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Le Manuel Du Généraliste - Néphrologie-Urologie

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Analyse des urines

H Izzedine

L ’examen des urines porte sur l’étude de leur volume, de leur coloration, de la protéinurie, de l’observation etde la numération au microscope des éléments figurés de l’urine, de l’étude bactériologique des urines. Des

résultats de ces investigations et de leur confrontation avec les examens sanguins et les données cliniques, découlentdes renseignements d’une valeur considérable pour aboutir au diagnostic des syndromes néphrologiques. L’examendes urines permet dans de très nombreux cas d’orienter précisément vers la lésion organique ou fonctionnellecaractérisant une néphropathie ou un désordre extrarénal.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : urine, bandelette urinaire, sédiment urinaire.

■Introduction

L’urine est un témoin classique et incontournabledans les maladies rénales. Son analyse tantmacroscopique que microscopique restefondamentale.

■Analyse macroscopique des urines

L’urine est normalement claire et de couleur jaunepâle. La coloration de l’urine est plus claire lorsquel’urine est diluée (par exemple après diurétiques), etplus foncée lorsque l’urine est concentrée, commeaprès une restriction hydrique nocturne. L’urine peutêtre anormalement colorée, ce qui traduitgénéralement un processus pathologique spécifique(fig 1).

L’urine peut être blanche, comme en cas deprésence d’une pyurie (cf infra) ou de cristaux dephosphate. Dans ce dernier cas, le trouble disparaîtaprès adjonction de quelques gouttes d’acideacétique. Cette situation n’est pas pathologique etreflète l’apport alimentaire riche en phosphate.

L’urine mousseuse témoigne de la présenced’une protéinurie abondante qui diminue la tensionde la surface (de façon analogue aux détergents).

L’urine lactescente, souvent par intermittence etrythmée par les repas, traduit la présence deglobules graisseux dans l’urine. La lipidurie atteint 2à 40 g/L. Cette chylurie traduit une communicationdirecte des lymphatiques avec le bassinet oul’uretère. La cause la plus fréquente de chylurie est lafilariose à Wuchereria bancrofti surtout observée enChine, dans le nord du Japon et le Pacifique sud. Ilexiste aussi des causes non parasitaires(malformations lymphatiques et obstruction ducanal thoracique).

L’urine peut être verte après l’administration debleu de méthylène ou d’amitriptyline.

L’urine peut être noire dans certains cancers oul’ochronose.

L’urine peut enfin être rouge.La coloration de l’urine en blanc, vert ou noir est

extrêmement inhabituelle. En revanche, lacoloration rouge ou brunâtre de l’urine peut êtreobservée dans plusieurs conditions cliniques :hématurie macroscopique, myoglobinurie ethémoglobinurie, excrétion de différents pigmentsendogènes ou de colorants alimentaires oumédicamenteux.

Hématurie macroscopique

La couleur par elle-même ne reflète pasdirectement la quantité de sang présente, puisque1 mL de sang par litre d’urine est suffisant pourinduire une modification visible de la couleur del’urine. L’urine est typiquement rouge à rosée au

cours d’une atteinte extraglomérulaire. Une tellecoloration peut également être observée aveccertaines lésions glomérulaires. En revanche, unecoloration brunâtre « coca-cola » des urines suggèrela combinaison d’un temps de transit prolongé àtravers le néphron et d’un pH urinaire acideaboutissant à la formation de méthémoglobine qui acette couleur particulière. Cet aspect est donc plusévocateur d’une origine glomérulaire. Celle-ci est parexemple de la coloration dite « bouillon sale » desurines au cours du syndrome néphritique aigu.

Myoglobinurie

La myoglobine circulante est une protéine de petitpoids moléculaire qui est librement filtrée par leglomérule et qui peut apparaître dans l’urine engrande quantité (rhabdomyolyse). L’urine est alorstrouble ou claire mais avec généralement une

URINES

Claires jaune pâle

Urines normales

Blanche

PyurieCristaux de phosphate

Mousseuses

Lactescente

Vertes

Noire

Rouges

Protéinurie abondante

Chylurie

Bleu de méthylène

CancerOchronose

Hématurie macroscopiqueMyoglobinurie

HémoglobinuriePigments ou colorants*

Centrifugation des urines

Surnageant clairCulots GR

Colorationhomogène

diffuse

Hématurie Recherched’hématurie

PorphyrieBetterave

phénazopyridine

Hémoglobinurie Myoglobinurie

Laqué Normal

Plasma

+ –

1 Aspect macroscopique des urines.* Colorants responsables d’urines rouges : colorations endogènes (porphyrie, alcaptonurie, pigments biliaires,mélanurie) ; colorations médicamenteuses : analgésiques (phénacétine, antipyrine) ; antibiotiques (rifampi-cine, métronidazole, nitrofurantoïne) ; anticoagulants (phénindione, coumadine) ; anticonvulsivants (phény-toïne) ; colorations végétales (betteraves, paprika, certains colorants alimentaires).

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couleur brune. Après centrifugation de l’urine, lesurnageant reste coloré et réagit positivement avectest à la benzidine, même en l’absence de globulesrouges.

La myoglobinurie est une cause importanted’insuffisance rénale aiguë qui peut être évitée parl’administration précoce et abondante de solutéssalés et alcalins. Il est important d’identifier la causede la rhabdomyolyse. Les désordres métaboliquesqui prédisposent à la rhabdomyolyse sontl’hypophosphatémie, l’hypothermie et l’hypoka-liémie, qui nécessitent des traitements spécifiques.D’autres causes fréquentes de rhabdomyolyse sontles convulsions généralisées, l’exercice musculaireintense et les déficits génétiques de certainesenzymes musculaires.

Hémoglobinurie

L’hémoglobinurie résulte de l’hémolyseintravasculaire, et survient lorsque la capacité del’haptoglobine à lier l’hémoglobine libre estdépassée. La coloration de l’urine varie entre le roseet le noir.

L’hémoglobinurie est une cause importanted’insuffisance rénale aiguë qui peut être évitée parl’administration précoce et abondante de solutéssalés et alcalins. Il est important d’identifier la causede l’hémolyse intravasculaire aiguë, qui peutengager le pronostic vital même en l’absenced’insuffisance rénale aiguë.

Betteravurie

La coloration rouge de l’urine après ingestion debetteraves (betteravurie) survient chez environ 15 %des individus et est liée à l’excrétion d’un pigmentrougeâtre, la bétalaine, du fait d’une augmentationde l’absorption intestinale de la betterave. De plus,cette sécrétion urinaire de betterave ne survient paschez les patients avec une iléostomie, suggérant quele site de l’absorption est le côlon. La bétalaine estprotégée par les agents réducteurs tels que l’oxalate,et au contraire décolorée par les ions ferriques,l’acide hydrochlorydrique et les bactéries du côlon.Ceci explique les différentes conditions au coursdesquelles une betteravurie est plus susceptible desurvenir : les déficits en fer qui, lorsqu’ils sontcorrigés, limitent la coloration anormale de l’urine ;les achlorydries liées à l’anémie de Biermer ;l’ingestion concomitante d’aliments contenant desoxalates.

Alcaptonurie

Il s’agit d’une maladie métabolique très rarecaractérisée par l’élimination accrue d’acidehomogentisique : l’urine est claire à l’émission etdevient rapidement brun foncé à l’air.

■Analyse microscopique des urines

‚ Bandelettes urinaires

Bandelette urinaire et dépistageen néphrologie

La bandelette urinaire permet le dépistage àgrande échelle d’une atteinte rénale, en raison de sasensibilité, de sa simplicité, et de son coûtrelativement modeste. La bandelette urinaire devraitêtre utilisée de façon systématique en dépistage à

tous les patients à hauts risques de pathologierénale, comme le recommande l’ensemble deSociétés savantes et l’Agence nationale d’analyse etd’évaluation des soins (ANAES).

Les bandelettes réactives urinaires sontactuellement très sensibles, et détectent des valeursà la limite de la normalité. En raison de cette extrêmesensibilité, les bandelettes sont susceptibles degénérer des faux-positifs, d’autant qu’en réalité enraison de la simplicité d’utilisation, l’utilisateurn’accorde pas toujours la rigueur nécessaire à unemanipulation apparemment banale. C’est cettegrande sensibilité de la bandelette urinaire qui luipermet de jouer pleinement son rôle de dépistage.La bandelette urinaire a rempli son rôle lorsque, surla cohorte initiale des prélèvements urinaires, elle apermis d’éliminer en toute sécurité les urines« négatives ». Les réactions nettement positives sontgénéralement confirmées par les examenscomplémentaires ultérieurs. Les réactions traces,générées par de nombreux faux-positifs permettentaussi parfois de dépister des sujets réellementatteints.

Les examens par les bandelettes urinairespeuvent être réalisés aussi bien au cabinet dumédecin que dans un centre de médecinepréventive. Les bandelettes sont polyvalentes etpermettent d’évaluer simultanément plusieursparamètres.

Précautions

Les bandelettes doivent être conservées dans unflacon hermétique, clos, à une températureinférieure à 30 °C mais jamais au réfrigérateur. Cesbandelettes ne doivent pas être exposées auxagents physiques (lumière solaire, chaleur), ni auxagents ou vapeur chimiques. Il ne faut pas utiliserdes bandelettes dont l’une des plages est décoloréeou au contraire noircie. Il ne faut pas tester une urinequi serait restée à la température ambiante et doncrapidement contaminée par des bactériesextérieures. Pour le recueil de l’urine, il faut utiliserdes récipients propres et bien lavés. Il ne faut pasutiliser de conservateur de l’urine. Toutecontamination de la surface de travail et des flaconsqui sont amenés à recevoir l’urine (détergent) doitêtre évitée. L’influence de médicaments ou demétabolites de médicaments sur le test n’est pastoujours connue. En cas de doute, il faut refaire le testaprès arrêt du traitement.

Mode d’emploi

Obtenir une urine fraîche homogénéisée maisnon centrifugée, c’est-à-dire après toilette génitale eten recueillant les urines du milieu de jet. Pourcertains tests, comme la recherche de nitrite, laréponse est surtout valable sur les premières urinesdu matin.

La manipulation est simple : l’observateur retireune bandelette du flacon qui doit être immédia-tement refermé. Il ne doit pas toucher les zonesréactives avec ses doigts, il faut immergerbrièvement la bandelette (1 seconde au maximumdans l’urine) de manière à ce que toutes les zonesréactives soient en contact de l’urine. La bandelettedoit être égouttée en passant le bord de labandelette contre le rebord du récipient. Le bord dela bandelette est tapoté brièvement 1 secondeenviron sur une surface absorbante, la bandeletteest maintenue en position horizontale pourempêcher toute interférence entre les plages

réactives et/ou la contamination de l’urine par lesdoigts. La lecture est faite en rapprochant labandelette de l’échelle colorimétrique visuellement.Des appareils basés sur le principe de photomètre àréflexion peuvent permettre d’automatiser etd’obtenir une évaluation plus objective des résultats.Dans tous les cas, le temps de lecture doit êtrerigoureusement observé. Avec les bandelettesactuelles, le temps de lecture est aux alentours de60 secondes (60 à 120 secondes pour la détectiondes leucocytes).

Interprétation des plages pour les différentsmarqueurs

pH : la zone réactive contient deux indicateurs,habituellement le rouge de méthyl et le bleu debromothymol. Les valeurs de pH mesurées vont de 5à 9.

Glucose : le glucose est mis en évidence par uneréaction spécifique à la glucose oxydase-peroxydaseavec une limite de détection pratique de 0,4 g/L (soit2,2 mmol/L). Le test est indépendant du pH urinaireet n’est pas influencé par la présence de corpscétoniques. L’influence de l’acide ascorbique estlargement éliminée actuellement : pour uneconcentration en glucose de 1 g/L ou plus, il n’y apas de résultat faussement négatif. En revanche, destraces d’antiseptique (très oxydant) dans le récipientde l’urine peuvent conduire à des résultatsfaussement positifs pour le glucose.

Corps cétoniques : les corps cétoniques sont misen évidence sur le principe de la réaction de Legal,avec une limite de détection de l’acide acétylacétiquede 0,05 g/L ou encore 0,5 mmol/L. Le test est moinssensible à l’acétone. Les phénylcétones et lesphtaléines donnent des teintes rouges qui sedistinguent toutefois nettement des couleursviolettes obtenues avec les corps cétoniques. Lecaptopril et le mesna (mercapto-2-éthane-sulfonatede sodium) et d’autres substances contenant desgroupes sulfhydriles peuvent conduire à desrésultats faussement positifs.

Leucocytes : le test met en évidence l’activité desestérases granulocytaires. L’hydrolyse d’un esterindoxylique par ces enzymes conduit à la formationd’indoxyle qui réagit avec un sel de diazonium etdonne une couleur violette. La couleur de la zoneréactive peut être classée sans équivoque après60 secondes dans l’une des catégories : négative, ouenviron 10 à 25 leucocytes/µL ; ou positive > 25leucocytes/µL.. La lecture est cependant mieuxappréciée après 2 minutes. Les bactéries, lesTrichomonas ainsi que les érythrocytes urinaires neréagissent pas dans ce test. Le formaldéhyde (agentconservateur) et les médicaments contenant del’imipénème, du méropénème et de l’acideclavudinique peuvent conduire à des réactionsfaussement positives. Si les échantillons d’urines sontfortement colorés, par exemple par la bilirubine ou lanitrofurantoïne, la couleur de réaction de la zoneréactive peut être masquée par la coloration proprede l’urine. Une protéinurie abondante (plus de 5 g/L)ou une glucosurie > 20 g/L ralentissent la colorationde la zone réactive. De fortes doses quotidiennes decéphalexine et de gentamycine peuvent conduire àune atténuation de la couleur de réaction.

Nitrites : le test repose sur le principe de laréaction de Griess, spécifique de nitrites. Il met enévidence la conversion de nitrates en nitrites, et doncindirectement la présence de germes nitrites positifs,habituellement des entérobactéries présentes dans

5-0475 - Analyse des urines

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l’urine. Une coloration rose à rouge de la zoneréactive indique une bactériurie significative avecune limite de détection de 0,5 mg/L, soit 11 µmol/L.Ce test peut être faussé par un apport alimentaireimportant en nitrates (salaison, légumes verts).Inversement, il est faussement négatif lorsque lenombre de colonies est insuffisant dans l’échantillon.En pratique, un séjour prolongé de l’urine dans lavessie, 4 à 8 heures, est la condition pour atteindreun pourcentage de détection élevé.

L’antibiothérapie doit être suspendue 3 joursavant le test. Des quantités importantes d’acideascorbique (vitamine C) peuvent conduire à desrésultats par défaut ou faussement négatifs pour lesnitrites. Les substances qui deviennent rouges enmilieu acide, par exemple la phénazopyridine,peuvent conduire à des résultats faussement positifsou à une coloration rougeâtre de la zone réactivepour les nitrites.

Protéines : le test est basé sur le principe del’erreur protéique des indicateurs de pH. Le test estparticulièrement sensible à l’albumine avec unelimite de détection de 60 mg/L, mais il n’a qu’unefaible détection pour les autres fractions protéiques,notamment les globulines et les chaînes légèresd’immunoglobuline. La quinine, la quinidine, lachloroquine et le tolbutamide ainsi qu’un pH élevéjusqu’à 9 n’influencent pas le test. En revanche, desrésultats faussement positifs peuvent être induits à lasuite de perfusions de polyvinylopyrrolidone(succédané du plasma sanguin) ou s’il reste destraces d’antiseptique à groupement ammoniumquaternaire ou de chlorhexidine dans le récipient derecueil de l’urine. Les substances qui deviennentrouges en mil ieu acide, par exemple laphénazopyridine peuvent conduire à des résultatsfaussement positifs ou à une coloration rougeâtre dela zone réactive pour les nitrites et les protéines.

Sang : l’hémoglobine et la myoglobine catalysentl’oxydation de l’indicateur par l’hydroperoxideorganique contenu dans la zone réactive. Lesbandelettes actuelles comportent deux échellescolorimétriques distinctes, l ’une pour lesérythrocytes, l’autre pour l’hémoglobine. Des pointsverts plus ou moins denses sur la zone réactivejaune indiquent la présence d’érythrocytes intacts,avec une limite de détection pratique de cinqérythrocytes/µL. L’hémoglobine, les érythrocyteslysés et la myoglobine sont mis en évidence par unecoloration verte homogène de la zone réactive avecune limite de détection de l’hémoglobinecorrespondant à 10 érythrocytes/µL. Des tracesd’antiseptique (très oxydant) dans le récipient del’urine peuvent conduire à des résultats faussementpositifs pour le sang.

Validité

L’examen par bandelettes multiréactives est unmoyen commode de dépister les principalesanomalies cytologiques ou biochimiques de lacomposition de l’urine. Par principe, aucundiagnostic ou traitement ne doit être établi sur labase du résultat d’un test isolé.

Un examen pratiqué dans des conditionsrigoureuses et qui se révèle totalement négatifpermet d’exclure raisonnablement une protéinuriesignificative, une hématurie ou une leucocyturie, etpermet de ne pas prescrire d’examens cytobactério-logiques urinaires en l’absence de contexte cliniqueévocateur.

Inversement, toute anomalie de l’examen par lesbandelettes impose une confirmation et desprécisions par des examens biologiques appropriésobligatoirement réalisés au laboratoire.

Il convient aussi de rappeler que la bandelettedétecte une éventuelle anomalie de concentrationd’une substance dans l’urine. Des interprétationserronées peuvent être liées au débit urinaire,variable d’un individu à l’autre. Ainsi par exemple, ladétection de la protéinurie par la bandelette permetde dépister une concentration d’albumine urinaired’environ 50 à 60 mg/L. Une telle concentration (etdonc un virage de la bandelette à 1+) peut êtreobtenue pour une protéinurie physiologique(< 15 mg/jour) sur des urines très concentrées.Inversement, une protéinurie pathologique et peuabondante, par exemple 500 mg/jour peut nedonner qu’une réactivité faible (traces) si les urinessont très diluées en raison d’une diurèse > 3 L/jour

‚ Anomalies du sédiment urinaire

Connaître la composition des éléments normauxet anormaux de l’urine. Savoir définir le sédimenturinaire « normal ».

Généralités

L’analyse de l’urine doit être faite sur unéchantillon d’urine fraîche 30 à 60 minutes après lamiction. Les organes génitaux externes doiventd’abord être nettoyés pour éviter la contaminationpar des sécrétions locales. Un recueil en milieu de jetest souhaitable. Le moment du cycle menstruel doitaussi être noté. L’urine fraîche est centrifugée à3 000 tours par minute pendant 3 à 5 minutes. Lesurnageant est transféré dans un autre tube et lesédiment remis en suspension puis transféré sur unelame avec une pipette et couvert d’une lame.

Le sédiment urinaire doit être examiné aumicroscope, objectif à faible grossissement et enfaible obscurité. Un objectif sec assurant un plus fortgrossissement (× 100) peut être ensuite utilisé pouridentifier les cylindres et les cellules présentes.

Sédiment urinaire normal

En dehors d’une très faible quantité de protéines,l’urine normale contient jusqu’à un milliond’érythrocytes, trois millions de cellules leucocytairesou épithéliales et 10 000 cylindres presque toushyalins éliminés quotidiennement. En pratique, cesquantités normales peuvent être appréciées par laréalisation d’un compte d’Addis, c’est-à-dire lamesure du débit des éléments figurés (hématies etleucocytes) exprimé par minute. Cette mesure estréalisée par comptage des éléments figurés éliminéspendant une période de 2 à 3 heures. Normalement,le débit des hématies est infér ieur à5 000 éléments/minute ou 5 éléments/mL ou mm3.Le débit normal des leucocytes est inférieur à5 000 éléments/minute ou 5 éléments/mm3 ou mL.Lorsque ces deux valeurs sont supérieures à10 000 éléments/minute, ceci est considéré commepathologique et généralement associé à unemaladie rénale. Le comptage des éléments figurésde l’urine peut être plus simplement réalisé parl’examen d’un échantillon d’urine au microscope(examen cytologique de l’urine). Normalement, il y azéro à quatre leucocytes, zéro à deux érythrocytespar champ. La présence de plus de cinq érythrocytesou cinq leucocytes par champ est très fortementsuggestive d’atteinte rénale significative.Occasionnellement, des cristaux d’oxalate de

calcium, d’acide urique ou de phosphate peuventêtre observés, dépendant essentiellement du pHurinaire.

Cylindres

Les cylindres représentent des agglomérats deprotéines et de cellules précipitées et formés dans lalumière tubulaire. Ces cylindres ont donc une formecylindrique et des bords réguliers comme ceux de lalumière tubulaire où ils sont formés. Cescaractéristiques distinguent les cylindres d’autresdébris ou cellules disposés en amas irréguliers. Tousles cylindres ont une matrice organique composéeessentiellement de mucoprotéine de Tamm-Horsfall.Les cylindres sont généralement formés dans lestubes collecteurs dans lesquels l’urine est plusconcentrée et la plus acide. La stase urinaire, ainsiqu’un débit urinaire faible favorisent également laformation des cylindres. Les cylindres peuvent être« hyalins », « cellulaires » ou « granuleux ». Lorsque lalumière ne comporte pas de cellule, le cylindre estcomposé presque exclusivement de matrice. Cescylindres sont appelés cylindres hyalins et n’ontaucune valeur diagnostique.

En revanche, des cylindres urinaires peuventsurvenir lorsque des leucocytes, des globules rougesou des cellules épithéliales sont présents dans lalumière tubulaire ; ces cellules peuvent précipiteravec la protéine de Tamm-Horsfall et former descylindres cellulaires. Ces cylindres ont une grandevaleur sémiologique, car ils identifient le rein commela source de ces cellules. Par exemple, des leucocytespeuvent passer dans l’urine à n’importe quel pointde l’arbre urinaire depuis le rein jusqu’à la vessie oul’urètre. Cependant, la présence de cylindrescontenant des leucocytes (appelés cylindresleucocytaires) indique l’inflammation au niveau durein.

Les cylindres granuleux peuvent s’observerlorsqu’il existe des débris cellulaires dans le tubule.Les cylindres granuleux sont aussi susceptibles de seformer à la suite de l’agrégation de diversesprotéines plasmatiques présentes dans l’urine, etpeuvent donc se voir dans n’importe quelle situationassociée à une protéinurie.

Cellules

¶ ÉrythrocytesL’hématurie peut être microscopique et alors

seulement observée sous le microscope, oumacroscopique et visible à l’œil nu. Les causes lesplus fréquentes d’hématurie chez l’adulte sontextrarénales et sont représentées par les calculsurinaires, les traumatismes, les affectionsprostatiques, et en particulier chez l’homme au-delàde 50 ans, le cancer de la prostate, de la vessie ou durein. Il en résulte que chez les patients plus âgés, enparticulier s’ils sont fumeurs, il est nécessaire derecourir à une investigation radiologique eturologique exhaustive comprenant notamment unecystoscopie, pour exclure un cancer. Bien que moinsfréquent, le saignement glomérulaire est important àreconnaître car il permet d’éviter ces procéduresdiagnostiques invasives. Plusieurs éléments peuventpermettre de distinguer un saignement glomérulaired’un saignement extraglomérulaire :

■ cylindres hématiques : la présence de cylindreshématiques a en pratique valeur diagnostique deglomérulonéphrite ou de vascularite rénale.

Analyse des urines - 5-0475

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Inversement, l’absence de cylindre hématique en casd’hématurie ne permet pas d’exclure une atteinteglomérulaire ;

■ morphologie des érythrocytes : l’hématurieglomérulaire est typiquement caractérisée par desérythrocytes fragmentés, dysmorphiques, avec desaspérités, des excroissances et des pertessegmentaires de membrane. Ces altérationsmorphologiques des globules rouges résultent à lafois du traumatisme mécanique lors du passagedans le capillaire glomérulaire, et du traumatismeosmotique lorsque les érythrocytes passent à traversles différents segments du néphron. Parcomparaison, les érythrocytes réguliers, arrondis,uniformes en taille et en forme (comme dans unfrottis sanguin normal périphérique) sont plusprobablement d’origine extrarénale, provenant dupelvis, de l’uretère, de la vessie, de la prostate ou del’urètre.

¶ Leucocytes

Des leucocytes urinaires altérés (pyurie) sonthabituellement témoins d’infection ou d’inflam-mation sur un point quelconque de l’arbre urinaire.Les cylindres leucocytaires permettent de localiser lalésion au niveau du rein, comme dans lapyélonéphrite aiguë (infection du parenchyme rénal)ou au cours de maladie tubulo-interstitielle, commeune néphropathie interstitielle aiguë.

Les polynucléaires neutrophiles sont les cellulesleucocytaires habituellement prédominantes dans

l’urine. Cependant, d’autres types de leucocytespeuvent être observés, comme les éosinophiles quiprésentent la plus grande signification diagnostiquepotentielle. L’éosinophilurie peut être recherchée pardes colorations spéciales, comme la coloration deHansel ou la coloration de Wright. L’éosinophilurieest fréquemment présente au cours desnéphropathies interstitielles aiguës immunoaller-giques, en particulier dans les formes secondairesaux médicaments. Elle n’est cependant paspathognomonique de cette situation.

¶ Cellules épithéliales et lipidurie

De rares cellules épithéliales rénales sontnormalement excrétées dans l’urine, ce qui reflète leremplacement cellulaire physiologique. Des cellulesépithéliales en plus grand nombre peuvent êtreéliminées dans l’urine au cours de maladies rénalesdiverses, notamment les maladies tubulo-interstitielles et les néphropathies glomérulaires avecprotéinurie. Dans le dernier cas, les cellules tubulairespeuvent présenter une dégénération « graisseuse »traduite par l’apparition de gouttelettes lipidiquesdans le cytosol.

La seule façon d’être certain de l’origine rénale decellules épithéliales est leur mise en évidence au seindes cylindres.

Les gouttelettes lipidiques peuvent aussi êtrelibres dans l’urine, et peuvent alors être identifiéespar l’observation de l’urine en lumière polarisée. Lagraisse est biréfringente et donne une apparence

caractéristique, dite en croix de Malte. Cette situationne survient que lorsque les maladies glomérulairespermettent le passage glomérulaire de macromolé-cules normalement non filtrées. C’est ainsi que lalipidurie est essentiellement témoin de néphropathieglomérulaire chronique.

¶ CristauxUn grand nombre de cristaux peuvent être

observés dans le sédiment urinaire, leur présencedépendant de la composition de la concentration etde l’acidité urinaire. Par exemple, l’acide urique tendà précipiter dans une urine acide (pH < 5,5), alors queles sels de phosphate précipitent en urine alcaline(pH > 7,0). En revanche, la solubilité de l’oxalate decalcium est indépendante du pH urinaire.

Les cristaux urinaires peuvent être observés chezdes sujets normaux et n’ont habituellement pas designification diagnostique. La seule exceptionmajeure est la présence de cristaux de cystine avecleur forme caractéristique hexagonale. Ces cristauxsont uniquement observés chez des patients ayantune cystinurie, une maladie héréditaire, caractériséepar une anomalie de la réabsorption proximale decystine, une augmentation de l’excrétion urinaire decystine et la formation de calculs cystiniques.

Références

• Meyrier A. Maladies rénales de l’adulte. Paris :Éditions Ellipses, 1993.• Nouveau programme d’internat 2002. Séméiologienéphrologique – NephroHUS online (accédé sept2002) à l’adresse http://www.nephrohus.org

Hassan Izzedine : Chef de clinique-assistant.Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Izzedine. Analyse des urines.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0475, 2003, 4 p

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Bases pharmacocinétiques

de la prescription médicale

chez le patient insuffisant rénal

V Launay-Vacher

D u fait de la fréquence de l’insuffisance rénale, détaillée par ailleurs dans cet ouvrage, dont il est important deprendre conscience, le praticien est souvent confronté au problème de la prescription de médicaments chez

des patients dont la fonction rénale est altérée. Le seul ouvrage de référence est le Vidalt dans lequel ce thème estdans la majorité des cas peu ou pas traité dans la rubrique « Posologie et Mode d’administration ». Reste alors à sereporter au paragraphe « Pharmacocinétique » de la monographie, dont l’interprétation est parfois délicate.Dans cet article sont résumées les bases de la pharmacocinétique des médicaments qu’il est nécessaire de connaîtrepour mieux appréhender les principes de l’adaptation de la posologie des médicaments chez le patient insuffisantrénal.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : adaptation de la posologie, insuffisance rénale, pharmacocinétique.

■Introduction

Le Dictionnaire Vidalt, outil de référence pour laprescription des médicaments, présente les résumésdes caractéristiques du produit des médicamentsdisponibles sur le marché français. Pour la plupart,ces monographies comportent un alinéa intitulé« Pharmacocinétique » et un autre intitulé« Pharmacodynamie ». La pharmacocinétique estdéfinie par « l’étude du devenir d’un médicamentdans l’organisme » et la pharmacodynamie par« l’étude des mécanismes d’action des médicamentsdans l’organisme ». Plus simplement, ces deuxtermes peuvent également être qualifiés comme« l’influence de l’organisme sur le médicament »(pharmacocinétique) et « l’influence du médicamentsur l’organisme » (pharmacodynamie). Lesreprésentations graphiques typiques représentent lacourbe des concentrations plasmatiques dumédicament en fonction du temps aprèsl’administration pour la pharmacocinétique et lacourbe de l’effet pharmacologique induit par lemédicament en fonction du temps aprèsl’administration pour la pharmacodynamie.

S’il est vrai que le profil pharmacodynamique decertains médicaments peut être modifié chez lepatient insuffisant rénal du fait de modifications de lasensibilité de certains récepteurs pharmacologiquespar exemple, les modifications de la pharmacociné-tique sont sans conteste les plus flagrantes et les plusimportantes en termes de maniement dumédicament, car ce sont elles qui nécessitentd’adapter la posologie chez ces patients. C’est laraison pour laquelle il a été décidé de réaliser unarticle sur ce thème dans le cadre de cet ouvrage.Après avoir défini dans leurs grandes lignes lesdifférents paramètres de la pharmacocinétique desmédicaments sont détaillées les modifications de lapharmacocinétique liées à l’insuffisance rénale et les

modalités de l’adaptation de la posologie desmédicaments chez le patient insuffisant rénal.

■Pharmacocinétique

des médicaments

Une fois les expérimentations précliniquesréalisées (in vitro, ex-vivo et chez l’animal), ledéveloppement clinique d’un médicament débutepar l’étude de son comportement chez l’homme. Cespremières études portent essentiellement sur lapharmacocinétique et ont pour objectif ladétermination des paramètres pharmacocinétiquesà l’aide de la courbe temps-concentrations et d’outilsmathématiques spécifiques.

‚ Courbe temps-concentrations et phasesde la pharmacocinétique

L’établissement de la courbe des concentrationsdu médicament en fonction du temps aprèsl’administration permet la visualisation du profilpharmacocinétique du médicament et des quatrephases dont il est constitué : l’absorption, ladistribution, le métabolisme et l’élimination (phasesADME) (fig 1, 2). D’une manière générale, l’étude duprofil pharmacocinétique d’un médicaments’effectue sur l’évolution des concentrationsplasmatiques en fonction du temps car cecompartiment dit central constitue un point depassage obligatoire pour tout médicament à viséesystémique, d’une part, mais aussi parce qu’ilconstitue un compartiment aisément accessible pourréaliser les prélèvements. Ainsi, un médicament, unefois administré dans un organisme humain ouanimal, va subir ces quatre phases : l’absorption dumédicament dans le compartiment central (leplasma), également appelée résorption pour lesautres voies d’administration que les voies orale etintraveineuse, ou phase d’entrée ; la distribution vers

les compartiments périphériques (tissus) ; lemétabolisme (spontané, cellulaire ou hépatique) ;l’élimination (ou l’excrétion) du médicament sousforme inchangée ou de métabolites vers l’extérieurde l’organisme (urines, bile, fèces). Dans le cas d’uneadministration intraveineuse, il n’existe pas de phased’absorption proprement dite car le médicament estdirectement introduit dans le compartiment central.En revanche, dans le cas d’une administration parperfusion intraveineuse, il existe bien une phased’entrée du médicament dans le compartimentsanguin dans la mesure où l’administration estétalée dans le temps et non instantanée commec’est le cas lors d’une administration en bolus.

‚ Paramètres pharmacocinétiques

Le profil pharmacocinétique d’un médicament estdécrit par ses paramètres pharmacocinétiques :concentration plasmatique maximale (Cmax), tempsdu pic de concentration maximale (Tmax), aire sousla courbe des concentrations plasmatiques (areaunder concentration-time curve [AUC]), demi-vied’élimination (T1/2), volume de distribution (Vd) etclairance (CL). Pour les voies d’administration autresque la voie intraveineuse bolus est défini un autreparamètre appelé biodisponibilité (F), dont lasignification est importante à connaître pourl’interpréter correctement.

Concentration plasmatique maximaleet temps du pic de concentration maximale

Le (ou la) Cmax et le Tmax sont déterminésgraphiquement à partir de la courbe temps-concentration (fig 2). Ces deux paramètres traduisentl’importance et la vitesse d’absorption dumédicament à partir de son site d’administration. LeCmax est exprimé en unités de concentration (mg/L,mg/L, mmol/L etc) et le Tmax en unités de temps(h, min, s).

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« Area under concentration-time curve »

L’AUC (fig 2) est déterminée par calculmathématique. Elle constitue une image del’exposition de l’organisme au médicament. Plusl’AUC est élevée et plus l’exposition a été importante.L’AUC est exprimée en unités de concentration ×unités de temps (mg/L.h, par exemple).

Demi-vie d’élimination

Le T1/2 définit le temps nécessaire pour que laconcentration du médicament diminue de moitié(demi-vie d’élimination) ou soit doublée (demi-vied’absorption). Elle est déterminée par le calcul. Lademi-vie d’élimination présente un intérêt nonnégligeable en pratique courante car elle permetd’évaluer en combien de temps l’organisme aura

complètement éliminé le médicament : après unedemi-vie, 50 % du médicament sont toujoursprésents dans l’organisme ; après deux demi-vies,50 % × 50 % = 25 % ; après trois demi-vies, 25 % ×50 % = 12,5 % etc. En règle, il est considéré quel’organisme a complètement éliminé le médicamentaprès cinq à sept demi-vies d’élimination. Cettepériode est appelée wash-out. La demi-vie estexprimée en unités de temps (h, min, s).

Volume de distribution

La distr ibution d’un médicament dansl’organisme est estimée par son Vd. Cet indicateurest en fait une image mathématique ; on le définitcomme un volume virtuel (et c’est la raison pourlaquelle il peut être très important) qui reflète lapénétration du produit dans des compartiments plus

ou moins profonds de l’organisme. Le Vd est trèsvariable selon les médicaments. Ainsi, certainesmolécules peuvent présenter des Vd supérieurs à50 L/kg comme la chloroquine, l’amiodarone ou ladoxorubicine et d’autres de faibles Vd, inférieurs à0,2 L/kg comme c’est le cas pour certainescéphalosporines (céfotaxime, céfotétan, ceftriaxone,céfuroxime), certains anti-inflammatoires nonstéroïdiens (aspirine, ibuprofène, flurbiprofène,kétoprofène) ou l’acide valproïque [8]. Le Vd est,comme son nom l’indique, exprimé en unité devolume (le plus souvent L ou L/kg de poids corporel).

Clairance

La CL est définie par « le volume virtuel de plasma(pour la clairance plasmatique, par exemple) qui esttotalement épuré d’une substance par unité detemps ». Elle est déterminée par le calcul et peut être« totale » si toutes les voies d’épuration de lasubstance considérée sont prises en compte ou bien« rénale » ou « hépatique » si l’on s’intéresse àl’épuration de ladite substance par un organe enparticulier. La CL est exprimée en unités de débit(unités de volume/unités de temps : mL/min ou L/h,le plus souvent).

Biodisponibilité

La biodisponibilité est un paramètre pharmacoci-nétique permettant de comparer deux voies ouformes d’administration différentes d’un mêmemédicament. Elle est déterminée par un calculmathématique rapportant certains paramètrespharmacocinétiques de la voie étudiée à ceux d’unevoie de référence. Lorsque la voie d’administrationde référence est la voie intraveineuse bolus, labiodisponibilité est dite « absolue » et lorsque lacomparaison porte sur deux voies autres quel’intraveineuse bolus, elle est dite « relative ». Parexemple, la biodisponibilité absolue d’unmédicament X administré sous forme d’uncomprimé par voie orale consiste en la comparaisondes différents paramètres pharmacocinétiques dumédicament X déterminés après administration peros du comprimé à ceux déterminés aprèsadministration du même médicament X enintraveineuse bolus. Par conséquent , labiodisponibilité orale du médicament X n’est pas lafraction absorbée de médicament, même s’il est vraique dans certains cas ces deux éléments peuventêtre du même ordre.

■Modifications

de la pharmacocinétique

des médicaments chez le patient

insuffisant rénal

L’insuffisance rénale, aiguë ou chronique, peutavoir des répercussions sur l’une ou plusieurs desquatre phases de la pharmacocinétique desmédicaments [6].

‚ Absorption

Il existe chez le patient insuffisant rénal denombreuses variations physiopathologiques quipeuvent avoir des répercussions sur l’absorption desmédicaments, principalement ceux administrés peros. Ainsi, les modifications du pH gastriquesecondaires à l’hypersécrétion d’urée dans la saliveensuite déglutie peuvent modifier l’absorption decertains médicaments administrés par voie orale en

Absorption

Volume de d istrib ution

Récepteurs tissulaires

Tissus adipeux

Liquideextracellulaire

Plasma

ProtéinesBiodisponibilité F

Métabo lisme hépatique

Enzymes

Bile

Éliminationdans les fèces

Élimination rénale

Éliminationurinaire

Sécrétiontubulaire

Réabsorptiontubulaire

TGI

IM

IV

DFG

TGI

1 Schéma de la pharmacocinétique des médicaments[6].TGI : tractus gastro-intestinal (administration per os) ; IM : administration intramusculaire ; IV : administra-tion intraveineuse ; DFG : débit de filtration glomérulaire.

0 5 10 15 20

1 000

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temps

DistributionMétabolisme

Élimination

Absorption

Concentrationsplasmatiques

Cmax

Tmax

AUC

2 Profil pharmacocinétique d’un médicament.Cmax : concentration plasmatique maximale (pic plasmatique) ; Tmax : temps du pic plasmatique ; AUC : airesous la courbe des concentrations plasmatiques.

5-0600 - Bases pharmacocinétiques de la prescription médicale chez le patient insuffisant rénal

2

modifiant leur état d’ionisation. Le ralentissement del’élimination par voie urinaire peut égalementprovoquer une modification de la biodisponibilité dufait de l’accumulation du médicament dans lecompartiment central. Parallèlement, alors quecertains auteurs ont démontré une augmentation dela perméabilité intestinale en cas d’inflammation dela muqueuse [4], une étude clinique mettait enévidence la présence d’un côlon inflammatoire chezplus de 50 % des sujets sur une cohorte de 138patients insuffisants rénaux [9]. Il a également étéobservé une diminution du premier passagehépatique chez certains patients insuffisants rénauxpour des médicaments comme le propranolol, lebufuralol ou l’oxprénolol pouvant conduire à uneaugmentation importante des concentrationssériques par rapport à un sujet ayant une fonctionrénale et un captage hépatique normaux. De plus, ila été récemment mis en évidence une diminution dumétabolisme intestinal liée à une diminution del’activité des isoenzymes intestinales du cytochromeP450 [7]. Ainsi, la quantité de médicament qui atteintle compartiment central (la phase d’absorption) peutêtre altérée chez le patient insuffisant rénal.

‚ DistributionŒdèmes et ascites peuvent provoquer une

augmentation du Vd par diffusion des médicamentshydrophiles dans ces liquides, les rendant ainsimoins disponibles au site d’action. À l’inverse, ladéshydratation peut engendrer une diminution dece paramètre. Ainsi, et même en l’absence des signescliniques évoqués précédemment, le volume dedistribution de certains médicaments peut varierchez le patient insuffisant rénal. De plus, la fixationdes médicaments aux protéines plasmatiques peutégalement être modifiée chez le patient insuffisantrénal. En effet, l’albuminémie de ces patients estsouvent inférieure à celle de sujets sains. Ainsi, lesmédicaments acides faibles sont moins fixés. Lafraction libre de médicament dans le compartimentsanguin se trouve ainsi augmentée et une quantitéplus importante de produit est donc disponible pouratteindre le site d’action et/ou pour diffuser dans descompartiments plus profonds de l’organisme. Cesvariations du taux de liaison aux protéinesplasmatiques vont avoir les répercussions les plusimportantes sur la pharmacodynamie desmédicaments dont la fraction liée est d’ordinaireimportante (lithium, gentamicine, digoxine,phénytoïne). De plus, certaines substances quis’accumulent chez les patients urémiques vont entreren compétition avec les médicaments sur les sites defixation aux protéines [2].

‚ MétabolismeIl a été longtemps considéré que la pharmacoci-

nétique des médicaments dont la clairancemétabolique était très supérieure à la clairancerénale n’était pas modifiée chez le patient insuffisantrénal. Toutefois, chez certains patients insuffisantsrénaux, des modifications majeures du métabolismepeuvent se produire du fait du ralentissement decertaines réactions enzymatiques hépatiquescomme les réductions (cortisol), les acétylations(isoniazide, acides aminosalicyliques) et lesoxydations (vitamine D) [3]. De plus, il a été démontréque le métabolisme rénal local (cytochrome P450)était fortement perturbé chez le patient insuffisantrénal. Les médicaments à métabolisme strictementhépatique peuvent donc avoir une pharmacociné-tique modifiée chez le patient insuffisant rénal.

‚ ÉliminationIl est important de définir deux termes de base de

la pharmacocinétique : l’élimination et l’excrétion.L’élimination consiste en la disparition d’unesubstance du compartiment central. L’excrétiondésigne quant à elle la « sortie » de la substance àl’extérieur de l’organisme. Ainsi, un médicamentpeut être éliminé par un métabolisme hépatique etses métabolites excrétés par le rein. De ce fait, le reinjoue un rôle, essentiel dans la plupart des cas, dansl’élimination des médicaments.

L’excrétion rénale est soumise à trois mécanismesprincipaux distincts : la filtration glomérulaire, lasécrétion tubulaire et la réabsorption tubulairepassive (fig 3) . Sont éliminés par filtrationglomérulaire les médicaments non liés aux protéineset dont la taille est suffisamment faible pour traverserla membrane glomérulaire par diffusion passive. Lasécrétion tubulaire est un mécanisme de transportactif impliquant des transporteurs différents selon lanature des médicaments. On distingue lestransporteurs des anions organiques (organic aniontransporters ), les transporteurs des cationsorganiques (organic cation transporters) et lestransporteurs des composés non chargés, nonencore clairement identifiés, qui s’apparentent auxglycoprotéines P [1]. La réabsorption tubulaire est unphénomène de diffusion passive qui concerneessentiellement les molécules non chargées. En casd’insuffisance rénale, ces trois mécanismesd’excrétion peuvent être plus ou moins altérés, enfonction de la nature de l’atteinte rénale.

Les médicaments dont la voie d’éliminationprincipale est rénale ont, bien entendu, lespharmacocinétiques les plus modifiées. La demi-vied’élimination est augmentée, corrélativement ounon avec le degré de l’insuffisance rénale. À l’inverse,les médicaments excrétés par voie biliaire nesubissennt que peu de modifications de leurpharmacocinétique. En ce qui concerne lesmédicaments métabolisés par le foie se posent les

problèmes de l’élimination secondaire de leur(s)métabolite(s), et de l’activité pharmacologique et/oude la toxicité éventuelle de ces derniers. En effet,l’élimination des métabolites peut être ralentie et, dece fait, conduire à une accumulation de ces produitsde dégradation induisant un prolongement del’activité pharmacologique et/ou l’apparition dephénomènes toxiques. Pour certains médicamentsayant un mode d’élimination mixte, l’une des voiespeut compenser l’autre pour retrouver une vitessed’élimination proche de la normale.

L’accumulation du médicament et/ou de sesmétabolites doit conduire, le plus souvent, à uneadaptation de la posologie chez le patient insuffisantrénal.

■Adaptation de la posologie

des médicaments chez le patient

insuffisant rénal

Chez le patient insuffisant rénal, l’adaptation de laposologie est nécessaire quand les modifications dela pharmacocinétique du médicament génèrent desconcentrations plasmatiques en médicament et/ouen métabolites supérieures à celles observéeshabituellement chez un patient à fonction rénalenormale pour une dose administrée identique. Ainsi,l’adaptation de la posologie des médicaments chezle patient insuffisant rénal peut être réalisée selontrois méthodes :

– diminuer la dose unitaire et conserverl’intervalle d’administration : méthode de la dose ;

– augmenter l’intervalle d’administration enconservant la même dose unitaire : méthode del’intervalle ;

– modifier à la fois l’intervalle d’administration etla dose unitaire : méthode mixte.

La méthode dite « de la dose » doit être appliquéelorsque l’efficacité du traitement nécessite demaintenir la concentration plasmatique enmédicament au-dessus d’un certain seuil tout aulong du traitement. La méthode dite « de l’intervalle »doit être utilisée lorsque l’efficacité du traitement estdirectement liée au pic plasmatique (Cmax) enmédicament et que la diminution de la dose unitairene permet pas d’atteindre un Cmax suffisammentélevé (par exemple pour certains antibiotiques pourlesquels il est indispensable de conserver un Cmaxélevé afin d’atteindre des concentrationsbactéricides). Le choix de la troisième méthode(intervalle et dose) s’impose lorsque la premièreméthode (dose) ne permet pas d’atteindre desconcentrations efficaces ou lorsque la seconde(intervalle) ne permet pas une couverturethérapeutique suffisante entre deux prisesmédicamenteuses. Les deux premières méthodescomportent toutefois des limites incontournables enpratique clinique. En effet, le praticien ne dispose pasdans tous les cas d’une forme pharmaceutiquepermettant une diminution adéquate de la doseunitaire (méthode de la dose). De même, il est parfoisdifficile d’appliquer strictement la méthode del’intervalle pour des raisons d’observance. Dans cescas, il est nécessaire d’utiliser la méthode mixte et dediminuer légèrement la dose unitaire afin d’obtenirun intervalle d’administration applicable ou àl’inverse d’augmenter légèrement l’intervalled’administration afin de pouvoir utiliser une doseunitaire correspondant à une forme pharmaceutique

Glomérule

Tubuleproximal

Anse deHenle

Tubuledistal

Filtration

Sécrétion

Réabsorptionpassive

Canal collecteur

3 Mécanismes d’excrétion des médicaments par lenéphron.

Bases pharmacocinétiques de la prescription médicale chez le patient insuffisant rénal - 5-0600

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commercialisée. L’adaptation de la posologie quelleque soit la méthode retenue doit être réalisée enfonction du patient et du degré de son insuffisancerénale, et en fonction du médicament et de sapharmacocinétique chez le sujet à fonction rénalenormale et chez le patient insuffisant rénal.

Ces méthodes d’adaptation de la posologieportent sur les doses d’entretien d’un traitementmédicamenteux. Pour certains médicamentsnécessitant chez le sujet ayant une fonction rénalenormale une dose de charge initiale, celle-ci est ounon modifiée, en fonction de la pharmacocinétiqueet de la marge thérapeutique du médicamentconcerné. En effet, l’utilisation d’une dose de chargea pour but d’atteindre rapidement la zone deconcentration plasmatique efficace. L’administrationde doses d’entretien permet de maintenir les tauxcirculants dans la fourchette thérapeutique. Sil’insuffisance rénale induit une forte augmentationdu pic plasmatique et que le médicament présenteune marge thérapeutique étroite, il est malgré toutnécessaire de diminuer également la dose decharge. Par ailleurs, il est possible pour certains

médicaments que la mise en place d’une dose decharge permette une adaptation de la posologieefficace chez le patient insuffisant rénal. C’est le caspour la gabapentine pour laquelle il a été montréchez le patient insuffisant rénal terminalhémodialysé que la mise en place d’un tel schémathérapeutique permettait d’obtenir une couverturesatisfaisante des patients alors que chez le sujetayant une fonction rénale normale il n’est pasnécessaire de procéder de la sorte [10]. En fait, demême que la posologie d’un médicament endéveloppement est établie en fonction du profilpharmacocinétique chez le volontaire sain, la mêmedémarche doit être établie chez le sujet insuffisantrénal, volontaire « sain » par ailleurs ou patientmalade.

■Conclusion

Les modifications du profil pharmacocinétiquedes médicaments chez le patient insuffisant rénal

résultent de modifications multiples du devenir dumédicament dans l’organisme. Ces altérationsportent essentiellement sur l’élimination rénale dumédicament inchangé ou de ses métabolites.Cependant, des modifications peuvent égalementaffecter la distribution et le métabolisme hépatique,voire l’absorption des produits non administrés parvoie intraveineuse. Ainsi, du fait de la complexité etde la multiplicité des mécanismes concernés, il estindispensable d’étudier spécifiquement lapharmacocinétique des médicaments existants ouen cours de développement chez des volontaires oudes patients insuffisants rénaux [5]. En l’état actuel desconnaissances, il n’existe pas de règle générale fiabled’adaptation de la posologie. Celle-ci doit êtreélaborée pour chaque médicament en fonction deson profil pharmacocinétique chez le patientinsuffisant rénal. Malheureusement, le dictionnaireVidalt ne propose que rarement une informationpratique et claire sur ce thème. Aussi est-ilsouhaitable de prendre un avis auprès despécialistes en néphropharmacologie pour touteprescription chez le patient insuffisant rénal.

Vincent Launay-Vacher : Pharmacien clinicien,Service de néphrologie du Pr Deray, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Launay-Vacher. Bases pharmacocinétiques de la prescription médicale chez le patient insuffısant rénal.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), 5-0600, 2003, 4 p

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4

Cancer de la prostate :

stratégies diagnostique

et thérapeutique

L Boccon-Gibod

F aut-il dépister le cancer de la prostate ?

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Compte tenu du vieillissement de la population,de l’extension du dosage systématique de l’antigèneprostatique spécifique (PSA) et de l’utilisation de plusen plus répandue de l’échographie endorectale avecbiopsies prostatiques systématisées, le praticien estconfronté avec une fréquence croissante auxproblèmes du diagnostic et du traitement du cancerde la prostate.

Ces dernières années ont été marquées par uneprogression spectaculaire du nombre de cancers dela prostate diagnostiqués précocement et accessiblesau traitement curatif. Néanmoins, il est important degarder à l’esprit les faits suivants :

– l’impact réel du traitement curatif sur lamortalité par cancer de la prostate n’est pas encoredémontré ;

– le traitement du cancer prostatique localementavancé et/ou métastatique n’a pas fait de progrèsréellement significatifs depuis la découverte parHuggins, en 1943, de l’andronégodépendance de latumeur et de l’efficacité du traitement hormonal.

■Épidémiologie

‚ Incidence et prévalence

Le cancer prostatique représente la cinquièmecause de tumeur masculine tous âges confondusdans le monde, et la deuxième dans les paysindustrialisés. Il est en passe de devenir la premièrecause de décès par cancer aux États-Unis [7].

L’incidence en France augmente progressi-vement, passant de huit pour 100 000 autour de lacinquantaine, à 480 pour 100 000 à partir de laneuvième décennie (fig 1).

Il importe cependant de garder présent à l’espritque la prévalence du cancer clinique, si elleaugmente avec l’âge, est toujours très largementinférieure à l’incidence du cancer autopsique(tableau I).

■ Le cancer de la prostate était responsable de8 234 décès en France en 1986, contre 7 112 en1982. Il représente 10 % des décès par cancer chezl’homme (fig 1). Néanmoins, si le diagnostic decancer de la prostate est porté chez 10 % deshommes au cours de leur existence, il importe denoter qu’il ne sera responsable du décès que de 3 %d’entre eux.

Facteurs favorisantsBien que l’étiologie du cancer de la prostate

demeure inconnue, un certain nombre de facteursfavorisants ont été impliqués : raciaux, alimentaires,génétiques.

■ Si la prévalence du cancer histologique est lamême sur toute la surface du globe, la prévalence ducancer clinique est extrêmement variable, passant

100 %90 %80 %70 %

60 %50 %

40 %

30 %20 %

10 %

0 %45-64 ans25-44 ans 65-84 ans 85 et +

TumeursCardiovasculairesTraumatismesDigestifsRespiratoiresAutres

Répartition de la cause des décès par tranche d'âge en France (1982, Inserm).

1 000

100

10

1

0,1

x

x

x

Voies aérodigestives

Prostate

Bronches

Estomac

Intestin

< 1 15 35 55 75 > 85 ans

Taux

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0 00

0 xx

xx

xx

xx

xx

xx

x

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Taux de mortalité par tumeur et par tranche d'âge en France (1982, Inserm).

1 Causes de mortalité et mortalité par tumeur et tranche d’âge en France.

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de 6,2 pour 100 000 en Inde, 3,1 pour 100 000 auJapon ou 0,8 pour 100 000 à Shanghai à 75 pour100 000 dans la population nord-américaine et prèsde 80 à 90 pour 100 000 chez les Afro-Américains.Cela suggère l’existence de facteurs éventuellementraciaux favorisant le passage du cancer « latent » aucancer cliniquement actif. La prévalence marquée ducancer prostatique chez les Afro-Américains doitconduire à les considérer comme un groupe à risqueet comme une cible préférentielle du diagnosticprécoce.

■ Les facteurs alimentaires suscitent un intérêtcroissant. Il a été très fortement suggéré, sinondémontré, que l’abus des graisses animales,caractéristique de l’alimentation de l’Europe et del’Amérique du Nord, pouvait représenter un facteurfavorisant le développement du cancer prostatique.Cela pourrait également expliquer que l’incidence ducancer prostatique chez les Japonais migrant auxÉtats-Unis rejoigne celle des Nord-Américains desouche après une ou deux générations. Ces

recherches, qui en sont à leurs débuts, ouvrent laperspective du traitement préventif du cancer de laprostate.

■ Les facteurs génétiques : les antécédentsfamiliaux de cancer au premier degré exposent à unrisque deux à trois fois supérieur de survenue d’uncancer de la prostate. Il existe indiscutablement desformes familiales de la maladie, et la présence d’uncancer de la prostate chez un ou plusieursascendants constitue un facteur de risque qui peutinciter à une surveillance particulièrement étroite. Lesétudes sont actuellement en cours pour découvrir leou les gènes de susceptibilité.

‚ Anatomie pathologique et classification

Le cancer de la prostate est un adénocarcinomequi se développe préférentiellement dans la zonepériphérique de la prostate (par opposition à la zonede transition où se développe l’adénome). Le fait quele cancer de la prostate se développe à distance del’urètre explique qu’il soit dans la très grandemajorité des cas, sauf au stade avancé de son

évolution, silencieux sur le plan clinique. Souventmultifocal, l’adénocarcinome prostatique va sedévelopper dans un premier temps à l’intérieur de laglande prostatique, puis sortir de cette dernière encheminant le long des gaines nerveuses et des voiesgénitales profondes pour envahir les espacespériprostatiques et les vésicules séminales, et enfindonner des métastases à distance, d’une partganglionnaires au niveau des ganglions obturateurs,et d’autre part osseuses en suivant les plexusveineux prévertébraux, tandis que les autresmétastases viscérales sont beaucoup plus rares [5].

Sur le plan histologique, l’adénocarcinome sedéveloppe à partir de zones de dysplasieintra-épithéliale de haut grade qui sont considéréescomme un état précancéreux mais dont la seuledécouverte sur les biopsies prostatiques ne sauraitprovoquer de thérapeutique particulière. Au fur et àmesure que le cancer augmente de volume, ladédifférenciation s’accentue et l’architecturetumorale perd progressivement toute ressemblanceavec le tissu prostatique normal. Ce degré dedédifférenciation est mesuré par les pathologistessous forme de grades dits de Gleason allant dugrade 1 (tissu pratiquement identique au tissuprostatique bénin) au grade 5 (tissu totalementdifférencié). Le cancer prostatique étant souventhétérogène, deux grades prédominants sontindiqués par le pathologiste, ce qui correspond àl’expression d’un score (score de Gleason : 4 + 3, legrade 4 et le grade 3 étant les deux élémentsprédominants observés sur la préparationhistologique). Moins la tumeur est différenciée, pireest le pronostic.

L’extension de la lésion permet d’établir uneclassification à valeur pronostique ; cetteclassification est détaillée dans le tableau II, où T

Tableau I. – Incidence du cancer autopsique vs prévalence du cancer clinique de la prostate.

40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans > 80 ans

Incidence (autopsie) 4,7 % 10,7 % 17,6 % 29,8 % 42,3 %

Incidence (prostato-cystectomie)

6,3 % 10,4 % 18,5 % 28,7 % 37,1 %

Incidence (adénomec-tomie)

6,4 % 18 % 28,7 %

Prévalence du cancerclinique

0,006 % 0,05 % 0,25 % 0,7 % 0,92 %

Espérance de vie d’unhomme (années)

33,7-25,9 25,1-18,3 17,6-11,8 11,2-6,5 6,2-0

Tableau II. – Classification TNM des cancers de la prostate.

Tumeur Ganglion Métastase

Tx Tumeur non évaluable Nx Envahissement non évaluable Mx Métastases non évaluables

T0 Pas de tumeur détectable N0 Pas de ganglions envahis M0 Pas de métastase

T1 Tumeur non palpable N1 Envahissement d’un ganglion régional< 2 cm M1 Une(des) métastase(s) à distanceT1a Découverte histologique< 5 % de tissu

réséquéM1a Ganglions non régionaux

T1b Découverte histologique> 5 % de tissuréséqué

N2 Envahissement d’un ganglion régional> 2 cmmais< 5 cm

M1b Métastases osseuses

T1c Découverte par élévation du PSA ou paréchographie

N3 Enrichissement d’un ganglion régional> 5 cm M1c Autres sites métastatiques

T2 Tumeur palpable limitée à la glandeT2a Tumeur limitée à la moitié d’un lobeT2b Tumeur envahissant plus de la moitié d’un

lobeT2c Tumeur envahissant les deux lobes

T3 Tumeur dépassant la capsule prostatiqueT3a Envahissement capsulaire unilatéralT3b Envahissement capsulaire bilatéralT3c Tumeur envahissant les vésicules séminales

T4 Tumeur fixée ou envahissant les structuresadjacentes

T4a Tumeur envahissant le sphincter externe, lecol vésical ou le rectum

T4b Tumeur envahissant les muscles releveurs oufixée à la paroi pelvienne

PSA : antigène prostatique spécifique.

5-0692 - Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique

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indique le stade clinique de la tumeur primitive, Nexprime la présence ou l’absence de métastasesganglionnaires et M la présence ou l’absence demétastases à distance.

■Stratégie diagnostique

Pour établir une stratégie diagnostique du cancerde la prostate, il faut pouvoir répondre aux troisquestions suivantes :

– faut-il dépister le cancer de la prostate ?– quand et comment faire le diagnostic précoce ?– une fois le diagnostic porté, comment apprécier

l’extension de la tumeur et porter un pronostic pourconseiller le patient ?

‚ Faut-il dépister le cancer de la prostate ?

Bien que le cancer de la prostate réponde à tousles critères qui pourraient justifier la mise en œuvred’opérations de dépistage (le cancer de la prostateest effectivement un problème de santé publique,son histoire naturelle est globalement connue, ilexiste aujourd’hui des tests diagnostiques quipermettent de reconnaître la maladie à un stadeprécoce et envisager un traitement curatif...), lapreuve qu’un tel dépistage aboutirait à uneréduction de la mortalité par cancer de la prostate,comme c’est le cas en matière de cancer du seinchez la femme, n’a pas encore été apportée. Il estdonc raisonnable d’attendre le résultat des essaiscontrôlés randomisés mis en œuvre et poursuivis enEurope et en Amérique du Nord. Il n’est pas pourl’instant licite de s’engager dans d’autres opérationsde dépistage.

‚ Quand faire le diagnostic précocede cancer de la prostate ?

Le diagnostic de cancer de la prostate à un stadeprécoce ne doit être recherché qu’à partir dumoment où ce diagnostic aboutira à la mise enœuvre d’un traitement destiné à augmenterl’espérance de vie du patient.

Dans les autres cas, les opérations de diagnosticprécoce peuvent et doivent être déclenchées danstrois types de situation : [6]

– en présence d’une anomalie du toucher rectal,quel que soit l’âge ;

– chez les patients qui consultent pour destroubles mictionnels ;

– chez les patients qui souhaitent être rassuréssur l’état de leur glande prostatique. Dans ce cas,avant de commencer les opérations (examenphysique et examens complémentaires), il estindispensable de bien exposer clairement au patientle déroulement des opérations et les conséquencesd’un diagnostic positif.

Ce n’est qu’après avoir très clairement informéle patient sur ces éléments que les opérationspourront alors être raisonnablement déclenchées,avec son accord.

‚ Comment faire le diagnostic précocede cancer de la prostate ?

Le diagnostic précoce du cancer de la prostaterepose sur le toucher rectal, le dosage sérique du PSAet la biopsie prostatique.

Toucher rectal

Il doit être considéré comme suspect nonseulement lorsqu’il met en évidence une indurationnodulaire intéressant tout ou partie d’un ou des deuxlobes de la prostate, mais aussi dès lors qu’il existeune asymétrie de consistance, voire de volume, de laglande prostatique.

Le toucher rectal est cependant un test dediagnostic précoce du cancer de la prostate trèsmédiocre, puisqu’il méconnaît environ un cancerprostatique sur deux au début du fait de lalocalisation très périphérique de la tumeur.

Dosage sérique du PSA

Le PSA représente en fait l’élément moteur dudiagnostic précoce du cancer de la prostateaujourd’hui [1].

C’est un produit de la sécrétion exocrine del’épithélium prostatique normal, qui se retrouveexprimé en mg/mL dans l’éjaculat. Une très faiblefraction du PSA passe dans le sang circulant, où il estdosé, à l’état normal, en ng/mL. Deux fractions dePSA peuvent être dosées dans le sang circulant : lePSA libre, sécrété en plus grande quantité par lestissus bénins, et le PSA lié aux protéines porteuses(alpha-2, antichymotrypsine), sécrété en plus grandequantité par le tissu néoplasique. Toutes lesaffections de la prostate (adénome, cancer,prostatites aiguës) peuvent élever le taux du PSAcirculant.

Le taux normal du PSA sérique est de 3 à4 ng/mL.

Lorsque le PSA est anormalement élevé, au-delàde 10 ng/mL, le risque que cette élévation traduisela présence d’un cancer de la prostate est de l’ordrede 50 %.

Lorsque le PSA est élevé entre 4 et 10 ng/mL, lerisque que cette anomalie traduise la présence d’uncancer de la prostate est de 45 à 50 % en casd’anomalie concomitante du toucher rectal, et de 20à 25 % sans anomalie du toucher rectal, alors que laprostate paraît parfaitement souple, lisse et régulière.

Le toucher rectal, l’exercice physique et l’activitésexuelle intense n’augmentent que modestement, ettrès transitoirement, le taux du PSA sérique. Àl’opposé, les manipulations de la prostate

(endoscopies, biopsies...) peuvent provoquer uneélévation spectaculaire du taux sérique du marqueurtissulaire.

Constatation d’une anomalie du toucher rectalet/ou du taux sérique du PSA

Ces constatations peuvent conduire à laréalisation d’une échographie endorectale avecbiopsies prostatiques systématisées. Il seraitthéoriquement possible de mieux cerner lesindications des biopsies prostatiques chez un patientatteint d’une élévation intermédiaire du PSA entre 4et 10 ng/mL, sans anomalie du toucher rectal, enutilisant le rapport du PSA libre au PSA total (prenanten compte le fait que le tissu bénin sécrète plus dePSA libre que le tissu malin). S’il est un fait que lespatients dont le rapport du PSA libre au total estinférieur à 10 % ont de très fortes chances d’êtreporteurs d’un cancer de la prostate, et que ceux dontle rapport est supérieur à 30 % ont de très forteschances d’avoir une glande prostatique strictementbénigne, la grande majorité des patients se trouveen fait dans la zone grise comprise entre ces deuxvaleurs, de sorte qu’en pratique, si l’on décide des’engager dans des opérations de diagnosticprécoce de cancer de la prostate, il est raisonnabled’envisager la réalisation de biopsies prostatiquesdès lors que le PSA dépasse sa valeur normale (3 à4 ng/mL selon le laboratoire).

¶ Biopsie prostatiqueElle est réalisée sous échographie endorectale. Cet

examen peut être réalisé en ambulatoire, après unepréparation antibiotique (fluoroquinolone detroisième génération, monodose type ciprofloxacine500 mg), ainsi qu’une préparation intestinale. Lescomplications infectieuses ou hémorragiques sontexceptionnelles. Toutefois, il faut prévenir le patientde la possibilité de survenue, dans les jours quisuivent , d’une hématurie ini t ia le , d’unehémospermie, voire quelques fois d’une hémorragierectale.

Un large échantillonnage biopsique sera réalisé,portant non seulement sur les zones anormalesévocatrices de cancer par leur caractèrehypoéchogène, mais aussi sur le parenchymeprostatique strictement normal. Il est important desouligner que l’imagerie isolée n’a pas sa place dansle diagnostic précoce du cancer de la prostate.

L’analyse des biopsies prostatiques permettra aupathologiste d’infirmer ou d’affirmer la présence ducancer, de préciser son degré de différenciation, lenombre de biopsies positives, l’étendue du cancersur chacun des prélèvements, et enfin la présence oul ’absence de cancer dans les espacespériprostatiques.

En cas de biopsies négatives alors qu’il existe uneanomalie du toucher rectal et/ou une élévation duPSA, il est raisonnable d’envisager quelquessemaines plus tard un nouveau contrôle biopsique, afortiori si la première biopsie a montré des lésions denéoplasie intraépithéliale dont on sait qu’elles sontassociées dans plus de deux tiers des cas à un cancerde la prostate. D’une manière générale, le taux dedétection des biopsies prostatiques itérativesavoisine 20 à 25 % selon les séries publiées.

Dans la mesure où les étudesscandinaves ont montré que le taux demortalité spécifique par cancer chezles patients de 70 ans et plus atteintsd’un cancer prostatique moyennementdifférencié et cliniquement localiséétait de l’ordre de 10 % à 10 ans, il nesemble pas raisonnable de s’engagerdans des opérations de diagnosticprécoce chez les patients de plus de 70ans consultant pour des troublesurinaires (et a fortiori pour tout autresymptôme) alors que leur prostate atous les caractères de la bénignité autoucher rectal.

Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique - 5-0692

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‚ Diagnostic de cancer de la prostateacquis : comment préciser son extensionet porter un pronostic ?

L’appréciation de l’extension réelle du cancer dela prostate est rendue particulièrement difficile par lefait qu’il n’existe aujourd’hui aucun examend’imagerie permettant de mettre en évidence latumeur et d’apprécier son volume. Force est doncd’avoir recours à des éléments d’évaluation indirectecomme le toucher rectal, le taux du PSA sérique et lesexamens d’imagerie locaux et systémiques.

Toucher rectal

Il est évocateur d’une lésion cliniquementlocalisée à la glande prostatique dès lors que laprostate est normale au toucher rectal (stade T1c), ous’il existe une induration limitée à un lobeprostatique. Dès lors que l’induration intéresse lesdeux lobes, a fortiori si elle semble déborder leslimites de la prostate latéralement ou vers la base dela glande, il ne s’agit sûrement plus d’un cancerlocalisé à la glande prostatique, mais trèsvraisemblablement d’un cancer localement avancéde stade T3. Répétons cependant encore que letoucher rectal est un très médiocre examen pourapprécier à la fois la présence et l’extension de latumeur.

Taux sérique du PSA

C’est un élément d’appréciation fondamental :au-delà de 10 ng/mL, les risques que la tumeur aitfranchi la capsule sont de l’ordre de 35 à 40 %.Lorsque le PSA est supérieur à 50 ng/mL, laquasi-totalité des cancers est extracapsulaire et peuts’accompagner de métastases ganglionnaires.Lorsque le PSA est supérieur à 100 ng/mL, le patientest à l ’évidence atteint d’une maladie àdissémination générale systémique.

Analyse méticuleuse de la biopsie

Les renseignements fournis par l’analyseméticuleuse de la biopsie prostatique ont une valeurconsidérable :

– la présence d’un score de Gleason égal ousupérieur à 8, surtout si le PSA est supérieur à10 ng/mL, est pratiquement synonyme de canceravancé ayant franchi la capsule ;

– le nombre de biopsies positives a une valeurpronostique considérable : lorsque plus des deuxtiers des biopsies contiennent du cancer et si une ouplusieurs des biopsies sont totalement envahies parla tumeur, le risque que la tumeur soit localementavancée extracapsulaire est supérieur ou égal à85-90 %, et ce risque augmente bien entendu avecle taux sérique du PSA.

Examens d’imagerie

Compte tenu de la qualité des renseignementsfournis par les investigations précédentes, il n’est passurprenant que les examens d’imagerie ciblant latumeur ne donnent que peu de renseignementsréellement intéressants, qu’i l s’agisse del’échographie ou de l’imagerie par résonancemagnétique endorectale, dont la place dans lastratégie diagnostique demeure encore à préciser.

Scintigraphie osseuse

Celle-ci visant à rechercher les métastasesosseuses à distance est indispensable dès lors que lePSA est supérieur à 10 ng/mL. Les foyersd’hyperfixation, s’ils sont détectés, doivent faireenvisager une confirmation par des clichésradiographiques standards.

Examen tomodensitométriqueabdominopelvien

Il doit lui aussi être envisagé afin de détecter desmétastases ganglionnaires dès lors que le PSA estsupérieur à 10 ou 15 ng/mL.

Au total, au terme de cette batterie d’investiga-tions, il est possible de considérer que le cancer de laprostate dont le patient est atteint se situe dans l’unedes trois catégories suivantes :

– cancer cliniquement localisé à la glande :prostate normale au toucher rectal ou présence d’unnodule limité au maximum à un lobe prostatique,PSA inférieur à 15, moins des deux tiers des biopsiespositives, scanner et scintigraphie osseuse normaux.Il faut savoir que malgré tout, 25 à 30 % des patientsde ce groupe seront atteints d’une extensionextraprostatique exposant à un échappementbiologique ultérieur ;

– cancer localement avancé : tumeur intéressantles deux lobes prostatiques et/ou ayant dépassé leslimites de la glande, PSA supérieur à 15 avec unscore de Gleason supérieur à 8, plus des deux tiersdes biopsies positives sur toute leur étendue, scanneret scintigraphie osseuse normaux ;

– cancer métastatique : présence, quelles quesoient les conditions locales, d’adénopathies visiblesau scanner et/ou d’anomalies de fixation à lascintigraphie osseuse confirmée par les clichésradiographiques standards.

■Quelle stratégie thérapeutique

adopter ?

La réponse à cette question dépend du degréd’extension de la lésion, et la stratégie variera selonque l’on est confronté à un patient atteint d’uncancer prostatique cliniquement localisé, localementavancé ou métastatique.

En présence d’un cancer de la prostatecliniquement localisé, deux options doivent êtreenvisagées :

– surveillance avec traitement symptomatique àla demande [3] ;

– traitement à visée curative.

‚ Surveillance

Sans traitement actif d’emblée suivi d’untraitement symptomatique à l’apparition dessymptômes, la surveillance est une option tout à faitraisonnable dès lors que l’espérance de vie dupatient est inférieure à 10 ans du fait de son âge oude facteurs de comorbidité associés.

En effet, les études scandinaves ont montré que,dans ce type de situation, les patients atteints d’uncancer prostatique moyennement différencié,localisé à la glande, sont exposés à un risque de

létalité par cancer inférieur à 10 %, à une échéancede 10 ou 12 ans. Parallèlement, le risque deprogression locale et/ou métastatique, accessiblecependant à un traitement palliatif hormonal, peutêtre évalué à 30 ou 40 %. Il n’est donc pasdéraisonnable, dès lors que l’âge du patient dépasse70-72 ans et/ou qu’existent des facteurs decomorbidité importants, de discuter avec lui de lapossibilité de ce type de stratégie thérapeutique,étant entendu que s’il peut être éthiquement justifié,il n’est pas pour autant aisément accepté par lespatients, tout au moins dans les pays de culturelatine. Il est alors raisonnable de proposer à cespatients un traitement hormonal palliatif d’emblée.

‚ Traitement curatif

Il dispose de deux possibilités thérapeutiques :– la radiothérapie externe ;– la prostatectomie totale.Aucun des autres traitements souvent

mentionnés dans la littérature comme unealternative aux thérapeutiques précédentes(curiethérapie prostatique, cryothérapie, énergiesdiverses...) n’est actuellement validé et ne peut êtreproposé en dehors d’un très strict protocoled’investigations.

Radiothérapie externe

Elle utilise des radiations de haute énergie(accélérateur de particules) à la dose de 65 Gy dirigéssur la prostate, avec ou sans irradiation des airesganglionnaires. Ce traitement, qui a l’avantage de nepas comporter d’intervention chirurgicale, peutlaisser à titre de séquelles des troubles urinaires etsurtout digestifs (rectite, ténesme, crampesabdominales), et s’accompagne d’un risque detroubles notables de l’érection dans 40 à 50 % descas. Le critère d’efficacité de la radiothérapie estreprésenté par la décroissance progressive du PSAqui, 18 mois à 2 ans après la fin du traitement, doitêtre au moins en dessous de 1 ng, voire de0,5 ng/mL.

Prostatectomie totale avec curageganglionnaire dès lors que le PSA estsupérieur à 10

C’est en fait une prostatovésiculectomie suivied’anastomose vésico-urétrale. La mortalitéopératoire est faible (0,5 à 1 %). Ses effetssecondaires sont essentiellement urinaires etgénitaux : incontinence d’urine transitoire pendant 6à 12 semaines (exceptionnellement définitive dansmoins de 5 % des cas), et surtout modificationimportante de la vie sexuelle (disparition deséjaculations, troubles de l’érection extrêmementfréquents en dépit d’une dissection minutieuse despédicules vasculonerveux de l’érection). Cescomplications peuvent cependant faire l’objet d’untraitement palliatif (implantation de sphincterartificiel en cas d’incontinence définitive, traitementpeu invasif des troubles de l’érection par injectionintracaverneuse, instillations endo-urétrales,comprimés par voie orale). Le critère d’efficacité de laprostatectomie totale est l’obtention, de manièredurable, d’un taux de PSA indétectable dans le sangcirculant.

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Comment choisir entre traitement chirurgicalet radiothérapie externe ?

L’étude de la littérature montre que les deuxmodalités thérapeutiques font jeu égal en termed’efficacité et guérissent les mêmes malades,c’est-à-dire les patients atteints d’un cancerprostatique cliniquement localisé avec un PSAinférieur à 15. Il semble cependant admis que, chezles patients de moins de 65 ans, il y a un avantageindiscutable de la chirurgie par rapport à laradiothérapie. Il faut par ailleurs prendre en comptele fait qu’il est possible, en cas de récidive localeaprès prostatectomie totale, d’utiliser un traitementde radiothérapie à visée curative de seconde ligne,alors qu’en cas d’échec de la radiothérapie, laprostatectomie totale de seconde intention, dite desauvetage, est très rarement efficace en terme decontrôle de la maladie et grevée d’une morbiditépostopératoire considérable.

‚ Diagnostic de cancer prostatiquelocalement avancé

Il est porté dès lors que les données de l’examenphysique et/ou des examens complémentairesmontrent que la tumeur a franchi les limites de laglande prostatique, sans cependant s’accompagnerde métastases à distance. Le cancer est alorsinaccessible à un traitement curatif fondé sur lamonothérapie, qu’il s’agisse de chirurgie ou deradiothérapie. Le traitement le moins inefficace dansce type de situation est représenté par l’associationhormonothérapie néoadjuvante (dont c’est là laseule et unique indication reconnue à l’heureactuelle) et radiothérapie à visée radicale.

Les modalités et la durée de l’hormonothérapiefont encore actuellement l’objet de discussions.

‚ Cancer de la prostate avec métastases

Il relève essentiellement du traitement hormonal.

Traitement hormonal

La prostate est une glande sexuelle secondaireandrogénodépendante, et il revient à Hugginsd’avoir démontré, au début des années 1940, que lacastration entraînait à la fois l’atrophie de la prostatenormale et la régression, pour un temps en tout cas,du cancer prostatique évolué.

La base du traitement hormonal du cancer de laprostate est représentée par l’inhibition de l’actiondes androgènes au niveau des cellules cibles. Cetteinhibition peut être assurée de trois manières :

– par la suppression des androgènes testiculaires,c’est-à-dire par castration ;

– par l’inhibition de l’action des androgènes auniveau de la cellule cible, en utilisant desmédicaments compétiteurs des androgènes auniveau du récepteur, c’est-à-dire en utilisant desantiandrogènes ;

– par les deux modalités thérapeutiquescombinées sous le terme de blocage androgéniquecomplet.

Traitement standard du cancer prostatiquemétastatique

Il est représenté essentiellement par lasuppression des androgènes testiculaires, c’est-à-direpar la castration qui peut être :

– chirurgicale sous forme d’orchidectomiesous-albuginée, qui assure une suppressiondéfinitive des androgènes testiculaires pour un coûtextrêmement modeste, dont il ne faut néanmoinspas sous-estimer l’impact psychologique ;

– médicale à l’aide de substances agonistes de laLH-RH (gonadotropin-releasing hormone), qui,administrées en continu, suppriment la sécrétion deLH hypophysaire et par voie de conséquence detestostérone testiculaire. Ces produits sontadministrés en injection sous-cutanée ouintramusculaire sous forme de : [2]

– goséréline (Zoladext) : 1 injection mensuellesous-cutanée de 3 mg ou trimestrielle de10 mg ;

– leuproréline (Enantonet) : 1 injectionsous-cutanée mensuelle de 3,75 mg outrimestrielle de 11,25 mg ;

– triptoréline (Décapeptylt) : 1 injectionmensuel le sous-cutanée de 3 mg outrimestrielle de 10 mg ;

– buséréline (Bigonistt ) : 1 injectionbimensuelle sous-cutanée de 6,3 mg.

Tous ces médicaments ont une efficacitéidentique, et le coût moyen mensuel du traitementest environ de 1 000 francs.

Ils entraînent deux effets secondaires notables :une atrophie testiculaire progressive en quelquesmois, et surtout, du fait même de leur mécanismed’action, une poussée initiale plus ou moinsimportante de la sécrétion de LH, entraînantelle-même une élévation plus ou moins importanteet durable de la testostérone sérique. Cephénomène, connu sous le nom de flare-up, peutêtre particulièrement dangereux dès lors qu’existentdes métastases vertébrales susceptibles d’entraînerdes complications neurologiques.

Pour cette raison, l’induction d’un traitement paragoniste de la LH-RH doit toujours êtreaccompagnée pendant au moins 1 mois de laprescription contemporaine d’un antiandrogènestéroïdien ou non stéroïdien. Dans ce cas, l’un desmédicaments suivants peut être utilisé :

– acétate de cyprotérone (Androcurt) : 1comprimé à 50 mg matin midi et soir ;

– nilutamide (Anandront) : 1 comprimé à150 mg/j ;

– flutamide (Eulexinet) : 1 comprimé à 750 mg/jen 3 prises de 250 mg.

L’adjonction permanente à la castration médicaleou chirurgicale d’un traitement par antiandrogènes(stéroïdiens ou non stéroïdiens) est connue sous lenom de blocage androgénique complet. Après detrès nombreuses controverses, les faits suivantssemblent aujourd’hui acquis :

– l’adjonction d’un antiandrogène stéroïdien(acétate de cyprotérone) à la castration n’apportepas de bénéfice ;

– l’adjonction d’un antiandrogène non stéroïdien(nilutamide ou flutamide) à la castration médicale ouchirurgicale peut apporter un bénéfice au patientatteint de métastases extrêmement douloureuses,

mais n’augmente de manière significative ni lasurvie sans progression, ni la survie globale desmalades atteints de cancer prostatique métastatique.Ces éléments sont à mettre en parallèle avec leseffets secondaires des antiandrogènes nonstéroïdiens (troubles visuels et respiratoires dunilutamide, troubles digestifs du flutamide) et le prixdu traitement combiné (de l’ordre de 2 000 francspar mois).

Il semble raisonnable d’introduire le traitementhormonal dès lors que le diagnostic de cancerprostatique métastatique est porté. En effet, uneétude récente menée en Grande-Bretagne montreque les patients pour lesquels l’introduction dutraitement a été retardée à l’apparition dessymptômes sont exposés aux complications liées àla progression tumorale, plus fréquente et plus graveque chez les patients traités d’emblée.

Effets secondaires

Le traitement hormonal a d’indiscutables effetssecondaires (tableau III) [4].

Les uns sont liés à la suppression desandrogènes : troubles du caractère, disparition de lalibido, anérection, perte de la masse musculaire,risque d’ostéoporose.

Les autres sont liés au déséquilibre de la balanceandrogène-œstrogène : gynécomastie plus oumoins douloureuse, bouffées de chaleur. Lagynécomastie peut théoriquement être traitée, soitpar la radiothérapie mammaire, rarement mise enœuvre, soit, dans le futur, par les inhibiteurs desaromatases. Les bouffées de chaleur répondentquant à elles en général très bien soit à desœstrogènes à petites doses type diéthylstilbestrol(Distilbènet : 0,5 mg), soit à des antiandrogènesstéroïdiens type acétate de cyprotérone (Androcurt :1 comprimé à 50 mg 1 jour sur 2). Les interactionsmédicamenteuses sont par ailleurs possibles(tableau IV).

Traitements alternatifs

C’est pour tenter de combattre les effetssecondaires de la suppression androgénique quedes traitements alternatifs à la suppression desandrogènes ont pu être proposés. Toutefois, aucunde ces traitements n’est actuellement validé, et ils nepeuvent être utilisés que dans le cadre de protocolesd’investigations strictement menés.

Il s’agit :

– d’un traitement hormonal intermittent quipermet au patient de jouir de phases plus ou moinsprolongées et répétées d’imprégnation androgé-nique normale ;

– de l’utilisation des antiandrogènes nonstéroïdiens en monothérapie qui ont l’avantage,tout en combattant le cancer de la prostate, demaintenir un taux normal ou légèrementsupranormal de testostérone circulante et d’éviter

Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique - 5-0692

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Tableau III. – Effets secondaires du traitement hormonal.

Effets secondaires Médicament(s) impliqué(s) Diagnostic Physiopathologie Conduite pratique

Diarrhée Flutamide - Augmentation du nombre etde la quantité de selles (> 6/j)et modification de leur consis-tance- Fréquence < 14 %

- Mal connue- Effet irritatif de la moléculedirectemnt sur la muqueusedigestive ?

- Régime antidiarrhéique(diminution des troubles enquelques semaines)- Diminuer le traitement- Arrêt du traitement si intolé-rance clinique

Hépatite Tous les antiandrogènes - Parfois gravissime (quelquesdécès rapportés)- Survient dans les 6 premiersmois et régresse généralement

- Mal connue- Mécanisme immunoallergi-que ?

- Vérifier les ASAT et les ALATavant le traitement, puis sur-veillance- Si les taux sont supérieurs à3 fois la normale : arrêt dutraitement

Cardiovasculaires : infarctus,thrombose, embolie pulmo-naire, HTA

Acétate de cyprotérone, œstro-gène, antiandrogène nonstéroïdien

- Survient dans les 6 premiersmois- Fréquence < 2,5 %

- Surveillance les 6 premiersmois, surtout chez les patientsâgés, obèses avec ou sansantécédent cardiovasculaire

Pneumopathies interstitielles,fibrose pulmonaire

Nilutamide - Fréquence< 2 %- Réversible à l’arrêt dutraitement

- Radiographie pulmonaireune fois par an (= radiogra-phie de contrôle des métasta-ses pulmonaires)- Scanner si doute- Arrêt du traitement

Méthémoglobinémie Flutamide - À rechercher chez un patientprésentant une cyanose

Effet antabuse Nilutamide - Flush lors d’ingestiond’alcool- Fréquence < 2 %

Effets oculaires Nilutamide - Trouble de l’accommodationdans l’obscurité et de la visiondes couleurs- Fréquence : 20 %

- Arrêt du traitement dansmoins de 1 %

Rash et réactionsanaphylactiques

Analogue de la LH-RH

Photosensibilisation Flutamide

Aplasie médullaire Nilutamide

Céphalées Acétate de cyprotérone

LH-RG : gonadotropin-releasing hormone ;ASAT : aspartate aminotransférase ; ALAT : alanine aminotransférase ; HTA : hypertension artérielle.

Tableau IV. – Interactions médicamenteuses.

Type de traitementhormonal

Médicamentsimpliqués Médicaments interagissant Mécanisme Examens à pratiquer Conduite à tenir

Antiandrogènesnon stéroïdiens

Nilutamide Antivitamine K Métabolisme hépatique desAVK retardé

TP INR Adapter les AVKFlutamide

Nilutamide Phénytoïne Modification du métabo-lisme hépatique

Adapter les posologies desmédicaments interagissantPropranolol

ChlordiazépoxideDiazépamThéophylline

Œstrogènes Tous Ciclosporine Modification du métabo-lisme hépatique

Ciclosporinémie Adapter les posologies deciclosporine

Inducteurs enzymatiques : Accélération de la dégrada-tion des œstrogènes

Adapter les posologiesd’œstrogènes- anticonvulsivants

- griséofulvine- rifampicine

Antiandrogènesstéroïdiens

Acétate decyprotérone

Antidiabétiques oraux Effet diabétogène Glycémie Adapter le traitementantidiabétique

AVK : antivitamine K ; TP INR : taux de prothrombine(international normalised ratio).

5-0692 - Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique

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ainsi les désagréments de la suppressionandrogénique complète, les effets adversespotentiels du maintien de la testostéronémiepouvant être combattus éventuellement parl’adjonction aux antiandrogènes non stéroïdiensd’un inhibiteur de la 5 alpha-réductase (finastéride,Chibro-Proscart : 5 mg/j). Insistons encore sur le faitqu’il s’agit là de traitements purement investigatifs.

Quoi qu’il en soit, la durée de l’efficacité dutraitement hormonal du cancer de la prostatemétastatique est malheureusement limitée dans letemps, et tôt ou tard l’échappement hormonal semanifestera, dans un premier temps de manièrebiologique, par la réascension du PSA, suivie à plusou moins brève échéance par l’apparition demanifestations cliniques où dominent essentiel-lement les douleurs et plus rarement lesmanifestations locorégionales. La médiane de surviesans progression biologique est environ de 2 ans.Elle est d’autant plus importante et prolongée que laréponse biologique initiale à la suppression desandrogènes testiculaires est marquée par un retourrapide du PSA largement en dessous de la normaledu laboratoire.

La surveillance du traitement est fondéeessentiellement sur le dosage du PSA à 3 mois, qui aune valeur pronostique considérable, puis sur unsuivi clinique régulier. En l’absence de symptômesintercurrents, il n’y pas lieu de réaliser d’examenscomplémentaires puisque, malheureusement, il n’y apas de traitement curatif de l’échappementhormonal.

‚ Cancer prostatique en échappementhormonal

Ce dernier pose un problème thérapeutiqueextrêmement difficile. La durée médiane de surviedes patients atteints de cancer en échappementhormonal est de 12 à 18 mois. Elle peut êtreprolongée par une surveillance attentive et lacorrection aussi minutieuse que possible del’ensemble des paramètres biologiques. Bien qu’il n’yait aucun traitement curatif disponible à ce stade dela maladie, une réponse graduée doit être envisagéequi comportera :

– si le patient a été traité par une simplesuppression des androgènes testiculaires, le rajoutau traitement initial d’un antiandrogène stéroïdienou non stéroïdien qui peut entraîner uneamélioration objective dans environ 25 % des cas ;

– si le patient a été traité par blocageandrogénique complet, la suppression del’antiandrogène. En effet, dans 30 à 40 % des cas,elle entraînera une amélioration biologique (baissedu PSA) et souvent clinique. Ce phénomène, connusous le nom de syndrome du retrait desantiandrogènes, traduit le fait qu’au bout d’uncertain temps d’administration, l’antiandrogène peutavoir un effet plus agoniste qu’antagoniste ;

– en cas d’échec des deux manœuvresprécédentes, le recours à d’autres traitementshormonaux tels que les œstrogènes, soit sous formede diéthylstilbestrol (Distilbènet) à la dose de 3 mg/j,soit sous forme de fosfestrol (ST-52t) en perfusion àla dose de 1 à 2 g/j. Ces médicaments peuventamener un certain degré d’amélioration des

douleurs probablement par le biais de lamodification du circuit des endorphines ouéventuellement par action locale au niveau de latumeur ;

– si tous les traitements précédents ontéchoué, le recours à la corticothérapie, voireéventuellement à la chimiothérapie cytotoxique,en utilisant des produits adaptés à l’âge et à l’étatgénéral du patient. Par ailleurs, les traitementsantalgiques doivent être activement poursuivis,utilisant soit les anti-inflammatoires nonstéroïdiens, soit les morphinomimétiques. Lerecours à la radiothérapie à visée antalgique peutrendre de grands services. Enfin, on n’omettra pasde traiter les obstacles à l’évacuation des urines :résection transurétrale prostatique si nécessaire,dérivation urinaire haute par néphrostomiepercutanée, et chaque fois que possible,reperméation d’une obstruction urétérovésicaleavec mise en place de sonde double J.

■Conclusion

En dépit des progrès spectaculaires dudiagnostic précoce et du traitement des cancersprostatiques localisés, le cancer de la prostatedemeure l ’objet de très nombreusesincertitudes, tandis que le traitement du cancerprostatique métastatique n’a pas fait réellementde progrès significatifs depuis les cinq dernièresdécennies.

Laurent Boccon-Gibod : Chirurgien des Hôpitaux, professeur d’urologie à la Faculté, chef du service d’urologie,centre hospitalier universitaire Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Boccon-Gibod. Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0692, 1998, 7 p

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Cancer de la prostate : stratégies diagnostique et thérapeutique - 5-0692

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Cancer du testicule

PM Lugagne-Delpon

L a palpation d’une masse testiculaire justifie l’orchidectomie élargie, acte diagnostique et thérapeutique.

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

C’est le cancer le plus fréquent chez l’hommejeune, responsable de 12 % des décès dans latranche 15-34 ans. Les tumeurs germinalesreprésentent 95 % des cancers du testicule.

Le diagnostic est clinique. Le bilan d’extensionrepose sur la tomodensitométrie thoracique etabdominopelvienne (fig 1).

L’orchidectomie par voie inguinale, principal actediagnostique et thérapeutique, doit être faiterapidement.

La guérison est assurée dans 95 % des stades nonmétastatiques, au prix de traitements complémen-taires dont la morbidité est réduite [2]. Le pronosticdes tumeurs métastatiques a été transformé par leschimiothérapies combinées à base de platine etdépend de la masse tumorale.

■Anatomie pathologique

La classification la plus répandue est celle del’organisation mondiale de la santé (OMS) (tableau I),séparant tumeurs germinales et non germinales. Ausein des tumeurs germinales, on oppose lesséminomes purs et les non-séminomes, en raison departicularités évolutives ayant de fortes implicationsthérapeutiques. Les séminomes ayant un pouvoir dedissémination lymphatique presque exclusif, lesatteintes métastatiques sont d’abord ganglionnaires,rétropéritonéales puis sus-diaphragmatiques. Lestumeurs non séminomateuses peuvent métastaserd’emblée au poumon, sans localisationsganglionnaires décelables.

‚ Tumeurs séminomateuses pures

La forme typique est évocatrice par son aspectmacroscopique blanc ivoire, ferme et lobulée.

Histologiquement, elle est caractérisée par desnappes de cellules de grande taille à cytoplasmeriche en glycogène et à noyaux centraux fortementnucléolés. Il n’y a pas de marqueurs sériquesspécifiques, mais certains séminomes peuventsécréter un taux faible de gonadotrophinechorionique. Le diagnostic différentiel avec desformes compactes de carcinome embryonnaire oude tumeur du sac vitellin peut être difficile, lemarquage à la kératine est constamment positifdans ces derniers et presque constamment négatifau niveau des éléments séminomateux.

‚ Tumeurs germinalesnon séminomateuses

Ce terme englobe toutes les tumeurs germinalesqui ne sont pas exclusivement séminomateuses. Dèsla macroscopie, l’aspect polymorphe diffère duséminome. Ces tumeurs sont rarement pures (8 %)mais le plus souvent constituées de l’intrication deplusieurs contingents : carcinome embryonnaire,tumeur du sac vitellin, choriocarcinome, tératomemature et/ou immature. À ces contingents nonséminomateux peuvent s’associer des élémentsséminomateux ou syncitiotrophoblastiques.

Le carcinome embryonnaire est fait de cellulescylindrocubiques à noyau irrégulier se disposant enmassif, travées ou tubes. Elles ne sécrètent pas demarqueurs spécifiques ; la présence d’alpha-fœtoprotéine (AFP) dans le sang signe la présence defoyers de sac vitellin.

Les tumeurs du sac vitellin sont de diagnosticdifficile du fait de leur grand polymorphisme.L’immunomarquage par l’AFP permet de reconnaîtredes formes méconnues. Leur fréquence estsous-évaluée.

Le choriocarcinome est exceptionnellement pur(0,1 %). L’aspect typique associant éléments cyto- etsyncitiotrophoblastiques est rare. La sécrétion debêta-hCG dépend des cellules syncitiotrophoblas-tiques qui sont inconstantes.

Les tératomes associent le plus souvent uncontingent immature au contingent mature et auxautres contingents. Le contingent immature estdifficile à distinguer d’un carcinome embryonnaireou d’une tumeur vitelline. L’immunomarquage n’estpas discriminatif, puisque l’AFP peut marquer desstructures tératomateuses hépatoïdes ou entéroïdes.

‚ Tumeurs du stroma gonadiqueet des cordons sexuels

Les tumeurs à cellules de Leydig (3 % des tumeurstesticulaires) s’accompagnent d’une pseudopubertéprécoce chez l’enfant et d’une gynécomastieinconstante chez l ’adulte . Caractér iséesmacroscopiquement par leur aspect bien limitéjaune chamois, ce sont des tumeurs endocrines nonencapsulées constituées de cellules de Leydig trèséosinophiles.

Les autres tumeurs sont rares (tableau I).

‚ Autres tumeurs primitives

Développées aux dépens de l’ébauchegonadique, des annexes ou du tissus de soutien,elles sont exceptionnelles.

‚ Tumeurs secondaires

Les lymphomes testiculaires, chez le sujet âgé,peuvent être la première localisation, évoquant alorsle diagnostic de séminome

Les métastases de carcinomes de voisinage ou àdistance sont rares.

La localisation testiculaire des leucémies aiguëspose rarement de difficultés cliniques.

■Diagnostic

La palpation d’une masse testiculaire justifiel’orchidectomie élargie, acte diagnostique etthérapeutique pour toute tumeur primitive dutesticule. Une démarche pronostique, débutant dèsl’examen clinique et poursuivie après l’orchidec-tomie, permet de poser les indications du traitementcomplémentaire.

‚ Clinique

Le diagnostic est fait sur une masse testiculaire,circonstance révélatrice la plus fréquente. Plusrarement, cette masse est recherchée devant unegynécomastie ou lors du bilan d’une masserétropéritonéale ou pulmonaire. Cette masse, solideet non transilluminable, siège dans le testicule, nonséparée de lui par un sillon comme dans le cas desnodules épididymaires (signes de Chevassu). Elle est

Épidémiologie— Incidence: 3 à 6 pour 100 000.— Premier cancer de l’adulte jeune.— 12 % des décès de l’adulte jeune.— 86 % de survie à 5 ans.

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habituellement indolore, d’installation progressivede quelques semaines à plusieurs mois. Parfois latumeur apparaît rapidement dans un contexteinflammatoire et douloureux, pouvant égarer lediagnostic vers une torsion ou une épididymite. Ilfaut rechercher la cicatrice inguinale d’unabaissement testiculaire dans l’enfance. Il faut palperl’abdomen et les aires ganglionnaires, en particuliersus-claviculaire gauche et rechercher une

gynécomastie ou une puberté précoce, parfoisassociée à une tumeur à cellules de Leydig.

‚ Échographie

L’échographie scrotale confirme le siègetesticulaire de la lésion, qui présente des aspects plusou moins évocateurs d’une histologie (hypoécho-

gène et hypovascularisée pour les séminomes,hétérogène et plus vascularisée pour lesnon-séminomes). L’échographie permet égalementde déceler une lésion testiculaire non palpable dansle testicule controlatéral. Lorsque l’échographie etl’examen clinique ne peuvent trancher sur le siègeépididymaire ou testiculaire de la lésion,l’exploration testiculaire par voie inguinale estindiquée.

1 Homme de 26 ans présentant une tumeur du testiculegauche avec masse abdominale palpable. Les bêta-hCGsont à 30 000 UI/L, les alpha-fœtoprotéines à 9 000 ng/mLet les lacticodéshydrogénases à huit fois la normale.La radiographie pulmonaire montre trois métastasesde moins de 5 cm dans les deux champs. Le scannercérébral et l’échographie hépatique sont normaux. Ils’agit d’une tumeur de pronostic intermédiaire.

A. Urographie intraveineuse : rein gauche muet, reindroit refoulé en dehors.B. Scanner abdominal : masse ganglionnaire de 9 cm.C. Scanner après trois cures de BEP (cisplatine, éto-poside, bléomycine).D. Imagerie par résonance magnétique après traite-ment : masse résiduelle de 5 cm.

Le curage de la masse résiduelle révèle du tératomemature. Patient en rémission complète à 5 ans.

A

B

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5-0630 - Cancer du testicule

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‚ Marqueurs sériques

Les marqueurs sériques tumoraux sont desproduits liés à la présence tumorale, soit directement(sécrétion), soit indirectement (réaction del’organisme). Ils doivent être dosés avantl’orchidectomie et après l’orchidectomie jusqu’ànormalisation ou stabilisation. Ils sont dosésrégulièrement au cours du traitement complémen-taire et après celui-ci.

L’AFP est une glycoprotéine sécrétée par lescellules du sac vitellin, du foie et de l’intestin. Dans lecancer du testicule sa sécrétion provient de cellulestumorales du sac vitellin, et signe une tumeurgerminale non séminomateuse (TGNS). Sa demi-viemétabolique est de 5 jours, son taux normal inférieurà 15 ng/mL .

La bêta-hCG (sous-unité bêta de l’hormonechorionique gonadotrope qui circule sous formelibre ou liée à la sous-unité alpha) est uneglycoprotéine sécrétée par les cellules syncitiotro-phoblastiques, habituellement présentes dans lesTGNS contenant du choriocarcinome, présentes enplus faible quantité dans les tumeurs germinalesséminomateuses (TGS) contenant des cellulessyncitiotrophoblastiques. Sa demi-vie métaboliqueest de 1 à 2 jours. Un taux supérieur à 1 000 UI/mLest incompatible avec une TGS et doit fairerechercher des éléments choriocarcinomateux. Lesméthodes de dosage actuelles permettent deséparer la fraction libre et la fraction liée.

La LDH (lacticodéshydrogénase), marqueur nonspécifique, est élevée dans les masses tumoralesimportantes. Son taux, ainsi que celui d’AFP et de

bêta-hCG, constituent des éléments pronostiquesmajeurs dans les tumeurs métastatiques.

L’élévation des taux sériques et urinairesd’androgènes et d’œstrogènes peut être constatéedans les tumeurs à cellules de Leydig.

‚ Orchidectomie élargie

Il s’agit d’une orchidectomie élargie au cordon,avec clampage premier de celui-ci réaliséeimpérativement par voie inguinale. Tout abord d’untesticule tumoral par voie scrotale est proscrit. Il s’agitd’un geste simple, sans morbidité spécifique,nécessitant une hospitalisation de 2 à 4 jours.

Plusieurs commentaires doivent être faitsconcernant :

– la fertilité future : elle dépend plus de latoxicité des traitements complémentaires que del’orchidectomie elle-même. Elle récupère dans plusde la moitié des cas 2 ans après la fin du traitement ;

– le délai entre diagnostic et orchidectomie : àpeu près 1 semaine, ce qui permet une consultationd’anesthésie et un ou deux prélèvements de spermeen vue d’autoconservation et éventuellement unbilan radiologique d’extension ;

– l’examen histologique extemporané, cordonclampé, n’est véritablement utile que dans les rarescas où une chirurgie conservatrice est envisagée :testicule unique, petite lésion potentiellementbénigne révélée par échographie ;

– la prothèse testiculaire doit toujours êtreproposée, avec mise en place dans le même temps.Il s’agit d’une prothèse contenant habituellement dugel de silicone, ne présentant pas de risque demigration sanguine ou lymphatique prouvé à ce jourpour les modèles homologués. Néanmoins, uneinformation claire doit être donnée sur la morbiditéspécifique de la prothèse, infection en particulier.

‚ Bilan d’extension

Mis à part la radiographie pulmonairepréopératoire de référence, il est habituel de leréaliser après l’orchidectomie, une fois l’histologieconnue. Le scanner abdominopelvien et thoracique,

avec coupes jointives de 5 mm est actuellement laréférence. Échographie hépatique et scannercérébral ne sont réalisés que chez les patientsprésentant des métastases sus-diaphragmatiques. Lecontrôle du taux des marqueurs spécifiques aprèsl’orchidectomie permet de préciser en fonction deleur demi-vie si on peut escompter unenormalisation ; l’absence de normalisation permet àelle seule d’affirmer l’existence de métastases.

Plusieurs classifications permettent de regrouperles patients dans des stades de pronostic équivalent.La classification TNM (tumeur maligne, nodes,métastases) de l’OMS répond aux nécessitéscliniques (tableau II).

■Pronostic et principes

du traitement

‚ Tumeurs germinales séminomateuses(tableau III)

Stades T1-4 N0-M0

Ils représentent 80 % des séminomes. Uneradiothérapie lombo-iliaque homolatérale de 25 Gyest justifiée pour éviter les rechutes qui peuventsurvenir au niveau des gangl ions sous-diaphragmatiques dans 20 % des cas au cours des10 années suivant l’orchidectomie. La morbidité selimite à des troubles digestifs et à une asthénie peuintense et transitoire. Elle ne prévient pas totalementles récidives qui surviennent dans moins de 5 % descas, en dehors du champ d’irradiation. Unesurveillance clinique, par marqueurs et par scannerabdominopelvien et thoracique tous les 6 moisdurant 4 ans puis tous les ans durant 6 ans estrecommandée. Le taux de guérison est supérieur à98 %.

Stades T1-4 N1 ou N2-M0

La radiothérapie lomboaortique et iliaquehomolatérale à 25 Gy avec surdosage de 5 à 10 Gy

Tableau I. – Classification des tumeurs du tes-ticule (Organisation mondiale de la santé[OMS] 1977).

• Tumeurs germinales (90 %)– Tumeurs à une seule composante

- séminome- séminome spermatocytaire- carcinome embryonnaire- tumeur du sac vitellin- polyembryome- choriocarcinome- tumeur trophoblastique- tératomes mature, immature, cancérisé

– Tumeurs à plusieurs composantes- tératocarcinome- autres combinaisons

• Tumeurs non germinales (10 %)Tumeurs des cordons sexuels et du stromagonadique

- Formes pures- tumeur à cellule de Leydig- tumeur à cellules de Sertoli- tumeur de la granulosa

- Formes intriquées- Formes peu différenciées

– Tumeurs de l’ébauche gonadique- androblastome- gonadoblastome

– Tumeurs des annexes et du tissu de soutien- Tumeur adénomatoïde- Mésothéliome- Tumeur mélanotique neuroectodermique- Tumeur de Brenner- Tumeur des tissus mous

– Tumeurs secondaires, métastases– Tumeurs hématopoïétique lymphomes– Carcinoïdes– Tumeur du rete testis

Tableau II. – Stadification des tumeurs testiculaires.

T ou pT - Tumeur primitive

pTX : non évaluable (en l’absence d’orchidectomie, pTX est utilisé).pT0 : pas de tumeur primitive évidente (par exemple simple cicatrice résiduelle).pT1 : tumeur limitée au testicule et à l’épididyme, sans invasion vasculaire ni lymphatique. La tumeur peutenvahir l’albuginée, mais pas la vaginale.pT2 : tumeur limitée au testicule et à l’épididyme, avec invasion vasculaire ou lymphatique, ou tumeur éten-due à l’albuginée avec envahissement de la vaginale.pT3 : tumeur envahissant le cordon spermatique, avec ou sans invasion vasculaire ou lymphatique.pT4 : tumeur envahissant le scrotum, avec ou sans invasion vasculaire ou lymphatique.

N - Ganglions régionaux

NX : ganglions régionaux non évaluablesN0 : pas d’adénopathie métastatique régionaleN1 : métastase ganglionnaire unique de moins de 2 cm de plus grande dimension, ou multiples ganglionsmétastatiques de moins de 2 cm de plus grande dimension.N2 : métastase unique de 2 à 5 cm deplus grande dimension, ou multiples ganglions positifs dont un estentre 2 et 5 cm de plus grande dimension.N3 : métastase de plus de 5 cm de plus grande dimension.

M - Métastases à distance

MX : métastases à distance non évaluablesM0 : pas de métastases à distanceM1 : métastases à distanceM1a - métastase ganglionnaire non régionale ou pulmonaireM2b - métastase à distance autre que ganglionnaire non régionale et pulmonaire

Cancer du testicule - 5-0630

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sur les adénopathies est le standard. Ce traitementexpose cependant à deux risques : des récidivessus-diaphragmatiques (qui peuvent atteindre 20 %dans les stades N2) et des cancers radio-induitsgastriques, pancréatiques ou œsophagiens (risquerelatif multiplié par deux à quatre pour des dosesdépassant 30 Gy). C’est pourquoi certains proposentla même chimiothérapie que dans les TGNSmétastatiques lorsque les adénopathies dépassent5 cm.

Stades T1-4 N3 et/ou M1

La polychimiothérapie à base de cisplatine,étoposide et éventuellement bléomycine (BEP), selonles mêmes modalité que dans les TGNSmétastatiques, est le traitement recommandé.

Les masses résiduelles des métastases deséminomes continent à régresser pendant plusieursmois après la fin du traitement. Elles doivent doncêtre surveillées par scanner tous les 3 mois et nejustifient d’une exérèse chirurgicale que si ellesrestent supérieures à 3 cm.

Le taux de guérison des séminomes métasta-tiques est voisin de 80 % pour les masses tumoralessous-diaphragmatiques isolées.

‚ Tumeurs germinales nonséminomateuses (tableau IV)

Stades pT1-4 N0-M0

Ils représentent 70 % des TGNS. Le but dutraitement prophylactique est d’éviter une rechutequi peut survenir chez 30 % des patients et d’assurer

100 % de guérison. Les progrès de la chirurgie et dela chimiothérapie permettent actuellementd’atteindre 98 % de guérison, mais au prix d’unecertaine morbidité. La préoccupation actuelle est delimiter cette morbidité en réduisant les traitementssans compromettre la guérison. Il existe une relativeouverture des choix thérapeutiques [1]. Lesrecommandations actuelles restent donc ouvertes :

– tumeur pT1 sans facteurs de risque, dont lesmarqueurs suivent une décroissance normale :

– surveillance armée ;– ou curage lomboaortique unilatéral ;– tumeur supérieure à pT1, ou pT1 dont les

marqueurs décroissent lentement :– chimiothérapie (deux cycles bléomycine,

étoposide, platine) ;– ou curage lomboaortique unilatéral, rarement

proposé.

Stades pT1-4 N2N3-M1

La classification en trois groupes de pronosticdifférent (bon, moyen et mauvais) est basée sur levolume tumoral et le taux des marqueurs (AFP,bêta-hCG et LDH). Dans les formes de bon pronostic,quatre cycles d’étoposide et platine (EP) toutes les 3semaines, ou trois cycles si l’on y adjoint de labléomycine (BEP), permettent d’assurer plus de 80 %de rémission complète à 5 ans. Dans les formes demauvais pronostic, les intensifications avecautogreffe de moelle ne permettent pas plus de50 % de rémission complète à 5 ans.

Face aux masses résiduelles, après chimiothé-rapie, les métastases non séminomateuses doiventfaire l’objet d’une exérèse chirurgicale complète.Dans près de 50 % des cas, on ne retrouve que dutissu fibreux cicatriciel et dans 30 % des cas, dutératome mature présentant un risque d’évolutionlocale. Dans moins de 20 % des cas est retrouvé dutissu néoplasique actif nécessitant, lorsque cela estpossible, une chimiothérapie complémentaire. Lerisque d’un deuxième cancer, essentiellementhématologique, est principalement lié à la dosetotale d’étoposide, et il n’est pas établi en deçà detrois cures.

‚ Tumeurs non germinales

LymphomesLe traitement et le pronostic dépendent de

l’extension du lymphome, habituellement nonhodgkinien de type B.

Tumeurs à cellules de LeydigLeur pronostic est habituellement bon, mais 10 %

des formes de l’adulte sont malignes, avecmétastases ganglionnaires précédant les atteintespulmonaires, hépatiques, osseuses et rénales. Il n’y apas de critères histologiques formels de malignité,mais sont évocatrices les tumeurs de plus de 5 cm dediamètre, histologiquement invasives avec nécrose,anaplasie et mitoses fréquentes. Une tumorectomieconservant le testicule peut être envisagée dans lesatteintes bilatérales sans critères de malignité.

■Conclusion

La perception d’une masse testiculaireindépendante de l’épididyme permet de poser lediagnostic de tumeur a priori maligne et imposel’abord chirurgical par voie inguinale avec clampagedu cordon et orchidectomie élargie. Dans 95 % descas, il s’agit de TGS ou de TGNS. Les stades nonmétastatiques guérissent dans 98 % des cas aprèsun traitement complémentaire : radiothérapie pourles séminomes, plus discuté pour les non-séminomes. Le pronostic des formes métastatiquesdépend de la masse tumorale. La polychimiothé-rapie à base de platine est efficace dans les TGNS,avec plus de 80 % de rémission complète à 5 ans.Elle est aussi efficace dans les TGS et remplace laradiothérapie dans les stades N3 ou M1.

Chez ces sujets jeunes dont la guérison estpratiquement assurée, la paternité future est unepréoccupation justifiant la préservation du spermeavant l’orchidectomie.

Pierre-Marie Lugagne-Delpon : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant,service d’urologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : PM Lugagne-Delpon. Cancer du testicule.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0630, 1999, 4 p

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Tableau III. – Séminomes purs.

Stade N0-M0 Stade N1-2-M0 Stade M3 ou M1

80 % des séminomes 15 % des séminomes 5 % des séminomes

Radiothérapie 25 Gy Radiothérapie 30 Gy à 35 Gy Chimiothérapie

98 % de guérison 80 % de guérison

Tableau IV. – Tumeurs non séminomateuses.

Stade N0-M0 Stade métastatiquede bon pronostic

Stade métastatiquede mauvais pronostic

70 % de TGNS 20 % de TGNS 10 % de TGNS

Surveillance si risque faible,chimiothérapie si risque élevé

Chimiothérapie Intensification avec greffe moelle

Place du curage ? Curage des résidus

98 % de guérison 80 % de guérison 30 % de guérison

TGNS : tumeurs germinales non séminomateuses.

5-0630 - Cancer du testicule

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Classification des néphropathies

H Izzedine

L a classification de la plupart des néphropathies reste aujourd’hui encore basée sur la nature de la lésion initialetouchant le parenchyme rénal : les glomérules, les tubes et l’interstitium ou les vaisseaux. Le diagnostic se

fonde sur l’imagerie en ce qui concerne les vaisseaux et les voies excrétrices, sur le syndrome clinique et surtout sur laponction biopsie rénale en ce qui concerne les lésions parenchymateuses. Le diagnostic nosologique d’unenéphropathie est d’autant plus précis que cette enquête est faite plus précocement dans le cours de la maladie rénale.Ainsi, la ponction biopsie rénale a les meilleures chances d’aider à classer une néphropathie lorsqu’elle est faiteprécocement sur des reins de volume encore peu diminué. Selon leur rythme évolutif, les néphropathies sontqualifiées d’aiguës ou chroniques. Consécutives à une maladie identifiée, elles sont dites « secondaires ». Lorsque leurcause reste inconnue, elles sont dites « primitives idiopathiques ».© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : néphropathies, ponction biopsie rénale, classification des néphropathies.

■Introduction

Environ 20 000 sujets vivent aujourd’hui enFrance grâce à l’hémodialyse et à la dialysepéritonéale, et environ 10 000 sujets sont porteursd’un greffon rénal fonctionnel. Le tableau I donneune estimation de la fréquence des causesd’insuffisance rénale terminale. Ces données sonttoutefois de portée limitée, car elles sous-estiment lafréquence des maladies rénales qui n’évoluent querarement vers l’insuffisance rénale terminale(comme par exemple la néphrose lipoïdique ou lanéphroangiosclérose bénigne).

La classification de la plupart des néphropathies,en l’absence de cause définie dans la majorité descas, reste aujourd’hui encore fondée sur la nature dela lésion initiale touchant le parenchyme rénal : lesglomérules, les tubes et l’interstitium ou lesvaisseaux. Les principaux types sont présentés demanière schématique dans le tableau II.

Le diagnostic se fonde sur l’imagerie en ce quiconcerne les vaisseaux et les voies excrétrices, sur lesyndrome clinique et surtout sur la ponction biopsierénale en ce qui concerne les lésions parenchyma-teuses. Le diagnostic nosologique d’unenéphropathie est d’autant plus précis que cetteenquête est faite plus précocement dans le cours dela maladie rénale. Aux stades avancés desnéphropathies chroniques, il peut en effet êtreimpossible de classer la maladie rénale, car tous leséléments du rein sont atteints par une fibrosemutilante.

Voilà pourquoi la ponction biopsie rénale a lesmeilleures chances d’aider à classer une

néphropathie lorsqu’elle est faite précocement surdes reins de volume encore peu diminué.

Par ailleurs, certains processus intéressentplusieurs éléments du rein, telle l’amylose qui infiltreà la fois glomérules, vaisseaux et tubes. En pareil cas,

la classification de la néphropathie est moins baséesur l’élément histologique atteint que sur leprocessus en cause.

Selon leur rythme évolutif, les néphropathies sontqualifiées d’aiguës ou chroniques. Consécutives à

Tableau I. – Fréquence estimée des insuffisances rénales terminales traitées par hémodialyse chezl’adulte (1/1 000 habitants) en France.

Néphropathies en dialyse Étiologie Fréquence

Glomérulonéphrites primitives GN à dépôts d’IgA (maladie de Ber-ger)

22 %

NéphroseGN nécrosante à croissantsGN extramembraneuse

Néphrites interstitielles chroniques Néphropathie du reflux 9 %Uropathie obstructiveLithiaseMédicamenteuseAutres

Néphropathies héréditaires Polykystose 9 %Autres

Néphropathie diabétique Diabète insulinodépendant 25 %Diabète non insulinodépendant

Néphropathies vasculaires secondaires à l’HTA 20 %

Néphropathies secondaires en dehors du diabèteAmylose 25 %MyélomeLupus érythémateuxAutres maladies systémiques

Autres causes Nécrose corticale ?SidaNéphrocalcinoseTraumatismeTumeur rénale

HTA : hypertension artérielle ; GN : glomérulopathie ; IgA : immunoglobuline A ; sida : syndrome de l’immunodéficience acquise.

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une maladie identifiée, elles sont dites « secon-daires ». Lorsque leur cause reste inconnue, elles sontdites « primitives idiopathiques ». Ce dernier termecache souvent simplement notre ignorance desmécanismes physiopathologiques responsables dela maladie rénale.

■Classification

‚ Obstacles de la voie excrétriceAigu, un obstacle entraîne une anurie lorsqu’il

s’agit d’une migration calculeuse dans une voieurinaire unique ou une fibrose rétropéritonéaleenserrant les deux uretères. Chronique s’il persisteou s’il se complique d’infection, il entraîne deslésions interstitielles et tubulaires.

‚ Sténoses ou thromboses vasculaires

Sténoses ou thromboses des artères rénales

Elles sont responsables d’une hypertension, d’uneinsuffisance rénale ou des deux. C’est une causefréquente d’insuffisance rénale chez le sujetathéromateux après 50 ans. Une sténose chroniquede ce type est toujours suivie d’une atrophieprogressive du rein, dont tous les éléments finissentpar être atteints, avec des lésions de néphroangio-sclérose, de nombreux glomérules en « pains àcacheter », une atrophie tubulaire et une fibroseinterstitielle. Plus la sténose est serrée et ancienne,plus cette atrophie rénale est marquée.

Thromboses des veines rénales

C’est une affection rare, compliquant à tout âgeun syndrome néphrotique sévère préexistant(essentiellement une glomérulopathie extramembra-neuse), et chez le nourrisson une déshydratationaiguë fébrile.

‚ Atteintes parenchymateuses

Glomérulopathies (GN)

Trois types sont distingués par la biopsie rénale :■ absence de lésions en optique et en

immunofluorescence (néphrose lipoïdique,représentant 90 % des syndromes néphrotiques del’enfant) ;

■ glomérulonéphrite de dépôts, de compositionet d’étiologie variables, que l’on peut identifier enoptique, en immunofluorescence et en électronique.La forme devenue la plus fréquente actuellement estla GN à dépôts d’immunoglobuline (Ig)A.

La glomérulopathie diabétique, les glomérulo-néphrites extramembraneuses et l’amyloserassemblent le plus grand nombre de ces GN,souvent compliquées de syndrome néphrotique ;

■ prolifération inflammatoire, avec alors risquede fibrose séquellaire.

Une même glomérulopathie peut entraîner dessyndromes cliniques différents, et des étiologiesdiverses peuvent donner un même type de lésionsglomérulaires. Par exemple, une glomérulopathie àdépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger) peutse révéler par des hématuries macroscopiquesrécidivantes, par l’association d’une protéinurie etd’une hématurie macroscopique, par un syndromenéphritique aigu, par un syndrome néphrotique, etmême parfois rester latente. Pourtant, la biopsierénale peut dans chacune de ces éventualitéstrouver des lésions glomérulaires de même nature,mais plus ou moins sévères. Un autre exemple estcelui des glomérulopathies extramembraneuses :certaines accompagnent un cancer, la prise d’unmédicament ou une hépatite B. D’autres restent« idiopathiques », même après plusieurs dizainesd’années d’observation.

Tubulopathies

Elles peuvent être aiguës (nécrose tubulaire) ouchroniques. Certaines ne s’expriment que sousforme de désordres fonctionnels.

Les tubulopathies aiguës accompagnées denécrose de l’épithélium tubulaire entraînent uneinsuffisance rénale aiguë qui peut être oligoanuriquemais également à diurèse conservée, bien que, sil’on fait à ce stade une ponction biopsie rénale, leslésions soient peu différentes. Les lésions tubulairessubaiguës ou chroniques s’inscrivent en généraldans un tableau de néphrite interstitielle chronique.

Les tubulopathies purement fonctionnelles sontsouvent d’origine congénitale. Elles se traduisent parune anomalie d’une ou plusieurs fonctionstubulaires, sans nécessairement s’accompagner delésions histologiques. C’est le cas par exemple de laglycosurie normoglycémique, du diabète insipidenéphrogénique, du syndrome de Fanconi, del’acidose tubulaire distale. Au cours de l’existence,ces troubles purement fonctionnels peuvent petit àpetit entraîner des lésions histologiques des tubes(exemple : la néphrocalcinose, compliquant plusieursannées d’acidose tubulaire distale).

Néphrites interstitiellesElles sont caractérisées par la présence dans

l’interstitium de cellules, de dépôts ou demicrocristaux. Aiguës, subaiguës ou chroniques,souvent immunoallergiques ou infectieuses, elless’accompagnent de lésions tubulaires. Les lésionsglomérulaires sont soit absentes, soit très retardéespar rapport au début de la néphropathie. Enfin, ilfaut noter que le pronostic d’une maladie rénale,qu’elle soit primitivement glomérulaire, tubulaireou vasculaire, est directement corrélé à l’intensitéde la fibrose interstitielle.

Néphropathies vasculaires

Selon la pathogénie, on distingue trois types denéphropathies vasculaires : néphroangiosclérose,angéites, microembolies, essentiellement par descristaux de cholestérol.

¶ Néphroangiosclérose bénigneLa néphroangiosclérose bénigne complique en

général une hypertension artérielle ayant évoluépendant des dizaines d’années. Les lésions affectentsurtout les artères interlobaires et les artérioles. Ellessont faites d’un épaississement intimal et dereduplications des limitantes élastiques, d’unehypertrophie des fibres musculaires lisses et d’unépaississement hyalin des parois.

¶ Néphroangiosclérose maligneLa néphroangiosclérose maligne est de

constitution très rapide. Elle s’accompagne d’unehypertension artérielle très sévère, et peut entraînerune insuffisance rénale terminale en quelques mois,semaines voire même quelques jours. Les lésionssont faites d’une nécrose fibrinoïde des paroisartériolaires, d’une rupture des limitantes élastiqueset de thromboses.

¶ AngéitesLes angéites sont des affections inflammatoires

des parois vasculaires (artérielles, artériolaires,parfois même veinulaires intrarénales) dues à unprocessus auto-immun. Les lésions vasculairesintéressent souvent aussi les capi l lairesglomérulaires. Ce sont des maladies de système quien général ne se limitent pas qu’au rein.

¶ Embolies de cholestérolLes embolies de cholestérol sont une

manifestation de la maladie athéromateuse. Àl’obstruction mécanique des artères de petit calibrepeut faire suite une réaction inflammatoire à corpsétranger, prenant plus ou moins l’aspect d’uneangéite.

■Conclusion

Cette classification imparfaite est aujourd’huiencore utilisée. Elle ne rend cependant pas comptede la nature souvent intriquée des lésions au coursde la plupart des néphropathies. Par exemple, lesglomérulonéphrites s’accompagnent très souvent delésions tubulo-interstitielles ou vasculaires quiconditionnent le pronostic ; les néphropathiesvasculaires compliquant l’hypertension artériellesont souvent accompagnées de lésions de scléroseglomérulaire, et enfin les néphropathies interstitiellesont souvent partie liée avec des lésions tubulaires.Ces faits montrent que la classification d’unenéphropathie glomérulaire, tubulaire ou vasculaireest plus facile au début de l’évolution. À un stadetardif, la néphropathie devient souvent inclassable,car elle associe des lésions diffuses des différentséléments du parenchyme rénal, classique mal deBright.

Tableau II. – Classification schématique desnéphropathies parenchymateuses.

Néphropathies glomérulaires- GN aiguë- GN rapidement progressive- GN chroniqueNéphropathies tubulaires- Nécrose tubulaire aiguë- Tubulopathie chroniqueNéphropathies interstitielles- Néphrite interstitielle aiguë- Néphrite interstitielle chroniqueNéphropathies vasculaires- Néphroangiosclérose- Vascularites- Emboles

GN : glomérulopathie.

5-0510 - Classification des néphropathies

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Hassan Izzedine : Chef de clinique-assistant,Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Izzedine. Classification des néphropathies.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0510, 2003, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Lesavre P. Néphropathies. Classification et définition. In : Godeau P, HersonS, Piette JC ed. Traité de Médecine Interne. 3e édition. Paris : Flammarion Méde-cine Sciences, 1996 : 1066-1067

[2] Meyrier A et al. Maladies rénales de l’adulte. Paris : EllipsesMarketing, 1993

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Cystite interstitielle

B Mauroy

E ntre 1950 et 1970, devant un tel tableau clinique, on parlait de « hysterical female condition » !

© Elsevier, Paris.

■Introduction

La cystite interstitielle (CI) est une maladieénigmatique pour laquelle il n’existe actuellement pasde critère diagnostique absolu, mais dont la fréquenceva croissant. La conférence de consensus de l’Institutnational de santé américain (National Institute ofHealth [NIH]) publiée en 1989 [9] a permis de définir descritères diagnostiques.

■Historique

Décrite en 1878 par Skène comme uneinflammation intramurale interstitielle de la paroivésicale et en 1907 par Nitze comme la « cystitisparenchymatosa », la CI est définie en 1918 parHunner. Il décrit la forme ulcéreuse et l’ulcère érosifchez la femme présentant des douleurs vésicalesassociées à des urgences mictionnelles.

Entre 1950 et 1970, devant un tel tableau clinique,on parlait d’« hysterical female condition ».

Il faut attendre 1978 pour que Messing et Stameyaffirment l’existence de formes non ulcéreuses et de« glomérulations » vésicales indispensables audiagnostic, et 1980 pour que se crée l’Interstitial CystitisAssociation.

C’est enfin en 1989 que les critères diagnostiquesdéfinis par la conférence de consensus de l’Institutnational de santé américain ont permis unehomogénéisation des populations étudiées.

Ce sont ces critères qui servent actuellement deréférence, sachant qu’il n’existe pas d’élémentspathognomoniques de la CI.

■Épidémiologie

Il s’agit d’une pathologie peu fréquente, mais qui estcertainement sous-estimée en France. Aux États-Unis,la prévalence de la maladie a été évaluée à10,6/100 000 habitants et à 18/100 000 femmes.L’incidence annuelle est de 10/100 000. La fréquencedu diagnostic semble augmenter progressivement.Plus de 90 % des diagnostics ont été faits chez lafemme, avec un sex-ratio de 1/10. Le poidssocioéconomique de la maladie est important puisque

le coût annuel de la CI aux États-Unis était de 4 000dollars en 1987. À l’époque, 400 000 cas étaientrecensés.

■Définition et critères

diagnostiques

Les critères diagnostiques reposent sur l’examenclinique (tableau I), l’évaluation urodynamique et lacystoscopie sous anesthésie générale.

‚ Signes cliniques

Deux signes fonctionnels sont indispensables audiagnostic :

– un syndrome irritatif : pollakiurie diurne etnocturne, impériosité mictionnelle ;

– une douleur sus-pubienne (douleurs à ladistension) qui entrave l’activité quotidienne et lesommeil. Une douleur sus-pubienne persistant après lamiction n’est pas évocatrice de CI.

Se surajoute un terrain psychologique dépressif,mais celui-ci doit être considéré comme secondaire àla symptomatologie douloureuse, aggravé parl’absence de diagnostic (retard au diagnostic supérieurà 13 mois).

L’examen clinique reste pauvre. Les examensradiologiques éliminent une lésion organique.L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) estnégatif, ce qui est un élément négatif important.

Les critères cliniques d’exclusion sont importants(tableau II).

‚ Explorations utiles

CystomanométrieElle peut montrer une douleur vésicale au

remplissage, une réduction de la capacité vésicale(souvent normale sous anesthésie), mais lacompliance vésicale reste normale.

La cystoscopie doit être faite sous anesthésiegénérale ou analgésie péridurale, ce qui permet unehydrodistension.

CystoscopieElle peut être décisive en présence d’une forme

ulcéreuse : l’ulcère de Hunner siège au niveau del’arrière-fond ou sur les faces latérales et se présentecomme une cicatrice blanchâtre dont les bordssaignent après la distension.

Elle permet de retrouver des glomérulations (50 %des cas), des hémorragies pétéchiales sous-muqueusescaractéristiques si elles sont diffuses, intéressant aumoins trois quadrants de la paroi vésicale, ou desfissures (10 % des cas).

Une hématurie terminale évocatrice peut êtreobservée dans les suites immédiates del’hydrodistension [3].

En l’absence d’ulcère de Hunner, la réalisation debiopsies vésicales à la pince froide est indispensablepour éliminer un carcinome (23 % des hommes et1,3 % des femmes étiquetés CI sont en fait porteursd’un carcinome), une cystite à éosinophiles, unetuberculose [6]. L’examen histopathologique retrouveune infiltration non spécifique du chorion, avecprésence de nombreux lymphocytes et parfois uneaugmentation de la densité des mastocytes.

Toute pathologie infectieuse ou tumorale vésicale,prostatique ou urétrale, peut simuler une CI.

Tableau I. – Place des examens complémentaires nécessaires chez des patients suspects de cystiteinterstitielle.

Examens indispensables

Cystoscopie sous anesthésie générale permettant :- une mesure de la capacité vésicale- une hydrodistension si un élément typique est retrouvé (ulcère ou pétéchies diffuses)- une biopsie dans le cas contraireECBU, cytologieBilan radiographique (UIV et/ou échographie rénale et vésicale)

Examens possibles

Test de ParsonsBilan urodynamique (mesure de la capacité vésicale sous vigilance, instabilité)

ECBU : examen cytobactériologique des urines ; UIV : urographie intraveineuse.

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‚ Formes cliniquesDeux tableaux cliniques ont été décrits :– stade 1 : CI dite « mineure » dans laquelle l’ulcère

de Hunner n’est pas retrouvé. Il s’agit habituellementd’une forme de la femme jeune, pétéchiale,d’évolution bénigne, qui répond au traitement ;

– stade 2 : forme majeure, ulcéreuse et d’évolutiongrave, caractérisée par une capacité vésicale souventréduite (350 mL à 150 mL) et qui répond peu autraitement.

■Physiopathologie

Les hypothèses physiopathologiques sontnombreuses : de multiples théories ont été proposées.Aucune n’a été retenue, et l’origine multifactorielle dela CI paraît de plus en plus probable. C’est la raisonpour laquelle, plutôt que de théories, il est préférablede parler de composantes physiopathologiques visantà expliquer l’apparition des altérations de la paroivésicale (Colombeau P, Lepinard V, Cortesse A. Cystiteinterstitielle. In : Mauroy B, Rischmann P eds. Expertisespratiques en urologie. Comité d’urologie de la femme.Numéro spécial congrès AFU 1997. 1998 ;1 : 9).

‚ Composante épithélialeIl s’agit de la composante fondamentale. Elle a pour

base la présence sur l’épithélium d’une couche deglycosaminoglycanes (GAG). Dans la CI, cette coucheest altérée, ce qui modifie la perméabilité vésicale,notamment aux anions. La différence de répartitiondes anions potassiques peut expliquer l’impériositémictionnelle et les douleurs. Cette notion est à la basedu test de Parsons qui consiste à instiller dans la vessie

successivement 50 mL d’eau distillée puis d’unesolution de potassium. S’il existe une CI, l’instillation depotassium reproduit la symptomatologie douloureuse.Ce test est positif dans 70 % des CI et peut aider audiagnostic [2].

‚ Composante auto-immuneDifférentes études ont rapporté l’existence

d’autoanticorps chez les patientes atteintes de CI. Lacomposante auto-immune s’est trouvée renforcéequand Bullock a pu reproduire sur des modèlesexpérimentaux des cystites auto-immunes dont lescaractéristiques étaient tout à fait comparables à la CI.Des travaux plus récents ont permis de conclure queles autoanticorps détectés dans la CI seraient plutôt lereflet d’une réponse immunitaire secondaire à uneinflammation chronique de la vessie par un agent qui,lui, reste indéterminé.

‚ Composante infectieuse

C’est l’hypothèse la plus ancienne, avancée parHunner lui-même selon l’idée que l’infection vésicalechronique altérant la paroi épithéliale entraînerait unesensibilité particulière à des micro-organismeshabituellement non pathogènes.

Cette composante infectieuse bactérienne a étérécemment remise sur le devant de la scène par ladécouverte par PCR (polymerase chain reaction)d’acide désoxyribonucléique (ADN) bactérien chez desfemmes porteuses d’une CI, alors que les culturesd’urine étaient négatives. Les agents responsablesn’ont cependant pas été isolés. Il pourrait s’agir degermes en partie détruits par le traitementantibiotique, qui se seraient localisés dans la paroivésicale et auraient entretenu (ou déclenché) unprocessus auto-immun.

‚ Composante inflammatoire

Elle est constante dans la CI, mais on ne sait pasaujourd’hui si elle est une cause ou une conséquencede la pathologie. Un rôle essentiel est tenu par lesmastocytes, cellules impliquées dans les processusinflammatoires et allergiques. Ils sont présents danstous les tissus, notamment dans la paroi vésicale, etcontiennent des granulations riches en histamine.Sous l’influence de différents facteurs, ils libèrent leurcontenu et déclenchent un processus inflammatoire.Leur nombre est augmenté dans la paroi vésicale depatientes atteintes de CI. D’autres arguments militenten faveur de cette hypothèse :

– l’existence d’allergies multiples chez près de 50 %des femmes porteuses de CI ;

– l’augmentation de l’histaminurie dans la CI,notamment après hydrodistension ;

– un taux de mastocytes activés dans près de 80 %des cas dans la paroi vésicale de CI (contre moins de20 % dans la vessie saine ou tumorale).

Le dosage de la méthylhistaminurie pourrait dansl’avenir devenir un test diagnostique utile.

‚ Composante neurovasculaire

Des études récentes ont montré une modificationde la répartition des terminaisons nerveuses dans laparoi vésicale des CI, susceptible d’expliquer, au moinsen partie, la survenue des douleurs et l’augmentationdu nombre de mastocytes.

Au total, on peut actuellement retenir l’idée d’unealtération initiale de l’épithélium vésical, expliquantl’afflux de mastocytes, qui expliquerait à son tour lesphénomènes d’irritation locale et les modificationsneurologiques. Cela permet d’expliquer les différents« stades » de la maladie, des formes mineures, dont lediagnostic est essentiellement clinique, aux formesmajeures ulcérées.

■Approche thérapeutique

‚ Traitements médicaux

L’évaluation de l’efficacité des traitementsmédicaux est rendue difficile par le nombre limité depatients par étude, le peu d’études versus placebo, lemanque de standardisation des protocolesthérapeutiques, l’évolution chronique par poussées dela CI, et surtout par l’absence d’explicationphysiopathologique clairement démontrée. C’est laraison pour laquelle il faut parler non pas du, mais destraitements médicaux de la CI. Les traitementschirurgicaux ne vivent que de l’échec des traitementsprécédents.

Traitements systémiques

Ils sont destinés à diminuer les douleurs et ont untropisme soit vésical, soit neurologique.

¶ Médicaments à effet antihistaminique,anticholinergique et inhibiteur de la sécrétiondes mastocytesLes antidépresseurs tricycliques sont un traitement

classique, et l’amitriptyline (Élavilt, Laroxylt) est leurchef de file. Pour une posologie de 75 mg/j, uneamélioration concernant surtout les douleurs et lesimpériosités diurnes a été observée pour 75 % despatients avec un suivi moyen de 16 mois.

Les antihistaminiques H1, comme l’hydroxyzine,ou H2, comme la cimétidine, n’ont pas fait la preuved’un effet durable, bien que 66 % des patients aient étéinitialement améliorés.

¶ Médicaments administrés per os susceptiblesde réparer l’urothélium vésicalLe pentosane polysulfate de sodium (Delmiron

aux États-Unis), GAG de synthèse, est le seul qui ait

Tableau II. – Critères d’inclusion et d’exclusion.

Critères d’inclusion(ulcère de Hunner)

Facteurs positifsDouleurs au remplissage vésical soulagées par la vidange vésicaleDouleurs pelviennes, vaginales, périnéales, abdominalesPrésence de glomérulations lors de l’hydrodistension vésicale sous anesthésie généralePerte de la compliance vésicale

Critères d’exclusion

CliniqueÂge< 18 ans, ancienneté des symptômes< 1 an, pollakiurie diurne< 8, pollakiurie nocturne< 2Diminution des symptômes sous antibiotique, antiseptique, anticholinergique, antispasmodiquePathologie urologique : cystite/prostatite dans les 3 mois, calcul vésical ou urétral, diverticule urétral, tuber-culose, vessie radique ou chimique, tumeur de vessieLésion gynécologique : herpès, cancer, vaginite. Antécédent de traitement par cyclophosphamide (EndoxanAstat)UrodynamiqueCapacité> 350 mL, absence d’impériosité avant 150 mL, instabilité vésicale motrice

Diagnostic différentiel✔ Carcinome in situ : la réalisationde biopsies vésicales à la pincefroide est indispensable pouréliminer un carcinome (23 % deshommes et 1,3 % des femmesétiquetés CI sont en fait porteursd’un carcinome).✔ Cystite à éosinophiles.✔ Tuberculose.✔ « Hysterical female condition ».

Physiopathologie de la cystiteinterstitielleOn évoque :✔ une composante épithéliale ;✔ une composante auto-immune ;✔ une composante infectieuse ;✔ une composante inflammatoire ;✔ une composante neurovasculaire.

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réellement prouvé son efficacité contre placebo [4, 7] àla dose de 300 mg/j. Ce produit est pratiquementdépourvu d’effets secondaires [7].

L’héparine est également un GAG qui aurait uneffet cicatrisant sur l’urothélium vésical. Uneamélioration après injections sous-cutanéesd’héparine a été rapportée, mais il existe un risque nonnégligeable d’ostéoporose en cas d’administrationprolongée. L’héparine sous-cutanée a également étéproposée en cas de récidive après instillationsvésicales d’héparine ou de formes hyperalgiques.

¶ Autres classes thérapeutiques proposéesLe nalméfène est un antagoniste des opiacés,

comparable à la naloxone, inhibant la dégranulationdes mastocytes. Quelques succès ont été décrits.

Les immunosuppresseurs n’ont pas fait la preuved’une réelle efficacité.

Afin d’obtenir une action sur la vessie, lescorticoïdes doivent être prescrits à doses élevées, cequi expose le patient à des effets secondairespotentiellement graves, et la voie endovésicale paraîtdonc plus appropriée.

Les inhibiteurs calciques comme la nifédipineagiraient en induisant une relaxation du détrusor et dela musculature lisse vasculaire ainsi que grâce à leurspropriétés immunosuppressives. Une améliorationchez 50 % des patients a été observée.

L’intérêt des anticholinergiques réside surtout dansle traitement des signes d’instabilité vésicale majoréspar certains traitements endovésicaux (diméthylsul-foxyde [DMSO], oxychlorosène de sodium).

Enfin, l’utilisation des anti-inflammatoires nonstéroïdiens ne paraît pas conseillée, car ils augmententla libération d’histamine par les leucocytes.

Traitements endovésicaux

¶ Traitement « mécanique » : hydrodistensionvésicaleLe traitement « mécanique » de la CI peut se résumer

à l’hydrodistension vésicale. Cette technique est trèsancienne, introduite de façon empirique par Bumpusen 1930. La distension, outre son rôle diagnostique,apporte au plan thérapeutique une amélioration nonnégligeable pouvant parfois éviter l’escaladethérapeutique [5]. La réalisation de cette distensionprésente plusieurs principes et nécessite unesurveillance attentive afin de reconnaître, voire deprévenir, la complication principale qui est la rupturevésicale, survenant dans 10 à 15 % des cas, surtout encas de petite vessie.

La distension est faite par remplissage d’un doigtieramarré de façon hermétique au-dessus du ballonnetd’une sonde de Foley. L’ensemble est restérilisé aprèsle montage. La vidange de la vessie doit être effectuéeavant l’introduction de la sonde de Foley. Le ballonnetdoit être gonflé avant le début du remplissage pours’assurer de sa position intravésicale. Le remplissagedu doigtier avec du chlorure de sodium se fait parsimple gravité à une pression de 80 cm d’H2O jusqu’àcapacité maximale. La pression intravésicale estenregistrée à l’aide d’un capteur de pression sur unrobinet trois voies à la sortie de la sonde de Foley. Lapression intravésicale doit être un peu au-dessus de lapression artérielle diastolique. Cette distension peutêtre :

– de durée brève (deux fois 2 minutes) ;– prolongée (3 heures) et nécessite alors une

hospitalisation de 48 heures. Elle est réalisée sousanalgésie péridurale au bloc opératoire, en salle deréveil, sous surveillance constante par une infirmière.

Les deux principaux écueils de cette technique sontl’analgésie parfois insuffisante (par hyperpression

intrarénale) et la surveillance de la pressionintravésicale pour démasquer une rupture vésicale.Pour pallier ce problème, deux solutions peuvent êtreproposées : soit une péridurale haute, soit compléterl’analgésie péridurale par une analgésie systémiquemorphinique. La rupture de vessie est suspectéedevant une chute brutale de la pression intravésicale,surtout si celle-ci est précédée d’une élévation rapidede la pression correspondant à une faible compliance.Il est possible que cela soit le fait de la rupture dudoigtier mais cela doit être vérifié par cystoscopie.

Les meilleurs résultats sont semble-t-il obtenus parl’hydrodistension prolongée dont l’efficacité à 1 an estvariable, de 30 % [1] à 80 %. Cela suggère que l’ondevrait proposer rapidement une hydrodistensiondevant le diagnostic de CI afin d’en avoir le meilleurbénéfice.

En fin de distension, la quantité de liquideintravésical est mesurée afin de vérifier la capacitévésicale qui est habituellement réduite.

¶ Agents cytotoxiques non mécaniquesLes traitements endovésicaux ont l’avantage

théorique d’une action directe sur la vessie maisnécessitent un cathétérisme urétral répété, plus oumoins associé parfois à une anesthésie régionale ougénérale du fait de l’importance des douleurs lors desinstillations. Afin d’éviter des accidents graves, il estprudent de débuter ces traitements endovésicaux 3 à4 semaines après la réalisation des biopsies vésicales,après avoir vérifié préalablement l’absence de refluxvésico-urétéral et d’infection urinaire.

Parmi les traitements endovésicaux susceptiblesd’agir sur les mastocytes et sur la libérationd’histamine, le DMSO reste le plus prescrit : 50 mLd’une solution aqueuse à 50 % de DMSO sont instilléspendant au moins 15 minutes après cathétérismeurétral. Quatre à huit instillations sont réalisées àraison d’une instillation toutes les 1 à 2 semaines. Avecces posologies, il n’est habituellement pas nécessairede recourir à une anesthésie régionale, et cesinstillations peuvent être effectuées en consultation. LeDMSO fait l’objet d’une excrétion pulmonaire avechaleine caractéristique pendant 24 à 48 heures. Leseffets secondaires sont rares (15 %) [7] et dominés pardes manifestations infectieuses vésicales et surtoutd’instabilité vésicale, justifiant un traitementanticholinergique. Après une phase initiale derecrudescence des douleurs, 50 à 93 % des patientssont améliorés [7], avec une meilleure réponse pour lesformes sans ulcère que pour celles avec ulcère deHunner, et diminution de la capacité vésicale.L’échappement observé après 4 à 8 semaines detraitement est de l’ordre de 40 % au moins, mais 60 à80 % des patients qui « échappent » répondront àd’autres instillations de DMSO. En cas de récidive, untraitement de fond (une instillation tous les 2 mois) oul’association à l’héparine ou à des corticoïdesintravésicaux a été proposée.

Agissant également sur les mastocytes, la lidocaïneet le cromoglycate de sodium n’ont pas véritablementfait la preuve de leur efficacité.

L’efficacité de l’administration intravésicale depentosane polysulfate de sodium serait supérieure àl’administration orale, mais cela reste à démontrer [9].Compte tenu de la fréquence des instillationsnécessaires, l’apprentissage des autosondages estconseillé, de même qu’avec l’héparine qui auraitégalement un effet cicatrisant sur l’urothélium vésical.Dans une étude sur 48 patients, 56 % ont étéaméliorés au bout de 3 mois de traitement, avec unbénéfice durable pour la plupart d’entre eux lorsque letraitement a été prolongé à 6, voire 12 mois. Une

surveillance hebdomadaire de la coagulation et desplaquettes est souhaitable, bien qu’un passagesystémique soit peu probable.

Parmi les autres molécules, les corticoïdes semblentsurtout intéressants en association avec le DMSO [3].Quant au bacille bilié Calmette-Guérin (BCG), il n’a pasfait la preuve de son efficacité dans cette indication.L’oxychlorosène de sodium, à base d’acideshypochlorique et sulfonique, agit comme détergent surla muqueuse vésicale et possède une activitéantimicrobienne. Ce traitement est surtout indiqué encas de récidive sous DMSO. Parmi les quelques étudespubliées sur ce produit, 50 à 79 % des patients ont euune amélioration pendant au moins 6 mois.

Le nitrate d’argent a des propriétés caustiquespotentiellement dangereuses, ce qui justifie d’avoirvérifié préalablement l’absence de reflux vésico-urétéral et d’effectuer les instillations à distance desbiopsies vésicales. Les concentrations élevéesnécessitent une anesthésie locorégionale ou générale.Bien qu’un taux de succès de 50 % après 1 an ait étérapporté, ce procédé n’a pas été évalué correctement(concentrations variables, durée d’instillation,association à d’autres traitements), et il ne doit pasfaire partie des traitements de première intention.

La doxorubicine n’a pas démontré son efficacité surun grand nombre de patients.

Autres traitements médicaux

La psychothérapie ne doit pas être négligée.Prescrite seule ou associée à d’autres traitements, ellepeut améliorer certains patients, car il est classiqued’observer une majoration de la symptomatologie lorsd’un traumatisme psychoaffectif.

Avec des mesures diététiques comportant unrégime évitant les aliments acides, une alcalinisationdes urines et une vitaminothérapie, Good et Whitmoreont rapporté un taux de 33 % de patients améliorés.

Avec la rééducation vésicale, dont le but estd’augmenter la capacité vésicale en allongeantl’intervalle intermictionnel, un taux de 80 à 88 % depatients améliorés a été rapporté, cette méthode étantlimitée surtout aux formes pollakiuriques non algiques.

Avant de parler de thérapeutiques pluschirurgicales, il faut citer un traitement symptomatiquequi aurait quelques résultats intéressants, même dansdes formes avancées : la stimulation électriquetranscutanée. Il s’agit, par l’intermédiaire d’électrodescutanées sus-pubiennes distribuant un courant defréquence variable, de stimuler des mécanismesinhibiteurs de la douleur. La durée d’utilisation est de 2heures par jour sur une période définie par le patientlui-même, en fonction de l’amélioration des troubles.La douleur et la pollakiurie semblent être amélioréesdans une proportion satisfaisante (sur desmicroséries !), avec deux cas décrits de disparition deslésions macroscopiques.

‚ Traitements chirurgicaux

Le traitement chirurgical est réservé aux formes trèsinvalidantes.

L’endoscopie s’attaque physiquement au problèmepar injection intramuqueuse, électrocoagulation, ouplus récemment laser.

Les injections périulcéreuses ou trigonales (alcool,corticoïdes, héparine) sont peu efficaces.

L’électrocoagulation ainsi que la résectionendoscopique, utilisée par Hunner dès 1915,s’adressent aux formes ulcérées et en particulier auxformes à ulcère isolé. Le risque est la nécrose localeresponsable d’une fibrose et d’une rétraction locale,d’où réduction de la capacité vésicale et aggravation

Cystite interstitielle - 5-0675

3

des symptômes. Greensberg, en 1974, décrit tout demême 60 % de patients asymptomatiques à 1 an.

Le laser néodyme YAG est en cours d’évaluationmais semble donner de bons résultats à moyen terme.Il ne donne pas de fibrose, de plus grandes zonespeuvent être traitées, et des séances itératives sontpossibles. Les résultats, meilleurs en cas d’ulcères deHunner, donnent 80 % d’amélioration immédiate,45 % de récidive à 18 mois, mais avec toujours lapossibilité d’une nouvelle séance.

L’endoscopie reste une solution palliative avec denombreuses récidives. Il paraît néanmoins raisonnabled’opter pour l’endoscopie avant d’envisager unechirurgie ouverte qui, elle non plus, ne peut prétendreguérir le patient dans tous les cas.

La chirurgie ouverte ne concerne globalement que1 à 5 % des CI, et l’urologue est bien sûr d’autantmoins à l’aise pour la proposer qu’il s’agit d’unepathologie fonctionnelle. Elle ne se conçoit qu’en casde gêne fonctionnelle majeure, d’échec desthérapeutiques précédentes et en accord absolu avecle patient.

Les dénervations de la vessie ont été les premièrestentatives chirurgicales pour prendre en charge cettepathologie. Leur but est essentiellement d’agir sur lacomposante douloureuse de la maladie plus que surl’hyperactivité vésicale. Les résultats sont variés, avecune efficacité qui de toute façon s’émousse avec letemps du fait d’une réinnervation de la vessie.

La sympathectomie sacrée, réalisée pour lapremière fois en 1899 par Jaboulay par voierétrorectale, la neurotomie des nerfs érecteurs par voiepostérieure, ou plus récemment la résection du plexushypogastrique, ne sont que peu ou pas utilisées.

La cystoplastie ou transsection vésicale décrite parTurner-Warwick en 1967 consiste en un découpagede la vessie au-dessus du trigone et resutureimmédiate. Son but est l’interruption des fibressensitives. Les contractions sont conservées.

La cystolyse décrite par Turner-Warwick en 1973déconnecte la vessie du plexus hypogastriqueinférieur. Elle conserve simplement l’adhérence du

péritoine, l’implantation des uretères et le trigone. Legain sur la symptomatologie est satisfaisant au prixd’une acontractilité vésicale. À long terme, la récidiveest presque constante.

La cystectomie partielle décrite par Hunner en 1918ne peut s’envisager que pour enlever une portionulcérée et unique d’une vessie ayant une capacitéfonctionnelle appréciable. Toute réduction importantede la capacité vésicale risquerait de se solder par uneaggravation de la symptomatologie.

L’agrandissement vésical sans cystectomie doit êtreabandonné, car la maladie vésicale continuant àévoluer, le patch d’agrandissement va être exclu et secomporter inutilement comme un diverticule.

La cystectomie sus-trigonale avec cystoplastie [1] està réserver aux formes évoluées avec capacité vésicaletrès réduite et compliance altérée, et après échec detout autre traitement conservateur. Elle laisse le trigoneet l’urètre en place, et il est donc nécessaire de réaliseravant décision d’intervention des biopsies du trigoneet un test de sensibilité urétrale. La technique decystoplastie est affaire d’habitude. Les résultats sontsatisfaisants sur la douleur et la pollakiurie, avec unesensation de réplétion vésicale conservée.

En dehors des complications liées à la chirurgie et àla cystoplastie, les échecs existent : persistance desdouleurs et inflammation de la plastie intestinale, quin’est vraisemblablement pas due, comme on a pul’écrire, à une reprise de la maladie sur le greffon.

La dérivation urinaire avec cystectomie eturétrectomie semblerait théoriquement être la solutionla plus radicale. Malheureusement, un certain nombrede cas de persistance du même syndrome douloureuxsont décrits (syndrome de vessie fantôme).

■Quelle option thérapeutique

choisir ?

Malgré la multiplicité des traitements médicauxproposés, aucun n’apparaît réellement supérieur aux

autres par le pourcentage de patients améliorés ou parla durée de l’amélioration symptomatique obtenue.

Il est donc logique de privilégier les traitementsdépourvus d’effets indésirables et dont la fréquence, ladurée et les modalités d’administration sontacceptables.

Dans ces conditions, l’hydrodistension est proposéeen première intention, d’autant qu’elle est nécessaireau diagnostic lors de la première cystoscopie.

Si elle est inefficace dans les formes algiques pures,le traitement par un antidépresseur (amitriptyline) etl’électrostimulation peuvent être proposés. En casd’échec dans les formes irritatives et algiques, le DMSOen instillations intravésicales, malgré ses effetssecondaires, reste le plus souvent prescrit, seul ouassocié à l’héparine.

Une mention particulière mérite d’être faite àpropos du pentosane polysulfate de sodium per os,dénué d’effets secondaires, traitement auquel on a pureproché des rechutes fréquentes à l’arrêt dutraitement, mais dont la prescription aux États-Unistend à augmenter.

■Conclusion

De très nombreuses études visent actuellementà mieux cerner la physiopathologie de la CI quiest beaucoup moins rare qu’il n’est classique de ledire. Bon nombre de « cystalgies idiopathiques »,concept qui doit disparaître, ont été ou sontd’authentiques CI. Bien qu’il n’existe pas de signespathognomoniques de la maladie, le diagnosticdoit être évoqué devant une cystalgie à urinesclaires soulagée par la miction et survenant chezla femme. Ce tableau clinique doit mener à laréalisation d’une distension vésicale percystosco-pique, sous anesthésie qui peut permettre à la foisle diagnostic et le début du traitement.

Brigitte Mauroy : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service universitaire d’urologie,hôpital Victor-Provo, boulevard Lacordaire, 59056 Roubaix cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Mauroy. Cystite interstitielle.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0675, 1998, 4 p

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5-0675 - Cystite interstitielle

4

Élévation de la créatininémie :

que faire ?

H Izzedine

L a créatininémie est un paramètre très utile pour apprécier la fonction rénale. Utiliser et interpréter correctementle dosage de la créatninémie permet de ne pas sous-estimer l’importance de la dégradation de la fonction

rénale. En effet, une élévation même modérée de la créatininémie impose le calcul de sa clairance et peut révéler uneinsuffisance rénale déjà importante.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : créatininémie, clairance de la créatinine, insuffisance rénale.

■Généralités

L’insuffisance rénale est très fréquente. C’est unindicateur de morbidité et de mortalité (encadré). Ilest donc essentiel de la dépister le plus rapidementpossible.

Plusieurs paramètres peuvent « habituellement »être utilisés pour apprécier la fonction rénale.

L’urée plasmatique, sujette à de multiplesvariations (encadré), est un mauvais marqueur de lafonction rénale. La créatininémie est le paramètre leplus utile pour apprécier la fonction rénale [6]. Uneélévation modérée impose le calcul de sa clairancequi peut révéler une insuffisance rénale déjàimportante. La cystatine C est une protéinaseinhibitrice de la cystéine produite par toutes lescellules nucléées. Elle est exclusivement éliminée parle glomérule. IL s’agirait d’un marqueur fiable de lafonction rénale [1, 9, 10, 11, 12, 13, 14]. Son réel intérêt esten cours d’évaluation.

■Créatininémie :

le dosage le plus utile

‚ Créatinémie

La créatinine est un dérivé du métabolisme de lacréatinine du muscle squelettique. Elle est librementfiltrée par le glomérule, et n’est en théorie niréabsorbée, ni synthétisée, ni métabolisée dans lerein. Cependant, une quantité variable est sécrétéeau niveau du tubule proximal. Pour une fonctionrénale normale, la créatininémie est comprise entre8 et 13 mg/L (70 à 115 µmol/L) chez l’homme et 6 à10 mg/L (55 à 90 µmol/L) chez la femme, la limitesupérieure normale correspondant à une clairancede cette substance supérieure à 80 mL/min. Lestravaux de Couchoud et al [6] ont établi qu’undépassement, même modéré, de cette limitesupérieure était lié à une diminution significative dela clairance rénale. Ainsi, une valeur de la

créatininémie à 137 µmol/L pour un homme(104 µmol/L pour une femme) coïnciderait avec uneclairance de l’inuline de 60 mL/min/1,73 m_ et un

taux à 177 µmol/L pour un homme (146 µmol/Lpour une femme) à une clairance de30 mL/min/1,3 m_.

‚ Clairance de la créatinine : un marqueursensible

La mesure du débit de filtration glomérulairerepose sur le concept de clairance rénale d’unesubstance (polysaccharide inuline ou iodothalamatemarqué) possédant les propriétés suivantes :

– capable d’atteindre une concentration stabledans le plasma ;

– librement filtrée dans le glomérule ;– non réabsorbée, sécrétée, synthétisée ou

métabolisée dans le rein.La clairance rénale d’une telle substance en

mL/min représente le volume de plasma totalementépuré de la substance par les reins en 1 minute. Enpratique, c’est la clairance de la créatinine qui estcalculée.

■Facteurs de variation

de la créatinine et de sa clairance

‚ Influence du poids, du sexe, de l’âgeet de la race

Sur la créatininémie

La créatininémie est dépendante de la massemusculaire. À poids égal, la masse musculaire d’unNoir est légèrement supérieure à celle d’un Blanc(respectivement 32,5 et 28,7 % [5, 17]), expliquant untaux normal de créatinine kinase plus élevé chez lepremier [17]. La concentration plasmatique de lacréatinine est relativement stable mais surestiméed’environ 10 à 20 % par les dosages les pluscourants du fait de chromogènes non créatinine(acétone, acide ascorbique) mesurés comme étantde la créatinine.

En pratique, la créatininémie doit être interprétéeen fonction de l’âge et de la masse musculaire. Ainsi,un homme de 30 ans et une femme de 80 ans qui

L’insuffisance rénale : un indicateurde morbidité et de mortalité✔ 18 % des patients hypertendus ontune créatininémie supérieure à12 mg/L, ce qui signifie uneclairance de la créatinine inférieureà 50 mL/min [15] ;✔ 30 % des sujets américains de plusde 70 ans ont une créatininémiesupérieure à 15 mg/L[15].Dans l’étude HOT[15], unecréatininémie supérieure à 15 mg/Lélève la mortalité d’un facteur de 4,8.Une insuffisance rénale aiguë estobservée chez 40 % des transplantés demoelle[18, 19] et 50 % des patients enunité de soins intensifs[2].La mortalité des patients transplantésde moelle est de 53,2 et 29,7 % selonqu’il existe ou non une insuffisancerénale aiguë[18].L’urée plasmatique, un mauvaismarqueurVariations de l’urée plasmatique✔ Augmentation de l’uréeplasmatique :– alimentation riche en protéines ;– catabolisme tissulaire ;– hémorragie digestive ;– hypovolémie efficace ;– insuffisance rénale ;– corticothérapie.✔ Diminution de l’urée plasmatique :– régime pauvre en protéines ;– hépatopathies.

1

AK

OS

Ency

clop

édie

Prat

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deM

édec

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5-04

92 5-0492

pèsent 80 kg et dont la créatininémie est de115 µmol/L ont respectivement un débit de filtrationglomérulaire de l’ordre de 95 et 45 mL/min.

Sur la clairance de la créatinine

La réalisation d’une clairance de l’inuline ou d’unisotope radioactif est compliquée et donc réservée àdes centres spécialisés. La méthode la pluscouramment utilisée pour estimer le débit defiltration glomérulaire est donc la clairance de lacréatinine endogène. La production de la créatinineest relativement constante et son excrétion estapproximativement égale à la quantité de créatininefiltrée. Ainsi, la concentration plasmatique decréatinine varie inversement avec le débit defiltration glomérulaire (courbe). Les valeurs normalesde la clairance de la créatinine chez l’adulte sont de120 ± 20 mL/min chez l’homme et de 95± 20 mL/min chez la femme.

Par ailleurs, à paramètres égaux (âge, sexe, poids),le débit de filtration glomérulaire des Noirs estsupérieur d’un facteur 1,18 [17] à celui des Blancs.

‚ Impact de l’insuffisance rénale

Sur la créatininémie (fig 1)

Chez le sujet à fonction rénale anormale, lacréatininémie ne commence à augmenter de façonsensible que lorsque le débit de filtrationglomérulaire est abaissé d’au moins 40 %.

Sur la clairance de la créatinine

Chez le patient insuffisant rénal, la clairance de lacréatinine mesurée à partir des urines de 24 hsurestime le débit de filtration glomérulaire du faitd’une sécrétion tubulaire de créatinine. À cetinconvénient majeur s’associe souvent un secondinconvénient lié à un recueil d’urine incomplet. Aussi,on propose en pratique courante d’estimer laclairance de la créatinine (Clcr) à l’aide de la formulede Cockcroft et Gault [4] :

Clcr = [(140-âge) x poids (kg) x K

0,814 x Pcréat (µmol/L)

Avec Pcréat = valeur de la créatinineplasmatique ; K = 1 chez l’homme et 0,85 chez lafemme ou 0,814 au dénominateur peut êtreremplacé par 7,2 lorsque la créatinine plasmatiqueest exprimée en mg/L.

Ou par la formule simplifiée :

Clcr = [1,2 x (140-âge) x poids (kg) x K

Créatininémie (µmol/L)

Avec K = 1 chez l’homme et 0,85 chez la femme.Néanmoins, cette méthode sous-estime le débit

de filtration glomérulaire en cas d’insuffisancerénale.

■Particularités

chez les personnes âgées

En effet, s’il est vrai qu’il n’y a pas de vieillissementrénal obligatoire chez les personnes âgées, il n’endemeure pas moins que l’essentiel de la populationgériatrique, pour des raisons diverses (hypertensionartérielle, diabète, toxiques…), a une fonction rénalenotablement réduite. Sur 2 018 malades, âgés de 85

ans plus ou moins 7 ans (extrêmes 70–103 ans), laclairance de la créatinine estimée par la formule deCockcroft et Gault était de 35 plus ou moins15 mL/min avec une créatininémie moyenne de113 plus ou moins 56 µmol/L [3]. Il est vrai que letravail de Cockcroft et Gault n’a pas été réalisé dansune population gériatrique, qu’il mériterait d’êtrerepris dans ce cas particulier, mais il est courammentadmis que, même imprécise, cette évaluation estutile en clinique et qu’elle n’est pas plus imprécisequ’une mesure de la clairance de la créatinineréalisée avec recueil d’urine dont on connaît lesdifficultés en gériatrie [8, 16]. L’évaluation de lafonction rénale par la mesure de la filtrationglomérulaire par décroissance plasmatique deproduit marqué n’étant pas accessible en routine, il

apparaît raisonnable chez les personnes âgéesd’approcher la valeur de la fonction rénale parl’estimation de la clairance de la créatinine.

■Créatininémie élevée

(tableau I) (fig 2)

■Conclusion

En pratique clinique quotidienne, pour apprécierla fonction rénale, il faut utiliser le taux sanguin decréatinine et sa clairance estimée par la formule deCockcroft.

30

880

352

176

88

60 12090

DFG mL/min

Créatininémieµmol/L

x

x

x

1

Tableau I. – Comment prévenir l’insuffisance rénale aiguë (IRA) médicamenteuse ? Les règlesd’or.

Patient Traitement

Peser les indications Choix d’un médicament en tenant compte de sonélimination prédominante rénale ou hépatique

Évaluation précise de la fonction rénale Choix de la dose adaptée à la fonction rénale- créatininémie Choix de la voie d’administration- clairance de la créatinine Choix du nombre d’administrations par jour- formule de Cockcroft et Gault Vérification des interactions médicamenteuses

Surveiller la tolérance rénale au traitement : Optimisation des conditions d’administration d’unmédicament ou de réalisation d’un examen :

- signes d’altération de la filtration glomérulaire :créatininémie, urée, kaliémie, réserve alcaline, iono-gramme sanguin

- signes de tubulopathie : hypokaliémie, hypo-uricémie, hypophosphorémie, glycosurie, acidose

- signes de rétention hydrosodée : poids, œdèmes,pression artérielle

- signes de réaction immunoallergique : rash cu-tané, prurit, fièvre, hyperéosinophilie

- signes de glomérulopathie : protéinurie, albumi-némie

- hydratation avant injection de produits decontraste iodés

- élimination d’une sténose de l’artère rénale avantprescription d’un IEC ou d’un antagoniste des ré-cepteurs AT1 de l’angiotensine II

En pratiqueL’insuffisance rénale aiguë ou chronique est une maladie très fréquente et unindicateur de morbidité et de mortalité.L’urée plasmatique est un mauvais marqueur de la fonction rénale.La créatininémie est l’indicateur le plus utile pour évaluer la fonction rénale.Toutefois, une élévation même modérée de la créatinine plasmatique peut révéler uneinsuffisance rénale déjà importante, d’où la nécessité d’en calculer la clairance.En pratique courante, la clairance de la créatinine est estimée par la formule deCockcroft et Gault.

5-0492 - Élévation de la créatininémie : que faire ?

2

Une élévat ion, même modérée, de lacréatininémie correspond, en règle, à une altérationimportante de la fonction rénale. Ainsi, une attentionparticulière est requise dans le cadre de la

prescription médicamenteuse chez le sujet âgé [7].Une adaptation posologique est le plus souventnécessaire et la prescription d’un agentnéphrotoxique devrait être arrêtée dès que la

clairance de la créatinine est inférieure à 60 mL/min,ce qui correspond à une créatininémie de137 µmol/L chez l’homme et de 104 µmol/L chez lafemme.

Docteur j'ai une créatininémie élevée

Insuff isance rénale

Créatinine normale= fausse créatininémieélevée

Prise médicamenteuse(Triméthoprime,tétracycline, fenofibrate)Effort physique récent

Oui

Non

IRA IRCPeut évoluer vers

Refaire le dosage après exclusionde l'agent causal

Sujet noir, athlétique(à prendre en considération)

Créatininémieélevée

Créatinine antérieureTaille des reins

Créatinine antérieure normaleReins de taille normale ou augmentée

URGENCE ?AnurieHyperkaliémieAcidose métabolique sévèreOAP, hyponatrémie aiguëHTA maligne

MÉCANISME ?

Hypo-TA, pli cutanéNa/K ur < 1**Urée U/P > 10

Na/K ur > 1**Urée U/P < 10CPC non dilatées

Na/K ur > 1**Urée U/P < 10± petite Hupetite Pu

Nécrose tubulaireaiguë (80 %)

IschémiquePigmentaireIatrogènes, toxiquesObstruction tubulaire

GNAGN rapidementprogressive

Immunoallergique,infectieuse, toxique,médicamenteuse,immunologique

Emboles de cholestérolVascularitésThrombose vasculaireMAT

± PBR si évolutionatypique

PBR Doppler des vaisseaux rénaux

GNaiguë (5 %)

Néphropathies vasculairesaiguës (5 %)

Pu > 2 g/jPu + HuHTA

Leucocyturie± HuPu < 2g/j

HTA +++Hu ± petite Pudouleurs lombairesLDH élevés

Globe vésical, pelvienCPCdilatées (écho)

IRA fonctionnelle30%

IRA obstructive10%

IRA organique60%

Iono-urinaire, biochimie, ECBU, échographie rénale

Créatinine antérieure élevéeReins de taille diminuée*

Traitement symptomatique immédiatHospitalisation en unité de soins intensifs}

N. interstitiellesaiguës (10 %)

2 * Exception : insuffısance rénale chronique (IRC) àreins de taille normale ou augmentée (polykystose ré-nale, amylose, diabète, virus de l’immunodéficience hu-maine, infiltration lymphomateuse, thrombose des vei-nes rénales).** En l’absence de traitement diurétique.IRA : insuffısance rénale aiguë ; OAP : œdème aigu dupoumon ; HTA : hypertension artérielle ; TA : tensionartérielle ; GN : glomérulonéphrite ; GNA : glomérulo-néphrite aiguë ; U/P : urinaire/plasmatique ; Pu : pro-téinurie ; Hu : hématurie ; ur : urinaire ; CPC : cavitéspyélocalicielles ;PBR :ponction-biopsie rénale ;MAT :microangiopathie thrombotique.

Élévation de la créatininémie : que faire ? - 5-0492

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Hassan Izzedine : Chef de clinique assistant,service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Izzedine. Élévation de la créatininémie : que faire ?Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0492, 2003, 4 p

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5-0492 - Élévation de la créatininémie : que faire ?

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Épidémiologie de l’insuffisance

rénale

C Isnard Bagnis

L ’insuffisance rénale est une pathologie extrêmement fréquente. Toute altération de la fonction rénale, qu’ellesoit aiguë ou chronique, élève la morbi-mortalité.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : insuffisance rénale chronique, insuffisance rénale aiguë.

■Incidence de l’insuffisance rénale

chronique dans la population

générale (tableau I)

La fréquence de l’insuffisance rénale a étéévaluée dans de nombreuses étudesépidémiologiques.

La prévalence de l’insuffisance rénale chronique aété précisée dans l’étude NHANES [12] qui a étéconduite entre 1988 et 1994 aux États-Unis. Dans cetravail, des données concernant un échantillonreprésentatif de la population américaine (18 723participants) ont été collectées sur deux périodes.Dans un premier temps, un interrogatoire a étéconduit au domicile de chaque sujet. Dans undeuxième temps, l’ensemble des participants abénéficié d’une évaluation de plusieurs paramètresbiologiques.

Sur l’ensemble des sujets étudiés, 9,74 % avaientune créatininémie supérieure à 15 mg/L ce quicorrespond à la réduction de la fonction rénale deplus de 50 %. Cela correspond par extrapolation àenviron 11 millions de personnes aux États-Unis.

De plus, 21,6 % des patients dont l’âge étaitcompris entre 60 et 69 ans et 32,26 % des sujetsdont l’âge était supérieur à 70 ans, avaient unecréatininémie supérieure à 15 mg/L.

■Insuffisance rénale chronique

et maladie cardiovasculaire

La dégradation de la fonction rénale est trèsfréquente en milieu cardiologique du fait de la forteincidence de l’insuffisance rénale chronique chez lepatient coronarien et des complications rénalesaiguës observées après coronarographie. De plus,chez le patient insuffisant rénal chronique, lescomplications cardiovasculaires sont la premièrecause de mortalité.

‚ Incidence de l’insuffisance rénalechronique chez le patient coronarienet/ou le patient admispour coronarographie

L’analyse d’une cohorte de 9 544 patients réaliséeaux États-Unis [21] montre que l’incidence de

A retenirLa prévalence de l’insuffisance rénale chronique est donc très élevée dans lapopulation américaine.Environ un sujet sur trois de plus de 70 ans a une créatininémie supérieure à15 mg/L ce qui correspond à une réduction de la fonction rénale de 60 %.La prévalence de l’insuffisance rénale a été également précisée dans l’étudeHOT [27] : dans cette étude qui a porté sur environ 19 000 patients, les effets dedifférents niveaux de contrôle de la pression artérielle diastolique (PAD< 90, 85 ou80 mmHg) sur la morbi-mortalité des patients ont été précisés. Les sujets inclusétaient donc traités pour hypertension artérielle (HTA) essentielle. Parmi ces sujets,18 % avaient une créatininémie supérieure à 12 mg/L, ce qui, rapporté à l’âge et aupoids, correspondait à une clairance de la créatinine de l’ordre de 45 mL/min.

A retenirCes données indiquent très clairement que l’insuffisance rénale chronique est unepathologie très fréquente qui sera donc rencontrée en pratique clinique quotidienne.Chez ces patients, la notion d’une créatininémie élevée est un index demorbi-mortalité. Ainsi, dans l’étude HOT[28], le risque d’accidents cardiovasculairesétait multiplié par 4,9 chez les sujets dont la créatininémie était supérieure à15 mg/L. De nombreuses données ont confirmé ces résultats.

Tableau I. – Principales causes d’insuffisance rénale terminale en France (d’après Jungers et al,Néphrologie ; 22 (3) : 91-97, 2001).

Étiologie Fréquence

Glomérulonéphrites chroniques primitives 20,3 %M À dépôts mésangiaux d’IgA 7,2 %M Autres variétés 13,1 %

Néphropathies interstitielles chroniques (NIC) 14,4 %M Néphropathie du reflux 2,6 %M Autres variétés de NIC 11,8 %

Néphropathies héréditaires 8,8 %M Polykystose rénale 7,7 %M Autres néphropathies héréditaires 1,1 %

Néphropathies vasculaires(néphro-angiosclérose avec ou sans sténose artériellerénale et/ou embolies de cholestérol)

22,5 %

Néphropathies diabétiques 20,6 %M Diabète de type 1 6,3 %M Diabète de type 2 7,1 %

Maladies de système 6,3 %Autres et indéterminées 7,1 %

1

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5-04

71 5-0471

l’insuffisance rénale chez le sujet pris en charge dansune unité de soins intensifs cardiologiques est trèsélevée. En effet, 5,5 % des patients sont dialysés,21 % ont une clairance de la créatinine inférieure à46,2 mL/min/1,73 m2, 24 % ont une clairanceinférieure à 63,1 mL/min/1,73 m2 (et supérieure à46,2 mL/min) et 30 % ont une clairance inférieure à81,5 mL/min/1,73 m2 (et supérieure à 63,1 mL/min).Plus de la moitié des patients ont donc uneinsuffisance rénale chronique modérée à sévère outerminale. Dans une autre étude, 11 % des patientsadmis pour revascularisation coronaire percutanéeont une créatininémie supérieure à 15 mg/L (ce quireprésente pour cette cohorte de patients âgés de 72ans en moyenne une clairance de la créatinineinférieure à 40 mL/min/1,73 m2) [26].

Les mêmes données sont retrouvées dans l’étudeHope où 11 % des patients inclus (présentant unemaladie cardiovasculaire) ont une clairance de lacréatinine inférieure à 80 mL/min/1,73 m2 [19].

‚ Insuffisance rénale chroniqueet coronaropathie

La population de patients atteints d’insuffisancerénale chronique croît de façon très importante auxÉtats-Unis et en Europe, principalement en raison del’augmentation sensible de l’incidence du diabètenon insulinodépendant [3].

Une étude prospective réalisée en 1999 dansquatre centres de néphrologie, a montré que dansune population de patients dont la clairance de lacréat inine est infér ieure ou égale à75 mL/min/1,73 m2 (excluant les sujets dialysés), lesfacteurs de risques coronaires sont largementretrouvés : HTA 80 %, dyslipidémie 45 %, diabète38 %, tabac 28 % [33].

L’incidence des maladies cardiovasculaires estbien étudiée dans la population des patientsprésentant une insuffisance rénale chronique avecou sans diabète. Une étude prospective canadiennea montré que lorsque la clairance de la créatinine esten moyenne à 36 mL/min, i l existe unecoronaropathie chez environ 30 % des patients [14].Au moment de la prise en charge en épurationextrarénale, une étude plus récente canadienneconfirme ces chiffres [22].

Chez le sujet hémodialysé, l’incidence de lacoronaropathie a été évaluée à environ 30 % despatients [11]. La mortalité d’origine cardiovasculaireest très augmentée par rapport à la populationgénérale chez les patients insuffisants rénauxchroniques ou traités par épuration extrarénale [5].

Les maladies cardiovasculaires représentent 50 %des causes de décès chez les patients hémodialy-sés [16, 25] avec un taux de mortalité annuel d’environ20 %. L’existence d’un diabète non insulinodé-pendant multiplie par 6 le risque de décès d’originecardiovasculaire chez le dialysé [3].

‚ Réalisation d’une coronarographiechez l’insuffisant rénal chronique :risque d’insuffisance rénale aiguë

La prise en charge diagnostique et thérapeutiquede la maladie coronaire dans la population desinsuffisants rénaux chroniques dialysés ou nonrepose sur la réalisation d’une coronarographie. Cet

examen est le plus performant dans cette populationpour le diagnostic de la maladie coronaire [30] (parrapport à l’épreuve d’effort par exemple). De plus, ilpermet d’associer un geste thérapeutique. Laréalisation d’une angioplastie coronaire chez unpatient insuffisant rénal chronique est une procédurequi s’associe à un fort taux d’insuffisance rénaleaiguë (IRA), une mortalité périopératoire plusimportante et également une survie à long termetrès inférieure à celle de la population à fonctionrénale normale [9, 34].

En effet, la moitié des patients diabétiques ayantune insuffisance rénale chronique sévère etbénéficiant d’une angioplastie coronaire voient leurcréatininémie augmenter de 25 % au moins aprèsl’examen et 12 % sont dialysés dans les 7 jourssuivants [20]. Même si le succès initial du gesteendoluminal est obtenu aussi fréquemment quedans la population générale, la mortalité à 1 an estd’environ 15 % en cas d’insuffisance rénalechronique versus 1,9 à 4,1 % dans la populationtémoin [10, 32].

L’IRA après coronarographie est le plus souventsecondaire à la toxicité des produits de contrasteiodés. Il est connu que le risque d’atteinte rénale estmajoré s’il existe une insuffisance rénalepréexistante ou un diabète et augmente avec laquantité de produit de contraste administrée [23, 31,

35]. Le diabète multiplie par 6 le risque d’IRA après cegeste.

L’IRA après réalisation d’une procédure invasiveendovasculaire peut aussi être secondaire à unsyndrome des emboles de cholestérol, qui associeune insuffisance rénale, une hyperéosinophilie, desorteils bleus, un livedo reticularis. La cinétique dedégradation de la fonction rénale est plus lente (1 àplusieurs semaines) et le pronostic rénal et généralbeaucoup plus réservé. L’incidence de cettecomplication est rare (< 5 %), mais reste sans doutesous-évaluée.

L’IRA au décours des procédures de revasculari-sation coronariennes est associée à uneaugmentation significative de la mortalité, aussi bienaprès angioplastie coronaire percutanée [18, 24, 29, 37]

qu’après chirurgie coronarienne [6].Dans une étude prospective californienne,

environ 10 % des patients à fonction rénale initialenormale ou peu altérée (créatinine initiale <177 µmol/L) présentent une IRA (définie par unecréatininémie supérieure à 177 µmol/L ou uneaugmentation de 62 µmol/L au-dessus de la valeurde base) après chirurgie coronaire.

La mortalité au cours de l’hospitalisation despatients présentant cette complication est de 27 %(versus 0,9 % dans la population n’ayant pasdéveloppé d’insuffisance rénale postopératoire). Lipet al [17] dans une étude récente ont évaluéprospectivement l’incidence des complicationsrénales après angioplastie percutanée. Chez 104patients consécutifs, ayant un taux de créatininémieplasmatique moyen initial à 98,7 ± 25,6 (SD) µmol/L,la créatininémie moyenne après angioplastieprélevée seulement 24 heures après l’examen étaitaugmentée (105,0 ± 29,4 µmol/L) mais de façon nonsignificative. Pour 63 % des patients néanmoins, lacréatininémie a augmenté significativement

24 heures après l’examen par rapport à sa valeur debase. Le principal facteur de risque retrouvé danscette étude est la durée de l’examen. Cetteaugmentation de créatininémie 24 heures aprèsangioplastie pour deux tiers des patients laissecraindre une incidence réelle de l’insuffisance rénalesupérieure. En effet, le pic d’augmentation de lacréatininémie après injection de produits decontraste iodés peut être compris entre 1 et 5 joursaprès injection. Par ailleurs, la créatininémiemoyenne est un mauvais reflet de la situationindividuelle de chaque patient. Pour un sujet âgé de60 ans par exemple, dont la créatininémie de baseest de 80 µmol/L, une augmentation de 40 µmol/Laprès angioplastie représente une altération de lafiltration glomérulaire d’environ 30 %. Enfin, aucunpatient dans cette étude n’avait une créatininémieinitiale supérieure à 200 µmol/L. Or, le risque desurvenue d’une IRA après produits de contrasteiodés peut atteindre 50 % chez des patientsprésentant des facteurs de risque comme le diabèteet l’insuffisance rénale chronique sévère. Ces facteursfavorisants sont typiquement ceux que présententfréquemment les patients chez qui l’indication decoronarographie est posée.

■Incidence de l’insuffisance

rénale aiguë dans la population

générale

L’IRA est également une pathologie extrêmementfréquente.

Dans la population générale, le risque d’IRA variede 260 à 800/million d’habitants selon l’étude [2, 15].

Dans certaines populations, ce risque estbeaucoup plus élevé.

■Incidence de l’insuffisance rénale

aiguë dans les populations

à risque (tableau II)

Ainsi, dans une unité de soins intensifs, environun tiers des patients présenteront une IRA [1, 4].

Après transplantation médullaire, 40 à 60 % despatients présenteront une IRA [8, 36].

De même, dans une unité de soins intensifs, encardiologie, 5 à 10 % des patients présenteront uneélévation de leur créatininémie.

■Insuffisance rénale

et morbi-mortalité

Dans toutes ces populations, une détérioration dela fonction rénale est un index prédictif demorbi-mortalité très clair.

A retenirLorsqu’il existe une insuffisancerénale chronique préalable, laréalisation d’une coronarographies’associe à une altération de lafiltration glomérulaire aprèscoronarographie qui va nécessiter ladialyse[7] chez un tiers ou plus despatients.

5-0471 - Épidémiologie de l’insuffisance rénale

2

Après transplantation de moelle osseuse, lamortalité des patients transplantés admis en unité desoins intensifs est respectivement de 88 et 60 % selonqu’ils présentent ou non une insuffisance rénale [13].

Dans une autre étude rétrospective, la survie despatients à 10 ans était de 29,7 % et 53,2 % pourrespectivement les patients qui ont ou pas présentéune IRA au moment de la transplantation de moelleosseuse [36].

De même, en unité de soins intensifs, le patientdialysé oligoanurique aurait une mortalité de 63,9 %comparée à 39,8 % chez un patient non dialysé.

■Conclusion

L’insuffisance rénale est donc une pathologietrès fréquente chez des patients souvent

porteurs de plusieurs pathologies qui nécessitentde multiples thérapeutiques. L’adaptation de laposologie des médicaments est chez ces sujetsessentielle pour éviter les surdosages et doncdiminuer l’iatrogénie fréquemment observée età l’inverse éviter l’inefficacité et parfoisl’apparition de résistance impliquées pourles ant ib iot iques et les t ra i tementsantirétroviraux.

Corinne Isnard Bagnis : Maître de conférence universitaire, praticien hospitalier, néphrologue,Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Isnard Bagnis. Épidémiologie de l’insuffısance rénale.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0471, 2003, 4 p

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Tableau II. – Incidence de l’insuffisance rénale aiguë (d’après Singri et al, JAMA ; 289 (6) : 747-51, 2003).

ÉtiologieFréquence

Patient hospitalisé Patient non hospitalisé

Insuffısance rénale fonctionnelle 35 à 40 % 70 %M Hypovolémie (pertes digestives, urinaires, cutanées, hémorragie)M Hypotension (sepsis, syndrome hépatorénal, iatrogène)M Pharmacologique (AINS, IEC)M Atteinte des gros vaisseaux rénaux (thrombose, emboles, dissection)

Insuffısance rénale organique 55 à 60 % 11 %M Atteinte des petits vaisseaux rénaux (microangiopathie thrombotique)M Glomérulopathies (glomérulonéphrite rapidement progressive, vascularite)M Tubulopathies (nécrose tubulaire aiguë, précipitation intratubulaire de cristaux)M Néphropathies interstitielles aiguës (pyélonéphrite, immunoallergique, infiltration cf lymphome ou

sarcoïdose)

Insuffısance rénale secondaire à un obstacle sur les voies excrétrices 2 à 5 % 17 %M Obstacle urétéral (tumeurs, calculs, caillots, fibrose rétropéritonéale)M Obstacle vésical (hypertrophie ou cancer de la prostate, tumeurs, calculs, vessie neurologique)M Obstacle urétral (sténoses, tumeurs)

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion

Épidémiologie de l’insuffisance rénale - 5-0471

3

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5-0471 - Épidémiologie de l’insuffisance rénale

4

Hypertrophie bénigne

de la prostate

L Boccon-Gibod

L e risque de rétention aiguë d’urine peut être évalué à 10 % dans les 5 ans qui suivent. La prescription depréparations contenant des alphastimulants dans le traitement des rhinopharyngites est grande pourvoyeuse

de rétention d’urine.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Tumeur bénigne la plus fréquente de l’homme,l’hypertrophie bénigne (ou adénome) de la prostate,est responsable de la grande majorité des troublesmictionnels de l’homme vieillissant, et constitue, dece fait, une préoccupation croissante pour lemédecin praticien.

Ces dernières années ont été marquées par despectaculaires progrès dans la compréhension et letraitement de la maladie, ce dernier ne se limitantplus au choix entre une intervention chirurgicale auxeffets secondaires redoutés par les patients et leurmédecin, et des traitements médicaux d’efficacitéplus que limitée.

■Épidémiologie, étiopathogénie,

physiopathologie

‚ Épidémiologie

C’est la tumeur la plus fréquente de l’homme. Sonincidence histologique passe de 8 à 90 % de laquatrième à la neuvième décennie. La fréquenceréelle de ces manifestations cliniques demeuredifficile à évaluer, de très nombreux patients vivantavec leurs symptômes. Il semble cependantqu’au-delà de la cinquième décennie, 15 à 20 % deshommes souffrent de troubles mictionnels discrets àmodérés, tandis que 2 à 5 % des patients atteintsd’hypertrophie bénigne de la prostate accusent dessymptômes considérés comme sévères.

‚ Étiopathogénie

Elle demeure relativement obscure. Deux facteurssont reconnus comme certains à l’origine dudéveloppement de l’adénome : l’âge, ainsi que laprésence d’androgènes (testostérone) dans le sangcirculant, et la capacité à transformer cettetestostérone en dihydrotestostérone, grâce à laprésence de 5-alpharéductase. Très schémati-quement, on peut considérer que le développementde l’hypertrophie prostatique bénigne suit laséquence suivante :

– vers la troisième décennie : déséquilibre entreles facteurs de croissance, créant une formationmicronodulaire stromique ;

– de la troisième à la cinquième décennie :accroissement progressif sur l’influence de ladihydrotestostérone, du déséquilibre des facteurs decroissance, du volume des nodules, qui provoquel’apparition de nodules épithéliaux et fibreux ;

– au-delà de la cinquième décennie : du fait dudéséquilibre entre les androgènes et les œstrogènes,augmentation plus ou moins rapide du volume deces micronodules qui se joignent pour réaliser unehypertrophie prostatique bénigne.

‚ Développement de l’adénome

Il se développe dans la portion de la prostateentourant l’urètre, dite zone de transition, et esthabituellement composé de deux lobes latéraux, ets’y adjoint, dans un certain nombre de casrelativement rares, la formation d’un lobe médianqui fait protrusion dans la lumière vésicale.

L’augmentation de volume progressive de cetadénome va refouler progressivement à lapériphérie le reste de la prostate, de sorte quel’adénome apparaîtra tel un œuf dans son coquetier,le coquetier étant représenté par les territoires de laglande prostatique non intéressés par le processusadénomateux. Fait important, il existe un plan declivage entre l’adénome et le reste de la prostate,expliquant la possibilité de l’énucléation chirurgicale.

Sur le plan histologique, l’adénome prostatiqueest fait d’un ensemble de nodules où se trouve, àpart plus ou moins importante, du tissu glandulaire(adénome), fibreux (fibrome) et musculaire (myome),justifiant le nom d’adénofibromyome prostatique.Fait important, le tissu épithélial proprement dit nereprésente que 30 % du volume de l’adénome, cequi explique l’efficacité relative des manipulationshormonales qui ne jouent guère que sur le volumedu tissu épithélial.

‚ Physiopathologie

Il engendre, par la gêne qu’il provoque àl’évacuation des urines, un ensemble dephénomènes responsables de la symptomatologie.

La gêne à l’évacuation des urines provientelle-même d’un défaut d’ouverture du col, qui peutêtre d’autant plus important qu’il existe un lobemédian faisant clapet, ou une composante fibreuseimportante de l’adénome. Le volume atteint parl’adénome prostatique lui-même n’est pas forcémentrelié, de manière linéaire, à l’importance de l’obstacleà l’évacuation des urines. Cette gêne à l’évacuation

des urines va retentir progressivement sur lamusculature du détrusor. Ce dernier devienthypertrophique, avec apparition de cellules etcolonnes. Fait important, les fibres musculaires lissesont tendance à se dédifférencier et à perdre leurqualité contractile, ce qui va augmenter d’autant lagêne à l’évacuation des urines.

Ces modifications musculaires s’accompagnent,bien entendu, de modifications des récepteurs dusystème végétatif, ainsi que de modifications del’excitabilité musculaire, qui peuvent en retourexpliquer elles aussi la survenue des mictionsimpérieuses et d’une manière générale de troublesde la retenue, très souvent en premier plan destroubles provoqués par l’adénome de la prostate.

L’accentuation progressive des troubles del’évacuation des urines aboutit, dans un premiertemps, à une évacuation incomplète du réservoirvésical (résidu postmictionnel), qui peut aboutir, aumaximum, à une distension vésicale, la vessien’évacuant plus que son trop plein (mictions parregorgement), qui peut s’accompagner d’unedistension du haut appareil par paralysie de lamusculature pyélo-urétérale, distension quis ’accompagne d’une insuffisance rénalefonctionnelle par tubulopathie interstitielle. Lesmanifestations demeurent cependant extrêmementrares, rapportées au nombre de patients souffrantd’hypertrophie bénigne de la prostate.

■Stratégies diagnostiques

et thérapeutiques

En présence d’un patient consultant pour destroubles urinaires pouvant évoquer une origineprostatique, le praticien doit pouvoir répondre à sixquestions [4] :

– les troubles mictionnels du patient sont-ilsévocateurs d’une affection prostatique ?

– existe-t-il effectivement une hypertrophiebénigne de la prostate ?

– les troubles mictionnels du patient sont-ils dus àl’adénome prostatique ?

– quel est le retentissement de cette hypertrophiebénigne de la prostate sur l’appareil urinaire et sur leconfort de vie du patient ?

– cette hypertrophie prostatique est-ellesûrement bénigne ?

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– quel est le devenir du patient, compte tenu deson profil symptomatique ?

Les réponses à l’ensemble de ces questions sontindispensables pour guider la stratégiethérapeutique.

‚ Les troubles mictionnels du patientévoquent-ils une affection prostatique ?

Troubles mictionnels

Ils sont extrêmement évocateurs de la présenced’une affection prostatique, dès lors qu’ils associentdeux ordres de symptômes : les troubles de laretenue et les troubles de l’évacuation des urines.

Les troubles de la retenue sont le plus souvent aupremier plan et motivent la consultation du fait del’importance de la gêne fonctionnelle qu’ilsengendrent : pollakiurie nocturne, typiquement de ladeuxième partie de la nuit, pollakiurie diurne, avecmictions impérieuses avec ou sans fuite, gouttesretardataires.

Les troubles de l’évacuation sont le plus souventau second plan : nécessité d’attendre pour uriner,faiblesse du jet qui manque de pression, voiremictions en deux temps, nécessité de pousser poururiner, sensation de vidange vésicale incomplète.

Autant le patient exprime très clairement lestroubles de la retenue, qui sont au premier plan dumotif de la consultation, autant les troubles del’évacuation doivent faire l’objet d’un interrogatoireminutieux.

Diagnostic

Le diagnostic présumé d’hypertrophie bénigne dela prostate ne doit pas être retenu en premièreintention, dès lors que les troubles mictionnels sontatypiques : troubles de la retenue isolés, sans aucuntrouble de l’évacuation, sensation de besoindouloureux d’uriner, brûlures mictionnelles, a fortiorihématurie, tous symptômes qui peuvent a priori êtreassociés à l’hypertrophie bénigne de la prostate maisqui doivent, en premier lieu, faire rechercher uneautre étiologie.

‚ Le patient est-il effectivement atteintd’une hypertrophie bénignede la prostate ?

La réponse à cette question repose sur lesdonnées de l’examen physique et des examensd’imagerie.

Le toucher rectal est indispensable au diagnosticd’hypertrophie bénigne de la prostate. Il doit êtreréalisé, patient en décubitus dorsal, cuisses fléchies,en s’aidant du palper de la main hypogastrique.

L’hypertrophie bénigne de la prostate estcaractérisée par une augmentation de volume de laglande prostatique, lisse, régulière, homogène, dontla consistance peut être comparée à celle d’une ballede tennis. En cas d’adénome particulièrementvolumineux chez un patient de corpulenceraisonnable, il est possible de palper le pôlesupérieur de l’adénome par la main hypogastrique.

Il peut se faire que le toucher rectal ne mette pasen évidence d’hypertrophie bénigne prostatiquecaractéristique, alors que les symptômes sont trèsévocateurs d’une affection prostatique ; la prostatepeut être très modérément augmentée de volume,et il faudra avoir alors recours aux examensd’imagerie ; la prostate peut être de contours et deconsistance anormalement irréguliers et fermes,

évocateurs d’un processus tumoral malin. Lesinvestigations devront dès lors être engagées dansce sens.

Les explorations d’imagerie viennent conforter lediagnostic établi sur les données de l’examenphysique pour fournir une explication aux troublesmictionnels que n’explique pas ce dernier.

L’échographie vésicoprostatique est aujourd’huil’examen d’imagerie qui doit être réalisé depremière intention.

L’échographie vésicoprostatique sus-pubienne estle procédé le plus communément utilisé. Il al’inconvénient de nécessiter une réplétion vésicaleimportante qui peut largement surestimer le volumedu résidu postmictionnel, voire, par la distensionvésicale qu’il provoque, précipiter le malade dans larétention aiguë des urines... Il permet de mettre enévidence l’augmentation de volume de la prostate,mais demeure très imprécis quant à sa mensuration.Il permet d’étudier les caractéristiques de la paroivésicale, ainsi que le contenu de la vessie.

L’échographie endorectale est un examen plusinvasif. Il permet d’apprécier, avec une beaucoupplus grande précision, le volume exact de la glandeprostatique. Il permet une analyse détaillée del’échostructure de la glande. Enfin, dans certainescondi t ions part icu l ièrement favorables ,l’échographie endorectale dynamique permiction-nelle permet de préciser l’origine des troubles del’évacuation : lobe médian en clapet dans le colvésical, défaut d’ouverture du col vésical, beaucoupplus souvent que réduction du calibre de la totalitéde l’urètre prostatique du fait de l’augmentation devolume de la glande.

L’urographie intraveineuse n’est indiquée quedans deux ordres de circonstances :

– lorsque les données du toucher rectaln’expliquent pas les troubles mictionnels : le clichémictionnel de l’urographie prend alors toute savaleur, pouvant mettre en évidence une sclérosecervicoprostatique liée à un adénome de petitvolume, un rétrécissement de l’urètre ;

– lorsqu’il existe une symptomatologie pouvantévoquer une atteinte du haut appareil : douleurslombaires, crises de coliques néphrétiques,hématurie.

D’une manière générale, il n’y a pas lieu depratiquer d’examen d’imagerie du haut appareilurinaire en l’absence d’indications précises :insuffisance rénale pouvant faire suspecter unedistension du haut appareil, qui sera reconnue parl’échographie, symptomatologie d’accompa-gnement telle que décrite plus haut, pouvantnécessiter le recours à l’urographie.

‚ Les troubles mictionnels accusés par lepatient sont-ils dus à l’hypertrophiebénigne de la prostate et à elle seule ?

La réponse est indiscutablement oui, dès lors quela symptomatologie est caractéristique et qu’iln’existe pas d’autre facteur associé de troublesmictionnels.

À l’opposé, la relation de causalité entre lestroubles mictionnels et la découverte d’unehypertrophie prostatique à l’examen physique doitêtre établie avec prudence toutes les fois qu’existentdes facteurs associés, pouvant à eux seuls expliquerla survenue de troubles urinaires tels que :

– affections neurologiques : antécédentsd’accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinsonet ses traitements... ;

– diabète, du fait de la polyurie ;– interactions médicamenteuses : diurétiques,

alphastimulants (préparation pour le traitement desrhinopharyngites), anticholinergiques (préparationsophtalmologiques ou gastro-intestinales),neuroleptiques à action anticholinergique...

Dans tous ces cas, l’interrogatoire soigneux, etéventuellement des explorations urologiques pluspoussées, devrait permettre de faire la part deschoses.

‚ Quelle est l’importancedu retentissement de cette hypertrophieprostatique bénigne sur le confort de viedu patient et sur l’appareil urinaire ?

Le retentissement des troubles mictionnels sur leconfort de vie du patient peut être apprécié parl’interrogatoire que peut aider, éventuellement, lerecours à des questionnaires standardisés (tableau I).

L’interrogatoire, analysant les symptômes les unsaprès les autres et leur retentissement sur la viequotidienne, est très certainement la manière la plussimple d’appréhender l’altération de la qualité de viedu patient. Il importe, à cet égard, d’insister sur le faitque le vécu du même symptôme peut varierconsidérablement d’un patient à l’autre. Il importeaussi de garder présent à l’esprit que les troubles lesplus gênants fonctionnellement sont ceux de laretenue, alors que les troubles de l’évacuation, qui sesont installés assez progressivement sur une longuepériode, ne sont pas ressentis comme particuliè-rement gênants par le patient, dans la grandemajorité des cas.

Il est possible d’utiliser des questionnairesstandardisés, dont le modèle le plus élaboré est celuide l’Organisation mondiale de la santé, quicomporte sept questions dont les réponses sontcotées de 0 à 5, associées à une question sur laqualité de la vie, cotée de 0 à 6. Les symptômes sontconsidérés comme discrets lorsque le score estcompris entre 0 et 7, modérés pour un score entre 8et 19, et sévères de 20 à 35, la qualité de la vie étantcotée de 0 à 6.

Les points suivants doivent être soulignés : cequestionnaire permet uniquement de quantifier lessymptômes. Il ne permet en aucune manièred’assurer le diagnostic d’adénome de la prostate,comme en témoigne le fait que, distribué dans unesalle d’attente de consultation d’urologie, il nepermet pas de distinguer le sexe en fonction desréponses. Si ce questionnaire est indiscutablementutile dans les études longitudinales d’efficacité desdivers procédés thérapeutiques, son utilisation enpratique médicale quotidienne est loin d’êtreindispensable. Il ne saurait, en tout état de cause, sesubstituer à la qualité du jugement clinique dupraticien.

Apprécier le retentissement objectif del’adénome prostatique sur l’appareil urinairenécessite un certain nombre d’investigations.

La fonction rénale est appréciée par le dosage dela créatinine sérique. Il est de bonne règle de vérifierla stérilité des urines par un examen cytobactériolo-gique des urines.

L’importance de la gêne à l’évacuation desurines, provoquée par le développement del’hypertrophie prostatique bénigne, est aisémentappréciée par la débitmétrie. Si la simple observationdu jet peut donner au clinicien averti desrenseignements importants, cette observation n’estpas toujours facile à réaliser.

5-0690 - Hypertrophie bénigne de la prostate

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Le retentissement de l’adénome prostatique surla vessie peut être évalué par les examensd’imagerie, essentiellement l’échographie vésicalequi fournit des renseignements importants pouvantmontrer :

– un épaississement du muscle vésical, avecéventuellement aspect de vessie de lutte aveccellules et colonnes ;

– à un degré de plus, la présence d’un diverticulede vessie (hernie de la muqueuse vésicale au traversd’une zone de faiblesse du détrusor hypertrophié) ;

– la présence d’un calcul de vessie.

Enfin, l’échographie permet souvent une mesurerelativement fine du résidu postmictionnel, àcondition, et à condition seulement, que la mesuredu résidu soit réalisée lors de l’arrivée du patient au

cabinet du radiologue, après un premier passageaux toilettes, et non avant que le patient ait bu unequantité importante de liquide pour faciliterl’examen d’échographie sus-pubienne. En effet, dansce cas, la distension du détrusor provoque unedysurie iatrogène qui majore considérablement lerésidu postmictionnel qui devient, de ce fait,totalement ininterprétable.

Enfin, l’échographie du haut appareil, indiquéeen cas d’insuffisance rénale, peut mettre en évidenceune distension pyélo-urétérocalicielle.

‚ Cette hypertrophie prostatique est-ellesûrement bénigne ?

La suspicion doit être éveillée dès lors qu’existent,isolés ou associés, deux types d’anomalies :

– une induration plus ou moins marquée d’unsecteur plus ou moins étendu de l’hypertrophieprostatique ;

– une élévation du taux sérique de l’antigèneprostatique spécifique (PSA), au-delà de la normaledu laboratoire.

La présence d’une anomalie du toucher rectalrend impérative la réalisation d’une échographieendorecta le avec biops ies prostat iquessystématisées, afin d’écarter le diagnostic de cancerde la prostate.

Lorsque la prostate est parfaitement lisse etrégulière au toucher rectal, le risque de découvrir uncancer prostatique localisé, accessible à un

Tableau I. – Score international (IPSS) d’appréciation des troubles fonctionnels de l’adénome prostatique.

Durant le mois passé Pas du tout Moins de unefois sur cinq

Moins de lamoitié des fois

À peu près lamoitié des fois

Plus de lamoitié des fois

À peu prèstoujours

Combien de fois avez-vous eul’impression de ne pas avoirvidé complètement votre vessieaprès avoir fini d’uriner ?

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Combien de fois avez-vous eubesoin d’uriner à nouveaumoins de 2 heures après avoirfini d’uriner ?

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Avec quelle fréquence avez-vous eu l’impression qu’il étaitnécessaire d’urineren plusieurs temps ?

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Avec quelle fréquenceavez-vous trouvé difficile d’at-tendre pour uriner ?

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Avec quelle fréquenceavez-vous eu un jet urinairefaible ?

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Avez-vous eu à pousser ou àfaire un effort pour commencervotre miction ?

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Pas du tout 1 fois 2 fois 3 fois 4 fois 5 fois ou plus

Combien de fois au coursd’une nuit habituelle avez-vouseu à vous réveiller pour urinerentre votre coucher le soiret votre lever le matin ?

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Très heureux Heureux Plutôt satisfait Moyennementsatisfait

Plutôtinsatisfait Malheureux Insupportable

Si vous deviez passer le restede votre vie avec vossymptômes urinaires actuels,qu’en penseriez-vous ?

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La débitmétrie, qui étudie le volume uriné en fonction du temps, a l’avantage delaisser, en outre, une trace écrite. Pour être interprétable, elle doit correspondre à unvolume uriné d’au moins 150 mL.On admet habituellement la valeur seuil suivante :✔ lorsque le débit est supérieur à 15 mL/s, il n’y a pas d’obstacle significatif àl’évacuation des urines ;✔ lorsque le débit est inférieur à 10 mL/s, il y a très certainement un obstaclesignificatif à l’évacuation des urines ;✔ entre 10 et 15 mL/s, il existe probablement, sans que l’on puisse en êtreabsolument sûr, un obstacle modéré à l’évacuation des urines ;✔ des explorations urodynamiques plus fines (cystomanométrie, mesure de lapression de clôture de l’urètre, étude de la relation pression-débit) sont desexplorations invasives qui ne peuvent être indiquées, en pratique médicalecourante, que dans deux types de circonstances :– discordance flagrante entre l’importance des troubles de la retenue et des troublesde l’évacuation ;– facteurs de comorbidité neurologiques concomitants.

Hypertrophie bénigne de la prostate - 5-0690

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traitement curatif, au sein de l’hypertrophieprostatique bénigne, est de l’ordre de 20 %. Dès lors,il n’est légitime de demander un dosage du PSA dansde telles circonstances que lorsqu’il est certain que lepatient, compte tenu de son espérance de vie, a deschances raisonnables de tirer bénéfice de cediagnostic précoce. En pratique clinique, on peutfixer comme règle de bon sens : au-delà de 70 ou,en tout cas 72 ans, la pratique d’un tel dosage n’estpas recommandée.

Dès lors que le PSA est supérieur à la normale dulaboratoire (3 ou 4 ng/mL), l’indication d’uneéchographie endorectale avec biopsies prostatiquessystématisées peut être posée, et ce avec d’autantplus d’insistance que le PSA est plus élevé,notamment au-delà de 10 ng/mL.

Lorsque le PSA est élevé, mais dans les valeursintermédiaires entre 3 et 10 ng/mL, l’utilisation durapport du PSA libre au PSA total peut faciliter ladécision de biopsies : lorsque le rapport du PSA libreau PSA total est inférieur à 10 %, le risque de cancerest très élevé, lorsque le rapport est supérieur à30 %, le risque de cancer est extrêmement faible,entre 10 et 30 %, zone grise où se situemalheureusement une grande partie des patients, ladécision de réaliser des biopsies prostatiques relèveessentiellement du bon sens clinique du praticien.

Il est bien évident que, dès lors que le diagnosticde cancer prostatique associé à l’adénome a étéporté, la discussion de la stratégie thérapeutiquechange du tout au tout et sort de l’objet de ce travail.

‚ Quel est le devenir de ce patient, comptetenu de son profil symptomatique et descaractéristiques de son hypertrophieprostatique ?

La réponse à cette question cruciale estmalheureusement relativement difficile à apporter,car bien que les médecins praticiens et urologuesaient suivi d’innombrables patients atteintsd’hypertrophie prostatique bénigne depuis plusieursdécennies, les études de cohortes longitudinalessont malheureusement relativement peunombreuses, et portent sur des périodes de tempsrelativement courtes.

Les faits suivants semblent cependantcommunément admis [3] :

– les symptômes fonctionnels de l’adénomeprostatique vont, en général, en s’aggravantprogressivement. Néanmoins, ils peuvent évoluerpar poussées, présents à certaines périodes del’année, moins présents, voire totalement absents àd’autres. D’une manière générale, il apparaît quel’aggravation des symptômes est d’autant plusrapide et d’autant plus marquée que les symptômesinitiaux sont plus importants ;

– le risque de rétention aiguë d’urine,globalement celui qui préoccupe le plus les patients,peut être évalué à 10 % dans les 5 ans qui suivent ;

– l’hypertrophie prostatique bénigne augmentetrès progressivement de volume. Il est bien connuqu’il n’y a cependant pas de relation directe entre levolume de la glande et l’importance des troublesmictionnels dont elle est responsable.

Bien entendu, toutes ces notions peuvent venir àêtre révisées en cas d’affection intercurrente ou denécessité de recours à une intervention chirurgicalepouvant majorer brusquement les troublesmictionnels : cure de hernie, chirurgie prothétiqueorthopédique, intervention ophtalmologique...

■Stratégies thérapeutiques

Le traitement de l’adénome de la prostate a étéprofondément bouleversé, ces dernières années, dufait :

– d’une meilleure connaissance de l’histoirenaturelle de la maladie ;

– de l’émergence d’alternatives efficaces autraitement chirurgical : traitements médicamenteux,traitements instrumentaux peu invasifs.

I l est important de souligner d’embléequ’habituellement l’adénome prostatique ne metpas en danger la vie du patient, et qu’il est clairementdémontré que le traitement de l’adénome de laprostate ne prolonge pas la durée de la vie.

‚ Principes du traitementde l’hypertrophie prostatique bénigne

Les traitements de l’adénome de la prostate sontde deux types : les uns symptomatiques, les autrescuratifs.

Traitements symptomatiques

Par définition, ils réduisent les symptômes sanssupprimer, de manière durable, leur cause. Il s’agit iciessentiellement des traitements médicamenteux, quisont de quatre ordres :

– extraits de plantes ;– alphabloquants ;– inhibiteurs de la 5-alpharéductase ;– autres traitements hormonaux.

¶ Extraits de plantesLongtemps [2] considérés, en l’absence d’essais

cliniques convenablement menés, comme desimples placebos, il semble s’agir, en fait, detraitements indiscutablement efficaces, proba-blement par le biais des phyœstrogènes qu’ilscontiennent.

Les produits utilisés sont :– pygeum africanum (Tadenant) : 1 comprimé à

50 mg matin et soir, pendant 6 à 8 semaines ;– serenoa repens (Permixont, Capistant) : 1

comprimé à 160 mg/j.Ces médicaments sont habituellement totalement

dénués d’effets secondaires.

¶ Alphabloquants [5]

L’utilisation des alphabloquants repose surl’existence de récepteurs alphaprédominants auniveau du trigone, du col vésical, de la capsuleprostatique, et même à l’intérieur de la glande.

Le rôle néfaste des alphastimulants chez lespatients atteints d’hypertrophie bénigne de laprostate est connu de longue date, et l’on sait enparticulier que la prescription de préparationscontenant des alphastimulants dans le traitementdes rhinopharyngites hiverno-automnales est unegrande pourvoyeuse de rétention aiguë des urineset, de ce fait, formellement contre- indiquée.

Il a dès lors semblé logique de tenter d’améliorerles troubles fonctionnels liés à l’hypertrophiebénigne de la prostate en utilisant des médicamentsalphabloquants.

Les médicaments entraînent habituellement uneamélioration du débit de l’ordre de 1,5 à 2 mL/s etune réduction du score symptôme de 20 à 30 %. Ilssont particulièrement efficaces, en fait, surl’amélioration des troubles de la retenue.

Les effets secondaires de ces médicaments sontliés au manque global de sélectivité desalphabloquants, expliquant leur action systémiquegénérale : hypotension orthostatique, sécheresse dela bouche, étourdissements, céphalées, parfoiséjaculation rétrograde. L’utilisation de cesmédicaments doit donc se faire, tout au moins lorsde leur introduction, sous surveillance médicalerégulière. Il est habituellement considéré que leurassociation à un traitement hypotenseur n’est pascontre-indiquée.

Les produits communément utilisés sont :– alfusozine (Xatralt) : soit 1 comprimé à 2,5 mg

3 fois/j, soit 1 comprimé à 5 mg/j ou 2 fois/j ;– tamsulosine (Omixt 0,4 mg ; Josirt 0,4 mg) :

1 gélule/j ;– térazosine (Hytrinet) : 1 comprimé à 5 mg/j.Ces médicaments doivent être pris de manière

indéfinie. Ils ont l’avantage majeur d’entraîner uneamélioration extrêmement rapide des symptômes.

¶ Inhibiteurs de la 5-alpharéductase [1]

L’utilisation des inhibiteurs de la 5-alpharéductaserepose sur le fait que la testostérone doit êtretransformée, par la 5-alpharéductase, endihydrotestostérone, pour pouvoir agir sur lescellules épithéliales prostatiques.

Constatant que les sujets atteints d’un déficit en5-alpharéductase n’ont pas d’hypertrophieprostatique, la possibilité de synthétiser un inhibiteurde la 5-alpharéductase a rapidement conduit à sonutilisation médicale dans le traitement de l’adénomede la prostate.

Le produit utilisé est le finastéride (Chibro-Proscart), à la dose de 5 mg/j.

Le finastéride, administré de manière prolongée,entraîne une réduction du volume de la prostated’environ 30 %, une augmentation du débit urinairede 1,5 à 2 mL/s et une diminution du scoresymptôme de 20 à 30 %. Enfin, son utilisation àlongue échéance permettrait de réduire environ demoitié le risque de rétention des urines.

Les effets secondaires du finastéride sontreprésentés par la possibilité de perte de la libido,voire d’impuissance sexuelle, dans 0,5 à 3 % des cas.

¶ Autres traitements hormonauxD’autres traitements hormonaux ont pu être

utilisés : les antiandrogènes stéroïdiens ou nonstéroïdiens, la castration médicale par les agonistesdu LH-RH (luteinizing hormone-releasing hormone),les inhibiteurs des aromatases.

Aucun de ces traitements n’est actuellementvalidé et n’a fait la preuve de sa supériorité sur lestraitements précédemment mentionnés.

Traitements curatifs

Ils ont pour but la suppression de tout ou partiedu tissu prostatique obstructif [6].

Ils comprennent la chirurgie et les alternatives autraitement chirurgical utilisant des procédésinstrumentaux peu invasifs.

¶ Traitement chirurgicalIl utilise soit la chirurgie à ciel ouvert, soit la

chirurgie endoscopique.La chirurgie à ciel ouvert consiste à pratiquer, par

voie transvésicale plus souvent que par voierétropubienne, l’énucléation de l’adénomeprostatique, tirant partie du plan de clivage qui existe

5-0690 - Hypertrophie bénigne de la prostate

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entre l’adénome prostatique proprement dit et lereste du tissu prostatique qu’il a progressivementrepoussé à la périphérie.

L’intervention est, aujourd’hui, le plus souventréalisée sous anesthésie locorégionale (rachi-anesthésie ou anesthésie péridurale). Elle nécessiteenviron 1 semaine d’hospitalisation et donneindiscutablement, dès lors qu’elle est convena-blement indiquée et exécutée, les meilleurs résultatsfonctionnels à court, moyen et long terme.

¶ Traitements endoscopiquesIls sont représentés par la résection transurétrale

de l’adénome de la prostate.L’intervention se déroule, ici encore, dans la très

grande majorité des cas, sous anesthésielocorégionale. Elle consiste à introduire un appareild’endoscopie qui permet de retirer « copeaux » par «copeaux » du tissu prostatique, tout en assurant, pasà pas, l’hémostase de l’ensemble des vaisseaux quisaignent. Cette intervention nécessite une duréed’hospitalisation plus brève, actuellement de 3 à 4jours.

ComplicationsQue la chirurgie soit réalisée à ciel ouvert ou par

voie endoscopique, elle est indiscutablement grevéed’un certain nombre de complications.

Les complications immédiates et secondairesprécoces sont dominées par l’hémorragie et lesaccidents thromboemboliques.

Les progrès de la technique chirurgicale ontconsidérablement réduit le risque d’hémorragies, etactuellement, le taux de transfusion est devenuextrêmement faible.

Les accidents thromboemboliques sontparticulièrement à craindre dans ce type de chirurgie.Ils peuvent être prévenus par une anticoagulationadaptée, démarrée la veille de l’interventionchirurgicale.

Les complications secondaires tardives sontreprésentées par les pertes d’urines et les troublessexuels.

Les pertes d’urine, fréquentes dans les suitesimmédiates de l’intervention, le plus souvent liées àdes mictions impérieuses, s’amendent en généralprogressivement en s’aidant de la rééducation et,éventuellement, de la prescription, en l’absence decontre-indication, de médications anticholinergiques.L’incontinence d’urine définitive est aujourd’huiexceptionnelle (moins de 0,5 %) et répond engénéral très bien au traitement par mise en placed’un sphincter artificiel dont c’est ici la meilleureindication.

Les troubles sexuels sont dominés parl’éjaculation rétrograde. Cette dernière est due au faitque l’intervention chirurgicale supprime lamusculature du col vésical, de sorte que lors del’éjaculation, le sperme part directement dans lavessie, pour être éliminé secondairement avec lesurines. Cette éjaculation rétrograde entraîne unrisque d’infécondité. Le patient doit toujours êtreprévenu de la possibilité de sa survenue. Certainspatients particulièrement préoccupés par cettecomplication peuvent désirer entreprendre uneconservation de sperme, avant l’interventionchirurgicale. Les troubles de l’érection sont plus rares,et peuvent être dus, soit à des facteurspsychologiques, soit à une atteinte éventuelle despédicules nerveux de l’érection lors de la résectiondes lobes apicaux de la prostate.

Résultats à long termeIls sont habituellement excellents. Au bout d’un

certain nombre d’années, le tissu adénomateux peutse reproduire, aboutissant à la récidive de l’adénomeprostatique, tantôt muet sur le plan symptomatique,tantôt se manifestant par des hématuries, et pouvantalors nécessiter un traitement chirurgical itératif.

Alternatives instrumentales au traitementchirurgical

Ces dernières années ont vu se développer touteune série d’alternatives peu invasives, instrumen-tales, au traitement chirurgical : traitement par laser,thermothérapie, prothèses endo-urétrales.

Il importe de préciser qu’aucun de ces traitementsn’est actuellement validé, et que tous demeurent dudomaine de l’investigation.

L’énergie laser peut être utilisée dans letraitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate,soit sous forme de coagulation, soit pour réaliser unevéritable résection transurétrale non hémorragique,à l’aide de l’énergie laser. Enfin, le laser peut êtreutilisé sous forme interstitielle.

La chaleur administrée par des systèmes demicro-ondes peut être utilisée pour réduire le volumede la glande prostatique, à l ’aide de lathermothérapie transurétrale. La thermothérapie,tout comme le laser, entraîne des améliorationssymptomatiques et urodynamiques intermédiairesentre celles fournies par les médicaments et cellesproduites par le traitement chirurgical. Cestraitements auront très certainement une placeimportante dans le traitement des patients atteintsde troubles mictionnels d’origine prostatiqueconsidérés comme moyens à sévères.

Divers types de prothèses endo-urétrales ont étédécrits, permettant de lever l’obstacle représenté parl’hypertrophie prostatique bénigne. Qu’il s’agisse deprothèses métalliques incorporables, analogues àcelles utilisées dans le traitement des sténosesartérielles, ou temporaires, voire de prothèses nonmétalliques, ces prothèses peuvent permettre derésoudre des problèmes ponctuels particulièrementdifficiles, et leur efficacité, à moyen et long terme, estloin d’être réellement démontrée.

‚ Quel traitement prescrire en fonctiondu profil symptomatique du patientet des caractéristiques de sonadénome ?

D’une manière générale, les indicationsthérapeutiques du traitement de l’hypertrophieprostatique bénigne sont de deux types : les unes denécessité, les autres de confort.

Indications de nécessité

Il est des indications absolues et impératives à lasuppression du tissu prostatique obstructif : ce sonttoutes les situations où l’adénome prostatique estcompliqué :

– d’insuffisance rénale obstructive, avecdistension vésicale et du haut appareil ;

– de rétention aiguë récidivante des urines ;– d’hématurie incoercible ;– d’infections urinaires rebelles et répétitives en

dépit d’un traitement anti-infectieux bien conduit ;– de retentissement important de l’hypertrophie

prostatique sur l’évacuation des urines vésicales, setraduisant par la présence d’un ou de plusieurs deséléments suivants :

– calcul de vessie ;– résidu postmictionnel important ;– vessie de lutte, voire au maximum, présence de

diverticule de vessie.Outre ces indications d’absolue nécessité, le

traitement chirurgical doit être considéré chez unpatient porteur d’un adénome de la prostate et quidoit être soumis à :

– une cure de hernie : on sait que si cette hernieest d’apparition et d’aggravation récentes, il est fortprobable que l’hypertrophie prostatique joue un rôledans sa genèse, par le biais de la dysurie qu’elleprovoque ;

– la mise en place d’une prothèse orthopédique(hanche ou genou), nécessitant un décubitus plus oumoins prolongé, favorisant la rétention aiguë desurines.

Indications de confort

L’indication thérapeutique sera portée au termede la confrontation entre le patient et le thérapeute,en pesant les avantages et les risques des différentesformes de traitement de l’histoire naturelle de lamaladie. Il est certes possible de se guider sur lerésultat du score symptôme. Il est tout aussi simplede poser au patient la question suivante : les troublesque vous ressentez sont-ils tels que vous êtes prêt àvous soumettre au désagrément de l’interventionchirurgicale pour les voir disparaître ?

Lorsque le débit urinaire est inférieur à 10 mL/s,les risques d’altération progressive du fonction-nement du détrusor et/ou de survenue d’unerétention aiguë des urines ne sont pas négligeables,et il semble raisonnable de proposer au patient, sison état général de santé le permet, une interventionde suppression du tissu prostatique obstructif.

Lorsque le débit est supérieur à 15 mL/s et quedominent essentiellement les troubles de la retenue,le traitement médical est seul de mise, et, dans cetype de situation, les extraits de plantes sont engénéral extrêmement efficaces.

Lorsque le débit est compris entre 10 et 15 mL/set qu’il existe probablement un syndrome obstructif,le traitement médical est ici encore probablement leseul indiqué, tout au moins en première intention, etle choix est à faire entre les extraits de plantes, lesmédicaments alphabloquants, qui ont l’avantaged’entraîner un soulagement rapide des symptômesau prix de quelques effets secondaires parfois fortgênants, et enfin, un inhibiteur de la 5-alpharéduc-tase qui entraînera, à plus long terme, une réductiondu volume de la glande prostatique, tandis que laréduction des symptômes fonctionnels etl’amélioration du débit seront en gros identiques àcelles obtenues par les alphabloquants. Il estpossible, dans ce type de situation, à l’avenir, que lesalternatives instrumentales peu invasives autraitement chirurgical trouvent ici une excellenteindication.

■Conclusion

Du fait du vieillissement de la population et de laprolongation de l’espérance de vie, le praticien seraconfronté de plus en plus fréquemment auproblème de stratégie diagnostique et thérapeutique

Hypertrophie bénigne de la prostate - 5-0690

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posé par les patients atteints de troubles mictionnelsd’origine prostatique.

Les patients atteints d’hypertrophie prostatiquebénigne, non compliquée, avec des symptômesmodérés qu’ils jugent acceptables et sansretentissement sur la vessie ou sur le haut appareil,ne requièrent aucun traitement.

Le traitement chirurgical doit être proposé auxpatients atteints d’une hypertrophie prostatiquebénigne compliquée, invalidante, non améliorée parle traitement médical.

Le traitement médical peut être proposé en cas designes fonctionnels gênant le malade, ne justifiantpas un traitement chirurgical, et en l’absence decomplications. La préférence devra être donnée auxtraitements médicamenteux ayant fait la preuve deleur efficacité clinique dans les essais contrôlés. Troisclasses de médicaments ont l’autorisation de misesur le marché (AMM) pour le traitement de

l’adénome de la prostate : les alphabloquants, lesinhibiteurs de la 5-alpharéductase et laphytothérapie.

Il n’y a pas, en 1998, de travaux permettant derecommander une classe thérapeutique plutôtqu’une autre, et aucune étude ne permet de

conseiller l’association de deux médicaments ou plusayant l’AMM pour le traitement des troublesmictionnels de l’adénome de la prostate. La duréeoptimale du traitement n’est pas connue. Il n’y aenfin pas d’indication à la chirurgie préventive descomplications de l’adénome prostatique.

Laurent Boccon-Gibod : Professeur des Universités, praticien hospitalier,centre hospitalier universitaire Bichat Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Boccon-Gibod. Hypertrophie bénigne de la prostate.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0690, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

[1] Connell JC. Finasteride therapy for benign prostatic hyperplasia. In : Kirby R,McConnell JD, Fitzpatrick JM, Roehrborn CG, Boyle P eds. Textbook of benignprostatic hyperplasia. Oxford : ISIS Medical Media, 1996

[2] Fitzpatrick JM, Lynch TH. Phytotherapeutic agents. In : Kirby R, McConnellJD, Fitzpatrick JM, Roehrborn CG, Boyle P eds. Textbook of benign prostatichyperplasia. Oxford : ISIS Medical Media, 1996

[3] Madsen FA, Bruskewitz RC. Watchful waiting. In : Kirby R, McConnell JD,Fitzpatrick JM, Roehrborn CG, Boyle P eds. Textbook of benign prostatic hyper-plasia. Oxford : ISIS Medical Media, 1996

[4] McConnell JD. Guidelines for diagnosis and management of benign prostatichyperplasia. In : Kirby R, McConnell JD, Fitzpatrick JM, Roehrborn CG, Boyle Peds. Textbook of benign prostatic hyperplasia. Oxford : ISIS Medical Media, 1996

[5] Roehrborn CG. Treatment outcomes and their interpretation in benign pros-tatic hyperplasia. In : Kirby R, McConnell JD, Fitzpatrick JM, Roehrborn CG,Boyle P eds. Textbook of benign prostatic hyperplasia. Oxford : ISIS MedicalMedia, 1996

[6] Roehrborn CG. Standard surgical interventions : TUIP/TURP/OPSU. In :Kirby R, McConnell JD, Fitzpatrick JM, Roehrborn CG, Boyle P eds. Textbook ofbenign prostatic hyperplasia. Oxford : ISIS Medical Media, 1996

[7] Traitement de l’adénome prostatique. Recommandations et références médi-cales. Guide de l’Assurance Maladie, 1996

Recommandations et références médicales de l’Agence nationale pour ledéveloppement de l’évaluation médicale[7]

✔ Le dépistage de l’hypertrophie de la prostate, chez le patient asymptomatique, estsans intérêt.✔ Les troubles de la retenue, de l’évacuation, font partie du tableau del’hypertrophie bénigne de la prostate, mais ne sont pas spécifiques.✔ Les investigations minimales nécessaires au diagnostic sont l’interrogatoire, letoucher rectal, le dosage de la créatinine sérique et l’examen cytobactériologiquedes urines. Le PSA n’est pas un élément du diagnostic d’hypertrophie bénigne dela prostate, l’urographie intraveineuse n’a pas sa place en première intention.

5-0690 - Hypertrophie bénigne de la prostate

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Infections de l’appareil urinaire

A Meyrier

L ’urine normale est stérile et lorsqu’on la prélève par miction aseptique, on accepte la présence de 105

colibacilles et 104 leucocytes/mL. La plupart des germes urinaires sont des entérobactéries, dominées parEscherichia coli. Cependant, les infections non communautaires peuvent être dues à d’autres Gram négatif oupositif. Une infection urinaire peut être en effet primitive, survenant dans un appareil urinaire sain et souvent due àun germe uropathogène contenant des adhésines. Secondaire, l’infection urinaire est consécutive à une uropathieou un geste urologique. Chez la femme, ces infections se traduisent soit par des cystites, isolées ou multirécidivantes,soit parfois par une pyélonéphrite aiguë, qui requiert peu d’imagerie et est facilement traitée par une antibiothérapieadaptée. En revanche, une pyélonéphrite aiguë sur obstacle est une urgence urologique. Sur certains terrains, lespyélonéphrites sont dangereuses : il s’agit surtout de la femme enceinte, du diabétique (chez qui les nécrosespapillaires sont fréquentes) et des transplantés rénaux. Chez l’homme, les prostatites aiguës imposent un traitementtrès long pour éviter le passage à la prostatite chronique.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : infections de l’appareil urinaire, cystite, pyélonéphrite, prostatite, grossesse, diabète, entérobactéries,uropathogénicité.

■Introduction

Le terme d’ « infection urinaire » est commodemais trompeur. On peut avoir des urines septiquessans que l’appareil urinaire soit le moins du mondeinfecté. Dire « infection de l’appareil urinaire »implique qu’au moins la muqueuse urothéliale soitenflammée et colonisée par des germes [7, 9].

Ces infections prédominent chez la femme oùelles sont le plus souvent primitives, c’est-à-diresurvenant dans un appareil urinaire sain (dans lalittérature américaine on les appelle « infectionssimples »). Chez l’homme et l’enfant, elles sont enrègle secondaires à une uropathie et nécessitentalors un diagnostic fondé sur l’imagerie et untraitement destiné à supprimer la lésion des voiesurinaires (en anglais : infections compliquées).L’infection peut se limiter à la vessie, n’intéressantsuperficiellement que la muqueuse, ou envahir unparenchyme plein (les reins dans les deux sexes, laprostate chez l’homme). L’expression clinique, lesrisques, l’imagerie et le traitement de ces formes sonttrès différents. Le terrain imprime également sesparticularités selon le sexe, l’âge, l’existence d’unelésion urologique, d’un diabète, d’une grossesse, oud’un transplant rénal. Ces dernières infections sont« compliquées ».

■Règles du prélèvement des urines

L’urine normale est stérile, mais le méat et lespremiers centimètres de l’urètre sont occupés pardes germes saprophytes, le plus souvent des

colibacilles, et le prépuce est colonisé par une floremixte, contenant Proteus. Le prélèvement des urinesdestiné à un examen cytobactériologique (ECBU) nese faisant en routine que par miction spontanée, etnon par ponction sus-pubienne de la vessie, onaccepte un certain nombre de germes et deleucocytes sans pour autant conclure que l’appareilurinaire lui-même soit infecté. Le nombre de germeset de leucocytes représentant ce « bruit de fond » aété défini en 1956 : ce sont les critères de Kass [8].

Chez l’adulteLes urines doivent être prélevées après toilette

locale, sans contact avec les lèvres vulvaires chez lafemme ni le prépuce chez l’homme, et en milieu dejet. Le prélèvement doit être immédiatementensemencé, ou placé dans de la glace fondante pouréviter la multiplication des germes. En effet, l’ECBUdoit comporter une numération des colonies et desleucocytes par mL. La présence de leucocytes ennombre significatif (> 10 000/mL) est indispensable :leur absence écarte une inflammation del’urothélium.

Dans ces conditions, la définition classique depuis40 ans d’une infection de l’appareil urinaire est : aumoins 106 germes/mL et 105 leucocytes/mL.

Si la culture découvre des germes autres que descolibacilles, en nombre inférieur à 106/mL,accompagnés d’une leucocyturie, le diagnosticd’infection peut être retenu. C’est le cas par exemplede Pseudomonas , des germes de la familleKlebsiella-Enterobacter-Serratia, des moraxelles, etc,particulièrement en milieu hospitalier et/ou aprèsune manœuvre urologique [12].

Dans certaines cystites au tout début, on peuttrouver un nombre de colibacilles faible, de 102 à104/mL. De même, il faut se rappeler qu’uneleucocyturie abondante peut être d’origine vaginale(leucorrhée) et ne signifie pas nécessairementqu’existe une leucocyturie aseptique d’origineurinaire (tableau I).

Un cas particulier est représenté par l’existenced’une leucocyturie sans germe. Il en est denombreuses causes résumées dans le tableau II.

Chez le nourrisson et le petit enfant

Chez le tout-petit, un recueil d’urines aseptiqueest difficile. On peut s’aider de poches à recueild’urines, mais les souillures sont inévitables. On estdonc parfois amené à cultiver les urines prélevéespar ponction sus-pubienne de la vessie. Cette

Tableau I. – Interprétation d’un prélèvement atypique.

Beaucoup de germes, peu de leucocytessouillure lors du prélèvementou →

Flore polymorphe, peu de leucocytes

Beaucoup de leucocytes, peu de germes →contamination d’origine vaginale

ouinfection décapitée

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manœuvre est réservée à un environnementpédiatrique spécialisé.

Bandelettes réactives

Elles détectent la présence de leucocytes et denitrites. C’est une bonne méthode de débrouillage,qui comporte très peu de faux négatifs : sa sensibilitéest de 95 % et sa spécificité de 75 % [5]. Sa valeurprédictive positive est de 30 à 40 %, et sa valeurprédictive négative de 99 %. On ne sauraitcependant s’en contenter. Elle doit être suivie d’unECBU et d’un antibiogramme.

■Germes les plus fréquents

Les germes urinaires les plus fréquents sontcommunautaires.

Nature

La plupart des germes responsables sont desentérobactéries, dominées par Escherichia coli. Il peuts’agir de Proteus mirabilis et beaucoup plus rarementd’entérocoques ou de staphylocoques (notammentStaphylococcus saprophyticus novobiocine-résistant).Escherichia coli domine la flore des infections del’homme ou de l’enfant mais dans une proportionmoindre. En cas d’infection iatrogène, aprèssondage, endoscopie, chirurgie ou chez un porteurde sonde, tous les germes peuvent être en cause,souvent polyrésistants aux antibiotiques.

Fréquence

Le tableau III donne un exemple des fréquencesrelatives des bactéries responsables des infections del’appareil urinaire, selon qu’il s’agit d’un premierépisode ou d’une réinfection à court terme. En casd’infection iatrogène, les espèces microbiennes sontbeaucoup plus variées.

Sensibilité aux antibiotiques

Les données de l’antibiogramme ne sont pasattendues pour commencer le traitement, maispeuvent l’orienter différemment si l’on reçoit un

résultat montrant que l’antibiotique choisi enpremière intention était inapproprié.

Pouvoir uropathogène

L’étude du pouvoir uropathogène (présenced’adhésines sur les fimbriae [pili] et/ou sur le corpsbactérien du colibacille) est encore un examen derecherche. Elle a un grand intérêt. En effet, lespyélonéphrites primitives survenant dans unappareil urinaire sain sont le plus souvent dues à desgermes porteurs d’adhésines tandis que lesinfections hautes secondaires ou iatrogènes peuventêtre dues à des souches non uropathogènes. Dansles cystites féminines primitives, la fréquence dessouches « uropathogènes » représente environ lamoitié des cas, dans les pyélonéphrites primitives,pratiquement la totalité [10].

L’uropathogénicité des germes urinaires necontracte aucun lien avec leur sensibilité auxantibiotiques. Les germes communautaires porteursd’adhésines sont uropathogènes mais sensibles àune majorité d’antibiotiques.

Le tableau IV indique les données les plusrécentes sur les trois classes d’adhésinesresponsables de l’uropathogénicité des colibacilles.

■Invasion tissulaire

Devant une infection de l’appareil urinaire, il fautd’abord déterminer si un organe plein est atteint.

Les critères d’infection avec invasion tissulairesont cliniques, biologiques et radiologiques [8, 11].

Cliniques : fièvre, frissons, douleurs

Une pyélonéphrite ou une prostatite s’accompa-gnent d’une fièvre supérieure à 38 °C, de frissons,souvent de douleurs de l’organe plein intéressé etd’une altération de l’état général. Les hémoculturessont souvent positives (bactériémie). Il peut existerdes signes de gravité témoignant, eux, d’unesepticémie : baisse tensionnel le, parfoishypothermie. Ces formes graves s’observent en casd’obstacle, ne sont pas exceptionnelles dans uneprostatite aiguë et se voient chez les diabétiques.

Biologiques : vitesse de sédimentation (VS),« C reactive protein » (CRP), hémocultures

Une infection avec invasion tissulaires’accompagne toujours de signes d’inflammationtraduits par une sédimentation globulaire supérieureà 20 mm à la première heure et des valeurs de laCRP supérieures à 20 mg/L. Ces deux examens sontindispensables dans une infection fébrile. Enfin, dansune pyélonéphrite existe dans la moitié des cas unebactériémie.

Imagerie : échographie, scanner, scintigraphie

L’échographie, la tomodensitométrie et lascintigraphie sont autant de méthodes quipermettent de confirmer l’atteinte du tissu rénal.L’urographie intraveineuse (UIV) ne montre pas leslésions tissulaires mais peut objectiver l’anomalie dela voie excrétrice responsable de l’infection. Si elletrouve une anomalie du haut appareil, l’infection esttrès probablement haute, de même que si l’ondécouvre un reflux vésico-urétéral. L’échographie estde règle, de même qu’un cliché de l’arbre urinairesans préparation. La tomodensitométrie n’est pas

Tableau II. – Leucocyturie sans germe.

Traitement par automédication avant la culture des urinesContamination du prélèvement par le stérilisant utilisé pour la toilette avant recueil (Dakin, savon, etc)Contamination par des leucocytes d’origine vaginaleCorps étranger des voies excrétrices (calcul urinaire)Tumeur urothélialeNéphropathie interstitielle chronique (notamment aux analgésiques)Micro-organismes ne poussant pas sur les milieux usuels (Ureaplasma urealyticum, Chlamydia, Candida)Bacillose urinaire (à rechercher par culture sur milieu approprié devant une leucocyturie aseptiquepersistante)

Tableau III. – Bactéries responsables des infections urinaires.

Premier épisode ou récidive lointaine Infection récidivante par réinfectionà court terme

Escherichia coli Escherichia coli85-90 % 60 %

Proteus mirabilis Klebsiella5-7 % 20 %

Staphylococcus saprophyticus Proteus mirabilis3-7 % 15 %

Entérocoque Autres germes2-3 % 5 %

Autres germes4 %

Tableau IV. – Adhésines, facteurs d’uropathogénicité du colibacille.

Composantde la bactérie (piline) Adhésine Nature Hémagglutination

P fimbriae PAP G Alpha-D-gal-(1-4) bêta-D-gal Groupe érythrocytaire P

Non associé auxP fimbriae

AFA Decay accelerating factor Érythrocytes

S fimbriae SFA Alpha-sialyl-(2-3)-bêta-gal Érythrocytes(Bovins et humains)

Source :[10].

Les fimbriae ou pili sont des filamentsémanant du corps du colibacille et qui,dans les souches uropathogènes, sontle support d’adhésines, reconnaissantdes récepteurs situés sur les cellulesépithéliales du périnée et del’urothélium. Certains de cesrécepteurs sont des moléculescommunes au groupe sanguin P (d’oùle terme de « P fimbriae »). Uncolibacille uropathogène est doté d’aumoins un système d’adhésines qui luipermet, en l’absence de toute anomalieurologique, de progresser du périnée àl’urètre puis à la vessie, l’uretère, lebassinet et le rein.

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indispensable dans les pyélonéphrites d’allure« primitive ». La scintigraphie n’est pas de pratiquecourante, sauf en pédiatrie. Au moindre doute sur uncalcul, il faut demander un examen par scannerspiralé, pratiquement jamais en échec [3].

■Classification

‚ Devant une infection de l’appareilurinaire, il faut déterminersi elle est primitive ou secondaire

On entend par « primitive » l’infection survenantdans un appareil urinaire anatomiquement sain.C’est le propre de la plupart des cystites féminines.Cela s’explique d’une part par la brièveté de l’urètreet son ouverture lors des rapports sexuels et d’autrepart par l’uropathogénicité des colibacilles envisagéeplus haut.

Chez l’homme et l’enfant (surtout le garçon), lesinfections sont dans la plupart des cas dues à uneanomalie de l’arbre urinaire nécessitant une UIV etune urétrocystographie par ponction sus-pubiennede la vessie [2].

‚ La classification la plus simple desinfections de l’appareil urinaire se basesur l’organe atteint et sur le terrain

Il est simple d’adopter une classification basée surles organes infectés : cystites, pyélonéphrites,prostatites. Elles se séparent cependant en formescliniques différentes selon le terrain : femme,homme, grossesse, sujets immunodéprimés.

Chez la femme

¶ CystiteCe terme doit être réservé à la femme, car chez un

homme, une cystite s’accompagne pratiquementtoujours d’une prostatite. Les signes en sont bienconnus : brûlures urinaires, pollakiurie, parfoishématurie due à un purpura de la muqueusevésicale, absence de fièvre, VS et CRP normales,présence dans les urines de germes et deleucocytes [6, 7].

Cystite unique ou à rechutes espacéesUne cystite n’appelle pas d’autre examen qu’un

ECBU et un antibiogramme. Le traitement,commencé avant les résultats de l’ECBU, peut êtretrès court, limité à 4 jours (soit 4 jours d’unantibiotique à action brève, soit prise unique d’unantibiotique à élimination prolongée). Toutefois, larécidive à court terme de la bactériurie peut indiquerqu’il existait un foyer méconnu de pyélonéphrite [1].

Cystites récidivantesCertaines femmes souffrent de récidives : de deux

à trois dans l’année jusqu’à une par mois ou plus.Cela justifie un examen local, surtout si elles sontrythmées par les rapports sexuels. Il consiste àinspecter le méat urétral, ce qui peut permettre dedécouvrir des brides hyménéales qui provoquentune béance de l’urètre lors du coït. Parfois la pressionlatérale fait sourdre une goutte de pus qui indiqueune rétention purulente dans une glandesous-urétrale. Ces anomalies appellent un petit gesteurologique. Si l’examen local est normal, il fautdemander une UIV avec étude de la vessie et del’urètre. Chez une femme âgée, une échographie,éventuellement une cystoscopie, doivent rechercher

une tumeur vésicale. La plupart de ces récidives nesont que de nouvelles infections, favorisées par unterrain favorable et/ou le fait que la femme estporteuse de souches uropathogènes. Quoi qu’il ensoit, se trouve ici posée l’indication d’un traitementprophylactique.

¶ Syndrome urétralLes cystites récidivantes ne doivent pas être

confondues avec la pollakiurie, les brûlures, lesdouleurs pelviennes, sans bactériurie ni leucocytes,qui sont, soit d’origine gynécologique ou urétrale,soit éventuellement dues à une infection àChlamydia (à rechercher par prélèvement local etsérologie). Avant de conclure au caractèrepsychogène de ces troubles, et surtout au cas où ilss’accompagnent d’une leucocyturie aseptique, il fautchercher la présence de bacilles de Koch (BK) dansles urines et éventuellement demander unecystoscopie. Lorsque tous ces examens sontnormaux et que persistent des signes évoquant unecystite mais avec des urines stériles, on retient lediagnostic de « syndrome urétral » [8].

¶ Pyélonéphrite aiguëUne pyélonéphrite est une inflammation

microbienne du bassinet associée à l’envahissementde l’interstitium par des traînées suppuratives [7, 14].

Il faut distinguer la « pyélonéphrite primitive »(sans lésion urologique) et la « pyélonéphritesecondaire » (consécutive à une uropathie ou unobstacle). En anglais on les distingue en « simples »ou « compliquées ».

Le tableau peut être très voisin. Se rappeler que laclinique (intensité des douleurs, fièvre, frissons) necontracte pas de proportionnalité avec la sévéritédes lésions, et que c’est l’absence de réponse rapide(4 jours) au traitement qui doit faire suspecter unepyélonéphrite « compliquée » [11].

Pyélonéphrite primitive (simple) de la femme jeunePourquoi une femme dont l’appareil urinaire est

normal fait-elle une pyélonéphrite ? La réponse tientà la fois de l’hôte et du germe :

– l’hôte : tout commence par une infectionvésicale, qui peut être asymptomatique, sans signeclinique de cystite. Les germes, grâce à leursadhésines, gagnent le haut appareil et déclenchentla pyélonéphrite. La pyélonéphrite est donc uneinfection ascendante de la voie urinaire ;

– l’agresseur : certaines souches d’entérobac-téries, essentiellement de colibacilles, sont plusuropathogènes que d’autres et notamment lesgermes porteurs de P fimbriae [8 , 10 ] . Lespyélonéphrites primitives sont néanmoins pour laplupart dues à des germes « communautaires »,sensibles à la plupart des antibiotiques :l’uropathogénicité et la sensibilité aux antibiotiquessont deux choses indépendantes.

Clinique et laboratoire.Une pyélonéphrite est caractérisée par

l’apparition brutale d’un tableau infectieux sévèreavec une fièvre à 40 °C, de violents frissons et desdouleurs lomboabdominales unilatéralesressemblant à une colique néphrétique etaccompagnées de nausées. La fosse lombaire esttrès douloureuse. L’ECBU trouve une pyurie et unebactériurie. Les hémocultures sont souvent positives.Neuf fois sur dix, il s’agit d’ Escherichia coli. Enl’absence de cause iatrogène, ces germes sont le plussouvent sensibles à la plupart des antibiotiques. Ilexiste des signes biologiques d’invasion tissulaire.

Imagerie.Dans une première pyélonéphrite, sans aucun

antécédent urinaire chez une femme jeune, on nedemande pas d’UIV. En revanche, il faut pratiquerdes clichés de l’arbre urinaire sans préparation etune échographie pour ne pas passer à côté d’uncalcul ou d’une dilatation de la voie excrétrice. Latomodensitométrie est un examen intéressantquoique non absolument nécessaire dans cetteforme. Les images qu’elle montre après injectiond’iode sont hypodenses et caractéristiques. Si l’on aun doute sur un calcul obstructif, le scanner spiraléen fait le diagnostic avec une sensibilité de 98 % etune spécificité de 100 % [3].

Évolution et pronostic.Une pyélonéphrite aiguë chez une femme jeune,

non immunodéprimée et sans anomalie del’appareil urinaire, est une affection bénigne. Avecune antibiothérapie adaptée, les urines sont stérilesen quelques heures, la fièvre et la douleurdisparaissent en 2 à 4 jours, et les signes biologiquesd’inflammation s’effacent en 8 à 15 jours. Lapersistance d’une leucocyturie aseptique durant 2 ou3 semaines n’indique pas un échec du traitement.

Pyélonéphrite gravidique

Elle survient essentiellement chez des femmesporteuses d’une bactériurie asymptomatique aucours de la grossesse. L’échographie est toujoursindiquée. Si les renseignements qu’elle apporte nesont pas exploitables et si la pyélonéphrite est grave,avec suspicion d’un obstacle, il est permis de faireune UIV avec un minimum de clichés [14].

La pyélonéphrite gravidique peut être sévère. Lafièvre et l’infection entraînent des contractionsutérines qui peuvent aboutir à un accouchementprématuré. Les antibiotiques autorisés chez unefemme enceinte sont en nombre restreint. Ce sontessentiellement les bêtalactamines.

Chez l’homme

L’infection de l’appareil urinaire comportepratiquement toujours une atteinte d’un tissu plein(prostate, rein ou les deux). Elle impose une étudeuroradiologique dans tous les cas.

¶ Prostatite aiguëLa prostatite aiguë est souvent consécutive à une

infection à entérobactéries (essentiellementcolibacilles). Elle peut également faire suite par voiehématogène à une infection à distance,staphylococcique ou autre, parfois observée dans lesjours précédents [7].

Le diagnostic de prostatite se pose en généralchez un homme jeune chez qui apparaîtbrusquement une fièvre à 40 °C accompagnée defrissons et d’un malaise général d’allure grippale. Desbrûlures urinaires et l’émission d’urines purulentesorientent vers le diagnostic et conduisent à un ECBU.Il peut exister une orchiépididymite associée. Ladysurie peut aller jusqu’à la rétention complète quiinterdit le sondage par voie urétrale et impose undrainage par cathéter sus-pubien.

Cependant, ces signes peuvent manquer etconduire à un diagnostic de « grippe », avec ce quecela implique de retard de traitement. C’est dans cesformes négligées que peut apparaître un choc àGram négatif et plus tard des localisationssecondaires. Le toucher rectal doit donc êtresystématique devant toute infection fébrile chez un

Infections de l’appareil urinaire - 5-0560

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homme, mais très doux pour ne pas déclencher debactériémie. La prostate est douloureuse etœdématiée.

Le diagnostic se fonde sur la présence de germesdans les urines (encore que les germes prostatiquesne passent pas toujours et nécessairement dansl’urine) ou dans l’écoulement urétral, et l’existence designes d’inflammation (VS et CRP). Tout frissonimpose des hémocultures et la recherche d’unecoagulation intravasculaire disséminée (CIVD)débutante (thrombopénie). Dans une prostatiteaiguë le prostate specific antigen (PSA) est augmenté,pour revenir à des valeurs normales après la fin del’épisode infectieux. Sinon, il faut entreprendre larecherche d’un cancer prostatique.

Une prostatite aiguë impose une échographie detout l’appareil urinaire comportant un examen parsonde endorectale à la recherche de calcifications etd’abcès. Après quelques jours de traitement doiventêtre faites une urographie et une parfaite étude dubas appareil, en particulier de l’urètre, car uneprostatite aiguë peut venir compliquer une sténoseurétrale méconnue.

¶ Prostatite chroniqueUne prostatite chronique fait suite à une prostatite

aiguë ou apparaît progressivement sans qu’onpuisse en dater le début. Au toucher, la prostate esthypertrophique, parfois œdémateuse oupseudoadénomateuse et surtout douloureuse.L’examen des urines donne des résultats divers,tantôt mettant en évidence un germe, tantôt négatif.

Le traitement au moment des poussées estanalogue à celui d’une prostatite aiguë. Les formeschroniques, sans germe mis en évidence, répondentparfois à des traitements antibiotiques etanti-inflammatoires prolongés.

Chez l’enfant

Cette rubrique est dominée par la fréquence desuropathies malformatives et plus particulièrementdu reflux vésico-urétéral. Cependant, chez la petitefille existent des cystites simples, expliquées parl’hygiène approximative de cet âge [2, 13].

La flore est dominée par le colibacille chez lesfilles. Chez le garçon, il ne représente que 40 % desisolats. En effet, le prépuce contient une réserve degermes, notamment Proteus, et le recueil appelleune toilette locale soigneuse. À ce propos, il a étéétabli que la circoncision diminue le risqued’infections urinaires.

Les infections hautes sont dans la plupart des casdues à une anomalie urologique. Ainsi s’explique lanécessité d’explorer systématiquement touteinfection urinaire fébrile de l’enfant par échographie,UIV et cystographie rétrograde pour chercher unreflux vésico-urétéral, un obstacle de la jonctionpyélo-urétérale, de la jonction urétérovésicale ou desvalves de l’urètre postérieur, facilement méconnus etresponsables d’une vessie de lutte surmontée d’unedilatation des voies excrétrices. Toutes cesmalformations, négligées, peuvent conduire à unepyélonéphrite chronique avec insuffisance rénale.On ne devrait plus jamais en voir.

Pyélonéphrites urologiques

¶ Pyélonéphrites sur anomalie de l’appareilurinaireIci existe une anomalie urologique entraînant une

stase, favorisant l’infection et son ascension dans lebassinet puis la médullaire rénale, même lorsque les

germes ne sont pas uropathogènes. Les colibacillessont là encore la flore prédominante. En casd’infection à Proteus peuvent se constituer devolumineux calculs coralliformes, constitués dephosphates ammoniacomagnésiens. Le calculentretient la stase et la stase entretient l’infection [7, 8].

Toutes les uropathies et les vessies neurologiquespeuvent se compliquer d’une pyélonéphrite aiguë,notamment après sondage ou endoscopie.L’infection peut être bilatérale et la suppurationd’urines sous tension fait courir un danger desepticémie à germes à Gram négatif, avec leur risquede choc et de CIVD, d’anurie. Il peut se constituer deslésions mutilantes du parenchyme rénal. Le drainagedes voies excrétrices est donc indispensable, associéà l’antibiothérapie parentérale.

Ces pyélonéphrites urologiques sont celles quicomportent le plus de risques de cicatrices corticaleset de néphrite interstitielle chronique.

¶ Abcès du reinL’abcès staphylococcique du rein hématogène n’a

pas disparu, et l’on doit garder cette hypothèse àl’esprit, notamment chez un toxicomane atteintd’une endocardite à staphylocoques. Actuellement,l’abcès du rein se traduit essentiellement par untableau de pyélonéphrite à germes à Gram négatif,soit en apparence primitive, soit compliquant unelésion urologique. Le tableau clinique ne diffère pasde celui décrit plus haut, en dehors du fait que soustraitement approprié, la fièvre et l’hyperleucocytosepersistent plus longtemps. L’échographie montreune cavité à parois épaisses, remplie de liquide,difficile à distinguer de l’image d’un cancer du reinexcavé. Le scanner localise parfaitement l’abcès [8, 11].

¶ Cathétérisme chronique de la vessieLes porteurs de sonde à demeure sont

pratiquement toujours infectés. Les souches sontdiverses et changent constamment. La pyurie ne doitpas être traitée si elle est asymptomatique : celan’aboutirait qu’à sélectionner des germes résistants.Les accidents intercurrents d’infection aiguë fébrileappellent en revanche une cure brève et intensed’antibiotiques bactéricides.

Pyélonéphrites aiguës et immunodépression

¶ Pyélonéphrites des diabétiquesLes diabétiques ont souvent une bactériurie

asymptomatique qui, en raison de la glycosurie, dela parésie vésicale et des troubles des fonctionsgranulocytaires de ces malades, peut se compliquerd’une pyélonéphrite sévère, souvent septicémique,pas toujours douloureuse car il existe uneneuropathie autonome. La pyélonéphrite diabétiquepeut entraîner une acidocétose. Elle imposel’hospitalisation en unité de soins intensifs [1, 4, 5, 8, 11,

14].Une complication particulière est la nécrose

papillaire. Le tableau est celui d’une pyélonéphritegrave. Deux signes cliniques peuvent attirerl’attention : l’apparition d’hématuries macrosco-piques et surtout l’élimination dans les urines defragments de papille recueillis par tamisage desurines.

L’UIV montre d’abord un corps étrangerradiotransparent dans un calice. Après migration dela papille, le calice prend un aspect érodé, en« massue ». Dans certains cas, la papille restée enplace se calcifie. Dans d’autres, on peut suivre saprogression dans la voie excrétrice, jalonnée decoliques néphrétiques et d’accidents d’obstruction.

Une nécrose papillaire laisse des cicatricescorticales et souvent une insuffisance rénale parnéphrite interstitielle chronique.

¶ Pyélonéphrites des transplantés rénauxLes transplantés rénaux sont susceptibles de faire

des pyélonéphrites, surtout dans les 2 mois suivantla transplantation. L’immunosuppression etl’anastomose urétérovésicale forment un terrainfavorable à l’infection urinaire. Le rein transplantéétant coupé de ses connexions nerveuses, lapyélonéphrite peut être indolore. Cette infection peutfavoriser un rejet du transplant.

¶ Pyélonéphrite du sujet âgéLes vieillards constituent fréquemment des

pyélonéphrites aiguës. L’alitement est un facteurfavorisant. La pyélonéphrite est souvent grave :30 % des septicémies du vieillard sont d’origineurinaire, surtout en milieu hospitalier. Le diagnosticpeut être tardif en raison de l’absence de douleurslombaires ou de troubles de la conscience. Toutefièvre chez un vieillard alité doit motiver uneuroculture. L’évolution des septicémies urinaires desgens âgés est assez souvent mortelle, surtout si letraitement est tardif.

■Traitement

Les antibiotiques des infections de l’appareilurinaire doivent :

– être bactéricides ;– avoir une absorption rapide, un pic

plasmatique précoce, une élimination urinaireprédominante et de fortes concentrations dans lerein et les urines ;

– couvrir le spectre de la majorité des germeshabituels des infections urinaires ;

– ne pas sélectionner les souches résistantes ;– être bien tolérés.

Cystite

Une cystite appelle un traitement de 4 jours, pasplus. On peut prescrire une seule prise d’unantibiotique à élimination urinaire prolongée, parexemple un sachet de fosfomycine (Monurilt) ou 4jours d’un antibiotique à élimination plus rapide, engénéral une quinolone fluorée, norfloxacine(Noroxinet) ou ofloxacine (Oflocett).

Les cystites récidivantes (plus de quatre cystites paran) sont l’indication d’un traitement « prophylac-tique », consistant en la prise, 3 soirs par semaine aucoucher, d’une petite dose (subinhibitrice) d’unantibiotique, tel l’acide pipémidique (Pipramt faible),ou d’un nitrofurane (Furadantinet), pendant 6 mois à1 an.

Pyélonéphrite

Avant les résultats de l’antibiogramme, on prescritune antibiothérapie double associant unaminoglycoside et un autre antibiotique, par voieorale, bactéricide, à élimination urinaireprédominante : quinolones fluorées , oucéphalosporine de 3e génération, ou associationamoxicilline + acide clavulanique, ou ticarcilline +acide clavulanique, ou aztréonam.

Au bout de 4 jours, la patiente est laissée enmonothérapie orale pendant une huitaine de jours(plus longtemps en cas d’abcès) [1, 4, 5, 8, 9, 11, 14].

5-0560 - Infections de l’appareil urinaire

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La défervescence est rapide, en 3 ou 4 jours. Lesurines sont stériles en quelques heures. Laleucocyturie régresse plus lentement. La persistancede la fièvre après 5-6 jours, ou la récidive à courtterme doivent faire discuter un abcès rénal ou unecause urologique. C’est là qu’il faut demander uneUIV ou une tomodensitométrie suivie d’un tempsurographique et éventuellement une cystographierétrograde. Dans certains cas, la persistance de lafièvre au-delà du cinquième jour en dépit d’urinesstériles témoigne d’une allergie médicamenteuse.

Dix à 15 jours après l’arrêt du traitement, onvérifie que les urines sont toujours stériles, que laleucocyturie continue de diminuer et que la VS et laCRP sont bien redevenues normales. La réapparitiond’une pyurie conduit à rechercher une anomalieurologique et/ou un foyer suppuré. S’il existe unerésistance microbienne aux antibiotiquesantérieurement utilisés, il faut reprendre letraitement, guidé par le nouvel antibiogramme.

Abcès du rein

Le traitement est essentiellement médical, lemême que celui d’une pyélonéphrite, mais prolongé.Dans certains cas, la cavité peut être drainée par un

cathéter transcutané inséré sous échographie et parlequel on l’irrigue par des antibiotiques.

Prostatite aiguë

Le traitement comporte au début une doubleantibiothérapie intraveineuse, associant unaminoglycoside à un autre antibiotique à bonnepénétration prostatique (cotrimoxazole ouquinolone fluorée). On y associe en général unanti-inflammatoire non stéroïdien. L’antibiothérapieorale doit être poursuivie 1 à 2 mois car le tissuprostatique est lent à stériliser. Un traitement tropcourt expose à des poussées de prostatite et aupassage à la chronicité.

Prostatite chronique

Après avoir affirmé l’absence de causeurologique, on prescrit habituellement unantibiotique urinaire au long cours, choisi parmi ceuxqui pénètrent bien dans la prostate.

Infections urinaires de l’enfant

Tous les antibiotiques autorisés chez l’adulte nesont pas utilisables chez l’enfant. Les fluoroquino-lones sont interdites avant la fin de la croissance [2, 13].

¶ Cystite simple de la petite filleUn court traitement par amoxicilline ± acide

clavulanique, nitrofurantoïne ou Bactrimt estsuffisant. Il faut instruire la famille de vérifier latoilette locale et indiquer à l’enfant comments’essuyer d’avant en arrière après les selles.

¶ Cystite simple mais récidivanteLe traitement prophylactique est conduit selon les

mêmes modalités que chez l’adulte, en utilisant l’undes antibiotiques suivants : nitroxoline, Furadoïnet,Bactrimt.

¶ PyélonéphriteLe traitement d’attaque comporte 4 jours d’une

association aminoglycoside + céphalosporine de 3e

génération ou quinolone fluorée. La voie veineuseest sinon indispensable, du moins conseillable les 4premiers jours. La durée du traitement est de 4 jourspour l’aminoglycoside, de 10 jours pour lacéphalosporine ou la quinolone fluorée. En cas desepticémie, on recommande une bithérapie d’aumoins 15 jours.

¶ Malformation de l’appareil urinaireLe traitement d’attaque de la phase aiguë doit

être suivi d’un traitement d’entretien pour garder lesurines stériles jusqu’à la chirurgie correctrice.

Alain Meyrier : Professeur,Service de néphrologie, hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Meyrier. Infections de l’appareil urinaire.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0560, 2003, 5 p

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[10] Meyrier A. Pyélonéphrites aiguës : physiopathologie et modèles expérimen-taux. In : Rouveix B, Decazes JM eds. 22eréunion interdisciplinaire de chimiothé-rapie anti-infectieuse. Paris : EDK, 2002 ; 45-52

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[14] Pyélonéphrites aiguës (monographie).Rev Prat1993 ; 43 : 1057-1188

Infections de l’appareil urinaire - 5-0560

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Insuffisance rénale aiguë

L Mercadal, F Martinez, T Petitclerc

L ’insuffisance rénale aiguë de recrutement communautaire est d’origine fonctionnelle ou obstructive dans prèsde 80 % des cas, deux causes qui, si elles sont traitées rapidement, devraient être constamment réversibles. En

ce qui concerne les 20 % restants, la part des étiologies médicamenteuses ne fait qu’augmenter alors que l’applicationde quelques mesures préventives lors de la prescription de médicaments néphrotoxiques pourraient en limiter lasurvenue.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le premier problème posé par une insuffisancerénale est d’apprécier son caractère aigu ouchronique. La suspicion d’un caractère aigu imposeune démarche diagnostique rapide, la rechercheimmédiate de complications pouvant mettre en jeule pronostic vital, et une surveillance clinique etbiologique rapprochée. Le traitement comprendrades mesures symptomatiques, dont un éventuelrecours à l’épuration extrarénale, et des traitementsspécifiques.

■Diagnostic étiologique

L’insuffisance rénale aiguë (IRA), peut être définiepar une diminution du débit de filtrationglomérulaire, par une diminution de la clairance dela créatinine ou par une élévation de lacréatininémie, de façon rapide (en quelques heures àquelques jours) ou rapidement progressive (enquelques semaines). Ce diagnostic repose sur uneappréciation dynamique qui ne peut être évaluéequ’en présence de résultats antérieurs, voire surl’évolution ultérieure puisque 90 % des IRA sontréversibles. Même si le caractère chronique peut êtresuspecté sur une nycturie ancienne, une anémie,une hypocalcémie ou la présence de petits reins enéchographie, en l’absence d’antériorité sur lafonction rénale, tout résultat anormal de celle-ciimpose au médecin d’observer une démarchediagnostique et une surveillance permettantd’éliminer une aggravation aiguë.

L’augmentation du taux d’urée ou de la créatininecorrespond par ailleurs à un large intervalle devariation du débit de filtration glomérulaire. En casde malnutrition, de maladie hépatique associée, demasse musculaire faible ou chez un sujet âgé, une

faible variation de l’urée ou de la créatinine peutcorrespondre à une forte variation du débit defiltration glomérulaire.

En dernier lieu, on notera que la définition del’insuffisance rénale aiguë ne fait appel à aucuncritère de diurèse. Elle peut être à diurèse conservée( > 500 mL/24h), oligo-anurique (entre 100 et500 mL/24 h) ou anurique (diurèse < 100 mL/24 h).

Le diagnostic étiologique d’une insuffisancerénale aiguë est une urgence. Il s’appuie sur lecontexte clinique mais également, même sil’étiologie paraît évidente, sur des examensbiologiques et morphologiques indispensables. Enville, la cause est le plus souvent monofactorielleavec par ordre de fréquence l’IRA fonctionnelle(70 %), puis l’obstacle (17 %) et les atteintes toxiquesmédicamenteuses et infectieuses (11 %). Le taux demortalité reste de l’ordre de 15 %, variant suivantl’étiologie de l’IRA de 7 à 55 %, cependant meilleurque celui des IRA de recrutement hospitalier,volontiers multifactorielles (autour de 60 % demortalité). L’âge ne serait pas un facteur de mauvaispronostic, ce qui ne peut donc en faire un paramètrediscriminant en terme de prise en charge et detraitement.

Le diagnostic étiologique s’appuie sur quatreétapes qui doivent être menées dans un ordre précis.

‚ Première étape : rechercher un obstacle

L’obstacle urétral par hypertrophie prostatiquebénigne est le plus fréquent. Il peut également êtresecondaire à un phimosis serré ou à des valves del’urètre postérieur. L’obstacle vésical peut êtresecondaire à une vessie neurologique ou à la prised’anticholinergiques. L’examen clinique recherche

l’existence d’un globe vésical. Le toucher rectalpermet d’évaluer la prostate chez l’homme, lestouchers pelviens recherchent un processus tumoralpelvien chez la femme.

L’obstacle urétéral, soit bilatéral, soit unilatéral surrein unique (anatomique ou fonctionnel), soitunilatéral sur une insuffisance rénale préexistante,peut être secondaire à des lithiases, des caillots, unenécrose papillaire (notamment chez le patientdiabétique ou drépanocytaire, ou après prise dephénacétine), une tuberculose, une bilharziose, unemaladie de Wegener, un cancer des voies excrétricesou une compression extrinsèque (cancer siégeantdans le petit bassin, notamment cancer de laprostate et de l’utérus, abcès, fibrose rétropérito-néale, fibrose postradique ou ligature chirurgicaleaccidentelle).

Cliniquement, l’obstacle peut avoir un débutbrutal et bruyant, se manifestant par une douleur àtype de colique néphrétique ou de rétention aiguëd’urine et par une anurie dont le caractère fluctuantest évocateur d’obstacle. Il peut cependant êtretotalement asymptomatique si son installation estlente, et la diurèse est conservée s’il est incomplet. Lapalpation peut retrouver des reins augmentés devolume.

L’examen cytobactériologique des urines estsystématique à la recherche d’une infection urinaire.L’abdomen sans préparation recherche un lithiaseradio-opaque. L’échographie rénale affirme laprésence d’un obstacle devant la présence d’unedilatation des cavités pyélocalicielles et recherche sacause. L’urographie intraveineuse doit être évitéecar elle nécessite de fortes doses de produit decontraste iodé pour obtenir un néphrogramme dansce contexte d’insuffisance rénale qu’elle peut de plusaggraver. Le scanner sans injection peut permettrede retrouver la cause de l’obstacle. L’urétéro-pyélographie par voie rétrograde ou par ponctiondirecte en amont de l’obstacle, est courammentpratiquée au moment du geste de levée d’obstacle etpermet de faire l’évaluation précise de l’obstruction.

Toute IRA doit faire pratiquer uneéchographie rénale à la recherched’un obstacle. Cette étape estindispensable, même si le diagnosticétiologique paraît évident.

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Le geste de levée d’obstacle est une urgence car ilpermet, s’il est pratiqué rapidement, de récupérer leniveau de fonction rénale antérieure dans un délaibref. Il constitue une urgence vitale en cas d’infectiondes urines susjacentes, suspectée sur l’existenced’une fièvre et sur l’examen cytobactériologique desurines qui peut cependant rester stérile en aval del’obstacle. Des récupérations tardives restentpossibles même si l’obstruction a été durable.

‚ Deuxième étape :rechercher une cause fonctionnelle

Cette deuxième étape doit permettre dediagnostiquer une insuffisance rénale fonctionnelle(IRF). Celle-ci se produit secondairement à unehypoperfusion rénale et témoigne de la diminutionde la filtration glomérulaire. Les mécanismesd’adaptation de la perfusion rénale (vasodilatationde l’artériole afférente et vasoconstriction del’artériole efférente), permettent de maintenir unefiltration glomérulaire correcte jusqu’à une pressionartérielle systolique de 80mmHg. En deçà,l’hypoperfusion rénale induit une chute du débit defiltration glomérulaire et une insuffisance rénaleapparaît. Les mécanismes d’adaptation peuventcependant être plus rapidement dépassés en cas depathologie des artères rénales, de prise d’inhibiteursde l’enzyme de conversion ou d’anti-inflammatoiresnon stéroïdiens (AINS).

L’interrogatoire recherche des causes dedéshydratation extracellulaire, d’hypovolémieefficace, de vasodilatation systémique et recherchela prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)et d’AINS (tableau I). Tout état de choc peut parailleurs induire une IRF. L’examen clinique recherchedes signes d’hypovolémie (hypotension,hypotension orthostatique, tachycardie) associés àun pli cutané en cas de déshydratationextracellulaire.

Le ionogramme urinaire montre que la réponserénale est adaptée à l’hypoperfusion puisqu’ellelimite les pertes d’eau et de sel sous l’effet de lasécrétion d’angiotensine II et de vasopressine. Laconcentration des urines est maximale (osmolalitéurinaire > 500 mosm/L, densité urinaire > 1018) demême que la réabsorption sodée (natriurèse < 20mosm/L, Na/K urinaire < 1, fraction d’excrétion

sodée < 1 %). Cette réponse peut cependant ne pasêtre observée en cas d’insuffisance rénale chroniquepréexistante. L’ensemble des index urinairespermettant de distinguer l’IRF de l’insuffisance rénaleorganique est récapitulé dans le tableau II. Aucund’eux n’a une spécificité et une sensibilité absolue. Ilsdoivent être interprétés avant toute thérapeutiquesusceptible de les modifier tels que les diurétiques. Lafraction d’excrétion du sodium filtré serait l’index leplus sensible et le plus spécifique (environ 90 %).

Le sédiment urinaire ne comprend ni leucocytesni hématies. Il peut contenir des cylindrestransparents hyalins, faits de protéine deTamm-Horsfall.

Le remplissage par chlorure de sodium isotoniqueou soluté macromoléculaire constitue un véritabletest thérapeutique en montrant la réversibilitéquasi-immédiate de cette atteinte fonctionnelle. Ilpeut parfois nécessiter le monitorage des pressionscentrales.

‚ Troisième étape :suspecter une nécrose tubulaire aiguë

Ayant él iminé une insuffisance rénalefonctionnelle et un obstacle, nous sommes doncdans le cadre des insuffisances rénales intrinsèquesou parenchymateuses. La plus fréquente de cesatteintes est la nécrose tubulaire aiguë, lésion le plussouvent régressive, ne nécessitant habituellementpas d’exploration rénale plus approfondie,notamment histologique. Cette étape doit permettred’en faire le diagnostic de présomption qui est basésur des arguments liés au contexte, sur le sédimenturinaire, sur le bilan biologique et sur l’évolution.

Trois mécanismes plus ou moins associés sont àl’origine de la nécrose tubulaire aiguë (NTA) etpeuvent être évoqués selon le contexte.

Ischémie rénale secondaireà une hypoperfusion

Ce mécanisme est semblable à celui conduisant àl’insuffisance rénale fonctionnelle, la NTA n’étantque l’expression d’une hypoperfusion plus sévère ou

plus prolongée. Les causes sont donc identiques àcelles évoquées dans l’IRF, avec, en tout premier lieu,les états de choc.

L’ischémie peut également être secondaire à unevasoconstriction limitée intrarénale, associée à unehémodynamique systémique normale, mécanismeobservé dans la rhabdomyolyse, dans l’hémolyse,avec les produits de contraste iodés et laciclosporine.

Toxicité tubulaire

Le rein concentrant certains métabolites dans lamédullaire et dans les cellules épithéliales tubulaires,leur accumulation peut devenir néphrotoxique. Cettetoxicité est dose dépendante et est potentialisée parune ischémie rénale, un sepsis ou une IRC. Elle peutêtre secondaire à des médicaments (aminosides,produits de contraste iodés, acyclovir, pentamidine,amphotéricine B, cisplatine, ciclosporine), à unehémoglobinurie ou à une myoglobinurie.

L’IRA due aux produits de contraste iodésapparaît dans les 24 à 48 heures aprèsl’administration, avec un maximum entre letroisième et le cinquième jour. Une insuffisancerénale surviendrait après 10 % des examens avecinjection d’iode, et chez des patients ayant desfacteurs de risque reconnus : âge supérieur à 60 ans,IRC préexistante, hypovolémie vraie ou efficace au

Tableau I. – Causes des insuffisances rénalesaiguës fonctionnelles.

Déshydratation extracellulaire : par pertes digesti-ves (diarrhée, vomissements), par pertes cutanées(hyperthermie, mucoviscidose, brûlures), par per-tes urinaires (décompensation diabétique, hyper-calcémie, insuffısance surrénalienne, diabète insi-pide, diurétiques), troisième secteur (occlusionintestinale, pancréatite, péritonite), hémorragie

Hypovolémie effıcace : insuffısance cardiaque, in-suffısance hépatocellulaire, syndrome néphrotique

Etat de choc

Vasodilatation systémique : insuffısance hépatocel-lulaire, anaphylaxie

Médicaments : anesthésie, antihypertenseurs dontIEC, AINS

Tableau II. – Indices urinaires permettant de différencier l’insuffisance rénale fonctionnelle del’insuffisance rénale organique.

IR fonctionnelle IR organique

osmolalité urinaire (mosm/L) > 500 < 350

osmolalité U / P > 1,5 < 1

natriurèse (mmol/lL < 20 >40

natriurèse/kaliurèse < 1 > 1

Fe Na < 1 % > 1 %

urée U/P > 15 < 10

créatinine U/P > 40 < 20

Le traitement doit assurer lacorrection rapide de l’hémodynamiqueet de la perfusion rénale, le risqued’une hypoperfusion rénale prolongéeétant la survenue d’une nécrosetubulaire aiguë.

Les IEC et les AINS peuvent induireune NTA par ce mécanisme, enparticulier chez les sujets âgés, en casde prescription conjointe d’IEC,d’AINS et de diurétiques, en casd’hypovolémie vraie ou efficacepréexistante, en cas de sténose desartères rénales ou d’insuffisancerénale chronique (IRC) préexistante.Les IEC constituent la deuxième caused’IRA médicamenteuse. L’IRAsurvient typiquement de 1 à 14joursaprès le début du traitement et estrégressive dans 80 % des cas à sonarrêt. Sa survenue doit impérativementfaire pratiquer un doppler, voire uneartériographie des artères rénales, unesténose étant retrouvée dans environ50 % des cas.

5-0480 - Insuffisance rénale aiguë

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moment de l’administration, diabète, myélome,injection de doses élevées ou répétées de produitsde contraste iodés.

L’IRA secondaire aux aminosides et au cisplatinesurvient dans un délai de 7 à 10 jours. Lesaminosides restent la première cause d’IRAmédicamenteuse.

Obstruction intratubulaire

Elle peut survenir par précipitation de cristauxd’urate (hyperuricémie d’un déficit en hypoxanthineglutamine phosphoribosyltransférase ou d’unsyndrome de lyse tumorale), d’oxalate (oxalose ouintoxication à l’éthylène glycol) ou de chaîneslégères d’immunoglobulines (myélome).

Le sédiment urinaire de la nécrose tubulaire aiguëpeut retrouver des cylindres granuleux bruns, descylindres contenant des cellules tubulairesépithéliales et une hématurie microscopique. Laprotéinurie est de type tubulaire et inférieure à1g/24 h. L’électrophorèse des protéines urinairesrecherche une immunoglobuline monoclonale. Ladétection, à la bandelette urinaire, d’une hématurieen désaccord avec un compte cellulaire sanshématies, doit faire rechercher une hémoglobinurieou une myoglobinurie.

L’hémolyse sera confirmée par le dosage del’haptoglobine, de la bilirubine libre et deslacticodéshydrogènases (LDH). La rhabdomyolysesera confirmée par le dosage des créatinine kinases(CPK), de type MM, qui ont une toxicité tubulairepour une concentration supérieure à 10 000 UI/mL.La biologie permettra de même le diagnostic d’unehypercalcémie ou d’une hyperuricémie sévère.

L’évolution de la nécrose tubulaire aiguë est undes critères du diagnostic de présomption :

– phase initiale marquée par une chute du débitde filtration glomérulaire. Les mesures à viséenéphroprotectrice, mises en œuvre dès cette phase,peuvent permettre de limiter les lésions rénales ;

– phase de plateau d’une durée de deux à sixsemaines ;

– phase de récupération qui est spontanée et quipeut être marquée par une diurèse inadaptéecomme celle observée dans les syndromes de levéed’obstacle. Elle aboutit à une récupération totaledans 90 % des cas. Des anomalies tubulaires à typede trouble de l’acidification et du pouvoir deconcentration des urines peuvent persister, demême qu’une IRC séquellaire.

L’absence totale de récupération au-delà de laquatrième semaine doit faire reconsidérer lediagnostic de NTA et impose la réalisation d’unebiospsie rénale qui peut retrouver une nécrosecorticale irréversible. La récupération est souventplus tardive en cas d’IRC préexistante.

‚ Quatrième étape : poser l’indicationd’explorations invasives

Sortie du cadre de la NTA, l’origine de l’IRAintrinsèque peut être vasculaire, parenchymateuseinterstitielle ou glomérulaire. Ces étiologies sontrecherchées, soit parce que le contexte estdirectement évocateur (signes extrarénaux, contextevasculaire), soit parce qu’il existe un argumentfaisant douter du diagnostic de NTA (absence de

contexte évocateur, œdèmes, hypertensionartérielle, protéinurie supérieure à 1g/24 h, cylindresleucocytaires, hématurie macroscopique, absence derécupération dans un délai de 4 semaines). Ellesimposent des explorations complémentairesmorphologiques, immunologiques et histologiques.

Atteinte des gros vaisseaux

Elle peut être suspectée chez un patient ayant desfacteurs de risque vasculaire (diabète, hyperlipémie,tabagisme) ou des localisations athéromateusesavérées. L’examen clinique recherche des soufflessur les trajets vasculaires notamment sur le trajet desartères rénales. Cette cause d’IRA est enaugmentation, en particulier du fait du vieillissementde la population.

L’IRA peut être secondaire à une thrombose desartères rénales soit de nature athéromateuse, soitpar dissection de l’artère rénale sur fibrodysplasie ousecondairement à un cathétérisme de l’artère rénale.La thrombose peut également survenir dans uncontexte de traumatisme abdominal. Le doppler desartères rénales est l’examen de première intention. Ilpeut être de réalisation difficile chez le sujet obèse. Lediagnostic de certitude repose sur l’artériographie.

La diminution du débit de filtration glomérulaireapparaît pour une sténose supérieure à 70 % parfaillite des processus d’autorégulation du fluxsanguin rénal (vasodilatation artère rénale afférenteet vasoconstriction artère rénale efférente) et peut setraduire par une insuffisance rénale si le processusest bilatéral ou sur rein unique (anatomique oufonctionnel) ou sur IRC préexistante. Cette sténosepeut se révéler de façon aiguë après l’introductiond’un traitement antihypertenseur, tout particuliè-rement s’il s’agit d’IEC, ou au décours de tout épisoded’hypovolémie.

L’IRA vasculaire peut aussi être secondaire à unprocessus emboligène dont l’origine peut être untrouble du rythme, une pathologie valvulaire ou lecathétérisme d’une aorte abdominale athéroma-teuse. Le tableau d’embolie est volontiers plusbruyant, se manifestant par des douleursabdominales, une fièvre, des vomissements et peuts’associer à d’autres embolies systémiques.

Dans ce cadre, on peut individualiser la maladiedes embols de cholestérol, qui survient le plussouvent après un cathétérisme artériel dans un délai

de 3 à 8 semaines et sur un terrain athéromateux.Elle est favorisée par un traitement anticoagulant parhéparine. Elle peut se manifester de façon aiguë pardes myalgies, un livedo reticularis, une nécrose desorteils, des douleurs abdominales et une fièvre. Labiologie révèle une élévation de la vitesse desédimentation (100 % des cas), une hyperleuco-cytose, une hypereosinophilie (60 % des cas) et unehypocomplémentémie (30 % des cas). La protéinuriepeut être abondante. Le sédiment urinaire peutmontrer une hématurie microscopique. Le fond d’œilpeut retrouver des cristaux de cholestérol, de mêmeque la ponction biopsie rénale, toutefois non réaliséesi les critères cliniques et biologiques sont évidents.

La thrombose des veines rénales est plusrarement en cause dans la survenue d’une IRA. Elleest favorisée par un syndrome néphrotique, unegrossesse, un trouble de la coagulation (déficit enprotéine C, protéine S ou mutation du facteur V typeLeiden) ou une drépanocytose. Elle peut s’observeraprès un traumatisme lombaire ou abdominal, oupar envahissement tumoral. Elle peut se compliquerd’embolie pulmonaire. La taille des reins y estvolontiers augmentée.

Atteintes parenchymateusesLes causes par atteinte glomérulaire, associée ou

non à une atteinte des petits vaisseaux sontrécapitulées dans le tableau III. Elles peuvent êtresuggérées par un syndrome néphritique aigu, laprésence d’une protéinurie supérieure à 1 g/j, unehématurie faite de cylindres hématiques oud’hématies dysmorphiques et la présence de signesextrarénaux dans le cadre des vascularites.L’existence d’une protéinurie fera toutefois toujoursvérifier l’absence de chaîne légère d’immunoglo-buline. La ponction biopsie rénale est nécessaire audiagnostic et utile pour préciser le pronostic. Le bilanimmunologique comprend la recherche d’anticorpsanticytoplasme des polynucléaires (Wegener,polyangéite microscopique, glomérulonéphriteisolée à croissants), de facteurs antinucléaires (lupus),de cryoglobuline, d’anticorps antimembrane basaleglomérulaire (syndrome de Goodspature) et ledosage du complément. Le bilan infectieuxrecherche une origine post-streptococcique devenuerare. L’origine infectieuse est à présent volontierssecondaire à des germes plus variés (Staphylocoque,bacilles Gram négatif). Les foyers infectieux sont

Tableau III. – Causes des insuffisances rénales aiguës par atteinte glomérulaire ouglomérulovasculaire.

Atteinte glomérulaire Atteinte glomérulovasculaire

-glomérulonéphrite postinfectieuse -vascularites : maladie de Wegener, périartérite noueuse, micropoly-angéite microscopique, forme grave du purpura rhumatoïde

-maladies de système : lupus,Sjögren

-syndrome hémolytique et urémique par HTA maligne, sclérodermie,œstroprogestatifs, infections bactériennes (diarrhée à E.coli, shigelle,salmonelle), infections virales (coxsackie, echovirus, adénovirus,VIH), mitomycine, ciclosporine, grossesse

-cryoglobulinémies -hypertension artérielle maligne

-glomérulonéphrite à croissants

-syndrome de Goodpasture

-néphropathie VIH

Insuffisance rénale aiguë - 5-0480

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essentiellement buccodentaires, ORL, cutanés etpleuropulmonaires. L’infection par le virus del’immunodéficience humaine (VIH) peut par ailleursêtre responsable d’une atteinte glomérulairerapidement progressive de type hyalinosesegmentaire et focale avec collapsus glomérulaire(plus fréquente chez le sujet de race noire), atteintequi est relativement spécifique. Parmi les étiologiesde l’IRA du patient VIH, cette cause est cependantrare, l ’ IRA étant principalement d’originefonctionnelle ou médicamenteuse.

Les IRA par atteinte interstitielle s’appuientégalement sur un diagnostic histologique. Ellespeuvent être secondaires à un mécanismeimmunoallergique (pénicilline, amoxicilline,ampicilline, céphalosporine, AINS, furosémide,thiazidique, sulfamide), à une infiltration cellulaire(sarcoïdose, leucémie, lymphome), à une infectionparenchymateuse bactérienne (germe banal,légionnellose, leptospirose) ou virale (hantavirus).

L’origine allergique peut être évoquée sur un terrainallergique, une hyperéosinophilie et unehyperéosinophilurie (fig 1).

■Complications de l’insuffisance

rénale aiguë

Parallèlement à la conduite du diagnosticétiologique, la survenue d’une IRA impose la gestionurgente des complications métaboliques etviscérales qu’elle induit et une surveillance étroite enmilieu hospitalier. Ces complications peuvent êtreprésentes d’emblée et doivent être recherchées dèsque le diagnostic d’IRA est posé.

‚ Hyperkaliémie

L’hyperkaliémie doit être recherchée en urgencecar elle peut mettre en jeu le pronostic vital

immédiat. Elle est tout particulièrement à craindre enprésence d’une anurie, d’un hypercatabolismenotamment induit par un syndrome infectieuxsévère, en cas de rhabdomyolyse, d’hémolyse, desyndrome de lyse tumorale par libération depotassium intracellulaire ou quand il existe unhématome en voie de résorption ou un saignementdigestif. Elle peut également se développersecondairement à un hypoaldostéromisme (diabète,IEG) ou à des apports exogènes alimentaires,transfusionnels ou iatrogènes.

Elle impose la réalisation d’un électrocardio-gramme en urgence qui peut montrer des ondes Tpointues et symétriques, de grande amplitude, unallongement de l’espace PR et du QRS, le toutpouvant aboutir à des blocs de conduction auniveau auriculoventriculaire ou intraventriculaire,voire à une fibrillation ventriculaire. L’acidose etl’hypocalcémie potentialisent le risque de trouble deconduction.

Rechercher les complications mettant en jeu le pronostic vital immédiat :

hyperkaliémie, surcharge hydrosodée avec œdème aigu du poumon,surdosage médicamenteux

Éliminer systématiquement un obstaclepar une échographie rénale

Rechercher un facteur d'insuffisance rénale fonctionnelle sur le contexte clinique, confirmer le caractère fonctionnelpar des index urinaires et par la réversibilité rapide aprèsremplissage ou correction de l'hémodynamique par drogues inotropes

Dans le cadre des IRA parenchymateuses,examens biologiques : rechercher une hémolyse, une rhabdomyolyse, une chaîne légère de myélome, une hypercalcémie

Si contexte évocateur de NTA et protéinurie < 1g/24 h : pas d'exploration complémentaire sauf si évolution non favorable en quatre semaines (indication d'une ponction biopsie rénale)

Si contexte non évocateur de NTA, signes extrarénaux,contexte vasculaire, hypertension artérielle, œdèmes,protéinurie > 1g/24 h, leucocyturie, hématuriemascroscopique, éosinophilurie, éosinophilie : explorationscomplémentaires, en fonction du contexte.- Examens morphologiques vasculaires :(doppler des artères rénales, artériographie rénale)- Examens biologiques immunologiques(complément, facteurs antinucléaires, anticorps anti-DNA, anticorps antimembrane basale, anticorpsanticytoplasme des polynucléaires, cryoglobuline)- Examen histologique rénal

1 Arbre décisionnel

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‚ Surcharge hydrosodée

En cas d’oligo-anurie, une hyperhydratation leplus souvent à prédominance extracellulaire parrétention d’eau et de sel, peut survenir et secompliquer d’œdème aigu du poumon. Ce risqueimpose l’appréciation systématique de l’étatd’hydratation du patient en IRA et la gestion d’unbilan des entrées-sorties précis. Cette hyperhydra-tation est en effet fréquemment iatrogène,provoquée par des apports hydrosodés inadaptés.Elle est souvent accompagnée d’une hyponatrémie,reflet d’une hyperhydratation intracellulaire, du faitdu caractère généralement hypotonique desapports.

Le bilan des pertes hydriques comprend laquantification de la diurèse et l’appréciation despertes insensibles (de l’ordre de 12 mL/kg/j maispouvant être majorées par une hyperthermie, desvomissements ou une diarrhée). Le bilan des entréesdoit comporter l’évaluation des apports liquidiens,de l’eau contenue dans les aliments et de laproduction d’eau endogène qui est de l’ordre de 400à 500 mL/j.

La surveillance de l’état d’hydratation pourras’appuyer sur la surveillance journalière du poids, dela tension artérielle couché et debout, sur l’examenclinique à la recherche d’œdèmes déclives, decrépitants pulmonaires et de turgescence jugulaire etsur la natrémie.

‚ Syndrome urémique

La rétention des déchets azotés se manifeste pardes nausées, des vomissements, une anorexie, uneconfusion avec astérixis, myoclonies, hyper-reflexieostéotendineuse pouvant évoluer jusqu’au comaurémique ou une crise d’épilepsie. La survenue detroubles neurologiques doit toujours, dans cescirconstances, faire éliminer un trouble métabolique(hyponatrémie), un surdosage médicamenteux et unsymptôme neurologique pouvant être lié àl’étiologie de l’IRA (vascularite cérébrale, syndromehémolytique et urémique avec thromboseintracérébrale, accident vasculaire cérébral parembolie).

La vitesse d’ascension de l’urée est généralementde 8 à 10 mmol/L/24 h. Une élévation plus rapidepeut refléter une situation d’hypercatabolisme (foyerinfectieux, prise de corticoïdes), une hémorragiedigestive, un hématome en voie de résorption ouune lésion musculaire associée.

‚ Autres troubles métaboliques

Une acidose métabolique survient rapidement etde façon le plus souvent asymptomatique. Unedyspnée ample, sine materia, peut être observée.L’acidémie majore le risque de trouble du rythmecardiaque indui t par l ’hyperkal iémie etl’hypocalcémie, diminue la contractilité myocardiqueet diminue la réponse aux catécholamines, ce quipeut la rendre responsable de collapsuscardiovasculaire. Les signes neurologiques à type deconfusion, voire de coma, sont tardifs.

Une hyperphosphorémie apparaît par défautd’excrétion rénale et peut être majeure dans lessyndromes de lyse tumorale et les rhabdomyolyses

par libération de phosphate cellulaire. Elle s’associesecondairement à une hypocalcémie par déficit envitamine D active 1-25OH2D3 hydroxylée dans lerein et par précipitation phosphocalcique tissulaireen cas de produit phosphocalcique très élevécomme cela peut être observé dans la rhabdo-myolyse et le syndrome de lyse tumorale.

‚ Complications hématologiques

Une anémie se développe le plus souvent dansun délai rapide. Elle est d’origine multifactorielle :hémolyse, saignement, hémodilution, diminution dela durée de vie des hématies et diminution du tauxsanguin d’érythropoïétine synthétisée par le rein, quisurvient après 8 à 10 jours d’IRA.

Une thrombopathie et une hyperleucocytosepeuvent être observées.

‚ Complications infectieuses

Extrêmement fréquentes, elles compliquent de 50à 90 % des IRA et sont responsables de 30 à 70 %des décès. Ce taux important peut être expliqué parla fréquence élevée des gestes invasifs réalisés chezces patients et par un état d’immunodéficience dû àl’IRA. Leur localisation n’a pas de spécificité,l’infection pulmonaire et urinaire étant les plusfréquentes. Leur traitement impose l’adaptation desdoses d’antibiotique à élimination rénale et peutnécessiter le contrôle de leur taux sanguin. Lesaminosides seront évités dans la mesure du possible.

‚ Complications digestives

L’hémorragie digestive peut être secondaire à unulcère de stress ou à une gastrite diffuse dont lesaignement est favorisé par la thrombopathie. Cettecomplication semble justifier la prescriptionsystématique, chez un patient en IRA, d’antihistami-nique de type 2 à dose adaptée (½ dose) oud’inhibiteur de la pompe à protons.

‚ Malnutrition

Elle peut être rapide et retentir sur le pronosticvital. Elle est secondaire à l’anorexie, à unhypercatabolisme protidique induit par l’acidose etpar les maladies notamment infectieuses associéeset à une diminution de synthèse protéique.

Elle impose un apport calorique (1 500 à 2 000kCal/j) et protidique (1,2 à 1,5g/kg/j), adapté dès laprise en charge de l’IRA. Ce régime est nécessaire,même s’il peut majorer le syndrome urémique etimposer la prise en charge plus précoce en épurationextrarénale.

■Traitement

‚ Traitement symptomatique

Le traitement des complications constitue lapremière urgence dans la gestion d’un patient enIRA.

■ Surcharge hydrosodée : le traitementcomprendra des diurétiques de l’anse, typefurosémide à forte dose (jusqu’à 1 g/j), des dérivésnitrés pour améliorer la tolérance en cas d’œdème

aigu du poumon, et l’hémodialyse en urgence si laréponse aux diurétiques est insuffisante.

■ Hyperkaliémie : si des signes électrocardiogra-phiques existent, le traitement d’urgence repose surdes manœuvres à effet immédiat, sans modificationdu stock potassique, mais corrigeant le potentiel demembrane de la cellule myocardique ;

– soit en diminuant le potassium extracellulairepar transfert dans la cellule ; trois thérapeutiquespeuvent être employées dans ce sens :

– alcalinisation par injection de bicarbonate desodium isotonique ou semi-molaire, seulement sil’état d’hydratation du patient le permet ;

– injection par voie intraveineuse d’insulineconjointement à du sérum glucosé à raison de 1 UId’insuline ordinaire pour 5g de glucose, soit parexemple 30UI d’insuline pour 500 mL de G 30 % ;

– administration de bêta-2-stimulant tel que lesalbutamol, soit par voie intraveineuse, soit par voienasale, surtout utilisée en pédiatrie ;

– soit en contrebalançant l’effet de l’excès depotassium par du calcium (10 à 20 mL de gluconatede calcium à 10 % en intraveineux lent). Cettemesure ne doit toutefois pas être appliquée aupatient sous digitalique.

Ces thérapeutiques n’ont qu’un effet temporaireet devront être rapidement suivies de mesures visantà diminuer le stock potassique : résines échangeusesde cations type Kayexalate (15 à 90 g/j par voieorale ou 60 à 100 g par lavement) et hémodialyseen urgence.

En l’absence de modification électrocardiogra-phique, l’hyperkaliémie peut être traitée par desrésines échangeuses de cations type Kayéxalate sielle est inférieure à 7,5 mmol/L. Dans le cascontraire, l’hémodialyse en est le meilleur traitement.

■ Quelle que soit l’étiologie de l’IRA, un facteurhémodynamique susceptible d’aggraver l’évolutionsera corrigé, et les médicaments néphrotoxiquesseront arrêtés.

La nécessité d’une épuration extrarénale doit êtrediscutée et s’impose devant :

– un taux d’urée supérieur à 40 mmol/L ;– une créatininémie supérieure à 1000 µmol/L ;– un retentissement clinique du syndrome

urémique : signes neurologiques, vomissements,syndrome hémorragique ;

– une hyperkaliémie supérieure à 7,5 mmol/L ouquel que soit le taux s’il existe des signesélectrocardiographiques ;

– une surcharge hydrosodée résistante auxdiurétiques ;

– une acidose avec un pH plasmatique inférieur à7,20.

Enfin, la prise en charge doit comprendre unapport nutritionnel correct et un traitementanti-ulcéreux préventif par antihistaminique de type2 ou inhibiteur de la pompe à protons. Lasurveillance du bilan entrées-sorties, la surveillanceclinique et la surveillance biologique serontrapprochées, pluri-quotidiennes.

‚ Traitements étiologiques spécifiques

L’insuffisance rénale fonctionnelle régresse aprèscorrection de la perfusion rénale, qui doit se fairedans un délai rapide, le risque d’une correction trop

Insuffisance rénale aiguë - 5-0480

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tardive étant la survenue d’une nécrose tubulaireaiguë. La correction d’une hypovolémie se fera enhospitalisation, par voie intraveineuse, à base dechlorure de sodium isotonique ou de solutémacromoléculaire, sous surveillance clinique de latension artérielle, de la diurèse, des signes desurcharge et sous surveillance biologique auminimum quotidienne.

L’IRA sur obstacle impose un geste de levéed’obstacle en urgence.

L’IRA vasculaire peut nécessiter un geste enurgence en cas d’atteinte des gros vaisseaux(radiologie interventionnelle ou chirurgie).

Les glomérulonéphrites peuvent être du recoursdes corticoïdes, du cyclophosphamide, voire deséchanges plasmatiques.

La nécrose tubulaire aiguë n’a pas de traitementspécifique et régresse spontanément dans 90 % descas. Les diurétiques de l’anse peuvent cependantpermettre de rétablir une diurèse ce qui facilite laréanimation hydro-électrolytique. Ils agissentégalement en augmentant la perfusion rénale, enlevant l’obstruction tubulaire et en diminuant laconsommation d’acide adénosine triphosphorique(ATP) et d’oxygène par les cellules tubulairesischémiées (par inhibition des transports ioniques).La dopamine, à faible dose, augmente également la

perfusion rénale mais son utilité est contestée.Aucun de ces traitements n’a, par ailleurs, démontréun bénéfice en terme de mortalité.

‚ Traitement préventif

Les principaux médicaments néphrotoxiques sonténoncés dans le tableau IV.

Toute prescription potentiellement néphro-toxique impose le respect de quelques règles :

– être précédée de l’évaluation du terrain. Lespersonnes à risque d’IRA sont les personnes âgées,les patients diabétiques, les patients insuffisantsrénaux chroniques, les porteurs d’un myélome, lespatients ayant une pathologie cardiovasculaire et les

patients sous ciclosporine. La prescription doit êtreremise en cause sur de tels terrains ;

– être précédée de l’optimisation de lafonction cardiaque et du volume intravasculaire.En effet, la déplétion potentialise l’effet toxique.Ceci est tout particulièrement vérifié pour laprescription d’examens avec injection de produitde contraste iodé, pour la prescriptiond’aminosides, d’IEC, d’AINS ou de vasodilatateurs.Dans le cas d’un examen avec injection deproduits de contraste iodés, une hydratation pareau de vichy (1L dans la journée précédantl’examen, 1L dans les 12 heures suivantl’examen) est recommandée ;

– être adaptée à la fonction rénale. Le risquenéphrotoxique des aminosides est, par ailleurs,diminué par une prescription en prise journalièreunique ;

– éviter l’association de plusieurs médicamentsnéphrotoxiques ;

– être suivie d’une surveillance de la fonctionrénale.

Le respect de ces quelques régles pourraitdiminuer l’incidence des IRA médicamenteuses,action préventive essentielle dans une pathologiequi garde un taux de mortalité élevé.

Lucille Mercadal : Interne des hôpitaux de Paris.Franck Martinez : Ancien chef de clinique-assistant.

Thierry Petitclerc : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Mercadal, F Martinez et T Petitclerc. Insuffısance rénale aiguë.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0480, 1998, 6 p

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Tableau IV. – Principaux médicaments pou-vant être responsables d’IRA par mécanismefonctionnel ou toxique

Mécanisme fonctionnel Mécanisme toxique

IEC aminosidesAINS produits de contrasteciclosporine iodés

AINSamphotéricine Bcisplatineciclosporine

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Insuffisance rénale chronique

A Baumelou

L ’insuffisance rénale chronique est une maladie générale. Ses deux grandes causes sont le diabète sucré et lesnéphropathies vasculaires chroniques. L’âge des patients augmente progressivement et, à la première dialyse,

ils ont en moyenne plus de 60 ans. Le dépistage, la quantification et le suivi du déficit fonctionnel rénal reposent enpratique sur une correcte interprétation de la créatininémie. Dès que le débit de filtration glomérulaire est amputé deplus de 50 %, il faut activement traiter le patient : prendre toutes les mesures pour essayer de ralentir la vitesse dedégradation de cette insuffisance rénale, assurer un bon contrôle de l’homéostasie et protéger les deux grandsorganes menacés, les systèmes cardiovasculaire et ostéoarticulaire. Les techniques de traitement de l’insuffisancerénale terminale sont l’hémodialyse, la dialyse péritonéale et la transplantation rénale. La combinaison si besoin deces traitements assure des survies très prolongées, plus de 30 ans maintenant. Ce sont des facteurs extrarénaux quimodulent la survie : l’âge et surtout les maladies générales associées comme le diabète et les maladiescardiovasculaires. Tous les efforts doivent converger vers une meilleure définition des groupes à risque d’insuffisancerénale, une détection plus précoce de la maladie dans ces groupes et une meilleure prévention.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : néphropathie diabétique, insuffisance rénale chronique, hémodialyse, dialyse péritonéale,transplantation rénale, érythropoïétine, ostéodystrophie rénale.

■Introduction

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est unemaladie générale résultant de la perte du contrôlenormal de l’homéostasie secondaire à la réductionnéphronique. L’insuffisance rénale chronique aboutitprogressivement à la perte des libertés métaboliquesqu’apporte à l’homme un rein sain.

■Épidémiologie

Cent dix nouveaux patients par milliond’habitants arrivent annuellement en France auterme de l’évolution d’une IRC, et sont pris en chargepour un traitement par dialyse de suppléance outransplantation rénale. Les principales tendancesévolutives concernant l’épidémiologie desnéphropathies chroniques en France au cours des20 dernières années sont :

■ une progression permanente et importante dunombre de néphropathies diabétiques (surtout chezles patients atteints de diabète non insulinodé-pendant) et des néphropathies d’origine vasculaire(néphroangiosclérose) ;

■ une forte diminution de certaines variétés deglomérulonéphrites chroniques primitives, enparticulier les glomérulonéphrites membranoprolifé-ratives. En revanche, les glomérulonéphriteschroniques à dépôts d’immunoglobulines (Ig)A

(maladie de Berger) sont les plus fréquemmentobservées dans plusieurs études régionalesfrançaises ;

■ une diminution de certaines variétés denéphropathies interstitielles chroniques, telles cellessecondaires à des uropathies malformatives (grâce àune détection et à des traitements plus précoces desanomalies anatomiques congénitales ou acquises,en particulier chez l’enfant), ou à une intoxicationchronique par les analgésiques.

■Réduction néphronique :

une maladie progressive

Chaque rein est constitué d’environ un million denéphrons, unité fonctionnelle associant en série uneunité de filtration, le glomérule et une unitéd’adaptation, le tubule. L’insuffisance rénalechronique est définie comme une diminutionimportante et irréversible du nombre de néphronsfonctionnels.

Le déficit fonctionnel rénal ne devientbiologiquement patent que lorsque près des deuxtiers du parenchyme rénal sont détruits. Mais, en IRC,les néphrons sains restants continuent à assurerl’équilibre entre les entrées dans l’organisme et lessorties. Ce n’est qu’en insuffisance rénale aiguë oudans la phase toute terminale de l’IRC que l’équilibren’est plus assuré, mettant en jeu à court terme la viedu malade.

Pour assurer le maintien de l’équilibre, tous lesnéphrons restants adoptent un fonctionnement

différent de celui qu’ils assuraient lorsque la fonctionrénale était normale. Cette théorie du néphron sain(NS Bricker, 1969) ne signifie pas que les néphronssont ou totalement sains ou totalement détruits,mais souligne que chaque néphron restant est« conscient » de l’amputation de la massenéphronique, et s’y adapte pour maintenir l’équilibreentre les entrées et les sorties de l’organisme.

Par l’observation clinique, on sait que dans de trèsnombreux cas l’IRC s’aggrave inéluctablement. Cettedétérioration est souvent progressive. La perte dedébit de filtration glomérulaire (DFG) est, eninsuffisance rénale avancée, de l’ordre de0,25 mL/min/1,73 m2 par mois. Cette détériorationprogressive de la fonction rénale est liée, pourcertains auteurs, à une lésion des glomérulesrestants par un fonctionnement hémodynamiqueanormal.

Les bases de cette théorie hémodynamique sontexpérimentales. Chez le rat ou le chien, unedestruction parenchymateuse rénale très étendueentraîne l’apparition d’une pathologie sur le reinrestant, associant protéinurie abondante riche enalbumine, hypertension artérielle, insuffisance rénalerapidement progressive, le tout conduisant au décès.L’examen anatomopathologique révèle l’aspectd’une hyalinose segmentaire et focale (HSF). Cettemaladie rénale progressive est aggravée par unrégime riche en protéines, l’effort musculaire ; ellesest améliorée par un régime pauvre en protides, lesinhibiteurs du système rénine-angiotensine, untraitement par l’héparine ou la warfarine.

Cette théorie (B Brenner, 1980) repose sur laconstatation expérimentale, au niveau des néphrons

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restants, d’une augmentation du débit capillaireglomérulaire, du gradient de pression hydraulique àtravers la membrane basale et du débit de filtrationglomérulaire par glomérule. Ces anomalieshémodynamiques sont corrigées ou améliorées parun régime pauvre en protides, par l’administrationd’inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

On cherche néanmoins des preuves cliniquesirréfutables de ce phénomène. La détériorationprogressive de la fonction rénale n’est pasobligatoire au cours des néphropathies. On a décritde nombreuses pathologies qui pourraient illustrerce phénomène : hyalinoses segmentaires et focalesde l’agénésie rénale unilatérale au décours denéphrectomie unilatérale, mais rien ne prouve que laréduction néphronique et les phénomèneshémodynamiques soient en cause. Avec un recul deplus de 20 ans, on n’observe d’ailleurs aucunepathologie rénale grave chez les donneurs vivantsde rein en vue de transplantation.

En revanche, il est bien démontré que certainsinhibiteurs de l’enzyme de conversion ralentissent lavitesse de détérioration de la fonction rénale aucours de la néphropathie diabétique et de certainesnéphropathies abondamment protéinuriques.

■Autres facteurs

de la détérioration progressive

de la fonction rénale

L’hypertension artérielle systémique est lefacteur majeur de la détérioration. Elle agit peut-êtred’ailleurs aussi par la création d’une hypertensioncapillaire glomérulaire.

Le sexe des patients : dans de nombreusesnéphropathies glomérulaires, le sexe masculin estun facteur aggravant.

L’abondance de la protéinurie : plus laprotéinurie est abondante, plus la détérioration estrapide.

L’hyperlipidémie : des dépôts mésangiaux delipides circulants peuvent également être en cause.La HSF serait une maladie de surcharge dumésangium glomérulaire, comme l’athérosclérosel’est à la paroi artérielle.

Des dépôts interstitiels de sels de calcium du faitdes troubles du métabolisme phosphocalcique, oudes dépôts d’urates peuvent être des facteursaggravants.

La survenue de microthromboses au niveau descapillaires glomérulaires sur les néphrons restants aaussi été évoquée : dans certains modèles deréduction néphronique, les antiprothrombiques oul’héparine ralentissent la vitesse de détérioration dela fonction rénale.

L’hyperactivité sympathique observée chezcertains patients peut jouer un rôle.

Des facteurs cliniques comme la persistance oula récidive de la maladie rénale initiale, desanomalies de l’hémodynamique générale tels uneinsuffisance cardiaque ou un état de choc, unobstacle des voies excrétrices, une infection urinairehaute, une toxicité médicamenteuse sontsusceptibles d’aggraver brutalement le cours évolutifde toutes les néphropathies.

■Prise en charge

L’examen clinique et les examens complémen-taires chez un patient atteint d’IRC ont plusieurs

object i fs qui déterminent les modal i tésthérapeutiques.

Préciser le degré du déficit de la fonction rénaleest indispensable pour définir les traitementsnécessaires et adapter les posologies desmédicaments.

Le déficit rénal est apprécié par la mesure du DFG.L’appréciation correcte du DFG n’est pas simple. Laclairance de la créatinine exige un recueil correct desurines de 24 heures. Elle surestime le DFG, surtout eninsuffisance rénale sévère. Certains proposentd’apprécier le DFG en insuffisance rénale par lamoyenne des clairances de la créatinine et de l’urée.À défaut, notamment chez les sujets âgés, la valeurde la créatinine plasmatique, en tenant compte de lamasse musculaire, du sexe et de l’âge, constitue uneapproximation du DFG suffisante en clinique. Laclairance de la créatinine (C Cr) est donnée par laformule de Cockcroft et Gault :

C cr (mL/min) = [(140 - âge (années)] × poids (kg) /0,814 × créatininémie (µmol/L)

Pour la femme, il faut multiplier le résultat par0,85.

La terminologie utilisée pour décrire les différentsstades de l’IRC est très variée. Nous rapportons dansle tableau I celle adoptée tout récemment par laNational Kidney Foundation. Sur le plan pratique,deux paliers sont importants :

■ lorsque la clairance est inférieure à 40 mL/min,l’insuffisance rénale chronique est encorecompatible avec un état clinique satisfaisant, maisjustifie une prise en charge thérapeutique propreafin d’éviter les désordres hydroélectrolytiques,acidobasiques ou phosphocalciques ;

■ lorsque la clairance de la créatinine estinférieure à 10 mL/min, la mise en œuvre destraitements substitutifs est très rapidementnécessaire.

Affirmer le caractère chronique de cetteinsuffisance rénale a pour but d’éliminerrapidement une insuffisance rénale aiguë dontl’arbre diagnostique est totalement différent et laprise en charge beaucoup plus urgente.

Un interrogatoire bien conduit retrouve le plussouvent dans les antécédents des faits cliniques oubiologiques pouvant faire suspecter le caractèreancien de l’insuffisance rénale. L’examen essentielpour étayer le caractère chronique d’une insuffisancerénale est la radiographie simple de l’arbre urinaire,complétée par l’échographie et éventuellement pardes tomographies. Une diminution nette de la tailledes reins affirme la chronicité de l’insuffisance rénale.

Définir si possible la nature anatomoclinique dela néphropathie causale permet d’envisager des

traitements étiologiques et peut avoir desincidences pronostiques ultérieures en dialyse ettransplantation.

Parfois, les éléments de ce diagnostic sontfacilement regroupés :

■ l’IRC se situe dans le cadre d’une maladiegénérale, du type diabète ou lupus, ou évolue dansun contexte familial (polykystose, syndromed’Alport) ;

■ il existe une protéinurie abondante ancienneavec une atrophie des reins, très en faveur d’uneglomérulonéphrite chronique ;

■ on a la notion d’antécédents urologiques avecune dilatation des voies urinaires, une asymétrie desombres rénales qui plaident en faveur d’unepyélonéphrite chronique ;

■ une hypertension artérielle, non ou malcontrôlée, avec un retentissement cardiaque ourétinien, est en faveur d’une néphroangiosclérose.

Mais il est des cas plus difficiles où des élémentsépars ne permettent pas de conclure. À ce stade, labiopsie rénale n’est en général plus indiquée. Elle nemontrerait plus que des lésions fibreuses nonspécifiques. Elle est dangereuse sur des reins petits etchez des patients hypertendus avec tendance ausaignement. Ceci explique que la néphropathie resteinclassable dans 15 à 20 % des cas.

Il faut également toujours rechercher un facteurrécent d’aggravation dont le traitement proprepermettrait de revenir à la fonction rénaleantérieure.

L’administration antérieure de médicamentspotentiellement néphrotoxiques est une des causesmajeures de détérioration. L’aggravation peut êtrefonctionnelle et alors rapidement réversible(diurétiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens,inhibiteurs de l’enzyme de conversion), elle peut êtreorganique, lentement ou peu ou pas réversible(produits de contraste iodé, aminoglycosides,certains anticancéreux, le calcium et les dérivés de lavitamine D). Les autres facteurs d’aggravation de lafonction rénale sont détaillés dans le paragrapheprécédent.

Pour apprécier le retentissement sur l’orga-nisme de cette IRC, il faut à ce stade porterl’attention à trois grands systèmes : l’étatcardiovasculaire, l’équilibre phosphocalcique etl’anémie (cf infra).

Enfin, il faut apprécier le rythme évolutif de cetteinsuffisance rénale. Cela a deux conséquencespratiques : mieux préciser le pronostic pour lemalade et sa famille, mieux prévoir la date dutraitement de suppléance ultérieure. Ce rythmeévolutif de l’IRC est variable d’un cas à l’autre. Il esten partie défini par le type anatomoclinique de la

Tableau I. – Niveaux de la fonction rénale en insuffisance rénale. D’après K/DOQIt Chronic Kid-ney Disease. Clinical Practice Guidelines © 2001. National Kidney Foundation, Inc.

Niveau Description DFG (mL/min/1,73 m2

1 Atteinte rénale > 90

2 Diminution minime de la fonction rénale 60-89

3 Diminution modérée de la fonction rénale 30-59

4 Diminution sévère de la fonction rénale 15-29

5 Insuffısance rénale terminale < 15 ou traitement substitutif

DFG : débit de filtration glomérulaire.

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néphropathie. On oppose l’évolution rapide decertaines glomérulopathies sur 5 ans, à l’évolutionplus lente des polykystoses sur 15 à 20 ans. Lanéphropathie diabétique peut avoir une évolutionextrêmement rapide. Ce rythme n’est bien préciséqu’avec un suivi au long cours du patient, et denombreux travaux insistent sur les bénéfices d’uneprise en charge spécialisée précoce de l’IRC.

■Traitement de l’insuffisance

rénale chronique

Le traitement de l’IRC avant le stade terminal atrois objectifs : ralentir si possible la vitesse dedétérioration de la fonction rénale, assurer demanière symptomatique les grands équilibresmétaboliques, prévenir les complicationssecondaires de l’insuffisance rénale.

‚ Ralentir la vitesse de détériorationde la fonction rénale

Cette action est basée sur trois éléments.

Régime hypoprotidique

Au cours des 100 dernières années, l’effet de larestriction protidique sur l’évolution de la fonctionrénale a été le sujet le plus débattu en néphrologie.

Chez le patient non diabétique, plusieurs essaisprospect i fs t rouvent une tendance nonstatistiquement significative à un effet positif, et lesméta-analyses sont plutôt en faveur d’une réductionmodérée du risque d’insuffisance rénale terminaleou de décès. L’effet est aussi formulé comme unralentissement de la vitesse de détérioration de lafonction rénale. Les effets bénéfiques sont plus clairsau cours de la néphropathie diabétique.

Dans l’essai MDRD (Modification of Diet in RenalDisease), si l’on prend comme groupe-contrôle lespatients soumis à un régime à 1,3 g protides/kg/j, etdont l’objectif tensionnel est une pression artériellemoyenne (PAm) de 107 mmHg, le temps moyenpour passer d’à peu près 40 à 5 mL/min est de8,2 ans, soit une vitesse de détérioration de lafonction rénale de 4,1 mL/min/an. Le régime à 0,6fait gagner 1 an sans dialyse [5].

Si l’efficacité est donc vraisemblable, l’applicabilitéest discutable. Le suivi de ces régimes par les patientssur de longues périodes est exigeant. Des unitésdiététiques très spécialisées sont indispensables. Ellesdoivent vérifier par le carnet diététique l’absence dedérive. Surtout, elles doivent vérifier que l’apportcalorique reste adapté, car le risque majeur est unebaisse progressive des apports caloriques.

Dans la pratique actuelle de la communauténéphrologique française, un régime à 0,8 g deprotides/kg/j est habituellement prescrit. Il a un effetbénéfique sur les anomalies métaboliques (cf infra). Ila sans doute pas ou très peu d’effet sur ladétérioration de la fonction rénale.

Contrôle de l’hypertension artérielle

Il est en pratique clinique beaucoup plus efficaceque la restriction protidique.

Son effet sur la vitesse de détérioration de lafonction rénale est quantitativement du même ordreque la restriction protidique. Dans l’essai MDRD, sil’on prend comme groupe-contrôle les patientssoumis à un régime à 1,3 g protides/kg/j, et dontl’objectif tensionnel est une PAm de 107 mmHg, le

temps moyen pour passer d’à peu près 40 à5 mL/min est de 8,2 ans, soit une vitesse dedétér iorat ion de la fonct ion rénale de4,1 mL/min/an. Le choix d’un objectif tensionnel à92 mmHg fait gagner 1,2 an [5].

Dans une méta-analyse des essais d’une duréed’au moins 3 ans au cours de la néphropathie dudiabète non insulinodépendant, baisser la pressionartérielle moyenne de 108 à 98 mmHg fait passer lavitesse de détérioration de la fonction rénale de 6,5à 2 mL/min et par an.

Il est difficile de définir avec précision l’objectiftensionnel. Celui-ci est d’autant plus bas que laprotéinurie est abondante. La recommandationsuivante est basée sur les quelques essaisprospectifs, dont notamment l’essai MDRD : chez despatients dont le DFG est compris entre 55 et15 mL/min, l’objectif tensionnel serait de 130/80(PAm de 98) lorsque la protéinurie est inférieure à1 g/j, et de 125/75 (PAm de 92) lorsque laprotéinurie est supérieure à 1 g/j [2].

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Les effets bénéfiques propres de la baissetensionnelle et de l’usage d’un inhibiteur del’enzyme de conversion (IEC) sont encore très maldéfinis. Néanmoins, avec l’objectif de la protectionnéphronique, tout concorde pour privilégier l’usagedes IEC versus le traitement antihypertenseurconventionnel et notamment les bêtabloqueurs. Unbénéfice sur la vitesse de détérioration de la fonctionrénale a été démontré avec quatre IEC : captopril,bénazépril, ramipril, énalapril. L’effet a été démontréau cours de la néphropathie diabétique de type I

(captopril), de type II (ramipril) et de néphropathiesnon diabétiques (bénazépril, énalapril et ramipril).

Les effets antihypertenseurs et antiprotéinuriquesdes antagonistes des récepteurs de l’angiotensine IIsont bien démontrés. Deux larges essais cliniquesmenés avec le losartan et l’irbésartan démontrentque ces médicaments ont un effet bénéfique sur lecours évolutif de la néphropathie diabétique de typeII.

Avec tous les anti-angiotensine II, il faut surveillerla créatininémie et la kaliémie en début detraitement puis régulièrement.

Face aux données importantes de la littératureconcernant IEC et protection rénale, les donnéesconcernant les inhibiteurs calciques dans cetteindication sont pauvres. Quelques essais tendent àmontrer un effet de protection rénale pour lesinhibiteurs calciques non dihydropyridiniques :diltiazem et vérapamil. Cet effet serait cumulatif aveccelui des IEC. Dans la pratique, les inhibiteurscalciques (dihydropyridiniques à demi-vie longue ounon dihydropyridiniques) sont utilisés chez cespatients essentiellement pour un meilleur contrôlede l’hypertension artérielle (HTA).

‚ Assurer de manière symptomatiqueles grands équilibres métaboliques

Rétention azotée

L’IRC a été longtemps assimilée à la simpleaccumulation dans l’organisme des déchets dumétabolisme azoté : urée, créatinine, acide urique,phosphates, sulfates, et nombreux autres indosés.

Modalités pratiques de prescription du régime hypoprotidique.La réduction de l’apport en protéines a pour but de « diminuer le travail de filtrationdes néphrons restants » : un apport de 0,8 g à 1 g de protides/kg/j est conseillé. Lerégime hypoprotidique participe aussi à un meilleur contrôle de l’hyperazotémie, del’acidose, de l’hyperphosphorémie.Il ne faut pas descendre au-dessous d’un apport de 0,6 g de protides/kg/j sanssupplémentation d’acides aminés ou de leurs cétoanalogues. L’apport calorique doitrester supérieur à 30 kcal/kg/j ; 50 % de l’apport en protéines doivent être d’origineanimale.Les équivalences du contenu en protéines de quelques aliments sont donnéesci-dessous.10 g de protéines sont contenus dans :✔ 50 g de viande de boucherie : veau, bœuf, porc, mouton, cheval ;✔ 50 g de volaille : poulet, canard, oie, pintade, pigeon, caille ;✔ 50 g de lapin ;✔ 50 g abats : foie, cervelle, cœur, rognon ;✔ 50 g de poisson d’eau de mer et d’eau douce ;✔ 1 œuf entier.5 g de protéines sont contenus dans :✔ 150 mL de lait entier ;✔ 1 yaourt nature, aux fruits, aromatisé ;✔ 2 petits-suisses de 30 g ;✔ 70 g de fromage blanc battu = 150 g de Fjord ;✔ 1 Yopi = 1 Dany = 1 coupe viennoise = 100 g Danette ;✔ 20 g de gruyère = 1 crème gruyère = 1/8 de camembert.5 g de protéines sont contenus dans :✔ 65 g de pain :✔ 50 g de biscottes (cinq moyennes) ;✔ 250 g de pommes de terre ;✔ 50 g de pâtes (avant cuisson) ;✔ 60 g de riz (avant cuisson).

Insuffisance rénale chronique - 5-0550

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Certains de ces déchets se comportent par ailleurscomme des acides, et sont la cause de l’acidose deréduction néphronique.

Un régime hypoprotidique modéré à 0,8 g deprotides par kilo de poids corporel est un élémentfondamental de la tolérance digestive à l’urémie, ducontrôle métabolique et surtout de l’épargne en denombreux médicaments : bicarbonates, allopurinol,complexants du phosphore.

Homéostasie du sel

La réduction néphronique per se n’induit pas detrouble de l’excrétion sodique, sauf à un stade trèsavancé de l’insuffisance rénale où il est habituel dedébuter la dialyse.

De nombreuses circonstances associées peuventen revanche constituer l’indication d’un régime peusalé : hypertension artérielle, insuffisance cardiaque,syndrome néphrotique. Les sels diététiques deremplacement à base de chlorure de potassium nedoivent pas être utilisés.

Dans de rares cas, la néphropathie peut entraînerune perte obligatoire de sel. Ce sont en particulier lespolykystoses et les néphropathies interstitielleschroniques. Dans ces cas, il est indispensable desurveiller attentivement la créatininémie en début derégime peu salé.

Homéostasie de l’eau

Pour des insuffisances rénales modérées, il existedéjà un trouble de concentration des urines. Entémoignent la polyurie et la nycturie de ces patients.En insuffisance rénale sévère, un trouble de ladilution s’y associe. Il est habituel de conseiller à cespatients de boire à leur soif. Il n’y a pas d’indicationpour la restriction hydrique ni pour la cure dediurèse.

Acidose

Une acidose métabolique est courammentobservée. Elle est liée directement au défaut detampon urinaire lié à la réduction néphronique : c’estune acidose dite de réduction néphronique à trouanionique élevé. Elle peut être liée aux lésionstubulaires pratiquement constantes en réductionnéphronique : c’est une acidose tubulaire à trouanionique normal. Les anomalies sont souventmixtes et une caractérisation exacte n’a pas d’intérêtpratique.

La surveillance régulière des bicarbonatesplasmatiques est capitale dans le suivi de cespatients. Il est bien démontré qu’un taux debicarbonates inférieur à 24 mmol/L de manièrechronique est délétère : d’une part l’acidosechronique a sans doute un effet antianabolique etest un facteur de dénutrition à long terme, d’autrepart elle sollicite les tampons osseux, favorisel’ostéomalacie et va participer à terme à laconstitution de l’ostéodystrophie.

Le traitement le plus courant est la supplémen-tation en bicarbonate de soude, soit sous formed’eau de Vichy qui apporte 60 mmol de CO3H-/L, soitsous forme de poudre, une cuiller à café de 5 gapportant la même quantité. Un apport quotidien de15 à 30 mmol est habituellement suffisant. La baissede la ration alimentaire en protides diminue aussi lacharge acide et facilite le contrôle de l’acidose.Peuvent également constituer des élémentsfavorables les sels alcalins de calcium, gluconate enparticulier, le furosémide.

Hyperkaliémie

Sont à risque d’hyperkaliémie les insuffisantsrénaux, les sujets âgés et les diabétiques.

La première cause d’hyperkaliémie chezl’insuffisant rénal chronique est l’acidosemétabolique non contrôlée, et le traitement del’hyperkaliémie est celui de l’acidose.

La seconde cause est un effet latéral d’unmédicament. Le tableau II donne la liste de cessubstances à risque chez ces patients. Pour deshyperkaliémies modérées, l’arrêt du médicament estsuffisant.

‚ Prévention et traitementdes manifestations viscérales de l’IRC

Morbidité cardiovasculaire

Le patient insuffisant rénal chronique présente untrès haut risque cardiovasculaire. Dans l’étuderécente HOPE (Heart Outcomes PreventionEvaluation) étudiant des hommes et des femmes deplus de 55 ans à haut risque vasculaire (défini soitpar une maladie vasculaire connue soit par undiabète associé à un autre facteur de risquecardiovasculaire), la mortalité cardiovasculaire est de19 pour 1 000 patients suivis 1 an lorsque lacréatininémie est inférieure à 125 µmol/L, et de 35lorsque la créatininémie est comprise entre 124 et265 [6].

Ce risque élevé est sans doute lié aux facteurs derisque cardiovasculaires usuels : tabac, hypertensionartérielle, troubles lipidiques. Mais des troubles liés àl ’état urémique sont aussi décr i ts : uneinsulinorésistance, le syndrome inflammatoire, lescalcifications vasculaires, le stress oxydant,l ’é lévat ion de l ’homocysté ine , l ’hyper -parathyroïdisme.

Il n’existe actuellement aucune preuveépidémiologique permettant d’affirmer que l’actionsur ces facteurs de risque se soldât par unediminution de la morbidité cardiovasculaire.Néanmoins certaines mesures paraissent évidentes.L’arrêt du tabac chez le patient insuffisant rénalchronique est impératif. Concernant l’hypertensionartérielle, les recommandations du Joint NationalCommittee (JNC)-VI et celles de l’Organisationmondiale de la santé et de la Société internationaled’hypertension (OMS-ISH) indiquent qu’en présenced’une insuffisance rénale, la pression artérielle (PA)doit être abaissée à des valeurs inférieures à 130/85.La cible est même plus basse en cas de protéinuriesupérieure à 1 g/j [2, 7]. Concernant les troubles

lipidiques, il n’existe encore aucune étudeprospective randomisée démontrant qu’unediminution des taux plasmatiques du cholestérol-lowdensity lipoprotein (LDL), des triglycérides, del’apolipoprotéine (apo) B et/ou de l’apo A soitassociée à une diminution des manifestations del’athérome chez l’urémique. Cependant, les résultatsobtenus dans la population générale incitent àadopter les mêmes recommandations que danscette population, en considérant l’urémique commeappartenant au groupe de risque le plus élevé. Letraitement hypolipidémiant est alors considérécomme justifié dès que le cholestérol-LDL excède3,4 mmol/L (1,30 g/L). Le traitement est d’autant plusindiqué que le patient est diabétique ou qu’il a déjàune maladie cardiovasculaire athéromateusecliniquement démontrée. Une concentrationplasmatique de triglycérides excédant 2 mmol/L(2 g/L) doit être prise en compte dans le choix de lastratégie thérapeutique. Le traitement pharmacolo-gique est le plus souvent nécessaire. Les inhibiteursde l’hydroxy-3-méthyl glutaryl coenzyme A (HMGCo-A) réductase (dits statines) sont les plus appropriésen cas d’élévation du cholestérol-LDL, les fibrates(particulièrement le gemfibrozil) sont les plusindiqués en cas d’hypertriglycéridémie. Unesurveillance particulière de la créatine phospho-kinase sérique (CPK) est nécessaire chez ces patients.

Il est possible de réduire l’homocystéinémie chezdes insuffisants rénaux chroniques non dialysés.Sous l’effet de la prise de 5 mg d’acide folique troisfois par semaine, on observe chez ces patients unediminution de 40 % de l’homocystéinémie. Desétudes prospectives sont actuellement en cours pourévaluer l’impact de ces effets biologiques sur lerisque cardiovasculaire.

Aucun essai n’a démontré un bénéfice d’untrai tement ant ioxydant sur la mortal i técardiovasculaire au stade d’insuffisance rénale nondialysée. Dans l’essai HOPE, 400 UI/j de vitamine Ependant en moyenne 4,6 ans ne modifient pasl’incidence des accidents cardiovasculaires. À notercependant que dans l’essai SPACE (SecondaryPrevention with Antioxydants of Cardiovasculardisease in Endstage renal disease) chez des patientshémodialysés ayant une maladie cardiovasculairedocumentée, l’administration de 800 UI de vitamineE par jour a un effet bénéfique sur un critèrecomposite de maladie cardiovasculaire et d’infarctusdu myocarde [1].

Troubles du métabolisme phosphocalciqueet complications osseuses

Le terme ostéodystrophie rénale est un termegénérique désignant l’ensemble des anomaliesostéoarticulaires accompagnant l’état d’urémiechronique. Il était autrefois limité aux lésionsosseuses liées aux anomalies du métabolismephosphocalcique : ostéomalacie et hyperparathyroï-disme secondaire. Il couvre également descomplications plus rares essentiellement observéeschez le dialysé et que nous ne traitons pas ici :ostéopathie aluminique, amylose à bêta-2-microglobuline, os adynamique et calcinosetumorale.

En IRC, de multiples facteurs concourent à unediminution de synthèse du calcitriol. Cettediminution du calcitriol circulant est à l’origine d’unetendance à l’hypocalcémie et à l’ostéomalaciecarentielle. La diminution du taux de calcitriol, labaisse du calcium ionisé, l’élévation progressive de la

Tableau II. – Substances susceptibles d’entraî-ner une hyperkaliémie chez les sujets à ris-que : diabétique, sujet âgé, insuffisant rénal.

• Supplémentation médicamenteuse en sels de po-tassium• Supplémentation diététique en sels de potassium• Diurétiques hyperkaliémiants : spironolactone,amiloride, triamtérène• Anti-inflammatoires non stéroïdiens non sélectifset sélectifs de la COX2• Héparines : non fractionnée et de bas poids molé-culaire• Inhibiteurs de l’enzyme de conversion• Antagonistes des réceptions at1 de l’angiotensi-ne II• Triméthoprime• Ciclosporine, tacrolimus• Pentamidine

5-0550 - Insuffisance rénale chronique

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phosphorémie créent les conditions d’unemballement de la sécrétion de parathormone(PTH). Ainsi, les anomalies osseuses que l’on doitprévenir chez l’insuffisant rénal chronique sont uneostéomalacie liée à une diminution de la synthèsedes métabolites actifs de la vitamine D, et une ostéitefibreuse en rapport avec l’augmentation de lasécrétion de PTH.

Le traitement préventif de ces lésionsd’ostéodystrophie devrait être institué très tôt, dès unDFG de 60 mL/min. Il vise à empêcher l’apparitiond’une hypocalcémie et l’augmentation de la PTH.

Il fait appel aux sels de calcium, essentiellement,en France, le carbonate de calcium. La fraction ducalcium absorbée combat l’hypocalcémie. Lafraction non absorbée complexe le phosphoreintestinal. Ce traitement pour maintenir unecalcémie, une phosphorémie et un taux de PTHnormaux peut nécessiter des doses importantes decarbonate de calcium. Cela entraîne parfois unemauvaise tolérance digestive et donc une mauvaiseobservance, du risque d’hypercalcémie et favorise àterme, peut-être, les calcifications tissulaires,notamment vasculaires.

Le traitement par les dérivés de la vitamine D estd’observance plus facile. Avant la disponibilité desdérivés 1-alpha-hydroxylés, on utilisait la vitamine Dnaturelle puis la 25-hydroxyvitamine D3 oucalcifédiol. Les dérivés 1-alpha-hydroxylés,alphacalcidiol et calcitriol sont beaucoup plusmaniables du fait de leur demi-vie plus courte. Cetraitement élève la calcémie, mais a l’inconvénientd’élever aussi la phosphorémie par augmentation del’absorption intestinale du phosphore, et par effetpermissif sur l’action osseuse de la PTH.

Le maintien de la phosphorémie inférieure à1,8 mmol/L repose sur le régime contrôlé enprotides et les sels de calcium, essentiellementcarbonate en France, acétate aux États-Unis. Les selsd’aluminium, hydroxyde d’aluminium essentiel-lement, sont de remarquables chélateurs intestinauxdu phosphore, mais l’absorption et l’accumulationde l’aluminium ont été la cause de thésaurismoses(cerveau, os) et sont d’utilisation exceptionnelle. Lesevelamer est un nouveau complexant duphosphore ne contenant ni aluminium ni calcium.

L’avenir tout proche va être la commercialisationdes calcimimétiques. En resensibilisant le récepteurde la cellule parathyroïdienne à la calcémie, ilsfreinent la PTH. Ils ont été pour l’instantessentiellement étudiés dans le traitement del’ostéodystrophie constituée du dialysé.

Anémie

L’anémie chez l’insuffisant rénal chronique estpresque constante. Sa cause majeure est un défautde production de l’érythropoïétine par le reinmalade. De multiples facteurs aggravants peuvents’y associer : saignement aigu, saignementchronique, syndrome inflammatoire, carencesvitaminiques. La sévérité de l’anémie estproportionnelle à la sévérité du déficit rénal, avecnéanmoins de grandes variations suivant le patientet la nature de la maladie rénale.

Il existe de nombreuses raisons de traiter l’anémiede l’insuffisant rénal chronique. L’anémie diminue laqualité de vie : fatigue, anorexie. L’anémie chroniqueparticipe à la constitution de l’hypertrophieventriculaire gauche, elle-même bien corrélée à lamortalité cardiovasculaire. L’anémie peut aggraverl’insuffisance coronarienne.

Les transfusions ont été proscrites chezl’insuffisant rénal chronique jusque dans l’année1980 pour éviter une immunisation avant la greffe,puis abondamment prescrites pour faciliter latolérance. Suivant les équipes, le protocoletransfusionnel est maintenant limité à une unitéglobulaire, voire abandonné. La transfusionsanguine n’a plus comme indication chezl’insuffisant rénal chronique que l’anémie aiguë maltolérée.

Le traitement de l’anémie comporte des mesurespréventives : recherche et traitement de pertessanguines occultes habituellement digestives,vérification des apports nutritionnels, traitement parle fer oral ou intraveineux en cas de carencemartiale, correction d’une éventuelle carence enacide folique. On vérifie que l’introduction d’unmédicament (alphaméthyldopa, IEC) n’a pas entraînéune aggravation de l’anémie.

L’érythropoïétine a radicalement modifié letraitement de ces patients. Le traitement parl’érythropoïétine est indiqué réglementairementchez des sujets sévèrement anémiques avecsymptômes cliniques pour maintenir unehémoglobinémie comprise entre 10 et 12 g/dL. Unecarence martiale préalable doit être corrigée. Iln’existe aucune évidence d’un intérêt à maintenirune hémoglobinémie plus élevée, voire normale. Enrevanche, le traitement précoce de l’insuffisant rénaldès 11-12 g d’hémoglobine sans attendre qu’il soitsymptomatique et avec l’objectif de maintenir cestaux est sans doute bénéfique. Certes il n’a aucuneffet actuellement démontré sur la vitesse dedétérioration de la fonction rénale, mais il diminuepeut-être les besoins ultérieurs en érythropoïétine etil a probablement des effets bénéfiques à long termesur la fonction ventriculaire gauche [8].

■Prescription médicamenteuse

au cours de l’IRC

Près de la moitié des médicaments subit unprocessus d’excrétion ou de transformation rénale.

‚ Rôle du rein dans l’éliminationdes médicaments

Le rein participe à l’élimination de nombreuxmédicaments par excrétion urinaire. Celle-ci est lerésultat d’une filtration glomérulaire ou de transportstubulaires.

Les substances de poids moléculaire inférieur à68 000 traversent la membrane basale glomérulaire.Le poids moléculaire de la plupart des médicamentsest inférieur à 1 000. Seule la fraction ultrafiltrable dumédicament non liée aux protéines est concernéepar ce mécanisme. L’excrétion par cette voie estréduite en cas de réduction néphronique.

Les transports tubulaires sont des phénomènesde sécrétion et de réabsorption. La sécrétion urinairese fait de manière active, souvent grâce à unprocessus saturable, donc jusqu’à un niveaumaximal, en compétition parfois. La réabsorptionplasmatique se fait habituellement de manièrepassive. Le rein peut également intervenir dansl’élimination des médicaments par le biais d’unmétabolisme intrarénal du médicament : parexemple, catabolisme de l’insuline au niveau dutube contourné proximal.

‚ Influence de l’insuffisance rénalesur la pharmacocinétiquedes médicaments

L’existence d’une insuffisance rénale peutmodifier profondément le devenir d’un médicamentdans l’organisme. L’absorption gastro-intestinale estpeu ou pas modifiée du seul fait de l’insuffisancerénale. Mais elle peut être très modifiée par lescoprescriptions médicamenteuses fréquentes chezces sujets : les sels de calcium, les résineséchangeuses d’ions, les préparations à based’aluminium, ou les sels de fer forment descomplexes peu solubles avec de nombreuxmédicaments. La biodisponibilité de ceux-ci est enconséquence diminuée.

Une diminution de l’effet de premier passagehépatique est observée chez l’urémique pourcertains médicaments : bêtabloquants par exemple.Il en résulte un pic de concentration plasmatique desmédicaments plus élevé que chez le sujet sain, pardéfaut de transformation métabolique. Cephénomène est diminué par une séance de dialyse,et l’on pense qu’il s’agit d’une inhibition dumétabolisme du médicament par certaines toxinesurémiques.

En insuffisance rénale, le volume de distributiond’un médicament peut être modifié du fait d’unemodification des espaces liquidiens (déshydra-tation ou hyperhydratation) ; du fait de l’anémiepresque constante chez l’insuffisant rénalchronique (elle réduit le volume de distribution desmédicaments ayant une forte affinité pour lesglobules rouges) ; du fait d’une modification de lafixation protéique.

Certains médicaments se fixent fortement àl’albumine. Cette fixation peut être diminuée enraison de la seule insuffisance rénale. Le troublepeut être aggravé en cas d’hypoalbuminémieassociée, par exemple en cas de syndromenéphrotique. Dans ces cas, la fraction libre dumédicament (non liée à l’albumine) est augmentéepour un même taux sérique ; or, c’est la fractionactive, toxique et métabolisable. D’autresanomalies de la fixation protéique desmédicaments peuvent être observées :augmentation de la fraction liée à l’alpha-1-glycoprotéine acide ou aux acides gras libres.

Quelques anomalies du métabolisme desmédicaments ont été décrites chez l’insuffisantrénal : apparition de métabolites anormaux dessulfonylurées ; diminution de l’acétylation del’isoniazide, de l’hydralazine ; défaut d’hydroxylationde la vitamine D3.

La diminution de l’excrétion rénale est le facteurmajeur pour les médicaments à élimination rénaleprépondérante. Elle est essentiellement fonction dela clairance de la créatinine et n’a réellementd’importance clinique que pour des clairancesinférieures à 40 mL/min. La diminution de l’excrétionpeut concerner le médicament, mais aussi un ouplusieurs métabolites qui peuvent être efficaces outoxiques.

À côté de ces modifications pharmacociné-t iques , des modificat ions de l ’effetpharmacodynamique peuvent être observées. Ellesne sont pas toujours bien expliquées : par exemple,augmentation de la puissance des tranquillisants etdes analgésiques narcotiques chez l’insuffisantrénal chronique.

Insuffisance rénale chronique - 5-0550

5

‚ Prescription chez l’insuffisant rénal

En conséquence de ces modifications du devenirdu médicament dans l’organisme, quelques règlesde prescription chez l’insuffisant rénal doivent êtrerespectées. Des précautions d’emploi extrêmesdoivent être prises pour les médicaments à fortpotentiel néphrotoxique ou à fort risqued’accumulation et de toxicité générale (tableau III).

■Insuffisance rénale terminale

L’IRC est, jusqu’à des stades extrêmes deréduction de la filtration glomérulaire, compatible

avec un équilibre du bilan de l’eau, du sodium, dupotassium, du phosphore, des déchets azotés.Lorsque la filtration glomérulaire descend à moinsde 5 mL/min, et parfois même avant, les variationsquotidiennes du bilan des entrées et des sorties, lemétabolisme cellulaire aboutissent à une situationincompatible à court terme avec la vie.Actuellement, en France, dans la presque totalitédes cas, l’apparition d’une insuffisance rénalesévère fait poser l’indication de la prise en chargepar les méthodes de dialyse et/ou de transplan-tation. Ces méthodes représentent un traitementefficace de l’IRC terminale. Elles se substituent à lafonction rénale défaillante. Elles peuvent assurerune survie prolongée qui atteint d’ores et déjà plusde 20 ans.

■Traitement par dialyse

Actuellement, deux méthodes sont utilisées : l’unelargement répandue, l’hémodialyse itérative, qui atraité en France, en 2000, environ 27 000 patients ;l’autre en voie de développement, la dialysepéritonéale chronique, de l’ordre de 2 500 patients.

‚ Principes généraux

L’épuration extrarénale met à profit les propriétésphysiques des membranes semi-perméables,qu’elles soient naturelles, comme la séreusepéritonéale, ou artificielles, comme les membranesd’hémodialyse. La diffusion des petites molécules autravers des pores de la membrane est passive, et sefait uniquement en fonction de la taille desmolécules et du gradient de concentration de part etd’autre de la membrane. L’ultrafiltration permet letransfert de l’eau. La pression qui crée cetteultrafiltration est soit hydrostatique, générée par desmoyens mécaniques (gradient de pression) pourl’hémodialyse, soit osmotique (gradient de glucose)pour la dialyse péritonéale. L’eau entraîne avec elledes molécules de petite taille à la faveur de cegradient (convection).

‚ Résultats

Une survie prolongée compatible avec une viesociale, familiale et professionnelle, atteste despossibilités offertes par les méthodes de dialyse. Letaux de mortalité est en moyenne de 10 % par an,largement influencé par l’âge et l’existence d’unemaladie grave associée : diabète, myélome. Cepourcentage n’est que de 2 à 3 % pour une tranched’âge jeune, et peut atteindre 20 % pour descandidats à haut risque (diabétiques) ou âgés. Lescauses de décès sont, dans 50 % des cas, d’ordrecardiovasculaire, puis infectieux. Les accidentstechniques, l’hyperkaliémie sont très rares.

En fait, le dialysé est menacé de troiscomplications.

Nous avons déjà détaillé les deux pathologies quimenacent à long terme le dialysé chronique : lesmaladies cardiovasculaires et les troublesostéoarticulaires. La troisième est le problème lié auxvoies d’abord de l’hémodialysé et le péritoine dudialysé péritonéal. Les voies d’abord vasculaires sontresponsables de nombreuses complications : faibledébit, ponction difficile, thrombose, infection. Lepéritoine vieillit mal en dialyse péritonéale. Que cesoit du fait de péritonites récidivantes ou demauvaise biocompatibilité des liquides de dialyse,on admet qu’un patient sur deux au terme de 7 ansde dialyse péritonéale a une perméabilitépéritonéale incompatible avec le maintien sous latechnique.

‚ Mise en œuvre de la décision

Elle se fait assez tôt. Il est inutile d’attendre lescomplications de l’IRC au stade ultime. La prise encharge a lieu lorsque la clairance de la créatinine sesitue entre 5 et 10 mL/min. D’autres facteurs doiventêtre pris en compte : l’état général, le retentissementcardiovasculaire, l’état neuromusculaire, l’étatosseux, l’existence de complications dégénérativesd’un diabète. Il convient de prévenir assez tôt lepatient et de le préparer physiquement et

Tableau III. – Médicaments à haut risque chez l’insuffisant rénal.

Haut risque de néphrotoxicité Haut risque d’effet grave en cas d’accumulation

Anti-inflammatoires non stéroïdiens non sélectifs etsélectifs de la COX2

Digitaliques

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et antagonis-tes des récepteurs de l’angio II

Certains antiarythmiques

Aminosides Anticoagulants : héparine, héparines de bas poidsmoléculaire et antiprothrombiques

Cisplatine et autres sels de platine Hypoglycémiants oraux : metformine et sulfamideshypoglycémiants

Produits de contraste iodés Anticancéreux

Ciclosporine, tacrolimus Hypolipidémiants : fibrates, statines

Precription médicamenteuse en insuffisance rénale chronique.✔ Apprécier le degré de réduction néphronique.✔ Adapter les posologies au degré de réduction néphronique : ces adaptationspeuvent se faire en diminuant la posologie de chaque administration dumédicament (méthode de la dose), ou en augmentant l’intervalle entre deuxadministrations (méthode de l’intervalle), ou en utilisant un schéma posologiquemixte déjà validé dans des expériences cliniques antérieures.✔ Bien connaître les interactions médicamenteuses cliniquement pertinentes quel’on peut observer avec les médicaments couramment utilisés en néphrologie.✔ Surveiller les taux sériques du médicament : pour les médicaments dosables etayant un coefficient chimiothérapeutique faible : aminoglycosides et digitaliquestout particulièrement ; en mesurant le taux sérique au pic présumé, aprèsadministration, et le taux résiduel avant l’administration suivante, l’importantétant de bien noter l’heure d’administration et les heures de prélèvement ; en serappelant que, pour un traitement prolongé, les taux sériques au plateau ne sontobtenus qu’après une durée d’administration supérieure à cinq fois la demi-vied’élimination du médicament.✔ Ne prescrire, en dehors d’un essai thérapeutique, que des médicaments ayant déjàété administrés à des insuffisants rénaux chroniques avec une indicationthérapeutique précise et formelle ; pendant des durées les plus courtes possibles ; eten réunissant, au préalable, toute documentation nécessaire dans les dictionnairesde spécialités pharmaceutiques, ou en se renseignant dans un service denéphrologie ou de pharmacologie clinique, ou auprès du laboratoire fabricant. Desaides à la prescription se développent (par exemple ICAR à la Pitié-Salpêtrièreconsultable par téléphone, fax ou e-mail : [email protected]).✔ Garder les mêmes principes de prescription chez tout sujet âgé dont lacréatininémie est supérieure à 100 µmol/L.✔ Signaler tout effet indésirable à un centre de pharmacovigilance ou aulaboratoire fabricant.✔ Connaître les classes médicamenteuses à haut risque de néphrotoxicité ou à hautrisque d’effets indésirables graves en insuffisance rénale(tableau III).

5-0550 - Insuffisance rénale chronique

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psychologiquement : les différentes méthodes dedialyse sont expliquées ; une éventuelle indicationd’une transplantation rénale est discutée ; le lieu dutraitement par dialyse est précisé : au domicile, encentre d’autodialyse, en centre hospitalier.

‚ Choix du traitement

Le recours aux méthodes de dialyse et detransplantation, dans le cadre d’un programmeintégré, représente la solution qui offre le traitementle mieux adapté à chaque patient, la chargefinancière la plus faible pour la collectivité.

La transplantation est la technique de choix. Dansle cas où la transplantation est possible à titre detraitement d’attente, ou lorsque la transplantationest impossible à titre de traitement définitif, il fautcommencer un traitement par dialyse. On se posed’abord la question de savoir si les conditionssociales, médicales, psychologiques sont en faveurd’un traitement à domicile : peu de complicationsdégénératives, détermination du patient,participation du conjoint ou d’un tiers, responsabilitédu patient, volonté d’indépendance. Dans le cadredu traitement à domicile, diverses méthodes sontpossibles : hémodialyse, dialyse péritonéale, choisiesselon plusieurs critères : souhait du patient, capacités,connaissance du médecin, disponibilités régionales,durée prévisible du traitement, handicap de l’une oude l’autre méthode.

Si le traitement à domicile n’est pas possible, alorsque le patient est susceptible de se prendre encharge, un traitement par hémodialyse dans uncentre d’autodialyse est indiqué. Enfin, si aucune deces techniques n’est réalisable, il faut avoir recoursau traitement en centre hospitalier par hémodialysele plus souvent, par dialyse péritonéale rarement.

Dans la mesure du possible, aucune indicationd’un traitement substitutif de la fonction rénale n’estdéfinitive. Il convient de pouvoir déceler lescomplications d’une méthode avant qu’ellesn’altèrent la survie et la qualité de vie et necompromettent les chances de succès d’unchangement de méthode. Il convient également dechanger de lieu de traitement ou de modalités detraitement pour s’adapter aux désirs du patient, auxexigences des complications.

■Transplantation

‚ Sélection du receveur

Le receveur est généralement déjà dialysé. Danscertains cas, on peut proposer une greffe d’organe àdes patients avant le terme ultime de l’IRC. Ceci estnotamment le cas chez l’enfant, chez lequel leretentissement de l’hémodialyse est particulièrementimportant.

Il n’y a pas de limites inférieure et supérieureprécises à l’âge du receveur. Il est rare que l’on greffeavant l’âge de 18 mois. La limite supérieure, del’ordre de 60 ans, est floue et recule avec le temps.Grâce à une sélection rigoureuse de patients âgés,notamment sur le plan cardiovasculaire, certaineséquipes obtiennent des résultats comparables àceux de l’adulte.

Si cette transplantation est possible, un bilanrigoureux est nécessaire. Dans la plupart des cas, cebilan s’achève par l’inscription sur une liste d’attente

de transplantation de rein de cadavre ; dansquelques cas, il permet la réalisation d’unetransplantation avec un rein prélevé chez un sujetvolontaire apparenté.

La pathologie initiale responsable de l’IRC estsouvent, pour des raisons d’âge et de sélection surl’état cardiovasculaire, une glomérulonéphritechronique. Certaines pathologies glomérulaires sontsusceptibles de récidiver sur le greffon :glomérulonéphrites à IgA, hyalinoses segmentaireset focales dites malignes. Les patients porteurs denéphroangiosclérose, de polykystose, ou denéphropathie interstitielle chronique sontd’excellents candidats à la greffe rénale. Latransplantation rénale chez le diabétique peut, danscertains cas particulièrement favorables, êtremaintenant associée à la transplantationpancréatique selon des modalités techniquesvariables.

Il existe quelques contre-indications à la grefferénale. Ce peut être une malformation complexe dela voie excrétrice, congénitale ou acquise. Il en estainsi également des malades porteurs d’un foyerseptique, qu’il s’agisse d’infections chroniques del’arbre respiratoire, de l’appareil urinaire, de l’os, desparties molles ou autres : le risque induit parl’indispensable immunosuppression doit fairerécuser ces malades pour la greffe, tant que la curedéfinitive du foyer infectieux n’est pas assurée.L’infection par le virus de l’immunodéficiencehumaine (VIH) est pour l’instant dans de nombreuseséquipes une contre-indication : cette attitude est entrain de changer sous l’effet des résultats despolythérapies sur l’évolution de la maladie. Lespatients porteurs de maladies malignes sont a prioride mauvais candidats à la greffe, jusqu’à ce qu’untemps suffisant après le traitement permette de lesdéclarer guéris. Ainsi certaines pathologies malignes,notamment chez l’enfant, tels les néphroblastomesbilatéraux lorsqu’une néphrectomie bilatérale a étérendue nécessaire, peuvent permettre, après undélai de 3 ans sans récidive, une greffe rénale dansde bonnes conditions. L’état vasculaire de certainspatients âgés diabétiques de type II peut aussiconstituer une contre-indication.

Il existe surtout des contre-indications temporairesà la greffe rénale : tuberculose non traitée, épisodede péritonite chez les patients en dialyse péritonéale,complications cutanées, notamment infectieuses despieds chez les diabétiques.

■Dépistage et prévention

‚ Existe-t-il un dépistageet une prévention de l’insuffisancerénale chronique ?

En 1997, le Haut Comité de Santé publiqueconcluait entre autres la nécessité de trois actions :

■ renforcer le dépistage dans les populations àrisque spécifique : les patients atteints de pathologievasculaire et les diabétiques, les professionnelsexposés à des agents néphrotoxiques, au-delà d’uncertain âge les patients soumis à un risquenéphrotoxique. En revanche, le Haut Comité estimequ’on ne dispose pas actuellement de donnéessuffisantes pour évaluer l’efficacité et l’efficience ainsique les risques iatrogènes d’un dépistage de massesur des groupes à risque plus étendus, et a fortiori enpopulation générale ;

■ développer la prévention primaire des risquesnéphrotoxiques en milieu professionnel par laréduction ou la suppression des sources d’expositionaux substances toxiques ; la surveillancesystématique et régulière des niveaux d’expositiontoxique. Cette démarche de surveillance doit êtreétendue à l’environnement général et àl’alimentation pour les produits les plus toxiques ;

■ diffuser largement auprès du corps médical lesrègles de bonne pratique pour la surveillance et laprise en charge thérapeutique des pathologieschroniques telles que le diabète et l’hypertensionartérielle, génératrices des néphropathies.

En prévention primaire, aucune mesuresystématique de dépistage ou de soin n’a donc unavantage prouvé. La grande question desprochaines années est la suivante : la maladievasculaire rénale partage-t-elle avec la maladiecoronarienne les mêmes facteurs de risque et lesmêmes techniques de prévention ?

En prévention secondaire, le Haut Comité deSanté publique français a défini quatre groupes àrisque chez lesquels le dépistage d’une affectionrénale est justifié :

■ les diabétiques : la recherche régulière d’unemicroalbuminurie chez le diabétique estindispensable ;

■ les patients souffrant de pathologiesvasculaires : on connaît le terrain de survenue dessténoses artérielles rénales, mais pas leurs facteursde risque. De plus, l’outil du dépistage n’est pasconnu : simple créatininémie, ou échodoppler desartères rénales ou angio-IRM ;

■ les sujets âgés soumis à un traitementnéphrotoxique ;

■ les professionnels exposés à des toxiques.On peut citer d’autres groupes à risque chez

lesquels le dépistage a un intérêt certain :■ les enfants à risque familial de malformation

de la voie excrétrice, chez lesquels la réalisationsystématique des examens appropriés (échographieet/ou cystographie rétrograde) est une pratiqueimportante pour la prévention des néphropathiesinterstitielles chroniques ;

■ la femme enceinte, chez laquelle lasurveillance de la protéinurie et de l’uroculture estindispensable.

En prévention tertiaire, on insiste actuellementsur le traitement de l’hypertension artérielle,notamment par les IEC, le régime hypoprotidique etsurtout le recours précoce au cours de l’évolution desnéphropathies à l’avis néphrologique spécialisé. Cetavis néphrologique spécialisé a pour but de mettreen œuvre le suivi néphrologique, mais aussi devérifier l’application de toutes les techniques deprévention définies pour la population générale ettrop souvent oubliées au cours des pathologieschroniques graves. Les pratiques de prévention enusage dans la population s’adressent à des enfantset des adultes à faible risque. On ne peut pastransposer systématiquement des recommandationsgénérales à la population des insuffisants rénaux. Dufait de la maladie rénale et des maladies associées,l’espérance de vie de ces patients est plus courte quecelle d’une population saine. Il n’existe aucunerecommandation officielle spécifique pour cettepopulation. Les principales recommandations pourles insuffisants rénaux chroniques non transplantésnous semblent être :

Insuffisance rénale chronique - 5-0550

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■ pratique normale des vaccinations : BCG,tétanos, polio, grippe annuelle, pneumocoque chezles patients de plus de 65 ans à répéter tous les 5 à10 ans. La vaccination contre l’hépatite B sera la plusprécoce possible au cours de la néphropathie ;

■ prévention des infections nosocomiales :contrôle des produits sanguins, contrôles descathétérismes urinaire, veineux, prévention de latransmission des maladies viro-induites par lesliquides biologiques ;

■ prévention cardiovasculaire comme décrit plushaut ;

■ prévention des cancers : arrêt du tabac, frottiscervicaux et examens gynécologique etmammographique annuels ou tous les 2 ans à partirde 40 ans, surveillance échographique des kystesrénaux, surveillance des voies urinaires en cas denéphropathie aux analgésiques ou aux herbeschinoises, surveillance hépatique chez les patientsinfectés par les virus des hépatites ;

■ protect ion osseuse : prévent ion del’ostéodystrophie. Mais on ne sait rien sur l’intérêt dutraitement substitutif de l’ostéoporose chez lespatientes insuffisantes rénales après la ménopause.

■Conclusion

L’insuffisance rénale chronique est une maladiepour la vie. Le dialysé reste un grand insuffisantrénal. Le transplanté est soumis à un traitementimmunosuppresseur tout le temps de satransplantation. Veiller à l’avenir cardiovasculairede ces patients doit être une préoccupationconstante.

Alain Baumelou : Professeur des Universités.Service de néphrologie, hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Baumelou. Insuffısance rénale chronique.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0550, 2003, 8 p

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5-0550 - Insuffisance rénale chronique

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Lithiase urinaire

P Jungers

L ’incidence cumulée des lithiases urinaires est de 10 % chez les hommes et 5 % chez les femmes. Une lithiaseméconnue ou négligée peut être à l’origine d’une destruction de la fonction rénale, si bien que la lithiase reste

encore responsable, dans notre pays, de 3 % des insuffisances terminales, exigeant le recours à la dialyse desuppléance. C’est pourquoi toute lithiase implique une enquête étiologique précise, commençant par une analyse ducalcul, et tout traitement de la colique néphrétique doit être complété par la vérification de la disparition du calculfautif.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : lithiase rénale, facteurs de risque lithogène, lithotritie extracorporelle.

■Introduction

La lithiase est actuellement la plus fréquente desaffections rénales. Près de 10 % des hommes et 5 %des femmes, dans notre pays, ont souffert ousouffriront de colique néphrétique, au moins une foisau cours de leur vie. Sans prévention appropriée, larécidive se produit dans les 5 ans chez près de lamoitié des sujets atteints. La fréquence de la lithiaseurinaire a pratiquement triplé depuis la fin de laSeconde Guerre mondiale dans tous les paysindustrialisés, en parallèle à la modification deshabitudes alimentaires dans les sociétésd’abondance au cours des dernières décennies.Cette augmentation porte électivement sur la lithiaseoxalocalcique, témoignant ainsi de l’importance desfacteurs nutritionnels à l’origine de la lithiase urinairecalcique commune.

Une révolution thérapeutique a été introduitedepuis 1980 dans le traitement des calculs urinaires,grâce aux techniques nouvelles que sont la lithotritieextracorporelle par ondes de choc, la chirurgiepercutanée et l’endo-urologie. Toutefois, cesméthodes ne préviennent en rien la récidive et nedoivent jamais faire négliger l’investigationétiologique et le traitement prophylactique.

■Signes cliniques de la lithiase

La colique néphrétique constitue la manifestationclinique la plus fréquente et la plus connue de lalithiase urinaire. Elle correspond à la douleurprovoquée par la distension aiguë des cavitésrénales, secondaire à l’obstruction de l’uretère par uncalcul en migration. C’est une douleur extrêmementintense, unilatérale, paroxystique, entraînant uneagitation extrême car il n’existe pas de positionantalgique. Elle siège dans l’angle costolombaire etirradie vers le bas et en avant, le long du trajet de

l’uretère, vers la vessie et les organes génitauxexternes (fig 1). Elle s’accompagne très fréquemmentde troubles digestifs tels que nausées, vomissementsou iléus intestinal, qui peuvent égarer le diagnostic.Lorsque le calcul parvient dans l’uretère pelvien, auvoisinage de la vessie, apparaissent des signesd’irritation vésicale, à type de ténesme ou de faussesenvies. Le tableau I indique les principauxdiagnostics différentiels de la colique néphrétique.

Le mécanisme de la douleur tient à la distensionde la capsule rénale, richement innervée, par lasurpression créée dans les cavités pyélocalicielles parles urines retenues en amont du calcul obstructif.

L’augmentation de la pression hydrostatique stimulela sécrétion de prostaglandines vasodilatatrices,

Tableau I. – Diagnostic différentiel de la coli-que néphrétique.

Sigmoïdite AppendiciteTorsion de kyste ovarien ColiteGrossesse extra-utérine CholécystiteCystite, prostatite PancréatiteOrchiépididymite Infarctus spléniqueTorsion aiguë du testicule Ulcère digestif en

poussée

1 2 3

1 Siège et irradiation de la douleur dans la colique néphrétique, selon le niveau de l’obstacle urétéral.1. Uretère lombaire haut : douleur lombaire ; irradiation testiculaire. 2. uretère iliaque : douleur du flanc. 3.uretère juxtavésical : douleur pelvienne ; irradiation scrotale ou vulvaire. D’après[9], reproduit avecautorisation.

1

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provoquant une augmentation de la pression defiltration glomérulaire et, partant, de la pressionintrapyélique. Il s’y ajoute la formation d’un bourreletinflammatoire de l’uretère, au contact ducalcul, contribuant à en bloquer la progression(fig 2). Ces données physiopathologiques sont à labase du traitement d’urgence de la coliquenéphrétique.

La colique néphrétique se termine avec l’expulsiondu calcul, qui doit toujours être vérifiée radiologi-quement, car la douleur peut s’atténuer alors que lecalcul est toujours présent. Ce serait une erreur de setenir pour satisfait de la cessation de la douleur sanss’être assuré de la disparition du calcul fautif. En effet,un calcul méconnu ou négligé pourrait entraîner uneobstruction chronique incomplète de la voieexcrétrice, conduisant à l’atrophie secondaire durein. Les conséquences sont plus graves encore siune infection urinaire se surajoute à l’obstacle.L’évolution peut alors se faire vers une pyélonéphritechronique mutilante, voire une pyonéphrose, etconduire à la destruction du rein ou obliger à unenéphrectomie. Ces faits expliquent que la lithiasereste encore responsable, dans notre pays, de prèsde 3 % des cas d’insuffisance rénale terminaleexigeant le recours à la dialyse de suppléance.

■Traitement des calculs

Le traitement de première intention des calculs estactuellement la lithotritie extracorporelle (LEC) parondes de choc, en usage en France depuis 1984. Lesondes de choc électrohydrauliques ou piézoélec-triques sont générées par divers types d’appareils,utilisant un repérage soit radiographique, soitéchographique ( fi g 3 ) . La LEC permet lafragmentation des calculs pyéliques ou caliciels d’undiamètre inférieur à 2 cm, avec un taux de succès del’ordre de 70 %, au prix d’une hospitalisation d’unejournée. Les calculs enclavés dans l’uretère lombairepeuvent être repoussés dans le bassinet, par une

sonde dite double-J, et devenir ainsi accessibles à laLEC, la sonde permettant de plus l’élimination desfragments sans risquer une obstruction urétérale. Lescalculs de la partie moyenne ou inférieure del’uretère peuvent être soit détruits par LEC, soitextraits par urétéroscopie. Les calculs intrarénauxrelativement volumineux, notamment les calculsramifiés (ou coralliformes), demandent habituel-lement l’association de la néphrolithotomiepercutanée (NLPC) et de séances complémentairesde LEC pour détruire les fragments résiduels. Au total,la combinaison de ces différentes méthodes fait quela chirurgie classique n’est plus utilisée aujourd’huique chez moins de 5 % des patients, limitée auxcalculs ramifiés volumineux, ou obstructifs etinfectés.

■Mécanismes de la lithogenèse

Dans la lithiase calcique commune, quireprésente près de 85 % de la totalité des cas delithiases, la formation des calculs est provoquée parun excès de concentration des urines en composéslithogènes, le calcium et l’oxalate, éventuellementassocié à un déficit en substances inhibitrices dont laprincipale est le citrate.

La formation d’un calcul passe, schématiquement,par trois étapes : la nucléation, c’est-à-dire laformation des germes cristallins en urinessursaturées, la croissance cristalline et, enfin,l’agrégation des cristaux. Ce dernier processusconduit à la formation de particules de quelquesdixièmes de millimètre, susceptibles de se fixer en unpoint de l’épithélium du tubule rénal ou à l’extrémitéde la papille, et amenant ensuite, par addition decouches successives, à la formation du calculproprement dit (fig 4).

La nucléation s’amorce le plus souvent parformation de cristaux d’oxalate de calcium sur desparticules telles que des débris cellulaires ou descristaux préexistants, notamment d’acide urique. Lesgermes cristallins mesurent à peine quelquesmicromètres et s’écoulent librement au cours dutransit tubulaire de l’urine, dont la durée varie entre 5et 10 minutes, selon le débit de la diurèse. Toutefois,l’agrégation cristalline peut se produire en un délaiaussi court que 1 minute, conduisant alors à laformation de particules susceptibles d’être retenuesdans le tractus urinaire. Ce fait souligne l’intérêt desinhibiteurs naturels de l’agrégation.

Le plus important d’entre eux est le citrate, qui agità la fois en complexant le calcium sous forme decitrate de calcium très soluble, et en inhibantl’adhésion des cristaux entre eux. Le rôle dumagnésium et du pyrophosphate est moinsimportant, et s’exprime surtout à l’égard des calculsphosphatiques. Il existe également des inhibiteursmacromoléculaires faits de glycoprotéines telles quela néphrocalcine et la protéine de Tamm-Horsfall,sécrétées par l’épithélium tubulaire. Ces inhibiteursagissent en bloquant les sites de croissance descristaux, ce qui explique qu’ils soient présents dansl’urine à des concentrations beaucoup plus faiblesque celles des inhibiteurs de faible poids moléculairetels que le citrate ou le magnésium.

En résumé, la formation des calculs calciquesdépend d’un mécanisme plurifactoriel, mettant enjeu un déséquilibre entre une concentration

Distension de lacapsule rénale

Distensionpyélocalicielle

Augmentation de lapression intrapyélique

Bourrelet muqueux

Calcul

Douleur

SynthèsePGE2

2 Physiopathologie de la colique néphrétique. PGE2 : prostaglandine E2.

Lorsque la nature lithiasique del’obstacle est certaine, le traitementd’urgence repose sur l’injectionimmédiate d’un anti-inflammatoirenon stéroïdien (Indocidt, Profénidt,Voltarènet) par voie parentérale, quiinhibe la sécrétion des prostaglandineset, simultanément, réduit le bourreletinflammatoire de la muqueuseurétérale. Il peut être nécessaire de luiadjoindre l’administrationd’analgésiques tels que lephloroglucinol (Spasfont) ou, en casde douleur très intense, de nalbuphine(Nubaint) ou de composés contenantde la noramidopyrine (Avafortant,Baralginet, Viscéralgine fortet).

F2

F1

3 Principe de la lithotritie extracorporelle (LEC)par ondes de choc. D’après[9], reproduit avec autori-sation. F1 : foyer de génération des ondes de choc ;F2 : foyer de convergence des ondes de choc (tachefocale).

5-0495 - Lithiase urinaire

2

excessive d’un ou de plusieurs solutés promoteurs, etun déficit en un ou plusieurs inhibiteurs.

■Conduite de l’exploration

étiologique

L’enquête étiologique est fondamentale pouridentifier la nature de la lithiase et les facteurslithogènes en cause chez chaque patient (tableau II).

‚ Étape cliniqueL’interrogatoire précise l’âge de début de la

lithiase, sachant que toute lithiase ayant débutéavant l’âge de 20 ans suggère une anomaliemétabolique sous-jacente et impose une explorationétiologique approfondie. Il recherche desantécédents familiaux de lithiase et relève leshabitudes alimentaires, notamment la consom-mation de protéines animales et de sel, ainsi que laconsommation de boissons par le patient.

‚ Étape radiologiqueIl est important de préciser le caractère

radio-opaque ou radiotransparent des calculs(tableau II I ) , ainsi que leur nombre et leurtopographie. Une urographie intraveineuse estindispensable dans l’exploration initiale de toutlithiasique. Elle permet, notamment, de reconnaîtreune anomalie génératrice de stase (rein en fer àcheval, hydronéphrose) et, surtout, la présenced’ectasies tubulaires précalicielles, ou maladie deCacchi et Ricci, sous forme de striations précaliciellescaractéristiques, cette affection étant une causefréquente de calculs multiples et récidivants. Laprésence de calcifications en amont des cavitéscalicielles, ou néphrocalcinose, est suggestive decette affection mais peut correspondre, également, àd’autres causes qu’il est important d’identifier(tableau IV).

‚ Identification de la nature chimique

L’analyse d’un calcul spontanément expulsé, oude fragments recueillis après LEC, NLPC ouurétéroscopie doit toujours être effectuée. L’analyse

chimique est le plus souvent insuffisante et doit êtreaujourd’hui abandonnée.

La méthode recommandée est l’analysemorphologique soigneuse des calculs à la loupebinoculaire, suivie de l’identification descomposants par spectrophotométrie infrarouge.

Cette analyse précise des calculs fournit uneorientation étiologique immédiate en cas de lithiasespécifique, c’est-à-dire lorsque les calculs sont faits decystine, de 2,8-dihydroxyadénine, de phosphateammoniacomagnésien (pathognomonique d’une

infection à germes uréasiques) ou d’oxalate decalcium monohydraté de morphologie particulière(suggestive d’une hyperoxalurie primaire). Dans lecadre de la lithiase calcique commune, uneprépondérance d’oxalate de calcium monohydraté(ou whewellite) indique une concentration excessivehabituelle des urines en oxalate, tandis qu’uneprépondérance d’oxalate de calcium dihydraté (ouweddellite) témoigne d’une concentration excessivedes urines en calcium.

Dans les cas où aucun calcul ou fragmentcalculeux n’a pu être recueilli, l’examen de lacristallurie fournit des indications analogues, lescristaux ayant une morphologie et un spectrespécifiques en spectrophotométrie infrarouge.

‚ Étape biologique

Les examens à demander en première intention,chez tout lithiasique, sont résumés dans le tableau V.Ils doivent être entrepris à distance d’au moins1 mois après un épisode obstruct i f ( lesanti-inflammatoires non stéroïdiens diminuanttemporairement la calciurie), et 3 mois après untraitement par lithotrit ie extracorporelle.

Inhibiteurs

Citrate, glycoprotéines

Citrate +++, pyrophosphate,glycosaminoglycanes,protéine de Tamm-Horsfall

Glycoprotéines, néphrocalcine

Intégrité de l'épithélium tubulaireAbsence de stase

Étapes

Nucléation

Croissance

Agrégation

Rétention

4 Étapes de la formationdes cristaux oxalocalciqueset niveau d’action des prin-cipaux inhibiteurs decristallisation.

Tableau III. – Radio-opacité des calculs.

Radio-opaques Radiotransparents

Oxalate de calcium Acide uriquePhosphates de calcium XanthinePhosphate ammoniacomagnésien 2,8-dihydroxyadénineCystine (faiblement) Médicaments (triamtérène, indinavir, etc)

Tableau IV. – Causes de néphrocalcinose médullaire associée à une lithiase calcique.

Hyperparathyroïdie primaireAutres causes d’hypercalcémie chronique (intoxication par la vitamine D, sarcoïdose)Hyperoxalurie primaireMaladie de DentAcidoses tubulaires distales congénitalesEctasies tubulaires précalicielles (maladie de Cacchi et Ricci)Nécroses papillaires calcifiées

Tableau V. – Exploration biochimique de base de la lithiase urinaire.

Sangcalcium, phosphore, acide uriquecréatinine, protides totauxpotassium, bicarbonates

Urines des 24 heures

calcium, phosphore, acide uriquecréatinine, urée, sodiumprotéinurieoxalate(1), citrate(1), magnésium(1)

Première miction matinale pH, densitérecherche de cristaux

Examen cytobactériologique

(1) en seconde intention, en fonction de l’orientation étiologique.

Tableau II. – Enquête étiologique du patientlithiasique : les cinq questions à résoudre.

Quelle est la nature chimique de la lithiase ?Les calculs sont-ils radio-opaques ou radiotrans-parents ?Existe-t-il une anomalie anatomique favorisante(telle que des ectasies tubulaires précalicielles?)La lithiase est-elle secondaire ou primitive ?Quels sont les facteurs lithogènes en cause chez lepatient ?

Lithiase urinaire - 5-0495

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L’exploration initiale doit être effectuée chez unpatient ambulatoire, dans ses conditions habituellesde régime et d’activité.

Outre les dosages sanguins et urinaires portantsur les urines des 24 heures, il est important demesurer le pH des urines du lever et leur densité, etde rechercher une éventuelle infection urinaire.

L’interprétation des anomalies décelées par lesdosages sanguins et urinaires doit être méthodique.Elle doit analyser séparément la calcémie, laphosphorémie, la calciurie, l’oxalurie et la citraturie,sans négliger le volume de la diurèse, tandis que ledébit quotidien de l’urée et du sodium renseigne surles apports en protéines et en sel.

L’ensemble des données cliniques, radiologiqueset biologiques permet de classer la lithiase encalcique (constamment radio-opaque) ou noncalcique (souvent radiotransparente ou faiblementopaque). La lithiase calcique est de loin la plusfréquente. Elle est secondaire à une cause définiechez environ 10 % des patients, tandis qu’elleapparaît idiopathique ou primitive dans la grandemajorité des cas, constituant la lithiase calciquecommune. On n’est en droit de considérer la lithiasecomme primitive qu’après avoir éliminé toute causepossible de lithiase secondaire.

■Lithiases calciques secondaires

Les principales causes de lithiase calciquesecondaire à une condition pathologique définiesont résumées dans le tableau VI, selon qu’elless ’associent à une hypercalcémie, à unehypercalciurie ou à une hyperoxalurie. Ellesreprésentent une minorité des cas de lithiasecalcique, mais il est important de les reconnaître carelles ne répondent qu’au traitement étiologique.

‚ Lithiase calcique secondaireavec hypercalcémie

La cause la plus fréquente en est l’hyperparathy-roïdie primaire, décelée chez 3 à 5 % des patientsatteints de lithiase calcique. Les calculs sont

volontiers faits d’un mélange d’oxalate de calciumdihydraté et de phosphate de calcium. Le diagnosticest fondé sur la coexistence d’une augmentation ducalcium plasmatique total et ionisé et d’un tauxélevé, donc inapproprié, de la parathormone intacte,non freinable par une charge calc ique.L’hypophosphorémie est fréquente mais nonconstante. En cas de lithiase active, le traitementrepose sur l’ablation de l’adénome parathyroïdienfautif, sachant qu’il peut exister une hyperplasiediffuse des parathyroïdes ou un adénome de siègeectopique. Cet acte chirurgical doit être confié à unchirurgien expérimenté. Les autres causesd’hypercalcémie compliquée de lithiase sontbeaucoup plus rares. La sarcoïdose serait évoquéesur le contexte clinique et sur l’absence d’élévationde la parathormonémie, le diagnostic étant confirmépar l’élévation du taux circulant du calcitriol. Lacorticothérapie a, ici, une action très rapide surl’hypercalcémie et l’hypercalciurie.

‚ Lithiase calcique secondaireavec hypercalciurie

Des apports excessifs de calcium, dépassant1,5 g/24 h, de même que la déplétion phosphoréeinduite par la prise prolongée d’antiacides,entraînent une hypercalciurie et une hypophospho-rémie. Le trai tement du glaucome parl’acétazolamide peut être responsable d’une lithiasephosphocalcique sévère, induite par unehypercalciurie associée à une hypocitraturieprofonde et à l’émission d’urines alcalines. Fortheureusement, l’utilisation d’inhibiteurs del’anhydrase carbonique en collyre, d’introductionrécente, devrait désormais éviter cette complication.Une cause fréquente, et souvent méconnue, delithiase calcique secondaire associée à unehypercalciurie, est la maladie de Cacchi et Ricci, oùles calculs se forment dans les dilatationsdéveloppées dans les tubes collecteurs. Lemécanisme de la lithiase fait intervenir leralentissement du flux des urines dans les ectasies etl’altération de l’épithélium tubulaire dans les zonesatteintes, entraînant un défaut d’acidification distale

qui favorise la précipitation de phosphate de calciumen sus de celle d’oxalate de calcium.

‚ Lithiase calcique secondaireavec hyperoxalurie

Une hyperoxalurie modérée, comprise entre 0,5et 0,8 mmol/24 h, peut s’observer sous l’effet de laconsommation excessive d’aliments riches enoxalate (chocolat, rhubarbe, oseille, épinards), de laprise de fortes doses de vitamine C, ou d’untraitement prolongé par des médicamentscontenant des précurseurs de l’oxalate, tels que lepiridoxilate, aujourd’hui retiré de la pharmacopée.

Une hyperoxalurie abondante, supérieure à1 mmol/24 h, caractérise les hyperoxaluriesentériques, situation rencontrée en cas d’atteinteiléale telle qu’une maladie de Crohn, ou de résectioniléale étendue, en présence d’un côlon fonctionnel.En fait, les oxaluries les plus massives s’observent aucours de l’hyperoxalurie primaire de type 1,autrefois dénommée oxalose. Cette affectionmétabolique héréditaire est transmise selon le modeautosomique récessif. Elle est due à un défaut del’activité de l’alanine-glyoxylate-aminotransférase,enzyme produite par les peroxysomes du foie, dontle déficit fonctionnel conduit à une accumulation deglyoxylate, irréversiblement transformé en oxalate.L’excrétion urinaire dépasse fréquemment 3 mmol/j,entraînant la formation élective de cristaux et decalculs d’oxalate de calcium monohydraté. Il enrésulte une lithiase particulièrement précoce etsévère, associée à une néphrocalcinose et au dépôtdiffus de cristaux d’oxalate dans le parenchymerénal, qui conduit en quelques années à uneinsuffisance rénale progressive, compliquée dudépôt de cristaux d’oxalate dans tous les organes,notamment la moelle osseuse et le cœur, définissantalors l’oxalose. Le traitement médical implique lemaintien d’une diurèse très élevée et l’administrationde vitamine B6, à la dose de 300 à 600 mg/j, pourstimuler la dérivation métabolique du glyoxylate.Chez les patients sensibles à la pyridoxine,l’évolution peut être substantiellement ralentie. Austade d’insuffisance rénale majeure, le traitementrepose sur une double transplantation hépatique(seule capable de rétablir la production de l’enzymedéficiente) et rénale.

‚ Lithiase calcique secondaireavec acidose tubulaire et hypocitraturie

L’acidose tubulaire distale congénitale est unetubulopathie transmise sur le mode autosomiquerécessif. Elle se manifeste, chez le jeune enfant, parune acidose hyperchlorémique, une hypocitraturieprofonde et un pH urinaire élevé, expliquant laproduction préférentielle de calculs phosphocal-ciques, souvent responsables d’une néphrocalcinosemédullaire. L’acidose métabolique chroniqueentraîne une déminéralisation osseuse et unehypercalciurie, qui pourrait entraîner un retard de lacroissance staturale, si un traitement n’était pasinstitué dès les premières années de la vie etpoursuivi régulièrement. Il repose sur la correction del’acidose par une association de bicarbonate desodium et de citrate de potassium.

Certaines affections systémiques, notamment leshépatites chroniques actives, les hypergammaglobu-linémies ou un syndrome de Sjögren, peuventprovoquer une acidose tubulaire distale acquise,avec le même risque de formation de calculsphosphatiques.

Tableau VI. – Principales causes de lithiase calcique.

Hypercalcémie + hypercalciurie- hyperparathyroïdie primaire- sarcoïdose- hypervitaminose D- hyperthyroïdie- ostéolyses malignes- maladie de Paget avec immobilisation

Hypercalciurie sans hypercalcémie- apports calciques excessifs- déplétion phosphorée (antiacides au long cours)- acidose tubulaire distale congénitale- acidoses tubulaires distales acquises (syndrome de Sjögren, hypergammaglobulinémie, hépatite chroniqueactive)- maladie de Dent (ou néphrolithiase récessive liée à l’X)- acétazolamide- diurétique de l’anse (furosémide)- corticothérapie- ectasies tubulaires précalicielles- hypercalciurie idiopathique

Hyperoxalurie- massive (> 1 mmol/j) : - hyperoxalurie entérique

- hyperoxaluries primaires

- modérée : - apports excessifs en oxalate- régime pauvre en calcium

5-0495 - Lithiase urinaire

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■Lithiase calcique primitive

Elle constitue le problème le plus fréquemmentrencontré en pratique, puisqu’elle représente près de90 % des lithiases calciques. Elle se manifested’ordinaire à partir de la troisième décennie et estdeux fois plus fréquente chez l’homme que chez lafemme. Ses facteurs sont les mêmes que dans leslithiases calciques secondaires, à savoir laconjonction en proportion variable d’un excès deconcentration des urines en calcium et/ou enoxalate (souvent lié à un volume insuffisant desurines), et d’un déficit quantitatif ou qualitatif eninhibiteurs (tableau VII).

L’hypercalciurie idiopathique est une desconditions les plus fréquemment observées dans lalithiase calcique primitive. Elle est définie par uneexcrétion calcique urinaire supérieure à0,1 mmol/kg/j (soit 4 mg/kg/j), dans les deux sexes,en régime libre. Dans notre expérience, près de 60 %des patients atteints de lithiase calcique primitive ontune hypercalciurie de débit ou de concentration(calciurie > 3,8 mmol/L). La physiopathologie del’hypercalciurie est encore débattue : elle peut releversoit d’un défaut primitif de la réabsorption tubulairerénale du calcium, soit d’une hyperabsorptionintestinale primitive du calcium, tout en sachantqu’une fuite rénale de calcium entraîne,obligatoirement, une hyperabsorption intestinalecompensatrice. Un apport élevé de sodium, demême que de protéines animales, augmente le débitde la calciurie. Les sujets lithiasiques sontparticulièrement sensibles à l’effet hypercalciuriantd’un apport élevé en protéines et en sel, sans que lemécanisme de cette hypersensibilité soit encoreconnu avec précision. Enfin, il est important de sesouvenir qu’une diurèse insuffisante est la principalecause d’augmentation de concentration du calciumet de l’oxalate urinaire. Un volume de diurèseinférieur à 2 L/j doit être tenu pour insuffisant cheztout lithiasique.

Parmi les autres facteurs lithogènes favorisant lalithiase calcique primitive, une hyperoxaluriemodérée est fréquemment observée, mais sonniveau est variable et l’augmentation deconcentration des urines en oxalate est le plussouvent due à une diurèse insuffisante. Un apporttrop faible en calcium, c’est-à-dire inférieur à600 mg/24 h, stimule par lui-même l’absorptionintestinale de l’oxalate et tend à augmenterl’oxalurie. Une concentration élevée des urines enacide urique favorise également la précipitation descristaux d’oxalate de calcium. Enfin, unehypocitraturie modérée est fréquente, en notantqu’un apport élevé en protéines animales, par lacharge acide qu’il entraîne, tend par lui-même àdiminuer la citraturie.

‚ Traitement prophylactique de la lithiasecalcique idiopathique

Trois mesures fondamentales (fig 5)

¶ Établissement d’une diurèse supérieure à 2 L/jUn débit supérieur à 2 L/j est nécessaire, de

manière à obtenir une dilution suffisante des solutéslithogènes. Le but est d’obtenir une concentration encalcium des urines inférieure à 3,8 mmol/L, et uneconcentration en oxalate inférieure à 0,3 mmol/L.L’apport hydrique doit se faire sous forme d’une eaumodérément minéralisée, à teneur en calciumn’excédant pas 200 mg/L. Les jus de fruits et lesboissons sucrées, riches en hydrates de carboned’absorption rapide, sont contre-indiqués. Lesboissons doivent être régulièrement réparties sur les24 heures, une dilution efficace étant reflétée parune densité urinaire inférieure à 1 015. Chez prèsd’un quart des patients, les urines du lever restentexcessivement concentrées en dépit d’une diurèsequotidienne supérieure à 2 L, indiquant la nécessitéd’une prise de boissons abondante au coucher et, sibesoin, au cours de la nuit.

¶ Ajustement de l’apport calciqueL’apport en calcium recommandé est compris

entre 800 et 1 000 mg/j, ce qui correspond à l’apportphysiologique. Un apport inférieur à 600 mg/jexpose au risque d’hyperabsorption de l’oxalate, debilan calcique négatif et de déminéralisationosseuse. Un apport supérieur à 1 g/24 h tend àmajorer la calciurie. La moitié, au moins, de l’apportcalcique doit se faire sous forme de produits laitiers,pour assurer un apport de phosphore. Bien entendu,les aliments particulièrement riches en oxalatedoivent être évités, notamment le chocolat noir, larhubarbe, les épinards et l’oseille.

¶ Modération de l’apport en protéines animaleset en selCette mesure est particulièrement importante,

sachant que la consommation de viande et de selest excessive dans les pays industrialisés. L’apportrecommandé est de 1 g/kg/j de protéines, ce quicorrespond, en pratique, à un apport de viande,poisson ou volaille de l’ordre de 150 g/j, mesurefacile à respecter au long cours. L’apport de sel doit

être également modéré, de sorte que la natriurèsen’excède pas 150 mmol/j, alors qu’elle estfréquemment supérieure à 200 mmol/j chez leslithiasiques.

Dans la plupart des cas, l’association de cesmesures permet de réduire substantiellement laconcentration des urines en calcium et en oxalate. Si,après une période test de 2 ou 3 semaines, unediminution significative de la calciurie a été obtenueen même temps qu’une réduction du débit de l’uréeurinaire et de la natriurèse, cette modération doitêtre poursuivie régulièrement. Lorsqu’unediminution effective de l’urée urinaire et de lanatriurèse ne s’accompagne pas d’une réductionsuffisante de la calciurie, il peut être nécessaired’adjoindre un traitement de fond par les diurétiquesthiazidiques, qui ont la propriété d’augmenter laréabsorption tubulaire du calcium. Leur posologiedoit toujours être faible, ne dépassant pas 25 mg/jd’hydrochlorothiazide, afin d’éviter l’apparition d’unehypokaliémie ou d’une impuissance. Unesupplémentation en potassium peut être nécessaire.L’adjonction d’allopurinol est légitime en casd’hyperuricurie franche (> 2 mmol/L), ou en casd’apparition d’une hyperuricémie sous l’effet desthiazidiques. Une supplémentation en citrate depotassium a été proposée en cas d’hypocitraturiepermanente, spontanée ou induite par lesthiazidiques. Les valeurs optimales de laconcentration des urines à atteindre pour prévenir laformation de calculs oxalocalciques sont indiquéesdans le tableau VIII.

■Lithiases non calciques

Les lithiases non calciques représentent environ15 % du total des lithiases actuellement observéesen France. Elles relèvent, chacune, d’un traitementspécifique.

‚ Lithiase urique

Les calculs d’acide urique comptent pour environ10 % du total des calculs. La lithiase urique est deuxfois plus fréquente chez l’homme que chez la

Tableau VII. – Principales anomalies métabo-liques lithogènes dans la lithiase calciqueidiopathique.

Hypercalciurie calciurie> 0,1 mmol/kg/jHyperoxalurie oxalurie> 0,5 mmol/jHypocitraturie citraturie< 1,5 mmol/jHyperuricurie uricurie> 5 mmol/j

Régime de base Diurèse > 2 L/j

Modération de l’apport calcique (800 mg/j)Éviction des aliments très riches en oxalateModération de l’apport en protéines carnéesModération de l’apport en selÉviction des médicaments lithogènes

Hypercalciuriepersistante

Succès

ContinuerTester restriction contrôlée enprotéines carnées et en sodium

Échec :hypercalciurie

persistante

Succès

Continuer

Mesures associées :

Allopurinol (hyperuricurie)Citrate de K (hypocitraturie)

Thiazidiquesà faible dose

5 Algorithme de traitementde la lithiase calcique. K :potassium.

Lithiase urinaire - 5-0495

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femme. Son incidence augmente considérablementavec l’âge, si bien qu’une lithiase apparue pour lapremière fois chez un sujet de plus de 60 ans doittoujours faire rechercher une étiologie urique. Lescalculs d’acide urique pur sont totalementradiotransparents. L’acide urique est très peu solubleà pH acide, si bien que la formation de cristauxd’acide urique est pratiquement obligatoire lorsquele pH des urines est de manière persistante inférieurà 5,5.

Les principales causes de lithiase uriquesecondaire sont résumées dans le tableau IX. Leslithiases uriques secondaires sont rares, maisrelèvent souvent d’une affection préoccupante, etne doivent pas être méconnues. Il peut s’agird’affections myéloprolifératives, telles que lapolyglobulie avant traitement, ou la nucléolysemassive induite par la chimiothérapie en casd’hémopathie lymphoproliférative. Les mesurespréventives : hydratation, alcalinisation, allopurinolet, si besoin, urate oxydase recombinante ourasburicase (Fasturtect), sont aujourd’huiparfaitement connues. Les erreurs innées dumétabolisme des purines, telles que le syndromede Lesch-Nyhan, sont rares et nécessitent une priseen charge en service spécialisé de néphrologiepédiatrique. Les diarrhées chroniques ou lesiléostomies, par le biais de la perte d’eau etd’alcalins, entraînent la production d’urinesconcentrées et acides, favorisant l’apparition d’unelithiase urique. Il en est de même en cas d’abusocculte de laxatifs.

La lithiase urique primitive est, en fait, la plusfréquente. Elle s’observe chez les patients atteints degoutte primitive, mais également chez des sujetsn’ayant aucun antécédent personnel ou familial degoutte. Le plus souvent, les concentrations sanguine

et urinaire de l’acide urique sont normales, mais cespatients ont constamment un pH urinaire acide,compris entre 4,8 et 5,5 à tous les moments de lajournée. Le traitement est fondé sur l’alcalinisationdes urines. Une dose de bicarbonate de sodium del’ordre de 4 à 6 g/j est suffisante à titre préventif. Ladissolution d’un calcul demande une dose plusélevée, amenant le pH urinaire au voisinage de 6,5,sans chercher à dépasser cette valeur, pour éviter laprécipitation de phosphates de calcium. L’eau deVichy, qui contient environ 3,5 g/L de bicarbonatede sodium, est particulièrement indiquée pour letraitement de fond de la lithiase urique. Lasurveillance doit être effectuée par des échographiesrégulières, connaissant la radiotransparence descalculs d’acide urique.

‚ Cystinurie

La cystinurie est un défaut génétique du transportdes acides aminés dibasiques par les épithéliums durein et de l’intestin. La cystine étant le plusfaiblement soluble de tous les acides aminés, laconcentration excessive des urines en cystine nonréabsorbée au niveau du tube contourné proximalentraîne la formation de calculs. La cystinuriereprésente 1 à 2 % des calculs observés chezl’adulte, et près de 10 % de ceux observés chezl’enfant. L’affection est transmise sous formeautosomique récessive, ce qui explique le rôlefavorisant de la consanguinité. Seuls les sujetshomozygotes sont atteints de lithiase, car l’excrétionde cystine atteint chez eux 800 à 1 200 mg/j (soit 3,4à 4,8 mmol). La solubilité de la cystine dans l’urineest, au maximum, de 250 mg/L jusqu’à un pH de6,5, tandis qu’elle augmente jusqu’à 800 mg/L à unpH de 7,5. Les calculs ne sont pas radiotransparents,mais faiblement radio-opaques, en « taches de

bougie ». Le diagnostic peut être affirméimmédiatement par l’examen du sédiment urinaire,montrant de larges cristaux hexagonaux de cystine.En l’absence de traitement adéquat, l’évolution sefait vers une lithiase multirécidivante, parfoispseudocoralliforme, pouvant entraîner la destructionfonctionnelle des reins.

Le traitement repose sur la dilution etl’alcalinisation des urines. La diurèse doit êtremaintenue au-dessus de 3 L/24 h. Le bicarbonatede sodium est utilisé à la dose de 12 à 18 g/j, selonle poids corporel du patient, de manière àmaintenir le pH des urines au voisinage de 7,5mais en évitant de dépasser un pH de 8. Lorsqueces mesures ne suffisent pas à éviter la réapparitionde calculs, on a recours à la D-pénicillamine(Trolovolt) ou à l’alpha-mercaptopropionylglycine(Acadionet), ces sulfhydriles formant avec lacystine un disulfure mixte 50 fois plus soluble quela cystine elle-même. Le traitement prophylactiqueest d’autant plus important à maintenir de manièrerégulière que les calculs de cystine sont souventrésistants à la LEC.

‚ Lithiase d’infection

La fréquence de la lithiase d’infection,caractérisée par la présence de phosphateammoniacomagnésien (ou struvite) et decarbapatite, a très sensiblement diminué dans tousles pays industrialisés au cours des dernièresdécennies. À l’heure actuelle, les calculs d’infectionreprésentent moins de 2 % des calculs observésdans notre pays, l’incidence restant plus fréquentedans le sexe féminin, de même que celle desinfections pyélonéphritiques. Le facteur lithogèneest la présence d’une infection urinaire par ungerme possesseur d’une uréase, tel que le groupedes Proteus ou Ureaplasma urealyticum . Laprécipitation du phosphate ammoniacomagnésienet de la carbapatite est due à l’extrême alcalinitédes urines, secondaire au clivage de l’urée enammoniaque sous l’effet de l’uréase. Ledéveloppement des calculs peut être considérable,avec des ramifications dans toutes les tigescalicielles, réalisant l’aspect caractéristique de calculcoralliforme. Grâce aux techniques d’imageriemoderne, nombre de calculs d’infection sontdécelés à un stade plus précoce et se prêtent à untraitement par chirurgie percutanée combinée à lalithotritie extracorporelle, les interventionschirurgicales classiques étant réservées aux calculstrès ramifiés. La tomodensitométrie hélicoïdale(scanner spiralé) avec reconstruction des images entrois dimensions est précieuse pour préciser levolume et la localisation des calculs volumineux,surtout lorsqu’ils sont associés à une anomalieanatomique des reins. Le traitement repose surl’ablation complète de la masse lithiasique, et surl’éradication de l’infection par un traitementantibactérien adapté et prolongé. La recherche defacteurs métaboliques sous-jacents, qui ont puservir d’amorce au calcul secondairementsurinfecté, est indispensable.

‚ Lithiase de 2,8-dihydroxyadénine(2,8-DHA)

Cette affection rare, mais redoutable, est due àun déficit en adénine phosphoribosyltransférase,transmis sur le mode autosomique récessif. Elleentraîne l’accumulation de 2,8-DHA et la formation

Tableau VIII. – Objectifs du traitement dans la lithiase calcique idiopathique : concentrations uri-naires optimales des solutés.

Solutés Concentrations urinaires optimales (mmol/L)

Calcium < 3,8

Oxalate < 0,3

Acide urique < 2

Magnésium > 1,5

Citrate > 1Rapport molaire citrate/calcium > 0,3

Urée z 5,5 mmol/kg/j(1)

Sodium z 150 mmol/j

(1) correspondant à un apport protéique de 1 g/kg/j.

Tableau IX. – Principales causes de lithiase urique.

Hyperuricurie avec hyperuricémie- maladies myélo- ou lymphoprolifératives- anomalies innées du métabolisme des purines- diathèse goutteuse primitive

Hyperuricurie sans hyperuricémie- médicaments uricosuriques- tubulopathies proximales (syndrome de Fanconi héréditaire ou acquis)- excès d’apport en purines

Acidité urinaire permanente- entéropathies, iléostomie (pertes d’eau et d’alcalins)- abus de laxatifs (calculs d’urate d’ammonium)- lithiase urique primitive

5-0495 - Lithiase urinaire

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de calculs récidivants, radiotransparents, associés àdes dépôts intraparenchymateux de cristaux de2,8-DHA. Le diagnostic est fréquemment méconnu,l’analyse des calculs par les méthodes chimiquesconventionnelles fournissant constamment undiagnostic erroné de lithiase urique. Or, à ladifférence de l’acide urique, la 2,8-DHA esttotalement insensible à l’alcalinisation, et le seultraitement efficace est la prescription d’allopurinol.Le diagnostic repose sur l’étude en spectrophoto-métrie infrarouge des calculs ou des cristauxurinaires. Un traitement précoce par l’allopurinolest indispensable pour éviter l’évolution versl’insuffisance rénale.

‚ Lithiases médicamenteuses

Les lithiases médicamenteuses représententprès de 1 % de l’ensemble des calculs. Les plusfréquemment observées au cours des dernièresannées étaient les lithiases induites par letriamtérène, la glafénine ou le piridoxilate. Cesderniers médicaments ont été retirés de la vente. Àl’heure actuelle, les deux principales causes sont enrelation avec le traitement de l’infection par le virusde l’immunodéficience acquise (VIH). Lasulfadiazine, utilisée à fortes doses pour letraitement de la toxoplasmose cérébrale, peutentraîner une précipitation tubulaire massive dusulfamide : la prévention repose sur l’alcalinisationdes urines. Les antiprotéases, telles que l’indinavir,sont utilisées depuis 1996 chez les patientsVIH-positifs ; la solubilité de l’indinavir étant trèsfaible à un pH supérieur à 5,5, la prévention reposesur l’induction d’une hyperdiurèse dans les heuressuivant chaque prise orale de ce médicament, carl’acidification des urines est le plus souvent difficileou contre-indiquée.

■Cas particuliers

‚ Lithiase de l’enfantLa lithiase urinaire est beaucoup plus rare chez

l’enfant que chez l’adulte. La prépondérancemasculine est très nette au cours des 2 premièresannées de la vie, pour s’atténuer ensuite. La lithiasese révèle le plus souvent par une hématurie ou unepyurie, des accès fébriles ou des douleursabdominales intenses mais difficiles à localiser.L’échographie est l’examen clé : elle détecte aussibien les calculs qu’une néphrocalcinose.

L’analyse de la composition d’un calcul, ou descristaux urinaires, est fondamentale pour lediagnostic étiologique car les lithiases métaboliques(hyperoxalurie primaire, cystinurie, hypercalciurieidiopathique, hyperuricuries de cause génétique)sont fréquentes chez l’enfant. Une uropathiemalformative doit être systématiquementrecherchée. Une prise en charge en milieuuronéphrologique pédiatrique spécialisé esthautement souhaitable.

‚ Lithiase et grossesseLa grossesse s’accompagne d’une augmentation

de la calciurie, mais celle-ci est contrebalancée parune augmentation simultanée des inhibiteurs decristallisation (citrate, magnésium et glycoprotéines),si bien que la grossesse ne favorise pas, parelle-même, la formation de calculs.

La plupart des accidents lithiasiques observés encours de grossesse tiennent à la migration de calculspréexistants. Le premier temps du diagnostic estl’échographie. Le traitement repose sur lesanalgésiques tels que le phloroglucinol, tandis quel’usage des AINS est formellement contre-indiqué, demême que la lithotritie extracorporelle. En cas de

besoin, une sonde urétérale double J est montéedans l’uretère, sous protection antibactériennejusqu’à l’accouchement.

‚ Lithiase et anomalies anatomiquesLes anomalies morphologiques de l’appareil

urinaire entraînant une stase des urines favorisent laformation de calculs, notamment le rein en fer àcheval, l’hydronéphrose congénitale par sténose dela jonction pyélo-urétérale, les diverticules caliciels et,surtout les ectasies tubulaires précalicielles oumaladie de Cacchi et Ricci. En fait, il existe presquetoujours une anomalie métabolique associée tellequ’une hypercalciurie, qui doit toujours êtrerecherchée et traitée. Dans la maladie deCacchi-Ricci, l’hyperdiurèse est particulièrementnécessaire, à la fois pour diluer les urines et pourraccourcir leur temps de transit dans les ectasies.

■Conclusion

Des progrès considérables ont été faits, au coursdes dernières années, dans le traitement nonopératoire de la lithiase urinaire. Toutefois, lasimplification du traitement des calculs apportée parles techniques modernes ne doit pas conduire ànégliger l’enquête étiologique. En effet, la lithiasecalcique commune tend spontanément à récidiver etil existe des lithiases sévères et récidivantes, pouvantconduire à la destruction fonctionnelle des reins. Uneexploration métabolique simple, adaptée au typechimique de la lithiase, est indispensable pouridentifier les facteurs lithogènes en cause chezchaque patient et définir les bases du traitementpréventif qui permet, aujourd’hui, dans la grandemajorité des cas, d’éviter les récidives lithiasiques etde protéger la fonction des reins.

Paul Jungers : Professeur émérite à la faculté de médecine Necker-Enfants Malades,hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Jungers. Lithiase urinaire.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0495, 2003, 7 p

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Malade porteur d’une sonde

vésicale à domicile

C Boyer, B Barrou, MO Bitker, C Chatelain, F Richard

V eiller au maintien d’une diurèse abondante !

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

Il n’est pas rare que des patients regagnent leurdomicile avec une sonde vésicale. Il peut s’agir :

– de patients inopérables chez qui est posée unesonde à demeure ;

– de patients qui ont une sonde pour unepériode limitée, en général dans les suites d’uneintervention sur les voies urinaires ;

– de patients atteints d’un dysfonctionnementvésical d’origine neurologique qui ne peuvent viderleur vessie que par des sondages répétés.

Quelle qu’en soit l’indication, le sondage vésicalexpose à un risque infectieux. Il est directementdépendant de la durée du sondage et des soinsapportés au patient.

De nombreux travaux ont montré l’incidenceélevée des bactériuries chez le malade sondé. À lalumière de ces travaux, le sondage intermittentapparaît comme la solution la plus séduisantelorsqu’elle est possible, l’idéal étant bien sûr que lepatient réalise lui-même les sondages (autosonda-ges). Il existe désormais dans le commerce dessystèmes de sondes autolubrifiées raccordées à unsac collecteur qui permettent de se sonder dansn’importe quel lieu, avec un minimum de matériel. Ils’agit de sondages propres mais non stériles. Àchaque fois que les conditions anatomiques, leniveau intellectuel, et le degré d’habilité du patient lepermettent, il faut adopter cette solution. Le risqueinfectieux est faible et le patient garde sonautonomie. Dans le cas contraire, il faut se résoudreà la sonde à demeure.

■Quels sont les mécanismes

de l’infection ?

Trois mécanismes principaux de survenue d’uneinfection urinaire peuvent être incriminés :

– la contamination de la vessie lors ducathétérisme par des germes présents dans l’urètreantérieur et non supprimés par la toilette avantsondage ;

– la propagation des germes cutanés à partir duméat le long de la sonde ;

– la propagation des germes dans la lumièremême de la sonde, ce qui souligne l’intérêt demaintenir clos le système de drainage. On a montréainsi qu’à l’occasion des changements de sonde, lanumération des germes était plus élevée surl’ancienne sonde que sur la nouvelle.

Une fois installée, l’infection est pérennisée par laprésence de la sonde qui induit des lésionsinflammatoires au niveau de la muqueuse cervicaleet de la muqueuse urétrale, et qui peut être àl’origine d’incrustations calcaires (elles apparaissentdès la première semaine après la pose de la sonde),voire de calculs qui représentent autant de nids àgermes.

■Quels sont les facteurs

de risque ?

Le risque de bactériurie (> 105 germes/mL)dépend de la durée du cathétérisme, de la diurèse,de la stase urinaire, du sexe, de l’âge et de laprésence de maladies associées. Plus la diurèse estfaible, plus le risque est grand. L’obstruction dusystème de drainage à un niveau quelconque est

facteur de stase, et donc de pullulation microbienne.Le risque d’infection est deux fois plus élevé chez lesfemmes que chez les hommes, du fait de la brièvetéurétrale. Il existe en revanche chez ces derniers unrisque d’épididymite aiguë et de prostatite aiguë, etles foyers prostatiques peuvent être à l’origine derécidive.

■Comment en faire le diagnostic ?

La bactériurie est souvent asymptomatique etc’est la pratique d’un examen cytobactériologiquedes urines (ECBU) systématique qui la mettra enévidence. Ailleurs, elle peut être à l’origine d’unefièvre à 38-38,5 °C. Chez l’homme, la survenued’une épididymite ou d’une prostatite est dediagnostic facile si on a le réflexe d’examiner lesorganes génitaux et de réaliser un toucher rectal.

L’interprétation de l’ECBU ne présente que peu departicularités, si ce n’est qu’une leucocyturie sansinfection est possible du fait de la présence d’uncorps étranger. La présence de bactériurie à uneconcentration insuffisante pour porter le diagnosticd’infection urinaire est souvent annonciatrice d’unevéritable infection, survenant alors dans les 24 à72 heures suivantes.

Le germe le plus souvent rencontré est Escherichiacoli. Il faut toutefois se méfier lorsque les patientsviennent de séjourner à l’hôpital. Ils peuvent êtreporteurs de germes multirésistants, bien connus denos services hospitaliers : Enterobacter cloacae,Serratia marcescens, Pseudomonas aeruginosa,Enterococcus faecalis.

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■Peut-on limiter le risque

infectieux ?

Il existe un consensus concernant l’abstentionthérapeutique en cas de bactériurie asymptoma-tique. Un traitement n’entraînerait qu’uneamélioration temporaire et favoriserait l’émergencede germes résistants.

■Comment réaliser les

changements de sonde ?

La sonde doit être changée une fois par mois. Ilest recommandé de pratiquer un ECBU 24 ou48 heures auparavant. En cas de complicationinfectieuse, la connaissance du germe et de sasensibilité permet d’instaurer très précocement un

traitement adapté. Sauf anomalie anatomique del’urètre, le changement de sonde est un geste facilequi peut être réalisé par tout médecin non urologuesi les conditions d’asepsie sont respectées.

■Quelle surveillance exercer ?

Il s’agit d’une question difficile. On oscilleperpétuellement entre le risque de trop en faire etcelui de voir sa vigilance se relâcher devant unesituation chronique.

La surveillance bactériologique des urines doitêtre régulière, même si aucun traitement n’estpréconisé. En cas de complication infectieusesévère, la connaissance du germe permet degagner un temps précieux. Il est donc conseillé de

faire un ECBU avant chaque changement desonde. Une fréquence plus élevée n’est pas justifiée,sauf cas particulier.

La sonde à demeure est source d’incrustation (cfsupra), voire de calcul vésical. Il faut notamment ypenser en cas de recrudescence des complicationsinfectieuses ou de l’apparition de nouveauxgermes. Un cliché sans préparation centré sur lavessie peut permettre d’en faire le diagnostic sielles sont suffisamment volumineuses et il n’estpas déraisonnable d’en faire faire un tous les 6 à12 mois. S’il est normal et qu’un doute persiste, ilne faut pas hésiter à réadresser le patient à sonurologue pour explorer (ou réexplorer) l’appareilurinaire par une uréthrocystoscopie, voire uneurographie intraveineuse.

Christian Boyer : Ancien chef de clinique-assistant.Benoît Barrou : Praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.

Marc-Olivier Bitker : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.Christian Chatelain : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.François Richard : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.

Service d’urologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Boyer, B Barrou, MO Bitker, C Chatelain et F Richard. Malade porteur d’une sonde vésicale à domicile.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0686, 1999, 2 p

Les principales mesures de prévention de l’infection sur sonde sont d’ordre « mécanique ». On peut les énumérer comme suit :✔ respecter les précautions d’asepsie lors de la pose de la sonde ;✔ utiliser des sondes en silicone dès que la durée prévisible du sondage excède 48 heures. Elles sont en effet mieux tolérées parl’urothélium et l’on connaît le rôle des microtraumatismes muqueux dans la genèse des infections urinaires ;✔ choisir des sondes de calibre adapté au diamètre urétral. Des sondes de trop fort calibre gênent l’écoulement des sécrétionspériurétrales qui stagnent puis s’infectent ;✔ veiller au maintien d’une diurèse abondante (3 L/j). On ne répétera jamais assez ce conseil, notamment aux personnes âgéesdont la sensation de soif est amoindrie et pour lesquelles l’eau représente véritablement un médicament ;✔ utiliser un système de drainage clos muni d’une prise latérale pour prélèvement d’urines, ainsi que d’une poche collectricevidangeable et munie d’un système antireflux. Il faut impérativement limiter le nombre de déconnexions ;✔ veiller à ce que le sac collecteur reste déclive dans toutes les situations, même lorsque le patient se déplace ;✔ veiller à ce que ne survienne aucune coudure de la tubulure ;✔ réaliser des soins de sonde quotidiens avec nettoyage soigneux de la région du méat, zone d’extériorisation des sécrétionsurétrales qui s’écoulent le long de la sonde ;✔ changer enfin régulièrement la sonde (une fois par mois) lorsqu’elle est à demeure.

5-0686 - Malade porteur d’une sonde vésicale à domicile

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Néphrologie pratique : comment

interpréter une protéinurie, une

hématurie, une anomalie de la natrémie

H Izzedine

U n geste simple et presque constamment effectué durant notre activité professionnelle reste la bandeletteurinaire. Mais exploitons-nous correctement les informations qu’elle nous délivre ?

© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : protéinurie, hématurie, hypernatrémie, hyponatrémie.

■Protéinurie

‚ Introduction

La présence d’une protéinurie est toujours letémoin d’une anomalie fonctionnelle ou d’unelésion organique rénale. La protéinurie estgénéralement asymptomatique, si bien que sarecherche doit être systématique. Toutes lesnéphropathies peuvent, au cours de leur évolution,s’accompagner de protéinurie. Si la relationétiologique est habituellement facile à faire lorsquela protéinurie est découverte au cours de situationspathologiques connues (maladies métaboliques ouimmunologiques, uropathies malformatives,infections urinaires, hypertension artérielle…), il enva tout autrement en présence d’une protéinurie dedécouverte fortuite et cliniquement isolée.

L’évaluation quantitative de la protéinurie fournitd’emblée des renseignements importants. Quelquesexamens simples permettent ensuite d’obtenir leplus souvent une orientation étiologiquesatisfaisante et de programmer alors lesinvestigations spécialisées éventuellementnécessaires.

‚ Rappel physiologique

Les protéines retrouvées dans les urines ontpresque toujours une origine plasmatique. Elles sonthabituellement filtrées par le glomérule, puis engrande partie réabsorbées par endocytose etdétruites dans les cellules tubulaires.

Le glomérule constitue une barrière qui laissepasser les protéines en fonction de trois critères :

– leur taille : poids moléculaire (PM), valeur-seuil :60 000 ;

– leur charge électrique (négative) : elles sontrepoussées par la membrane basale glomérulaire ;

– les conditions hémodynamiques locales.

Les cellules tubulaires sont capables decataboliser par digestion intracellulaire lysosomaleles protéines réabsorbées ; 1 % de ces protéines, nonréabsorbé est retrouvé dans l’urine définitive etconstitue la protéinurie physiologique.

‚ Protéinurie physiologique

Physiologiquement, il existe une protéinurie detrès faible abondance. Chez les sujets normaux, cetteprotéinurie physiologique est d’environ 40-80 mg/javec une valeur supérieure haute inférieure à150 mg/ 24 heures. Cette protéinurie est composéepour moins de 10 mg/j d’albumine vraie, pour 30 à

50 mg/j de mucoprotéine de Tamm-Horsfall(protéine synthétisée et sécrétée spécifiquementdans la branche ascendante large de l’anse de Henleet ajoutée à l’urine après la filtration glomérulaire ;cette protéine joue un rôle important puisqu’elleconstitue la matrice de la plupart des cylindresurinaires), et enfin moins de 20 mg/j d’immunoglo-bulines et de fragments d’immunoglobulines etd’autres protéines de petit poids moléculaire(tableau I).

‚ Protéinuries pathologiques

Dans un certain nombre de situationspathologiques, la barrière de filtration glomérulaireest altérée et laisse passer dans l’urine des quantitésimportantes de macromolécules, dont notammentdes protéines. Cette quantité anormale de protéinesretrouvée dans l’urine définit la protéinurie (>150 mg/j) qui peut avoir plusieurs mécanismes etsignifications :

■ une protéinurie constituée principalement deprotéines de faible PM, qui passent normalement lefiltre glomérulaire, correspond :

– soit à un défaut de réabsorption tubulaire(syndrome de Fanconi, néphropathie tubulo-interstitielle chronique) ;

– soit à un excès de production de ces petitesprotéines (chaînes légères du myélome…) ;

À retenir :✔ La protéinurie est la manifestation la plus fréquente des maladies rénales.✔ Les bandelettes urinaires permettent de dépister facilement la protéinurie maisl’examen de référence pour la quantification est la mesure de la protéinurie sur 24heures.✔ Lorsque la protéinurie est importante, les patients décrivent souvent les urinescomme troubles et remarquent la présence de mousse, secondaire à la présence deprotéines dénaturées.✔ L’existence d’une protéinurie à un dosage pondéral contrastant avec unebandelette urinaire négative doit faire évoquer une protéinurie constituée dechaînes légères d’immunoglobulines.✔ L’association protéinurie + hématurie microscopique doit faire évoquer unepathologie glomérulaire.✔ La protéinurie est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant.

Tableau I. – Protéinurie physiologique.

- débit< 150 mg/jour• en moyenne 80 mg/jour• dont 0 à 30mg/jour d’albumine (« microalbu-

minurie »)• usuellement non détectée par les bandelettes

réactives- composition

• 60 % de protéines plasmatiques : 1/3 d’albu-mine, 2/3 de globuline

• 40 % de protéines d’origine tubulaire et uri-naire :

- mucoprotéine de Tamm-Horsfall- déchets protéolysés de provenance

urogénitale

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■ une protéinurie constituée principalement deprotéines passant très peu physiologiquement lefiltre glomérulaire (albumine ± globulines de PM> 60 000) témoigne d’une néphropathieglomérulaire.

Mesures de la protéinurie

¶ Bandelette urinaire réactiveÀ n’utiliser que sur un échantillon d’urine

fraîchement émise.Positivité si virage du jaune au vert.Une échelle colorimétrique permet une cotation

semi-quantitative (de une à quatre croix).Seule la présence d’albumine est détectée. Les

globulines et les chaînes légères ne sont pasreconnues par le test.

Il existe de nombreux faux-positifs :■ réactif vieux ou mal conservé ;■ urines très alcalines ;■ présence d’antiseptique (ammonium

quaternaire) dans le bocal ;■ contamination du recueil par les sécrétions

vaginales chez la femme ;■ examen iodé récent (moins de 24 heures).La bandelette ne détecte que les albuminuries

supérieures à 20 mg/dL.En pratique, protéinurie positive à une croix

= 300 mg/j, protéinurie à deux croix = 1 g/j,protéinurie à trois croix ≥ à 3 g/j.

¶ Protéinurie des 24 heuresLa protéinurie peut être recherchée par

bandelette urinaire sur un échantillon. Cependant, ledosage de la protéine sur une période de 24 heuresdoit être systématique pour toute recherche deprotéinurie. Cette recherche doit être faite commesuit : première diurèse du matin éliminée, collecte detoutes les urines des 24 heures jusqu’au lendemain,miction avec vidange complète le lendemain à lamême heure conservée.

¶ MicroalbuminurieNormalement, l’albumine dans les urines est

excrétée à un taux de 20 µg/min. Dans certainesconditions pathologiques telles que la néphropathiediabétique au stade incipiens, le taux d’albuminurievarie entre 20 et 200 µg/min.

La recherche de la protéinurie est importante, elleoriente le diagnostic. De plus, elle constitue unfacteur de risque cardiovasculaire indépendant,même chez les patients non diabétiques. Pourestimer le risque d’événements cardiovasculaireschez des patients à haut risque tels que lesdiabétiques et chez d’autres patients (nondiabétiques), une cohorte a été suivie de 1994 à1999 comportant 5 545 patients, âgés de plus de55 ans avec au moins un facteur de risque pour3 498 d’entre eux. La microalbuminurie a étédétectée chez 32,6 % (1 140) des diabétiques et chez14,8 % (823) de non-diabétiques.

Le risque relatif (rr) était de :■ pour les principaux événements cardiovascu-

laires : 1,83 ;■ pour toute cause de décès : 2,09 ;■ pour toute hospitalisation pour insuffisance

cardiaque congestive : 3,23.En outre, dans les populations générales et

d’hypertendus, la microalbuminurie est commune et

a été associée à un profil athérogène. De plus,l’albuminurie, même à concentration physiologique(limite supérieure de la normale) chez des hommeshypertendus est associée à un profil cardiovasculaireet métabolique défavorable sur 186 patientshypertendus essentiels à fonction rénale normale,jamais traités, glucose-tolérants, normoalbuminu-riques par rapport aux trois quarts inférieurs(albuminurie 6,3 et 9,4 mg/min), les patients avec15 mg/min de l’albuminurie (albuminurie normale ànormale haute) ont eu une plus grande hypertrophieventriculaire concentrique, un indice de massecorporelle plus élevé (BMI pour body mass index)plus élevé, des niveaux d’insuline à jeun accrus, unesensibilité à l’insuline réduite.

Il est avancé qu’un dysfonctionnementendothélial est le phénomène fondamental pourexpliquer la microalbuminurie d’une part, et le risquecardiovasculaire d’autre part. À cet égard, la perte duglycoaminoglycan de sulfate d’héparine pourraitêtre un mécanisme physiopathologique important.

Caractéristiques de la protéinurie

¶ Caractères de la protéinurie.La protéinurieest-elle permanente ?Une protéinurie transitoire ou intermittente ne

nécessite pas d’explorations complémentaires. Cesprotéinuries sont de loin les plus fréquentes : 4 à 7 %des consultations de médecine générale. Ellesjustifient de vérifier le dosage des protéines dans lesurines sur un nouvel échantillon. Une fièvre, unexercice physique important, une infection urinaire,l’administration de médicament vasopressif, laperfusion d’albumine peuvent majorer uneprotéinurie de 1 g par 24 heures environ.

La protéinurie orthostatique (tableau II) se définitpar l’excrétion de protéines dans les urines lorsque le

sujet est en position debout. Elle disparaît lorsque lepatient est en décubitus prolongé avant le recueildes urines. Le mécanisme de cette affection estinconnu mais probablement lié à des anomalies dela paroi glomérulaire. Elle se caractérise par :

■ l’atteinte des sujets jeunes, souvent desadolescents (< 20 ans) ;

■ un faible débit (1 à 2 g par 24 heures) ;■ un sédiment urinaire normal ;■ son caractère spontanément résolutif ;■ la normalité de la voie excrétrice.

Une fois ce diagnostic établi chez un adolescentprotéinurique, il convient d’être rassurant, aucunemesure thérapeutique n’est de mise.

Lorsque la protéinurie est permanente et non liéeà l’orthostatisme, elle témoigne d’une pathologierénale ou systémique.

¶ Typer la protéinurie permanente :quel est le type de protéine excrété ?L’examen essentiel qui permet de déterminer le

type de protéine excrété dans les urines estl’électrophorèse des protéines urinaires (tableau III).

Tableau II. – Protéinurie orthostatique : critè-res diagnostiques.

• Terrain : adolescent, longiligne, en période decroissance

• Caractère strictement isolé de la protéinurie

- pas d’antécédents uronéphrologiques personnelsou familiaux- examen somatique normal (notamment pasd’œdèmes ni HTA)- fonction rénale normale- sédiment urinaire : ni hématurie ni leucocyturie- pas d’uropathie décelable : UIV normale

• Caractère orthostatique de la protéinurie

- Techniquele matin au réveil : miction en clinostatisme et

jeter les urinesdécubitus strict de 2 heures et miction en clinos-

tatisme = échantillon 1orthostatisme de deux heures et miction =

échantillon 2

- Résultatéchantillon 1 = protéinurie nulleéchantillon 2 = protéinurie positive (1 à 2 g/L !)

• Survenue peu avant la puberté et disparitionavec l’arrêt de la croissance (après 20 ans)

HTA : hypertension artérielle ; UIV : urographie intraveineuse.

Tableau III. – Protéinurie permanente : exa-mens complémentaires.

Biologiques courants

• Électrophorèse des protides sanguins• hypoalbuminémie (syndrome néphrotique) ?• gammapathie monoclonale ?

• Ionogramme sanguin• Glycémie• Numération sanguine• Créatininémie• Étude du sédiment urinaire par bandelette réac-tive hématurie ? leucocyturie ?

Imagerie rénale

• Échographie rénale et cliché d’ASP• vérifient l’absence de dilatation des voies excré-

trices• mesurent la taille des reins et repèrent les

contours (en vue d’une éventuelle biopsie)• UIV si uropathie suspectée, après vérification dela fonction rénale, en l’absence de protéinurie deBence Jones, et en première partie de cycle chez lafemme

Biologiques de seconde intention

• Électrophorèse des protéines urinaires- pour dépister une protéinurie monoclonale+++

• pic étroit isolé dans la région desb- ou gam-maglobulines

• correspond le plus souvent à des chaînes lé-gères d’Ig au cours d’un myélome

• la monoclonalité sera prouvée par immuno-fixation

- pour distinguer (mais test imparfait)• protéinurie glomérulaire : riche en albumine

(> 40 %)• protéinurie tubulaire : riche en globulines

(albumine< 60 %)• b2-microglobulinurie

• petite protéine de 11 900 Da• sert de marqueur de tubulopathie proximale• retinol binding protein,lysozymurie et ami-

noacidurie sont moins utilisés

ASP : abdomen sans préparation ; UIV ; urographie intraveineuse ; Ig :immunoglobuline.

5-0485 - Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie

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Une protéinurie est dite glomérulaire sil’albumine est la protéine principalement éliminéedans les urines. Elle est tubulaire s’il existe dans lesurines des protéines de plus faible poids moléculaire.

L’électro- et l’immunoélectrophorèse des urinespermettent également de rechercher la présenced’une protéinurie monoclonale secondaire à lasynthèse d’une immunoglobuline par un cloneplasmocytaire médullaire dans le cadre d’unmyélome.

Protéinuries permanentes

Les protéinuries permanentes peuvent être liées àdes modifications hémodynamiques intrarénales, àdes protéinuries de surcharge, ou à des protéinuriespar dysfonction tubulaire ou glomérulaire.

¶ Protéinuries liées à des modificationshémodynamiques intrarénalesLes catécholamines, la rénine plasmatique ou

l’angiotensine II sont susceptibles de favoriser lepassage des protéines à travers le filtre glomérulaire.

Ce mécanisme est impliqué dans la protéinurieobservée dans l’insuffisance cardiaque oul’hypertension artérielle (HTA), dans les protéinuriesorthostatiques, au cours de la grossesse.

¶ Protéinuries de surchargeCes protéinuries sont constituées de protéines

de faible poids moléculaire (entre 20 et 30 kDa),libérées en quantité massive dans la circulationsanguine, librement filtrées par le glomérule maisinsuffisamment réabsorbées car le processus estsaturé au niveau du tube proximal. Dans cesprotéinuries de surcharge, la barrière de filtrationglomérulaire est initialement intacte et laprotéinurie traduit essentiellement l’hyperpro-duction d’une protéine spécifique en amont durein.

Augmentation de la charge plasmatique en uneprotéine :

■ librement filtrée par le glomérule, car petite ;■ incomplètement réabsorbée par le tubule

proximal, dont les possibilités sont dépassées.Causes :■ une production élevée d’origine tumorale ;– chaînes légères d’immunoglobulines au cours

du myélome multiple +++ ;– lysozyme au cours de certaines leucémies

aiguës ;■ un excès de libération dû à un dommage

tissulaire :– hémoglobine lors des hémolyses aiguës

intravasculaires = hémoglobinurie ;– myoglobine lors des rhabdomyolyses =

myoglobinurie ;– amylase lors des pancréatites aiguës =

amylasurie.

¶ Protéinuries par dysfonction tubulaireLe tube contourné proximal réabsorbe et

catabolise de très nombreuses protéinesplasmatiques, qui ont franchi librement unglomérule normal, du fait de leur petite taille et d’unpoint isoélectrique favorable.

L’existence d’une tubulopathie limite lespossibilités de réabsorption et se traduit par un débiturinaire élevé de ces protéines : protéinurie tubulaire.

Causes :■ néphropathies comportant une dysfonction

tubulaire proximale ;maladies du tube contourné proximal (syndrome

de Fanconi) ;■ les néphropathies tubulo-interstitielles

chroniques.

Diagnostic : bêta2-microglobulinurie élevée +++.

Par ailleurs :■ électrophorèse des protéines urinaires :

majorité de globulines de petit PM (test diagnostiquemédiocre) ;

■ protéinurie totale des 24 heures : débit faible(mais atteint parfois 1,5 à 2 g !).

¶ Protéinuries par dysfonction glomérulaire■ Anomalies glomérulaires :– soit fonctionnelles : perte des charges négatives

de la membrane basale glomérulaire (MBG) dans lanéphrose lipoïdique ;

– soit organiques : lésions variables del’endothélium, de la MBG, de l’épithélium.

■ Le débit de la protéinurie est variable :– abondant, le plus souvent supérieur à 1,5 g/j ;– débit > 4 grammes/j : néphropathie

glomérulaire très probable ;– parfois faible.

Sélectivité :■ Une fois la néphropathie glomérulaire

reconnue, il faut préciser sa présentationsyndromique et proposer éventuellement unebiopsie rénale :

– syndrome néphrotique ;– syndrome néphrotique aigu ;– syndrome de glomérulonéphrite rapidement

progressive ;– syndrome des hématuries macroscopiques

récidivantes ;– syndrome de glomérulonéphrite chronique.

‚ Approche d’évaluation d’une protéinurie

Exclure les protéinuries non pathologiques :■ des urines très concentrées avec une densité

supérieure à 1,026 ;■ des urines trop alcalines ;■ une recherche de protéinurie après un exercice

physique intense ;■ une recherche de protéinurie au cours d’un

épisode fébrile.

Histoire de la maladie et examen physique dupatient

■ revoir les anciennes investigations, les anciensexamens afin de définir l’ancienneté de laprotéinurie ;

■ faire le test à la recherche d’une protéinurieorthostatique en cas de doute.

Confirmer la protéinurie :■ par la protéinurie des 24 heures ;■ à renouveler pour contrôler sa permanence.

Autres examens en cas de protéinurie positive :■ regarder le sédiment urinaire, et spécialement

la présence d’une hématurie. La présence d’unehématurie mineure quelle qu’en soit la quantité,associée à une protéinurie, oriente vers une atteinterénale. Cette supposition sera confirmée par l’étudede la morphologie des globules rouges. La présencede globules rouges dysmorphiques dans les urinessuggère une pathologie glomérulaire. De même, laprésence de cellules-cibles ou globules rouges dansles urines indique une pathologie glomérulaireactive ;

■ explorer la fonction rénale avec le dosage de lacréatininémie, de l’urée, d’un ionogramme sanguinet une albuminémie, cholestérol et triglycérides ;

■ s’assurer de la normalité de la voie excrétrice.Réaliser une imagerie rénale : une échographierénale, un abdomen sans préparation (ASP),tomographies rénales, etc ;

■ autres investigations : selon le type deprotéinurie et l’allure du sédiment urinaire, l’attitudepratique devant une protéinurie est résumée sur lafigure 1, les investigations pouvant conduire jusqu’àla ponction-biopsie rénale.

‚ Mesures thérapeutiques

La protéinurie, lorsqu’elle est le symptôme d’unemaladie rénale, requiert un traitement spécifiqueune fois le diagnostic établi, qui peut comporter desimmunosuppresseurs (corticostéroïdes et agentscytotoxiques).

Le traitement se fait par les inhibiteurs del’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ou lessartans : ces classes thérapeutiques représentent unoutil majeur pour diminuer le débit de la protéinurieet ralentir la dégradation de la fonction rénale. Enplus de leur effet antihypertenseur systémique, lesmédicaments diminuent la pression intragloméru-laire par leur action sur l’artériole efférente.

■Hématurie

‚ Introduction

La présence d’une quantité anormale d’hématiesdans l’urine définit l’hématurie. L’hématuriemicroscopique est par définition invisible à l’œil nu.Elle est dépistée par les bandelettes réactivesurinaires, et est définie par la présence de plus decinq hématies par mm3 d’urine. L’hématuriemicroscopique asymptomatique est fréquente (2,5 à3 % pour 20 000 habitants), et représente 10 % deshématuries. L’œil humain perçoit la coloration roséeou rouge de l’urine pour un débit d’hématiessupérieur à 300/mm3 définissant l’hématuriemacroscopique. L’hématurie non expliquée par unecause évidente, par exemple une cystite, est unsymptôme relativement fréquent. Une hématurieisolée n’est pas dangereuse en elle-même sauflorsqu’un saignement extraglomérulaire est

En pratique, toute protéinurie récentechez un sujet de plus de 50 ans doitfaire penser à la possibilité d’unmyélome +++ et doit faire pratiquerune électrophorèse des protidesurinaires.

Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie - 5-0485

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abondant et qu’il est responsable de la formation decaillots obstruant les uretères. Cependant la mise enévidence d’une hématurie a une grande valeurdiagnostique car celle-ci peut être le symptômerévélateur d’une maladie rénale ou urologiquegrave.

‚ Est-ce une hématurie ?Docteur, j’ai du sang dans les urines

Les critères de reconnaissance d’une hématuriemacroscopique ou d’une hématurie microscopiquesont donnés dans le tableau IV.

‚ L’hématurie étant confirmée, est-elleurologique ou néphrologique ?

L’origine glomérulaire de l’hématurie si elle estconfirmée permet d’éviter la réalisation de certainesexplorations urologiques. En revanche, l’affirmationde l’origine glomérulaire de l’hématurie impliqueque le patient doit être adressé au néphrologue pourdiscussion de l’indication d’une ponction biopsierénale (tableau V).

‚ Quelles sont les causes les plusfréquentes ?

Les principales causes d’hématurie sont résuméesdans la figure 2 et le tableau VI.

‚ Imagerie

La rentabilité diagnostique de l’imagerie del’appareil urinaire chez l’adulte augmente avec l’âge,et elle est plus importante avec l’hématuriemacroscopique (5 à 23 %) qu’avec l’hématuriemicroscopique (jusqu’à 14 %). La démarche optimaled’imagerie reste mal établie parce que la majoritédes patients ont des signes très minimes. Uneurographie intraveineuse ou une échographie rénaleà la recherche de calculs, d’une tumeur du rein oud’une polykystose est généralement effectuée.L’urographie intraveineuse est préférable chez lesjeunes patients car elle détecte des lésions, commel’ectasie canaliculaire précalicielle, qui ne sont pasdétectées par l’échographie. Chez les patients qui ontune contre-indication à l’urographie intraveineuse(par exemple allergie au produit de contraste),l’échographie peut être utilisée à la place. Cetexamen est moins coûteux mais sa rentabillitédiagnostique est plus faible. Les patients jeunes avecune urographie intraveineuse normale nenécessitent pas d’échographie dans la mesure où cetexamen a une très faible valeur diagnostique dans

À retenir :✔ L’hématurie est fréquente et dans la majorité des cas bénigne lorsqu’elle est isolée.✔ La possibilité d’un cancer urologique doit être présente à l’esprit du praticien, surtout chez l’adulte présentant des facteurs derisque (tabac +++).✔ Le traitement par antivitamine K à dose efficace en l’absence de surdosage ne peut pas expliquer une hématurie. Le patient doitêtre exploré de la même façon qu’en l’absence de traitement anticoagulant.✔ Chez la femme, il faut vérifier que le sang ne provient pas d’un saignement vaginal mêlé aux urines recueillies pour l’examen àla bandelette. Il faut refaire l’examen en dehors des règles.

Tableau IV. – Hématurie macroscopique et hématurie microscopique.

Hématurie macroscopique si Hématurie microscopique si

• Émission d’urines foncées ou de couleur rouge• 1 mL de sang dans 1 L d’urine suffıt à induire un changement de couleur• l’hématurie peut être continue ou intermittente• la centrifugation permet de vérifier que la couleur n’est pas liée au surnageant(hémoglobine, myoglobine, colorants alimentaires ou médicamenteux)

Faux-positifs :• L’uréthrorragie : saignement en dehors des mictions• Urines colorées par des pigments :- alimentaires : betteraves, choux rouge, myrtilles- médicamenteux : rifampicine, métronidazone, phénindine, laxatifs- humaines : hémoglobine, myoglobine, bilirubine

• Présence de plus de 5 globules rouges par mm3 dans le sédiment urinaire,> 5 000/mL ou /min au compte d’Addis• Les bandelettes urinaires sont aussi sensibles que l’examen du sédiment urinairemais sont moins spécifiques (plus de faux-positifs)• un examen des urines à la bandelette négatif exclut l’existence d’une hématurie,mais la présence d’hématies lysées dans les urines peut positiver faussement labandelette

Faux-positifs à la bandelette :• Hémoglobinurie• Myoglobinurie• Antiseptiques

Pu positiveBU

Pu positivePu négative

Pu transitoire, fonctionnelle(fièvre, exercice...)

Pu < 0,15 g/j- CICr normale

Pu > 1,5 g/j ou +Pu + hématurieou CICr abaissée

0,15 < Pu ≤ 1,5 g/jFonction rénale normale

Pu des 24 heuresClairance de la créatinineÉtude du sédiment urinaire

Répéter test

Fausse protéinurie Avis néphrologue

1 Prise en charge d’une protéinurie découverte à la bandelette urinaire (BU) chez un adulte. Pu : protéinurie ;ClCr ; clairance de la créatinine.

5-0485 - Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie

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ce contexte. Les sujets plus âgés peuvent êtreexplorés d’abord par l’échographie qui estsupérieure pour la visualisation des petites tumeursdu rein. La réalisation d’un scanner ou d’unerésonance magnétique nucléaire (RMN) n’esthabituellement pas nécessaire dans le cadre de cetteévaluation initiale.

‚ Indications de la cystoscopie

Les indications de la cystoscopie lorsquel’urographie intraveineuse et l’échographie sont

négatives restent mal définies. La valeurdiagnostique de cet examen est très faible chez leshommes en dessous de 40 ans et chez les femmes àfaible risque. D’une façon générale, la cystoscopieest recommandée chez les patients à risque decancer de la vessie : hommes de plus de 50 ans etceux qui ont des facteurs de risque spécifiques,comme l’utilisation prolongée et importante dephénacétine, les gros fumeurs, l’exposition à certainscolorants ou l’administration prolongée decyclophosphamide (tableau VII).

La combinaison d’une échographie négative etd’une cystoscopie négative est habituellementsuffisante pour exclure un cancer de l’appareilurinaire. Cependant un cancer peut se révélersecondairement dans quelques cas. Ce risque decancer d’apparition ultérieure est estimé à environ1 % à 3 ou 4 ans chez les sujets âgés. Chez les sujetstout particulièrement à risque, une cytologie urinairepeut être réalisée initialement puis à intervallerégulier, par exemple tous les 6 mois. Un scannerpermet aussi de trouver des petites tumeurs qui

Tableau V. – Hématurie urologique et hématurie néphrologique.

Urologique

• Il s’agit le plus souvent d’une hématurie macroscopique• Plusieurs éléments cliniques évoquent d’emblée un saignement de cause urologique

- des douleurs- des troubles mictionnels- des dépôts/caillots urinaires- pyurie associée- une chronologie particulière de l’hématurie au cours de la miction

interrogatoire± visualisation d’une miction fractionnée• hématurie terminale = cause vésicale• hématurie initiale = cause uréthroprostatique

NB : une hématurie totale n’est pas forcément urologique et n’a aucune valeur localisatrice• Absence d’hématies urinaires déformées• Présence d’indices cliniques en faveur d’une uropathie• Les principales hématuries urologiques sont les lithiases et les tumeurs• Le caillotage des voies urinaires doit être évité en entretenant une hyperdiurèse• Anomalies d’allure lithiasique ou tumorale sur l’échographie et/ou l’urographie intraveineuse• Un traitement spécifique adapté sera proposé (traitement d’une lithiase, d’une tumeur bénigne ou maligne,d’une infection)

Néphrologique

Il s’agit d’une hématurie (microscopique ou macroscopique)- « isolée » = pas de douleurs, pas de troubles mictionnels, pas de caillots ou dépôts- «totale » = lorsqu’elle est macroscopique

• Les causes urologiques évoquées ci-contre restent possibles• Il faut ajouter les néphropaties• Hématies urinaires déformées± cylindres hématiques• ± protéinurie, HTA, insuffısance rénale• Les principales néphropathies causales sont glomérulaires• L’intérêt d’une biopsie rénale devra être discuté

HTA : hypertension artérielle.

10

Transitoire inexpliquée

Infection urinaire

Lithiase

Hématurie d'effort

Traumatique

Endométriose

Polykystose

Cancer

Maladies glomérulaires

20 30 40 50 60 70 80 90

Transitoire

Âge

Permanente

2 Principalescausesd’hé-maturie en fonction del’âge. En jaune, les causesles plus fréquentes.

Tableau VI. – Causes fréquentes d’hématuriemicroscopique isolée.

Pathologies rénales

- Néphropathies à IgA- GN membranoproliférative- GN à dépôts de C3- Néphropathie lupique- Purpura rhumatoïde- Syndrome de Goodpasture- Vascularite rénale- Hématurie bénigne- Maladie des membranes basales fines- Syndrome d’Alport- Néphropathie interstitielle- Néphropathie des analgésiques- Pyélonéphrite- Néphropathie drépanocytaire- Polykystose rénale- Kyste rénal isolé (?)- Traumatisme/chirurgie rénale- Biopsie rénale- Exercice physique- Dépôts artériolaires de C3- Embole ou thrombose artérielle- Thrombose veineuse rénale- Malformations artérielles ou veineuses- Fistule artéroveineuse- Nutcracker syndrome

Pathologies urinaires

- Traumatisme/Chirurgie- Néoplasie- Uropathie obstructive- Kystes- Varices/Télangiectasie- Nécroses papillaires- Périurétérite- Urétérocèle- Endométriose- Infection- Bilharziose- Irradiation- Diverticule- Cystite iatrogène- Hématurie a vacuo- Prostatite- Adénome prostatique- Urétérite- Prolapsus uréthéral- Ulcère du méat- Condylome- Corps étranger- Cathéter- Exercice

Anomalies de la coagulation

- Troubles plaquettaires- Déficit en facteur de la coagulation- Traitement anticoagulant

IgA : immunoglobulines A ; GN : glomérulonéphrite.

Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie - 5-0485

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n’ont pas été détectées par les autres examens. Uneautre attitude est de répéter l’échographie et lacystoscopie à 1 an chez les patients à haut risquechez lesquels l’hématurie persiste. Inversement chezles patients à faible risque avec une hématuriemicroscopique persistante, un simple suivi estsuffisant avec des examens urinaires périodiques.

La cystoscopie est également indiquée dans lesrares situations où une hématurie macroscopiqueintermittente ou persistnte est inexpliquée. Il est alorspossible lors de cet examen de déterminer si lesaignement provient de la vessie ou de l’un ou desdeux uretères. Un saignement unilatéral oriente versune malformation artérioveineuse, une fistule oudes varices veineuses.

‚ Attitudes pratiques en cas d’hématurie

Les figures 3, 4, 5 résument différentes attitudesface à une hématurie macroscopique, oumicroscopique isolée.

■Dysnatrémies

QuestionsMadame X vient vous voir et vous dit :Docteur, je ne bois presque plus (de l’eau) car j’ai

trop d’eau dans les jambes (œdèmes).

Monsieur X vous consulte :

Docteur, voyez-vous j’ai réduit ma consommationen sel car dans mon bilan, le sodium est à150 mmol/L.

Que pensez-vous de ces interprétations ?

Que répondez-vous ?

‚ Rappels physiologiques

Clinique

La natrémiereflète l’état d’hydratation intracellulaireet donc le bilan hydriqued’où :■ hyponatrémie := hyperhydratation intracellulaire ;

= bilan hydrilique positif ;la sanction thérapeutique : restriction hydrique ;

■ hypernatrémie := déshydratation intracellulaire ;

Tableau VII. – Facteurs de risque de cancersurothéliaux.

Carcinogènes chimiques

- exposition professionnelle au colorants et aucaoutchouc- tabac- cyclophosphamide- phénacétine- « herbes chinoises »

Inflammation chronique

- schistosomiase- leucoplakie- diverticule vésical- extrophie vésicale

CAT en cas d'urines rouges

Bandelette urinaire

Pos iti ve Négative

ECBU Porphy rie Bettera ve MédicamentsSurna geant clair

Culot d 'hématies

Hématurie

Hématurie ind oloresans caill ots+ ProtéinurieCylindre s hématiquesGlobules rouges déformés

Hématurie d ouloureu seavec caill otsSans protéinurieni cy lindre s hématiquesGlobules rouges normaux

Syndr ome de néph ropathieglomérulaire

Rechercher- globules rouges déformés- cylindres hématiques- protéinurie- faire créatininémie- échographie rénale, vésicale, prostatique

HémoglobinurieMyoglobinurie

Toucher rectalUIV ou échographie

Surnageant rougepas de culots d'hématies

PBR

Cause urologique

LithiaseCancer de la voie excrétriceou de la prostate

Cytologie urinairesurtout si > 50 anstabagiqueCystoscopie

3 Conduite à tenir (CAT) en cas d’urines rouges. ECBU : examen cytobactériologique des urines ; UIV :urographie intraveineuse ; PBR : ponction-biopsie rénale.

Hématurie microscopique isolée, inexpliquée

Âge

Tumeur rénaleou urothéliale ?

Cytologie urinaireScanner rénalCystoscopie

MicrolithiaseDrépanocytose

Calciurie, uraturieCristallurie des 24 heuresÉlectrophorèse Hb

Oui Non Oui

Abondance de l'hématurie

Fort débit ou hématuriemacroscopique

Enfant - adulte jeune

Urologue NéphrologueDiététicien

Hématurie microscopique

Cystoscopie en période hémorragique

Saignement urétéralunilatéral

Sang provenant des deuxuretères

= néphropathiediscuter une biopsie rénale

= uropathiediscuter scanner ouIRM rénale, artériographie,urétéroscopie ou urétérographie

Surveillance (annuelle puis espacée)- bandelette urinaire- pression artérielle- créatininémie- échographie rénale + vésicale- ± cytologie urinaire tumorale

> 50 ans - Facteurs de risque urothéliaux

4 Hématurie microscopique isolée, inexpliquée. IRM : imagerie par résonance magnétique.

5-0485 - Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie

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= bilan hydrique négatif ;la sanction thérapeutique : apport d’eau.

La volémiereflète l’état d’hydratation extracellulaireet donc le stock sodéd’où :■ les œdèmes :

= hyperhydratation extracellulaire ;= stock sodé positif ;la sanction thérapeutique = régime sans sel ;■ l’hypotension, le pli cutané= déshydratation extracellulaire ;= stock sodé négatif ;la sanction thérapeutique = apport de sel.

Calcul de la fraction excrétée du sodium

FE Na = (Una × PCr × 100) / (Pna × UCr)

où : Una est la natriurèse ; PCr est lacréatininémie ; Pna est la natrémie ; UCr est lacréatininurie.

Exemple :

Natrémie = 140 mmol/L

Natriurèse = 40 mmol/L

Créatininémie = 352 mmol/L

Créatininurie = 12,3 mmol/L

FE Na = (40 × 352 × 100) / (140 × 12,3) = 0,82 %

Toute élévation de la température d’un degréaugmente les pertes insensibles d’environ500 mL/j.

‚ Troubles du bilan sodé

Déficit sodé

Déficitsodé

Déshydratationextracellulaire

pli cutané

Hypovolémieefficace

Surcharge sodée hypervolémique(ou primitive)

Surchargesodée

Hyperhydratationextracellulaire

Œdèmes

Hypervolémie

Surcharge sodée hypovolémique(ou secondaire)

Hypovolémieefficace

Surchargesodée

Hyperhydratationextracellulaire Œdèmes

‚ Différents mécanismesde l’hyponatrémie hypotonique

Hyponatrémie de surcharge hydriqueprimitive

Surchargehydrique Hyponatrémie (de dilution)

Volume extracellulairecliniquement normal

Hyponatrémie de déficit sodé

Déficitsodé

Déshydratationextracellulaire(pli cutané)

Hypovolémieefficace

Rétentionhydrique

Hyponatrémie(de déficit)

Hyponatrémie de surcharge hydrosodée

Hypovolémieefficace

Rétentionsodée

Rétentionhydrique

Hyperhydratationextracellulaire(œdèmes)

Hyponatrémie(de surcharge)

‚ Conduite à tenir devantune dysnatrémie (fig 6, 7, 8)

RéponsesLes interprétations sont bien sûr fausses, les

réponses sont respectivement :

■ vous avez les jambes enflées parce que vousavez trop de sel (bilan sodé positif = œdèmes), il fautdonc réduire votre apport en sel (fig 6, 7) ;

■ votre natrémie est élevée donc vous manquezd’eau (bilan hydrique négatif = déshydratationintracellulaire). Il faut donc boire beaucoup plusd’eau et manger normalement salé (fig 8).

Références ➤

HMA à labandelette urinaire

Infection

Enfant

CalciurieUraturieUIV (?)Cystographie (?)

CalciurieUraturiePBR (?)

Confirméepar microscopie ?

Cylindres hématiquesou protéinurie ouélévation créatininémie

Présente sur deuxà trois prélèvements

Adresser au néphrologue

Probable PBR

Adulte < 45 ans Adulte > 45 ans

Calciurie/UraturieCytologie urinaireCystoscopieUIVÉchographieScanner (?)Angiographie (?)PBR (?)

Adresser à l'urologue

* Cytologie urinaire positive* Anomalies de l'imagerie urinaire

Traiter l'infection et répéter l'examen

Considérer comme fausse hématurie(myoglobine, hémoglobine)

Répéter l'examen tous les 3 à 6mois pendant 1 an

Surveillance et vérifiersi nouveaux symptômes

Histoire de la maladieExamen physique, biologie, ECBU

Non

Non

Non Non

Non

Oui

Oui

OuiOui

Oui

5 Hématurie microscopique asymptomatique (HMA) de l’adulte. ECBU : examen cytobactériologique desurines ; UIV : urographie intraveineuse ; PBR : ponction-biopsie rénale.

Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie - 5-0485

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Natrémie < 135 mmol/L

Hyponatrémie isotonique

Hyponatrémie de dilutionHyponatrémie de déplétion

NaU < 20mm0l/j

U Osm > 1POsmUr > 100

U Osm < 1POsmUr < 100

NaU > 20mm0l/j

HTA

Sérum salé Restriction hyd rique+ régime sans sel

Restriction hyd rique et/ourecharge potass ique

Pertes dige stives * diarrhées, VMS * fistule * «3e secteur» * aspiration gastriquePertes su do rales * fièvre * brûlures * mucoviscidose

Pertes ur inaires * diurétiques * insuffisance surrénalienne * néphropathie avec perte de sel * tubulopathie * levée d'obstacle * diabète sucré * hypercalcémie

Surcharge sodéehypervolém ique * insuffisance rénale aiguë * insuffisance rénale chronique terminale * syndrome néphritique * hyperaldostéronisme * hypercorticisme

Surcharge sodéehypervolém ique * insuffisance cardiaque * cirrhose hépatique * syndrome néphrotique * dénutrition grave * sepsis grave * AINS

Excès d'apportliquidienPolydipsiepsychogène(«Potomanie»)

Défaut d'éliminationrénale de l'eau l ibreSIADHGrand déficitpotassiquePost-nécrose tubulaireaiguëHypothyroïdieHypocortisolisme

Pas de HTA

HyperprotidémieHyperlipidémie

HyperglycémieMannitol, GlycérolÉthylène glycolMéthanol, ÉthanolGlycocolle

Hyponatrémie hypertoniqueHyponatrém ie vraie hypotoniq ue

Osm mesurée

VECÉtat cutanéPoids, TA

VEC

Déficit sodé Surcharge hydrosodée Surcharge hydrique pure

VEC VEC cliniq uement no rmal

Press ion artérielleNatriurèse Osm Ur

Normale 280-295 mOsm/L Basse < 280 mOsm/L Élevée > 295 mOsm/L

6 Orientation diagnostique devant une hyponatrémie. TA : tension artérielle ; VMS : vomissements ; VEC : volume extracellulaire ; NaU : natriurèse ; AINS :anti-inflammatoires non stéroïdiens ; SIADH : « syndrome of inappropriate antidiuretic hormone secretion ».

Natrémie < 120 mmol/L

< 48 h

Non Oui

Contexte aigu

* Le plus souvent postopératoire* Traitement URGENT par sérumsalé hypertonique jusqu'ànatrémie = 130 mmol/L

Y a-t-il convulsionou coma ?

Traitement progressif- restriction hydrique- Natrémie < 8 mmol/jour- arrêt facteur déclenchant

Contexte chronique

< 48 h

Depuis quand ? Ou retentissement neurosensoriel

Nécessité d'une correction rapide parsérum salé hypertonique :- Natrémie < 5 mmol/L en 2 à 3 h- Natrémie = 8 mmol/L/jour~

7 Traitement d’une hyponatrémie.

5-0485 - Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie

8

Natrémie > 145 mmol/L

HYPERNATRÉMIE = Déficit hydrique

Déshydratation globale

Hypernatrémiehypovolémique

Hypernatrémiehypervolémique

Apport sodé > eau

Hypernatrémieisovolémique

Restaurer rapidement le volume extravasculaire(sérum physiologique ou macromolécule)

Estimer le déficit en eau libre et à compenser lentement en 72 heures

Déshydratation cellulaire pure Déshydratation cellulaireavec surcharge sodée

Réévaluer selon : • protidémie • glycémieà distance de : • apport de sel hypertonique • période post-dialyse

VECHypotension

VECHTA

VEC normalTension normale

Osmolité urinaireNatriurèse

NaU < 10 mmol/LU/P Osm >1UOsm > 600 mOsm/L

U/P Osm >1UOsm > 600 mOsm/L

U/P Osm <1UOsm < 100 mOsm/L

CAUSE EXTRARÉNALEDE PERTE SODÉE

Sudation profuseDiarrhée fébrile, VMSPertes respiratoiresDéfaut d'apport en eauMucoviscidose

Perte mixte eau >> sel

DIURÈSE OSMOTIQUEDiurétique de l'anseMannitolGlucose (coma hyperosmolaire)UréeHYPERCALCÉMIE

Diabète insipide

ADHDI central

ADHDInéphrogénique

CAUSE RÉNALEDE PERTE SODÉE

CAUSE RÉNALEDE PERTE D'EAULIBRE

CAUSEEXTRARÉNALEDE PERTE D'EAULIBRE

HypodipsieSudation profuseDiarrhée fébrile, VMSPertes respiratoiresMucoviscidosePertes insensibles

NaU > 20 mmol/LU/P Osm >1UOsm < 600 mOsm/L

- Perfusion excessive :• de sérum physiologique (ou lavement au sérum physiologique)• de sérum bicarbonaté- Absorption de l'eau de mer- Hyperaldostéronisme primaire, syndrome de Cushing

8 Orientation diagnostique devant une hypernatrémie. VEC : volume extracellulaire ; HTA : hypertension artérielle ; VMS : vomissements ; ADH : hormoneantidiurétique ; NaU : natriurèse.

Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie - 5-0485

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Hassane Izzedine : Chef de clinique-assistant,Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Izzedine. Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0485, 2003, 10 p

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5-0485 - Néphrologie pratique : comment interpréter une protéinurie, une hématurie, une anomalie de la natrémie

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Néphropathie et grossesse

P. Jungers

T oute grossesse, chez une femme atteinte de néphropathie, doit être considérée comme une grossesse àrisque. Elle doit être planifiée et bénéficier d’un suivi conjoint par néphrologue et obstétricien, en particulier

lorsque la patiente est hypertendue ou lorsque sa fonction rénale est altérée. Au prix de ces conditions et grâce auxprogrès récents de l’obstétrique et de la néonatologie, l’espoir d’une maternité sans aggravation de la néphropathieest désormais offert à la majorité des patientes souffrant de maladies rénales.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Grossesse ; Néphropathie ; Dialyse ; Greffe rénale ; Toxémie gravidique

■Introduction

La survenue d’une grossesse chez une femme atteinte de néphropathie alongtemps constitué un sujet de préoccupation et d’inquiétude, en particulier aucours des glomérulonéphrites chroniques. Les observations rapportées faisaientétat d’une proportion anormalement élevée de mort fœtale in utero, de retard decroissance fœtale et de prématurité, notamment lorsqu’il existait unehypertension artérielle (HTA), un syndrome néphrotique ou une insuffisancerénale. De nombreux auteurs avaient rapporté une aggravation de la maladierénale maternelle sous l’influence de la grossesse, alors que d’autres au contrairerejetaient une quelconque influence défavorable propre à la grossesse sur lecours de la néphropathie. En effet, néphropathie et grossesse exercent l’une surl’autre une interaction : la néphropathie retentit sur le pronostic fœtal, tandis quela grossesse peut modifier le cours de la néphropathie.

Fort heureusement, au cours des 2 dernières décennies, des études portant surde larges effectifs de patientes atteintes de néphropathie primitive ou entrantdans le cadre d’une maladie systémique ont considérablement clarifié leproblème et ont permis d’identifier les facteurs du pronostic fœtal et maternel.Elles ont montré qu’une grossesse survenant chez une patiente dont la fonctionrénale est normale ou proche de la normale a en règle générale une évolutionfavorable et ne s’accompagne d’aucune aggravation de la maladie rénalematernelle. En revanche, la présence d’une HTA et, plus encore, d’une altérationsignificative de la fonction rénale maternelle exerce une influence défavorablesur le pronostic fœtal et fait courir un risque d’aggravation de la maladie rénalematernelle. Ces études ont permis de déterminer le niveau de fonction rénalecompatible avec l’espoir d’une grossesse réussie et ont déterminé les règles deprise en charge des patientes atteintes de néphropathie, avec ou sansinsuffisance rénale préexistante.

Nous envisagerons successivement les facteurs généraux du pronostic fœtal etmaternel chez les patientes atteintes de néphropathie, les problèmes spécifiquesqui se posent dans les néphropathies primitives (glomérulaires ou non), au coursdes maladies systémiques, chez les femmes atteintes d’insuffisance rénalepréexistante et chez les patientes dialysées ou transplantées, pour définir enfinles règles de prise en charge optimale des femmes atteintes de néphropathie. [7, 8]

■Modifications fonctionnelles et hémodynamiques

rénales induites par la grossesse

Au cours de la grossesse normale, il se produit une augmentation de lafiltration glomérulaire de l’ordre de 40 à 50 %, qui apparaît dès le 1er trimestre etse maintient jusqu’à la fin du 3e trimestre, avec une augmentation

proportionnelle du débit plasmatique rénal (Tableau 1). Le débit cardiaquematernel augmente de 30 % dès le 1er trimestre de manière à compenserl’augmentation du débit utéroplacentaire et du débit sanguin rénal. Cesmodifications impliquent une vasodilatation généralisée d’origine hormonale, cequi explique la baisse physiologique de la pression artérielle observée au coursdes 2 premiers trimestres de la grossesse normale, où s’observe également unediminution de la réactivité vasculaire aux stimuli presseurs tels que l’angiotensineII. Parallèlement, se développe une augmentation du volume du secteurextracellulaire et du secteur plasmatique, atteignant et dépassant 50 % au coursdu 3e trimestre. L’augmentation de la filtration glomérulaire se traduit par unediminution de la créatininémie, qui passe d’une valeur moyenne de 75 µmol/lavant la grossesse à 50 à 60 µmol/l au cours des 2e et 3e trimestres, et par unediminution proportionnelle de l’uricémie. La protéinurie physiologique se majoreet peut atteindre jusqu’à 300 mg/j. Enfin, l’augmentation du secteur plasmatiqueentraîne une hémodilution, le taux de l’albuminémie s’abaissant au voisinage de35 g/l en fin de grossesse.

■Influence de la néphropathie

sur l’évolution fœtale

‚ Majoration du risque fœtalLe cumul des observations publiées dans la littérature permet d’analyser plus

de 900 grossesses survenues chez des femmes atteintes de glomérulonéphritechronique primitive, plus de 600 grossesses chez des patientes atteintes de

Tableau 1. – Modifications physiologiques induites par la grossesse.

Filtration glomérulaire↑ 40-50 %

Débit sanguin rénal↑ 40-50 %

Créatininémie75 µmol/l → 50-60 µmol/l

Pression artériellePAD diminuée de 5-10 mmHg

Secteur extracellulaire et volume plasmatique↑ de 40-50 % (albuminémie » 30-35 g/l ; hémoglobine z12 g/l)

Protéinurie physiologique↑ jusqu’à 300 mg/24 h

PAD : pression artérielle diastolique.

1

AK

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5-05

90(2

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4) 5-0590

néphropathie du reflux, et près de 500 grossesses chez des femmes atteintes demaladie polykystique rénale, en sachant que dans ces collectifs, moins de 5 %des patientes avaient une insuffisance rénale significative, c’est-à-dire unecréatininémie supérieure à 135 µmol/l.

La mortalité fœtale globale est de l’ordre de 20 % dans les glomérulonéphritesprimitives et de 10 à 12 % dans les néphropathies du reflux et la maladiepolykystique rénale, si l’on exclut de l’analyse les interruptions thérapeutiques degrossesse. Cette mortalité est due, pour moitié, à des pertes fœtales au cours des2 premiers trimestres de grossesse, en sachant que la fréquence des avortementsspontanés au cours d’une première grossesse, dans les pays industrialisés, est del’ordre de 10 %. Les morts fœtales survenues après la 26e semaine d’aménorrhéereprésentent environ la moitié des cas, tant dans les glomérulopathies que dansles néphropathies interstitielles chroniques.

‚ Facteurs du pronostic fœtal (Tableau 2)

Plus que le type de la néphropathie elle-même, il apparaît clairement que cesont les facteurs de risque associés à la néphropathie, c’est-à-dire l’existence d’unsyndrome néphrotique, d’une HTA ou d’une insuffisance rénale, qui jouent unrôle déterminant sur l’évolution fœtale ( Fig. 1).

La présence d’un syndrome néphrotique, lorsqu’il existe une hypoalbuminémiemarquée, inférieure à 25 g/l, exerce une influence délétère sur la croissancefœtale, surtout lorsqu’il est présent dès le début de la grossesse. Dans cettesituation, on note une proportion élevée de morts fœtales in utero etd’hypotrophies fœtales ; une corrélation entre un faible poids de naissance del’enfant et le degré d’hypoalbuminémie maternelle a été rapportée. Une biopsierénale est alors indiquée pour déterminer la corticosensibilité potentielle dusyndrome néphrotique. Lorsque les corticostéroïdes obtiennent une rémission, aumoins partielle, du syndrome néphrotique, la croissance fœtale est améliorée. Enrevanche, un syndrome néphrotique d’apparition tardive au cours de lagrossesse n’a que peu d’influence sur l’évolution fœtale.

L’HTA est le facteur de mauvais pronostic fœtal le plus anciennement reconnuau cours des néphropathies, mais sa date d’apparition conditionne ici encore lepronostic fœtal. Une HTA préexistante ou apparue dès le début de la grossesseest associée à une incidence élevée de mort fœtale au-delà du 1er trimestre,d’hypotrophie fœtale et de prématurité. En revanche, lorsque l’HTA estparfaitement contrôlée par le traitement dès le début de la grossesse, le pronostic

fœtal s’en trouve très nettement amélioré. De même, une HTA apparueuniquement en fin de grossesse n’affecte que très peu le pronostic fœtal.

Il est à noter que la fréquence de la toxémie gravidique est cinq à dix fois plusélevée chez les femmes atteintes de néphropathie et hypertendues que chez lesfemmes normotendues à fonction rénale normale.

Il faut donc surveiller de manière particulièrement vigilante la pressionartérielle de ces patientes, surtout en fin de grossesse.

Au total, si l’indication d’un traitement antihypertenseur au cours d’une HTAisolée de la grossesse et en dehors de toute néphropathie reste discutée, letraitement actif de toute HTA chez une patiente atteinte de néphropathiesous-jacente est impératif pour améliorer le pronostic fœtal.

L’insuffisance rénale préexistante est le facteur limitant le plus sévère dupronostic fœtal, ce d’autant qu’elle s’accompagne le plus souvent d’une HTA,même si une amélioration sensible a pu être obtenue au cours des dernièresannées grâce aux progrès de l’obstétrique et de la néonatologie et grâce à unemeilleure prise en charge néphrologique des patientes atteintes de néphropathie.L’influence de l’insuffisance rénale est graduelle, et il est possible de déterminertrois zones de risque fœtal.

– Lorsque la créatininémie n’excède pas 160 µmol/l, ce qui correspond à uneclairance de la créatinine supérieure à 40 ml/min/1,73 m2, le pronostic fœtal estdans l’ensemble bon, dépendant principalement de la présence d’une HTA et dela qualité de son contrôle.

– Lorsqu’elle est comprise entre 160 et 220 µmol/l, soit une clairance de lacréatinine comprise entre 25 et 40 ml/min/1,73 m2, le pronostic fœtal est plusréservé, avec une augmentation de fréquence des retards de croissanceintra-utérine, des morts fœtales in utero tardives et des grandes prématurités.Cela dit, la probabilité de la naissance d’un enfant vivant reste de l’ordre de 80 à90 %.

– Au-delà de 220 µmol/l, ce qui correspond à une clairance de la créatinineinférieure à 25 ml/min/1,73 m2, le risque fœtal s’accroît considérablement et sedouble d’un risque d’aggravation irréversible de la fonction rénale maternelle.Ainsi, il est recommandé aux patientes atteintes d’insuffisance rénale débutanted’entreprendre une grossesse de préférence tant que la créatininémie n’excèdepas 160 à 180 µmol/l.

Au-delà de ce niveau, le pronostic est beaucoup plus aléatoire, et il peut êtreconseillé à une patiente ayant déjà un ou plusieurs enfants de renoncer dansl’immédiat à une nouvelle grossesse et de ne l’envisager qu’après transplantationrénale. Le degré du risque fœtal selon le niveau de la fonction rénale maternelleest schématisé sur la Figure 2 . La fonction rénale est évaluée par la clairance dela créatinine, calculée selon la formule de Cockroft et Gault appliquée à lafemme :

Ccr =|140 − âge �ans � | × Poids�kg � × 1,05

Créatininémie�µ mol/l �

■Influence de la grossesse sur la néphropathie

maternelle [5]

Chez une patiente atteinte de néphropathie sous-jacente, la grossesse entraînele plus souvent une majoration de la protéinurie et l’extériorisation ou lamajoration d’une HTA, pouvant aller jusqu’à un tableau de toxémie gravidique

Tableau 2. – Facteurs du pronostic fœtal.

Facteurs de mauvais pronosticHTA préexistante ou précoce non maîtrisée*Syndrome néphrotique intense(albuminémie < 25 g/l)*Insuffısance rénale notable(créatininémie > 160-180 µmol/l)*Maladie systémique en phase d’évolutivitéFacteurs de bon pronosticNormotension spontanée ou HTA bien contrôlée par monothérapie(albuminémie > 30 g/l)Fonction rénale normale ou proche de la normale (créatininémie < 135 µmol/l)Maladie systémique en rémission stable

* Effet additif de ces facteurs ; HTA : hypertension artérielle.

Syndrome néphrotiqueHypertension

Insuffisance rénale

Dès la conception ouen début de grossesse

Retard de croissanceMort fœtalePrématurité

Faible poids de naissance

En fin de grossesse

Peu de conséquencespour le fœtus

Figure 1 Influence des facteurs de risque fœtaux en fonction de leur date desurvenue.

Ccr(ml/min/1,73m2)90

50

40

2515

75 125 160 220 400 Pcr(µmol/l)

Risque fœtal ± + ++ ++Risque maternel ± + ++ +++

Figure 2 Risques fœtalet maternel en fonction duniveau de la fonction ré-nale maternelle évaluéepar la clairance de lacréatinine. Ccr : clairancede la créatinine ; Pcr :créatininémie.

5-0590 - Néphropathie et grossesse

2

(ou prééclampsie) surajoutée. Toutefois, le problème crucial est de savoir si lagrossesse peut provoquer une altération irréversible de la fonction rénalematernelle ou une aggravation anormalement rapide d’une insuffisance rénalepréexistante chez les femmes atteintes de néphropathie. Il apparaît clairementaujourd’hui que l’influence de la grossesse sur le cours de la néphropathiematernelle est principalement déterminée par le niveau de la fonction rénale aumoment de la conception et par la coexistence éventuelle d’une maladiesystémique.

Il convient de distinguer les effets transitoires et réversibles de la grossesse queconstituent la majoration d’une protéinurie ou d’une HTA préexistante et ladiminution temporaire de la filtration glomérulaire, des altérations irréversiblestelles qu’une HTA permanente et surtout une aggravation irréversible etanormalement rapide de l’insuffisance rénale maternelle. L’interprétation desmodifications de la fonction rénale et de la pression artérielle provoquées par lagrossesse chez une femme atteinte de néphropathie doit toutefois tenir comptedes modifications fonctionnelles rénales physiologiques induites par la gravidité.

Au total, il apparaît que la grossesse ne provoque pas de reprise évolutived’une glomérulonéphrite chronique ou d’une néphrose lipoïdique primitivelorsque la patiente est en rémission au moment de la conception. La majorationd’une protéinurie préexistante en cours de grossesse ne doit donc pas être priseobligatoirement pour un signe d’aggravation de la maladie sous-jacente.

‚ Influence de la grossesse sur la protéinurie, la pression artérielleet la fonction rénale

Une majoration transitoire du débit de la protéinurie est fréquente en cours degrossesse chez les femmes atteintes de maladie rénale, notamment dans lesnéphropathies glomérulaires. Elle est due en majeure partie aux modificationshémodynamiques induites par la grossesse, ce qui explique son caractèreréversible. Une augmentation significative de la protéinurie (au-delà de0,3 g/24 h) est observée dans environ la moitié des cas dans les diversescatégories de néphropathies glomérulaires. Toutefois, aucune rechute d’unsyndrome néphrotique antérieur et en rémission au moment de la conceptionn’est habituellement observée au cours de la grossesse.

Il en est de même en ce qui concerne la pression artérielle. La majorationd’une HTA préexistante, traitée ou non, est observée dans près de 50 % des cas.L’apparition d’une HTA en cours de grossesse est plus rare, observée dans 10 à20 % des cas seulement : l’HTA tend alors soit à persister après l’accouchement,soit à réapparaître quelques années plus tard, après un retour temporaire à deschiffres tensionnels normaux. À long terme, l’apparition d’une HTA permanenteest plus fréquente chez les patientes dont une ou plusieurs grossesses ont étécompliquées d’HTA que chez celles qui étaient restées normotendues au cours detoutes leurs gestations. La grossesse apparaît ainsi comme révélatrice d’unetendance hypertensive latente ou comme facteur majorant d’une HTA déjà établie,ce fait paraissant particulièrement fréquent au cours de la glomérulonéphrite àimmunoglobulines (IgA), ou maladie de Berger.

La persistance d’une protéinurie ou d’une HTA au-delà de 3 à 4 mois aprèsla fin de la grossesse suggère fortement l’existence d’une néphropathieantérieure à la grossesse ou ayant débuté au cours de celle-ci. De même, lasurvenue avant le 3e trimestre d’une protéinurie associée à une HTA, aussi bienchez une primipare que chez une multipare, doit faire suspecter l’existenced’une néphropathie sous-jacente, surtout si l’apparition ou la majoration de laprotéinurie précède celle des chiffres tensionnels, alors que dans la toxémiegravidique pure, l’apparition de l’HTA précède habituellement celle de laprotéinurie.

‚ Facteurs du pronostic maternel (Tableau 3)

En ce qui concerne l’influence de la grossesse sur la fonction rénalematernelle, il est désormais établi que la grossesse n’entraîne pas d’altérationde la fonction rénale maternelle chez les femmes atteintes de néphropathieprimitive lorsque la fonction rénale est normale ou proche de la normale aumoment de la conception. Une augmentation physiologique de la filtrationglomérulaire, marquée par la diminution de la créatininémie, s’observe le plussouvent comme chez la femme normale. Une altération de la fonction rénalematernelle se produit dans quelques cas, notamment chez les patientesatteintes de glomérulonéphrite primitive, mais elle est le plus souvent modéréeet réversible à la fin de la grossesse. En revanche, aucune aggravationirréversible de la fonction rénale maternelle n’est habituellement observéelorsque la fonction rénale de la patiente est normale ou proche de la normale,c’est-à-dire lorsque la créatininémie est inférieure à 135 µmol/l au moment de la

conception. Plusieurs études contrôlées ont établi ce fait rassurant, et enparticulier une étude au long cours portant sur 360 femmes atteintes dedifférentes variétés histologiques de glomérulonéphrite (suivies à l’hôpitalNecker), dont la fonction rénale était normale au début de la grossesse, qui amontré que la courbe actuarielle de survie rénale des 171 patientes ayant euune grossesse après le début clinique de la néphropathie ne différait pas decelle des 189 patientes n’ayant jamais eu de grossesse après le début apparentde leur maladie rénale (Fig. 3). De plus, par analyse cas-témoins, la grossessen’est pas apparue comme un facteur de risque de progression vers l’insuffisancerénale, cette dernière étant déterminée par le type de la néphropathie et laprésence d’une HTA.

Il en va tout autrement lorsqu’il existe une altération significative de la fonctionrénale au moment de la grossesse, qui peut alors induire une accélérationirréversible de l’insuffisance rénale maternelle, par comparaison à l’évolutionhabituellement observée dans le même type de néphropathie chez les femmesayant une insuffisance rénale de même degré mais non enceintes. Ce risque restefaible tant que la créatininémie au moment de la conception ne dépasse pas160 à 180 µmol/l, mais il augmente nettement au-delà de ce niveau, uneaggravation irréversible de la fonction rénale à l’occasion de la grossessesurvenant alors dans près de 30 % des cas. Chez les patientes dont lacréatininémie dépasse 300 µmol/l, l’aggravation est pratiquement constante,obligeant souvent à débuter une dialyse de suppléance au cours même de lagrossesse.

■Problèmes posés dans les différents types

de néphropathies

Des problèmes spécifiques se posent en fonction du type de néphropathie encause. Ils diffèrent sensiblement selon qu’il s’agit d’une néphropathie primitive oud’une atteinte rénale dans le cadre d’une affection systémique.

Tableau 3. – Facteurs du pronostic maternel.

Facteurs de pronostic réservéVariété de glomérulonéphrite histologiquement sévèreProtéinurie abondanteHTA sévère ou mal contrôléeInsuffısance rénale notable préexistante (créatininémie ≥ 180 µmol/l)Maladie systémique en période évolutiveFacteurs de bon pronosticNéphropathie lentement évolutiveProtéinurie absente ou minimeNormotension spontanée ou hypertension bien contrôléeFonction rénale normale ou proche de la normale (créatininémie < 135 µmol/l)Maladie systémique en rémission thérapeutique ou en période de quiescence

HTA : hypertension artérielle.

1,0

0,8

0,6

0,4

0,2

(171)

(189)(113)

(61)

(31)

(9)

(5)

(143)(105) (69)

(38)(22)

0 5 10 15 20 25 30

Durée depuis le début de la maladie (années)

EnceintesNon enceintes

Figure 3 Absence d’influence de la grossesse sur l’évolution au long cours desglomérulonéphrites primitives : les courbes actuarielles de survie rénale de171 femmes ayant eu une ou plusieurs grossesses et de 189 femmes n’ayant pas étéenceintes après le début de la glomérulonéphrite ne diffèrent pas (d’après Jungerset al, reproduite avec autorisation).

Néphropathie et grossesse - 5-0590

3

‚ Néphropathies primitives

Néphropathies glomérulaires

Lorsqu’il n’existe pas de syndrome néphrotique, d’HTA de contrôle difficile, nid’altération significative de la fonction rénale au moment de la conception, lepronostic fœtal et maternel est bon. Toutefois, il convient d’être prudent au coursdes glomérulonéphrites ayant un potentiel évolutif marqué dont témoigne uneprotéinurie abondante ou une HTA sévère, surtout lorsque la créatininémie est àla limite supérieure de la normale. Cette réserve est particulièrement valable encas de glomérulonéphrite à IgA à fort potentiel évolutif attesté par des lésionsglomérulaires segmentaires étendues, des lésions vasculaires ettubulo-interstitielles marquées à la biopsie rénale et par une tendancehypertensive franche. Les mêmes réserves s’expriment en cas de hyalinosesegmentaire et focale des glomérules et à un moindre degré en cas deglomérulonéphrite extramembraneuse en phase néphrotique.

Néphropathies non glomérulaires

Des facteurs particuliers peuvent influencer le pronostic fœtal. Au cours de lanéphropathie du reflux, la persistance d’un reflux vésico-urétéral à l’âge adulteexpose au risque de pyélonéphrite aiguë, facteur de prématurité. Nombre denéphropathies du reflux sont découvertes au cours d’une grossesse à l’occasiond’une complication pyélonéphritique. Il est donc de règle, chez toute femmeayant présenté une pyélonéphrite aiguë en cours de grossesse, de rechercher unreflux vésico-urétéral par cystographie rétrograde après la fin de la grossesse. Encas de reflux vésico-urétéral persistant, lorsque des épisodes de pyélonéphrite sesont produits de manière répétée en dépit d’un traitement antibactériensoigneusement conduit, il peut être utile d’en proposer la correction chirurgicaleavant une future grossesse. [6]

Maladie polykystique rénale

L’insuffisance rénale apparaît rarement avant la 5e décennie, si bien que lagrossesse pose, la plupart du temps, peu de problèmes, sinon celui d’une HTAéventuelle. En cas d’insuffisance rénale préexistante, les facteurs du pronosticsont les mêmes que ceux définis pour les glomérulonéphrites ou la néphropathiedu reflux. Il est rare que le volume des reins kystiques soit tel qu’il constitue unegêne pour la poursuite de la grossesse. Le problème soulevé par ces patientes estde l’ordre du conseil génétique, de même que chez les femmes atteintes denéphropathie héréditaire du type syndrome d’Alport. Dans cette dernièreéventualité, un conseil génétique préconceptionnel est indiqué afin d’aider lespatientes à prendre la décision d’une grossesse et pour définir leur attitude selonle sexe de l’enfant, qui conditionne la probabilité d’être atteint ou non de lamême néphropathie, sachant que les filles sont simples transmettrices et queseuls les garçons peuvent être sévèrement atteints.

Lithiase urinaire

Celle-ci étant fréquente, elle peut entraîner des problèmes chez une femmeenceinte. La grossesse n’augmente pas le risque de former des calculs,l’augmentation physiologique de la charge filtrée de calcium étant compenséepar une excrétion accrue d’inhibiteurs de la cristallisation dans les urines.Toutefois, des calculs préexistants peuvent compliquer la grossesse lorsqu’il seproduit une migration urétérale, favorisée par la dilatation des voies excrétrices.En cas de difficulté à obtenir l’expulsion spontanée du calcul et sachant que lalithotritie extracorporelle par ondes de choc est contre-indiquée au cours de lagrossesse, la technique généralement adoptée est la mise en place d’une sondeurétérale à demeure pendant la durée de la grossesse, sous couvert d’untraitement antibactérien prolongé.

‚ Néphropathies secondaires à une maladie systémique

Au cours des maladies systémiques, le pronostic de la grossesse est plusréservé qu’au cours des maladies rénales primitives. En effet, aux facteurs derisque généraux que constituent la protéinurie, l’HTA et l’atteinte de la fonctionrénale, s’ajoutent les manifestations extrarénales de la maladie systémique etsurtout le risque de déclenchement d’une poussée évolutive, notamment dans lamaladie lupique.

Diabète sucré (type I ou II) [11]

Les progrès de la diabétologie et de l’obstétrique ont permis d’obtenir unpronostic fœtal pratiquement analogue à celui des femmes normales, au prixd’un strict contrôle glycémique dès le début de la grossesse, tant qu’il n’existe pasd’atteinte rénale patente. Une majoration de la microalbuminurie peut être

observée en cours de grossesse, ainsi qu’une augmentation de la fréquence deprématurité et de prééclampsie. Lorsqu’il existe une atteinte rénale patente,marquée par une macroprotéinurie et, a fortiori, un syndrome néphrotique et unealtération de la fonction rénale, le pronostic fœtal est plus réservé dès lors que lacréatininémie dépasse 130 à 150 µmol/l, c’est-à-dire une valeur inférieure à lavaleur seuil au cours des néphropathies primitives, et il existe un risque élevéd’aggravation irréversible de l’insuffisance rénale maternelle.

Lupus érythémateux disséminé [10, 12]

La grossesse pose un problème très différent selon qu’il existe ou non dessignes d’activité de la maladie au moment de la conception. Chez les patientesantérieurement atteintes d’une néphropathie lupique, même dans sa formemajeure, proliférative diffuse, à condition que la rémission soit stable depuis aumoins 6 mois à 1 an, le pronostic fœtal et maternel est bon, et le risque de repriseévolutive du lupus érythémateux disséminé est très faible. En revanche, lorsque lagrossesse survient en période d’évolutivité lupique, notamment lorsque le lupusérythémateux disséminé se démasque au cours d’une grossesse, le pronosticfœtal est beaucoup plus réservé, avec un risque élevé de mort fœtale in utero etde prématurité. Dans cette situation, les corticostéroïdes à fortes doses,éventuellement associés au cyclophosphamide à partir du 2e trimestre degestation, peuvent permettre d’améliorer le pronostic et d’aboutir à la naissanced’un enfant vivant. Dans tous les cas, une corticothérapie doit être maintenuependant les mois suivant la fin de la grossesse afin d’éviter une poussée lupiquesévère dans le post-partum.

Autres maladies de système

Au cours des vascularites, telles que la maladie de Wegener ou lamicropériartérite noueuse, ou au cours de la sclérodermie, le pronostic de lagrossesse est beaucoup plus réservé. Bien que quelques succès aient pu êtrerapportés au prix de traitements associant des corticoïdes à fortes doses et desimmunosuppresseurs, il apparaît préférable de renoncer à la grossesse pendantla maladie, sachant qu’il existe un risque de réactivation élevé au cours ou audécours d’une grossesse.

■Insuffisance rénale, dialyse et transplantation

‚ Grossesse et insuffisance rénale chronique [4]

Un problème particulièrement difficile est celui des patientes atteintesd’insuffisance rénale préexistante significative, c’est-à-dire dont la créatininémieatteint ou dépasse 160 µmol/l au moment de la conception. Une évolution fœtalefavorable, sans risque excessif d’aggravation de la fonction rénale maternelle, peutêtre espérée tant que la créatininémie ne dépasse pas 200 à 220 µmol/l, selon lepoids corporel de la patiente. Au-delà de ces valeurs, le pronostic, tant fœtal quematernel, est beaucoup plus aléatoire, et il apparaît préférable de déconseiller lagrossesse à ce stade. Toutefois, plusieurs études récentes ont montré que chez despatientes atteintes d’insuffisance rénale de ce degré, à condition d’une prise encharge coordonnée entre néphrologues, obstétriciens et néonatologistes, dansdes maternités ayant l’expérience du traitement de patientes à haut risque, lagrossesse pouvait être couronnée de succès. Dans une étude récente de l’hôpitalNecker, la survie fœtale observée au cours de la période 1986-1995 s’est élevéeà 91 % (avortements spontanés ou thérapeutiques du 1er trimestre non inclus),alors qu’elle était seulement de 65 % au cours de la décennie précédente.Toutefois, si la proportion des morts fœtales in utero et de la mortinatalité adiminué, la proportion des grands prématurés a augmenté depuis quelquesannées, imposant une prise en charge en unité de soins intensifs néonataux dansplus de la moitié des cas. Un risque particulièrement élevé d’aggravationirréversible de la fonction rénale maternelle existe lorsque la créatininémiedépasse 220 µmol/l, soit une clairance de la créatinine inférieure à25 ml/min/1,73 m2, notamment lorsque coexistent une HTA et une protéinurieabondante. Chez les femmes abordant une grossesse avec une créatininémiesupérieure à 300-400 µmol/l, il n’est pas rare qu’une dialyse de suppléance, parhémodialyse ou dialyse péritonéale, soit instituée au cours même de la grossesseet poursuivie indéfiniment au-delà, la réversibilité étant rare ou transitoire.

‚ Grossesse chez les femmes dialysées [1, 3]

La grossesse chez une femme traitée par dialyse de suppléance est rare du faitde la diminution de fertilité associée à l’état urémique, mais elle pose desproblèmes particulièrement difficiles. Toutefois, les progrès de la qualité de

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l’hémodialyse et de la dialyse péritonéale de suppléance sont tels que de plus enplus de femmes ainsi traitées ont désormais des cycles ovulatoires, si bien que lagrossesse est actuellement un événement nettement moins rare qu’autrefois. Ilen résulte qu’une contraception appropriée est nécessaire chez les patientesdialysées, pour éviter une grossesse non planifiée ou non désirée. Le diagnosticde grossesse est souvent difficile, du fait des irrégularités menstruelles fréquentes,et est souvent fait à un stade tardif. Dans plusieurs cas, le diagnostic a été portésur l’apparition d’une résistance apparente à l’érythropoïétine recombinante.

Jusqu’à un passé récent, l’évolution de la grossesse chez les patientes dialyséesétait le plus souvent défavorable, la proportion des naissances d’enfants vivantsétant inférieure à 20 %. Toutefois, plusieurs enquêtes ont fait état d’uneproportion de succès de l’ordre de 35 % au cours des dernières années, grâce àune prise en charge interactive très étroite entre les équipes néphrologiques etobstétricales, mais une grande prématurité et une sévère hypotrophie fœtalerestent très fréquentes. L’intensification des hémodialyses, jusqu’à cinq ou sixséances par semaine (au lieu des trois séances hebdomadaires habituelles), ou dela dialyse péritonéale, voire la combinaison temporaire de ces deux méthodes,est indispensable. En effet, le taux de l’urée sanguine maternelle doit être maintenuau-dessous de 15 mmol/l pour éviter le développement d’un hydramnios (résultantde la diurèse osmotique produite par les reins fœtaux, dont la fonction estnormale, sous l’effet d’un taux d’urée sanguine élevé chez la mère). L’institutionou le renforcement d’un traitement par érythropoïétine recombinante permetd’améliorer le bien-être de la mère et la vascularisation fœtale en ramenant letaux d’hémoglobine maternel au voisinage de 10 g/dl, en sachant que le besoinen érythropoïétine recombinante s’accroît d’environ 50 % au cours de lagrossesse. Bien que des succès soient de plus en plus souvent relatésactuellement, il n’en reste pas moins que la grossesse chez une femme dialyséereste très aléatoire dans ses résultats et très contraignante dans sa réalisation.

‚ Grossesse chez les femmes transplantées [2, 9]

Le problème de la grossesse chez les patientes ayant bénéficié d’unetransplantation rénale est tout à fait différent. À l’heure actuelle, plusieurs milliersde grossesses ont été observées chez des patientes transplantées, plusieurscentaines d’entre elles ayant eu deux grossesses ou plus.

Au total, sur plus de 3 500 grossesses recensées chez des patientes porteusesd’un greffon rénal, 93 % poursuivies au-delà de la 20e semaine se sont terminéespar la naissance d’un enfant vivant, mais au prix d’une incidence élevée deprématurité (50 %) et de retard de croissance fœtale (40 %), et avec unpourcentage élevé de nouveau-nés de faible poids.

Comme dans les néphropathies primitives, l’HTA constitue le principal facteurdu pronostic fœtal avec le niveau de la fonction rénale, la proportion des issuesfœtales favorables diminuant nettement lorsque la créatininémie dépasse160 µmol/l au moment de la conception. Il est à noter qu’aucune incidenceanormalement élevée d’anomalies du développement fœtal n’a été observéechez les nouveau-nés dont la mère était traitée au cours de toute la grossesse, soitpar l’azathioprine à une dose ne dépassant pas 2 mg/kg/j, soit par la ciclosporineA à une dose n’excédant pas 5 mg/kg/j. Avec l’expérience, on s’est aperçu que lemeilleur pronostic était obtenu lorsque la grossesse survenait après un intervalled’au moins 2 ans après une transplantation réussie (Tableau 4).

Un fait rassurant est la démonstration, par plusieurs études contrôlées, del’absence d’effet défavorable de la grossesse sur la fonction du greffon, du moinslorsque la créatininémie au début de la grossesse est normale ou subnormale.Dans ces conditions, aucune différence dans l’évolution de la fonction du greffonn’est apparue entre les femmes ayant eu une ou plusieurs grossesses et cellesn’ayant eu aucune grossesse au cours d’une période de temps comparable aprèsleur transplantation rénale, avec des reculs supérieurs à 10 ans. En revanche, unrisque élevé de détérioration de la fonction du greffon existe lorsque lacréatininémie excède 160 µmol/l.

■Prise en charge de la grossesse chez une femme

atteinte de néphropathie

La principale leçon à tirer des études récentes est que toute grossesse chez unefemme atteinte de néphropathie, tout particulièrement lorsqu’il existe une HTAou une insuffisance rénale, est une grossesse à haut risque. L’optimisation dupronostic fœtal et maternel implique une approche multidisciplinaire, avec priseen charge de la patiente dans une unité d’obstétrique expérimentée disposantd’une unité de néonatologie attenante, en coopération étroite avec l’équipenéphrologique. Les principales recommandations concernant le suivi de cespatientes sont résumées dans le Tableau 5.

‚ Conseil préconceptionnel

Dans toute la mesure du possible, la grossesse doit être planifiée de telle sorteque la conception se produise à un moment où les risques prévisibles sont réduitsau minimum. La grossesse peut être autorisée sans arrière-pensée chez unepatiente atteinte de maladie rénale primitive dont la fonction rénale est normaleou proche de la normale, c’est-à-dire lorsque la créatininémie est inférieure à135 µmol/l. Les patientes atteintes de maladie de système, telle qu’un lupusérythémateux disséminé, ne doivent envisager une grossesse qu’après unepériode de rémission stable d’au moins 1 an obtenue après cessation totale descorticostéroïdes ou utilisation d’une dose de maintenance ne dépassant pas10 mg/j. Dans les maladies rénales héréditaires, telles que la polykystose rénale,et plus encore au cours du syndrome d’Alport ou de la maladie de vonHippel-Lindau, un conseil génétique préconceptionnel est souhaitable.

Le problème le plus difficile concerne les patientes ayant une insuffisancerénale chronique. Une évolution favorable au plan rénal et maternel peuthabituellement être espérée lorsque la créatininémie n’excède pas 160 à180 µmol/l, mais le pronostic, tant fœtal que maternel, est plus réservé au-delà decette limite. La patiente et son conjoint doivent être clairement et complètementinformés des possibilités et des risques de la grossesse dans ces circonstances. Encas d’insuffisance rénale évoluée et en attendant une transplantation rénale, ilpeut être souhaitable d’ajourner le projet de grossesse afin de permettre à lapatiente de bénéficier de la plus longue période d’autonomie rénale possible.Toutefois, lorsqu’une patiente nullipare désire impérativement tenter unegrossesse en dépit d’une insuffisance rénale déjà avancée, son désir doit êtrerespecté, et toutes les mesures destinées à optimiser le déroulement de lagrossesse doivent être mises en œuvre si elle maintient sa décision. Elle doitcependant être informée des risques encourus (mauvaise évolution fœtale etperte de la fonction rénale avec nécessité d’entreprendre une dialyse desuppléance avant la date qui aurait été possible en l’absence de grossesse).

Tableau 4. – Conditions optimales pour une grossesse chez les patientestransplantées.

Bon état général depuis au moins 2 ans après la transplantationAbsence de signes de rejet du transplantBonne fonction rénale avec créatininémie ≤ 135 µmol/lProtéinurie nulle ou minimeNormotension ou hypertension modérée et aisément contrôléeAbsence de dilatation pyélocalicielleTraitement immunosuppresseur à dose de maintenance modérée(prednisone ≤ 15 mg/j, azathioprine ≤ 2 mg/j, ciclosporine A ≤ 5 mg/kg/j)

Tableau 5. – Règles du traitement et de la surveillance néphro-obstétricale chez les patientes atteintes de néphropathie.

Conseil préconceptionnel, grossesse planifiéePrise en charge coordonnée entre néphrologue et obstétricien dès le début dela grossessePrise en charge en maternité à haut risque avec unité de néonatologie atte-nanteContrôle optimal des chiffres tensionnels dès la période de la conception : évic-tion des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des diurétiques, utilisation del’alphaméthyldopa et des bêtabloquantsPression artérielle diastolique ciblée entre 80 et 90 mmHgPrévention ou correction de l’anémie : supplémentation martiale et en acidefolique (5 mg/j) ; traitement par érythropoïétine recombinante sihémoglobine < 9 g/dlPrévention de l’acidose métabolique et de l’hypocalcémieApport protéique et calorique adéquat (apport protéique ≈ 1 g/kg/j en cas d’in-suffısance rénale)Surveillance régulière de la tension artérielle, de la créatininémie, de l’uréesanguine et de l’uricémieInstitution de la dialyse de suppléance si la créatininémie excède 400 µmol/l ousi l’urée sanguine excède 20 mmol/lSurveillance fœtale renforcée à partir du terme de viabilité fœtale (26e se-maine)Hospitalisation de la patiente en milieu obstétrical en cas de majoration del’HTA ou de contractions prématuréesSurveillance de la tension artérielle et de la fonction rénale maternelle dans lepost-partum

HTA : hypertension artérielle.

Néphropathie et grossesse - 5-0590

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‚ Traitement de l’HTA

Le facteur le plus important du pronostic fœtal étant l’HTA, la pression artérielledes patientes atteintes de néphropathie doit être étroitement surveillée. Unebaisse physiologique de la pression artérielle s’observe dans nombre de cas ; letraitement antihypertenseur doit alors être temporairement allégé. Lorsque l’HTAest présente dès la conception, tous les néphrologues sont actuellement d’accordpour préconiser son traitement immédiat et actif, en cherchant à maintenir lapression artérielle systolique au-dessous de 160 mmHg et la diastolique entre 80 et90 mmHg. Une correction plus poussée pourrait entra îner un risqued’hypoperfusion fœtale et un retard de croissance intra-utérine, tandis que deschiffres plus élevés exposent au risque d’atteinte de la vascularisationfœtoplacentaire.

Le choix des agents antihypertenseurs à utiliser au cours de la grossesse estimportant. L’alphaméthyldopa mérite toujours d’être utilisée en premièreintention (500 à 100 mg/j) du fait de son innocuité, prouvée par un long usage.Le labétalol, qui combine une action alpha- et bêtabloquante, peut égalementêtre utilisé en première intention, seul ou associé à l’alphaméthyldopa. Lesautres bêtabloqueurs, tels que le pindolol, le métoprolol, l’acébutolol oul’oxprénolol, peuvent également être utilisés en première ou en secondeintention, associés ou non à l’alphaméthyldopa, à dose modérée pour éviterde favoriser un retard de croissance fœtale. En cas d’HTA particulièrementrésistante, on peut avoir recours à l’hydralazine ou aux inhibiteurs des canauxcalciques, mais les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont formellementcontre-indiqués, en particulier au cours des 2 derniers trimestres de lagrossesse, en raison du risque d’induction d’une anurie néonatale irréversible.Les diurétiques doivent être proscrits dans toute la mesure du possible demanière à éviter une contraction du secteur extracellulaire et plasmatique, auxeffets délétères sur la croissance fœtale.

L’utilisation d’aspirine à faible dose, à titre antiagrégant plaquettaire, pourprévenir la survenue d’une prééclampsie surajoutée, est encore discutée. Sachantque le risque de prééclampsie est au moins cinq fois plus élevé chez les femmesayant une HTA préexistante que chez les femmes normotendues, une faible dosed’aspirine, de l’ordre de 1 mg/kg/j, apparaît légitime chez les patientes

hypertendues à partir du 4e mois de grossesse, voire plus tôt chez les patientesatteintes de lupus érythémateux disséminé avec présence d’anticorpsanticardiolipidiques ou d’un anticoagulant lupique, pour prévenir lesmicrothromboses et l’ischémie du placenta.

‚ Surveillance fœtale et délivrance

La surveillance régulière de l’état fœtal est fondamentale chez les patientesatteintes de maladie rénale en raison du risque accru de retard de croissanceintra-utérine. L’enregistrement des ondes artérielles utérines, entre la 2e et la 24e

semaine de gestation, est utile pour la prédiction du risque de prééclampsie et deretard de croissance intra-utérine. La surveillance fœtale par échodoppler doitêtre régulière dès le terme de viabilité, c’est-à-dire à partir de la 26e semainegestationnelle. Si un retard de croissance intra-utérine est décelé, des évaluationsrépétées de l’état fœtal, comprenant la cardiotocographie, l’index amniotique etl’enregistrement doppler de l’artère ombilicale et des artères cérébrales du fœtus,aident à reconnaître une souffrance fœtale et à décider ou non de l’extractionfœtale.

■Conclusion

Les progrès de l’obstétrique, de la néonatologie et de la prise en chargenéphrologique au cours des dernières années se sont traduits par uneamélioration sensible du pronostic fœtal et maternel de la grossesse chez lesfemmes atteintes de néphropathie. Les facteurs du pronostic fœtal sontaujourd’hui bien définis, et le conseil préconceptionnel permet d’entreprendreune grossesse dans les meilleures conditions. L’absence d’effet aggravant de lagrossesse sur la fonction rénale maternelle, lorsque celle-ci est normale ou encoreproche de la normale, est actuellement assurée. Même chez les patientes ayantune insuffisance rénale préexistante, le pronostic fœtal peut être amélioré demanière significative grâce à une prise en charge multidisciplinaire, aveccoordination étroite entre néphrologues et obstétriciens, condition indispensabled’un pronostic favorable.

P. Jungers (Professeur émérite à la Faculté de médecine),107, boulevard Bineau, 92200 Neuilly-sur-Seine

Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P. Jungers. Néphropathie et grossesse.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 5-0590, 2003, 6 p

R é f é r e n c e s

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5-0590 - Néphropathie et grossesse

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Néphropathies glomérulaires.

Orientation diagnostique

et évolution

R. Binaut, N. Maisonneuve, P. Vanhille

C et article envisage les principaux modes de présentation des néphropathies glomérulaires, précise les examenscomplémentaires d’orientation diagnostique et la place de la ponction biopsie rénale. Les principales étiologies

des néphropathies glomérulaires aiguës ou chroniques sont rappelées.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Glomérulonéphrite ; Insuffisance rénale ; Protéinurie ; Hématurie ; Syndrome néphrotique ; Syndromenéphritique

■Introduction

Dans la pratique quotidienne, la découverte d’anomalies urinaires –protéinurie, hématurie – est une situation fréquente. Le diagnostic repose sur unedémarche fondée sur l’analyse des signes rénaux comportant l’évaluation de lafonction rénale – créatinine-, des signes extrarénaux, l’anamnèse, et souvent surles informations fournies par l’histologie rénale.

■Signes rénaux

‚ Protéinurie

Malgré un débit de filtration glomérulaire d’environ 120 ml min–1 traduisantune perméabilité hydro-ionique importante, la barrière capillaire glomérulaireempêche le passage des protéines de poids moléculaire supérieur à 60 kD et deséléments figurés du sang. La protéinurie physiologique est en moyenne de 30 à60 mg j–1. Une protéinurie est considérée comme significative au-delà de 0,15 gj–1.

En routine, la détection de la protéinurie se fait par bandelette réactive. Sonprincipe (virage d’un indicateur coloré) ne permet qu’une étude semi-quantitativede la concentration d’albumine sur un échantillon d’urines. Cette méthode trèssensible (elle détecte une concentration de 50 mg l–1) ne réagit pas à la présencede chaînes légères d’immunoglobulines. Par ailleurs de fausses réactions positivespeuvent être observées en cas de bandelette périmée, d’urines alcalines (infectionà germe uréase positif), en présence de détergents ou d’ammonium quaternairedans le flacon de recueil.

Sa confirmation passe par un dosage sur échantillon d’urines ou sur la diurèsedes 24 heures. Les techniques de dosage reposent alors le plus souvent sur lapropriété de fixation d’un colorant en présence de protéines. À défaut de disposerde la protéinurie des 24 heures, on s’aidera du rapport protéine/créatinineurinaire dont la valeur est à peu près égale à la protéinurie en g j–1.

La protéinurie au cours des maladies glomérulaires est composée en majoritéd’albumine et en proportions variables de protéines de haut poids moléculairetelles que les globulines (immunoglobulines notamment). Sa composition peutêtre appréciée par la réalisation d’une électrophorèse des protéines urinaires.

Une protéinurie supérieure à 3 g j–1 est d’emblée caractéristique d’unepathologie glomérulaire. Les protéinuries de volume inférieur sont nonspécifiques et peuvent être liées à d’autres maladies rénales ou à une atteinte desvoies urinaires, ce qui impose la réalisation d’examens simples qui permettentune orientation étiologique (Tableau 1).

‚ HématurieUne hématurie dont la cause n’est pas immédiatement identifiable (cystite,

migration lithiasique) est une manifestation fréquemment révélatrice de maladiesrénales ou urologiques. [1] Elle peut être micro- ou macroscopique. La recherched’une anomalie des voies urinaires doit être réalisée de principe, notamment encas d’hématurie isolée et après 50 ans où le risque de pathologie néoplasique estimportant (par échographie et/ou urographie intraveineuse et/ou uroscanner etcystoscopie après 50 ans).

La bandelette urinaire a une grande sensibilité car elle détecte 1 à 2 globulesrouges/mm3. Les faux négatifs sont exceptionnels. Une bandelette négativepermet donc d’exclure quasi formellement une hématurie. En revanche, il existedes faux positifs car elle détecte également l’hémoglobine provenantd’érythrocytes lysés et ne différencie donc pas l’hématurie de l’hémoglobinurie etréagit également avec la myoglobine. La confirmation de l’hématurie aulaboratoire est donc nécessaire.

Le recueil urinaire doit être réalisé avec les mêmes précautions qu’un examencytobactériologique des urines car une numération des leucocytes et une étudede la bactériologie urinaire sont couplées. Le compte d’Addis-Hamburger restel’examen de référence mais sa réalisation, peu pratique, fait souvent préférer unsimple comptage cytologique sur échantillon. Les valeurs considérées commepathologiques sont un débit d’hématies supérieur à 10 000/min ou un comptagesupérieur à 10 000 globules rouges/ml.

L’examen microscopique des urines peut apporter des élémentssupplémentaires comme la présence de cylindres hématiques. L’étude aumicroscope en contraste de phase par un biologiste expérimenté révèle desérythrocytes dysmorphiques, fragmentés avec des excroissances et des pertessegmentaires de la membrane, qui ont perdu presque complètement leurcontenu en hémoglobine. La présence d’acanthocytes (érythrocytes en anneaux)est encore plus prédictive de l’origine glomérulaire de l’hématurie (Tableau 2).

‚ Évaluation de la fonction rénaleC’est un point important dans l’évaluation du patient suspect de néphropathie

glomérulaire comme de toute atteinte rénale, car son altération est un signe degravité [2].

Tableau 1. – Conduite à tenir devant une protéinurie

– Éliminer une protéinurie orthostatique chez l’adolescent et l’adulte de moinsde 20 ans– Numération des hématies et leucocytes/ml– Sédiment urinaire (cylindres), examen bactériologique– Créatininémie, électrophorèse des protéines sériques– Exploration morphologique de l’appareil urinaire (ASP et échographierénale± UIV)

ASP : abdomen sans préparation ; UIV : urographie intraveineuse.

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L’interprétation du taux de créatinine plasmatique est donc capitale. Ce simpledosage n’est pas suffisant car la concentration en créatinine plasmatique dépendde la quantité produite liée aux apports protidiques et à la masse musculaire, etde l’élimination urinaire. En outre, en raison de la relation exponentielle entre lacréatinine plasmatique et le débit de filtration glomérulaire, une augmentationminime de la créatinine plasmatique peut correspondre à une diminutionimportante du débit de filtration glomérulaire. Ainsi, une créatinine à 90 µmol l–1

peut correspondre à une filtration glomérulaire normale ou à une altération de50 % de celle-ci. Pour sensibiliser ce dosage, on peut s’aider de la clairancemesurée à partir d’une période de recueil urinaire ou à défaut de la clairancecalculée par la formule de Cockcroft et Gault (Tableau 3). Des valeurs de clairanceinférieures à 90 ml min–1 chez la femme et 100 ml min–1 chez l’hommetémoignent d’une altération de la fonction rénale.

Il faut savoir répéter ce dosage de créatinine en cas d’altération initiale pourdéterminer le caractère aigu ou chronique ou rapidement progressif de l’atteinterénale.

‚ Œdèmes

Contrairement aux œdèmes de l’insuffisance cardiaque ou de la cirrhose, lesœdèmes liés à une pathologie glomérulaire sont souvent périorbitaires au réveil.Ils sont typiquement blancs, mous, déclives et prennent le godet. La rétentionhydrosodée peut s’aggraver et touche alors les parties génitales, la paroiabdominale, entraîne des épanchements pleuraux et de l’ascite. La prise de poidspeut être massive et atteindre, voire dépasser les 20 %. [3]

‚ Pression artérielle

La pression artérielle peut être normale, basse ou élevée au cours desnéphropathies glomérulaires.

L’hypertension artérielle fait partie intégrante du syndrome néphritique aigu(voir infra « Syndrome néphritique aigu ») et accompagne en général lesglomérulonéphrites chroniques (voir infra « Syndrome de glomérulonéphritechronique »). Elle est habituellement absente du syndrome de glomérulonéphriterapidement progressive (voir infra « Syndrome de glomérulonéphrite rapidementprogressive »).

La présence ou l’absence de ces différents symptômes, leur importance, vontdéfinir les caractéristiques et le type de syndrome glomérulaire ( Fig. 1). D’autreséléments sont essentiels à déterminer afin de parvenir au diagnostic étiologique.

■Éléments du diagnostic étiologique

‚ Anamnèse

Une histoire familiale de néphropathie (en particulier associée à la notion desurdité) fait suggérer un syndrome d’Alport. La consommation de certainsmédicaments ou de substances est impliquée dans certaines néphropathies :

néphropathie à lésions glomérulaires minimes (anti-inflammatoires nonstéroïdiens [AINS]), glomérulonéphrite extramembraneuse (sels d’or,D-pénicillamine, AINS), hyalinose segmentaire et focale (héroïne),glomérulonéphrite extracapillaire (D-pénicillamine).

‚ Présence de signes extrarénaux

L’interrogatoire recherche une altération de l’état général, la notiond’arthralgies d’allure inflammatoire, de myalgies.

L’examen clinique peut mettre en évidence des signes cutanés (purpuravasculaire), une atteinte neurologique périphérique de type mono-, multi- oupolynévrite, des signes oto-rhino-laryngologiques (ORL), des signes pulmonairesavec dyspnée, hémoptysie et infiltrats parenchymateux sur le cliché de thorax.

On peut retrouver des éléments en faveur d’une pathologie maligne(adénopathie, etc.). Un foyer infectieux doit être systématiquement recherché.

‚ Place des examens de laboratoire

Après l’analyse urinaire et l’évaluation de la fonction rénale, des examensbiologiques sont demandés en fonction de l’orientation :

– glycémie, cholestérol, triglycérides, low density lipoprotein (LDL) cholestérol ;– numération-formule sanguine, plaquettes, vitesse de sédimentation (VS),

protéine C réactive (CRP), électrophorèse des protéines sériques ;– hémocultures en cas de syndrome infectieux évolutif, uriculture,

antistreptolysine (ASLO), streptozyme test, sérologies virales (hépatite C, hépatiteB, virus de l’immunodéficience humaine [VIH]) ;

– complément (CH50, C3, C4), anticorps antinucléaires, anticorps (Ac)anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), anticorps antimembranebasale glomérulaire (Ac anti-MBG), cryoglobulinémie.

‚ Place de l’imagerie

La réalisation d’une échographie rénale permet de vérifier la présence de deuxreins, d’éliminer l’existence d’un obstacle, de préciser la taille des reins. Celle-ci estsouvent normale mais des reins de grande taille (plus de 14 cm) sont observés aucours des syndromes néphrotiques liés au diabète, à l’amylose ou au VIH. Laprésence de petits reins (moins de 9 cm) suggère un processus chronique.

‚ Place de la ponction-biopsie rénale

Elle est généralement nécessaire au diagnostic du type de néphropathieglomérulaire. Elle permet de guider le traitement et fournit des élémentspronostiques. Elle est habituellement pratiquée par voie percutanée aprèsrepérage échographique sous anesthésie locale et après vérification de l’absencede contre-indication chez un patient prémédiqué en décubitus ventral.

Deux prélèvements sont habituellement réalisés pour une étude enmicroscopie optique et en immunofluorescence, un troisième fragment pouvantêtre examiné en microscopie électronique.

Il y a des situations où la ponction-biopsie rénale (PBR) n’est pas nécessaire. Lasurvenue d’un syndrome néphrotique pur chez l’enfant sans signes extrarénauxet sans hypocomplémentémie fait débuter d’emblée une corticothérapie étant

Tableau 2. – Caractéristiques des hématuries d’origine glomérulaire

– Hématurie macroscopique : totale, sans caillots, de coloration brunâtre,« Coca-colat »– Absence de pyurie, de dysurie, de brûlures mictionnelles, de douleurs lombai-res– Présence de cylindres hématiques et/ou d’érythrocytes dysmorphiques et/ouprotéinurie supérieure à 0,5 g jour–1 en l’absence d’hématurie macroscopique

Tableau 3. – Moyens d’évaluation du débit de filtration glomérulaire enpratique courante

Clairance mesurée (Cl Cr) en ml min–1

ClCr = U × VP

où U est la concentration urinaire de créatinine, V est le débit urinaire enml min–1 et P la concentration plasmatique de créatinineClairance calculée par la formule de Cockcroft et Gault en ml min–1

Cl Cr = 140 – âge (années)× poids (kg)× K [créat]P (µmol l–1)K = 1,09 chez la femmeK = 1,26 chez l’homme

Asymptomatique : Protéinurie 150 mg/j à 3,5 g j-1

Hématurie > 10 000 GR/ml

Glomérulonéphrite rapidement progressive

progressive sur quelques jourssemaines

-Protéinurie-Hématurie-Pression artérielle souvent normale

Syndrome néphritique aigu

Début brutalInsuffisance rénaleOedèmes et HTAHématurie parfois macroscopiqueProtéinurie

Syndrome de néphropathieglomérulaire chronique

Insuffisance rénale chronique

HTAProtéinurie > 0,5 g j-1

avec fréquemment hématurie

Syndrome néphrotique

Protéinurie > 3 g j-1

Albumine < 30 g l-1

± Oedèmes± Hyperlipémie

Hématuriemacroscopique

-Insuffisance rénale à

Figure 1 Présentation clinique des néphropaties glomérulaires.

5-0535 - Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution

2

donné la grande fréquence de la néphropathie à lésions glomérulaires minimesdans cette situation. En cas de syndrome néphritique aigu de l’enfant, si le tableauest typique d’une glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique, en particulierdans les situations épidémiques, en l’absence d’insuffisance rénale rapidementprogressive, la biopsie n’est effectuée qu’en l’absence d’amélioration rapide dutableau clinique.

Cet examen n’est généralement pas pratiqué chez les diabétiques, à conditionque le tableau clinique remplisse quelques critères : anamnèse documentée,succession de normo-, micro- puis macroalbuminurie sur plusieurs années etdiminution progressive de la filtration glomérulaire, hypertension artérielle,dyslipidémie fréquente, ancienneté du diabète connue et au moins supérieure à10 ans, présence de complications extrarénales microangiopathiques(rétinopathie, neuropathie périphérique), absence d’hématurie.Malheureusement, chez les patients diabétiques de type 2, l’ancienneté dudiabète est souvent difficile à préciser, les complications microangiopathiquessont parfois absentes alors qu’il existe une authentique néphropathie diabétique,l’hématurie microscopique n’est pas rare. Cela impose alors d’éliminer d’autrescauses de néphropathie en particulier en cas de détérioration rapide de lafonction rénale, de développement brutal d’un syndrome néphrotique [4] ( Fig. 2).

■Syndromes glomérulaires

‚ Protéinurie et/ou hématurie microscopique asymptomatique

Hématurie microscopique isolée

On retient une origine glomérulaire après élimination des causes urologiques.Le caractère isolé est vérifié par l’absence de protéinurie et d’altération de lafiltration glomérulaire, d’hypertension. Dans cette situation, la principalenéphropathie suspectée correspond à la néphropathie à dépôts mésangiauxd’immunoglobulines A (IgA) ou maladie de Berger. [1] L’origine glomérulairesuspectée par l’existence d’anomalies morphologiques des globules rouges (GR)urinaires ne peut être affirmée en général que par la réalisation d’une biopsierénale qui est rarement réalisée dans cette situation car le pronostic est excellent.Une surveillance annuelle est nécessaire afin de ne pas méconnaître uneévolution défavorable (apparition d’une protéinurie au moins supérieure à 0,5 gj–1, d’une dégradation de la fonction rénale, d’une hypertension).

Protéinurie non néphrotique et hématurie asymptomatique

Celle-ci est définie par une protéinurie dont le débit est inférieur à 3 g j–1 ou unrapport protéinurie/créatininurie inférieur à 3.

Dans cette situation, le risque de pathologie rénale évolutive est tel que la PBRest généralement indispensable même si la protéinurie est faible (0,5 à 1 g j–1).

‚ Hématurie macroscopique

Les épisodes d’hématurie macroscopique causés par les pathologiesglomérulaires sont surtout observés chez l’enfant et l’adulte de moins de 40 ans. Ilest nécessaire d’éliminer une origine urologique. La plupart des cas sont liés à unenéphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA, mais d’autres pathologiesglomérulaires ou interstitielles peuvent être responsables (syndrome d’Alport,néphrite interstitielle aiguë). Les accès sont typiquement indolores et l’hématurieest totale, sans caillots (Tableau 2).

Néphropathie à dépôt mésangiaux d’immunoglobulines A

La néphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA (GN-IgA) est la néphropathieglomérulaire la plus fréquente. [2] Le diagnostic est histologique devant l’existence

de dépôts mésangiaux diffus d’IgA associée à des degrés variés de proliférationdes cellules mésangiales et d’expansion de la matrice mésangiale en microscopieoptique. L’existence de lésions histologiques similaires dans la néphropathie dupurpura rhumatoïde fait discuter des mécanismes physiopathologiquescommuns aux deux entités. La GN-IgA peut survenir à tout âge avec un picd’incidence dans les 2e et 3e décennies de la vie, avec une prépondérancemasculine. L’hématurie macroscopique, survenant dans les 24-48 heures après ledébut d’une infection ORL ou gastro-intestinale, est la manifestation la plusfréquente de la maladie (50 à 60 % des cas). Dans 30 % des cas, elle estdécouverte devant l’existence d’une hématurie microscopique associée ou non àdes degrés variables de protéinurie. Dans 10 % des cas, un syndrome néphritiqueaigu ou un syndrome néphrotique peuvent révéler la maladie ; il s’agit alors deformes sévères dont le pronostic est relativement péjoratif. Vingt à 40 % despatients développent une insuffisance rénale terminale, 5 à 20 ans après lediagnostic. Les facteurs de risque de progression vers l’insuffisance rénaleterminale sont un âge supérieur à 30 ans, le sexe masculin, la présence d’unehypertension, l’existence et la persistance d’une protéinurie supérieure à 1 g j–1,l’existence d’une insuffisance rénale au moment du diagnostic, l’absence d’accèsd’hématurie macroscopique, la présence d’une sclérose glomérulaire et/ou d’unefibrose interstitielle à la PBR. Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement curatif.Des essais utilisant des glucorticoïdes éventuellement associés à des agentsimmunosuppresseurs ont montré des résultats sur la baisse de la protéinurie,mais l’effet à long terme sur la fonction rénale n’est pas encore clairement établi.Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ont montré une action plusimportante que d’autres antihypertenseurs pour retarder la progression del’insuffisance rénale.

Maladie d’Alport

Les accès d’hématurie macroscopique associés à une infection ORL peuventégalement survenir au cours de la maladie d’Alport. Il s’agit d’une maladiehéréditaire liée à une atteinte de la chaîne alpha du collagène IV, constituant dela membrane basale glomérulaire. La forme de transmission prédominante de cesyndrome est liée à l’X (80 % des patients) mais d’autres transmissions ont étéretrouvées (par exemple autosomique récessive). La manifestation initiale etobligatoire de la maladie est l’hématurie. Les hommes atteints ont une hématuriemicroscopique persistante souvent présente dès les premières années de vie. Lesfemmes, hétérozygotes, peuvent avoir une hématurie microscopiqueintermittente. La protéinurie et l’hypertension augmentent en incidence et ensévérité avec l’âge. L’insuffisance rénale chronique terminale survient chez tousles hommes atteints entre 15 et 30 ans. Le pronostic est généralement favorablechez les femmes dans la forme liée à l’X mais l’apparition d’une insuffisancerénale est possible par l’inactivation aléatoire du chromosome X. Desmanifestations extrarénales sont fréquentes. L’hypoacousie n’apparaît pas avantla préadolescence et n’est alors détectée que par l’audiométrie. Le déficit vas’aggraver progressivement pour aboutir à une surdité invalidante. D’autresmanifestations extrarénales en particulier ophtalmologiques sont possibles :lenticône antérieur, maculopathie. Le diagnostic repose sur les données cliniques,les examens audiométriques et ophtalmologiques, l’existence d’une transmissionfamiliale caractéristique, l’étude génétique, et les données fournies par l’histologierénale.

‚ Syndrome néphrotique

Il est défini classiquement par l’association d’une protéinurie supérieure à 3 gj–1, d’une hypoalbuminémie inférieure à 30 g l–1 et d’une hypoprotidémieinférieure à 60 g l–1. Le syndrome œdémateux et l’hyperlipidémie y sontfréquemment associés. Selon la cause et le type histologique, sa survenue peutindiquer une évolution péjorative. Indépendamment de ce risque évolutif, il existeplusieurs complications potentiellement graves propres au syndrome

Anamnèse

Fond d’œil

Échographie rénale+ASP

Décision

Histoire documentée de diabèteévoluant sur 6 à 8 ans

Rétinopathie diabétique documentée

Volume normal et symétriquedes deux reins

Pas d’investigation complémentaire

– Début incertain, subit ou récent– Découverte systématique

Absence de rétinopathie diabétique

Petits reinssymétriques

Asymétrie> 2 cm

de grand axe

Exploration desartères rénales

Volume normalet

symétrique

Biopsie rénale ?

Dilatationdes voiesurinaires

Explorationsurologiques

Figure 2 Conduite à tenir devant une insuffısance ré-nale chez un diabétique de type 2. Rapport des experts del’Association de langue française contre le diabète et lesmaladies métaboliques (Alfediam) et de la Société fran-çaise de nutrition (SFN).[4]

Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution - 5-0535

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néphrotique (rétention hydrosodée avec anasarque, complicationsthromboemboliques, infection, dyslipidémie) qui sont détaillées dans un autrechapitre. [3]

Tous les patients ayant une protéinurie supérieure à 3 g j–1 ne réunissent pastoutes les composantes du syndrome néphrotique. Cette distinction est en faitarbitraire et reflète probablement des différences individuelles de capacité desynthèse protéique.

Néphropathie diabétique

La néphropathie diabétique représente actuellement la première cause deprotéinurie de volume néphrotique chez l’adulte et justifie un dépistagesystémique par la recherche d’une microalbuminurie chez tous les diabétiques detype 2 dès le diagnostic et à partir de la 5e année chez les diabétiques de type 1.Le résultat peut être exprimé en fonction de la diurèse des 24 h ou sur unéchantillon d’urines. Les valeurs pathologiques correspondent à une excrétiond’albumine supérieure à 30 mg j–1 ou 30 mg g–1 de créatinine et doivent êtreconfirmées sur un nouvel échantillon. Sa corrélation avec l’existence d’unenéphropathie diabétique débutante est très nette dans le diabète de type 1,beaucoup moins nette dans le diabète de type 2 où elle est corrélée à la mortalitécardiovasculaire.

Chez l’enfant, le type histologique le plus répandu est la néphropathie à lésionsglomérulaires minimes ; chez l’adulte en dehors du diabète, les typeshistologiques sont beaucoup plus variés.

Néphropathie à lésions glomérulaires minimes

La néphropathie à lésions glomérulaires minimes est la première cause desyndrome néphrotique chez l’enfant. Son incidence est maximale entre 2 et7 ans. Elle est le plus souvent primitive mais une association à un contexteatopique est possible. D’autres associations sont plus rares (maladie de Hodgkin,consommation d’AINS, cancers). Le tableau clinique habituel est celui d’unsyndrome néphrotique pur sans hypertension artérielle ni hématurie. Lesyndrome œdémateux peut être majeur avec épanchement des séreuses.L’analyse histologique montre l’absence de lésions visibles en microscopieoptique et l’absence de dépôts en immunofluorescence. Le traitement spécifiquerepose sur la corticothérapie à fortes doses qui entraîne une réponse favorabledans 80 % des cas dans les 4 premières semaines de traitement. Les rechutessont fréquentes (50 à 70 % des cas) et souvent multiples. Chez l’adulte, l’évolutionpeut être différente avec une réponse plus lente au traitement qui nécessite d’êtreprolongé parfois jusqu’au 4e mois. D’autres thérapeutiques sont utilisées dans lesformes corticorésistantes ou corticodépendantes comme la cyclosporine, lecyclophosphamide.

Hyalinose segmentaire et focale

La hyalinose segmentaire et focale (HSF) primitive associe trois types de lésionshistologiques en général segmentaires (n’affectant que certaines anses) et focales(ne touchant que certains glomérules). Au niveau des glomérules atteints, ilcoexiste des altérations cellulaires, initialement des podocytes, des dépôts hyalinset de la sclérose. Chez l’enfant, elle réalise typiquement une formecorticorésistante de syndrome néphrotique ou à rechutes fréquentes mais peuts’avérer corticosensible dans 30 % des cas. Chez l’adulte, la HSF se présentesouvent avec des degrés variables de protéinurie avec fréquemment unehématurie microscopique, une hypertension artérielle, une insuffisance rénale.Les formes liées au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à laconsommation d’héroïne surviennent quasi exclusivement chez le sujet de racenoire.

Le traitement repose en première ligne sur les corticostéroïdes en associationau traitement symptomatique (inhibiteur de l’enzyme de conversion ouantagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2, statine). [5 ] Desimmunosuppresseurs peuvent être utilisés. Dans les formes liées au VIH, unethérapie antirétrovirale est introduite en association au traitementsymptomatique par IEC.

Glomérulonéphrite extramembraneuse

La glomérulonéphrite extramembraneuse (GEM) est la plus fréquente desnéphropathies glomérulaires responsables de syndrome néphrotique chezl’adulte entre 30 et 60 ans. Elle se caractérise histologiquement par unépaississement de la membrane basale glomérulaire induite par des dépôtssous-épithéliaux d’immunoglobulines et de complément. La protéinurie estd’importance variable et s’associe fréquemment à une hématurie microscopique.L’hypertension artérielle est présente au moment du diagnostic dans 10 à 45 %

des cas. La GEM est le plus souvent primitive mais peut s’associer à de grandesvariétés de pathologies. L’évolution est variable. Globalement 25 % des patientsconnaissent une rémission spontanée. Chez 50 % des patients, l’évolution estpéjorative avec apparition d’une insuffisance rénale chronique progressive. Parmiles facteurs pronostiques les plus pertinents, on retient l’existence d’uneinsuffisance rénale chronique au moment du diagnostic ou son apparition aucours du suivi, l’existence d’une protéinurie abondante et sa persistance au coursdu suivi. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte des particularitésévolutives, des effets à long terme des traitements immunosuppresseurs etrepose en premier lieu sur un traitement symptomatique. Un traitement pluslourd sera discuté en cas de critères d’évolution défavorable. Il faut souligner lerisque thromboembolique (en particulier de thrombose des veines rénales) élevéchez ces patients atteints de GEM avec syndrome néphrotique. Un traitementanticoagulant efficace doit être mis en œuvre dès que l’albuminémie estinférieure à 20 g/l.

Amylose rénale

L’amylose rénale se manifeste fréquemment par un syndrome néphrotique.Les amyloses les plus fréquentes sont l’amylose immunoglobulinique AL etl’amylose AA des maladies inflammatoires ou infectieuses. La définition est avanttout histologique à partir de prélèvements pouvant provenir de différents sites(glandes salivaires accessoires, peau, graisse abdominale) lorsque l’amylose estsuspectée cliniquement, ou d’une PBR en cas de protéinurie isolée. Elle estcaractérisée par des dépôts fibrillaires amorphes extracellulaires se localisantd’abord dans le mésangium, le long de la membrane basale et dans la paroi desvaisseaux. Ces dépôts adoptent une biréfringence rouge-vert en lumière polariséeaprès coloration par le rouge Congo. La caractérisation de l’amylose repose surl’immunofluorescence avec antisérum antiprotéine AA, antisérum antichaîneslégères d’immunoglobulines.

Amylose immunoglobulinique

L’amylose immunoglobulinique est la forme probablement la plus fréquente etla plus sévère. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 64 ans avec unelégère prédominance masculine. Moins de 25 % des patients atteints d’amyloseAL ont une prolifération plasmocytaire en rapport avec un myélome multiple aumoment du diagnostic. Les symptômes les plus fréquents sont l’asthénie etl’amaigrissement, l’existence d’un syndrome néphrotique, d’une hypotensionartérielle orthostatique, d’une atteinte neurologique de type neuropathiepériphérique. En cas d’insuffisance rénale, l’échographie retrouve des reins degrande taille. L’hypertension artérielle de même que l’hématurie est absente. Lacardiopathie amyloïde se complique de troubles du rythme et de la conductionavec un risque de mort subite élevé. L’atteinte digestive entraîne des troubles dela motilité, un syndrome de malabsorption, des hémorragies. Un syndrome ducanal carpien est parfois présent. L’atteinte cutanée se manifeste par un purpuraou des ecchymoses périorbitaires, des papules ou des plaques localisées auniveau de la face et de la partie supérieure du tronc. La détection d’un composantmonoclonal circulant ou urinaire fait appel aux techniques d’immunofixation. Lepronostic est sévère avec une survie médiane de 12 mois (6 mois en casd’atteinte cardiaque) avec moins de 25 % des patients vivants à 3 ans. L’atteintecardiaque rend compte à elle seule de 40 % des décès. Le traitement spécifiquerepose sur l’association melphalan-prednisone qui permet un taux de réponse de39 % chez les patients indemnes d’atteinte cardiaque. Fondés sur les résultatsprometteurs du melphalan à fortes doses et de l’autogreffe dans le traitement desmyélomes, des protocoles d’autogreffe sont en cours d’évaluation encomparaison au traitement conventionnel. [6]

Amylose AA

Contrairement à l’amylose AL, l’insuffisance cardiaque congestive, laneuropathie périphérique, le syndrome du canal carpien sont rares dansl’amylose AA. Après le rein, l’atteinte digestive est la plus fréquente. Lesrhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde) sont devenus la cause laplus fréquente devant les maladies infectieuses (tuberculose) et les maladiesinflammatoires du tube digestif. L’amylose AA peut compliquer la maladiepériodique (fièvre méditerranéenne familiale) dont la transmission estautosomique récessive et touche les juifs sépharades et les Arméniens. Elle semanifeste typiquement par des accès brutaux et périodiques de douleursabdominales, de pleurésies ou d’arthralgies inflammatoires survenant dèsl’enfance ou l’adolescence avant l’apparition des manifestations rénales quipeuvent parfois n’être que la seule expression de la maladie. Le traitement reposesur la colchicine qui prévient le développement de l’atteinte rénale et peutpermettre une régression du syndrome néphrotique et une stabilisation de lafonction rénale.

5-0535 - Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution

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Maladies de dépôts d’immunoglobulines monoclonales

Un syndrome néphrotique peut révéler d’autres maladies de dépôtsd’immunoglobulines monoclonales (maladie de dépôts de chaînes légères ousyndrome de Randall). Si l’atteinte rénale domine le tableau clinique avecsyndrome néphrotique, hypertension artérielle, hématurie microscopique etinsuffisance rénale progressive, des manifestations extrarénales sont possibles :hépatomégalie avec cholestase, atteinte cardiaque. Le diagnostic repose surl’histologie rénale et la présence inconstante d’une immunoglobulinemonoclonale circulante sanguine ou urinaire. L’aspect histologique le plusclassique est celui d’une glomérulosclérose nodulaire comparable à celle dudiabète mais d’autres formes sont possibles. Le diagnostic impose la mise enévidence de dépôts monotypiques, le plus souvent kappa, le long desmembranes basales glomérulaires et tubulaires.

Glomérulonéphrite membranoproliférative

La glomérulonéphrite membranoproliférative est rare et se manifeste dansapproximativement 50 % des cas par un syndrome néphrotique mais d’autresmodes de présentation sont possibles. Elle peut être primitive ou s’associer à despathologies aussi variées que l’infection par le virus de l’hépatite C associée ounon à l’existence d’une cryoglobulinémie mixte, à certaines maladiessystémiques (lupus érythémateux systémique), à certaines infections bactériennes(endocardite), à des proliférations lymphoplasmocytaires (lymphome B, leucémielymphoïde chronique). Dans les formes liées au virus de l’hépatite C, les signesrénaux sont isolés ou s’associent à une vascularite cryoglobulinémique,entraînant une altération de l’état général, un purpura vasculaire et uneneuropathie périphérique. Selon les associations observées, deux grands typeshistologiques sont possibles avec, dans tous les cas, un épaississement des paroiscapillaires glomérulaires et une prolifération cellulaire de type endocapillaire. Lesdépôts d’immunoglobulines et de complément sont typiquement de topographiesous-endothéliale dans le type 1 donnant un aspect en double contour de lamembrane basale. Dans le type 2, il existe des dépôts de composition inconnuedits « denses » au sein des membranes basales glomérulaires. [2]

L’hypocomplémentémie est fréquente, quelle que soit l’étiologie, et peut avoirvaleur d’orientation. Elle a ceci de particulier qu’elle perdure, contrairement àl’hypocomplémentémie de la glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique quiest transitoire (Tableau 4).

‚ Syndrome néphritique aigu

Il est caractérisé par un début brutal, une insuffisance rénale aiguë d’intensitévariable, une rétention hydrosodée avec œdème, une hypertension et uneprotéinurie parfois de volume néphrotique.

Glomérulonéphrite aiguë

Ce tableau est typiquement réalisé par la glomérulonéphrite aiguë (GNA) del’enfant dont le début survient après un intervalle libre de 1 à 3 semaines aprèsune infection ORL à streptocoque b-hémolytique. La guérison est la règle dans undélai variable selon les cas avec une fonction rénale se normalisant en4 semaines. Les anomalies urinaires peuvent persister plus longtemps, parfois desannées. Des mesures répétées du complément sont utiles au diagnostic. Ladiminution du C3 est précoce et se normalise en 6 à 8 semaines. La persistanced’un C3 bas après 8 semaines doit orienter le clinicien vers un autre diagnostic(Tableau 4). Une augmentation des ASLO, du streptozyme-test peut fournir deséléments d’orientation en faveur d’une infection à streptocoque. La biopsie, si elleest réalisée, montre typiquement une prolifération endocapillaire diffuse et desdépôts en massue (humps) sur le versant externe des capillaires glomérulaires,composés d’immunoglobulines G et de C3. Dans des formes sévères, une

prolifération extracapillaire peut être présente avec souvent une évolutiondéfavorable sur le plan clinique, marquée par une insuffisance rénale rapidementprogressive. Le traitement est essentiellement symptomatique, visant à luttercontre la rétention hydrosodée. L’antibiothérapie n’est utile qu’en cas d’infectionévolutive. D’autres infections bactériennes comme l’endocardite bactériennepeuvent se compliquer de syndrome néphritique aigu, donnant alors des aspectshistologiques assez proches avec parfois prolifération extracapillaire. La prise encharge de ces glomérulonéphrites nécessite une éradication du foyer infectieuxinitial qui est parfois latent : mal perforant plantaire chez le diabétique, foyersinfectieux cutanés multiples chez le toxicomane, l’éthylique.

Lupus érythémateux systémique

Le syndrome néphritique aigu peut constituer un des modes de révélation desglomérulonéphrites du lupus érythémateux systémique en particulier des formessévères. [7] Les anomalies urinaires (protéinurie et/ou hématurie) avec ou sansinsuffisance rénale sont présentes dans 25 à 50 % des cas au moment dudiagnostic. L’hypertension artérielle et le syndrome néphrotique sont volontiersprésents dans les formes sévères. Le diagnostic repose sur l’existence fréquentede signes extrarénaux, des lésions histologiques caractéristiques et la présenced’anomalies immunologiques (hypocomplémentémie, anticorps antinucléaires,anticorps anti-acide désoxyribonucléique anticorps anti-ADN natifs). Ces élémentsont été regroupés en critères diagnostiques (Tableau 5).

Les anticorps antinucléaires présents dans 90 % des cas ont une grande valeurdiagnostique. La technique la plus utilisée est l’immunofluorescence sur cellulesHep 2. Les anticorps anti-ADN natifs sont présents dans 40 à 90 % des cas ; larecherche se fait par test Elisa (trop sensible, peu spécifique) ou par techniqueradio-immunologique (test de Farr). Les anticorps dirigés contre les antigènesnucléaires solubles peuvent être révélés par des techniquesd’immunoprécipitation. Les plus spécifiques sont les anticorps anti-Sm (présentsdans 30 % des cas). Une hypocomplémentémie est observée dans trois quarts deces cas. Les fractions C4 et C3 sont abaissées, surtout dans les formes sévères. Laplupart des patients ayant une néphropathie lupique ont une glomérulonéphriteà dépôts de complexes immuns. La classification révisée de l’Organisationmondiale de la santé (OMS) reconnaît six classes de néphropathies glomérulaireslupiques. Les formes prolifératives focales (< 50 % des glomérules atteints) etdiffuses (> 50 % des glomérules atteints) sont les plus fréquentes et les plussévères.

Un traitement intensif associant une corticothérapie à un immunosuppresseur(classiquement cyclophosphamide) est recommandé dans les formes sévères. Enphase de rémission, un traitement d’entretien reposant sur l’azathioprine et desdoses plus faibles de corticostéroïdes nécessite souvent d’être prolongé plusieurs

Tableau 4. – Glomérulonéphrite avec hypocomplémentémie

1. Maladies systémiquesLES ↓ C4 ↓ C3Cryoglobulinémie ↓ C4 C3 normalEndocardite bactérienne ↓ C4 ↓ C32. Maladies rénalesGNA post-streptococcique C4 normal ↓ C3GN membranoproliférative :– type 1 ↓ C4 ↓ C3– type 2 C4 normal ↓ C3 (C3 NEF +)

LES : Lupus érythémateux systémique ; GN : glomérulonéphrite ; GNA : glomérulonéphrite aiguë.

Tableau 5. – Critères diagnostiques du lupus érythémateux systémique(selon l’American College of Rheumatology [ACR] 1997)

1. Rash malaire2. Rash discoïde3. Photosensibilité4. Ulcérations buccales5. Arthrites non érosives (de plus de deux articulations périphériques)6. Sérite– a- pleurésie– b- péricardite7. Atteinte rénale– a- protéinurie persistante> 0,5 g j–1 ou> +++– b- cylindres urinaires (GR, GB)8. Atteinte neurologique– a- convulsions– b- psychose9. Atteinte hématologique :– a- anémie hémolytique– b- leucopénie< 4 000/mm3 à deux reprises– c- lymphopénie< 1 500/mm3 à deux reprises– d- thrombopénie< 100 000/mm3

10. Anticorps antinucléaires11. Perturbations immunologiques :– a- anticorps anti-ADN natifs– b- anticorps anti-Sm– c- anticorps antiphospholipides (anticorps anticardiolipine, anticoagulantcirculant, fausse réaction syphilitique)

Quatre critères simultanés ou successifs assurent le diagnostic avec une sensibilité et une spécificité de 96 %.ADN : acide désoxyribonucléique ; GR : globules rouges ; GB : globules blancs.

Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution - 5-0535

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années. Les rechutes sont un problème fréquent, suspectées par la réapparitionou la majoration des anomalies urinaires et/ou l’aggravation de la fonctionrénale. Dix à 25 % des patients évoluent vers l’insuffisance rénale chroniqueterminale à 10 ans.

‚ Syndrome de glomérulonéphrite rapidement progressiveLe tableau clinique comporte souvent une hématurie macroscopique

inaugurale, l’absence habituelle d’hypertension artérielle, et une insuffisancerénale d’aggravation rapide. Ce syndrome constitue une urgence médicale et uneindication impérative à la PBR qui montre la présence d’une proliférationextracapillaire réalisant des croissants cellulaires et fréquemment des lésions denécrose fibrinoïde. L’analyse en immunofluorescence permet l’orientationétiologique.

Syndrome de Goodpasture

L’immunofluorescence peut révéler des dépôts linéaires d’immunoglobulinesG qui, associés à la présence d’autoanticorps circulants dirigés contre lamembrane basale glomérulaire, confirment alors le diagnostic de syndrome deGoodpasture. Ce syndrome est complet lorsqu’il s’associe à des hémorragiesalvéolaires entraînant une dyspnée, des hémoptysies avec infiltratsradiologiques. Le pronostic vital et rénal dépend de la précocité de la prise encharge. Un taux de créatinine sérique supérieur à 530 µmol l–1 à l’admission estde pronostic très défavorable. Le traitement conventionnel repose sur des bolusde méthylprednisolone relayés par une corticothérapie orale à fortes doses, ducyclophosphamide et des échanges plasmatiques, jusqu’à disparition des Acanti-membrane basale glomérulaire.

Glomérulonéphrite pauci-immune

Le terme de glomérulonéphrite pauci-immune s’applique lorsque les dépôtsimmuns sont faibles ou absents. Ces glomérulonéphrites sont associées à laprésence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA)dans 80 % des cas et sont l’expression d’une vascularite des petits vaisseauxlimitée ou non aux reins . [8]

Granulomatose de Wegener

La présence d’une glomérulonéphrite pauci-immune associée à des signes devascularite systémique et d’inflammation granulomateuse du tractus respiratoiresuggère le diagnostic de granulomatose de Wegener. Plus de 90 % des patientsatteints de cette affection ont une atteinte des voies aériennes supérieures et/ouinférieures. Il peut s’agir de manifestations évoquant une sinusite, une otitemoyenne, des ulcérations de la muqueuse nasale allant parfois jusqu’à la nécrosedu septum aboutissant à la déformation du nez qui prend un aspect en pied demarmite. L’atteinte trachéale entraîne un stridor, des sténoses potentiellementgraves. L’atteinte pulmonaire se traduit par des nodules radiologiques parfoisexcavés alors que la capillarit alvéolaire entraîne hémoptysies et infiltrats. LesANCA sont le plus souvent de fluorescence cytoplasmique et dirigés contre laprotéinase 3. Le traitement des formes sévères repose initialement surl’association corticostéroïdes et cyclophosphamide et permet une rémissioncomplète dans 75 % des cas. Un traitement de maintenance est ensuite instituéen prévention des rechutes et est en général prolongé plusieurs mois.

Polyangéite microscopique

La polyangéite microscopique réalise un tableau de vascularite nécrosante despetits vaisseaux sans inflammation granulomateuse. Les ANCA (présents dansplus de 80 % des cas) sont le plus souvent de fluorescence périnucléaire et dirigéscontre la myéloperoxydase. Elle est la cause la plus fréquente de syndromepneumorénal (Tableau 6). Le traitement des formes sévères repose sur untraitement assez proche de celui de la granulomatose de Wegener qui permetalors d’obtenir une rémission dans environ 80 % des cas. Des rechutes sontpossibles et nécessitent une surveillance prolongée. [8]

Dépôts granuleux d’immunoglobuline [1]

Troisième possibilité, celle où l’immunofluorescence révèle la présence dedépôts granuleux d’immunoglobulines. Le syndrome de glomérulonéphriterapidement progressive vient alors compliquer l’évolution d’une maladiesystémique (lupus érythémateux systémique, purpura rhumatoïde,cryoglobulinémie) ou infectieuse (endocardite, infection cutanée), d’uneglomérulonéphrite primitive (glomérulonéphrite membranoproliférative,GN-IgA). [2]

‚ Syndrome de glomérulonéphrite chronique

L’insuffisance rénale chronique peut être un mode de révélation desnéphropathies glomérulaires, parfois à un stade avancé. À ce stade, la biopsie estrarement pratiquée d’autant que les reins sont souvent de petite taille. L’aspectest habituellement une sclérose plus ou moins importante des glomérules (painsà cacheter) avec fibrose interstitielle et atrophie tubulaire. La biopsie peutnéanmoins être pratiquée en particulier lorsqu’il existe un doute sur une maladiefamiliale tels que le syndrome d’Alport ou la maladie de Fabry. Cette maladie, liéeà un déficit enzymatique en alphagalactosidase A dont la transmission est liée àl’X, se manifeste habituellement dès l’enfance par des manifestationsdouloureuses des extrémités, des angiokératomes notamment aux plisinterfessiers, des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques ou ischémiqueset une atteinte cardiaque. Dans certains cas, l’atteinte est exclusivement rénale. Lediagnostic repose sur l’histoire familiale, l’existence d’un déficit enalphagalactosidase A leucocytaire, un aspect de vacuolisation des cellulesépithéliales glomérulaires et tubulaires due à l’accumulation glycolipidique. Untraitement apportant l’enzyme défectueuse est maintenant disponible et permetde prévenir l’atteinte neurologique et l’atteinte cardiaque qui font la gravité dutableau. Une stabilisation de la fonction rénale peut être espérée.

Au stade d’insuffisance rénale chronique, le traitement repose essentiellementsur un contrôle rigoureux de l’hypertension artérielle. Celle-ci représente unfacteur pronostique majeur au cours des néphropathies glomérulaires. Sapersistance est corrélée avec la progression de l’insuffisance rénale. Elle doit êtretraitée vigoureusement avec des objectifs tensionnels bas (< 125/75 siprotéinurie>1 g j–1). Les autres aspects du traitement comportent le traitementantiprotéinurique (par les IEC et/ou les ARA2 et le régime hypoprotidique), la priseen charge des conséquences de l’insuffisance rénale chronique (traitement del’anémie, contrôle de l’hyperphosphorémie, de l’hyperparathyroïdie, de ladyslipidémie), la préparation à la dialyse et à la transplantation rénale.

Tableau 6. – Syndromes pneumorénaux

Glomérulonéphrites ra-pidement progressives

Polyangéite microscopi-que ANCA +

Maladie de Wegener ANCA +Syndrome de Goodpas-ture Ac anti-MBG +

Lupus érythémateux sys-témique Ac antinucléaires +

Cryoglobulinémie Cryo. +Autres Œdème pulmonaire et

insuffısance rénale aiguëDécompensation cardia-que sévèreInfections : hantavirus,légionellose, leptospirose

Ac : Anticorps ; ANCA :anti-neutrophil cytoplasmic antibodies.

5-0535 - Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution

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R. Binaut (Praticien hospitalier)N. Maisonneuve (Praticien hospitalier)

P. Vanhille (Praticien hospitalier)Adresse e-mail: [email protected]

Services de néphrologie-médecine interne et hémodialyse, centre hospitalier de Valenciennes, avenue Desandrouins, 59300 Valenciennes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R. Binaut, N. Maisonneuve, P. Vanhille. Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 5-0535, 2003, 7 p

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Néphropathies glomérulaires. Orientation diagnostique et évolution - 5-0535

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Néphropathies vasculaires

A Meyrier

L es reins reçoivent le quart du débit cardiaque qui se distribue dans les artères rénales, leurs grosses branches dedivision, puis les artères arquées, les artères interlobulaires et enfin les artérioles afférente et efférente du

glomérule, lui-même formé d’un peloton capillaire, le flocculus. Les néphropathies vasculaires sont fréquentes et ungrand nombre d’affections rénales non primitivement vasculaires comportent des lésions de cet arbre artériel. Lalogique veut que l’on intègre dans les néphropathies vasculaires les lésions allant du tronc aux plus fines ramificationsde cet ensemble. Tout ici est sous-tendu par la notion d’ischémie rénale.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : ischémie rénale, hypertension rénovasculaire, néphroangiosclérose bénigne, néphroangiosclérosemaligne, rein sclérodermique, embolies de cholestérol, angéites.

■Ischémie rénale

Les expériences de Goldblatt permettent decomprendre la maladie humaine. Les expériences deGoldblatt chez le chien (sténose d’une ou des deuxartères rénales) et de Page (enserrement du reindans un sac de Cellophanet) ont permis dedécouvrir l’hypertension rénovasculaire et lesystème rénine-angiotensine-aldostérone [5].

¶ Modèle de Goldblatt « deux reins-un clip »La sténose d’une artère rénale est hémodynami-

quement fonctionnelle lorsqu’elle réduit le calibre dece vaisseau de plus de 60 %. La ripostephysiologique est destinée à protéger la pressionhydrostatique dans le flocculus glomérulaire, donc ledébit de filtration glomérulaire (DFG).

La diminution de pression détectée par lesbarorécepteurs entraîne une sécrétion de rénine,une élaboration d’angiotensine II (Ang II), qui stimulela sécrétion d’aldostérone. I l existe unevasodilatation de l’artériole afférente, mais surtoutune vasoconstriction de l’artériole efférente,richement dotée de récepteurs de l’Ang II. Le DFG estconservé. Tout traitement contrecarrant lavasodilatation de l’artériole afférente (anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS]), lavasoconstriction de l’artériole efférente (antagonistesde l’Ang II), de même qu’une surcorrection del’hypertension artérielle (HTA) au-dessous d’unepression de perfusion critique, entraîne une baissedu DFG [2, 10, 11].

Le tubule réabsorbe le sodium de façoninappropriée. L’urine du côté de la sténose est doncrare, concentrée et pauvre en sodium. Néanmoins, lavolémie n’augmente pas puisque le rein opposé,normalement perfusé, maintient une excrétionsodique appropriée.

¶ Modèle « deux reins-deux clips »L’hypertension est volodépendante. L’augmen-

tation de l’ARP est variable mais inappropriée àl’augmentation de la volémie. En cas de sténoseserrée bilatérale, le DFG diminue.

¶ Modèle « un rein-un clip »La situation est comparable à la précédente, à

cela près que l’on se trouve dans le cas d’uneréduction néphronique de 50 %.

■Ischémie rénale unilatérale

et hypertension artérielle

rénovasculaire

¶ HTA rénovasculaire par sténose artérielle rénaleunilatérale de plus de 60 % de type « Goldblatt »– Maladie fibromusculaire de l’artère rénale,

propre à la femme jeune.– Plaques athéroscléreuses, soit ostiales soit

tronculaires.

– Anévrisme de l’artère rénale.– Dissection de l’artère rénale, spontanée,

iatrogénique ou traumatique.– Compression de l’artère rénale, par un

hématome post-traumatique, rarement une tumeur.– Diverses dysplasies de l’artère rénale.

¶ HTA rénovasculaire de type PageLa circonstance habituelle est un hématome

périrénal, après contusion du rein ou ponction-biopsie rénale. L’hématome devient fibreux etrétractile. Le rein est ischémique.

¶ Infarctus rénalIl peut être consécutif à une embolie artérielle, ou

à un traumatisme, disséquant ou thrombosant unebranche de l’artère rénale. Les principales causessont la migration d’un thrombus parti des cavitéscardiaques (maladie mitrale, fibrillation auriculaire,thrombus pariétal postinfarctus, exceptionnellementmyxome de l’oreillette gauche), ou à la migration dematériel destiné à contrôler une hémorragie rénalepar radiologie interventionnelle. Les signes sont ladouleur lombaire brutale, l’hématurie macrosco-pique, l’hypertension sévère et une protéinurieabondante et transitoire. Les inhibiteurs de l’enzymede conversion (IEC), permettent de contrôlerl’hypertension artérielle. L’infarctus évolue versl’atrophie fibreuse, laissant une cicatrice corticale,tandis que l’hypertension rétrocède, permettantl’arrêt progressif du traitement.

¶ HTA de type rénovasculaire accompagnantune tumeur rénaleIl est fréquent qu’une tumeur maligne du rein

s’accompagne, ou se révèle, par une HTA. Elle peutcomprimer des branches de l’artère rénale, oucomporter des anastomoses artérioveineuses créantune ischémie d’aval par « vol vasculaire ». Unanévrisme cirsoïde (tumeur vasculaire bénigne) a lemême effet.

En résumé, dans ce modèle, il existe :✔ une HTA avec élévation del’activité rénine plasmatique (ARP)et de l’Ang II ;✔ un hyperaldostéronisme secondaireavec tendance à l’hypokaliémie ;✔ une ARP augmentée dans la veinerénale du côté de la sténose parrapport au côté sain ;✔ l’excrétion retardée d’une urinemoins abondante que du côtéopposé, plus concentrée en urée eten créatinine et plus pauvre ensodium ;✔ une volémie normale, ou un peudiminuée.

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¶ Hypertensions post-traumatiquesIl en existe deux variétés, toutes deux d’intérêt

médicolégal. L’hypertension précoce aprèscontusion ou fracture du rein est due à unedissection de l’artère rénale ou d’une de ses grossesbranches, éventuellement compliquée d’un infarctus,ou à un hématome périrénal compressif.L’hypertension à rénine haute peut survenir desmois ou des années après le traumatisme parinfarctus rénal tardif ou enserrement du rein par unecoque épaisse et fibreuse.

■Deux variétés selon le terrain

¶ Femme jeuneChez une femme jeune sans antécédents

apparaissent les signes d’une HTA mal supportée :céphalées, soif, amaigrissement, hypertrophieventriculaire gauche débutante, anomaliesrétiniennes au fond d’œil. La pression artérielle estélevée, sans proportionnalité entre les valeurs de lasystolique et de la diastolique et le retentissementviscéral [2, 5]. On précise la date d’apparition de l’HTAen se basant sur des chiffres tensionnels relevés aucours de grossesses antérieures ou en médecine dutravail. On recherche un souffle lomboabdominal,bien qu’il ne soit ni constant, ni spécifique. Lafonction rénale est normale. L’analyse des urines à labandelette, ne montre pas de protéinurie nid’hématurie microscopique. L’ionogramme peutobjectiver une hypokaliémie avec tendance àl’alcalose métabolique. L’ionogramme urinaireconfirme que l’hypokaliémie est accompagnéed’une kaliurèse non appropriée. L’angiographietrouve une image caractéristique, en « chapelet ».

¶ Athéroscléreux plus âgéLe terrain est l’homme d’âge mûr, souvent grand

fumeur et maigre [1, 2, 3, 4, 13]. Il peut avoir éténormotendu jusqu’à une date récente, et l’HTAapparue depuis peu de temps. Souvent, une HTAétait déjà connue et traitée. L’élévation de la pressionartérielle nécessite une augmentation des dosesd’antihypertenseurs. La tolérance devient mauvaise,

avec céphalées, soif, amaigrissement, hypertrophieventriculaire gauche, épisodes d’œdèmepulmonaire.

Les plaques peuvent être tronculaires ouostiales [4, 7]. Les premières se prêtent bien à uneangioplastie endoluminale, les secondes sont plusdifficiles à diagnostiquer par angiographie, IRM etéchodoppler et moins faciles à traiter par radiologieinterventionnelle.

La fonction rénale peut être altérée par deslésions anciennes de néphroangiosclérose [8, 12].L’hypokaliémie et l’alcalose métabolique peuventêtre la conséquence du traitement préalable par undiurétique. La protéinurie (microalbuminuriedépassant les normes ou macroalbuminurie) peutaussi bien être due à l’Ang II qu’à des lésions rénalesplus anciennes.

■Comment prouver

la nature rénovasculaire

d’une hypertension artérielle ?

Avant de poser l’indication d’une angioplastie, ilconvient de rassembler les arguments permettant deprédire que cette procédure n’aura pas eu pourrésultat que la normalisation d’une image, mais celledes chiffres tensionnels [14]. Ces arguments sontbasés sur :

– l’importance de la sténose : une sténose de plusde 70 % avec dilatation poststénotique est trèssuspecte d’être responsable d’une ischémie rénale ;

– l’échodoppler : un échographiste exercérassemble une série d’arguments très fiables enfaveur du caractère hémodynamiquementfonctionnel d’une sténose artérielle rénale ;

– l’urographie intraveineuse minutée ne doit plusêtre citée car s’il elle est très spécifique, elle est trèspeu sensible. Les images sont faites d’un retardd’apparition du produit de contraste du côté de lasténose, suivi d’une opacification progressivementplus contrastée que du côté sain ;

– les dosages d’ARP permettent à la foisd’apporter le diagnostic d’HTA à ARP élevée etd’hyperaldostéronisme secondaire ;

– le cathétérisme des veines rénales avecdosages comparatifs d’activité rénine de chaquecôté est un excellent examen, mais invasif ;

– la scintigraphie rénale avec rénogramme au99technétium (Tc)-acide diéthylène triaminepenta-acétique (DTPA) se pratique avant puis aprèsprise orale de captopril, après arrêt de toutmédicament pouvant interférer avec l’examen. Unecourbe caractéristique de sténose hémodynami-quement fonctionnelle après captopril estconsidérée comme hautement prédictive d’unsuccès de la revascularisation.

■Maladie rénale ischémique

athéroscléreuse

Il s’agit de la variété Goldblatt « deux reins-deuxclips » ou « un rein-un clip ». On l’observe chez lespatients coronariens, artéritiques, et dans 20 % descas porteurs d’un anévrisme de l’aorte abdominale.Elle s’associe souvent à des embolies de cholestérol.C’est une cause possible d’insuffisance rénalechronique, potentiellement curable si l’ischémie estdiagnostiquée avant la destruction du rein par lafibrose [1, 2, 3, 4, 5, 9, 11].

L’HTA n’est pas au premier plan. Elle n’est pas àrénine très haute car la réduction du fluxplasmatique rénal entraîne une réabsorptioninappropriée de sodium et une hypervolémie. Cesmalades peuvent présenter de brusques œdèmespulmonaires (flash pulmonary edema), non expliquéspar une incompétence myocardique particulière. Lafonction rénale est altérée et la prescription d’un IECpeut conduire à une ascension rapide de lacréatinine sérique. On se trouve donc ici dans unesituation frontière avec un spectre clinique allantd’un tableau où domine l’insuffisance rénaleischémique avec surcharge volémique mais peud’HTA, à celui d’une HTA à composanterénovasculaire mais moins pure que dans lesrubriques précédentes.

L’hypertension et l’insuffisance rénale appellentune revascularisation, à condition que le rein ait unehauteur d’au moins 8 cm et que les index derésistance au doppler soient inférieurs à 80. Sinon,on ne fait que revasculariser un rein scléreux, sansrésultat appréciable.

La revascularisation ne guérit pas toujoursl’hypertension, car plus elle est ancienne, plus ilexiste des lésions du parenchyme rénal(néphroangiosclérose, glomérules hyalinisés ou en« pain à cacheter », emboles de cholestérol).Néanmoins, elle rend son contrôle plus facile et avecmoins de médicaments.

■Néphroangiosclérose maligne

Le tableau est celui d’une hypertensionmaligne avec syndrome hémolytiqueet urémique

¶ Hypertension sévèreL’hypertension est à chiffres élevés, mal tolérée

(céphalées, troubles visuels, soif, amaigrissement) etla défaillance ventriculaire gauche avec œdèmepulmonaire arrive rapidement. Le fond d’œil trouvedes hémorragies, des exsudats et des nodulesdysoriques. L’absence d’œdème papillaire n’écartepas le diagnostic.

¶ Anémie hémolytiqueIl existe une anémie microangiopathique

régénérat ive (rét iculocytes , schizocytes ,

Diagnostic.✔ C’est une HTA d’apparition oud’aggravation récente.✔ Elle est souvent mal supportée,avec céphalées, soif, amaigrissement,éventuellement acouphènes etmouches volantes.✔ Elle peut évoluer vers, ou se révélerpar un tableau d’hypertensionmaligne.✔ Sur de simples clichés de l’arbreurinaire sans préparation, ou destomographies rénales, ou uneéchographie, il existe une asymétriede taille des reins.✔ L’ARP et l’aldostérone (après arrêtdes médicaments) sont élevées.✔ Doppler et angiographie (ouimagerie par résonance magnétique)confirment les lésions

Diagnostic.Il repose sur :✔ le terrain : malade diffusémentathéroscléreux, ayant souvent dessignes cutanés d’emboliescholestéroliques ;✔ l’insuffisance rénale : nonexpliquée par une autre cause ;✔ l’asymétrie des reins àl’échographie ;✔ l’hypertension devenantincontrôlable ;✔ l’ascension rapide de la créatinineaprès mise en œuvre d’unantagoniste de l’Ang II ;✔ l’échodoppler.

5-0570 - Néphropathies vasculaires

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lacticodéshydrogénase [LDH] élevée, haptoglobinebasse, thrombopénie, produits de dégradation de lafibrine).

L’insuffisance rénale progresse rapidement. Elles’accompagne d’une protéinurie significative(> 2 g/L). Les dosages d’ARP sont extrêmementélevés. Il existe en effet une vasoconstriction intenseavec ischémie corticale du rein. L’ischémie augmentela production d’Ang II qui aggrave l’hypertension.

¶ Lésions rénales majeuresLes lésions histologiques révélées par une biopsie

rénale faite après contrôle des chiffres tensionnelssont faites d’une considérable hyperplasie descellules musculaires lisses des parois artérielles quiprennent un aspect dit en « bulbe d’oignon »,rétrécissant la lumière, associée à une duplication etdes ruptures des limitantes élastiques, un œdème etde la nécrose de la média. L’évolution peut se fairevers la thrombose ; les glomérules sont ischémiqueset siège de thromboses (aspect dit de microangio-pathie thrombotique) [10].

¶ Cause particulière : crise aiguë sclérodermiqueL’atteinte rénale de la sclérodermie est plus

fréquente dans les formes diffuses que dans lesyndrome calcinose sous-cutanée-syndrome deRaynaud-dysfonction de l’œsophage-slérodactylie-télangiectasies (CREST) et rare dans les sclérodermieslocalisées. Une protéinurie est présente chez 15 %des patients, mais la plupart ont une sclérodermiepeu évoluée. Chez 45 % des sclérodermiques existeau moins un marqueur d’atteinte rénale (protéinurie,hypertension ou insuffisance rénale). Unehypertension isolée s’observe chez un quart despatients. La biopsie rénale montrerait unenéphroangiosclérose sans spécificité particulière,faite d’une endartérite fibreuse avec duplication deslames élastiques. L’hypertension est maligne dans7 % des cas. L’ insuffisance rénale aiguë,conséquence d’une crise aiguë sclérodermique,survient dans environ 20 % des cas de sclérodermiesdiffuses, mais seulement 1 % de ceux atteints dusyndrome CREST.

La fréquence de cette complication grave adiminué depuis que l’on dispose de traitementsantihypertenseurs efficaces. La crise aiguësclérodermique représente une variété d’hyper-tension maligne avec syndrome hémolytique eturémique (SHU), habituellement oligoanurique.L’artériographie montre un lit vasculaire rénal en« arbre mort ». La biopsie rénale trouve toutes leslésions de l’hypertension maligne et du SHU décritesplus haut.

L’évolution habituelle se fait vers une insuffisancerénale chronique définitive. Dans un certain nombrede cas, après une longue période de dialyse, certainsmalades reprennent une fonction rénale permettantle sevrage du rein artificiel, si leur pression artérielle aparfaitement été contrôlée. Dans les sclérodermiesse compliquant d’une maladie lupique, les lésionsglomérulaires du lupus s’ajoutent aux lésionsvasculaires de la sclérodermie.

Traitement

Le risque est triple : hémorragie cérébrale, œdèmeaigu pulmonaire, insuffisance rénale définitive. Letraitement consiste à lever les résistancespériphériques au plus vite par les vasodilatateurs, enassociant antagonistes de l’Ang II et inhibiteurs descanaux calciques. Attention cependant : ces malades

sont en général hypovolémiques. La baisse de lapostcharge peut conduire à un collapsus. Il faut doncêtre prêt à perfuser du soluté salé physiologiquequand la pression artérielle atteint des valeursproches de la normale. Les diurétiques ne font doncpas partie du traitement de l’hypertension maligne.

■Néphroangiosclérose bénigne

La néphroangiosclérose bénigne est undiagnostic histologique et non un diagnosticclinique. La clinique ne fait que rassembler desarguments de présomption [8, 9, 11, 12, 13].

¶ Lien étroit avec la maladie hypertensiveLa néphroangiosclérose dite « bénigne » est

connue depuis 100 ans pour être associée à lamaladie hypertensive. De là à conclure qu’elle esttoujours la conséquence d’une HTA primaire estexcessif, car il est des cas (cf infra) où elle peut laprécéder.

¶ Facteur génétique certainLa néphroangiosclérose bénigne n’est pas si

bénigne que cela chez les Noirs d’ascendanceafricaine, chez lesquels elle conduit à l’insuffisancerénale rapidement, vers la cinquantaine. À chaquetranche d’âge, les lésions artérielles chez les Noirssont plus importantes que chez les Blancs d’origineeuropéenne, et chez des adolescents elles peuventexister avant l’ascension des chiffres tensionnels. Demême, on a montré chez des Européens uneassociation significative avec le phénotype D/D dugène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

¶ Tableau associant hypertension très ancienneet insuffisance rénale progressiveLe début de l’hypertension ne peut souvent être

daté. On trouve déjà des valeurs limites au momentdu service militaire ou en médecine du travail desdizaines d’années plus tôt. L’insuffisance rénaleapparaît progressivement, avec une faibleprotéinurie et sans hématurie microscopique. Lesreins sont harmonieusement atrophiques. Lesartères rénales sont perméables au doppler.

¶ Lésions histologiques de tous les élémentsdu reinLes lésions artérielles sont faites d’une hyperplasie

de l’intima, fibreuse. Le contingent de fibresmusculaires lisses, élastiques, est progressivementremplacé par du collagène, rigide. La lumièrevasculaire est variablement réduite [10]. Le reste durein est lui-même pathologique : atrophie des tubesqui prennent un aspect microkystique, scléroseinterstitielle parsemée de cellules inflammatoires(surtout des macrophages), glomérules ischémiqueset qui sont progressivement envahis par la fibrosepour se transformer en « pain à cacheter ».L’histologie est utile pour éliminer une néphropathied’autre sorte : néphropathie glomérulaire chroniqueou embolies rénales de cristaux de cholestérol.

¶ Risque d’évolution vers la néphroangiosclérosemaligneDans les formes négligées, une néphroangio-

sclérose bénigne peut passer au stade de lanéphroangiosclérose maligne, ici aussi plusvolontiers chez les Noirs.

¶ Traitement basé sur les antihypertenseurs,essentiellement les antagonistes de l’Ang IIEn effet, la fibrose qui caractérise la néphroangio-

sclérose (d’où son nom) est en grande partie due àl’angiotensine. Le contrôle de la pression artérielleest en soi essentiel, mais la logique veut qu’ilcomporte d’abord un IEC ou un antagoniste desrécepteurs de l’angiotensine 2.

■Maladie des embolies rénales

de cholestérol

La migration de cristaux de cholestérol est unaccident grave de la maladie athéroscléreuse. Safréquence a augmenté après les débuts de lachirurgie vasculaire, puis la radiologie intervention-nelle et enfin l’usage libéral des anticoagulants etdes fibrinolytiques [15]. L’affection est protéiforme. Sesmanifestations vont de la découverte autopsique oubiopsique de quelques cr istaux dist i l léschroniquement chez un athéroscléreux, au tableautrès grave des embolies multiviscérales menaçant lavie et dont l’insuffisance rénale aiguë n’est qu’unedes manifestations. De plus, les cristaux logés dansles petites artères induisent une réactioninflammatoire qui comporte des signes proches deceux d’une angéite.

La source des emboles est la plaque ulcérée, quipeut siéger de l’origine de la crosse au reste del’aorte ; elle est couverte d’un caillot « pansement »qui recouvre un nid de cristaux. L’écrasement par unclamp, le passage d’un cathéter de Seldinger, d’unballon d’angioplastie, ou encore la dissolution ducaillot durant un traitement anticoagulant oufibrinolytique, en supprimant cette dernièreprotection, libèrent les cristaux dans la circulation. Ilsse logent dans les artères viscérales de 150 à200 µm de diamètre. Dans le rein, on trouve descristaux dans les artères arquées, les artèresinterlobulaires, l’artériole glomérulaire afférente etmême dans les capillaires du flocculus glomérulaire.

¶ FréquenceLe diagnostic clinique sous-estime les atteintes

viscérales trouvées à l’autopsie. Tout l’organismepeut être intéressé par des embolies cholestéro-liques. On a décrit des embolies myocardiques et desparaplégies par migration dans la grande artèrespinale antérieure d’Adamkiewicz. Les emboliesrétiniennes sont fréquentes, de l’ordre de 20 % descas, et souvent associées à des accidents vasculairescérébraux.

Les autres tissus de l’organisme sont égalementpratiquement tous la cible des emboliescholestéroliques. C’est le cas avant tout de la peau,de la rétine, du muscle, de la moelle osseuse.

¶ Circonstances d’apparitionLe terrain habituel est représenté par un homme

de plus de 55 ans, fumeur et hypertendu, de raceblanche, souvent maigre. L’affection est rare chez lesNoirs. Les embolies sont spontanées dans 20 % descas et iatrogènes dans 80 %.

Les facteurs provoquant l’essaimage de cristauxsont réunis par deux éléments, isolés ou associés : letraumatisme d’une plaque d’athérome et ladisparition du caillot recouvrant la bouillieathéromateuse d’une plaque ulcérée. La ruptured’une plaque peut aussi être spontanée. L’existence

Néphropathies vasculaires - 5-0570

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d’une aortite ulcérée étendue peut aussi conduire àun essaimage chronique de cristaux, distillés dans lacirculation au fil du temps.

Les angiographies par cathéter de Seldinger et lesangioplasties sont devenues une cause majeure del’affection. Parmi les facteurs médicamenteux lesplus fréquents figurent les traitements anticoagu-lants par les antivitamines K, les héparines et lesfibrinolytiques.

¶ Signes extrarénaux (plus de 90 % des cas)

Ils sont faits d’orteils pourpres, de livedo reticularisqui peut aller jusqu’aux lombes, de nécrosesparcellaires des orteils. Pourtant, les pouls tibiauxpostérieurs et pédieux ne sont pas nécessairementabolis, ce qui doit orienter vers des lésionsischémiques de la microcirculation. La biopsiecutanée trouve des cristaux dans l’hypoderme.

Les douleurs musculaires peuvent simuler unepolymyosite. Des cristaux sont trouvés au fond d’œildans environ 20 % des cas. Les douleursabdominales traduisent l’atteinte du territoiremésentérique et pancréatique et s’accompagnentd’une dénutrition. De la fièvre peut accompagnerl’altération de l’état général.

¶ Signes biologiques

Les embolies de cholestérol entraînent uneréaction inflammatoire à corps étrangers. Ainsis’expliquent trois anomalies biologiques, suggestivesquand elles existent : une hypocomplémentémie,une éosinophilie et une éosinophilurie.

¶ Atteinte rénale (au moins 80 % des cas)

Les embolies massives se révèlent tôt aprèschirurgie, angiographie ou angioplastie. Ailleurs, ils’écoule plusieurs semaines avant que le diagnosticne soit évoqué : en moyenne 5,3 semaines aprèsartériographie. Une troisième variété est caractériséepar une insuffisance rénale de type subaigu ouchronique, évoluant par poussées successives quicoïncident avec des vagues d’embolies, survenantchacune après un élément déclenchant :angiographie, reprise chirurgicale, nouveautraitement anticoagulant.

Les signes rénaux purement cliniques, en dehorsde l’hypertension, sont assez limités. Le tableauhabituel est celui d’une insuffisance rénale de gravitévariable. Elle peut être aiguë, oligoanurique,nécessitant d’emblée une épuration extrarénale etsurvenant immédiatement après un geste invasif, cequi est le cas d’environ un tiers des patients. Aprèsl’événement déclenchant, les signes et symptômesde la maladie des embolies de cholestérol peuventn’apparaître qu’après plusieurs semaines.L’évolution peut ensuite être progressive et se fairepar poussées entrecoupées de paliers successifs surplusieurs semaines ou mois. L’évolution peut enfinne se marquer que par une insuffisance rénalechronique et lentement évolutive. Les manifestationscliniques de l’affection, chez un sujet âgé, sontmarquées par de la fièvre, un état inflammatoire,une éosinophilie, une altération de l’état général, unamaigrissement, des signes cutanés et unedétérioration de la fonction rénale accompagnéed’une protéinurie. L’hypertension est presqueconstante, sévère et parfois maligne. Elle entraîne oufavorise une insuffisance cardiaque et unsubœdème pulmonaire.

La notion récente selon laquelle les statinesexercent un effet stabilisant sur les plaquesd’athérome et sont dotées d’effets anti -inflammatoires incite à les inclure dans toutprotocole thérapeutique de cette affection à titre deprévention primaire et secondaire.

■Angéites rénales

Les angéites (ou « vascularites ») forment ungroupe d’affections vasculaires disparates mais quiont en commun un facteur inflammatoire d’origineimmunologique [6]. Il est admis de les classer enfonction du diamètre du vaisseau intéressé, ce quemontre la figure 1.

En ce qui concerne le rein, et en dehors derares affections inflammatoires des gros troncsartériels (Takayashu), le sujet est dominé par deuxaffections : la périartérite noueuse (PAN) et lamaladie de Wegener (MW) toutes deuxaccompagnées d’une riche symptomatologieextrarénale. La première comporte deux variétés :la PAN « macroscopique », peu fréquente,

caractérisée par une atteinte des grosses artèresintrarénales qui peuvent être le sièged’anévrismes ; la PAN « microscopique » quientraîne surtout une glomérulonéphriterapidement évolutive à croissants épithéliaux. LaMW se manifeste elle aussi par une atteinte desvaisseaux intrarénaux de petit calibre, y comprisles veines, par des granulomes et par uneglomérulonéphrite à croissants. Depuis 15 ans,on a appris à les distinguer par l’existenced’anticorps anticytoplasme des polynucléaires(ANCA) qui les accompagnent et qui sans êtreabsolument spécifiques sont hautementévocateurs du diagnostic : ceux de la PAN, les« p-ANCA » sont du type antimyéloperoxydase(MPO) et ceux de la MW, les « c-ANCA », du typeantiprotéinase 3 (PR3). Ces deux angéites relèventd’un diagnostic précoce basé sur un prélèvementhistologique et sur une recherche d’ANCA, et surun traitement immunodépresseur comportant leplus souvent au début du cyclophosphamide etdes emboles de méthylprednisolone. La guérisondéfinitive n’est pas assurée ; les rechutes sontfréquentes et ce traitement comporte denombreux effets secondaires, mais il est bon derappeler qu’auparavant ces affections étaientconstamment mortelles.

Grosvaisseaux

Vaisseaux de taille moyenne

Artérite granulomateuse Artérite nécrosante

> de 50 ansHorton

< de 50 ansTakayashu

Périartéritenoueuse

Maladie deKawasaki

Petitsvaisseaux

Angéite cryoglobulinémique

Puspurarhumatoïde Lupus

Avec dépôts immunsen immunofluorescence (IF)

Sans dépôts en IF+ ANCA positifs

Pas d'asthmepas de granulomes

PANmicroscopique

Maladie deWegener

Maladie deChuerg

et Strauss

Granulomespas d'asthme

Éosinophilieasthme

granulomes

1 Classification des angéites.1.Aorte ; 2. artère rénale ; 3. artère lobaire ; 4. artère arquée ; 5. artère interlobulaire ; 6. artériole ; 7. flocculusglomérulaire. PAN : périartérite noueuse.

5-0570 - Néphropathies vasculaires

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■Conclusion

Les néphropathies vasculaires sont un aspectessent ie l de la néphrologie . E l les ont deuxparticularités. Leur élément commun est la fibroseconsécutive à l’ischémie [11, 13], qui elle-même aggrave

la fibrose, créant un cercle vicieux que l’on doitrompre par les antihypertenseurs modernes. Lesrecommandations internationales (JNC VI) indiquentd’une part que les valeurs tensionnelles cibles sontinférieures à 140/90 mmHg, qui pourtant définissentles limites de l’HTA ; d’autre part, les associationsd’antihypertenseurs microdosés sont préférables entermes de tolérance et d’efficacité à la stratégie

classique du « stepped care » où l’on ajoutait unsecond antihypertenseur au moment où apparais-saient les signes d’intolérance du premier.

De façon générale, l’élément vasculaire existe danstoutes les néphropathies (le meilleur exemple est celuidu diabète de type 2) et le traitement de l’HTA reste lemeilleur moyen de ralentir l’évolution de toutemaladie rénale.

Alain Meyrier : Professeur,Service de néphrologie et Inserm U 430, groupe hospitalier Broussais-hôpital européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Meyrier. Néphropathies vasculaires.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0570, 2003, 5 p

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Néphropathies vasculaires - 5-0570

5

Polykystose rénale et autres

néphropathies héréditaires

JP Grünfeld, D Joly

L a polykystose rénale autosomique dominante s’observe environ chez un individu sur 1 000. C’est une des plusfréquentes maladies héréditaires humaines : environ 60 000 personnes sont atteintes en France et 60 000

personnes supplémentaires non atteintes appartiennent aux familles touchées.© Elsevier, Paris.

■Quelques points de repère sur

les maladies héréditaires rénales

La prévalence des maladies rénales génétiques estbien plus élevée chez l’adulte que chez l’enfant (celaest vrai également pour toutes les maladies génétiqueshumaines, comme le diabète non insulinodépendantqui a un important déterminisme génétique, lesmaladies de Huntington et d’Alzheimer, les amylosesfamiliales, etc). Les premières manifestationsapparaissent à l’âge adulte dans la grande majoritédes cas [4, 7].

Les maladies héréditaires rénales les plus graves(mais aussi les plus rares) s’observent chez l’enfant : laplus fréquente, la néphronophtise, a une prévalenced’environ un sur 40 000 sujets. Certes lesnéphropathies héréditaires représentent 30 % descauses d’insuffisance rénale terminale (IRT) chezl’enfant alors qu’elles ne représentent que 10 % descauses d’IRT chez l’adulte ; mais l’incidence annuellede l’IRT en France (nombre de nouveaux cas par an etpar million d’habitants) est de 100 chez l’adulte contrecinq chez l’enfant. Beaucoup de maladies rénaleshéréditaires ne progressent pas vers l’IRT.

Dans une famille donnée, une maladie héréditairepeut ne toucher qu’un seul membre : l’enquêtefamiliale est alors négative. C’est le cas dans troiscirconstances principales (concernant les maladiesrénales) :

– dans une maladie liée à l’X : les femmes vectriceshétérozygotes ont souvent peu ou pas desymptômes ;

– dans une maladie autosomique récessive : lesdeux parents sont hétérozygotes mais souventasymptomatiques. Les sujets atteints homozygotessont à rechercher dans la même génération mais toutdépend du nombre de frères, de sœurs ou degermains exposés au risque ;

– en cas de néomutation qui s’est créée chez lepropositus pour la première fois dans la famille ; bienentendu, cette mutation sera transmissible à ladescendance.

■Maladies kystiques rénales

héréditaires

‚ Polykystose rénale autosomiquedominante [4, 7]

La polykystose rénale autosomique dominante(PKRAD) est caractérisée par le développement demultiples kystes en rapport initialement avec diverssegments tubulaires, puis secondairement exclus detoute connexion avec les néphrons. Les kystes sonthabituellement non visibles à la naissance (mais dansquelques cas ils peuvent être détectés chez le fœtus)ou se limitent à des dilatations tubulaires. Ilsprogressent par la suite, et les reins peuvent contenir

plusieurs milliers de kystes et peser plusieurskilogrammes au terme de l’évolution, alors qu’un reinnormal ne pèse que 150 à 200 g (tableau I).

Génétique

Cette variété de polykystose rénale se transmetselon le mode autosomique dominant. La maladie estgénétiquement hétérogène. En effet, elle est due à desmutations qui peuvent toucher l’un des trois locus ougènes suivants :

– le gène PKD1, localisé au chromosome 16 ;– le gène PKD2, localisé au chromosome 4 ;– un troisième locus jusqu’à présent non localisé.Le gène PKD1 est contigu à l’un des gènes

impliqués dans la sclérose tubéreuse de Bourneville, legène TSC2. La protéine codée par PKD1 estdénommée polycystine. Elle a la structure d’unemolécule d’adhérence mais sa fonction précise resteinconnue. La structure de la protéine PKD2 ressembleà celle d’un canal ionique. Les protéines PKD1 et PKD2interagissent probablement.

Manifestations rénales

La maladie rénale peut rester longtempsasymptomatique et n’être découverte qu’à l’examenclinique (gros reins bosselés, parfois asymétriques) oulors d’une échographie. Des douleurs plus ou moinsvives sont signalées par la plupart des malades à unmoment ou à un autre de l’évolution. Une coliquenéphrétique fait évoquer une lithiase urinaire (urique

Tableau I. – Principales maladies kystiques rénales héréditaires.

Maladie Gène identifié Localisationchromosomique

Prévalence connueou estimée

Mode detransmission

Âge de survenue des premièresmanifestations rénales

PKRAD 1/1 000 AD Adulte (surtout)PKD1 (16) 85 % Enfance (très rarement)PKD2 (4) 10-15 %PKD3 ( ?)

PKRAR ? (6) 1/40 000 ( ?) AR Enfance

Néphronophtise juvénile NPH (2) 1/40 000 ( ?) AR Enfance - kystes médullaires rénauxtardifs

Maladie kystique médullaire rénale ? ? ? AD Adulte - kystes rénaux précoces

Phacomatoses :- sclérose tubéreuse TSC1 (9) 1/15 000 ( ?) AD Enfance/adulte

TSC2 (16)- von Hippel-Lindau VHL (3) 1/40 000 AD Adulte (surtout)

PKRAD : polykystose rénale autosomique dominante ; PKRAR : polykystose rénale autosomique récessive ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.

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dans 50 % des cas), qui se développe chez 20 % desmalades, mais la douleur peut également être due àun saignement intrakystique ou à la migration d’uncaillot. Des hématuries macroscopiques sontobservées chez la moitié des patients.

Les infections du haut appareil urinaire survien-nent chez 20 % des malades, plus souvent chez lafemme. Le traitement est celui d’une pyélonéphriteaiguë : on utilise en première ligne une céphalosporinede troisième génération, une fluoroquinolone ou dutriméthoprime-sulfaméthoxazole. L’emploi desaminosides, pendant une brève période, sera limité aumaximum, à cause de leur toxicité rénale. La durée dutraitement est de 10 à 20 jours. Lorsque le liquidekystique lui-même est infecté, l’examen cytobactériolo-gique de l’urine peut se révéler initialement négatif. Parailleurs, l’efficacité du traitement est plus médiocre. Eneffet, la pénétration intrakystique de la plupart desantibiotiques est lente. Deux exceptions : lesfluoroquinolones et le triméthoprime.

L’hypertension artérielle est une complicationfréquente et précoce qui touche 50 % à 80 % despatients, selon que la fonction rénale est normale oualtérée. L’élévation de la pression artérielle (sanshypertension franche) peut être observée dèsl’enfance ou l’adolescence. Le contrôle del’hypertension artérielle est crucial, non pas tant pourralentir la progression de la maladie rénale, que pourprévenir les complications cardiovasculaires. Les règlesd’utilisation des médicaments antihypertenseurs sontcelles communes à toutes les néphropathieschroniques, avec ou sans insuffisance rénale. Laplupart des antihypertenseurs peuvent être utilisés,parfois à doses réduites en cas d’insuffisance rénalechronique [3].

L’insuffisance rénale chronique touche 60 à 80 %des patients. Celle-ci installée, le débit de filtrationglomérulaire s’abaisse en moyenne de 6 mL/min paran, et le stade terminal de l’insuffisance rénale estatteint à un âge moyen de 55 ans. Cinq pour cent desmalades progressent vers ce stade avant 40 ans, 20 %environ après 65 ans. Il est aujourd’hui bien établi que20 à 40 % des malades atteints de polykystosen’évolueront pas vers l’insuffisance rénale terminale etdécéderont, parfois à un âge avancé, d’une causeindépendante. L’anémie est moindre dans la PKRADque dans les autres néphropathies, probablement parsuite d’une production d’érythropoïétine par les kystesou le tissu adjacent.

La prédiction individuelle du pronostic rénal estbien difficile chez un adulte d’âge moyen carl’évolution est hétérogène au sein d’une même familleet d’une famille à l’autre. Plus le volume rénal estimportant et plus le nombre de kystes est élevé, plus lerisque de progression est grand. Deux élémentsprincipaux déterminent en pratique le pronostic :

– génotype : la forme PKD2 est moins évolutiveque la forme PKD1. La différence au stade terminal esten moyenne de 15 ans ;

– sexe : les hommes atteignent l’insuffisance rénaleterminale 5 à 6 ans plus tôt que les femmes.

D’autres éléments pourraient éventuellementinfluencer ou non la progression de la maladie rénale.Le polymorphisme du gène de l’enzyme deconversion de l’angiotensine pourrait être impliqué,comme dans d’autres néphropathies. On connaîtenviron 100 cas dans le monde où la maladie rénale aété très précoce et évolutive, conduisant àl’insuffisance rénale terminale dans les premièresannées de la vie. Ces cas peuvent récidiver dans unemême fratrie. Ils peuvent être associés ou non à unesclérose tubéreuse de Bourneville (le mécanisme est

alors soit une translocation, soit une délétion touchantles deux gènes contigus). Enfin, la restrictionalimentaire en protides ou l’emploi d’inhibiteurs del’enzyme de conversion n’exercent aucun effetspécifique sur la progression de la maladie rénale, àl’opposé de ce qu’on peut observer dans les maladiesglomérulaires chroniques, diabétiques ou non.

Manifestations extrarénales

¶ Kystes hépatiquesIls représentent la lésion extrarénale la plus

fréquente. Ils se développent progressivement, plustard que les kystes rénaux, et touchent environ 70 %des malades de plus de 60-70 ans. IIs sont plusfréquents, plus précoces et plus volumineux chez lafemme que chez l’homme [1].

Les kystes hépatiques sont habituellementasymptomatiques. L’infection est rare, survenanthabituellement chez des malades dialysés outransplantés rénaux. L’atteinte massive du foie par detrès nombreux kystes peut être observée, notammentchez la femme : la polykystose hépatique peut alorsentraîner une cholestase anictérique, une gêne, desdouleurs, parfois une compression gastriqueentraînant des troubles digestifs et nutritionnels. Letraitement de la polykystose hépatique massive peutêtre difficile : la ponction est souvent insuffisante. Lafenestration des kystes par laparoscopie est difficile. Larésection hépatique partielle est parfois nécessaire.Dans des cas extrêmes, une transplantation combinéedu foie et d’un rein a pu être réalisée. Enfin, lapolykystose hépatique peut être associée trèsrarement à une hypertension portale : celle-ci est leplus souvent due à des kystes hépatiques postérieurscomprimant les veines sus-hépatiques et la veine caveinférieure, entraînant un bloc suprahépatique. Letraitement chirurgical est indiqué dans ces derniers cas,mais il est souvent difficile. Dans quelques cas trèsrares, une fibrose hépatique congénitale, lésionassociée à la polykystose récessive, a été décrite chezdes malades atteints de polykystose dominante.

¶ Anévrismes des artères cérébrales [4, 7]

La prévalence de ces anévrismes est plus élevéedans la PKRAD (environ 8 %) que dans la populationgénérale (environ 1,2 %). Deux problèmes se posenten pratique.

■ Reconnaître l’accident de rupture entraînant unehémorragie méningée ou cérébroméningée : cetaccident survient en moyenne à 40 ans (plus tôt quedans la population générale, mais au même âgemoyen que dans les anévrismes intracrâniensfamiliaux) mais il peut se produire à n’importe quelâge, y compris avant 20 ans, qu’il existe ou non unehypertension artérielle ou une insuffisance rénale. Larupture d’un anévrisme intracrânien impose unehospitalisation d’urgence, une scanographie cérébraleet un avis neurochirurgical. Cet accident reste trèsgrave car environ 40 % des malades meurent avant letransfert en neurochirurgie, et parmi les survivants, 30à 40 % gardent des séquelles neurologiques. C’estpourquoi, chez un malade atteint de PKRAD, il fautattacher la plus grande importance aux signesévoquant une fissuration de l’anévrisme, notammentdes céphalées très vives, localisées, persistantes etinhabituelles, accompagnées de nausées et parfoisd’une discrète raideur de la nuque.

■ Compte tenu de la gravité de l’accident derupture, faut-il dépister les anévrismes cérébrauxchez les patients asymptomatiques atteints dePKRAD ? Il est difficile de répondre à cettequestion car nous connaissons mal l’histoirenaturelle de ces anévrismes dans la PKRAD. Ces

anévrismes sont assez souvent multiples etplusieurs anévrismes peuvent se développersuccessivement. L’analyse décisionnelle a concluque le dépistage systématique n’était pas indiquémais les techniques de détection et de traitement(par neurochirurgie ou radiologie intervention-nelle) évoluent continuellement.

On recommande aujourd’hui de limiter larecherche aux malades qui ont un antécédentpersonnel ou familial d’anévrisme intracrânien,rompu ou non (le risque est 2,5 à 3 fois plus élevédans certaines familles de polykystose oùplusieurs membres ont développé un anévrismecérébral). Chez les sujets asymptomatiques, ledépistage des anévrismes cérébraux dont lediamètre est supérieur ou égal à 5 mm estpossible grâce à l’IRM-angiographie ou à lascanographie cérébrale spiralée. La décisionthérapeutique dépend ensuite du siège, de lataille, du nombre et de la progression desanévrismes. En cas d’abstention thérapeutiqueimmédiate, il est recommandé de renouvelerl’examen radiographique 6 à 12 mois plus tard.En cas de dépistage négatif dans une famille àrisque, il est recommandé de refaire l’examen 5ans plus tard car la maladie est progressive. Cesdernières recommandations n’ont pas été testées.

Diagnostic

Il repose sur :– la nature héréditaire de la maladie, avec

transmission autosomique dominante (lesnéomutations sont très rares) ;

– l’échographie.L’échographie met typiquement en évidence de

multiples kystes rénaux bilatéraux avec uneaugmentation plus ou moins marquée du volume desreins. L’un de ses deux parents étant porteur d’unepolykystose, un sujet de moins de 30 ans seraconsidéré comme « atteint » en cas de découverteéchographique d’au moins deux kystes rénaux, mêmeunilatéraux. La spécificité est, dans cette circonstance,de 100 %. La sensibilité de l’échographie pour cediagnostic croît avec l’âge (88,5 % entre 15 et 30 anset 100 % à partir de 30 ans). Une échographie rénalenormale à 30 ans permet donc d’écarter le diagnosticde polykystose liée au gène PKD1.

En revanche, la spécificité de l’échographie pourfaire le diagnostic décroît avec l’âge. À partir de 50 ansen particulier, la présence d’un ou plusieurs kystesrénaux solitaires est assez banale. Il faut alors exigerdes critères plus stricts pour accepter le diagnostic depolykystose : hérédité démontrée, gros reinspolykystiques avec kystes bilatéraux, éventuellementkystes hépatiques.

On ne dispose pas encore d’informationséchographiques aussi précises dans la polykystose liéeau gène PKD2.

Traitement de l’insuffisance rénale terminale

Ce traitement comporte la dialyse périodique et latransplantation rénale, comme dans les autresnéphropathies. Les résultats obtenus sont similaires.L’hémodialyse périodique est la méthode de dialyse laplus fréquemment utilisée. La dialyse péritonéale n’estpas indiquée si les reins et le foie polykystiques sonttrès volumineux. La préparation à la transplantationrénale peut comporter l’ablation préalable d’un reinpolykystique si celui-ci est très volumineux ou a été lesiège d’infections ou d’hémorragies récentes etrécidivantes.

5-0530 - Polykystose rénale et autres néphropathies héréditaires

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‚ Polykystose rénale autosomiquerécessive (PKRAR)

Cette maladie est en tous points différente de laPKRAD : elle est très rare (tableau I). Les kystes rénauxse développent seulement à partir des canauxcollecteurs. Une lésion hépatique (dénommée fibrosehépatique congénitale ou fibroadénomatose biliaire)est constamment associée. La maladie se révèleparfois dès la naissance, accompagnée d’unehypoplasie pulmonaire responsable du décès. Lorsquela maladie se développe plus lentement, lesmanifestations urinaires, l’hypertension artérielle etl’insuffisance rénale sont plus tardives dans l’enfance.Grâce au contrôle précoce de l’hypertension artérielle,souvent sévère mais parfois réversible, 50 % desenfants parviennent à l’âge adulte sans avoir besoind’une méthode de suppléance rénale. Lesmanifestations hépatiques peuvent être au premierplan : hémorragies digestives par hypertensionportale, pouvant nécessiter une dérivation portocavechirurgicale, ou angiocholites favorisées par ladilatation des voies biliaires intrahépatiques parfoisassociée.

Du fait de la diffusion de l’échographie chez lefœtus et chez l’enfant, les pédiatres sontconfrontés à d’autres maladies kystiques rénalesque la polykystose récessive. Dans les casexceptionnels, la PKRAD, seule ou associée à lasclérose de Bourneville (cf supra), peut secompliquer d’insuffisance rénale très précoce, dèsla première année de vie. Plus souvent,l’échographie découvre quelques kystes rénaux,alors que la fonction rénale est normale. Il estessentiel, dans ces cas, de bien différencierpolykystose dominante et polykystose récessive :c’est l’échographie rénale des parents quihabituellement permet de trancher (en montrantdes kystes chez l’un des parents en cas dePKRAD). Pour confirmer le diagnostic depolykystose récessive, on recherche les signes del’atteinte hépatique.

Il est bon de rappeler ici qu’il n’est pas recommandéde faire systématiquement une échographie rénalechez les enfants asymptomatiques appartenant à unefamille atteinte de PKRAD. Une surveillance cliniquesimple suffit (y compris la mesure de la pressionartérielle). La découverte de kystes rénaux n’a pas deconséquences cliniques : ces kystes n’entraînenthabituellement aucun trouble. En revanche, lesconséquences psychologiques du dépistage et du suivipeuvent être délétères pour l’enfant et pour sa famille.Rappelons enfin que l’absence de kystes dansl’enfance ne signifie pas que ceux-ci ne deviendrontpas décelables plus tard, à l’âge adulte.

‚ Autres maladies kystiques (tableau I)La néphronophtise est surtout caractérisée par une

fibrose tubulo-interstitielle progressive. La maladie serévèle dans l’enfance, souvent par un syndromepolyuropolydipsique. L’IRT est atteinte en moyennevers l’âge de 14 ans. La néphronophtise est la maladiegénétique la plus fréquemment responsable d’IRTchez l’enfant. Les kystes médullaires rénaux sedéveloppent à un stade avancé [9].

Les kystes médullaires plus précoces caractérisent lamaladie kystique de la médullaire rénale, affectionautosomique dominante très rare, observée chezl’adulte et progressant vers l’IRT entre 30 et 40 ansenviron.

Des kystes rénaux peuvent être rencontrés dans lasclérose tubéreuse, TSC1 comme TSC2 (tableau I). Leskystes sont parfois très volumineux et multiples,simulant une PKRAD (cf supra). En fait, la lésion rénale

prédominante de la sclérose tubéreuse estl’angiomyolipome, souvent multiple et bilatéral. Dansune autre phacomatose, la maladie de von Hippel-Lindau, 70 % des malades ont des kystes et/ou descarcinomes rénaux. Ces carcinomes à cellules claires,multifocaux et bilatéraux, surviennent en moyenne à45 ans, soit une à deux décennies avant le carcinomerénal sporadique. Le traitement de ces cancers reposesur la tumorectomie simple quand elle est possible oula néphrectomie. Le gène VHL est un gène suppresseurde tumeur dont les mutations et inactivations sontaussi trouvées dans presque tous les cancers rénauxsporadiques à cellules claires [8].

■Syndrome d’Alport

Ce terme [5, 6] désigne plusieurs maladies qui ont encommun une néphropathie hématurique progressiveet une hypoacousie de perception. Des anomaliesoculaires sont également présentes dans près de 50 %des cas, touchant le cristallin (lenticône antérieurbilatéral) et la rétine (atteinte périmaculaire n’altérantpas la vision).

La néphropathie se révèle parfois dansl’enfance, dès les premières semaines de vie ouplus tard, par des hématuries macroscopiquesintermittentes et récidivantes (cette manifestationdevient très rare après 20 ans) et par unehématurie microscopique permanente. Laprotéinurie apparaît ultérieurement. Son débits’accroît progressivement et un syndromenéphrotique, habituellement modéré, sedéveloppe dans 50 % des cas. Dans d’autres cas,les anomalies urinaires sont découvertes entre 20et 30 ans. La progression vers l’insuffisance rénaleterminale se fait rarement (10 %) dans l’enfance,le plus souvent (90 %) à l’âge adulte, entre l’âgede 18 et de 75 ans environ. L’hypoacousie deperception est d’intensité variable, souventdiscrète ou modérée, prédominant sur lesfréquences élevées, hors de la zone conversation-nelle ; c’est dire l’intérêt de l’étude audiométriquepour dépister le défaut auditif.

Le syndrome d’Alport est caractérisé par desanomalies héréditaires de certaines chaînes α quiconstituent les molécules de collagène de type IV(l’un des constituants principaux des membranesbasales). Les membranes basales des glomérulesrénaux, de l’oreille interne et du cristallin sontaffectées. L’étude du fragment de biopsie rénale enmicroscopie électronique et en immunofluorescence(avec des anticorps dirigés contre les chaînes α [IV])met en évidence des altérations caractéristiques de lamembrane basale glomérulaire. Plusieurs types sontindividualisés. Le conseil génétique donné aux famillesdépend de leur identification.

La maladie la plus fréquente (80 à 85 %) setransmet selon le mode dominant lié à l’X : c’est lesyndrome d’Alport « classique ». Les hommes atteints(hémizygotes) expriment tous la maladie rénale etprogressent vers l’IRT plus ou moins tôt dans la vie. Lerythme de progression est homogène chez leshommes d’une même famille (schématiquement,avant 30 ans pour les familles de type « juvénile »,après 30 ans et jusqu’à 76 ans pour les familles detype « adulte »). Un homme atteint ne transmet pas lamaladie à son ou à ses fils. En revanche, toute sadescendance féminine sera vectrice (hétérozygote).

Les femmes hétérozygotes ont des anomaliesurinaires souvent permanentes, parfois discrètes etintermittentes. La grande majorité (85 à 90 %) desvectrices ont une atteinte rénale non progressive mais10 à 15 % d’entre elles évoluent vers l’insuffisancerénale, plus tard que les hommes. Les femmesvectrices transmettent le gène muté à 50 % de leurdescendance masculine ou féminine. C’est dire l’intérêtclinique de leur identification dans une famille atteinte.L’information apportée par la génétique moléculaireest décisive : la maladie est due à des mutations dugène codant la chaîne α 5 (IV), localisé sur lechromosome X. Le même défaut moléculaire a ététrouvé dans des familles sans hypoacousie.

La maladie autosomique récessive a uneprésentation clinique et histopathologique presquesimilaire à la forme liée à l’X. Cependant, lanéphropathie progresse tôt vers l’IRT, avant 20-30 ans,et de façon égale dans les deux sexes chez leshomozygotes. Les deux parents vecteurs (hétérozygo-tes) ont ou non une hématurie microscopiquepermanente. Les mutations touchent les gènes codantles chaînes α 3 ou α 4 (IV), localisés au chromosome 2.

On observe trois formes particulières :– maladie comportant néphropathie, hypoacousie,

cataracte et leiomyomes multiples (œsophagiens,respiratoires et génitaux) : elle est liée à l’X et est due àune large délétion touchant les gènes α 5 ou α 6 (IV)contigus sur le chromosome X ;

– maladie marquée par une néphropathie, unehypoacousie et une macrothrombopénie (avecsouvent des inclusions intraleucocytaires) : elle estprobablement de transmission autosomiquedominante. Le défaut moléculaire est jusqu’à présentinconnu ;

– enfin, il existe quelques familles où unenéphropathie progressive est associée à unehypoacousie, mais où la transmission est autosomiquedominante. Le défaut peut concerner α 3 ou α 4 (IV).

Diagnostic

Le diagnostic du syndrome d’Alport et des maladiescorrespondantes repose sur :

– le type clinique et histopathologique de lanéphropathie héréditaire ;

– l’association à l’hypoacousie chez le propositusou sa famille, mais le déficit auditif peut manquer ;

– l’identification de la mutation responsable,quand cela est possible.

Le diagnostic différentiel se pose rarement,seulement quand ces différents éléments ne sont pasréunis, par exemple :

– hématurie microscopique isolée, sansprogression vers l’insuffisance rénale, caractérisantl’hématurie familiale bénigne ;

– protéinurie, sans hématurie, se compliquantd’insuffisance rénale familiale, à transmissionmaternelle, avec surdité associée qui doit faire évoquerune cytopathie mitochondriale, même chez l’adulte.Les lésions histopathologiques rénales sont différenteset l’altération de l’acide désoxyribonucléique (ADN)mitochondrial peut être mise en évidence ;

– autres maladies héréditaires associant atteinterénale et auditive, comme la maladie de Fabry oucertaines acidoses tubulaires distales autosomiquesrécessives.

Traitement

Le traitement est celui de toute néphropathieprogressive avec hypertension artérielle et insuffisance

Polykystose rénale et autres néphropathies héréditaires - 5-0530

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rénale. La transplantation rénale est utilisée avecsuccès. La maladie ne récidive pas sur le transplant.Dans moins de 5 % des cas, une glomérulonéphrite àanticorps antimembrane basale glomérulaire sedéveloppe sur le transplant, aboutissant souvent à sadestruction. Cette complication est le fait d’une allo-immunisation contre la chaîne α 5, α 3 ou α 4, absentedu rein propre mais introduite par le transplant. Onconçoit que ce risque soit plus élevé si la mutation estune délétion complète du gène ou une mutationconduisant à la synthèse d’une chaîne α tronquée, trèscourte et anormale.

■Autres maladies rénales

héréditaires

Il existe un grand nombre de maladies rénaleshéréditaires. Les formes principales sont rappeléesdans les tableaux II à IV. Pour trouver des informationsplus détaillées, le lecteur peut se reporter à des revuesgénérales [2, 4, 5] et aux traités de néphrologie. Nousnous limiterons, dans le texte, à quelquescommentaires.

‚ Tubulopathies héréditaires

Beaucoup se révèlent dès la naissance ou dans lapremière enfance. Il est essentiel de les reconnaîtrerapidement. La déshydratation (dans le diabèteinsipide néphrogénique [DIN]), la perte urinaire deNaCl (dans le pseudohypoaldostéronisme de type I) oul’acidose plasmatique (dans l’acidose tubulaire distale)mettent en péril le développement de l’enfant si ellesne sont pas corrigées vite. D’autres tubulopathiespeuvent n’être reconnues qu’à l’âge adulte comme lesyndrome de Gitelman ou le syndrome de Liddle.

Tableau II. – Principales maladies tubulaires rénales héréditaires (à l’exception de celles touchant le tube proximal).

Maladies Mode habituelde transmission Âge de révélation Manifestations

principales Mécanisme Traitement

Anse de HenleBartter AR Enfance Hypokaliémie Défaut de réabsorption du NaCl Symptomatique

Nouveau-né (souvent) Alcalose métabolique IndométhacineRetard de croissanceCalciurie élevéeNéphrocalcinose(souvent)

Tube distalGitelman AR Enfance

Adulte (surtout)HypokaliémieAlcalose métaboliqueHypomagnésémieCalciurie basseChondrocalcinose(parfois)

Défaut de réabsorption du NaCl(cotransport NaCl)

Symptomatique

Canal collecteurDIN XR

ARNouveau-néNouveau-né

DI résistantDI résistant

Défaut du récepteur à l’ADHDéfaut de l’aquaporine 2

Hydratation, indomé-thacine, thiazide

Liddle AD EnfanceAdulte

Hypertension artérielleHypokaliémie

Hyperréabsorption de Na (hyperacti-vité du canal Na apical épithélial)

AmilorideRégime pauvre en Na

Pseudohypoaldostéro-nisme (type I)

AR Nouveau-né DéshydratationHyperkaliémie

Défaut de réabsorption de Na (défautdu canal Na épithélial)

Apport de NaCl

Acidose tubulaire distale AR/AD Enfance Lithiase calciqueNéphrocalcinose médul-laireSurdité (parfois)

Bicarbonate ou citratede K et/ou de Na

DIN : diabète insipide néphrogénique par résistance de l’action de l’hormone antidiurétique (ADH) ou vasopressine. L’aquaporine 2, un canal à l’eau, est le médiateur terminal de l’ADH. AR : autosomique récessif ; AD : autosomiquedominant ; X : lié à l’X.

Tableau III. – Principales maladies héréditaires avec atteinte rénale, avec ou sans anomalie métabolique.

Maladies Mode habituelde transmission Localisation(s) principale(s) Âge lors du

diagnostic Défaut métabolique Traitement spécifique

Avec défaut métaboliqueidentifié- Fabry XR Peau, cornée, cardiovasculaires Enfance

Adulteα- galactosidase A

- Glycogénose de type I AR Surcharge glyconégique dans lefoie --> hypoglycémies graves

Nouveau-né Glucose-6-phosphatase

Maïzena crue et/ou administrationnocturne de glucose

Atteinte rénale> 20 ans

Sans défaut métaboliqueidentifié- Ostéo-onychodysplasie AD Rotule, coude, os iliaque, ongles

(« nail-patella »)Enfance

- Syndrome de Senior-Loken AR Néphronophtise EnfanceDégénérescence tapétorétinienne

- Hyperuricémie AD ( ?) Goutte< 30 ans Adulte Allopurinol (pour la goutte)

- Bardet-Biedl AD Hexadactylie, obésité, hypogona-disme, rétinite pigmentaire

EnfanceAdulte

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; X : lié à l’X.

5-0530 - Polykystose rénale et autres néphropathies héréditaires

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La classification des tubulopathies repose sur lesegment tubulaire concerné (tableau II). Parmi lestubulopathies proximales, la plus fréquente estprobablement la cystinurie, caractérisée par un défautde réabsorption tubulaire de la cystine et d’autresacides aminés dibasiques ; elle se complique delithiase cystinique (tableau IV).

Le syndrome de Fanconi est le prototype de latubulopathie proximale complexe associant undéfaut de réabsorption du glucose, des acidesaminés, des phosphates, des bicarbonates et decertaines protéines (comme la â-2 microglobu-l ine). Plusieurs maladies métaboliqueshéréditaires peuvent en être la cause chezl’enfant : la cystinose est la plus fréquente, à biendifférencier de la cystinurie. La cystinose se définitpar un dépôt de cristaux de cystine dans leslysosomes des cellules, par suite de la déficiencedu système de transport normal de cet acide

aminé hors de ces structures. L’accumulation seproduit dans le rein, l’œil (cornée puis rétine) puisprogressivement dans d’autres organes. Ledosage de cystine dans les leucocytes permetd’établir le diagnostic. Bien que le défautmoléculaire impliqué dans la cystinose soitencore inconnu, on dispose d’un traitementefficace, la cystéamine administrée par voie oraleet intraoculaire, à condition qu’il soit mis en routeprécocement.

D’autres maladies héréditaires se compliquent d’unsyndrome de Fanconi : le syndrome de Lowe où latubulopathie est associée à une cataracte et à unretard mental, la glycogénose de type I citée dans letableau III, la maladie de Dent (tableau IV) ou unecytopathie mitochondriale. Les autres maladiestubulaires héréditaires plus distales sont indiquéesdans le tableau II.

‚ Maladies héréditaires avec atteinte rénale,à défaut métabolique identifié au non

Elles sont résumées dans le tableau III. Le diabètesucré et les amyloses génétiques n’ont pas été cités.L’atteinte rénale est généralement l’une des plusgraves dans ces maladies, conduisant à l’insuffisancerénale terminale, le plus souvent à l’âge adulte(> 20-30 ans, sauf pour le syndrome de Senior-Loken)(tableau III).

Les maladies rénales héréditaires se compli-quant de lithiase urinaire [2] ont été isolées dans letableau IV, car des manifestations liées aux calculsrévèlent ces maladies, habituellement dès l’enfance.Certaines d’entre elles sont remarquablementsensibles à un traitement spécifique : par exemple,vitamine B6 dans certains cas d’hyperoxalurieprimitive de type I, D-pénicillamine dans la cystinurieou allopurinol dans le déficit en adénine phosphoribo-syl-tranférase (APRTase) (tableau IV).

Jean-Pierre Grünfeld : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.Dominique Joly : Chef de clinique-assistant.

Service de néphrologie, hôpital Necker-Enfants Malades, 161, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JP Grünfeld et D Joly. Polykystose rénale et autres néphropathies héréditaires.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0530, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

[1] Chauveau DC, Chouckroun G, Grünfeld JP. La polykystose hépatorénale auto-somique dominante.Med Therap1995 ; 1 :243-251

[2] Cochat P, Jouvenet M, Pellet H, Feber J, Martin X, Divry P. Les maladieshéréditaires responsables de lithiase rénale.Rev Prat1997 ; 14 : 1554-1558

[3] Drüeke TE, Grünfeld JP. Antihypertenseurs dans l’insuffisance rénale.EncyclMed Chir(Elsevier, Paris), Cardiologie, 11-302-B-20, 1998 : 1-4 (in press)

[4] Grünfeld JP, Joly D. Maladies héréditaires à l’âge adulte.Rev Prat1997 ; 47 :1566-1569

[5] Grünfeld JP, Knebelmann B. Alport’s syndrome (2nd ed). In : Davison AM,Stewart Cameron J, Grünfeld JP, Kerr DN, Ritz E, Winearls CG eds. OxfordTextbook of Clinical Nephrology (2nd ed). Oxford : Oxford University Press,1998 ; vol 3 : 2427-2437

[6] Heidet L, Forestier L, Antignac C, Gubler MC. Syndrome d’Alport, une ma-ladie héréditaire du collagène de type IV.Med Sci1997 ; 13 : 28-36

[7] Pirson Y, Chauveau D, Watson ML, Zeier M, Breuning MH. La polykystoseautosomique dominante : progrès cliniques et génétiques.Med Sci1997 ; 13 :37-44

[8] Richard S, Olschwang S, Chauveau D, Resche F. La maladie de von Hippel-Lindau.Med Sci1995 ; 11 : 43-51

[9] Saunier S, Silbermann F, Benessy F, Antignac C. Vers l’identification du gènede la néphronophtise.Med Sci1997 ; 13 : 54-56

Tableau IV. – Principales maladies héréditaires avec lithiase urinaire.

Maladie Mode detransmission Âge de révélation Manifestations principales Diagnostic Traitement spécifique

Cystinurie AR Enfance Lithiase cystinique Cystinurie# Alcalinisation de l’urineAdulte jeune Calculs ou cristaux

caractéristiquesD-pénicillamine (ou autres ché-lateurs)

Hyperoxalurie primitive type I AR Enfance (surtout)Adulte

Lithiase d’oxalate de calcium(monohydraté)NéphrocalcinoseInsuffısance rénale

Oxalate#Glycolate#Calculs et cristauxévocateursBiopsie hépatique

Vitamine B6 (parfois)Transplantation hépatique

Acidose tubulaire distale AR/AD Enfance Lithiase calciqueNéphrocalcinose médullaireSurdité (parfois)

Acidose métaboliqueHypokaliémiepH urinaire > 5-5,2

Bicarbonate ou citrate de Ket/ou de Na

Déficit en APRTase AR EnfanceAdulte

Lithiase de 2,8 dihydro-adénineInsuffısance rénale (parfois)

Calculs et cristauxcaractéristiquesDéficit enzymatique

Allopurinol

Maladie de Dent(et maladies apparentées)

XR EnfanceAdulte

LithiaseInsuffısance rénale

Protéinurie tubulaireHypercalciurie

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; APRTase : adénine phosphoribosyl-transférase.

Polykystose rénale et autres néphropathies héréditaires - 5-0530

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Prostatites et épididymites

I Savatovsky

M aladies fréquentes de la prostate et des voies spermatiques, en majorité d’origine infectieuse, touchantsouvent l’homme jeune, retentissant sur la fécondité, les prostatites et les épididymites sont provoquées soit

par des uropathogènes communs, avec Escherichia coli au premier plan, soit par des bactéries intracellulaires,essentiellement Chlamydia trachomatis, transmissibles par les rapports sexuels.Leur diagnostic microbiologique nécessite des prélèvements particuliers et des recherches orientées complètes.Leur traitement fait appel à des antibiotiques qui peuvent atteindre la prostate infectée en raison de leurs propriétésbiochimiques. Il s’agit, en premier lieu, des fluoroquinolones.Les prostatodynies ont des étiologies diverses et imprécises.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : appareil génital masculin, prostatites, épididymites, maladies sexuellement transmissibles.

■Introduction

Les infections et inflammations de la prostate etdes voies séminales, parce qu’elles touchent unhomme adulte sur dix, représentent un problèmemajeur de santé publique.

Les prostatites aiguës bactériennes peuventpasser inaperçues en raison de la discrétionfréquente des signes mictionnels. La maladie estalors confondue avec un syndrome grippal et sontraitement est inadéquat.

Les prostatites chroniques bactériennesexaspèrent les patients souvent jeunes qui netrouvent pas de solution radicale à leur problème.

Les infections à agents non conventionnels sontde diagnostic difficile et nécessitent des recherchesmicrobiologiques particulières faute de quoi, lediagnostic n’est pas posé.

Les prostatites non infectieuses et les syndromesdouloureux pelviens chroniques regroupent descadres nosologiques variés et imprécis dont il n’y apas de traitement simple et efficace.

Prostatites et épididymites sont un mêmeensemble, les voies spermatiques intrascrotalesétant, en général, infectées par reflux à partir d’uneinfection de la prostate et des vésicules séminales.

■Préalables

‚ Agents pathogènes en causeLes germes responsables des prostatites aiguës à

uropathogènes communs et des prostatitesbactériennes chroniques récidivantes sont ceux quel’on retrouve dans les infections urinaires :

– bactéries à Gram– avec au premier planEscherichia coli (80 %), mais aussi Klebsiella,Enterobacter, Proteus, Serratia, et Pseudomonas ;

– bactér ies à Gram+, essent ie l lementEnterococcus faecalis, et possiblement Staphylo-coccus epidermidis et Corynebacterium seminale qui,bien qu’étant des saprophytes habituels de l’urètreantérieur, sont parfois retrouvés dans les sécrétionsprostatiques.

Le gonocoque est surtout responsable d’urétrites.Les agents pathogènes non conventionnels sont

représentés par les bactér ies pr imit ivesintracellulaires : Chlamydia trachomatis dans lamajorité des cas, [1] mais aussi Mycoplasma hominiset Ureaplasma urealyticum, ainsi que par unprotozoaire, Trichomonas vaginalis.

‚ Modes de contamination

La prostate est en règle inoculée par reflux d’urineinfectée à partir de l’urètre postérieur à la faveurd’une hyperpression dans l’urètre prostatique due àune hypertonie du sphincter strié ou à une sténosedu canal.

D’autres modes de contamination sont possibles :la voie lymphatique à partir des germes rectaux dupatient et la voie hématogène.

La transmission sexuelle est habituelle pourChlamydia trachomatis, possible pour E. coli dont onpeut retrouver la même souche dans le prélèvementvaginal de la partenaire, possible également en casde rapports non protégés par voie rectale.

‚ Facteurs biochimiques modulant l’actiondes anti-infectieux

L’acinus prostatique ayant une membranelipidique, seuls y diffusent de façon satisfaisante lesantibiotiques qui sont liposolubles et qui ne sont pasliés aux protéines plasmatiques. De plus, leurconstante de dissociation doit être alcaline. [9]

Ces données excluent les pénicillines, l’ampicilline,l’amoxicilline, l’association amoxicilline/acideclavulanique, les céphalosporines de toutesgénérations et les aminosides qui, bien que pouvant

tous être actifs in vitro, actifs sur la bactériémie et surl’infection de l’urine, sont un mauvais choix pouratteindre la prostate infectée.

Le triméthoprime contenu dans l’associationtriméthoprime/sulfaméthoxazole est un choixpossible, en se souvenant des effets indésirables etde la résistance actuel le de 40 % desentérobactéries.

Les macrolides et certaines cyclines comme laminocycline diffusent bien, mais les bactéries àGram– y sont rarement sensibles, ces antibiotiquestrouvant leur intérêt dans les infections à bactériesintracellulaires.

Les antibiotiques de choix sont les fluoroquino-lones systémiques (ofloxacine, pefloxacine,ciprofloxacine, levofloxacine) dont la concentrationdans le liquide prostatique est optimale, qui sontactives à la fois sur la plupart des uropathogènesrencontrés et sur les bactéries intracellulaires, et quipeuvent se donner per os avec des effetssecondaires rares.

‚ Comment faire les recherchesbactériologiques ?

En dehors des prostatites aiguës à uropathogènescommuns où l’on trouve facilement le germe dansl’urine et éventuellement dans le sang, lesrecherches sont difficiles car il est nécessaire dedémontrer que ce sont bien les sécrétionsprostatiques qui sont infectées et non pas l’urinevésicale ni l’urètre. Or, tous les prélèvementstraversent l’urètre à moins de prélever par ponctiontranspérinéale ce qui ne se fait pas en cliniquecourante [1].

Pour cela, il faut recourir à la technique desprélèvements sélectifs fractionnés [8].

Faire venir le patient à vessie pleine, le décalotterle cas échéant et désinfecter le méat, prélever 10 mLdu début de la miction (urine urétrale), puis 10 mL dumilieu de la miction (urine vésicale) puis faire un

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massage prostatique et prélever les quelquesgouttes de sécrétions prostatiques obtenues, puisprélever 10 mL d’urine postmassage prostatique etréfrigérer les quatre tubes. Les faire analyser avec uncompte des leucocytes et des colonies ainsi qu’uneanalyse microbiologique complète recherchant lesuropathogènes communs, les bactéries intracellu-laires et Trichomonas vaginalis ; Chlamydia étantmaintenant retrouvée par des techniquesd’amplification génique.

La comparaison, dans les différents prélèvements,des comptes de leucocytes, et des colonies degermes, permet de localiser l’infection qui doit êtresignificativement plus importante dans le liquided’expression prostatique et dans l’urine postmassageprostatique que dans l’urine de début et de milieu dejet.

La spermoculture qui analyse surtout le liquidedes vésicules séminales et non pas les sécrétionsprostatiques est utilisée si le massage prostatique estinfructueux, en tenant compte du fait que l’éjaculattraverse l’urètre.

L’écouvillonnage de l’urètre antérieur est utilepour le diagnostic des urétrites. Sa positivité, parexemple à Chlamydia, peut constituer un élément deprésomption.

Les sérologies de Chlamydia, peuvent êtrepositives dans les infections anciennes et ne sont pasle reflet de l’état actuel.

Comme on peut le voir, les choses ne sont passimples et il est nécessaire de choisir un laboratoiremotivé avant d’interpréter les résultats.

■Prostatites aiguës

à uropathogènes communs

‚ CliniqueUne prostatite aiguë se traduit par un syndrome

fébrile de début brutal : température à 40 °C, frissons,céphalées, myalgies, associé à des symptômesmictionnels : pollakiurie, brûlures, hématurieterminale, miction difficile ou impossible.

Les signes mictionnels localisent l’infection au basappareil urinaire.

Ils peuvent être très discrets et passer inaperçus, lamaladie étant alors confondue avec un syndromegrippal.

Les myalgies pararachidiennes sont souventconfondues avec une douleur rénale et le diagnosticde pyélonéphrite est porté à tort.

Le toucher rectal trouve une prostate chaude,œdématiée, sensible, mais il peut être normal.

L’examen d’urine à la bandelette montre desnitrites, des leucocytes, et du sang, ce qui suffit audiagnostic. L’examen cytobactériologique des urines(ECBU) formel, prélevé en même temps, montre unepyurie, identifie et teste le germe.

‚ Examens complémentairesÀ part l’ECBU, aucun examen paraclinique n’est

nécessaire à ce stade.Le massage prostatique est déconseillé car il est

douloureux et dissémine les germes.Les hémocultures peuvent être positives,

traduisant la bactériémie.Le prostate specific antigen (PSA) est constamment

augmenté.L’échographie transrectale de la prostate est

douloureuse et n’apporte rien.

L’échographie rénale est normale et élimine uneobstruction du haut appareil urinaire si un diagnosticde pyélonéphrite a été porté.

‚ Diagnostic différentiel

– Il faut reconnaître l’infection urinaire devant unsyndrome grippal en recherchant, par l’interroga-toire, des signes mictionnels parfois discrets et enfaisant un examen d’urine à la bandelette.

– Il faut éliminer une pyélonéphrite qui est rarechez l’homme et ne se voit qu’en cas de pathologieurologique obstructive ou malformative.

– S’il y a un doute, après l’échographie rénale,faire un uroscanner, c’est-à-dire un scanner rénalavec injection d’iode suivi de quelques clichésd’urographie.

‚ Traitement

Il doit être débuté après le prélèvement sans enattendre le résultat.

On choisit un traitement probabiliste par unefluoroquinolone systémique, par exempleofloxacine 200 mg deux fois par jour, ou péfloxacine400 mg deux fois par jour, pendant 20 jours.

Norfloxacine est à éviter en raison d’une diffusiontissulaire faible.

La ciprofloxacine, encore active sur Pseudo-monas, est réservée à ce cas.

En cas de bactériémie grave, un secondantibiot ique peut être associé, soit unecéphalosporine de 3e génération soit un aminoside,pendant 3 à 5 jours.

Il faut aussi prescrire : antalgiques, antipyrétiques,réhydratation.

En cas de miction impossible, ne pas passerd’instrument par l’urètre mais poser ou faire poserune cystostomie percutanée de faible diamètre.

Si, à la réception de l’antibiogramme, il s’avèreque le germe est résistant aux fluoroquinolones, cequi est le cas de Enterococcus faecalis, il faut choisirdans un ordre décroissant de préférence :triméthoprime/sulfaméthoxazole, minocycline, ouun macrolide.

On vérifie, après 20 jours, que les prélèvementsd’urine et des sécrétions prostatiques faits selon latechnique indiquée sont négatifs et s’ils ne le sontpas, on prolonge le traitement de 10 jours.

On adresse ensuite le patient à un urologue, pourvérifier l’absence de pathologie anatomiqueresponsable.

■Prostatites chroniques

récidivantes à uropathogènes

communs

Elles sont la conséquence soit d’un traitementinitial inadapté par un antibiotique mal choisi qui atraité la bactériémie et l’infection de l’urine, mais n’apas atteint les foyers infectieux intraprostatiques, soitd’un traitement insuffisamment prolongé, soit derecontaminations quand il existe une étiologieanatomique ou une recontamination sexuelle.

‚ Clinique

Les signes sont peu nets et variables : signesd’irritation vésicale avec urgence, dysurie, mictionsfréquentes, mictions nocturnes, brûlures, douleurspérinéales ou sur le trajet des déférents, douleur àl’éjaculation ou hémospermie. Des poussées aiguësfébriles sont possibles.

Les symptômes sont récurrents, ce qui conduit àdes consultations et à des traitements répétés.

Le toucher rectal est variable et peut montrer unezone indurée.

La palpation scrotale peut montrer une indurationépididymaire.

‚ Examens complémentaires

Un examen microbiologique complet parprélèvements fractionnés est indispensable,montrant de façon prédominante, dans le liquideprostatique, la présence de plus de 10 leucocytesaltérés par champ ainsi que le germe.

Le PSA peut être élevé.L’échographie prostatique peut montrer une

lithiase intraprostatique, ou une zone hypoé-chogène, mais ne contribue pas au diagnostic del’infection.

Une exploration radiologique de l’urètre estconseillée à distance d’un épisode aigu. Elle peutvisualiser le reflux d’urine dans les canauxprostatiques, ou dans les voies spermatiques, etrecherche une sténose du canal.

‚ Diagnostic différentiel

Il s’agit essentiellement du cancer de la prostate, sil’homme est dans la tranche d’âge, en raison du PSAqui peut être élevé, du toucher rectal qui peutmontrer une induration et de l’échographie qui peutmonter une zone hypoéchogène.

Si le PSA reste élevé après traitement antibiotique,le patient est adressé à un urologue pour une biopsieprostatique. Celle-ci peut, en outre, montrer dessignes histologiques d’inflammation.

‚ Traitement

Traitement médical

Ici encore, on choisit une fluoroquinolonesystémique pendant 20 jours si le germe y estsensible, en répétant ce traitement en cas depoussée aiguë.

Il n’y a pas de consensus pour un traitementdiscontinu au long cours et il paraît difficile dedonner une quinolone ou du triméthoprime demanière prolongée à titre prophylactique même endiscontinu.

Traitement chirurgical

Il y a peu d’indications chirurgicales dans laprostatite chronique.

Certaines équipes ont injecté des antibiotiques insitu sous contrôle échographique.

Une résection endoscopique est indiquée en casd’obstruction documentée, persistant à distance d’unépisode infectieux aigu pour les patients nonpréoccupés par leur fécondité (le geste impliquel’acceptation de la rétro-éjaculation). Cetteintervention vise à libérer la filière sous-vésicale et àenlever les calculs s’il y en a. Elle ne guérit pas latotalité des foyers infectieux qui siègent surtout dansla zone périphérique de la glande et dans les voiesséminales, alors que l’intervention n’enlève que lazone périurétrale.

Une prostatovésiculectomie totale, comme pourun cancer, pourrait enlever tous les foyers infectieux,mais n’entre pas dans les codes de bonne pratiqueactuellement en raison des risques de détériorationde l’érection, de la continence et des conséquencessur la sexualité.

5-0670 - Prostatites et épididymites

2

■Prostatites à germes

non conventionnels

Les signes cliniques sont ceux d’une prostatitechronique.

Le diagnostic ne peut être fait que par desprélèvements fractionnés si on veut localiserl’infection à la prostate et la différencier d’une urétritemais la présence de l’agent pathogène dans l’urètreest un bon argument de présomption.

La positivité des sérologies n’est pas le témoind’une infection contemporaine, à moins d’observerune augmentation significative des tauxd’immunoglobulines sur deux dosages distants de 2semaines, mais on ne peut pas attendre ce délaipour traiter le patient.

Le micro-organisme le plus souvent en cause estChlamydia trachomatis.

Cette bactérie primitive intracellulaire,sexuellement transmissible, est responsable de 40 %des urétrites non gonococciques et de la plupart desépididymites au-dessous de 35 ans et de 30 % desprostatites à germes non conventionnels.

Elle est actuellement recherchée par desméthodes d’amplification génique.

Le germe est généralement sensible auxfluoroquinolones et, à défaut, également sensibleaux macrolides et aux cyclines (utiliser minocycline)

Un traitement de 20 jours est conseillé.

Le traitement synchrone des partenaires sexuelsest une absolue nécessité sans qu’il soit obligatoirede refaire les prélèvements.

En dehors de Chlamydia trachomatis, on peutretrouver Mycoplasma hominis, Ureaplasmaurealyticum, qui sont également des bactériesintracellulaires, et impliquent la même conduite quepour Chlamydia, ainsi que Trichomonas vaginalis quiest un protozoaire, responsable de vaginites etsexuellement transmissible. Son traitement fait appelaux imidazolés.

■Formes rares

‚ Abcès de la prostate

C’est une forme grave de prostatite aiguë àuropathogène commun, non ou mal traitée,survenant sur un terrain fragile, soit un diabète soitune immunodépression liée à l’infection par le virusde l’immunodéficience humaine (VIH) ou à unechimiothérapie.

Les signes sont ceux d’une infection grave etprofonde. L’échographie prostatique par voie rectaleretrouve une zone liquidienne et permet le drainage.

‚ Prostatites à mycobactéries

Elles connaissent deux étiologies : soit unetuberculose urogénitale dont la fréquence estcroissante soit une prostatite à bacille deCalmette-Guérin (BCG) qui se voit après instillationsintravésicales de BCG dans le cadre de certainestumeurs de vessie.

■Prostatodynie et douleurs

pelviennes chroniques

Ce sont des pathologies obscures, variées,regroupées sous ce vocable par ignorance [4].

Il s’agit d’hommes souvent jeunes se plaignant dedysurie, de brûlures, de fréquence mictionnelle, dedouleurs périnéales ou le long des déférents, detroubles sexuels peu clairs et souvent d’un étatdépressif, dont il est difficile de dire s’il est secondaireaux symptômes ou s’il en est la cause.

Entrent dans ce cadre différentes entités :– certaines prostatites chroniques infectieuses

dont le germe ne peut pas être identifié, parce quel’infection est cryptique, mais où les prélèvementsmontrent au moins une leucocyturie significative surle liquide d’expression prostatique [2] ;

– les inflammations prostatiques non infectieusespar l’action chimique du reflux d’urine dans lescanaux prostatiques ;

– les prostatites granulomateuses noninfectieuses à éosinophiles d’origine probablementallergique, dont le diagnostic est fait par les biopsiescar elle peuvent simuler un cancer. Elles répondent àune corticothérapie ;

– les algies périnéales par traumatisme du nerfpudendal dans le canal d’Alcock ;

– les dysfonctionnements vésicosphinctérienspar défaut de relaxation des muscles du plancherpérinéal ;

– enfin, il arrive que l’on ne puisse pas identifierune cause organique et, si la douleur est lesymptôme dominant, on peut essayer de la traiterpar des antidépresseurs pour leur action sur le seuilde la douleur au niveau central.

■Épididymites

Elles sont la conséquence d’une prostatite,l’infection se transmettant de manière rétrogradedans les voies spermatiques, ce qui explique que laqueue de l’épididyme soit touchée en premier, la têteensuite, l’infection du testicule lui-même survenanten dernier, favorisée par une thrombose infectieusedes vaisseaux spermatiques.

Les germes responsables sont les mêmes quedans les prostatites : uropathogènes communs dansun tiers des épididymites avant 35 ans, dans lamajorité après 35 ans, bactéries intracellulaires avec,au premier plan, C h l a m y d i a t r a c h o m a t i s ,prédominant avant 35 ans, sexuellementtransmissible, responsable de salpingites et destérilité chez les femmes.

‚ Épididymites aiguës à uropathogènescommuns

CliniqueLa symptomatologie en est bruyante : après un

épisode de prostatite non ou mal traitée se produitune douleur, une augmentation de volume et dessignes inflammatoires au niveau d’une bourseaccompagnés de fièvre.

La palpation, si elle est possible, retrouve uneinduration chaude de l’épididyme, localisée au débutà la partie caudale. Le testicule lui-même n’est pasinduré, il n’est pas rétracté, mais le déférent peut êtreinflammatoire.

Dans les formes plus évoluées, l’ensemble ducontenu scrotal est inflammatoire et la palpation nepeut rien distinguer.

Examens complémentaires

L’examen de l’urine à la bandelette montre uneleucocyturie et des nitrites et l’ECBU montre unepyurie et le germe. La protéine C réactive estaugmentée.

Les prélèvements fractionnés retrouvent uneleucocyturie ainsi que le germe dans le liquided’expression prostatique et dans la spermoculture,car les vésicules séminales sont constammentinfectées.

L’échographie apporte peu d’arguments.

Diagnostic différentiel

Une épididymite aiguë ne doit pas êtreconfondue :

– avec un cancer du testicule mais dans ce casseul le testicule est induré, l’épididyme est normal àla surface de l’induration (signe de Chevassu) et lessignes infectieux sont absents ;

– avec une torsion mais, dans ce cas, le début esttrès brutal, le testicule est rétracté, et les signesinfectieux sont absents, l’examen d’urine à labandelette est normal.

L’examen, non pas échographique mais par leDoppler, montre, s’il est bien fait, l’interruption duflux artériel de la spermatique. Le meilleur examenest la scintigraphie si l’accès en est possible enurgence. Une intervention très urgente est indiquée.

Traitement médical

Il est identique à celui d’une prostatite car bienque tous les antibiotiques actifs sur le germe soientefficaces sur la maladie épididymaire, il estnécessaire de traiter la source de l’infection selon cequi a été dit plus haut. Compléter par :immobil isat ion du scrotum, antalgiques,anti-inflammatoires.

Traitement chirurgical

Il est indiqué dans trois circonstances :– s’il persiste un doute avec une torsion, il vaut

mieux ouvrir une bourse pour rien que deméconnaître une torsion ;

– s’il y a une volumineuse épididymite abcédée, ilpeut être préférable d’enlever l’épididyme pourpréserver la glande testiculaire ;

– dans les formes récidivantes, une vasectomiepeut être nécessaire pour interrompre lesréinoculations.

‚ Épididymites à « Chlamydiatrachomatis »

Elles ont une symptomatologie moins bruyante.L’agent pathogène doit être recherché par les

méthodes d’amplification génique dans le liquided’expression prostatique, mais sa présence dans leprélèvement urétral obtenu par écouvillonage oudans le prélèvement d’urine postmassage est un bonargument de présomption.

Le traitement fait appel en premier auxfluroroquinolones systémiques, pendant une duréede 20 jours. À défaut, aux macrolides ou auxcyclines.

Le traitement synchrone de la partenaire sexuelleest indispensable.

Prostatites et épididymites - 5-0670

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Ilya Savatovsky : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique, chirurgien des Hôpitaux, chef de service.Service d’urologie, centre hospitalier Robert Ballanger, boulevard Robert-Ballanger, 93602 Aulnay-Sous-Bois cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : I Savatovsky. Prostatites et épididymites.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0670, 2003, 4 p

R é f é r e n c e s

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[2] Domingue GJ, Human LG, Hellstrom WJG. Hidden microorganisms in″abac-terial″ prostatitis/prostatodynia.J Urol 1997 ; 157 : 243

[3] Krieger JN. Prostatitis, epididymitis, and orchitis, In : Mandell GL, BennettJE, Dolin R eds. Mandell, Douglas and Bennett’s. Principles and practice of infec-tious diseases, 4th ed. New York : Churchill Livingstone Inc ; 1995 : 1098-1102

[4] Krieger JN, Egan KJ, Ross SO, Jacobs R, Berger RE. Chronic pelvic painsrepresent the most prominent urogenital symptoms of″chronic prostatitis″. Uro-logy1996 ; 48 : 715-721

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[6] Meares EM Jr, Stamey TA. Bacteriologic localization patterns in bacterialprostatitis and urethritis.Invest. Urol.1968 : 5:492-518

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[8] Nickel JC, Costerton JW. Bacterial localization in antibiotic-refractory chronicbacterial prostatitis.Prostate1993 ; 23 : 107-114

[9] Nickel JC, Downey J, Clark J, Ceri H, Olson M. Antibiotic pharmacokineticsin the inflamed prostate.J Urol 1995 ; 153 : 527-529

Les messages✔ Comment rédiger l’ordonnance pour le laboratoire :Prélèvement urétral par écouvillonnage avec recherche microbiologique complète, recherche de Trichomonas, recherche deMycoplasma et recherche de Chlamydia par amplification génique.ECBU du premier jet.ECBU de milieu de jet.Examen microbiologique complet du liquide d’expression prostatique obtenu par massage avec les mêmes recherches.ECBU postmassage prostatique avec les mêmes recherches.Examen microbiologique du sperme avec les mêmes recherches.✔ Et si vous n’emportez qu’un antibiotique ?Ce sera une fluoroquinolone systémique de préférence ofloxacine ou péfloxacine.✔ Quels malades confier à l’urologue ?Une prostatite aiguë en rétention vésicale complète pour une cystostomie percutanée.Une suspicion d’abcès prostatique pour drainage.Une suspicion de cancer pour des biopsies échoguidées.Une dysurie persistant à distance d’une infection aiguë pour une résection endoscopique.Une suspicion de torsion du testicule.Un abcès épididydimaire pour une épididymectomie.Une épididymite récidivante pour une vasectomie.

5-0670 - Prostatites et épididymites

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Retour à domicile de l’opéré

des voies urinaires

C Boyer, B Barrou, MO Bitker, C Chatelain, F Richard

E n cas de doute, réadresser le malade à l’urologue !

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

La durée d’hospitalisation en urologie tend àdiminuer et le médecin non urologue est amené deplus en plus souvent à prendre en charge un patientopéré récent des voies urinaires. Il est alors utile desavoir faire la part des choses entre l’inconfortpostopératoire, les conséquences inévitables etattendues de telle ou telle intervention, et lescomplications postopératoires qui nécessitent deréadresser le patient à l’urologue.

■Principes généraux

Ils ont pour but de prévenir les complicationshémorragiques, infectieuses et pariétales. Lesrecommandations peuvent être résumées ainsi :

■ apport hydrique de 3 L/j, en l’absence decontre-indication (d’origine cardiaque par exemple) ;

■ traitement préventif de la constipation qui restefréquente après chirurgie abdominale ;

■ repos avec suppression de tout effort physiqueimportant pendant au moins 1 mois en cas decicatrice abdominale ou lombaire pour limiter lerisque d’éventration ;

■ inspection régulière de toute cicatrice. Rougeur,chaleur et douleurs font craindre un hématome ouun abcès et justifient de réadresser le patient àl’opérateur ;

■ suppression des érections après chirurgiereconstructrice de l’urètre antérieur et des corpscaverneux (par exemple en prescrivant de l’acétatede cyprotérone) ;

■ surveillance biologique :– numération sanguine pour apprécier une

éventuelle anémie et rechercher une hyperleuco-cytose en cas de fièvre ;

– ionogramme sanguin comprenantnotamment une mesure de la créatininémie ;

– examen cytobactériologique des urines. Ilfaut se souvenir que la présence d’une hématuriemacro- ou microscopique et/ou d’une leucocyturieest habituelle et sans signification particulière, et que

des germes multirésistants peuvent être en cause,rendant l’antibiothérapie probabiliste plus aléatoire.La surveillance par bandelette urinaire est peufiable dans ce contexte et ne peut être préconisée ;

■ traitement anticoagulant prophylactique : il estemployé par la plupart des opérateurs. Il peut êtrepoursuivi quelques jours après la sortie, en fonctiondu geste réalisé, des antécédents et du degré demobilité du patient. Les héparines de bas poidsmoléculaire sont le plus souvent employées. Leurdemi-vie brève ne pose pas de problèmesparticuliers. Il faut en revanche éviter de reprendretrop tôt les traitements anticoagulants oraux ouantiagrégants plaquettaires antérieurs. Leur demi-vieprolongée complique singulièrement la prise encharge du patient en cas de complications,notamment hémorragiques. Il faut savoir que toutgeste endoscopique peut entraîner 10 à 15 joursplus tard, une hématurie macroscopique par chuted’escarre en dehors de toute complicationvéritable. Le plus souvent des boissons abondantessuffisent, et l’hématurie se tarit spontanément, sauf sile patient est traité par anticoagulants ouantiagrégants plaquettaires. Si la reprise d’un teltraitement est indispensable, il faut préférerl’héparine aux anticoagulants oraux, et leflurbiprofène (50 mg deux fois par jour) à l’aspirineou au ticlopidine en raison d’une demi-vie pluscourte.

■Particularités en fonction

du geste réalisé

Les interventions en urologie sont variées et il estutile de connaître les principes et les particularités dechacun des gestes. Ne sont envisagées ici que lescomplications spécifiques des interventions les plusfréquentes.

‚ Chirurgie endoscopique du bas appareilurinaire (prostate et vessie)

Les interventions habituelles sont l’incisioncervicoprostatique pour les adénomes de petite taille(création d’une tranchée au niveau du col vésicalafin d’élargir celui-ci sans retirer de tissu ; il n’y a doncpas d’examen histologique possible), la résection de

prostate pour les adénomes de taille moyenne ou lecancer de prostate (l’adénome est débité en copeauxpar les voies naturelles à l’aide d’une anse danslaquelle circule un courant électrique), la résection detumeur de vessie.

Pour toutes ces interventions, l’hémostase estréalisée par électrocoagulation. Une sonde vésicale àtrois voies est mise en place pour irriguer de façoncontinue la loge de résection ou la vessie pendant 2à 4 jours.

¶ Complications possiblesChute d’escarre (conséquence de cette technique

d’hémostase) survenant dans les 2 à 3 semaines. Ellese manifeste par une hématurie macroscopique,éventuellement avec caillots. Des boissonsabondantes suffisent le plus souvent à la contrôler.

Rétention complète ou incomplète : due soit àun caillotage, soit à une obstruction liée à un copeaurésiduel. Elle peut plus rarement être secondaire àune insuffisance de contractilité du détrusor (vessieclaquée), lorsque la vessie a lutté trop longtemps surun obstacle méconnu. Dans tous les cas, le patientdoit être réadressé à l’urologue.

Sténose urétrale : rare, mais toujours possibleaprès cathétérisme urétral , el le survientgénéralement plusieurs mois après l’intervention.

¶ Conséquences fonctionnelles en cas de chirurgieprostatiquePersistance fréquente de signes irritatifs

(pollakiurie, impériosités mictionnelles) pendant 1 à3 mois.

Éjaculation rétrograde (dont le risque est moindresi le geste a été une simple incision cervicoprosta-tique) mais absence de conséquences sur la fonctionérectile.

Continence : elle peut parfois ne pas être parfaitedans les suites immédiates (fuites à l’effort parexemple), une partie du sphincter lisse ayant étéretirée avec l’adénome. Dans l’immense majoritédes cas, elle redevient normale après quelquessemaines. Pour accélérer le retour à une continenceparfaite, il est toujours possible de conseiller desmesures simples de rééducation, commel’interruption volontaire et répétée du jet au cours dela miction.

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‚ Adénomectomie prostatique par voiehaute

Il s’agit d’une intervention à ciel ouvert quiconsiste à énucléer en bloc l’adénome prostatique,en conservant la prostate périphérique, nonadénomateuse. Elle s’adresse aux adénomes de grosvolume.

¶ Complication possibleFistule urinaire extériorisée par la cicatrice.

¶ Conséquences fonctionnellesCe sont les mêmes que pour la résection de

prostate.

‚ Prostatectomie radicale

Elle consiste à enlever la prostate dans sa totalité,ce qui nécessite de réanastomoser l’urètre à lavessie. La cicatrisation de cette anastomose se faitsur une sonde urinaire qui doit être gardée de 7 à21 jours selon les opérateurs.

¶ Complications possiblesIncontinence urinaire : elle est plus fréquente

qu’après chirurgie de l’adénome de prostate. On neparle d’incontinence postopératoire définitivequ’après 6 mois. Elle est souvent l’indication d’unsphincter artificiel lorsqu’elle est totale.

Impuissance : les nerfs de l’érection sont souventlésés au cours de la prostatectomie totale. En effet,pour des raisons anatomiques, une exérèsecarcinologiquement complète peut nécessiter de lessacrifier. Il faut proposer précocement aux patientsdésireux d’érection des injections intracaverneusesde prostaglandine E1 ou un traitement par sildénafil(Viagrat) dont l’efficacité et l’innocuité sont en coursd’évaluation dans cette indication.

¶ Conséquences fonctionnelles– Infections : le patient peut regagner son

domicile avec une sonde vésicale. La prévention desinfections sur sonde doit être bien expliquée :diurèse abondante, sac collecteur maintenu le plusdéclive possible, absence de déconnexion.Généralement, aucun traitement antibiotique n’estrecommandé. Une surveillance bactériologiquerégulière est nécessaire pour connaître le germe etsa sensibilité en cas de complication.

Continence précaire transitoire : la continencen’est plus assurée que par la partie distale dusphincter strié, ce qui explique qu’une incontinencetransitoire soit fréquente le temps que la partierésiduelle du sphincter acquiert la compétencenécessaire. La récupération d’une continencesatisfaisante peut être accélérée par une rééducationà partir du deuxième mois. Dans tous les cas, lesconséquences de l’incontinence peuvent êtreréduites au prix d’une « hygiène mictionnelle »(mictions régulières pour limiter les fuites vessiepleine, notamment à l’effort).

‚ Cystectomie

Elle est réalisée le plus souvent pour une tumeurinfiltrante de vessie, plus rarement pour une vessiedétruite ou non fonctionnelle (maladie neurologique,cystite interstitielle ou radique sévère, etc). Lorsqueles conditions carcinologiques et anatomiques s’yprêtent, une néovessie est réalisée avec un segment

intestinal (entérocystoplastie) et le patient continue àuriner par les voies naturelles. Dans le cas contraire,une dérivation cutanée des urines est réalisée, soit àtravers un segment intestinal (intervention de Brickerdont l’avantage est la confection d’une seule stomiesans sonde), soit directement (urétérostomie cutanéedont l’inconvénient est la présence de deux stomieset la nécessité fréquente de garder des sondesurétérales tutrices).

¶ Complications possibles en casd’entérocystoplastieDilatation du haut appareil : il peut s’agir d’une

sténose de la réimplantation d’un uretère dans laplastie ou d’une distension de la plastie du fait demictions trop peu fréquentes.

Occlusion intestinale, car l’intervention esttranspéritonéale.

Troubles hydroélectrolytiques : des phénomènes deréabsorption au niveau de la plastie peuvent surveniret entraîner une acidose métabolique. Le traitementest la réhydratation avec apport de bicarbonates. Laprévention des récidives repose sur une bonnehydratation au quotidien avec une eau riche enbicarbonates (Vichyt), ou l’apport de bicarbonate desodium sous forme de gélules ou de sirop.

Rétention urinaire : elle peut être due àl’accumulation de mucus, à une sténose del’anastomose, ou plus rarement à une récidivetumorale sur l’urètre.

Insuffisance rénale : elle peut survenir parplusieurs mécanismes (sténose des réimplantationsurétérales, distension de la plastie, troubleshydroélectrolytiques). La mise en place d’undrainage vésical temporaire est parfois nécessairepour faire la part des choses.

¶ Conséquences fonctionnellesLa perception de la plénitude vésicale étant

modifiée, le patient doit apprendre à vider sa vessierégulièrement toutes les 3 à 4 heures environ. Cecipermet d’éviter les fuites d’urine survenant à vessiepleine et de limiter l’accumulation de mucus (produitpar l’intestin) qui est facteur de rétention et dedistension de la néovessie. La vidange vésicalenécessite une poussée abdominale, voire manuelle.

La continence est rarement parfaite d’embléemais s’améliore le plus souvent dans les 6 premiersmois, au besoin en s’aidant d’une rééducationpérinéale débutée à partir du deuxième mois. Engénéral, la continence nocturne est plus difficile àrécupérer que la continence diurne. Pour l’améliorer,le patient doit prendre l’habitude de vider sa vessie àheures fixes pendant la nuit.

¶ Complications possibles en cas de dérivationcutanée des urinesInfection urinaire : elle est fréquente et ne doit être

traitée que si elle est symptomatique. Elle doit fairerechercher un obstacle sur le haut appareil ou undéplacement de sonde.

Déplacement d’une sonde d’urétérostomie : desgraduations sur les sondes permettent de suspecterun déplacement. La sonde risque alors d’êtreobstructive. Compte tenu de la difficulté parfoisrencontrée à cathétériser l’uretère et de la nécessitéd’un contrôle radiologique, il faut réadresser lepatient à son urologue.

Troubles hydroélectrolytiques : en casd’urétérostomie cutanée transiléale si le segmentintestinal est long (cf supra).

‚ Chirurgie du rein

Chirurgie d’exérèse (néphrectomie simpleou élargie, néphro-urétérectomie)

Il s’agit de l’ablation du rein seul (néphrectomiesimple), du rein et de la graisse périrénale pourtumeur (néphrectomie élargie), du rein en emportantl’uretère pour tumeur de la voie excrétrice par uneseule ou deux incisions (néphro-urétérectomie).Dans le cas de la néphro-urétérectomie, on réalisel’ablation d’une collerette vésicale soit par voieendoscopique (une seule incision), soit par voiechirurgicale (deux incisions) qui impose un drainagede vessie jusqu’à cicatrisation complète (en généralde 7 à 10 jours).

¶ Complication possibleL’insuffisance rénale survient dans les cas rares de

pathologie du rein controlatéral. Elle a généralementété prévue en préopératoire, mais son importancene peut pas être déterminée avec précision. Il fautdonc surveiller régulièrement la fonction rénaledurant les premières semaines.

¶ Conséquences fonctionnellesEn cas de lombotomie, il peut persister pendant

plusieurs mois des dysesthésies dans leprolongement de l’incision, ainsi qu’une hypotoniepariétale.

Chirurgie conservatrice du parenchyme rénal(néphrectomie partielle, kystectomie)

La chirurgie conservatrice permet, dans desindications de principe (rein unique, tumeurbilatérale) ou élective (petites tumeurs), de conserverune partie du parenchyme rénal. L’existence d’unetranche de section parenchymateuse expose aurisque de saignement et d’ouverture de la voieexcrétrice, donc de fistule urinaire.

¶ Complications possiblesHémorragie postopératoire avec hématome de

loge : les anticoagulants sont contre-indiquésdurant la période postopératoire précoce.

Urinome secondaire à l’ouverture de la voieexcrétrice, se traduisant par un épanchement de lafosse lombaire dans un contexte fébrile.

Chirurgie de la voie excrétrice (syndrome de lajonction pyélo-urétérale)

Il s’agit de réséquer la jonction pyélo-urétérale(éventuellement de décroiser un éventuel pédiculepolaire inférieur) et de réanastomoser l’uretère aubassinet après avoir remodelé celui-ci. La cicatrisationse fait sur une sonde urétérale tutrice, enlevée avant lasortie ou laissée en place s’il s’agit d’uneendoprothèse, selon les habitudes de l’opérateur.

¶ Complications possiblesŒdème ou sténose de l’anastomose pyélo-

urétérale, se traduisant par des douleurs lombairesou de la fièvre.

Fistule urinaire (cf supra).

5-0684 - Retour à domicile de l’opéré des voies urinaires

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¶ Conséquences fonctionnellesLa persistance d’une hypotonie postopératoire de

la voie excrétrice supérieure à l’urographieintraveineuse est habituelle en raison de la dilatationchronique qui existait auparavant. Elle n’est enaucun cas un signe d’échec.

‚ Chirurgie de la lithiase

Lithotritie extracorporelle

Il s’agit de fragmenter le calcul par focalisationd’ondes de choc extracorporelles, à l’aide d’unrepérage radio- et/ou échographique. Cettetechnique s’adresse à des calculs de petite taille(inférieurs à 25-30 mm), pyélocaliciels ou urétéraux.Les fragments sont éliminés spontanément par lesvoies naturelles en quelques jours à quelquessemaines. Parfois, une endoprothèse urétérale(sonde JJ) est mise en place pour faciliter l’éliminationdes fragments.

¶ ComplicationsColique néphrétique due à la migration d’un

fragment de calcul. En cas d’obstacle persistant, ilpeut être nécessaire de monter une sonde urétéraleen urgence.

Au maximum, empierrement de la voie excrétrice(accumulation de fragments lithiasiques dansl’uretère), nécessitant parfois un drainage de la voieexcrétrice.

Fièvre nécessitant de monter une sonde si lacause en est un obstacle urétéral.

¶ Conséquences fonctionnellesHématurie micro- ou macroscopique.

Hématome sous-cutané ou douleur pariétale surle trajet des ondes de choc (trai tementsymptomatique).

Chirurgie percutanée

La néphrolithotomie percutanée consiste à retirerle ou les calcul(s) à travers un tunnel pariétald’environ 1,5 cm de diamètre, dont la cicatrisationsera spontanée. L’absence d’incision permet unereprise rapide des activités.

¶ Complications possiblesRetard de fermeture du tunnel avec persistance

d’un écoulement d’urines par l’orifice. Si la restrictionhydrique ne suffit pas, il faut réadresser le patient àson opérateur pour éventuellement monter unesonde.

Hématurie macroscopique, de tarissementspontané le plus souvent.

Fistule artérioveineuse intrarénale, suspectéedevant une hématurie micro- ou macroscopique ouun souffle lombaire , et confirmée paréchographie-doppler.

‚ Chirurgie de l’incontinence d’effortde la femme

Les interventions varient dans leur voie d’abord etleur principe. Les indications sont fonction dumécanisme de l’incontinence, d’éventuels troublesassociés de la statique pelvienne, et des habitudesde l’opérateur. La voie d’abord peut êtresus-pubienne, vaginale ou mixte. Les techniquescœlioscopiques sont en cours d’évaluation.

¶ Conséquences fonctionnellesPollakiurie, impériosités sont fréquentes et

transitoires.

Dysurie, voire rétention complète, nécessitantparfois des autosondages transitoires (ce qui estparfois une conséquence acceptée, voirerecherchée).

‚ Chirurgie des bourses

Selon l’indication, deux voies d’abord sontpossibles, scrotale pour la chirurgie noncarcinologique ou inguinale pour la chirurgiecarcinologique ou prothétique.

¶ Complication possibleHématome nécessitant parfois un drainage

chirurgical. Un pansement compressif pendant les24 ou 48 premières heures permet de réduire cerisque.

¶ Conséquences fonctionnellesInflammation postopératoire marquée et

prolongée qui ne doit pas inquiéter en l’absence designes généraux d’infection. Un traitementanti-inflammatoire est parfois nécessaire.

Tuméfaction persistante de la bourse (parfoisplusieurs semaines) en cas de cure d’hydrocèle parplicature de la vaginale (technique de Lord).

‚ Chirurgie avec utilisation de matérielprothétique

Endoprothèses urétérales (sondes JJ)

Les sondes urétérales permettent le drainage descavités pyélocalicielles quelle que soit la nature del’obstacle intrinsèque ou extrinsèque (lithiasique,congénital, tumoral, etc). Leur conformation endouble J les rend autostatiques. Elles peuvent êtrelaissées en place jusqu’à 6 mois avant d’êtreremplacées, si nécessaire, selon l’indication et le type

de sonde implantée. Les risques sont ledéplacement, l’incrustation et …l’oubli.

¶ Complications possiblesDéplacement de la sonde : une radiographie sans

préparation permet de faire le diagnostic.Obstruction de la sonde entraînant une

réapparition de la symptomatologie.

¶ Conséquences fonctionnellesDouleurs lombaires lors des mictions (la sonde

supprimant le système antireflux physiologique).Hématurie macroscopique.Signes irritatifs vésicaux (pollakiurie, impériosité)

par frottement de l’extrémité inférieure de la sondesur le trigone.

Prothèses urétralesElles sont implantables à titre provisoire ou

définitif. Elles sont indiquées en cas d’adénome deprostate chez des patients inopérables, dans certainscas de vessie neurologique ou de sténose urétralerécidivante.

¶ Complications possiblesDéplacement spontané de la prothèse, se

manifestant le plus souvent par une rétention.Déplacement de la prothèse par des manœuvres

de sondage. Le port d’une telle prothèse doit êtreconnu de tout médecin prenant en charge le patient(port d’une carte) car elle contre-indique toutsondage vésical.

¶ Conséquences fonctionnellesGêne périnéale en position assise.Gouttes retardataires.

Implantation de prothèse type sphincterartificiel ou prothèse d’érections

Il s’agit de gestes très spécialisés, coûteux et àrisque infectieux élevé. Les patients sont donc suivispar l’opérateur lui-même de façon très rapprochée.Tout geste, en particulier de sondage, estformellement contre-indiqué et le réflexe en cas decomplication doit être de réadresser le patient àson urologue sans délai.

■Conclusion

La surveillance de l’opéré récent des voiesurinaires est réalisée de plus en plus fréquemment àdomicile. La connaissance des conséquencesfonctionnelles et des principales interventionspermet de réadresser le patient sans délai à sonurologue lorsque cela est nécessaire, mais de lemaintenir à domicile chaque fois que cela estpossible.

Christian Boyer : Ancien chef de clinique-assistant.Benoît Barrou : Praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.

Marc-Olivier Bitker : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.Christian Chatelain : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.François Richard : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.

Service d’urologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Boyer, B Barrou, MO Bitker, C Chatelain et F Richard. Retour à domicile de l’opéré des voies urinaires.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0684, 1999, 3 p

Retour à domicile de l’opéré des voies urinaires - 5-0684

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Rôle du généraliste

dans le suivi d’un patient dialysé

L Mercadal, T Petitclerc

E n parallèle à la prise en charge du dialysé en milieu spécialisé, le généraliste garde une place, par sa situationde proximité, dans la gestion des événements interdialytiques. Dans ce cadre, il doit avoir connaissance de

l’ensemble des données du suivi réalisé en milieu spécialisé et doit connaître les complications spécifiques du patientdialysé.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La dialyse est un traitement lourd et à caractèrevital dont il faut soigneusement poser l’indication,choisir la technique la mieux adaptée à chaquepatient, assurer un suivi régulier et connaître lescomplications. Nous étudierons successivement cesdifférents points.

■Indications et contre-indications

Existe-t-il encore actuellement des contre-indications à l’épuration extrarénale ? On ne peutplus parler de contre-indication absolue. Lesconditions qui suscitent un débat sont l’existenced’une démence, d’un cancer métastatique sansperspective thérapeutique, d’une cirrhose avecencéphalopathie ou d’un âge physiologique avancé.Aux États-Unis, le droit à la dialyse est assuré aupatient qui le désire, quelle que soit la sévérité desproblèmes médicaux associés. Si le patient ne peuts’exprimer, la famille peut être consultée. Par-delàces considérations médico-légales et dans le cadrede ces décisions difficiles, si la qualité de vie dupatient peut être améliorée par la dialyse, celle-ci doitêtre mise en œuvre.

Les indications imposant le recours à l’épurationextrarénale sont récapitulées dans le tableau I. Il nefaut cependant pas attendre la survenue de cescomplications pour débuter la dialyse. Le calcul dela clairance de la créatinine fournit l’élément le plus

objectif pour prendre cette décision. Une étude surla survie à 10 ans et la morbidité des patientsdialysés chroniques montre que la survie est de88 % si la dialyse est débutée pour une clairance dela créatinine supérieure ou égale à 10 mL/min,contre 55 % pour une clairance de la créatinineinférieure ou égale à 4 mL/min. De plus, le nombrede jours d’hospitalisation est de 5 jours par an etpar patient contre 14 jours par an et par patient, etla réhabilitation des patients est meilleure dans lepremier groupe. L’argument supplémentaire est lanécessité de lutter contre la dénutrition, facteurpronostique grave et indépendant. Or la mise endialyse précoce permet d’augmenter l’appétencedes malades et d’augmenter l’apport protidique. Autotal, le chiffre de 8 à 10 mL/min/1,73 m2 declairance de la créatinine doit donc être retenu pourla prise en charge en dialyse.

■Choix de la technique

Deux types de dialyse peuvent être proposés :l’hémodialyse ou la dialyse péritonéale. Le choix dela technique se fera avant le stade de la dialyse selondes arguments médicaux et en accord avec lepatient pour maintenir une autonomie maximale.

‚ Dialyse péritonéale

La dialyse péritonéale consiste à utiliser la paroiendothéliale des capillaires du mésothéliumpéritonéal comme surface d’échange entre le sanget le dialysat infusé dans la cavité péritonéale. Leséchanges se font à travers la membranesemi-perméable que représentent la paroi descapillaires et le mésothélium péritonéal, et ont lieupar diffusion et par osmose. La diffusion est lemécanisme principal permettant l’épuration desdéchets azotés. Ces échanges par diffusion se fontsuivant le gradient de concentration, ce qui permetde plus, par une composition adéquate du dialysat,d’éliminer du potassium et d’apporter du calcium etdes lactates. La métabolisation des lactates enbicarbonate par le foie permet de corriger l’acidose.Les dialysats contenant du bicarbonate sont plusrarement employés en raison d’une préparation etd’un stockage plus difficiles. Les principaux facteursinfluençant les échanges par diffusion sont legradient de concentration entre le sang et le dialysat,le poids moléculaire du soluté et la perméabilitédiffusive de la membrane d’échange qui peut êtrealtérée par des péritonites répétées. Le maintien d’ungradient de concentration est obtenu par lechangement fréquent du dialysat.

Tableau I. – Indications de dialyse d’un patienten insuffisance rénale chronique.

UrgencesHyperkaliémie menaçanteŒdème aigu du poumon ne répondant pas auxdiurétiquesTroubles de conscience liés à l’urémieIndicationsPéricarditePolyneuropathieHypertension artérielle et surcharge hydrosodéenon contrôléesAcidose non contrôléeDénutrition, anorexie, albumine inférieure à 35 g/Len dehors d’un syndrome néphrotiqueClairance de la créatinine inférieure à 10 mL/min

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L’osmose correspond à un mouvement d’eau dû augradient d’osmolarité créé de part et d’autre de lamembrane semi-perméable en infusant un dialysathyperosmolaire par rapport au plasma dans la cavitépéritonéale. On obtient alors un passage d’eau du sangvers le dialysat jusqu’au rétablissement de l’équilibreosmotique. Ce mécanisme permet la correction dubilan hydrique. L’hyperosmolarité du dialysat tient à sahaute concentration en glucose. Cependant, le glucoseétant absorbé, cet effet est transitoire et peut mêmes’inverser secondairement. La prescription du tempsdes échanges par rapport à la perméabilitémembranaire de chaque patient permet de limiter cephénomène. Le bilan précis des volumes d’entrée et desortie du dialysat et le suivi pondéral permettent parailleurs de surveiller le bilan hydrique global.

Sa réalisation pratique consiste à placer uncathéter dans la cavité péritonéale à l’aide d’untrocart, sous anesthésie locale ou générale légère. Leséchanges peuvent être débutés dans un délai courtd’1 semaine ; 1,5 à 2 litres de dialysat stérile sontalors instillés pour une durée variable dans la cavitépéritonéale, puis drainés par simple gravité. Endialyse péritonéale continue ambulatoire, leschangements de poche se font toutes les 4 heurespendant la journée, au rythme de trois à quatre parjour. Les échanges peuvent également être réalisés lanuit à l’aide d’une machine qui contrôle le rythme deséchanges et le bilan entrée-sortie (dialyse péritonéalecontinue cyclique ou intermittente). Tous leschangements de poche doivent être réalisés dans desconditions d’asepsie maximale, qui sont enseignéesau patient ou à une personne de son entourage.Dans les cas où cette éducation paraît difficile, uneinfirmière à domicile effectuera ces changements.

Les inconvénients directement liés à la techniqued’épuration sont une fuite protéique par transport,qu’il convient de compenser par un régimehyperprotidique, une faible élimination de sodium etun apport non négligeable de glucose par le dialysat.Ses avantages techniques sont une plus longuepréservation de la fonction rénale résiduelle et doncde la diurèse (le régime concernant les apportshydriques est moins contraignant), une meilleuretolérance hémodynamique et la possibilité d’apportd’insuline par voie intrapéritonéale pour les patientsdiabétiques.

Le critère médical principal orientant vers lechoix de la dialyse péritonéale est l’existence d’unepathologie cardiovasculaire sévère pouvant fairecraindre une mauvaise tolérance hémodynamiquedes séances d’hémodialyse. Cette technique est parailleurs préférée chez l’enfant. Le deuxième critèreest celui de la qualité de vie et de l’autonomie, ladialyse étant réalisée à domicile ou même sur le lieude travail. Le dernier critère est d’ordre économique,la dialyse péritonéale ayant un moindre coût.

Les contre-indications sont liées à la nécessitéd’une bonne intégrité de la paroi abdominale et dela cavité péritonéale qui doit être libre de touteadhérence pouvant gêner l’infusion et le drainagedu dialysat. Dans le cas d’antécédent de chirurgieabdominale, le recours à la coelioscopie peutpermettre de libérer des adhérences et de placer aumieux le cathéter. En cas d’adhérences extensives, laméthode reste contre-indiquée. En cas de hernie ou

d’éventration, une correction chirurgicale seraréalisée, éventuellement dans le même tempsopératoire que la pose du cathéter de dialysepéritonéale.

‚ Hémodialyse

Les échanges ont lieu ici de part et d’autre de lamembrane semi-perméable du rein artificiel entre lesang provenant d’un abord vasculaire adéquat et ledialysat circulant de l’autre côté de la membrane. Lecircuit extracorporel nécessite une anticoagulationpendant les séances d’hémodialyse. Lesmécanismes d’échange sont la diffusion etl’ultrafiltration. La diffusion permet, de même qu’endialyse péritonéale, l’épuration des déchets azotéssuivant le gradient de concentration et, par unecomposition adéquate du dialysat, une éliminationdu potassium et un apport de calcium et debicarbonates. Ces échanges dépendront de la tailledes molécules à épurer, des caractéristiques du reinartificiel, du débit sanguin et du débit du dialysat. Ledébit sanguin est par ailleurs dépendant de la qualitéde l’abord vasculaire. L’ultrafiltration permet lacorrection du bilan hydrique. Elle est obtenue sousl’effet de la pression hydrostatique et dépend descaractéristiques de perméabilité hydraulique du reinartificiel et de la pression transmembranaire.

La principale contrainte technique de la méthodeest de disposer d’un abord vasculaire à haut débit.Dans ce but, une fistule artérioveineuse est créée,soit par anastomose artérioveineuse, soit parinterposition d’un greffon entre une artère et uneveine. L’anastomose artérioveineuse réalise l’abordle plus sûr et a une durée de vie plus longue. Elle estréalisée au niveau de l’avant-bras (fig 1) ou du bras,au mieux 2 à 6 mois et minimum 3 semaines avantle début de l’hémodialyse pour lui permettre de sedévelopper. Le respect de ce délai est associé à unemeilleure survie à long terme de la fistule. Si l’abordvasculaire périphérique n’est pas encore utilisable oune peut être réalisé par déficience d’un réseauveineux correct, l’accès vasculaire se fera par uncathéter veineux central. Deux conduitesfondamentales résultent de l’extrême nécessité decet abord vasculaire pour le patient dialyséchronique : respecter le capital veineux tout au longde la vie du patient et anticiper le besoin de cetabord sur l’évolution des taux de créatinine. Lafistule sera donc au mieux créée entre 10 et 15mL/min de clairance de la créatinine, soit unecréatinine d’environ 400 µmol/L pour un patient de50 ans et 60 kg.

L’hémodialyse peut être réalisée en centred’hémodialyse, en centre d’autodialyse ou àdomicile. Ce dernier choix remporte la meilleureplace dans les études sur la qualité de vie en dialysemais nécessite une excellente autonomie du patientet une acceptation de l’entourage.

Il n’existe pas de contre-indication formelle à cetteméthode. Elle reste la thérapeutique de choix pour lacorrection rapide des désordres hydroélectrolytiquesaigus du patient dialysé chronique tels quel’hyperkaliémie et l’œdème aigu du poumon. Ellesera préférée chez le patient dénutri ouprofondément hypoprotidémique (par syndromenéphrotique persistant, par exemple) en raison de laperte protidique induite par la dialyse péritonéale.

■Suivi du patient dialysé

Ce suivi est organisé en milieu néphrologiquespécialisé.

En hémodialyse, le suivi clinique doit comprendrel’estimation du poids sec qui est défini comme lepoids à obtenir en fin de séance. Sa détermination sebase principalement sur des critères cliniques :disparition des œdèmes, de l’hypertension artérielle,absence de chute tensionnelle et de crampes en finde séance d’hémodialyse. Il doit être réajustépériodiquement. Un amaigrissement sansréévaluation du poids sec peut conduireinsidieusement à un état de surcharge hydro-sodée. La prise de poids interdialytique doit êtresurveillée et ne doit pas dépasser 2 à 3 kg, ce quiimpose une restriction hydrique à 500 mL/jaugmentée de la diurèse journalière et des pertes

Artèreradiale

Veinecéphalique

1 Fistule artérioveineuseradiale créée par anasto-mose artérioveineuse ra-diale latéroterminale (lesflèches indiquent le sensdu flux sanguin).

Il reste donc un nombre majoritaire decas où le choix de la technique peutêtre laissé à l’appréciation du patient,si les conditions locales de réalisationle permettent. Il doit s’agir d’un choixéclairé, réalisé en dehors de l’urgenceet tenant compte de l’activité dupatient. Ce choix n’est de plus pasdéfinitif, et le passage d’une techniqueà l’autre est possible, parfoisindispensable. L’inscription sur uneliste de transplantation est par ailleurstoujours à discuter.

5-0580 - Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé

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hydriques extrarénales notables (diarrhée ousudation importante). Le furosémide à forte dosepeut permettre de maintenir une diurèse résiduelle.

En dialyse péritonéale, le suivi clinique doitcomprendre la surveillance des bilans entrée-sortieréalisée à chaque poche et le suivi pondéral. Undrainage inférieur à la quantité infusée impose devérifier la position du cathéter par une radiographiede l’abdomen sans préparation (le cathéterradio-opaque doit être dans le cul-de-sac deDouglas), de vérifier l’absence de péritonite ou deconstipation gênant le drainage. Il peut aussi être laconséquence d’un péritoine hyperperméableabsorbant précocement le glucose. La prescriptiondes échanges doit alors être modifiée.

De façon générale, le suivi clinique devracomprendre un suivi tensionnel, l’appréciation del’état nutritionnel, de l’état vasculaire et cardiaque etdu retentissement psychologique, notamment aumoment de la prise en charge en dialyse.

Le suivi biologique mensuel comprendgénéralement une numération formule sanguineavec numération des plaquettes, un ionogrammesanguin pré- et postdialytique avec une calcémie,une phosphorémie, un dosage de l’urée et de lacréatinine. Les taux pré- et postdialytiques d’uréepermettent d’apprécier la dose de dialyse délivrée.Les dosages de protidémie et d’albuminémiepermettent d’apprécier l’état nutritionnel, facteurpronostique important puisque la mortalitéaugmente en dialyse dès que l’albuminémie estinférieure à 37 g/L. Les sérologies virales del’hépatite B, C et du virus de l’immunodéficiencehumaine (VIH) doivent être connues et contrôlées sinégatives (ou après une vaccination pour l’hépatiteB). La parathormone et l’albuminémie sontcontrôlées régulièrement.

Sur le plan morphologique, l’échographiecardiaque sera effectuée annuellement pour vérifierl’absence de péricardite et d’hypertrophie ou dedilatation ventriculaire gauche. L’existence d’un deces signes devra faire réévaluer le poids sec et ladose de dialyse délivrée.

Le suivi, la prescription et la gestion descomplications du traitement par dialyse sont dudomaine du spécialiste. Les complications perdialytiquesne seront donc pas traitées dans cet article.

À côté de cette prise en charge en milieu spécialisé,le généraliste doit avoir connaissance de l’ensembledes données de ce suivi car il garde une place, par sasituation de proximité, dans la gestion immédiate desévénements interdialytiques. Dans ce cadre, il doitconnaître les complications spécifiques du dialysé.

■Complications spécifiques

du patient dialysé chronique

‚ Complications liées à la techniquede dialyse

Hémodialyse

En hémodialyse, les complications spécifiquessont liées à l’abord vasculaire. Ce sont en premierlieu les infections et les thromboses.

Le staphylocoque est l’agent infectieux principal,responsable de septicémie, parfois sans élément

inflammatoire local pouvant directement incriminerl’abord vasculaire. Quatre localisations secondairessont à craindre : l’endocardite, l’ostéomyélite, laméningite et la staphylococcie pulmonaire. Letraitement doit être précoce et prolongé pendant 4semaines, dont 1 semaine en bithérapie, et fait appelle plus souvent à la vancomycine à dose adaptée(Vancocinet : 1 g en intraveineux pendant la séancede dialyse, dose à renouveler en fonction des tauxrésiduels, généralement au rythme d’une fois parsemaine). Le portage de staphylocoque doré,fréquent chez ces patients, doit être recherché par unprélèvement bactériologique nasal, ombilical et anal,et traité par l’application locale de pommadeantibiotique telle que la mupirocine (Bactrobant) oula rifampicine. Inversement, la fistule artérioveineusepeut constituer une localisation secondaireprivilégiée, ce qui incite à prescrire uneantibioprophylaxie avant une extraction dentaireou une colonoscopie.

La thrombose de la fistule (fig 1) est le plussouvent secondaire à une sténose non diagnos-tiquée ou, dans un nombre plus restreint de cas,secondaire à une chute tensionnelle ou à uneobstruction mécanique pendant une interventionchirurgicale. Elle est attestée cliniquement par ladisparition du thrill vasculaire à la palpation et àl’auscultation. Elle doit être traitée en urgence. Lasurveillance étroite des fistules doit permettred’intervenir au stade précoce de sténose, ce quiaugmente notablement la survie des fistules à longterme. Le diagnostic de sténose repose surl’échographie et le traitement sur l’angioplastie àballonnet, associée ou non à la fibrinolyse. Lathrombose est moins accessible au traitement parangioplastie et le traitement est alors chirurgical(± fibrinolyse).

Dialyse péritonéale

En dialyse péritonéale, la complication la plusfréquente est la péritonite. Elle est le plus souventsecondaire à une faute d’asepsie lors deschangements de poche ou la conséquence d’uneinfection cutanée qui se propage dans le tunnel ducathéter. Le Staphylococcus epidermidis représente40 % de ces infections. La péritonite se manifeste parune douleur abdominale, une fièvre, des nausées etdes vomissements. Le liquide de dialyse devienttrouble, signe constant (99 %) et précoce. Le patientdoit systématiquement examiner ses poches à larecherche de ce signe. Le traitement de cettepéritonite est médical et sera géré en milieunéphrologique. L’antibiothérapie est administrée parvoie intrapéritonéale en utilisant le cathéter dedialyse péritonéale, après prélévementsbactériologiques du dialysat. Une cause sous-jacentede péritonite doit cependant toujours être écartée(appendicite, rupture de diverticule, ulcère perforé,etc).

La deuxième complication en dialyse péritonéaleest la survenue d’une dénutrition en raison de laperte protéique pér i tonéale . Un régimehyperprotidique est recommandé pour compensercette perte. Elle peut imposer le recours àl’hémodialyse.

Enfin, quelle que soit la méthode de dialyseutilisée, une épuration insuffisante peut amener à lanon-disparition ou à la réapparition des symptômesd’urémie chronique (fatigue, nausée, vomissement,inappétence, dénutrition, impatience des membresinférieurs, anémie), à une hypertension artérielle noncontrôlée ou de révélation brutale, à unehyperkaliémie, un œdème aigu du poumon ou unepéricardite.

‚ Complications de l’insuffisance rénalechronique terminale

Surcharge hydrosodée et complicationscardiovasculaires

La mise en dialyse permet généralement decorriger la surcharge hydrosodée et l’hypertensionartérielle qui persiste uniquement dans 30 % des cas.Les traitements antihypertenseurs ne sont souventplus nécessaires après un ajustement correct dupoids sec, confirmant le caractère essentiellementvolodépendant de l’hypertension artérielle chezl’insuffisant rénal chronique. Si un traitement estnécessaire, il pourra faire appel à un inhibiteur del’enzyme de conversion à dose adaptée soussurveillance de la kaliémie (Renitect : 2,5 à 5 mg/j ;Triatect : 1,25 à 2,5 mg/j), à un inhibiteur calciquesans adaptation de dose, à un bêtabloquant depréférence à élimination hépatique (métoprolol :Lopressort et Selokent ; propranolol : Avlocardylt),sinon en adaptant la posologie, ou à unantihypertenseur central sans adaptation de dose.Les bêtabloquants et le vérapamil sontrecommandés en cas d’hypertrophie ventriculairegauche associée, les inhibiteurs de l’enzyme deconversion en cas de dilatation ventriculaire gauche.L’apport sodé sera de plus limité si l’hypertensionartérielle persiste.

L’hypertrophie ventriculaire gauche régressegénéralement en dialyse grâce à la normalisation duvolume intravasculaire, l’épuration des toxinesurémiques, la correction de l’hypertension artérielle,la correction des désordres hydroélectrolytiques, lemeilleur contrôle de l’hyperparathyroïdie et del’anémie. Une fistule artérioveineuse à gros débitreste cependant un facteur de risque. L’hyper-trophie ventriculaire gauche constitue un facteuressentiel de mortalité et doit être prévenue avant lamise en dialyse, au risque d’évoluer versl’insuffisance cardiaque avec dilatation ventricu-laire gauche. Elle favorise les arythmies qui restentfréquentes en dialyse, principalement enhémodialyse où les variations de kaliémie et decalcémie durant la séance peuvent être mal tolérées.

Les risques liés à l’athéromatose accéléréepersistent et constituent une cause majeure demorbimortalité : ischémie myocardique, artérite desmembres inférieurs, accident vasculaire cérébral etischémie mésentérique. Les épisodes hypotensifspouvant survenir pendant les séances d’hémo-dialyse sont d’autant moins bien tolérés qu’ilssurviennent sur ce terrain. Le traitement de cescomplications n’a pas de particularité. Les dérivésnitrés étant éliminés par voie hépatique, leur dosen’est pas à adapter chez le dialysé.

La péricardite est devenue rare grâce à une priseen charge plus précoce en dialyse. Sa survenue doit

Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé - 5-0580

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faire rechercher une dialyse insuffisante avec unesurcharge hydrosodée persistante ou tout autrecause de péricardite, notamment tuberculeuse.

À long terme, le patient dialysé est exposé auxcalcifications valvulaires, le plus souvent sur l’anneaumitral.

Infections

Fréquentes, elles sont dues pour une part aucaractère invasif des techniques de dialyse (abordvasculaire en hémodialyse, cathéter intrapéritonéal endialyse péritonéale) et de façon générale à ladiminution de l’immunité et aux pathologies associées.Elles peuvent se présenter de façon insidieuse chez despatients fréquemment en hypothermie.

Les infections urinaires sont fréquentes chez lespatients diabétiques ayant une vessie neurologique,chez les patients ayant une polykystose rénale ouune uropathie malformative. Le tarissement de ladiurèse avec la mise en hémodialyse résout enpartie ce problème.

La diverticulite est fréquente, notamment en casde polykystose rénale. La rupture de diverticuleconstitue un diagnostic différentiel en cas depéritonite chez un patient en dialyse péritonéale. Siune colonoscopie ou une chirurgie colique doiventêtre réalisées, les préparations à base depolyéthyléneglycol (Colopegt , Fortranst ,Klean-Prept) seront prescrites à posologie habituellecar elle ne sont pas absorbées, de même que lespréparations à base d’anthraquinone (X-Prept), parailleurs plus faciles d’utilisation.

Les infections bronchopulmonaires sontfavorisées par un subœdème pulmonaire fréquentinduit par un poids sec inadapté, une perméabilitéalvéolaire augmentée, une hypertension artériellenon contrôlée ou une hypertrophie ventriculairegauche. Les germes sont ceux habituellementrencontrés dans la population générale. Letraitement recommandé de la bronchite restel’amoxicilline à la dose de 500 mg 2 fois par jour ouun macrolide à posologie habituelle. En cas depneumopathie, le traitement initial doit êtreparentéral. Dans le cadre des mesures préventives,la vaccination antigrippale est conseillée.

La tuberculose est également plus fréquente,souvent extrapulmonaire, disséminée, avec un tauxde mortalité élevé. L’intradermoréaction à latuberculine n’est positive que dans 30 % des cas, enraison de l’immunodépression induite parl’insuffisance rénale chronique.

Concernant les infections virales, la prévalencede l’infection par le virus de l’hépatite B a nettementdiminué depuis la vaccination systématique despatients en insuffisance rénale, et ne s’élèverait plusqu’à 5 % des patients en attente de transplantationrénale. À l’opposé, la prévalence de l’hépatite C resteélevée, atteignant 10 à 65 % de la population deshémodialysés et des transplantés rénaux en fonctiondes zones géographiques. Elle est hautementdépendante de la durée d’hémodialyse et dunombre de transfusions sanguines. L’examenclinique s’attachera à retrouver des signesd’hypertension portale et d’ insuffisancehépatocellulaire. Les examens biologiquescomprendront un dosage des transaminases, de labilirubinémie, de l’albuminémie et du temps deprothrombine. L’échographie doppler hépatiqueanalysera la morphologie hépatique, rechercherades signes d’hypertension portale et unhépatocarcinome associé. L’hépatologue poseral’éventuelle indication d’une ponction-biopsiehépatique et du traitement.

La prévalence de l’infection par le virusd’immunodéficience acquise est supérieure à celleobservée dans la population générale, car l’infectionpar le VIH est responsable d’insuffisance rénaleterminale. Les traitements par trithérapieaugmentant la survie des patients, il est possible quel’incidence des patients infectés par le VIH dans lescentres de dialyse augmente.

Hyperkaliémie

Les épisodes d’hyperkaliémie sont le plus souventla conséquence d’une consommation tropimportante d’aliments riches en potassium ou d’untraitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion.Leur prévention repose sur l’éducation du maladeconcernant les aliments à éviter car très riches enpotassium (tableau II) et les quantités de fruits et delégumes à respecter (un fruit et une part de légumecru par jour). Une cuisson dans un grand volumed’eau est conseillée car elle permet d’extraire 50 à80 % du potassium des fruits et des légumes. Si lesmesures diététiques sont insuffisantes, on a recoursà des résines échangeuses de cations telles que leKayexalatet ou le Calcium-Sorbistéritt. Prescrites defaçon chronique, ces résines peuvent êtreresponsables de constipation qui doit être traitée pardu sorbitol.

Les manifestations de l’hyperkaliémie sont frusteset tardives : faiblesse musculaire, paresthésiesbuccales et des extrémités, nausées, goût métalliquedans la bouche. Rarement, on observe une paralysieflasque pouvant atteindre les muscles respiratoires.

Des troubles de conduction cardiaque surviennentde façon plus ou moins précoce suivant la rapiditéd’installation de l’hyperkaliémie et l’existence d’uneacidose. Les signes électrocardiographiques sont laprésence d’ondes T amples, symétriques et pointues,un aplatissement de l’onde P et un allongement duQRS. Un bloc de conduction peut apparaître auniveau sinoauriculaire, auriculoventriculaire ouintraventriculaire. L’arrêt cardiocirculatoire peutsurvenir par fibrillation ventriculaire.

Le traitement dépend de la sévérité del’hyperkaliémie et de l’imminence de la prochaineséance de dialyse qui constitue son meilleurtraitement dans le cas d’un patient dialyséchronique.

Ostéodystrophie rénale

L’ostéodystrophie rénale est la conséquence del’hyperphosphorémie et du déficit en forme active1,25 (OH)2 D3 de la vitamine D. Ces anomalies,présentes pour un débit de filtration glomérulaireinférieur à 30 mL/min, induisent une hyperpara-thyroïdie avec ostéoclastose prédominante etremplacement de l’os par un tissu ostéoïde fibreux.

La mise en dialyse permet en général de mieuxcontrôler le bilan phosphocalcique, en éliminant lephosphate et en apportant du calcium. Lasupplémentation vitaminique D est poursuivie à unedose de 0,25 µg à 1 µg/j de 1-α-hydroxyvitamine D3

par voie orale ou rarement par voie intraveineuse enfin de dialyse. Les phosphorémies prédialytiquesdoivent êtres maintenues à un taux inférieur à 1,6mmol/L, ce qui peut nécessiter le maintien deschélateurs de phosphate.

Parfois l’hyperparathyroïdie n’est pas contrôlée.Des douleurs osseuses et articulaires, un prurit

Tableau II. – Aliments très riches enpotassium.

Légumes secs : lentilles, haricots blancs, pois, fè-ves, flageoletsChocolatFruits secs : figues, dattes, abricots, bananes, rai-sins, pruneauxFruits gras : cacahuètes, amandes, pistaches, noi-settes, noix, noix de coco, avocatBananes, agrumesChâtaignesBouillon de légumes, sirop de fruits cuitsSels de régime

Pour des kaliémies inférieures ou égales à 6 mmol/L un jour sans dialyse, laprescription de Kayexalatet à la dose de 1 à 4mesures (de 15 à 60 g) suffit. Passé cechiffre, il paraît raisonnable d’avancer la dialyse. En cas de modificationsélectrocardiographiques, l’hémodialyse en urgence s’impose. Des mesures permettentd’attendre sa mise en route : l’injection d’1 à 2 ampoules de chlorure de calcium à10 % en intraveineux lent, l’alcalinisation par 100 mL de bicarbonate hypertoniquesi l’état d’hydratation le permet, la perfusion de glucosé à 30 % contenant une unitéd’insuline ordinaire pour 2 g deglucose à raison de 100 à 200 mL/h, et la perfusioncontinue de salbutamol à la dose de 0,1 à 0,2µg/kg/min.

L’hyperparathyroïdie doit êtreprévenue avant la prise en charge endialyse par une supplémentationvitaminique D sous sa formehydroxylée en position 25 (Dédrogylt :5 à 10 gouttes/j) ou en position 1-α(Un-Alfat : 0,25 µg/j), forme plusefficace chez l’insuffisant rénalchronique, et par la prescription d’unchélateur de phosphate type carbonatede calcium (3 à 9 g/j). On s’assurerade l’absence d’hypercalcémieiatrogène et de la correction de laphosphorémie et du taux deparathormone.

5-0580 - Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé

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apparaissent. Le taux de parathormone est supérieurà trois fois la limite supérieure de la normale. Lesradiographies osseuses attestent de la lyse osseuse :érosions des houppes phalangiennes, résorptionsous-périostée, déminéralisation osseuse diffuse, letout pouvant aboutir à des fractures pathologiques.L’augmentation du produit phosphocalcique créeune situation favorable pour la précipitation dedépôts calciques dans les tissus mous et lesvaisseaux. L’échographie des parathyroïdesmontre une hypertrophie pouvant être associée àdes adénomes. Si elle est normale, lascintigraphie au métaiodobenzylguanidine(MIBG) est utile pour rechercher une localisationparathyroïdienne ectopique. La parathyroïdec-tomie subtotale en est le traitement. Elle permetd’augmenter la minéralisation osseuse maisimpose toujours une supplémentation calcique etvitaminique D, afin d’éviter la récidive del’hyperparathyroïdie.

Anémie

L’incidence de l’anémie a diminué en dialysedepuis l’introduction de l’érythropoïétine. Celle-ci apermis l’amélioration de la qualité de vie despatients, une amélioration de la tolérance àl’exercice, une diminution de l’hypertrophieventriculaire gauche, une diminution des épisodeshypotensifs dialytiques et une diminution dunombre de transfusions. Les causes de résistance àl’érythropoïétine sont récapitulées dans le tableau III.Le déficit en fer est la plus fréquente. Le feradministré par voie intraveineuse pendant lesséances d’hémodialyse, mieux toléré sur le plandigestif et ayant une meilleure biodisponibilité quepar voie orale, doit être systématiquement prescritchez les patients sous érythropoïétine, en dehors ducas d’hémosidérose associée.

La correction de l’anémie et la mise en dialyseaméliorent de plus les fonctions plaquettaires.

Intoxication aluminique

Elle résulte de l’apport d’aluminium par le bain dedialyse préparé à partir de l’eau de ville et de laprescription de chélateurs de phosphate ou depansement gastrique contenant de l’alumineprincipalement éliminée par le rein. Cetteintoxication est responsable d’une ostéopathie avecdiminution de la minéralisation osseuse, d’une

anémie microcytaire, hypochrome, et dans lesformes graves, d’une démence (dite « démence dudialysé »). Le diagnostic repose sur le dosage sanguinavant et après test à la déféroxamine.

Dégénérescence kystique du rein et cancer

L’incidence de cancer semble augmentée chez lepatient dialysé chronique, essentiellement pour lecancer du rein, de l’utérus et de la prostate (risquerelatif égal à 5). Le cancer du rein peut se développersecondairement à une dégénérescence kystique durein, présente chez 50 % des dialysés. Ces kystespeuvent provoquer des douleurs, une hématurie, unhématome périrénal ou se surinfecter. Ils sonttoutefois le plus souvent asymptomatiques. Lanéphrectomie n’est indiquée qu’en cas decomplication ou si l’aspect du kyste est atypique enéchographie, évoquant un caractère malin.

Maladie amyloïde

La maladie amyloïde du dialysé est due à desdépôts tissulaires de â -2-microglobuline,insuffisamment épurée par la dialyse. Lesmembranes à haute perméabilité, par leur meilleureépuration de la â-2-microglobuline, permettraient dela prévenir. Elle survient après 8 à 10 ans de dialyse,et se manifeste principalement par des douleurspériarticulaires, des fractures pathologiques, unsyndrome du canal carpien ou des manifestationsdigestives non spécifiques. Les radiographiesosseuses montrent des dépôts intraosseux sousforme de géodes, des arthropathies et desspondylarthropathies destructrices.

Le syndrome du canal carpien n’a pas departicularité clinique : paresthésies dans le territoiredu nerf médian, reproduites cliniquement par lamanœuvre de Tinel (percussion sur le ligamentantérieur du carpe) ou par la manœuvre de Phalen(poignet maintenu en flexion), et amyotrophie de laloge thénar. À l’électromyogramme, la vitesse deconduction nerveuse du nerf médian est diminuéeaprès le ligament antérieur du carpe. Le traitementdu syndrome du canal carpien est chirurgical.

Manifestations cutanées

Le prurit est très fréquent chez les patients eninsuffisance rénale chronique, et souvent peusoulagé par la dialyse. Sa cause n’est pas univoque.

L’augmentation du produit phosphocalcique, ledéficit en fer et en zinc sont des facteurs favorisants.Une allergie à l’héparine, aux plastiques destubulures de dialyse ou à l’éthylène glycol utilisépour stériliser le matériel peut être en cause.

Le traitement repose en premier lieu sur lacorrection des facteurs évoqués. Localement,l’application de crèmes émollientes permet dediminuer la sécheresse cutanée souvent associée.Les antihistaminiques sont peu efficaces. Laphotothérapie par ultraviolets peut être essayée. Latransplantation rénale est constamment efficace.

Les autres manifestations cutanées sontl’hyperkératose, la modification de la pigmentationet le purpura vasculaire.

Manifestations digestives

Au niveau gastroduodénal, duodénite, gastrite etangiodysplasie sont plus fréquentes. La prévalenced’Helicobacter pylori chez les dialysés est identique àcelle de la population générale. Les antihistami-niques de type 2 doivent être prescrits à demi-dose(risque de confusion). Les inhibiteurs de la pompe àprotons ne nécessitent pas d’adaptation deposologie et sont en général préférés.

Au niveau intestinal, les complications les plusfréquentes sont l’ischémie mésentérique, l’amylose,la diverticulose chez les patients porteurs d’unepolykystose rénale et l’angiodysplasie qui estresponsable de saignement. La présence d’unehernie peut être responsable de fuite de dialysat endialyse péritonéale.

■Conclusion

Au total, le médecin généraliste prend souventune part active, par sa situation de proximité, dans lagestion des événements interdialytiques et devraitretenir dans ce contexte cinq recommandationsd’ordre général :

– le patient dialysé chronique est à considérercomme un terrain fragi le et notammentimmunodéprimé dans la gestion des infections, parailleurs fréquentes ;

– quel que soit le traitement prescrit, il fautvérifier l’adaptation de posologie dans l’insuffisancerénale terminale et adapter l’horaire des prises si lemédicament est dialysé ;

– il faut connaître les complications spécifiquesdu patient dialysé chronique, dont certaines doiventêtre traitées en urgence, au mieux en milieuspécialisé néphrologique ;

– si le patient est hémodialysé, la préservation ducapital veineux impose que les examens non urgentssoient réalisés pendant la séance d’hémodialyse ;

– le patient dialysé fait l’objet d’un suivi spécialiséimportant dont le médecin généraliste devrait avoirconnaissance pour une meilleure gestion médicale.

De façon générale, la clé d’une bonne prise encharge du patient dialysé passe par une bonnecoordination entre généraliste et spécialiste.

Tableau III. – Causes de résistance àl’érythropoïétine.

Déficit en ferPerte sanguine : saignement occulte, rein artificielcoagulé, prélèvements sanguins fréquentsHypersplénismeHémolyseSyndrome inflammatoireInfectionHyperparathyroïdie secondaire non contrôléeEnvahissement médullaire d’un cancer

Le traitement doit être préventif enévitant les médicaments contenant del’alumine chez l’insuffisant rénalchronique, de même que lespréparations contenant du citrate(Alka-Seltzert, jus de citron, citrate decalcium), connu pour augmenterl’absorption intestinale d’aluminium,et en traitant l’eau du bain de dialysede manière convenable.

Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé - 5-0580

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Lucile Mercadal : Interne des hôpitaux de Paris.Thierry Petitclerc : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Mercadal et T Petitclerc. Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0580, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

[1] Daugirdas JT, Ing TS. Handbook of dialysis. Boston : Little Brown, 1994 :1-689

[2] Hakim RM. Quand commencer la dialyse : les bases de la décision. Actualitésnéphrologiques Jean Hamburger, hôpital Necker. Paris : Médecine-Sciences Flam-marion, 1993 : 229-242

[3] Lazarus JM, Denker BM, Owen WF. Hemodialysis. In: Brenner BM ed. TheKidney. Philadelphia : WB Saunders, 1996 : 2424-2506

[4] Owen WF, Nancy LL, Yan Liu MS, Lowrie EG, Lazarus JM. The urea reduc-tion ratio and serum albumin concentration as predictors of mortality in patientsundergoing hemodialysis,N Engl J Med1993 ; 329 : 1001-1006

[5] Pol S. Évaluation de l’état hépatique chez les patients en attente de transplan-tation rénale. Séminaires d’uro-néphrologie de la Pitié-Salpêtrière, 1997 ; 23 :163-175

[6] Port FK, Ragheb NE, Schartz AN, Hawthorne VM. Fatal neoplasm in dialysispatients: A population-based study.Am J Kidney Dis1989 ; 24 : 119-123

5-0580 - Rôle du généraliste dans le suivi d’un patient dialysé

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Syndrome néphrotique

N. Maisonneuve, R. Binaut, P. Vanhille

C et article envisage les principales circonstances de découverte du syndrome néphrotique : syndromeœdémateux et complications, en particulier thromboemboliques ou dyslipémique. La biopsie rénale,

fréquemment indiquée chez l’adulte, permet de caractériser la néphropathie glomérulaire responsable. Le traitementsymptomatique et le traitement des différentes complications sont rappelés.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Protéinurie ; Syndrome œdémateux ; Syndrome néphrotique ; Thromboses ; Insuffisance rénale

■Introduction

Le syndrome néphrotique est défini par un ensemble de signes biologiques etéventuellement cliniques secondaires à une protéinurie suffisamment abondantepour entraîner des perturbations plasmatiques. Le syndrome néphrotique esttoujours secondaire à une néphropathie glomérulaire. Il est en rapport avec uneaugmentation de la perméabilité de la membrane basale glomérulaire auxprotéines plasmatiques. [1]

■Définition

Le syndrome néphrotique est défini par l’existence d’une protéinuriesupérieure à 3 g/24 h ou 50 mg/kg/j chez l’enfant, d’une hypoalbuminémieinférieure à 30 g/l et d’une hypoprotidémie inférieure à 60 g/l (Tableau 1). [2]

Lorsque le syndrome néphrotique s’accompagne d’une hypertension artérielleet/ou d’une insuffisance rénale, et/ou d’une hématurie microscopique, on parlede syndrome néphrotique impur. Dans le cas contraire, le syndrome néphrotiqueest dit pur, à savoir qu’il n’est associé ni à une hématurie, ni à une hypertensionartérielle, ni à une insuffisance rénale.

Cette définition du syndrome néphrotique est arbitraire. Il est possibled’observer une protéinurie supérieure à 3 g/j en l’absence d’hypoalbuminémie,donc de syndrome néphrotique stricto-sensu. En règle générale, la démarcheétiologique et le pronostic rénal d’une protéinurie majeure sont identiques quelque soit le taux d’albuminémie.

■Circonstance de découverte

‚ Protéinurie

La recherche d’une protéinurie s’effectue facilement à l’aide d’une bandeletteurinaire. Les urines sont recueillies dans un récipient propre et sec et la lecture sefait au bout de 1 minute par comparaison à une échelle colorimétrique, ou àl’aide d’un appareil de lecture automatique.

Les résultats par méthode visuelle apparaîtront sous forme de croix [1]

(Tableau 2).Le dépistage d’une protéinurie à la bandelette ne permet qu’une estimation

semi-quantitative de la concentration d’albumine dans un échantillon. En cas depositivité, la protéinurie doit être confirmée et quantifiée sur les urines des24 heures. En cas d’impossibilité de recueil des urines des 24 heures (petit enfant,incontinence urinaire), ou lors d’examens répétés, en consultation externe oudans le cadre de la surveillance du traitement, on peut apprécier l’abondance dela protéinurie par le calcul du rapport protéinurie/créatininurie (en mg/mg) sur unéchantillon non minuté, recueilli au hasard. Cette valeur est approximativementégale à la protéinurie des 24 heures. La protéinurie est considérée commenéphrotique lorsque le rapport est supérieur à 3.

La protéinurie du syndrome néphrotique est principalement composéed’albumine. Elle est sélective lorsqu’elle ne comporte que peu ou pas de protéinesde haut poids moléculaire (immunoglobulines [Ig] par exemple), associées àl’albumine. En pratique, cette notion de sélectivité est quantifiée par le rapportIgG/albumine urinaire. Un rapport IgG/albumine inférieur à 0,2 témoigne d’uneprotéinurie sélective.

La barrière de filtration glomérulaire a comme fonction essentielle d’assurer lahaute perméabilité à l’eau et aux solutés de faible poids moléculaire, et en mêmetemps d’assurer une restriction sélective au passage des molécules de poidsmoléculaires plus importants, au-delà de 60 kilodaltons (kDa), ainsi qu’auxéléments figurés.

Sur le plan fonctionnel et anatomique, la barrière de filtration glomérulaireentre la lumière capillaire et l’urine primitive de la chambre urinaire de Bowmanest définie par trois couches successives de dedans en dehors ( Fig. 1) :

– l’endothélium capillaire glomérulaire largement fenestré qui n’assureaucune restriction de taille ;

– la membrane basale glomérulaire, assemblage complexe (maillage) deglycoprotéines. La membrane basale assure environ 30 % de la restriction depassage de taille ;

– les cellules épithéliales ou podocytes recouvrent le versant externe de lamembrane basale glomérulaire. Les pieds des podocytes ou pédicelles sont àl’origine d’interdigitations qui recouvrent complètement l’ensemble de lamembrane basale glomérulaire. Entre chaque interdigitation, il existe undiaphragme qu’on appelle diaphragme de fente, lui-même perforé par des pores

Tableau 1. – Définition du syndrome néphrotique.

- Protéinurie> 3 g/24 h- Protidémie< 60 g/l- Albuminémie< 30 g/l

Tableau 2. – Bandelette urinaire : appréciation semi-quantitative de laprotéinurie.

Traces 0,10-0,20 g/l+ 0,30 g/l+ + 1 g/l+ ++ 3 g/l+ ++ + 10 g/l

1

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rectangulaires d’environ 60 × 40 nm. Cette couche épithéliale assure l’ensemblede la restriction au passage de taille empêchant notamment le passage deprotéines de poids supérieur à 60 kDa. Les pédicelles sont également recouvertsde glycoprotéines polyanioniques qui assurent une restriction dite « chargesélective ».

Le passage des protéines à travers la barrière glomérulaire est donc limité parla barrière :

– « charge sélective » qui concerne les protéines de 70 à 150 kDa ;– « taille sélective » pour les protéines de taille supérieure à 150 kDa.Une protéinurie apparaît lorsque l’un des mécanismes est défaillant.

‚ Œdèmes

Les œdèmes sont fréquemment associés au syndrome néphrotique et en sontle symptôme le plus souvent révélateur. Ils s’accompagnent d’une prise de poidsde 2 à 3 kg qui précède leur apparition. Ces œdèmes sont typiquement blancs,mous, prenant le godet, indolores. Ils sont de topographie déclive, prédominantle matin au niveau des paupières, du dos des mains et des lombes, siégeant lesoir au niveau des membres inférieurs.

La physiopathologie des œdèmes du syndrome néphrotique demeurecontroversée. La théorie classique, faisant appel à une rétention sodéesecondaire à l’hypovolémie induite par la baisse de la pression oncotique liée àl’hypoalbuminémie, a longtemps été l’hypothèse retenue.

Cependant, de nombreux arguments vont à l’encontre de cette hypothèse : [3]

– la volémie est généralement normale, ou même augmentée dans lesyndrome néphrotique, et la pression artérielle peut être également haute ;

– au cours du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes, laréabsorption tubulaire de sel apparaît avant la réduction de l’albuminémie. Lorsde la rémission, l’excrétion sodée précède la remontée de l’albuminémie.

Il existe aujourd’hui des preuves convaincantes montrant qu’il existe dans lesyndrome néphrotique une incapacité rénale à excréter le sodium, liée en partie àune diminution de sensibilité du tube collecteur au facteur natriurétiqueauriculaire.

‚ À l’occasion d’une complication du syndrome néphrotique

Complications thromboemboliques

Le mécanisme de ces complications reste imparfaitement connu. Il existe dansle syndrome néphrotique des anomalies de synthèse et d’excrétion denombreuses protéines qui jouent un rôle dans l’hémostase. Ces anomalies sontrappelées [4] dans le Tableau 3.

Les facteurs de risque des thromboses qu’il convient de dépister afin dedébuter le traitement préventif sont représentés par :

– l’hypoalbuminémie inférieure à 20 g/l, le taux d’albumine étant corrélé àcelui de l’antithrombine III ;

– l’alitement ;– le traitement par corticoïdes ou diurétiques ;– enfin, ce risque thromboembolique est particulièrement noté au cours de

deux néphropathies glomérulaires, la glomérulonéphrite extramembraneuse etl’amylose.

Ces complications thromboemboliques, dont la fréquence est estimée à 20 %,sont principalement veineuses :

– thrombose veineuse profonde touchant tous les territoires (membressupérieurs et inférieurs) ;

– thrombose des veines rénales, rarement symptomatique (10 % des cas) etrévélée par des douleurs lombaires, une hématurie, parfois une insuffisancerénale lorsque la thrombose est bilatérale ;

– embolie pulmonaire qui fait toute la gravité des complicationsthromboemboliques.

Ces complications, et notamment l’embolie pulmonaire, peuvent êtrerévélatrices du syndrome néphrotique.

Les thromboses artérielles surviennent plus facilement dans un contexteathéromateux, responsable d’accidents coronariens et cérébraux vasculaires,mais tous les territoires peuvent également être touchés. [5]

Hyperlipémie

L’hyperlipémie est si fréquente chez les patients ayant une protéinurieabondante qu’elle est considérée comme un des signes principaux du syndromenéphrotique. Toute hypercholestérolémie nécessite la réalisation d’unebandelette urinaire à la recherche d’une protéinurie. Cette hyperlipémie constitueun facteur de risque de maladie cardiovasculaire, avec une élévation du risquerelatif d’infarctus du myocarde chez les adultes avec syndrome néphrotique de5,5, et une élévation du risque relatif de décès secondaire à une thrombosecoronarienne de 2,8. La dyslipémie est d’autant plus fréquente que la protéinurieest abondante. [5]

Les différentes anomalies lipidiques retrouvées dans le syndrome néphrotiquesont résumées sur la Figure 2 .

En pratique, les examens recommandés sont simples et représentés par ledosage du cholestérol total, du low density lipoprotein (LDL)-cholestérol et destriglycérides.

Infections

Les patients néphrotiques sont sujets aux infections. Avant la découverte del’efficacité de la corticothérapie dans le syndrome néphrotique de l’enfant, lesepsis était la première cause de décès.

Figure 1 Aspect ultrastructural de la paroi capillaire glomérulaire. 1. Endothé-lium vasculaire ; 2. membrane basale ; 3. pédicelles.

Tableau 3. – Principaux facteurs contribuant à l’hypercoagulabilité dusyndrome néphrotique (d’après4).

Baisse des facteurs IX et XIAugmentation de facteurs procoagulants : V et VIIIAugmentation du fibrinogèneDiminution d’inhibiteurs de la coagulation : antithrombine IIIAltération du système fibrinolytique : augmentation de l’a-2 antiplasmine, dimi-nution du plasminogèneAugmentation des capacités d’agrégation plaquettaire :• thrombocytose• augmentation de la libération de certaines substances in vitro (adénosine di-phosphate, thrombine, collagène…)Augmentation du facteur IV et deb-thromboglobuline in vivoAltération des fonctions des cellules endothéliales

Augmentationde la synthèse

hépatique

Augmentation dela sécrétion de HDL

Diminution del’activité LCAT

VLDL ↑

IDL ↑

LDL ↑

LPa ↑

HDL

HDL 3

HDL 2

Dépôts de VLDLdans tissus ↑

↑ catabolisme ;↑ lipoprotéine lipase

endothélialeLDL oxydées ↑

↑ Athérogenèse

Clairance urinairede HDL3 de petit PM

Épuration des tissusen cholestérol

vers le foie altéré

↑ Athérogenèse

Figure 2 Anomalies lipidiques rencontrées dans le syndrome néphrotique. PM :poids moléculaire ; HDL : high density lipoprotein ; LCAT : lécithine cholestérolacyl transférase ; IDL : intermediate density lipoprotein ; LDL : low densitylipoprotein ; VLDL : very low density lipoprotein.

5-0515 - Syndrome néphrotique

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La péritonite primitive, essentiellement due au pneumocoque mais aussi austreptocoque b– hémolytique ou à des organismes à Gram négatif, estcaractéristique de l’enfant néphrotique. La vaccination antipneumococcique peutêtre proposée de façon prophylactique.

La cellulite, particulièrement dans les zones d’œdèmes importants, estégalement classique, le plus souvent liée au streptocoque b– hémolytique. [6]

Insuffisance rénale aiguë

L’insuffisance rénale aiguë peut apparaître au cours du syndrome néphrotiquede façon inaugurale ou lors d’une rechute. Elle est d’installation brutale, enrapport avec une hypovolémie efficace ou avec l’agglutination intratubulaire deprotéines de haut poids moléculaire (protéinurie non sélective). [6]

Cette forme d’insuffisance rénale aiguë se voit essentiellement chez l’enfant.L’administration d’albumine associée aux diurétiques est souvent utile dans cetteforme d’insuffisance aiguë.

Chez l’adulte, l’insuffisance rénale aiguë est souvent associée sur le planhistologique à une nécrose tubulaire aiguë et/ou un œdème interstitiel sévère.L’existence d’une artériolosclérose intrarénale est responsable d’une plus grandefréquence d’insuffisance rénale aiguë et détermine certainement le pronostic derécupération rénale. La prise en charge de ces formes nécessite parfois le recoursà l’hémodialyse. Un cas particulier d’insuffisance rénale aiguë est lié à lathrombose bilatérale des veines rénales, décrite dans le chapitre précédent.

Les différents mécanismes de l’insuffisance rénale aiguë sont rappelés dans leTableau 4.

L’insuffisance rénale aiguë peut également être liée au retentissement surl’hémodynamique glomérulaire de médicaments souvent prescrits, commel’association diurétique et inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) del’angiotensine ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA 2). En règlegénérale, l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë sous diurétiques +/- IEC doitconduire à un arrêt temporaire de ces médicaments, suivi de leur réintroduction àdoses plus faibles, en évitant notamment toute hypovolémie favorisée par untraitement diurétique à posologie excessive. En aucun cas, ce type d’accident nereprésente une contre-indication à l’utilisation de ces médicaments, souventprescrits afin de réduire la protéinurie et la pression artérielle.

Autres complications

¶ Dénutrition– Dénutrition protidiqueUne fuite protidique massive et prolongée peut conduire à une dénutrition

protidique menaçant le pronostic vital. [2] Cependant, l’albuminémie n’est que peuinfluencée par le contenu en protides des apports caloriques et les apportsintraveineux d’albumine n’ont aucune efficacité sur l’état nutritionnel.

– Dénutrition vitaminiqueEn raison de la fuite urinaire de protéines porteuses, on a décrit des déficits en :– transferrine et céruléoplasmine ;– zinc ;– vitamine D ;– calcium ;– thyroxine binding protein avec fuite urinaire de T3 et de T4.

¶ Précautions d’emploi pour l’utilisation des médicamentsLes IEC, les ARA 2 et les diurétiques, utilisés dans le cadre du traitement du

syndrome néphrotique (traitement antiprotéinurique et des œdèmes) peuvententraîner une insuffisance rénale aiguë, ce d’autant que l’hypovolémie efficaceest marquée.

L’existence d’une hypoalbuminémie est responsable d’une augmentation dela fraction libre des médicaments avec risque de surdosage en l’absence

d’adaptation posologique (antivitamines K [AVK], fibrates avec risque accru demyopathie). [4]

Enfin, il existe un phénomène de résistance au traitement diurétique du fait dela liaison des diurétiques aux protéines intratubulaires urinaires, liaison réduisantla fraction libre active sur le site de liaison, par exemple le cotransporteurNa-K-2Cl dans le cas de l’utilisation de diurétiques de l’anse (furosémide,bumétanide).

‚ Insuffisance rénale chronique

En cas de néphropathie avec syndrome néphrotique non accessible à untraitement spécifique, la persistance d’une protéinurie abondante et d’unehypertension artérielle représente deux facteurs de risques essentiels deprogression de l’insuffisance rénale chronique. Les objectifs à atteindre sont :

– un rapport protéine/créatinine urinaire inférieur à 1 ;– une pression artérielle inférieure ou égale à 125/75 mmHg.En dehors de la néphropathie à lésions glomérulaires minimes, la plupart des

causes de syndrome néphrotique est associée au risque de survenue d’uneinsuffisance rénale chronique.

L’un des principaux facteurs de risque de progression de l’insuffisance rénale estle degré de la protéinurie. En dessous de 1 g/j, le risque est faible, au-delà, le risqueaugmente proportionnellement à l’élévation de la protéinurie.

En effet, dans les conditions normales, les protéines traversent la barrière defiltration glomérulaire et sont ensuite réabsorbées au niveau tubulaire proximal.Le même mécanisme est observé en cas de protéinurie abondante, les protéinesfiltrées réabsorbées étant responsables d’une activation tubulaire proximale. Cecirésulte en la fabrication en excès de substances vasoactives etpro-inflammatoires, qui elles-mêmes sont sécrétées vers l’interstitium rénal etresponsables de lésions inflammatoires. [7]

L’effet délétère de la protéinurie a été démontrées dans l’étude REIN où, pourun contrôle de la pression artérielle identique, le déclin du débit de filtrationglomérulaire, dans une population de non-diabétiques, était significativementplus élevé dans le groupe où la protéinurie était supérieure à 4,3 g/j. [8] Dans cetteétude, alors que les chiffres de pression artérielle étaient identiques chezl’ensemble des patients, la diminution de la protéinurie obtenue par un IECentraînait une réduction de la vitesse de progression de l’insuffisance rénale. Leralentissement de la perte de filtration glomérulaire était corrélé avecl’importance de la chute de la protéinurie.

Ainsi, la mise en route d’un traitement antiprotéinurique (IEC/ARA 2 etdiurétique) nécessite la surveillance mensuelle de la protéinurie ou encore durapport protéine/créatinine sur un échantillon urinaire.

■Quels examens envisager en cas de suspicion

de syndrome néphrotique ?

‚ Examen clinique

– Mesure de la pression artérielle.– Surveillance du poids puisque les œdèmes n’apparaissent qu’après une

prise de poids de 3 kg. On recherchera également des épanchements desséreuses.

– Recherche de manifestations extrarénales, cutanées, articulaires,inflammatoires, neurologiques périphériques…

– Notion de prise médicamenteuse.

‚ Examens biologiques de première intention

– Protéinurie en g/24 h ou sur échantillon avec détermination du rapportprotéine/créatinine urinaire.

– Numération des globules rouges et des globules blancs par mL dans lesurines à la recherche d’une hématurie microscopique (> 10 000 globulesrouges/ml).

– Créatininémie et calcul de la clairance selon la formule de Cockcroft, uréesanguine, ionogramme plasmatique.

– Électrophorèse des protéines sériques.– Cholestérol total, LDL-cholestérol, triglycérides.– Numération-formule plaquettes.En deuxième intention, des examens plus approfondis seront envisagés en

milieu spécialisé en fonction de l’orientation étiologique.

Tableau 4. – Mécanismes de l’insuffisance rénale aiguë dans le syn-drome néphrotique.

- Hémodynamique (syndrome néphrotique majeur, hypoalbuminémie impor-tante)- Œdème interstitiel- Précipitation tubulaire de protéines de haut poids moléculaire- Allergies- Médicament aggravant l’hémodynamique rénale : anti-inflammatoires nonstéroïdiens, inhibiteurs de l’enzyme de conversion- Thrombose bilatérale des veines rénales

Syndrome néphrotique - 5-0515

3

■Place de la ponction-biopsie rénale

dans le syndrome néphrotique

‚ Chez l’enfant

En présence d’un syndrome néphrotique pur, en l’absence de signesextrarénaux et biologiques inhabituels (hypocomplémentémie…), laponction-biopsie rénale (PBR) n’est pas envisagée. En effet, la probabilité que lesyndrome néphrotique soit lié à des lésions glomérulaires minimes est trèsélevée. La corticothérapie est instaurée d’emblée.

En revanche, en présence d’un syndrome néphrotique impur, de signesextrarénaux, d’une hypocomplémentémie, ou en cas de corticorésistance oucorticodépendance du syndrome néphrotique, la biopsie rénale sera effectuée.

‚ Chez l’adulte

En raison de la diversité des néphropathies glomérulaires compliquées desyndrome néphrotique, la PBR est généralement nécessaire pour déterminer letype de glomérulopathie, pour orienter la démarche thérapeutique et pourpréciser le pronostic. Elle est réalisée dans tous les cas lorsque le syndromenéphrotique survient de façon isolée, en l’absence de manifestationsextrarénales, l’ensemble du tableau faisant suspecter une néphropathieglomérulaire primitive.

Lorsque le syndrome néphrotique survient dans le cadre d’une pathologiesystémique déjà identifiée, la réalisation d’une PBR sera discutée au cas par casen fonction des renseignements qu’elle est susceptible d’apporter non seulementà visée diagnostique mais aussi pronostique. Dans certaines situations, la PBRn’est pas indiquée :

– en cas de diabète de types 1 et 2, en raison des arguments suivants : diabèteancien, association à une hypertension artérielle, autres signes demicroangiopathie (rétinopathie diabétique), syndrome néphrotique précédéd’une phase de protéinurie isolée et absence d’anomalies du sédiment urinaire ;

– en cas d’amylose lorsqu’il existe des signes extrarénaux (altération de l’étatgénéral, purpura périorbitaire, macroglossie), si une biopsie d’organe plusfacilement accessible est envisageable pour établir le diagnostic (biopsie desglandes salivaires accessoires, biopsie de la sous-muqueuse rectale, biopsie de lagraisse périombilicale), associée à l’immunohistochimie pour le typage del’amylose (cf. chapitre Glomérulonéphrites).

■Formes histologiques principales

La fréquence des différentes glomérulopathies varie avec l’âge (Tableau 5).Les principales causes du syndrome néphrotique sont résumées dans le

Tableau 6.

■Traitement

Ne seront abordés ici que les traitements symptomatiques du syndromenéphrotique, les traitements des différentes glomérulopathies étant abordés dansle chapitre concerné. Les objectifs thérapeutiques visent à la disparition desœdèmes, à la réduction de la protéinurie et à la prévention des complications dusyndrome néphrotique. [9]

‚ ŒdèmesLes objectifs du traitement du syndrome œdémateux sont multiples :– amélioration de l’esthétique, du confort et parfois restauration de la

mobilité ;– éviter les effractions cutanées, sources d’infection (cellulite) ;– parfois en cas de surcharge hydrosodée majeure, réduire la pression

artérielle et traiter un œdème aigu pulmonaire.Les moyens sont les suivants :– réduire les apports par un régime de 4 à 6 g de sel, correspondant à une

natriurèse de l’ordre de 70 à 100 mEq/j ;– augmenter l’excrétion de sodium par l’utilisation de diurétiques, en préférant

les diurétiques de l’anse (furosémide et bumétanide), fractionnés en deux à troisprises quotidiennes. Il faut souvent utiliser de fortes doses de diurétiques pourobtenir une natriurèse suffisante. L’association de furosémide à un diurétiqued’action plus distale (thiazidique par exemple) peut s’avérer nécessaire.

En pratique :– utilisation du furosémide en débutant par une dose de 120 mg/j ;– administration en deux à trois prises quotidiennes ;– augmentation progressive des doses pour une perte de poids quotidienne

de 1 à 1,5 kg au maximum ;– si la natriurèse demeure insuffisante, on peut augmenter les doses de

furosémide de 40 à 80 mg/j et y associer un diurétique distal, par exemple unthiazidique (hydrochlorothiazide) à la posologie de 12,5 à 25 mg/j ;

– en cas d’hypokaliémie, l’utilisation d’amiloride, réduisant l’excrétion dupotassium, est plus maniable que les antialdostérones.

La surveillance s’effectue par la pesée quotidienne et la surveillance de lafonction rénale, une correction trop rapide pouvant être responsable d’uneinsuffisance rénale aiguë hémodynamique, favorisée par la prise simultanéed’IEC, et de complications thrombotiques.

‚ ProtéinurieEn l’absence de possibilité de traitement spécifique de la néphropathie, le but

du traitement doit viser à diminuer la pression intraglomérulaire, permettant ainsiune réduction de la protéinurie.

Tableau 5. – Fréquence (%) des néphropathies glomérulaires primitivesavec syndrome néphrotique (d’après7).

Néphropathie Enfant Adulte < 60 ans Adulte> 60 ans

LGM 76 20 20HSF 8 15 2GEM 7 40 39Autres 25 25 39

LGM : lésions glomérulaires minimes ; HSF : hyalinose segmentaire et focale ; GEM : glomérulonéphriteextramembraneuse.

Tableau 6. – Principales néphropathies glomérulaires révélées par un syndrome néphrotique (d’après5).

Formes histologiques Association possible Biologie

Lésions glomérulaires minimes Atopie, AINS, maladie de HodgkinHyalinose segmentaire et focale - VIH (race noire) - Sérodiagnostic VIH

- HéroïneGlomérulonéphrite extramembraneuse - Médicaments : sels d’orD-pénicillamine, AINS

- Infection : hépatite B, hépatite C, paludisme - Marqueurs de l’hépatite B, C- Lupus - Anticorps antinucléaires- Néoplasme : sein, poumon, tube digestif

Glomérulonéphrite membranoproliférative - Hépatite C +/- cryoglobuline - Marqueurs de l’hépatite C, cryoglobuline- Endocardite - Hypocomplémentémie- Lupus - Hypocomplémentémie, anticorps anti-nucléaire

Amylose AL - Myélome - Électrophorèse et immunofixation des protéines séri-ques et urinaires

Amylose AA- Polyarthrite rhumatoïde, maladies inflammatoiresdu tube digestif, suppurations chroniques et infectionpar le BK, maladie périodique

Néphropathie diabétique Rétinopathie diabétique, neuropathie diabétique

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; BK : bacille de Koch.

5-0515 - Syndrome néphrotique

4

Une protéinurie abondante et persistante est étroitement corrélée avec larapidité de progression de l’insuffisance rénale. [4]

Les médicaments les plus adaptés dans ce but sont les IEC ou les ARA 2 quipermettent une réduction de la protéinurie de 40 à 50 %. [3] Cet effet est majorépar la prescription d’un régime sans sel et l’administration prudente d’undiurétique. La posologie de l’IEC (ou de l’ARA 2) est progressivement augmentéeafin de parvenir à l’objectif thérapeutique, c’est-à-dire un rapportprotéine/créatinine urinaire inférieur à 1.

Le régime restreint en protéines a également été proposé pour diminuer laprotéinurie ainsi que pour retarder l’évolution vers l’insuffisance rénalechronique ; cependant, ces régimes restreints en protéines (< 0,7 g/kg/j) exposentau risque de dénutrition et nécessitent une surveillance nutritionnelle rapprochéepour assurer un apport calorique quotidien suffisant.

‚ Prévention du risque thromboembolique

Dans tous les cas, en présence d’un syndrome néphrotique, il faut :– favoriser l’activité physique ;

– prescrire des bas de contention ;– limiter la perte de poids à 1,5 kg/j lors de la déplétion des œdèmes. [9]

Tant que persiste une hypoalbuminémie sévère < 20 g/l, un traitementanticoagulant à doses efficaces doit être instauré : AVK avec obtention d’uninternational normalized ratio (INR) entre 2 et 3.

‚ Hyperlipémie

Le traitement de l’hyperlipémie fait appel aux inhibiteurs del’hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A (HMG-Co-A) réductase (statines) qui ontmontré une réduction significative du cholestérol total et du LDL-cholestérol dansle syndrome néphrotique. Ils sont généralement bien tolérés. Les statines sontutilisées à doses progressivement croissantes, jusqu’à la dose maximale, enassociation avec les règles hygiénodiététiques habituelles (activité physique,interruption de l’intoxication tabagique). La posologie est augmentéeprogressivement jusqu’à obtention d’un LDL-cholestérol proche de 1. Lasurveillance nécessite le contrôle biologique des créatine-phosphokinases (CPK).

N. Maisonneuve (Praticien hospitalier)R. Binaut (Praticien hospitalier)P. Vanhille (Praticien hospitalier)

Adresse e-mail: [email protected] de néphrologie et de médecine interne, Hôpital de Valenciennes, avenue Désandrouin, BP 479, 59322 Valenciennes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : N. Maisonneuve, R. Binaut, P. Vanhille. Syndrome néphrotique.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 5-0515, 2003, 5 p

R é f é r e n c e s

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Syndrome néphrotique - 5-0515

5

Traitement de l’impuissance

F. Staerman, D. Malgrange

L e traitement des dysfonctions érectiles a évolué au cours des dernières années. Si la prise en charge étiologiquereste d’actualité lorsqu’elle est identifiée, le symptôme demeure la cible privilégiée. Les traitements oraux

(inhibiteurs des phosphodiestérases V) facilitateurs de l’érection, dont les caractéristiques pharmacologiquespermettent pour certains d’éviter une programmation de l’acte avec peu d’effets secondaires, sont devenus enquelques années la principale option thérapeutique. Cependant, les injections intracaverneuses de prostaglandineE1 gardent une place importante en première intention ou en rattrapage après échec des traitements oraux. Demême, les érecteurs à dépression peuvent également être une alternative pour les patients ne pouvant pas réaliserles injections. Malgré les progrès pharmacologiques, les implants péniens restent indiqués en cas d’échecs destraitements moins invasifs. Chez des patient bien informés, et posés par des urologues ayant une bonne pratique decette chirurgie, le taux de satisfaction est important. En quelques années, l’arsenal thérapeutique s’est doncconsidérablement enrichi et permet de traiter pratiquement tous les patients impuissants qui en font la demande.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Impuissance ; Inhibiteurs des phosphodiestérases ; Prostaglandine E1 ; Implant pénien

�Introduction

Les dysfonctions érectiles regroupent sous une même appellation toutesituation rendant impossible l’obtention et/ou le maintien d’une érectionsuffisante pour une activité sexuelle satisfaisante. Elle doit donc être différenciéedes troubles de l’éjaculation ou de la libido qui peuvent cependant coexister.L’allongement de la durée de vie, la demande d’une meilleure qualité de celle-ciet la mise à disposition de traitements efficaces ont accru la demande de prise encharge des dysfonctions érectiles pour lesquelles le médecin généraliste est lepremier interlocuteur.

L’érection est un mécanisme musculovasculaire par modification de l’état derelaxation des fibres musculaires lisses qui composent les deux corps caverneux,augmentation de l’apport artériel et diminution du retour veineux. Cettevasomotricité est sous la dépendance d’un double contrôle neurologique centralet endothélial local dans une ambiance hormonale liée à la testostérone. Toutealtération d’un de ces facteurs peut causer ou contribuer à la survenue d’unedysfonction érectile.

Un homme sur deux entre 40 et 70 ans a des troubles érectiles à des degrésdivers et la probabilité de dysfonction modérée double entre 40 et 70 ans alorsqu’elle triple pour les dysfonctions sévères. [1] Si le principal facteur de risque estl’âge, il ne doit pas cacher l’origine souvent multifactorielle en rapport avec lesmécanismes physiologiques de l’érection. L’âge intervient sur ces différentsmécanismes ( Fig. 1).

Les facteurs de risque vasculaires sont communs aux dysfonctions érectiles etaux pathologies coronariennes. Ils sont mis en avant actuellement du fait dumécanisme d’action vasodilatateur de la plupart des traitementspharmacologiques actuellement disponibles. Cependant, les dysfonctionsérectiles d’origine vasculaire ne représentent que 10 % de l’ensemble desétiologies des troubles érectiles. Dans cette circonstance, une relation avec lasurvenue d’un infarctus du myocarde dans l’année qui suit est prouvée et unbilan coronarien est recommandé.

Un état d’anxiété et/ou dépressif est souvent associé aux dysfonctionsérectiles. Cause ou conséquence, il ne doit pas être négligé et peut nécessiter uneprise en charge spécifique.

�Traitement

‚ De l’étiologieIl est souvent occulté au profit du traitement symptomatique alors qu’il peut

suffire pour régler définitivement le problème érectile. Il ne doit donc pas êtrenégligé.

Causes médicamenteuses

Certains médicaments peuvent avoir un effet négatif sur les érections(Tableau 1). En cas d’effet iatrogène suspecté, l’arrêt ou la substitution dumédicament doit, si possible, être envisagé pendant 1 mois. [2]

Causes générales

En cas de pathologie générale évolutive, il faut savoir rassurer et fairepatienter. Le traitement d’une insuffisance hépatique ou rénale peut ainsi avoirun effet bénéfique sur l’érection. De même, toute pathologie aiguë (infarctus,infection …) peut s’accompagner d’une dysfonction érectile transitoire quirécupérera après l’épisode.

Tissu caverneux collagèneDysfonction endothéliale

Ambiance hormonale testostérone biodisponible

Contrôle neurologique récepteurs et sensibilité

Comorbidités HTA Hypercholestérolémie Diabète Athérome

Modificationsdu schéma corporel

Médicaments

Âge

Figure 1 Mode d’action de l’âge dans les dysfonctions érectiles.

1

Trai

téde

Méd

ecin

eA

KO

S5-

0695

(20

04

) 5-0695

Pathologie hormonale

Un traitement spécifique peut être proposé en fonction des résultats du bilan(rare hypogonadisme central ou pér iphér ique, exceptionnel lehyperprolactinémie). Une androgénothérapie ne se conçoit qu’en cas d’anomaliebiologique (hypogonadisme) et sous surveillance prostatique.

Traitement à visée psychologique

La fréquence d’une interférence psychologique, qu’elle soit cause ouconséquence du trouble, rend indispensables un soutien et une attentionparticulière à ce niveau. La prise en compte du couple est indispensable dans tousles cas car le rôle de la partenaire est essentiel, parfois favorable à l’améliorationsymptomatique mais parfois aggravant le trouble, voire véritablementresponsable. [3] Pour certains patients, une prise en charge psychothérapeutiqueest parfois nécessaire, mais à condition que le patient soit demandeur, et aprèsavis spécialisé. Certains médicaments à visée psychotrope sont souvent utiles et ilfaut alors privilégier les substances les moins iatrogènes sur le plan sexuel. Lasexothérapie comportementale peut apporter une aide au patient et au couple.

Déséquilibre glycémique

L’augmentation de la fréquence du trouble avec l’hémoglobine A1c doit inciterà l’amélioration de l’équilibre glycémique qui peut parfois améliorer ladysfonction érectile. [4]

Causes artérielles

En cas de lésions aorto-iliaques, la chirurgie ne se discute pas. En revanche, lesrevascularisations distales sont devenues d’indication exceptionnelle, limitées àdes patients jeunes (< 60 ans), sans neuropathie ni diabète, motivés et informéssur les risques d’échecs (de 30 à 40 %).

‚ Du symptôme

Traitements pharmacologiques oraux

En général, la prise en charge initiale fait appel aux traitementspharmacologiques par voie orale. Ce sont des facilitateurs qui nécessitent unestimulation sexuelle pour permettre le développement de l’érection. Aucund’entre eux n’est pris en charge par la Sécurité sociale.

¶ Inhibiteurs des phosphodiestérases VLeur chef de fil est le sildénafil (Viagrat). L’action est locale sur les corps

caverneux en favorisant la relaxation des fibres musculaires lisses par la voie dumonoxyde d’azote. Les effets secondaires (de 15 à 20 %) sont essentiellementd’ordre vasculaire (céphalées, flush, rhinites, gastralgies). Pour le Viagrat, le délaid’action est d’environ 1 heure et la durée d’action de 4 à 5 heures. Les nouvellesmolécules récemment commercialisées (Lévitrat, Bayer GSK ; Cialist, Lilly) ont undélai d’action plus court pour une durée d’action prolongée (jusqu’à 24 heurespour le Cialist), évitant les contraintes de programmation du rapport sexuel(Tableau 2).

Ils sont contre-indiqués chez les patients traités par dérivés nitrés et donneursde monoxyde d’azote. En revanche, les cardiopathies stables pour lesquellesl’activité sexuelle n’est pas déconseillée ne sont pas une contre-indication. Uneconsultation de cardiologie n’est pas nécessaire pour la prescription de cesmolécules en dehors des cardiopathies évolutives.

¶ Apomorphine (Ixenset, Uprimat)Agoniste des récepteurs dopaminergiques centraux dans l’hypothalamus,

l’apomorphine agit par levée de l’inhibition centrale. Administré par voiesublinguale, elle n’a que peu d’effets secondaires (nausées dans 10 % des cas) etaucune contre-indication cardiovasculaire. Son efficacité est cependant moindreque celle des inhibiteurs des phosphodiestérases et elle doit être réservée auxdysfonctions érectiles d’origine psychogène ou aux dysfonctions neurologiquescentrales chez des patients jeunes. En revanche, l’efficacité est très limitée dans lesétiologies artérielles, mixtes (en particulier le diabète) ou après chirurgie pelvienneélargie.

¶ Alphabloquants : yohimbineC’est un bloqueur des récepteurs a2 présynaptiques au niveau central et

périphérique. Peu d’études ont démontré une efficacité supérieure au placebo enmonothérapie. En revanche, il semble plus efficace en association. Son avantageprincipal réside dans la quasi-absence d’effets secondaires, son coût modeste, et ilne faut pas oublier que compte tenu de la participation psychologique dansbeaucoup de dysfonctions érectiles le placebo a jusqu’à 40 % d’efficacité.

Prostaglandines

La prise en charge initiale peut également se faire par l’injectionintracaverneuse de drogues vasoactives. Elle est cependant plus volontiersutilisée en deuxième intention après échec des traitements oraux ou danscertaines étiologies organiques. La prostaglandine E1 est la seule ayantl’autorisation de mise sur le marché dans cette indication (Edext, Caverjectt). Elleest très efficace et a une action inductrice de l’érection, ce qui la différencie destraitements oraux. Son remboursement par la Sécurité sociale est possible danscertaines indications en tant que médicament d’exception (neurologiques : para-et tétraplégies, neuropathie diabétique avérée et sclérose en plaques ; séquellesde chirurgie : anévrisme de l’aorte abdominale, prostatectomie radicale,cystectomie totale et exérèse colorectale ; séquelles de la radiothérapieabdominopelvienne ou du priapisme, traumatismes du bassin compliqués detroubles urinaires).

La dose dépend de l’étiologie de la dysfonction. Elle peut être faible, enparticulier chez les patients neurologiques du fait d’une hypersensibilité dedénervation (5 µg et moins). Les effets secondaires sont peu fréquents. Lesérections prolongées dépendent essentiellement des modalités de mise en routedu traitement et des doses utilisées. Les douleurs des corps caverneux sontprésentes chez 10 à 20 % des patients.

Son utilisation comme test diagnostique et/ou thérapeutique à la consultationest également intéressante. La dose de départ est en règle générale de 10 µg. [5]

Elle permet selon le contexte et le résultat clinique d’orienter l’enquête étiologiquevers une cause psychologique ou organique. Cela est particulièrement vrai pourles dysfonctions érectiles survenant dans un contexte neurologique (central ouaprès chirurgie pelvienne) ou le diabète. La réponse à ce test est un facteurprédictif de l’évolution clinique de la dysfonction.

La prostaglandine est également proposée en instillation intra-urétrale(Muset). Le mécanisme d’action physiologique est peu clair mais l’importance desdoses de prostaglandine nécessaires laisse penser que l’action se fait par voiegénérale. En dehors de son côté plus pratique que la voie injectable, il existe deseffets secondaires locaux urétraux (douleurs, 40 % d’urétrorragies) et descontre-indications liées à la partenaire du fait de l’action de la prostaglandineéjaculée sur le col utérin. Son coût est une limitation supplémentaire.

Érecteur à dépression (Vacuum)

Il s’agit, comme le montre la Figure 2, d’un cylindre creux relié à un système depression négative, permettant de provoquer une érection, celle-ci étant

Tableau 1. – Principaux médicaments susceptibles d’altérer les érections

Antihyperten-seurs

Toutes les molécules peuvent être responsables de dysfonc-tion érectile par leur effet hypotenseur qui entraîne uneréduction potentielle de l’afflux sanguin. Les b bloqueursont un rôle supplémentaire d’altération du contrôle neuro-logique de l’érection

Hypolipémiants FibratesPsychotropes La majorité des molécules peuvent interférer, notamment

les antidépresseurs et les antipsychotiquesAntiulcéreux Anti-H2 (cimétidine)Hormones - Antiandrogènes

- Œstrogènes

Tableau 2. – Inhibiteurs des phosphodiestérases V actuellement commercialisés

DCI Nom commercial Posologie Cmax moyenne Demi-vie

Sildénafil Viagrat 25, 50 et 100 mg 60 min 3 à 5 hVardénafil Lévitrat 5, 10 et 20 mg 60 min 4 à 5 hTadalafil Cialist 10 et 20 mg 120 min 17 h

DCI : dénomination commune internationale ; Cmax : concentration sérique maximale.

5-0695 - Traitement de l’impuissance

2

maintenue par la mise en place d’un élastique à la base de la verge. L’efficacitéd’un tel système dépasse 80 %, quelle que soit la cause. [6] Il s’agit d’unealternative aux injections intracaverneuses, mais surtout à la prothèse pénienne.Le seul problème est celui de son acceptation psychologique par le patient quipeut trouver le système un peu « encombrant » ou ressentir parfois une gêneprovoquée par l’élastique.

Implants péniens

Gonflables ou semi-rigides, ils sont un excellent traitement du symptôme chezles patients pour lesquels les traitements pharmacologiques ont échoué ou pourceux qui ne souhaitent pas la programmation de l’acte qu’induit nécessairementun traitement pharmacologique. Ils ne doivent donc être proposés qu’endeuxième intention. La condition de la satisfaction dépend surtout d’une bonneinformation préopératoire du couple sur les résultats et d’une bonne techniquede pose par un urologue habitué à ce type de chirurgie.

La mise en place d’une prothèse ne modifie ni la sensibilité pénienne, nil’éjaculation, ni l’orgasme s’ils étaient encore présents au moment del’implantation.

Les complications mécaniques sont exceptionnelles. Le principal risque,comme pour toute prothèse, est infectieux, mais demeure rare (3 %) en dehorsdes patients diabétiques (8 %). [7]

Ils sont également indiqués dans le traitement des dysfonctions érectilesassociées aux courbures acquises de verge (maladie de La Peyronie).

�Conclusion

Le traitement des dysfonctions érectiles comporte de multiples facettes. Ilimporte de toujours évoquer la possibilité d’une cause pouvant relever d’untraitement spécifique. Les traitements symptomatiques ont une efficacité et unesimplicité grandissantes qui permettent leur utilisation de plus en plus facile.L’avenir repose sur l’amélioration de l’efficacité et la réduction descontre-indications et des effets secondaires des médicaments, et sur la meilleureconnaissance de la physiologie de l’endothélium et de la cellule musculaire lissedu corps caverneux.

F. Staerman (Professeur des Universités, chef de service)Adresse e-mail: [email protected]

Département d’urologie-andrologie, hôpital Robert Debré, CHU Reims, avenue du général Koenig, 51092 Reims cedex, France.D. Malgrange (Praticien hospitalier)

Service de diabétologie, maladies métaboliques et médecine interne, Hôpital Robert Debré, CHU REIMS, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F. Staerman, D. Malgrange. Traitement de l’impuissance.Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Traité de Médecine Akos, 5-0695, 2004, 3 p

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[7] Schoepen Y, Staerman F. Prothèses péniennes et infection. Prog Urol 2002;12: 377-383

Figure 2 Utilisation d’un vacuum.

Traitement de l’impuissance - 5-0695

3

Tumeurs du rein

JM Hervé

L a tomodensitométrie est l’examen de choix pour le diagnostic et pour la stadification préthérapeutique descancers du rein.

© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

Les tumeurs du rein regroupent un ensemble desituations histologiques variées, allant du kysteparfaitement bénin au cancer extrêmement agressif.Le cancer du rein, avec 5 000 nouveaux cas chaqueannée, représente le troisième cancer urologique parordre de fréquence. Toute la démarche diagnostiqueest donc conditionnée par le fait que toute tumeurrénale doit être considérée comme maligne jusqu’àpreuve du contraire, d’autant que 10 % seulementdes tumeurs solides du rein s’avèrent bénignes, lediagnostic de certitude n’étant le plus souventapporté que par l’examen anatomopathologique dela pièce d’exérèse.

■Démarche diagnostique

La démarche diagnostique, orientée par les pointsd’appel clinique que nous verrons dans leurparticularité en fonction du type de tumeur, estactuellement conditionnée par l’apport del’échographie, de la tomodensitométrie (TDM) et del’imagerie par résonance magnétique (IRM) (fig 1).

■Classification pathologique

Elle est résumée dans le tableau I.

■Tumeurs malignes

‚ Carcinome à cellules rénales

Épidémiologie

Il représente 3 % de tous les cancers, ce qui en faitune tumeur relativement rare. Il touche deuxhommes pour une femme, entre 40 et 60 ans. Lerisque en est multiplié par deux par le tabagisme.L’incidence est plus élevée dans la maladie de vonHippel-Lindau et en cas de maladie polykystiquerénale. Enfin, il existe des formes familiales.

Histologie

On peut distinguer quatre types histologiquesdifférents :

– carcinome à cellules claires : 60 à 80 % descancers du rein, caractérisé par la délétion du brascourt du chromosome 3 (3p). Il est constitué de

contingents de cellules claires, éosinophiles oufusiformes. Le grade nucléaire de Fuhrmanndistingue quatre types de signification histopronos-t ique indépendante de la stadificat ionmorphologique ;

– carcinome tubulopapillaire : 10 à 15 % descancers du rein, caractérisé par l’existence de latrisomie 7, 16 et 17, translocation des chromosomes1 et X, et délétion du chromosome Y. Son pronosticest plus favorable que le carcinome à cellules claires ;

– carcinome à cellules chromophobes : 4 à 7 %des tumeurs du rein, de pronostic peut-être plusfavorable que celui du carcinome à cellules claires ;

– carcinome des tubes collecteurs de Bellini : 1 à6 % des cancers du rein, de pronostic très sombre.

Masse rénale

Kystique Solide

Kyste simple Kyste atypique

IRM IRM

Thrombus ?

Stop

Chirurgie

Angiomyolipome

(Échographie – Scanner)

Surveillance3 à 6 mois

Biopsie ?

1 Démarche diagnostiquedevant une masse rénale.

Tableau I. – Classification des tumeurs.

Tumeurs bénignes

KysteOncocytomeAngiomyolipomeAutres tumeurs bénignes (léiomyome, hémangiome,fibrome)

Pseudotumeurs

Anévrisme artère rénaleMalformations artérioveineuses

Tumeurs malignes

Carcinome à cellules rénalesLymphomeLéiomyosarcomeLiposarcomeRhabdomyosarcomeHistiofibrosarcomeMétastasesAtteinte par contiguïtéTumeur de Wilms

Tumeurs inflammatoires

AbcèsTuberculoseNéphrite xanthogranulomateuse

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Symptomatologie

Les symptômes rencontrés dans le cancer du reinsont soit liés au développement local de la tumeur,soit à celui des métastases, soit enfin à la productionexcessive et non régulée de substances dont le reinest physiologiquement producteur ou non, et alorsresponsable de syndromes paranéoplasiques.

La douleur du flanc et l’hématurie sont lessymptômes le plus fréquemment rencontrés,constituant la triade classique quand est retrouvéeune masse du flanc. Ne sont pas rares la perte depoids, la fièvre, la sudation nocturne, l’apparitionrécente d’une varicocèle. L’hypertension artériellepeut être secondaire à l’occlusion par la tumeurd’une branche de l’artère rénale, ou à la productionpar la tumeur d’une substance rénine-like.

Parmi les syndromes paranéoplasiques, sontconnus :

– l’hypercalcémie qui peut être liée à uneproduction tumorale interférant avec le métabolismede la vitamine D ou au développement demétastases osseuses ;

– la polyglobulie liée à la production anormaled’érythropoïétine ;

– le syndrome de Stauffer, associant hépatomé-galie, fièvre, leucopénie, augmentation desphosphatases alcalines, zones de nécroseshépatiques sans métastases ;

– des productions tumorales de substancesvariées (glucagon, parathormone, bêta-humanchorionic gonadotrophin [hcG], insulin-like growth[IGF]) ont été également décrites.

Tous ces syndromes peuvent régresser aprèsnéphrectomie, leur persistance ou réapparitiontémoignant alors d’une reprise évolutive de lamaladie.

Enfin, les atteintes métastatiques peuvent siégerau poumon, au foie, à l’os, à l’encéphale, pour lesplus communes.

Diagnostic radiologique

Le diagnostic des tumeurs du rein a étéradicalement transformé par l ’apport del’échographie et de la TDM. On considère que deuxtiers des tumeurs rénales de développement limitésont découvertes fortuitement, et donc à un stadeplus précoce et asymptomatique, améliorant ainsi lepronostic.

L’échographie permet de distinguer les tumeursliquidiennes kystiques des tumeurs solidestissulaires.

Le diagnostic de kyste simple bénin est posé defaçon définitive par l’échographie, pour autant quetous les critères de bénignité soient rassemblés :l’absence d’échogénicité du contenu du kyste, uneparoi kystique fine et régulière, une forme arrondierégulière, le renforcement échogénique postérieurpar la paroi du kyste. Tout kyste qui ne regroupepas l’ensemble de ces critères est considéré commeatypique et nécessite un complément d’explo-ration, a priori par scanner.

Les tumeurs solides du rein ont une échogénicitévariable, soit en plus, soit en moins par rapport autissu rénal, leur forme peut être irrégulière avec des

contours peu nets, sauf dans le cas de petitestumeurs qui retentissent rarement sur les cavitésrénales.

La TDM est l’examen de choix pour le diagnosticet pour la stadification préthérapeutique des cancersdu rein. La seule limitation à son utilisation estl’insuffisance rénale qui peut être majorée parl’injection d’iode.

Le diagnostic de kyste simple répond là encore àdes critères très stricts concernant la bénignité : ladensité hydrique, l’absence de paroi kystique visible,l’absence de modification de ces éléments aprèsinjection de produit de contraste, les contoursréguliers, l’absence de tissu, de sang ou decalcification intrakystique. Si tous les critères ne sontpas réunis, le kyste est alors considéré commeatypique et le diagnostic de malignité évoqué.

L’intérêt du scanner dans les cancers du rein estdouble :

– le diagnostic est souvent évident devant unetumeur parenchymateuse plus ou moinsvolumineuse et irrégulière, plus ou moinshétérogène, déformant les contours du rein, pouvantretentir sur la voie excrétrice ;

– la stadification : le degré d’extension locale(capsule et graisse périrénale) l’état du reincontrolatéral (fonction, tumeur bilatérale), l’atteinteganglionnaire (avec néanmoins des faux positifs),l’atteinte veineuse (thrombus dans la veine rénale,dans la veine cave), l’extension métastatique parcontiguïté (péritoine, paroi musculovertébralepostérieure, tractus digestif) ou à distance (hépatique,pulmonaire, cérébrale, osseuse).

¶ Examens de deuxième rangDans la grande majorité des cas, la TDM permet

de poser le diagnostic de cancer du rein et d’en fairela stadification. Il existe néanmoins un certainnombre de situations où il est nécessaire de modifierou de compléter le bilan.

En cas d’insuffisance rénale, où l’injection d’iodeest déconseillée, l’IRM avec injection de gadoliniumapporte une précision comparable à celle duscanner, sauf en cas de petites lésions (moins de3 cm de diamètre).

En cas de kyste atypique, dans les cas où l’IRMn’apporte pas la solution, il est discuté laponction-aspiration du liquide kystique en vue d’uneanalyse cytologique. Néanmoins, seule la présencede cellules malignes dans le liquide établit lediagnostic, et leur absence ne l’exclut pas.L’exploration chirurgicale est alors justifiée pourconfirmation ou infirmation histologique. Unesolution intermédiaire peut également êtreproposée, qui est la recherche d’un argumentd’évolutivité, par la réalisation d’un scannercomparatif 3 à 6 mois plus tard.

En cas de thrombus dans la veine cave, l’IRMpermet une excellente visualisation de l’extrémitésupérieure du thrombus, et notamment ses rapportsavec les veines sus-hépatiques et l’oreillette droite,qui conditionnent la voie d’abord chirurgical. Lacavographie est virtuellement inutile depuis l’IRM.

L’artériographie rénale sélective n’a plus guèred’indication de nos jours, sauf dans le cadre d’unbilan anatomique préopératoire dans des

indications de cancer sur rein unique ou de tumeursbilatérales pour lesquels une néphrectomie partielleest discutée.

Classifications

La classification de Robson est historiquement laplus connue, mais doit être abandonnée au profit dela classification TNM (tumor, nodes, metastasis) quireflète mieux la situation pronostique (tableau II).

Facteurs pronostiques

– La taille : les tumeurs de plus de 10 cm dediamètre ont un très mauvais pronostic,comparativement aux tumeurs de moins de 5 cm,elles-mêmes de meilleur pronostic que les tumeursde 5 à 10 cm.

– Le grade nucléaire de Fuhrmann est un bonprédicteur de la survie quel que soit le stade.

– L’existence d’un thrombus tumoral dans laveine rénale, voire dans la veine cave inférieure, nesemble pas affecter le pronostic, pour autant que sonexérèse ait pu être complète (survie à 5 ans de 50 à70 % en l’absence d’autres signes d’extensionmétastatique).

– L’envahissement ganglionnaire est enrevanche de très mauvais pronostic (survie à 5 ansde 0 à 30 %).

– L’extension locorégionale au-delà du fascia deGerota (qui limite la loge rénale) est de mauvaispronostic (survie à 5 ans de 45 %), plus encore encas d’atteinte d’organes de voisinage (survie à 5 ans :0 %).

Traitement du cancer du rein localisé

¶ Néphrectomie élargieLe traitement du cancer localisé repose sur

l’exérèse de toute la tumeur passant en tissu sain.L’intervention de référence est la néphrectomieélargie, emportant la loge rénale dans les limites dufascia de Gerota et son contenu : rein, surrénale etganglions lymphatiques du pédicule rénal. Le curageganglionnaire ne semble pas avoir de vertu curative,mais son utilité dans le cadre de la stadificationpronostique est évidente. La voie d’abord antérieuretranspéritonéale, permet une ligature première del’artère et de la veine sans manipulation du rein et dela tumeur. Elle autorise de plus un contrôle direct dela veine cave inférieure en cas de thrombus tumoral

Tableau II. – Classification TNM (tumor,nodes, metastasis) 1997.

T1 Tumeur intracapsulaire< 7 cmT2 Tumeur intracapsulaire > 7 cm

T3a Atteinte surrénale et/ou graisse péri-rénale

T3b Thrombus veine rénale et/ou cave sous-diaphragmatique

T3c Thrombus veine cave sus-diaphragmatique

T4 Envahissement organes de voisinage

N0 Pas de métastase ganglionnaireN1 Métastase ganglionnaire uniqueN2 Métastases ganglionnaires multiples

M0 Pas de métastase à distanceM1 Métastase à distance

5-0620 - Tumeurs du rein

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rénal ou cave. Les autres voies sont la lombotomiesur la 11e côte, d’abord latéral et la voiethoracoabdominale. La voie cœlioscopique en est àses balbutiements.

Il est parfois utile, en cas de volumineuse tumeurhypervascularisée ou en cas de thrombus dans laveine cave, afin de réduire le risque hémorragiqueveineux lié à la vascularisation collatérale, depratiquer une embolisation sélective préopératoirede l’artère rénale.

En cas de thrombus cave remontant au-delà dudiaphragme (jusque dans l’oreillette droite), il estnécessaire de faire une voie thoracique associée afinde contrôler l’extrémité supérieure du thrombus,voire d’utiliser les techniques de circulationextracorporelle.

Globalement, les résultats de la néphrectomieélargie en terme de survie à 5 ans sont, dans lesstades T1, de 95 % ; dans les stades T2, T3a, T3b,N0, M0, de 60 à 80 % ; dans les stades T3c, T4, N +,M + : de 0 à 35 %.

En cas de tumeur résiduelle, l’adjonction d’uneradiothérapie pré- ou postopératoire n’a pasd’influence sur la survie, mais pourrait retarder larécidive locale.

Néphrectomie partielle

Développée initialement dans le contexte destumeurs bilatérales ou sur rein unique, avecd’excellents résultats en terme de survie à 5 ans,l’intérêt pour cette technique s’est accru devant ladécouverte fortuite de petites tumeurs asymptoma-tiques grâce à l’échographie. En effet, le taux derécidives locales est de 6 à 10 %, et serait en fait lié àla multiplicité de certaines lésions. Cette technique depréservation rénale serait valable pour des tumeursne dépassant pas 4 cm de diamètre, en fonctionégalement de leur situation au sein du parenchymerénal, rendant faisable ou non l’exérèse en tissu sainavec une marge de sécurité suffisante.

Traitement du cancer rénal métastatique

¶ ChimiothérapieLe cancer du rein est chimiorésistant, avec des

taux de réponse ne dépassant 6 %. L’association5-fluorouracil, interleukine (IL) 2 et interféron alphapermettrait d’atteindre 15 % de réponse objective.

¶ HormonothérapieLa sensibilité du cancer du rein aux traitements

antiœstrogéniques ne s’est pas confirmée dans lapratique clinique.

¶ ImmunothérapieL’interféron alpha (lymphokine) a une efficacité

limitée, de l’ordre de 15 %, et n’aurait d’intérêt quedans le cas de métastases peu nombreuses,essentiellement pulmonaires ; il ne semble pasaméliorer le pronostic vital.

L’IL 2, modulateur de lymphocytes T (lymphokineactivated killer cells [LAK]) et des natural killer cells(NK) obtient des réponses de l’ordre de 15 %, avecdes reculs impressionnants en cas de réponsecomplète, mais au prix d’effets secondairesn’autorisant son utilisation que chez des patients enbon état général.

L’association IL 2-interféron alpha permettrait deréduire la toxicité, en modulant les administrationsintraveineuses et sous-cutanées, avec des taux deréponse comparables.

L’utilisation des tumor infiltrating lymphocytes(TILs) utilisant les lymphocytes T intratumoraux,activés in vitro par de l’IL 2 et réinstillés au patient, apour but d’augmenter l’activité antitumoralenaturellement développée par les défenses dupatient. Différents protocoles sont en cours, enassociation avec de l’interféron, du cyclophos-phamide, les CD8 purifiés et de l’IL 2.

La thérapie génique en est encore à sesbalbutiements.

En pratique clinique, l’amélioration du pronosticen cas de cancer métastatique ou localementavancé n’est actuellement que très succincte par lesdifférents traitements adjuvants existants, et restelimitée dans l’attente de nouvelles molécules et denouveaux protocoles d’immunothérapie.

¶ Néphrectomie palliativeLa néphrectomie peut être justifiée dans certaines

indications limitées, chez le patient métastatique :– en cas de symptômes sévères comme les

syndromes hémorragiques majeurs, les douleursmal contrôlées, les syndromes paranéoplasiques, lacompression des viscères voisins, pour autant quel’état général le permette ;

– en cas de métastases uniques ou paucipolaires(pulmonaires) extirpables, là encore en fonction del’état général ;

– dans le cadre de protocoles d’immunothérapieoù la néphrectomie est nécessaire pour larécupération et la sélection des TILs, ou à visée deréduction tumorale.

L’extrême rareté des régressions spontanées desites métastatiques après néphrectomie, toujoursmythiquement évoquées, ne peut en soi justifierl’indication opératoire.

‚ Autres tumeurs malignes du rein

Sarcomes

Ils représentent 1 à 3 % des tumeurs solides durein, leur fréquence augmentant avec l’âge.Cliniquement, il s’agit souvent d’une volumineusemasse du flanc, parfois associée aux symptômesclassiques du cancer du rein (douleur, hématurie).L’aspect TDM de cette masse souvent volumineuseest peu spécifique, mais l’absence d’adénopathiesassociées peut être évocatrice.

Les léiomyosarcomes représentent 60 % dessarcomes. Le traitement est l’exérèse chirurgicale,avec un pronostic favorable quand elle est complète,voire itérative en cas de récidive locale.Chimiothérapie et radiothérapie adjuvantes n’ontpas fait preuve de leur efficacité.

Les liposarcomes représentent 20 % dessarcomes. Ils sont facilement confondus avecl’angiomyolipome, et le traitement en est l’exérèsechirurgicale associée, en cas de maladie résiduelle, àla radiothérapie postopératoire et à lachimiothérapie.

Les sarcomes ostéogènes et les rhabdomyosar-comes sont très rares, et de pronostic très sombre dufait d’un potentiel métastatique important.

Les histiofibrocytomes malins surviennentfréquemment dans l’espace rétropéritonéal. En casd’atteinte rénale, l’exérèse chirurgicale peut êtrecomplétée par l’irradiation, du fait de récidive localefacile.

Les hémangiopéricytomes sont des tumeurshabituellement bénignes, avec néanmoins unpotentiel métastatique dans 15 % des cas. L’exérèsechirurgicale peut être rendue difficile par leurcaractère hypervascularisé.

Lymphomes

Le diagnostic de lymphome, en dehors des cas demanifestation rénale de la maladie systémique déjàconnue, peut se poser devant une masse rénaleisolée en diagnostic différentiel du carcinome àcellules rénales. L’aspect TDM peut faire évoquer lediagnostic devant des nodules intraparenchymateuxmultiples, une infiltration diffuse du parenchymerénal, l’association à des adénopathies aorticocaves.La biopsie sous scanner de la masse ganglionnaireou du rein apporte alors le diagnostic. Le traitementest bien évidemment celui du lymphome par lachimiothérapie adaptée, la néphrectomie nes’envisageant qu’en cas de symptômes sévères, telleune hémorragie incontrôlable.

Métastases

Le rein est un site fréquent de métastases, plusparticulièrement en cas de cancer du poumon. Ellessont rarement symptomatiques. Leur aspect TDM neles distingue guère de lésions primitives, et laquestion peut se poser en cas de lésion pulmonaireassociée de cancer primitif pulmonaire avecmétastase rénale, ou de cancer rénal avec métastasepulmonaire. La biopsie sous scanner de la masserénale, ou transbronchique, de la lésion pulmonairepermet de trancher.

■Tumeurs bénignes

‚ Oncocytome rénal

Il représente 10 à 15 % des tumeurs solides durein. Les circonstances de découverte sont la plupartdu temps fortuites, du fait d’un caractère longtempsasymptomatique, et c’est souvent à l’occasion d’uneéchographie demandée pour une autre raison quela tumeur est révélée. Le diagnostic peut être évoquéen préopératoire sur l’aspect TDM de tumeur bienencapsulée, avec un centre plus dense, des travéescentrifuges en « rayons de roue », sans que cescaractéristiques soient suffisamment spécifiques etn’excluent un carcinome à cellules rénales. Laconfirmation de la bénignité n’est apportée que parl’analyse histologique définitive, dans le cadre d’unechirurgie si possible conservatrice qui se discute encas de tumeur de moins de 4 cm ou de biopsiespréopératoires.

‚ Angiomyolipome rénal

C’est une tumeur bénigne représentant 3 % destumeurs solides du rein. Il peut survenir de façon isolée,mais également dans le cadre de la sclérose tubéreuse

Tumeurs du rein - 5-0620

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de Bourneville. Près de 50 % des patients porteursd’angiomyolipome ont également au moins unstigmate de sclérose tubéreuse, ce qui implique undépistage rigoureux à la recherche d’angiomyolipomeen cas de sclérose tubéreuse, et réciproquement.

Le mode de révélation est variable :– souvent de découverte fortuite à l’occasion

d’une échographie demandée pour d’autres raisons,ou dans le cadre de l’exploration d’une sclérosetubéreuse ;

– devant des symptômes abdominaux à type degêne ou de retentissement digestif ;

– enfin, en cas de rupture hémorragique de latumeur. Le tableau associe douleur violente du flancet hypotension, selon l’intensité de l’hémorragie.

En dehors de ce tableau hémorragique, l’aspectradiologique est le reflet des composants de latumeur qui en tire son nom : à l’échographie, latumeur est très hyperéchogène du fait de la

présence de graisse et, au scanner, la présence degraisse est quasi pathognomonique. Il existe desformes bilatérales, voire multiples, notamment dansla sclérose tubéreuse.

Sur le plan thérapeutique, les indications varientselon la taille et l’évolutivité de l’angiomyolipome. Eneffet, le risque évolutif spécifique de cette tumeur estla rupture hémorragique. On peut donc proposer leschéma thérapeutique suivant :

– en cas d’angiomyolipome de moins de 4 cmasymptomatique, la surveillance échographiqueannuelle paraît suffisante en l’absence d’augmen-tation de volume, semestrielle en cas de tumeur deplus de 4 cm ;

– si la tumeur grossit, ou en cas de tumeurvolumineuse, ou s’accompagnant de symptômessévères, on peut alors proposer une embolisationsélective si elle est réalisable ou une exérèsechirurgicale préservant le reste du parenchyme rénal ;

– en cas de rupture hémorragique, l’embolisationde première intention est de règle, suivie d’exérèsechirurgicale si possible conservatrice en cas detumeur volumineuse.

■Conclusion

Le diagnostic des tumeurs du rein est dominédans la grande majorité des cas par le cancer rénal.L’exérèse chirurgicale par la néphrectomie élargie enest actuellement le seul traitement potentiellementcuratif, avec un pronostic excellent en cas de tumeurlocalisée. Le nombre croissant de tumeursdécouvertes fortuitement par l’échographie à unstade asymptomatique rend cette situationheureusement plus fréquente.

Jean-Marie Hervé : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris, assistant dans le service d’urologie,hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Hervé. Tumeurs du rein.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0620, 1999, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Campbell’s urology. 7th edition. 1998 : vol 3 ; 76 : 2283-2326 [2] Symposium du comité de cancérologie de l’association française d’urologie,octobre 1990, septembre 1996.Prog Urol 1998 ; 8 (suppl 3) : 9-23

5-0620 - Tumeurs du rein

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Tumeurs vésicales

T Lebret

L es tumeurs de vessie sont des tumeurs de l’urothélium qui peuvent s’associer à des lésions tumorales de toutela voie excrétrice.

Toute hématurie macroscopique, survenant même sous traitement anticoagulant, doit faire la preuve de sonorigine.Toute impériosité mictionnelle de survenue récente chez un homme fumeur doit faire évoquer une tumeur viscérale.Seule l’endoscopie peut affirmer le diagnostic de tumeur vésicale.© 1999 , Elsevier, Paris.

■Introduction

La pathologie tumorale de la vessie regroupe desentités histologiques très hétérogènes. En pratique, ilpeut s’agir de polypes totalement bénins ou bien aucontraire de tumeurs hautement malignes. Ceslésions vésicales sont presque toujours despathologies de l’urothélium et peuvent êtresuperficielles ou, au contraire, infiltrer les plansprofonds (muscle puis séreuse). C’est l’association deces deux critères (différenciation histologique etdegré d’infiltration), ajoutée au statut ganglionnaireet métastatique qui déterminent le pronostic de latumeur vésicale.

Le plus souvent découverte par une hématurie,elle nécessite toujours un premier temps de résectionendoscopique qui permet le diagnostic histologiqueprécis. En fonction de ces résultats anatomopatholo-giques, le traitement sera adapté. En cas de tumeursuperficielle, la surveillance doit être la règle afin deguetter la récidive ou l’infiltration, qui malheureu-sement sont fréquentes. En cas de tumeur infiltrantle muscle vésical, l’évolution vers les métastases està craindre, le traitement par cystectomie totale restele traitement de référence.

Lorsque la tumeur vésicale est prouvée, il estimpératif de rechercher d’autres localisationstumorales, car cette pathologie de vessie est unevéritable « maladie de l’urothélium ». Les polypespeuvent ainsi se propager sur l’ensemble des voiesurinaires, des calices rénaux au méat urétral.

■Épidémiologie

‚ Quelques chiffres

Le cancer de vessie arrive au deuxième rang destumeurs urologiques après le cancer de la prostate,et représente près de 4 % des décès par cancer enFrance. Il représente 5,5 % de tous les cancersdiagnostiqués.

Il est trois fois plus fréquent chez l’homme(quatrième cancer le plus fréquent après la prostate,le poumon et le cancer colorectal), que chez lafemme (représente 2,3 % de l’ensemble des cancersféminins et occupe le huitième rang). Il estresponsable de 2,6 % de décès chez l’homme et de1,4 % chez la femme.

Le cancer de vessie est approximativement deuxfois plus fréquent dans la race blanche que dans larace noire, il semble que le taux de tumeurssuperficielles soit plus important dans la raceblanche. Cette dernière constatation estprobablement due à des facteurs socioéconomiquesliés à l’accès aux soins et au diagnostic précoce.

Le cancer de la vessie atteint l’homme en secondepartie de vie ; l’âge moyen de découverte estactuellement de 65 ans. Il récidive très fréquemmentmais n’est pas obligatoirement à l’origine du décèsdu patient. Ceci explique qu’il occupe la quatrièmeplace en incidence dans la population américaine,mais en revanche la deuxième place pour laprévalence chez les sujets de plus de 50 ans.

Depuis les années 1950, l’incidence du cancer dela vessie a progressé approximativement de 50 %,alors que sur la même période, le taux de mortalitépour cancer de la vessie a décru approximativementde 33 %. Cette réduction de la mortalité toucheessentiellement l’homme. Contrairement àbeaucoup d’autres cancers urologiques (prostate,rein), dans les séries autopsiques, il est très rarementretrouvé incidentalement.

‚ Facteurs de risque

L’intoxication tabagique est le principal facteurde risque retrouvé. Le nombre de cigarettes fumées,le nombre de cigarettes inhalées, et l’ancienneté del’intoxication sont des facteurs corrélés à la survenuedes tumeurs vésicales. À partir de 15 paquets-années, ce risque persiste jusqu’à 20 ans après l’arrêtde l’intoxication tabagique. Il faut y associer lesfacteurs de risque professionnel : certains dérivés desproduits industriels, notamment les dérivés utilisés

dans la fabrication du caoutchouc, de la peinture etdes colorants, dont notamment l’aniline.

L’ingestion fréquente de café et l’usage répétéd’analgésiques locaux ont été incriminés dans lagenèse du carcinome urothélial. La présence decalculs dans la vessie ou d’infections répétéespeuvent être à l’origine d’une agression de lamuqueuse et conduire à des dysplasies. D’autresproduits ont été incriminés dans la carcinogenèsedes tumeurs de vessie, comme la phénacétine oubien les sucres artificiels comme la saccharine ou lecyclamate. Leur rôle exact n’a pas encore étédémontré.

La genèse du carcinome de vessie est en fait due,comme beaucoup d’autres cancers, à des mutationsgénétiques. Une des mutations génétiques les plusfréquemment retrouvées en cancérologie est lamutation du gène p53 porté sur le chromosome 17.La protéine p53, qui naturellement protège del’excès de mitoses en bloquant les cellulesanormales, est alors mutée et ne permet plusl’apoptose cellulaire. Son rôle exact dans lapathologie tumorale de vessie n’est pas encoreparfaitement connu, mais avec d’autres mutationsgénétiques, elle participe très probablement àl’oncogenèse.

Aucun facteur héréditaire n’a été mis en évidencecomme facteur de risque des tumeurs de vessie.

■Anatomopathologie

‚ Histologie de la tumeur

Rappel sur l’urothélium normal

L’urothélium de la vessie est un épithéliumtransitionnel comprenant de trois à sept couchescellulaires. Cet urothélium repose sur une couche decellules basales sous laquelle se trouve unesous-muqueuse également appelée chorion. Lescouches plus profondes sont représentées par deuxcouches musculaires, puis ensuite la séreuse quilimite la vessie de la graisse périvésicale.

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Lésions histologiques de l’urothélium

L’hyperplasie épithéliale est une anomaliehistologique où l’on peut voir une augmentation dunombre de couches cellulaires sans anomalie dunoyau ni de l’architecture. Ces lésions sontparfaitement bénignes et ne récidivent querarement.

La métaplasie urothéliale désigne la présenced’un épithélium non urothélial au sein de la vessie. Ilpeut être soit épidermoïde (métaplasie squameuse),soit glandulaire (métaplasie adénomateuse). Il peuts’agir alors de lésions précancéreuses.

Les tumeurs urothéliales représentent plus de90 % des tumeurs vésicales. Il s’agit de carcinomesépithéliaux vésicaux à cellules transitionnelles. Lestumeurs épidermoïdes sont plus rares, faisant suitesouvent à une bilharziose vésicale. Les sarcomes oules tumeurs métastatiques sont encore beaucoupplus rares.

Le carcinome à cellules transitionnelles sedifférencie de l’urothélium normal par le nombreaccru de couches de cellules épithéliales, avec desaspects papillaires de la muqueuse, une perte de lapolarité cellulaire, et une maturation cellulaire (de labasale aux cellules superficielles) anormale, descellules géantes, des irrégularités nucléaires, uneaugmentation de l’index nucléocytoplasmique, uneaugmentation de la taille des nucléoles et enfin,surtout, un nombre accru de mitoses.

Les autres types de cancers urothéliaux sontreprésentés par le carcinome à cellulessquameuses. Il fait suite très souvent à la bilharziose.En Égypte, par exemple, 80 % des carcinomes àcellules squameuses font suite ou sont associés àl’infection par le Shistosoma haematobium. Lesautres causes de carcinomes à cellules squameusessont les irritations chroniques de vessie, les calculsurinaires ou les sondes à demeure, les infectionschroniques et les diverticules de vessie. Ce cancer estredoutable car très souvent le diagnostic est fait alorsque la maladie est déjà évoluée.

L’adénocarcinome de vessie représente 2 % detous les cancers de vessie. C’est le cancer le plusfréquent après extrophie vésicale. Il fait suite à uneirritation ou une inflammation chronique de lavessie, mais peut être également associé à labilharziose.

‚ Classification

Les tumeurs de vessie sont classées en fonctionde leur grade et de leur stade histologiques. Cesdeux paramètres sont identifiés sur les copeaux derésection de la tumeur ou sur les fragments debiopsies vésicales.

Grade cellulaire

Le grade histologique correspond à ladifférenciation cellulaire. Il est extrêmement utilepour classer la tumeur et envisager le traitement decelle-ci. Il représente le « potentiel agressif » de latumeur. La classification de Mostofi est la plusutilisée. Les cellules normales de l’urothéliumreprésentent le grade 0, les cellules bien différenciéesmais anormales le grade I, les cellules moyennement

différenciées le grade II, et les cellules peu ou pasdifférenciées le grade III.

Contrairement à bon nombre d’autres tumeursd’organe, il existe une corrélation entre le grade et lestade tumoral. Plus la tumeur est indifférenciée, pluselle a une chance d’avoir une infiltration profonde.Lorsque sur la même tumeur il existe des gradesdifférents, il est admis de considérer le grade le plusfort.

Stade tumoral

Le stade tumoral est défini par la classification Tdu TNM (tumeur, nodes, métastase) de l’Unioninternationale contre le cancer (UICC). Le Tcorrespond à la profondeur de pénétration de latumeur dans la paroi vésicale (fig 1). Le stadepathologique pTa correspond à une tumeur limitéeà la muqueuse vésicale, ne franchissant pas la

membrane basale. La tumeur pT1 représente unetumeur infiltrant le chorion (tissu conjonctifsous-épithélial), pT2 infiltrant le muscle (2a moitiéinterne et 2b moitié externe), pT3 envahissant lestissus périvésicaux (3a microscopique et 3bmacroscopique) et enfin, pT4 signe l’extensionextravésicale aux organes de voisinage.

Le carcinome in situ est une lésion rare à part. Ils’agit d’un carcinome transitionnel faiblementdifférencié localisé à l’urothélium. Il est souventassocié à des tumeurs de haut grade. Il peut êtreconsidéré comme un facteur de gravité surajouté.

Les tumeurs de vessie superficielles pTa ou pT1peuvent être traitées localement, alors que lestumeurs infiltrantes (pT2 à pT4) nécessitent un gesteagressif comme la cystectomie radicale (fig 2).

Extension et dissémination

Elles peuvent se faire par voies lymphatique,sanguine ou urinaire.

L’extension carcinomateuse ganglionnaire estsouvent corrélée à l’importance de l’infiltration dumuscle. Pour les tumeurs supérieures à pT3, ellecorrespond à plus de 50 %. Cette infiltrationlymphatique touche d’abord les ganglions iliaquesexternes, puis hypogastriques, avant d’atteindre lesganglions lomboaortiques.

La dissémination métastatique est fréquente. Elleest également corrélée à l’infiltration de la lésionprimitive. Elle atteint essentiellement l’os, le poumonet le foie, mais peut également gagner la peau ou lepéritoine.

La diffusion du carcinome urothélial peut aussi sefaire par contiguïté ou dissémination par voieurinaire. Il s’agit d’une greffe tumorale qui peut alorsatteindre n’importe quelle zone d’urothélium (du reinà l’urètre). Cette dissémination « urinaire » estspécifique des tumeurs urothéliales.

4

2

3

1

1/2

T1

T2a T2b

T3a

T3b

T4aT4b

Ta

Tis

1 T : profondeur de pénétration de la tumeur dans laparoi vésicale. 1. Muqueuse ; 2. chorion ; 3. muscle ;4. graisse périvésicale.

Polype de vessie

Résection endoscopique

Ta - G0 à G2T1 - G0 à G2

Surveillance

Ta G3T1 G3CIS

> T1

Absencede récidive

Récidivesfréquentes

Traitementendovésical

(BCG)

Absencede récidive

Cystectomie

Surveillance minimale 10 ans Récidive

2 Attitude thérapeutique enfonction du stade et du gradetumoraux.BCG : immunothérapie en-dovésicale par le bacilleCalmette-Guérin.

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2

■Diagnostic (fig 3)

‚ Clinique

Circonstances de découverte

L’hématurie est très souvent le premier signerévélateur d’une tumeur de vessie. Cette hématurieest classiquement terminale, mais le plus souventelle est totale car abondante. Elle peut même parfoisconduire à la formation de caillots intravésicaux.L’accumulation de caillots peut entraîner unerétention aiguë d’urines. L’hématurie peut êtrefluctuante dans le temps. Elle disparaît généralementspontanément avec l’augmentation de l’apporthydrique et donc de la diurèse.

D’autres modes de révélation peuvent conduire àévoquer le diagnostic de tumeur de vessie : lestroubles mictionnels sont souvent présents etsignent l’irritation vésicale. Ils se manifestent le plussouvent par des pollakiuries diurnes et parfoisnocturnes, des impériosités mictionnelles, et parfoisdes brûlures mictionnelles alors que les urines sontstériles. Ces troubles ne sont pas spécifiques d’unepathologie vésicale et peuvent laisser penser qu’ilexiste une anomalie prostatique. Il faut rappeler que

toute impériosité mictionnelle de survenue récentechez un homme fumeur doit faire évoquer unetumeur vésicale.

Parfois, les circonstances de découverte sont plustardives, signant une tumeur plus évoluée : il peuts’agir alors de douleurs lombaires dues à un obstacleau niveau du méat urétéral où siège la tumeur.Parfois, il peut s’agir également de découverte austade de métastases. Des métastases osseuses oupulmonaires peuvent faire découvrir la tumeurvésicale primitive jusqu’alors asymptomatique ounégligée.

Parfois, la découverte d’un polype de vessie peutse faire au cours d’examens systématiques oupratiqués pour une raison extra-urologique.L’échographie abdominale peut ainsi découvrir despolypes intravésicaux lorsque la vessie est enréplét ion. Une hématurie microscopiquediagnostiquée au cours des examens de médecinedu travail (bandelette urinaire réactive) peutégalement être à l’origine du diagnostic.

De nouveaux tests diagnostiques des tumeurs del ’urothélium sont actuel lement en coursd’évaluation. Ces examens (tests urinaires) aurontpour but de dépister les tumeurs de l’urothéliumasymptomatique. Si un de ces tests s’avère fiable, ildevrait trouver sa place dans le dépistage dans lespopulations à risque.

Examen clinique

Il est très souvent normal. En cas de lésionimportante, l’infiltration tumorale en profondeurpeut être palpée, soit par l’examen abdominal en casde lésions de la face antérieure de la vessie, soit parles touchers pelviens s’il existe une extension enarrière ou latéralement à la vessie. Dans le premiercas, vessie pleine et vessie vide, le palper abdominalpeut retrouver une induration sus-pubienne. Auniveau du toucher rectal (au-dessus de la prostate)ou vaginal (en avant de l’utérus), il est possible, lorsd’une extension importante, de palper uneinduration qui signe l’envahissement extravésical,voire le blindage pelvien. Il s’agit alors de tumeurstrès évoluées, en général au-delà de ressourcesthérapeutiques curatives.

Examens complémentaires

Ils auront deux buts : le premier de confirmer lediagnostic, le deuxième de faire un biland’extension.

Confirmation du diagnostic

¶ Endoscopie : examen clef du diagnosticUn examen endoscopique doit être réalisé en cas

de suspicion de polypes vésicaux ou de tumeursvésicales. Celui-ci peut être pratiqué avec uncystoscope (rigide) ou mieux un fibroscope (souple).Cet examen est réalisé en consultation, après avoirvérifié que les urines sont strictement stériles. Il estquasi indolore et nécessite 5 à 10 minutes pour saréalisation. Il permet de visualiser une lésionendovésicale qui peut être soit une plageinflammatoire suspecte, soit un polype vésical.Celui-ci peut être pédiculé ou sessile. Lors del’examen, il est difficile de savoir la nature exacte dupolype, mais très souvent il est possible d’avoir uneorientation sur le caractère infiltrant ou non de cepolype. Le polype superficiel est en général pédiculéà implantation vésicale étroite ; frangé, il prendl’aspect d’algues qui flottent dans les urines. Aucontraire, la tumeur infiltrante est plus sessile, à largeimplantation, parfois nécrotique, bourgeonnante,inflammatoire ou blanchâtre. Un aspect tout à fait àpart est celui de carcinome in situ (CIS) qui se traduiten général par des zones inflammatoireshyperhémiques, parfois légèrement granuleuses.

Le diagnostic de certitude des tumeurs de vessieest histologique. Le premier temps de la prise encharge d’une lésion endovésicale est donc toujoursla résection endoscopique de la tumeur (ou auminimum des biopsies). Elle requiert des urinesstériles. Cette résection se fait sous anesthésielocorégionale (rachianesthésie) ou générale, etpermet de retirer des copeaux de vessie qui serontanalysés après fixation et coloration. Cette résectionendoscopique doit s’efforcer de retirer l’ensembledes polypes. Elle a donc un rôle diagnostique maisaussi thérapeutique (si la résection tumorale estcomplète). Cette résection complète est possiblelorsqu’il s’agit de polypes superficiels. En cas depolypes plus profonds, la résection peut ne pas êtretotale. Seul l’examen histologique pourra répondreavec certitude s’il s’agit de polypes superficiels ou si,au contraire, la tumeur a atteint les plans plusprofonds.

Circonstancesde découverte

Diagnostic

clinique histologique

Fibroscopie Résectionendoscopique

Classification :GradeStade

Cytologieanormale

Examen cliniquele plus souvent

normal

Hématurie

RétentionPollakiurie

Impériosités

Douleur lombaireDouleur métastase

Examens fortuits :échographiebandelette urinaire

Biland'extension

Disséminationpar urine

UIVTDM spiralée

= recherche d'uneautre localisation

Disséminationlymphatique

TDM

Disséminationsanguine

TDM (abdomen et thorax)Rayons thorax

Échographie abdominaleScintigraphie osseuse

3 Bilan d’une tumeur de vessie.UIV : urographie intraveineuse ; TDM : tomodensitométrie ; Rx : radiographie.

Il faut rappeler que toute hématuriemacroscopique, même survenant soustraitement anticoagulant, doit faire lapreuve de son origine, et enparticulier, il est indispensable derechercher une tumeur urothéliale.

Cette négligence est fréquente car lestumeurs vésicales surviennent souventdans une population alcoolotabagiquedéfavorisée où l’accès aux soins n’estpas toujours une évidence.

Tumeurs vésicales - 5-0610

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¶ Cytologie urinaireC’est un examen simple qui consiste à étudier le

sédiment d’échantillon d’urines. Ce sédiment permetd’examiner la desquamation de l’urothélium et dedéceler des cellules tumorales. Auparavant, lescytologies étaient classées selon la classification dePapanicolaou (de type I à type IV). Maintenant, il estle plus souvent utilisé une classification en troisgrades (plus CIS). Cette cytologie urinaire permet leplus souvent d’évoquer le diagnostic sans avoir decertitude. Cet examen peut être répété et peut doncêtre utile pour suivre l’évolution après traitement dupremier polype. Elle est relativement spécifique maissa sensibilité n’est pas très forte. Plus la lésion est degrade élevé, plus elle desquame, et plus la cytologiesera facilement positive. Au contraire, en cas delésion de bas grade, la cytologie est d’interprétationtrès difficile. Une cytologie négative n’écarteabsolument pas une lésion vésicale tumorale. Àl’opposé, la présence d’une cytologie positive doitfaire rechercher une lésion du haut appareil urinaireen cas de cystoscopie négative.

¶ Échographie vésicaleC’est un examen non invasif qui peut mettre en

évidence des polypes de vessie. À l’occasion d’unexamen abdominal, il n’est pas rare de faire lediagnostic de lésion endovésicale. Il est alors bien sûrindispensable de réaliser une endoscopie. Cetexamen, qui est souvent pratiqué pour des raisonsextra-urologiques, permet parfois de faire undiagnostic de tumeur de vessie non suspectéejusqu’alors.

¶ Urographie intraveineuseL’urographie intraveineuse (UIV) est un examen

qui n’est ni très spécifique ni sensible des tumeurs devessie. Elle permet parfois de découvrir une lacune(siège de la tumeur), ou une hydronéphrose(conséquence d’une obstruction tumorale au niveaud’un méat, urétéral par exemple).

Bilan d’extension

Lorsqu’il s’agit d’un polype vésical pour lequel, àl’histologie, il n’y a pas d’infiltration, il n’est pasnécessaire de faire de bilan supplémentaire à larecherche de métastase. En effet, en cas de tumeursuperficielle, seule une deuxième localisation doitêtre redoutée, et un scanner (spiralé) peut êtredemandé si l’UIV n’est pas assez contributive.

En revanche, si l’atteinte est plus profonde,c’est-à-dire s’il s’agit d’un polype atteignant lamusculeuse, un traitement plus agressif doit êtreenvisagé et, avant de le discuter, il est indispensablede faire un bilan complémentaire. Celui-ci comprendun scanner abdominopelvien qui permet derechercher :

– une extension extravésicale, c’est-à-dire uneatteinte locorégionale ;

– la présence d’adénopathies au niveauilio-obturateur ; ces adénopathies sont patholo-giques lorsqu’elles sont supérieures à 1 cm, et surtoutlorsqu’il existe une asymétrie entre les deux lamesilio-obturatrices ;

– la présence de dilatation sus-jacente à typed’urétérohydronéphrose ;

– des métastases hépatiques ou abdominales.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM)n’apporte pas plus de renseignements que lescanner, et son utilisation ne se justifie actuellementque pour avoir une représentation tridimensionnelledu petit bassin ou lorsqu’une métastase osseuse decontiguïté (os du bassin) est suspectée.

La radiographie de thorax et le scannerthoracique permettent de rechercher unelocalisation pulmonaire secondaire. En cas dedouleurs osseuses, la scintigraphie osseuse peut êtreutile pour conduire au diagnostic de métastasesosseuses.

Une UIV ou une tomodensitométrie (TDM)spiralée, doit être systématiquement pratiquée afinde rechercher une autre localisation. En effet, lestumeurs vésicales sont des tumeurs de l’urothéliumet donc tout polype peut avoir disséminé par voieurinaire. Cette greffe tumorale peut se situer surn’importe quelle zone d’urothélium, des calicesrénaux jusqu’au méat urétral. Ces deux examensvisualisent l’ensemble des cavités urinairessupérieures. Une lacune au niveau du bassinet ou del’uretère doit faire suspecter une deuxièmelocalisation tumorale.

■Traitement

Le traitement des tumeurs de vessie diffèretotalement en fonction du stade histologique. S’ils’agit d’une tumeur superficielle (qui n’envahit pas lemuscle), c’est-à-dire Ta ou T1, le traitement essentielest la résection endoscopique. Si en revanche il s’agitd’une tumeur infiltrant le muscle, c’est-à-dire T2 à T4,le traitement sera beaucoup plus agressif : le plussouvent il sera nécessaire d’effectuer unecystectomie.

‚ Tumeur superficielle de la vessie

Traitement initial

Le traitement essentiel consiste à retirer en totalitéle ou les polypes visibles en endoscopie. Cetterésection doit être complète. Après analysehistologique, s’il n’existe pas d’envahissementmusculaire (définition de la tumeur superficielle), enfonction du grade, il est possible de classer cestumeurs superficielles selon les risques :

– risques faibles : Ta G1 unique, Ta G1 G2 nonrécidivant à 3 mois ;

– risques intermédiaires : Ta G2 multifocal, Tamultirécidivant, T1 G2 ;

– risques majeurs : Ta G3, T1 G3, CIS diffus, T1multifocal et T1 récidivant dans les 6 mois.

Pour les tumeurs superficielles de risques faiblesou de risques intermédiaires, la résectionendoscopique est suffisante. Parfois, en cas derécidives fréquentes, il est possible d’utiliser destraitements endovésicaux tels que la mitomycine C.

Pour les tumeurs de vessie à risques majeurs, il estindispensable de réaliser des instillationsendovésicales de bacille Calmette-Guérin (BCG). Ils’agit d’une immunothérapie qui permet de traiterles lésions non visibles en endoscopie, d’éviterl’infiltration tumorale et de retarder la récidive. Ce

traitement est réalisé de manière hebdomadaire,pendant 6 semaines. À la fin de cette cure de BCGthérapie, le patient doit être réévalué sur le planendoscopique, afin d’être sûr qu’il n’existe pas derécidive précoce. Ces instillations de BCG entraînenttrès fréquemment des signes fonctionnels urinaires(dysurie, pollakiurie, hématurie), plus rarement dessymptômes généraux (fièvre, arthralgie, rash cutané)qui peuvent parfois être sévères. Dans ces cas (fièvrepersistante supérieure à 39 °C, sepsis, pneumonie), ildoit être suspecté une BCG-ite généralisée quiimpose une hospitalisation en urgence pour débuterune triple antibiothérapie.

Surveillance

Pour les tumeurs superficielles, après le traitementinitial, une surveillance stricte est obligatoire. En effet,les tumeurs superficielles de vessie ont un risquemajeur de récidive (près de 60 % des cas) à plus oumoins long terme. Le deuxième risque est celui deprogression ; celle-ci s’effectue dans les plans plusprofonds et transforme cette tumeur superficielle entumeur infiltrante nécessitant une thérapeutiquebeaucoup plus agressive.

Pour les tumeurs superficielles à risques faibles,une cystoscopie est recommandée à 3 mois et, encas de normalité, à 6 mois puis à 12 mois. Le suiviultérieur s’effectuera par les mêmes examenspratiqués annuellement pendant 5 ans. Unesurveillance annuelle par échographie est ensuitesouhaitable pendant encore 5 ans.

Pour les tumeurs à risques intermédiaires, lacystoscopie et la cytologie urinaire doivent sepratiquer de la même manière pendant au moins 15ans. Une UIV peut être souhaitable à chaque foisqu’apparaît une récidive ou lorsqu’il existe un doutesur une lésion associée du haut appareil urinaire.

Pour les tumeurs à hauts risques, la cystoscopie etla cytologie urinaire doivent être pratiquées tous les3 mois pendant 1 an, puis tous les 6 mois ladeuxième année, puis enfin une fois par an pendant15 ans, avec une UIV réalisée au moins une fois tousles 2 ans.

‚ Tumeur infiltrante

Cystectomie

Pour les tumeurs infiltrantes de vessie, lacystectomie est le traitement de référence.

Au cours de l’intervention, il est réalisé unelymphadénectomie ilio-obturatrice afin de connaître

Conseils aux patientsIl est impératif de bien expliquer aupatient que la surveillance estindispensable car le risque majeur deces polypes de vessie superficiels est larécidive. Il faut bien sûr conseillerfermement l’arrêt de l’intoxicationtabagique. L’adhésion du patient à lasurveillance et au traitementendovésical sont deux critèresextrêmement importants pour éviter larécidive et la progression.

5-0610 - Tumeurs vésicales

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le statut histologique ganglionnaire. Cet examen esten général pratiqué en extemporané. En casd’envahissement microscopique bilatéral oud’envahissement unilatéral des ganglionsilio-obturateurs, la cystectomie reste justifiée, ellesera alors associée la plupart du temps à unechimiothérapie adjuvante. En cas d’envahissementganglionnaire macroscopique bilatéral, lacystectomie ne se justifie qu’en cas de volumineusetumeur symptomatique, dans le but d’une chirurgiede confort (évite les hématuries itérativesincoercibles et l’infiltration tumorale locale trèsalgique).

Après cystoprostatectomie chez l’homme, leslésions nerveuses et artérielles entraînent le plussouvent une insuffisance érectile majeure quinécessite une prise en charge andrologiquepostopératoire. Les injections intracaverneuses dedrogues vasoactives (prostaglandines E1) permettentde restituer une érection.

Une fois la vessie retirée, il est possible de dériverles urines de plusieurs manières.

¶ EntérocystoplastieElle consiste à remplacer la vessie par un segment

d’iléon. Ce segment d’iléon est détubulisé afin deréaliser une poche. Cette poche sera anastomoséeen bas à l’urètre, puis les deux uretères serontimplantés au niveau des cornes droites et gauchesde cette entéro-iléoplastie. Cette entérocystoplastiepeut être réalisée chez près de 90 % des patientsaprès cystectomie. Les contre-indications restentl’envahissement tumoral important, l’âge supérieur à80 ans, et la non-adhésion du patient à untraitement nécessitant un minimum de compré-hension. Considérée pendant longtemps commecontre-indiquée chez la femme, elle est maintenant,grâce aux progrès chirurgicaux, tout à fait réalisable.

¶ Urétérostomie transiléale type BrickerSi l’entérocystoplastie n’est pas possible, il est

souhaitable de réaliser une dérivation cutanéetransiléale type Bricker. Elle consiste à prélever unsegment iléal de 10 à 15 cm qui est abouchédirectement à la peau en iléostomie. Les deuxuretères sont reliés à ce segment précédemmentfermé à son extrémité interne. La dérivation ainsi

obtenue permet l’écoulement des urines en continuau niveau de la stomie. Le patient sera doncappareillé avec une poche collectrice collée auniveau de la stomie.

¶ Autres dérivationsCes deux dérivations (entérocystoplastie et

Bricker) couvrent aux alentours de 95 % desdérivations urinaires après cystectomie. En casd’impossibilité de réaliser l’une ou l’autre de ces deuxdérivations, il est possible d’avoir recours à unbranchement des uretères au niveau du sigmoïde.Les urines se drainent alors directement au contactdes selles et s’évacuent lors de la défécation. Cettetechnique (Coffey) comporte un risque d’infectionurinaire à répétition, de pyélonéphrite et de lithiasedes cavités urinaires supérieures.

Enfin, parfois le chirurgien peut avoir recours à ladérivation cutanée directe (urétérostomie cutanée).Cette intervention consiste à aboucher directementles deux uretères à la peau. Elle est très simple maisnécessite néanmoins le port à demeure de sondesurétérales qui sont changées tous les mois. Le risqueimportant de pyélonéphrite et d’infection urinairepatente limite beaucoup son utilisation.

Certaines équipes utilisent également desdérivations urinaires continentes. Il s’agit de pochesconfectionnées avec un segment de tube digestif etreliées à la peau avec un mécanisme de valve quiassure la continence (par invagination intestinale auniveau de la stomie). Les deux uretères s’abouchentdans cette poche iléale qui se remplit doncprogressivement par la diurèse. Lorsque la poche estpleine, le patient se sonde (autosondage) par lastomie et vide donc le réservoir. Les principalespoches continentes sont celles de Kock et celles deMainz (réservoir iléocæcal).

Autres traitements de la tumeurLa radiothérapie et la chimiothérapie

préopératoires ou postopératoires systématiquesn’ont pas montré une efficacité réelle. Actuellement,des protocoles sont en cours d’évaluation sur lestraitements conservateurs des tumeurs de vessieutilisant une association radiochimiothérapie. Lespremiers résultats de ces protocoles montrent qu’ilexisterait peut-être une place pour cette association

radiochimiothérapie dans les tumeurs isolées T2strictes de vessie. Les premiers résultats semblentêtre encourageants, mais n’atteignent pas lesrésultats objectifs de la cystectomie. La surveillanceaprès radiochimiothérapie reste difficile, et lachirurgie lors de l’absence de réponse est délicate.

Traitements adjuvants

¶ ChimiothérapieEn cas d’atteinte ganglionnaire ou métastatique,

ou en cas d’infiltration supérieure ou égale à T3, unechimiothérapie type M-VAC (méthotrexate,vinblastine, adriamycine et cisplatine) permetd’espérer 25 % de rémission. D’autres associationscomportant le cisplatine peuvent également êtreproposées.

En cas de métastase, quel que soit le traitementchoisi, la survie à 5 ans est toujours inférieure à15 %.

¶ RadiothérapieEn cas de métastase osseuse douloureuse isolée,

il est possible de proposer une irradiation externe, àvisée antalgique. Sur le plan régional extraosseux, laradiothérapie n’a pas, par ailleurs, fait la preuve deson efficacité.

■Conclusion

Les tumeurs de vessie sont fréquentes, et prèsd’un tiers des patients consultent pour la premièrefois avec un cancer déjà infiltrant ou métastasé. Lediagnostic repose sur l’endoscopie, puis sur larésection.

Les tumeurs de vessie sont des « maladies » del’urothélium et peuvent donc être associées à destumeurs urothéliales de toute la voie excrétrice.

Complétée par le scanner, l’histologie oriente versune option thérapeutique. En cas de tumeursuperficielle, un traitement adjuvant par instillationsendovésicales peut être nécessaire, après larésection endoscopique qui doit être complète. Encas de lésions infiltrantes, la cystectomie reste letraitement de référence.

Thierry Lebret : Ancien interne, ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris, assistant,service d’urologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Lebret. Tumeurs vésicales.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0610, 1999, 5 p

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