toujours la bonne idée de sortir aux heures les plus chaudes ! Le marché est étonnamment plus frais, et on se pose un petit temps chez Babou pour lui commander deux jupes pour moi et deux pantalons pour Mayeul. Je pense que ça tombe bien pour lui, car comme c’est l’époque un peu difficile en attendant la produit des récoltes, il n’a plus beaucoup de commandes.Tiens, j’achète une nouvelle paire de tapettes pour ma collec’ et le vendeur est un des jeunes du centre. Presque tous se débrouillent comme cela.

Kévain, rencontré vers chez nous, nous confirme la manifestation de mardi prochain des fonctionnaires. Ils veulent une grande marche pacifique en direction de la préfecture. Objectif : s’inviter pour le petit déjeuner chez le préfet pour protester contre le fait que lui vive bien alors que ses fonctionnaires n’ont plus un sous. Tous espère un geste pour que le travail soit repris, parce qu’à l’hôpital et aux dispensaires notamment, c’est toujours portes complètement fermées, mêmes pour les urgences.

Concert de la chorale Sainte Claire… ça faisait un bail !Ne pas trop se moquer, le programme a été remanié. Et comme c’est en l’honneur du curé pour son départ, il y a de l’ambiance. Mr X sollicite le morceau n°2 pour faire danser le curé !Au fur et à mesure du concert, les petits se sont mis à se déchaîner, à courir partout, se poursuivre, à jouer avec des bâtons guidant des jantes ou des couvercles de marmite, bref, c’était un peu la foire mais dans une bonne ambiance. Mississipi au micro s’est complètement lâché !Ce sont en effet les derniers jours du curé qui part d’abord pour une réunion en Allemagne, avant de revenir à Ndjamena récupérer son visa pour la France et en profiter pour suivre une formation en informatique, puis un an sabbatique en France, près de Lyon puis à Paris, pour étudier. Drôle d’impression de le voir partir chez nous et de rester là…

Lundi 25 juillet : Mayeul s’en va à Dono Manga

Ca y est, Jérémi parti, Mayeul a comme champ d’action la Tandjilé dans son intégralité. Je vais le voir moins souvent. Mais plus souvent que les derniers mois, on aurait du mal. Nous n’avions pas l’habitude de déjeuner et de passer autant de temps tous les deux à Paris.Le problème posé par le transport des tubes de 6 mètres pour Ambroise a finalement été résolu. Par chance, Rangarta, l’entrepreneur qui travaille à Laï et Dono Manga, comptait partir aussi aujourd’hui de Kélo, et lui avec mieux équipé qu’une 504 d’humeur changeante.Au menu pour Mayeul, jeu de piste dans le bureau de Jérémie pour s’y retrouver et prendre ses marques dans les dossiers ; Procure pour les histoires de sous mensuelles ; longue rencontre avec l’évêque pour mettre au point tout un tas de choses sur les chantiers de toute la région, sur les financements obtenus en Europe, etc.

Ouf, il lui est resté un petit peu de temps pour passer quelques mails, mais même pas tous !

A Kélo, j’étais un peu sur la même longueur d’onde puisque j’ai entrepris de trier les livres offerts par le centre Emmanuel ainsi que les jeux laissés dans le carton magique de Jérémie. Je n’ai pas fait grand chose, souvent interrompue par des visites.Entre autres, une qui m’a beaucoup touché, celle de Basile, alias Big Crown, un musicien que j’ai connu récemment. Il partait pour Ndjamena et voulait me remercier avant son départ. J’ai apprécié !On a parlé projets, musique… et même relations amoureuses, ce qui est d’une grande rareté. Il m’a expliqué que son amie était ici, une fille que je connais bien d’ailleurs, et qu’il allait devoir la laisser pour Ndjamena, et peut être même pour Bangui en RCA, le temps de ses études. J’étais tout attendrie, et est proposée de jouer les intermédiaires car la demoiselle n’a pas de téléphone portable.J’ai aussi la visite d’Henri qui vient me payer les livres vendus à une école de brousse.

Après un repas silencieux, à dévorer un bouquin à l’eau de rose de Barbara Cartland (c’est pas de ma faute, j’en ai une cinquantaine à la bibli, il faut bien que me cultive !), je m’effondre pour une petite sieste.L’après midi est décevante, passée à attendre les gens du groupe d’entraînement de maths et qui ne viendront jamais. Parfois, j’ai du mal à comprendre, la deuxième session du bac est jeudi, et il n’y a personne !Bon je m’occupe, refait le présentoir (la littérature romantique autour du monde, où je m’autorise à mélanger la fameuse Barbara, Stendhal et les livres de la collection Adoras de Côte d’Ivoire…), conseille deux personnes cherchant des livres sur la dynamique de groupe. On a décidément de tout !Je passe mes nerfs sur Pierre qui n’a toujours rien compris du tout au classement d’une bibliothèque. Je crois qu’il a compris le message car je le vois après fouillant un peu partout pour se mettre certains repères dans la tête.Et puis voilà, c’est déjà le soir. Je vois Henri et Nodjadoum partir en voiture. Je les chope au passage et leur demande qui s’occupera d’allumer le groupe électrogène ce soir. Réponse, Victorin le cuisinier, qui arrive à 18 heures.OK, celui-ci n’allumant toujours pas, je vais voir ce qui se passe. Il n’était pas au courant que tout le monde était parti et attendait leur retour en préparant le repas. Je suis allée allumer le groupe et lui ai rendu la clé.De retour à la maison, je vaque à mes petites occupations…Le vent se met à souffler dehors, la pluie approche.20h30, toujours de l’électricité. J’hésite à ressortir toute propre sous la pluie, mais d’un autre côté… je suppute qu’il n’y a plus personne chez les prêtres et qu’on ne peut pas consommer de l’essence toute la nuit !Je pars donc, armée de ma lampe de poche et d’une lampe tempête. Le presbytère est vide. Le chien m’aboit vaguement dessus avant de se rendormir.Comment faire, tout est fermé ?! Comme une voleuse, j’ouvre un des volets de la salle à manger (qui se ferme de l’extérieur…) enjambe la fenêtre, prend la clé et vais éteindre le groupe. Re belote au retour. J’avais l’air fine. En plus, je me suis rendue compte au retour que la maison des sœurs était elle aussi complètement noire. Toute seule dans la mission…

Mardi 26 juillet : lapin sur lapin, ça va bien !

Ce matin, une marche pacifique était prévue par les fonctionnaires en colère. Je m’attendais à un peu de ramdam, mais finalement, ils se sont amassés près de la

préfecture, sans trop de bruit. Peut être à cause des nombreux militaires en armes…JB m’a raconté quelque chose qui m’a outrée ce matin. Pour toucher ses allocations familiales, il a besoin de certificat de scolarité pour ses enfants. Il est donc allée au CEG pour Mariette et Séraphin. Le directeur lui a demandé 1000F par signature parce qu’il allait toucher de l’argent grâce à ces papiers, et c’était donc normal qu’il ait sa part. C’est complètement ouf !JB a eu beau lui expliqué que c’était lui qui en premier payait le CEG avec les frais de scolarité, rien n’y a fait.C’est tellement la galère que tout le monde veut sa part de profit quand une miette tombe. La situation est incroyable…Plus tard dans la matinée, je vais au marché voir Babou et lui apporter des modèles pour les pantalons de Mayeul. Pile quand j’y étais, il y a eu le contrôle de la patente 2005, bien sûr le contrôleur escorté d’un homme en mitraillette. Si la taxe n’est pas payée au service des domaines, le contrôleur met un gros cadenas sur l’échoppe.J’ai fait un bout de chemin avec Mississipi qui est inquiet pour son cousin, très malade. Mais que faire puisque l’hôpital est totalement en grève ??Quel pays…Dans un chapitre plus gai, j’ai passé pas mal de temps avec Amos, un bouliste acharné, à mettre au point le fonctionnement d’un tournoi de pétanque. Ils n’ont pas du tout les mêmes règles que nous !Point dont je ne suis pas peu fière : Amos accepte l’idée de demander aux jeunes intéressés de désherber le terrain. Faire participer les jeunes, yes !

L’après-midi, re-lapin avec les entraîneurs de volley et hand. Je me suis sentie regarder fixement avec mon pantacourt et mes converse… même moi je commence à trouver ça bizarre comme tenue !Pour couronner le tout, Christophe est passé, annonçant qu’il ne pourrait pas assurer la conférence de demain (déjà reportée d’une semaine), et qu’il ne serait pas non plus là pour la réunion de l’association samedi… Que quelqu’un m’explique comment on fait pour travailler et progresser quand personne ne respecte ses engagements ??Réunion du basket… personne à part Case Vie n’a réglé ce qu’il doit… ça continue ! on tente encore le coup et on redonne un nouveau délai. Une impression de redite…

Bonne surprise, voilà Mayeul, accompagné de Jean, le technicien de la radio. Il a eu une journée de congé (il bosse 7 jours sur 7 !) pour venir m’aider à réparer a télévision du centre. Vraiment sympa !C’est un passionné d’électronique, sitôt arrivé, il a un tournevis et un poste à soudure en main. Il a le diagnostic sûr et rapide. Finalement d’après lui, c’est le technicien de Kélo qui avait trouvé la pièce défectueuse. Celui de Bongor m’a fait acheté à Ndjamena un condensateur pour des prunes ! En revanche, ce dernier avait raison sur le fusible et la résistance…Ah lala, c’est compliqué de tomber sur des personnes compétentes qui ne te mènent pas en bateau !En tous cas, Jean est ravi de changer de l’air de Laï et de « changer de milieu ». C’est un chic type, un peu débordé par tous les services demandés par ceux du diocèse, pour une clim, une télé, une radio…

Mayeul a eu une journée archi pleine et crevante. Il est parti avec Rangarta sur le chantier. Comme il avait plu la nuit, la piste était une grosse flaque. Heureusement, la voiture de Jérémie avait été réparée et le 4x4 marchait. Il n’y

avait que l’essuie glaces qui était KO… ce qui a valu à Mayeul de passer son temps à enlever les éclaboussures de boue.Arrivé sur place, il lui a fallu réceptionner les travaux finis, sur le chantier de l’hôpital et sur celui de l’école communautaire : tester tous les robinets, les menuiseries, etc, etc… un travail de fourmi !Même pas le temps de manger, il faut refuser l’invitation du prêtre espagnol de Dono Manga qui, charitable, lui fait une grosse tartine de vache qui rit sur du gros pain maison…Retour à Laï, passage à la procure, chez l’évêque, et vite vite, il faut prendre les pirogues pour traverser le Logone et retrouver la voiture.Dans le genre « chacun veut sa part » : Mayeul accepte de prendre en voiture 2 gars qui n’avaient plus de place dans l’occasion, service demandé par le chauffeur. Celui ci donne à Mayeul les 4000 pour le voyage, ce que Mayeul refuse, expliquant qu’il ne fait pas payer. OK, le gars s’en va. Mayeul voyait que la discussion montait plus loin. Celui qui avait gardé la voiture pendant la nuit, et que Mayeul venait de payer, est venu le voir pour lui demander sa part, qu’il avait rendu 4000 au gars, et que lui aussi voulait de l’argent. Monde à l’envers.Commençant à comprendre, Mayeul a haussé le ton pour demander à qui était l’argent. Ses deux passagers ont répondu, en fait, ils avaient déjà payé le trajet dans l’occasion du marché… Mayeul a demandé au chauffeur de leur rendre, ce qu’il a refusé. Coup de chance, il a accepté de les donner à Mayeul quand celui-ci a dit que bon, puisque ça causait des problèmes, il allait le prendre cet argent… quitte à le redonner aux deux passager quelques kilomètres plus loin.La période commence à être tendue. Tous les jours des femmes avec des enfants, souvent des veuves viennent nous trouver à la maison. Avant, elles attendaient devant chez les sœurs. Sans réponse, elles viennent vers nous.Vivement des temps meilleurs !Ah, autre détail rageant, même si ce n’est pas du tout comparable : j’ai essayé de faire des yaourts aujourd’hui avec le ferment sec acheté en pharmacie et envoyé de France. J’ai raté… je n’ai plus de mère pour mes yaourts !Victorin m’assure que je peux en trouver à Moundou… sauvés ?

Mercredi 27 juillet : décalage

C’est drôle comme parfois les situations inverses. Depuis son retour, Mayeul est débordé… l’évêque a bien travaillé pendant son séjour en Europe , et a rapporté de l’argent qui permet à plusieurs projets de passer en phase opérationnelle.Côté Est de la Tandjilé, l’hôpital va abriter de nouveaux bâtiments, l’école se termine, la chapelle du petit séminaire va commencer.Côté Ouest, feu vert « conception » pour le centre handicapés, la réhabilitation du centre d’accueil, l’extension de l’école, tout ça à Baktchoro ; deuxième tranche du collège de Kélo.Du coup, il y a presque plus de boulot de l’autre côté du fleuve, et j’espère que les absences hebdomadaires ne vont pas passer à 3 jours. C’est quand même plus difficile, toute seulette dans la maison…Savoir que certains projets allaient pouvoir sortir des tiroirs a redonné un tonus parfois un peu émoussé à Mayeul. Dés que Celtel aura enfin daigné nous rendre notre puce de téléphone… il essaiera de contacter le français que nous avions croisé à Ndjamena et qui fabriquait des briquettes à base de sacs plastiques jetés aux ordures. Il aimerait essayer de proposer des revêtements de tables et bancs scolaires de ce matériau.

Parallèlement, le centre culturel devient dur à tirer, les jeunes répondant de moins en moins présent. Bon, il ne faut pas tout noircir, peut être que j’ai voulu monter trop d’activités pour des congés où beaucoup ont quitté Kélo.Bref, je ne suis pas over-bookée…Je passe la matinée avec Jean à essayer de trouver les pièces défectueuses. Nous nous renseignons chez Blama le quincaillier nigerian qui nous indique les deux magasins où nous pourrions trouver notre bonheur. Manque de chance, nous trouvons portes closes. La détaillant de pièces auto-moto d’en face nous tire bien d’embarras. Il nous fait patienter, appelle le type d’en face qui a un téléphone, mais sans résultat, le vendeur ne répond pas ; puis il part chercher le frère du vendeur qui n’habite pas loin. Je râle beaucoup, mais c’est aussi le pays des extrêmes. Ce marchand passe du temps pour nous, gracieusement et avec le sourire.Voilà, le gars arrive, nous ouvre sa boutique. Ah les pièces demandées sont dans la boutique voisine, il faut qu’il aille chercher les clés à la maison… Pendant ce temps, nous regardons les VCD qu’il vend. Diallo et Aboubakary qui se promenait par là en attendant la deuxième session du bac viennent nous dire un petit bonjour.Finalement, il n’a aucune des pièces, sauf un fusible qu’il essaye de nous vendre 1500F alors que nous savons que le prix est de 250F. Jean négocie, y compris en arabe, lui explique qu’il est technicien radio et qu’il connaît le prix des choses, mais impossible en deçà de 750F. Le vendeur lui demande pourquoi il négocie alors que ce n’est pas lui qui va payer, mais moi, la nazara aux poches remplies de millions…Tout ce temps pour rien, ça me rend nerveuse, et les remarques sur mon passage me sont intolérables aujourd’hui. Au hasard, je demande à Jean de m’en traduire une « ah regarde la blanche qui va à pied »… C’est fou de se dire que certaines personnes dans le monde sont aussi peu touchées par la mondialisation au point de s’étonner du comportement de tel ou tel. Il y en a tellement qui croient que nous sommes nés sur les coussins d’une voiture. A leur décharge, les blancs de Kélo sont la plupart du temps de passage, et sont aperçus dans leur 4x4 sur le goudron. Pourtant ils la connaissent notre 504 pourrie !Bon, pas de pièce. Nous finissons par avoir l’idée d’appeler Marek, du CTAP, pour qu’il trouve les pièces à Ndjam et les emporte avec lui quand il viendra samedi. Jean reviendra dimanche pour les soudures. Voilà qui est réglé, grâce à un technicien hors pair, bien débrouillard.

C’est sympa aussi de passer plus de temps que d’habitude avec lui, il a la discussion facile et c’est intéressant et amusant de papoter avec lui. Il a quand même un peu de mal à Laï et aimerait revenir à Ndjam, mais il est tellement indispensable à la radio et à tout le personnel du diocèse (voir tous les habitants de Laï qui abusent) possédant des appareils, qu’il ne se sent pas de partir.Il y en a qui exagérent quand même. Une fois il a réparé et même été chercher des composants à Moundou pour le CLAC de Laï, sans aucune rémunération, même pas l’essence !Une autre fois, il a dépanné les gars du bac, gratuitement. Quelques jours après, il leur demande le service de pouvoir téléphoner et ceux-ci lui ont fait payer la communication.Trop gentil et compétent ce Jean.Après le déjeuner, nous partons chez son oncle pour qu’il puisse le saluer avant de quitter. Il n’est pas là et nous sommes reçues par ses deux filles, des vraies jumelles heureusement coiffées différemment. Voilà, Jean revient encore dimanche. Le centre lui devra une fière chandelle. Après une sieste éclair, Mayeul se remet vite sur Autocad, juste perturbé par une

rapide visite de Tap. Son fils bonheur a de drôles de plaques sur la tête. Pas de dermato, hôpital en grève… ??!!Au centre, pas de Nadoum en vue, la causerie débat aura t’elle lieu ? Il arrive mais trop tard, peu de jeunes sont là et ceux présent sont venus avec l’idée de lire ou de jouer, alors pas question de changer de programme. J’essaie de m’empêcher de rigoler quand Mississipi vient voir Nadoum en sa qualité de correspondant pour la radio. Il l’informe de deux cas qui viennent de se passer à Moundou : un homme, un charbonnier, transformé en centaure à cause d’un aphrodisiaque que lui a fait boire sa femme ; et une femme transformée en chèvre par un méchant monsieur. Nadoum et Mississipi y croient dur comme fer, c’est l’Afrique me disent ils. On peut même aller à Moundou pour en savoir plus. Le centaure est au commissariat, il faut payer 250F pour le voir !

Causerie annulée, j’attends… Mini réunion pour les boullistes : ils acceptent le principe d’aider à la préparation du terrain mais trouvent que mon choix n’est pas le bon, pas assez sableux. Un autre terrain est choisi, il sera nettoyé demain (tiens, beaucoup moins d’herbes que sur le précédent !!). Cours éclair de Master mind, retour à la maison avec une gros mal de tête.

C’est dur cette période, on arrive à la fin d’un cycle et nous commençons à voir partir certaines personnes. Des bacheliers viennent me voir pour me saluer et m’annoncer qu’ils quittent Kélo. Guy part à Ndjam après la mort de son papa, Basile part en Centrafrique, Bédoum reste à Ndjam, son rôle n’est pas indispensable sur le chantier, etc.En plus, ce sont souvent les meilleurs qui partent. Les gratinés indécrottables eux, paraissent bien décidés à rester. Comme nous !! On fête nos 7 mois ce soir !

Jeudi 28 juillet : visiteurs

Ah qu’une grasse matinée serait bienvenue de temps en temps… pourtant on dort 3 fois plus qu’à Paris, allez comprendre !Mayeul boucle ce matin le projet de l’extension de Baktchoro. Carmen, veut le présenter à ses bailleurs de fonds espagnols le 15 août.Moi je me presse, pour ne pas me faire reprendre une fois de plus, vu que ce matin, c’est mon groupe de maths, le seul et l’unique qui soit motivé. Les premières qui ont compris leur intérêt à finir le programme avant la rentrée en terminale.Pendant le cours, en plein milieu d’une dérivée, je suis interrompue par un garçon qui m’apporte un message d’Aboubakary. Je comprends tout de suite de quoi il s’agit, mais je le prends à l’écart pour lui demander des précisions. C’est un exo de maths griffonné sur une feuille à carreau… bien sûr il s’agit de l’exercice de la deuxième session du bac en train de se dérouler, et il me demande de l’aide. Si c’est tout ce qu’il a compris des groupes d’entraînement pendant l’année… J’explique à son messager que je n’aide pas les gens à tricher, et lui me répond tranquillement qu’il va lui transmettre le message. Je l’ai pris à part discrètement, mais je fais en sorte quand même que les lecteurs présents comprennent bien que le centre culturel ne marche pas là dedans.Bon, nous reprenons… puis vient un gars tout bizarre qui vient vers moi sans hésiter pour me demander d’une voix forte « donne moi du flouze ». Décidément aujourd’hui…Je me transforme en Mère Sagesse pour lui expliquer d’une voix faussement patiente qu’il se trouve dans un lieu où les jeunes viennent travailler et se cultiver, aussi s’il avait l’obligeance de quitter ces lieux.

C’est Mississipi le bibliothécaire ce matin. Il est content car ils ont trouvé un endroit où hospitaliser son cousin. Il reste en effet en ville un endroit où les gens peuvent être soignés, le dispensaire protestant, vers Bayaka. C’est un soulagement.Par contre, il est énervé contre la chorale et Sœur Anne Marie, qui ont décidé seuls de faire sortir à Moundou pour le concert de la chorale les appareils sono, alors qu’il avait été décidé par le comité des jeunes que tout ça ne sortait pas de l’enceinte de la mission. Déjà, aller jusqu’au terrain de basket avait été toute une affaire. Et ça, Mississipi, chargé de matériel intègre, ne le tolère pas !Petit passage au CLAC pour finir la matinée. Ils terminent leur formation Sida, et enchaînent à partir de demain sur une formation en théâtre forum dispensée par la présidente d’une troupe et ballet de Ndjamena.J’avoue que le directeur du CLAC m’énerve un peu, je croyais qu’on travaillait ensemble et là, il se la joue un peu perso. Le CLAC n’a rien fait sur le plan du théâtre jusqu’à aujourd’hui, contrairement au centre. Et là, il n’a pas l’air de vouloir prendre mes comédiens en formation, et fait le difficile quand je lui parle du tournoi de pétanque, pour lequel nous nous étions mis d’accord sur une organisation commune.S’il ne veut pas, on le fera seul, et qu’il ne compte plus sur moi pour lui tendre la main…

Déjeuner herbivore, mais on se régale. Mayeul est revenu de Dono Manga en passant par Guidari où on lui a donné un sac énorme de légumes du potager : concombres, gombos, salades, courgettes… et un truc que JB ne connaît pas mais qui au goût ressemblent à des épinards.15 heures, on a encore trop dormi !Mayeul file chez Celtel, on récupère enfin notre puce. Seulement, notre contrat est resté à Moundou, il faudra repasser. Puis tour au chantier. Ca avance bien, Mathieu a appelé et devrait rentrer aujourd’hui. Les ouvriers, qui voyaient la fin du mois arriver, sont soulagés.Tap n’est pas là, il est encore à la Cotontchad. Il est payé 1500F par jour pour bourrer les sacs de coton, et 500F en plus s’il dépasse tant de sacs… soit deux fois plus que sur le chantier. Il est ravi, pourra donner 10 000F pour l’achat de son terrain ce mois-ci, puis il reprendra le chantier.Moi je n’avais pas encore décidé ce que j’allais faire, étais plutôt partie sur l’idée de commencer à compiler les résultats du questionnaire envoyé aux différents centres culturels du diocèse.Mais changement de plan, la 4x4 crottée de Baktchoro débarque, avec à don bord Carmen, deux de ses copines espagnoles en visite, accompagnées par Nicolas.Du coup, on s’installe et on discute. Elle sont très intéressées par nos réactions et notre expérience. Nous parlons beaucoup de la difficulté de communication, du barrage à franchir. Nicolas nous rappelle gentiment que le barrage est de chaque côté, et rappelle en souriant les erreurs des sœurs canadiennes qui étaient installés à Kélo il y a longtemps. Elles accueillaient les gens en leur demandant assez directement « oui, vous venez pourquoi ? ». D’après Nicolas, ce genre de comportement est assez insultant. Il faut d’abord présenter un siège, offrir à boire, etc. Un apprentissage mutuel à réaliser.Les fillettes qui jouaient dehors sont très intéressées par nos visiteurs et trouvent le prétexte de venir dans le jardin demander de l’eau… L’amie de Carmen sort son appareil photo, et là, après la première panique, elles en redemandent !JB a aussi son heure de gloire quand il sort avec son fer à charbon ouvert, couvercle ouvert et crachant des flammes.J’aime bien ces imprévus, surtout quand je n’ai pas grand chose à faire…

Cours de ngambaye avec JB. Je ne devrais pas le déranger quand il repasse, une braise sur le vêtement est si vite arrivée…C’est très poétique ce soir :Mars : ngoun kar (le début de la chaleur)Avril : palpal bo (le vrai moment du chaud)Mai : semta doua (moment de la semence)Juin : doum koudou (un fruit de la saison sèche qui commence à pourrir)Juillet : woul (nom d’un insecte qui pique)Août : ndel (moment difficile)Septembre : konaye (les tubercules ont poussé)Octobre : barem bar iyo (pourquoi m’appelles tu ? dans le sens, j’ai déjà mangé ?)Novembre : ndoug der nain koul (début du froid)Décembre : nain koul (le moment du froid).J’ai appris les chiffres aussi. C’est d’une logique implacable, mais comme ça s’emboîte ça fait long…Exemple 89 = do djinai djo doguiré djinai kara !Allez, tobi to madjé (bonne nuit)…

Vendredi 29 juillet : une journée culturelle

La voilà notre grasse matinée tant rêvée. Jean Baptiste a prévenu hier qu’il serait en retard. Tous les quinze jours, un des ressortissants de leur village fait la tournée chez les autres. Et là, c’est son tour.Nous sommes donc seuls jusqu’à 8 heures 30.En fait, comme Rangarta, l’entrepreneur de Dono Manga, arrive à 8 heures, c’est à peu près comme d’habitude !Mayeul et lui travailleront ensemble toute la matinée, toujours sur les histoires de réceptions des tranches finies de l’hôpital.C’est un travail de fourmi car il paraît que rien n’est réellement fini, qu’il faut réceptionner avec des tonnes de réserves. Un ventilateur par ci, un extincteur par là, une reprise à un autre endroit, etc…

Aujourd’hui, je suis bien contente ! Le CLAC a invité Mariam et son association Kadja Kossi pour animer une formation de théâtre forum pour les jeunes, sur 10 jours. Ils sont arrivés hier et commencent leur session par une production, jouée par trois de leurs comédiens professionnels.C’est tellement rare que je savoure. « Derrière le voile », une pièce d’un auteur algérien. Un premier acte algérien, un deuxième acte réécrit pour coller aux réalités tchadiennes. Trois acteurs : deux sœurs, une à la maison, et la plus jeune qui fait des études, et celui qui sera le mari de la plus jeune, lui interdisant de continuer ses études et la battant.A la fin, Mariam annonce que ce n’est que le début de la formation, qu’à la fin, il y aura le même spectacle, rejoué par les jeunes à leur manière, suivi d’un débat. Mais pour sonder le public elle demande qui est pour chacun des trois personnages.Et bien, beaucoup lèvent la main pour le mari… toutes les femmes sont pour la jeune sœur !Après coup, je discute avec 3 jeunes, un musulman, un protestant, un catholique et je leur demande ce qu’ils ont voté. 2/3 pour le mari, « parce que nos papas font comme ça, mais nous, on ne battra pas nos femmes ». C’est déjà ça !Danyo, le directeur du Clac, me présente gentiment à Mariam. Je lui explique mon rôle ici, et rendez-vous est pris pour ce soir. Je les laisse commencer leur

formation, soutenue par le PNUD, et dont l’objectif est de sensibiliser sur les droits de la femme.Je tombe ensuite sur Roland, un bachelier, qui me demande des conseils sur son orientation… Je ne suis pas ma maman moi !Mais vu le peu de choses qu’il sait, je pense quand même avoir réussi à l’aider.

JB est arrivé tard, alors nous mangeons la boule à midi : boule de mil rouge et sauce gombos (pas celle que je préfère… c’est tout gluant…). Comme Mayeul finit tard avec Rangarta, en plus, ce sera froid.Après le déjeuner, Mayeul se lance dans une entreprise fort utile, le nettoyage de l’imprimante. Nous ne la protégeons pas beaucoup, et avec tout ce qu’on ramasse, elle ne marchait pas bien du tout.Puis il file sur le chantier avec un invité, Kikina, curé de Laï. Ce dernier cherche un moule de claustras pour se faire une véranda…

Je vais à mon rendez-vous avec Mariam. C’est vraiment une femme impressionnante, dans tous les sens du terme, et je me sens petite et jeunette en face d’elle. Elle nous reçoit très gentiment avec Aristide, pendant deux heures… Elle est intarissable sur le théâtre, la formation des acteurs, leur travail. Sa vraie formation est le montage de projets culturels, elle a à son actif un nombre impressionnant de pièces de théâtre, ballets, films ; elle a managé des musiciens, envoyé tel ou tel en Guinée ou au Niger, produit des artistes, fait connaître des conteurs…Elle m’explique qu’elle est un des partenaires privilégiés du SCAC de l’ambassade de France, et que nous pourrions elle et moi monter des projets financés dans ce cadre : une formation, la venue de danseurs, l’organisation de spectacles, éventuellement même dans le cadre de la semaine de la francophonie. Petit à petit, je commence à faire connaissance avec le réseau culturel tchadien, à connaître les bonnes personnes. Je pressens que deux ans seront beaucoup trop courts !Je lui demande leurs services pour encadrer ou conseiller le petit groupe du centre qui voulait monter une pièce de théâtre pendant les vacances. Bien sûr, elle demande une rétribution pour les formateurs. Je suis toujours mal à l’aise quand il faut proposer, sans savoir du tout quel est l’ordre de grandeur habituel. Je lui expose la situation financière du centre, lui propose 15000F. Elle me donnera sa réponse demain matin, après en avoir parlé aux 3 autres.J’espère et je pense que la réponse sera positive. Dans ce cas là, ils enchaîneraient la formation au Clac le matin, et au centre l’après-midi. Ils ont de l’énergie…Je suis contente de l’entretien, et à la fois, je touche vraiment du doigt que eux sont des professionnels, et pas moi. Je ne sais pas si je serai à la hauteur. Il faudra que je fasse des choix pour ne pas trop me disperser. Mais si nous pouvions proposer des choses de qualité, plutôt que nos bricolages habituels (sur lesquels je ne crache pas du tout !!).Il faudra voir ce que ça donnera, mais Mariam a l’air de quelqu’un qui souhaite diffuser la culture dans les provinces, et a priori, il n’y a pas beaucoup de contacts à Kélo, alors, pourquoi pas nous ?

Nous changeons un peu de sujet ensuite, parlant du coin. Elle flatte mon ego quand elle constate que je connais beaucoup de monde… et quand elle me demande des infos comme si j’étais native de Kélo !Qu’y a t’il comme fruits ou légumes en ce moment ? elle est bien déçue… je les invite à venir déjeuner quand Mayeul sera rentré de Dono Manga en étant passé par le potager de Guidari !

Aristide ne la quitte pas des yeux… lui demande si elle peut l’aider pour les pièces qu’il a écrite, les films qu’il veut tourner, etc. J’avoue que je suis bien contente qu’elle puisse jouer ce rôle. Elle, elle pourra lui dire en toute franchise, et au vu de son expérience, ce que tout ça vaut réellement.

Aïe, le bruit d’un changement de nom pour le centre culturel s’est diffusé !Yannick me propose « centre culturel Amigo »… quand je lui dis que l’espagnol n’est pas très représentatif du Tchad, que je pense plutôt au ngambaye, la discussion part immédiatement.Yannick est zimé, et effectivement, Kélo à l’origine est une ville plutôt lélé ou zimé, même si aujourd’hui le ngambaye est plus parlé. Bon, il faudra trouver autre chose pour ne pas entrer en conflit avec telle ou telle ethnie. On verra demain !

Samedi 30 juillet : une opportunité qui tombe à pic

Yeepee, Aristide vient m’apporter la bonne nouvelle, les 4 comédiens ont accepté de venir faire la formation au centre culturel : rémunération 20€ pour 4 pour 10 jours… Chapeau !A 9 heures, réunion de la future association pour trouver une nouvelle identité au centre culturel. Nettement moins « chapeau » d’un coup : deuxième réunion, nous sommes 2 !Mississipi et moi…Christophe est on ne sait où pour une évaluation d’un projet Sida, Lina Béatrice est en formation au CLAC, Ngueto a oublié et le curé est occupé.Ok, nous avons donc 9 propositions de nom, du curé, de Mississipi et de moi.Ca donne :Centre Emmanuel, Centre Emmaüs ou Centre de découverte, pour le curéCentre d’alliance, Centre amical ou Ngarta Tombalbaye (1er président du Tchad) pour MississipiCentre Aimé Césaire, Centre Loné Guere (sagesse) ou Centre Siloé (j’ai trouvé ça ce matin même à la bibliothèque : c’est la piscine où l’aveugle retrouve la vue dans la bible ; belle image pour la culture qui ouvre le cerveau, non ??!), pour moi.A deux, nous avons décidé de proposer aux hautes autorités « Centre culturel Siloé » ou « Centre Culturel Maoundoé Naïdouba » (écrivain tchadien mort à Moundou en 2003 qui a écrit la célèbrissime pièce ici l’Etudiant de Soweto).Puis enfin, grand ménage de la grande salle, toujours aussi poussiéreuse car fermée uniquement par de claustras, pour qu’elle puisse accueillir la formation tout à l’heure.

Côté Mayeul, il attend la venue aujourd’hui des FEC, Marek accompagné des futurs directeur et adjoint, Pierre et Pascal, du collège. Il prépare les pièces de l’appel d’offre pour le mobilier des 6 salles de classe du bâtiment qui est en train d’être achevé. Mayeul voulait fabriquer les tables et bancs avec des plastiques recyclés, mais il n’a pas réussi à joindre le gars. Ce sera peut être pour une prochaine fois. Changement d’épaule pour le fusil… et petit tour chez Sam, puisque les mobiliers seront alors métalliques. Qu’est ce que c’est cher !! 50 000Fcfa une table-banc d’un mètre de long. Il faut encore sortir près de 3 millions pour équiper le CEGT !

A midi nous avons invité Porye à déjeuner. Il quitte Kélo pour Laï, puis Ndjamena, demain, c’est donc un peu l’occasion de lui parler avant son départ. Après Ndjamena, il s’envolera pour l’Allemagne, sera obligé de revenir au Tchad chercher son visa, avant de repartir pour un an en France, pour étudier, d’abord

à Paris, puis à Lyon. C’est marrant, on lui parle du climat, du métro, on lui donner quelques numéros de téléphone… et nous, on restera à Kélo, chez lui !!Nous essayons aussi d’en savoir plus sur celui qui le remplacera comme curé ici. Ca m’intéresse au plus haut point depuis que je me suis inventée le curé comme directeur du Comité de Direction de l’association. Pourvu que ce ne soit pas… !On se quitte le ventre bien plein, Jean Baptiste a dégoté je ne sais où un poisson vraiment fin, qu’il nous a préparé avec des aubergines, des courgettes et des crêpes. Re –crêpes en dessert…Et ce n’est pas fini puisque Porye nous invite à aller dîner chez eux ce soir, avec les frères de Ndjamena.

Nous y sommes, le grand moment du théâtre est arrivé. Mariam, Antoinette, Déborah et Ghislain, de l’association Kadja Kossi, organisateurs d’évènements internationaux et panafricains, viennent au centre. Je ne peux pas m’empêcher de stresser un peu, de manière absurde… mais je perçois mon amateurisme de manière exacerbé !Je leur fais visiter le centre, et une de mes craintes s’évanouit puisque les jeunes inscrits sont miraculeusement à l’heure.Nous nous installons dans la grande salle. Mariam parle un peu, s’assure de leur disponibilité pendant les 10 prochains jours, puis donne le programme de la journée, qui consistera en des exercices préparatoires.Tous les 4 arrivent à mettre d’emblée une ambiance détendue, même s’ils n’évitent pas les critiques sévères au besoin. Contrairement à ce que je pensais, je suis à mon aise, et l’après-midi file vite !Jeux pour se présenter et retenir les prénoms, exercices de prononciation (je retrouve les « Mon merle a perdu une plume » et les « gros gras grain d’orge »…). Les jeunes peinent plus ou moins. Je me rends compte de l’énorme avantage que j’ai sur eux, à travailler dans ma langue maternelle. A mon avis, je serais moins fier avec une grain d’orge en ngambaye…Jeu du miroir, téléphone arabe, association de mouvements et de textes, écoute des autres pendant que soi même on émet un son, tout le monde participe bien.Nous finissons par une petite discussion où Mariam appuie sur la mission sociale de l’artiste, insiste sur le fait qu’ils ne sont pas seulement là pour divertir. Elle est sévère avec ce que fait justement la Troupe Etoile, des sketchs, toujours les mêmes, bien stéréotypés.Je la comprends bien, mais il ne faut pas qu’elle oublie que ces jeunes sont des lycéens, tous amateurs. Quand elle dit que 3 fois par semaine, ce n’est pas assez pour monter une pièce, qu’elle travailler au moins 8 heures par jour, je trouve que c’est intéressant que les jeunes sachent ce qu’est un comédien professionnel, mais eux n’ont pas tous cette ambition là.Du coup, l’intervention d’Aristide, fayote comme toujours, m’énerve. Il casse du sucre sur le dos de la troupe Etoile, en profite pour lancer qu’ils ne font pas bien ci, ni ça, et que et que…Je prends la parole pour mettre les choses au clair !Mariam me lance de belles fleurs, en expliquant aux jeunes comme j’ai su être vigilante pour saisir pour eux l’opportunité de cette formation. Je la laisse dire, juste pour qu’ils saisissent que tout ne tombe pas du ciel.Bref, je suis aux anges, je suis sûre qu’en France je ne me serais jamais lancée là-dedans, et même pour moi, ça va me servir.

Pendant ce temps, les frères du CTAP sont arrivés et ont fait un tour sur le chantier avec Mayeul. Pour l’instant, pas de problème, mais Matthieu joue avec le feu : nous sommes les 30 juillet et il n’est pas là… !!

Certains frères commencent un feu roulant de critiques, entendues par Mayeul, qui leur a dit que ces remarques seraient prises en compte pour le deuxième bâtiment. Mais il leur a expliqué aussi que c’était à eux de jouer leur rôle de maîtrise d’ouvrage. S’ils voulaient des tableaux noirs plus grands et avec des réglettes comme ci ou comme ça, c’était un peu avant qu’il fallait se manifester.Mais hormis ces détails, les utilisateurs ont été satisfait du bâtiment !

Le soir nous avons tous dîné ensemble, y compris avec Marie Thérèse, seule chez elle puisque Pauline n’est toujours pas revenue et qu’Anne Marie est à Moundou pour accompagner la chorale francophone en concert.Les voyageurs ont rapporté les fameux poulets rôtis de Moundou. Coriaces !!Nathanaël est là aussi, de retour de ses vacances dans sa famille à Laï, et prêt à reprendre les cours à Ndjamena.Voyant MT prendre les os pour ses chiens, j’en profite pour lui reparler de notre GROS canard, tout déchiqueté par ses furies… Elle m’assure de sa tristesse… et je laisse devant ses obligation quand elle me demande s’il faut qu’elles nous rachètent un canard !

Nous laissons ensuite le curé préparer sa messe de demain, et nous partons boire un verre au Pili Pili avec toute la bande. Drôle de bande ! Mayeul et moi sommes les seuls laïcs, moi la seule femme…Il y a du monde, c’est samedi soir ! les vendeurs se sont installés devant la porte d’entrée du bar.Nous nous installons en cercle, Henri à ma gauche. Mayeul a Pierre pour voisin. Ca change de se voir dans ce cadre… Henri me parle à nouveau de sa passion pour la grammaire française et nous passons un bon moment à recenser les « africanismes ». Puis nous évoquons son village, et il promet qu’il nous emmènera là-bas une fois, s’il est encore sur Kélo l’année prochaine.Mayeul est assis à côté de Pierre, directeur du CEGT. Bon, ça parle un peu boulot… et quelques minutes plus tard, Mayeul m’annonce qu’il vient d’être embauché comme prof d’arts plastiques pour l’année prochaine !Trois classes, une heure par classe. Une centaine de petits gamins de 6 ème dont il faudra maîtriser le nom. Ca va être une chouette expérience !!Sur un autre sujet, nous apprenons aussi par Marek que les FEC ont une maison à Kribi, au bord de la mer, au Cameroun, et que si nous voulons les clés…Héhé, ça s’annonce bien nos vacances là-bas… sauf que tel que c’est parti, c’est plutôt pour dans un an, en août prochain !

Dimanche 31 juillet : assez studieuxMesse fiesta pour le départ du curé !Processions dansées par les petites filles en costumes, procession de différents mouvements venant remettre des présents : 2 colombes, des arachides, des œufs de pintade… les spécialités de Kélo.Mariam, de Kadja Koussi, est là. J’essaie de la présenter à Mayeul, mais le temps que je me libère des salutations, elle est déjà partie. Ca commence bien mon job d’opératrice radio : il y a déjà Kévain qui vient me voir pour essayer de faire passer un message perso.Les choristes reviennent de Moundou où a eu lieu leur concert. Ils sont arrivés hier à minuit car ils ont eu un accident et ont renversé quelqu’un. Eux sont rentrés, mais Bernard, le chauffeur, est toujours là-bas…

Après la messe, je file au centre où nous avons rendez-vous pour un nettoyage de la grande salle. Armelle tente de sortir une vieille natte poussiéreuse qui se révèle être une fourmilière tubulaire !

Quant à Mayeul, il aide Narcisse, le cousin de Bernard. Il est étudiant en chimie à l’université de Ngaoundéré au Cameroun, et prépare un examen. Le niveau est un peu meilleur qu’au centre pendant le petit groupe d’anglais.Hé, surprise pendant le déjeuner, coup de fil des Chabertos. Dommage que la ligne soit si mauvaise.Et puis l’aprem, drôle d’idée pour un dimanche, on bosse chacun de son côté. Mayeul finalise certains plans pour Dono Manga (dont un concernant le groupe électrogène, alors qu’il n’y a pas encore le budget pour ça), avec les inévitables galères d’imprimante, pile quant l’heure fatidique des 20h et de la coupure d’électricité approche…Moi je suis encore en formation théâtrale et j’aime ça. Vous allez voir, je vais me découvrir une passion tardive !C’est Ghislain qui assure seul l’après-midi. On fait du sport, on met en dialogue les gros gras grains d’orge, on improvise une scène, des exercices de rire forcé, on fait un peu de théorie sur le découpage de la scène et les missions du théâtre.Je suis contente, ceux qui se croyaient les meilleurs se rendent compte qu’il leur reste beaucoup beaucoup à apprendre… Et puis, pour une fois, je participe au même titre que les jeunes.Mais je n’aime pas leur manière de critiquer ce que font les autres plutôt que de faire leur autocritique. Enfin, ils sont jeunes !!

Mayeul vient me trouver en fin d’après-midi pour un cas de conscience à résoudre à deux. Un camerounais qui cherchait la sœur Marie Thérèse pour lui demander de l’argent et qui se retourne vers nous puisqu’elle est à Laï. Il s’est fait arrêter son camion plein de marchandises de savon à Krim Krim, à cause d’un tampon manquant. Il a donné à la police tchadienne les 70 000 qu’il avait sur lui, mais doit encore 40 000. C’est juste pour ce soir, car demain, il ira vendre ses marchandises et aura du cash. Mais il cherche de l’aide pour ce soir, car il a peur des vols et ne peut laisser son camion plein comme ça.Que faire ?Prêter 40 000 à un inconnu ?Heureusement, la ligne fixe de Laï fonctionne et Mayeul peut appeler Marie Thérèse. Elle connaît effectivement le gars, mais nous précise qu’elle ne se porte pas garante… Ok, on tente, que faire d’autre ?

Visite de deux des comédiens, Ghislain et Déborah, qui viennent rechercher leurs téléphones chargés. Nous en profitons pour essayer de mieux connaître l’agenda culturel de Ndjamena. Une belle rencontre pour finir le mois !