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Les Études du CERI N° 119 - novembre 2005 Le long chemin de Damas La Syrie et les négociations de paix avec Israel Marwa Daoudy Centre d'études et de recherches internationales Sciences Po

Le long chemin de Damas. La Syrie et les négociations de paix … · 2012. 5. 24. · La Syrie et les négociations de paix avec Israel Marwa Daoudy « Au Proche-Orient, aucune guerre

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LesÉtudesduCERIN°119-novembre2005

LelongchemindeDamasLaSyrieetlesnégociationsdepaixavecIsrael

MarwaDaoudy

Centred'étudesetderecherchesinternationales

SciencesPo

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MarwaDaoudy

LechemindeDamas

LaSyrieetlesnégociationsdepaixavecIsraelRésuméDe 1991 à 2000, ces deux acteurs-clés du conflit moyen-oriental que sont la Syrie et Israël ont poursuivi de longues négociations de paix. Que nous apprend ce dialogue sur les objectifs, les motivations, et les perceptions propres d’un protagoniste syrien qui reste très méconnu ? Telle est la question à laquelle souhaite répondre cette étude, en disséquant les enjeux majeurs du processus : le territoire, la sécurité et les ressources en eau. L’analyse des obstacles rencontrés sur le chemin de la paix permettra en outre de prendre la mesure des perspectives actuelles de reprise du dialogue, dans un contexte profondément bouleversé. Le décès du président Hafez Al-Assad en juin 2000 et l’arrivée au pouvoir de son fils Bachar, la détérioration de la situation israélo-palestinienne depuis le déclenchement de la seconde Intifada et l’élection d’Ariel Sharon en Israël, la guerre américaine en Irak, l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, le retrait des troupes syriennes du Liban en avril 2005, et la tenue du 10e Congrès du parti Baas en juin ont transformé l’échiquier intérieur et régional. Cette analyse entend apporter un nouvel éclairage sur les contraintes que subit la Syrie et les opportunités qui s’offrent à elles, en s’efforçant d’apprécier l’impact de ces changements sur sa position de négociation.

MarwaDaoudy

ALongRoadtoDamascus

SyriaandthePeaceNegotiationswithIsrael

AbstractFrom 1991 to 2000, Syria and Israel, two of the key actors of the Middle-Eastern conflict, entered into extensive peace negotiations. What lessons can be drawn from the process in terms of Syria’s objectives, motivations and perceptions, considering that this actor remains largely unknown? Such concerns will be addressed by identifying the major issues at stake: territory, security, and water resources. By analyzing all the obstacles on the road to peace, we will evaluate the potential for a resumption of peace talks in the new regional context. The death of President Hafez al-Asad in June 2000 and the rise to power of his son Bashar, the deterioration of the Israeli-Palestinian situation since the start of the Intifada and Ariel Sharon’s election in Israel, the war launched by the United States in Iraq, the assassination of Lebanon’s former Prime Minister Rafic Hariri, the withdrawal of Syrian troops from Lebanon in April 2005, and the meeting of the 10th Baath Party Congress in June have all drastically impacted on domestic and regional dynamics. The purpose of the study is to shed new light on Syria’s constraints and opportunities, and their impact on her bargaining position.

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LelongchemindeDamas

LaSyrieetlesnégociationsdepaixavecIsrael

MarwaDaoudy«AuProche-Orient,aucuneguerrenepeutse fairesansl'Egypte,maisaucunepaixn'estpossiblesans laSyrie»,martelaitvolontiers lesecrétaired’Etataméricain,HenryKissinger.Pendantprèsdedixans,entre1991et2000,laSyrieetIsraëlontpoursuiviunprocessusdenégociationsbilatéralesquiaproduit,enparticulierdanslesannées1994-95,desavancéessignificatives sur la plupart des questions opposant les deux pays, qu’il s’agisse ducontentieuxterritorial,desproblèmesdesécuritéoududossierdel’eau.Mêmesil’arrivéeau pouvoir en Israël de Benjamin Netanyahu et du Likoud, en 1996, a interrompu leprocessus, qui ne reprendra que brièvement en 2000 sous le gouvernement travaillisted’Ehoud Barak, les négociateurs israéliens et syriens ont ainsi appris à se connaître, àcomprendrelepointdevuede«l’autre»etàdépasserlaplupartdeleursdifférends.Que reste-t-il aujourd’hui de cet héritage, et quelles sont désormais les perspectives depaix entre la Syrie et Israël, alors que le contexte régional a été bouleversé par lesévénements des dernières années? Le décès du président syrien Hafez Al-Assad en juin2000 et l’arrivée au pouvoir de son fils Bachar, la détérioration de la situation israélo-palestiniennedepuisledéclenchementdelasecondeIntifadaetl’électiond’ArielSharonenIsraël,laguerreaméricaineenIraketleretraitdestroupessyriennesduLibanenavril2005ontprofondément transformé lepaysage stratégiquemoyen-oriental.Quellespeuventêtreles conséquencesdecettenouvelledonne sur la relation israélo-syrienne?Malgré l’appelduprésidentBacharAl-Assadàlarelancedudialoguebilatéral,fin20031,aucuneinitiativeconcrète n’a été prise et les accusations mutuelles sont à nouveau d’usage dans lesdéclarationsofficielles.Singulierrenversementdelapartdedeuxpaysquifurentaumilieudesannées1990prèsdeconclureunaccorddepaix,aprèsavoirbrisél’unetl’autrebiendestabousàproposdel’ennemihéréditaire. 1InterviewduprésidentBacharAl-AssaddansleNewYorkTimes,audébutdumoisdedécembre2003.

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Seule une compréhension approfondie des intentions et des représentations des deuxacteurspeutaujourd’huipermettredemesurer lesperspectivesdereprisedesdiscussions.Ledécryptagedesnégociationsbilatéralesdeladécennie1990constituedecepointdevueun trésorpour l’analyse. Souventétudié, ceprocessusanourriunabondantdébat sur lesvéritables motivations des acteurs. Le gouvernement israélien souhaitait-il réellement unaccord de paix ou voulait-il seulement neutraliser la Syrie le temps de parvenir à unrèglement final avec les Palestiniens? Qu’en était-il vraiment des intentions du présidentHafezAl-Assad,dontlepouvoirreposaitlargementsurlalégitimiténationalisteconféréeparlapoursuiteduconflitavec Israël?Nenégociait-ilquecontraintet forcé,à la foissous lapressioninternationaleetsousl’influence,àl’intérieur,d’unesociétésaturéepardesannéesdeguerre?Laplupartdesanalysesrécentesconcluentà l’existenced’unevéritablestratégiedepaixdelapartdesnégociateurssyriens,enphaseaveclesdésirsdestabilitéetdeprospéritédelapopulation.Malgré les alternancespolitiques israéliennes, les changementsdemédiateursaméricainsoulesbouleversementsrégionaux,laconstancedespositionssyriennesparaîteneffet l’élémentmarquantduprocessus. Iln’enrestepasmoinsque tout règlementdepaixdoits’inscrire,auxyeuxdeDamas,dansuncadrepsychologiqueetstratégiquepermettantdesatisfaireauxrevendicationsessentiellesdupaysenmatièredefrontièresetdesécurité.Bien des incertitudes naissent de l’ambiguïté que crée la poursuite concomitante de cedoubleobjectif:ledésirdepaixetladéterminationàdéfendrelesintérêtsnationaux.Lesspéculationsfurentd’autantplusintensesquel’acteursyrien–sesreprésentations,sescontraintesinternes,sesrevendications–esttoujoursrestélargementméconnu.Mêmesilapublication en 1997 d’un long entretien avec le chef de la délégation syrienne àWashington, l'ambassadeurWalidAl-Moallem2,comblaenpartiecevided’information. Ilrévélait eneffet là,avecune franchise inhabituelle, ledéroulementdupremier face-à-faceavecIsraël.Maisbiendes interrogationsontpersisté etpersistent encore sur lavision syrienne, sonévolution dans le temps, sa perméabilité aux bouleversements extérieurs et intérieurs. Ens’appuyantnon seulement surd’importantes sourcesde secondemainet les témoignagespublics des acteurs de la négociation, mais aussi sur les documents et résumés officielsobtenus par l’auteur auprès du ministère syrien desAffaires étrangères ainsi qu’une séried’entretiens menés à Damas auprès des principaux négociateurs3, cette Etude voudraitcontribuer à éclairer le débat, en mettant plus précisément à jour les perceptions et lespositionsdel’acteursyrien.Pourcela,l’analyses’organiserasurunaxetemporelquipermettraderendrecomptedelacontinuitéduprocessus surunepériode séquencée,pendantprèsdedixans, à la foisdemanière visible par les «rounds» de négociation et, de manière moins visible, parl’évolution des rapports de force sur les enjeux indirectement liés, comme la questionlibanaise.Facteurinhérentàlastructuredespourparlers,l’asymétriedelapuissanceoriente

2Al-Moallem,1997:16-26.

3 Ces documents ont été remis par le vice-ministre des Affaires étrangères, Walid Al-Moallem, anciennégociateur en chefde ladélégation syrienne, à l’occasiondemissions de recherchemenéespar l’auteur enSyrie,auprintemps2005.

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les stratégies déployées par les deux acteurs. La tension entre coopération et conflitcaractérise donc toute l’histoire de ce processus. De Madrid (1991) à Shepherdstown(2000), la négociation a connu bien des hauts et des bas, avec maints rapprochements,heurts et rebondissements, à mesure que se succédaient au pouvoir en Israël cinqgouvernementsayantdesstratégiesdepaixdifférentes;àmesure,aussi,queladégradationdesrelationsisraélo-palestiniennesmodifiaitlesdonnéesdudialogue.Maislanégociationafaitdesprogrèsspectaculairesentre1993et1995,souslegouvernementd’YitzhakRabin,grâce à la promesse alors donnée par le Premier ministre israélien de se retirercomplètementduplateausyrienduGolan,occupédepuislaguerrede1967.L’analysedesmodesdefairedesnégociateursdurantcettepériodecrucialeseradoncaucœurdel’Etude.Autotal,ilressortdel’identificationdesdifférentesphasesduprocessus,desesdynamiqueset des propositions mises sur la table que l’histoire de cette négociation est celle d’uneoccasionmanquée. Il s’agit ici d’en comprendre lesmécanismes, pour tirer les leçons etprendrelamesuredesacquis,danslaperspectived’unefuturerelancedesdiscussions.Leslimitesimpartiesparl’espacedecettepublicationnepermettentpasd’approfondirlecontexte historique et stratégique du conflit israélo-arabe, ses répercussions intérieures etrégionales et l’enchaînement d’événements dans lesquels s’insère cette négociation. Leschéma présenté en annexe page 49 résume l’essence des problématiques qui serontabordées.

UNDEBUTDECHEMINESCARPE

Il faut souligner d’emblée à quel point l’histoire de ces pourparlers s’inscrit dans uneconfigurationparticulièreau regarddes théoriesde lanégociation.Sous laprésidencedeHafezAl-Assad, l’acteursyriennesembleeneffetpascontraintpar l’interaction fréquenteentredimensioninternationaleetdimensionintérieuredelanégociation,conceptualiséeparRobertPutnamentermesde«jeuàdoubleniveau»4:lesacteursdoiventnégocieraussilesmodalitésduprocessusavecleurproprecamp.Laprisededécisionauseindel’Etatsyrienapparaît au contraire fortement centralisée. Atteindre un accord au niveau internationaln'impliquepasdenégociationsupplémentaireauniveaunational.Et,sidébatsilyaauseindescabinetsministériels, ilestquasiment impossiblede lesconnaître, laprisedepositioncentrale étant la seule position exprimée. Une étude conceptuelle réalisée sur les liens(linkages)entrelesvariablesintérieuresetextérieures,danslaSyriedesannées1961-1967,vaégalementdanscesens:lesdeuxdimensionsinterneetexternenesesontinterpénétréesque dans la phase de consolidation de l’entité politique, avant la période baasiste qui

4Putnam,1988:427-460.

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déconnecteraenvironnementnationaletenvironnementinternational5.Ainsi,lanégociationinternesedérouleraentreleprésidentAl-Assadetsesprochesconseillers.Mêmesilechefdel’Etatsyrienchercheraàobtenirlesoutiendesonélitemilitairesurlaquestiond’Israël,lesdésaccordsnel’empêcherontpasd’entamerlesnégociations6.Maisavantd’analyserauplusprèsledéroulementdesdiscussions,ilnousfautrappelerlesenjeux de cette période cruciale des relations bilatérales entre les deux acteurs-clés duprocessusdepaix.L’objectifdechaqueprotagonisteestd’obtenirsatisfactionsurlesenjeuxessentielsàsesyeux.Lanotiond’enjeurecouvreainsiunedimensionsubjective,susceptibled’évolueraugrédelastratégiedéployéeparchaqueacteurdanslecadredesdiscussions7.Elleestenoutreintrinsèquementliéeàcelledeconflit,celui-cinaissantdelaperceptionparun acteur qu’un autre fait obstacle à la réalisation de ses objectifs nationaux,intentionnellementoupas.Chaqueenjeuprend son sensdans le cadreglobaldu résultatattendulorsdel’entréeennégociation.Decepointdevue,ilestliéàla«perception,mêmeimprécise(...),desintérêtsréelsquivontêtredébattus»8.Unprocessusdenégociationnaîtainsiàlafoisdudésirdedéfendresesintérêtspropresetdelaprisedeconscienced’intérêtscommunsauxdeuxparties,mêmesilebénéficed’unaccordbilatéralnesefaitsentirqu’àlongterme.Lesintérêtsréelsrestentaudemeurantparfoissous-jacents,distinctsdeceuxquisontexplicitementendiscussion.Ilspeuventaussis’analyserendestermesdifférents9.Ilfautainsidistinguer les intérêts intrinsèques–quandlarésolutiond’unequestionpossèdeunevaleur en tant que telle, indépendamment de toute autre considération– des intérêtsinstrumentaux10– qui évaluent la qualité d’un règlement à ses bénéfices ultérieurs et enfonctiond’autresenjeux.LesenjeuxdelanégociationEn l’espèce, la récupération du Golan représente aux yeux de la Syrie un intérêtintrinsèque,pourdesraisonsdelégitimitépolitiqueintérieureetpourmettrefinàunconflitasymétrique,tandisqu’ils’agitpourIsraëld’uninstrumentpermettantd’obtenirsatisfactionsurlesquestionsdesécuritéoud’intégrationrégionale. 5Burrowes&DeMaio,1975.

6Entémoigne,parexemple,en1993,lamiseàl’écartduchefdesservicesdesécurité,AliDuba,susceptibledes’opposeràunerestructurationdel’arméeaprèsl’établissementd’unrégimedepaix.Hinnebusch,1996:45.

7Zartman&Rubin,2000:7;Spector&Wolf,2000:409-426.

8Derrien,1994:35.

9Udalov,1995:66-67.

10Lax&Sebenius,1986:71.

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·Lesenjeuxstratégiquesindirects

LadécisionduprésidentHafezAl-Assadde jouer lacartedelanégociationnepeutêtrepleinementcomprisesiellen’estmiseenregardde lanouvelleperceptiondeses intérêtsparl’acteursyrien,danslecontextebouleversédutournantdesannées1990.Au jeu de la puissance, feu Hafez Al-Assad était généralement considéré comme unmanœuvrierhorspair,naviguantavecexpertisedanslesméandrespolitiquesdelarégion.Sa prudence et sa patience avaient fait de la Syrie un interlocuteur incontournable de lascènemoyen-orientale.Pendantsestrenteansdeprésidence,de197011à2000,lechefdel’Etat syrien a en effet réussi à doter son pays d’un statut de puissance régionale par unepolitiqueétrangèrehabile,danslecadred’unrapportdeforceasymétrique.D’emblée,ilfaitde la récupérationduplateauduGolan l’unedesprincipalessourcesde légitimitédesonpouvoir.Car, entre1940 et la findesannées1970, lapolitique syrienne s’inscritdans lecontextedelamilitarisationdesEtatsdelarégion,alorsqueseconsolidentenpleineGuerrefroide les sphères d’influence américaine et soviétique au Moyen-Orient. Les Etats-Uniscombattentlenationalismearabeàlafoisaunomdeladéfensed’Israël,perçucommeunrelais régionaldu «monde libre», etde l’accèsaupétrole.Dès les années1960, laSyriechercheàconstituerunfrontfaceàIsraël,enrenforçantsoninfluencedanslemondearabeparsonidentificationaupanarabismeetàladéfensedesdroitsdesPalestiniens;afortioriquandlaprédominancerégionaledel’EgypteestfragiliséeparlasignaturedesaccordsdeCamp David en 1979, première paix séparée avec Israël. La Syrie tente dès lors derassemblerautourd’elleunecoalitiondepuissancesarabes,avecleLiban,lesPalestinienset la Jordanie12, au nom d’une stratégie d’endiguement de la puissance israélienne. Ledéveloppementd’une importante forcemilitairedéfensive,dans les années1980, s’inscritdans ce cadre: avec 5 000 tanks, 650 avions de combat, 102 batteries de missiles, uncontingent de 500000 hommes et 400 missiles balistiques, certains à tête chimique13,l’arméesyrienneacquiertunecapacitédissuasivequimaximise lescoûtsd’uneéventuelleattaquepourIsraël.Cetteobsessiondel’équilibredelapuissanceseraàbiendeségardslaclédevoûtedelastratégiedepaixd’HafezAl-Assad,dontlebutestavanttoutderéduirelesrisquesquefaitpeserlamenacemilitaireisraéliennesurlemondearabe.Orleprésidentsyriencomprendtrès tôt que l’effondrement de l’Union soviétique, puissance protectrice et pourvoyeused’armement, porte un coup fatal à son ambition de parité stratégique. Il semble en effet

11Alasuiteducoupd’Etatmilitairede1963,lepartiBaasparvientaupouvoir,maislaconsolidationdesonassise sur le système politique syrien se fera surtout à la faveur du mouvement dit de «redressement», queconduit Hafez Al-Assad en 1971. Issue des mouvements nationalistes de la fin de la période ottomane,l’idéologie du parti Baas (Hizb al-Baath al-Arabi, «Parti de la renaissance arabe») fut conceptualisée par lesSyriensMichelAflaketSalahAl-DinBitar.Lascissionendeuxpartis,lepartiBaasdominéparlaSyrieetlepartiBaas irakiencomposédecertainsmembresde ladirectionhistorique (MichelAflaks’installeraen Irak),se feraentre1966-68.C’estlemouvementditdu«redressement».Ghalioun,2002-2003.

12UnestratégiequePatrickSealequalifiede«doctrineduLevant».Seale,1988.

13Hinnebusch,2002:150.

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avoir senti dès 1987 le vent du changement14. De retour d’Union soviétique, où il avaitrencontréMikhaïlGorbatchev,HafezAl-Assadréunitsonétat-majoretseschefsdecabinet,enlesinformantquelepaysdoitrapidementimaginerdenouvellesoptionsstratégiques,carl’URSS ne soutiendra désormais plus ses efforts pour atteindre à la parité15. Dans cecontexte,ilréfléchitàlanécessitédedévelopperunenouvellerelationavecWashington,envue, notamment, de récupérer le Golan. Dans les années 1990, la Syrie se mue doncparadoxalement en allié de facto des Etats-Unis dans la région, comme en atteste laparticipationdupaysàlaguerreduGolfede1991auxcôtésdesforcesdelacoalition.Cettenouvelle orientation jouera en faveur du cadre, proposé par les Etats-Unis, d’unenégociationdepaixdiviséeenplusieursdialoguesbilatéraux:entreIsraëletlesPalestiniens,lesJordaniens,etbienentendulesSyriens.Malgrél’asymétriedepuissancequicaractériselarelationentrelaSyrieetIsraël16,HafezAl-Assads’estdonnélesmoyensdenepasengagerlesnégociationsenpositiondefaiblesse.Nonseulementparsacapacitéd’adaptationauxévolutionsdel’équilibrerégionaletparledéveloppement d’une puissance militaire crédible face à Israël, mais aussi et peut-êtresurtoutparl’adoptiondestratégiesrégionalesquiontdotélepaysdeprécieuses«cartesdemarchandage»,aupremierrangdesquellesleLiban.Entréesurleterritoiredesonvoisinen1976àlademandeduprésidentSoleimanFrangié,soucieuxdecombattrelapuissancedesPalestiniens et des forces progressistes libanaises au début de la guerre civile, la Syrie yresteraprèsde trenteans.Cecontrôlemilitaro-politiqueseconstruiraaugrédes invasionsisraéliennesetseraentérinéparlasignaturedesaccordsdeTaëf,quimettentfinen1989àla guerre civile sous le double parrainage de la Syrie et de l’Arabie saoudite, avec labénédictiondelacommunautéinternationale.LaprésenceauLibanfutd’embléeauxyeuxduprésidentAl-AssaduninstrumentauservicedelarécupérationduGolan.Quiplusest,lesoutien accordé auHezbollah, qui jouit d'une aura de résistance, ajoutent à la légitimiténationaliste,voireislamiste,dupaysdanslemondearabe.Dans ces conditions, la Syrie qui entame les négociations en 1991 possède, malgré lasupérioritémilitairedesonadversaire,uncertainpouvoirsursasécuritégrâceàsamaîtrised’un certain nombre d’enjeux indirects de la négociation. En d’autres termes, elle estparvenue à réduire sa vulnérabilité, en ayant recours à ce que l’on peut qualifier destratégiesdepouvoir17,cespolitiquesquirenforcentlacapacitédenégociationenconférantauxoptionsdel’adversairedescoûtsetdesbénéficesqu’ilnemaîtrisepas.Ellesoffrentdespossibilités de marchandage au cours des discussions ou permettent de développer desalternativesàl’accord,notammentparlaformationd’alliances18,quisontautantdemoyens 14CetteversionestcorroboréeparPatrickSeale, lebiographeduPrésidentHafezAl-Assad (1996:31-32).MikhaïlGorbatchevauraitditvouloirlimitersonsoutienlogistiqueàunedéfenseminimale.

15VoiraussilesmémoiresdeDennisRoss,anciencoordinateurspécialdesEtats-UnisauMoyen-Orient:Ross,2004:48.

16Par«asymétrie»,nousentendronsledéséquilibreentrelaSyrieetIsraëlentermesd’alliancesextérieures,deressourcesmilitairesetéconomiques,decapacitédemobilisationdecesressourcesetdecoûtsengendrésparlenon-accord.

17 Pour une analyse approfondie de la dimension théorique des stratégies de pouvoir dans le cadre de lanégociation(poweroulinkagestrategies),voirDaoudy,2005.

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d’agirsurlasécuritédel’adversaire.Al’évidence,lessourcestraditionnellesdelapuissancecommelapositiongéographique,lepoidsdémographiqueoulaforcemilitaireetéconomique,nesuffisentplusaujourd’huiàdéterminerlesjeuxinternationaux.LerecoursauxstratégiesdepouvoiraconféréàlaSyrieunedimensiondepuissancerégionalemoyenne,bienau-delàdesonpoidséconomiqueetmilitaire réels. De la même manière, l’asymétrie de pouvoir ne détermine pasnécessairement l’issue d’une négociation, dès lors que l’Etat apparemment le plusdépendantaentrelesmainsdescartessusceptiblesderenforcersaposition.

·Lesenjeuxstratégiquesdirects:territoire,sécurité,eau

Avantd’accepterl’invitationàlaconférencedeMadrid,leprésidentAl-Assadrappelleausecrétaire d’Etat James Baker la valeur de la terre du Golan et ce qu’elle continue dereprésenter aux yeux du pays, vingt-quatre ans après son occupation: en 1967, près de130000civilsontétéexpulsésde139villages19 (formantunepopulationactuelledeprèsde 500000 réfugiés), tandis que 16000 civils syriens vivent toujours sous dominationisraélienne.Rosscomprendraplustard,demêmequeleprésidentClinton,l’importancedepréserverla«dignitéetl’honneur»delaSyriepourcenationalistearabequ’étaitHafezAl-Assad20. L’enjeu est d’autant plus crucial que la perte du Golan est perçue par le payscomme la dernière d’une longue série d’amputations territoriales subies au cours del’histoire, au profit du Liban et de la Turquie, etmettant en jeu sa survie et son intégritégéographique. Car la conquête du Golan par Israël constitue un tournant stratégiquemajeur: il n’existe plus de zone tampon entre les deux parties au conflit, l’une ayantpositionné ses armées et une station d’écoute extrêmement sophistiquée sur le montHermon, à 35 kilomètres de la capitale de l’autre. Le plateau duGolan représentait unedéfense naturelle, dont la perte rend la Syrie plus vulnérable aux attaques terrestres. OrHafezAl-AssadétaitministredelaDéfenseen1967.Cetterestitutionestaussipourluiundéfi personnel21.Mais la discussion sur cette question centrale duGolan est rendue pluscomplexeencoreparsonarticulationaveccesdeuxenjeuxmajeursqueconstituent,pourchacundesacteurs,lasécuritéetl’eau.Les négociations sur les questions de sécurité sont en effet structurées par une doubleinégalitédesacteurs:l’asymétriegéographiqueetl’asymétriemilitaire.Avecunterritoirede185180km2,laSyrieestprèsdeneuffoisplusvastequesonvoisin(20330km2).Danscesconditions, les autorités israéliennes craignent de perdre en cas de retrait la profondeurstratégiqueacquiselorsdelaconquêteduGolan.Al’inverse,ledéséquilibredescapacités18Zartman&Rubin,2000:204.

19Marai&Halabi,1992:78-93.

20Ross,2004:73,142.

21PatrickSealesouligne,àcesujet, le tournantdécisifquereprésentecettepertedans lacarrièredu jeuneHafezAl-Assad,alorsâgéde37ans,déterminéàeffacerpersonnellementcettedéfaite.Seale,1988:185.

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militaires entre les deux pays inquiète la Syrie: la région deDamas, où vit le tiers de lapopulation,n’estqu’à40kilomètresdelalignededémarcationdu4juin1967–lalignedefront entre les deux parties à la veille du déclenchement de la guerre des Six Jours, le 5juin– alors que le pays fait face à la quatrième armée du monde.Israël s’est dotée,notamment grâceà l’aideconsidérabledesEtats-Unis22,d’unearméede terrede365000soldatsmobilisables(avecdouzedivisionsblindées),auxquelss’ajoutent10000marineset55000 hommes et femmes dans l’armée de l’air (600 avions). Surtout, malgré desdénégationspersistantes,Israëlpossèdevraisemblablementl’armenucléaire.Parailleurs,l’importancedelaquestiondel’eaupourchacundespayscontribueàéleverl’enjeu de la discussion sur les questions territoriales. Il importe ici, tant ces questionscomplexes sont au cœur de la négociation, d’en rappeler les variables historiques etgéographiquesessentielles.LefleuveJourdainparcourtprèsde360kilomètresdanslarégion,avecundébitmoyende1311millionsdemètrescubes(Mm3)23.Ses troissources(leHasbaniauLiban,leDanen Israël, et le Banyas sur le plateau duGolan en Syrie) forment la partie supérieure dubassinduJourdain.Al’avaldulacdeTibériade,lapartieinférieureduJourdainestrejointepar les fleuves Yarmouk et Zerqa, naissant respectivement en Syrie et en Jordanie. LeYarmoukcontribueàhauteurde500Mm3audébitduJourdain.Surunelongueurtotalede57 kilomètres, 47 coulent en territoire syrien. Les éléments essentiels du dossier trouventleur sourced’unepartdans l’accord franco-britanniquede1923,quidélimita la frontièreentrelaSyrieetlaPalestinemandatairesenfonctiondelaquestionhydraulique,d’autrepartdanslerégimed’armisticede1949-1967.Signés à la suite de la Guerre de 1948, les accords de 1949 établissent des lignes dedémarcationprovisoires,quiconsacrentlespositionsacquisesaumomentdelatrêveparlesforcesopposéesisraéliennesetarabes(syriennes,libanaises,jordaniennesetégyptiennes)24.Lorsdeslonguesnégociationsquiprécèdentlasignatureducessez-le-feu,lemédiateurdesNations unies, Ralph Bunche, écrit une lettre aux deux parties –jointe aux documentsofficielsd’armistice–enexcluantspécifiquementlasouverainetéisraéliennesurlesrégionsquiferaientpartiedesfuturesconventionsbilatérales25.LaSyrieaccepte,alors,deseretirerdes 32 km2 de Palestine qu’elle occupait afin qu’une zone démilitarisée y soit établie(commeledemandaientlesIsraéliens),àlaconditionqu’ellesoitsousl’autoritédel’Onu.L’armisticeest signé le20 juillet1949.Une zone démilitariséedemoinsde100 km2 estétablieentroisparties,quivontdesabordsduBanyasàlarégionduhautdulacHoulaausuddulacdeTibériade(voirlacarteprésentéeenannexe).Laguerred’usureentrelesdeuxacteurs,avecdesconfrontationsarméesrécurrentesetdesplaintes répétéespourviolationauprèsdel’OrganedesupervisiondesNationsunies(OCST),porterajusqu’en1967surtroisenjeux, annonciateurs des termes de la future négociation: les tensions dans la zone

2265milliardsdedollarsentre1948et1996.Jones,2002:117.

23SelonIsaac,cedébitseraitde1850Mm3,sanslespratiquesd’irrigation.Etseuls3%dubassinduJourdainsetrouventàl’intérieurdesfrontièrespré-1967.Isaac,2000.

24Conventionsd’armisticegénéralinNationsunies,1949:287,327.

25Hof,1999:26.

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démilitarisée;lestravauxdedrainagedulacHouladès1951etledétournementdès1953,par Israël, des eaux du Jourdain depuis la rive occidentale du lac de Tibériade, pouralimenter le grand canal construit vers le désert du Néguev. Ces activités, entreprises aucœurdelazonedémilitarisée,visaientàimposerlasouverainetéd’Israël26,encontradictiondes conventions conclues et interdisant les transferts d’eau hors du bassin27. Pour lesSyriens, ces violations récurrentes représentaient autant d’étapes d’un projet plus globald’annexionde lazonedémilitarisée.Dès1964,descanauxdedéviationdesaffluentsduJourdainsontconstruitsparlaSyrieetleLiban.Entre1964et1966,cesinfrastructuressontentièrementdétruitespardesbombardementsisraéliens28.En 1967, l’occupation israélienne de 70% de la surface du Golan et de la partiesupérieure du mont Hermon (2 224 mètres), coupera la Syrie de l’un des principauxaffluentsdu Jourdain,leBanyas.Israëlrenversesasituationderiveraindépendantenaval,sanouvelleconquêteterritorialeluipermettantdecontrôlertouteslessourcesduJourdain.Untiersdelaconsommationnationaleserait,depuis,assuréeparlesressourcesduplateausyrien. Près de 650 Mm3 des eaux du Jourdain (environ 50%) sont utilisés par Israël et350Mm3 par la Jordanie. Sur la part extraite par Israël, près de 62% va à l’agriculture,secteurlargementsubventionné,quinecontribuaitqu’àhauteurde2,4%auPNBdupaysen199329.LaSyrieexploitepoursapartprèsde250Mm3deseauxduYarmouk.Oncomprend,danscesconditions,l’importancequeprendraaucoursdesnégociationslaquestiondelafrontière:leretraitéventuelduGolandoit-ilsefairejusqu’àlalignedu4juin1967 ou seulement jusqu’à la frontière internationale de 1923? La Syrie revendique unretraitsurlalignedu4juin1967enlieuetplacedelalignedu9juinquicorrespondaudébut de l’invasion israélienne du Golan, en se fondant sur son interprétation de larésolution242quisouligne«l’inadmissibilitédel’acquisitiondeterritoireparlaguerre»etdemande le «retrait des forces armées israéliennes des Territoires occupés lors du récentconflit»30.Hofladécritcommelalignedu«statuquo»,quisignifieraitauxyeuxdesSyriensaussibienleretourdansleurgirondelavillesymboliqued’al-Hammaquel’accèsàl’eau31,puisqu'ils détenaient à la veille du déclenchement du conflit la rive Nord-Est du lac deTibériade.Pourd’autres,cetterevendicationd’unelignevirtuelle,quin’apparaîtsuraucunecarte, ferait l’impasse sur les territoires conquis par Israël dans la zone démilitarisée, en

26L’ambassadeurAbbaEbanintervintauprèsduConseildesécurité,enaffirmantlesdroitsd’Israëlsurlazonedémilitarisée dont la création «ne portait aucunement atteinte aux questions de souveraineté». Conseil desécurité,542eséance,25avril1951:9.

27LerapportdumajorgénéralRiley,chefd’état-majordel’OCST,établitqu’aucunepartienepeutprétendreêtresouverainedanslazonedémilitarisée,etqu’il«n’existeaucuneloipermettantl’expropriationàl’intérieurdelazonedémilitarisée»,enpréconisantl’arrêtdestravauxisraéliens.Conseildesécurité,S/2049,21mars1951:17&20.

28Neff,1994:36-37.

29Dombowsky,1998:94-96.

30LeMondeDiplomatique,«Proche-Orient,laDéchirure-lestextesfondamentaux».

31Hof,1997;Hof,1999:21.

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violationdesaccordsd’armistice32.C’estpourquoicertainsconsidèrentlalignedu20juillet1949 comme la seule «frontière» sur laquelle Israël et la Syrie se sont jamais entendus,outreleslignesdecessez-le-feude1967et1973,etpréconisentunenégociationsurcettebase33.CettenouvellerevendicationpermettraitunaccèssyrienaulacdeTibériade,ducôtéSud-EstplutôtqueNord-Est.Lescritiquesisraéliennesdelalignedu4 juin1967relèventquelaprésencede troupessyriennes dans cette zone s’était aussi faite par l’acquisition de territoires par la force, de1948 à la signature des accords d’armistice de 1949, contredisant ainsi l’esprit de larésolution242.Defait,l’insistancedelapartieisraéliennesurlafrontièreinternationalede1923estnotammentmotivéepar lavolontédeconserver les sourcesdu Jourdain sous sasouveraineté. Car entre les lignes de 1923 et 1967 s’étend une petite bande, d’à peine20km2,maisquidéterminel’accèsaulacdeTibériadeetàlahautevalléeduJourdain.LesaccordsSykes-Picotdu9mars1916avaiententérinélecontrôledelaFrancesurlaSyrieetle Liban et celui de la Grande-Bretagne sur la Palestine et le sud de l’Irak. De longuestractations avaient alors suivi entre les deux puissances mandataires, notamment sousl’influencedel’Organisationsionistemondialequiœuvraitpourl’établissementd’unfoyerjuifviable,c’est-à-diredotéderessourceshydrauliques,enPalestine34.Enconséquence,lesautoritésmandatairesbritanniquesrenégocièrentcertainesclausesdesaccordsSykes-Picot,en phase avec le plan sioniste soumis à la conférence de la paix de Paris, en 1919. IlsplacèrentdélibérémentlafrontièredelaSyriesousmandatàdixmètresdesrivesorientalesdulacdeTibériade,autermed’unlongprocessusdenégociationaveclaFrance.En1922,unenouvellefrontièreétaitdessinée,la ligne«Paulet-Newcombe»–dunomdesofficiersfrançais et anglais qui signèrent l’accord de tracé. Cette nouvelle «frontière» inclutl’embouchuredu fleuveYarmouk, le JourdainaunorddeTibériade, les lacsdeHoulaetTibériadedansle territoiredelaPalestine35.Cetaccordseraratifié,en1923,parleshautscommissairesdePalestineetdeSyrie.Untraitédebonvoisinage,signéen1926,affirmeralesdroitsduriverainsyriensur le Jourdain.Etabliepar lesautoritésmandataires françaisesavantl’indépendancedupaysen1946,cettefrontièren’estpasreconnueparDamas.La question de la frontière avec la Syrie sera même envisagée par certains stratègesisraéliens sous l’angle de la «sécurité hydraulique», c’est-à-dire le contrôle complet detouteslessourcesd’eauaccessiblesàIsraëldepuisleGolan,qu’ellessoientsouterrainesoudesurface.Lesexpertsestimentleurdébità330Mm3/an36.Entrepriseen1991parleJaffeeCenter for StrategicStudiesde l’universitédeTel-Aviv, sous ladirectiond’unancienchefdes services de renseignement israéliens, le général Aaron Yariv, une étude trace lescontoursd’une«zonedesécuritéhydraulique»quiengloberait,souscontrôleisraélien,les

32VoirAbuSitta,2000:23.

33Voir,parexemple,Mallat,2000.

34Pourledétail,voirAmery,1997:19-20.

35AbuSitta,2000:21.ParisvoulaitprotégerlatotalitédubassinduLitani,auLibansousmandatfrançais.

36Soit120Mm3depuisleBanyas(Syrie),30-40Mm3depuisleswadisduGolanversleJourdain,150Mm3duHasbani(Liban).Shuval,2000:615.

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ressources en eau d’importance pour le pays, et ce en territoire syrien et libanais. ElleincluraitlesaffluentsduJourdain–leBanyas,leHasbani,lessourcesd’al-Hamma,leswadisdu Golan – ainsi qu’une bande de territoire le long du Jourdain et du lac de Tibériade.Gardéesecrète,lacarteserarévéléeparlechroniqueurmilitaireduquotidienHaaretz,ZeevSchiff,en199337.C’estsurlabasedecesenjeuxqueserontdéfinieslespositionsdechaqueacteurdanslanégociation.PositionsdenégociationFortedelalibérationduKoweït,l’administrationdeGeorgeBushpèredécidedeparrainerunprocessusderésolutionduconflitisraélo-arabeparlanégociationdirected’unrèglementdepaixentrelesdifférentsacteurs,ainsiquedespourparlersmultilatérauxsurlesquestionsd’intérêt régional.LaconférencedeMadridsur leProche-Orientcommence le30octobre1991, sous le parrainage des Etats-Unis et de l’Union soviétique. Après de nombreusesnavettesdusecrétaired’Etataméricain,JamesBaker,etdeslettresdegarantiedonnéesparlesEtats-Unis.LaSyriedemandaitque laconférencese tiennesous l’égidedesNationsunies;YitzhakShamir,lePremierministreisraélien,s’yopposaitcatégoriquement.Afind’encouragerIsraël,une formuledecompromisest finalementprésentéepar le co-parrainaméricain.Dans salettre de garanties, adressée le 14 octobre 1991 à la Syrie, le président Bush appelle au«règlementglobal,justeetdurableduconflitarabo-israéliensurlabasedesrésolutions242et338duConseilde sécurité », et assureque tout «accord serait enregistré au secrétariatdes Nations unies»38. Quant à la question des frontières, les Etats-Unis s’engagentformellement, en réitérant les propositions déjà faites en mai, à «offrir une garantiesécuritairedelafrontièresurlaquelleIsraëletlaSyriesemettrontd’accord».DanslalettreadresséeàHafezAl-Assadau lendemaindesonacceptationdeparticiperà laconférencemultilatérale, le président Bush se «réjouit de l’accord de la Syrie» et s’engage à«encouragerIsraëlàsecomporterdefaçonexemplaire»39.Fortedesassurancesoffertesparlapremièrepuissancemondiale,laSyrieprendleparidelapaix.Ainsi fondées sur la référence aux décisions du Conseil de sécurité sur l’occupationisraélienne de laCisjordanie, deGaza et duGolan –la résolution 242 du 22 novembre1967,adoptéeàl’issuedelaguerredesSixJours,etlarésolution338du22octobre1973adoptéeàl’issuedelaguerreduRamadan/Kippour–,lesdiscussionss’inscriventdeprimeaborddanslecadredudroitinternational.Leprotagonistesyrienseréfèreratoutaulongduprocessus à cette légalité internationale, en se réclamant d’un «règlement global, juste et

37Ibid.;Schiff,1993.

38 Lettre de garanties du président George Bush à la Syrie du 14 octobre 1991, ministère des Affairesétrangères,Damas.

39LettreduPrésidentBushauPrésidentHafezAl-Assaddu26octobre1991,MAE,Damas.

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équitable».Enoutre,laquestiondelarécupérationduGolansembleindissociable,pourlaSyrie,dela légitimité de la cause palestinienne et de la restitution des Territoires occupés. Aussirefusera-t-elledediscuterdesquestionsdefondlorsdessessionsbilatéralesavantqu’Israëlne reconnaisse formellement la nécessité de rendre l’intégralité du Golan. Son refus departiciperauxnégociationsmultilatéralesseraaussimotivéparlanécessitédeparvenir,aupréalable,àunaccordsurlesquestionsstratégiquesetsécuritaires.Autotal,lapositiondenégociationdelaSyrie,s’articuleautourdesprincipessuivants:–l’indivisibilitédelapaixentreIsraëletsesvoisinsarabes;–la paix syro-israélienne doit être négociée à partir de l’engagement ferme d’Israëld’évacuercomplètementleGolanjusqu’àlalignedu4juin1967;–unconceptdepaixégale,mutuelleetréciproqueentreIsraëletlaSyriesurlabasedelasymétriegéographiqueetdelalégitimitéinternationale;–l’asymétrieterritorialepourrafondercertainsdesarrangementssécuritairesafindetenircomptedespréoccupationsisraéliennes;–en échange d’un retrait complet du Golan, des relations politiques et économiquesnormalesetcomplètespourronts’établirentrelesdeuxpays.PourlaSyrie,leprocessusdepaixreprésenteàl’évidenceunealternativeàlaguerrepourlarécupérationdetouslesterritoiresarabesconquisparIsraëlen1967.Leprocessuscommencecependantsousdemauvaisaugures.Lescinqsessionsbilatéralesquis’engagententre lesdeuxpaysentre laconférencedeMadrid, enoctobre1991,et leprintemps 1992 se déroulent dans un profond climat de méfiance et d’accusationsmutuelles40.Lesdiscussionsentrel’ambassadeursyrienàWashington,MouaffakAl-Allaf,etlenégociateurenchef israélien,YossiBen-Aharon,n’aboutissentàaucunrésultatconcret.Cedernierrévèleradansunepublicationultérieuresonrejetdel’offresyrienned’«échangedelaterrecontrelapaix»,enraisondeson«manquedesymétrie»:àsesyeux,«lapaixestfluide, malléable et réversible, tandis que le territoire est concret et irréversible»41. Leconseillerjuridiquedeladélégationsyrienne,RiadDaoudi,quiparticiperaàlaplupartdesréunions de la décennie, rapporte pour sa part que les discussions se résumaient à laconfrontation des interprétations respectives de la résolution 24242. Yitzhak Shamir, alorsPremierministreetdéfenseurdu«GrandIsraël»,avoueraplustardquesaparticipationàlaconférencedeMadridavaitpour seulbutd’amadouer l’allié américain, rassurépar le faitque l’ONUn’était pas partie prenante et convaincu que ce serait la seule réunion de cetype43.

40Laséanced’ouverturedelaconférencedeMadriddu31octobre1991,destinéeàlancerleface-à-face,serajalonnée par les multiples accusations d’Yitzhak Shamir, notamment à l’encontre des politiques arabes de«combatcontreIsraëlparleboycot,leblocus,leterrorismeetparuneguerretotale»etlaréponseduministresyrien des Affaires étrangères, Farouk Al-Chareh, brandissant la photo dudit ministre israélien, lorsqu’il étaitrecherché par les autorités britanniques pour terrorisme en Palestine, au lendemain de la Deuxième Guerremondiale.

41Ben-Aharon,2000.

42Entretienavecl’auteur,12mai2005.

43Ross,2004:72.

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BLOCAGESETDENOUEMENTSAUCŒURDUPROCESSUS:LETOURNANTDESANNEESRABIN(1992-1995)Aprèsl’électiond’YitzhakRabin,perçucommeleseuldirigeantsusceptibledeconvaincresonopinionpublique,aupostedePremierministre,lediscoursisraélienchangeetmarqueuneruptureaprèsquinzeansderègneduLikoud.PourlaSyrie,cettealternanceconstituerauntournantmajeur.Rossévoqued’ailleursle«grandrespect»portéparRabinàHafezAl-Assad qu’il considère comme un dirigeant «dur mais fidèle à sa parole», se référantnotammentauscrupuleuxrespectparlaSyriedesmodalitésdel’accorddedésengagementdu31mai197444.LedéblocageLe26octobre1992,RabinfaitundiscoursdevantlaKnessetquiattesteclairementdesavolontédefairelapaixaveclaSyrie.Ilyrévèlesalignedenégociation:laSyriedoitêtre«prêteàsignerunepaixtotaleavecIsraël»;leretraitseferait«surleplateauduGolanetnon du plateau du Golan»; ce traité ne doit pas «dépendre du développement desnégociationsdepaixavec les autresdélégationsarabes»45. La lettred’assurancedesEtats-Unisdu14octobre1991faisaitdéjàréférenceàcettestratégiedeséparation,déclarant«nepassoutenirl’emboîtemententrelesdifférentesnégociations»46.Rabinnommeàlatêtedel’équipe de négociateurs l’ambassadeur Itamar Rabinovich, un universitaire de renom,spécialiste de l’histoire et de la politique syrienne. Dans son livre, celui-ci note que lesdéclarationsunilatéralessontinterprétées,ducôtéisraélien,commeautantdesignespositifsenfaveurdelapaix.Cefutassurémentlecasaussipourlapartiesyrienne,quireçoitavecintérêtcenouveaupositionnementd’Israël.Rabinovich relate l’impressionque laissaàRabin lavisitedu secrétaired’Etat américainJamesBakeràlasuitedesesréunionsàDamasles21-22juillet1992,etsaconvictionquele président Al-Assad était prêt à conclure la paix avec Israël47. Au sixième round desnégociations,RabinovichfaitainsiunedéclarationquiromptaveclaformulemarteléeparShamirde«lapaixpourlapaix»:«Israëlacceptelarésolution242danssonintégralitéen 44Ross,2004:90.AlasuitedelaguerreduRamadan/Kippourd’octobre1973,unaccorddedésengagementavait été signé entre la Syrie et Israël, sous l’égide du secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger. Aprèsl’établissementd’unezonedémilitariséesouslecontrôledel’UNDOF,lavillesyriennedeKuneitraestévacuéepar les forces israéliennes,qui entreprennentde l’anéantir avant sa restitution.Restéeen l’état, cette ville est,depuislors,brandieparlegouvernementsyriencommeunsymboleéloquentdel’occupationisraélienne.

45Seale,1992:791.

46LettredegarantiesduprésidentGeorgeBushàlaSyriedu14octobre1991,MAE,Damas.

47Rabinovich,1998:54.

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tantquebasedesdiscussionsdepaixactuelles, ainsiquedesdiscussionsdepaixavec laSyrie»48.End’autrestermes,Israëlreconnaîtquecesrésolutionss’appliquentaussiauGolanet admet pour la première fois la dimension territoriale du conflit. Les discussionsreprennentàl’été1992,jusqu’àlafindel’année.LaSyrieappliqueune triplestratégiederevendication,à la foishorizontaleetverticale:en s’appuyant sur la légalité internationale, en insistant sur un retrait complet et eninscrivant lesnégociationsbilatéralesdans leprocessusplus largederèglementduconflitisraélo-arabe. Ainsi, la Syrie présente un document qui repose sur son interprétation desrésolutions242et338,enétablissantunagendadesnégociationsàvenirautourdequatrethèmes : le retrait, les arrangements sécuritaires, les relations pacifiques normales et lecalendrier d’exécution49. Le principe en est l’échange du «territoire contre la paix». Leretrait completduGolanpar Israël yest exigé, sur labasedupréambulede la résolution24250.CedocumentfaitaussiréférenceauxdroitsnationauxdesPalestiniensetaudroitauretourdesréfugiés:laSyriemaintientdelasorteunliendirectaveclesautresnégociationsencours.Enéchangede l’engagement israélien, il seramis finà l’étatdeguerreentre lesdeux pays; la paix et la sécurité pourront être réalisées et des zones démilitarisées etd’armementsréduitspourrontêtreétablies,àconditionqu’elleslesoientdesdeuxcôtésetsurun«piedégal».CetagendaserviraàétablirlecadredesprochainesnégociationsaveclegouvernementdeRabin,souslaformuledes«quatrepiliersdelatable»desnégociations:lesarrangementssécuritaires,lanormalisation,lesfrontièresetlesétapesduretrait–autantdedossiers interconnectés sur lesquels il faudraprogresserenparallèle. Selon leprincipalnégociateur juridique syrien, Riad Daoudi, ce projet de Déclaration de principes seraabandonnéplustard,afind’éviterdelonguesdiscussionssurlaclarificationréciproquedestermesdelanégociation51.Cette phase est entravée par la campagne électorale américaine et les discussions sontreportéesauprintemps1993:leprocessusestrelancé,aprèsl’électiondeBillClinton,parune visite secrète à Damas d’Edward Deredjian, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis enSyrie52, enavril1993. Il estporteurd’une lettreduprésident américainà sonhomologuesyrien, en faveurd’une reprisedesnégociations. LeprésidentAl-Assad répondqu’il yestdisposé. Et Bill Clinton met en place une nouvelle équipe dirigée par le secrétaire d’EtatWarren Christopher, qui maintient Dennis Ross dans sa fonction de coordinateur spécialpour le Moyen-Orient. Le neuvième round des négociations se tient en avril 1993 et lenégociateursyrien,MouaffakAl-Allaf,reprendlaformuleprésentéeennovembre1992parleministresyriendesAffairesétrangères,«unretraittotalpourunepaixtotale»,enréponse 48Ibid.:54,57.

49 Il sera fait référence à ce premier document soumis par la partie syrienne en tant que «déclarationpréliminairedeprincipespourunrèglement».Cobban,1999:46.

50SelonleDr.RiadDaoudi,entretienavecl’auteur,12mai2005.

51Ibid.

52 Initiateur du rapprochement entre la Syrie et les Etats-Unis, de 1987 à 1990, avant d’être en charge duprocessusdepaixauseindel’administrationdeBushpère.Ilserait,aujourd’hui,conseillerofficieuxauprèsdelasecrétaired’Etataméricaine,CondoleezzaRice.

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à la formule de Rabin selon laquelle «la profondeur du retrait sera déterminée par laprofondeurdelapaix».Ledixièmeroundsetientenjuinetdureprèsdetroissemaines.Lapartie syrienne y insiste sur la notion d’engagement préalable d’évacuation complète duGolan par Israël, le retrait ayant déjà été évoqué lors des sessions de 1992 et lié à laquestion des frontières. En échange, Rabinovich met sur table la question de lanormalisationdesrelationsbilatérales53.Dèsjuin1993,lesnavettesdeWarrenChristopheret/ouDennisRossetMartinIndyk,lesenvoyésspéciauxduprésidentClinton,semultipliententrelesdeuxpays.Enjuillet1993,leprésident Al-Assad offre sa formule de négociation, «une paix complète pour un retraitcomplet». C’est alors qu’est évoqué le fameux «dépôt de Rabin», la promesse déposéedans la poche des Américains par le Premier ministre israélien54 de se retirer du Golanjusqu’àlalignedu4juin1967enéchanged’unenormalisationcomplète.Cettequestionestaucœurdelanégociationetferacoulerbeaucoupd’encre.Territoireetfrontièredelapaix:le«dépôt»deRabinTouchantàlaquestioncrucialedutracédelafrontièreentrelesdeuxpays,cette«clausesecrète»deretraittotalduGolanconstitueeneffetunjalonessentieldelanégociation.Lalecture des mémoires de Ross permet d’en préciser les circonstances. Ce dernier avaitrencontré Rabin le 3 août 1993 en Israël, lors d’une réunion privée en compagnie deChristopher et Rabinovich. Le Premier ministre israélien les informe alors de sonengagement auprès des Etats-Unis de se retirer complètement du Golan, si les «besoinsd’IsraëlsontsatisfaitsetàlaconditionquecetaccordaveclaSyrienedépendepasd’autresaccords,telsqu’unaccordentrelesPalestiniensetIsraël»55.Lesbesoinsisraélienssontalorsspécifiés en termes de normalisation complète, avec relations diplomatiques et échanged’ambassadeursdèslapremièrephaseduretrait,quis’étaleraitsurcinqans.Demême,desgaranties sécuritaires seraient prises, comme lemaintien de stations d’alerte sur leGolansouslecontrôledesEtats-Unisetlasauvegardedesressourceshydrauliquesd’Israël.Rabininsistealorssurlaconfidentialitédecettepropositionqu’ilnieraitencasdefuite.Lorsde la réuniondu4août1993àDamas entre leprésidentHafezAl-Assad,DennisRossetWarrenChristopher,cedernierfaitétatdesonentrevuedelaveilleettransmettroisquestionsauprésidentsyrien:–«Etes-vousprêtàconclureunaccorddepaixavecIsraëlquinesoitpasconditionnéparlasignatureoulesrésultatsobtenusaveclesautrespartiesàlanégociation?Etes-vousprêtàallerdel’avantsansattendrelesPalestiniensoulesJordaniensoulesLibanais?–Si nous supposons que vos demandes sont satisfaites dans leur intégralité en rapport

53Rabinovich,1998:76.

54D’oùlaterminologieanglaisede«Rabindeposit»ou«thepocket».

55Ross,2004:111.

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avecunretraitcomplet,seriez-vousdisposéàabordertouteslesdimensionsdelapaix,soitlanormalisation,l’ouverturedesfrontières,lecommerceetlesrelationsdiplomatiques?–Etes-vousprêtàuneexécutionparétapes?Cetteapplicationéchelonneraitlesdifférentsélémentsdelapaixaprèsunepremièrephasederetrait?»56.EtChristopherdeconfierqueRabinestdésireuxde«préciserson intentiondeseretirercomplètement,bienentendusurlabased’arrangementssécuritairesappropriés,garantisparlesEtats-Unis (...)». Il souligne,demême, l’«inquiétude»deRabinencequiconcerne lepremier point, ne voulant pas, par rapport à son opinion publique, que les «Palestiniensaient un droit de veto sur la signature ou non d’un accord entre la Syrie et Israël». Onretrouve ici la stratégie de séparation des négociations déjà affichée par Rabin dans sondiscours de 1992 à la Knesset;à cette différence près que le Premier ministre israélienévoquedésormaisunretraitcomplet.Iln’enpréciseenrevanchenilaprofondeurexacteniles étapes, tout en demandant l’ouverture immédiate de relations diplomatiques etl’applicationd’arrangementssécuritaires.LeprésidentAl-Assadexigedoncuneclarificationsur le tracé de la frontière.Christopher est incapable de la lui apporter, mais s’engage àpréciserlateneurdel’engagementauprèsdeRabin.Celaétant,leprésidentsyrienconsidèrecettepropositioncomme«sérieuse»etqualifielemessage de «très important», préférant néanmoins le terme de «relations pacifiquesnormales» à celui de normalisation57. La négociation avance sur «le bon chemin»,déclare-t-il, sefélicitant«qu’ilyaitdésormaisunemêmecompréhensionduprinciped’unretraitcompletenéchanged’unepaixcomplète».Concernant les autres négociations,HafezAl-Assad souhaite queRabin parvienne à unaccordminimalaveclesPalestiniens,toutenconditionnantl’accordentreIsraëletlaSyrieàunrèglementsimultanéavecleLiban.Ilaffirme,enoutre,qu’ilestdansl’intérêtdesdeuxparties de parvenir à des arrangements sécuritaires satisfaisants. Et pose la question ducalendrierduretraitendemandantàRosslaraisondudélaidecinqansdemandéparRabin,alors que les Israéliens s’étaient retirés de la zone deKuneitra en 22 jours seulement en1974. Le président Al-Assad souligne également l’importance de l’eau pour les deuxparties58.Tournantmajeur de la négociation, ce «dépôt deRabin» a-t-il été formulé dans le butd’accélérer les différentes négociations bilatérales? La question se pose en raison ducontextedanslequelintervientcetteavancée:aumomentoùlesnégociationsentreIsraëletles Palestiniens franchissent un pas décisif, avec l’aboutissement des pourparlers secretsd'OsloetlasignaturesolennelleparYasserArafatetYitzhakRabin,le13septembre1993àWashington,d’uneDéclarationdeprincipessurdesarrangementsintérimairesd'autonomie.Rabindéclarealorsauxmédiateursaméricainsqu’ilfaudralaisserdu«tempsàl’opinion

56 Réunion du 4 août 1993 entre M. Warren Christopher et feu le Président Al-Assad en présence deM.DennisRoss,MAE,Damas.

57Ilfautrappelerquelerejetdetouteformede«normalisation»(tatbi’)avecIsraëlalongtempsreprésentélechevaldebatailledesnationalistesarabesdansladéfensedesdroitsdelapopulationpalestinienne.Letermeagardéuneconnotationnégativepourlepublicarabe.

58Ross,2004:112.

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publique israélienne pour digérer cet accord»59 et les contacts sont ralentis pendantquelquesmois.Ilapparaîtenfaitquelastratégieisraélienneconsistealorsàjouerlacartedelaconcurrenceentrelesdifférentesnégociations.Aprèsl’option«Syried’abord»,IsraëlfaitmiroiterauxPalestinienslapossibilitédeparveniràunaccordavantelle,pourlesinciteràaccélérer les concessions60. Selon Rabinovich, Rabin continuait de douter de la volontéd’HafezAl-Assaddeparveniràunaccordau-delàdel’obtentiond’unengagementfermedelapartd’IsraëlsurleretraitduGolan61.Pourlapartiesyrienne,ils’agitd’unreversportéàsastratégie d’imbrication régionale qui permettait à ses yeux de renforcer la position denégociation de chacun des protagonistes arabes. Le pays reconsidère le principed’indivisibilitéd’unrégimedepaixànégocierentreun frontarabeuniet Israël.Danssonentretiende1997,lenégociateurenchefsyrien,Walidal-Moallem,insisterad’ailleurssurlefaitquelechoixd’unestratégiedepaixséparéefutlefaitdesPalestiniensetdesJordaniens,qui ont abandonné la Syrie, et non l’inverse62. Les négociateurs syriens se concentrerontdonc sur les intérêts et les enjeux propres au pays. La conception d’une paix globalecomprendradésormaisuniquementlarécupérationduGolan.HafezAl-Assaddécidederépondrepositivementàlapropositiond’uneréunionentrelesprésidences américaine et syrienne. Soucieux de préserver la vitalité du processus, BillClintonentreprendeneffetd’organiserunsommetavecleprésidentAl-Assadle16janvier1994àGenève.CedernierclôtlarencontreendéclarantpubliquementquelaSyrieafaitde la paix «un choix stratégique» et qu’elle est prête à développer des relationsdiplomatiquesnormalesavecIsraëlenéchangeduretraitcomplet.C’estunbouleversementhistorique: il est désormais clair que la question du retour de la terre, si importante auxyeuxdeHafezAl-Assad,nepourraêtre résoluequepar lapaix, etnonpar laguerre. Leprésident syrienaccepte, enoutre,unétalementdu retrait sur seizemois, au lieudes sixpuisdouzemoisjusqu’alorsproposés.Ducôtéisraélien,lesenshistoriquedu«dépôtdeRabin»estmatièreàdébat,commeentémoignent les récits postérieurs des témoins ou acteurs directs de la négociation.Rabinovichadmetquelalignedu4juin1967estrégulièrementrevendiquéeparlaSyrie,mais il décrit l’engagement deRabin commeune «approche hypothétique»63.Uri Sagie,qui défendra à l’intérieur de l’establishment israélien la nécessité d’un règlement avec laSyrie, évoque la colère de Rabin lorsqueChristopher lui apprend que la promesse a ététransmiseauprésidentAl-Assad:lePremierministreluirétorquequecetengagementavaitété pris auprès des Américains, qui l’avaient transmis sans son autorisation64. Helena

59Ibid.

60Ross évoquecettemiseenconcurrence des deuxnégociationsparRabin, tout en faisant allusionà unestratégiesimilairedelapartdeBarak,desortequelesPalestiniensfinirontpardésignerlesdiscussionsaveclaSyriecomme«l’autrefemme».Ibid.:99,573.

61Rabinovitch,1998:143.

62Al-Moallem,1997:16-26.

63Rabinovich,1998:105,142.Ilévoqueaussides«concessionsverbalesponctuelles»(p.239).

64Anciendirecteurdesrenseignementsmilitairesisraéliens,octobre1999.

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Cobban écrit pour sa part que les officiels américains admettent avoir noté le termed’«engagement»lorsdesrésumésdessessionsdenégociation65.LejournalistebritanniquePatrick Seale se fonde sur l’incident entre Rabin etChristopher, ainsi que sur l’insistanceconstantedeRabin sur la confidentialité,pourconclureà lamanipulationdeChristopherparunRabinfortrusé,quin’auraitselonluipasréellementlavolontédeparveniràunepaixcomplète avec la Syrie66. Le témoignage de Rabinovich abonde également dans ce senslorsqu’il écrit que Rabin, conscient de la nécessité à long terme d’un règlement avec laSyrie,n’étaitpas«pressé»,aulendemaind’Oslo,delapaixavecla Jordanieetdanscetteatmosphère de «normalisation» relative avec le monde arabe67. Seale considère, plusprécisément,quel’objectifdeRabinétaitdeneutraliserlaSyrieletempsdeconclureaveclesPalestiniens.Sursademande,ClintonauraitdemandéetobtenuqueWalidAl-Moallemassisteàlacérémoniedesignaturedu13septembre1993,afindemontrerlesoutiendesonpays.Dans son livre,Uri Savir,qui remplacera ItamarRabinovichcommenégociateurenchefisraélienlorsdesnégociationsdeWyeRiver,en1995-96,qualifiecettepropositionderetraitcompletd’«accordverbalambigu»68.Rossopteégalementpourcetteinterprétation,enfaisantdu«dépôt»un«engagementconditionnelparRabindeseretirer»dontlesEtats-Unis étaient «détenteurs passifs»69. Il est intéressant de relever qu’il cite toutefois leconseillerjuridiquedeladélégationisraélienneàWyeRiver,JoelSinger,qualifiantledépôtde «grande erreur». L’existence de la promesse ne sera donc jamais contestée, mais sonambiguïtépermettrasuccessivementàBenjaminNetanyahuetEhoudBarakderemettreencausesoncontenu.Pourl’heure,ellepermetl’avancéedesnégociations.EnvisiteàDamasle19juillet1994,WarrenChristopheraffirmeêtre«parvenuàobteniruneclarification»delanotionde«retraitcomplet»demandéeparHafezAl-Assad:puisqueleprésident syrienestprêt «à allerde l’avant», il est «heureuxde luidirequ’il est venuavecuneréponseduPremierministreRabinquiluiademandédetransmettreauprésidentsyrien que le retrait complet consiste en un retrait jusqu’à la ligne du 4 juin 1967»70. EtChristopher de préciser que «cet engagement (...) ne peut être utilisé à moins que vousn’offriez en échange des clarifications de votre côté. Il ne s’agit pas de quelque chosed’opaquemaisaucunequestionn’estfinaliséetantquetoutn’estpasrésolu».Enréponse, laSyrie formalisesespositionssur le règlementd’unepaixavec Israëlde lamanièresuivante71:1.LeretraitparIsraëldesterressyriennesdoitsefairejusqu’àlalignedu4juin1967,avecle démantèlement de toutes les colonies israéliennes. Ce retrait se fera en deux phases,

65Cobban,1999:73-74.

66Entrevueavecl’auteur,19mai2005.

67Rabinovich,1998:239.

68Savir,1998:107.

69Ross,2004:514,418,524.

70Réuniondu19juillet1994entreM.WarrenChristopheretfeulePrésidentAl-Assad,MAE,Damas.

71Ibid.

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pendantunepériodemaximaled’unan.Lapremièredébuteradèslasignaturedel’accorddepaixfinaletseterminerasixmoisplustard.Durantcettepremièrepériode,laSyriepromet:–lafindel’étatdebelligéranceentrelaSyrieetIsraël;–lareconnaissanceparlesdeuxpartiesdelasouverainetéetdel’intégritédel’autre;–lalevéedepartiesdel’embargoéconomique;–laparticipationauxnégociationsmultilatérales.Aprèsleretraitcomplet,laSyries’engageà:–mettrefinauboycottéconomiqued’Israël;–engagerdesrelationsdiplomatiquesavecIsraëlsurlabased’unéchangedelettres,dèsquel’objectifdepaixglobaleseraatteint;–autoriser lemouvementdespersonnes etdes groupes touristiquesenaccordavec lesloisenvigueurdanschaquepaysetentenantcomptedel’ordrepublicetdelasécurité.2.Ladiplomatiepublique:chaquepartiemettraenœuvreladiplomatiepubliquequ’ellejugeraappropriéeafind’encouragerleprocessusdepaix,ets’adresseraàl’opinionpubliqueen ce sens. Elle développera cette diplomatie publique parallèlement à l’évolution duprocessusdepaix,defaçonàservirsesobjectifspourl’établissementd’unevéritablepaix,globaleetjuste.Formellement présentés par le président syrien au secrétaire d’Etat américain WarrenChristopher, en juillet1994, cespositions résument les revendicationsde laSyrie tout aulong du processus. Toutes les modalités de la paix seront négociables, excepté lasouverainetésyriennesurleplateauetlesressourcesduGolan.

Lespointsd’achoppementsécuritaires

Deux sujets de litige ralentissent la progression des discussionssur les questions desécurité : la volonté d’Israël de conserver sa station de pré-alerte installée sur le montHermon depuis 1967;et l’identification des «zones pertinentes» pour l’application desaccordsdedémilitarisation etde réductiondesarmements. L’undespointsdedésaccordporte sur la taille des forces armées de part et d’autre, la délégation syrienne étantparticulièrementsensibleàlaproximitédelalignedu4juin1967delacapitale.Après avoir assisté à la signature du traité de paix séparé entre Israël et la Jordanie, leprésident Clinton rend visite au président Al-Assad, à Damas, le 27 octobre 1994. Cedernierentreprendde luipréciser savisiondesarrangements sécuritaires, sur labasedesdemandes présentées à Christopher en juillet 1994. Selon le négociateur en chef syrien,WalidAl-Moallem,ledocumentpréliminairedesdiscussionsd’ordresécuritaire–surlequelseconstruiralerapportsurles«Objectifsetlesprincipesdesarrangementssécuritaires»demai1995–avaitétéélaboré,aupréalable,lorsdesessionscommunesavecDennisRosset

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MartinIndyk,àWashington72.Car le présidentAl-Assad s’inquiète de l’interprétation faite par Israël des arrangementssécuritaires,notammentà la suitedespropositions deRabindediviser laSyrieenquatrezones géographiques: une zone démilitarisée, une zone de force limitée, une troisièmezone avec seulement trois divisions et une force aérienne, enfin une zone sans limited’armements73.LesIsraéliensproposerontmêmequelazonedémilitarisées'étendejusqu’àDamas. Cette proposition est fermement rejetée par les Syriens, qui protestent endemandant si Rabin ne voudrait pas démilitariser l’ensemble du pays74. Par ailleurs, lavolonté des Israéliens de conserver une station d’alerte gérée par eux sur le Golansymbolise, aux yeux du président syrien, l’occupation et la domination d’Israël.D’autantquecettestationopèreaussicommeinstrumentd’espionnageàl’intérieurdelaSyrie75.Illuiest impossible d’accepter son maintien sous tutelle israélienne, une fois le Golan rendu.MaispourIsraël,ils’agitdeprévenirtouteattaquesurprise.Le6décembre1994,lesecrétaired’EtatWarrenChristopherserendauprèsduprésidentAl-Assad, auprès de qui il réitère la promesse faite par Rabin d’un retrait complet, eninsistant à nouveau sur la nécessité de garder le secret. Il lui fait part de la volonté duprésidentClintonde«jouerunrôleeffectifafindefaireprogresserlasituation»,enprécisantque Rabin aurait informé le président Clinton qu’il «vous aurait accordé ce que vousdemandiez et qu’il s’agit du retrait», et «qu’il aurait déposé cet engagement d’un retraitcompletauprèsdenous»76.Lesecretdevaitêtregardé,afindepréserverRabindesremousintérieursqu’unetellepromessenemanqueraitpasdesusciter.LeprésidentAl-Assaddécidede jouer le jeu. Encequiconcerne lesarrangementssécuritaires, ilannonceausecrétaired’Etat Christopher une ligne de négociation qui restera constante au fil des années: ilsdoivent être «égaux, mutuels et réciproques»77. Sur ces bases, il autorise la tenue deréunions entre son chef d’état-major, le général Hikmat Shihabi, et l’ambassadeur ItamarRabinovich puis le chef d’état-major israélien, Ehoud Barak. Rabinovich, qui rencontreShihabi le 19 décembre 1994, note que l’implication directe d’un tel adversaire militaired’Israël dans les discussions d’ordre sécuritaire révèle l’intérêt «sérieux» porté par leprésidentAl-Assadàcesdiscussions78. 72Entrevueavecl’auteur,3mai2005.

73 Ross révèlera que ce plan de sécurité repose sur une proposition des Forces de défense israéliennes,notammentlechefd’état-majorEhoudBarak.Ross,2004:145,159,169-170.

74 Le négociateur en chef syrien, Walid Al-Moallem, se souvient d’un incident survenu à ce propos, aumoment des discussions sur la sécurité, lorsqu’il reprit vivementUziDayan, qui avait entrepris de couvrir larégiondeDamasd’unemainsurlacarte,enévoquantsoninclusiondanslesarrangementssécuritaires.Entrevueavecl’auteur,3mai2005.

75RossadmetqueceradarpermetauxIsraéliensd’espionnerlaSyriejusqu’enIrak.

76 Réunion du 6 décembre 1994 entre feu le Président Hafez Al-Assad et M. Warren Christopher, MAE,Damas.

77«Mutasawiyya,mutakafia,mutaqabila».Réuniondu14mars1995entrefeulePrésidentHafezAl-AssadetM.WarrenChristopher,MAE,Damas.

78Rabinovich,1998:173.CetteréflexionestaussifaiteparRoss(Ross,2004:152-153).

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De janvier àmai1995,des rencontres réunissentAl-Moallem, Rabinovichet Rosspourl’élaboration d’un document commun qui résume les «objectifs et principes desarrangements sécuritaires». Lors de la réunion du 14 mars 1995, le président syrienénumèrelesprincipesdebasedesarrangementssécuritaires,telsquetransmisdanssalettredu20janvier1995auprésidentClinton:–lasécuriténepeutsefaireauxdépensdel’unedesparties;–lesarrangementssécuritairesdoiventêtreégaux,mutuelsetréciproques;–les arrangements sécuritaires doivent respecter la souveraineté et l’intégrité de l’autrepartie;–lesarrangementssécuritairesdoiventselimiterauxzonesdeconflitdesdeuxcôtésdelalignedu4juin196779.Acceptéenmai1995,cedocumentseraprésentédemanière informelle (NoPaper)parlesAméricains,quiensoulignentlanaturenondéfinitive80.Textedecompromis,ilapourobjectif de «réduire, si ce n’est éliminer les dangers d’une attaque surprise ou à grandeéchelle,une invasionouuneguerre», sur labased’arrangements sécuritairesquidoiventêtre«égaux,mutuelsetréciproques»et«limitésauxzonespertinentesdesdeuxcôtésdelafrontièreentrelesdeuxpays».A cette clause, s’ajoute la possibilité de discuter l’arrangement en cas de «difficultésd’applicationduprinciped’égalité».Ilesttenucomptedel’argumentd’Israëlselonlequelilnepeuty avoirdeprincipede symétrie géographiqueentre lesdeuxpays, l’un (la Syrie)étantbeaucoupplusgrandquel’autre(Israël).DanssalettreadresséeauprésidentClinton,le20janvier1995,leprésidentAl-Assadavaitdéjàfaituneconcessionencesens,ouvrantla voie à un «renoncement» ou «la recherche d’alternatives», si les arrangementssécuritairesbaséssurlasymétries’avéraientimpossiblesoudifficilesàappliquer81.LaSyrieacceptequesoitomiselamentionformellede lafrontièredu4juin1967,tellequ’originellement apparuedans ses textesde janvieretmars1995.Pour faire avancer lesdiscussions,Rosss’étaitengagéàcequelesEtats-Unisreconnaissentquelafrontièreseraitreprésentéeparla«lignedu4juin1967»etàamenerauprésidentunelettresignéeparBillClintonencesens.ArrivéenSyrie,etpasséparIsraëloùRabins’opposeformellementàlaremisedecettelettreparlesAméricains,RossdécidealorsdenepasdonnerlamissiveauprésidentAl-Assad,contrevenantainsià lapromessefaiteauxSyrienset...auxinstructionsdusecrétaired’EtatetduprésidentClinton82.Mais,pour leprésidentsyrien,cettegarantieavaitétéverbalementofferteparlesEtats-Unis,etcetteparoleluisuffisait.

79«Manatiqaltamass»ouleszonesdeconfrontation.Retranscriptionécritedelaréuniondu14mars1995entrefeuleprésidentHafezAl-AssadetM.WarrenChristopher,MAE,Damas.

80AimsandPrinciplesofSecurityArrangements(NoPaper).VoirRoss,2004:153-158.

81Réuniondu13mars1995entrefeulePrésidentHafezAl-AssadetM.WarrenChristopher(durantlaquelleleMinistredesAffairesEtrangères,Faroukal-Chareh,litdesextraitsdelalettredu20janvier1995àl’intentiondeBillClinton),MAE,Damas.

82 Ross, 2004 : 154-155. Entrevue de l’auteur avec leDr.Walid Al-Moallem, 25mai 2005. Cet épisode,devenu fameux, va conforter la partie syrienne (et une frange des observateurs internationaux) dans leurimpressionqueDennisRossagissait pluscommeunmessagerdeRabinquecommeunneutremédiateur,encontradictionaveclerôlede«courtierhonnête»assignéauxEtats-Unis.

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En juin 1995, Hikmat Shihabi rencontre le nouveau chef d’état-major israélien AmronLipkin Shahak. D’après les révélations ultérieures du journaliste militaire israélien, ZeevSchiff,cederniersoumetàShihabiunplanderetraitpréparéparlechefd’état-majorEhoudBarak,danslequellesForcesdedéfenseisraéliennesgarderaientlecontrôledesfalaisesduGolan,enamontdelavalléedeHoula83.Selonlui,l’insistancesurlapriseencompted’uneasymétrie en faveur d’Israël aurait été l’œuvre du haut commandement de l’armée, quicraignait la perte de profondeur stratégique entraînée par un retrait du Golan. La Syrieacceptealorsdecédersurleprincipedemisesur«unmêmepied»,enagréantunratiode10/6: pour dix mètres en territoire syrien, six mètres en territoire israélien seraient sousarrangements sécuritairesmutuels.Selon lenégociateurenchefsyrienWalidAl-Moallem,leszonesconcernéescouvrentlarégionallantdelavilledeKuneitraducôtésyrienetdelaville de Safad du côté israélien à la frontière du 4 juin 196784. Remarquons que PatrickSeale,autoriséàconsulterlessourcesofficiellesaméricaines,notequeleprésidentClintonrappelleauprésidentAl-Assadquelesgénérauxisraéliensn’ontpasétéinformésparRabindesonengagementdereveniràlafrontièredu4juin1967,lepriantdefaireensortequelegénéralShihabin’enfassepasmentionaucoursdesesréunionsaveclegénéralShahak85.Cettepromesseseratenue.Maisunefuitedanslapresseisraélienne,briseralaconfiancedesSyriensdans lavolontédesecretdes Israéliens86.Lesquestionsduretraitetde la lignededémarcationdu4juin1967neserontpasnégociées.Lesdiscussionsenresterontlàjusqu’àl’assassinat,le4novembre1995,d’YitzhakRabinparunextrémistejuif.Leprocessusentredésormaisdansunenouvellephase.

83VoirHaaretz,14janvier2000.

84Entrevueavecl’auteur,25mai2005.Voircarteenfindedocument.

85Entrevueavecl’auteur,19mai2005.

86Etsemble-t-ilorchestréeparNetanyahu. Il s’agitdudocumentShtauber (dunomdubrigadier-généralZviShtauber, à la têtede laplanification stratégiquedes Forces dedéfense israéliennes, aujourd’huidirecteurduJaffeeCenterforStrategicStudies).Cobban,1997:12;Sagie,1999.

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SUCCESSIONS,RUPTURESETDETERIORATIONSREGIONALES(1995-2000)

PourlaSyrie,lesnégociationsdepaix,aussilaborieusesfussent-elles,avaientbénéficiédel’impulsiondeRabinàlatêtedugouvernementisraélien.Qu’enserait-ilsousladirectiondeShimonPeres?LessourcesaméricainesetisraéliennesnousapprennentquePeresparvientaupouvoir sansavoir été informéparRabindu fameux «dépôt». LeprésidentClinton lemet dans la confidence, lors des funérailles. Peres lui déclare alors qu’il respectera cettepromesse,mêmes’ilneseseraitpaslui-mêmeengagéenfaveurd’unretraitjusqu’àlalignedu4 juin1967.ChristopheretRoss reprennentdonc leursnavettes.Dans son livre,Rossdécrit sa réunion du 4 décembre 1995 avec le nouveau Premier ministre israélien, encompagniedesgénérauxShahaketYatometdeRabinovich. Il témoignede lavolontédePeres d’agir rapidement, celui-ci proposant même de se rendre en Syrie pour traiterdirectementavecleprésidentHafezAl-Assad.Ilsouligne,toutefois,quelalignedu4 juin1967neserapasacceptéeparl’opinionpubliqueisraélienne.Rossestchargéd’unelettreàl’intentionduprésidentsyrien,danslaquellePeresexprimesavolontédefairelapaixaveclemondearabe,dans la lignéede l’«engagement»deRabindeparvenir àun règlementglobalaveclaSyrie87.HafezAl-Assadouvrelavoieàlareprisedudialogue,enqualifiantlenouveau Premier ministre israélien de «leader avec une vision, de l’imagination et de lacréativité»88.L’idée,chèreàPeres,d’unnouveauMoyen-Orientpacifié,évoluantversunezonededéveloppementéconomiquecommune,estconnueduprotagonistesyrien.EtPeresdéclareàClinton,lorsdesavisiteendécembre1995,êtreprêt«àvolerhautetvite».Lefeuvertestdonnépourlareprisedesnégociationsbilatérales.Peres,unhéritiermalgréluiEllessedéroulentàWyeRiverPlantation,dansleMaryland,defindécembre1995àfinfévrier1996.Uri Savir, l’undesarchitectesdesaccordsd’Oslo, remplaceRabinovichà latête de la délégation israélienne, même si celui-ci fait encore partie de l’équipe denégociateurs.Leretraitjusqu’àlalignedu4juin1967n’estpasnégociéàWyeRiver,maisles Israéliens reconnaissent que les Etats-Unis ont reçu «un engagement verbal etconditionneldeRabin sur laquestion»89.WalidAl-Moallemsoulignepour sapartque lapromesse antérieure de Rabin fut alors évoquée par Rabinovich. Le représentant syriendemandeàDennis Rossde faire apparaître cecommentairedans leprocès-verbalofficiel

87Ross,2004:230.

88Ibid:212,226,231,234;Seale,2000:77.

89Savir,1998:278,279;Sagie,1999.

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desEtats-Unissurlaréunion90.Dansunelettreadresséeauprésidentsyrien,le5février1996,Peresréaffirmesavolonté«de parvenir à un accord de paix global en 1996» et son intention de procéder à desélections anticipées, en affirmant que cette décision ne «devrait pas affecter le cours desnégociations»91.UnelettreconsécutivedeBillClintontentederassurerleprésidentsyrienàcepropos.Danssesmémoires,Rabinovichnotequedeuxnouveauxenjeuxsontintroduitsdès1995-1996 dans les discussionsformelles alors que Rabin se préoccupait essentiellement desdimensions sécuritaires : ledossierde l’eauet les questionsdecoopérationéconomique.Déjà, sous Rabin, l’inquiétude de Peres, alors ministre de la Défense, était de «voir lesSyriensàdixmètresdu lacdeTibériade»92.Dans lamêmeveine,Uri Savirénumèreseptsujetsdenégociation: lanaturede lapaix, les relationséconomiques, lapaixglobale, lesarrangementssécuritaires, laprofondeurduretraitduGolan,l’eauetlerôledesEtats-Unisdanslesnégociations.Ainsi,laquestiondel’eauestformellementdiscutéelorsdusommetdeWyeRiver.LesEtats-Uniss’engagentmêmeàévoquerlesujetaveclaTurquie,détentriced’une partie des ressources hydrauliques permettant de contribuer à la satisfaction desbesoinsmutuels.Le 7 février, Peres annonce la tenue d’élections anticipées. Les discussions durerontjusqu’à la fin du mois et seront perturbées par une suite d’événements régionaux. SousRabin, le président syrien avait dû renoncer à sa stratégie d’une paix globale qui seraitsimultanémentnégociée, entreunepartie syrienne,palestinienne, jordanienneet lapartieisraélienne. Avec Peres et Netanyahu, les Israéliens tenteront – en vain – d’agir sur lespièces régionales du jeu syrien, et notamment de désolidariser l’acteur syrien de l’acteurlibanais.Ainsi,l’assassinatdébutjanvierparIsraëld’unleaderreconnuduHamasdéclenchemoinsd’unmoisplustarduneséried’attentatsàlabombedansdifférentesvillesdupays.Enavril,àl’approchedesélectionsetenréponseàdestirsderoquettesintensifsduHezbollahsurlenord d’Israël, le pays lance l’opération Raisins de la colère dans le sud du Liban.L’envergure de l’intervention n’est pas sans rappeler la première invasion israélienne dupays,l’opérationLitani,quiavaitconduitàl’occupationdusudduLibanparIsraëlen1978.500000Libanaisprennentlaroutedel’exil.Etprèsd’unecentainedecivils,réfugiésdansun camp des Nations unies, près de leur village de Cana, meurent sous les bombesisraéliennes.Malgré les dénégations d’Israël, le rapport du secrétaire général desNationsunies au Conseil de sécurité conclut que les populations civiles ont été délibérémentvisées93.L’objectifétaitdecontraindrelaSyrieàmettrefinauxattaquesduHezbollahcontre 90 Entrevue avec l’auteur le 25 mai 2005. En fait, Rabinovich, qui était présent au sein de la nouvelledélégation israélienne, avait réagi àuncommentaire fait par lenégociateur syrien aunouveaunégociateur enchef,UriSavir,quiluiconfiaitsonimpressiond’avoirnettementplusprogresséenquelquesdiscussionsquelorsdes annéesprécédentes.CeàquoiRabinovichaurait réagi, en lui rétorquant : «Mais lorsdenosdiscussions,nousvousavionsaccordéunretraitcompletduGolanjusqu’àlalignedu4juin1967!».

91Réuniondu6février1996entrefeulePrésidentHafezAl-AssadetM.WarrenChristopher,MAE,Damas.

92Rabinovich,1998:57.

93CettelettresefondesurunrapportduconseillermilitaireduSecrétairegénéral,relatifaubombardementducentredesNationsuniesàCana,le18avril1996.Nationsunies,DocumentS/1996/337,7mai1996.

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l’armée israélienne et samilice supplétive, l’Armée du Liban Sud (ALS), dans la zone dupaysoccupéedepuis1978.Mais Peres perd les élections de mai 1996, au profit de Benjamin Netanyahu. Leprocessus de négociation est gelé. Le nouveau Premier ministre refuse d’endosser le«dépôt»deRabinettente,sanssuccès,denégocierenprioritéavecleLiban94.Alaformuledes «territoires contre la paix» issue des résolutions 242 et 338, et de la conférence deMadrid,NetanyahupréféreraunereprisesansconditionparlaSyrie,surlabasedela«paixenéchangedelasécurité».LeprésidentAl-Assadcamperasursespositions,enn’acceptantla relancedesnégociationsqu’àpartirdupointoùelles s’étaient arrêtées. Ilmartèleraceprincipe, lorsde lavisitede la secrétaired’EtatMadeleineAlbright enSyrie, en1997,enposantcommeconditionàlareprisedesdiscussionslerespectdesengagementspréalablesdeRabin95.Barakoulafind’unespoir:concessionsetimpassesAprès le retour des travaillistes au pouvoir en Israël avec l’élection d’Ehoud Barak en1999, Patrick Seale joue un rôle important pour la reprise du contact. Au cours de sesnombreuses navettes entre les deux pays, il transmet les propos élogieux de chacun desdirigeants à l’égard de l’autre: Barak parle d’Hafez Al-Assad comme d’un grand leaderpouvantréaliserlapaix;HafezAl-AssadvoitenBarakunhommefortetsincère96.Enfait,Barakenvisage lasignatured’unaccorddepaixavec laSyriecommel’occasionderetirerpacifiquementsestroupesduLibanavantl’an2000,unepromesseaucœurdesacampagneélectorale. Un règlement avec la Syrie lui paraît un préalable à la sécurisation de cettefrontière, le moyen de prévenir une escalade militaire du Hezbollah après le retrait.Rapidement, il informe Ross qu’il souhaite tâter le terrain pour savoir si les Syriensaccepteraientunefrontièreneleurdonnantpasaccèsàl’eau.Desrencontressecrètessontorganisées par Dennis Ross en Suisse, à l’été 1999, entre Riad Daoudi et Uri Sagie, quiaffirme qu’Israël accepte le «principe de retrait jusqu’à la ligne du 4 juin 1967», enprécisantquelesaspectstechniquesdelaquestiondevrontêtreapprofondis.Enseptembre1999, de nouvelles réunions secrètes se tiennent dans le Maryland, où les deux partiesconfrontentleurspointsdevuesurlaquestiondespositionsrespectivesau4juin1967.Lapartiesyrienneévoqueles200mètresàl’intérieurdulacdeTibériade,tandisqu’UriSagieréclame les zones à l’est du Jourdain et de la rive Nord du lac, soit bien au-delà de lafrontièrede1923.AprèsunenouvellevisitedeMadeleineAlbrightenSyrie,unerencontreestorganiséeà

94L’optionditedu«LebanonFirst».Prusher,1996:6.

95Albright,2003:606.

96Ross,2004:509,510,517,521,525.Entretiendel’auteuravecPatrickSeale,19mai2005.Celui-cidécritle dessin exécuté devant lui par Barak selon lequel la paix représente une arche dont la clé de voûte estsymboliséeparl’accorddepaixaveclaSyrie.

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BlairHouse (Washington),endécembre1999,entreEhoudBaraket FaroukAl-Chareh, leministre syrien des Affaires étrangères. Damas accepte une nouvelle formule denégociation: la reprisedesdiscussions sur la «basedecequi avait été accomplidans lepassé».Lesdeuxpartiesdécidentderelancerleprocessusformel,prévuaudébutdumoisde janvier2000,àShepherdstownenVirginieoccidentale.Quatrecomitésdoivent réunirles négociateurs sur les thèmes suivants : les arrangements sécuritaires, la normalisation,l’eauetletracédesfrontières.CommeWalidAl-Moalleml’apprendraen2002,BarakconfieàMartinIndykdèssonarrivéeauxEtats-Unisqu’iln’apasl’intentiond’activerlecomitésurletracédesfrontières,enraisondespressionsdupartireligieuxShas,quimenacedequitterla coalitiongouvernementale97. Lesnégociationsde Shepherdstown s’ouvrent le3 janvier2000, les Israéliens promettant de communiquer ultérieurement la liste de leurs déléguéspour le comitédes frontières.Barakprie Rossd’attendreavantd’en informer leprésidentClinton, la secrétaire d’Etat Madeleine Albright ou les Syriens. Cette liste ne sera jamaiscommuniquée. Le comité le plus important ne se réunit donc pas. Le souci du Premierministreisraélienseratoutefoisdedémontreràsonopinionpubliquequ’ilaobtenuleboutdeterresupplémentaireprouvantqu’ilconservel’accèstotalàl’eau.LesdemandesdeBarakporteront sur quelques centaines de mètres additionnels sur la rive Nord-Est du lac deTibériade,ainsiqueplusieursdizainesdemètressurlesrivesduJourdain.Cettepropositionreste inacceptable pour le protagoniste syrien. L’absence de discussion sur la questioncentraledes frontièresconvainc lesnégociateurs syriensque lapartie israéliennen’estpasprêteàunrèglementvéritable.Cela étant, les négociations de Shepherdstown aboutissent à d’importantes concessionssur les arrangements sécuritaires. Sur les questions de normalisation, Walid Al-Moallemaccepte l’application rapide de mesures de confiance, comme un début de relationsdiplomatiquesdès lasignaturedu traité98.Uncompromissur ledélaiduretraitestconclusurdeuxans,aulieudesseizemoisoucinqansinitialementdemandésdepartetd’autre.En charge des réunions sur les frontières et la sécurité, et en sa qualité de directeur desrenseignementsmilitaires,legénéralIbrahimAl-Ammarapprouveunratioà10/5enfaveurd’Israël, au lieudesdixmètresdémilitarisés enSyrie contre sixmètresen Israël jusque-làacceptés.Ilentérineaussil’idéed’unesupervisionextérieure,directeetindirecte,desforcesterrestressyriennesetisraéliennesetdeleursréservesd’armements,ainsiqu’unajustementde la frontière sur près de cinquante mètres. Lors des réunions avec son interlocuteurisraélien, Shlomo Yanai99, ces concessions sont faites à la condition que les Israéliensacceptentlalignedu4juin1967,commebasedenégociationsurlafrontièrecommune100.LesSyriensacquiescent,enoutre,àlaprésencedestationsdepré-alertesurleGolanpourunepériodededixans,àconditionqu’ellessoientgéréesparlesEtats-UnisetlaFrance.Leministre syrien des Affaires étrangères apportera son soutien à ces concessions lors deréunions avec Dennis Ross et Madeleine Albright, en marge des négociations de 97Entrevuesavecl’auteur,3et25mai2005.

98Entrevueavecl’auteur,25mai2005.

99AlorsdirecteurdelaPlanificationauseindesForcesdedéfenseisraéliennes.

100Ross,2004:560.

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Shepherdstown:ildéclarequelastationpourrademeurersurleGolan,contrairementàcequ’avaientnotélesAméricains,àconditionqu’ellesoitgéréeparlesAméricainsetnonlesIsraéliens,depréférencesousdrapeauonusien.Pressé par la maladie et convaincu de la volonté de Barak d’avancer rapidement, leprésident Al-Assad accélère le processus. En charge du comité de l’eau, Riad DaoudiacceptelaparticipationàunconseildegestiondeseauxpourencontrôlerlaquantitéetlaqualitéverslelacdeTibériade/Kinneret.Danssesmémoires,RossindiquequelesSyrienssontprêtsàoffrirdesgarantiesverbalessurcesquestions101.BillClintonqualifieleurattitudede«politiquedelamaintendue»102.Enfinderéunion,unefuiteduprojetdetraitédanslapresse israélienne mettra les négociateurs sous pression. L’opinion arabe évoque desconcessions excessives de la Syrie. Hafez Al-Assad décide alors de mettre un terme auxdiscussions.C’estalorsquel’idéededébloquerlasituationdanslecadred’unsommetentreClintonetAssadfaitsurface.Lafinduchemin:lesommetAssad-Clintondu26mars2000C’estlesommetdeladernièrechance.L’idéeémaned’EhoudBarak.LePremierministreinformedonc legouvernementde son intentiondeconclureunaccord sur labasede lalignedu4juin1967,ens’assurantaupréalablequelaSyrieaccepteraitdeconclurelapaixavant qu’un accord définitif ait été trouvé avec les Palestiniens. De nouveau, les deuxnégociations sont mises en concurrence. Barak décide de tout miser sur une réunion ausommet,enprenantlerisqued’unéchecoud’unsuccèstotal.Lecontenudespropositionsqui seront présentées par le président Clinton au président Al-Assad est élaboré encoopération avec Dennis Ross, qui confiera dans ses mémoires ses doutes quant à lapossibilitéd’obtenirl’accorddelaSyriesurdetellesbases103:Barakproposedeconserverunebandedeterritoirede400à500mètressurlariveNord-EstdulacdeTibériade,bienau-delàde la situationà laveillede laguerrede1967mais ausside la lignede1923104.Rossappuienéanmoinsl’initiativedeBaraketconvaincleprésidentClinton,quiappelleleprésident Al-Assad pour convenir d’une réunion afin de lui «transmettre un messageimportantquipourraitpermettre laconclusiond’unaccord»105.AuxyeuxdeBillClinton,

101Ross,2004:554.

102Clinton,2004:930.

103Ross,2004:575,578.

104AinsiquelaprésencededixIsraéliensdanslastationradarduGolanpendantprèsdehuitans.

105Ross relatequeBarakpréfère sebaser sur les cartesde 1967plutôtque sur cellesde 1999, cequi luipermetd’obtenirprèsd’unkilomètredeterritoireaulieudes500mètresdemandés.Eneffet,lalignedeseauxareculé,entre1967et1999,sousl’effetcombinédesgravessécheressesdelafindesannées1990etl’entreprisededéviationdeseauxverslesuddupays,grâceaugrandcanalconstruitdanslesannées1950(Ross,2004:575,580).

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lesfuitesdanslapresseetl’attitudedesIsraéliensàShepherdstownontfiniparébranlerlaconfianceduprésident syrien106.Demême,MadeleineAlbright estimequecederniernepouvaitadmettrelasouverainetéisraéliennesur«unpoucedecequ’ilconsidéraitcommeterritoiresyrien»107.Defait,jusqu’aubout,ilaurarefusédecéder.Rossévoquepoursapartlemanquetotald’intérêtdelapartduprésidentsyriendèsquelamentiond’«unefrontièremutuellementacceptée»estévoquée;ilestimeque,sentantsafinproche–ilallaitdécédertrois mois plus tard–, le président syrien est préoccupé par sa succession et redoute lesretombées potentiellement déstabilisatrices d’un accord de paix risqué. Mais lesnégociateurs syriens contestent cette vision des choses108. A leurs yeux, la décision duprésidentmaladedefaireledéplacementdeGenève,alorsqu’iln’entreprenaitplusdelongsvoyages, atteste qu’il pensait un accord encore possible sur les questions essentielles. LeprésidentClinton annonce, durant la session, que Barak accepte la ligne du 4 juin 1967maisqu'ilveuts’assurerqu’IsraëlconservelasouverainetésurleseauxdulacdeTibériadeet du Jourdain, en proposant une frontière qui prive la Syrie de tout accès à l’eau. LeprésidentAl-Assadenconclutque«doncilsneveulentpaslapaix»etcesentimentmotivesonrefusdecéder.Laréunions’achèvesurunéchecretentissant.Leprocessuss’éteintdéfinitivement.L’électiond’ArielSharonmettrabientôtunterme,ducôté israélien, à toutevelléitéde relancedesnégociations.Pour sapart, legouvernementsyriennepeutbientôtpluslégitimer,auprèsdesaproprepopulationetdel’opinionarabe,lapoursuitedudialogueavecIsraëlenpleinerépressiondel’Intifada.QUELLESTRATEGIEDEPOUVOIRPOURLASYRIEAUJOURD’HUI?Plusdecinqansaprèsl’interruptionduprocessusetledécèsduprésidentHafezAl-Assad,quellessontlesperspectivesdepaixentrelaSyrieetIsraël?LeprésidentBacharAl-Assaddispose-t-ildesmêmes ressourcesque sonpèreen termesde tempsetd’alternativesàunaccordavecIsraël?Possède-t-iltoujourslepouvoirderenforcersapositiondenégociationenmaniantd’autresacteursetd’autresenjeuxrégionaux,augrédestratégiesd’emboîtementoùsonpèreétaitpassémaître?Lapositionofficielleduprésident syrienest aujourd’huide rappeler à la fois «legrandintérêt porté par la Syrie aux négociations de paix avec Israël»109, et l’impossibilité de la

106Clinton,2004:945.

107Albright,2003:614.

108EntrevueavecleDr.WalidAl-Moallem,25mai2005.

109Entrevueavec l’auteur,2mars2005.Lorsdecetteentrevue, leprésidentAl-Assadmentionna l’annonceprochaine du retrait des troupes syriennes du Liban. Cette annonce eut lieu lors du discours présidentiel du5mars2005,devantleparlementsyrien.

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paix «sans retour de la terre occupée»110. Il parle d’une reprise «sans conditions» dudialogue, touten invoquant la relanceduprocessus làoù il s’est arrêté, selon la formuleconsacréeparMadriddelaterreenéchangedelapaix111.Ilenappelle,enoutre,aurôledel’Europeenraisondeseslienshistoriquesetculturelsaveclarégionarabe,àladifférencedes Etats-Unis. Cet appel à l’Europe est au demeurant une constante de la politiqueétrangèresyrienne,désireusedecontrebalancerl'alliancestratégiqueentrelesidéologuesdel’administration Bush et l’aile radicale du Likoud en Israël. De ce point de vue, l’accordd’association avec l’Union européenne ouvre des perspectives intéressantes pour le pays,puisque ce texte signé en octobre 2004 prévoit l’ouverture de nouveaux marchés auxproduits syriens. Mais il doit encore être ratifié par les 25 pays membres de l’Union. Etcertains pourraient assujettir ce processus aux évolutions de la situation libanaise. Si cesratifications parlementaires étaient obtenues –malgré l’hostilité des Etats-Unis–, la SyrieseraitledernierpaysméditerranéenàadhérerauprocessusdeBarcelone.Elleverraitalorssesexportationsversl’Europe,dontlapartavaitchutéde50%en1990àmoinsde20%en1993,considérablementstimulées.Maisilestdifficiledevoirlàuncontrepoidsstratégiquesuffisant à l’hégémonie des Etats-Unis qui, sur fond de «lutte contre le terrorisme»,paraissent animés d’un désirmessianique de «démocratisation» et de «réforme» dans lemondearabe.Decepointdevue, le contexte stratégique s’est considérablementmodifiédepuisledéclenchement,le19mars2003,delaguerreenIrak.LesconséquencesdutournantstratégiquerégionalLachutedu régimedeSaddamHusseinenavril 2003et l'occupationde l'Irakparunecoalition anglo-américaine ont redistribué radicalement les cartes régionales à la fois entermes de contrôle des ressources pétrolières, de définition des zones d'influence et derapports de force. Cette nouvelle donne est vécue de façon traumatique par le pouvoirsyrien,déjàaffaibliparledécèsd’HafezAl-Assad.Paradoxalement,laSyrieestleprincipalperdantdelachutedesonrivalhistoriqueirakien.Depuislafindesannées1990,laSyrieetl’Irakavaienteneffetnouédes relations économiques solides:prèsde150000barilsdepétrolebrut étaient importés chaque jourpar laSyriepour saconsommation intérieure, àdesprixtrèsinférieursàceuxdumarché.Laproductionnationaledepétroleétait,poursapart,exclusivementdestinéeà l’exportation.Lapertedecette rentepétrolièreet la findesaccords de libre-échange112, signés entre les deux pays en 2002, sera certes en partiecompensée dès la fin des opérations militaires par le développement du commerce desmarchandisestransitantparleportd’Alepàdestinationdesimportateursprivésirakiens,etpar les revenusnonnégligeables tirésdes touristes irakiens.Maiscesnouvelles ressources

110Ibid.,citédansAlBaath,6mars2005.

111PositionofficielleduPrésidentBacharAl-Assadsurlesnégociationsdepaix,MAE,Damas,2005.

112LemarchéirakienétaitdevenuledébouchéprincipaldesproductionsindustriellesetagricolesdelaSyrie.

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sontloind’êtresuffisantesfaceàlabaisseconsidérabledesrevenuspétroliers,aveccequecela signifie en termes de dégradation d’une situation économique déjà difficile.Officiellement,prèsde12%delapopulationestàlarecherched’unemploi,deuxfoisplusqu’ilydixans;maisletauxdechômageréelseraitplusprèsde20%selondessourcesnonofficielles113.Surtout, de partenaire économique et parfois stratégique, l'Irak est devenu un voisinimprévisible.EtlesEtats-Unisontacquis,enrenforçantleurprésencemilitairedansleGolfe,unepositiongéostratégiquedominantedanslarégion.OrmalgrélacoopérationactivedelaSyrieenmatièred’informationsur les réseaux islamistesdepuis le11septembre2001, lespressionsdugouvernementaméricainnecessentdes’accentuersurDamasdepuis2003.Laquestiondelasécurisationdelafrontièreentrel’IraketlaSyrieconstituedecepointdevueleprincipalsujetdelitigeofficiel,lesEtats-UnisaccusantDamasdefaciliterlepassagedescombattants en lutte contre la présence étrangère en Irak. D’une manière générale, lapolitiquesyriennedesEtats-Unisareposécesdernièresannéessurtroispiliers:leretraitduLiban, la situation de la minorité kurde et la démocratisation du régime. Maisl’administrationaméricaineestpartagée entrepartisansde la carotteet tenantsdubâton :faut-ilchangerderégimeàDamasoumettre lepouvoiractuelsous fortepression114?Cesdébats ont culminé lors de l’adoption par le Congrès, le 9novembre2003, de sanctionséconomiquesetdiplomatiquescontreDamas115.Malgrécestensions,lesEtats-UnismènentavecconstanceunestratégievisantàpriverlaSyrie de toutes ses cartes stratégiques, afin de réduire les options à sa disposition face àIsraël. Ce jeu de roll-back de la puissance syrienne116 affaiblit considérablement le pays,contraintdereconsidérerl’ensembledesonjeu.Danscecontexte,larécenteaméliorationdesrelationsaveclevoisinturc,etlerenforcementdel’allianceiraniennenesuffirontsansdoutepasàcompenserl’érosiondupouvoirdemarchandagequedonnaitàlaSyriesazoned’influenceauLiban.·LaSyrie,leLibanetlesPalestiniensLes marges de manœuvre de la Syrie rétrécissent à mesure que se développent lesretombéesdelacriselibanaise.Cetteconclusions’imposeaulendemaindelapublicationquasi simultanée du rapport de la commission d’enquête internationale dirigée par leprocureur allemandDetlevMehlis117 sur l’assassinat de l’ancien Premierministre libanais 113http://www.lasyrie.fr,Actualitésdel’économie,21juillet2005.

114Voirlesinjonctionsdel’undesanciensdirecteursdesaffairesduMoyen-OrientauUSNationalSecurityCounciletancienanalystedelaCIA,FlyntLeverett,qui recommandeclairementl’«engagementconditionnel»delaSyriesurlavoieduprocessusdelapaix,enl’amenantàcoopérersurlesdossiersduterrorismeetdel’Irak,toutenbrandissantlamenacedescoûtsetdesconséquencesdesanon-coopération.Leverett,2005:156-166.

115Le«SyriaAccountabilityAct&LebaneseSovereigntyRestorationAct»(SALSA)serasignéparleprésidentBushle12décembre2003.

116Pierret,2004:16.

117Instauréeparlarésolution1595duConseildesécurité,votéele7avril2005.

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RaficHariri, le14 février2005,etdudeuxièmerapportsemi-annueldusecrétairegénéraldesNationsunies,préparéparsonenvoyéspécialTerjeRoed-Larsen,sur lesprogrèsdansl’exécutiondelarésolution1559demandantleretraitdestroupessyriennesduLiban.Surlabasedetémoignagesdivers,lerapportMehlisconclutàune«implicationàlafoislibanaise et syrienne dans l’acte terroriste»118, sans en spécifier encore les tenants etaboutissantsouen identifier tous lesauteurs.Publié le25octobre2005, le rapportRoed-Larsenaccentuelapressionsur laSyrieenfaisantétatde«fluxd’hommesetd’armementsau travers de la frontière libanaise depuis la Syrie», et précisant que cette dernière avaitreconnucesfaits119.Eneffet,l’adoptionle2septembre2004delarésolution1559duConseildesécuritéavaitaboutiàlaremiseenquestiondelaprésencemilitairesyrienneauLiban.Ceretraitdéfinitif,depuisle26avril,privelepaysd’unecarteimportantedanslarelationavecIsraël.Il renforce en revanche la stratégie palestinienne de la Syrie. Loin des dissensionsstratégiquesquicaractérisaientlapériodeArafat120,laSyrieestconfortéesurplusieursfrontsà la fois. La visite à Damas du nouveau président palestinien Mahmoud Abbas, le6décembre2004,arelancéunpartenariatdirectentrelepaysetladirectiondumouvementnationalpalestinien121.TandisquelerenforcementdesliensaveclesdirigeantsduHamasetduJihadislamique,dontlesbureauxsontétablisàDamas,permetàlaSyriedeseposerenmédiatricepotentielleentrelesdifférentesfactionspalestiniennes122.MaisleHezbollahlibanaisrestel’atoutmaîtredelastratégierégionaledelaSyrie.Cequiexpliquel’insistancedesEtats-Unisenversuneapplicationcomplètedelarésolution1559,avec le désarmement des milices libanaises et non libanaises. En filigrane se joue ici laquestiondescampspalestiniens, etnotamment le débat sur lapleine intégrationdecettepopulation dans la société libanaise, avec à la clé l’abandon du droit au retour enPalestine123. Le Liban est ainsi, de bout en bout, à la fois acteur et enjeu indirects de larelation entre la Syrie et Israël. De tout temps, Damas a combattu toute velléité de paix

118Cetteconclusionse fondesur«l’infiltrationdes institutions etde lasociété libanaisespar lesservicesdesécuritésyrienset libanaisquiagissenten tandem»,estimantqu’il «seraitdifficiled’envisager lescénariod’uncomplot d’assassinat aussi complexe sans leur connaissance des faits». Voir Report of the InternationalIndependentInvestigationCommissionEstablishedPursuanttoSecurityCouncilResolution1595(2005),DetlevMehlis, Commissioner, UNIIIC, Beyrouth, le 19 octobre 2005, Paragraphe 203, p. 53, rapport publiéofficiellementle21octobre2005.Lamissiond’enquêtesepoursuivrajusqu’au15décembre2005.

119TheDailyStar,27octobre2005.

120NotammentsurlaquestiondelapaixséparéeavecIsraël.

121 Les contacts s’étaient maintenus au travers de Farouk Kaddoumi qui, à la tête du Fatah, incarnaitl’oppositionàla«capitulation»d’Oslo.

122LesdirigeantsdesmouvementsradicauxpalestiniensétablisàDamas,KhaledMech’aal(AbouAl-Walid),dirigeantdubureauduHamas,etZiadNkhaleh(AbouTarek),brasdroitdusecrétairegénéralduJihadislamique,ontétéreçusparleprésidentsyrienle15septembre2005.An-Nahar,15septembre2005:17.

123Lefameuxdébatsurle«tawtin»oul’attributiondesdroitscivilsetpolitiquesauxréfugiéspalestiniensdanslemonde arabe – entreprise qui remettrait en cause leurs revendications pour la reconnaissance du droit auretourouàlacompensationpourl’exilsubidepuislacréationd’Israël,en1948.

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séparéeentre Israël et le Liban124,malgré les essais répétésdePeresàBarakdemettre lareprise des négociations israélo-libanaises sur la table des discussions avec la Syrie, enéchange d’éventuelles concessions territoriales125. Car le contrôle du Liban représente unatoutstratégiquemajeurpourlaSyrie,menacéed’encerclementdepuislavalléedelaBekaafrontalièreetleGolan,encasdeconflitmilitaireavecIsraël.La question du soutien au Hezbollah libanais et de la frontière entre le Liban et Israëls’imbrique de la même manière dans cette stratégie de pouvoir. Le couronnement desopérationsdeguérilla,menéespar l’ailemilitaireduHezbollahausuddupays,mèneraàl’évacuation, le 24 mai 2000, par Israël et ses milices supplétives libanaises (ALS), de lazoneoccupéedepuis1978.LaquestiondesfrontièresentreleLibanetIsraëln’estpaspourautant réglée. Le Hezbollah appellera à la continuation de la lutte armée, afin de libérercette parcelle de territoire libanais –les fermes de Chebaa– qui reste sous occupationisraélienne.LesNationsuniesavaientpourtantconstatél’exécutiondelarésolution425duConseildesécuritélorsdecequ’ellesconsidéraientcommeunretraitcompletdestroupesisraéliennes, au-delà d’une frontière virtuelle appelée la «Ligne bleue»126. Mais cetteconclusionseraremiseencauseparlesautoritéslibanaisesetsyriennes,quiaffirmerontlasouveraineté libanaise sur les fermes situées sur la frangeoccidentaleduGolan,même sielles furent occupées par Israël dans le cadre de la conquête du territoire syrien127. Unerécenteétudeisraélienneconclurad’ailleurségalementàlasouverainetélibanaisesurcettepartieduGolan,surlabasedesarchivesofficiellesfrançaisesdelapériodeduMandat128.Laquestion des droits hydrauliques dans la région occidentale des Fermes, notamment lefleuve Hasbani et son affluent le Wazzani, constitue un facteur supplémentaire decomplication129.Cesenjeuxsontrevenusaudevantdelascènelorsdestensionstrèsvives

124Ainsi que les velléités du parti phalangiste, allié d’Israël, de conclure une paix séparée avec le voisinhébreu.Unaccordétaitconclu, le17mai1983,par leprésidentAmineGemayelà lasuitede l’assassinat,enseptembre 1982, de son frère Bachir, porté au pouvoir par les Israéliens.Une coalition de forces libanaises,alliéesàlaSyrie,reprendalorslatêtedupouvoirlibanais,enfévrier1984,etannulel’accorddepaixséparée.

125Rossmentionne,parexemple,laréserveénoncéeparBarak,lorsdessessionsdeShepherdstownde2000,sur lamention faitedu«dépôt»deRabinpar leprésidentClintonà la seule conditionqueFaroukAl-CharehacceptelareprisedesnégociationsavecleLiban.Ross,2004:551.

126D’aprèsElizabethPicard,98%decettelignecorrespondentautracéde1923,selonlescartographiesdesNations unies, basées sur les cartes établies par les puissances mandataires française et britannique. Cettefrontière sera reconnue par les deux parties lors des accords d’armistice de 1949, avec toutefois quelquesréservesdeleurpart.Picard,2000:38.

127Enmai2005, leministresyriendesAffairesétrangères remettraauxNationsuniesundocumentofficielsyrien,attestantdelasouverainetélibanaisesurcettepartieduterritoire.EntrevueavecleDr.WalidAl-Moallem,25mai2005.

128Les recherches duDr. Asher Kaufman de l'Institut Truman de l'Université hébraïque,Haaretz, 26 juin2002.

129Lestravauxdel’historienlibanaisIssamKhalifehmettentàjourlaconclusiond’unaccordentrelaFranceetlaGrande-Bretagne, en1935, selon lequel la frontière entre la Syrie et le Libanépouserait la ligne du bassinversantsouslemontHermon,plaçantleversantoccidentaldumontHermonauLiban,etlapartieorientaleenSyrie.Khalifeh,1985.

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nées,en2002,deladécisionduLiband’exploiterlessourcesduWazzani,danscettepartiedesonterritoirequifutoccupéeparIsraëlentre1978et2000130.Ilsresurgissentaujourd’huiàlafaveurduretraitdestroupessyriennesd'avril2005,avecledébatsur ledésarmementduHezbollahet l’adoptionpar leConseildesécurité, le29 juillet2005,de laRésolution1614,dontleparagraphe6appellelegouvernementlibanaisàdéployersesforcesarméesausuddupays,afindecontrôlerlafrontièreavecIsraël.·L’axeSyrie-Turquie-IranLa Syrie tente de rompre son nouvel isolement en développant une politique departenariat avec ses voisins immédiats et ses partenaires régionaux. Le rapprochementcirconstanciel avec la Turquie et le renforcement de l’alliance vieille de vingt ans avecl’Iran, symbolisé par une visite du président syrien à l’été 2005, ouvrent d’importantesperspectivesdecoopérationentrelestroispays,égalementinquietsdesconséquencesdelanouvelleconfigurationpolitiqueirakienne.Derrièrecebouleversementseprofilenteneffetles intérêtséconomiquesetstratégiquesdesKurdes,soutenusparlapuissanceaméricaine.Cette situation rapproche les perceptions turque et syrienne des questions de sécuritérégionale,ouvrantenconséquencedespossibilitésdeconcertationsurledossierdel’eau.En réponse aux injonctions d’Ankara, la Syrie avait expulsé de son territoire le leaderkurde, Abdullah Öcalan, qui sera capturé par les autorités turques en février 1999 etcondamnéàlaprisonàvie.Le«problème»kurdecessaitdeporterombrageauxrelationsmutuelles.Entre2001et2003,diversaccordssécuritairessontconclus,etunprotocolesurl’eauestsignéle23août2001.Emisparlesautoritéshydrauliquesdesdeuxpays,ilpréciseles éléments de la future collaboration, autour de programmes communs de formation,d’échange et de partenariat. La Syrie considère cet échange comme important afind’«atteindreunesolutionjustepourlepartagedeseauxdel’EuphrateentrelestroisEtats»avecpourbut«d’amenerlesrelationsbilatéralesaumeilleurniveaupossible»,tandisquelecôtéturcestimequ’ils’agit«d’undébutdedialogueentrelesdeuxpays»,eninsistantsurlefaitquelesdeuxpartiesont«unevolontéréellededépasserlesdifficultésetsurmonterlesobstacles»131.Larelanceseferaaussiducôtéirakien,oùserendraunedélégationd’officielsturcsafind’«examiner lesproblèmes liésauxressourceshydrauliquesde l’EuphrateetduTigre»132.Cetembryondedétenteaboutiraàlasignatured’unprotocoled’exécutionle19juin2002,quifaitsuiteàunaccorddecollaborationdenovembre2001enmatièredeluttecontreleterrorisme.Lelienentrelesdossiersdel’eauetdelasécuritéestainsiétabli,unefoisdeplus. Leprotocolede juin2002estconcluentre lesautoritésduGAP(Turquie)etcellesduGOLD (Syrie)133. Il est vraique leprojetnementionnepas lepartagedeseaux

130Blanford,2002.

131LesdéclarationsduministresyrienT.Al-Atrashetduministred’EtatpourlesAffairesduprojetduGAP,M.Yilmaz, sont citéespar l’agence syrienned’informationsofficielles SyrianArabNewsAgency (SANA),24août2001.

132Al-Hayat,2002:15.

133GüneydoguAnadoluProjesi(Autoritédugrandprojetd’AnatolieduSud-Est)etleGeneralOrganisationfor

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communes ni la construction, par la Turquie, d’infrastructures de drainage quiempêcheraient lapollutiondeseauxenaval. Enrevanche, laTurquie s’engageàpartagersonexpertisehydraulique enorganisantdes séminaires cibléspour les ingénieurs syriens,invitésàparticiperauxprogrammesd’irrigation,departicipationruraleetd’améliorationdessols. La Turquie s’assure ainsi une alliance régionale utile face à la nouvelle donneirakienne, tout en s’octroyant une place de médiateur potentiel dans le conflit israélo-arabe134. Ce choix de la coopération culminera lors de la visite historique du présidentsyrien en Turquie, en janvier 2004, puis lors de la visite de Premier ministre turc RecepTayyipErdoganenSyrie,enjanvier2005.Enéchanged’accordsdecoopérationéconomiqueetdeprojetscommunsdanslarégioncontestée de l’ancien Sandjak d’Alexandrette (province turque de Hatay), la Syrie metofficieusemententreparenthèsesses revendicationssurce territoirecédépar laFranceen1939.QuantàlaTurquie,ellemaintientsonalliancemilitaireavecIsraël,maislanouvelledoctrine de sécurité nationale publiée en novembre 2004 ne mentionne plus la Syrie etl’Iran comme des menaces pour le pays135. L’Iran, pour sa part, conforte ses positionsrégionales,pourlapartiedebrasdeferquis’engageaveclacommunautéinternationale,etnotammentaveclesEtats-Unis,àproposdudéveloppementdesescapacitésnucléaires.Lescontraintespolitiquesintérieures:unjeuàdoubleniveau?Commenousl’avonsvu,leprocessusdécisionnelsyrien,souslaprésidencedeHafezAl-Assad, ne relevait pas du «jeu à double niveau»; même si l’inquiétude des militaires àl’égard de leur éventuelle réinsertion dans la vie civile, même si les opinions publiquessyrienneetarabe,influençaientlepouvoir.LenégociateurRiadDaoudirappelleàcetégardquechaquedécisionpriseparHafezAl-Assaddanslecadredesnégociationsdepaixétaitévaluéeauregarddesonimpactsurl’opinionsyrienne136.Mais, depuis 2000, les contraintes intérieures et les dynamiques internationaless’imbriquentdetellesortequel’onpeutvéritablementparlerd’unjeuàdoubleniveau137.Lasociétésyriennen’estpasmonolithiqueniprisonnièred’uncarcanpolitiquefigé.Choquéspar lesscènesdedestructiondans les ruesdeBagdad, les intellectuelsetmilitantssyriensdes droits de l’Homme sont profondément hostiles à l’occupation étrangère de tout pays

LandDevelopment(Organisationgénéralepourl’exploitationdesterres).VoirDaoudy,2005.

134Lesrécentespropositionsdemédiationturquesontétéfroidementaccueillies,lorsdelavisited’ErdoganenIsraël,enmai2005.

135Pierret,2004:33.

136Entrevueavecl’auteur,10septembre2005.

137 Ce qui confirme la thèse de Burrowes & DeMaio, selon laquelle «l’internalisation des politiquesinternationaleset/ou l’internationalisationdespolitiques intérieures»nesurvient,dans lecasde laSyrie,qu’enphasedebouleversementdel’entitépolitique.Burrowes&DeMaio,1975:504.

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arabe.Ilsn’enappellentpasmoinsàl’ouverturepolitiquedupays.Aladifférencedel’Irak,le changement ne pourra se faire en Syrie par le biais des «chars américains» martèlel’ancienleadercommunisteRiadAl-Turk,libéréen2001aprèsunelongueincarcération138;de la même manière, le dissident communiste Yassin Al-Haj Saleh, emprisonné pendantseizeans,appelleauchangementgraduelplutôtqu’aubouleversementradical139.Militantscommunistes,intellectuelsexilésetFrèresmusulmansentreautres,ontparailleurssignéle14 octobre 2005 la «Déclaration de Damas», dénonçant le pouvoir et appelant auxréformes démocratiques. Même si certains évoquent déjà l’effondrement du régime et lamise en place d’un gouvernement de coalition nationale qui négocierait avec «certainesforces du pouvoir sortant» pour préserver les structures étatiques du pays140, cesmouvements sedistinguentmanifestementdeceux basésauxEtats-Uniset semble-t-ilmissurpiedparleDépartementd’Etataméricain:lePartidelaréformedujusque-làméconnu«Chalabisyrien»,Faridal-Ghadri;et leConseilnationalsyrien.Ceux-làonteneffetpourobjectif déclaré le changement de régime. Mais, outre une naissance politique trèssoudaine,lesdéclarationsdeGhadrienfaveurd’Israëletlelobbyingactifentreprisauprèsdesgroupespro-israéliensdelascènepolitiqueaméricainenecontribuentguèreàrenforcerune légitimitédéjà incertaineauprèsde l’oppositionétablie,etencoremoinsauprèsde lapopulation.L’alternativedesFrèresmusulmans,untempsenvisagéeparlesEtats-Unis,aétérapidementécartée,faceauxcraintesexpriméesparArielSharondecollusiondesislamistesàl’échellerégionale.Autotal,l’administrationBushneparvientpasàmettresurpiedunealternativepolitiquecrédible.Mais,àl’intérieurdupays,lesursautdesintellectuelsetdesmembresdelasociétéciviletémoigne des bouleversements considérables d’une société en mal de développement.L’oppositionrevendiqueainsisonentréesurlascènepolitique;etl’évolutionducontexterégional lui offre sans doute une opportunité historique d’obliger ce système jusque-làhermétique à engager le dialogue. Le président syrien n’a-t-il pas annoncé la tenue du10eCongrès régional du parti Baas, du 6 au 9 juin 2005, dans le même discours où ilinformaitduprochainretraitdestroupessyriennesduLiban,le5marsdevantleParlement?Selon lui, un «grand bond en avant» devait être réalisé en vue d’une réforme de lasociété141.CecongrèsduBaasdevaitdoncavoirvaleurdetournant,etlesattentesétaientimmenses.L’impression première est que le «grand bond» n’a pas eu lieu. L’article 8 de laConstitution,quiprônele«rôledirigeantdupartiBaassurl’Etatetlasociété»,n’apasétéabrogé. Le rôle du parti a même été revalorisé dans le discours présidentiel. Mais uneanalyseapprofondiepermetdenuancercetableau.Souscouvertdecontinuitéformelle,une 138Fondateurd’unecoalitiondeseptpartisd’opposition,leRassemblementnationaldémocratique.

139TheNewYorkTimes,4juin2005.

140Voirl’interviewdel’intellectuelsyrienBurhanGhalioun,dansL’OrientLeJour,27octobre2005:10.

141AlBaath,6mars2005.Uneanalysedelapresseofficielle,danslesjoursquisuiventcediscours,metenexerguelavolontédesoulignerlesoutieninternationalmaisaussiintérieurenfaveurdecettedécisionhistorique.«Lediscourssoulignesonsoucidepréserverlesintérêtsnationaux»,AlBaath,7mars2005:3;«Félicitationsarabes et internationales par rapport aux positions du Président Assad» et «Oui aux positions d’Assadpatriotiquesetnationalistes»,AlBaath,9mars2005:1et3.

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évolution idéologique substantielle s’est produite. Certains tabous sont tombés. Pour lapremière fois depuis plus de trente ans, l’instance dirigeante a débattu officiellement etpubliquementde la séparationduParti etde l’Etat,de lanécessitéd’alléger la tutelledesservicesdesécurité,del’ouverturedusystèmeàuneplusgrandeparticipationpopulaireetdelalibertéd’expression.Desrecommandationsconcrètesontétéfaites,commeladécisiond’ouvrirlesystèmeauxautrespartis142,deréduirelesdomainescouvertsparlaloisurl’étatd’urgencede1963,envuedesonabrogationprochaine,d’élaborerunenouvelleloidelapresse,etd’adopterl’économiesocialedemarché,enruptureavecl’idéologiesocialisantechère aux partis nationalistes issus des années 1960143. Pour la première fois aussi, unepétition d’intellectuels et militants des droits de l’Homme demandant la libération desprisonnierspolitiques144obtenaitunereconnaissanceofficielle;mêmesilaréponsefutquecesquestionsseraienttraitéesultérieurement.Pourlapremièrefoisenfin,legouvernementsyrien a soulevé la question de la minorité kurde, en décidant de revoir les résultats durecensement de 1962.Cette décision renvoie à l’épineuse question de l’attribution de lanationalitésyrienneaux225000Kurdesprésentsdanslenord-estdupays,etdescendantsdes réfugiés venus clandestinement de Turquie dans les années 1960145. L’une desconséquences de la guerre en Irak aura en effet été l’émergence de cette question sur lascènepolitiquesyrienne,avecnotammentdesscènesdeviolenceentresupporterskurdesetarabes, lors d’un match de football dans la région de Hassaké, en mars 2004146. Larépression a fait vingt-cinq morts selon les autorités, près de quarante selon les groupeskurdes.Au total, l’ouverture politique et économique, qui renforcerait Bachar Al-Assad, restecontrôléemais lavolontéduprésidentd’asseoir sonpouvoir est avérée. Il s’est séparédel’aile dure représentée par les anciennes générations du parti Baas qui avaient servi sonpère147 et réorganisé les nominations au sein duComité central du parti148. Il a entrepris

142 A la condition, toutefois, qu’ils ne soient ni confessionnels, ni ethniques – un message aux Frèresmusulmans et aux onze partis kurdes (dont Yakiti, Azadi, le Parti démocratique progessiste kurde, le PartidémocratiqueKurde,etc.)quisontofficiellementinterdits.Cespartisnesontpassécessionnistesmaisdemandentlareconnaissancedeleursdroits(nationalité,langue).

143As-Safir,9juin2005;As-Safir,10juin2005;An-Nahar,10juin2005.

144As-Safir,9juin2005.

145 Près de 9% de la population syrienne est d’origine kurde. La majorité de la population kurde estpleinementintégréedepuisdesgénérations.

146 Les incidentsdans la régionde Jézireh, aunord-estdu pays,ontpourorigine lointaine ledéplacementforcédevillagesentiers,lorsdudébutdelaconstructiondubarragedel’Euphrateen1973,dontlapopulations’estrabattuesurlesrégionshabitéesparunemajoritédeKurdes.

147 A l’instar du vice-président Abdel Halim Khaddam, chargé du dossier libanais de 1975 à 1998. Cettedynamiqueavait débuté,dès1998,par lamise à la retraitedugénéralHikmat Shihabi, chefd’état-major, quiavaitémisdesréservessurlanouvellesuccession.

148D’ancienshommes forts comme le généralMustafaTlass, ancienministrede laDéfense, ou le généralBahgatSoleiman,chefde lasection251desservicesdesrenseignementsgénérauxet théoriciendurégimedesuccession,neserontpasreconduits.

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aussi de recevoir et rassurer les hauts gradés militaires sur «l’importance du rôle del’armée»149.Ils’estentourédemembresdesafamille,enlapersonnedesonfrèreMaher,véritablecommandantdesbrigadesdelaGarderépublicainechargéesdelaprotectiondupalais présidentiel, ou de son beau-frère Assef Shawkat, qu’il a nommé à la tête desrenseignementsmilitaires.Une «fuite» vers lapressede laversioncomplètedu rapportMehlis révèlepourtant lenomdeMaherAl-AssadetAssefShawkatparmilalistedessuspectsprésumés.Cettemiseenaccusationdepersonnalitésimportantesdurégimefragiliselepouvoirdujeuneprésidentsyrien.LesmenacesdesanctionséconomiquessontdésormaisbrandiesparlaFranceetlesEtats-Unis,quiexigentuneplusgrandecoopérationdesautoritéssyriennes.Lepointd’orgueenestlarésolution1636,adoptéele30octobre2005àl’unanimitédespaysmembresduConseildesécurité.Letextedelarésolutionconstitueuneversionédulcoréeduprojetderésolution soumis le25octobre2005,par lesEtats-Unis et laFrance,dans lequelétaientexplicitement évoquées desmesures de sanctions individuelles (interdiction de voyage etgeldesavoirs)à l’encontredesresponsablessyriensmentionnésdanslerapportMehlis150.Letexteappelleaussiàl’applicationdesanctionsdiplomatiquesetéconomiques,encasdenoncoopération.LaRussie,laChineetl’Algérieayantfaitconnaîtreleuroppositionàtoutprojet d’application de sanctions à l’encontre de la Syrie151, les co-parrains français,britanniques et américains ont dû supprimer les deux paragraphes faisant allusion àl’application de sanctions. La résolution 1636 exige donc la «pleine coopération de laSyrie» avec la mission d’enquête des Nations unies par l’arrestation de tout citoyen ouresponsable soupçonné, et leur mise à la disposition de la commission Mehlis. Le texteprendnotedes«conclusionsde lacommissionselonlesquelleslesautoritéssyriennesontcoopéré avec elle sur la forme mais non sur le fond»152. La commission «pourra, sinécessaire, envisager d’autres mesures» si cette coopération n’est pas effective au15décembre 2005, date à laquelle se terminera la mission du procureur Mehlis, quipublierasonrapportfinal.LepréambuledelarésolutionseréclamantduChapitreVIIdelaChartedesNationsunies, cesmesures s’inscriventde factodans le cadredesmesuresdesanctionprévuesencasd’actesd’agression.PourlaSyrie,lafaiblessedesdémonstrationsjuridiquesdurapportMehlistémoignedelanatureetdesobjectifsessentiellementpolitiquesdesconclusionsémises.Parailleurs,deuxpersonnalités-clés du processus de négociation avec Israël ont récemment exprimé leurpointdevuesurlerapportetsesconséquences.WalidAl-Moallem,quiintervientdésormaisen tantquevice-ministredesAffairesétrangères,contesteque laSyrien’aitpascoopéréàl’enquête.Asesyeux,seprofileunnouvelordrerégional,qu’ilqualifiede«Sykes-Picot2»,visantàredessinerlesfrontièresdesEtatsarabessurunebaseconfessionnelleetethnique153. 149AlThawra,4mai2005:1.

150LeMonde,26octobre2005.

151TheNewYorkTimes,26octobre2005.

152AlHayat,1ernovembre2005;TheInternationalHeraldTribune,1ernovembre2005;L’OrientLeJour,1ernovembre2005.

153AlHayat,26octobre2005.

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RiadDaoudi estime, quant à lui, que le procureurMehlis n’a pas donné à l’enquête lesmoyensderéussir.LacoopérationdelaSyrieestalléeselonluibienau-delàdesexigencesdu paragraphe 7 de la résolution 1595, qui demandait l’échange et l’obtentiond’informations154. La question sera finalement de savoir si la communauté internationaleopterapourlessanctions,untribunalinternationalousielleferalechoixdelaisserjugerlesresponsablesdirectsde l’attentat, enoffrant lapossibilitéausommetdupouvoirsyriendefaireletrietdelancerlesréformesensituationdeforce.Danscecontexte, lapopulation retient son souffleet vitdans l’inquiétudede sanctionséconomiques, voire d’une invasion américaines. Les différentes couches de la société separtagententre lacraintede l’avenir,uncertain fatalismefaceà l’inexorablemaisaussi ladétermination à défendre le pays contre les «menaces» des Etats-Unis155, comme entémoignentlesremarquesdelarueouleprêchedelamosquéedesOmeyyadesàlaveilledelafinduRamadan156.En tout état de cause, le précédent irakien ne représente guère, pour la populationsyrienne,unmodèlede transition.Ellesouhaiteardemmentunesortiedel’isolementdanslequelaétéconfinélepaysmaislescraintesdel’instabilitéetdel’ingérenceextérieuresontfortes.Elleneveutpasnonplusfairelesfraisdesanctionsinternationalesdontellepaieraleprix fort. L’effet de nouvelles mesures à l’encontre du pays serait désastreux pour uneéconomie syriennedéjàdansune «situationdéplorable», selonun expertduCouncilonForeignRelationsdeWashington157.Envigueurdepuismai2003,lessanctionsaméricainesavaientdéjàrefroidilesinvestisseurs internationaux.MaisBacharAl-Assadrestepopulaire,malgré les derniers bouleversements. Les mois à venir révèleront donc la capacité duleadershipsyrienàrenforcersonassise,enprenantlesmesuresquis’imposent,quecesoitla sanction des responsables, y compris au sein des cercles rapprochés du pouvoir, oul’ouverturepolitiqueetéconomiquetantattendue158.Seuleunepleinecoopérationaveclacommunauté internationalepourrasauver lepaysdesmenacesquipèsentaujourd’huisurlui. Une première mesure a été prise avec la nomination d’une commission d’enquêtejudiciaire, annoncée le 29 octobre 2005, afin decoopérer avec la commissionMehlis159.Maiscettedécisionintervientunpeutardivementauxyeuxdesobservateurs.Une situationqui rappelle lanécessité,pour ladiplomatie syrienne,dedévelopperune

154Ibid.

155UnecaricaturedansunquotidienofficielsyrienmontreunDetlevMehlishabilléenmaîtred’hôtel,chargéd’unplatfumantintitulé«lerapport»etdanslequelunbrassurlequelestinscritlesigle«USA»versediverscondiments.SyriaTimes,30octobre2005,p.3.

156Voir«Lerapportestdevenuune"vérité"etlesSyrienss’apprêtentàdéfendreleurpatrie»,AlIqtissadiyah(hebdomadaireéconomiquesyrien),30octobre2005:1.

157SteveCookcitéparL’OrientLeJour,27octobre2005,p.8.

158LorsdesonentrevuesurlachaînetéléviséeCNN,BacharAl-Assadavaitdéclaréquetoutepersonnequiserait reconnue coupable de l’attentat à l’encontre de l’ancien Premierministre RaficHariri serait considéréecomme«traître»àlanationsyrienneetseraitjugéedevantlajusticesyrienne.CNN,12octobre2005.

159AlBaath,30octobre2005;SyriaTimes,30octobre2005.

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stratégie nationale, régionale et internationale adaptée aux nouvelles réalités, au-delà desajustementstactiquesfaitsenréactionauxpressionsinternationales.Ils’agitaussi,plusquejamais,d’engagerledialogueenvued’uneréconciliationnationaleaveclesforcesvivesdupays.Lesperspectivesdereprisedesnégociationsdepaixdépendrontàn’enpasdouterdecettestabilisationducontexteintérieuretrégional.CONCLUSIONNotre étude a pu identifier les phases cruciales du processus de paix entre la Syrie etIsraël,hiérarchiserlesenjeuxetlesacteursdirectsetindirectsdelanégociation,entermesde sécurité, de territoire ou d’accès aux ressources hydrauliques, et cela au regard ducontextestratégiquerégionaletdesonévolution.IlestdecoutumededirequelaSyrieetIsraëlseraientparvenusàs’entendresurprèsdes80%d’untraitédepaixglobal.Autermedecetteanalyse,celaparaîtexagéré.Quinzeansaprès le lancement du processus de paix au Moyen-Orient, les négociateurs syrienscontinuent de douter de la volonté réelle des dirigeants israéliens de conclure une paixréelleetdurableavecleurpays.LesrevendicationsdeDamassontrestéesconstantestoutaulongduprocessus.Maislapaixnedevaitpasauxyeuxd’HafezAl-Assadêtreuninstrumentstratégiqueau servicede l’hégémonie régionaled’Israël.Certainsdesnégociateurs syriensanalysentrétrospectivementlesdifférentsgestesdebonnevolontédéployésparIsraëlaufildesannéescommeune stratégiedeneutralisation, le tempsdenormaliserpleinement lesrelationsaveclesPalestiniensetlesJordaniensoudepesersurlescartessyriennes160.Cetteméfianceest fondéesur laconviction,confortéepar l’histoireduconflit israélo-arabe,queles ambitions d’Israël sont de nature expansionniste. Les atermoiements relatifs àl’évacuationdesTerritoiresoccupés,lapréférencepourlanégociationd’accordspartielsetde délais supplémentaires font partie de ces stratégies de négociation qui auront réussi àaffaiblirlesrevendicationspalestiniennes.Celaétant,nombredetabousinternesetexternesontétélevés.Pourlapremièrefois,enplusdecinquanteansdeconflit,lasociétésyrienneaétéconfrontéeàuneopportunitédepaixavecl’ennemihéréditaire.Unprocessusdeconnaissancede«l’autre»s’estenclenché.Lalecturedestémoignagesetlesentrevuesaveclesnégociateursconfirmentl’évolutionduclimatdesdiscussions:leshommesseconnaissent,seretrouventd’annéeenannée,parlentdeleurhantiseduconflitetdeleurmêmevolontédepréserverleursenfantsdesdouleursdelaguerre.Parailleurs,desprogrèsontétéaccomplissurdesenjeuxaussicentrauxquelasécurité mutuelle, les relations diplomatiques ou la gestion concertée des ressourceshydrauliques;mêmes’ilestvraiqu’iln’yapaseud’accordsurlesfrontièresdéfinitivesou

160Entrevuedel’auteuravecleDr.Walidal-Moallem,3mai2005.Entrevuedel’auteuravecleDr.ButheinaChaaban,ancienneinterprèteduprésidentAl-Assadlorsdecesréunions,etactuelleministredesExpatriés,4mai2005.

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l’allocation des ressources communes. Pourtant, la question de l’eau semble davantagerelever,ducôtéisraélien,del’agendaélectoralqued’unobstaclemajeur,surtoutauregardde l’évolution récente des politiques d’approvisionnement, avec le développement desressourcesalternatives,parladésalinisationoul’importationd’eaudeTurquiedepuis2004.Ilestégalementhabitueld’entendrequelanégociationasoulignélesoucidominantdesIsraéliensenmatièredesécuritéetceluidesSyriensenmatièredeterritoire.Maisl’IsraélienUri Sagie note avec lucidité l’importance pour son pays de reconnaître aussi lespréoccupationsdesécuritédelaSyrie,quiperçoitIsraëlcommeunemenacesérieuse161.Et,ducôtésyrien,iln’yapastoujourseudeprisedeconscienceréelledel’importance,pourles négociateurs israéliens, de la normalisation ou des gestes destinés à une opinionpubliquesiprompteàfaireetdéfairesesgouvernants.Enconclusion,lamiseenexerguedel'influencedesstratégiesdepouvoirsurl’évolutiondelanégociation,etl’impactdufacteurtempssurlesacteurs,qu’ilssoientpressésparlesélections (Peres, Barak) ou la maladie (Hafez Al-Assad), permet d’attester du lien entrenégociationetpouvoir: leprocessus est toujours resté le théâtredes relationsdepouvoirentrelesdeuxacteurs.Commentévolueracetterelationalorsquel’appréhensiondesenjeuxaconsidérablementchangédepuislaguerreenIraketquelaSyriefaitfaceàdescontraintesradicalement nouvelles? Le Liban revêt une importance stratégique et militaire majeurepour Damas. Cette question, longtemps maniée comme carte de marchandage, estdésormais utilisée à son encontre. Même si les différentes forces politiques libanaisesrejettentencoreunanimementlesappelsisraéliensenfaveurd’unepaixséparée,l’onassisteaujourd’hui incontestablement à un recul de la puissance syrienne auMoyen-Orient. Sesstratégies semblent désormais osciller entre ajustements tactiques, durcissements et gestesdebonnevolonté.Maisl’allianceavecl’Iran,lerapprochementaveclaTurquie,etlemaniementdesleviersde pression qui lui restent, notammentvia leHezbollah ou les difficultés américaines enIrak,sontautantd’atoutsdansl’hypothèsed’unereprisedesnégociationsdepaix.LaSyriepeutencoreagirsurlesenjeuxindirectsdelanégociation,c’est-à-direlesintérêtsdesécuritérégionaledesEtats-Unisetdeleuralliéisraélien.Parailleurs,enappliquantlesclausesdelarésolution 1559, la Syrie s’est mise en position d’exiger l’application de toutes lesrésolutions du Conseil de sécurité, à commencer par celles concernant le Golan.Cependant, lepaysestaujourd’huiauxprisesavecunPremierministre israéliendécidéàrégler leconflit israélo-arabepar la forceplutôtque lanégociation,etpeuréceptifà touteidéederestitutionduGolan.LadégradationdesrelationsentrelaSyrieetlesEtats-UnisoffreenoutreàArielSharonmaintesoccasionsd’accentuerlapressionsurlevoisinrécalcitrant.En témoignait le bombardement par Israël, le 5 octobre 2003, d’un camp présumé deradicauxpalestinienssituéprèsduvillagedeAïnas-Saheb,auxalentoursdeDamas;oulaliquidationd’unresponsableduHamas,le26septembre2004,parl’explosiondesavoitureaucœurdelacapitalesyrienne.C’étaientlespremièresincursionsisraéliennesenterritoiresyrien depuis plusieurs décennies. La responsabilité de ces deux actes a été tacitementreconnuepar Israël,quiexigeque laSyrie cesse son soutienau «terrorisme» avant toutereprisedudialogue.Danscecontexte,lesappelsdeDamasàlareprisedelanégociationbilatérale,depuisla 161Sagie,1999.

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fin2003,n’onteuaucunesuiteconcrète,malgrédessignesdelabonnevolontésyrienne.Ainsi, depuis fin 2004, les pommes du Golan sont importées à l’intérieur du pays, parl’intermédiaire du CICR. Par ailleurs, la décision a été prise de reconstruire la ville deKuneitra, laisséeen l’étatdepuissadestructiondélibéréepar l’armée israélienneen1974.Mais les offres syriennes ont été reçues avec scepticisme par les Israéliens, auxquelsl’administrationBushad’ailleurs conseillédenepasy répondre162. Leprésident israélienMoshe Katsav a invité, en contrepartie, le président Bachar Al-Assad à Jérusalem – unepropositionquelaSyriejugeapeusérieuse163.Enoutre,leministreisraéliendelaDéfense,ShaulMofazdéclaraitrécemmentqueleGolan«resteraittoujoursdanslesmainsd’Israël»,etannonçaituneaccélérationdelacolonisationsurleplateau164.Pourtant,unaccorddepaixisraélo-syrienscelleraitlerèglementglobalduconflitisraélo-arabe.Lesretombéesseraientconsidérablespourlasociétésyrienne.Carlamilitarisationdupays persistera tant que le Golan ne sera pas restitué. La récupération de l’ensemble duterritoirenationalouvriraitenrevanchelavoieàlamodernisationtantattendue.Laréformedu système politique et économique paraît aujourd’hui un impératif stratégique pour leprésidentBacharAl-Assad,demêmequelapaixétaitdevenueunimpératifstratégiquepourson père. Le rôle régional et international de la Syrie en serait conforté, si un consensusnationalétaitatteintetlalégitimitépolitiquedesdirigeantsrenouvelée.Maislesévénementsrégionauxetinternationauxinfluerontauplushautpointsurl’assisepolitiqueduprésident,etmodifierontsesmargesdemanœuvrepourlapromotiondelaréformeetlareprisedesnégociations. Le contexte stratégique lui étant défavorable, la Syrie sera-t-elle amenée àrevoirsalignedenégociationminimaleavecIsraël?Luifaudra-t-ilrenonceràrevendiquerleretourde l’intégralitéduGolan?AulendemaindelapublicationdurapportMehlis,lesdéclarationsduprésidentBushcondamnentla«déstabilisation»duLibanmaisellesexigentnotammentdelaSyriequ’ellerenonceàsonsoutienauHezbollahlibanais,àlarésistanceirakienne, aux radicauxpalestiniens etmêmeà l’Iran. L’administrationaméricaine sembleréclameraujourd’huiun «changementd’attitude» de laSyrie, à lamanièredont laLybieétaithierrentréedanslerang,sedéfendantdetoutevelléitéde«changementderégime»165.L’enlisement en Irak et la faiblesse des alternatives actuelles expliquent sans doute cettetemporisation. Les options évoquées de sanctions internationales, de changement derégime,voired’interventionmilitaire semblent releverd’une logique stratégiquenouvelle,dontlescontoursetlesprioritésdoiventencoreêtredéfinisentrelesEtats-Unis,laFranceetlerestedelacommunautéinternationale.Lesinjonctionsrépétéesenfaveurd’une«coopération»totaledelaSyrieimpliquent-ellesunecollaborationnécessaireà lamissiond’enquête internationaleou la soumissionde laSyrie,puissancearabedominantedepuisplusdetrenteans,àl’hégémoniedesEtats-Unisetdeleuralliérégionalisraélien?Le pays est pris en tenailles entre les résolutions 1559, 1595 et 1636, les menaces de 162Nir,2004.

163Ibid.

164Maariv,27septembre2005.

165InternationalHeraldTribune,1ernovembre2005,p.8.

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sanctionséconomiquesetdiplomatiques,etlesrécentesdéclarationspéremptoiresfaitesparAriel Sharon à la Knesset, à propos de nouveaux «projets de développement» dans leGolan, identifiant la Syrie, aux côtés de l’Iran et des groupes radicaux palestiniens, auxsponsorsdelaterreur166.Pourtant,laSyrieresteunpivotdelastabilitérégionale.Au-delàd’unesituationdenipaixni guerre, quelle relation les protagonistes construiront-ils? Réussiront-ils à poser lesfondations d’une coexistence durable?Une paix véritable, qui scellerait la réconciliationdes Etats mais aussi des populations, ne peut être obtenue que si elle est fondée sur desbasessolides,au-delàdesdiktatsetdesintérêtsdecourtterme.L’asymétrieentrelaSyrieetIsraëlavaitétécompenséeparlesstratégiesdepouvoird’HafezAl-Assad,etunprocessusdenégociationbilatérales’esttenupendantprèsdedixans,danslerespectde«l’autre»etdesesdemandes.Aujourd’hui,lanégociationseprésentesousunjournouveau,avecuneSyrieaffaiblie, dont les revendications devront s’ajuster à ces aléas stratégiques.Mais l’Histoirenousenseignequ’unepaixextorquéenevautjamaisunepaixaccordée...

166Ibid.,p.5;L’OrientLeJour,1ernovembre2005.

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Annexes

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La Syrie et les négociations de paix avec Israël : enjeux sécuritaires, territoriaux et hydrauliques

Temps

(1991-2000)

(CONFLIT) ENJEUXHYDRO

E

NJEUXSTRATEGIQUESEGOCIATION

(POUVOIR)

OBJET Territoire/Eau/Sécurité

PROCESSUS Face-à-face

1991-1996/ 2000

STRATEGIES

* Intérêts directs dans la résolution du conflit : . Revendications territoriales (restitution du Golan) . Sécurité nationale et régionale, contraintes domestiques, légitimité . Développement économique . Eau (sources du Jourdain).

* Résolutions des Nations unies (242, 338) : Droits/Principes * Formules: - Retrait complet du Golan contre paix globale (vs.) profondeur du retrait dépend de la paix négociée * Demandes, contre demandes, concessions

* Intérêts politiques et stratégiques indirects : enjeux et acteurs

. Sécurité régionale (Irak, Iran, Turquie, Etats-Unis) . Occupation du Golan en 1967 . Jeu des alliances (URSS, USA) . Sécurité des frontières (Liban, Turquie, Irak) . Occupation anglo-américaine de l’Irak en 2003

NEGOCIATION

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