382

Le manuel du généralist 2 pneumologie

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

  • 1. Dmarches diagnostique et thrapeutique devant une suspicion dembolie pulmonaire F. Parent Lembolie pulmonaire (EP) est une maladie frquente et grave qui serait responsable de 10 000 dcs chaque anne en France. Malgr lamlioration de la connaissance des facteurs de risque de cette pathologie et lapport des nouveaux tests diagnostiques non invasifs, le diagnostic reste parfois difficile. Il doit toujours tre conrm ou inrm, en appliquant les stratgies diagnostiques valides associant lvaluation de la probabilit clinique, et selon les cas, le dosage plasmatique des D-dimres, langioscanner pulmonaire en gnral plus disponible que la scintigraphie pulmonaire et lchodoppler veineux des membres infrieurs. Le traitement de lEP est le plus souvent simple et efficace : le traitement initial repose la plupart du temps sur lutilisation dune hparine de bas poids molculaire ou du fondaparinux, associ un relais dantivitamine K prcoce. La thrombolyse reste rserve aux patients prsentant une EP massive avec instabilit hmodynamique. La dure du traitement doit tenir compte du risque de rcidive du patient et de son risque hmorragique. Il est recommand un traitement court de 3 mois en cas dEP provoque par un facteur de risque rversible, tandis quun traitement dau moins 6 mois est recommand en cas dEP sans facteur favorisant ( idiopathique ). 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits rservs.Mots cls : Embolie pulmonaire ; Angioscanner pulmonaire ; Traitement anticoagulantPlan Introduction1 Dmarche diagnostique Place de la clinique et des examens de routine valuation de la probabilit clinique dEP Signes cliniques dEP grave Recherche des facteurs de risque Tests diagnostiques Notion dtudes pragmatiques Stratgies diagnostiques Diagnostic de lEP massive1 1 2 2 2 3 4 4 6 Traitement curatif Traitement anticoagulant initial Cas particuliers Dure du traitement anticoagulant6 6 7 7 Conclusion7 Introduction Lembolie pulmonaire (EP) est une maladie frquente et grave qui serait responsable de 10 000 dcs chaque anne en France. En effet, malgr lamlioration de la connaissance des facteurs de risque de cette maladie et lapport des nouveaux tests diagnostiques non invasifs, le diagnostic reste difficile ; il faut savoir penser au diagnostic dEP et appliquer les stratgies diagnostiques actuellement bien valides. LEP est parfois sousdiagnostique, en gnral parce que le diagnostic na pas t voqu ; ce qui risque dentraner une morbidit et une mortalit importantes (mortalit de 30 % en cas dEP non traite) [1] ;elle est galement trop souvent diagnostique par excs, sans certitude, impliquant pour le patient un traitement anticoagulant prolong parfois de plusieurs annes (dans le cadre dune rcidive par exemple), dont on connat les complications graves (3 5 %/an de complications hmorragiques graves) [2]. En revanche, le traitement est le plus souvent simple et efficace, reposant sur les anticoagulants, la place des thrombolytiques restant encore mieux prciser. Dmarche diagnostique LEP est dans la plupart des cas due lobstruction dune ou plusieurs artres pulmonaires par un thrombus fibrinocruorique (EP cruorique) issu de la circulation veineuse, le plus souvent des membres infrieurs ou rarement du cur droit. LEP et la thrombose veineuse sont les deux ples de la mme maladie, la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Face toute suspicion dEP, le diagnostic doit tre rapide et formel ; en effet, les risques du traitement anticoagulant sont importants, en particulier chez le sujet g (0,5 2 % de dcs) [2] et labsence de traitement peut avoir de graves consquences.Place de la clinique et des examens de routine Les signes cliniques, llectrocardiogramme, la radiographie de thorax et les gaz du sang nont aucune valeur de certitude. Ils ont cependant une grande valeur dorientation, et permettent dtablir une probabilit clinique dEP [3]. Aucun signe clinique nest discriminatif. Les plus frquemment retrouvs sont la douleur pleurale et une dyspne et/ou

2. polypne. Dautres signes peuvent tre retrouvs : toux, hmoptysie, tachycardie 100/min), fivre, tat de choc. Des signes cliniques de phlbite sont toujours recherchs. Sont particulirement vocateurs : une dyspne de survenue brutale, sans anomalies lexamen physique pulmonaire (en dehors de la polypne) ; une douleur thoracique de type pleural : brutale, basithoracique, augmente linspiration profonde ; lexistence dune hmoptysie, en gnral de petite abondance, noirtre, tmoin dun infarctus pulmonaire ; lexistence dune circonstance favorisante de MTEV (postopratoire, pltre, anomalie de lhmostase, cancer...) ; des signes cliniques de phlbite ; mais leur absence nlimine en rien le diagnostic. Llectrocardiogramme est anormal dans environ 70 % des cas, mais il sagit danomalies non spcifiques (anomalies du segment ST ou de londe T), rarement fibrillation ou flutter auriculaire. Les signes lectriques de cur pulmonaire aigu sont rares et galement non spcifiques : onde P pulmonaire, hypertrophie ventriculaire droite, dviation axiale droite avec aspect S1Q3, bloc de branche droit. Son intrt principal est dliminer dautres affections (syndrome coronarien aigu). La radiographie thoracique est anormale chez 80 % des patients, ne montrant en gnral que de petits signes vocateurs : atlectasies en bandes (opacits linaires sigeant aux bases), panchement pleural de petite abondance, type dmoussement dun cul-de-sac pleural, surlvation dune coupole diaphragmatique, image dinfarctus pulmonaire (opacit triangulaire base pleurale, rtractile ou non), plus rarement image damputation dune artre pulmonaire ou hyperclart dun poumon. Elle a un intrt galement pour le diagnostic diffrentiel : pneumopathie infectieuse, pneumothorax, dme pulmonaire. La gazomtrie artrielle, ralise en air ambiant, montre le plus souvent un effet shunt non spcifique du diagnostic. Elle peut tre normale, mme en cas dEP relativement importante. Elle est maintenant souvent remplace par la mesure percutane de la saturation, sauf chez les patients prsentant une pathologie cardiorespiratoire sous-jacente.valuation de la probabilit clinique dEP partir des lments cliniques et paracliniques de routine, on doit tablir une probabilit clinique dEP (faible, intermdiaire, forte) qui permet dorienter la stratgie diagnostique et damliorer la performance des tests diagnostiques utiliss. Cette probabilit clinique peut tre value soit laide dun score (Tableau 1) [4-6], soit de faon empirique, facilement utilisable en pratique courante : une probabilit clinique faible correspond un patient sans facteur de risque, ayant une symptomatologie peu vocatrice explique par un autre diagnostic ; une probabilit forte un patient ayant une symptomatologie trs vocatrice dEP, non explique par un autre diagnostic, associe des facteurs de risque de MTEV [7]. On sait que lEP est dautant plus frquente que la probabilit est leve, ce qui justifie ou non le recours certains examens diagnostiques invasifs (Fig. 1) [8, 9]. Cependant, en aucun cas, la clinique ne suffit affirmer ou infirmer le diagnostic.Tableau 1. Estimation de la probabilit clinique dembolie pulmonaire daprs les scores de Wells et de Wicki [4, 5].lmentsAntcdent de TVP ou EP+ 1,5 + 1,5+5Chirurgie rcente ou immobilisation rcente+3Chirurgie rcente ou immobilisation rcente+ 1,5Signes de TVP (dme, douleur provoque)+4Signes de TVP+3ge : > 65 ans+1Diagnostic alternatif moins + 3 probable que lEPHmoptysie+2Hmoptysie+1Cancer actif+2Cancer+1Douleur spontane du mollet+3Probabilit clinique : 04FaibleMoyenne58Moyenne26Forte9Forte701EP = embolie pulmonaire. TVP= thrombose veineuse profonde.Signes cliniques dEP grave Face un patient suspect dEP, il faut demble rechercher les signes cliniques faisant suspecter une EP grave, qui ncessitera une attitude diagnostique et thrapeutique spcifique en urgence. Ce sont des signes cliniques de cur pulmonaire aigu, quil faut savoir reconnatre avant ltat de choc manifeste : tachycardie, reflux hpatojugulaire, turgescence jugulaire, hypotension artrielle, signes de choc priphrique, signes de bas dbit cardiaque (syncopes, lipothymies, somnolence). Des troubles de la repolarisation dans tout le prcordium llectrocardiogramme sont frquents. La gravit de lEP est due son retentissement hmodynamique. En effet, lobstruction massive des branches artrielles pulmonaires entrane une dysfonction cardiaque droite aigu responsable de la majorit des dcs qui surviennent dans les premires heures et souvent mme avant lhospitalisation. Ces anomalies ne surviennent, chez un sujet sans antcdents cardiorespiratoires, que pour une obstruction de lordre de 70 %, mais beaucoup plus prcocement chez un patient ayant des antcdents cardiorespiratoires, une petite EP pouvant dans ce cas dcompenser son tat cardiorespiratoire sous-jacent.Recherche des facteurs de risque Les principaux facteurs de risque de MTEV sont rsums dans le Tableau 2 [10-12]. Leur connaissance est un des lments40Score de Genve + valuation implicite20ESSEPForteProbabilit clinique :FaibleScore de WellsProbabilit clinique+3> 95 / min60IntermdiairePointsRythme cardiaque > 100/min80FaiblelmentsRythme cardiaque : 75 - 94/minScore de Genve0PointsAntcdent de TVP ou EP + 2100Prvalence dEP (%)Score de Wells et al. [4]Score de Genve modifi [5]Figure 1. Valeur prdictive de la probabilit clinique (daprs [8, 9]). EP : embolie pulmonaire. 3. Tableau 2. Principaux facteurs de risques de la maladie thromboembolique veineuse. geTableau 3. Interprtation de la scintigraphie pulmonaire en cas de suspicion dEP (daprs The PIOPED Investigators, 1990 [21]). ProbabilitChirurgie : surtout orthopdique, carcinologique, abdominopelvienne CancerHauteImmobilisation : hmi- ou paraplgie, pltre, alitement ou voyage prolong2 larges (> 75 % du segment) defects segmentaires de perfusion non matchs en ventilation, ou plus de 4 defects segmentaires modrs non matchsGrossesse et post-partum, contraception stroprogestative, traitement hormonal substitutifIntermdiaireAucune des autres catgoriesInsuffisance cardiaque, accident vasculaire crbralFaibleMaladies haut risque (syndrome myloprolifratif, syndrome nphrotique, colite ulcreuse, maladie de Behet...)Defects de perfusion non segmentaires, ou anomalies segmentaires matchesScintigraphie normaleAucun defect de perfusiontat dhypercoagulabilit biologique acquise (syndrome des antiphospholipides, anticoagulant lupique) ou congnitale (mutation du facteur V ou du facteur II, dficit en protine S, C ou antithrombine) Obsit Varices Traumatismepermettant dvaluer la probabilit clinique dEP. Leur identification a galement un intrt dans la dcision de mise en place dun traitement prventif, dans le choix de la dure du traitement et dans la recherche de facteurs de risque de rcidive.Tests diagnostiques Dosage plasmatique des D-dimres Les D-dimres sont des produits spcifiques de la dgradation de la fibrine, dont la prsence des taux levs signifie que de la fibrine a t produite puis lyse. Dans lEP, le taux de D-dimres est donc lev, mais cette augmentation nest pas spcifique et est galement retrouve dans de nombreuses autres affections (cancer, pneumopathie par exemple) ; de plus, le taux est souvent lev chez les sujets de plus de 70 ans ou qui ont t rcemment oprs. Il est maintenant tabli quun taux normal de D-dimres (< 500 ng/ml) permet dexclure une EP avec une valeur prdictive ngative de lordre de 98 % quand la probabilit clinique est faible ou intermdiaire. En pratique, en cas de suspicion dEP [13-16] : un taux lev (> 500 ng/ml) na aucune valeur diagnostique et justifie de faire dautres examens vise diagnostique ; un taux normal (< 500 ng/ml) permet dliminer une EP, avec les techniques de dosage valides (Elisa rapide Vidas ou Liatest) si la probabilit clinique est faible ou intermdiaire ; ce test ne doit pas retarder les autres examens ; il doit tre demand, ralis et vu par le mdecin dans la mme journe, afin de poursuivre les investigations rapidement si le taux est 500 ng/ml. Il nest pas recommand de raliser un dosage de D-dimres en cas de probabilit clinique leve ou de suspicion dEP grave ; aux urgences, la rentabilit de cet examen est de lordre de 20 % ; cest--dire quil permet dliminer le diagnostic pour environ 20 % des patients suspects dEP.chodoppler veineux des membres infrieurs LEP est en gnral due la migration dun thrombus partir des membres infrieurs. Exceptionnellement, lembolie pulmonaire nat dune thrombose veineuse des membres suprieurs ou des cavits cardiaques droites. Le risque dEP partir dune thrombose veineuse superficielle est discut, mais lEP est toujours possible partir dune extension une veine profonde de la thrombose veineuse superficielle initiale. En cas de suspicion dEP, la mise en vidence dune thrombose veineuse profonde (TVP) proximale lchographie veineuse de compression des membres infrieurs permet de confirmer le diagnostic de MTEV et justifie un traitementanticoagulant sans autre examen pulmonaire vise diagnostique. Ainsi, propose-t-on de raliser une chographie veineuse des membres infrieurs en cas de suspicion dEP, mme en labsence de signes de phlbite, puisquil sagit dun examen non invasif sans contre-indication et ayant une spcificit de lordre de 95 97 % pour une TVP proximale [17-19] ; la spcificit est beaucoup moins bonne en cas de TVP distale ; il nest donc pas recommand de retenir le diagnostic dEP sur la seule mise en vidence dune TVP distale. Cependant, la sensibilit de lchographie veineuse des membres infrieurs est faible, en cas de suspicion dEP, de lordre de 30 50 % [20], une chographie normale nliminant en aucun cas le diagnostic dEP.Scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion La scintigraphie pulmonaire de perfusion est ralise en injectant par voie veineuse priphrique des macroagrgats dalbumine marqus par le 99m techntium. Six incidences doivent tre ralises (faces antrieure et postrieure, deux profils et deux obliques). Elle peut tre associe une scintigraphie pulmonaire de ventilation. Lexistence dune EP se traduit la scintigraphie de perfusion par un dfaut systmatis de perfusion du territoire correspondant. Cet aspect nest pas spcifique de lEP, la scintigraphie ne montrant pas dimage directe du thrombus mais des images indirectes non spcifiques. La spcificit est cependant amliore quand le dfaut de perfusion est associ une ventilation normale dans le mme territoire, ralisant ce qui est appel un aspect mismatch ou non match [21]. La scintigraphie pulmonaire doit tre interprte selon les critres tablis par ltude amricaine PIOPED (Prospective Investigation Of Pulmonary Embolism Diagnosis), qui a compar la valeur diagnostique de la scintigraphie de ventilation/ perfusion celle de langiographie pulmonaire comme examen de rfrence en distinguant plusieurs situations : haute probabilit, probabilit intermdiaire, probabilit faible, scintigraphie normale (Tableau 3) [21]. En pratique, la scintigraphie permet de conclure vis--vis du diagnostic dEP dans deux cas : une scintigraphie pulmonaire de perfusion normale (6 incidences ralises) limine le diagnostic dEP ; le diagnostic dEP est retenu en cas de scintigraphie pulmonaire de haute probabilit (au moins deux dfauts segmentaires de perfusion coupls une ventilation normale dans ces zones). Les autres aspects (dfauts de perfusion concordant avec un dfaut de ventilation, dfaut sous-segmentaire...) ne permettent pas de confirmer ou dinfirmer le diagnostic dEP. En cas de scintigraphie de probabilit intermdiaire, le diagnostic dembolie pulmonaire nest exact quune fois sur deux !Angioscanner thoracique hlicodal ou spiral Le scanner thoracique balayage spiral volumique permet une acquisition volumique et continue du thorax, contraire- 4. ment au scanner conventionnel o il existe des discontinuits anatomiques. Il ncessite une technique rigoureuse et bien dfinie lorsque lon recherche une EP ; il permet thoriquement une visualisation des artres pulmonaires jusquaux artres soussegmentaires [22]. Au scanner, le signe direct dEP est une lacune centrale au sein dune artre pulmonaire partiellement ou compltement cerne de produit de contraste. Les signes indirects comme des opacits base pleurale, des atlectasies en bande, des dilatations centrales ou priphriques dartre pulmonaire ou des panchements pleuraux ne sont pas des critres diagnostiques. Dans 4 8 % des cas, selon les sries publies, le scanner nest pas dune qualit suffisante (mauvaise apne, contraste insuffisant...) pour permettre une analyse de toutes les artres jusquaux segmentaires comprises et tre utilis de faon fiable pour le diagnostic dEP [9, 23, 24]. Il est maintenant clairement tabli que langioscanner spiral, lorsquil montre des signes directs (lacunes endovasculaires) dans des branches segmentaires ou plus proximales a une spcificit suffisante pour tablir le diagnostic dEP [23, 25]. En revanche, la spcificit des thrombus uniquement situs au niveau des artres sous-segmentaires reste controverse et il ne faut pas hsiter confirmer dans ce cas le diagnostic [9] ; pour certains auteurs il faut distinguer les lacunes sous-segmentaires multiples qui permettent de poser le diagnostic dEP et la lacune soussegmentaire unique qui ncessite une confirmation [24, 26] ; de plus, la concordance interobservateur pour reconnatre des images ce niveau nest pas bonne, mme au sein dune quipe entrane [27]. Avec les scanners spirals de premire gnration, dits monobarrette , on ne peut liminer une EP sur le seul angioscanner normal du fait dune sensibilit insuffisante, de lordre de 70 % [25] ; cest pourquoi un scanner normal doit tre associ une chographie veineuse normale et une probabilit clinique non forte pour infirmer le diagnostic dEP, ce qui porte alors la sensibilit une valeur de lordre de 97 % [9, 19, 23]. Les scanners plus rcents, multibarrettes , permettent lacquisition de plusieurs spirales simultanment et ainsi dobtenir des coupes et donc des reconstructions plus fines, davoir une meilleure dfinition et de visionner les artres pulmonaires jusquen sous-segmentaire, voire soussous-segmentaire. Les premires tudes publies avec ces scanners semblent prsager une meilleure sensibilit qui permettrait peut-tre dviter la ralisation systmatique dune chographie veineuse [24, 28] ; il faut cependant attendre la confirmation de ces premiers rsultats par les tudes en cours. Les scanners multibarrettes permettent galement de raliser un angioscanner des veines des membres infrieurs de la proximalit jusquaux veines poplites [29]. Lavantage est la recherche dune TVP proximale dans le mme temps dexamen, mais ce temps veineux rajoute une irradiation pelvienne au patient ; de plus, ce phlboscanner na pas t valid dans une stratgie diagnostique. Il nest donc pas actuellement recommand en pratique courante [30].Angiographie pulmonaire Longtemps reste lexamen gold standard dans lEP, langiographie pulmonaire est maintenant beaucoup moins utilise. Il sagit dun examen invasif, ncessitant un cathtrisme des artres pulmonaires partir dune veine priphrique, responsable dune morbidit faible mais non ngligeable ; lapparition des diffrents tests non invasifs et leur validation dans des stratgies diagnostiques ont plac cet examen en deuxime ligne de la dmarche diagnostique. Cet examen reste indispensable chez certains patients, 7 % des cas dans ltude ESSEP, moins frquemment depuis le scanner multibarrettes, quand la stratgie diagnostique na pas permis daboutir au diagnostic ; il sagit en gnral dangiographies difficiles qui recherchent la plupart du temps des EP distales, et ncessitentune quipe entrane [9, 24]. Il faut alors ne pas hsiter faire appel des centres spcialiss en cas de doute diagnostique persistant.chocardiographie Elle na dintrt que dans les formes graves dEP ; lchocardiographie est alors lexamen raliser en premire intention : il permet dliminer dautres diagnostics (tamponnade, infarctus du myocarde, dissection aortique) et confirme le retentissement cardiaque droit de lEP (dilatation des cavits cardiaques droites) ; exceptionnellement, il peut montrer des thrombi au sein des cavits cardiaques droites, permettant un diagnostic positif. Rappelons quune chocardiographie normale nlimine pas le diagnostic dEP.Notion dtudes pragmatiques Malgr les nouveaux tests diagnostiques disponibles, le diagnostic dEP reste difficile. En effet, aucun test na lui seul une sensibilit et une spcificit suffisantes pour pouvoir tre utilis seul dans la dmarche diagnostique face une suspicion dEP. Cest pourquoi des stratgies diagnostiques associant diffrents examens ont t valides. En fait, la spcificit des tests est satisfaisante, mais la question est surtout de ne pas liminer tort une EP dont on connat le risque lev de mortalit si elle nest pas traite, Ces stratgies sont valides par des tudes dites pragmatiques ( outcome study des AngloSaxons) o, une fois une EP limine, le patient est suivi pendant 3 6 mois sans traitement anticoagulant ; lexclusion du diagnostic dEP tant confirme a posteriori par labsence dvnements thromboemboliques pendant ce suivi sans anticoagulant.Stratgies diagnostiques Deux stratgies diagnostiques sont actuellement bien valides pour le diagnostic de lEP non grave, dtailles dans les Figures 2 et 3 [9, 18, 19, 24]. Les critres diagnostiques sont les suivants. Une EP est confirme par : une chographie veineuse des membres infrieurs montrant une TVP proximale ; ou un angioscanner pulmonaire montrant un (ou plusieurs) thrombus(i) en segmentaire ou plus proximal ; ou une scintigraphie pulmonaire de haute probabilit (au moins 2 defects segmentaires de perfusion coupls une ventilation normale dans ces territoires) ; ou une angiographie pulmonaire montrant un thrombus. Une EP est limine par : un dosage plasmatique de D-dimres normal (< 500 ng/ml) associ une probabilit clinique dEP faible ou intermdiaire ; ou une chographie veineuse des membres infrieurs et un angioscanner normaux si la probabilit clinique dEP nest pas forte ; ou une scintigraphie pulmonaire de perfusion normale ; ou lassociation dune faible probabilit clinique dEP, dune chographie veineuse des membres infrieurs normale et dune scintigraphie pulmonaire de probabilit faible ou intermdiaire [13, 18] ; ou une angiographie pulmonaire normale. Quelle stratgie choisir ? lheure actuelle, la disponibilit du scanner dans la plupart des centres hospitaliers (souvent 24 heures sur 24, tout au long de la semaine), explique la prfrence de nombreux cliniciens pour cet examen plutt que pour la scintigraphie. Il faut cependant ne pas oublier quune scintigraphie pulmonaire normale est un des examens les plus performants pour liminer une EP ; elle doit donc certainement garder des indications en cas de faible probabilit clinique tout particulirement chez des patients jeunes, ayant une radio de thorax normale ou quasi normale, sans antcdents cardiorespiratoires. 5. valuation de la probabilit clinique d'EPFaible ou intermdiaireForteD-dimres 500 ng/ml : chographie veineuse< 500 ng/ml : pas de traitementTVP prox : traitementPas de TVP : scintigraphieScinti normale : pas de traitementProba scinti intermdiaire : probabilit clinique (PC)PC faible : pas de traitementchographie veineusePas de TVP : scintigraphieTVP prox : traitementProba scinti haute : Proba scinti intermdiaire Traitement Angioscanner ou angiographieProba scinti haute : TraitementNormale : pas de traitementPC intermdiaire : angioscannerFigure 2. Arbre dcisionnel. Algorithme diagnostique de lembolie pulmonaire centr sur la scintigraphie pulmonaire (daprs [18]). TVP prox = thrombose veineuse profonde proximale ; proba : probabilit ; scinti : scintigraphie.valuation de la probabilit clinique d'EPForteFaible ou intermdiareD-dimres< 500 ng/ml : pas de traitement 500 ng/ml : chographie veineusePas de TVP : angioscannerNormal : pas de traitementNon diagnostique : angiographie et/ou scintigraphieTVP prox : traitementPositif : traitementchographie veineusePas de TVP : angioscannerNormal ou non diagnostique : angiographie et/ou scintigraphieTVP prox : traitementPositif : traitementFigure 3. Arbre dcisionnel. Algorithme diagnostique de lembolie pulmonaire centr sur langioscanner pulmonaire [9, 19]. TVP prox = thrombose veineuse profonde proximale.En conclusion, pour la plupart des patients, lvaluation de la probabilit clinique, lchographie veineuse des membres infrieurs et langioscanner permettent de poser le diagnostic. Quelques situations plus difficiles persistent. En cas dangioscanner techniquement insuffisant et dchographie veineuse ngative, dautres examens sont ncessaires : la scintigraphie pulmonaire est intressante alors, sil ny a pas ou peu danomalies parenchymateuses significatives au scanner ; sinon langiographie pulmonaire est indique.En cas de forte probabilit clinique, dchographie veineuse et dangioscanner monobarrette normaux, il reste lheure actuelle recommand de poursuivre les investigations diagnostiques ; avec le scanner multibarrettes, une situation associant une forte probabilit clinique, une chographie veineuse et un angioscanner normaux est rare : seulement 3 patients parmi les 756 inclus dans la dernire tude de Perrier et al., le diagnostic nayant t confirm chez aucun des patients [24]. Cette situation reste donc discuter probablement au cas par cas. 6. Tableau 4. Signes de gravit de lembolie pulmonaire. Syncope, lipothymies Signes dinsuffisance ventriculaire droite : turgescence jugulaire, reflux hpatojugulaire Tachycardie > 100/min Somnolence Hypotension artrielle tat de choc manifeste Troubles de repolarisation dans tout le prcordium lECG Acidose mtabolique aux GDSAvec les nouveaux scanners, il semblerait que lchographie veineuse ne soit pas indispensable pour liminer une EP en cas dangioscanner normal et de probabilit clinique non forte [24] ; cela demande tre confirm. Certains auteurs proposent de remplacer lchographie veineuse des membres infrieurs par une veinographie des membres infrieurs obtenue au cours de langioscanner (phlboscanner) [29-31]. Cette technique nest pas encore clairement valide dans une stratgie diagnostique et nest donc pas recommande en pratique courante.Diagnostic de lEP massive Dans 5 10 % des cas, le diagnostic dEP se fait devant un tableau clinique grave (syncope, insuffisance cardiaque droite aigu, hypotension artrielle) (Tableau 4). Il sagit alors dune urgence diagnostique et thrapeutique. Lchocardiographie est lexamen raliser en premire intention qui permet dliminer dautres diagnostics, et de confirmer le retentissement cardiaque droit de lEP. Le diagnostic positif est en gnral simple puisquil sagit de thrombi proximaux, bien visualiss langioscanner spiral, qui est donc lexamen de choix dans cette situation. Malgr labsence dtudes spcifiques, on considre en gnral quen cas de suspicion dEP grave donc proximale, un angioscanner spiral ngatif limine lEP. Traitement curatif Le traitement curatif de lEP repose sur le traitement anticoagulant. Son objectif est double : viter lextension de la thrombose et prvenir les rcidives. Les modalits pratiques de ce traitement la phase aigu sont actuellement bien codifies et ont t largement diffuses par plusieurs confrences de consensus dont les recommandations sont fondes, en majorit, sur les rsultats de grands essais randomiss [32] . Ainsi, lexception dune minorit de patients prsentant une mauvaise tolrance hmodynamique et pouvant bnficier dun traitement fibrinolytique susceptible de lyser rapidement les caillots, ou dautres prsentant des contre-indications au traitement anticoagulant pouvant justifier une interruption de la veine cave infrieure, la majorit des patients peut tre traite efficacement par les seuls anticoagulants. Les hparines de bas poids molculaires (HBPM) ont remplac lhparine non fractionne (HNF) dans le traitement initial des embolies pulmonaires non graves, en dehors de leur contreindication spcifique (insuffisance rnale svre). Les antivitamines K, commencs simultanment lhparine, demeurent les seuls anticoagulants oraux disponibles. Malgr dimportants efforts de recherche, la dure optimale du traitement anticoagulant de la MTEV reste mal dfinie. Longtemps arbitrairement fixe 3 ou 6 mois, elle tend tre de plus en plus individualise en fonction des facteurs connus de rcidive et des facteurs de risque dhmorragie pour un malade donn.Traitement anticoagulant initial Le traitement par hparine est dbut ds la suspicion clinique. La poursuite de ce traitement ne peut se concevoirsans avoir obtenu la confirmation du diagnostic par un test objectif, idalement dans une priode ne devant pas excder 24 48 heures. Le lever est en gnral autoris au bout de 24 heures de traitement anticoagulant efficace, avec une contention veineuse sil existe une thrombose veineuse des membres infrieurs associe.Hparine non fractionne Lhparine non fractionne (HNF) est un des traitements initiaux de rfrence de lEP. Le schma actuel dadministration de lHNF propos par la dernire confrence de consensus de lAmerican College of Chest Physicians (ACCP) repose sur la prescription dun bolus initial intraveineux de 80 UI/kg suivi dune perfusion continue la dose initiale de 18 UI/kg/h [32]. Lactivit anticoagulante doit tre adapte au rsultat du temps de cphaline activ (TCA) qui doit tre maintenu entre 1,5 et 2,5 fois le tmoin ; mais en France, la sensibilit des ractifs tant diffrente de celle des ractifs nord-amricians, les recommandations sont de maintenir le TCA entre 2 et 3 fois le tmoin. Lidal est que le laboratoire prcise les valeurs de TCA correspondant une hparinmie comprise entre 0,3 et 0,6 unit anti-Xa. Le premier TCA doit tre ralis 4 6 heures aprs le dbut du traitement et rpt 6 heures aprs chaque changement de doses. Par la suite, il doit tre mesur au moins une fois par jour. Lutilisation de nomogrammes permet datteindre rapidement la zone thrapeutique [33]. Ladministration de lHNF en deux injections sous-cutanes par jour est une alternative la voie intraveineuse. Le protocole dadministration propos par la confrence de lACCP inclut un bolus intraveineux de 5 000 UI suivi dune injection de 17 500 UI deux fois par jour le premier jour. La dose est ajuste pour un TCA ralis 6 heures aprs la dose matinale [32].Hparines de bas poids molculaire Les HBPM sont obtenues par fragmentation chimique ou enzymatique de longues chanes dHNF ; comme lHNF, elles se fixent et catalysent laction de lantithrombine par lintermdiaire du pentasaccharide. Contrairement lHNF, les chanes dHBPM ont une action inhibitrice prdominante du facteur Xa alors que leur action inhibitrice vis--vis de la thrombine (IIa) est plus faible (activit anti-Xa/activit anti-IIa > 1). Leur biodisponibilit est bien meilleure que celle de lHNF, leur demivie est plus longue (4 6 h) et leur effet anticoagulant est plus prvisible en raison dune moindre fixation aux protines plasmatiques et aux cellules endothliales. Elles sont limines par voie rnale. Les HBPM ont t compares lHNF dans de nombreux essais randomiss et mta-analyses. Rcemment, une mtaanalyse incluant 12 essais et 1958 patients prsentant une EP montre que comparativement lHNF, les HBPM sont associes une rduction non significative des rcidives symptomatiques la fin de la priode de traitement par hparine (1,4 % contre 2,4 %) et 3 mois (3 % contre 4,4 %) [34]. Les complications hmorragiques graves ont tendance tre moins frquentes sous HBPM mais la diffrence nest pas statistiquement significative (1,4 % contre 2,3 %) [34]. Lincidence des thrombopnies hparino-induites est plus faible sous HBPM (0,1 %) mais il existe des ractions croises avec lHNF. Il est donc maintenant clairement tabli que les HBPM sont au moins aussi sres et efficaces que lHNF dans le traitement curatif initial de la MTEV, y compris de lEP. Un des progrs majeurs apport par lutilisation des HBPM est la simplification du traitement anticoagulant avec 1 ou 2 injections sous-cutanes par jour, sans contrle biologique en dehors de la numration plaquettaire deux fois par semaine. Pour ces raisons, la dernire confrence de lACCP recommande lutilisation en premire intention des HBPM dans le traitement curatif initial de la MTEV sauf en cas dinsuffisance rnale (clairance de la cratinine < 30 ml/min) ou tat de choc (EP massive) [32]. LHNF est galement intressante dans 7. certaines situations du fait de sa demi-vie plus courte (priopratoire par exemple). En France, seules deux HBPM ont obtenu une autorisation de mise sur le march (AMM) pour le traitement de lEP : la tinzaparine (Innohep) [35] en 1 injection/j la dose de 175 UI/kg/j, et lnoxaparine (Lovenox) [36] en 2 injections/j la dose de 1 mg/kg 2/j en cas dassociation une TVP.Pentasaccharide (fondaparinux = Arixtra) Lidentification et lisolement de la structure active de lhparine (pentasaccharide) a permis sa synthse. Le fondaparinux a ainsi une activit anti-Xa exclusive, il sadministre par voie sous-cutane, est aussi limin par voie rnale et ne prsente pas de risque thorique de thrombopnie induite par lhparine. Le fondaparinux, la dose de 7,5 mg (pour un poids compris entre 50 et 100 kg ; 5 mg en cas de poids < 50 kg et 10 mg si > 100 kg) en 1 injection sous-cutane/j, a t valu dans le traitement curatif des TVP o il tait compar lenoxaparine [37] et des EP o il tait compar lHNF [38]. Ce nouveau traitement sest rvl aussi efficace en termes de rcidive et dcs, et sr en termes dhmorragie que lHNF ou lnoxaparine et a obtenu trs rcemment une AMM en France dans le traitement initial de la MTEV. Il est contre-indiqu en cas dinsuffisance rnale (clairance de la cratinine < 30 ml/min) et ne ncessite aucune surveillance biologique spcifique.Relais par antivitamines K Le relais par les antivitamines K (Coumadine, Previscan, Sintrom) est dbut en principe dans les premiers jours du traitement avec un chevauchement de lhparine et des AVK dau moins 4 jours. Lhparine ou le fondaparinux sont arrts quand lINR (International Normalized Ratio) est compris entre 2 et 3 sur deux prlvements 24 48 heures dintervalle [32].Cas particuliers Traitement des formes graves dEP En cas dEP massive, avec tableau dinsuffisance circulatoire aigu, la mortalit hospitalire est de lordre de 25 30 %. Dans ce cas, un traitement thrombolytique est indiqu, en labsence de contre-indications ; il permet une fibrinolyse rapide des thrombi, et donc une baisse rapide des rsistances vasculaires pulmonaires, au prix dun risque hmorragique accru [32] . Certains auteurs ont propos un traitement thrombolytique galement dans les EP avec une obstruction vasculaire importante (obstruction > 50 %), sans tat de choc clinique mais avec un retentissement cardiaque droit visualis en chocardiographie (dilatation des cavits cardiaques droites). En fait, actuellement lintrt de ce traitement, dont on connat le risque dhmorragies graves, nest pas dmontr dans cette indication et il faut encore attendre les rsultats dtudes ultrieures [32]. Dans certains cas exceptionnels, on est amen discuter une embolectomie chirurgicale qui permet une dsobstruction vasculaire en urgence sous CEC. On lui reconnat trois indications en cas dEP grave avec tat de choc : contre-indication aux thrombolytiques, traitement thrombolytique inefficace ou EP gravissime avec un tat de choc svre, ne permettant pas dattendre le dlai defficacit de la thrombolyse (2 3 h environ). Elle ncessite une quipe chirurgicale et anesthsique entrane. La mortalit de lembolectomie chirurgicale sous CEC est lourde, estime 40 %.de noplasie [39]. Deux tudes ont montr quun traitement par HBPM sans relais par AVK est plus efficace pour prvenir les rcidives de MTEV plutt que le relais habituel chez les patients atteints de cancer sans augmentation du risque hmorragique [40]. Ces donnes suggrent une supriorit des HBPM dans le traitement curatif de la MTEV chez les patients atteints de cancer, elles sont donc le traitement de rfrence recommand par la dernire confrence de lACCP [32]. La dure doit tre prolonge jusqu la rmission du cancer.Interruption de la veine cave infrieure Il sagit de la mise en place par voie percutane dun filtre dans la veine cave infrieure dont le but est dviter les rcidives dEP partir dune thrombose des membres infrieurs. Ses indications sont rares et ne se discutent quen cas de TVP des membres infrieurs associe : chec dun traitement anticoagulant bien conduit, contre-indication au traitement anticoagulant [32]. Larrive des filtres temporaires (qui peuvent tre retirs plusieurs semaines aprs leur mise en place) ne doit pas faire largir leurs indications sans tude pralable.Dure du traitement anticoagulant La dure du traitement anticoagulant reste encore dbattue. Il sagit toujours dun choix entre le risque de rcidive de MTEV larrt du traitement anticoagulant et le risque hmorragique sous traitement anticoagulant (risque dhmorragie grave estim entre 2,4 et 5 %/an) [2]. De nombreuses tudes ont tent de mieux prciser les facteurs prdictifs de rcidive et dvaluer dans des essais randomiss la dure optimale danticoagulation [41-43]. En cas de facteur favorisant persistant, le traitement anticoagulant doit tre poursuivi tant que ce facteur persiste (exemple : cancer volutif). En cas de rcidive de MTEV, le risque de rcidive est probablement lev larrt du traitement anticoagulant et justifie sa poursuite au long cours [32, 44]. En dehors de ces deux situations, le principal facteur de risque de rcidive est le caractre spontan ou idiopathique de lpisode de thrombose (environ 3 %/an de rcidive en cas de thrombose provoque [par exemple postopratoire] versus prs de 10 %/an en cas de thrombose spontane ou idiopathique ) [41, 43]. La notion dune thrombophilie hrditaire ne vient quau second plan et sa place exacte dans la discussion de la dure du traitement est encore controverse [45]. Quoi quil en soit, il est recommand une dure de traitement dau moins 3 mois en cas de premier pisode de MTEV provoqu et de 6 mois si cet pisode est spontan. La prolongation de la dure de traitement aprs cette priode ne fait que diffrer la date de la rcidive [42]. En pratique, linterprtation des essais cliniques est complexe et il est difficile de dgager un consensus clair. La dure du traitement anticoagulant tend tre de plus en plus individualise en fonction des facteurs de risque de rcidive et dhmorragie pour un malade donn. Les recommandations de la dernire confrence de lACCP sont rsumes dans le Tableau 5 [32]. Des tudes visant slectionner les patients les plus risque de rcidive aprs larrt du traitement sont en cours ; la prsence dun taux de D-dimres lev 1 mois aprs larrt du traitement anticoagulant semble un lment intressant [46].Patient porteur dun cancer volutif La MTEV est une complication frquente du cancer. Le traitement anticoagulant conventionnel (HNF ou HBPM et relais AVK) semble moins efficace sur ce terrain. En effet, le taux de rcidives de MTEV est trois fois plus lev et les complications hmorragiques sont deux fois plus frquentes chez les patients ayant une MTEV et un cancer que chez les patients indemnes Conclusion LEP est une maladie frquente, qui reste parfois difficile diagnostiquer. Il est important de suivre les recommandations de prise en charge de cette pathologie afin de minimiser sa morbimortalit. 8. Tableau 5. Recommandations internationales sur la dure du traitement anticoagulant de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) (daprs [32]). 3 mois6 12 moisPremier pisode de MTEV secondaire un facteur de risque transitoire (chirurgie, traumatismes, immobilisation, traitements hormonaux...) Premier pisode de MTEV idiopathique Premier pisode de MTEV avec un dficit document en antithrombine, protine C, protine S, ou facteur V Leiden ou mutation 20210 du facteur II, hyperhomocystinmie1 an ou plusPatients atteints de MTEV et dun cancer (traitement anticoagulant poursuivi jusqu la rmission complte) Premier pisode de MTEV associ des anticorps antiphospholipides Premier pisode de MTEV associ des anomalies complexes de la coagulation (par exemple, mutations htrozygotes du V et du II) Rcidive de MTEV (traitement poursuivi vie). Rfrences [1] [2] [3][4][5][6][7] [8][9][10] [11] [12] [13][14] [15][16]Barritt DW, Jordan SC. Anticoagulant drugs in the treatment of pulmonary embolism: a controlled trial. Lancet 1960;1:1309-12. Landefeld C, Beyth R. Anticoagulant-related bleeding: clinical epidemiology, prediction and prevention. Am J Med 1993;95:315-28. Stein PD, Terrin ML, Hales CA, Palevsky HI, Saltzman HA, Thompson BT, et al. Clinical, laboratory, roentgenographic, and electrocardiographic ndings in patients with acute pulmonary embolism and no pre-existing cardiac or pulmonary disease. Chest 1991;100:598-603 [see comments]. Wells PS, Anderson DR, Rodger M, Ginsberg JS, Kearon C, Gent M, et al. Derivation of a simple clinical model to categorize patients probability of pulmonary embolism: increasing the models utility with the SimpliRED D-dimer. Thromb Haemost 2000;83:416-20. Le Gal G, Righini M, Roy PM, Sanchez O, Aujesky D, Bounameaux H, et al. Prediction of pulmonary embolism in the emergency department: the revised Geneva score. Ann Intern Med 2006;144:165-71. Wicki J, Perneger TV, Junod AF, Bounameaux H, Perrier A. Assessing clinical probability of pulmonary embolism in the emergency ward: a simple score. Arch Intern Med 2001;161:92-7. Hyers TM. Venous thromboembolism. Am J Respir Crit Care Med 1999;159:1-4. Chagnon I, Bounameaux H, Aujesky D, Roy PM, Gourdier AL, Cornuz J, et al. Comparison of two clinical prediction rules and implicit assessment among patients with suspected pulmonary embolism. Am J Med 2002;113:269-75. Musset D, Parent F, Meyer G, Maitre S, Girard P, Leroyer C, et al. Diagnostic strategy for patients with suspected pulmonary embolism: a prospective multicentre outcome study. Lancet 2002; 360:1914-20. Rosendaal FR. Risk factors for venous thrombosis: prevalence, risk and interaction. Semin Hematol 1997;34:171-87. Rosendaal FR. Venous thrombosis: a multicausal disease. Lancet 1999; 353:1167-73. Martinelli I. Risk factors in venous thromboembolism. Thromb Haemost 2001;86:395-403. Perrier A, Desmarais S, Goehring C, de Moerloose P, Morabia A, Unger PF, et al. D-dimer testing for suspected pulmonary embolism in out patients. Am J Respir Crit Care Med 1997;156(2Pt1): 492-6. British Thoracic Society guidelines for the management of suspected acute pulmonary embolism. Thorax 2003;58:470-83. Stein PD, Hull RD, Patel KC, Olson RE, Ghali WA, Brant R, et al. D-dimer for the exclusion of acute venous thrombosis and pulmonary embolism: a systematic review. Ann Intern Med 2004;140: 589-602. Righini M, Aujesky D, Roy PM, Cornuz J, de Moerloose P, Bounameaux H, et al. Clinical usefulness of D-dimer depending on clinical probability and cutoff value in outpatients with suspected pulmonary embolism. Arch Intern Med 2004;164:2483-7.[17] Perrier A, Bounameaux H, Morabia A, de Moerloose P, Slosman D, Didier D, et al. Diagnosis of pulmonary embolism by a decision analysis-based strategy including clinical probability, D-dimer levels, and ultrasonography: a management study. Arch Intern Med 1996;156: 531-6. [18] Perrier A, Desmarais S, Miron MJ, de Moerloose P, Lepage R, Slosman D, et al. Non-invasive diagnosis of venous thromboembolism in outpatients. Lancet 1999;353:190-5. [19] Perrier A, Roy PM, Aujesky D, Chagnon I, Howarth N, Gourdier AL, et al. Diagnosing pulmonary embolism in outpatients with clinical assessment, D-dimer measurement, venous ultrasound, and helical computed tomography: a multicenter management study. Am J Med 2004;116:291-9. [20] Turkstra F, Kuijer PM, van Beek EJ, Brandjes DP, ten Cate JW, Buller HR. Diagnostic utility of ultrasonography of leg veins in patients suspected of having pulmonary embolism. Ann Intern Med 1997;126: 775-81. [21] The PIOPED investigators. Value of the ventilation/perfusion scan in acute pulmonary embolism. Results of the prospective investigation of pulmonary embolism diagnosis. JAMA 1990;263:2753-9. [22] Remy-Jardin M, Remy J, Wattinne L, Giraud F. Central pulmonary thromboembolism: diagnosis with spiral volumetric CT with the singlebreath-hold technique--comparison with pulmonary angiography. Radiology 1992;185:381-7. [23] Perrier A, Howarth N, Didier D, Loubeyre P, Unger PF, de Moerloose P, et al. Performance of helical computed tomography in unselected outpatients with suspected pulmonary embolism. Ann Intern Med 2001; 135:88-97. [24] Perrier A, Roy PM, Sanchez O, Le Gal G, Meyer G, Gourdier AL, et al. Multidetector-row computed tomography in suspected pulmonary embolism. N Engl J Med 2005;352:1760-8. [25] Rathbun SW, Raskob GE, Whitsett TL. Sensitivity and specicity of helical computed tomography in the diagnosis of pulmonary embolism: a systematic review. Ann Intern Med 2000;132:227-32. [26] Le Gal G, Righini M, Parent F, van Strijen M, Couturaud F. Diagnosis and management of subsegmental pulmonary embolism. J Thromb Haemost 2006;4:724-31. [27] Chartrand-Lefebvre C, Howarth N, Lucidarme O, Beigelman C, Cluzel P, Mourey-Grosa I, et al. Contrast-enhanced helical CT for pulmonary embolism detection: inter- and intraobserver agreement among radiologists with variable experience. AJR Am J Roentgenol 1999;172:107-12. [28] van Belle A, Buller HR, Huisman MV, Huisman PM, Kaasjager K, Kamphuisen PW, et al. Effectiveness of managing suspected pulmonary embolism using an algorithm combining clinical probability, D-dimer testing, and computed tomography. JAMA 2006; 295:172-9. [29] Stein PD, Fowler SE, Goodman LR, Gottschalk A, Hales CA, Hull RD, et al. Multidetector computed tomography for acute pulmonary embolism. N Engl J Med 2006;354:2317-27. [30] Perrier A, Bounameaux H. Accuracy or outcome in suspected pulmonary embolism. N Engl J Med 2006;354:2383-5. [31] Loud PA, Katz DS, Bruce DA, Klippenstein DL, Grossman ZD. Deep venous thrombosis with suspected pulmonary embolism: detection with combined CT venography and pulmonary angiography. Radiology 2001;219:498-502. [32] Bller H, Agnelli G, Hull R, Hyers T, Prins M, Raskob G. Antithrombotic therapy for venous thromboembolic disease. The seventh ACCP Conference on Antithrombotic and Thrombolytic therapy. Chest 2004;126(suppl3):401S-428S. [33] Raschke RA, Reilly BM, Guidry JR, Fontana JR, Srinivas S. The weight-based heparin dosing nomogram compared with a standard care nomogram. A randomized controlled trial. Ann Intern Med 1993; 119:874-81. [34] Quinlan DJ, McQuillan A, Eikelboom JW. Low-molecular-weight heparin compared with intravenous unfractionated heparin for treatment of pulmonary embolism: a meta-analysis of randomized, controlled trials. Ann Intern Med 2004;140:175-83. [35] Simonneau G, Sors H, Charbonnier B, Page Y, Laaban J-P, Azarian R, et al. A comparison of low-molecular-weight heparin with unfractionated heparin for acute pulmonary embolism. N Engl J Med 1997;337:663-9. [36] Merli G, Spiro TE, Olsson CG, Abildgaard U, Davidson BL, Eldor A, et al. Subcutaneous enoxaparin once or twice daily compared with intravenous unfractionated heparin for treatment of venous thromboembolic disease. Ann Intern Med 2001;134:191-202. 9. [37] Bller HR, Davidson BL, Decousus H, Gallus A, Gent M, Piovella F, et al. Fondaparinux or enoxaparin for the initial treatment of symptomatic deep venous thrombosis: a randomized trial. Ann Intern Med 2004;140:867-73. [38] Bller HR, Davidson BL, Decousus H, Gallus A, Gent M, Piovella F, et al. Subcutaneous fondaparinux versus intravenous unfractionated heparin in the initial treatment of pulmonary embolism. N Engl J Med 2003;349:1695-702. [39] Prandoni P, Lensing AW, Piccioli A, Bernardi E, Simioni P, Girolami B, et al. Recurrent venous thromboembolism and bleeding complications during anticoagulant treatment in patients with cancer and venous thrombosis. Blood 2002;100:3484-8. [40] Lee AY, Levine MN, Baker RI, Bowden C, Kakkar AK, Prins M, et al. Low-molecular-weight heparin versus a coumarin for the prevention of recurrent venous thromboembolism in patients with cancer. N Engl J Med 2003;349:146-53. [41] Schulman S, Rhedin AS, Lindmarker P, Carlsson A, Larfars G, Nicol P, et al. A comparison of six weeks with six months of oral anticoagulant therapy after a rst episode of venous thromboembolism. Duration of Anticoagulation Trial Study Group. N Engl J Med 1995;332:1661-5 [see comments].[42] Agnelli G, Prandoni P, Santamaria MG, Bagatella P, IorioA, Bazzan M, et al. Three months versus one year of oral anticoagulant therapy for idiopathic deep venous thrombosis. Warfarin Optimal Duration Italian Trial Investigators. N Engl J Med 2001;345:165-9. [43] Pinede L, Ninet J, Duhaut P, Chabaud S, Demolombe-Rague S, Durieu I, et al. Comparison of 3 and 6 months of oral anticoagulant therapy after a rst episode of proximal deep vein thrombosis or pulmonary embolism and comparison of 6 and 12 weeks of therapy after isolated calf deep vein thrombosis. Circulation 2001;103: 2453-60. [44] Schulman S, Granqvist S, Holmstrom M, Carlsson A, Lindmarker P, Nicol P, et al. The duration of oral anticoagulant therapy after a second episode of venous thromboembolism. The Duration of Anticoagulation Trial Study Group. N Engl J Med 1997;336:393-8 [see comments]. [45] Christiansen SC, Cannegieter SC, Koster T, Vandenbroucke JP, Rosendaal FR. Thrombophilia, clinical factors, and recurrent venous thrombotic events. JAMA 2005;293:2352-61. [46] Palareti G, Cosmi B, Legnani C, Tosetto A, Brusi C, Iorio A, et al. D-dimer testing to determine the duration of anticoagulation therapy. N Engl J Med 2006;355:1780-9. 10. Dmarche diagnostique et thrapeutique devant une suspicion de syndrome dapnes obstructives du sommeil J.-C. Meurice Le syndrome dapnes obstructives du sommeil (SAOS) reprsente un facteur de risque cardiovasculaire justiant un dpistage systmatique en prsence dune hypersomnie diurne et de ronements, plus particulirement chez les sujets porteurs dune surcharge pondrale. La ralisation dun enregistrement polysomnographique, domicile ou au Laboratoire du sommeil, permet la conrmation du diagnostic, lanalyse du retentissement sur la qualit du sommeil et de limportance des dsaturations nocturnes. Les mesures hyginodittiques reprsentent la premire tape du traitement. Les techniques chirurgicales otorhinolaryngologiques sadressent avant tout au traitement du ronement. La ventilation en pression positive continue (PPC) reprsente le traitement le plus efficace du SAOS et de ses complications. Elle ncessite dtre utilise toutes les nuits, 5 6 heures par nuit. Les prothses davancement mandibulaire sont une alternative thrapeutique satisfaisante, plus particulirement en cas dchec de la PPC et de SAOS modr. 2006 Elsevier SAS. Tous droits rservs.Mots cls : SAOS ; Complications cardiovasculaires ; Ronement ; Pression positive continue ; Prothse davancement mandibulairePlan Introduction1 Dmarche diagnostique Quelques dnitions Physiopathologie Prsentation clinique Dmarche clinique et paraclinique2 2 2 3 4 Dmarche thrapeutique Hygine de sommeil et mesures hyginodittiques Traitement chirurgical otorhinolaryngologique Ventilation en pression positive continue au masque nasal Prothses davance mandibulaire Autres traitements6 6 7 7 8 8 Introduction Le syndrome dapnes obstructives du sommeil (SAOS), longtemps considr comme une pathologie anodine et anecdotique, reprsente dsormais une proccupation quotidienne du pneumologue justifiant le dveloppement, au cours de la dernire dcennie, de nombreuses modalits denseignement postuniversitaire et de formation mdicale continue destines apporter aux praticiens les moyens pratiques de diagnostic et de traitement de cette pathologie. En effet, bien que les premiers tmoignages de lexistence de cette pathologie soient relativement anciens, celle-ci na vraiment commenc tre individualise que vers la fin des annes 1970, avec lavnement de la polysomnographie, permettant lors denregistrements nocturnes continus et prolongs de mettre en vidence la prsence de cestroubles respiratoires au cours du sommeil. Ceci permet dexpliquer la mconnaissance encore toute rcente de cette affection, et sa probable sous-valuation conduisant un diagnostic encore insuffisant [1], alors que les tudes pidmiologiques les plus rcentes font tat dune prvalence proche de 10 % de la population gnrale, et que ses complications, en particulier cardiovasculaires, en font un vritable problme de sant publique. Le sous-diagnostic du SAOS est encore aggrav par la bnignit apparente des principaux symptmes caractrisant cette pathologie, tels que le ronflement et la somnolence diurne excessive, la ngligence des patients vis--vis de ces troubles auxquels ils sadaptent progressivement, et labsence de tmoin de ces anomalies survenant au cours du sommeil des patients. Enfin, malgr les nombreux essais de mise en place de questionnaires standardiss pour le dpistage clinique de cette pathologie, aucun dentre eux na obtenu ce jour une valeur prdictive positive suffisante pour en faire un outil diagnostique fiable. Cest la raison pour laquelle la dmarche diagnostique du SAOS qui repose sur un faisceau darguments cliniques conduisant une confirmation polysomnographique ncessite au pralable une parfaite connaissance des principaux types daffections respiratoires nocturnes, des mcanismes physiopathologiques lorigine du SAOS, et des manifestations cliniques par lintermdiaire desquelles le SAOS peut se manifester. Ces diffrents aspects sont abords successivement, en laissant une grande part la clinique et au diagnostic polysomnographique, avant de dvelopper les alternatives thrapeutiques notre disposition, dont la mise en uvre sera prsente en fonction de la gravit de ces troubles respiratoires nocturnes. 11. Dmarche diagnostique Quelques dnitions On distingue essentiellement deux types danomalie respiratoire au cours du sommeil : les apnes ou pauses respiratoires se dfinissant par un arrt complet du flux arien nasobuccal pendant plus de 10 secondes. Les apnes obstructives (Fig. 1) sont caractrises par la persistance defforts respiratoires rvls par la prsence de mouvements thoracoabdominaux en opposition de phase, ou la persistance de dpressions inspiratoires croissantes sur lenregistrement de la pression sophagienne (crescendo). Les apnes centrales sont caractrises par la disparition de tout effort respiratoire. Les apnes mixtes dbutent comme des apnes centrales au cours desquelles apparaissent, en deuxime partie de pause, des efforts respiratoires caractristiques des apnes obstructives ; les hypopnes qui sont caractrises par une rduction du flux arien nasobuccal ou de lamplitude des mouvements thoracoabdominaux dau moins 50 %, pendant au moins 10 secondes, associe une rduction de 3 ou 4 % de la saturation en oxygne et/ou des ractions dveil. Le SAOS se dfinit par la succession de troubles respiratoires dont le type obstructif, en rapport avec une obstruction des voies ariennes suprieures (VAS), est prdominant mais frquemment associ des vnements centraux et mixtes. Cest en 1976 que Guilleminault en a donn la premire dfinition sous la forme dune rptition dapnes obstructives de plus de 10 secondes avec une frquence suprieure 5 par heure de sommeil. Depuis cette priode, de nombreuses autres dfinitions tenant compte de la prsence dhypopnes, ou dvnements respiratoires plus subtils, ont t proposes afin daffiner le diagnostic et la prise en charge de cette pathologie. Actuellement, il est admis de dfinir le SAOS par un index dapnes/ hypopnes (IA/H : nombre dapnes et dhypopnes par heure de sommeil) suprieur 10/h. Le SAOS est qualifi de minime lorsque lIAH est compris entre 10 et 20, modr entre 20 et 30, et svre au-del de 30. Il est possible dobserver des IAH suprieurs 100/h. Dautres anomalies respiratoires au cours du sommeil ont t mises en vidence, pouvant parfois accompagner un authentique SAOS.Syndrome de haute rsistance des voies ariennes suprieures Il a t identifi en 1993 par Guilleminault. Ce syndrome est caractris par labsence dapnes et dhypopnes, labsence de dsaturation nocturne, mais la prsence dun ronflement intense et dune importante hypovigilance diurne. Il nexiste gnralement pas de surcharge pondrale et lexamen clinique rvle frquemment la prsence danomalies maxillofaciales domines par un micrortrognathisme et une rduction de la taille des VAS. Sur le plan polysomnographique, les troubles respiratoires nocturnes sont marqus par une rduction du dbit inspiratoire, associe des efforts inspiratoires accrus, comme en atteste laugmentation de la dpression sophagienne accompagnant ces anomalies, et de nombreux microveils contemporains de ces efforts respiratoires nocturnes. Cette pathologie pourrait tre considre comme une forme particulire de SAOS caractrise par des hypopnes prdominantes et non dsaturantes, dont la prise en charge thrapeutique plus difficile ncessite un diagnostic prcis.Syndrome obsit-hypoventilation Il a t dcrit par Charles Dickens travers la description dun de ses personnages de roman, obse et prsentant une hypersomnie diurne importante. Cest ce personnage qui a donn le nom au syndrome de Pickwick, longtemps assimil, tort, au SAOS. Le tableau clinique est trs proche de celui du SAOS, mais les troubles respiratoires nocturnes sont essentiellement en rapport avec le retentissement de la surcharge pondrale sur la mcanique ventilatoire, et un trouble de la sensibilit des centres respiratoires. Le diagnostic est voqu plus particulirement en prsence dune hypoxmie diurne, ventuellement associe une hypercapnie. Lenregistrement polysomnographique rvle rarement des vnements respiratoires de type apnique, mais surtout des dsaturations nocturnes profondes et prolonges en rapport avec des phnomnes dhypoventilation alvolaire. Lassociation avec un SAOS authentique est possible [2].Syndrome de recouvrement ou overlap syndrome Il correspond lassociation, chez un mme individu, dune insuffisance respiratoire chronique (le plus souvent en rapport avec une bronchopneumopathie chronique obstructive, BPCO) et dun SAOS. Il sagit dans ce cas de patients prsentant une surcharge pondrale. Linsuffisance respiratoire peut saccompagner de troubles respiratoires nocturnes, mais la symptomatologie clinique est rarement comparable celle du SAOS, et les troubles respiratoires rencontrs sapparentent des phnomnes dhypoventilation alvolaire nocturne.PhysiopathologieFigure 1. Enregistrement polysomnographique rvlant une succession de troubles respiratoires nocturnes caractristiques du syndrome dapnes obstructives du sommeil (SAOS), avec microveils lors de chaque reprise ventilatoire et dsaturation secondaire chaque pisode apnique. Signaux 1 et 2 : lectroencphalogramme ; signaux 3 et 4 : lectro-oculogramme ; signaux 5 et 6 : lectromyogramme ; signal 7 : ux arien nasal et buccal ; signal 8 : mouvements des muscles thoraciques ; signal 9 : mouvements des muscles abdominaux ; signal 10 : saturation en oxygne.Physiologiquement, le pharynx, qui correspond au site lectif de lobstruction des VAS en raison de sa souplesse et de labsence de relief osseux et cartilagineux son contact, est soumis, linspiration, la dpression engendre dans les VAS sous leffet de la contraction du diaphragme. Chez le sujet sain, cette dpression est prcde de quelques millisecondes par la contraction des muscles dilatateurs des VAS dont le rle est de maintenir un calibre pharyng satisfaisant pendant linspiration. Lobstruction des VAS lorigine des troubles respiratoires au cours du sommeil est gnralement la consquence de plusieurs facteurs dont limportance respective est variable dun sujet un autre. Obstruction mcanique dorigine anatomique au niveau de loropharynx, en rapport avec une hypertrophie amygdalienne, hypertrophie vellaire et de la luette, macroglossie, rtrognathisme. Hypotonie musculaire au cours du sommeil favorisant un recul de la langue, major par le dcubitus latral. Modifications histologiques des muscles des VAS qui deviennent le sige dune infiltration graisseuse, conjonctive, ou par des cellules inflammatoires, responsable du dveloppement 12. Dans les huit circonstances suivantes, avez-vous un risque de vous endormir dans la journe ?Figure 2. Description du score de somnolence dEpworth.Si le risque de vous endormir est inexistant, notez : 0 Si le risque de vous endormir est minime, notez : 1 Si le risque de vous endormir est modr, notez : 2 Si le risque de vous endormir est important, notez : 3 Exemple : Si le risque de vous endormir Assis en lisant un livre ou le journal est modr, notez : 2Assis en lisant un livre ou le journal : En regardant la tlvision : Assis, inactif, dans un lieu (cinma, thtre, salle d'attente...) : Si vous tes passager d'une voiture pour un trajet de 1 heure : En tant allong aprs le repas de midi, lorsque les circonstances le permettent : En tant assis, en parlant avec quelqu'un : En tant assis, aprs un repas sans boisson alcoolise : En tant au volant de la voiture, au cours d'un arrt de la circulation de quelques minutes :dune vritable fibrose interstitielle, avec atrophie fasciculaire et augmentation de la dispersion des fibres musculaires, empchant le muscle de se contracter dans de bonnes conditions. Limportance des lsions est corrle la svrit des troubles respiratoires nocturnes. Certaines de ces anomalies pourraient aussi faire voquer une atteinte neurologique associe, type de dmylinisation, responsable dune dysfonction nerveuse affrente au niveau des muscles des voies ariennes suprieures. Un phnomne de dsynchronisation peut sinstaller entre lactivit phrnique gnrant la contraction du diaphragme, et celle du muscle gnioglosse qui se trouve sous la dpendance de lactivit du nerf hypoglosse (XII) pouvant ainsi aboutir au collapsus pharyng inspiratoire. Un certain degr de dsensibilisation des VAS [3] a t mis en vidence rcemment, pouvant reprsenter dailleurs un moyen diagnostique du SAOS (cf. infra), ainsi que des lsions histologiques des rcepteurs situs la surface des VAS [4].Prsentation clinique Le SAOS doit tre recherch dans quelques grandes situations : devant lassociation de signes cliniques nocturnes et diurnes. Le diagnostic peut tre ais face des symptmes parfois caricaturaux chez des sujets obses, mais quil peut tre difficile de mettre en vidence du fait de la ngligence des patients vis--vis de cette symptomatologie, ou en labsence du conjoint au moment de la consultation ; devant des complications cardiovasculaires. Il sera important denvisager la prsence dun SAOS, mme si la prsentation clinique nest pas vidente ; devant des manifestations viscrales du SAOS (neurologiques, hpatiques, oculaires, rnales, mtaboliques et endocriniennes), ou lors du bilan de certaines pathologies (acromgalie, hypothyrodie, syndrome de Charcot-Marie-Tooth, polyarthrite rhumatode), qui ensemble font du SAOS une vritable maladie de systme.Manifestations cliniques nocturnes Le ronflement est trs souvent le motif principal amenant les patients consulter en raison de son caractre gnant pour lentourage. Il est prsent chez plus de 95 % des patients porteurs de SAOS mais nest pas spcifique de la pathologie puisquil est retrouv chez plus de 50 % des hommes et prs de 25 % des femmes de la population gnrale. Il sagit le plussouvent dun ronflement intense, retrouv toutes les nuits et voluant de longue date. Il reprsente le premier tmoin dune obstruction des VAS. Ces ronflements sont associs des arrts respiratoires pouvant tre dcrits par le conjoint, et plus rarement une sensation de gne respiratoire ressentie par le patient lui-mme. Ceci peut sintgrer dans un tableau dagitation anormale au cours du sommeil ponctu de mouvements incontrls ou de mouvements priodiques des membres infrieurs ainsi que de sueurs nocturnes. Une polyurie nocturne obligeant le malade se lever plusieurs fois par nuit est prsente de faon quasi systmatique, et a parfois conduit les patients une consultation spcialise durologie compte tenu de la gne quelle occasionne. Elle est rapporte une augmentation de scrtion de facteur atrial natriurtique en rapport avec un effet de barotraumatisme sur les parois cardiaques sous leffet des efforts respiratoires accrus pour lutter contre lobstacle otorhinolaryngologique. Plus rarement, une nursie peut tre observe, chez moins de 5 % des patients. Des troubles de la libido type dimpuissance ou de dysfonction rectile sont relativement frquents et rgressent habituellement sous traitement.Manifestations cliniques diurnes La symptomatologie diurne est domine par limportance de la somnolence diurne se prsentant ds le matin sous la forme dune sensation dtre moins repos que la veille au coucher, ou parfois comme une impression de lassitude et dpuisement. Elle se poursuit dans la journe sous la forme dendormissements dapparition rapide ds que lactivit du patient se rduit, pouvant survenir nimporte quel moment de la journe mais plus particulirement en priode postprandiale, et pouvant aboutir une rduction importante de lactivit quotidienne. Des phases dendormissement incoercibles peuvent survenir, parfois dans des situations inhabituelles ou dramatiques telles quau volant dune voiture. Un plus grand nombre daccidents de la circulation routire a dailleurs t mis en vidence chez les patients apniques que dans la population gnrale. Afin de tenter de quantifier cliniquement la svrit de lhypersomnie diurne, le score de somnolence dEpworth est le plus classiquement utilis compte tenu de sa simplicit de ralisation, et de sa reproductibilit qui en fait un excellent paramtre de surveillance sous traitement. La ralisation de ce score repose sur lautovaluation par les patients, du risque de sendormir dans huit situations de la vie courante (Fig. 2). Un score gal ou infrieur 9 est considr comme normal. Bien que ce score soit peu corrl avec des tests objectifs dvaluation 13. du niveau de vigilance diurne, il reprsente une approche clinique relativement fiable, les valeurs retrouves dans le SAOS tant gnralement proches de 10 14 (mais des valeurs normales sont aussi possibles...), alors que les pathologies neurologiques primitives telles que la narcolepsie ou lhypersomnie idiopathique sont plus souvent associes un score plus lev, entre 15 et 20. Des troubles cognitifs sont frquemment dcrits type de troubles de la mmoire, de difficults de concentration ou maintenir un niveau dattention correct, et de dficit des capacits dapprentissage. Ces symptmes peuvent saccompagner de troubles de lhumeur, dune agressivit ou dune irritabilit inhabituelle. La prsence de cphales, en particulier matinales, est frquemment retrouve.Complications cardiovasculaires du SAOS Hypertension artrielle. Il existe actuellement des donnes convaincantes confirmant le rle du SAOS comme facteur de risque indpendant vis--vis du dveloppement dune hypertension artrielle systmique, avec une volution favorable, mais inconstante, des chiffres tensionnels sous traitement. Insuffisance coronarienne. La prvalence des troubles respiratoires nocturnes chez les coronariens est proche de 30 %. La prsence dun SAOS est associe un risque accru de rcidive de la pathologie coronarienne et de la mortalit au dcours dun pisode aigu dinfarctus du myocarde [5]. La prsence de troubles du rythme cardiaque est dexpression variable selon les auteurs, et bien que des troubles de la conduction auriculoventriculaire aient t dcrits de longue date, ce nest que beaucoup plus rcemment que les dysrythmies ont t lobjet de proccupations particulires avec la mise en vidence dun nombre accru dimplantations de pacemaker chez les sujets SAOS, ainsi quun risque important de rcidive de fibrillation auriculaire aprs cardioversion dans cette population. Le dveloppement dune hypertension artrielle pulmonaire chronique chez des patients porteurs dun SAOS isol, en labsence dhypoxmie diurne, reste controvers. Lhypertension artrielle pulmonaire serait lie lassociation une autre pathologie respiratoire chronique. Insuffisance cardiaque. La prsence de troubles respiratoires nocturnes de type obstructif est retrouve dans environ 25 % des cas dinsuffisance cardiaque chronique. Les apnes centrales sont plus frquentes, affectant environ 40 % des patients porteurs dinsuffisance cardiaque chronique, et se prsentent sous la forme dune respiration priodique de Cheyne-Stokes. Le SAOS reprsente aussi un facteur de risque important et indpendant vis--vis de la survenue daccidents vasculaires crbraux, quel que soit le type (ischmique transitoire, ischmique constitu, ou hmorragique). Lvolution sous leffet de la ventilation en pression positive continue (PPC) est en cours dvaluation. La prsence dun SAOS pourrait avoir un rle favorisant dans le dveloppement dune maladie thromboembolique veineuse.Autres manifestations cliniques Sur le plan endocrinien, le SAOS peut tre secondaire une affection primitive telle quune hypothyrodie ou une acromgalie par lintermdiaire de linfiltration des tissus mous des parois de loropharynx et de la macroglossie qui accompagnent cette affection. Cependant, le SAOS peut aussi tre lorigine de vritables troubles endocriniens tels quun retard staturopondral par rduction de la scrtion dhormone de croissance, que lon peut mettre en vidence chez les jeunes enfants prsentant une importante hypertrophie amygdalienne, et dont lvolution clinique est rversible aprs amygdalectomie. De mme, le dveloppement dune insulinorsistance reprsente une complication reconnue du SAOS [6] . Les dsordres endocriniens responsables des troubles de la libido sont encore mal cerns, mais voluent favorablement aprs traitement efficace du SAOS, de mme que la scrtion excessive de facteur atrial natriurtique.Les complications neurologiques, en dehors des accidents vasculaires crbraux, concernent essentiellement la survenue de neuropathies priphriques pouvant tre en rapport avec des lsions axonales ischmiques lies limportance des dsaturations nocturnes, et plusieurs cas de nvrite optique ont t rapports. Les troubles cognitifs, trs frquents au cours du SAOS, se traduisent par une rduction de la vitesse dexcution, ainsi que des troubles mnsiques et de lattention, dont la rgression est gnralement lente et incomplte sous traitement. Une insomnie paradoxale chez ces patients ayant tendance sendormir tout moment dans la journe, ainsi que de vritables syndromes dpressifs sont possibles. Des complications moins frquentes et en cours dvaluation de faon prospective ont t dcrites, telles que la prvalence accrue de glaucome ou la prsence dune statose hpatique.Dmarche clinique et paraclinique Examen clinique Lobsit est frquente, de type androde, se dveloppant plus particulirement au niveau de labdomen et de la partie suprieure du thorax. Il existe une excellente corrlation entre la mesure du primtre abdominal et la circonfrence du cou chez ces patients qui prsentent gnralement un cou large et court associ un index de masse corporelle lev (poids/ [taille])2 > 30 kg/m2). La mesure de la pression artrielle peut retrouver une hypertension artrielle mconnue ou dj traite mdicalement. Lexamen otorhinolaryngologique est systmatique et peut mettre en vidence une hypertrophie du voile du palais dont les piliers sont largis, associe une hypertrophie de la luette qui est flasque et atone. Une hypertrophie amygdalienne peut tre note, bien que plus frquente chez lenfant. Une macroglossie et une obstruction nasale doivent tre recherches. De mme, une anomalie anatomique telle quune rtrognathie ou un maxillaire infrieur de petite taille et plus troit que la normale peut saccompagner dune augmentation des rsistances des VAS. Il se traduit gnralement par un recul de la mandibule par rapport au maxillaire suprieur avec un overjet significatif des incisives suprieures par rapport larcade dentaire infrieure.Explorations des voies ariennes suprieures Une consultation otorhinolaryngologique permettra de prciser les indications dun traitement chirurgical ventuel en recherchant le site de lobstruction des VAS sous la forme dune anomalie isole et accessible, en saidant en particulier dune endoscopie nasopharynge sensibilise par une manuvre de Mller (inspiration force glotte bloque). Il sera prcis limportance respective de lhypertrophie de la luette, du voile du palais, de la base de langue et des amygdales, ainsi que la capacit douverture buccale et la prsence dune anomalie anatomique affectant le maxillaire infrieur, et pouvant tre le tmoin dune rduction de taille des VAS. Lexamen de la sphre nasopharynge ne doit pas tre nglig dans le sens o elle intervient pour 50 % des rsistances des VAS. La suspicion dune rduction de la permabilit nasale peut justifier la ralisation dune rhinomanomtrie dont lintrt est dobtenir une quantification de celle-ci pouvant tre rvalue secondairement aprs traitement. Plusieurs types dimagerie des VAS sont proposs mais gnralement peu utiliss en raison de difficults de ralisation en dehors de certains centres spcialiss, et compte tenu de la faible implication de la prcision de ces rsultats dans la stratgie thrapeutique habituelle. En revanche, ces techniques sont indispensables pour toute indication de chirurgie maxillofaciale. Le plus simple de ces examens est la cphalomtrie qui permet une estimation fiable des diamtres pharyng et rtrobasilingual partir de mesures des distances sparant certains points anatomiques prcis. Malgr la rigueur de ralisation de cet examen, labsence dinformations dynamiques, plus particulirement au cours du sommeil, en limite les indications. Cet 14. examen reste, nanmoins, indispensable avant toute chirurgie davancement mandibulaire, et pourrait tre dune pratique intressante avant la mise en place dune prothse davance mandibulaire. Des techniques plus sophistiques et plus prcises sont possibles telles que lexamen tomodensitomtrique ou en rsonance magntique des VAS, dont lintrt essentiel est dapporter une exploration des parties molles entourant les VAS ainsi quune vritable reconstruction anatomique en trois dimensions de loropharynx, lveil ou au cours du sommeil [7] . Cependant, leur cot ainsi que limportance de lirradiation pour la tomodensitomtrie en rduisent la pratique courante. Plus rcemment a t propose lexploration de la sensibilit pharynge laide dun appareillage relativement simple associ la technique rigoureuse qui a bnfici dune valuation rigoureuse, dont la sensibilit et la spcificit pour le diagnostic de SAOS sont intressantes.Explorations lectrophysiologiques Cest lapparition des techniques denregistrement continu de signaux lectrophysiologiques et hmodynamiques au dbut de 1960 qui a permis de dvelopper lexploration des troubles respiratoires au cours du sommeil. Initialement raliss sur des polysomnographes sophistiqus et rservs des centres spcialiss, ces enregistrements sont devenus rapidement accessibles des structures moins complexes grce la mise au point de systme denregistrement informatis, moins encombrant et plus convivial permettant actuellement de proposer une alternative efficace entre des enregistrements au laboratoire et des examens effectus au domicile des patients. Quel que soit le type denregistrement (complet, simplifi, ambulatoire), lanalyse automatise des signaux respiratoires et lectrophysiologiques doit faire lobjet dune validation par loprateur. Lenregistrement polysomnographique est lexamen de rfrence pour le diagnostic des troubles respiratoires du sommeil (Fig. 1). Il comporte : une analyse de la structure du sommeil laide dun enregistrement de llectroencphalogramme (EEG), de llectrooculogramme (EOG) et de llectromyogramme (EMG) des muscles de la houppe du menton. La combinaison de ces trois signaux permet dlaborer un hypnogramme. Lanalyse de la macroarchitecture du sommeil et la quantification des microveils (veils de 3 15 s) qui surviennent aprs chaque vnement respiratoire nocturne sont ralises partir de ces tracs ; lanalyse du flux arien peut tre ralise partir de diffrents types de capteurs : C thermistance nasobuccale ne permettant quune analyse qualitative du signal respiratoire ; C mesure de la pression nasale laide dune canule nasale relie un capteur de pression permettant une analyse beaucoup plus fiable du dbit arien, ce qui autorise la dtection des phnomnes de limitation de dbit inspiratoire que lon rencontre dans le syndrome de haute rsistance des VAS. La technique de rfrence reste lanalyse du flux arien laide dun pneumotachographe qui, seul, permet une approche quantitative fiable des dbits et des volumes ventils ; C les autres paramtres enregistrs sont la saturation en oxygne laide dun oxymtre de pouls, la position du corps, llectrocardiogramme, et les mouvements thoraciques et abdominaux laide de sangles de plthysmographie. Les ronflements peuvent tre enregistrs laide dun microphone fix sur la rgion cervicale en regard de la trache. Il est important de pouvoir enregistrer lEMG tibial antrieur la recherche de mouvements priodiques des membres infrieurs qui peuvent reprsenter un diagnostic diffrentiel ventuel face une hypersomnie diurne. Lenregistrement de la pression sophagienne reprsente lexamen de rfrence mais non systmatique pour lanalyse de leffort respiratoire au cours du sommeil, enFigure 3. Trac doxymtrie nocturne correspondant un syndrome dapnes obstructives du sommeil svre caractris par des dsaturations itratives et incessantes, avec retour la ligne de base aprs chaque dsaturation.apportant des donnes plus prcises que le simple enregistrement des mouvements thoracoabdominaux. Des techniques plus rcentes (temps de transit du pouls) permettent, laide de capteurs classiques et simples, la mise en vidence de limitation de dbit et defforts respiratoires, vitant ainsi lutilisation de capteurs plus invasifs comme la mise en place dune sonde sophagienne. Tous les capteurs lectrophysiologiques, respiratoires et hmodynamiques sont actuellement disponibles pour des enregistrements au laboratoire ainsi que sous la forme denregistreur portable. La polygraphie ventilatoire est un enregistrement simplifi qui ne comporte pas danalyse du sommeil. Ces enregistrements proposent sous diverses formes une analyse du flux arien avec enregistrement de la saturation en oxygne associe une valuation des efforts respiratoires le plus souvent laide de sangles thoracoabdominales et ventuellement un enregistrement du ronflement. lextrme, dans les cas les plus svres, compte tenu de la survenue de dsaturations nocturnes au dcours de chaque apne ou hypopne, un enregistrement isol de la saturation en oxygne mesure au doigt peut, laide dappareils dont la frquence dchantillonnage est suffisamment leve, mettre en vidence un aspect typique et vocateur de SAOS sous la forme de dsaturations itratives et incessantes, dont la profondeur peut varier au cours de la nuit en fonction de ltat respiratoire sous-jacent du patient et du stade de sommeil, avec retour au niveau de base de la saturation, la suite de chaque vnement respiratoire nocturne (Fig. 3).Stratgie diagnostique Une stratgie diagnostique du SAOS pratique peut tre propose en fonction de lvaluation clinique, de lactivit professionnelle (en particulier vis--vis de la frquence de la conduite automobile) et de la prsence ventuelle de facteurs de risque cardiovasculaires. Celle-ci est destine proposer un algorithme dcisionnel concernant le choix du type denregistrement pratiquer, vitant ainsi le recours systmatique un enregistrement polysomnographique en laboratoire (Fig. 4). Lorsquil existe une forte probabilit clinique vocatrice de SAOS, le diagnostic peut tre acquis par nimporte quel systme simplifi ayant fait lobjet dune validation. Lintrt de ces appareils est de pouvoir quantifier un index dvnements respiratoires nocturnes pathologique. La confirmation du SAOS permet de dbuter demble un traitement adapt. En revanche, un rsultat ngatif ou un index dvnements dapnes/hypopnes faible (entre 15 et 30/h denregistrement) chez ce type de patient impose la ralisation dun enregistrement complet, plus particulirement au laboratoire, afin dy associer une valuation objective de la vigilance diurne pour rechercher une autre pathologie sous-jacente. En cas de symptomatologie dissocie (somnolence diurne excessive, associe ou non un ronflement, sans morphotype caractristique, en particulier chez les sujets jeunes ou dge moyen, sans anomalie cardiovasculaire connue), un enregistrement complet comprenant une analyse du sommeil et de lEMG tibial antrieur doit tre propos demble pour 15. Figure 4. Arbre dcisionnel. Ralisation des explorations polygraphiques.Signes cliniquesHaute probabilit Obsit + ronflement + hypersomnie diurneFaible probabilit ou symptomatologie dissociePolygraphie ventilatoirePositivePolysomnographieNgativeTraitementPositivePolysomnographie + tests d'valuation objective de la vigilance diurneconfirmation diagnostique et pour liminer les autres causes possibles dhypersomnie diurne. Un enregistrement comprenant une analyse de la pression sophagienne ou du temps de transit du pouls doit tre propos en cas de forte suspicion de syndrome de haute rsistance des VAS (sujet jeune, sans surcharge pondrale, somnolent et ronfleur sans dsaturation ni apne ou hypopne mais avec de nombreux microveils).Diagnostics diffrentiels La prsence dune hypersomnie diurne peut avoir dautres causes que le SAOS. Il sagit plus particulirement des causes neurologiques dhypersomnie diurne qui sont suspectes devant : lge de dbut gnralement plus prcoce des symptmes, remontant parfois plusieurs annes, voire la petite enfance ; lintensit de lhypersomnie est habituellement plus importante, responsable parfois dendormissements incoercibles, quelle que soit lactivit des patients ; le caractre familial doit tre recherch, bien que cette caractristique puisse aussi tre prsente en cas de SAOS ; des signes daccompagnement. La confirmation de ces diagnostics ncessite des techniques lectrophysiologiques particulires telles que lenregistrement de lEMG du tibial antrieur, des enregistrements du sommeil sur 24 heures ou lassociation un enregistrement vido au cours de la nuit. De mme, la quantification de lhypersomnie diurne peut ncessiter la ralisation de tests objectifs tels que des tests itratifs de dlai dendormissement ou des tests de maintien de lveil qui sont effectus au cours de la journe suivant la polysomnographie. Les pathologies en cause sont multiples. Une narcolepsie est habituellement responsable dune hypersomnie diurne svre, prsente depuis lenfance, saccompagnant de signes associs tels quune cataplexie (perte brutale et transitoire du tonus musculaire des membres infrieurs ou suprieurs), des hallucinations hypnagogiques en dbut de nuit, et des paralysies du sommeil. Lors des tests objectifs, on recherche la prsence dendormissement en sommeil paradoxal. Par ailleurs, cette pathologie est associe un phnotype human leukocyte antigen (HLA) DR particulier (0602).NgativeTraitementLassociation SAOS et narcolepsie est possible, voire relativement frquente. Une hypersomnie idiopathique est voque devant une dure excessive de sommeil sur 24 heures, et une latence dendormissement rduite, plus particulirement chez les sujets jeunes. On retrouve parfois le caractre familial des anomalies. Les mouvements priodiques des membres infrieurs peuvent saccompagner dune hypersomnie importante, et de douleurs des membres infrieurs avec sensation dimpatience dans la journe. Des pathologies psychiatriques telles que la dpression et linsomnie peuvent tre responsables dune hypersomnie diurne subjective, gnralement non confirme par les tests objectifs. Dmarche thrapeutique Hygine de sommeil et mesures hyginodittiques Hygine du sommeil Il est illusoire de proposer un traitement spcifique du SAOS en labsence de mise en place de rgles de vie simples mais indispensables pour obtenir une amlioration de la qualit du sommeil, viter les conditions favorisant la survenue dun SAOS, et rduire le risque cardiovasculaire. Compte tenu de laugmentation de la capacit des VAS se collaber sous leffet des sdatifs, il est ncessaire dinformer les patients du risque li la prise dhypnotiques au coucher. Il en est de mme avec lalcool, dont les effets sexerant lectivement sur les muscles des VAS sont comparables ceux de la prise dhypnotique, justifiant linterdiction de prise dalcool le soir. Les patients doivent observer une hygine de sommeil, avec des horaires de sommeil relativement stables dune nuit lautre, afin dviter toute privation de sommeil qui majore le risque dapparition de troubles respiratoires au cours du sommeil. 16. Mesures positionnelles Dans 15 20 % des cas, le SAOS est essentiellement positionnel, caractris par la survenue quasi exclusive des troubles respiratoires nocturnes lorsque les patients dorment en dcubitus dorsal. Il est alors possible de proposer la mise en place dune prothse en mousse rigide attache dans le dos, vitant la station en dcubitus dorsal. Cette mesure suffit parfois normaliser lindex dapnes/hypopnes et amliorer la qualit du sommeil.Mesures hyginodittiques La mise en place de mesures hyginodittiques adaptes doit tre propose ds que lindex de masse corporelle est suprieur 28 kg/m2, afin dobtenir un amaigrissement significatif qui sera bnfique pour la rgression des troubles respiratoires nocturnes et pour lamlioration des facteurs de risque cardiovasculaires. Outre les rgimes hypocaloriques standards, lutilisation de rgimes riches en protines semble apporter un bnfice supplmentaire associ une perte de poids plus marque et relativement rapide [8]. Une prise en charge comportementale peut tre propose secondairement afin dobtenir une stabilisation de la courbe pondrale.Traitement chirurgical otorhinolaryngologique Le but du traitement chirurgical est daugmenter le calibre des VAS en corrigeant les anomalies anatomiques mises en vidence lexamen otorhinolaryngologique [9]. Il peut agir en favorisant lantriorisation des structures mandibulaires, en restaurant une position normale de lappareil hyolingual et/ou en rduisant le contenu oropharyng. Le premier traitement chirurgical efficace propos a t la trachotomie. La trachotomie permettait de normaliser la survie des patients. Secondairement, au dbut des annes 1970, lavnement de luvulo-palato-pharyngoplastie a sembl apporter une solution moins invasive en proposant une rduction de la taille du voile du palais et une remise en tension des parois pharynges, ventuellement associes une amygdalectomie. Cette intervention pouvait tre ralise par incision au bistouri ou par laser. Les effets indsirables frquents (douleur, insuffisance vlaire) et la remise en cause de son efficacit long terme sur les troubles respiratoires nocturnes en limitent maintenant lindication au traitement du ronflement associ un SAOS de faible gravit. Actuellement, cette technique est progressivement abandonne au profit de la radiofrquence qui permet de rduire les douleurs et de limiter la dgradation anatomique irrversible. Cette technique, ralise sous anesthsie locale, est sans effet secondaire. Son indication est limite au traitement du ronflement isol chez des sujets ne prsentant pas de surcharge pondrale excessive. Lamygdalectomie isole est parfaitement justifie chez les enfants prsentant un ronflement associ un SAOS, en rapport avec une importante hypertrophie amygdalienne. Le retentissement est parfois svre avec un retard staturopondral et une perturbation des performances scolaires. Une tape supplmentaire du traitement chirurgical a t apporte dans les annes 1990 avec le dveloppement de la rduction chirurgicale basilinguale, propose essentiellement dans les dformations de lappareil hyolingual, alors que les techniques de transposition gnienne et de suspension hyodienne ont t progressivement abandonnes par insuffisance defficacit au prix dune intervention invasive. Le seul traitement chirurgical ayant fait la preuve dune efficacit significative et durable, y compris en cas de SAOS, rside dans la chirurgie davance mandibulaire, ventuellement associe une avance simultane du maxillaire suprieur. Nanmoins, celle-ci ne peut tre ralise que par des quipes entranes, en cas danomalie squelettique craniofaciale telle quun important micrortrognathisme, et aprs explorations maxillofaciales spcialises. Ce type de chirurgie, efficace mais trs invasif, ne peut actuellement tre propos quen cas deFigure 5. Appareillage pour ventilation en pression positive continue au masque nasal.refus, dinefficacit ou dintolrance dun traitement par ventilation en pression positive continue (PPC) pralablement propos aux patients.Ventilation en pression positive continue au masque nasal Cest en 1981 que Sullivan a propos de traiter le SAOS par ventilation en PPC. Depuis cette priode, et alors que les modalits de ventilation (taille, performances, algorithmes des appareils) nont cess dvoluer, la PPC reste toujours le traitement le plus efficace du SAOS. Cette ventilation a pour but de lutter contre le collapsus inspiratoire des VAS engendr par la contraction diaphragmatique et favoris par les anomalies anatomiques ou fonctionnelles prcdemment dcrites, en appliquant une vritable attelle pneumatique sur les parois des VAS. Cette pression est dlivre partir dun dbit dair provenant dun gnrateur dair sous pression, dont lapplication aux VAS est ralise travers un masque nasal tanche (Fig. 5). Gnralement, le niveau de pression positive efficace (Peff) utilis domicile au long cours par les patients est dtermin manuellement lors dun nouvel enregistrement polysomnographique au cours duquel un technicien augmente progressivement le niveau de pression depuis le niveau le plus faible (4 5 cmH2 O), par paliers de 1 cmH2 O. La Peff correspond au niveau de pression permettant dobtenir une rgression de tous les vnements respiratoires, apnes et hypopnes, et des ronflements, dans toutes les positions du corps et au cours de tous les stades de sommeil. Lducation des patients sur lutilisation de cette ventilation est indispensable avant leur retour au domicile, afin de les rendre autonomes vis--vis de ce traitement, leur ap