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L’actualité en continu du syndicat est sur le site internet www.ssp-vpod.ch JAA - CH 8036 Zurich KEYSTONE Le libre-échange passe à l’abordage De récentes fuites éclairent le danger que représentent les traités de libre-échange négociés par les pays du Nord. L’Alliance contre TTIP, TiSA & Co appelle à une manifestation le 8 octobre à Berne EN PAGE 12 Profit contre soins 3 POINT FORT – Dans toute la Suisse, la privatisation à l’œuvre dégrade la qualité des soins. Le SSP démarre une campagne nationale dans les hôpitaux par une journée d’action, le 3 novembre prochain. État des lieux. Face à l’austérité 4 FRIBOURG – Les syndicats et les partis de gauche appellent à mani- fester, le 12 octobre prochain, contre l’avant-projet de troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) présenté par le Conseil d’Etat. Échec au dumping 10 L’INTERVIEW – Après seize jours de grève, six ouvriers polonais, soutenus par le syndicat Unia, ont remporté une importante victoire contre l’entreprise Alpen Peak SA. Retour sur une lutte hors du commun. Journal du Syndicat suisse des services publics n°16 . 97e année . 30 septembre 2016

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Le libre-échange passe à l’abordageDe récentes fuites éclairent le danger que représentent les traités de libre-échange négociés par les pays du Nord. L’Alliance contre TTIP, TiSA & Co appelle à une manifestation le 8 octobre à Berne EN PAGE 12

Profit contre soins

3 POINT FORT – Dans toute la Suisse, la privatisation à l’œuvre dégrade la qualité des soins. Le SSP démarre une campagne nationale dans les hôpitaux par une journée d’action, le 3 novembre prochain. État des lieux.

Face à l’austérité

4 FRIBOURG – Les syndicats et les partis de gauche appellent à mani-fester, le 12 octobre prochain, contre l’avant-projet de troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) présenté par le Conseil d’Etat.

Échec au dumping

10 L’INTERVIEW – Après seize jours de grève, six ouvriers polonais, soutenus par le syndicat Unia, ont remporté une importante victoire contre l’entreprise Alpen Peak SA. Retour sur une lutte hors du commun.

Journal du Syndicat suisse des services publics n°16 . 97e année . 30 septembre 2016

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services PUBLICS . 30 septembre 20162 . EN MOUVEMENT

coûts de la santé». 2 Celle-ci est pour-tant loin d’être aussi marquée que celle des primes. Le problème est ailleurs: en Suisse, les ménages privés paient plus de 60% des dépenses de santé. Mais tout le monde n’est pas logé à la même en-seigne: contrairement au financement des as-surances sociales, celui de la santé est basé sur des primes par tête, sans lien avec le revenu. Conséquence de ce système antisocial: chaque mois, la facture de leur caisse maladie frappe de plein fouet les sala-riés modestes alors que, pour les hauts revenus, elle figure parmi les plus basses d’Europe 3.Un autre aspect central du problème est passé sous silence. Ces dernières années, la libéralisation-privatisation du système de santé, dopée par l’entrée en vigueur de la dernière révision de la LAMal, tire

les coûts de la santé vers le haut tout en dégradant les conditions de travail des soignants et la qualité des soins (lire en page 3). Pourtant, la droite veut accélérer ce processus de libéralisation. Ce n’est

pas étonnant. Comme le souligne le journaliste Eric Felley, nombre de politiciens «touchent d’une manière ou d’une autre des royalties dans

le système de la santé, que ce soit dans les sociétés d’assurances, les chaînes de cliniques privées ou de cabinets, les fournisseurs de matériel médical ou les marchands de pilule» 4. Pour tous ces acteurs, la santé est un marché à déve-lopper – en privatisant ses pans les plus lucratifs.Pendant ce temps, salariés et usagers paient l’addition: les premiers voient les attaques contre leurs conditions de

Ç a va faire mal: en 2017, les primes d’assurance maladie augmenteront de 4,5% en moyenne pour les adultes

ayant une franchise de base à 300 francs – la note sera nettement plus salée en cas de franchise élevée; pour les enfants, l’augmentation sera de 6,6%. Dans le Jura, une famille avec deux enfants paiera 1000 francs en plus par mois 1. Les primes s’envolent, mais les salaires stagnent: les économistes de Credit Suisse pronostiquent une hausse de 0,5% des sa-laires nominaux en 2017. Et les travail-leurs ne pourront pas forcément compter sur les subventions cantonales: austérité oblige, les montants à disposition pour des réductions de primes sont souvent en diminution. La situation financière de dizaines de milliers de foyers va donc se détériorer.Politiciens de droite et représentants des assurances maladie appellent, la bouche en cœur, à «freiner la spirale des

Le marché dope les primesÉditorial

travail et de salaire se multiplier; les seconds sont écrasés par des primes toujours plus élevées, les plus précaires devant se priver de soins par manque de ressources. Cette évolution n’est pas inéluctable. Le 3 novembre prochain, le personnel soignant démarrera un mouvement de protestation contre la privatisation du secteur hospitalier. Il s’agira de nous mo-biliser le plus largement possible pour un véritable service public de santé, puis d’étendre cette lutte au cours des mois et des années à venir. ◼

1 Le Matin, 27 septembre 2016.2 OFS: Financement des coûts de la san-té selon la source de financement 2008-2014.3 Le Matin Dimanche, 25 septembre 2016.4 Le Matin, 27 septembre 2016.

L’image de Stratis Balaskas/KeystoneInsoutenable politique migratoireDes migrants fuient un camp de réfugiés en feu sur l’île de Lesbos, en Grèce, le 19 septembre. Des milliers d’entre eux sont menacés de renvoi vers la Turquie. Samedi 1er octobre, à Lausanne, une manifestation dénoncera la politique d’asile inhumaine appliquée par l’Union européenne et la Suisse.

UN SYSTÈMEANTISOCIAL

GUY ZURKINDENRÉDACTEUR

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30 septembre 2016 . services PUBLICS POINT FORT . 3

Le profit mine les soins

SANTÉ. Dans toute la Suisse, la privatisation à l’œuvre dégrade la qualité des soins. Le SSP démarre une campagne nationale dans les hôpitaux par une journée d’action le 3 novembre prochain.

BEATRIZ ROSENDE, ELVIRA WIEGERS . SECRÉTAIRES CENTRALES SSPFOTOLIA . PHOTO E n 2016, quatre ans à peine après la

mise en application de la nouvelle Loi sur l’assurance maladie (LAMal),

l’efficacité de ses outils de déréglementa-tion se vérifie partout. Petit tour de Suisse hospitalier.

ARGOVIE. L’Hôpital cantonal d’Argovie a été autonomisé alors que ses infrastruc-tures nécessitaient des travaux d’assai-nissement. Aujourd’hui, cet hôpital doit financer, avec ses propres recettes, tous ses investissements. Sans compter qu’en 2016, le tarif hospitalier DRG a été réduit de manière rétroactive. Il devra donc rem-bourser les caisses maladie. Pour des rai-sons d’économies, les autorités cantonales souhaitent prescrire de manière obligatoire un traitement ambulatoire pour certaines pathologies – en cas de traitement station-naire, le canton doit prendre en charge la moitié des coûts, tandis qu’un traitement ambulatoire doit être payé uniquement par les caisses maladie. Les salaires du person-nel hospitalier sont trop bas; la charge de travail ainsi que les mesures d’économies ont un effet démotivant. Conséquence: la pénurie de personnel qualifié s’accentue. En psychiatrie, on délègue des tâches mé-dicales à du personnel non médical, par manque de médecins!

BÂLE. Au 1er janvier 2012, les hôpitaux publics de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne ont été externalisés. Depuis, la pression financière s’est déchaînée: les prestations d’intérêt public ont été réduites, la fluc-tuation des employé-e-s s’est accélérée – de nombreuses personnes changent de métier ou tombent malades en raison de la précipitation quotidienne au travail. La Clinique pour femmes Bruderholz de l’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne a été privatisée et reprise par la Clinique pour femmes Bethesda au 1er février 2016. Cette clinique privée pratique un nombre plus élevé de césariennes, plus rentables que l’accouchement par voie basse: la prio-rité ne va plus à un système de soins op-timal, mais à la maximisation des profits.

BERNE. En 2017, trois cliniques psychia-triques seront transformées en sociétés anonymes. Elles s’apprêtent à suppri-mer massivement des postes. Dès 2012, l’énorme pression sur les coûts a eu un impact sur les salaires de nombreux em-ployé-e-s, qui stagnent; le travail sur appel se multiplie. Les hôpitaux doivent rem-bourser jusqu’à 120 millions de francs aux

caisses maladie suite à un arrêt du Tribunal administratif fédéral. Cette situation me-nace aujourd’hui les conditions de travail des employé-e-s assurant le nettoyage.

SUISSE CENTRALE. À Lucerne, les établisse-ments psychiatriques (LUPS) et l’Hôpital cantonal (LUKS) sont devenus indépen-dants, bien qu’ils restent la propriété du canton. En 2015, le LUKS a engrangé un bénéfice de 45 millions de francs. Pour combler ses déficits, le canton en a déduit près de 18 millions de francs, à titre de di-videndes. Le programme d’austérité 2017 prévoit la transformation de petits hôpi-taux régionaux en une holding suprarégio-nale. Pour le personnel, cela signifierait la fin des contrats de droit public. Le SSP a lancé une initiative pour éviter la privatisa-tion rampante des hôpitaux publics.

ZURICH. Après plusieurs projets de privatisa-tion, pour certains combattus avec succès par le SSP, le gouvernement tente de priva-tiser l’Hôpital cantonal de Winterthour et la Psychiatrie intégrée de Winterthour, pour les transformer en une société anonyme dont il veut vendre les actions au plus vite. Le SSP a décidé de lancer le référendum contre ce projet. Il y a de bonnes chances que la population empêche cette privatisa-tion, comme elle l’a déjà fait pour les hô-pitaux de Limmattal, d’Affoltern et d’Uster.

TESSIN. Peu avant Noël 2015, le parlement a présenté une restructuration massive du paysage hospitalier: fermeture de dépar-tements, délocalisations ou autonomisa-tions, avec pour objectif une privatisation complète à une date ultérieure. Le SSP s’y est opposé par un référendum. Une vic-toire dans les urnes lui a permis de stopper le démantèlement des hôpitaux publics.

VALAIS. En 2015, l’Hôpital du Valais a bou-clé sur une perte de 8 millions de francs, que la direction explique par la diminution des tarifs. La Convention collective de travail arrivant à échéance fin 2016, les employeurs ont proposé des péjorations importantes: suppression de pauses payées pour le personnel soignant, possibilité d’imposer des contrats de travail avec un taux d’activité variable, fin du mécanisme des annuités automatiques, etc. Face au re-fus syndical, la direction et le Conseil d’ad-ministration ont décidé de résilier la CCT. Des négociations ont recommencé pour trouver un accord avant fin 2016… Suite du tour de Suisse au prochain numéro. ◼

LES REVENDICATIONS DU SSPLe 3 novembre prochain, le syndicat exigera un certain nombre de mesures indispensables pour défendre les soignants et le système de santé public.

Pour lutter contre le dumping salarial en cours et protéger la santé du personnel, le SSP revendique:

◼ Un système de financement hospitalier qui inclut des règles relatives aux dotations en personnel (qualité et quantité), et l’obligation de respecter intégralement les Conventions collectives de travail en vigueur ou les lois sur le personnel pour toutes les institutions admises sur les listes hospitalières.

◼ Les postes repourvus régulièrement par des employé-e-s temporaires doivent être transformés en postes fixes. Les employé-e-s en mission temporaire doivent béné-ficier des mêmes conditions de travail et salariales que les employé-e-s fixes.

◼ Les professions hospitalières requièrent des compé-tences pointues, des responsabilités souvent lourdes et des formations exigeantes. Le niveau des salaires du personnel doit donc être rehaussé.

◼ Augmentation des dotations: les hôpitaux doivent établir des ratios personnel/hospitalisations adaptés aux charges de travail réelles. Il s’agit de protéger la santé du personnel et celle des patients. Ces ratios doivent être calculés en toute transparence et connus par le personnel.

◼ Les compensations en temps pour le travail de nuit et du week-end doivent être augmentées, afin de combattre la surcharge menant à l’épuisement professionnel. Le SSP revendique un congé de compensation tous les trois ans.

◼ Pour protéger la vie sociale et familiale du person-nel, les plannings doivent être contraignants et remis au personnel au moins deux mois à l’avance. Les changements à court terme des plans de travail ne peuvent intervenir qu’avec l’accord des employés et doivent être indemnisés. BR, EW ◼

DIAGNOSTIC VITAL ENGAGÉLa LAMal, clé de voûte de la privati-sation.

En 2007, alors que le parlement validait la modification de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal), le SSP posait le bon diagnostic. Cette réforme du financement hospitalier portait en elle d’excellents outils visant à saboter l’hôpital public.

En premier lieu, l’obligation faite aux cantons de financer les cliniques privées selon les mêmes règles que le secteur public – sans que celles-ci soient obligées de respecter les obligations du public en matière de conditions de travail. Deuxièmement, la rémunération de l’hôpital selon des forfaits par cas, connus sous le label SwissDRG: ce système ne finance plus l’hôpital selon son activité réelle, mais rémunère les prestations – on ne parle même plus de soins – selon un système complexe de forfaits fondé sur les diagnostics établis lors de l’hospitalisation.

Le remède aurait été, bien sûr, de lancer et remporter un référendum pour empêcher le désastre prévisible. Malheureusement, les instances syndicales – refroidies par le manque de soutien de l’Union syndicale suisse – décidèrent de ne pas se lancer dans la bataille. Une majorité estimait alors que les enjeux étaient compliqués à expliquer et que la bataille serait trop rude. Dommage.

Après cette révision de la LAMal, les processus de privatisation du secteur hospitalier se sont réellement préci-pités, en même temps qu’une sévère détérioration des conditions de travail et des salaires du personnel s’est généralisée.

Il faut savoir que la nouvelle loi ne prévoit strictement rien pour protéger les conditions de travail du personnel, et ne contient aucune disposition re-lative à des dotations minimales pour prendre en charge les patients. D’où la profonde dégradation en cours.

Il faudra une large mobilisation du personnel, soutenue de manière décidée par les syndicats, pour sauver le patient: le système de santé public. BR, EW ◼

Repérages

Contexte

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services PUBLICS . 30 septembre 20164 . RÉGIONS

et développement. Ces allégements ne pourront cependant pas dépasser les 20% de la facture totale. Au final, l’ardoise sera lourde: 45,6 millions de francs en moins par année pour le can-ton, 33,1 millions pour les communes, ce dès 2019. Dès 2030, le tableau se noircit: la perte annuelle «augmenterait massive-ment» à 81,2 millions de francs pour l’Etat, 41,6 millions pour les communes 2. Des chiffres à prendre avec des pincettes, tant l’incertitude plane sur les effets de la RIE III.

DÉSÉQUILIBRE. Pour faire passer son pa-quet, le Conseil d’Etat met en avant des «mesures d’accompagnement», négociées avec le patronat. Leur montant: 22 mil-lions de francs, prélevés sous la forme d’une contribution (0,136%) sur la masse salariale. Ce fonds sera destiné à financer: une augmentation de 10 francs (!) par mois du montant des allocations familiales – qui ne compensera pas la stagnation de ces allocations au cours des dernières années, en comparaison intercantonale; une diminution des charges pesant sur les entreprises pour la formation des appren-tis – le montant patronal servira donc en partie à financer… leurs propres charges; le soutien à la création de places de crèche et d’accueil extrascolaire, via «un mon-tant unique situé entre 3 et 5 millions de francs». En parallèle, une contribution an-nuelle de 7 millions de francs sera affectée à une baisse des tarifs des crèches. En résumé, le projet de RIE III à la sauce fribourgeoise, c’est: d’un côté, plus de 100 millions par an de pertes pour les collec-

tivités publiques, au profit d’une minorité de grandes entreprises 3. De l’autre, 22 millions «de compensation» – un «petit sucre» dont le coût risque bien, comme le note un quo-tidien alémanique, d’«atterrir sur les épaules des salariés et des consommateurs» 4. On est donc loin du «paquet équilibré et raisonnable» défendu par M. Godel, le grand argentier du canton. Grandes par-tisanes de la RIE III, la coalition de droite (UDC, le PDC et le PLR) et l’Union pa-tronale l’ont saluée avec enthousiasme. Les syndicats et la gauche dénoncent par contre un cadeau fiscal aux actionnaires, qui se traduira par de nouvelles attaques contre le service public. Ils combattront cette potion amère dans la rue le 12 oc-tobre (lire ci-contre). Puis en lançant le référendum, si le Conseil d’Etat ne mo-difie pas substantiellement son projet. ◼

1 Rapport explicatif du Conseil d’Etat ac-compagnant l’avant-projet de loi sur la réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III), p. 8.2 Idem, p. 35.3 Selon la statistique fiscale de l’Etat de Fribourg, 192 entreprises s’acquittaient en 2013 des 73% de l’impôt cantonal sur les personnes morales.4 NZZ, 20 septembre 2016.

Sur le vif

L a facture sera salée. Le projet de RIE III présenté par le Gouvernement fribour-geois se chiffrera en dizaines de mil-

lions de manque à gagner pour les collec-tivités publiques. La droite s’enthousiasme, les syndicats et partis de gauche dénoncent un cadeau fiscal aux grandes entreprises, qui se fera sur le dos de la population. Ils appellent à une large mobilisation contre l’austérité, le 12 octobre prochain.

MESURES D’ENVERGURE. Fribourg n’est pas Vaud ou Genève. Les entreprises à statut fis-cal n’y pèsent qu’un poids limité. Ces 1800 entreprises – pour seulement 3000 emplois – ne représentent que les 18% des recettes de l’impôt sur le bénéfice – contre 30% dans le canton de Vaud, 33% à Genève. Un taux qui «peut paraître faible au regard des mesures d’envergure proposées pour maintenir ces sociétés dans le canton de Fri-bourg», reconnaît le Gouvernement 1. Ce dernier a en effet mis le paquet. Le taux d’impôt appliqué aux personnes morales baissera de manière drastique: de 19,86% à 13,72% – le taux cantonal est car-rément divisé par deux, passant de 8,5% à 4%. L’impôt sur le capital est aussi revu à la baisse: il passera de 0,16% à 0,04%.

DÉDUCTIONS FISCALES. Le Conseil d’Etat entend aussi utiliser un certain nombre de déductions fiscales permises par le projet du Conseil fédéral: les entreprises pour-ront déduire de leur facture jusqu’à 90% des bénéfices provenant de la proprié-té intellectuelle (patent-box), ainsi que les 150% (!) des dépenses en recherche

TOUTES ET TOUS DANS LA RUE LE 12 OCTOBRE!Le personnel du service public et parapublic fribourgeois est soumis, depuis 3 ans, à une cure d’austérité: une «contribu-tion de solidarité» est prélevée sur les salaires; les augmenta-tions annuelles ont été annulées ou reportées; un «personal stop» empêche les embauches. Le Gouvernement avait promis de compenser les coupes sa-lariales en cas d’amélioration de la situation financière. Or, la fortune du canton de Fribourg dépasse le milliard de francs. Mais le Conseil d’Etat refuse de tenir parole. Son projet de budget 2017, qui articule un montant de 4 millions en vue d’éventuelles «revalorisations salariales» – à confirmer en décembre –, ne prévoit pas de compenser les coupes de sa-laires, ni de créer les postes nécessaires!Pour les actionnaires, par contre, c’est tapis rouge: le Conseil d’Etat a décidé de passer à l’ère des cadeaux fiscaux avec sa RIE III. Les plans d’économies seront à nouveau au ren-dez-vous. Conséquence: moins d’argent pour les crèches; plus d’élèves dans les classes; moins d’infirmières dans les hôpitaux et les EMS; des coupes salariales et des suppres-sions de postes. Bref, ce sera aux salariés et aux usagers de payer l’ardoise! Le SSP appelle donc les salariés du service public à manifes-ter en masse le mercredi 12 octobre, autour de deux mots d’ordre: ◼ Des compensations salariales à hauteur de 1,5% doivent être octroyées au personnel, dès le 1er janvier 2017. ◼ Le Conseil d’Etat doit retirer son projet de RIE III, et en présenter un nouveau qui permette le maintien des recettes fiscales à leur niveau actuel.

SSP . RÉGION FRIBOURG

Tous ensemble contre l’austérité!FRIBOURG. Les syndicats et la gauche appellent à manifester contre l’avant-projet de troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) présenté par le Conseil d’Etat.

GUY ZURKINDEN . RÉDACTEURVALDEMAR VERISSIMO . PHOTO

ManifestationJeudi 12 octobre, 18 h

place Jean-Tinguely, Fribourg(devant Equilibre)

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30 septembre 2016 . services PUBLICS RÉGIONS . 5

NEUCHÂTEL. Malgré l’opposition massive de ses employés, le Conseil d’Etat veut imposer une grille salariale inique, assortie de mesures d’économies drastiques. Les syndicats haussent le ton.

pancartes et autres calicots ont été pré-sentés, souvent avec un brin d’humour.Au pied de la fontaine de la Justice, les responsables syndicaux ont dénoncé une grille de progression salariale qui fait la part belle aux hauts revenus au détriment des classes inférieures dans l’administra-tion, et une baisse massive du salaire de carrière chez les enseignants, pourtant déjà parmi les moins bien rémunérés du pays. Les mensonges du Conseil d’Etat ont aussi été pointés du doigt: celui-ci pré-tend revaloriser certaines classifications, mais les syndicats dénoncent un leurre. Si un salaire initial est très légèrement relevé, c’est pour mieux ponctionner les bénéficiaires quelques années plus tard. À l’exception des cadres, cette grille sa-lariale ne génère que des perdants, alors que Neuchâtel est déjà tristement célèbre pour sa pingrerie.Les manifestants se sont ensuite réunis à la Cité universitaire. L’assemblée a délibéré des mesures à privilégier pour poursuivre la lutte face à un gouverne-ment obstiné. Les syndicats ont conve-nu d’adresser un ultimatum au Conseil

U ne dizaine de jours plus tôt, une foule impressionnante avait manifesté son refus du projet de nouvelle grille de

progression salariale. Le 27 septembre, lors d’une rencontre extraordinaire avec les syndicats, le Conseil d’Etat neuchâ-telois a pourtant annoncé qu’il passerait en force pour imposer une échelle des sa-laires profondément remaniée. Le même jour, il annonçait un plan d’économies de 100 millions de francs. Les syndicats ont donc décidé de durcir le ton. Le 28 sep-tembre, les enseignants ont entamé une grève des notes. Et le 3 novembre, tra-ditionnelle journée des enseignants dans le canton, ils débattront de l’opportunité de faire grève. D’autres secteurs de la fonction publique devraient se joindre au mouvement.

QUE DES PERDANTS. Le message était pour-tant clair. Le 15 septembre, 1200 mani-festants ont bravé les intempéries pour défiler de la gare de Neuchâtel à la salle de la Cité universitaire, en passant par le centre-ville. Sous des cieux moins hostiles qu’annoncé, de nombreuses banderoles,

Vers une grève de la fonction publique?

d’Etat, l’enjoignant à retirer son projet de grille salariale et à rouvrir au plus vite des négociations. La réponse du gouver-nement était attendue le 26 septembre, mais elle est tombée le 27 septembre, lors d’une rencontre extraordinaire avec les organisations représentant la fonction publique: refus d’entrer en matière. Pire. Le même jour, le Conseil d’Etat annonçait qu’il allait réduire de 40 millions les prestations, notam-ment dans la santé, la formation et les prestations sociales, diminuer la masse salariale de 10 millions et augmen-ter d’une heure le temps de travail de l’administration (avec une diminution proportionnelle du nombre d’emplois). La réponse syndicale ne s’est pas fait attendre: le lendemain, les enseignants entamaient une grève des notes.

DIALOGUE AU POINT MORT. La semaine pré-cédente, en raison des blocages en ma-tière de politique salariale de la fonction publique, les syndicats d’enseignants avaient refusé de participer à la ren-contre semestrielle avec le Département de l’éducation et de la famille (DEF), prévue le jeudi 22 septembre. Les or-ganisations de salariés considèrent en effet qu’en matière de politique sala-riale, le Conseil d’Etat ne défend pas les enseignants. À contre-courant des tendances dans d’autres cantons, le gouvernement dévalorise la profession, alors que les enseignants neuchâtelois sont déjà parmi les moins bien payés de Suisse.

MONTRER NOTRE DÉTERMINATION. Les syndi-cats s’inquiètent également des menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Ils dénoncent les directives exagérées édic-tées par la cheffe du DEF dans le cadre de la mobilisation du 31 août dans les écoles (pause prolongée ou leçon non donnée, tout en assurant la surveillance des élèves). Rappelons que cette action avait été soigneusement pensée pour ne pas déranger les familles. Cette réaction disproportionnée indique clairement que le DEF n’entend pas prendre en compte les revendications syndicales. Après la grève des notes, la grève tout court? Cette option sera discutée au cours de la traditionnelle journée des en-seignants, le 3 novembre prochain. D’ici là, il est important que la grève des notes soit particulièrement suivie, afin de dé-montrer notre détermination. Un travail d’explication auprès des parents sera aus-si entamé, pour que nous puissions béné-ficier de leur appui dans cette bataille dé-cisive. L’ensemble de la fonction publique devrait se joindre au mouvement. C’est l’avenir du service public dans le canton qui est en jeu. ◼

Agenda militantMANIFESTATION POUR LA DÉFENSE DU DROIT D’ASILELAUSANNEOrganisée par Solidarité sans fron-tières et le Collectif R.Samedi 1er octobre15 h, départ sur l’esplanade de Montbenon.17 h, animations sur la place de la Riponne.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE L’ASILE EN SUISSELAUSANNEJournée de discussion et réflexion avec les défenseurs du droit d’asile de toute la Suisse.Dimanche 2 octobre, 10 h, refuge Mon-Gré, boulevard de Grancy.

STOP TISA!BERNEManifestation nationale contre TiSA et les traités internationaux de libre-échange.Suivie d’animations et de concerts.Samedi 8 octobre, 15 h, place Fédé-rale.

JOURNÉES DES FILMS DU KURDISTANGENÈVEDu 4 au 8 octobre, 20 h 30, cinéma Spoutnik, 11, rue de la Coulouvre-nière.

AU NOM DU PROFIT, LE SHOW!LAUSANNESpectacle de la troupe Comédie Musi-cale Improvisée, clôturant la série Au nom du profit tout est permis, sur les multinationales.Vendredi 21 octobre, dès 19 h, Pôle Sud, av. Jean-Jacques-Mercier 3.

JOURNAL DESTINÉ AUX MEMBRES DU SSPPARAÎT TOUS LES 2 VENDREDIS DU MOIS

ÉDITEUR RESPONSABLESSP-VPODStefan GigerSecrétaire généralCase postale 82798036 Zurichwww.ssp-vpod.ch

RÉDACTEUR RESPONSABLEGuy ZurkindenCase postale 13601001 LausanneTél. 021 340 00 00Fax 021 340 00 09E-mail: [email protected]

IMPRESSIONAtar Roto Presse SA, Genève

Impressum

CLAUDE GRIMM SECRÉTAIRE SSP . RÉGION NEUCHÂTELVALDEMAR VERISSIMO . PHOTO

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services PUBLICS . 30 septembre 20166 . RÉGIONS

Or, dans deux cas récents défendus par le SSP, ce droit a été bafoué. Deux collabora-trices se sont vu refuser, à quelques mois d’intervalle, le droit d’être entendues par une délégation du Conseil administratif, alors qu’elles l’avaient pourtant demandé à plusieurs reprises, tant oralement que par écrit. Le Conseil administratif semble considérer suffisant un entretien avec la Direction générale de la Ville, alors qu’il est question de l’une des décisions les plus importantes et dramatiques à rendre dans le cadre des rapports entre employeur et employé-e. Il est inacceptable que le Statut soit vidé de sa substance par une interprétation fantaisiste de l’employeur. La Cour de justice n’a d’ailleurs pas man-qué de le relever et a qualifié de graves ces violations du droit d’être entendu. Elle a ordonné, dans deux arrêts distincts, l’an-nulation des licenciements. La Ville a fait recours auprès du Tribunal fédéral, qui n’a pas encore statué. Ce qui est inquié-tant, c’est que lors des audiences devant le juge, la Ville, par la voix de sa Direction générale, a admis avoir toujours procédé ainsi. On ignore donc combien de fois le droit d’être entendu a été piétiné au cours des dernières années. On s’étonne-ra encore que la Ville de Genève, après avoir été sèchement remise à l’ordre par la Cour de justice une première fois, ait récidivé à peine trois mois après. Vous avez dit arrogance? ◼︎

SABINE FURRER SECRÉTAIRE SSP . RÉGION GENÈVE

L a Ville de Genève bénéficie d’un Sta-tut du personnel que l’on pourrait qualifier de modèle. Fruit de longues

et âpres négociations entre les associa-tions représentatives du personnel et le Conseil administratif, il offre une bonne protection et veille à la santé des collabora-teurs/-trices. Ce statut est entré en vigueur il y a environ cinq ans, et ses dispositions transitoires ne sont pas encore complète-ment finalisées. Il est remis en cause, de manière récurrente, par les partis de droite (PDC, PLR, UDC, MCG) qui essaient par ailleurs régulièrement de se substituer aux partenaires sociaux en faisant acte d’ingé-rence (lire Services Publics, no 17, 30 oc-tobre 2015) dans le dossier.Si le Conseil municipal, à majorité de droite, ne ménage pas ses efforts pour tenter de mettre à mal le Statut, le Conseil admi-nistratif, à majorité de gauche, n’est pas en reste pour le contourner quand il s’agit de licenciements. Le droit d’être entendu est un aspect fondamental des procédures ad-ministratives, et le Statut donne au person-nel le droit d’être auditionné par une délé-gation du Conseil administratif. Ce dernier, qui exerce les fonctions d’employeur, est la seule autorité compétente pour rendre une décision de licenciement. Il est donc légi-time que le/la salarié-e fasse valoir ce droit. Sans compter qu’un minimum de respect envers le personnel devrait imposer à tout employeur, à plus forte raison quand il s’agit d’une collectivité publique, d’écouter la version du/de la salarié-e concerné-e en cas de licenciement.

VILLE DE GENÈVE L’EXÉCUTIF BAFOUE LE STATUT DU PERSONNEL

VIOLATION DU DROIT D’ÊTRE ENTENDU: LA VILLE ÉPINGLÉE

GENÈVE EXTERNALISATION DU CONVOYAGE DES DÉTENUS

LA COUR DES COMPTES CONFIRME LES DÉNONCIATIONS DU SSP

manquements au niveau de la formation des agents de sécurité privés, qui n’est pas spécifiquement axée sur les tâches de convoyage et de surveillance des détenus; d’autre part, l’Etat ne s’est pas donné les moyens de vérifier les conditions de tra-vail des agents employés par la société externe.La Cour des comptes confirme ainsi une partie des aberrations que le SSP avait dénoncées lors de l’annonce par Pierre Maudet de l’externalisation des tâches de convoyage. Pour rappel, le magistrat avait décidé de passer en force et de brader ces tâches de sécurité publique, faisant fi à la fois du dialogue social et des procédures démocratiques. Pour le SSP, la sécurité des citoyens et le bon fonctionnement de la justice pénale, dont le convoyage est un maillon impor-tant, dépendent de la qualité des condi-tions de travail de ceux qui la servent. Le service de convoyage et la surveillance de détenus doit être ré-internalisé. ◼

SABINE FURRER SECRÉTAIRE SSP . RÉGION GENÈVE

D epuis avril 2015, le SSP dénonce la décision du conseiller d’Etat (PLR) Pierre Maudet d’externaliser les

tâches de convoyage et de surveillance de détenus. La Cour des comptes, dans un rapport rendu public le 15 septembre, relève que le fonctionnement actuel n’est pas satisfaisant.La Cour des comptes s’est penchée, entre autres, sur les conditions contractuelles de l’externalisation de la prestation de convoyage et de surveillance de détenus. Ces tâches avaient été retirées en no-vembre 2015 aux assistants de sécurité publique (ASP), personnel formé et asser-menté, pour être confiées à des agents de sécurité privés, insuffisamment formés, non assermentés et bénéficiant de moins bonnes conditions de travail.A la mi-décembre 2015, des agents de la société privée Securitas dénonçaient dans la presse leurs mauvaises conditions de travail ainsi que l’absence d’une forma-tion spécifique. Ils mettaient en avant les problèmes de sécurité que cela pouvait engendrer.Les constats de la Cour des comptes sont clairs. D’une part, elle note de graves

GENÈVE AGRESSIONS EN HAUSSE CONTRE LES SOIGNANTS

AUX HUG, LE MANQUE DE PERSONNEL FAVORISE LES VIOLENCES

FRIBOURG RÉACTION AU PROJET DE BUDGET 2017

LE CONSEIL D’ETAT NE TIENT PAS SES ENGAGEMENTS

gnants en souffrent, et cela se répercute sur leur propre état de santé. En 2015, le taux d’absence du personnel soignant s’est élevé à 10,5%. C’est énorme!

Comment la direction des HUG y répond-elle?Notons d’abord un élément positif. Au-paravant, le personnel était toujours vu comme coupable en cas de problème avec un patient. Aujourd’hui, au vu de la mul-tiplication des agressions, la direction dit que ces violences ne sont pas acceptables et que le personnel doit être respecté.Les HUG ont annoncé une série de mesures: renforcement des agents de sécurité; meil-leure information au personnel; assistance juridique et médicale accrue; sensibilisation des patients; dépôt systématique de plaintes pénales. Malheureusement, la direction ne s’attaque pas à la source du problème. Le manque de personnel est occulté. Or, on ne va pas régler le problème de personnes fra-gilisées, qui deviennent agressives en raison d’une prise en charge lacunaire, en mettant des Securitas dans toutes les chambres. Mais plutôt en répondant à la pénurie de personnel soignant et de médecins.

C’est ce que demande le SSP?Pour nous, il est impératif que l’employeur protège le personnel et ses droits. Cela passe par la création de postes de travail fixes dans tous les services afin d’accueillir les patients dans des conditions correctes. On ne peut pas entasser des malades dans des couloirs ou des bureaux, comme c’est le cas en psychiatrie. En améliorant la prise en charge des malades, on fera baisser la pression et les menaces. ◼

PROPOS RECUEILLIS PAR SERVICES PUBLICS

A ux Hôpitaux universitaires de Ge-nève (HUG), les agressions verbales et physiques contre le personnel

soignant augmentent. Questions à David Andenmatten, syndicaliste SSP.

Comment expliquer l’augmentation des cas de violence?David Andenmatten – La gravité de la situa-tion a éclaté au grand jour en 2013, après l’assassinat d’Adeline, une sociothérapeute salariée des HUG qui accompagnait un détenu lors d’une sortie. Notre syndicat a alors dénoncé deux failles importantes: le manque de consignes claires de sécurité pour le personnel qui sort avec un détenu; et le fait que, par mesure d’économies, de telles sorties ne se faisaient plus sous la sur-veillance d’un gardien. En avril de cette année, les lacunes en ma-tière de sécurité ont de nouveau fait la Une des journaux après qu’un patient en psy-chiatrie eut poignardé une infirmière. Suite à cet incident, j’ai parlé avec les soignants des services de psychiatrie. Le constat est accablant: les services débordent. Dans une chambre prévue pour un patient, ils en mettent trois. Le personnel ne fait que gérer les crises. Du coup, les tensions montent. On retrouve une problématique similaire dans d’autres services. Les engagements à l’hôpital ne suivent pas l’augmentation de l’activité. Au manque de personnel s’ajoute la multiplication des postes intéri-maires, un personnel précaire qui offre de moins bonnes prestations. Conséquence: les patients doivent souvent attendre long-temps; certains deviennent exaspérés. La violence qui augmente aux HUG est un corollaire de cette situation tendue, due à la pénurie de personnel. Les soi-

faible. L’essentiel est constitué par le «blanchissement» de postes de travail déjà existants. Hors enseignement, le nombre de nouveaux postes se résume à 26 EPT, dont 13 pour la police. Cela reste largement insuffisant. Sans compter que de nombreux salariés de l’Etat se re-trouvent toujours avec des contrats pré-caires, voire sans contrat du tout. Le SSP appelle donc le personnel du ser-vice public et parapublic à participer en masse à la manifestation du mercredi 12 octobre, dont l’octroi de compensa-tions salariales constitue une des princi-pales revendications. Une manifestation réussie sera indispensable pour obtenir un remboursement au moins partiel.Le SSP espère que la FEDE et l’ensemble des associations représentant le person-nel de l’Etat rejoindront le large front qui appelle à manifester le mercredi 12 oc-tobre. ◼

SSP . RÉGION FRIBOURG

L e SSP – Région Fribourg déplore que le Conseil d’Etat ne tienne pas les engagements pris à l’égard du per-

sonnel du service public et parapublic. Le gouvernement s’était engagé à «rembour-ser l’effort financier» une fois que «la si-tuation financière le permettra». En trois ans, la fortune a augmenté de 20%, et les comptes 2015 ont bouclé avec un béné-fice de 126 millions de francs. Il y a donc largement de quoi compenser des coupes injustifiées. Rien de tel dans le projet budget 2017. Le Conseil d’Etat n’a prévu que 4 millions de francs pour des «revalorisations sala-riales», soit 0,4% de la masse salariale. Et encore, l’Exécutif nous a informés que ce montant n’était pas garanti! Il sera confir-mé au mois de décembre 2016 «en fonc-tion de l’évolution des prix à la consom-mation». Autant dire que le risque est grand qu’il n’y ait aucune compensation au final, l’IPC étant négatif en 2016.En réalité, le nombre de nouveaux postes de travail créés par le Conseil d’Etat est

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30 septembre 2016 . services PUBLICS RÉGIONS . 7

acceptant le protocole d’accord, cela nous permettra de continuer le combat, de l’intérieur, pour conserver et améliorer nos conditions de travail. C’est unique-ment dans ce cadre que nous pourrons obliger tous les employeurs à appliquer la CCT Santé21 et respecter leurs engage-ments. Votez OUI!

POURQUOI DIRE NON AU PROTOCOLE D’AC-CORD? Dire NON à cet accord, c’est mettre un frein à la dégradation de nos conditions de travail. Nous travaillons avec des horaires pénibles, une surcharge quotidienne usante et des salaires trop bas en regard des tâches pénibles que nous accomplissons chaque jour. Admettre des dégradations sans se battre ouvre la voie à de nouvelles dégra-dations dans un avenir très proche. La ga-rantie de 2, voire 4 ans, n’est pas suffisante. ◼ Pour mettre un frein à la dégrada-tion des conditions de travail: aujourd’hui on veut nous faire travailler 1 heure de plus par semaine, soit 41 heures au lieu de 40 heures. Sur le papier, 60 minutes ça ne parait pas énorme mais dans la réalité pour beaucoup d’entre nous, c’est le pas à ne pas franchir. Le personnel de santé est surchargé. Cette augmentation signifie une diminution des postes de travail, et donc une augmentation de la charge de travail pour celles et ceux qui restent. ◼ Concilier vie sociale et familiale avec notre travail dans la santé est un vrai casse-tête, sachant que le personnel est en grande majorité féminin. Pour une im-mense majorité de collègues, le travail n’est pas terminé quand elles quittent leur insti-tution. Et on devrait leur demander plus? ◼ Le raccourcissement d’une heure de la période de nuit donnant lieu à une indemnité (la nuit s’arrêterait à 6 h au lieu de 7 h) va dans le mauvais sens: nous devrions prendre davantage soin des collègues qui travaillent la nuit. Le travail de nuit est mauvais pour la santé; de meil-leures compensations sont nécessaires pour limiter les dégâts. ◼ Pour ne pas baisser nos salaires: actuellement, les indemnités pour la nuit et le week-end sont payées à 8 francs l’heure. Ce montant serait réduit à 6 francs avec le raisonnement suivant: «Dans les autres cantons, ils ont moins». C’est cer-tainement vrai, pour les indemnités, mais nos salaires sont aussi plus bas que dans d’autres cantons... Et si nous acceptons cela, nous entrons dans une spirale des-cendante: nous risquons de perdre, par tranches, les acquis de notre CCT. En disant NON, nous voulons obliger les employeurs à revenir à la table de négo-ciation pour défendre une autre CCT, plus respectueuse de notre santé et de notre vie sociale. En attendant, on ne lâche rien! Votez NON! ◼︎

Après deux assemblées du person-nel (lire Services Publics no 14 et 15), le SSP – Région Neuchâtel a décidé de consulter l’ensemble

des membres de la section santé du syndicat, par correspondance, sur les modifications de la CCT Santé21. Nous publions ci-dessous les deux textes, re-flétant les deux opinions opposées sur le protocole d’accord, qui ont été envoyés aux membres.

POURQUOI DIRE OUI AU PROTOCOLE D’AC-CORD? Défendre la CCT Santé21, c’est défendre nos conditions de travail. Aujourd’hui, le contexte des négociations est difficile, certes! Mais refuser de négocier va-t-il améliorer nos conditions de travail? Ad-mettre cette fois ces dégradations afin de pérenniser la CCT Santé21 dans les an-nées à venir, c’est continuer le combat et s’assurer que les valeurs du SSP continue-ront d’être entendues. L’agenda politique nous met dans une si-tuation très inconfortable. Une grande par-tie du Grand Conseil veut faire l’économie des subsides cantonaux qui financent aussi la CCT Santé21. Les motions de la droite, déjà déposées au Grand Conseil, attaquent sans détours la CCT Santé21. Chose certaine, refuser le protocole d’ac-cord, c’est mettre en danger l’hôpital pu-blic et faciliter la tâche des acteurs privés! C’est admettre des CCT différenciées qui seraient sûrement moins généreuses que la CCT Santé21. Les pertes subies doivent être nuancées, par exemple: ◼ 41 heures de travail par se-maine, c’est un précédent que nous ne voulions pas franchir. Mais on peut exiger que cette heure en plus soit réellement répartie dans les horaires de la semaine, soit 12 minutes de plus par jour, donc avec des changements d’horaires et non pas comptabilisée sur l’année! ◼ Les indemnités de week-end et de nuit qui passent de 8 francs de l’heure à 6 de l’heure et la perte de la reconnaissance d’une heure de nuit, celle qui va de 6 h à 7 h du matin, sont compensées par l’aug-mentation de la grille salariale de 1,2%. ◼ Les jours fériés garantis qui passent à 10 (12 actuellement) ne justi-fient pas l’arrêt des négociations. Les gains déjà dans l’accord: la mise en place de contrôles, l’abandon du principe de l’IPC négatif et le renforcement pour diffuser les informations syndicales, les discussions concernant la retraite antici-pée nous invitent à croire que le dialogue reste possible avec les employeurs. Nous voulons être sûrs que le SSP reste à la table des négociations pour continuer, comme par le passé, à défendre vos in-térêts de travailleurs et travailleuses. En

La situation est plus gratinée à Bâle-Ville. Le stamm de Novartis et Roche est aussi le canton suisse dans lequel les entreprises à statut fiscal spécial (85% de l’ensemble des sociétés!) pèsent le plus grand poids: 56% des recettes de l’impôt sur le béné-fice. L’avant-projet de loi, rendu public début septembre par le Conseil d’Etat bâlois, veut abaisser le taux d’imposition ordinaire des entreprises, de 22% à 13%. L’impôt sur le capital, de son côté, sera di-visé par 5. L’exécutif bâlois a annoncé qu’il utilisera de manière intensive les déduc-tions permises par le projet de loi fédéral (déduction pour les dépenses de propriété intellectuelle, dite patentbox, et déduction des intérêts notionnels). Coût net de l’opé-ration: 140 millions par année. Pour faire passer la potion, Bâle la chimique propose un paquet de compen-sations: une augmentation de 100 francs par mois du montant des allocations fami-liales; 10 millions de francs supplémen-taires destinés à la réduction des primes de caisses maladie; ainsi que des déduc-tions sociales plus élevées pour l’impôt sur le revenu 2. Berne et Zoug ont rejoint la ronde. Le Conseil d’Etat bernois – un canton qui compte très peu de sociétés à statut – pro-pose deux variantes à son Grand Conseil: abaisser le taux d’imposition des entre-prises (actuellement de 21,6%) à 17,96%, ou16,37% . Le canton de Zoug, qui se dis-tinguait par un taux d’imposition très bas en comparaison nationale (14,6%), veut le réduire à 12%.

LA RÉTICENCE DES VILLES. Si les cantons font le forcing, les communes sont cri-tiques. Considérant la RIE III comme «déséquilibrée», le comité de l’Union des villes de Suisse ne donnera pas de consigne de vote en février. De son côté, la Conférence des directeurs des finances des villes suisses soutient le référendum. À Zurich, M. Leupi ne mâche pas ses mots: la RIE III «est, de fait, la réduction d’impôts la plus massive de l’histoire» 3.«La plupart des cantons sont en train de baisser leurs impôts sur le bénéfice, nombre d’entre eux de manière massive. Pensez à Vaud et Genève. Nous devons faire attention à ne pas perdre le train». Le conseiller d’Etat zurichois Ernst Stocker le souligne clairement: un nouveau round de dumping fiscal a commencé entre les can-tons. Il est encore possible de le stopper: si le projet de RIE III fédérale est refusé en février prochain, l’ensemble du paquet – y compris les baisses d’impôt cantonales – devra être remis sur le métier. ◼︎

1 Services Publics, no 14, 16 septembre 2016.2 NZZ, 9 septembre 2016.3 NZZ, 2 septembre 2016.

L e référendum contre la troisième réforme de l’imposition des entre-prises (RIE III) a abouti près d’un

mois avant l’échéance du délai référen-daire, fixé au 6 octobre. La votation de-vrait avoir lieu au mois de février 2017. Sans même attendre le verdict populaire, nombre d’exécutifs cantonaux ont rendu publics des avant-projets de loi concréti-sant la RIE III au niveau cantonal. Tous impliquent une réduction importante du taux d’imposition des entreprises. La RIE III prévoit, sous la pression de l’OCDE, de supprimer les «statuts fiscaux spéciaux» permettant à 24 000 sociétés internationales de ne payer qu’un impôt dérisoire en Suisse. Le projet de loi avalisé par le Parlement fédéral au printemps der-nier prévoit de remplacer ces privilèges… par de nouvelles déductions fiscales. Un élément central du processus se jouera toutefois au niveau cantonal: la RIE III prévoit en effet des compensations finan-cières pour les cantons, avec pour objectif de leur permettre d’abaisser le taux ordi-naire d’imposition sur les bénéfices.

DE VAUD À FRIBOURG. Le 25 mars, le canton de Vaud avait devancé tout le monde en faisant avaliser dans les urnes une baisse de son taux d’imposition à 13,79%. De-puis, les principales régions économiques du pays lui ont emboîté le pas. Le 30 août, le conseil d’Etat genevois a mis en consultation les grandes lignes de son projet de RIE III 1: le taux d’imposi-tion des bénéfices passera de 22,4% à 13,49%. Cette baisse sera accompagnée d’un relèvement du taux de 0,3%, limité à cinq ans, et d’un prélèvement de 0,22% sur la masse salariale. Coût net estimé pour les finances publiques: 352 millions de francs pour le canton, 88 millions pour les communes.Le 19 septembre, c’était au tour de l’Exé-cutif fribourgeois de mettre en consulta-tion son avant-projet de loi sur la réforme de l’imposition des entreprises (lire en page 4). Le taux y est fixé à 13,72% – au lieu de 19,86%.

DE BÂLE À ZOUG. En Suisse allemande, les poids lourds font aussi mouvement. Zurich, qui n’abrite qu’une faible pro-portion d’entreprises à statut fiscal spé-cial – 3% de l’ensemble des entreprises, représentant 8% des recettes fiscales sur les bénéfices –, a dévoilé que son taux passerait de 21,1% à 18,2%. La capitale économique du pays rendra public un avant-projet de loi avant la fin de l’an-née. Les pertes de recettes sont estimées entre 285 millions et 325 millions pour le canton. Pour la commune de Zurich, le responsable des Finances, Daniel Leu-pi, articule une perte de 300 millions par année.

Débat surla CCT santé

NEUCHÂTEL. Au SSP, le débat sur l’acceptation ou non des péjora-tions amenées à la CCT Santé21 devait être tranché le 28 octobre. Les arguments des deux bords.

Course

vers le bas

FISCALITÉ. Le référendum national contre la RIE III a abouti. La bataille s’annonce rude: dans les cantons, un nouveau round de sous-enchère fiscale a déjà commencé.

GUY ZURKINDEN . RÉDACTEURSERVICES PUBLICS

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30 septembre 2016 . services PUBLICS RÉTROVISEUR . 9

MARIANNE ENCKELL ASSOCIATION POUR L’ÉTUDE DE L’HISTOIRE DU MOUVEMENT OUVRIER (AÉHMO)GEORGES TISSOT COMMUNAUTÉ GENEVOISE D’ACTION SYNDICALE

Ce cortège accompagne les délégués au congrès et comprend les membres suisses – en majorité genevois et vaudois – et les sections déjà existantes de l’Internatio-nale. Une douzaine de sociétés ouvrières genevoises, non membres de l’AIT, se joignent au cortège. On trouve donc des ouvriers de toutes professions, mais prin-cipalement ceux de la construction et du bâtiment, ainsi que «ceux de la fabrique», soit tous les métiers liés à l’horlogerie et à la bijouterie.Pour toute fanfare, un tambour, peut-être quelques instruments, et une trompette ou deux. On avait pourtant voulu faire venir une fanfare de Ferney-Voltaire, en France voisine, mais le sous-préfet de Gex avait in-terdit aux musiciens de se rendre à Genève!

LE SOUTIEN DE LINCOLN. Dans la brasserie, plusieurs drapeaux: celui de l’Internatio-

L e 3 septembre 1866 s’ouvrait à Ge-nève le premier congrès de l’Associa-tion internationale des travailleurs,

qu’on connaît mieux sous le nom de Pre-mière internationale. Elle avait été fondée deux ans auparavant à Londres par des ouvriers anglais et français ainsi que des émigrés d’autres nationalités, dont Karl Marx et Friedrich Engels.

MANIFESTATION OUVRIÈRE. Ce matin de septembre, une manifestation ouvrière de plus de 1000 personnes (selon le Journal de Genève!) traverse la ville, avec un dé-tour par le quartier ouvrier des Bergues, pour se diriger vers une salle de réunion modeste: la brasserie Treiber aux Eaux-Vives (alors commune indépendante de la Ville de Genève), dans un bâtiment aujourd’hui disparu situé rue de la Ter-rassière.

Il y a 150 ans, le 1er congrès de l’Internationale

Le 3 septembre 1866, le drapeau rouge flotte sur Genève. Soixante délégués y ouvrent le premier congrès de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Objectif: discuter des problèmes cen-traux qui se posent au mouvement ouvrier naissant – et qui n’ont rien perdu de leur actualité1.

L’ordre du jour du congrès a été préparé par le Conseil général de Londres, avec des questions fondamentales pour l’orga-nisation du mouvement ouvrier: grèves et solidarité internationale; secours mutuels; durée du travail; travail des femmes et des enfants. Et si les délégués parviennent dans la plupart des cas à un accord, les discussions sont nourries.

VERS LA GRÈVE UNIVERSELLE? Lors de grèves récentes en Angleterre, les patrons ont brisé le mouvement en faisant venir des ouvriers de l’étranger. Pour contrecar-rer ces manœuvres, on propose d’abord l’établissement de statistiques des salaires et conditions de travail, afin de les uni-formiser dans tous les pays. Le tailleur Eccarius, de Londres, va plus loin: il vou-drait «qu’au même moment les ouvriers de tous les pays refusent de travailler […]. Demander la grève universelle, c’est ré-clamer la révolution».Plusieurs délégués, Français no-tamment, favorisent plutôt l’as-sociation, les coopératives de production, qui préfigurent une société égalitaire et solidaire. Il est intéressant de noter que c’est l’envoi d’ouvriers aux expositions internationales, comme celles de Londres ou de Paris, qui suscitera des ren-contres avec les ouvriers locaux et l’idée de s’organiser par-dessus les frontières.

JOURNÉE DE HUIT HEURES. La durée de travail est longue à cette époque: douze à quatorze heures. Après sa journée, un homme «peut-il, en rentrant chez lui, trou-ver la force et le courage d’ouvrir un livre?» demande le Zurichois Karl Bürkli. C’est en 1810 déjà que l’utopiste anglais Robert Owen propageait l’idée de huit heures de

travail, huit heures de sommeil, huit heures de loisir; il aurait même calculé que trois heures suffiraient, si tout le monde mettait la main à la pâte, pour produire les biens né-cessaires. Certains doutent que l’on puisse gagner suffisamment et estiment à dix heures le temps nécessaire à la subsistance d’une famille. Le principe des huit heures finit par être adopté.

LES FEMMES S’ORGANISENT. Pas pour tous, cependant: pas pour les femmes! «La femme est le lien, l’attrait qui retient l’homme à la maison, adoucit ses mœurs», ils sont plu-sieurs à le dire en cœur. Il y a peu de voix pour défendre l’égalité. Comme deux délé-gués de Paris, le relieur Varlin et le graveur Bourdon, qui jugent qu’il faut s’en prendre aux causes de «l’abaissement physique et moral» des femmes dans les manufactures: «La femme ayant besoin de travailler pour vivre honorablement, on doit chercher à améliorer son travail, mais non à le suppri-

mer.» Au vote, leur proposition est défaite. Mais deux ans à peine après le congrès, on connaît à Genève une Section des dames; à Liège, les casquettières s’organisent. En été 1869, les ouvrières lyonnaises des filatures de soie tiennent un mois de grève. D’autres sections de femmes se forment un peu par-tout.Quasiment tous les délégués au congrès sont ouvriers ou artisans; ils ne travaillent guère dans la grande industrie. Ils ont des emplois typiques du prolétariat des villes

de l’époque, tailleurs et cordonniers, tis-seurs et teinturiers, menuisiers, relieurs.

DRAPEAU ROUGE SUR LE LÉMAN. Lorsque la discussion porte sur les statuts et le règle-ment de l’Association, les délégués français émettent de sérieuses réserves. Faut-il ac-cepter les intellectuels, ou «gens de lettres»? Le proudhonien Henri Tolain propose d’ex-clure les «travailleurs de la pensée». Sa pro-position est rejetée par 25 voix contre 20.Le congrès termina ses travaux le samedi soir de la même semaine et fut conclu par un banquet le dimanche. Mais auparavant, le matin, les congressistes avaient fait une croisière sur le bateau Le Chablais dans une ambiance festive. On y chanta – mais personne ne se rappelle quoi! Un grand dra-peau rouge avait été déployé, au grand dam des bourgeois qui regardaient ce spectacle peu ordinaire depuis les quais genevois.Le congrès de Genève a déclenché un fort développement de l’Internationale

en Suisse et ailleurs. Des sec-tions se forment parmi les ou-vriers horlogers des Montagnes neuchâteloises et du Vallon de Saint-Imier, les passemen-tiers de Bâle, les menuisiers de Montreux, et à Genève bien entendu. ◼

1 Cet article, paru dans l’Evénement syn-dical du 7 septembre 2016, est le résumé d’un dossier de dix pages consacré à la Pre-mière internationale dans le numéro de sep-tembre de la revue Passé simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie. Ce nu-méro est disponible dans les librairies Payot ou peut être obtenu pour CHF 10, frais de port en sus, en écrivant à: [email protected], ou à: Magazine Passé simple Sàrl, ch. de Combes 12, 1009 Pully.

nale, le drapeau rouge des menuisiers de Genève, le drapeau suisse et ceux des pays des délégués, mais également un grand drapeau des Etats-Unis: il s’agissait de rendre hommage à ce pays pour avoir récemment aboli l’esclavage. D’ailleurs, dès l’ouverture du congrès, il est donné lecture d’une lettre d’Abraham Lincoln, président des Etats-Unis, qui affirme sa sympathie pour l’œuvre entreprise par les fondateurs de l’Internationale.Le congrès de Genève réunit soixante délégués, soixante hommes venant de Suisse, de France, d’Allemagne et d’Angle-terre. L’horloger Hermann Jung, originaire de Saint-Imier et résidant à Londres, va le présider. Il est assisté de «Genevois»: l’Al-lemand Johann Philipp Becker, le relieur français Dupleix et le journaliste polonais Josef Card. Beaucoup d’ouvriers ont émi-gré pour exercer leur métier, ou pour fuir

la répression. À Genève comme à Londres, les groupes locaux forment déjà une petite Internationale. Des embryons de syndi-cats s’y forment. Ce n’est pas le cas par-tout. En Allemagne et en France, la liber-té d’association n’est pas reconnue et les responsables ouvriers séjournent souvent en prison; la Belgique vient d’adopter une loi restreignant les droits des étrangers. Et c’est pourquoi, primitivement prévu à Bruxelles, le congrès se tient à Genève.

UN CHAPITRE NOUVEAU. «Notre génération ouvre une nouvelle ère dans l’histoire du monde». C’est Becker qui prononce ces fortes paroles d’ouverture. Il a beaucoup bourlingué depuis trente ans, participant aux mouvements révolutionnaires en Europe, avant de se fixer à Genève, où il coordonne surtout les sections de langue allemande.

Notre génération, ouvre une nouvelle èredans l’histoire du monde

Pour en savoir plus

MARC VUILLEUMIERHistoire et combats, mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864–1960. Genève et Lausanne, 2012.

MATHIEU LÉONARDL’émancipation des travailleurs. Une histoire de la Pre-mière Internationale. Paris, 2011.

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10 . L’INTERVIEW services PUBLICS . 30 septembre 2016

du second œuvre prévoit un salaire mi-nimum de 24,65 francs par heure, ces salariés qualifiés et expérimentés étaient payés 8 à 9 euros de l’heure. Pour ma-quiller ce dumping, Alpen Peak leur four-nissait des fiches de salaire truquées, sur lesquelles le nombre d’heures était revu à la baisse. Le cas ayant été dénoncé à la commission paritaire du second œuvre, le syndicat Unia est passé sur les lieux de travail. Nous avons organisé des réunions et ex-pliqué leurs droits aux salariés. Puis leur avons proposé d’entrer en lutte. Nous leur avons aussi indiqué que le syndicat les soutiendrait jusqu’au bout en cas de grève.

Comment s’est déroulé le conflit?Au début, on ne s’imaginait pas qu’il fau-drait seize jours de grève pour faire plier l’employeur. Mais M. Laurent de Giorgi, le directeur général d’Alpen Peak, a refu-sé de négocier. Nous avons donc décidé d’occuper le chantier de Sainte-Croix, où la société s’était aménagé des locaux. Nous avons aussi fait séquestrer deux voi-tures et du matériel entreposé sur le chan-tier. En parallèle, nous avons multiplié les dénonciations médiatiques et politiques contre Alpen Peak et ses complices.Face à nous, nous avions en effet un in-croyable enchevêtrement des sociétés. Alpen Peak, une société à responsabilité limitée domiciliée à Neuchâtel, appar-tient à une holding, M101 Invest SA, elle-même logée à l’adresse d’une société internationale active dans le conseil aux entreprises, installée à Lausanne: Mazars SA. Le gérant d’Alpen Peak et administra-

teur de M101 Invest, Laurent Eric Bovet, s’est avéré être lui-même un des sous-di-recteurs de Mazars SA en Suisse. De son côté, M. De Giorgi, le directeur d’Alpen Peak, était copropriétaire de l’immeuble occupé par les ouvriers, à Sainte-Croix, via une autre société, appelée Balcon Jura Invest SA…C’est après une action menée au siège de Mazars SA que la situation s’est déblo-quée. Mis sous pression, MM. Bovet et De Giorgi ont accepté de négocier sous la médiation du Conseil d’Etat vaudois. Le mercredi 14 septembre, la direc-tion d’Alpen Peak s’est engagée à ver-ser les arriérés dus aux six travailleurs: 42 000 francs nets, plus l’intégralité des charges sociales ainsi qu’une indemnité pour tort moral de 20 000 francs.

Quels ont été les facteurs qui ont permis cette victoire?Tout d’abord, la détermination des sa-lariés, qui sont restés unis durant tout le conflit. Le syndicat Unia est aussi resté à leurs côtés à chaque instant. Nous avons pris toutes les décisions de manière démo-cratique, au cours d’assemblées générales.Ce cas de dumping particulièrement scan-daleux a aussi provoqué l’indignation de l’opinion publique et permis de politiser la question. Une déclaration de soutien a circulé au Grand Conseil vaudois et ré-colté 51 signatures de députés; le Conseil d’Etat a été saisi d’une interpellation ur-gente, qui l’a amené à prendre le dossier en main. Notre action devant le siège de la fiduciaire Mazars SA les a aussi beaucoup gênés, car le business de cette entreprise repose avant tout sur la discrétion. ◼︎︎

S eize jours de grève, doublés d’une occupation. Ce scénario, peu courant en Suisse, s’est déroulé au début de

ce mois sur un chantier de la petite com-mune de Sainte-Croix (canton de Vaud). Le 30 août, six ouvriers polonais, soutenus par le syndicat Unia, y entamaient un bras de fer épique contre leur employeur, la société Alpen Peak SA, qui les payait 8 à 9 euros de l’heure. Ils en sortiront victo-rieux. Questions à Lionel Roche, syndica-liste Unia dans le canton de Vaud, une des chevilles ouvrières de cette bataille.

Qu’est-ce qui a déclenché la grève des ou-vriers d’Alpen Peak?Lionel Roche – Depuis plusieurs mois, la société Alpen Peak International em-ployait des ouvriers polonais pour des tra-vaux de rénovation menés, entre autres, dans les communes de Sainte-Croix (Vaud) et Saint-Sulpice (Neuchâtel). L’en-treprise y transformait à bas coûts des biens immobiliers en espaces commer-ciaux et en lofts, pour le compte de régies immobilières de la place.Les six ouvriers encore en Suisse à la fin août – une autre équipe était déjà rentrée au pays – avaient été recrutés via internet par un employé d’Alpen Peak en France. Ce dernier leur avait obtenu un permis de frontalier (G). Les six salariés n’ont pour-tant jamais habité en France. En guise de logement, ils se partageaient un trois-pièces situé dans un bâtiment qu’ils rénovaient, à Saint-Sulpice. Ils y dormaient sur un mate-las, à même le sol. L’employeur leur factu-rait 660 francs mensuels de «loyer».Ce n’est pas tout. Alors que la Conven-tion collective de travail (CCT) romande

Grève dure contre dumping sauvage

Six ouvriers polonais, soutenus par le syndicat Unia, viennent de remporter une importante victoire contre un patron sans scrupules. Interview.

GUY ZURKINDEN . RÉDACTEURKEYSTONE . PHOTO

DES CHANTIERS GANGRENÉS PAR LE DUMPINGLe dumping sauvage pratiqué par Alpen Peak est-il plutôt l’ex-ception ou la règle sur les chantiers?Le secteur du second œuvre de la construction est gangréné par le dumping salarial. Une partie de la main-d’œuvre y est exploitée de la manière la plus brutale. On trouve la plupart des cas au bout des chaînes de sous-traitance, qui impliquent 2, 3, voire 4 entreprises travaillant pour le compte d’une entreprise générale. Un grand nombre de cas de dumping sont dénoncés dans le cadre du recours à des travailleurs détachés, pour une du-rée maximale de trois mois, en Suisse. Dans le cas d’Alpen Peak, le scénario était différent. La société a fait recours à des pseudo-frontaliers. L’avantage, c’est que les contrôles sont moindres, car il n’y a pas de procédure d’annonce. Le 12 septembre, un cas similaire a été dénoncé sur un chantier de l’entreprise Syngenta, à Monthey.Face au dumping salarial, les mesures d’accompagnement sont clairement insuffisantes. On manque de contrôleurs, les amendes ne sont pas dissuasives. Il faudrait aussi que l’en-treprise donneuse d’ordres puisse être inquiétée, et que les chantiers irréguliers soient arrêtés.À cela s’ajoute la pression mise par les employeurs sur les conventions collectives. Tout indique qu’à la fin de ce mois, les patrons vont dénoncer la CCT du second œuvre. Leur objectif est d’arriver à flexibiliser encore plus les horaires, à libéraliser le travail du samedi et à baisser les salaires. Les pressions visant à tirer les conditions de travail vers le bas sont fortes. ◼︎︎

Contexte

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CAPITAL VS TRAVAIL . 11 30 septembre 2016 . services PUBLICS

ménagé sa peine pour combattre une initiative qui émanait pourtant de son propre camp politique. Certes, le PS a fait campagne en faveur de l’initiative. Mais on ne peut pas considérer que cette configuration ait été propice à la clarté du discours.

LA BATAILLE CONTINUE. Le débat sur le projet de réforme «Prévoyance vieillesse 2020» a commencé le lendemain du vote sur AVSplus. Il faudra laisser passer les grandes manœuvres partisanes pour y voir clair. Ainsi, l’UDC a voulu casser la réforme en trois pour faire passer d’abord l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, couplée à l’augmentation de la TVA de 0,3% attribuée à l’AI jusqu’en 2018. Les radicaux ont fait du manège autour des compensations, ajoutant de la confusion à un projet déjà complexe. À se demander si toute cette agitation n’est pas une stratégie pour brouiller les cartes. Au-delà des mises en scène, les me-sures fondamentales présentées dans le paquet Berset restent les mêmes. La première est l’élévation de l’âge de la retraite des femmes. Sur ce point, même la radicale Isabelle Moret a dû l’admettre: «Les femmes supporteront tous les efforts de la réforme» 3. C’est clair. Et inacceptable. Alors que l’égalité n’est de loin pas acquise, alors que les femmes touchent une rente globale de 37% inférieure à celle des hommes, il n’y a aucune raison d’accepter, au nom de l’égalité, une régression sociale. Sans compter qu’accepter les 65 ans pour les femmes aujourd’hui, c’est faire un pas de plus vers les 67 ans pour tout le monde. La deuxième mesure, c’est la baisse du taux de conversion, de 6,8% à 6%, qui a pour conséquence une baisse de 12% du niveau des rentes. La discus-sion du parlement portera davantage sur lesdites compensations que sur la baisse de ce taux. Parmi ces compensations, le compromis du Conseil des Etats, soit le versement d’un supplément AVS de 70 francs limité aux nouvelles rentes, refait surface. Beaucoup le considèrent comme le susucre nécessaire pour faire avaler au peuple une réforme qui, der-rière le vernis de la communication, a le goût amer du recul social. À nous de continuer à résister. ◼

1 Rappel historique dans Pages de gauche, septembre 20162 www.swissinfo.ch 3 Le Temps, 27 septembre 2016.

C ’était une bataille difficile, nous le savions. Gagner une initiative po-pulaire n’est jamais une sinécure.

Des treize initiatives sur l’AVS lancées depuis 1928, aucune n’a passé la rampe des urnes 1. Le résultat de la votation du 25 septembre est plus qu’honorable si l’on tient compte du fait que, depuis des mois, l’AVS est systématiquement déni-grée par la droite. Rappelons aussi que, en comparaison, l’initiative pour un sa-laire minimum, votée en 2014, n’a été acceptée que par 23,7% des votant-e-s; celle pour les six semaines de vacances, en 2012, n’a récolté que 33,5% de suf-frages positifs.

CINQ CANTONS DISENT OUI. Pour nous, qui avons porté une campagne de longue haleine en Suisse romande – rappelons les nombreuses actions organisées par les femmes, mais aussi la manifesta-tion nationale contre le paquet Ber-set du 30 mai 2015, à Lausanne – le OUI à l’initiative de quatre cantons ro-mands et du Tessin est une satisfaction. D’après la presse, cela tiendrait à une vision différente de l’Etat social, auquel les Latins seraient davantage attachés que les Alémaniques. Pour notre part, nous pensons que la campagne menée de ce côté de la Sarine n’est pas étran-gère au résultat. Face au rouleau com-presseur de la droite, nous avons tenu une position ferme qui nous semble avoir contribué à la compréhension des enjeux par la part de l’électorat qui s’est exprimée en faveur d’AVSplus, sans céder aux sirènes de la peur. Pour notre syndicat, ce résultat confirme la nécessité de poursuivre un engagement combatif en faveur du renforcement de l’AVS, mais aussi contre toute réforme remettant en cause le niveau des rentes ainsi que l’âge de la retraite.

LE FRIC DE LA DROITE. Durant les huit dernières semaines de campagne, la droite n’a pas lésiné sur les moyens, notamment en multipliant les annonces payantes. Rien que dans les journaux, il y a eu 526 annonces sur AVSplus, les deux tiers publiés par le camp ad-verse! C’est beaucoup. Selon l’Année politique suisse la moyenne était, ces dernières années, de 386 annonces par objet soumis à votation 2. Massivement présente grâce à l’argent, la droite a pu également compter sur un allié contre nature, mais de poids: le conseiller fé-déral socialiste Alain Berset, qui n’a pas

Quatre sur dix pour AVSplus

Les conditions d’emploi des salariés de la Confédération, des cantons et des communes font l’objet de changements quasi permanents depuis deux décennies.

À l’exception de la réforme adoptée par le Grand Conseil genevois le 16 octobre 2015, prévoyant la réintégration des fonctionnaires licenciés sans motif fondé, les travailleurs du secteur public sont soumis, en pratique, à un régime qui n’est sur le fond pas sensiblement meilleur que celui des salariés du privé. La notion de «rupture du lien de confiance», omniprésente en droit privé, est reprise par les juges administratifs.

Les travailleurs du secteur public bénéficient cependant de la protection des principes du droit administratif tels que le droit d’être entendu et l’interdiction de l’arbitraire. Ces règles ont une portée non négligeable pour les procédures de licenciement et permettent parfois d’obtenir gain de cause devant les tribunaux. En effet, si les juges laissent la plupart du temps libre cours à l’employeur en matière de gestion du personnel, ils se montrent plus regardants sur le respect des principes fondamentaux prévus par la Constitution.

Il arrive parfois que la violation du droit d’être entendu aboutisse à l’annulation d’un licenciement. Ce droit permet au travailleur du secteur public de faire valoir son point de vue, d’apporter des preuves à l’appui de celui-ci et de participer à l’instruction de la procédure qui le concerne. Il a pour but d’instaurer un dialogue et d’éviter l’arbitraire.

Le droit d’être entendu va à contre-courant de certaines pra-tiques managériales et fait donc l’objet d’attaques. L’actualité judiciaire et parlementaire genevoise en fournit trois exemples.

Pour la seconde fois en moins d’un an, la Ville de Genève a été condamnée par la justice pour avoir manqué au droit d’être entendu de l’un de ses agents (lire en page 6). Malgré le texte clair du Statut du personnel, le Conseil administratif (exécutif) refuse d’entendre l’agent menacé de licenciement, directement ou par une délégation d’au moins un de ses membres.

Ce droit dont bénéficiait également le personnel de la police genevoise a été supprimé dans la nouvelle Loi sur la police, en vigueur depuis mai 2016. Jusqu’à cette date, le fonctionnaire de police pouvait exiger d’être entendu par le conseiller d’Etat chargé de la sécurité.

L’Université de Genève tente aussi de fragiliser le droit d’être entendu de ses collaborateurs, en transférant le pouvoir de licencier du Rectorat vers le gestionnaire des ressources humaines (RH). L’université est à l’origine d’un projet de loi en cours de discussion au Grand Conseil (PL 11793) qui, s’il était adopté, l’autoriserait de surcroît à remettre en cause le principe de la réintégration obligatoire du collaborateur injustement licencié.

Ces attaques s’inscrivent dans une volonté de renforcer le pouvoir des services RH et de supprimer tout lien direct entre l’autorité politique et les fonctionnaires, soit de creuser un fossé entre ceux qui prennent les décisions dites «stratégiques» et ceux qui les mettent en œuvre.

Le droit d’être entendu par le magistrat est en effet consi-déré comme un obstacle au travail managérial, alors qu’il s’agit d’un instrument indispensable au bon fonctionne-ment du service public ainsi qu’un rempart contre l’arbi-traire. Il est l’une des clefs de voûte de l’état de droit. Il permet non seulement de prendre au sérieux la critique du travailleur, mais aussi d’informer l’autorité politique sur ce qui se passe dans les services et sur la manière dont les prestations sont servies à la population. Ces questions ne peuvent être laissées à la seule appréciation d’un gestion-naire RH. Pour défendre un Etat transparent et démocra-tique, il faut refuser de couvrir les services d’une chape de plomb et renforcer le droit d’être entendu. ◼︎

SYSTÈME MALADEL’Office fédéral de la santé publique a annoncé une hausse salée des primes maladie pour 2017. La semaine précédente, le Conseil des Etats avait refusé de plafonner la charge de l’assurance maladie à 10% du revenu et décidé d’augmenter le montant de la franchise de base (aujourd’hui de 300 francs). Au Palais fédéral, le lobby des caisses maladie est une véritable épidémie. ◼︎︎

TROP PAYÉSSelon le Financial Times, les patrons de Credit Suisse et d’UBS figurent par-mi les dix banquiers les mieux payés au monde en 2016. Tidjane Thiam (Credit Suisse) encaisse 21,5 millions de dollars, Sergio Ermotti (UBS) 14,9 millions. Ils ne sont pas les seuls patrons helvétiques à briller. Selon la dernière étude de l’entreprise de conseil Willis-Towers-Watson, les top managers des grandes firmes suisses «occupent clairement les premières places en termes de revenus parmi les cent plus grandes entreprises euro-péennes» (NZZ, 21 septembre). En voilà que la hausse des primes ne doit pas trop inquiéter. ◼︎︎

UBS VEILLELe chef économiste d’UBS, Daniel Kalt, s’inquiète pour nos retraites: «Les difficultés de l’AVS et la chute de rendement du 2e pilier devraient ame-ner les Suisses à épargner par d’autres moyens» (Le Temps, 14 septembre). Heureusement, UBS ne perd pas le nord: la banque propose «une struc-ture de portefeuille de titres adaptée à chaque tranche d’âge, avec un ob-jectif de préservation du capital» à la retraite. Pour ceux qui ont les moyens de se payer un 3e pilier, bien sûr. Les autres, c’est pas vraiment son rayon. ◼︎︎

CADEAUX À GOGOLe 22 septembre, la majorité de droite du Conseil national a accepté une mo-tion du PDC qui prévoit l’impunité pour les fraudeurs fiscaux – assortie de la possibilité de ne pas régler l’entier de l’ardoise. En parallèle, la droite a décidé d’exonérer de 600 millions de francs, de manière rétroactive, les en-treprises qui n’ont pas payé leurs im-pôts anticipés ou trop tard. Moralité: tricher peut payer, surtout quand on a beaucoup d’argent. ◼︎︎

À Andreas Meyer, CEO des CFF SA. Jeudi 22 septembre, M. Meyer a dé-voilé le contenu du programme Rail-Fit 20/30. Concocté par le cabinet de conseil McKinsey, Rail-Fit prévoit 1,2 milliard de francs d’économies et 1400 suppressions d’emplois d’ici à 2020. En parallèle, les tarifs augmen-teront de 3% dès décembre, pendant que les employés des CFF subiront une baisse de salaire de 0,8%, en raison de l’augmentation de leurs coti-sations LPP. Pour que les actionnaires restent «fit», faut bien que les salariés et les usagers transpirent. ◼︎︎

Carton Rouge

MICHELA BOVOLENTA . SECRÉTAIRE CENTRALE SSP

DIRECT DU DROITPar Christian Dandrès

RENFORCER LE DROIT D’ÊTRE ENTENDU

AVOCAT

L’initiative AVSplus a été refusée par près de 60% des votants. Bilan d’étape d’une bataille qui continue.

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services PUBLICS . 30 septembre 201612 . NOTRE MONDE

Solidarité avec les travailleurs du chantier naval d’Alexandrie!Le Center for Trade Unions & Workers Services (CTUWS), une ONG qui soutient les syndicats indépendants en Egypte, appelle les syndicats et les défenseurs des droits humains à manifester leur solidarité avec 26 travailleurs du chantier naval d’Alexandrie. Ils seront jugés le 18 octobre par un tribunal militaire. Le procès fait suite à une manifes-tation pacifique organisée les 22 et 23 mai 2016, après que la direction eut refusé de négocier avec les représentants des salariés. Le procureur militaire d’Alexandrie accuse les militants syndicaux «d’avoir incité les travailleurs à cesser le travail en appelant à un rassemblement et en organisant une manifestation à l’intérieur de l’entreprise.» Les 26 tra-vailleurs ont été emprisonnés il y a quatre mois et n’ont pas touché de salaire depuis. La CTUWS exige leur libération immédiate et fait appel à la solidarité internationale. Une pétition de soutien peut être signée: https://www.change.org/p/egyptian-ministry-of-manpower-stop-military-trial-for-egyptian-civilian-workers. ◼

Brésil: Etat d’exception contre la réforme agraireL’Etat de Goiás, au Centre-Ouest du Brésil, est le terrain d’une stratégie de criminalisation du plus important mouve-ment social du pays, le Mouvement des Sans-Terre (MST). Le 12 avril, deux juges ont ordonné la prison préventive contre quatre militants du MST. Ils y sont accusés, en raison de leur engagement pour la réforme agraire, d’appartenance à une organisation criminelle. Deux d’entre eux, Luiz Batista Borges et José Valdir Misnerovicz, ont été arrêtés. Les deux autres sont en exil. Leur arrestation fait suite à l’organisation, par le MST, de deux grandes occupations de terres dans un Etat dominé par une alliance entre grands propriétaires et firmes de l’agrobusiness. Le tout dans un contexte marqué par un coup d’Etat parlementaire mené par la droite conservatrice. Une campagne internationale de solidarité avec ces prisonniers de la réforme agraire a été lancée. ◼

Le libre-échange menace la planète

De nouvelles fuites éclairent le danger que représentent les accords de libre-échange pour le climat. En Suisse, l’Alliance contre TTIP, TiSA & Co appelle à une grande manifestation le 8 octobre prochain à Berne.

L e 20 septembre, alors que la ving-tième session de négociations se déroulait à huis-clos à la Mission

des Etats-Unis auprès de l’ONU à Ge-nève, l’organisation écologiste Green-peace dévoilait de nouveaux documents confidentiels. Ces derniers jettent une lumière crue sur des pans de TiSA – l’accord sur le commerce des services, négocié en secret par une cinquantaine de pays, dont la Suisse et l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, depuis le mois de février 2012. TiSA a pour objectif la libéralisation du com-merce des services à l’échelle mondiale. Il pourrait être mis sous toit à la fin de cette année. Selon l’Alliance contre TTIP, TiSA & Co en Suisse, sa mise en œuvre aboutirait à une «remise en cause de fond en comble des fondements de nos sociétés, que ce soit en termes d’ac-cès aux services de base ou de contrôle démocratique.» Une pétition, lancée par l’Alliance, demande au Conseil fédéral de «prendre les dispositions nécessaires pour un retrait immédiat de la Suisse de ces négociations». Les banques et les assureurs suisses sont, au contraire, fa-vorables à TiSA. Ils en espèrent un accès facilité à des marchés étrangers 1.

L’ANNEXE SUR L’ÉNERGIE. Les documents publiés par Greenpeace mettent en lu-mière une nouvelle facette de ces ac-cords, jusqu’ici surtout connus pour le danger qu’ils représentent pour les ser-vices publics: la mise en danger de toute disposition visant à lutter contre le ré-chauffement climatique. Les fuites éclairent en effet les discussions en cours autour de l’Annexe sur l’énergie, négociée dans le cadre de TiSA. Cette an-nexe réclame l’égalité de traitement entre les sources d’énergie. Concrètement: l’énergie en provenance des centrales à charbon devrait être traitée de la même manière que l’énergie d’une centrale hy-droélectrique. L’Union européenne de-mande néanmoins d’exclure de ce prin-cipe l’énergie atomique – l’Allemagne a déclaré vouloir sortir du nucléaire. Les annexes s’appliquent directement à chaque pays signataire. Même si la Suisse a exclu le domaine de l’énergie de son offre TiSA, l’Annexe sur l’énergie lui sera quand même applicable directement. Conséquence: si la Suisse envisageait d’introduire un impôt sur le CO2 (selon TiSA, chaque mesure législative devrait être annoncée d’avance aux entreprises internationales concernées), une entre-prise allemande produisant du courant

STEFAN GIGER . SECRÉTAIRE CENTRAL SSPERIC ROSET . PHOTO

600 000 000En 2015, les sociétés d’assurance ont encaissé plus de 600 millions de francs de bénéfice grâce à la gestion des capitaux placés dans le 2e pilier (LPP). C’est la conclusion tirée par le syndicat travail.suisse, qui a analysé les chiffres publiés sur les assureurs par la Finma.Travail.suisse dénonce les profits immenses captés par les compagnies d’assurance sur le dos de l’épargne accumulée par les salariés en vue de leur retraite. Le syndicat pointe notamment du doigt le système dit du legal quote. Entrée en vigueur en 2005, cette réglementation permet aux assureurs d’empocher le 10% de l’ensemble du rendement généré par les capitaux LPP sous leur gestion – aujourd’hui, les sociétés d’assurance gèrent les avoirs de vieillesse de près de la moitié des travailleurs assurés dans le 2e pilier en Suisse. En plus du procédé de legal quote, les assureurs s’enrichissent en appliquant des primes de risque deux fois plus élevées que nécessaires à leurs assurés. Pour ces grandes firmes, la LPP représente donc une vraie poule aux œufs d’or. En 2015, elle a rapporté le deux-tiers des bénéfices (990 millions de francs) réalisés par les com-pagnies étudiées par la Finma. Depuis l’introduction du legal quote, ce ne sont pas moins de 5,6 milliards d’excédents qui sont allés garnir les poches des assureurs. Cet «eldorado sur mesure» ne semble cependant pas leur suffire. Swiss Re et consors font aujourd’hui pression pour que le Parlement avalise une baisse importante du taux de conversion – qui permet de calculer le montant des rentes LPP touchées par les assurés au moment de la retraite –, de 6,8% à 6%. C’est une des mesures phares du projet «Prévoyance professionnelle 2020», connu comme le «paquet Berset», qui est débattu au Conseil national depuis le 26 septembre. Le texte qui sortira de la Coupole fédérale risque fort de tondre les assurés pour augmenter les profits déjà juteux des assureurs. ◼

au moyen de centrales à charbon pourrait invoquer une discrimination à son égard – vu l’absence de centrales à charbon en Suisse, l’imposition d’une telle source d’énergie ne toucherait que les firmes étrangères. Cette mesure serait donc illé-gale selon l’accord TiSA.

CALAMITEUX POUR LE CLIMAT. Les consé-quences de TiSA pour le climat seraient donc incalculables. Il deviendrait impos-sible, par exemple, de cesser l’exploita-tion des combustibles fossiles les plus no-cifs pour l’environnement, tels les sables et les schistes bitumineux.Pour Greenpeace, les accords commer-ciaux tels que TiSA promeuvent le com-merce de combustibles fossiles, alors que leur utilisation devrait diminuer pour que les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat soient atteints. Matthias Wü-thrich, de Greenpeace Suisse, résume ainsi la situation: TiSA et les autres ac-cords commerciaux de libre-échange en cours de négociation «désactivent l’Ac-cord de Paris sur le climat. Ils favorisent les transnationales du pétrole et consti-

tuent une grave menace pour la démo-cratie.»

MOBILISATION IMPORTANTE. Parallèlement à TiSA, deux autres traités de libre-échange sont en discussion. L’accord TTIP (Partenariat transatlantique de com-merce et d’investissement) vise à libéra-liser le commerce entre les Etats-Unis et l’Union européenne. L’UE va lui mettre le hola, mais il reviendra sur le tapis après l’élection présidentielle américaine. L’ac-cord CETA (Accord économique et com-mercial global), négocié entre le Canada et l’Union européenne, est lui quasiment sous toit.Seule une large mobilisation peut mettre ces traités en échec. C’est dans ce sens que l’Alliance contre TTIP, TiSA & Co, à laquelle participe le SSP, appelle à une grande manifestation le 8 novembre pro-chain. Pour dire NON à TiSA et à l’en-semble des traités de libre-échange. Ren-dez-vous à 15 h sur la Place fédérale, à Berne. Venez nombreux! ◼

1 NZZ, 24 septembre 2016.

Le chiffre