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Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

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Page 1: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie
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Cataracte

F Fajnkuchen, K Achebouche, C Giraud, JF Girmens, S Nghiem-Buffet, I Nataf-Herzhaft, G Chaine

L a chirurgie de la cataracte est l’acte chirurgical dont la cotation est supérieure à Kc 50 le plus souvent réalisé enFrance.

Les raisons de la croissance continue du nombre de cataractes opérées sont multiples. Tout d’abord, l’excellentrésultat fonctionnel de cette chirurgie en l’absence de pathologie oculaire associée puisque plus de 70 % des patientsrécupèrent une acuité visuelle supérieure à 7/10 après l’acte chirurgical ; les progrès de la technique qui ont permisd’obtenir ces résultats ; la microchirurgie, la phacoémulsification, les implants intraoculaires souples introduits dansle sac cristallinien par une petite incision autoétanche ; le développement de la chirurgie ambulatoire et del’anesthésie locale qui ont largement contribué à dédramatiser cet acte qui demeure cependant un acte chirurgical àpart entière avec des complications peu fréquentes, mais potentiellement graves dont le patient doit être informé ;enfin, le vieillissement de la population et l’augmentation régulière de l’espérance de vie contribuent à accentuer lademande de soin en ophtalmologie, alors que l’offre diminue régulièrement en raison du trop faible nombre demédecins spécialisés en ophtalmologie formés chaque année.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

■Diagnostic et bilan préopératoire

‚ Définition. FréquenceElle correspond à l’opacification partielle ou

complète du cristallin (fig 1), responsable d’unediminution de l’acuité visuelle. Son évolutivité est trèsvariable.

Près de 50 % de la population de plus de 60 ansdes pays développés présentent un certain degréd’opacification cristallinienne. Elle peut survenir parfoisbeaucoup plus tôt, dès l’âge de 40 ans : on parle alorsde cataracte présénile.

La cure chirurgicale de cataracte est l’intervention leplus fréquemment réalisée en France : environ300 000 procédures en 1999.

‚ Signes fonctionnelsD’évolution généralement progressive (sur

plusieurs mois ou plusieurs années), et habituellementsymétrique, la cataracte peut être la cause :

– d’une baisse de vision de plus en plus gênante(impression de voile ou de brouillard) ;

– de photophobie (sensibilité anormale à lalumière) ;

– d’éblouissement au soleil ou lors de la conduitede nuit ;

– de diplopie monoculaire.Progressivement, la baisse de vision devient de plus

en plus pénible et entrave les gestes les plus courantsde la vie, ce qui entraîne l’indication opératoire.

‚ Examen ophtalmologique

La mesure d’acuité visuelle s’effectue en vision deloin grâce à l’échelle de Monoyer et de près avecl’échelle de lecture de Parinaud. La diminution d’acuitévisuelle comporte les caractères suivants :

– sans correction, l’acuité est diminuée de loin,alors qu’elle est relativement conservée de près,permettant souvent encore la lecture ;

– avec correction par un verre concave (verre demyope), l’acuité de loin remonte légèrement(l’opacification du cristallin a en effet entraîné uncertain degré de myopie, dite « myopie cristallinienne »ou « myopie d’indice »).

L’examen biomicroscopique à la lampe à fenteavant et après dilatation est l’examen essentiel quipermet d’affirmer le diagnostic et de préciser la formeclinique de la cataracte.

Avant dilatation, on étudie :– l’état cornéen (recherche d’une dystrophie

cornéenne, d’une cornea guttata…) ;– la profondeur de la chambre antérieure ;– le tonus oculaire ;– le réflexe photomoteur.Sous dilatation maximale, la coupe optique réalisée

permet de situer les opacités dans l’épaisseur ducristallin ; trois formes cliniques de cataracte peuventêtre rencontrées :

– la cataracte corticale (fig 2) : opacités du cortexantérieur et postérieur blanches, cunéiformes, parfois

localisées à la périphérie du cristallin respectant lecentre et par là même l’acuité visuelle ;

– la cataracte en cupule postérieure (fig 3) est uneforme particulière de cataracte corticale, affectant lescouches postérieures du cristallin, centrale, et doncrapidement invalidante sur le plan visuel, surtout envision de près. Elle est cependant relativement peufréquente chez le sujet âgé ;

– la cataracte nucléaire : opacité centrale du noyaudu cristallin, d’aspect ambré jaune orangé.

En fait le plus souvent plusieurs formes sontassociées : corticales et nucléaires, nucléaires et cupulepostérieure.

On apprécie l’état de la capsule antérieure,notamment à la recherche de dépôts amyloïdes,évocateurs de pseudoexfoliation capsulaire (cf infra).

L’examen du fond d’œil (FO), bilatéral, est possiblelorsque la cataracte n’est pas totale. Il renseigne surl’état rétinien, en particulier l’état de la macula,permettant d’évaluer la récupération visuellepotentielle en cas d’intervention chirurgicale etrecherche des lésions susceptibles de nécessiter untraitement avant l’intervention.

1 Cataracte cortinucléaire, vue en coupe à la lampeà fente.

2 Cataracte blanche.

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La kératométrie permet de connaître la puissancecornéenne (à partir du rayon de courbure de la faceantérieure de la cornée), paramètre nécessaire aucalcul de la puissance de l’implant.

À la fin de cet examen clinique complet,l’ophtalmologiste est alors à même de distinguer lescataractes « simples » des cataractes dites« compliquées » :

– existence de lésions pouvant entraver larécupération visuelle (rétinopathie diabétique,dégénérescence maculaire liée à l’âge [DMLA]…) ;

– pathologies susceptibles d’évoluer du fait del’intervention ;

– conditions particulières pouvant compliquer legeste opératoire (pseudoexfoliation capsulaire, corneaguttata…).

Dans tous les cas, cette consultation se termine parune information du patient sur les bénéfices attendusde l’intervention et ses complications éventuelles, et lerecueil de son consentement éclairé.

‚ Bilan préopératoire

Le seul examen indispensable est l’échobiométrie(RMO) : l’absence de cristallin (aphaquie), entraînant eneffet l’apparition d’un défaut optique (hypermétropietrès forte), doit être corrigée en introduisant dans l’œilen fin d’intervention de cataracte une lentille optique(implant). Sa puissance est calculée à l’aide de formulesmathématiques en fonction de la kératométrie et de lalongueur axiale mesurée par une échographieoculaire en mode A.

S’il y a doute sur l’état rétinien ou des voiesoptiques, ou si la cataracte est obturante, empêchantl’accès au fond d’œil, il est utile de recourir à uneéchographie oculaire en mode B (afin d’apprécier lanormalité du contenu vitréen et l’absence dedécollement rétinien) et à un bilan électrophysiologi-que (électrorétinogramme [ERG] - potentiels évoquésvisuels [PEV]), afin d’apprécier l’état fonctionnel de larétine et des voies optiques.

NB : La fonction maculaire peut être appréciée parun test clinique, l’épreuve de Mawas au verre deMaddox : si la fonction maculaire est conservée, lesujet perçoit une lumière rouge comme une lignedroite continue.

Le patient est ensuite adressé en consultationpréanesthésique.

■Anesthésie

Plusieurs types d’anesthésie sont compatibles avecla chirurgie de la cataracte. Les plus courantes sont les

anesthésies locales ou locorégionales : péribulbaire,sous-ténonienne ou topique. L’anesthésie générale esten principe réservée aux contre-indications àl’anesthésie locale, en pratique lorsqu’il est impossibled’assurer une coopération fiable ou de maintenir undécubitus dorsal chez le patient.

Le but de l’anesthésie est bien entendu d’obtenirl’analgésie, mais elle peut aussi procurer l’akinésie,c’est-à-dire l’immobilité du globe, ce qui facilite le gestechirurgical. C’est le cas de l’anesthésie péribulbaire.

– L’anesthésie péribulbaire est obtenue par deuxinjections périoculaires. Les risques potentiels sont laperforation du globe (essentiellement si l’œil est grosou déformé comme pour le fort myope) et leshémorragies intra- ou rétro-orbitaires (la vérification del’hémostase est indispensable).

– L’anesthésie sous-ténonienne est quasimentdénuée de risques. Elle est pratiquée par le chirurgienpar une petite incision de la conjonctive bulbaire. Elle al’inconvénient de n’apporter que peu ou pasd’akinésie, et celui mineur, de provoquer unehémorragie sous-conjonctivale qui laisse l’œil rougequelques jours en postopératoire.

– L’anesthésie topique consiste à instiller de façonrépétée un collyre anesthésique. C’est une anesthésiede contact du plan cornéoconjonctival qui n’apportepas d’akinésie. La coopération et la mise en confiancedu patient sont impératives.

La prémédication doit être suffisante pour que lepatient soit détendu, mais légère pour qu’il demeurevigile pendant l’acte opératoire.

Le choix du type d’anesthésie est fonction deshabitudes du chirurgien et de la compliance du patient.La consultation d’anesthésie peut amener àreconsidérer le choix initial. Elle permet de préciser lesantécédents et le traitement du patient. Il est préférablequ’elle ait lieu un minimum de 10 jours avant la dateopératoire. Le bilan est variable selon les antécédentset l’âge du patient mais doit comporter nécessaire-ment un bilan biologique (hémostase et ionogrammesanguin). En cas d’intervention sur le deuxième œilmoins de 2 mois après le premier, il n’est pas toujoursutile de la renouveler.

En cas de trouble de la coagulation ou detraitement anticoagulant, les risques hémorragiquesliés à l’injection n’existent que pour l’anesthésiepéribulbaire. Il est alors impératif d’arrêter dans lesdélais un antiagrégant plaquettaire, ou d’effectuer unrelais par une héparine de bas poids moléculaire pourles antivitamines K. L’alternative est le choix d’uneanesthésie topique.

Le jeûne préopératoire et la prémédication restenttoujours indiqués quel que soit le mode anesthésiquechoisi.

■Technique chirurgicale

de référence

La technique de référence actuellement utilisée enmatière de cure chirurgicale de cataracte est laphacoémulsification. Introduite au milieu des années1980, cette méthode présente plusieurs avantages :

– réduction de la taille de l’incision assurant uneréhabilitation fonctionnelle rapide ;

– faible taux de complications secondaires(hémorragie expulsive, décollement de rétine,décompensation cornéenne, œdème maculaire) ;

– possibilité d’utilisation d’anesthésie topique.

Elle consiste en l’extraction du cristallin en laissanten place sa capsule. On utilise un appareil émettantdes ultrasons pour fragmenter et aspirer le noyau (à lafaçon d’un marteau piqueur). On doit veillerparticulièrement à conserver l’ intégrité del’endothélium cornéen, dont dépend la transparencecornéenne, et de la capsule postérieure qui servira desupport à l’implant.

– Incision : elle peut se faire au niveau du limbecornéen (incision cornéenne) ou à 3 mm en arrière(incision sclérocornéenne). Dans les deux cas, l’incisionest tunnellisée afin d’être autoétanche. Sa taille est del’ordre de 3 mm.

– Injection d’un produit visqueux en chambreantérieure : le visqueux permet de redonner unvolume à la chambre antérieure partiellement vidéelors de l’incision et de protéger l’endothélium desinstruments chirurgicaux.

– Contre-incision : environ à 90° de l’incisionprincipale. El le permet l ’ introduction d’unmicromanipulateur en chambre antérieure etd’effectuer un travail bimanuel.

– Capsulorrhexis : on découpe une fenêtrecirculaire dans la capsule antérieure du cristallin afind’accéder à celui-ci.

– Hydrodissection : injection de sérum physiologi-que sous pression sous la capsule antérieure, à l’aided’une seringue munie d’une canule à bout mousse,pour désolidariser le cristallin de sa capsule. On éviteainsi les contraintes sur la capsule et le risque derupture lorsque l’on mobilise le cristallin.

– Phacoémulsification : on creuse des sillons dansle noyau du cristallin, le plus souvent en forme decroix, grâce à un appareil émettant des ultrasons.

– Craquage du noyau (cracking) : après avoir placéle micromanipulateur et la sonde de phacoémulsifica-tion au fond de chaque sillon, on écarte latéralementles deux instruments pour craquer le noyau. Onobtient ainsi quatre quartiers que l’on aspire.

– Aspiration des masses : le cortex cristallinien situéentre le noyau et la capsule est aspiré avec un emboutmousse sans ultrasons.

– Implantation : injection de visqueux dans le saccapsulaire et dans la chambre antérieure pourprotéger l’endothélium cornéen. Mise en place del’implant après agrandissement ou non de l’incisioninitiale (fig 4). Les implants actuellement utilisés sontpliables. Ils peuvent être introduits dans l’œil à l’aided’un injecteur ou d’une pince.

– Lavage du produit visqueux : le visqueux étantplus épais que l’humeur aqueuse, on risquerait unépisode d’hypertonie dans les suites opératoires.

– Suture de l’incision : facultative grâce auxincisions autoétanches.

3 Cataracte en cupule postérieure. 4 Implant de chambre postérieure.

6-0060 - Cataracte

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Page 4: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

■Suites opératoires

et complications

‚ Surveillance postopératoire

L’intervention de cataracte se déroule générale-ment sous anesthésie locale, ce qui permet au maladede rentrer chez lui le soir même ou le lendemain. Lessuites opératoires sont le plus souvent simples.

Évolution postopératoire habituelle : dans la trèsgrande majorité des cas (95 %), l’œil opéré decataracte est indolore. Les soins locaux sont réduits àl’instillation de gouttes (anti-inflammatoires stéroïdienset non stéroïdiens, associés à un antibiotique ±cycloplégique) et au port d’une protection oculairenocturne durant 1 semaine.

‚ Ordonnance type

Quelques précautions s’imposent pendant lespremiers jours postopératoires : absence d’effortviolent, pas de choc sur le globe oculaire, ne pas frotterl’œil. L’activité professionnelle, l’utilisation de machinesou d’instruments dangereux, la conduite automobilesont déconseillées pendant une période limitée.

Il est parfois nécessaire de procéder à l’ablation defils de suture dans les semaines suivant l’intervention.

La vision s’améliore très rapidement mais cetterécupération peut être limitée du fait de la présence depathologies associées. La correction adaptée parlunettes peut être prescrite au bout de quelquessemaines à 2 mois.

‚ Complications de l’opération de lacataracte

Bien qu’elle soit parfaitement standardisée et suivied’excellents résultats, l’opération de la cataracten’échappe pas à la règle générale selon laquelle iln’existe pas de chirurgie sans risque. Il n’est donc paspossible de garantir formellement le succès del’intervention.

Le taux de complication de la cataracte est bas, de 1à 5 %.

Les complications sévères de l’opération de lacataracte sont très rares. Elle peuvent nécessiter uneréintervention et aboutir, dans les cas les plusextrêmes, à la perte de toute vision de l’œil opéré,voire à la perte de l’œil lui-même. Il s’agit :

– des infections ou endophtalmies, complicationrare (1 à 3 cas sur 1 000) mais redoutable, pouvantaboutir à la perte du globe oculaire en l’absence detraitement rapide et adapté (fig 5) ;

– de l’œdème de cornée ;– du décollement de la rétine (1 cas sur 100) ;– d’un œdème rétinien central (syndrome d’Irvine

Gass) ;– d’un phototraumatisme rétinien par l’éclairage

du microscope opératoire.D’autres complications sont moins sévères,

comme :– un ptosis ;– un hématome sous-conjonctival ou palpébral ;– une inflammation de l’œil ;– l’augmentation de la pression intraoculaire ;– la non-étanchéité de la cicatrice (fig 6) ;– un astigmatisme.L’erreur de calcul de la puissance du cristallin

artificiel est rare, compte tenu de la précision del’échographie systématiquement réalisée avantl’intervention.

L’opacification capsulaire postérieure se produitdans plus de 30 % des cas au cours des années quisuivent l’intervention de la cataracte : c’est la« cataracte secondaire » responsable d’une nouvellebaisse de vision.

Le traitement consiste à réaliser une ouverture de lacapsule par laser YAG (fig 7). Elle s’effectue enambulatoire sous anesthésie oculaire topique. Laprocédure laser est indolore et une seule séance est engénéral suffisante.

Les incidents ou complications sont rares :– inflammation oculaire modérée ;– élévation transitoire de la pression intraoculaire

(l’élévation durable de la pression intraoculaire estexceptionnelle : elle conduit à envisager un traitementmédical ou chirurgical) ;

– œdème rétinien central ;– décollement de rétine ;– perception de mouches volantes ;– sensibilité accrue à la lumière.Les soins sont réduits à l’instillation de collyres

hypotonisants et anti-inflammatoires et à la priseéventuelle de comprimés hypotonisants (Diamoxt)pendant une courte période. La récupération visuelleest quasi immédiate.

■Cas particuliers

Certains patients présentent un risque accru decomplications au cours ou dans les suites d’uneextraction du cristallin avec mise en place d’uncristallin artificiel.

Les patients doivent être spécifiquement informésdes risques de cette chirurgie et des éventuellescomplications.

Certaines précautions particulières devront êtreprises en per- et périopératoire.

Trois causes principales doivent être retenues : lediabète, la myopie forte, la pseudoexfoliationcapsulaire.

D’autres étiologies de cataracte sont notées : lacataracte traumatique, congénitale et celle survenantaprès une uvéite ou chez un patient atteint d’uneDMLA (elles ne sont pas traitées dans ce chapitre).

‚ Patient diabétique

L’indication opératoire n’est posée qu’après unexamen ophtalmologique complet, comprenant larecherche de foyers infectieux locorégionaux, lamesure de la pression intraoculaire (association plusfréquente glaucome-cataracte), l’examen soigneux dufond d’œil, éventuellement complété par uneangiographie à la fluorescéine.

La rétinopathie diabétique et/ou la maculopathiedevra éventuellement être traitée par photocoagula-tion au laser (si les troubles des milieux le permettent),avant l’acte chirurgical.

L’équilibre glycémique doit être correct.Une antibioprophylaxie est réalisée.Un implant de grand diamètre doit être mis en

place pour la surveillance et le traitement de larétinopathie diabétique.

Le suivi postopératoire doit être très rigoureux, pourdépister au plus tôt des réactions inflammatoires ouune évolutivité de la rétinopathie diabétique.

Le rythme des consultations est à moduler au caspar cas.

Le risque d’œdème maculaire cystoïde postopéra-toire est plus important que chez les sujets non

Rythme des contrôles postopératoires.À 1 jour.À 1 semaine.À 3 semaines-1 mois (prescription del’éventuelle correction optique).À 6 mois.

Instiller dans l’œil opéré :Tobradext : 1 goutte 3 fois par jourpendant 1 mois.Indocollyret : 1 goutte 3 fois par jourpendant 1 mois.Mydriaticumt : 1 goutte au coucherpendant 1 semaine.Protéger l’œil opéré la nuit par unecoque plastique fixée par duMicropore (1 semaine).

5 Endophtalmie avec dépôts fibrineux dans l’airepupillaire.

6 Hernie de l’iris.

7 Capsulotomie postérieure au laser YAG.

Cataracte - 6-0060

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Page 5: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

diabétiques. Le traitement est difficile, il peutcompromettre la récupération visuelle.

‚ Myope fortLes deux principaux risques sont :– le décollement de rétine sur lésion de la

périphérie rétinienne ;– la présence d’une maculopathie myopique.D’autres précautions sont à prendre, notamment

pour le calcul de la puissance de l’implant et pourl’anesthésie.

L’examen préopératoire recherche des lésionsdégénératives de la périphérie, qui sont à traiter parphotocoagulation au laser avant la chirurgie. Uneéventuelle maculopathie risque de compromettre larécupération visuelle attendue.

Le calcul de l’implant est réalisé avec uneéchographie en mode B, couplée au mode A, enlaissant le plus souvent une myopie résiduelle, pourpréserver une vision de près sans correction optique.

L’implant choisi doit être de grand diamètre (6 mm)pour permettre une bonne surveillance de lapériphérie rétinienne.

L’anesthésie péribulbaire ou rétrobulbaire expose àun risque accru de perforation du globe. Uneanesthésie générale, sous-ténonienne ou topique serapréférée.

‚ Pseudoexfoliation capsulaire (PEC) (fig 8)Il s’agit d’une entité clinique, dont le diagnostic se

fait au biomicroscope. On note la présence d’un dépôtexfoliatif à la surface du cristallin. Cette PECs’accompagne d’une fragilisation des tissus oculaires.

L’examen préopératoire recherche un glaucome,fréquent dans cette affection. Les risques majeurs decette pathologie sont une lésion capsulaireperopératoire, une inflammation ou une hypertoniepostopératoire.

Dans tous les cas, la chirurgie doit être réaliséerigoureusement, en évitant au maximum les tractionssur la zonule (équateur du cristallin).

‚ Cataracte compliquant une uvéiteLa chirurgie ne doit être réalisée que sur un œil

calme. L’inflammation doit être maîtrisée depuis aumoins 6 mois.

La difficulté opératoire principale est la présence desynéchies iridocristalliniennes, rendant la visibilitémauvaise, et les manœuvres intraoculaires délicates.

L’intervention est encadrée par une corticothérapiepar voie systémique.

‚ Patient atteint de DMLA

La gravité de la maculopathie va conditionner lepronostic de la récupération visuelle.

L’intervention n’est décidée que dans les cataractesavancées, gênant la surveillance de la maculopathie,ou s’il existe un réel bénéfice d’amélioration du champvisuel du patient.

Les formes exsudatives doivent être traitées etstabilisées avant d’envisager l’intervention, le risqueétant une aggravation rapide dans les suites de lachirurgie.

■Aspects économiques

La chirurgie de la cataracte est l’acte chirurgical decotation supérieure à Kc 50 le plus fréquemmentréalisé en France. Plusieurs raisons expliquent cetaccroissement considérable du nombre de cataractes :le vieillissement de la population, la mauvaisetolérance au handicap en général et du handicapvisuel en particulier, l’excellent résultat fonctionnel dela chirurgie puisqu’en l’absence de pathologie oculaireassociée, plus de 70 % des yeux récupèrent une acuitésupérieure à 7/10 après chirurgie.

Au cours des dix dernières années, le mode de priseen charge de la chirurgie de la cataracte a égalementsensiblement évolué : la chirurgie ambulatoire s’estdéveloppée de façon considérable, en particulier dans

le secteur privé et lorsque l’hospitalisation classique estpréférée, la durée moyenne de séjour est de l’ordre de48 heures.

Le coût de la chirurgie de la cataracte commence àêtre apprécié de façon précise. Le tableau I décomposeles coûts de fonctionnement dans le secteur public quisont paradoxalement plus accessibles que ceux dusecteur privé : les consultations concernent lesconsultations pré- et postopératoires ; les examenscomplémentaires représentent les bilans préopératoi-res anesthésiques (variable selon l’état général dupatient) et la biométrie indispensable dans tous les caspour mesurer la puissance de l’implant ; lesconsommables bloc comportent l’implant intraocu-laire (de l’ordre de 900 francs en milieu hospitalierpublic) et le petit matériel jetable ; les dépensesd’hospitalisation, de fonctionnement du blocopératoire correspondent aux dépenses de personnelmédical et non médical ; les dépenses de structurescorrespondent aux dépenses générales de l’hôpital.

La différence de 3 000 francs environ entre la priseen charge ambulatoire et la prise en charge enhospitalisation classique est relativement importante.

La chirurgie ambulatoire n’est cependant pastoujours réalisable pour des raisons liées au patient(habitant seul, mauvais état général, domicile éloignéde l’établissement hospitalier) ou liées à la structure(absence de chirurgie ambulatoire).

L’ambulatoire peut également s’accompagner detransfert de charge vers le patient ; par exemple, desfrais de transports supplémentaires ou la nécessitéd’une aide à domicile.

Sur la base d’un prix moyen de 8 000 francs par prisen charge et de 300 000 procédures par an en France,la chirurgie de la cataracte représente une dépense del’ordre de 2,4 milliards de francs par an.

8 Pseudoexfoliation capsulaire.

Tableau I. – Répartition des dépenses hospitalières selon les modalités de prises en charge.

HT Coût en francs HDJ Coût en francs

Cs ophtalmologiques 300 300

Cs anesthésique 147 141

Examens complémentaires 771,57 589,21

Structures 2 573,25 1 616,75

Hospitalisation 3 176,90 1 404,22

Consommable bloc 1 734,76 1 692,46

Fonctionnement bloc 2 050,84 1 721,43

Consommable hospitalisation 72,82 60,49

Amortissement 157,6 157,6

TOTAL 10 984,76 7 683,19

HT : hospitalisation traditionnelle ; HDJ : hospitalisation de jour ; Cs : consultation.

6-0060 - Cataracte

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Page 6: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Franck Fajnkuchen : Chef de clinique-assistant.Kamel Achebouche : Interne des Hôpitaux.

Céline Giraud : Interne des Hôpitaux.Jean-François Girmens : Interne des Hôpitaux.Sylvia Nghiem-Buffet : Interne des Hôpitaux.Gilles Chaine : Professeur, chef de service.

Service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.Isabelle Nataf-Herzhaft : Assistante des Hôpitaux.

Service d’ophtalmologie, hôpital de Nanterre Max Fourestier, 403, avenue de la République, 92014 Nanterre cedex.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Fajnkuchen, K Achebouche, C Giraud, JF Girmens, S Nghiem-Buffet, I Nataf-Herzhaft et G Chaine.Cataracte.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0060, 2001, 5 p

R é f é r e n c e s

[1] Haberer JP, Obstler C, Deveaux A, Zahwa A. Anesthésie en ophtalmologie.Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS), Ophtalmolo-gie, 21-780-A-10,1999 : 1-18

[2] Milazzo S, Turut P. Phacoémulsification.Encycl Méd Chir (Éditions Scienti-fiques et Médicales Elsevier SAS), Ophtalmologie, 21-250-C-50,1993 : 1-12

[3] Zetlaoui P. Guide d’anesthésie locorégionale en ophtalmologie. Paris : Medex-pert, 1998

Cataracte - 6-0060

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Page 7: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Conjonctivites : clinique - bilan -

étiologie - traitement

C Creuzot-Garcher, A Bron

L e terme conjonctivite signifie inflammation de la conjonctive sans présumer de son origine infectieuse ou pas.L’incidence précise de cette affection très commune est inconnue.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’incidence de la conjonctivite semble augmenterdurant le jeune âge. Les études ont privilégié la placedes conjonctivites bactériennes dont l’incidence estévaluée à 0,6 % chez les nouveau-nés en cas deprévention néonatale et à 4,6 % sans prévention.

Les facteurs aboutissant à une conjonctiviterésultent de la conjonction de plusieurs éléments :

– dépassement des défenses de l’hôte ;– effraction des barrières épithéliales ;– multiplication des germes ;– réponse inflammatoire de l’hôte.

■Épidémiologie

‚ Flore conjonctivale normale

La conjonctive, en contact avec le mondeextérieur, constitue une porte d’entrée à denombreux germes et virus. En permanence balayéepar les clignements des paupières, les sécrétionsconjonctivales sont évacuées progressivement versl’angle interne. Les germes retrouvés sur uneconjonctive saine sont non pathogènes etempêcheraient la colonisation de la conjonctive pard’autres germes pathogènes qu’ils protégeraientpeut-être par la sécrétion de substancesantibiotiques-like. Les germes les plus fréquemmentretrouvés sont Staphylococcus epidermidis, S aureuspour les cocci à Gram positif et Corynebacteriumspecies et Propionibacterium acnes pour les bacilles àGram positif. Cette germes sont présents dans lesdeux tiers des prélèvements effectués sur unepopulation saine. Cette répartition est différente chezle porteur de lentilles de contact où la présence degermes est observée dans un tiers des cas. Leslentilles favorisent l’apparition des entérobactéries etdes germes résistants aux antibiotiques

Les virus sont également présents au niveau de laconjonctive sans entraîner nécessairement d’effetdélétère. Les champignons fluctuent selon lesconditions climatiques. L’Aspergillus et les Candidasont les plus fréquemment observés [1].

Les facteurs modifiant la flore semblent être lessuivants :

– âge : la flore conjonctivale est mise en évidencedès la naissance. La fréquence des bacilles à Grampositif est relativement stable. Ceux à Gram négatifsont très peu nombreux mais augmentent tout aulong de la vie. Les champignons représentent unfaible pourcentage global dont la fréquence oscilleentre 2 et 5 % ;

– saisons : l’incidence varie selon les saisons : lesinfections bactériennes surviennent plus volontiersen hiver et au printemps alors que les atteintesvirales prédominent en été ;

– géographie : elle influence la fréquence desgermes, de même que le facteur climatique : chaudet humide dans la zone subtropicale, il augmentel’incidence des mycoses.

‚ Flore conjonctivale et pathologiesuperficielle

Selon l’âge

Lors d’une conjonctivite, il est essentiel de tenircompte de l’âge du patient : la période néonatale estmarquée par la prédominance de Chlamydiaetrachomatis et Neisseria gonorrhoeae. Chez l’enfantde moins de 1 an, on retrouve fréquemment desentérocoques coliformes. Haemophilus influenzae,Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes etS pneumoniae deviennent majoritaires chez l’enfantet l’adulte.

Selon la forme clinique

Dans les conjonctivites aiguës, les germesd’origine ORL et respiratoires du genre Streptococcuspneumoniae et Haemophilus influenzae (souventassocié à une otite) sont majoritaires chez lesenfants.

Dans les conjonctivites chroniques, lestaphylocoque doré et les bacilles à Gram négatifs’accompagnent souvent de blépharite.

‚ Mode de transmission

La contamination se fait essentiellement par lavoie main-œil. Toutefois, la contamination d’originenasopharyngée n’est pas à négliger pourHaemophi lus et Staphylococcus aureus . Lacontamination oculogénitale est liée soit au passage

dans la filière génitale chez le nourrisson, soit aucontact direct par les doigts. Il s’agit avant toutd’affections sporadiques, même si les épidémiessemblent favorisées par la promiscuité et surtout parl’immunodépression des patients.

■Clinique

La conjonctivite est un terme générique quiregroupe un certain nombre d’étiologies. Toutefois,leur symptomatologie est assez univoque. L’aspectclinique orientera alors les examens selon l’étiologiesuspectée pour permettre d’adapter le traitement.

‚ Signes fonctionnels

Le plus souvent, la symptomatologie comporte :– des démangeaisons associées à un œdème

palpébral plus ou moins marqué ;– des sécrétions sales avec un œil rouge, collé le

matin ;– une photophobie modérée avec larmoiement

réactionnel ;– pas de baisse d’acuité visuelle. Il faut retenir le

concept : un œil rouge avec une baisse d’acuitévisuelle n’est pas une conjonctivite jusqu’à preuve ducontraire.

Certaines irritations peuvent toutefois entraînerdes démangeaisons poussant les patients à se frotterles yeux et à entraîner ainsi des lésions cornéennessuperficielles.

‚ Signes d’examen

L’examen biomicroscopique à la lampe à fenteretrouvera différents éléments : une hyperhémieconjonctivale, un chémosis et une exsudation.

L’examen précisera alors différents éléments :– l’aspect de l’hypersécrétion : propre aqueuse,

faite avant tout de mucus et d’eau ou déjà sale et decouleur jaune évoquant une surinfectionbactérienne. Cette hypersécrétion prend parfois unaspect de fausse membrane adhérente à laconjonctive sous-jacente et évoque alors uneétiologie bactérienne ;

– les paupières sont plus ou moins œdémateusesselon l’étiologie : œdème discret lors du syndrome

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sec, plus marqué lors des conjonctivites infectieuseset parfois majeur lors des conjonctivites allergiques ;

– le chémosis ou œdème conjonctival prendparfois une intensité impressionnante, notammentdans les étiologies allergiques ;

– l’hyperhémie conjonctivale est localisée dansles culs-de-sac conjonctivaux. L’atteinte limbique,autour de la cornée (cercle périkératique), signe uneatteinte cornéenne ou intraoculaire. Certainesformes localisées sont parfois difficiles à distinguerd’une épisclérite, qui correspond à une inflammationde l’épisclère ;

– l’examen recherchera enfin des élémentspermettant d’orienter vers une étiologie : aspect depapilles ou de follicules, présence d’une blépharite ;

– il faut savoir penser à retourner la paupièresupérieure chez un patient présentant une irritationoculaire. Nombreux sont les petits fragmentsvégétaux ou les grains de sables traités par descollyres quand l’ablation du fragment aurait soulagéle patient !

– des hémorragies sous-conjonctivales lorsd’infections virales ou une kératite associée peuventcompléter ce tableau.

■Bilan

‚ Quand demanderun examen bactériologique ?

Il ne se conçoit réellement que lors deconjonctivites bactériennes. Or, l’identification d’ungerme demande en moyenne 48 à 72 heures endehors des rares cas où celui-ci est identifié àl’examen direct. On sait que, actuellement, entre 85et 95 % des conjonctivites répondent favora-blement, en 5 jours, à un traitement antibiotiqueempirique à large spectre. Il ne paraît donc pasraisonnable d’effectuer une telle recherche de façonsystématique. Il faut toutefois ne pas négliger cesprélèvements précieux dans certains cas (tableau I).

Certains réflexes doivent également être acquis :– chez les porteurs de lentilles qui font une

conjonctivite, ne pas jeter lentilles et étuis en cas desurinfection : l’analyse bactériologique peut êtreprécieuse pour la mise en évidence de germes oud’amibes ;

– avoir présent à l ’esprit que la floreconjonctivale varie d’un moment à l’autre et que laprésence d’un germe au temps « t » ne suppose pasnécessairement sa responsabilité dans une infection.

‚ Examen cytologiqueet bactériologique conjonctival

Il se fait à l’aide d’un écouvillon stérile, appliquédans le cul-de-sac inférieur, de dehors en dedans. Ilramasse bien sûr avant tout la flore conjonctivalesaprophyte, mais également des germes caractériséspar un examen direct puis une mise en culture.

Le Chlamydiae reste difficile à détecter par destechniques classiques en raison de sondéveloppement intracellulaire, et nécessite desgrattages conjonctivaux afin de prélever les cellulesconjonctivales superficielles. Les virus sont assezdifficiles à mettre en évidence.

■Étiologie

‚ Conjonctivites infectieuses

Elles ne sont pas les causes les plus fréquentesmais justifient, dans certains cas, d’un traitementurgent. Il importe donc de bien savoir lesreconnaître.

Conjonctivite bactérienne

Certaines particularités cliniques orienteront plusvolontiers vers une étiologie particulière :

– les nouveau-nés ont un risque accru decontracter une conjonctivite lors du passage dans lafilière génitale. La prévention par l’instillation decyclines est donc systématique lors de la naissance ;

– l’association à une autre localisation orienteraenfin le diagnostic étiologique : une atteinte desvoies lacrymales ou des paupières (chalazion)évoquera avant tout la responsabilité dustaphylocoque ; l’existence d’une urétrite oud’arthralgies évoquera une origine gonococcique ouchlamydienne.

Rares sont les arguments permettant dedistinguer de façon formelle une atteintebactérienne d’une atteinte virale. Toutefois, certainséléments peuvent être soulignés (tableau II).

Les conjonctivites bactériennes se présententclassiquement comme un œil rouge, avec unchémosis modéré, une hypersécrétion sale [4, 5].

Certaines conjonctivites dites « hyperpurulentes »se présentent avec des sécrétions très abondantes et

peuvent entraîner des complications cornéennes,voire des perforations du globe. Elles sont l’apanagede Neisseiria gonorrhoeae et touchent avant tout lesnouveau-nés.

Conjonctivite virale

Les conjonctivites sont extrêmement fréquenteslors des infections liées aux virus influenza, de larougeole, des oreillons et présentes dans la petiteenfance. Plus rares sont les infections virales dont lesmanifestations sont avant tout oculaires : ellesprennent le masque de véritables épidémies etconstituent donc un véritable problème de santépublique.

La conjonctivite à Adénovirus est très fréquente.Souvent bilatérale et prenant l’aspect d’uneconjonctivite folliculaire, elle est bruyante avec unesensation de corps étranger et un chémosis marqué,des hémorragies sous-conjonctivales associée à uneadénopathie prétragienne. Elle se compliquefréquemment d’une kératite. Cette affection estresponsable d’une inflammation conjonctivaleprolongée dont le traitement peut durer plusieursmois.

L’herpès est également susceptible d’entraînerune conjonctivite. On peut voir rarement un aspectdendritique sur la conjonctive. L’atteinte cornéenneassociée est fréquente, et on note souvent unehypoesthésie cornéenne. Une éruption vésiculeuseou une immunosuppress ion orienterontrespectivement vers le zona et le cytomégalovirus.

Conjonctivite à « Chlamydiae »

Les chlamydioses oculaires se manifestent plutôtdans nos pays occidentaux par une conjonctivitechronique folliculaire résistante au traitement [6]. Ellesne seraient pour certains qu’un facteur parmid’autres aboutissant à une inflammationconjonctivale chronique (allergie ?).

‚ Conjonctivite allergique

Il s’agit d’un diagnostic avant tout clinique quirepose sur un interrogatoire quasi policier pourretrouver l’allergène en cause. Les antécédentsallergiques familiaux ou personnels, la notion dedéclenchement saisonnier, ou lors d’un contact bienprécis, sont des éléments très en faveur de l’origineallergique d’une conjonctivite surtout si elle estchronique. On distingue plusieurs formes selon lescirconstances de survenue [2] :

– la conjonctivite saisonnière, forme allergiquetrès fréquente, caractérisée par sa récurrence lors de

Tableau I. – Indications des prélèvementsconjonctivaux.

Conjonctivite purulente chez un nouveau-né ouchez l’immunodépriméConjonctivite chronique résistante au traitementafin de rechercher d’éventuels ChlamydiaeConjonctivite associée à une atteinte cornéenneou à un abcès cornéenConjonctivite purulente chez un patient ayant étéopéré de glaucome ou de cataractePatient traité de façon chronique par corticoïdeslocauxPorteurs de lentilles ou de prothèse oculaireNotion d’infection à Neisseiria gonorrhoae, meni-gitidis ou à Haemophilus influenzae de type BConjonctivite aiguë récurrente ou résistante à untraitement empirique de 8 jours

Tableau II. – Éléments permettant de différencier atteinte virale et bactérienne.

Conjonctivite bactérienne Conjonctivite virale

Sensation de corps étranger Rare Fréquent

Symptômes généraux Absents Possibles (respiratoire, malaise général)

Sécrétion Mucopurulente Aqueuse

Réaction conjonctivale Papilles +++ Follicules+++Follicules+ Papilles+

Atteintes cornéennes Rare Fréquent pour l’Adénovirus

Adénopathie prétragienne Rare Fréquent

6-0020 - Conjonctivites : clinique - bilan - étiologie - traitement

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Page 9: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

l’exposition à l’allergène. Elles est souvent liée aupollen, ce qui explique sa survenue printanière ;

– la conjonctivite perannuelle liée à une allergieaux acariens, aux phanères d’animaux ou à laplume qui se manifeste toute l’année avec unerécurrence saisonnière fréquente ;

– la kératoconjonctivite vernale, plus rare,s’observe essentiellement chez les jeunes enfantsayant un terrain allergique familial. Elle s’amélioreparfois à l’âge adulte mais le passage à la chronicitén’est pas rare et elle entraîne une baisse d’acuitévisuelle dans un quart des cas ;

– la kératoconjonctivite atopique rare et sévères’accompagne d’un eczéma et d’une atteintecornéenne ;

– la conjonctivite papillaire géante est liée à unconflit lentille-conjonctive ;

– l’allergie de contact est généralementsecondaire à un collyre ou à un cosmétique.

‚ Conjonctivite liée au syndrome sec

Il s’agit d’une affection dont la fréquence sembleavoir nettement augmenté ces dernières années(augmentation de la pollution, air conditionné,assèchement global de l’atmosphère). La sensationde corps étranger, la photophobie sont les plaintessubjectives les plus fréquentes même si on peut voirapparaître au début de l’affection un larmoiementréactionnel. Les résultats du test de Schirmer etl’appréciation du film lacrymal détérioré sont dessignes très évocateurs de syndrome sec oculaire.Une proportion élevée des syndromes secs est liée àune altération des graisses composant le filmlacrymal ; elle s’accompagne fréquemment deblépharites.

■Ce qui ne doit pas égarer le

diagnostic...

– Les faux larmoiements : liés à une obstructiondes voies lacrymales.

– Les faux yeux rouges : de nombreuseshypermétropies chez l’enfant se traduisent par unœil discrètement rouge avec parfois un discretlarmoiement.

– Les rougeurs graves : toute baisse d’acuitévisuelle fera éliminer le diagnostic de conjonctivitesimple a priori. Une complication cornéenne(kératite) sera toujours possible avec majoration dela photophobie et de la douleur. Un corps étrangersera toujours suspecté surtout dans les métiers àrisque ou chez l’enfant. De même, toute baisse devision avec œil rouge douloureux devra faireévoquer les diagnostics d’iridocyclite et de glaucomeaigu.

■Traitement

On sait actuellement que 50 % seulement desconjonctivites aiguës mucopurulentes sont d’originebactérienne. Toutefois, l’antibiothérapie semblediminuer la durée des symptômes et le risque decontamination.

‚ Conjonctivite bactérienne

On soulignera la primauté de l’examen clinique :un résultat discordant bactériologique ne doit pasfaire modifier une thérapeutique objectivementefficace. Elle associe des règles élémentairesd’asepsie à un traitement local. Il faut sûrementpréférer une mono-antibiothérapie de premièreintention mais il pourra être licite d’instaurer unebithérapie pour élargir le spectre et augmenterl’activité du traitement tout en inhibant l’émergencede nouveaux mutants résistants. Les conjonctivitesjustifient le plus souvent une simple bactériostasie(inhibition de la croissance des germes) sansbactéricidie (destruction des bactéries). Le traitementlocal se prolongera au moins 8 jours, en dépit del’amélioration clinique souvent précessive, avec uneposologie initiale de 6 à 8 gouttes/j pour s’alléger à 4fois pour la fin du traitement. La persistance d’unesymptomatologie inflammatoire conjonctivale, outrela non-observance thérapeutique ou l’inefficacité dutraitement, doit faire suspecter la présence d’uncorps étranger cornéen, une obstruction des voieslacrymales, une affection locorégionale [3].

Elles nécessitent différents traitements selon lagravité des troubles.

Conjonctivite mineure

Un trai tement par ant isept iques peutparfaitement s’envisager de première intention. Lechoix ira alors vers les ammoniums quaternaires, lesamidines.

Conjonctivite aiguë

Elle nécessite une antibiothérapie locale que l’onadaptera selon les cas. Une monothérapie est liciteen première intention. Les bithérapies serontintéressantes en cas d’échec du traitement ou si l’onveut élargir le spectre du traitement (tableau III).

‚ Conjonctivite virale

Évoluant sous forme de véritables épidémies,elles nécessitent des règles simples d’asepsie pourrompre la chaîne de contamination : pas d’échangede linge de toilette, lavage des mains scrupuleux. Lestraitements antiviraux efficaces lors desconjonctivites virales sont peu nombreux. Le plussouvent, le traitement ne pourra être quesymptomatique.

La conjonctivite à Adénovirus répond, pourcertaines souches, à la trifluorothymidine etl’adjonction de corticoïdes est préconisée parcertains. Le risque reste celui de traiter une formeatypique de kétatoconjonctivite herpétique par descorticoïdes locaux. Il faudra donc être extrêmementprudent avant de débuter une corticothérapie localelors d’une conjonctivite infectieuse.

‚ Conjonctivites à « Chlamydiae »

Le traitement le plus approprié semble êtrel’association cyclines (Posicyclinet ou Rifamycinet) -cyclines per os pendant 3 semaines voire plus. Lapersistance du germe à l’issue de ce traitementnécessite parfois une nouvelle cure.

‚ Conjonctivite allergique

La recherche parallèle de foyer infectieux ORLet stomatologique est essentielle. L’éviction del’allergène reste une mesure essentielle, même sielle n’est pas toujours possible. L’administration

Tableau III. –

Collyres Pommades Association à un corticoïde

Spectre étroit Bacitracine (Bacitracinet)Virginamycine (Staphylomycinet)

Spectre plus ou moins large Rifamycine (Rifamycinet) Rifamycine Néomycine (Chibro-Cadront)Acide fusidique (Fucithalmict) Oxytétracycline Framycétine (Frakidext)Néomycine (Néomycinet) Gentamycine Oxytétracycline (Stre-Dext)Framycétine (Néoparyl-Framycétinet) Tobramycine Gentamycine (Gentasonet)Oxytétracycline (Posicyclinet) Chloramphénicol Chloramphénicol (Cébédexacolt)

Gentamycine (Ophtagramt)Tobramycine (Tobrext)Norfloxacine (Chibroxinet)Ofloxacine (Exocinet)Chloramphénicol (Cébénicolt)

Association Polymyxine B + Néomycine (Cébémyxinet) Polymyxine B + Néomycine Polymyxine B + Néomycine (Maxidrolt)ou Framycétine (Polyfrat) ou Framycétine Colimycine + Bacitracine (Bacicolinet)

ou Kanamycine (Stérimycinet)

Conjonctivites : clinique - bilan - étiologie - traitement - 6-0020

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de sérum physiologique sans conservateur rendégalement service. Le traitement de la crises’appuie sur l’association locale : corticoïdes -antial lergiques pour les conjonctivitesprintanières. La kératoconjonctivite de ladermatite atopique est généralement soulagéepar l’utilisation de compresses humides etd’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Lesformes graves nécessitent un traitementcorticoïde et antihistaminique per os.

‚ Conjonctivite lors du syndrome sec

Après avoir cherché une étiologie systémiquedont le traitement spécifique permettraitd’amender les symptômes, on envisagera unemeilleure humidification de l’atmosphère et, sipossible, l’arrêt des médications génératrices d’œilsec. Les formes légères seront le plus souventsoulagées par les larmes artificielles ou par les gels,administrés régulièrement dans la journée, maissurtout lors des crises douloureuses. Les formesplus sévères nécessitent des instillations plusfréquentes, des pommades la nuit ou enfin

l’occlusion des points lacrymaux par les clousméatiques. L’atteinte conjonctivopalpébrale lorsdes blépharites est bien soulagée par des soinspalpébraux.

■Prévention

La prévention de l’épidémie conjonctivaleconsiste avant tout à rompre la chaîne decontamination main-œil. Celle-ci concerne avanttout le personnel soignant et l’entourage du patientatteint de conjonctivite virale. Ces règles concernentdes mesures simples comme le lavage des mains,l’utilisation de linge de toilette personnel, maiségalement une désinfection soigneuse del’ensemble de l’appareillage. Le peroxyded’hydrogène à 3 % ou l’hypochlorite de sodiumdilué au 1/1 000e sont les méthodes préconisées,même si elles sont bien en deçà des recommanda-tions données pour l’éviction des prions. Ons’orientera certainement de plus en plus vers unappareillage à usage unique ou non-contact.

La prévention des conjonctivites à gonocoque parl’instillation à la naissance a permis de faire reculerce fléau, même si son efficacité sur le Chlamydiae estinsuffisante.

■Conclusion

Les conjonctivites répondent généralement bien autraitement. Les conjonctivites bactériennes tiennent uneplace de choix, même si leur fréquence est bieninférieure aux conjonctivites virales. Les traitements àlarge spectre anciens restent extrêmement efficacesmême si on a pu voir émerger quelques résistancesdont la fréquence n’a aucune commune mesure aveccelle observée en antibiothérapie générale. La banalitéde cette affection devra surtout rendre le praticienméfiant afin de ne pas méconnaître une autre cause.Une baisse d’acuité visuelle fait toujours remettre encause le diagnostic de conjonctivite. Enfin, l’adage« Primum non nocere » s’applique parfaitement auxtraitements oculaires chroniques. L’utilisation detraitements avec conservateurs peut en effet faire entrerle patient dans une pathologie inflammatoire iatrogèneet la préférence sera toujours donnée aux unidoses.

Catherine Creuzot-Garcher : Praticien hospitalier.Alain Bron : Professeur des Universités.

Service d’ophtalmologie, centre hospitalier régional universitaire de Dijon, hôpital général, 3, rue du faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Creuzot-Garcher et A Bron. Conjonctivites : clinique - bilan - étiologie - traitement.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0020, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Adenis JP. Les conjonctivites. Infections et inflammations du segment anté-rieur de l’œil. Éditions médicales, Laboratoire MSD, 1989

[2] Foster CL. Immunologic disorders of the conjunctiva, cornea and sclera. In :Albert DM, Jacobiec FA eds. Principles and practice of ophthalmology. Clinicalpractice. Philadelphia : WB Saunders, 1994 : 190-217

[3] Garcher C, Bron A. Traitement des conjonctivites.Encycl Med Chir(Elsevier,Paris), Ophtalmologie, 21-130-F-10, 1994 : 1-9

[4] Hwang DG. Bacterial conjunctivitis. In : Pepose JS, Holland GN, WilhelmusKR eds. Ocular infection and immunity. St Louis : Mosby, 1996 : 799-817

[5] Syed NA, Chandler JW. Bacterial conjunctivitis. In : Tabbara KF, Hyndiul RAeds. Infections of the eye. Moston : Little Brown, 1996 : 423-432

[6] Tabbara KF. Chlamydia: Trachoma and inclusion conjunctivitis. In : TabbaraKF, Hyndiul RA eds. Infections of the eye. Moston : Little Brown, 1996 : 433-452

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Page 11: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Décollement de rétine

P Massin, A Gaudric

L e décollement de la rétine est une séparation entre la rétine sensorielle et l’épithélium pigmentaire. Ledécollement de rétine est le plus souvent secondaire à une déhiscence de la rétine (déchirure ou trou rétinien) :

c’est le décollement de rétine rhegmatogène. Plus rarement, il est tractionnel, dû à une traction exercée sur la rétinepar le vitré ou un tissu prolifératif fibreux, ou exsudatif, secondaire à des pathologies vasculaires rétiniennes ouchoroïdiennes variées.© Elsevier, Paris.

■Physiopathogénie

Le décollement de rétine rhegmatogène est dû àune ou plusieurs déhiscences rétiniennes quisurviennent lors du décollement postérieur du vitré.Celui-ci est dû à des modifications du gel vitréen liées àl’âge : perte d’acide hyaluronique qui entraîne uneliquéfaction et un collapsus du gel vitréen. Le corpsvitré se détache de la partie postérieure de la rétine,mais reste fortement attaché circulairement à sa partieéquatoriale. Il en résulte des tractions qui peuvententraîner des déchirures au niveau de la based’insertion du vitré, c’est-à-dire en périphérie de larétine. Le liquide présent dans la cavité vitréenne passealors à travers la déchirure et crée la séparation entrela rétine sensorielle et l’épithélium pigmentaire.

■Épidémiologie

L’incidence du décollement de rétine est estimée à1 pour 10 000, c’est-à-dire à environ 6 000 nouveauxcas par an. Dans plus de la moitié des cas, ledécollement de rétine rhegmatogène survientspontanément, sans antécédent de chirurgie ou detraumatisme.

Cependant, il existe certains facteurs de risque desurvenue du décollement de rétine.

Un décollement peut survenir dans le deuxième œildans 10 % des cas. Son délai d’atteinte est, dans lamajorité des cas, inférieur à 3 ans.

■Clinique

‚ Signes fonctionnels

Le décollement de rétine peut être précédé par dessignes d’alarme qui témoignent de la constitutiond’une déchirure rétinienne lors du décollementpostérieur du vitré.

■ Les phosphènes périphériques (flashs lumineuxrépétés en périphérie du champ visuel) traduisent lestractions du vitré sur la rétine périphérique.

■ Les myodésopsies, ou « corps flottants », sont laperception de filaments translucides. Elles traduisent lecollapsus du vitré avec condensation des fibrilles decollagène. Si des corps flottants sombres apparaissentsubitement, il s’agit en général d’une petitehémorragie intravitréenne liée à la rupture d’unvaisseau rétinien lors de la constitution de la déchirurede rétine.

■ L’apparition d’une amputation progressive d’unepartie du champ visuel (scotome périphérique) traduitle décollement de la rétine. La baisse visuelle peut êtreplus tardive, traduisant dans la plupart des cas ledécollement de la macula.

La rapidité d’extension d’un décollement de rétine àpartir de la formation d’une déchirure est très variable.Dans certains cas, plusieurs semaines après dessymptômes évocateurs de déchirure, l’examen dufond d’œil ne trouve qu’une déchirure à bords à peine

soulevés, le reste de la rétine étant à plat. Dansd’autres cas, le patient, qui a très bien perçu le début deses symptômes, présente déjà, quelques heures plustard, un décollement de rétine très étendu, constatélors du premier examen. Tous les intermédiaires entreces deux cas existent.

‚ Examen cliniqueL’examen clinique comprend une mesure de

l’acuité visuelle, une mesure de la pression oculairerecherchant une hypotonie souvent associée et unexamen du fond d’œil après dilatation pupillairemaximale.

L’examen du fond d’œil se fait à l’ophtalmoscopeindirect, puis à la lampe à fente en utilisant une lentilleavec ou sans contact cornéen permettant d’apprécierl’étendue et les limites du décollement de rétine,l’existence d’un décollement maculaire et les rapportsvitréorétiniens ; l’examen minutieux de la périphérierétinienne, le plus souvent au verre à trois miroirs,permet de localiser la ou les déchirure(s) rétinienne(s)causale(s) (fig 1).

‚ Examens complémentairesL’échographie en mode B permet le diagnostic de

décollement de rétine lorsqu’une cataracte obturanteou des opacités du vitré (hémorragies, inflammation)gênent l’examen de la rétine.

Les radiographies de l’orbite ou le scanner orbitairepeuvent être utiles pour détecter la présence d’uncorps étranger intraoculaire métallique en cas detraumatisme oculaire.

Facteurs de risque de survenue d’undécollement de rétine✔ Âge> 50 ans.✔ Myopie forte.✔ Antécédent chirurgical oculaire(intervention de cataracte,vitrectomie).✔ Contusion oculaire.✔ Existence de lésions de fragilitérétinienne périphérique(dégénérescence palissadique).✔ Décollement de rétine dans l’œilcontrolatéral.

Signes fonctionnels révélateurs d’undécollement de rétine✔ Phosphènes.✔ Myodésopsies.✔ Amputation du champ visuelpériphérique.✔ Baisse visuelle.

1 Fond d’œil : décollement de rétine temporal.

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■Traitement

Le traitement curatif du décollement de rétine estchirurgical.

En cas de décollement de rétine rhegmatogène, laprésence ou l’absence d’un soulèvement maculaire estle principal critère d’urgence du traitement.

■ Si la macula n’est pas décollée mais que le risquede décollement maculaire est imminent, le traitementchirurgical est urgent et doit être entrepris dans les 24heures suivant le diagnostic, car le résultat fonctionnelsera meilleur si la macula n’a pas été décollée.

■ Si le décollement de rétine est périphérique etqu’il ne présente pas de risque de progression rapide,son traitement est réalisé dans un délai de quelquesjours à 1 semaine.

■ Si la macula s’est soulevée quelques jours avantl’examen, le traitement du décollement de rétine esthabituellement réalisé dans un délai de 1 à 2 jours, carles résultats fonctionnels sont meilleurs si la macula aété décollée il y a moins d’1 semaine.

■ Si le décollement est chronique avec une maculadéjà soulevée depuis plusieurs semaines, le traitementdu décollement de rétine doit être réalisé depréférence dans un délai de 1 à 2 semaines.

L’intervention est réalisée sous anesthésie locale ougénérale.

Le but du traitement est d’occlure la ou lesdéhiscence(s) (trou et/ou déchirure) responsable(s) dudécollement, c’est-à-dire de remettre le bord décollé de ladéhiscence au contact de l’épithélium pigmentaire et de lachoroïde.

■Modalités thérapeutiques

‚ IndentationLa fermeture de la déhiscence est le plus souvent

atteinte par l’indentation. Réaliser une indentationconsiste à déformer localement la paroi du globe ensuturant sur la sclère un explant cylindrique de tellesorte qu’il inverse la courbure du globe et fasse faireune saillie à la paroi vers l’intérieur de la cavité enregard de la déhiscence (fig 2, 3). Le matériauhabituellement utilisé est un silicone souple ouspongieux. Dans certains cas, cette indentation peutêtre maintenue en place par un cerclage qui entourecomplètement la circonférence sclérale.

‚ Injection intraoculaire d’air ou de gazDans certains cas, lorsque la rétine a tendance à se

réappliquer en formant des plis, on pourra injecter del’air stérile ou un gaz expansif dans la cavité vitréenneà l’aide d’une aiguille très fine (30 G). Cette injection degaz peut, dans certains cas, être utilisée enremplacement de l’indentation lorsque le gaz peutexercer valablement son appui sur la déchirure(déchirure supérieure) pendant plusieurs jours.

‚ RétinopexiePour maintenir la déchirure fermée à long terme, il est

habituel de créer à son niveau une cicatrice adhésive

entre la rétine et la choroïde. Cela est habituellementobtenu par une cryopexie transclérale, gelure localiséequi entraîne en quelques jours une cicatrice adhésivesolide. Dans certains cas, une photocoagulation au laserpeut remplacer la cryopexie.

‚ VitrectomieDans 10 à 30 % des cas, une intervention

endoculaire peut être nécessaire en premièreintention. Il s’agit notamment des cas où unehémorragie du vitré (ou une autre opacité vitréenne)ou des opacités de la capsule cristallinienne aprèschirurgie de la cataracte empêchent de repérer lesdéchirures. Il peut s’agir également des cas dedéchirure géante (supérieure à 90°) ou de décollementde rétine déjà compliqué de prolifération fibreuseprérétinienne (prolifération vitréorétinienne).

■Évolution postopératoire

et résultats

En utilisant des techniques simples, environ 85 %des décollements de rétine peuvent être recollés en

une seule intervention. Les résultats visuels aprèschirurgie de décollement de rétine sont variables etdépendent surtout du soulèvement éventuel de lamacula au moment de l’intervention. Si la macula n’estpas soulevée, une acuité visuelle supérieure ou égale à4/10 est obtenue dans 80 à 85 % des cas. Dans les cascontraires, cette fréquence est seulement de 20 à35 %.

La prolifération vitréorétinienne survient dansenviron 5 % des décollements de rétine et peutnécessiter plusieurs interventions avant d’obtenir unrecollement stable. Il s’agit d’une migration, d’uneprolifération et d’une métaplasie fibreuse des cellulesde l’épithélium pigmentaire qui, en s’étalant puis en secontractant à la surface de la rétine décollée,entraînent un plissement complexe de la rétine. Dansces cas compliqués, l’intervention comportera unevitrectomie par la pars plana qui permettra unedissection des membranes épirétiniennes qui plissentet rigidifient la rétine. Un tamponnement interne est leplus souvent nécessaire, soit par l’injection d’un gaz àlongue durée d’action, soit par huile de silicone. Lesrésultats fonctionnels sont le plus souvent médiocres.

■Traitement préventif

du décollement de rétine

C’est avant tout le traitement par laser en urgencedes déchirures rétiniennes symptomatiquesconstituées lors du décollement postérieur du vitré,avant que ne se produise le décollement de rétine. Eneffet, en cas de déchirure symptomatique, le risque desurvenue d’un décollement de rétine est de 30 à 40 %.Un traitement immédiat par laser peut réduire cerisque de 85 %.

On peut également proposer à titre systématiqueun traitement préventif des lésions de fragilitérétinienne périphérique telles que les palissades. Cetraitement préventif est sujet à controverse ; il paraîtcependant raisonnable de le proposer aux sujets àrisque, notamment lorsqu’il existe un antécédent dedécollement de rétine du premier œil.

■Autres formes de décollement

de rétine rhegmatogène

■ Décollement de rétine par trou maculaire : ilsurvient le plus souvent chez le très fort myope ; sontraitement, difficile, comporte presque toujours unevitrectomie. Les résultats fonctionnels sont le plussouvent médiocres.

■ Décollement mixte, tractionnel et rhegmato-gène : c’est une forme de décollement de rétine rare,qu’on peut retrouver par exemple chez les diabétiquesayant une rétinopathie diabétique proliférantecompliquée. Son traitement comporte nécessairementune vitrectomie pour supprimer les tractions exercéessur la rétine, combinée au traitement des déchiruresrétiniennes.

Pascale Massin : Praticien hospitalier.Alain Gaudric : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’ophtalmologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Massin et A Gaudric. Décollement de rétine.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0090, 1998, 2 p

2 Schéma d’un globe oculaire : indentation scérale.

3 Fond d’œil : réapplication de la rétine après chi-rurgie ; l’indentation est bien visible.

6-0090 - Décollement de rétine

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Page 13: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Exophtalmie

ADucasse

L ’exophtalmie, pathologie uni- ou bilatérale relativement fréquente, résulte d’une inadaptation entre l’orbiteosseuse et son contenu, liée le plus souvent à un processus intraorbitaire occupant de l’espace. Les étiologies

sont différentes selon l’âge. L’imagerie a simplifié le diagnostic étiologique. En cas d’exophtalmie bilatérale,l’ophtalmopathie associée aux maladies thyroïdiennes représente la cause principale. En cas d’exophtalmieunilatérale, ce sont les tumeurs orbitaires.© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’exophtalmie correspond à l’augmentation de laprotrusion du globe oculaire en avant du cadreorbitaire osseux. On différencie l’exophtalmie vraie,où seul le globe oculaire saille anormalement enavant, de l’exorbitisme, où tout le contenu orbitaireest refoulé en avant. Le diagnostic est essentiel-lement clinique. Les caractéristiques séméiologiques,en particulier l’uni- ou la bilatéralité, l’orientation del’exophtalmie, son caractère pulsatile ou les signesophtalmologiques associés, orientent le diagnostic.L’imagerie (scanner RX, examen en résonancemagnétique nucléaire, échographie avec dopplercouleur) aide au diagnostic étiologique. Lathérapeutique dépend de l’étiologie en cause.

■Physiopathogénie

L’exophtalmie est liée à une inadaptation entrel’orbite osseuse, le contenant, et les structuresintraorbitaires, le contenu. À l’intérieur de l’orbite, ontrouve diverses structures, le globe oculaire, le nerfoptique, les muscles orbitaires, la glande lacrymale,des vaisseaux et des nerfs, entourées par de lagraisse. Les quatre muscles oculomoteurs droits,médial, latéral, supérieur et inférieur, limitent avecleurs facias un espace conique à sommet postérieur,situé à l’apex orbitaire, et à base antérieure,correspondant au globe oculaire : le cônefasciomusculaire qui divise l’orbite en deux zones,une région intraconique à l’intérieur de cet espace,directement en arrière du globe oculaire, contenantprincipalement le nerf optique, l’artère ophtalmiqueet ses branches, et une région extraconique situéeentre lesmuscles et les parois osseuses, doublées parle périoste orbitaire. Le globe oculaire débordephysiologiquement le rebord orbitaire osseux ; laprotrusion normale mesurée entre le sommet de lacornée et le canthus latéral est inférieure à 18 mmchez l’adulte. Lorsqu’elle dépasse 20 à 21 mm ou

lorsqu’elle est asymétrique, avec une différencesupérieure à 2 mm entre les deux yeux, on parled’exophtalmie.L’inadaptation entre le contenant et le contenu

peut être due à un volume insuffisant du contenant,ce qui est rare, plus souvent à une augmentation devolume du contenu, liée à des phénomènesinflammatoires, comme dans l’ophtalmopathieassociée aux maladies thyroïdiennes ou à laprésence d’un processus tumoral intraorbitaire.

■Diagnostic positif (tableau I)

Le diagnostic est essentiellement clinique. C’estl’inspection du patient qui vamontrer une protrusionuni- ou bilatérale, symétrique ou asymétrique, visiblede face en position primaire du regard. Lorsquel’exophtalmie est mineure et symétrique, sondiagnostic est parfois difficile. L’inspection de profil etsurtout l’examen en regard tangentiel des deuxcornées confirment l’existence d’une exophtalmie.L’examinateur, debout au-dessus de la tête dupatient, allongé ou assis, regarde tangentiellementles deux cornées et constate alors la saillieanormalement augmentée d’un ou des deux globesoculaires.

‚ Caractéristiques séméiologiques

L’exophtalmie une fois suspectée, on précisera sescaractéristiques séméiologiques.

Tout d’abord sa direction, une exophtalmie estdite « axile » lorsque le globe oculaire saille selon sonaxe antéropostérieur, sans déviation des axesvisuels. Elle est dite « non axile » lorsque le globeoculaire est refoulé selon un axe différent, avec pertedu parallélisme des axes visuels. Schématiquement,les tumeurs intraconiques donnent desexophtalmies axiles, les processus extraconiques,des exophtalmies non axiles. Le caractère pulsatilese recherche par la palpation douce, la main à platsur le globe oculaire, et l’auscultation du globeoculaire. L’exophtalmie est pulsatile lorsque l’onperçoit des pulsations synchrones au pouls ou unthrill. Il faut alors rechercher l’existence d’un souffleintracrânien traduisant une fistule carotidocaver-neuse. La recherche du caractère réductible del’exophtalmie n’a pas d’intérêt diagnostique. Enrevanche, la recherche d’une modification del’exophtalmie lors des changements de position,décubitus, procubitus, passage à la position debout,peut orienter le diagnostic étiologique.L’interrogatoire recherche les antécédents

familiaux et personnels du patient. On s’attardera enparticulier à rechercher des antécédentstraumatiques ou thyroïdiens. Il note également lemode d’installation de l’exophtalmie, lente etprogressive ou brutale, son évolution dans le temps,ses modifications possibles lors de changement deposition ou lors d’efforts, de toux. Il précise lecaractère pulsatile ressenti ou non par le patient.

‚ Signes associésL’interrogatoire précise s’il existe d’autres

symptômes visuels : baisse d’acuité visuelle, diplopie,inflammation oculaire sous la forme de rougeurconjonctivale, larmoiement. La comparaison de l’étatactuel avec l’état antérieur, visible sur desphotographies d’identité, peut parfois confirmer lediagnostic d’exophtalmie. L’interrogatoire rechercheégalement des signes en faveur d’une hyperthy-ro ïd ie : amaigr i ssement , tachycard ie ,hyperexcitabilité, diarrhée, hypersudation.L’inspection, outre la recherche de l’exophtalmie,

doit comporter un examen des paupières à larecherche d’une anomalie de position palpébrale.Chez l’adulte, le bord libre de la paupière supérieure

Tableau I. – Exophtalmie, diagnostic positif.

Inspection :— face— profil— en regard tangentiel

Exophtalmométrie : Hertel> 20-21 mm

Scanner RX : indice oculo-orbitaire> 70

Photographies

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EncyclopédiePratiquedeMédecine

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©Elsevier,Paris

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recouvre normalement la partie supérieure (limbe)de la cornée sur 1 à 2 mm, alors que le bord libre dela paupière inférieure est tangent à ce limbe. En casde rétraction de paupière supérieure ou inférieure,une bande sclérale blanche est visible au-dessus ouau-dessous de la cornée. La motilité palpébrale doitêtre appréciée à la recherche d’une mauvaisefermeture palpébrale (lagophtalmie), d’une asynergieoculopalpébrale (la paupière supérieure ne suivantpas correctement le globe oculaire lorsque l’ondemande au patient de regarder en bas). Onrecherche également une rougeur palpébrale etl’existence de poches graisseuses saillantes.L’inspection recherche un trouble de l’oculomo-

tricité en faisant regarder le patient dans les neufdirections du regard et en recherchant l’existenced’une diplopie ou d’une limitation de mouvementoculaire dans une de ces directions. La motilitéintrinsèque du globe oculaire est vérifiée : recherchedu réflexe photomoteur et consensuel.L’inspection du globe oculaire lui-même

recherche des phénomènes inflammatoires : unœdème de la conjonctive ou chémosis, unevasodilatation conjonctivale avec rougeur,éventuellement une atteinte cornéenne, kératite ouulcère de cornée, mise en évidence par une gouttede fluorescéine.La palpation orbitaire recherche s’il existe ou non

une masse palpable ; en sa présence, on notera saconsistance, sa mobilité, sa couleur et ses variationsà la toux et aux cris. Une masse peut être retrouvéeen retournant les paupières supérieure et inférieure.La palpation des aires ganglionnaires prétragienneset submentales est systématique. Au terme de cesimple examen, on pourra affirmer qu’il existe ounon une exophtalmie. La répercussion visuelle decette exophtalmie doit être recherchée par unexamen ophtalmologique.

‚ Examen ophtalmologique

Il sera réalisé de façon systématique etméthodique, bilatéral et complet, avec mesure del’acuité visuelle corrigée de loin et de près, prise de latension oculaire, examen du segment antérieur enbiomicroscopie, examen du fond d’œil, explorationdu champ visuel à la recherche de scotome ou dedéficit. L’exophtalmie sera confirmée par uneexophtalmométrie réalisée avec un exophtalmo-mètre type appareil de Hertel. Cet appareil permet demesurer la distance séparant le sommet de la cornéeet le canthus externe. Les valeurs normales chez lesujet de race blanche adulte sont inférieures à 18mm. Une valeur supérieure à 20-21 mm ou un écartentre les deux yeux supérieur à 2 mm signentl’exophtalmie.Les principaux signes ophtalmologiques que l’on

peut rencontrer, associés à l’exophtalmie, sont lesconséquences directes de phénomènes compressifs.Il peut s’agir : d’une diplopie par troubleoculomoteur, souvent rencontrée en casd’exophtalmie non axile, d’une baisse d’acuitévisuelle liée à la compression soit du globe oculaire,soit du nerf optique, avec hypermétropie induite, plischoroïdiens, œdème ou atrophie optique au fondd’œil. Il s’y associe souvent des déficits du champvisuel à type de scotome ou de déficit altitudinal.L’examen ophtalmologique permet d’éliminer les

principaux diagnostics différentiels : la myopie forteuni- ou bi latérale, qui donne un aspectd’exophtalmie en raison de l’augmentation devolume du globe oculaire, de même que le

glaucome congénital, l’énophtalmie controlatérale etla rétraction uni- ou bilatérale isolée des paupières.

■Grandes étiologies

Elles diffèrent chez l’adulte et chez l’enfant.

‚ Chez le très jeune enfant (tableau II)

Certaines pathologies congénitales peuvent êtresources d’exophtalmie : les craniosynostoses(maladie d’Apert et de Crouzon) par anomalie ducontenant, et des tumeurs et malformationscongénitales comme les kystes dermoïdes, lestératomes, les kystes colobomateux et lesméningocèles ou méningoencéphalocèles, ces deuxdernières pouvant donner une exophtalmiepulsatile.

‚ Chez l’enfant et l’adolescent

La cause principale d’exophtalmie est représentéepar les cellulites orbitaires, en rapport avec unesinusite ethmoïdale le plus souvent : exophtalmieunilatérale inflammatoire avec œdème palpébral,trouble oculomoteur (au maximum ophtalmoplégie)et des douleurs. L’état général peut être altéré avecfièvre.La deuxième cause d’exophtalmie chez l’enfant

est représentée par les tumeurs orbitaires, avec enpremier lieu le rhabdomyosarcome, tumeur àévolution brutale, habituellement chez un garçonentre 3 et 7 ans ; l’exophtalmie est non axile

accompagnée de signes inflammatoires. Un ptosis,une diplopie et une baisse d’acuité visuelle sontpossibles. La palpation retrouve unemasse ferme. Labiopsie en urgence confirme le diagnostichistologique. Les autres tumeurs sont représentéespar les hémangiomes capillaires, fréquents, existantsouvent dès la naissance : tuméfaction rougeâtreaugmentant de volume lors des cris, avec souventun ptosis en cas de localisation supérieure. Lesgliomes du nerf optique sont des tumeurs bénignesresponsables d’une exophtalmie souvent unilatéraleaxile, lentement progressive, avec baisse d’acuitévisuelle secondaire. Ils sont plus fréquemmentrencontrés en cas de maladie de Recklinghausen.L’imagerie précise aumieux l’extension possible versl’endocrâne. Enfin, les métastases orbitaires deneuroblastome entraînent une exophtalmie brutaleuni- ou bilatérale, associée à des ecchymosespériorbitaires assez spécifiques. La tumeur originelleest en général abdominale, et c’est le bilanradiologique qui la mettra en évidence.

‚ Chez l’adulte (tableau III)

Ophtalmopathie associée aux maladiesthyroïdiennes

C’est l ’ét iologie la plus fréquente desexophtalmies chez l’adulte. Elle se rencontreprincipalement dans le cadre de la maladie deBasedow, associant une hyperthyroïdie avec ungoitre diffus et un myxœdème prétibial. Elle peut serencontrer également dans d’autres problèmesthyroïdiens : thyroïdite d’Hashimoto, hypothyroïdie.Enfin, l’ophtalmopathie peut précéder de plusieursmois le problème thyroïdien et paraître isolée audépart. Il s’agit d’une réaction auto-immuneentraînant une infiltration avec œdème des tissusmous orbitaires, principalement de la graisse et desmuscles.L’ophtalmopathie touche principalement des

sujets de sexe féminin (85% des cas) au-delà de 40ans. Elle comporte une exophtalmie, bilatérale,parfois unilatérale, souvent asymétrique, axile, nonpulsatile et classiquement réductible. Cetteexophtalmie peut être très importante, atteignant 30à 35 mm à l’exophtalmomètre. Différents signespeuvent y être associés, très fréquemment dessignes palpébraux : rétraction de paupièresupérieure et infér ieure avec asynergieoculopalpébrale dans le regard vers le bas, rareté duclignement, fixité du regard, mais aussi des signesinflammatoires : chémosis conjonct ival ,

Tableau II. – Étiologie des exophtalmies chezl’enfant.

Nouveau-né

CraniosynostosesKystes dermoïdesKystes colobomateux, tératomesMéningocèles

Enfant

Cellulite orbitaire (ethmoïdite)Tumeur orbitaire :— rhabdomyosarcomes— hémangiomes capillaires— gliomes du nerf optique— métastases de neuroblastome

Tableau III. – Orientation diagnostique devant une exophtalmie de l’adulte.

Caractéristiques Diagnostics à envisager

Bilatérale, axile Ophtalmopathie associée aux maladies thyroïdien-nes : Basedow

Bilatérale, non axile Lymphome orbitaireMétastase orbitaire

Unilatérale, pulsatile Fistule carotidocaverneuse

Unilatérale, axile non pulsatile Tumeur orbitaire intraconiqueHémangiome caverneuxOrbitopathie inflammatoire idiopathique

Unilatérale, non axile, non pulsatile Tumeur de la glande lacrymaleGlobe dévié en bas et en-dedans

Unilatérale, non axile, non pulsatile Tumeurs sinusiennes :Globe dévié en bas et en-dehors - mucocèle

- carcinome

6-0150 - Exophtalmie

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Page 15: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

vasodilatation conjonctivale, notamment en regarddes insertions des muscles droits horizontaux,œdème et poches graisseuses palpébrales ; destroubles oculomoteurs : diplopie verticale, variablepar atteinte prédominante du muscle droit inférieur ;hypertonie oculaire fréquemment retrouvée dans leregard vers le haut ; atteinte cornéenne : kératitesuperficielle ou ulcère de cornée pouvant évoluervers une perforation de cornée. Un syndrome secfréquent aggrave la kératite d’exposition. Le nerfoptique peut être comprimé avec neuropathieoptique se manifestant par une baisse d’acuitévisuelle, des déficits au champ visuel, un œdème ouune pâleur papillaire. Il s’agit alors d’une urgencethérapeutique.L’évolution de l’ophtalmopathie est lente et

progressive, et souvent dissociée de l’évolution de lamaladie thyroïdienne. Une évolution aiguë estpossible. À la phase séquellaire, l’exophtalmie et lestroubles oculomoteurs persistent souvent. Lediagnostic sera fait sur l’existence de signes cliniquesd’hyperthyroïdie déjà cités, sur la recherche d’unmyxœdème prétibial, d’un goitre multinodulairediffus à la palpation et à l’échographie, enfin, sur lesdosages biologiques des hormones thyroïdiennes,thyroxine T4 et tri-iodothyronine T3 qui sontaugmentées avec diminution concomitante de laTSH circulante. La recherche d’autoanticorpsantiperoxydase ou antirécepteurs de la TSH peutaider au diagnostic. L’imagerie orbitaire écarte lapossibilité d’un processus tumoral et montre uneexophtalmie avec augmentation de taille desmuscles, élargissement du compartiment graisseuxet perte de la convexité de la paroi médiale del’orbite.

Tumeurs orbitaires

Elles doivent être particulièrement suspectées encas d’exophtalmie unilatérale axile ou non, enl’absence d’antécédents traumatiques ou depathologie thyroïdienne.Les tumeurs de l’orbite de l’adulte sont multiples

et variées.

¶ Tumeurs d’origine vasculaireElles sont dominées par l’hémangiome

caverneux : tumeur bénigne souvent intraconique,rétro-oculaire. En général unilatéral, il se traduit parune exophtalmie axile lentement progressive,irréductible, non pulsatile. Baisse d’acuité visuelle,hypermétropie induite, pl is choroïdiens,modifications papillaires (œdème) et hémorragiessous-conjonctivales à répétition sont fréquentes.L’imagerie montre une lésion bien limitée,compartimentée et inhomogène confirmée parl’échographie qui retrouve des espaces vasculairescontenant un flux lent en échodoppler couleur. Lesvarices orbitaires, plus fréquentes du côté gauche,entraînent une exophtalmie intermittente survenantlors d’efforts ou de variation de position. Lamanœuvre de Valsalva et la compression des veinesjugulaires augmentent l’exophtalmie. Les tumeursd’origine méningée sont relativement fréquentes :les méningiomes primitifs du nerf optique entraînentune exophtalmie unilatérale marquée essentiel-lement par des phénomènes visuels (baisse d’acuitévisuelle, déficit du champ visuel). Plus fréquents sontles méningiomes propagés à partir des paroisorbitaires, en particulier les ailes du sphénoïde. Cestumeurs vont progressivement refouler le contenuorbitaire et comprimer le nerf optique. Elles peuvent

entraîner un syndrome de Forster Kennedy :atrophie optique d’un côté, avec œdème papillairede l’autre.

¶ Tumeurs de la glande lacrymaleElles sont responsables d’une exophtalmie non

axile avec déviation du globe oculaire en bas et endedans. La palpation peut retrouver la masse auniveau de l’angle supérolateral de l’orbite. Ellespeuvent être bénignes ou malignes. Les tumeursmalignes de la glande lacrymale sont d’évolutionrapide, avec douleurs et ostéolyse radiologique. Lestumeurs bénignes, plus fréquentes, doivent êtreretirées en totalité, et toute biopsie est formellementcontre-indiquée.

¶ LymphomesIls représentent une cause fréquente de tumeur

orbitaire. Ils peuvent être uni- ou bilatéraux. Engénéral, il s’agit de lymphome non hodgkinien,d’évolution lente, peu douloureuse. L’atteintelymphomateuse peut être localisée à l’orbite ous’intégrer dans le cadre d’un lymphome généralisé.Le processus peut être intra- ou extraconique.L’imagerie précise aumieux l’extension du processustumoral, la biopsie affirme le diagnostic et permet detyper le lymphome par des immunomarquages ; encas de lymphome, la prolifération cellulaire estmonoclonale, alors qu’en cas de pseudolymphome,elle est polyclonale. Des cas de lymphome ont étédécrits associés au sida. La découverte d’unlymphome orbitaire impose la recherche d’unlymphome généralisé : numération formulesanguine, tomodensitométrie abdominopelvienne etthoracique, immunoélectrophorèse des protéines,ponction lombaire, biopsie ostéomédullaire.

¶ Autres tumeurs orbitairesElles sont plus rares, qu’il s’agisse de tumeur

mésenchymateuse : fibrome, lipome, myome ; detumeur nerveuse : gliome, rare chez l’adulte maispouvant être malin, neurofibrome ; ou de tumeurd’origine osseuse ou cartilagineuse : ostéome,ostéosarcome, chondrosarcome, de très mauvaispronostic, dysplasie fibreuse touchant l’adulte jeune,histiocytoses X localisées à l’orbite en cas degranulome éosinophile ou dans le cadre d’unehistiocytose X généralisée.Les tumeurs orbitaires peuvent être des tumeurs

propagées, en particulier à partir de la sphère ORL, àpartir des sinus frontal, ethmoïdal et maxillaire. Cestumeurs entraînent une exophtalmie non axile avecdéviation du globe oculaire en bas et en dehors ; ladiplopie y est fréquente. Il s’agit le plus souvent demucocèle sinusienne, tumeur bénigne liée à unenon-ventilation du sinus, pouvant se surinfecter,avec alors mucopyocèle. Le diagnostic estradiologique : masse bien limitée, non vascularisée.Les tumeurs malignes des sinus, fréquemmentrencontrées au niveau de l’ethmoïde chez despatients anciens travailleurs du bois (ébénistes), etcertaines tumeurs malignes du nasopharynxpeuvent entraîner une exophtalmie parenvahissement orbitaire.Enfin, les métastases orbitaires ne sont pas rares.

Elles entraînent classiquement une exophtalmierapide, douloureuse et inflammatoire avecophtalmoplégie. Les cancers primitifs les plussouvent en cause sont le cancer du sein chez lafemme, des bronches chez l’homme, mais il peuts’agir également de cancer de la prostate, del’estomac, du pancréas, du foie, du rein, du testicule

et de la thyroïde ou de certaines tumeurs carcinoïdesde l’intestin grêle. Certaines métastases orbitairespeuvent se traduire par une énophtalmie. Certainessont bilatérales.

Orbitopathies inflammatoireschroniques idiopathiques

Autrefois dénommées pseudotumeursinflammatoires de l’orbite, elles se traduisent par untableau tumoral orbitaire uni- ou bilatéral à débutbrutal, avec des signes inflammatoires importants. Àcôté des orbitopathies inflammatoires localisées auxmuscles ou à la glande lacrymale, il existe desorbitopathies diffuses responsables d’uneexophtalmie axile non pulsatile. La vasodilatation etle chémosis conjonctivaux sont fréquents, de mêmeque l’œdème palpébral et les troubles oculomoteurs.Le diagnostic est basé sur l’aspect radiologique quimontre une masse hyperdense mal limitée prenantle contraste, avec souvent un épaississement scléralpostérieur, et surtout sur l’épreuve thérapeutique parcorticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j) qui faitrégresser la totalité de la symptomatologie cliniqueet radiologique en quelques semaines ou mois. Labiopsie ou la cytoponction permettent de confirmerce diagnostic.Certaines orbitopathies spécifiques peuvent être

responsables d’une exophtalmie : sarcoïdose,amylose, tuberculose, périarthrite noueuse, lupusdisséminé, dermatomyosites, granulomatose deWegener.

Pathologie infectieuse orbitaire

Une exophtalmie souvent uni latéra ledouloureuse avec troubles oculomoteurs, baissed’acuité visuelle et signes inflammatoires marquéspeut se voir lors de pathologie infectieuse orbitaire,principalement lors de cellulite orbitaire faisant suiteà une plaie orbitaire, un corps étranger orbitaire, unesepticémie, une infection ORL ou dentaire, enparticulier sinusienne. Le risque de thrombophlébitedu sinus caverneux, d’abcès intracrânien ou deméningite existe. Il s’agit là encore d’une urgencethérapeutique. Les abcès orbitaires sont desinfections collectées, localisées, qui siègent àl’intérieur de l’orbite ou sous le périoste (abcèssous-périosté). L’exophtalmie est souvent non axile,avec douleurs et phénomènes inflammatoires. Laradiologie montre l’abcès hypodense bien limité parune coque. Plus rare dans nos régions, le kystehydatique avec exophtalmie lentement progressive,demême que les mycoses orbitaires.

Exophtalmies d’origine traumatique

En cas de traumatisme récent, un hématomeorbitaire peut être responsable d’une exophtalmiebrutale, douloureuse, associée souvent à unhématome palpébral ; en cas de risque decompression du nerf optique, un drainage chirurgicalpeut s’imposer. Une pneumorbite liée à un passaged’air dans l’orbite se traduit par une crépitationneigeuse des paupières. À distance du traumatisme,un abcès, une cellulite orbitaire, un corps étrangerméconnu, une esquille osseuse et un hématomepeuvent être responsables d’une exophtalmiesecondaire. C’est surtout la constitution d’une fistuleartérioveineuse intracrânienne, carotidocaverneuse,durale ou orbitaire, qui peut entraîner uneexophtalmie. Ces fistules peuvent se voir égalementchez les sujets hypertendus et dans la maladied’Ehlers-Danlos.

Exophtalmie - 6-0150

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Page 16: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Typiquement, la fistule carotidocaverneuse seprésente comme une exophtalmie brutaleunilatérale axile, quelques semaines après untraumatisme crânien ; elle est pulsatile avec présenced’un souffle orbitaire et crânien perçu à l’auscultationet d’un thrill perçu à la palpation du globe oculaire.Le patient entend souvent ce souffle intracrânien. Ils’y associe une vasodilatation conjonctivale avec desvaisseaux en « tête de méduse » au niveau du limbe.Il s’agit d’une urgence neurochirurgicale. Les fistulesdurales qui ont un débit moins important ont unesymptomatologie plus lente.

■Place des examens

complémentaires

En cas de suspicion d’ophtalmopathiethyroïdienne : dosage des hormones thyroïdiennes,de la TSH et des anticorps spécifiques.

‚ Place de l’imagerie

L’imagerie orbitaire est devenue la clef dudiagnostic des exophtalmies. Trois examens serontréalisés : le scanner RX, l’examen en résonancemagnétique nucléaire et l’échographie avec dopplercouleur pulsé.Elle va permettre d’examiner le contenu orbitaire

à la recherche d’un processus tumoral qui peut êtrebien limité ou diffus, intra- ou extraconique ; onrecherche en particulier l’existence d’une coquepéritumorale, la localisation, l’extension de latumeur, ainsi que la compression des différentesstructures orbitaires : nerf optique, globe oculaire,muscles oculomoteurs. L’atteinte osseuse, possibledans certaines tumeurs, est à rechercher : ostéolyseou ostéocondensation.Elle permet également de visualiser les structures

périorbitaires, en particulier les sinus qui peuvent êtrele siège d’une réaction inflammatoire périlésionnelle,du processus lui-même en cas de mucocèle ou detumeur maligne, de sinusite.L’utilisation de produits iodés hydrosolubles en

scanner RX, de gadolinium en imagerie parrésonance magnétique (IRM), et l’utilisation d’undoppler couplé à l’échographie permettent d’estimerla vascularisation de la tumeur.Il ne faut toutefois pas oublier que l’IRM comporte

des contre-indications formelles : corps étranger

ferromagnétique intraorbitaire, pacemaker, valvecardiaque ancien modèle, clips neurochirurgicaux.Globalement, le scanner RX explore mieux lecontenant, c’est-à-dire les parois osseuses, alors quela résonance magnétique nucléaire explore mieux lecontenu, c’est-à-dire les structures intraorbitaires.Enfin, scanner RX ou résonance magnétique

permettent en cas de doute de confirmerl ’exophtalmie par la mesure de l ’ indiceoculo-orbitaire. Sur des coupes axiales réalisées enplan neuro-oculaire strict alignant le cristallin, la têtedu nerf optique et le canal optique, la lignebicanthale externe réunissant les deux rebordsorbitaires osseux latéraux coupe normalement leglobe oculaire à l’union de son tiers postérieur et deses deux tiers antérieurs. La mesure de la longueurdu globe oculaire en avant de cette ligne, rapportéeà la longueur totale du globe oculaire, donne l’indiceoculo-orbitaire. Celui-ci est normalement inférieur à70. Au-dessus de 70, on parle d’exophtalmie.

‚ Place de l’examenanatomopathologique

Il est réalisé en cas de suspicion de tumeurorbitaire, d’orbitopathie inflammatoire ou deprocessus spécifique (maladie de Wegener,sarcoïdose, etc) ; la biopsie ou la cytoponction àl’aiguille fine permettent de rapporter du matérielcellulaire pouvant être analysé histologiquement enmicroscopie optique, en immunohistochimie, voireenmicroscopie électronique.

■Principes thérapeutiques

Ils sont totalement dépendants de l’étiologie encause.Certaines étiologies nécessitent un traitement

d’urgence à réaliser enmilieu spécialisé.En cas de fistule carotidocaverneuse, le traitement

sera neurochirurgical.En cas de tumeur orbitaire, le traitement sera

chirurgical : orbitotomie avec ablation, si possible entotalité, de la tumeur. Les tumeurs des sinusnécessitent un traitement chirurgical réalisé aumieux en concertation avec l’ORL.En cas de cellulite orbitaire, le traitement sera

médical, associant une antibiothérapie large

(Totapent intraveineux : 2 à 6 g/j) à unecorticothérapie à 0,5 mg/kg/j (Cortancylt). Les abcèsorbitaires nécessitent un drainage chirurgical.Certaines tumeurs comme les lymphomes, les

métastases et les rhabdomyosarcomes chez l’enfantjustifient une prise en charge hématologique etoncologique avec chimiothérapie et radiothérapie.Enfin, en cas d’ophtalmopathie associée aux

maladies thyroïdiennes, le traitement comporte letraitement de l’hyperthyroïdie par des antithyroï-diens de synthèse, celui de l’ophtalmopathie parl’utilisation de collyres lubrifiants, de pommades, decollyres cortisonés, en cas de trouble oculomoteur,l’utilisation des prismes et la rééducationorthoptique. En cas de forme sévère d’ophtalmo-pathie, des traitements par voie générale peuventêtre utilisés : corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j)ou intraveineuse en bolus (Cortancylt, Solu-Médrolt), éventuellement les immunoglobulinespolyvalentes, la plasmaphérèse, la ciclosporine A oules immunosuppresseurs. La radiothérapie externe, àraison d’une irradiation de 20 grays centrée sur lecontenu orbitaire en arrière du globe oculaire etréalisée en dix séances, est surtout efficace sur lesphénomènes inflammatoires. La chirurgie peut viserà diminuer l’exophtalmie par décompression, soitosseuse en fracturant les parois orbitaires, soitgraisseuse en retirant la graisse orbitaire. Elle peutégalement s’adresser aux troubles oculomoteurs parune chirurgie des muscles ou à la rétraction depaupière par un allongement de la paupièresupérieure.

■ConclusionL’exophtalmie est un symptôme qui peut révéler

diverses pathologies. Certaines sont des pathologiesgraves nécessitant une prise en charge urgente :fistule artérioveineuse, tumeur orbitaire, celluliteorbitaire. La cause majeure d’exophtalmie demeure,chez l’adulte, l’ophtalmopathie associée auxmaladies thyroïdiennes, qui nécessite une prise encharge conjointe par l’endocrinologue etl’ophtalmologiste.

Alain Ducasse : Professeur des Universités,chef du service d’ophtalmologie du centre hospitalier universitaire de Reims,hôpital Robert Debré, avenue du Général-Kœnig, 51092 Reims cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Ducasse. Exophtalmie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine,6-0150, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

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6-0150 - Exophtalmie

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Page 17: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Glaucomes à angle ouvert,

par fermeture de l’angle,

secondaires

E Sellem

S ous le terme « glaucome » sont en réalité regroupées plusieurs affections oculaires très variées dans leurdéterminisme, leur expression clinique, leur mode évolutif et leur traitement. S’il est impossible de retenir une

définition commune, on peut simplifier en disant qu’elles concernent toutes les situations dans lesquelles un excès depression intraoculaire altère et détruit la papille optique, risquant de conduire à la cécité en l’absence de traitement.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Si le glaucome « par fermeture de l’angle »représente une urgence thérapeutique classique, leglaucome dit « primitif à angle ouvert », de loin le plusfréquent - il concerne plus de 1 % de la populationadulte -, constitue un véritable problème de santépublique. Son dépistage à un stade précoce, ainsi quele repérage des sujets à risque, pourraient permettred’éviter certaines situations fonctionnellesdramatiques régulièrement constatées par lesophtalmologistes. Un petit pourcentage d’hyperten-sion oculaire, enfin, mérite d’être regroupé sous leterme de « glaucomes secondaires ».

■Pression intraoculaire

et humeur aqueuse

‚ Rappel physiologiqueLa pression intraoculaire (PIO) se mesure facilement

au cabinet de l’ophtalmologiste, en quelques secondes,soit à l’aide d’un tonomètre annexé à la lampe à fente,soit par des appareils à projection d’air indépendantsdes autres instruments d’examen ophtalmologique. Elles’exprime en millimètre de mercure (mmHg), et estcomprise chez 90 % des sujets entre 10 et 20 mmHg. Onadmet une situation dite d’hyperpression intraoculaireau-delà d’une PIO de 21 mmHg.

L’élévation de la PIO est la conséquence d’uneperturbation du trajet de l’humeur aqueuse à l’intérieurdu globe oculaire :

– celle-ci est sécrétée par les procès ciliaires,glandes situées derrière l’iris, au niveau du corpsciliaire ;

– elle passe de la chambre postérieure (entre iris etcristallin) à la chambre antérieure par la pupille ;

– elle est enfin évacuée dans l’angle iridocornéenpar un filtre d’excrétion microscopique, le trabeculum.

Celui-ci rejoint un canal circulaire intrascléral, lecanal de Schlemm, qui lui-même s’évacuera par demultiples canaux collecteurs vers les veines de l’orbite.Une petite partie de l’humeur aqueuse échappe àl’évacuation trabéculaire en étant résorbéedirectement par l’iris et le muscle ciliaire (voie diteuvéosclérale, sur laquelle agissent les collyres auxprostaglandines) (fig 1).

■Glaucome primitif à angle ouvert

(GPAO)

‚ PhysiopathologieL’obstacle à l’écoulement de l’humeur aqueuse se

situe au niveau trabéculaire, donc au-delà de l’angleiridocornéen lui-même. Les mécanismes intimes decette perturbation sont encore peu connus : collapsusdes espaces intercellulaires, déficience des pompestrabéculaires, altération du film mucopolysaccharidi-que recouvrant le trabeculum.. . ? Lorsquel’ophtalmologiste examine l’angle iridocornéen,celui-ci est normalement ouvert et aucunemodification anatomique n’est observable.

‚ ÉpidémiologieLa prévalence du GPAO varie selon les auteurs, les

critères retenus (simple hyperpression intraoculaire ouglaucome avéré) et la région du globe étudiée. On peutdire qu’il y a en France environ 500 000 personnes

suivies et traitées pour ce type de glaucome... et autantde glaucomateux inconnus. Ainsi, une fractionéquivalente à 1 à 2 % de la population générale estdirectement concernée par cette affection. Celle-ci estplus fréquente dans certains groupes dits « à risque » :

– avant tout lorsqu’il existe des antécédentsfamiliaux de glaucome. La mise en évidence des gènesresponsables, vraisemblablement nombreux, est encours. Il semble que la transmission du GPAO,particulièrement lorsque le GPAO atteint des sujetsjeunes, puisse atteindre 50 % dans certaines familles. Ilest donc impératif d’alerter tous les patientsglaucomateux de cette possibilité, et de conseiller àl’ensemble de leurs ascendants, descendants etcollatéraux d’être examinés pour dépister les casencore inconnus ;

– les sujets de race noire, dont le glaucome esthabituellement plus précoce, plus sévère et detraitement plus difficile ;

– l’hyperpression intraoculaire est également plusfréquente lorsqu’il existe certaines anomalies oculairesspécifiques (exfoliation capsulaire, dispersionpigmentaire) ;

– enfin, la prévalence du glaucome augmente avecl’âge et pourrait dépasser 10 % après 80 ans.

‚ Modes de découverte

Dans la majorité des cas, la maladie est dépistée,parfois malheureusement à un stade évolué, au coursdu dépistage systématique que fait l’ophtalmologistelors d’une consultation pour des problèmes deréfraction (changement de verres de lunettes oupresbytie débutante), ou pour des signes divers sansrapport avec le glaucome.

Le patient peut aussi être alerté en raisond’antécédents familiaux de glaucome. En revanche, il

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1 Éléments anatomiques intervenant dans le trajetde l’humeur aqueuse. 1. Corps et procès ciliaire ; 2.chambre postérieure ; 3. iris ; 4. cristallin ; 5. cor-née ; 6. pupille ; 7. chambre antérieure ; 8. trabecu-lum ; 9. canal de Schlemm.

Glaucome primitif à angle ouvertfacteurs de risque :✔ notion d’antécédents familiaux+++ ;✔ sujet de race noire ;✔ présence d’anomalies oculaires ;(exfoliation capsulaire, dispersionpigmentaire) ;✔ sujet âgé.

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est rare de voir des sujets venant spécialement pourun dépistage (inquiétés par des amis, des articles depresse) ou en raison de signes fonctionnels liés auglaucome (perceptions des scotomes, chute de l’acuitévisuelle).

‚ SymptômesLes déficits périmétriques sont habituellement

retrouvés au relevé du champ visuel alors que lepatient n’en a pas conscience, tout au moins pendanttrès longtemps. En effet, ils se constituent sur denombreuses années, très progressivement, si bien quele glaucomateux va en quelque sorte s’habituer à cettecontraction lente du champ visuel. Précisément, ilsdébutent toujours en dehors du champ visuel central(et n’altèrent alors pas la valeur de l’acuité visuelle)mais, avec la progression de la maladie, les déficitspérimétriques vont s’élargir, se multiplier, et serejoindre tout en devenant de plus en plus profonds.Au stade ultime, il ne persiste plus qu’un îlot central devision, qui se rétrécira, altérant alors l’acuité visuelle,pour disparaître définitivement. Le patient n’aura plusque quelques perceptions lumineuses dans le champvisuel périphérique et, en pratique, sera aveugle.

Depuis quelques années, la recherche des déficitsglaucomateux a largement bénéficié du développe-ment de la périmétrie statique (le test est fixe en unezone donnée du champ visuel, sa luminanceaugmentant ou diminuant) au détriment de lapérimétrie cinétique de la classique coupole deGoldmann. Par ailleurs, l’adjonction de l’ordinateur à

l’appareil de relevé permet maintenant unecomparaison plus fiable de tracés successifs enfournissant des indices quantitatifs.

Pour l’ophtalmologiste, toute la difficulté est desavoir si l’excavation qu’il constate est innée, ou si ellecorrespond à une destruction glaucomateuse. Làencore, des appareillages récents permettent d’évaluerplus précisément l’atteinte de la papille optique, maisils sont coûteux et encore peu répandus.

‚ Cas de l’hyperpressionintraoculaire isolée

Un globe oculaire peut garder toute la vie durantune PIO supérieure à 20 mmHg et ne jamaisdévelopper de glaucome. Près de 10 % de lapopulation adulte présente en effet ce que l’on peutappeler une hyperpression intraoculaire, alors quemoins d’un tiers développera un glaucome enl’absence de traitement.

Pour l’ophtalmologiste, deux questions se posentavec insistance :

■ le sujet présente-t-il déjà des lésions infraclini-ques (c’est-à-dire avant que n’apparaissent lesaltérations du champ visuel), qui justifieraient untraitement hypotonisant systématique ? Denombreux tests ont été proposés ces dernièresannées, qui pourraient révéler une perturbationprépérimétrique des fonctions oculaires : vision descouleurs, vision des contrastes, épreuves électrophy-siologiques (électrorétinogramme, potentiels évoquésvisuels), mais ils sont peu sensibles et peu spécifiques.En revanche, des techniques sophistiquées dephotographies des fibres optiques sur la rétinepeuvent révéler une atteinte optique débutante, etconfirmer alors le diagnostic de glaucome ;

■ en l’absence de toute lésion glaucomateuse,lorsqu’on aura acquis la certitude que l’œil estréellement indemne, faut-il abaisser la PIO ou secontenter d’une simple surveillance ? Cette questionpeut légitimement être posée car le traitement duglaucome est contraignant, souvent mal toléré, àl’origine d’effets secondaires parfois graves, etreprésente un coût économique non négligeable alorsqu’au moins deux hypertendus oculaires sur trois nedévelopperont jamais la maladie. De nombreusesconsidérations aideront l’ophtalmologiste à prendre sadécision, et avant tout l’existence de facteurs derisque : antécédents familiaux de glaucome, race noire,myopie forte, état vasculaire général précaire etdiabète, œil anatomiquement ou fonctionnellementunique. Le contexte psychologique doit égalementêtre pris en compte et l’on traitera plus volontiers unpatient inconscient des risques qu’il court qu’un sujetresponsable, acceptant intelligemment de se fairecontrôler chaque année.

‚ Cas du GPAO « à pression normale »Dans certaines circonstances, le globe oculaire du

patient présente à la fois une excavation papillairepathologique, et des altérations du champ visueltypiques de glaucome, alors que la PIO n’est jamaisnotée supérieure à 20 mmHg. Ces cas pourraientreprésenter au moins 5 % de l’ensemble desglaucomes à angle ouvert. Un grand nombre d’entreeux réagissent favorablement à l’abaissement de laPIO (par exemple en la faisant passer de 16 à12 mmHg), ce qui confirmerait une tolérance à lapression plus faible chez les sujets développant ce typeparticulier de GPAO. Ailleurs, l’abaissement de lapression n’est pas efficace pour stopper ou freiner lamaladie, et c’est ce qui a pu inciter certains à évoquerune hypothèse ischémique à l’origine de la maladie. Ila été prouvé avec certitude que certains cas de

glaucome à pression normale pouvait s’intégrer à unsyndrome vasospastique, car ils s’associent avec unefréquence anormale à une acrocyanose ou un terrainmigraineux, et peuvent réagir favorablement à laprescription d’inhibiteurs calciques, telle la nifédipine.C’est la raison pour laquelle l’ophtalmologiste adresseparfois certains de ses glaucomateux à l’interniste, aucardiologue ou à l’angéiologue, avec les requêtessuivantes : « y a-t-il un syndrome vasospastique ? » et,dans ce cas, « pouvez-vous mettre en œuvre letraitement du vasospasme et surveiller celui-ci ? ».

‚ Traitement

Lorsqu’il ne suffit plus à abaisser la PIO et à stopperla progression des déficits du champ visuel, untraitement au laser et/ou un geste chirurgicaldeviennent impératifs.

Thérapeutiques médicamenteuses (tableau I)Il existe plusieurs familles thérapeutiques, toutes

disponibles sous forme de collyres, pour abaisser laPIO.

¶ Collyres myotiques et sympathomimétiquesLes collyres myotiques (essentiellement la

pilocarpine) et les sympathomimétiques (Glauposinet,Propinet) sont les plus anciens. Ils agissent enaugmentant l’excrétion trabéculaire de l’humeuraqueuse. Ils devraient progressivement disparaître dutraitement du glaucome. En effet, ils doivent êtreinstillés plusieurs fois dans la journée (jusqu’à quatrefois) et ont des effets latéraux souvent mal supportéspar les glaucomateux (brûlures à l’instillation, irritationlocale chronique, vision floue, effets secondairesgénéraux...).

¶ Collyres bêtabloquantsLes collyres bêtabloquants (Timoptolt et

génériques, Cartéolt, Betoptict, Bétagant, Bentost)sont généralement parfaitement bien tolérés sur leplan local, ne doivent être instillés qu’une ou deux foisdans la journée et représentent encore la prescriptionde première intention. Ils agissent en diminuant lasécrétion de l’humeur aqueuse. Les contre-indicationsgénérales des bêtabloquants demeurent toutefois, enraison du passage systémique : asthme, troubles de laconduction cardiaque, maladie de Raynaud... Plusieursbêtabloquants sont actuellement disponibles sans quel’on ait clairement démontré la supériorité de l’un parrapport aux autres, tant sur le plan de l’abaissementpressionnel que sur celui de la protection directe de lavascularisation optique.

Les trois signes qui caractérisent lamaladie sont des signes d’examen :✔ une hyperpression intraoculaire(HPO) ;✔ la présence de scotomes (ou déficitspérimétriques) au relevé du champvisuel ;✔ la constatation d’une excavationpapillaire pathologique à l’examendu fond d’œil.Ces deux derniers symptômes signentla destruction des fibres optiques.NB : Il n’y a ni douleur, ni rougeuroculaire, et l’acuité visuelle nes’effondrera qu’au stade ultime de lamaladie, ce qui confère à celle-ci uncaractère particulièrement insidieux etsournois.

L’atteinte glaucomateuse de la papille(ou tête du nerf optique), pierre detouche du glaucome, se traduitessentiellement par la constitutiond’un creusement atrophique, ouexcavation, signifiant la disparitiond’un certain nombre de fibresoptiques. En réalité, la constatationd’une excavation est fréquente, sinonhabituelle, sur des yeux normaux, et ilserait préférable de parlerd’élargissement de l’excavationphysiologique.

Si le traitement d’une hyperpressionintraoculaire isolée, modérée et sansfacteur de risque ne s’impose pas,celui d’un glaucome avéré ne souffreau contraire aucune discussion.Le traitement de première intention estmédical.

Tableau I. – Traitement médicamenteux duglaucome primitif à angle ouvert.

− Collyres myotiques : pilocarpine et collyres sym-pathomimétiques (Glauposinet, Propinet).− Collyres bêtabloquants (Timoptolt et généri-ques, Cartéolt, Betoptict, Bétagant, Bentost).− Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique : par voielocale (Trusoptt) ou per os (Diamoxt).− Collyres aux prostaglandines (Xalatant).− Dérivés de la clonidine ou alpha-2-agonistes.

6-0070 - Glaucomes à angle ouvert, par fermeture de l’angle, secondaires

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¶ Inhibiteurs de l’anhydrase carboniqueIls sont maintenant disponibles par voie locale

(Trusoptt), alors que la prescription de Diamoxt per osa longtemps été le seul mode d’administrationpossible de ce type de molécule, ce qui amélioresingulièrement leur tolérance, en particuliermétabolique. Ils doivent être instillés 2 fois/j lorsqu’ilssont associés à un collyre bêtabloquant, et 3 fois/jlorsqu’ils sont prescrits isolément. Ils diminuentégalement la sécrétion de l’humeur aqueuse par unmécanisme oculaire propre qui ne relève pas de l’effetdiurétique.

¶ Collyres aux prostaglandinesLes collyres aux prostaglandines (Xalatant) sont

disponibles depuis peu, très efficaces sur l’abaissementpressionnel, avec une seule instillation quotidienne. Ilssont généralement parfaitement bien tolérés tantlocalement que sur le plan systémique. Ils peuventtoutefois augmenter la pigmentation de l’iris dans lesyeux de couleur hétérogène, mais cet effet irréversiblen’est qu’esthétique. Le patient doit naturellement enêtre informé. Ils agissent en augmentant la résorptionde l’humeur aqueuse par la voie uvéosclérale.

¶ Dérivés de la clonidineAppelés aussi alpha-2-agonistes, ils abaissent la PIO

en diminuant la sécrétion de l’humeur aqueuse par unmécanisme qui complète celui des bêtabloquants. Ilspeuvent être mal tolérés localement (allergiesfréquentes) et leur effet peut s’épuiser en quelquessemaines. L’apraclonidine actuellement disponible(Iopidinet) peut donc difficilement être proposée enpremière intention et sur le long terme, mais unnouveau dérivé, la brimonidine (Alphagant), mieuxtoléré et sans tachyphylaxie, sera bientôt disponible.

Ces collyres peuvent naturellement être associés pourrenforcer l’abaissement pressionnel obtenu par chacund’entre eux, mais la prescription de plus de trois collyresdifférents augmente considérablement les risquesd’intolérance sans bénéfice pressionnel notable.

Laser

La technique appelée trabéculoplastie utilisel’énergie thermique fournie par le laser à l’argon. Endeux séances, une centaine d’impacts de photocoagu-lation sont placés sur la circonférence du trabeculum.La cicatrice rétractile réactionnelle, en élargissant lespores trabéculaires, améliore en quelques joursl’évacuation de l’humeur aqueuse vers le canal deSchlemm. La réalisation technique en est simple, et sefait en ambulatoire après une analgésie de contact. Laséance est brève et peu douloureuse. Un abaissementpressionnel moyen de 6 à 10 mmHg est généralementobtenu et les échecs immédiats de la technique sontde l’ordre de 10 %. Les complications sont tout à faitexceptionnelles. Les résultats à long terme donnent50 % de bons résultats persistant à 5 ans, 10 à 20 %au bout de 10 ans. Le trabeculum peut être traité unenouvelle fois, mais seulement lorsque la premièretrabéculoplastie a été efficace au moins 3 ans. Cettetechnique doit être considérée comme uncomplément au traitement médical, car il est rare quel’on puisse suspendre totalement les instillations decollyres antiglaucomateux après le laser.

De nouveaux développements technologiquesconcernant les lasers (lasers YAG [grenat d’alumine àl’yttrium], à diodes et holmium) laissent entrevoir desperspectives thérapeutiques plus définitives dans letraitement du glaucome. Ils réalisent soit unaffaiblissement de la sécrétion aqueuse en détruisantles procès ciliaires, soit une véritable perforation auniveau de l’angle iridocornéen, ce que faitactuellement la chirurgie.

Chirurgie

L’intervention de choix dans le GPAO est latrabéculectomie. Elle consiste à enlever, sous laconjonctive après dissection de la sclérotique,quelques millimètres de trabeculum afin de permettreà l’humeur aqueuse d’être directement drainée vers lesespaces sous-conjonctivaux. La trabéculectomiedonne des résultats excellents, durables, et permet desuspendre habituellement le traitement médical entotalité. Elle risque toutefois de précipiter l’apparitiond’une cataracte, ou d’aggraver une cataractepréexistante, particulièrement chez le sujet âgé. Lesrisques d’hypotonie chronique (vision fluctuante) oud’infection intra-oculaire (même plusieurs annéesaprès la chirurgie) ne sont pas exceptionnels.

Une nouvelle technique appelée sclérectomieprofonde (ou trabéculectomie externe) réalise uneexcision très fine du trabeculum sans qu’il soitnécessaire de perforer le globe oculaire, ce qui diminuenotablement les complications potentielles de latrabéculectomie classique. Mais le recul à long termemanque encore pour que cette technique soitdéfinitivement et systématiquement proposée.

‚ Médecin généraliste et GPAOLe rôle du médecin généraliste est essentiel pour

aider les ophtalmologiste à dépister le glaucome. Sansvisite spécialisée, l’affection ne sera diagnostiquée quele jour où le mal sera suffisamment important pourque le patient en ressente les premiers symptômes... etil sera souvent trop tard pour freiner la maladie. Lemédecin généraliste doit donc interroger ses patientsde plus de 45 ans, l’âge où débute la presbytie, sur leséventuels antécédents familiaux de glaucome, et lesinciter à consulter systématiquement au moins unefois le spécialiste plutôt que d’aller directement chezl’opticien (voire le pharmacien) se procurer des lunettes« toutes faites » pour lire le journal.

En ce qui concerne le risque iatrogène desbêtabloquants, le médecin généraliste pourra êtreconsulté sur d’éventuels contre-indications cardiaqueset bronchopulmonaires.

■Glaucome par fermeture

de l’angle iridocornéen (GFA)

Classiquement crise aiguë spectaculaire et urgenceophtalmologique, le GFA peut aussi s’exprimer moinsbruyamment et évoluer vers un glaucome absolugravissime. Le praticien devrait toujours se méfier de lasurvenue d’un tel glaucome lorsqu’il doit prescrire unmédicament (local ou général) susceptible deprovoquer une dilatation de la pupille. Le glaucomepar fermeture de l’angle est une maladie cinq à six fois

moins fréquente que le glaucome à angle ouvert, toutau moins en France (4 000 crises/an environ). Il esttrois fois plus fréquent chez les femmes que chez leshommes, et sa fréquence augmente nettement avecl’âge (les crises sont exceptionnelles avant 45 ans).

‚ Mécanisme de fermeturede l’angle iridocornéen

La première étape est l’accolement de l’orificepupillaire au cristallin. L’humeur aqueuse se trouvepiégée dans la chambre postérieure ; l’iris se met àbomber vers l’avant, telle la voile d’un navire sousl’effet du vent. La fermeture de l’angle se produit enfin,par accolement de la base irienne à la périphériecornéenne. La pression oculaire s’élève alorsrapidement et considérablement.

‚ Conditions de survenuede la crise de GFA

Œil prédisposé

L’œil doit, avant tout, être prédisposé par uneétroitesse constitutionnelle de la chambre antérieure etde l’angle iridocornéen avec un cristallin épais (cetteépaisseur augmente avec l’âge et/ou à la faveur d’unecataracte). Cette situation anatomique se rencontreessentiellement sur des globes hypermétropes chezdes sujets âgés. À l’opposé, un sujet myope a très peude risques de faire un jour une crise de fermeture del’angle.

Pupille en semi-mydriase

Les conditions d’apparition du blocage sontparticulièrement favorables lorsque la pupille est ensemi-mydriase : stress, émotion forte, sommeil... C’estaussi la raison pour laquelle toutes les substancescapables de dilater la pupille, qu’elles soient prescriteslocalement ou par voie générale, sont contre-indiquées chez les patients aux yeux prédisposés, toutau moins tant qu’une iridectomie prophylactiquen’aura pas été réalisée. Il faut en particulier se méfierdes prémédications en anesthésie générale,responsables de 10 % des crises de fermeture.

Le plus souvent toutefois, aucune facteurdéclenchant n’est retrouvé.

Cette montée pressionnelle rapide et très marquéerisque d’entraîner une ischémie aiguë des vaisseauxintraoculaires. Si celle-ci se prolonge, elle aboutira à lalongue à une atrophie optique totale et à la cécité. Parailleurs, l’angle iridocornéen risque en quelques heuresd’être le siège d’adhérences solides irréversibles,rendant difficile la cure chirurgicale de ce type deglaucome.

La seule contre-indicationmédicamenteuse générale existantchez un sujet ayant un glaucome àangle ouvert concerne lacorticothérapie prolongée, qui peutdans certains cas déséquilibrer leglaucome, et qui nécessiterait descontrôles plus fréquents chez lespécialiste. Les substancesmédicamenteuses contre-indiquéesdans le glaucome à angle fermé neprésentent aucun risque dans leGPAO.

Crise de fermeturePresque toujours unilatérale, la criseaiguë de fermeture se traduit par deviolentes douleurs oculaires ethémicrâniennes, des nausées et parfoisdes vomissements, et une baisse rapideet marquée de l’acuité visuelle. Àl’examen, l’œil est inflammatoire, avecune rougeur marquée autour de lacornée qui est trouble, « glauque »,comme recouverte d’une buée.La pupille peut être légèrement dilatéeet piriforme, ne réagissant plus à lalumière. La PIO est très élevée : plusde 50 mmHg habituellement.

Glaucomes à angle ouvert, par fermeture de l’angle, secondaires - 6-0070

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Page 20: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

En réalité, la symptomatologie est rarement aussiexplosive, et des jours peuvent s’écouler avant que lepatient ne vienne consulter.

Lorsque la fermeture de l’angle est incomplète, ellepeut rétrocéder spontanément et complètement : unedouleur susorbitaire modérée et fugace, ainsi que laperception de halos colorés doivent être recherchéesavec beaucoup de soins à l’interrogatoire. La répétitiond’épisodes subaigus de fermeture de l’angle peutaboutir, à la longue, à l’installation d’unehyperpression chronique et définitive, ou à une criseaiguë beaucoup plus spectaculaire.

‚ Contre-indications médicamenteusessur les yeux prédisposés (tableau II)

Plus de 300 spécialités en France, dont certainessont très largement prescrites, sont signalées commeétant susceptibles de déclencher une crise aiguë deglaucome. Si le patient n’a jamais consultéd’ophtalmologiste, il est raisonnable que ses yeuxsoient examinés avant la prise de ces substances. Sil’ophtalmologiste a été consulté au moins les 2 ou 3dernières années, il aura dû dépister ce risque, etréaliser le traitement prophylactique du GFA(iridectomie au laser).

‚ Traitement du GFA

Traitement prophylactique

Il consiste à réaliser une iridectomie (bilatérale, carla configuration anatomique est habituellementidentique sur les deux yeux) à tous les globesprédisposés. L’iridectomie réalise un by-pass de lacirculation d’humeur aqueuse, et empêche tout risquede bombement irien vers l’avant en cas de blocagepupillaire.

Seul l’ophtalmologiste dispose de l’installationnécessaire à ce dépistage. Il n’est pas toujours facile,même pour le spécialiste, d’apprécier réellement lesrisques qu’aura un jour un globe, même trèshypermétrope et dont l’angle iridocornéen est étroit, àfaire une fermeture de l’angle. Des tests deprovocation ont été proposés, mais ils peuvent êtredangereux et ne sont pas fiables à 100 %. En réalité, ledéveloppement de l’iridectomie au laser - au détrimentde la chirurgie - a rendu moins difficile la décision deréaliser une transfixion irienne en cas de doute. Eneffet, depuis quelques années, la plupart desiridectomies se réalisent au laser, soit YAG, soit àl’argon. Comme pour la trabéculoplastie, l’iridectomieau laser (ou iridotomie) se réalise en ambulatoire, enquelques minutes, n’est pas pénible pour le patient, etest sans danger.

Traitement de la crise

L’œil refroidi, il sera absolument nécessaire deréaliser une iridectomie pour éviter la récidive,pratiquement inéluctable. Le choix se fera, là encore,

entre une transfixion au laser - de préférence - et uneiridectomie chirurgicale. Lorsqu’une synéchie totale s’estconstituée dans l’angle, l’iridectomie n’a plus aucuneefficacité, la PIO reste très élevée, et il faut pratiquer unechirurgie filtrante sensiblement analogue à celleproposée dans le traitement du GPAO.

■Glaucomes secondaires

Groupe très hétéroclite, ils sont souvent detraitement chirurgical car ils réagissent habituellementmal au traitement médical et sont volontierscaractérisés par l’importance de l’hypertensionintraoculaire :

– les glaucomes traumatiques, après unecontusion oculaire ou une plaie du globe,l’hypertension oculaire étant provoquée par lesremaniements des voies d’évacuation de l’humeuraqueuse ;

– les glaucomes inflammatoires, par iridocycliteessentielle ou secondaire (à une infectionlocorégionale ou systémique) ;

– les glaucomes cortisoniques chez certainspatients prédisposés, après plusieurs semaines d’untraitement cortisoné local ou général, l’hypertensionintraoculaire n’étant pas toujours réversible à l’arrêt dutraitement ;

– les glaucomes néovasculaires par envahisse-ment de l’iris et de l’angle iridocornéen en cas derétinopathie diabétique ischémique sévère oud’occlusion de la veine centrale de la rétine ;

– les glaucomes par gêne au retour veineuxorbitaire (fistule carotidocaverneuse) ;

– les glaucomes par tumeur intra-oculaire ;– les glaucomes par cataracte hypermûre, ou après

chirurgie compliquée de la cataracte ;– les glaucomes par dystrophie constitutionnelle

de l’iris.

■Conclusion

Les glaucomes apparaissent comme des maladiestrès disparates du globe oculaire. Si plus d’unetrentaine de formes de glaucome ont pu êtreindividualisées cliniquement, la préoccupation del’omnipraticien doit s’orienter essentiellement vers ledépistage des sujets susceptibles d’être atteints par leglaucome primitif à angle ouvert, sans méconnaître lapossibilité de glaucome aigu par fermeture de l’angle,en raison de son caractère d’urgence thérapeutique.

Éric Sellem : Ancien assistant-chef de clinique des hôpitaux de Lyon,31, rue Ferrandière, 69002 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : É Sellem. Glaucomes à angle ouvert, par fermeture de l’angle, secondaires.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0070, 1998, 4 p

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Tableau II. – Médicaments susceptibles de dé-clencher une crise de GFA.

Médicaments à usage local

− Produits ophtalmologiques :collyres volontairement dilatants utilisés pourl’examen du fond d’œil, collyres à effet sympatho-mimétique prescrits dans les rougeurs oculaires enraison de leurs effets vasoconstricteurs ou, commel’adrénaline, utilisés dans le traitement du glau-come à angle ouvert (les formes mixtes sont possi-bles)− Produits rhinologiques avec vasoconstricteurs

Médicaments à usage général

Médicaments ayant un effet parasympatholytique :− antiparkinsoniens anticholinergiques +++− antispasmodiques et antisécrétoires− phénothiazines, antidépresseurs tricycliques,sédatifs− hypnotiques non barbituriques (pas de risquesavec les benzodiazépines)− antihistaminiques

Médicaments ayant un effet sympathomimétique :− bronchodilatateurs et antihistaminiques (surtouten aérosols répétés)− inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO),antiparkinsoniens dopaminergiques− anorexigènes− anticoryza par voie générale

C’est une urgence thérapeutique, ettout médecin peut immédiatement secharger d’administrer les premièresprescriptions destinées à la faire céder.Dans un premier temps, la PIO doitêtre abaissée par une thérapeutiquegénérale associant 500 mgd’acétazolamide (Diamoxt) par voieintraveineuse au mannitol quidéshydrate le vitré (perfusion rapide de200 mL à 20 %). Les collyres sont peuefficaces sur un œil très tendu.Ultérieurement l’ophtalmologiste,après avoir confirmé la crise defermeture, prescrira des collyresmyotiques (pilocarpine, guanéthidine)pour resserrer la pupille et rouvrirl’angle iridocornéen.

6-0070 - Glaucomes à angle ouvert, par fermeture de l’angle, secondaires

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Page 21: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Maladies maculaires

SY Cohen

L a macula est la région centrale de la rétine, située dans l’axe optique de l’œil. C’est de cette portion de rétinemesurant environ 1 mm de diamètre que dépend notre acuité visuelle. Les maladies maculaires constituent la

première cause de cécité légale (acuité inférieure à 1/10) dans tous les pays développés, en raison de la prévalenceimportante de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Le diagnostic des maladies maculaires a fortementbénéficié de l’apport de l’angiographie à la fluorescéine.© Elsevier, Paris.

■Dégénérescence maculaire

liée à l’âge

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)est devenue la première cause de cécité légale danstous les pays développés. Il s’agit d’une affection decause encore incertaine, caractérisée par unediminution, voire une perte de la fonction descellules visuelles maculaires. La vision précise estdonc menacée, c’est-à-dire les possibilités de lecture,d’écriture, de reconnaissance des visages et desdétails, alors que le champ visuel périphériquedemeure heureusement conservé.

On parle de DMLA après 50 ans, mais c’esthabituellement après 65 ans que les troublesfonctionnels apparaissent et que l’on constate àl’examen du fond d’œil des anomalies corres-pondant au vieillissement rétinien : les drusen.

‚ Drusen

Les drusen sont des petites taches blanchesobservées à l’examen du fond d’œil. Ils constituentles premiers signes cliniques du vieillissement del’épithélium pigmentaire rétinien. Plusieurs formescliniques sont individualisées. Les deux formes lesplus fréquentes sont les drusen miliaires et les drusenséreux.

Les drusen miliaires sont habituellement depetites tailles (50 µm en moyenne), de couleurblanche ou blanc-jaunâtre. Leurs bords sont nets,bien individualisés (fig 1). En angiographie enfluorescence, ils transmettent la fluorescence destissus situés en arrière de la rétine sans retenir lecolorant. Ces drusen ont tendance à augmenter ennombre avec l’âge. Ils se compliquent volontiers deforme plus sévère de DMLA : évolution versl’atrophie choriorétinienne ou la néovascularisationchoroïdienne.

Les drusen séreux sont habituellement plusgrands, leur couleur est jaune. Leurs bords sont flous,difficiles à préciser (fig 2). En angiographie à lafluorescence, ils accumulent le colorant au temps

tardif sans qu’il apparaisse de diffusion anormale ducolorant. Les drusen peuvent évoluer vers laformation de plages d’atrophie de l’épithéliumpigmentaire, mais leur complication évolutivemajeure est l’apparition d’une néovascularisationd’origine choroïdienne. Lorsque les drusen séreux

sont nombreux et qu’ils ont tendance à confluer, lerisque néovasculaire est important.

‚ Formes atrophiques de DMLA

Les lésions atrophiques correspondent à ladisparition des cellules de l’épithélium pigmentaire,ce qui s’accompagne d’une dégénérescence desphotorécepteurs sus-jacents et d’un certain degréd’atrophie de la choriocapillaire, tunique vasculairesous-jacente à la rétine.

À l’examen du fond d’œil, les lésions atrophiquesapparaissent plus claires que le reste de la rétine. Ondistingue souvent au sein de cette lésion des grostroncs choroïdiens sous la forme de lignes sinueusesrouges. En angiographie en fluorescence, la lésionatrophique s’imprègne plus ou moins précocementet se colore au temps tardif, en raison del’imprégnation du tissu scléral par la fluorescéine.

Les formes atrophiques de DMLA sont des formesextrêmement fréquentes. Leur pronostic est variable,dépendant de l’implication ou non de la foveola (lecentre de la macula) dans le processus atrophique.Cette implication est habituellement tardive. En effet,il existe fréquemment une épargne fovéolaire.L ’atrophie se développant en couronnepérimaculaire, l’évolution est habituellementlentement progressive, mais se fait constammentvers l’aggravation et la perte de la vision centrale.

1 Angiographie à la fluorescéine.Drusen miliaires. Taches blanches multiples à bordsnets, fortement fluorescentes dès les temps précoces.

2 Angiographie à la fluorescéine.Drusen séreux. Taches blanches à bords flous, dontla fluorescence est retardée en angiographie.

Les drusen sont :✔ des taches blanches témoignant duvieillissement rétinien ;✔ des précurseurs des formes sévèresde DMLA ;✔ des lésions retentissant peu surl’acuité visuelle.Les drusen séreux évoluent plusvolontiers vers les formes sévères de lamaladie que les drusen miliaires.

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‚ Formes exsudatives de DMLA

Les formes exsudatives, ou néovasculaires, sontles formes les plus sévères de DMLA. Elles seraientresponsables de la majorité des cas de cécité légaleau cours de cette affection. La survenue d’unenéovascularisation choroïdienne constitue untournant évolutif capital dans l’évolution de laDMLA.

L’apparition de néovaisseaux choroïdienss’accompagne habituellement de symptômesfonctionnels caractéristiques, correspondant ausyndrome maculaire aigu : baisse d’acuité visuelle deloin et de près, apparition de métamorphopsies,c’est-à-dire de déformation des lignes droites et desobjets. Certains patients présentent également unemicropsie (objets paraissant plus petits).

Les symptômes de néovascularisation choroï-dienne sont :

– la baisse d’acuité visuelle de loin et de près ;– les métamorphopsies ;– les micropsies.Dans cette triade symptomatique évocatrice de

syndrome maculaire, l’apparition de métamor-phopsies est l’élément le plus caractéristique :déformation des lignes droites qui apparaissentgondolées. Tout patient porteur de DMLA, quelqu’ensoit la forme, doit être prévenu de l’importance àaccorder à ces symptômes qui doivent l’amener àconsulter l’ophtalmologiste en urgence pour unexamen du fond d’œil et une angiographie à lafluorescéine.

À l’examen du fond d’œil, la néovascularisationchoroïdienne se caractérise par l’existence d’unsoulèvement discret de la rétine centrale

(décollement séreux rétinien), parfois d’hémorragiessous-rétiniennes ou d’exsudats lipidiques.

Le diagnostic de confirmation des néovaisseauxchoroïdiens repose sur l’angiographie à lafluorescéine.

L’angiographie à la fluorescéine permet dedifférencier la néovascularisation choroïdienne« visible » de la néovascularisation choroïdienne« occulte ».

Les néovaisseaux visibles ont des limites biendéfinies à l’angiographie à la fluorescéine (fig 3).L ’examen permet de visual iser un lacisnéovasculaire d’apparition précoce après injectiondu colorant et surtout une diffusion importante ducolorant au temps tardif.

Les néovaisseaux occultes, ou mal définis,réalisent un tableau angiographique différent. Leurhyperfluorescence est inhomogène, d’apparitionretardée, et les contours exacts de ces néovaisseauxne peuvent être précisés sur l’angiographie.

La distinction entre néovaisseaux visibles etoccultes est importante. Les néovaisseaux visiblesont toujours un pronostic spontané défavorableavec une extension néovasculaire habituellementrapide et, en l’absence de traitement, l’évolution versla perte définitive de la fonction centrale en quelquesjours à quelques semaines. Ces néovaisseaux

constituent donc une urgence diagnostique etthérapeutique. À l’inverse, les néovaisseaux de typeocculte évoluent sur un mode subaigu, voirechronique. L’évolution spontanée se faitfréquemment vers la perte de la fonction centralemais de façon plus lente que dans les cas denéovascularisation visible.

Le diagnostic des néovaisseaux occultes afortement bénéficié de l’angiographie infrarouge auvert d’indocyanine. Les temps tardifs del’angiographie au vert d’indocyanine mettenthabituellement en évidence la néovascularisationchoroïdienne occulte sous la forme d’une lésionhyperfluorescente.

‚ Traitements de la dégénérescenceliée à l’âge

Traitement médical

Actuellement, aucun traitement médical n’aréellement fait la preuve de son efficacité à prévenirdes formes graves de DMLA. Différentesthérapeutiques sont cependant proposées aupatient : oxygénateurs, vasorégulateurs etprotecteurs vascula i res , thérapeut iquesantiradicalaires, oligo-éléments et vitamines.

Photocoagulation au laser

La photocoagulation au laser a fait la preuve deson efficacité dans certaines formes exsudatives dedégénérescence maculaire liée à l’âge. Lesnéovaisseaux doivent être traités au mieux lorsqu’ilsn’empiètent pas sur le centre de la macula. Laphotocoagulation des néovaisseaux visibles extra-ou juxtafovéolaires (situés de 100 à 400 µm ducentre de la macula) constitue une urgencethérapeutique. Des récidives néovasculaires peuventsurvenir, ce qui impose une surveillance rapprochéedu patient après photocoagulation, en particulier pardes angiographies à la fluorescéine. Le traitementlaser des néovaisseaux est un traitement direct etconsiste à brûler la zone malade pour empêcherl’extension du néovaisseau vers la zone saine.

Lorsque la néovascularisation choroïdienne adéjà empiété sur le centre de la macula, aucuntraitement n’est en mesure de préserver l’acuitévisuelle du patient. Cependant, la photocoagulationeffectuée en couronne autour de la macula(photocoagulation périfovéale) permet d’éviterl’extension des néovaisseaux choroïdiens et donc delimiter la taille du scotome central. Ce traitement estproposé lorsque l’acuité visuelle a déjà baissé (autourde 1/10). Son but est donc de limiter simplement leretentissement fonctionnel de la maladie etd’empêcher des formes encore plus sévères.

Autres traitements

Ils sont en cours d’évaluation au cours de ladégénérescence maculaire liée à l’âge :

– radiothérapie des membranes néovasculaires ;– chirurgie d’exérèse de la néovascularisation

choroïdienne ;– thérapie photodynamique.La radiothérapie est effectuée à dose

anti-inflammatoire. Il s’agit habituellement d’uneradiothérapie de 15 à 25 gray avec un

Les formes atrophiques de DMLAsont :✔ l’évolution habituelle des drusen ;✔ les formes sévères les plusfréquentes de DMLA ;✔ des formes d’évolution lente,longtemps compatibles avec uneacuité visuelle assez satisfaisante.

L’angiographie à la fluorescéine est un examen de routine en ophtalmologie.L’examen consiste à injecter par voie intraveineuse 5 mL d’une solution defluorescéinate de sodium à 10 %. Des photographies du fond d’œil sont prises àl’aide d’un rétinographe sur lequel sont montés un filtre d’excitation de lafluorescence et un filtre d’arrêt qui bloque les fluorescences inutiles. Le recueil desimages sur film noir et blanc permet de visualiser les vaisseaux rétiniens etd’apprécier le comportement des anomalies du fond d’œil : masquage de lafluorescence choroïdienne, imprégnation des lésions, transmission de la fluorescencechoroïdienne, diffusion anormale du colorant.L’examen nécessite la dilatation pupillaire. Il entraîne une coloration jaune dutégument ainsi que des urines fortement colorées. Sa seule contre-indication estl’allergie sévère aux produits contenant de la fluorescéine. Des incidents mineurspeuvent survenir : nausées (5 %), vomissements (moins de 1 %) ou accidentsallergiques mineurs : prurit, plus rarement urticaire. Des accidents graves ont été,très rarement, rapportés : accidents ischémiques coronariens ou vasculaires, maissurtout choc anaphylactique imposant une réanimation d’urgence. Ces accidentsgraves surviendraient à la fréquence d’un accident pour 10 000 examens.

3 Angiographie à la fluorescéine.Néovaisseaux choroïdiens visibles. Lacis néovascu-laire d’apparition précoce en angiographie.

6-0100 - Maladies maculaires

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Page 23: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

fractionnement important de façon à éviter lesrisques de rétinopathies liées aux radiations. Cetraitement est en cours d’évaluation, en particulierpour traiter la néovascularisation occulte situéederrière la macula, qui n’est actuellement accessibleà aucun autre traitement.

La chirurgie d’exérèse consiste à aller chercher lenéovaisseau sous la rétine et à l’extrairechirugicalement. Ce traitement semble actuellementdécevant dans le cadre de la DMLA.

La photothérapie dynamique consiste à irradier larétine à l’aide d’un faisceau laser très faiblementdosé, après injection intraveineuse d’un médicamentphotosensibilisant. Le but est d’occlure lenéovaisseau sans détruire les photorécepteurs. Cetraitement permettrait donc, théoriquement, laconservation de l’acuité visuelle lorsque lesnéovaisseaux sont en position rétrofovéolaire,c’est-à-dire situés derrière la région centrale de lamacula. L’efficacité et les éventuels effetssecondaires sont en cours d’évaluation.

Traitements optiques palliatifset rééducation visuelle

Au stade de début de l’affection, une améliorationde la fonction visuelle pourrait être obtenue à l’aidede systèmes simples : surcorrection optique en visionde près (lunette demi-lune), systèmes optiques unpeu plus complexes, modification de l’éclairageambiant. En effet, il est important de conseiller lepatient sur l’éclairage en vision de près, par exempleune petite lampe directionnelle, halogène ou non,dirigée sur le texte qu’il souhaite lire.

À un stade plus sévère de la maladie, enparticulier lorsque l’affection s’est compliquée et quele patient présente un scotome central bilatéral, unerééducation visuelle peut être proposée. Il s’agit destimuler la formation d’une aire de fixationpréférentielle, c’est-à-dire d’une zone de rétineprenant le relais après destruction de la rétinecentrale. Cette « néomacula » peut être stabilisée pardifférents exercices réalisés par des orthoptistesspécialisés en rééducation des basses visions. Cetterééducation permet d’utiliser au mieux les aides

visuelles optiques (systèmes microscopiques,télescopiques) et permet à de nombreux patients deretrouver la possibilité de lecture dans des formesjugées auparavant inaccessibles à tout traitement(tableau I).

■Néovascularisation choroïdienne

du sujet jeune

La néovascularisation choroïdienne correspondau développement sous la rétine sensorielle d’unnéovaisseau d’origine choroïdienne. Il s’agit d’unphénomène pathologique observé dans les formesles plus sévères de dégénérescence maculaire liée àl’âge. Cependant des néovaisseaux choroïdienspeuvent se rencontrer chez des sujets de moins de50 ans, de façon idiopathique, ou, plus souvent,dans un contexte de maladie choriorétinienne :myopie forte, str ies angioïdes, maladiesinflammatoires du fond d’œil.

‚ Diagnostic

Le syndrome maculaire est habituellement desurvenue rapide, voire brutal, caractérisé par unebaisse d’acuité visuelle, parfois des micropsies, maissurtout par l’apparition de métamorphopsies.L’examen du fond d’œil met en évidence undécollement séreux rétinien, parfois associé à unehémorragie sous-rétinienne. L’examen du fond d’œilpeut permettre de préciser l’affection causale : tachesblanches disséminées du fond d’œil entrant dans lecadre des choroïdites multifocales, lignes sombrespéripapillaires à développement maculaire entrantdans le cadre des stries angioïdes. Dans un contextede myopie forte, l’examen du fond d’œil retrouve leséléments caractéristiques de l’affection : une pâleurdiffuse du fond d’œil, un croissant atrophiquepéripapillaire, des petites lignes atrophiquestémoignant de la rupture du tissu de soutien situé surla rétine (lignes de rupture de la membrane deBruch).

L’angiographie à la fluorescéine est l’examencomplémentaire essentiel permettant de localiser le

néovaisseau sous la forme d’un lacis néovasculaireen règle bien individualisé, responsable d’unediffusion importante et précoce du colorant.

‚ Traitement

La photocoagulation au laser est le traitement dechoix des néovaisseaux lorsqu’ils épargnent lecentre de la macula. Lorsque le néovaisseau estrétrofovéolaire, situé derrière le point de fixation, laphotocoagulation n’est en règle pas effectuée. Cesnéovaisseaux rétrofovéolaires du sujet jeunesemblent être, en dehors de la myopie forte, debonnes indications à une tentative d’exérèsechirurgicale sous-maculaire. Dans le cadre de lamyopie forte, qui est l’étiologie la plus fréquente dela néovascularisation choroïdienne du sujet jeune, ilssont actuel lement inaccessibles à toutethérapeutique. Ils évoluent vers la constitution d’uneplage atrophique et pigmentée du fond d’œil etentraînent une baisse d’acuité visuelle définitive etsévère.

■Choriorétinite séreuse centrale

La choriorétinite séreuse centrale (CRSC) est uneaffection fréquente survenant classiquement chezl’adulte, après l’âge de 20 ans.

Elle touche l’homme dans 90 % des cas. Ellesurviendrait plus souvent chez les patients ayant unetendance à l’hyper-réactivité et aux conversionssomatiques. La physiopathologie de l’affectiondemeure discutée. Cependant elle semble liée à uneanomalie de perfusion choroïdienne, peut-être sousla dépendance du système neurovégétatif.

‚ Diagnostic

Le diagnostic est habituellement évoqué devantun syndrome maculaire d’apparition brutale chez unadulte jeune. L’examen du fond d’œil met enévidence une bulle de décollement séreux rétinienmaculaire, habituellement étendue, bien que restantlimitée au pôle postérieur de l’œil.

Là encore, l’angiographie à la fluorescéine estl’examen indispensable permettant de mettre enévidence un point de fuite, c’est-à-dire une zonelocalisée de diffusion du colorant, le colorantremplissant progressivement, au cours de l’examen,la bulle de décollement séreux rétinien maculaire(fig 4).

‚ Traitement

L’évolution spontanée de la poussée de CRSC sefait vers la cicatrisation avec réduction progressivede la bulle de décollement séreux rétinien etamélioration des symptômes. Cependant la pousséepeut être écourtée par la photocoagulation électivedu point de fuite. Ce traitement au laser esthabituellement proposé si le point de fuite est situéassez loin du centre de la macula (à plus de 500 µm).

L’évolution de la poussée est habituellementfavorable, mais l’évolution au long cours est variabled’un patient à l’autre. Les récidives concerneraientplus d’un patient sur deux et surviennent le plus

Tableau I. – Indications thérapeutiques dans la DMLA.

Traitement médical

(Différents traitements sont proposés, dont aucun n’a fait la preuve de son effıcacité.)

Photocoagulation au laser :effectuée en urgence en cas de néovascularisation choroïdienne visible épargnant le centre de la macula. elleest souvent proposée lorsque les néovaisseaux ont déjà atteint la macula, lorsque l’acuité visuelle a déjàbaissé, dans le but d’empêcher l’extension du scotome central et de maintenir au mieux la vision périphéri-que du patient.

Radiothérapie externe (en cours d’évaluation) ;

Chirurgie sous-maculaire d’exérèse (en cours d’évaluation) ;

Thérapie photodynamique (en cours d’évaluation).

Traitements optiques

Indispensable aux stades initiaux de la maladie couplés à une amélioration de l’éclairage nécessaire pour lalecture.

Rééducation visuelle

Réservée aux formes sévères et bilatérales de DMLA pratiquée dans des centres de rééducation, ou par desorthoptistes formés en rééducation des basses visions.

Maladies maculaires - 6-0100

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Page 24: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

souvent dans la première année après l’épisodeinitial. L’évolution peut surtout se faire vers unpassage à la chronicité avec des altérations diffusesde l’épithélium pigmentaire et des séquellesvisuelles. Malgré ces risques évolutifs, lachor iorét inopathie séreuse centra le esthabituellement une maladie peu sévère du sujetjeune.

■Hérédodégénérescences

maculaires

Différentes anomalies génétiques peuvententraîner une maculopathie. Les plus fréquentessont la maladie de Best, caractérisée par un dépôt de

lipofuschine anormale centrale (fig 5) et la maladiede Stargardt. Ces deux affections évoluenthabituellement vers la constitution d’une plaged’atrophie de l’épithélium pigmentaire maculaireavec un scotome central. Le pronostic de la maladiede Stargardt est un peu plus sévère avec uneévolution vers l’atrophie plus précoce que dans lecadre de la maladie de Best. L’évolution de ces deuxmaladies peut se faire vers l’apparition d’unenéovascularisation choroïdienne, ce qui est tout demême assez rare. Les autres hérédodégénéres-cences maculaires sont : le rétinoschisis juvénile liéau chromosome X, la sclérose aréolaire centrale quiest une forme précoce de dégénérescence maculaireatrophique, la dystrophie progressive des cônes quiest une maladie génétique touchant lesphotorécepteurs centraux.

Toutes ces hérédodégénérescences sontcaractérisées par une baisse d’acuité visuellesurvenant à un âge variable. La baisse d’acuitévisuelle est habituellement progressive. Il n’existeactuellement aucun traitement spécifique de cesaffections. Lorsque le handicap visuel survient enâge scolaire, une orientation professionnelle enmilieu adapté est habituellement proposée. Unerééducation de type basse vision est égalementproposée, quelque soit l’âge de survenue duhandicap dans le but d’utiliser au mieux la rétinerésiduelle.

■Conclusion

Les maladies maculaires sont variées,hétérogènes dans leur aspect et dans leur étiologie. Ilfaut souligner l’importance à accorder auxsymptômes d’origine maculaire : baisse d’acuitévisuelle, micropsie mais surtout métamorphopsies.Tout patient présentant des métamorphopsies,c’est-à-dire se plaignant de ligne droite apparaissantgondolée ou de déformation des images, nécessiteune prise en charge rapide par l’ophtalmologistepour examen du fond d’œil et habituellementangiographie à la fluorescéine. L’angiographie à lafluorescéine est l’examen diagnostique essentiel desmaladies maculaires permettant de préciser lediagnostic et de guider les thérapeutiques. Parmi cesthérapeutiques, il faut souligner la place importantede la photocoagulation au laser.

Salomon Yves Cohen : Ancien interne, ancien chef de clinique à la faculté de Paris XII-Créteil,centre d’imagerie et de laser, 7, rue de Sontay, 75116 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : SY Cohen. Maladies maculaires.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0100, 1998, 4 p

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4 Angiographie à la fluorescéine.Choriorétinite séreuse centrale. Point de fuitejuxtafovéolaire.

5 Cliché en lumière verte. Maladie de Best.Dépôt de lipofuscine anormale occupant la régionmaculaire.

6-0100 - Maladies maculaires

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Page 25: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Œil sec

T Hoang-Xuan, D Hannouche

L a sécheresse oculaire est fréquente, et est considérée comme quasiment physiologique chez le sujet âgé. Ellepeut être aussi associée à une pathologie de la surface oculaire et à de nombreuses maladies systémiques

qu’elle peut révéler.Le diagnostic est clinique et repose sur la mise en évidence d’une diminution de la sécrétion lacrymale et/ou d’uneinstabilité du film lacrymal pouvant entraîner une altération des cellules cornéoconjonctivales. Le traitementsubstitutif des larmes sera éventuellement associé au traitement étiologique du syndrome sec.© Elsevier, Paris.

La sécheresse oculaire est due à une anomaliequantitative et/ou qualitative du film lacrymal. Sagravité est liée au retentissement sur l’épithéliumcornéen.

■Épidémiologie

La prévalence de la sécheresse oculaire estestimée à 0,4 % de la population. Elle est plusfréquente chez le sujet âgé, avec une prédominanceféminine.

■Physiopathologie du film lacrymal

La composante aqueuse des larmes est sécrétéepar la glande lacrymale principale et les glandeslacrymales accessoires. Les larmes sont étalées sur lasurface oculaire grâce au clignement palpébral, et sedrainent dans les voies lacrymales vers les fossesnasales. Le film lacrymal précornéen est formé d’unecouche profonde de mucus (mucines) sécrétée parles cellules caliciformes conjonctivales et adhérente àl’épithélium cornéen, d’une couche intermédiaireaqueuse sécrétée par les glandes lacrymalesprincipale et accessoires, et d’une couchesuperficielle lipidique sécrétée par les glandes deMeibomius et les glandes palpébrales de Zeiss etMoll. Le mucus permet un bon étalement de lacouche aqueuse sur la surface cornéoconjonctivale.La couche lipidique stabilise le film lacrymal etretarde l’évaporation des larmes.

Le film lacrymal précornéen a une fonction delubrification cornéenne, de protection de l’épithéliumcornéen et une activité antibactérienne.

■Examen clinique

‚ Signes fonctionnels (tableau I)La sécheresse oculaire se manifeste par une

sensation de gravier ou de corps étranger, semajorant en fin de journée, des brûlures oculaires,une difficulté à l’ouverture palpébrale au réveil, unephotophobie. Elle est parfois associée à une rougeuroculaire et à une baisse de l’acuité visuelle. Lessymptômes sont aggravés par la chaleur et lasécheresse du milieu environnant.

‚ Examen à la lampe à fenteLa diminution de la hauteur de la rivière

lacrymale à moins de 1 mm sera évaluée avantl’instillation de collyres. Des sécrétions muqueusesépaisses ou des filaments sont parfois retrouvés auniveau de la surface oculaire. Il peut exister uneconjonctivite papillaire non spécifique qui témoigned’une irritation conjonctivale non spécifique.

L’instillation de fluorescéine dans les culs-de-sacconjonctivaux permet d’apprécier la hauteur de larivière conjonctivale et l’existence d’une kératiteponctuée superficielle qui prédomine habituellementdans l’aire de la fente palpébrale. En effet, lafluorescéine colore le film lacrymal précornéen, lesespaces intercellulaires et les zones où l’épithéliumcornéen est absent.

La sécheresse oculaire se complique de kératitefilamenteuse, d’ulcère cornéen stérile ou surinfecté àStaphylococcus aureus , de kératopathie enbandelette.

Dans les syndromes de Goujerot-Sjögren, uneatteinte limbique comportant un amincissement ouune infiltration sous-épithéliale blanche est parfoisretrouvée.

Les diagnostics différentiels sont d’autant plusrares qu’ils s’associent souvent à un syndrome sec.On retiendra les conjonctivites allergiques, lesconjonctivites par toxicité médicamenteuse, lakératite limbique supérieure des dysthyroïdies.

Aucun test ne permet de porter un diagnosticd’œil sec avec certitude. On retiendra l’intérêt de troistests : le test de Schirmer 1, le temps de rupture dufilm lacrymal, et le test au rose Bengale.

Test de Schirmer 1 :mesure la sécrétion lacrymale

Le test de Schirmer 1 est le test le plusreproductible pour mesurer la sécrétion lacrymale.Les larmes sont recueillies sur une bandelette depapier filtre graduée placée dans le cul-de-sacconjonctival inférieur à la jonction entre le tiersmoyen et le tiers externe de la paupière inférieure,pendant 5 minutes. Une sécheresse oculaire estévoquée lorsque l’imprégnation de la bandelette parles larmes est inférieure à 15 mm (trois divisions). Letest de Schirmer 1 mesure la sécrétion lacrymalebasale et réflexe.

La sécrétion lacrymale basale est évaluée par letest de Jones qui comporte l’instillation d’un collyreanesthésique avant la mise en place de labandelette. La sécrétion lacrymale réflexe est étudiéeaprès anesthésie topique et stimulation de lamuqueuse nasale par un écouvillon (test deSchirmer 2).

Tableau I. – Signes fonctionnels d’œil sec.

Sensation de gravier et de corps étrangerBrûlures oculairesLarmoiement réflexeDiffıculté à l’ouverture palpébrale au réveilPhotophobieRougeur oculaireDouleur oculaireBaisse de l’acuité visuelle

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Temps de rupture du film lacrymal(« BUT » ou « break-up-time ») :évalue la stabilité du film lacrymal

Ce test consiste à mesurer le temps de rupture dufilm lacrymal. Il est pratiqué sans anesthésie topique,après l’instillation d’une goutte de fluorescéine. Letemps entre le dernier clignement palpébral etl’apparition de la première zone sèche cornéenne estmesuré. Chez un sujet normal il est supérieur à 13secondes, alors qu’il est inférieur à 10 secondes dansles yeux secs.

Une instabilité sévère du film lacrymal est souventassociée à une insuffisance de la couche muciniquedu film lacrymal.

Test au rose Bengale 1 % :retentissement cellulaire cornéoconjonctivalde la sécheresse oculaire

Le rose Bengale colore les cellules épithélialescornéennes et conjonctivales altérées. L’instillationd’une goutte de rose Bengale est douloureuse etsera pratiquée après anesthésie topique, et lesculs-de-sac conjonctivaux seront abondammentrincés après le test. L’étude de la répartition ducolorant sur la surface oculaire permet d’apprécier leretentissement de la sécheresse oculaire surl’épithélium cornéen et conjonctival (classification devan Bijsterveld). On notera l’intérêt de la colorationpar le vert de lissamine 1 % qui donne les mêmesrenseignements que le rose Bengale, mais dontl’instillation est indolore.

■Examens complémentaires

‚ Biologie

Sanguine

Le bilan sera orienté vers la recherche d’unemaladie systémique associée à une sécheresseoculaire. En première intention et en l’absenced’élément d’orientation diagnostique, le bilancomprendra une numération formule sanguine(NFS) , une éléctrophorèse des protéinesplasmatiques, un dosage des anticorps antinu-cléaires, des anticorps anti-Ro (SSA) et anti-La (SSB) etun test de Latex-Waaler Rose (tableau II).

Lacrymale

L’examen biochimique des larmes peut êtreproposé mais n’est pas réalisé en pratique courante.

– Électrophorèse des protéines des larmes : uneaugmentation des protéines est évocatrice d’unprocessus inflammatoire.

– Diminution du taux du lysosyme dans leslarmes : non spécifique.

– Diminution du taux de lactotransferrine dansles larmes.

– Hyperosmolarité des larmes.

‚ Cytologie : empreintes conjonctivales

Les cellules sont recueillies après application d’unfiltre millipore sur la conjonctive bulbaire supérieure.Cette technique, peu invasive, permet un examencytologique de la conjonctive. Elle met en évidenceune diminution des cellules à mucus et unemétaplasie épithéliale dans le syndrome deGoujerot-Sjögren.

‚ Histologie

La biopsie de la glande lacrymale ou des glandessalivaires accessoires permet parfois d’établir lediagnostic de sarcoïdose ou de lymphome. Uneinfiltration lymphocytaire des glandes lacrymales etsalivaires accessoires est retrouvée dans lesyndrome de Goujerot-Sjögren.

■Étiologies

La kératoconjonctivite sèche peut être liée à uneatteinte des trois composantes (aqueuse, mucinique,lipidique) du film lacrymal ou à un défautd’étalement de ce film sur la surface oculaire.

‚ Insuffisance de sécrétion aqueuse

Elle résulte d’un dysfonctionnement des glandeslacrymales principale et/ou accessoires. Elle estparfois liée à une maladie auto-immune primitive(syndrome de Goujerot-Sjögren primitif), ou associéeà une maladie systémique.

Congénitale

– Absence congénitale de glande lacrymale.– Neuro-endocrinopathies multiples.– Syndrome de Holmes-Adie (pupille tonique,

hyporéflexie, anhidrose).– Syndrome de Riley-Day (dysautonomie

familiale).

Acquise

¶ Inflammatoire [4]

Syndrome de Goujerot-Sjögren primitif (tableau III) [3]

Cette maladie auto-immune est liée à uneinfiltration lymphocytaire des glandes lacrymales etsalivaires. Elle est plus fréquente chez la femmeménopausée et une prédisposition génétique a étémise en évidence (groupes HLA B8 et DR4). Elle semanifeste par une sécheresse oculaire et unexérostomie. Une hypertrophie des glandes salivaires(parotide et sous-mandibulaire) et des adénopathiescervicales sont parfois retrouvées. Les anticorpsanti-Ro (SSA) et anti-La (SSB) sont fréquemmentpositifs, mais ne sont pas spécifiques.

Syndrome de Goujerot-Sjögren secondaire [3]

Le syndrome de Goujerot-Sjögren est parfoisassocié à une maladie inflammatoire systémiquetelle que :

– polyarthrite rhumatoïde (PR) ;– lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) ;– sclérodermie ;– dermatomyosite ;– périartérite noueuse ;– maladie de Waldenström ;– thyroïdite de Hashimoto ;– maladie cœliaque ;– cirrhose biliaire primitive.

Réaction du greffon contre l’hôte

¶ Infectieuse– Virus de l’immunodéficience humaine (VIH),

virus de l’hépatite C, HTLV1.– Tuberculose.

¶ Infiltration de la glande lacrymale– Sarcoïdose.– Amylose.– Hémochromatose.– Lymphomes non hodgkiniens.

¶ Traumatisme de la glande lacrymale– Radiations ionisantes.– Exérèse chirurgicale.

¶ Médicaments– Psychotropes : neuroleptiques, antidépresseurs

tricycliques, anxiolytiques.– Antiparkinsoniens.– Antihistaminiques de type 1.– Antispasmodiques.– â-bloquants par voie générale ou topique.– Diurétiques.– Atropine.– Syndrome de Lyell.

‚ Insuffisance de la couche mucinique

La sécheresse oculaire par insuffisance en mucineest fréquente. Elle est liée à une altération des

Tableau II. – Examens complémentaires de-vant un syndrome sec.

NFS, vitesse de sédimentation (VS)Electrophorèse protéines plasmatiquesLatex-Waaler RoseFacteurs antinucléairesAnti-SSA, anti-SSB

Tableau III. – Critères diagnostiques du syn-drome de Goujerot-Sjögren (Fox et al,1986)[2].

Syndrome de Goujerot-Sjögren primitif

Kératoconjonctivite− test de Schirmer< 8 mm en 5 min− test au rose Bengale ou à la fluorescéine positif(cornée ou conjonctive)Xérostomie− signes de sécheresse buccale− diminution de la sécrétion parotidienneInfiltration lymphocytaire des glandes salivairesaccessoiresMise en évidence d’une pathologie auto-immunesystémique− facteur rhumatoïde positif (titre> 1 : 160)− facteurs antinucléaires positifs (titre>1 : 160)− présence d’anticorps anti-SSA ou anti-SSB

Syndrome de Goujerot-Sjögren secondaireSignes de Goujerot-Sjögren associés à : une PR,

un LEAD, une polymyosite, une sclérodermie, ouune cirrhose biliaire primitive

Critères d’exclusion : existence d’une pathologieresponsable d’un syndrome sec : sarcoïdose, lym-phome, syndrome d’immunodéficience acquise...

* Fox RI, Robinson CA, Curd JG et al. Sjögren’s syndrome : proposedcriteria for classification. Arthritis Rheum 1986 ; 29 : 577-585.

6-0010 - Œil sec

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Page 27: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

cellules caliciformes conjonctivales. Elle est observéedans les blépharites chroniques, les conjonctivitesauto-immunes fibrosantes (pemphigoïde cicatricielle,érythème polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson), le syndrome de Lyell, les conjonctivitesallergiques chroniques, le trachome, après unebrûlure chimique ou dans les rares avitaminoses Aqui aboutissent à une kératinisation de l’épithéliumconjonctival et à une disparition des mucocytes.

‚ Insuffisance lipidique

Elle est responsable d’une instabilité du filmlacrymal et est favorisée par les meibomiiteschroniques et l’exposition aux solvants des graisses.

‚ Mauvais étalement du film lacrymal

Lié à une pathologie de la surface oculaire quiprovoque une interruption du film lacrymal

– Ptérygion, pinguecula.

– Tumeur conjonctivale.

– Cicatrice cornéenne.

Lié à une malocclusion palpébrale qui accélèrel’évaporation des larmes

– Ectropion.

– Entropion.

– Exophtalmie (dysthyroïdie, tumeur orbitaire).

– Paralysie faciale.

– Forte myopie.

– Séquelle d’intervention chirurgicale palpébrale.

– Traumatismes (avulsion de la paupièresupérieure).

Lié à une diminution du clignement palpébral

– Abus de collyres anesthésiques.

– Kératite neuroparalytique.

■Traitement

‚ Traitement étiologique

– Traitement de la maladie inflammatoiresous-jacente : immunosuppresseurs par voiegénérale dans le syndrome de Goujerot-Sjögren.

– Arrêt des traitements systémiques responsablesd’une hypolacrymie, lorsque c’est possible.

– Traitement d’une meibomiite par des soinsd’hygiène des paupières et une antibiothérapiegénérale par cyclines.

– Traitement d’une pathologie palpébrale(ectropion, entropion...), ou d’une pathologie de lasurface oculaire responsable d’une interruption dufilm lacrymal (ptérygion).

– Utilisation d’un humidificateur de l’air.

‚ Traitement substitutif [4]

La supplémentation en larmes artificielles estnécessaire, mais parfois insuffisante, dans lessyndromes secs sévères, où le déficit aqueux n’estpas seul responsable de l’altération du filmlacrymal.

La substitution peut être assurée par l’ instillationpluriquotidienne de larmes artificielles en collyre(sérum physiologique à 1,4 % ou 9 %) ou de gels(polymères acryliques). Les gels ont un temps decontact prolongé et nécessitent une administrationmoins fréquente. Les larmes artificielles et les gelssont disponibles sans conservateur, dont l’utilisationrégulière aboutit parfois à une sensibilisation et/ouune toxicité. La mise en place d’insert d’hydroxypro-pylcellulose dans le cul-de-sac conjonctival inférieurpermet une lubrification prolongée dans les yeux quipossèdent une sécrétion lacrymale résiduelle, maisest souvent mal tolérée.

‚ Autres traitements locauxLes mucolytiques (N-acétylcystéine 5-10 %)

rompent les glycoprotéines de la couche muciniqueet sont indiqués dans les sécheresses oculaires avecsécrétions épaisses et filaments. Leur efficacité est enpratique très discutée.

Les substances trophiques (pommade vitamine A)sont indiquées au coucher et pour traiter unekératite.

Les substances prosécrétantes : les kininespolypeptidiques stimulent la sécrétion lacrymale.Elles ne sont pas disponibles en France.

La ciclosporine 2 % topique a été utilisée avecsuccès dans les syndromes de Goujerot-Sjögren etdans des syndromes secs d’autre origine. Elle n’estpas disponible en France.

‚ Occlusion des points lacrymauxL’occlusion des points lacrymaux permet une

diminution du drainage des larmes dans les voieslacrymales vers les fosses nasales. Cette occlusionpeut être réversible, après la mise en place de clousen élastomère de silicone dans les méats supérieurset inférieurs, ou irréversible, après électrocautéri-sation des canalicules.

‚ Formes sévèresLes lentilles de contact sont indiquées dans les

kératites filamenteuses mais elles favorisent lessurinfections.

Les lunettes à chambre humide sont constituéesde coques étanches qui permettent un ralentis-sement de l’évaporation des larmes et uneaugmentation de l’humidité au niveau de la surfaceoculaire.

La pompe à larmes permet une irrigation desculs-de-sac conjonctivaux à partir d’un réservoirporté par la monture de lunettes. Elle est proposéeen dernier recours car elle est très contraignante etson efficacité est discutée.

Dans les défects épithéliaux rebelles graves, unetarsorraphie est parfois proposée.

Thanh Hoang-Xuan : Praticien hospitalier, professeur des Universités, chef de service d’ophtalmologie.Danièle Hannouche : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux, service d’ophtalmologie.

Hôpital Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Hoang-Xuan et D Hannouche. Œil sec.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0010, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Fox RI. Systemic diseases associated with dry eyes.Int Ophthalmol Clin1994 ; 34 : 71-87

[2] Fox RI, Robinson CA, Curd JG, Kozin F, Howell FV. Sjögren’s syndrome:proposed criteria for classification.Arthritis Rheum1986 ; 29 : 577-585

[3] Pflugfelder SC, Whitcher JP, Daniels TE. Sjögren syndrome. In : Pepose JS,Holland GN, Wilhelmus KR eds. Ocular Infection and Imunity. St Louis : CVMosby, 1996 : 313-330

[4] Roncin S, Mage F, Youinou P, Pennec YL, Jouquan J, Colin J. Le traitementmédical actuel de l’œil sec.J Fr Ophtalmol1995 ; 18 : 708-730

Œil sec - 6-0010

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Page 28: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Paralysie oculomotrice

C Vignal-Clermont

L es paralysies oculomotrices (POM) se traduisent par l’apparition d’une vision double ou diplopie. Devant cettediplopie, trois problèmes se posent : faire le diagnostic de la paralysie oculomotrice ; en déterminer la cause ;

proposer un traitement adapté au patient.© Elsevier, Paris.

■Rappel physiopathologique [3]

‚ Physiologie des muscles oculomoteurs

Ils sont au nombre de six par œil et sontcommandés par trois nerfs oculomoteurs ayant leurorigine dans le tronc cérébral.

– Le moteur oculaire commun (III) innerve lesmuscles droits supérieur, interne, inférieur, le petitoblique et le releveur de la paupière supérieure. Lesfibres pupillaires parasympathiques innervant lesphincter irien suivent le trajet du III.

– Le pathétique (IV) innerve le grand oblique.– Le moteur oculaire externe (VI) innerve le droit

externe.Les droits horizontaux ont une action de latéralité.

L’atteinte de l’un d’entre eux produira une diplopiehorizontale. Les mouvements de verticalité du globesont sous la dépendance principale des musclesdroits verticaux lorsque le globe est en abduction, etdes muscles obliques, lorsque le globe est enadduction. L’atteinte de ces muscles produira doncune diplopie à composante verticale principale. Cettediplopie est maximale dans le champ d’action du oudes muscles paralysés. (fig 1).

Physiologie de la vision binoculaire

La vision binoculaire impose au systèmeoculomoteur la contrainte de maintenir les deuxmacula face à l’image visée. Les deux yeux sontattelés par le système oculomoteur ; lacorrespondance visuelle sensorielle est ainsi serviepar la correspondance oculaire motrice. L’atteinte

d’un nerf oculomoteur va perturber la correspon-dance motrice et la correspondance sensorielle, etêtre responsable d’une diplopie.

■Symptomatologie

des paralysies oculomotrices

La diplopie est en règle constante et de survenuebrutale. Elle peut être perçue comme une visionfloue en cas de décalage faible des deux images. Ellepeut manquer en cas de neutralisation d’un œil enraison d’une vision unilatérale basse ou êtremasquée par un ptôsis. Elle est toujours maximaledans le champ d’action du ou des muscles paralysés.

La déviation oculaire en position de repos est ladivergence de l’œil paralysé dans les paralysies duIII, convergence de l’œil paralysé dans les atteintesdu VI. Dans les paralysies du grand oblique ou dansles parésies, elle peut ne pas être évidente.

Il existe en général une attitude vicieuse de latête ou torticolis pour essayer de diminuer la visiondouble. En cas d’atteinte d’un seul muscle, le patienta tendance à tourner la tête dans le champ d’actiondu muscle paralysé pour diminuer la diplopie.

■Examen d’un patient présentant

une paralysie oculomotrice

‚ Interrogatoire

Outre les caractères de diplopie :– il précise les antécédents du patient :

vasculaires, neurologiques, antécédent detraumatisme récent... ;

– il recherche les éléments associés à cette visiondouble : céphalées, douleurs périoculaires +++,éclipses visuelles, baisse d’acuité visuelle ou troubledu champ visuel ; signes généraux évoquant unHorton ; cf résumé des étiologies des ophtalmo-plégies douloureuses (tableau I).

‚ Examen clinique

Il permet d’éliminer, une diplopie monoculaire leplus souvent d’origine oculaire. Dans le cas d’uneparalysie oculomotrice, l’occlusion d’un œil supprimela vision double. Il s’agit d’une diplopie binoculaire. Il

Droit Supérieur Petit Oblique Droit Supérieur

Droit Extérieur Droit Intérieur Droit Extérieur

Droit Inférieur Grand Oblique Droit Inférieur

Œil Droit Œil Gauche

1 Champs d’action des muscles oculomoteurs.

La diplopie est la perception d’unmême objet dans deux endroitsdifférents de l’espace visuel, ellerésulte de la vision d’un même objetpar deux points rétiniens noncorrespondants lorsque les axes visuelsne sont plus parallèles.

Tableau I. – Ophtalmoplégie douloureuse.

Problème diagnostique : éliminer un anévrisme+++ (IRM, artériographie)

Regarder si atteinte pupillaire

1. Anévrisme carotidien : III avec atteinte pupil-laire et douleur

2. Autres étiologies vasculaires :— diabète (III) +++— vascularites (Horton, périartérite noueuse,

lupus, sarcoïdose)— fistules carotidocaverneuses (traumatisme,

souffle)

3. Sclérose en plaques

4. Etiologies inflammatoires, infectieuses (locoré-gionales)

— inflammations orbitaires,— zona ophtalmique (POM dans 5 à 15 % descas)— infections, inflammations ORL (cavum, oto-

mastoïdite, sinusite sphénoïdale)— Tolosa-Hunt (granulomatose du sinus caver-

neux, III, IV, V, VI, VS augmentée)

5. Etiologies tumorales : orbite, apex orbitaire,région parasellaire (sinus caverneux), fente sphé-noïdale

6. Migraine ophtalmoplégique : rare, surtout en-fant, diagnostic d’élimination

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précise la déviation oculaire en position de repos etl’attitude vicieuse de la tête. L’inspection du patientpermet de rechercher des signes d’orientation. Unptôsis, unilatéral, constant, associé à une diplopie,oriente vers une atteinte du nerf moteur oculairecommun (III). Il peut masquer une vision double. Untrouble pupillaire, une mydriase unilatérale associéeà une limitation des droits supérieur, inférieur etinterne homolatéraux signe l’atteinte du III.

Cet examen sera complété par un bilanophtalmologique. Les caractères de la diplopie, outrele test à l’écran alterné et l’examen de la motilité,seront précisés par :

– un examen au verre rouge, réalisable aucabinet ;

– un test de Lancaster ou une coordimétriepermettant d’avoir un document objectif et de suivrel’évolution ;

– une mesure de la déviation dans les différentespositions du regard en utilisant des barres de prisme.

L’examen ophtalmologique permet d’écarter lesautres causes de diplopie binoculaire :

– décompensation d’une hétérophorie nonparalytique préexistante (diplopie intermittente ; auverre rouge diplopie maximale dans le regard deface et ne variant pas dans les autres positions) ;

– paralysie supranucléaire ;– atteintes de la jonction neuromusculaire

(myasthénie) et myopathies ;– syndromes de rétraction, beaucoup plus rares :

Stilling Duane, syndrome de Brown.Au terme de ces deux examens, le diagnostic de

POM et la topographie de l’atteinte sont établis.

Le diagnostic étiologique repose sur trois groupesd’arguments : le patient (son âge et ses antécédents),la localisation de l’atteinte et l’existence d’éventuelssignes associés.

■Place des examens

complémentaires

Il n’y a pas de bilan standard, les examens sontfonction de l’étiologie suspectée.

‚ Examens biologiques

■ Recherche de facteurs de risques vasculaires,numération formule sanguine (NFS), vitesse desédimentation (VS), plaquettes, glycémie à jeun,cholestérol, triglycérides, apolipoprotéines A et B.

■ Recherche d’une maladie de Horton, VS, CRP(protein C reactive), voire biopsie d’artère temporale ;

■ Plus rarement, on pourra être amené à réaliserdes sérologies bactériennes, la recherche decollagénose...

‚ Bilan neuroradiologique

Il est essentiel et comprend : un scanner (TDM),une imagerie par résonance magnétique nucléaire(IRM), voire une artériographie cérébrale dont laplace et les indications seront discutées avec chaqueétiologie.

‚ Bilan cardiovasculaire

I l compend une échocardiographie, unéchodoppler carotidien dans le bilan d’une atteintevasculaire.

On pourra faire pratiquer une ponction lombairepour mesurer la pression du liquide céphalo-rachidien, et analyser sa composition, afin de décelerune éventuelle hémorragie méningée ou uneméningite.

■Diagnostic étiologique d’une

paralysie oculomotrice [1, 2, 4]

Les étiologies sont mutiples. Elles peuvent êtretraumatiques (20 % des cas environ), vasculaires(15 % des cas environ), tumorales (de 10 à 20 %selon les séries), congénitales (20 à 25 % des cas).Les origines inflammatoires, infectieuses,métaboliques et dégénératives sont plus rares.L’atteinte du VI est la plus fréquente (30 % des casenviron), suivie par l’atteinte du III partiel ou total (20à 25 % des cas) ; la fréquence des atteintes du IV estvariable selon les séries en fonction du recrutementen IV congénitaux et va de 8 à 20 %. [2, 3]

‚ Atteinte du moteur oculaire commun (III)

Chez l’adulte, on retrouve :– une étiologie anévrismale dans 20 à 30 % des

cas ;– une étiologie ischémique de 20 % environ.

Dans ce cadre, il faut souligner la grande fréquencedes ateintes du III diabétiques qui peuvent êtreaccompagnées d’une douleur et donc poser desproblèmes diagnostiques ;

– une fréquence de 10 à 20 % pour les étiologiestraumatiques ;

– une fréquence de 10 à 15 % pour les étiologiestumorales avec ou sans hémorragie intracrânienne(HIC) ;

Les autres étiologies sont plus rares, mais nonexceptionnelles telles la SEP, la maladie de Horton,les étiologies infectieuses (méningites, encéphalites),le Tolosa-Hunt. Enfin 10 à 14 % des cas d’atteintedu III restent d’étiologie indéterminée, avecprobablement une grande proportion d’atteintes

vasculaires. Dans le cadre de la maladie de Horton,la diplopie a été rapportée comme symptôme initialchez environ 12 % des patients. Il faudra donctoujours évoquer cette étiologie chez le sujet âgé.

Chez l’enfant, les atteintes du III isolées sontmajoritairement d’origine congénitale (la moitiéenviron) ; les autres étiologies sont traumatiques (15à 25 %), tumorales (10 %), anévrismales (7 %). Oncite, chez l’enfant, la migraine ophtalmoplégique, quiest un diagnostic d’élimination, et qui estexceptionnelle chez l’adulte.

Chez le sujet de moins de 45 ans nonathéroscléreux, une IRM doit être pratiquée quel quesoit l’état pupillaire. En cas d’atteinte de la pupille, afortiori s’il existe une douleur associée, l’IRM seraréalisée en urgence, elle sera complétée par uneartériographie, seul examen permettant d’éliminerformellement un anévrisme intracrânien.

Chez les sujets à risque vasculaire avec uneatteinte du III complète sans atteinte pupillaire, unesurveillance et un bilan des facteurs de risquevasculaires éliminant une maladie de Horton sontindiqués. Le patient doit être revu régulièrement, au5e et au 8e jours, puis chaque mois, l’apparitiond’une atteinte pupillaire impose la réalisation d’uneIRM et d’une artériographie. Dans le cadre desatteintes ischémiques, la POM régresse en règle entrois à quatre mois. En cas d’évolution atypique unbilan neuroradiologique doit être fait.

L’atteinte partielle du III, ne touchant pas tous lesmuscles oculomoteurs, n’est en règle pas d’origineischémique et impose un bilan neuroradiologiquepour éliminer une compression.

‚ Atteinte du pathétique (IV)

Les deux grandes étiologies de l’atteinte isoléesdu IV sont l’origine traumatique (25 à 50 % des cas)et l’étiologie congénitale étant un peu plusfréquente. Les autres causes telles les étiologiesvasculaires, la SEP, les étiologies tumorales, lesatteintes infectieuses postopératoires, lescollagénoses... sont beaucoup plus rares.

La conduite pratique devant une atteinte du IVisolée est la suivante : étant donné la grandefréquence des étiologies congénitales, il estnécessaire de pratiquer quel que soit l’âge dupatient, une mesure de son amplitude de fusion. Encas de grande amplitude, i l s ’agit de ladécompensation d’une atteinte du IV congénitale etaucune exploration complémentaire n’estnécessaire. En cas de mauvaise amplitude de fusion,chez le sujet jeune, il est nécessaire d’éliminer unecause tumorale en pratiquant une IRM ; chez le sujetplus âgé à risque vasculaire, un bilan des facteurs derisque ainsi qu’une surveillance clinique sontnécessaires. Une imagerie sera pratiquée en cas denon régression de l’atteinte, voire de son extension.

Une POM non traumatique du IIIavec une atteinte pupillaire doit faireéliminer un anévrisme carotidien, enparticulier si elle est associée à unedouleur homolatérale. Elle impose laréalisation en urgence d’une imageriepar résonance magnétique (IRM)cérébrale qui, même en cas denormalité, sera complétée par uneartériographie, seul examenpermettant d’éliminer formellementune pathologie anévrismale. Enfin, ilfaudra rechercher une autrelocalisation neurologique (autrespaires crâniennes, atteinte des voieslongues).

Sous le terme de POM, sontregroupées les atteintes nucléaires(rares), tronculaires et radiculaires destrois nerfs oculomoteurs III, IV, et VI.Il ne sera donc pas traité de l’atteintede la jonction neuromusculaire(myasthénie) et des myopathies.

La conduite à tenir devant une atteintedu III isolée non traumatique dépendde l’existence ou non d’une atteintepupillaire et de l’âge du patient.

Une POM du IV isolée n’estpratiquement jamais due à unanévrisme.

6-0130 - Paralysie oculomotrice

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Page 30: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

‚ Atteinte du moteur oculaire externe (VI)

Chez l’adulte, l’étiologie traumatique est la plusfréquente, elle implique un bilan neuroradiologique.

En dehors de cette étiologie, les atteintes vasculairessont les plus fréquentes après 40 ans ; elles sontvolontiers précédées d’une douleur péri- ourétro-oculaire.

Le bilan retrouvera une hypertension artérielle ouun diabète. L’atteinte régresse en règle en 3 à 6mois. Les autres étiologies : tumeurs par irritation,compression du nerf ou par hypertensionintracrânienne, SEP, causes infectieuses comme lesmastoïdites, les méningites, ou inflammatoires(Horton, sarcoïdose, Tolosa-Hunt) et les causestoxiques sont plus rares. Des étiologiesindéterminées sont fréquentes.

Chez l’enfant, les principales étiologies sonttraumatiques (40 %) et tumorales (30 à 40 %).

En cas d’atteinte non traumatique isolée du VI, chezle sujet de moins de 40 ans, il est nécessaire depratiquer un bilan neuroradiologique (TDM, IRM). Sicelui-ci est négatif, on réalisera un bilan sanguin, unexamen ORL, un examen neurologique avec uneponction lombaire. Chez le sujet plus âgé à risquevasculaire, il est nécessaire d’évaluer les facteurs derisque par un bilan biologique complet avec larecherche d’une maladie de Horton. Le patient doitêtre surveillé régulièrement, l’absence d’améliorationentraînant la réalisation d’un bilan neuroradiologique.En cas de bilan négatif et de non-amélioration del’atteinte motrice en 4 à 6 mois, les examensneuroradiologiques seront répétés.

Les atteintes du VI bilatérales demandent un bilanneuroradiologique et, en cas de normalité, uneponction lombaire.

‚ Atteinte combinée

L’atteinte combinée de plusieurs nerfsoculomoteurs peut réaliser une ophtalmoplégiecomplète. Les étiologies les plus fréquentes sonttraumatiques et tumorales. Le syndrome deTolosa-Hunt, granulomatose bénigne du sinus

caverneux réalisant une ophtalmoplégiedouloureuse, est un diagnostic d’élimination à neretenir qu’en cas de normalité du bilanneuroradiologique. L’association de différentes POMa une grande valeur topographique. Les différentssyndromes ainsi constitués sont résumés dans le(tableau II).

■Traitement de la paralysie

oculomotrice

En dehors d’un traitement étiologique propre(cure d’un anévrisme, ablation d’une tumeur),plusieurs moyens peuvent être utilisés.

‚ A la phase initialeL’occlusion est la seule méthode antidiplopique

en cas de déviation très importante. Elle doit êtrefaite sur l’œil paralysé ; parfois, en cas d’atteinteincomplète, on peut réaliser une occlusion partiellepar un secteur dans le champ d’action du muscleparalysé.

Les prismes sont utilisés en cas de limitationincomplète et doivent être accompagnés d’unerééducation orthoptique précoce.

L’injection de toxine botulinique a été proposéedans les paralysies récentes isolées du VI.

‚ Traitement à distance

À la phase des séquelles (six mois à un an), letraitement fait appel à la chirurgie ou aux prismes enfonction des indications.

Une paralysie oculomotrice se traduit le plussouvent par une diplopie. Le premier temps de ladémarche diagnostique est l’analyse clinique de lavision double qui permet de localiser l’atteinte et dedéfinir les examens complémentaires nécessaires audiagnostic. La demande de neuro-imagerie doit eneffet être guidée par l’examen et non pas venir enpremière intention comme un « parapluie ».

Le traitement, en dehors des étiologiesspécifiques, se fait au stade des séquelles et faitappel aux prismes et à la chirurgie des musclesoculomoteurs. La prise en charge des patientsrepose sur une coopération entre le médecintraitant, l’ophtalmologiste et l’orthoptiste. A aucunmoment, à partir de la première consultation dupatient, il ne faudra laisser celui-ci voir double.

Catherine Vignal-Clermont : Praticien hospitalier,service d’ophtalmologie, hôpital Delafontaine, 2 rue Pierre-Delafontaine 93200 Saint-Denis cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Vignal-Clermont. Paralysie oculomotrice.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0130, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Blaustein BH. Ocular motility disfunction. In : Ocular manifestations of neu-rologic disease. St Louis : CV Mosby, 1996 : 111-126

[2] Burde RM, Savino PJ, Trobe JD. Clinical decisions in neuro ophthalmology.St Louis : CV Mosby, 1992 : 246-266

[3] Hullo A. Paralysies oculomotrices.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Ophtal-mologie, 21-500-A-10, 1995 : 1-36

[4] Miller NR. Topical diagnosis of neuropathic ocular motility disorders. Balti-more : William and Wilkins, 1969 : 652-761

L’atteinte du VI est la plus fréquentedes POM, elle na pas de valeurlocalisatrice.

Tableau II. – Ophtalmoplégie compléte due à une atteinte combinée de plusieurs nerfsoculomoteurs.

Localisation Signes cliniques

Syndrome carotido caverneux III, IV, V et VI et sympathique

Syndrome de la fente sphénoïdale III, IV et V1,stase veineuse, pfs exophtalmie

Syndrome de l’apex orbitaire II, III, IV, V1 et VIpfs stase veineuse, pfs exophtalmie

Syndrome de Weber (pied du pédoncule) III, VII central croisé et hémiplégie croisée

Syndrome pédonculaire de Benedikt (noyau rouge) mouvements involontaires croisés et III

Syndrome de Millar Gubler (protubérance) VI, pfs V sensitif, VII périph. hémiplégie contro latérale

angle pontocérébelleux VI et VIII

Syndrome de la point du rocher (Gradenigo) V, VI, VII et signes auditifs

Syndrome de Garcin (base de crâne) atteinte unilatérale globale des nerfs crâniens

Il ne faut jamais laisser un patientvoir double quelle que soit l’origine dela diplopie +++.

Paralysie oculomotrice- 6-0130

3

Page 31: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Ptosis

V Ameline-Audelan, S Morax

L e ptosis ou ptose de la paupière supérieure est une affection qui se rencontre à tout âge, généralement acquischez le sujet âgé et congénital chez l’enfant en bas âge.

Les tableaux cliniques multiples reflètent la diversité des étiologies et expliquent la variété des techniqueschirurgicales [3, 4].© Elsevier, Paris.

■Introduction

Tout ptosis doit être examiné par unophtalmologiste pour en faire le diagnostic cliniqueet étiologique, juger de la nécessité d’un bilan, lequel,et décider ou non d’une intervention chirurgicale et àquelle date.

Un ptosis d’apparition rapide doit être considérécomme une urgence (rhabdomyosarcome...)contrairement à un ptosis sénile d’apparition lente etprogressive.

L’objectif de la chirurgie du ptosis est double,fonctionnel et esthétique. L’indication chirurgicale etla technique utilisée dépendent de la fonction dumuscle releveur de la paupière supérieure. [1, 3, 4, 5].

■Principaux types de ptosis

On distingue essentiellement les ptosiscongénitaux des ptosis acquis (tableau I), quelle quesoit leur étiologie princeps [3, 4].

‚ Ptosis congénitaux (fig 1)

Ils représentent 75 % de la totalité des ptosis. Leptosis congénital isolé est le plus fréquent, uni- oubilatéral. Plus rarement, il est associé à des

anomalies oculomotrices comme dans le syndromede Marcus Gunn où l’on retrouve aussi dessyncinésies mandibulopalpébrales. Plus rarementencore, le ptosis congénital peut s’intégrer dans unsyndrome malformatif plus ou moins complexe,comme le syndrome de blépharophimosis, où leptosis s’accompagne de malformations faciales.

‚ Ptosis acquis

Ils totalisent 25 % de l’ensemble des ptosis etregroupent les étiologies neurogènes, myogènes,aponévrotiques, traumatiques et mécaniques.

Les ptosis neurogènes peuvent être d’originecentrale (paralysies oculomotrices variables) oupériphérique (paralysie du III, syndrome de l’apex

orbitaire) ou liés à un syndrome de ClaudeBernard-Horner (ptosis, myosis, énophtalmie et test àla néosynéphrine positif).

Les ptosis myogènes regroupent les myasthénies,les myopathies mitochondriales et la maladie deSteinert.

Les ptosis aponévrotiques, souvent chez unpatient âgé ou après un traumatisme, ont unefonction musculaire du releveur normale avec un plihaut situé et une paupière amincie.

Les ptosis traumatiques d’étiopathogénieplurifactorielle sont plus complexes, de même queles ptosis mécaniques liés à une pathologieaponévrotique (tumeur, dermatochalazis) oucicatricielle (brûlures, trachome, pemphigoïdebulleuse).

■Examen clinique du patient

Il sera systématique, bilatéral et comparatif (fig. 2).– Interrogatoire : caractère congénital ou acquis,

antécédents personnels et familiaux (myopathieoculopharyngée...).

– Mesure de la fente palpébrale et de la fonctiondu muscle releveur de la paupière supérieure.

Tableau I. – Examen clinique du ptosis.

Ptosis congénital

Action RPS> 5mm résection RPS

Action RPS< 3mm suspension frontale

Action RPS> 12-15mm et test NPH + résection conjonctivomullérienne

Ptosis acquis

Fonction RPS normale ; pli haut situé ptosis sénile chirurgie aponévrotique

Fonction RPS sub-normale ; test NPH + résection conjonctivomullérienne

Fonction RPS moyenne ; ptosis traumatique ou mécanique exploration chirurgicale résection RPS ou chirurgie aponévrotique

Fonction RPS≈ nulle ; ophtalmoplégie ptosis myopathique suspension au frontal

Fonction RPS≈ nulle quelle que soit l’étiologie suspension au frontal

RPS : releveur de la paupière supérieur ; NPH : néosynéphrine.

1 Ptosis congénital paupière supérieure droite.

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– Oculomotricité, réflexe de Bell.– Action du muscle frontal, pli palpébral

supérieur.– Examen de la face dans sa globalité, recherche

de syncinésies.– Éventuel test à la néosynéphrine dans les ptosis

sympathiques.

■Conduite à tenir

Selon les conclusions de cet examen, un bilancomplémentaire sera rarement demandé.

Un ptosis congénital isolé ne justifie pas de bilancomplémentaire. Il sera opéré vers l’âge de 3-4 ans,après simple surveillance de l’acuité visuelle. Il estexceptionnel qu’un ptosis entraîne une amblyopie sil’axe pupillaire est dégagé. Dans le cas contraire, uneintervention chirurgicale précoce préviendra cerisque.

Un ptosis sénile d’apparition progressive souventmajoré par un traumatisme (chirurgie oculaire...),avec une bonne fonction musculaire, sera opérésans bilan complémentaire.

Un ptosis myopathique dans un contexte familialsera également opéré sans investigationcomplémentaire. A l’inverse, un patient sansantécédent présentant un ptosis avec une mauvaisefonction du releveur, avec une atteinte del’oculomotricité évoquant un ptosis myopathique,sera adressé au neurologue pour bilan complémen-taire avec éventuellement biopsie du muscledeltoïde avant prise en charge chirurgicale.

Un ptosis traumatique justifiera simplement unscanner orbitaire à la recherche de lésions associées(fracture du plancher méconnue...) [2].

Un ptosis d’apparition brutale ou acquis,asymétrique, sans étiologie retrouvée, nécessitera unscanner ou une imagerie par résonance magnétique(IRM) cérébrale avec plan neuro-oculaire et unexamen neurologique à la recherche d’uneanomalie sous-jacente. Le patient sera ensuite dirigévers une structure spécialisée.

■Techniques chirurgicales

Parmi les diverses techniques, on distingue lestechniques de base comprenant les résectionsmusculaires (releveur de la paupière supérieure oumuscle de Müller), les simples réinsertions dufaisceau aponévrotique du releveur sur le tarse, lessuspensions de la paupière supérieure au musclefrontal par un matériel autologue ou non, et d’autrestechniques d’utilisation moins fréquente [1, 2, 3, 4, 5].

‚ Résection du releveur

Il s’agit de l’intervention la plus souvent pratiquée,dont le principe est de raccourcir le muscle releveurafin d’augmenter sa force, donc son action.

L’importance de la résection est fonction del’importance du ptosis et de la fonction musculaireprésente (un releveur avec une action nulle imposeune suspension au muscle frontal).

Cette intervention « reine » dans les ptosiscongénitaux, est réalisée par voie cutanéeantérieure, sous anesthésie générale chez l’enfant,sous anesthésie locale chez l’adulte, ce qui al’avantage de permettre une chirurgie réglabledonnant de meilleurs résultats.

‚ Suspension de la paupière supérieureau muscle frontal

Elle suppose d’emblée un frontal actif, et consisteà solidariser la paupière ptosée, dont le releveur estinexploitable, au muscle frontal homolatéral par unmatériau inerte ou vivant. Ceci réalise donc unesuppléance, le patient ouvrant sa paupière grâce àson muscle frontal.

Les matériaux les plus souvent utilisés sontpréférentiellement l’aponévrose temporale chezl’adulte ou le grand enfant, et le fascia lata prélevésur la cuisse chez le petit enfant, en raison de leurexcellente tolérance. Des matériaux synthétiques

comme le Ptose-up®, Gore-Tex® à larges pores,évitent le prélèvement, mais exposent à un risqued’intolérance et d’extériorisation.

Cette technique est donc utilisée devant les ptosisavec une fonction du muscle releveur nulle ou trèsmauvaise, comme certains ptosis congénitaux, oucomme la quasi-totalité des ptosis myopathiques quiconservent en revanche toujours un frontalfonctionnel lorsque le releveur et les musclesoculomoteurs sont atteints (responsables de l’aspecttête en arrière avec ophtalmoplégie).

‚ Résection tarsoconjonctivaleet conjonctivomullérienne

Cette chirurgie s’adresse aux ptosis mineurs ayantune bonne fonction du releveur et un test positif à lanéosynéphrine. Deux techniques sont possibles : latechnique de Fasanella et Servat (résectiontarsoconjonctivale) ou, surtout, la résectionconjonctivomullérienne.

L’une et l’autre se pratiquent par voieconjonctivale sans cicatrice visible.

‚ Chirurgie aponévrotique

Cette technique est réservée aux ptosis acquis,traumatiques ou surtout séniles qui, cliniquement, seprésentent avec une bonne fonction du releveur, unpli haut situé, et en peropératoire une déhiscence ouune désinsertion de l’aponévrose.

Elle a pu être pratiquée dans certains casexceptionnels de ptosis congénitaux mineurs.

■Indications opératoires

schématiques

Fente palpébrale

Action releveur paupière supérieure

Oculomotricité

Pli paupière supérieure

Réfexe de Bell

Marcus Gunn (syncinésies)

Frontal

Examen face

Œil droit Œil gauche

2 Arbre décisionnel thérapeutique.

Les erreurs à ne pas commettredécoulent donc de ces simples conseils.✔ Ne pas laisser s’installer uneamblyopie si l’axe visuel n’est pasdégagé.✔ Ne pas réaliser de bilan exhaustif àun ptosis congénital isolé ou à unptosis sénile aponévrotique.✔ Ne pas laisser traîner un ptosisd’évolution rapide, surtout chezl’enfant (tumeur).

Trois règles de base[2, 3].– Qui opérer ?– Quand opérer ?– Comment opérer (anesthésie,technique, voie d’abord) ?✔ Ptosis congénital.Vers 3 ans- anesthésie générale-résection releveur par voie cutanée.✔ Ptosis acquis.– Ptosis sénile : dès que gênant-anesthésie locale- chirurgieaponévrotique par voie cutanéeantérieure.– Ptosis traumatique : pas avant6 mois après le traumatisme-anesthésie locale- chirurgie selonl’étiopathogénie et la qualité dureleveur (fibreux, sectionné,désinséré).– Ptosis myopathique : dès quemasquant l’axe visuel- anesthésielocale- suspension au frontal.– Syndrome de ClaudeBernard-Horner : si gênantesthétiquement- anesthésie locale-résection conjonctivomullérienne.

6-0160 - Ptosis

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Page 33: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

■Conclusion

Tout ptosis doit bénéficier d’un examen cliniqueophtalmologique avant de décider, rarement d’un

bilan complémentaire. Les urgences sont très raresmais doivent être prises en charge rapidement enmilieu spécialisé.

Hormis ces cas, le patient jeune ou âgé,bénéficiera d’un traitement chirurgical adapté, si

possible sous anesthésie locale pour permettre unechirurgie réglable. Il n’existe pas de traitementmédical du ptosis en dehors des myasthénies.

Valérie Ameline-Audelan : Chef de clinique-assistant,service d’ophtalmologie de l’hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

Serge Morax : Chef de service, service d’ophtalmologie et de chirurgie oculoplastique, Fondation Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Ameline-Audelan et S Morax. Ptosis.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0160, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Gola R. Ptosis. Paris : Masson, 1995 : 1-183

[2] Morax S, Baudoin F, Hurbli T. Chirurgie des ptosis post-traumatiques.AnnChir Plast Esthet1995 ; 40 : 691-705

[3] Morax S, Herdan ML. Traitement chirurgical du ptosis.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Ophtalmologie, 21-530-C-10, 1991 : 1-18

[4] Morax S, Herdan ML. Traitement chirurgical du ptosis. In : Chirurgie palpé-brale. Paris : Doin, 1991 : 209-242

[5] Stricker M, Gola R. Ptosis. In : Chirurgie plastique et réparatrice des paupièreset de leurs annexes. Paris : Masson, 1990 : 105-126

Ptosis - 6-0160

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Page 34: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Sclérites

T Hoang-Xuan, H Robin

L a sclérite correspond à une inflammation de la sclère. Cette pathologie est rare. Les sclérites peuvent êtreantérieures, postérieures ou totales. Le diagnostic clinique de sclérite repose sur l’interrogatoire et l’examen au

biomicroscope.Faire le diagnostic précoce de sclérite est indispensable, car ces maladies peuvent engager le pronostic visuel. Unesclérite peut s’intégrer dans le cadre d’une maladie systémique sévère (45 % des cas de sclérite) et en être le premiersigne. ll faut savoir rechercher ces maladies afin de proposer un traitement adapté.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le terme de sclérite regroupe les atteintessclérales infectieuses et inflammatoires, que cesdernières soient isolées ou s’intègrent dans le cadred’une maladie systémique. Les sclérites représententune entité clinique très vaste, mais elles sontrelativement rares.

Le pronostic visuel peut être mis en jeu, etcertaines maladies dont la sclérite est un symptômepeuvent être létales. Faire le diagnostic de sclérite eten rechercher l’étiologie sont indispensables.

■Physiopathologie

La sclère, tunique fibreuse du globe oculaire, esthistologiquement un tissu conjonctif serré, peucellulaire et avasculaire. La sclère est en rapport, enavant, avec la cornée, à l’extérieur avec la capsule deTenon et à l’intérieur avec la choroïde et le corpsciliaire, appliqués contre elle. Les possibilités deréparation tissulaire de la sclère sont limitées.Plusieurs mécanismes physiopathogéniquespeuvent être à l’origine des sclérites.

Les sclérites infectieuses sont rares. Le mode decontamination est variable. La voie endogène estessentiellement en rapport avec des septicémies, desbactériémies ou des infections « granulomateuses » :tuberculose et lèpre. Les causes exogènes, parpropagation d’un foyer locorégional ou parinoculation sclérale directe (plaie, chirurgie), sont àl’origine de sclérites suppurées, bactériennes oumycosiques.

Les sclérites « immunologiques » sont les plusfréquentes. Elles sont liées à deux mécanismes :

– une hypersensibilité retardée contre lesantigènes scléraux liée à une rupture de la toléranceimmunitaire spontanée, postchirurgicale ouconsécutive à une maladie virale ;

– des dépôts de complexes immuns circulants(tableau I).

■Épidémiologie

Certaines données épidémiologiques ont étérapportées dans la littérature anglo-saxonne. Lessclérites représentent 0,08 % des motifs deconsultation en ophtalmologie. L’incidence et laprévalence des sclérites sont actuellementinconnues. Les femmes sont plus fréquemmentatteintes (sex-ratio : 1,27). L’âge moyen d’apparitiond’une sclérite est de 50 ans.

Une sclérite récidive dans plus d’un tiers des cas,et dans plus de la moitié des cas de scléritenécrosante. L’atteinte est bilatérale dans 30 à 45 %des cas. Enfin, une étiologie est retrouvée dans 45 %des sclérites. Il s’agit alors, dans 90 % des cas, d’unemaladie systémique.

■Classif ication

La classification anatomoclinique reconnaît lessclérites suppurées, les sclérites granulomateuses etles sclérites nécrosantes.

La classification topographique sépare les scléritesen quatre entités :

– sclérite antérieure diffuse (40 à 80 % des cas) ;– sclérite antérieure nodulaire (16 à 44 %) ;– sclérite antérieure nécrosante (6 à 25 %), avec

ou sans inflammation (scléromalacie perforante) ;– sclérite postérieure (2 à 12 %).Cette classification, réalisable dès le premier

examen, présente plusieurs intérêts. Elle a d’abordune valeur pronostique, les sclérites diffuses étantgénéralement bénignes et les sclérites nécrosantesplus sévères sur le plan visuel et général. Ces

dernières ont une étiologie systémique dans 50 %des cas et elles possèdent le plus fort taux derécidive. La forme nodulaire est de gravitéintermédiaire. Cette classification permet ensuited’apprécier l’évolutivité. Les modifications d’aspecttopographique sont rares (12 % des sclérites) et sefont généralement dans le sens d’une aggravation.El le permet enfin d’orienter la conduitethérapeutique.

■Clinique

Les sclérites sont une des causes « d’œil rouge » etsouvent douloureux. Ces signes sont cependantinconstants et aspécifiques. Une douleur oculaire estprésente dans 60 % des sclérites, son moded’apparition est variable, progressif ou brutal. Sonintensité est également variable, de la simple gêne àla douleur majeure insomniante plus caractéristique.Elle peut être spontanée ou exacerbée par lesmouvements du globe ou l’accommodation. Lalocalisation de cette douleur est oculaire (25 %),périorbitaire (25 %) ou mixte (50 %). La douleur estconsidérée comme un bon indicateur de l’activité ;en effet, elle disparaît en quelques heures avec untraitement anti-inflammatoire efficace, alors qu’ellerésiste souvent aux antalgiques.

La rougeur oculaire est présente dans tous les casde sclérite sauf dans les sclérites postérieures isoléeset antérieures nécrosantes sans inflammation.Souvent, l’examen à la lampe à fente permet seul defaire la part entre la sclérite et la réaction épiscléralesus-jacente fréquemment associée (tableau II).

D’autres signes fonctionnels peu spécifiquespeuvent être présents : le larmoiement et laphotophobie. Ils sont fréquents, surtout en cas denécrose sclérale, et sont sans corrélation avecl’existence d’une kératopathie associée.

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‚ Sclérites antérieures■ Dans la sclérite antérieure diffuse, la

congestion vasculaire profonde et l’œdème scléralsont diffus. Une étiologie générale est rarement miseen évidence.

■ La sclérite antérieure nodulaire estcaractérisée par la présence d’un ou plusieursnodules, généralement proches du limbe. Lesnodules sont immobiles sur le plan profond, à ladifférence de l’épisclérite nodulaire qui est mobile surla coque sclérale. Classiquement, la pression de cesnodules est douloureuse.

■ La sclérite nécrosante avec inflammation est laforme la plus destructrice, et où le risque decomplication est majeur. C’est également la forme laplus souvent associée à une maladie systémique. Ellerésulte souvent d’une sclérite nodulaire dans laquellel’ischémie entraîne une véritable fonte sclérale.

■ La présence d’une sclérite nécrosante sansinflammation (synonyme de scléromalacie

perforante) est quasiment pathognomonique de lapolyarthrite rhumatoïde. Cette sclérite est le plussouvent indolore. Il n’y a pas d’œdème scléral, ni deréaction inflammatoire épisclérale en regard dudefect scléral. La choroïde est visible partransparence à travers la conjonctive et peut fairehernie à travers le defect scléral. Les vaisseauxépiscléraux peuvent disparaître en regard des zonesde nécrose.

‚ Sclérites postérieures

Le diagnostic de ces sclérites est difficile, car ni lessymptômes d’appel, ni les signes objectifs ne sontspécifiques. En plus des signes habituels, maisinconstants de sclérite, il peut exister uneexophtalmie, une diplopie ou un ptosis. L’aspect del’œil peut cependant être normal. Une sclériteantérieure s’y associe fréquemment de façon plus oumoins retardée. L’examen du fond d’œil est le pluscontributif, pouvant révéler une masse responsabled’un soulèvement choriorétinien, d’une distorsionmaculaire ou d’une pseudohypermétropie. Il fautalors éliminer un mélanome achrome, unemétastase choroïdienne ou un hémangiomechoroïdien. Le fond d’œil peut également mettre enévidence des stries choroïdiennes et des plisrétiniens comme dans les masses orbitairesrétrobulbaires, les myosites, les pseudotumeursinflammatoires et les cellulites orbitaires. D’autressignes ophtalmoscopiques ont été rapportés, encoremoins spécifiques : œdème papillaire, décollementchoroïdien (parfois annulaire), décollement de rétineexsudatif (souvent au pôle postérieur, parfois enpériphérie) et œdème maculaire cystoïde.

■Complications des sclérites

La baisse d’acuité visuelle est la principalecomplication ophtalmologique des sclérites. Elle peutêtre corrigeable en cas d’astigmatisme induit par unenécrose sclérale, de pseudomyopie par œdèmeci l iaire ou de pseudohypermétropie pardéplacement antérieur du plan rétinien lors d’une

sclérite postérieure. Mais elle peut également êtrenon corrigeable en cas d’association à une kératite,une uvéite, une cataracte, ou s’il existe unecomplication rétinienne liée à une scléritepostérieure (décollement séreux rétinien, œdèmemaculaire, distorsion maculaire).

Une kératopathie est présente dans 30 % dessclérites. L’atteinte cornéenne peut prendredifférentes formes : kératite ponctuée superficielle,néovascularisation cornéenne, amincissementstromal par effet Dellen (instabilité du film lacrymalen regard d’un nodule scléral), ulcère marginalimmunologique ou kératinisation cornéenne.

La cataracte peut être secondaire à une uvéite oud’origine iatrogène (corticothérapie locale ougénérale).

Une uvéite peut s’associer ou compliquer unesclérite. Une uvéite antérieure est présente dans60 % des cas de sclérite postérieure et 80 % des casde sclérite nécrosante. Une uvéite postérieure estfréquente dans les sclérites postérieures etcomplique ou s’associe à 20 % des scléritesnécrosantes. Elles sont moins fréquentes dans lesautres types de sclérite.

Le glaucome est une complication plus rare (10 %des sclérites). Les mécanismes de l’hypertonieoculaire sont multiples : synéchies, glaucomecortico-induit et glaucome inflammatoire(trabéculite).

Un amincissement scléral est quasi constant aprèsplusieurs poussées. Il s’agit d’un véritable defect dansles formes nécrosantes. Cela dit, la perforation estexceptionnelle.

■Bilan paraclinique (en dehors

du bilan étiologique)

‚ Angiographie fluorescéinique

■ L’angiographie rétinienne est utile dans lessclérites postérieures, pour préciser les donnéesophtalmoscopiques, et dans les sclérites associées àune uvéite.

Tableau I. – Étiologies des sclérites.

Maladies générales souvent associées à une at-teinte articulaire

Polyarthrite rhumatoïdeLupus érythémateux disséminéSpondylarthrite ankylosantePsoriasisSyndrome de ReiterColite ulcéreuseMaladie de CrohnMaladie de BehçetPolychondrite atrophianteSarcoïdose

Sclérites en rapport avec d’autres maladies géné-ralesInfections granulomateuses

TuberculoseSyphilisLèpre

Infections viralesZonaOreillons

VascularitesPériartérite noueuseSyndrome de WegenerMaladie de HortonMaladie de TakayasuSyndrome de CoganMaladie de Churg et StraussSyndrome de Sweet

AutresInfections bactériennes, mycosiquesMaladie de Lyme« Hypersensibilités » (érythème noueux, atopie,acnée rosacée, syndrome de Stevens-Johnson)GoutteMaladie de Berger (néphropathie à IgA)Traumatisme (accidentel ou postchirurgical)Dans 55 % des cas, la sclérite est idiopathique

Erreurs graves à ne pas commettreOublier d’évoquer le diagnostic de sclérite de-vant un œil rouge douloureuxNe pas faire de bilan à la recherche d’une mala-die généraleProposer une biopsie sclérale devant une sclériteà l’évidence bénigneRéaliser une injection sous-conjonctivale decorticostéroïdes

Tableau II. – Différences cliniques entre épisclérites et sclérites.

Signes cliniques Épisclérite Sclérite

Douleurs -/+ - à +++

Examen macroscopique Couleur rose saumon Œil rouge plus vif ou violacé (formeaiguë)

Aspect grisâtre ou noir en casde récidive fréquente et/ou denécrose sclérale

Examen à la lampe à fente Pas d’œdème scléral Œdème scléralVaisseaux épiscléraux superfi-ciels dilatés (radiaires et mobi-les sur les plans profonds)

Vaisseaux scléraux profonds dilatés(immobiles sur les plans profonds)Épisclérite fréquemment associéeSclérite postérieure (20 %) au fondd’œil

Disparition de l’hyperhémieaprès instillation d’un collyrevasoconstricteur

Persistance de l’hyperhémie aprèsinstillation d’un collyre vasoconstric-teur.

Maladies générales associées 10 % 45 %

6-0040 - Sclérites

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Page 36: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

■ L’angiographie pariétale (clichés de laconjonctive et de la sclère) est une technique difficilequi objective des territoires de non perfusion signantl’ischémie et la nécrose.

‚ Échotomographie(mode B, haute définition)

Cet examen permet la mesure de l’épaisseurpariétale (amincissement quasi constant aprèsquelques poussées) et visualise l’œdème scléral.L’échographie est utile dans les sclérites postérieures,car elle met en évidence un œdème scléralpostérieur, un œdème rétrobulbaire, un œdèmepapillaire, un décollement choroïdien ou undécollement de rétine exsudatif.

‚ Tomodensitométrie et imageriepar résonance magnétique

Ces examens sont peu utiles, car ils apportent lesmêmes renseignements que l’échographie, en étantun peu moins performants. Ils permettent

cependant, en cas de doute, d’éliminer un processusexpansif intraorbitaire mimant une scléritepostérieure.

‚ Biopsie conjonctivosclérale

La réalisation d’une biopsie sclérale à viséediagnostique n’est que rarement indiquée. Il fautréserver ce prélèvement aux sclérites sévères quirésistent au traitement. Les résultats anatomopatho-logiques permettent parfois d’orienter le diagnostic

vers une vascularite, une collagénose, unesarcoïdose ou une maladie infectieuse.

■Traitement des sclérites

‚ Traitement de la maladie générale

Ce traitement est nécessaire, mais pas toujourssuffisant pour guérir la sclérite (traitement de fondd’une polyarthrite rhumatoïde par exemple).

‚ Traitement des sclérites

Le traitement spécifique dépend du tableauclinique (général et oculaire) et de la réponse auxtraitements déjà entrepris.

Les rares sclérites infectieuses doivent bénéficierd’un traitement anti-infectieux adapté par voiegénérale et locale.

Le type anatomique permet de guider letraitement des sclérites immunologiques (tableau III).

Thanh Hoang-Xuan : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.Hervé Robin : Chef de clinique, assistant des Hôpitaux.

Service d’ophtalmologie, centre hospitalier Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Hoang-Xuan et H Robin. Sclérites.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0040, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Foster CS, Sainz DE, La Maza M. The sclera. New York : Springer-Verlag,1994 : 1-316

[2] Hoang-Xuan T, Votan P, Robin H, Bertin V, Bodaghi B, Briat B. Sclérites :enquête étiologique.Ophtalmologie1996 ; 10 : 53-55

[3] Tuft SJ, Watson PG. Progession of scleral disease.Ophthalmology1991 ; 98 :467-471

[4] Watson PG, Hayreh SS. Scleritis and episcleritis.Br J Ophthalmol1976 ; 60 :163-170

Tableau III.

Traitement général en fonction de la forme anatomiqueet topographique

Traitement local

Sclérite diffuse En 1re intention : AINS per os Collyre à la dexaméthasone ± atropinique en cas d’uvéite associéeou de douleur importanteIndocidt 25 : 2 à 3cp/j

Si échec : changer d’AINSEn 2e intention : corticothérapie Proscrire les sous-conjonctivales de corticoïdes (favorisant une per-

foration)Prednisone : 1 mg/kg/j pendant 1 semaine + AINSDiminution progressiveRelais par AINS si inflammation contrôléeEn 3e intention : immunosuppresseur + corticothérapieMéthotrexate Roger Bellont, Imurelt, azathioprine, ciclosporine A

Sclérite nodulaire AINS en 1re intention comme dans les sclérites diffusesForme sévère : corticothérapie et/ou immunosuppresseurs d’emblée

Sclérite nécrosante Corticothérapie à forte dose et/ou immunosuppresseurs

Éléments devant faire évoquer uneorigine systémique✔ Récidive de la sclérite, surtout sielle s’aggrave.✔ Sclérite nécrosante.✔ Association à un ulcère marginalde la cornée ou à une uvéite totale.La maladie générale peut ne se révélerque de nombreuses années plus tard.

Sclérites - 6-0040

3

Page 37: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Tumeur palpébrale

V Ameline-Audelan, S Morax

U ne tumeur palpébrale doit tout d’abord être reconnue et diagnostiquée avant d’envisager son traitement.Les tumeurs palpébrales négligées car non dépistées sont malheureusement encore beaucoup trop

fréquentes.© Elsevier, Paris.

■Introduction

De nombreuses lésions palpébrales tumorales etpseudotumorales peuvent revêtir le même aspectclinique (tableau I). Leur nature histologique et leurpronostic peuvent néanmoins être fort différents, etseules l’excision ou la biopsie, suivies d’un examenhistologique, permettent de poser un diagnostic exact.L’exérèse réalisée, se pose le problème de lareconstruction [5].

■Classification

Les tumeurs palpébrales sont classées en tumeursépithéliales, les plus fréquentes, tumeurs mésenchy-mateuses, tumeurs vasculaires, tumeurs lymphoïdes,tumeurs d’origine nerveuse et tumeursmélaniques [1, 2, 4, 5].

‚ Tumeurs épithélialesCe sont les tumeurs les plus fréquentes, largement

représentées par les tumeurs cutanées, que nouscitons simplement.

Tumeurs cutanées [1]

¶ Tumeurs cutanées bénignes (15 %de l’ensemble des tumeurs palpébrales)■ Papillome : tumeur pédiculée, rosée, friable,

souvent d’origine virale chez l’enfant.■ Kératose sénile ou solaire : la plus fréquente des

dermatoses précancéreuses, tâche brune apparaissantsur les parties découvertes d’un adulte de plus de 50ans, desquamant facilement.

■ Kératose séborrhéique ou verrue séborrhéique :observée essentiellement dans la deuxième partie devie, brunâtre ou noirâtre, unique ou multiple.

■ Kératoacanthome.■ Kératose folliculaire inversée.■ Trichoépithéliome.■ Pilomatrixome ou tumeur calcifiée de Malherbe.■ Molluscum contagiosum.

¶ Tumeurs cutanées malignes■ L’épithélioma basocellulaire est la tumeur la plus

fréquente au niveau des paupières. Il représente 90 %des tumeurs malignes de la région orbitaire selonReese [1, 4, 5].

■ Carcinome intraépithélial ou maladie de Bowen,évoluant très lentement vers un baso- ouspinocellulaire.

■ Carcinome ou épithélioma basocellulaire,touchant le plus souvent la paupière inférieurepuis le canthus interne. Il survient après 50 anschez des patients à peau claire ayant subi uneexposition solaire importante. Il existe de

nombreuses formes cliniques (épithélioma perlé,plan superficiel, végétant, pigmenté, ulcéré...)(fig 1).

■ Nævomatose basocellulaire ou syndrome deGorlin.

■ Carcinome spinocellulaire, deuxième tumeurmaligne rencontrée, mais 30 à 40 fois moins fréquentequ’un épithélioma basocellulaire, apparaissant

Tableau I. – Lésions tumorales et pseudotumorales.

Lésions bénignes Lésions malignes

papillome épidermoïde carcinome épidermoïdepapillome basocellulaire carcinome basocellulairekératose folliculaire inversée carcinome sébacékératose actiniqueverrue vulgairetricholemmome

Principales lésions nodulaires érythémateuses oud’aspect inflammatoire

carcinome basocellulairechalazionhémangiome capillaire tumeur de Merkelhyperplasie pseudo-carcinomateuse mélanome malin nodulairegranulome pyogénique adénocarcinome mucineuxnævus à cellules épithélioïdes ou fusiformes angiosarcomeadénome pléomorphe sarcome de Kaposiacrospirome eccrinepilomatrixomatumeur glomiquexanthogranulome juvénilehyperplasie endothélialeintravasculaire bénigne

Principales lésions nodulaires sans modification decoloration des téguments ou pigmentéeschalazion carcinome basocellulairetumeur à cellules granulaires carcinome sébacénævus dermique mélanome malin nodulairenævus à cellules épithélioïdes ou fusiformes adénome mucineuxsyringomemolluscum contagiosumnodule pseudo-rhumatoïdenodule de sarcoïdose

Principales lésions nodulaires ulcérées ou présen-tant un cratère de kératinekératoacanthome carcinome basocellulairehordoléochalazion carcinome épidermoïdeacrospirome eccrinetrichoépithéliometrichofolliculometricholemmomefascéite nodulaire

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souvent sur une dermatose préexistante (kératosesénile, radiodermite). Le plus souvent la lésion apparaîtcomme un petit nodule dur et induré, ulcérovégétant àfond irrégulier, plus ou moins infiltrant. Le risque demétastases est réel contrairement aux basocellulaires.Il est donc fondamental de ne pas méconnaître ceslésions insidieuses afin de réaliser une exérèse précoceet complète, facilitant de fait la reconstruction.

■ Xeroderma pigmentosum et incontinentiapigmenti, maladies chromosomiques très rares.

Tumeurs des glandes sébacées

L’adénome sébacé est une tumeur bénigne rare quise présente comme un nodule ferme et jaunâtre.

Les adénocarcinomes sont des tumeurs malignestrès agressives, essentiellement l’adénocarcinomeméibomien, survenant aux dépens des glandes deMeibomius. L’adénocarcinome méibomien seprésente habituellement comme une masse assezvolumineuse, avec fréquemment la notion dechalazion récidivant incisé. Aussi, devant un chalazionne cédant pas à des traitements chirurgicaux répétés,doit-on faire systématiquement une biopsie [1, 2].

Tumeurs des glandes sudoripares

Ces tumeurs bénignes (syringome, hidradénomenodulaire à cellules claires) ou malignes (hidradénocar-cinomes) restent rares.

Oncocytome et papulose lymphoïde

Elles sont également très rares.

‚ Tumeurs mésenchymateusesElles peuvent être bénignes (fibromes, lipomes,

rhabdomyomes, léiomyomes, myxomes etchondromes) ou malignes (sarcomes).

Le rhabdomyosarcome est la tumeur orbitairemaligne la plus fréquente chez l’enfant, grandissant enquelques semaines, de pronostic péjoratif malgré letraitement [1, 4, 5].

‚ Tumeurs vasculairesElles regroupent les angiomes (capillaires, tubéreux,

caverneux) et le sarcome de Kaposi.

‚ Tumeurs lymphoïdesElles incluent le mycosis fongoïde, le lymphome

malin non hodgkinien, la maladie de Hodgkin et lesleucémies. L’ensemble reste très rare.

‚ Tumeurs d’origine nerveuseOn distingue les tumeurs à cellules de Merkel, très

rares, et la neurofibromatose de Recklinghausen,maladie systémique et héréditaire touchant unepersonne sur 3 000, pour laquelle une simplesurveillance suffit en dehors de ptosis ou entropionsou de dégâts esthétiques majeurs [1].

‚ Tumeurs mélaniquesOn distingue les nævi, le lentigo, le nævus

pigmenté banal et les mélanocarcinomes. Lesmélanocarcinomes apparaissent sur peau saine ou surun nævus préexistant qui sera suspect dès qu’il semodifiera (taille, couleur, hémorragie, douleur).

■Examen clinique

L’interrogatoire doit préciser la date d’apparition dela tumeur (quelques semaines ou plusieurs années), lemode évolutif (par poussées totalement régressives,évoquant un chalazion, ou lentement progressif,évoquant un basocellulaire), les traitementsantérieurement reçus (pommades, chirurgie,radiothérapie...) ainsi que les antécédents personnels(autre basocellulaire déjà opéré, exposition solaireimportante ancienne ou actuelle...) et familiaux.

L’examen ophtalmologique précisera la paupièreatteinte, dans quelle proportion (1/4, 1/2...), l’existenced’une chute des cils (en faveur de la malignité), de perlecutanée (évoquant un basocellulaire), d’ulcérationinfiltrant les plans profonds (spinocellulaire, surtout enprésence de ganglions). De même, on vérifieral’absence d’atteinte de la conjonctive bulbaire oupalpébrale.

Le moindre doute sur une lésion impose unebiopsie ou une biopsie-exérèse.

■Traitement

En première intention, il sera chirurgical, permettantdans le même temps le diagnostic histologique. En casde tumeur d’aspect malin, on peut s’aider d’unexamen histologique extemporané des bords de lalésion.

L’exérèse sera associée à une reconstruction.Quelques règles générales [3] :– on peut négliger un quart de la paupière, voire

un tiers chez le sujet âgé (règle de Mustardé) ;– si une plastie de glissement ne suffit pas, il faudra

s’aider pour la reconstruction de greffes et delambeaux, en sachant qu’on ne peut pas superposerdeux greffes en raison d’un risque élevé de nécrose.

Les associations les plus fréquemment utiliséessont :

– lambeau cutané + greffe tarsoconjonctivale ;– greffe cutanée + lambeau bitissulaire

tarsoconjonctival.Enfin, le montage lambeau antérieur et lambeau

postérieur est rarement utilisé.La radiothérapie sera réservée aux récidives non

opérables ou aux envahissements des plans profondsosseux.

La chimiothérapie n’est utilisée que dans des casparticuliers (métastases, lymphomes...) [1, 4].

■Conclusion

Bien que l’aspect clinique soit le plus souventsuffisant pour diagnostiquer une tumeur, une biopsiepeut aider au diagnostic. Toute lésion douteuse,traînante, ayant tendance à grandir doit bénéficierd’une biopsie ou mieux, d’une biopsie-exérèse avecreconstruction en un temps.

Parmi les méthodes thérapeutiques, notrepréférence va d’abord au traitement chirurgical aveccontrôle par examen histologique extemporané,ensuite au traitement chirurgical seul, enfin à laradiothérapie [1].

Valérie Ameline-Audelan : Chef de clinique-assistant,service d’ophtalmologie,

hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.Serge Morax : Chef de service,

service d’ophtalmologie et de chirurgie oculoplastique,fondation Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Ameline-Audelan et S Morax. Tumeur palpébrale.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0170, 1998, 2 p

R é f é r e n c e s

[1] Adenis JP, Smolik I, Catanzano G. Tumeurs des paupières : aspects cliniqueset thérapeutiques. In : Adenis JP et al eds. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin,1991 : 97-130

[2] Herdan ML, Morax S. Chalazion. In : Adenis JP et al eds. Chirurgie palpé-brale. Paris : Doin, 1991 : 55-56

[3] Morax S, Benia L. Traumatismes et chirurgie plastique des paupières. In :Adenis JP et al eds. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin, 1991 : 61-96

[4] Stricker M, Gola R. Paupière tumorale. In : Chirurgie plastique et réparatricedes paupières et de leurs annexes. Paris : Masson, 1990 : 43-53

[5] Weber F. Tumeurs et lésions pseudo-tumorales des paupières. In : Plasties etreconstructions orbito-palpébrales. Paris : Maloine, 1979 : 43-57

1 Tumeur basocellulaire de la paupière inférieuredroite.

6-0170 - Tumeur palpébrale

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Page 39: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Tumeurs rétiniennes

et choroïdiennes

L Meyer, J Sahel

L a faible incidence des tumeurs malignes intraoculaires en regard de celles des carcinomes mammaires,coliques ou pulmonaires, ne doit pas occulter les avancées récentes dans les domaines de la génétique et des

traitements radiochirurgicaux en oncologie oculaire.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Deux types d’affections néoplasiques oculaires, lerétinoblastome et le mélanome choroïdien, méritentici un développement particulier, le premierconstituant un modèle d’oncogenèse et le secondreprésentant un thème de recherche particuliè-rement attrayant et productif sur les traitementsphysiques et chirurgicaux. L’accent a été mis sur lestumeurs rétiniennes et choroïdiennes impliquéesdans les maladies du sang ou dans la pathologiemétastatique.

■Tumeurs de la rétine

‚ Rétinoblastome

Il représente l’affection néoplasique oculaire laplus fréquente chez l’enfant. Il a suscité l’intérêt desgénéticiens et des spécialistes en biologiemoléculaire qui ont pu identifier les lésions géniquesintervenant dans la genèse tumorale. Cette tumeurest ainsi devenue un modèle d’oncogenèse ayantlargement contribué aux progrès récents encancérologie fondamentale et clinique, par uneconnaissance des gènes impliqués dans laprolifération et la différenciation cellulaires, ainsi quedans l’apoptose.

Epidémiologie

L’incidence du rétinoblastome est estimée à 10,9cas pour 1 000 000 chez les enfants de moins de 5ans, et à 5,8 pour 1 000 000 chez les enfants demoins de 10 ans. Une étude néerlandaise retrouveune incidence de 1 cas pour 15 560 naissancesdepuis 1950. L’incidence semble accrue dans lapopulation noire, comme l’ont démontré les étudesnigérianes et jamaïcaines.

L’âge moyen du diagnostic est de 18 mois. Lerétinoblastome apparaît plus précocement dans laforme héréditaire où l’atteinte est bilatérale (entre le12e et le 14e mois), que dans la forme sporadique oùl’atteinte est unilatérale (entre le 24e et le 30e mois).Dans une étude récente, sur 220 cas, 95 % ont étédiagnostiqués avant l’âge de 5 ans et 40 % avantl’âge de 1 an.

Compte tenu de l’association reconnue entrebilatéralité et forme héréditaire du rétinoblastome età l’opposé entre unilatéralité et atteinte sporadique,Knudson émit l’hypothèse de l’intervention d’undouble événement mutationnel à l’origine de laprolifération cellulaire. Il en estima la fréquence à 2 x10-7/an [5].

Génétique

Ce n’est qu’au début du xxe siècle que le rôle del’hérédité fut incriminé dans le rétinoblastome. Dans40 % des cas, il existe une mutation transmise selonle mode autosomique dominant, avec unepénétrance incomplète. Dans la forme sporadique,qui représente 60 à 70 % des cas, la tumeur estunilatérale et unifocale, alors qu’elle est le plussouvent (85 %) bilatérale et multifocale dans lesformes héréditaires.

¶ Hypothèse de KnudsonLes enfants porteurs de rétinoblastome de type

sporadique développent deux mutations dans lamême cellule somatique postzygotique, à l’origined’une tumeur unilatérale et unifocale. En revanche,dans la forme héréditaire, la première mutationtouche les cellules germinales. Il s’agit soit d’unemutation transmise par un des parents, soit d’unemutation acquise de novo. La seconde mutation alieu dans une ou plusieurs cellules rétiniennespostzygotiques, expliquant ainsi la possibilité d’uneatteinte multifocale, toutes les cellules rétiniennesprésentant la première mutation.

Le gène inactivé par cette mutation est unantioncogène, ou gène suppresseur de tumeur, situésur le chromosome 13 (gène Rb1). Le produit de ce

gène est une phosphoprotéine nucléaire de 110 kbqui assure une fonction de régulation de laprolifération cellulaire [2]. Une telle mutation géniquea été retrouvée dans l’ostéosarcome, le canceranaplasique à petites cellules des poumons, lecancer de la vessie et du sein.

Diagnostic

¶ Circonstances de découverteLe rétinoblastome peut être diagnostiqué lors

d’un examen systématique d’un enfant de parentsatteints ou de la fratrie d’un cas isolé. Le plus souvent(60 % des cas), c’est une leucocorie, ou reflet blancde la pupille, qui constituera le signe d’appel (fig 1).Viennent ensuite le strabisme, les troubles visuels, leglaucome secondaire, l’exophtalmie, l’hyphémaspontané, l’hétérochromie et l’hypopion. Les formesévolutives de rétinoblastome peuvent se traduire pardes signes inflammatoires associant douleurs,œdème et rougeur des paupières.

¶ Examens ophtalmologiquesL’examen du fond d’œil doit être fait chez

l’enfant sous anesthésie générale (Fluothanet)afin de permettre une étude soigneuse de lapériphérie rétinienne. Chaque examen comportel’étude des deux yeux, car la tumeur peut êtrebilatérale.

Le rétinoblastome se présente comme une lésionblanche et crémeuse obscurcissant la choroïde, avecéventuellement des vaisseaux nourriciersproéminents, des zones nécrosées calcifiées et deshémorragies en surface (fig 2, 3). Un essaimage dansle vitré peut être observé.

1 Leucocorie avec mas-ses blanches vasculariséesrétrolentales[1].

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Page 40: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

¶ Examens complémentaires

La recherche des signes de calcification tumoralesur une échographie ou un scanner de l’orbiteprésente un intérêt pour l’établissement dudiagnostic différentiel où le rétinoblastome doit êtredistingué d’autres causes de leucocorie chez l’enfanttelles que la cataracte congénitale, la maladie deCoats, la persistance du vitré primitif, les dysplasiesrétiniennes et le granulome à Toxocara canis.L’examen échographique et scanographique de larégion orbitocérébrale est par ailleurs utile à larecherche d’une extension orbi ta i re ouintracrânienne d’un rétinoblastome.

Evolution

L’extension du rétinoblastome peut être soitlocale ou locorégionale avec croissance tumoraleintraoculaire, extériorisation orbitaire par desémissaires trans-scléraux et le plus fréquemmentenvahissement cérébral par infiltration tumorale lelong du nerf optique et de l’espace sous-arachnoïdien, soit à distance par atteinte desganglions préauriculaires et cervicaux ou pardissémination hématogène dans le système nerveuxcentral, les os, la moelle osseuse et le foie.

Le bilan d’extension comprendra ainsi unscanner cérébral, une scintigraphie osseuse, uneéchographie hépatique, une ponction-aspiration demoelle osseuse et une cytologie du liquidecéphalorachidien.

La réalisation d’un scanner, voire d’uneimagerie par résonance magnétique (IRM), de larégion sellaire s’avère indispensable pour larecherche d’un pinéalome compliquant unrétinoblastome bilatéral et en aggravantconsidérablement le pronostic vital. Génétiquement,le pinéalome correspond, dans ce cadrepathologique, à un troisième site de l’expression del’anomalie génétique menant à l’inactivation de laprotéine Rb. Une telle prédisposition génétique peutaussi expliquer l’incidence élevée de tumeursextraoculaires d’apparition tardive commel’ostéosarcome ou le cancer à petites cellulespulmonaires chez les porteurs de rétinoblastomesbilatéraux.

Traitement

¶ EnucléationL’énucléation unilatérale est envisagée dans les

tumeurs volumineuses de localisation postérieure,surtout si elles décollent la rétine et si le nerf estcaché ou entouré par la tumeur. Le but principal del’énucléation est d’éviter ou de limiter l’envahis-sement du nerf optique, principale voie dedissémination métastatique locorégionale.

L ’énucléat ion bi latérale est devenueexceptionnelle mais demeure indiquée en cas detumeurs massives avec essaimage vitréen, nerfoptique non identifiable et décollement de rétinetotal.

¶ RadiothérapieLa radiothérapie des rétinoblastomes fait appel

soit à l’irradiation externe, soit à la curiethérapie.L’irradiation externe par électrons ou photons Xd’un accélérateur s’adresse à des tumeurs dont labase est inférieure à la moitié de la circonférencerétinienne ou qui ont un diamètre compris entre5 et 15 mm. L’irradiation devra respecter lecristallin mais couvrira, dans les formesbilatérales, toute la surface rétinienne comptetenu de la capacité de prolifération tumorale dechaque cellule rétinienne. Une curiethérapie auruthénium 106 ou à l’iode 125 pourra êtreréalisée dans les cas de rétinoblastome dediamètre compris entre 3 et 10 mm et delocalisation périphérique.

¶ CryothérapieLa cryothérapie ne s’avère efficace que pour les

petites tumeurs ne dépassant pas 2 mm d’épaisseuret 5 mm de diamètre et sans disséminationvitréenne. Un de ses avantages est de traiter deslésions persistantes après radiothérapie.

¶ ChimiothérapieRarement posées par l’ophtalmologiste, les

indications de la chimiothérapie sont unenvahissement choroïdien ou scléral sur la pièced’énucléation, l’envahissement du nerf optiqueassocié ou non à un envahissement méningé, etcertaines récidives orbitaires. Les protocolesactuels associent vincristine, étoposide etcarboplatine [4].

¶ Nouvelles approches thérapeutiquesUne chimiothérapie première (VP 16

carboplatine) peut être réalisée dans les formesmassives et bilatérales de rétinoblastome. Il enrésulte une diminution de taille des tumeurs, lesrendant accessibles aux traitements conservateurstelles que la radiothérapie, la cryoapplication,voire plus récemment la thermothérapie au laserdiode.

Pronostic

La survie globale des patients traités pour unrétinoblastome est de 92 % à 5 ans. Un certainnombre de facteurs influencent le pronostic vital telsque l’expérience professionnelle de l’ophtalmolo-giste, l’âge de l’enfant au moment du diagnostic, lestade d’évolution (classification d’Ellsworth-Reese) etla bilatéralité.

Cependant le degré d’envahissement du nerfoptique semble représenter le principal indicateurpronostique. Dans l’étude de Magramm et Ellsworth,le taux de mortalité, de 10 % en l’absence d’atteintedu nerf optique, est multiplié par trois en casd’extension au-delà de la lame criblée et par huit encas d’infiltration tumorale au-delà de la tranche desection.

Conseil génétique

Lorsque le rétinoblastome est bilatéral (un tiersdes rétinoblastomes) :

– soit des antécédents familiaux affirment lemode autosomique dominant de la transmissiond’une mutation Rb. Le risque est alors de 1/2 pourchaque enfant. La mise en évidence d’unemicrodélét ion apporte parfois (5 % desrétinoblastomes) une preuve diagnostique de formefamiliale et favorise le dépistage intrafamilial dessujets porteurs de la même anomalie chromoso-mique. En l ’absence de modificat ionchromosomique, une analyse des marqueursbiologiques (RFCP) peut reconnaître le chromosomeporteur de la mutation germinale des Rb, à conditionque l’on puisse étudier deux sujets malades. Unemutation ponctuelle n’est identifiée que dans 12 %des cas ;

– soit il n’existe pas d’antécédents familiaux, nide délétion. Il s’agit alors d’une mutation de novogerminale (30 % des rétinoblastomes) retrouvéechez le patient dont seule la descendance estmenacée.

Lorsque le rétinoblastome est unilatéral (deuxtiers des rétinoblastomes), l’absence d’antécédentsfamiliaux, d’anomalie cytogénétique, de bilatéralitéet de plurifocalité et l’âge tardif de l’apparition,plaident en faveur d’une forme sporadique. En casde tumeurs précoces, il faut se méfier d’unemutation de novo chez un enfant qui a mislongtemps pour présenter une deuxièmemutation.

La biologie moléculaire pourrait être rassuranteen ne retrouvant aucune mutation dans les cellulessomatiques de l’enfant. Une telle recherche paraîtdifficilement réalisable si les mutations de la tumeurdu sujet ne sont pas clairement définies.

Récemment, Lohmann et al ont retrouvé unemutation germinale du gène Rb1 dans 17 % des casde rétinoblastomes unilatéraux où la doublemutation Rb1 tumorale avait été identifiée [6].

2 Examen macroscopique : masse jaunâtrede consistance granuleuse, parsemée de dépôts cal-caires quasi constants[1].

3 Examen au fond d’œil d’une forme régressivede rétinoblastome traité par irradiation[1].

6-0210 - Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes

2

Page 41: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

‚ Rétinopathies leucémiques

L’atteinte de la rétine dans le cadre d’uneleucémie est fréquente, bien qu’elle ne soit passouvent détectée cliniquement, ces patientsbénéficiant rarement d’un examen systématique dufond d’œil. Sa prévalence varie de 30 à 60 %, tantdans les leucémies aiguës que chroniques.

Cette rétinopathie résulte de plusieursmécanismes pathogéniques :

– envahissement direct par les cellulesnéoplasiques ;

– anomal ies hématolog iques ethémorrhéologiques ;

– infections opportunistes.Les hémorragies rétiniennes en flaques ou à

centre blanc et les infiltrats rétiniens nodulaires grisblanc ou linéaires le long des vaisseaux enreprésentent les principales manifestations (fig 4).

‚ Métastases vitréorétiniennes

Les métastases vitréorétiniennes sont très rares.Une revue de la littérature a recensé 13 cas demétastases rétiniennes provenant de carcinomes, enparticulier pulmonaires ou mammaires, et 11 cas demélanomes cutanés. Le diagnostic est le plussouvent affirmé par l’analyse du produit devitrectomie.

■Tumeurs de la choroïde

‚ Mélanome choroïdien

Le mélanome choroïdien est une tumeur rare.C’est pourtant la plus fréquente des tumeursmalignes primitives de l’œil, et son pronostic vitaldemeure encore souvent péjoratif. De nombreusesquestions concernant l’étiologie, l’histoire naturelle etle traitement approprié de cette affection demeurentcontroversées et constituent un axe important de larecherche en oncologie ophtalmologique.

Epidémiologie

L’incidence annuelle du mélanome de l’uvée estde 0,73 pour 100 000. L’âge moyen de survenue est55 ans, avec un sex-ratio de six hommes pourquatre femmes.

Certains facteurs de risque (iris clairs, expositionaux ultraviolets, nævus choroïdien, anomalieschromosomiques, influence hormonale) ont été

incriminés sans être clairement démontrés. Seule lamélanose oculaire ou oculodermique, qui seprésente comme une hyperpigmentationcongénitale uvéosclérale et cutanée, peutvéritablement prédisposer au mélanome choroïdien.

Histoire naturelle

Le mélanome choroïdien répond à un modèle decroissance exponentiel de type gompertzien. Letemps de doublement moyen est estimé à 2 ans.

Cette tumeur, de forme initialement discoïde, vacroître dans l’espace sous-rétinien, romprel’épithélium pigmentaire rétinien et prendre la formecaractéristique d’un champignon soulevant la rétineneurosensorielle. Au-delà d’un certain volume, lemélanome peut envahir la sclère et l’orbite,assombrissant ainsi le pronostic vital.

La maladie métastatique du mélanomechoroïdien résulte d’une dissémination hématogènedes cellules tumorales, principalement hépatiques.D’autres localisations secondaires sont observées, àsavoir le poumon, l’os, la peau, les ganglionslymphatiques et le cerveau, en général associées àune ou des métastases hépatiques.

Diagnostic clinique

Le diagnostic de mélanome choroïdien repose surl’examen clinique et les examens complémentairesd’imagerie [1].

L’examen clinique repose essentiellement surl’étude du fond d’œil en ophtalmoscopie directe ouindirecte, à travers une pupille dilatée. La tumeur seprésente comme une lésion arrondie, de colorationbrunâtre, parsemée de pigments oranges (fig 5). Unehémorragie intravitréenne ou un essaimage decellules pigmentées dans le vitré peuvent compléterle tableau clinique.

Les examens paracliniques reposeront surl’angiographie en fluorescence, l’échographie, etplus occasionnellement, sur le scanner, l’IRM, voirel’examen doppler couleur.

L’angiographie en fluorescence recherchera uneséméiologie évoquant la nature maligne de latumeur : hyperfluorescence progressive de la lésionpar imprégnation tissulaire et injection de petitsdécollements de l’épithéliopathie rétinienne (EPR)par le colorant (fluorescéine) (fig 6), recherche d’unpédicule vasculaire tumoral (vert d’indocyanine).

L’échographie oculaire en mode B estindispensable au diagnostic de mélanome dont ellerévélera les particularités acoustiques. Cet examenpermet de mesurer les dimensions tumorales et demontrer une éventuelle extension extrasclérale.

L’intérêt du scanner réside dans l’appréciation duvolume tumoral et la recherche d’une extériorisationorbitaire.

L’examen en IRM et l’exploration doppler couleurseront réalisés en cas de doute diagnostique devantune lésion tumorale en général achrome évoquantune métastase ou un angiome choroïdien.

Diagnostic différentiel

Le principal diagnostic différentiel est le nævuschoroïdien qui est la plus fréquente des tumeursintraoculaires (un patient sur dix en est porteur). Al’instar des nævi cutanés, ceux de la choroïde sontdéfinis comme une prolifération bénigne demélanocytes uvéaux. Le nævus choroïdien seprésente au fond d’œil comme une lésionpigmentée, ne dépassant pas 2 mm d’épaisseur, etdont la surface est parfois recouverte d’amas dedégénérescence rétinienne, appelés drusen (fig 7). Al’angiographie en fluorescence, cette lésion est leplus fréquemment hypofluorescente par effetmasque. Dans la plupart des cas, les nævichoroïdiens ne sont pas détectables à l’échographie.Ces lésions ne nécessitent qu’une surveillance du

4 Photographie du fondd’œil : leucémie myéloïdechronique avec thrombopé-nie (hémorragies de la cou-che interne de la rétine).

5 Photographie du fondd’œil : mélanome choroï-dien pigmenté situé au-dessus de la papille. À no-ter l’abondance depigments oranges (lipofus-cine en surface)[1].

Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes - 6-0210

3

Page 42: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

fond d’œil à la recherche d’une dégénérescencemaligne qui constitue un mode évolutif relativementrare.

L’hémangiome choroïdien est une tumeurvasculaire bénigne le plus souvent localisée àproximité du nerf optique (fig 8, 9). Il entre parfoisdans le cadre d’une angiomatose encéphalotrigé-minée, encore appelée maladie de Sturge-Weber-Krabbe, où il se complique fréquemment deglaucome. Cette lésion, d’aspect rose orangé et auxcontours mal définis, sera distinguée d’unmélanome achrome grâce à l’angiographie à lafluorescéine et au vert d’ indocyanine, àl’échographie A et B, au scanner après injectioniodée et éventuellement à l’IRM. En présence decomplications visuelles, l’hémangiome pourra être

détruit par cryothérapie, photocoagulation au laserou radiothérapie à des doses ne dépassant pas 45Gy.

Les métastases choroïdiennes seront détailléesci-dessous.

D’autres lésions tumorales relativement raresdoivent être rappelées : l’ostéome choroïdien, lemélanocytome de la papille, l’adénome etl’adénocarcinome de l’EPR.

Traitement

¶ Modalités thérapeutiques

Enucléation

L’énucléation représentait l’unique recoursthérapeutique il y a une vingtaine d’années. Elle est

actuellement réservée aux volumineux mélanomesd’une épaisseur dépassant 10 mm et/ou présentantune extension orbitaire.

Traitement conservateur

Dans la majorité des cas, un traitementconservateur du globe oculaire peut être proposé.

La radiothérapie représente le principal mode detraitement préservant l’anatomie de l’œil. Elle faitappel à deux techniques différentes, la curiethérapieet l’irradiation par faisceaux externes. En matière deradiothérapie de contact, le praticien dispose deplusieurs radioéléments, dont les plus fréquemmentutilisés sont l’iode 125 et le ruthénium 106. Cesradioapplicateurs sont suturés à la sclère en regarddu mélanome intraoculaire dont le contour a étérepéré par transillumination (fig 10). Ils sont laissésen place pendant une durée qui est fonction de leurradioactivité et de manière à délivrer environ 100 Gyau sommet de la tumeur.

La radiothérapie par faisceaux externes deprotons ou de particules alpha constitue unealternative à la curiethérapie. L’irradiation tumoraleest effectuée à l’aide d’un accélérateur de particules,le cyclotron, après la mise en place préalable de clipsde tantale repérant les limites de la lésion. Letraitement se déroule en cinq séances d’irradiationde 12 Gy chacune.

Grâce aux caractéristiques physiques de cesdifférents rayonnements et à l’aide de logiciels dedosimétrie, il est possible d’optimiser l’irradiationtumorale de manière à détruire la lésion tout enpréservant au maximum les tissus sains de l’œil(fig 11).

Le choix du mode de radiothérapie sera établi enfonction du volume et de la localisation de la lésiontumorale. Les mélanomes de la choroïde du pôlepostérieur feront l’objet d’une protonthérapie, alorsque les mélanomes de la choroïde antérieure seronttraités préférentiellement par curiethérapie.

Dans certaines conditions, il est possible deréaliser une résection tumorale chirurgicale parscléro-uvéectomie. Cette technique chirurgicalereprésente une alternative à l’énucléation lorsque lesautres méthodes de traitement semblent peuadaptées. C’est le cas des mélanomes à petite baseet relativement épais dont le centre se situe àproximité de l’équateur. Il serait égalementsouhaitable d’associer curiethérapie et ablationchirurgicale tumorale afin d’éviter toute récidive encas de résection incomplète.

La photocoagulation de la tumeur au laser argonou krypton est rarement effectuée à l’heure actuelleen raison du taux élevé de récidives. Elle étaitréservée aux mélanomes de petite taille.

Enfin, l’exentération orbitaire est réservée auxtumeurs avec envahissement de l’orbite.

Dans le cadre d’une dissémination métastatique,les protocoles de chimiothérapie et d’immunothé-rapie sont essentiellement palliatifs et associentbléomycine, vincristine, dacarbazine et interféronalfa-2b. Quelques succès concernant la résection demétastases hépatiques solitaires ont été rapportés.

¶ Suivi post-thérapeutiqueLes patients sont revus à j30, j90, deux fois par an

pendant 5 ans, puis annuellement. A chaqueexamen de contrôle, le patient bénéficie, selon le

6 Angiographie en fluorescence de la même tumeur : hyperfluorescence hétérogène avec de multiples pointsde fuite en « tête d’épingle »[1].

7 Fond d’œil : aspectclinique d’un nævuschoroïdien[1].

6-0210 - Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes

4

Page 43: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

cas, d’un examen de la cavité orbitaire ou d’unexamen du fond d’œil, d’une échographie oculaire

et d’une angiographie à la fluorescéine, afind’éliminer toute récidive ou de détecter certaines

complications inhérentes au type de traitement(rétinopathie radique, glaucome néovasculaire,décollement de rétine, hémorragie intravitréenne).

Un bilan d’extension sera réalisé tous lessemestres pendant 10 ans, et comprendra un bilanbiologique avec dosages des enzymes hépatiques,une radiographie du thorax et une échographiehépatique.

Pronostic

Cinq facteurs interviennent dans le pronostic desmélanomes choroïdiens :

– le type histologique épithélioïde ;– l’extension au corps ciliaire ;– le volume tumoral ;– l’extension extrasclérale ;– l’index mitotique.Le taux de survie moyen est de 52 % à 10 ans et

ne semble pas être influencé par le mode detraitement (énucléation versus radiothérapie). Lasurvie des patients atteints de métastases est trèsréduite, de l’ordre de 4 à 6 mois.

‚ Métastases choroïdiennes

En raison de sa vascularisation très importante,l’uvée est le site de la plupart des métastasesintraoculaires. Sa partie postérieure, la choroïde,elle-même la plus riche en vaisseaux sanguins, enest la localisation la plus fréquente.

Les métastases choroïdiennes proviennent danstrois quarts des cas du sein ou du poumon. Lesfréquences des localisations tumorales primitives desmétastases de l’œil sont présentées sous la formed’un tableau synoptique (tableau I).

Souvent asymptomatiques, les métastaseschoroïdiennes peuvent engendrer une baisse devision lorsqu’elles sont situées dans la macula.L’examen du fond d’œil montre une ou plusieursformations tumorales jaunâtres, avec desremaniements de l’EPR en surface, lui conférant unaspect tigré relativement évocateur (fig 12).

Ces localisations secondaires doivent êtredistinguées des mélanomes achromes par leurcaractère souvent multifocal et leur aspectéchographique, angiographique au vertd’indocyanine et radiologique, notamment enrésonance magnétique nucléaire (RMN).

Le traitement des métastases choroïdiennesrepose principalement sur la radiothérapie parphotons, par électrons, voire par protons accélérés.La technique la plus courante est la radiothérapie à250 kV qui délivre 40 Gy en 4 semaines à raison de

8 Hémangiome choroï-dien : aspect macroscopi-que d’un hémangiome cho-roïdien diffus avechémorragies sous-rétiniennes et décollementde rétine total[1].

9 Hémangiome choroï-dien : histopathologie.Lacs vasculaires intra-choroïdiens[1].

10 Mise en place d’une plaque d’iode 125 en regard de la tumeur repérée par transillumination.

Tableau I. – Tumeurs métastatiques intraocu-laires (Shields et al).

Site primitifdu cancer

Métastases

Nombre Fréquence(%)

Sein 162 54Poumon 68 23Non déterminé 24 8Tractus digestif 22 7Peau (méla-nome)

11 4

Rein 5 2Thyroïde 4Prostate 2Larynx 2

Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes - 6-0210

5

Page 44: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

trois séances par semaine. La curiethérapie à l’iode125 ou au ruthénium 106 s’avère égalementefficace sur de telles lésions.

La radiothérapie sera fréquemment associée àune chimiothérapie, les patients étant souventpolymétastatiques, voire à une hormonothérapiedans le cadre des cancers mammaireshormonosensibles.

L’énucléation est réservée aux volumineusestumeurs souvent compliquées d’un décollement derétine total.

‚ Lymphomes malins

Il s’agit généralement de lymphomes malins àgrandes cellules, présentant le plus souvent unelocalisation cérébrale primaire et s’étendant à lachoroïde où ils évoluent sous la marque d’uneuvéite torpide. Le patient présente desmyodésopsies et une baisse de vision en rapportavec l’uvéite postérieure, qui précède en généralles signes neurologiques. L’examen clinique meten évidence un vitré inflammatoire avec des

infiltrats sous-rétiniens nodulaires et jaunâtresmultifocaux [3].

Le diagnostic repose sur l’examen cytopatholo-gique du liquide vitréen, obtenu après vitrectomie àla recherche de cellules néoplasiques.

Le traitement proprement dit est le plus souventfondé sur la radiothérapie, à laquelle ces tumeurssont très sensibles.

Une forme plus rare est représentée par deslymphomes de bas grade à petites celluleslymphoplasmocytaires, forme proche de ce quiest appelé hyperplasie lymphoïde réactive,caractérisée par une infiltration diffuse de lachoroïde.

Laurent Meyer : Praticien hospitalier.José Sahel : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Clinique ophtalmologique, hôpitaux universitaires de Strasbourg, hôpital civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Meyer et J Sahel. Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0210, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

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11 Optimisation dosimétrique lors d’une curiethérapie à l’iode 125 d’un mélanome choroïdien.

12 Fond d’œil : métastase choroïdienne d’un adé-nocarcinome pulmonaire[1].

6-0210 - Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes

6

Page 45: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Uvéites (antérieure,

intermédiaire, postérieure)

AP Brézin

■Introduction

Défini étymologiquement comme une atteinte del’uvée (iris, corps ciliaire ou choroïde), le terme d’uvéiteregroupe aujourd’hui toute forme d’inflammationendoculaire. Les uvéites sont à l’origine d’environ10 % des cécités légales dans les pays industrialisés [8].Leurs causes sont très diverses. De présentationclinique particulièrement hétérogène, l’inflammationpeut s’inscrire dans le cadre d’une maladie générale ouconstituer une affection oculaire isolée (fig 1). L’uvéitea parfois pour étiologie une maladie infectieuse dontles manifestations peuvent n’être symptomatiquesqu’au niveau de l’œil. Lorsque l’uvéite est due à unemaladie systémique qui n’a pas été préalablementdéterminée, l’œil peut être le point d’appel permettantun diagnostic étiologique. L’analyse sémiologiqueophtalmologique précise permet, souvent à elle seule,de déterminer la cause de l’uvéite ou au moins derestreindre les recherches étiologiques à un grouped’affections.

■Sémiologie ophtalmologique

Reflétant la diversité des causes d’uvéite, laprésentation clinique d’une uvéite est particulièrementvariable. Si certaines uvéites sont découvertes devant

un œil rouge et douloureux, dans d’autres cas, undiscret flou visuel chronique aura été le seul motif deconsultation. Cette hétérogénéité clinique est liée à lavariété des causes d’uvéite. L’analyse de laprésentation ophtalmologique est donc fondamentalepour apporter des éléments d’orientation vers lediagnostic étiologique. Seul l’examen à la lampe àfente permet cette précision sémiologique, toutefoisdes éléments importants peuvent être recueillis parl’interrogatoire et l’inspection simple de l’œil. Des

critères précis permettent de distinguer lescaractéristiques particulières de chaque sous-typed’uvéite (tableau I).

‚ Mode évolutifL’installation peut être aiguë, amenant le patient à

consulter pour un œil rouge et douloureux. A l’opposé,un simple flou visuel d’installation progressive ou laperception de mouches volantes (myodésopsies) sontfréquemment le motif de consultation amenant àdécouvrir une uvéite chronique. Dans le cas d’uneuvéite aiguë, les poussées peuvent être séparées pardes intervalles libres, même en l’absence detraitement. L’uvéite peut être uni- ou bilatérale, lesrécidives pouvant survenir toujours du même côté, oualterner d’un œil à l’autre, « à bascule ».

‚ LocalisationSelon sa localisation antéropostérieur, l’uvéite est :– antérieure : en avant du cristallin (iridocyclite) ;– intermédiaire : vitré, rétine périphérique ;– postérieure : choroïdite, rétinite, neurorétinite ;– une panuvéite : ensemble des structures

endoculaires [1].Au niveau rétinien, l’inflammation retentit sur la

macula sous forme d’œdème maculaire. Celui-ci peutêtre simple ou organisé en logettes « cystoïdes »,conditionnant le pronostic visuel [6]. L’œdèmepapillaire, traduisant l’inflammation de la partieantérieure du nerf optique, peut également retentir surla vision. Œdèmes maculaire et papillaire sont parfoisinfracliniques, et ne sont alors mis en évidence que parune hyperfluorescence sur l’angiographie du fondd’œil. La présence de vascularites rétiniennes peut êtrecliniquement évidente, sous forme de manchonsblancs engainant les vaisseaux du fond d’œil (fig 2).Lorsque celles-ci sont discrètes, l’angiographie

Uvéite : arbre diagnostique général

Uvéite « Pseudo-uvéite »

(Traumatisme, néoplasie, endophtalmie)

Uvéite associée à desmanifestations extraoculaires

Uvéite isolée

Maladiesinfectieuses

Maladies systémiquesinflammatoires

Uvéitesmédicamenteuses

Uvéites isoléesd'origine

inflammatoire

Uvéitesinfectieuses

isolées

Cyclitehétérochromique

de Fuchs

1 Uvéite : arbre diagnostique général.

Lexique pratique✔ Flare : augmentation de la turbidité de l’humeur aqueuse, liée à uneaugmentation du taux de protéines.✔ Hyalite : inflammation du vitré.✔ Œdème maculaire cystoïde : œdème maculaire organisé en logettes, de pronosticplus défavorable que celui lié à un œdème maculaire simple.✔ Papillite : œdème papillaire d’origine inflammatoire.✔ Précipités rétrodescemétiques : amas de cellules inflammatoires à la facepostérieure de la cornée.✔ Synéchies iridocristalliniennes : accolement d’origine inflammatoire entre la facepostérieure de l’iris et la face antérieure du cristallin.✔ Tyndall : phénomène traduisant la présence anormale de cellules dans l’humeuraqueuse. Ces cellules sont visibles sous forme de « poussières » en éclairant lachambre antérieure avec le plus fin faisceau lumineux d’une lampe à fente.✔ Uvéite granulomateuse : uvéite avec précipités rétrodescemétiques en « graisse demouton ».

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fluorescéinique est nécessaire pour confirmer leurprésence. L’inflammation des veines, ou périphlébites,est plus fréquente que les artérites. Ces dernières nesont observées qu’au cours de certaines étiologies,dont la maladie de Behçet et les nécroses rétiniennesaiguës. La présence d’un ou de plusieurs foyers derétinite ou de choriorétine est également spécifiqued’un nombre restreint de causes d’uvéites, dont lacause la plus fréquente est la toxoplasmose oculaire.Des taches blanches disséminées au fond d’œilpeuvent également être caractéristiques de certainesuvéites, dont la plus fréquente est la choriorétinopathiede type birdshot.

‚ Intensité

L’intensité de l’uvéite est très variable. Au niveau dela chambre antérieure, elle est appréciée par lephénomène de Tyndall qui traduit la présence decellules dans l’humeur aqueuse. Ces éléments sontvisibles sous forme de « poussières » dans le faisceaulumineux de la lampe à fente. Le nombre de cellulesvisibles est coté de manière standardisée de 0 à 4+. Le« flare » traduit l’élévation du taux de protéines dansl’humeur aqueuse, visible sous forme d’une « turbidité »augmentée dans le faisceau de la lampe à fente. Unecotation standardisée du flare de 0 à 4+ est également

utilisée. Lorsque le nombre de cellules inflammatoiresdans l’humeur aqueuse est très important, celles-cipeuvent sédimenter sous forme « d’hypopion » (fig 3).Un hypopion est très évocateur d’une uvéite dans lecadre d’une maladie de Behçet, mais peut égalementêtre observé dans d’autres circonstances, notammentau cours de poussées particulièrement aiguës d’uvéitesassociées à l’HLA B27.

‚ Examen des précipitésrétrodescemétiques et de l’iris

Les précipités rétrodescemétiques sont des cellulesinflammatoires coalescentes situées à la facepostérieure de la cornée. Leur présentation estsusceptible d’orienter le diagnostic étiologique.Lorsqu’ils sont blanc grisâtre, de grande taille,prédominant à la partie inférieure de la cornée, leuraspect en « graisse de mouton » est caractéristiqued’une uvéite granulomateuse (fig 4) . Cetteprésentation granulomateuse permet de restreindre larecherche étiologique à un nombre limité d’étiologies(tableau II), dont la sarcoïdose. Toutefois, chacune deces étiologies peut également être occasionnellementresponsable d’une uvéite de présentation nongranulomateuse.

La présence de synéchies iridocristalliniennes estliée à un accolement d’origine inflammatoire entre laface postérieure de l’iris et la face antérieure ducristallin (fig 5). Ces synéchies déforment l’iris qui peutprendre un aspect en « feuille de trèfle ». Lorsque les

Tableau I. – Principaux éléments sémiologiques ophtalmologiques à recueillir devant une uvéite.

• Mode évolutifMode d’installation❐ Aigu ❐ ProgressifEvolution❐ Poussée unique ❐ Récidive(s)

Si oui :❐ Concomitante ❐ À bascule

• Localisation❐ Unilatérale ❐ BilatéraleLocalisation antéropostérieure❐ Uvéite antérieure ❐ Intermédiaire ❐ Postérieure❐ PanuvéiteVasculites rétiniennes❐ Absentes ❐ Présentes

❐ PériphlébitesSi oui :❐ ArtéritesŒdème papillaire❐ Présent ❐ AbsentŒdème maculaire❐ Absent ❐ Présent

❐ CystoïdeSi oui :❐ Non cystoïde

• Intensité, réponse thérapeutiqueIntensité de l’uvéite antérieureTyndall cellulaire :❐ = 0 ; ❐ = traces ;❐ = 0,5+ ; ❐ = + ; ❐ = ++ ; ❐ = +++ ; ❐ = ++++Flare : ❐ = 0 ; ❐ = 0,5+ ; ❐ = + ; ❐ = ++ ; ❐ = +++ ; ❐ = ++++Hypopion❐ Présent ❐ AbsentIntensité de la hyalite❐ = 0 ; ❐ = traces ;❐ = 0,5+ ; ❐ = + ; ❐ = ++ ; ❐ = +++ ; ❐ = ++++Corticosensibilité❐ Nulle ❐ Faible ❐ Intermédiaire ❐ Importante

• Présentation cliniqueAspect des précipités rétrodescemétiques❐ En « graisse de mouton » ❐ AutreNodules iriens❐ Présents ❐ AbsentsHétérochromie irienne❐ Absente ❐ Iris plus clair ❐ du côté de l’uvéiteSynéchies iridocristalliniennes❐ Absentes ❐ PrésentesAtrophie irienne en secteur❐ Absente ❐ PrésenteSignes spécifiques au fond d’œil❐ Taches blanches❐ Foyer(s) de rétinite ou de choriorétinite❐ Décollement séreux rétinien

• Signes associésTonus oculaire❐ Normal ❐ Abaissé ❐ ElevéKératite❐ Absente ❐ PrésenteCataracte❐ Absente ❐ PrésenteSi oui :❐ D’emblée ❐ Après évolutionSclérite❐ Absente ❐ PrésenteHypertrophie des glandes lacrymales❐ Absente ❐ Présente

2 Panuvéite avec vascularites rétiniennes. Le fondd’œil est vu flou à travers l’inflammation du segmentantérieur et du vitré. Un engainement blanchâtre estvisible le long du trajet des vaisseaux rétiniens.

3 Uvéite antérieure à hypopion. L’hypopion estconstitué par un amas de cellules inflammatoiresblanchâtres sédimentant à la partie inférieure de lachambre antérieure. La limite supérieure de l’hypo-pion est horizontale.

6-0050 - Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure)

2

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synéchies sont nombreuses, la mydriase estimpossible, rendant particulièrement difficile lasurveillance du fond d’œil. L’examen de l’iris peutmontrer d’autres signes évocateurs mais nonpathognomoniques de certaines étiologies. Un iris plusclair du côté atteint est en faveur d’une cyclitehétérochromique de Fuchs. Une atrophie irienne ensecteur est fréquemment observée au cours d’uneuvéite antérieure d’étiologie herpétique. Plus rares queles précipités en « graisse de mouton », des nodulesiriens sont également caractéristiques d’une uvéitegranulomateuse.

‚ Tonus oculaire

Le tonus oculaire est variable au cours des uvéites. Ilpeut être abaissé par la diminution, liée àl’inflammation, de la production de l’humeur aqueusepar le corps ciliaire. A l’inverse, le tonus s’élève sil’inflammation atteint le trabéculum qui est le sited’excrétion de l’humeur aqueuse, ou en casd’obstruction par des cellules inflammatoires en

nombre élevé. Lorsqu’une corticothérapie est prescrite,l’hypertonie peut être secondaire au traitement, chezdes sujets génétiquement prédisposés.

‚ Signes ophtalmologiques associésDes signes oculaires associés à l’uvéite peuvent

apporter des éléments d’orientation étiologique etdoivent être systématiquement recherchés. Laprésence d’une kératite associée peut être évocatriced’une étiologie herpétique. Lorsqu’une corticothérapielocale à forte dose est instituée, la kératite peut êtresecondaire au traitement. Une cataracte est susceptibled’être induite par une corticothérapie prolongée, maissurtout par une inflammation chronique non traitée.La présence d’une cataracte dès le premier examenophtalmologique est fréquente au cours d’une cyclitehétérochromique de Fuchs. Lorsque l’associationd’une sclérite et d’une uvéite est observée, l’uvéite peutêtre secondaire, par contiguïté, à la sclérite si celle-ci estintense. Enfin, une hypertrophie des glandeslacrymales évoque une sarcoïdose.

■Signes extraophtalmologiques

Environ 50 % des uvéites sont en rapport avec desmaladies inflammatoires ou infectieuses susceptiblesd’entraîner des manifestations extraophtalmologi-ques [5]. Le diagnostic de la maladie générale peut êtredéjà connu lors de la survenue de l’uvéite. Dansd’autres cas, un examen systématique réalisé àl’occasion de l’uvéite est l’occasion de mettre enévidence une symptomatologie méconnue,l’ensemble conduisant au diagnostic d’une maladiegénérale. Etant donné l’éventail des causes d’uvéite,

une association avec des manifestations particulière-ment diverses doit être recherchée (tableau III).

‚ Signes généraux et uvéiteL’association fièvre et uvéite, concomitante ou

décalée dans le temps, doit faire évoquer une étiologieinfectieuse bactérienne, dont : tuberculose, brucellose,rickettsioses, psittacose, infections à Chlamydiapneumoniae ou psittaci, leptospirose, maladie desgriffes du chat.

‚ Dermatologie et uvéiteL’association érythème noueux et uvéite est

rencontrée au cours de la sarcoïdose. Les signescutanés de la maladie de Behçet (pseudofolliculites,hypersensibilité cutanée, phlébites superficiellesparfois nodulaires…) font partie, comme l’uvéite, descritères du diagnostic. De nombreuses maladiesinfectieuses bactériennes à l’origine d’uvéites (maladiede Lyme, syphilis…) peuvent avoir également dessignes cutanés. La présence de vésicules herpétiquesrécidivantes au niveau de la face doit faire évoquerune uvéite herpétique. Un vitiligo ou une poliosepeuvent être associés à une maladie deVogt-Koyanagi-Harada.

‚ Rhumatologie et uvéiteL’antigène HLA B27 est retrouvé chez plus de 50 %

des patients présentant une uvéite antérieure aiguë.Parmi ces sujets, environ la moitié présentent unespondylarthrite ankylosante. Celle-ci peut être déjàconnue ou révélée à l’occasion des manifestationsoculaires. L’uvéite est plus rare au cours du syndromede Reiter ou en association avec une arthritepsoriasique. Les manifestations articulaires de lamaladie de Behçet ou de la sarcoïdose peuventégalement s’associer à l’uvéite. De même que pour les

4 Uvéite antérieure granulomateuse. Des précipitésrétrodescemétiques en « graisse de mouton » tapis-sent la face postérieure de la cornée.

Tableau II. – Uvéites susceptibles d’avoir uneprésentation antérieure granulomateuse.

SarcoïdoseSclérose en plaquesMaladie de Vogt-Koyanagi-HaradaRectocolite hémorragiqueOphtalmie sympathiqueUvéites phacoantigéniquesToxoplasmose, toxocaroseSyphilis, maladie de Lyme, tuberculose, lèpre, bru-celloseUvéites associées à l’HTLV-1Uvéites médicamenteuses (collyres bêtabloquants)

5 Uvéite antérieure : synéchies iridocristallinien-nes. La pupille est déformée par des zones d’adhésionentre la face postérieure de l’iris et la cristalloïdeantérieure.

Tableau III. – Exemples de manifestations extraophtalmologiques à rechercher chez un patientprésentant une uvéite.

Signes à rechercher(1) Étiologie possible de l’uvéite(1)

DermatologieVitiligo, poliose Maladie de Vogt-Koyanagi-HaradaErythème noueux SarcoïdosePseudofolliculite, hypersensibilité cutanée, aphtose cutanéeMaladie de BehçetErythème migrans Maladie de Lyme

StomatologieMaladie de BehçetAphtose

ORLMaladie de Vogt-Koyanagi-HaradaSurdité de perception

RhumatologieUvéite associée à l’HLA B27Douleur lombaire inflammatoire

Oligoarthrite de l’enfant Arthrite chronique juvénile

GastroentérologieDiarrhées hémorragiques Maladie de Crohn, rectocolite hémorragiqueDiarrhée Maladie de Whipple

Gynécologie-UrologieMaladie de BehçetAphtose génitale

Uréthrite Uvéites liées à l’HLA B27

NeurologieMaladie de Vogt-Koyanagi-HaradaSignes méningés

Appareil cardiovasculaireSarcoïdose, maladie de LymeTroubles de la conduction

Phlébites Maladie de Behçet

PneumologieTuberculose, sarcoïdoseDyspnée

(1)La liste présentée est non exhaustive. Exemples : des signes méningés peuvent également être observés au cours d’une neurosarcoïdose avec uvéite, une

arthrite peut être révélatrice d’une maladie de Lyme, etc.

Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure) - 6-0050

3

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signes cutanés, la plupart des maladies infectieusessusceptibles d’entraîner une uvéite peuvent avoir desmanifestations articulaires. Chez l’enfant, la formeoligoarticulaire de l’arthrite chronique juvénile est cellese compliquant le plus souvent d’uvéite.

‚ Appareil digestif et uvéiteLes maladies inflammatoires digestives, Crohn et

rectocolite hémorragique, qu’elles soient ou nonassociées à des manifestations articulaires, peuvententraîner des uvéites antérieures. Au cours de lamaladie de Whipple, des cas d’inflammation vitréennechronique avec détection de T whippelii dans le vitréont été observés.

‚ Pneumologie et uvéiteLa sarcoïdose est la première cause d’uvéite

granulomateuse, mais une tuberculose doit toujoursêtre évoquée. Dans ce cas, un mécanismed’hypersensibilité au BK peut être incriminé, enl’absence d’une tuberculose évolutive.

‚ Neurologie et uvéiteDes engainements veineux périphériques sont

observés dans 5 à 22 % des cas de sclérose enplaques. Une méningite lymphocytaire associée à uneuvéite peut par ailleurs être observée notamment aucours de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, demanifestations de neurosarcoïdose, de neuro-Behçet,ou au cours de maladies infectieuses (brucellose,maladie de Lyme, syphilis, maladie de Whipple…).

‚ Aphtose et uvéiteL’aphtose buccale précède l’uvéite dans la majorité

des cas de maladie de Behçet. L’aphtose génitale peutêtre moins évidente chez la femme que chez l’homme,conduisant parfois à un diagnostic erroné d’herpèsgénital.

■Principales étiologies

La liste des causes d’uvéite comporte plusieursdizaines d’entités, très inégalement représentées enfréquence. Seules les caractéristiques des uvéites lesplus courantes sont présentées ici. Une liste pluscomplète (mais non exhaustive) des étiologies d’uvéiteest présentée dans le tableau IV.

‚ Uvéites associées à des maladiesinflammatoires systémiques

Uvéites liées à l’HLA B27

L’uvéite peut compliquer l’ensemble des affectionsliées à l’HLA B27 : spondylarthropathies, syndrome deReiter ou maladies inflammatoires digestives. Lesmanifestations ophtalmologiques peuvent précéderou suivre les premiers signes rhumatologiques [9]. Ils’agit d’une uvéite antérieure aiguë, unilatérale dansplus de 95 % des cas, mais récidivante à bascule. Lespoussées sont séparées par des intervalles libres, sansaucun signe fonctionnel.

Uvéites au cours des arthrites chroniquesjuvéniles (ACJ)

L’uvéite ne complique quasiment que la formepauciarticulaire de la maladie ; 20 % des cas d’ACJ sontconcernés, avec une prédominance féminine d’aumoins 4:1 et un âge moyen de début de 6 ans. Dansau moins 75 % des cas, l’arthrite précède l’uvéite.Celle-ci est le plus souvent bilatérale [4]. L’uvéite estfréquemment asymptomatique et doit donc être

recherchée au cours d’examens systématiques chezles enfants atteints. L’évolution est fréquemmentcompliquée d’une cataracte, d’un glaucome ou d’unekératopathie en bandelette.

Uvéites au cours de la maladie de Behçet

L’inflammation endoculaire fait partie des critèresdiagnostiques de la maladie. L’aphtose esthabituellement le premier symptôme de la maladie,

mais certains cas peuvent être révélés par l’uvéite.Celle-ci survient généralement par poussées, parfoissuraiguës avec hypopion. La localisation est antérieureet/ou postérieure, fréquemment avec périphlébites etparfois artérites rétiniennes. Des foyers de rétinite, unœdème papillaire et/ou maculaire peuvent êtreobservés. L’atteinte est uni- ou bilatérale d’emblée.Alors que le pronostic visuel peut être bon en cas deprise en charge thérapeutique adaptée, il est trèsdéfavorable si le traitement est insuffisant [7].

Uvéites au cours de la sarcoïdose

Une uvéite est rencontrée dans 10 à 20 % des cas desarcoïdose, avec une présentation granulomateuse chez80 % des patients [2]. L’installation est souvent insidieuse,la baisse d’acuité visuelle étant alors le symptômeamenant à consulter. L’uvéite peut être antérieure, avecprécipités rétrodescemétiques en « graisse de mouton »et parfois présence de nodules iriens. Des synéchiesiridocristalliniennes sont fréquentes, d’autant que ledélai entre le début de l’uvéite et la premièreconsultation est souvent de plusieurs semaines. Uneuvéite intermédiaire avec périphlébites rétiniennes,inflammation vitréenne avec condensations inférieuresen « œufs de fourmis », est également rencontrée. Deslocalisations postérieures de granulomes sarcoïdosiquessont plus exceptionnellement visibles. L’association del’ensemble de ces manifestations d’inflammationendoculaire est possible. L’uvéite peut être observéealors que toutes les autres manifestations de lasarcoïdose sont inapparentes.

Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada

Il s’agit d’une uvéite habituellement bilatéralecaractérisée par des décollements séreux,inflammatoires, de l’épithélium pigmentaire rétinien.Les poussées s’accompagnent généralement d’uneméningite lymphocytaire, pouvant être responsablede céphalées intenses. Une hypoacousie de perceptionest fréquemment associée. L’examen dermatologiquepeut retrouver un vitiligo ou une poliose.

Uvéites et sclérose en plaques (SEP)

Si la neuropathie optique est la premièremanifestation ophtalmologique de la SEP, des uvéitespeuvent également compliquer la maladie. Desengainements veineux de la périphérie rétinienne sontobservés dans 1/20 à 1/5 des cas.

‚ Uvéites associéesà des maladies infectieusesavec manifestations générales

Alors que dans les années 1960, environ 20 % descas d’uvéites étaient encore attribués à la tuberculose,cette étiologie est devenue exceptionnelle. Deux typesd’inflammation endoculaire en rapport avec latuberculose sont rapportés : d’une part l’infectionintraoculaire vraie par M tuberculosis, d’autre part desmanifestations d’hypersensibilité. L’uvéite de la lèpre aune présentation voisine.

L’uvéite syphilitique est une manifestation du stadesecondaire. D’autres tréponématoses peuventégalement se compliquer d’uvéite : maladie de Lyme,leptospirose. Des cas d’inflammation vitréenneseraient observés chez un peu moins de 3 % despatients au cours de la maladie de Whipple. L’uvéitepeut également compliquer la brucellose, lesrickettsioses, les infections à Chlamydia psittaci etpneumoniae, la maladie des griffes du chat.

Tableau IV. – Étiologies des uvéites.

Uvéites associées à des maladies inflammatoiressystémiques

SarcoïdoseMaladie de BehçetSpondylarthrite ankylosante, syndrome de ReiterMaladie de Crohn, recto-colite hémorragiqueSclérose en plaquesMaladie de Vogt-Koyanagi-HaradaArthrite chronique juvénileSyndrome tubulo-interstitial nephritis uveitis(TINU)Epithéliopathie en plaques avec syndrome pseu-dogrippal

Uvéites associées à des maladies infectieuses avecmanifestations généralesBactériennes :- tuberculose, lèpre- syphilis, maladie de Lyme, leptospirose- maladie des griffes du chat, maladie de Whipple- brucellose, rickettsiose, chlamydiosesParasitaire :- onchocercoseVirale :- nécrose rétinienne aiguë avec signes neuroméningés

Uvéites associées à des maladies infectieuses ha-bituellement sans manifestations extraoculairesBactériennes :- tuberculose (uvéite par hypersensibilité au BK)Parasitaires :- toxoplasmose- toxocaroseMycotique :- histoplasmose oculaireVirales :- segmentite herpétique- nécrose rétinienne aiguë- uvéite associée à HTLV-1

Uvéites isolées, sans étiologie infectieuse connueSegment antérieur :- cyclite hétérochromique de Fuchs- uvéite phacoantigéniqueUvéite intermédiaire idiopathique. Pars planiteSegment postérieur :- choriorétinopathie de type « birdshot »- épithéliopathie en plaques- choroïdite serpigineuse- ophtalmie sympathique- choroïdite multifocale- syndrome des taches blanches évanescentes- punctuate inner choroidopathy- autres uvéites postérieures rares

Uvéites médicamenteusesRifabutine, antiprotéases, cidofovirCollyres bêtabloquantsChimiothérapies anticancéreuses

Pseudo-uvéitesTraumatismes, corps étrangers intraoculairesNéoplasies : rétinoblastome, lymphomes, méla-nome malin de la choroïde, autres (leucémies, mé-tastases...)Endophtalmies :- postopératoires chroniques- mycotiques d’origine hématogène

6-0050 - Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure)

4

Page 49: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

‚ Uvéites associées à des maladiesinfectieuses habituellementsans manifestations extraoculaires

Toxoplasmose oculairePremière cause d’uvéite postérieure, la

toxoplasmose oculaire peut être la conséquence d’uneinfection congénitale ou parfois acquise. Dans laplupart des cas, une première poussée survient avantl’âge de 30 ans, avec près de 50 % de récidive dans les3 ans suivants. Un foyer actif de choriorétinitetoxoplasmique a, au fond d’œil, l’aspect d’une lésionblanchâtre, souvent satellite d’un foyer ancien, inactif,pigmenté ou atrophique. Le pronostic est fonction dusite du foyer, toute inflammation fovéolaire ouinterpapil lomaculaire étant susceptible deretentissement sévère sur l’acuité visuelle. En cas dedoute diagnostique, une ponction de chambreantérieure à la recherche d’une production localed’anticorps antitoxoplasmique peut être proposée.

Toxocarose oculaireLes signes systémiques de syndrome de Larva

migrans viscéral sont très inconstants au cours destoxocaroses oculaires. La présentation ophtalmologi-que la plus fréquente est celle d’un granulome blancintravitréen. En dehors de cas exceptionnels, latoxocarose oculaire est unilatérale. Une éosinophilieest inconstamment observée, la recherche d’anticorpsanti-Toxocara canis dans le sérum est utile pour lediagnostic, mais susceptible de résultats faux positifsou faux négatifs. Cette recherche dans l’humeuraqueuse est d’une meilleure sensibilité.

Histoplasmose oculaireHistoplasma capsulatum est un ascomycète

endémique dans certaines régions du Midwest desÉtats-Unis. La plupart des infections sont asymptomati-ques. L’imputabilité des lésions oculaires attribuée à Hcapsulatum est incertaine. Le diagnostic est cliniquedevant des lésions choroïdiennes éparses, unemembrane néovasculaire sous-rétinienne maculaire etune atrophie choriorétinienne péripapillaire.

Segmentite herpétiqueSi les kératites sont les lésions oculaires les plus

fréquentes en rapport avec le virus Herpès simplex(HSV), des formes associant une inflammation dusegment antérieur sont possibles. L’uvéite estunilatérale, atteignant souvent les sujets âgés. Uneatrophie irienne sectorielle et une hypertonie oculaireélevée sont des éléments d’orientation. Le diagnosticétiologique est présumé, reposant sur l’examenclinique.

Nécrose rétinienne aiguëL’agent pathogène responsable de l’ARN (acute

retinal necrosis) est le virus varicelle-Zoster (VZV) dansles trois quarts des cas environ, Herpès simplex virus(HSV) dans les autres cas. La lésion caractéristique estune nécrose blanchâtre de la périphérie rétinienne,progressant de manière centripète. L’ARN secomplique régulièrement de décollement de rétine.L’ARN peut survenir dans un contexte d’immunodé-pression, mais également chez un sujetimmunocompétent. Les signes systémiques sont leplus souvent absents, toutefois des méningoencéphali-tes associées ont été observées, avec en particulier unelymphocytose dans le LCR. La bilatéralisation de l’ARNest possible, jusqu’à plusieurs décennies aprèsl’atteinte du premier œil. Le diagnostic d’ARN esthabituellement clinique, constituant une urgencethérapeutique [3]. La ponction de chambre antérieure àla recherche de l’ADN de VZV ou d’HSV peut aider audiagnostic.

Uvéite associée à HTLV-1

Il s’agit d’une cause fréquente d’uvéite dans lesrégions d’endémie à HTLV-1 (Human T-LymphotropicVirus type 1), c’est-à-dire la ceinture tropicale du globe.L’uvéite n’est pas associée aux autres manifestationspossibles de l’infection : myélopathies associées àHTLV-1 ou leucémies/lymphomes T.

‚ Uvéites isolées

Cyclite hétérochromique de Fuchs

Sa place est distincte parmi l’ensemble des uvéites.La présentation de la maladie est souvent insidieuse,évoluant depuis plusieurs années avant la premièreconsultation ophtalmologique. Le diagnostic estexclusivement clinique. Dans sa forme typique,l’affection est unilatérale, comportant l’association deprécipités rétrodescemétiques, d’une cataracte et d’unehétérochromie irienne, dans la forme habituelle, l’irisest le plus clair du côté atteint. Une hypertonie oculairecomplique l’évolution dans un quart à la moitié descas. La corticosensibilité est nulle.

Uvéite phacoantigénique

Secondaire à la libération de protéines du cristallinaprès atteinte de la capsule critallinienne, l’uvéitephacoantigénique peut être post-traumatique,postchirurgicale ou exceptionnellement observée encas de cataracte hypermûre.

Uvéite intermédiaire idiopathiquePars planite

La présentation comporte une inflammationvitréenne chronique avec condensations inférieuresblanchâtres. Celles-ci peuvent être coalescentes enextrême périphérie, responsables d’un aspect de parsplanite « en banquise ». Des périphlébites rétiniennespériphériques sont associées ; la fonction visuelle estmenacée lorsque l’inflammation chronique secomplique d’œdème maculaire.

Uvéites postérieures isolées diverses

¶ Ophtalmie sympathiqueIl s’agit d’une complication rare d’un traumatisme

(ou un acte chirurgical unilatéral) ayant intéressél’uvée. L’hypothèse d’une réaction auto-immune à unantigène uvéal habituellement séquestré estcouramment admise. L’œil traumatisé est dit« sympathisant » ou « excitant », tandis que l’œilcontrolatéral est dit « sympathisé ». Le délai entre letraumatisme et le début de l’uvéite peut aller de moinsd’une semaine à plusieurs décennies. Le tableauclinique classique comporte une uvéite bilatéralegranulomateuse bilatérale avec précipitésrétrodescemétiques en « graisse de mouton », celluleset flare en chambre antérieure, hyalite, infiltratschoroïdiens jaune blanchâtre et nodules de Dalen-Fuchs. Ces derniers, très évocateurs du diagnostic, maisnon pathognomiques, sont des infiltrats discrets,jaunâtres, situés au niveau de l’épithélium pigmentairerétinien, le plus souvent en périphérie. Des signesgénéraux superposables à ceux rencontrés au coursde la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada peuventexceptionnellement être observés.

¶ Choriorétinopathie de type « birdshot »La maladie est caractérisée par des lésions multiples,

blanchâtres, disséminées, évoquant à l’examen du fondd’œil des impacts de chevrotine birdshot. L’âge moyende survenue est aux environs de 50 ans, l’affection estbilatérale, parfois asymétrique. L’association à l’antigèneHLA A29 est extrêmement marquée : risque relatif auxenviron de 150.

¶ Épithéliopathie en plaques (EEP)L’EEP est une affection survenant habituellement

chez des adultes jeunes sans antécédents médicaux.Dans environ un tiers des cas, les manifestationsoculaires surviennent au décours d’un syndromepseudogrippal, certains cas ont été observés aprèsvaccination contre l’hépatite B. Les lésionscaractéristiques, de survenue aiguë, sont habituelle-ment bilatérales et multiples (acute posterior multifocalplacoid epitheliopathy). L’évolution spontanée estfavorable, avec remontée de l’acuité visuelle quelquessemaines après le début des troubles. Les lésionsinitiales laissent place à des remaniements del’épithélium pigmentaire avec dépôts pigmentésirréguliers.

¶ Choroïdite serpigineuseLa maladie évolue par poussées aiguës

récidivantes. Les lésions du fond d’œil débutent autourde la papille et s’étendent vers la périphérie au fil desrécidives. Les lésions caractéristiques sont grisblanchâtre à la phase aiguë, puis atrophiques à laphase cicatricielle. A l’opposé de l’EEP, le pronosticvisuel de la choroïdite serpigineuse est défavorable,sans récupération fonctionnelle au site des lésions. Labilatéralisation des poussées est habituelle aprèsquelques mois ou années d’évolution.

¶ Autres uvéites postérieures isolées, raresDe nombreuses autres entités rares, diverses, ayant

en commun une inflammation postérieure, peuventêtre observées. Certaines ont un pronostic spontanéfavorable (syndrome des taches blanchesévanescentes), d’autres peuvent être responsables deperte définitive de la vision centrale (choroïditesmultifocales).

‚ Uvéites médicamenteusesLes plus fréquentes sont observées au cours du

sida, notamment au cours de traitement par larifabutine, par antiprotéases ou par cidofovir. Certainscas exceptionnels ont été décrits après utilisation decollyres bêtabloquants.

‚ Uvéites associées aux scléritesToute sclérite d’intensité importante est susceptible

d’être compliquée d’uvéite. La première cause est lapolyarthrite rhumatoïde.

‚ Pseudo-uvéites

TraumatismesUn traumatisme oculaire, pénétrant ou non, peut

entraîner une inflammation secondaire. Un corpsétranger intraoculaire méconnu doit toujours êtresoupçonné chez un membre d’une profession à risque(serruriers, fraiseurs, etc). Dans ce cas, uneendophtalmie débutante, notamment mycotique, peutavoir la présentation d’une uvéite.

EndophtalmiesUne endophtalmie chronique, survenant de 1 mois

à 1 an après une intervention de cataracte, peut avoirune présentation clinique superposable à celle d’uneuvéite. Le germe en cause est, dans environ 80 % descas, un bacille anaérobie : Propionibacterium acnes.Chez les toxicomanes par voie intraveineuse, uneinfection disséminée à Candida peut se compliquer delocalisation endoculaire. La lésion caractéristique estune « boule de coton » choriorétinienne, secompliquant rapidement d’une réaction vitréennesévère, simulant une uvéite.

Pathologie tumoraleCertains rétinoblastomes (chez l’enfant), des

lymphomes oculaires, des mélanomes malins de lachoroïde ou des métastases choroïdiennes peuvent

Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure) - 6-0050

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simuler une uvéite ou être responsables de réactionsinflammatoires endoculaires secondaires.

■Éléments de thérapeutique

La pérennisation d’une inflammation endoculairepouvant sévèrement engager le pronostic visuel, letraitement d’une uvéite est une urgence lorsquecelle-ci est intense. Le traitement d’une uvéiteantérieure doit rapidement assurer le retour à un œilnon douloureux et prévenir la constitution desynéchies. Le traitement d’une uvéite intermédiaire oupostérieure doit prévenir l’apparition d’un œdèmemaculaire.

‚ Méthodes

Traitement local

¶ Collyres cycloplégiquesAu cours d’une uvéite antérieure aiguë, le traitement

de la douleur et la prévention des synéchies reposentsur l’utilisation de collyres parasympatholytiques. Dansles formes d’intensité supérieure ou égale à ++,l’atropine à 1 % est instillée toutes les 12 heures. Dansles formes d’intensité plus modérée, l’homatropine oule tropicamide (dont la durée d’action n’est que dequelques heures) peuvent être utilisés.

¶ Corticothérapie localeLa corticothérapie locale par collyres n’est efficace

que pour le traitement de l’inflammation du segmentantérieur. A la phase aiguë, le traitement repose sur ladexaméthasone en collyre. En traitement d’attaque,une efficacité maximale peut être obtenue grâce à uneinstillation toutes les heures et en pommade aucoucher. Une fois la dégression de l’inflammationobtenue, la fréquence d’instillation est progressive-ment réduite par paliers de quelques jours, jusqu’à uneinstillation unique. Afin de prévenir tout effet derebond, il est habituel d’utiliser en relais un collyre à laprednisone, puis éventuellement un collyre àl’hydrocortisone. Lorsque la fréquence d’instillation estmaximale, une surveillance ophtalmologique toutesles 24 ou 48 heures est nécessaire afin de surveillerl’absence de kératite induite par le traitement. Parailleurs, chez des patients génétiquement prédisposés,une hypertonie oculaire peut être induite par lescorticoïdes.

Dans les formes les plus intenses d’uvéiteantérieure aiguë, la corticothérapie locale peut êtreadministrée en injection latérobulbaire : habituelle-ment, dexaméthasone 8 mg. Ces injections ont uneaction aussi bien sur les sites antérieurs que postérieursde l’inflammation.

¶ Collyres anti-inflammatoires non stéroïdiensDe nombreux collyres AINS sont actuellement

disponibles. Aucun ne permet, à lui seul, la résolutiond’une uvéite antérieure aiguë. L’intérêt des collyresAINS en relais de la corticothérapie et en traitement defond chez des sujet présentant des uvéites récidivantesreste discuté.

Traitement par voie générale

¶ Traitement anti-infectieuxLorsqu’une cause infectieuse bactérienne est

identifiée, les modalités de l’antibiothérapie sonthabituellement calquées sur celles qui seraient utiliséesen cas d’atteinte du système nerveux central.

¶ Corticothérapie per os ou en bolus intraveineuxLa corticothérapie par voie générale doit être

débutée sous forme de bolus intraveineux répétés encas d’uvéite postérieure corticosensible engageant lepronostic visuel : œdème papillaire sévère, œdèmemaculaire, décollement séreux rétinien inflammatoire.La corticothérapie per os peut être utilisée d’embléedans les formes moins sévères ou plus corticosensi-bles, ou en relais des bolus IV. La dose initiale estcomprise entre 1 mg/kg/j et 0,5 mg/kg/j. Unedécroissance progressive, par paliers de -10 %, doitêtre habituellement utilisée pour prévenir tout effetrebond.

¶ Immunosuppresseurs, ciclosporineL’azathioprine, le cyclophosphamide et le

méthotrexate sont parfois utilisés lorsqu’unecorticodépendance à niveau élevé est rencontrée. Lacyclosporine est utilisée pour certaines uvéitespostérieures chroniques.

‚ IndicationsLorsque l’uvéite est la complication d’une maladie

systémique identifiée, le traitement peut être dicté ouguidé par des manifestations inflammatoiresextraoculaires. L’identification du diagnosticétiologique de l’uvéite permet généralement uneprédiction du niveau de corticosensibilité de lamaladie. En l’absence de manifestation extraoculaire,

quel que soit le diagnostic, une menace pour lafonction visuelle peut dicter, à elle seule, la mise enroute d’un traitement par voie générale.

Les principes de traitement de quelques causesfréquentes d’uvéite sont présentés ci-dessous.

Traitement des uvéites antérieures aiguësassociées à l’HLA B27

Aucun traitement préventif de fond n’a fait lapreuve absolue de son efficacité. Le bénéfice éventueld’un traitement par la salazopyrine reste discuté. Dansplus de 95 % des cas, l’uvéite antérieure aiguë peutêtre résolutive sous une corticothérapie locale bienconduite.

Uvéite au cours de la maladie de BehçetL’uvéite postérieure est non sensible à un

traitement local. Une corticothérapie par voie généraleest régulièrement nécessaire, fréquemment initiée enbolus IV. En cas d’uvéite antérieure isolée, outre letraitement local, la colchicine peut être proposée. Dansles formes avec atteinte du segment postérieur,l’utilisation d’immunosuppresseurs est régulièrementnécessaire pour prévenir les complications maculairesde l’inflammation.

Uvéite au cours de la sarcoïdoseLes uvéites antérieures granulomateuses sont

généralement très sensibles à une corticothérapielocale. L’uvéite postérieure nécessite unecorticothérapie par voie générale ; habituellement,l’inflammation est rapidement sensible à unecorticothérapie per os à dose modérée.

■Conclusion

Toute uvéite doit motiver d’une part un examenophtalmologique détaillé, d’autre part la recherche demanifestations inflammatoires ou infectieusesextraoculaires. La méconnaissance du diagnostic peutentraîner des séquelles définitives. L’identification del’étiologie n’est pas toujours aisée, parfois impossible.Les investigations complémentaires proposées à viséediagnostique doivent être choisies de manièrejudicieuse, selon l’examen clinique. La déterminationdu diagnostic étiologique guide considérablement lesdécisions thérapeutiques. Dans tous les cas, letraitement minimal, nécessaire et suffisant pourpréserver la fonction visuelle, doit être trouvé.

Antoine P Brézin : Chef de clinique, assistant des Hôpitaux,service d’ophtalmologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : AP Brézin. Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure).Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0050, 1998, 6 p

R é f é r e n c e s

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6-0050 - Uvéites (antérieure, intermédiaire, postérieure)

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Page 51: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Pathologie vasculaire rétinienne

G Chaine

S ous le terme de pathologie vasculaire rétinienne, nous regroupons l’ensemble des pathologies concernant lesvaisseaux rétiniens, éventuellement les vaisseaux choroïdiens.

Il peut s’agir soit d’atteintes systémiques prédominantes, comme l’hypertension artérielle ou les pathologies d’originecarotidienne, soit d’atteintes dont la principale manifestation est spécifiquement oculaire, comme les occlusionsveineuses, les occlusions artérielles ou les macroanévrismes.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Souvent, les entités responsables de manifesta-tions fonctionnelles brutales et alarmantes sont lereflet d’une artériolosclérose plus ou moinsdisséminée.

Il conviendra, dans tous les cas, de rechercher lesfacteurs de risque et de les traiter, en même tempsque sera instaurée une prise en charge spécifiquedes complications rétiniennes.

L’examen du fond d’œil est un examen noninvasif permettant d’apprécier in vivo l’état de lacirculation rétinienne, reflet dans une certainemesure de l’état vasculaire général.

Il est largement prescrit, notamment chez lespatients hypertendus. Il faut savoir qu’en l’absencede signe fonctionnel oculaire, principalement à typede baisse d’acuité visuelle, il est peu contributif chezles patients dont l’hypertension artérielle (HTA) estsoit modérée, soit correctement contrôlée par lestraitements médicaux. Les manifestations de larétinopathie hypertensive, que nous développeronslargement dans ce chapitre, ne surviennent que chezles patients atteints d’HTA décompensée ou sévère.

■Hypertension artérielle

L’HTA est une pathologie extrêmementfréquente, touchant 20 à 30 % de la populationadulte.

Seules les HTA sévères non traitées sont la causedes manifestations classiques de la rétinopathie etde la choroïdopathie hypertensives. Cela dit, ellessont aujourd’hui rares dans les pays développés. Enrevanche, les complications rétiniennes,choroïdiennes ou à type de neuropathie ischémique

due à l’artériolosclérose, elle-même favorisée ouaggravée par l’HTA, demeurent fréquentes.

‚ Rétinopathie hypertensive

Les signes oculaires de l’HTA ne sont présentsqu’au cours des HTA sévères. La grande majorité desHTA modérées ou bénignes sont indemnes demanifestations ophtalmoscopiques. Il faut distinguerles signes liés aux complications de l’artériolos-clérose des signes liés à l’HTA proprement dite ;l’examen clinique, le relevé du champ visuel etl’angiographie en fluorescence permettent deséparer les signes de la rétinopathie hypertensiveproprement dite de ceux de la choroïdopathie et dela neuropathie hypertensives.

Physiopathogénie

L’autorégulation est l’aptitude spécifique desvaisseaux rétiniens à réagir aux modificationstensionnelles : elle permet le maintien d’un débitvasculaire rétinien stable en présence demodifications de la tension artérielle grâce à lavasoconstriction artérielle active qui se produit enprésence d’une augmentation de la pressionartérielle ; cependant, en présence d’une HTAimportante, les mécanismes d’autorégulation sontdépassés, une vasodilatation passive survient, suivied’une infiltration de la paroi endothéliale, d’unenécrose fibrinoïde des cellules endothéliales, et enfind’une occlusion artériolaire.

Avec l’autorégulation, la deuxième particularitéde la circulation rétinienne est la présence d’unebarrière hématorétinienne (BHR), qui comprend uneBHR interne, représentée par l’endothélium desvaisseaux rétiniens. La rupture de la BHR nonspécifique participe à la genèse des signesophtalmoscopiques de la rétinopathie hypertensive(hémorragies rétiniennes superficielles, exsudats,œdème rétinien), les mécanismes d’autorégulationexpliquant quant à eux la vasoconstriction artérielle(rétinopathie hypertensive compensée), les nodules

cotonneux et les hémorragies profondes(rétinopathie hypertensive décompensée).

Signes cliniques

¶ Modification de calibreLe premier signe ophtalmoscopique de la

rétinopathie hypertensive est la diminution decalibre artériel, difficile à apprécier lorsqu’elle estdiffuse. Elle est plus apparente lorsqu’il s’agit devasoconstriction focale. Les modifications de calibreartériel sont plus faciles à apprécier sur des clichés dufond d’œil qu’à l’examen ophtalmoscopique ; ellessont réversibles lorsque l’HTA est traitée, maisdeviennent structurelles et définitives lorsque l’HTAse prolonge. Dans ces cas-là, l’artérioloscléroseassociée participe à l’épaississement de la paroiartérielle (cf paragraphe « Artériolosclérose »).

En présence d’une HTA sévère ou d’installationrapide, les capacités d’autorégulation sontdépassées, la BHR interne est rompue, unevasodilatation passive se produit. Cliniquement, celase traduit par des hémorragies rétiniennes, desexsudats, souvent de disposition stellaire dans larégion maculaire, un œdème maculaire, un œdèmepapillaire, et des nodules cotonneux traduisantl’occlusion des artérioles précapillaires.

¶ Nodule cotonneuxLes nodules cotonneux correspondent à des

infarctus de la rétine interne ; ils sont superficiels, degrand axe perpendiculaire à la direction des fibresoptiques, de couleur blanchâtre et de contour floucomme une boule de coton posée sur la rétine. Ilssont dus à une accumulation de matérielaxoplasmique dans les fibres optiques, dont letransport actif est interrompu par l’occlusionartériolaire.

Lorsque l’HTA est traitée, ils régressent en 3 ou 4semaines, en passant par un aspect fragmenté avantde disparaître.

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¶ HémorragiesElles sont d’apparition plus tardive et sont de

plusieurs types :– en flammèches dans les couches superficielles,

de disposition péripapillaire, elles traduisent larupture de la BHR interne ;

– profondes, ponctuées, rondes, disposées surtoute la rétine, elles traduisent la présence d’infarctusrétiniens ;

– plus rarement, il s’agit d’une hémorragierétrohyaloïdienne en présence d’une rupture de lalimitante interne.

¶ Exsudats profondsIls sont également liés à une rupture durable de la

BHR interne mais plus tardifs. Ils sont situés dans lacouche plexiforme externe, uniquement au pôlepostérieur, de disposition stellaire dans la régionpérifovéolaire et de disposition circinée péripapillaireen cas d’œdème papillaire prolongé.

Tous ces signes, non spécifiques lorsqu’ils sontisolés, sont très évocateurs d’HTA lorsqu’ils sontassociés. Ils sont facilement identifiables, mais nes’accompagnent habituellement pas de diminutiond’acuité visuelle. Malgré la présence d’exsudatsmaculaires, l’œdème maculaire propement dit,symptomatique avec une baisse d’acuité visuelle ouangiographique, est rare.

‚ Choroïdopathie hypertensive

Dès 1904, Elschnig a décrit des nodulespigmentés, entourés d’un halo clair, disséminés aufond d’œil, survenant au décours de néphritessévères. Plus tard, Siegrist décrivit des anomaliespigmentées linéaires paravasculaires dans le mêmecontexte. Mais ce n’est que récemment que cesanomalies ont pu être rattachées à la choroïdo-pathie hypertensive. Les vaisseaux choroïdiens sontdépourvus de mécanisme d’autorégulation, mais ilssubissent une vasoconstriction dépendante dusystème nerveux sympatique en présence d’uneHTA. Lorsque ces mécanismes sont dépassés, desocclusions de la choriocapillaire apparaissent,responsables d’une ischémie et d’une nécrose del’épithélium pigmentaire. À la phase aiguë, ceslésions sont profondes et blanchâtres au fond d’œil,d ’abord hypofluorescentes par ischémiechoroïdienne, puis hyperfluorescentes enangiographie par s ta in ing de l’épithéliumpigmentaire. Plus souvent, ces lésions sontdécouvertes au stade de séquelle sous la formedécrite par Elschnig ou Siegrist.

Les formes les plus sévères de la choroïdopathiehypertensive sont symptomatiques, la baisse de lavision étant liée à des décollements séreux rétiniensdu pôle postérieur, causés par une ischémiechoroïdienne étendue, bien mise en évidence parl’angiographie en fluorescence ou au vertd’indocyanine. Les décollements séreux rétinienssurvenant au cours de la toxémie gravidiquerelèvent des mêmes altérations. Lorsque l’HTA esttraitée, le décollement séreux rétinien se réapplique,l’acuité visuelle se normalise, les séquellesophtalmoscopiques sont discrètes, limitées àquelques mottes pigmentées, disséminées au pôlepostérieur et en moyenne périphérie.

‚ Neuropathie optique hypertensive

L’œdème papillaire est l’élément principal dustade IV de la classification du fond d’œil selonKeith-Wagener. Il est dû à une HTA sévère ou à uneélévation rapide et importante de la tensionartérielle. La papille est hyperhémique, les capillairesradiaires superficiels sont dilatés. L’œdème papillairepeut être entouré d’hémorragies en flammèches etd’exsudats ou associé à une étoile maculaire (fig 1).Au début, l’œdème papillaire n’entraîne pas ou peude modifications fonctionnelles en dehors d’unagrandissement de la tache aveugle. S’il persiste, lapapille devient atrophique, et l’acuité visuelle chute.L’œdème papillaire constitue toujours un signed’alerte, et il est associé à une mortalité de 40 à 50 %dans les 6 mois qui suivent son diagnostic enl’absence de traitement efficace. La diminution troprapide de la tension artérielle peut être responsablede véritables neuropathies optiques ischémiqueschez les sujets hypertendus présentant un œdèmepapillaire.

■Artériolosclérose

‚ Forme non compliquée

L’accentuation du reflet artériolaire au fond del’œil, dû à l’épaississement pariétal, est un signeclassique d’artériolosclérose ; normalement, la paroivasculaire est transparente, et seule la colonnesanguine est visible au fond d’œil. Les termes de

reflet « argenté » ou « cuivré » sont encore utiliséspour décrire ce phénomène. La diminution ducalibre des artères rétiniennes, objectivée au mieuxen angiographie, peut également être mise enévidence.

Autre signe classique, le signe du croisement,stade I de la classification selon Keith-Wagener, n’esten fait pas lié à l’HTA, mais à l’artériolosclérose.Cliniquement, la colonne sanguine veineuse estrétrécie en amont et en aval du croisement avec uneartère rétinienne.

‚ Complications

Les complications de l’artériolosclérose rétiniennesont les occlusions de branches veineusesrétiniennes et les macroanévrismes rétiniens.

Macroanévrisme artériel

Le macroanévrisme artériel est la dilatation d’uneartériole rétinienne, ce qui le distingue dumicroanévrisme, développé à partir des capillairesrétiniens.

Cliniquement, le macroanévrisme a une formesoit fusiforme, soit saculaire, il est développé à partird’une artériole rétinienne de gros calibre (avant latroisième bifurcation), son diamètre est de l’ordre de200 µ. Les macroanévrismes peuvent être multiplesdans le même fond d’œil, le plus souvent, lesmacroanévrismes symptomatiques sont développéssur les arcades temporales. Le macroanévrisme esttrois fois plus fréquent chez les femmes que chez leshommes et se développe après 60 ans, chez despatientes hypertendues.

¶ Signes cliniques et angiographieLa symptomatologie des macroanévrismes est

liée à deux types de complication.

L’hémorragie

Les macroanévrismes sont à l ’or igined’hémorragies sous-rétiniennes, intra- ouprérétiniennes ; ces dernières, rétrohyaloïdiennes ouintravitréennes, peuvent masquer la lésionresponsable. La présence d’une hémorragieintravitréenne chez une femme âgée, hypertendue,doit faire évoquer le diagnostic de macroanévrisme.

Les exsudatsLes macroanévrismes sont fréquemment

responsables d’une couronne d’exsudatspérilésionnels associée à un œdème rétinien et àune baisse de l’acuité visuelle. À l’examen du fondd’œil, les macroanévrismes ont rarement un aspecttypique de dilatation artérielle localisée fusiforme ousaculaire ; en effet, leur paroi est souvent hyalinisée,et ils apparaissent souvent comme une lésionblanchâtre située sur une bifurcation artérielle ou surun trajet artériel rétinien. Ils peuvent être entourésd’exsudats ou d’hémorragies.

En angiographie, le macroanévrisme esthyperfluorescent et laisse diffuser le colorant.

Il s’accompagne souvent de modificationscapillaires (télangiectasie) périlésionnelles et d’un

1 Neuropathie hypertensive : hypertension arté-rielle décompensée (24-14) chez un sujet jeune. Œilgauche. Œdème papillaire majeur associé à des ex-sudats dans la région maculaire.

Rôle du généralisteIl est inutile de demander un examendu fond d’œil chez un patienthypertendu correctement contrôlé.Une baisse d’acuité visuelle chez unpatient hypertendu fait évoquer unecomplication sévère (décollement derétine exsudatif, occlusion vasculaire).La présence d’un œdème papillairechez un patient hypertendu est unsigne de mauvais pronostic.

6-0230 - Pathologie vasculaire rétinienne

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œdème rétinien, voire d’un œdème maculairecystoïde. Une membrane épirétinienne prémaculairepeut également se développer.

¶ Évolution, pronostic

L ’évolut ion des macroanévr ismes estextrêmement variable. Après sa rupture, responsablede l’hémorragie, l’éventualité la plus fréquente estune hyalinisation du macroanévrisme, sans risquede récidive hémorragique. Certains cas d’hémorragierécidivante ont cependant été décrits.

Les macroanévrismes entourés d’une couronned’exsudats et d’un œdème rétinien chronique sonthabituellement de plus mauvais pronostic, surtoutlorsque la couronne d’exsudats menace la régionmaculaire. Cependant, là encore, des évolutionsspontanément favorables ont été rapportées.

L’occlusion artérielle à l’endroit du macroané-vrisme n’est ni exceptionnelle spontanément, niaprès un traitement par photocoagulation au laser.

¶ Traitement

En l’absence de manifestation clinique, enparticulier en l’absence d’œdème menaçant larégion maculaire, et d’hémorragie, il sembleraisonnable de ne pas proposer de thérapeutique. Ilen est de même pour les macroanévrismes« fantômes » après une hémorragie ouspontanément.

Le problème majeur est celui des macroané-vrismes entourés d’œdème menaçant la régionmaculaire. Le traitement direct par occlusion dumacroanévrisme peut être proposé, mais ilcomporte un risque non négligeable d’occlusionartérielle, et ne doit donc être envisagé que lorsqueque le macroanévrisme est situé en aval desartérioles à destination maculaire.

Le traitement indirect par photocoagulation aulaser autour du macroanévrisme semble comporterun risque moindre d’occlusion, il est donc proposépar la plupart des auteurs en présence d’unmacroanévrisme accompagné d’exsudats etd’œdème.

Comme nous l’avons déjà mentionné, il estinhabituel que les macroanévrismes saignentplusieurs fois. Il est donc raisonnable, après lapremière hémorragie, lorsque le diagnostic demacroanévrisme a été formellement posé, desurveiller simplement ces patients.

■Classification

(HTA et artériolosclérose)

La classification de Keith-Wagener est connue à lafois des ophtalmologistes et de l’ensemble despraticiens. Le défaut majeur de cette classification estla confusion entretenue entre les signes liés àl’artériolosclérose (signe du croisement, modificationde calibre) et les signes liés à l’HTA proprement dite.

Cette classification ignore les signes choroïdienset ne distingue pas les nodules cotonneux desexsudats profonds.

Les traitements antihypertenseurs modernes ontpermis de transformer le pronostic vital des patientsatteints de rétinopathie hypertensive des stadessévères. Cependant la reconnaissance de cesanomalies au fond d’œil impose un traitementurgent de l’HTA.

Les classifications de Hogan et Kirkendallreposent sur des connaissances physiopathogé-niques, distinguant bien les lésions liées àl’artériosclérse et l’HTA et à leurs complications.

■Occlusion artérielle rétinienne

La vascularisation rétinienne est assurée parl’artère ophtalmique, branche de l’artère carotideinterne, qui se divise en :

– une artère centrale de la rétine qui pénètredans l’œil à travers les gaines du nerf optique ;

– des artères ci l iaires qui irr iguent lachoriocapillaire et la rétine externe.

Les occlusions artérielles rétiniennes concernentles artérioles précapillaires, les branches de l’artèrecentrale, le tronc de l’artère centrale, voire l’artèreophtalmique elle-même.

Deux facteurs expliquent le mauvais pronosticdes occlusions artérielles rétiniennes :

– la rétine ne peut pas résister plus de 2 heures àl’anoxie ;

– la circulation rétinienne est terminale, il n’y adonc pas de suppléance possible.

Les étiologies des occlusions artérielles sontnombreuses et comprennent les obstructionscomplètes du flux sanguin par une embolie, lesrétrécissements de la lumière vasculaire parartériolosclérose, et les hypoperfusions liées à unehypotension artérielle ou à une hypertonie oculaire.

‚ Occlusions artériolairesLa traduction clinique de l’occlusion artériolaire

est le nodule cotonneux, habituellement sansretentissement visuel, mais bien visible au fondd’œil. Le nodule cotonneux (nodule dysorique,exsudat mou) se présente comme une boule decoton, à bord flou, de couleur blanchâtre, poséesuperficiellement sur la rétine.

Il est présent là où la rétine est épaisse, c’est-à-direau pôle postérieur, autour des vaisseaux temporauxet sur la rétine nasale. Le grand axe du nodulecotonneux est perpendiculaire à la direction desfibres optiques.

En angiographie, l’occlusion artériolaire estparfois visible, mais le territoire rétinien ischémiquesuperposable à la surface du nodule cotonneux esttoujours apparent. En angiographie, le nodulecotonneux est sombre, hypofluorescent, parfoisentouré de microanévrismes responsables d’unediffusion et d’une hyperfluorescence tardive.

Le mécanisme physiopathogénique de laformation d’un nodule cotonneux est bien connu :l’occlusion de l’artériole prépapillaire interromptl’apport énergétique nécessaire au transportaxoplasmique orthograde surtout, et rétrogradeaccessoirement. Le matériel axoplasmique,essentiellement d’origine mitochondriale,s’accumule donc à la limite entre le territoire perfuséet le territoire ischémique.

ÉtiologieDans plus de 95 % des cas, une étiologie

systémique est retrouvée ; elle conditionnel’évolution du nodule cotonneux. La possibilité d’un

Classification de la rétinopathie hypertensive selon Keith-Wagener

Stade I : les signes rétiniens sont très modérés. Il s’agit d’un rétrécissement artériel.Le retentissement de l’HTA est minime.Stade II : les signes d’artériolosclérose sont plus marqués, on constate la présence designes du croisement artérioveineux, d’une augmentation de la tortuosité des veineset d’un élargissement du reflet artériel. Le retentissement de l’HTA est plus marquéqu’au stade I.Stade III : les modifications du calibre artériel sont généralisées. Les artères sontrétrécies et surtout de calibre irrégulier. Les hémorragies rétiniennes et les exsudatssont présents. Le pronostic vital est menacé à court terme, comme au stade IV.Stade IV : aux signes du stade III, vient s’ajouter un œdème papillaire. Le pronosticvital est extrêmement mauvais en l’absence d’un traitement efficace.

Classification de Kirkendall

Elle est actuellement la plus simple ettient compte des modificationsangiographiques.

✔ Artériolosclérose rétinienneStade I : signe du croisementartérioveineux.Stade II : signe du croisementartérioveineux marqué etrétrécissement artériolaire localisé.Stade III : en plus des modificationsdu stade II, présence d’occlusionsveineuses et d’engainementsvasculaires.

✔ Rétinopathie hypertensiveStade I : rétrécissement artériel sévèreet disséminé.Stade II : en plus des modifications dustade I, présence d’hémorragiesrétiniennes et de nodules cotonneux.Stade III : en plus des modificationsdu stade II, présence d’un œdèmepapillaire.

Pathologie vasculaire rétinienne - 6-0230

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Page 54: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

traitement efficace de la pathologie systémiquedétermine l’évolution des nodules cotonneux.

Les étiologies les plus fréquentes des nodulescotonneux sont le diabète, l’HTA décompensée, puisle sida. Le tableau I énumère les étiologiesretrouvées à l’origine du nodule cotonneux.L’interrogatoire et le contexte clinique orienteront lediagnostic étiologique, car il n’est pas question derechercher toutes ces étiologies systématiquement.

‚ Occlusion de branche artérielle

Signes cliniques et évolution

Il s’agit souvent de sujets âgés se plaignant d’uneamputation brutale du champ visuel ou d’unediminution de l’acuité visuelle, indolore, parfoisprécédée d’épisodes analogues mais transitoires.

Au fond d’œil, on constate un œdème rétiniengrisâtre, périphérique par rapport au site del’occlusion. La présence d’un embole visible, le plussouvent temporal et situé à une bifurcationvasculaire, confirme le diagnostic (fig 2).

L’angiographie n’est pas indispensable, ellemontre une absence de remplissage de la brancheoccluse et une hypofluorescence de toute la surfacerétinienne concernée. Cette hypofluorescences’explique par l’absence de remplissage du litcapillaire et par le masquage de la fluorescencechoroïdienne par l’œdème rétinen nécrotique.

L’hyperfluorescence de la paroi artérielle auniveau de l’occlusion traduit la souffrance pariétale.

Après quelques semaines, malgré la persistancedu déficit campimétrique, l’acuité visuelle s’amélioresensiblement, la rétine redevient transparente. Ilpersiste souvent, à titre de séquelle, une diminutiondéfinitive du calibre artériel , parfois desengainements brillants périvasculaires, permettantde faire un diagnostic rétrospectif quand le patientn’a pas été vu au stade aigu.

Étiologie

Chez les sujets âgés, le bilan étiologique s’orientevers une pathologie carotidienne occlusive ou unepathologie liée à l’HTA ; chez les sujets plus jeunes,vers une atteinte cardiaque ou une autrevasculopathie.

Les emboles d’origine exogène, plus rares,comprennent le talc chez les héroïnomanes utilisantdes substances mal purifiées, les corticostéroïdesinjectés par erreur en intra-artériel, l’air, les morceauxde prothèses valvulaire ou vasculaire.

Traitement

En dehors du traitement étiologique, le traitementdes occlusions de branche est surtout indiqué dansles formes impliquant la fovea, diagnostiquéesprécocement.

Il est alors identique à celui des occlusions dutronc de l’artère centrale (cf infra).

‚ Occlusion du tronc de l’artère centralede la rétine (OACR)

Signes cliniques

L’effondrement brutal de l’acuité visuelle, sansphénomène douloureux, associé à une mydriaseunilatérale et à un œdème grisâtre de l’ensemble dela rétine, à l’exception de la classique tache rougecerise fovéolaire, signe l’OACR. Des épisodesd’amaurose fugace ont pu précéder l’occlusioncomplète. Une constriction artériolaire diffuse,souvent associée à une segmentation de la colonnesanguine, complète le tableau ophtalmoscopique.

L’angiographie en fluorescence montre uneperfusion papillaire et une perfusion choroïdienneconservées et un ralentissement considérable, voireune interruption complète, de la circulation dans lesartères rétiniennes.

¶ ÉvolutionL’évolution des OACR est le plus souvent très

défavorable, la récupération visuelle se limitant àune perception lumineuse, ou au mieux audécompte des doigts. L’acuité visuelle centrale peutêtre conservée lorsqu’une artère ciliorétinienneirriguant la région fovéolaire est présente.

En quelques semaines, la rétine redevienttransparente, la papille devient blanche atrophique,une diminution permanente du calibre vasculaireapparaît.

L’évolution vers une rubéose irienne et unglaucome néovasculaire était considérée commeexceptionnelle ; elle survient en fait dans 15 à 20 %des cas, et impose une surveillance de l’iris avanttoute dilatation pupillaire au cours des premiers moisqui suivent l’épisode occlusif.

Les étiologies sont les mêmes que celles desocclusions de branche ; l’artérite gigantocellulaire(maladie de Horton) doit être recherchéesystématiquement.

¶ TraitementL’OACR constitue une des rares vraies urgences

thérapeutiques en ophtalmologie. Le traitement doitêtre réalisé au mieux au cours des 2 premièresheures qui suivent l’OACR ; cela dit, il est légitime etindiqué si le patient est vu au cours des 24 premières

Tableau I. – Maladies associées à la présence de nodules cotonneux à l’examen du fond d’œil.

Traumatisme Infection

Embole de liquide amniotique Sida

Intoxication au monoxyde de carbone Rétinite de Leber

Chirurgie cardiaque Pneumonie

Ligature carotidienne Rhumatisme articulaire aigu

Embolie graisseuse Endocardite bactérienne subaiguë

Rétinopathie de Purtscher Typhus

Rétinopathie des radiations Tumeurs

Malformations congénitales Myxome de l’oreillette

Boucles artérielles prépapillaires Maladie de Hodgkin

Drusen de la papille Leucémie

Hématologie Myélome multiple

Anémie Phéochromocytome

Dysprotéinémie Cachexie carcinomateuse

Leucopénie Endocrinologie

Thrombocytopénie Rétinopathie diabétique

Maladie de système Gastroentérologie

Maladie de Behçet Pancréatite aiguë

Dermatomyosite Anémie cirrhotique

Polyarthrite rhumatoïde Ulcère gastrique

Sclérodermie Maladies vasculaires

Lupus érythémateux aigu disséminé NOIAA*

Périartérite noueuse Occlusion carotidienne

Maladie de Horton Hypotension

Idiopathiques et autres Hypovolémie

Amylose primitive HTA maligne

Toxémie gravidique

Athéromatose

Artériolosclérose

Syndrome de la crosse de l’aorte

* NOIAA : neuropathie optique ischémique antérieure aiguë.

2 Occlusion de branche artérielle. Œil gauche. Oc-clusion d’une branche temporale inférieure respon-sable d’un œdème blanc ischémique dans le territoireconcerné.

6-0230 - Pathologie vasculaire rétinienne

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heures, même si les espoirs de récupération sontplus minces après les premières heures.

Le but du traitement est de rétablir la circulationsanguine. La diminution de la pression oculaire estfacile à obtenir rapidement et contribue à ce but. Lesmassages doux du globe, associés à une injectiond’acétazolamide en intraveineuse et à une ponctionde chambre antérieure, sont donc indiqués.

Pour augmenter le débit circulatoire, d’autresméthodes ont été proposées et peuvent être utiles :

– la mise en position de Trendelenburg ;– l’injection rétrobulbaire de procaïne ou de

vasodilatateurs ;– l’inhalation de carbogène (mélange de 95 %

d’oxygène et de 5 % de dioxyde de carbone)pendant 5 à 10 minutes ;

– la perfusion d’urokinase par un microcathétermis en place dans le segment proximal de l’artèreophtalmique dans les premières heures suivantl’OACR, qui peut permettre un retour à unecirculation normale. Néanmoins, les contre-indications de ce traitement sont nombreuses(pathologie systémique sévère, infarctus dumyocarde récent, fibrillation auriculaire, anévrismecardiaque, patients sous anticoagulants).

■Occlusion veineuse rétinienne

‚ Occlusion de la veine centralede la rétine (OVCR)

L’OVCR est une pathologie fréquente du sujet âgéartérioloscléreux. L’aspect ophtalmoscopique estdominé par les signes liés à la gêne lors du retourveineux dans les veines rétiniennes se rendant à lapapille (dilatation veineuse, œdème papillaire,hémorragies rétiniennes) ; le pronostic fonctionneldépend de l’importance de la capillaropathieassociée (œdémateuse ou ischémique).

Signes cliniques

Le principal signe fonctionnel est l’apparitiond’une vision trouble, la baisse d’acuité visuelle étantplus ou moins importante. Les métamorphopsies etles myodésopsies sont également des symptômesrévélateurs. Parfois, l’OVCR est découverte àl’occasion d’un examen systématique. L’hypermé-tropie serait fréquente ; il n’y a pas de modificationdes réflexes pupillaires, l’acuité visuelle est compriseentre une perception lumineuse et une acuitévisuelle normale. L’acuité visuelle est corrélée à laqualité de perfusion du lit capillaire.

¶ OphtalmoscopieLes signes cardinaux de l’OVCR sont les suivants :

œdème papillaire, hémorragies disséminées surtoute la surface rétinienne, les nodules cotonneux etla dilatation veineuse.

Angiographie en fluorescence

Elle met en évidence le retard de remplissageveineux, l’imprégnation pariétale des veines, ladiffusion du colorant et l’altération du lit capillairerétinien.

Les formes ischémiques sont moins fréquentesque les formes œdémateuses (19 à 28 % del’ensemble selon les auteurs), et surtout latransformation des formes œdémateuses vers lesformes ischémiques est moins fréquente chez lessujets jeunes que chez les sujets âgés.

Autres examens complémentairesophtalmologiques

Le relevé du champ visuel peut mettre enévidence un agrandissement de la tache aveugle.Les déficits périphériques importants sont en faveurd’une forme ischémique.

L’électrorétinogramme a également été proposépour reconnaître les formes ischémiques.

Bilan étiologique

Plus qu’un véritable bilan étiologique, il s’agitd’une recherche des facteurs associés à la survenued’une OVCR. Ce bilan sera plus exhaustif si l’OVCRsurvient chez le sujet jeune et/ou dépourvu d’autresconditions classiques favorisant l’artériolosclérose,s’il s’agit d’une forme sévère ou d’une atteintebilatérale.

¶ Facteurs systémiques■ HTA : elle est présente dans 32 à 60 % des

OVCR, dans 23 à 42 % s’il s’agit d’adultes jeunes.■ Diabète : il est retrouvé dans 15 à 34 % des

OVCR, dans 3 à 9 % chez les sujets de moins de 50ans ; ces chiffres sont supérieurs à ceux de lapopulation témoin (9,1 ‰) dans cette tranche d’âge.

■ Hyperlipidémie : elle est retrouvée dans 32 à60 % des OVCR.

■ Hypercoagulabilité, hyperviscosité : il s’agit demultiples facteurs environnementaux (tabagisme) oupathologiques qui sont retrouvés de façon nonexceptionnelle chez les patients souffrant d’OVCR :anomalie plaquettaire, diminution du tauxd’antithrombine III, cryofibrinogénie, anomalie de labêta-thromboglobuline, déficit en protéine C,dyscrasie sanguine (anémie, polycythémie,myélomes multiples, paraprotéinémie), anticoa-gulant lupique, anomalie du facteur coagulantplaquettaire. Les syndromes d’hyperviscosité doiventêtre particulièrement recherchés en présenced’OVCR bilatérale de type œdémateux. La présenced’une tortuosité vasculaire accrue constitue un signenon spécifique mais évocateur.

■ Autres pathologies systémiques : migraine,prolapsus de la valve mitrale, sida.

■ Pathologie carotidienne : le problème est pluscomplexe, car l’insuffisance carotidienne constitue lediagnostic différentiel majeur de l’OVCR, larétinopathie par stase veineuse, caractérisée par uneischémie, des hémorragies et des microanévrismesen moyenne périphérie rétinienne étantophtalmoscopiquement proche du tableau d’OVCR.Néanmoins, d’authentiques OVCR de typeischémique ont été décrites chez des sujetsprésentant des lésions d’athérosclérose carotidienne.

■ OVCR et médicaments contraceptifs oraux : enl’absence de trouble de la coagulation associé, iln’est pas demontré qu’ils constituent isolément unfacteur de risque de survenue d’OVCR.

¶ Pathologie oculaire associée■ Le glaucome est le seul facteur de risque

démontré. Il doit être recherché systématiquement etéventuellement traité.

■ Pathologie du nerf optique : toutes lespathologies susceptibles de comprimer le nerfoptique dans son trajet intraorbitaire peuvent êtreresponsables d’OVCR (pathologies tumorales ouinfectieuses, maladie de Basedow), de même que lesaffections de la tête du nerf optique (drusen, œdèmepapillaire).

■ Occlusion d’une artère ciliorétinienne associée :l’association occlusion d’une artère ciliorétinienne etOVCR est classique. Il s’agit le plus souvent de sujetsjeunes. Le pronostic de l’OVCR est habituellementfavorable, les formes ischémiques sont rares. Il estvraisemblable que l’occlusion artérielle soitsecondaire à l’œdème papillaire, lui-même dû àl’OVCR.

■ Autres pathologies oculaires : les malforma-tions rétiniennes artérioveineuses, la syphilis,l’épithéliopathie en plaques, la tuberculose et lescontusions oculaires ont également été rapportéescomme causes d’occlusion veineuse.

Évolution des OVCR

L’évolution des OVCR dépend du type decapillaropathie.

Les formes œdémateuses les plus fréquentes ontune évolution habituellement favorable, la guérisonsurvenant en 3 à 6 mois. L’altération durable del’acuité visuelle peut être due soit à une aggravationde la capillaropathie, passage d’une OVCR de typeœdémateux à une forme ischémique (20 à 25 % descas, d’autant plus fréquente qu’il s’agit d’un sujet âgéet que des facteurs de risques vasculaires sontprésents), soit à la persistance d’un œdèmemaculaire cystoïde.

Les formes ischémiques d’emblée ou secondai-rement sont de pronostic beaucoup plus sévère.L’acuité visuelle est d’emblée effondrée,habituellement inférieure à 1/20. Si l’acuité visuelleest supérieure à ce chiffre, il s’agit éventuellementd’une forme dite « mixte » associant des territoiresd’ischémie à une capillaropathie principalementœdémateuse.

Le développement d’une rubéose irienne, d’abordapparente sur le pourtour pupillaire, puissecondairement dans l’angle iridocornéen et surtoute la surface de l’iris, est la complication la plusredoutable des OVCR de type ischémique.

Le dépistage précoce de la rubéose irienne reposesur l’examen de l’iris avant toute dilatation pupillaire,à intervalles d’autant plus rapprochés que le degréd’ischémie rétinienne est important. L’angiographieen fluorescence de l’iris peut contribuer à dépisterprécocement les rubéoses débutantes. Le glaucomenéovasculaire peut survenir très rapidement, enquelques jours ou quelques semaines, après uneOVCR très ischémique, parfois au 3e mois (glaucomedu 100e jour), parfois plus tardivement. Le glaucomenéovasculaire constitué est à l’origine de douleursoculaires importantes liées à l’hypertonie. Lanéovascularisation prérétinienne ou prépapillaire estretrouvée dans 25 % des cas d’OVCR ischémique ou

Pathologie vasculaire rétinienne - 6-0230

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Page 56: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

intermédiaire (mixte) ; elle peut se compliquerd’hémorragie intravitréenne et être associée à unerubéose irienne.

Traitement

Le but du traitement d’une OVCR œdémateuseest de faciliter le retour d’une circulation veineuserétinienne normale, d’éviter le passage à une formeplus sévère mixte ou ischémique, et de prévenir oude traiter les complications maculaires, en particulierl’œdème maculaire cystoïde.

Le but du traitement d’une OVCR mixte ouischémique est de prévenir ou de traiter lescomplications néovasculaires, et en premier lieu larubéose irienne et le glaucome néovasculaire. Lesformes véritablement ischémiques ont en effet peuou pas d’espoir de récupération fonctionnelle (fig 3).

¶ Traitements médicaux■ Les corticostéroïdes et les anticoagulants ont

été proposés, mais leur intérêt n’est pas démontré.■ Les thrombolytiques ont été utilisés dans le but

de dissoudre le caillot et donc de faire régresserl’occlusion. L’urokinase en perfusion dans l’artèreophtalmique sous contrôle radiologique a permisdes améliorations de la circulation rétinienne.

■ L’hémodilution : le principe de l’hémodilutionet des échanges plasmatiques est de diminuer laviscosité sanguine et donc d’améliorer la circulationrétinienne. L’hémodilution permet d’obtenir unhématocrite compris entre 30 et 35 % (pas inférieurà 35 % chez les sujets de plus de 70 ans). Les limitesdu traitement par hémodilution sont la durée dutraitement et l’astreinte liée à celui-ci.

■ La troxérutine (Veinamitolt) serait efficace surles occlusions veineuses récentes.

■ Les antiagrégeants plaquettaires : l’aspirine etla persantine ont été proposées, mais elles n’ont pasfait la démonstration de leur efficacité dans letraitement des OVCR.

¶ Photocoagulation■ La photocoagulation panrétinienne (PPR) vise à

détruire les territoires ischémiques et à prévenir lesnéovascularisations prérétinienne et prépapillairedans le cas particulier des OVCR ischémiques oumixtes.

■ La photocoagulation en grid : le but de cetraitement est de faire régresser l’œdème maculaireet d’améliorer l’acuité visuelle centrale. Il consiste àappliquer de petits impacts (100 µm) non confluentssur les logettes d’œdème maculaire cystoïde enrespectant la zone avasculaire centrale.

¶ Indications

Formes œdémateuses

Elles peuvent bénéficier soit d’une surveillancesimple, soit d’un traitement médical, les moinsagressifs étant la troxérutine ou les antiagrégeantsplaquettaires ; l’hémodilution est plus astreignante,et les thrombolytiques nécessitent un environ-nement et une survei l lance plus lourds(neuroradiologie interventionnelle). La photocoagu-lation en grid peut être proposée en présence d’unœdème maculaire persistant responsable d’unediminution de l’acuité visuelle.

Dans tous les cas, une surveillance clinique etangiographique tous les mois, au début, permettrade déceler précocement les passages à unecapillaropathie plus sévère.

Formes ischémiques

En dehors du traitement médical, une PPR doitêtre pratiquée d’emblée, en plusieurs séances (3 à5 000 impacts au total) lorsque l’ischémie est trèsétendue sans attendre l’apparition de la rubéoseirienne. Le patient est prévenu que le but dutraitement n’est pas de rétablir la vision mais d’éviterle glaucome néovasculaire.

Les formes comportant des terr i toiresischémiques moyennement étendus serontsurveillées à intervalles rapprochés, tous les mois,surtout au début de leur évolution ; une PPR seraréalisée si une rubéose irienne débutante ou desnéovaisseaux prérétiniens se développent.

Glaucome néovasculaire

L’hospitalisation est nécessaire. Le traitementlocal comprend l’atropine, les corticoïdes locaux etles collyres bêtabloquants ; le traitement général(acétazolamide) y est associé.

Si les milieux sont suffisamment transparents, unePPR en urgence (600 à 800 impacts par jour) estréalisée. Sinon, une cryoapplication peut êtreproposée.

Si une hypertonie persiste malgré la destructionadéquate des territoires ischémiques, uneintervention fistulisante (trabéculectomie, valve) peutêtre indiquée.

Les injections rétrobulbaires de novocaïne etd’alcool à 60°, voire l ’énucléation, sontmalheureusement parfois nécessaires en présencede douleurs intenses dues à des formes vuestardivement.

‚ Occlusion de branche veineuse (OBV)

Les modifications ophtalmoscopiques des OBVsont identiques à celles des OVCR, mais limitées auterritoire drainé par la veine occluse.

L’occlusion est située à un croisementartérioveineux ; le territoire concerné par l’occlusiona une forme triangulaire, dont le sommet postérieurest représenté par le croisement artérioveineux. Plusle croisement responsable de l’OBV est proche de lapapille, plus le territoire concerné sera important. Leretentissement visuel de l’OBV dépend de satopographie et de son étendue.

Les occlusions de veinules maculaires qui peuventne concerner qu’un peti t terr i toire sonthabituellement peu symptomatiques.

Physiopathogénie

L’artère et la veine partagent une gaineadventicielle commune à l’endroit du croisement.Pratiquement toutes les OBV sont liées à un signe ducroisement.

Les pathologies associées à la survenue d’uneOBV sont les mêmes que celles associées à lasurvenue d’une OVCR, principalement l’artériolos-clérose, l’HTA et le diabète. Les OBV sontparticulièrement fréquentes chez les sujets âgés deplus de 60 ans.

Aspects cliniques

La baisse de vision peut être modérée ou sévèreselon l’importance et le type d’atteinte maculaire. Lesmauvaises visions sont dues au stade aigu des OBV,aux hémorragies, à l’ischémie et à l’œdèmemaculaire. Plus tardivement, les hémorragies dans levitré et l’œdème maculaire cystoïde sontresponsables de diminution de l’acuité visuelle ;néanmoins, même en l’absence de traitement, plusde la moitié des OBV récupèrent une acuité visuellesupérieure à 5/10 à la fin de l’évolution.

¶ Ophtalmoscopie (fig 4)Nous avons mentionné plus haut que les signes

ophtalmoscopiques des OBV étaient les mêmes queceux des OVCR : hémorragies rétiniennes, nodulescotonneux, dilatation veineuse et œdème rétinien.L’œdème papillaire est rare.

¶ Angiographie en fluorescenceElle contribue à apprécier l’importance de la

capillaropathie, œdémateuse ou mixte (ischémique).L’importance des hémorragies profondes en flaquepeut rendre l’interprétation de l’angiographie difficile.

OVCRBilan étiologique (facteurs de risque)Angiographie en fluorescence

Forme œdémateuse

Guérison

Régression AEP Indication à une photocoagulation en grid

Forme mixte

NPPNPR

PPR

HIV

PPR

OMC

Forme ischémique

NPP

NPRGNV

Rubéose

3 Surveillance et indication thérapeutique en présence d’une occlusion de la veine centrale de la rétine(OVCR). 1. OMC : œdème maculaire cystoïde ; 2. AEP : altération de l’épithelium pigmentaire ; 3. NPP :néovascularisation prépapillaire ; 4. NPR : néovascularisation prérétinienne ; 5. PPR : photocoagulationpanrétinienne ; 6. HIV : hémorragie intravitréenne ; 7. GNV : glaucome néovasculaire.

6-0230 - Pathologie vasculaire rétinienne

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Page 57: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

L’œdème maculaire cystoïde est habituellementsectoriel, correspondant au territoire occlus, maisune logette centrale peut être présente. Sapersistance prolongée est la principale cause debaisse de l’acuité visuelle.

Les néovaisseaux prérétiniens sont fréquents, ilsse développent dans les mois qui suivent l’OBVischémique, à la limite postérieure des territoires nonperfusés, dans la zone intermédiaire entre rétineischémique et rétine perfusée. Ils se compliquentfréquemment d’hémorragie intravitréenne ; l’OBVest un des diagnostics à évoquer en priorité chez unsujet âgé présentant une hémorragie intravitréenneinexpliquée.

Traitement des OBV

En dehors du traitement des facteurs de risque etd’un traitement médical (cf paragraphe « Occlusionde la veine centrale de la rétine »), plusieurs étudesrandomisées ont démontré l’efficacité de laphotocoagulation au laser.

¶ Photocoagulation sectorielleElle est indiquée en présence d’OBV ischémique

étendue à titre préventif, avant l’apparition denéovaisseaux, ou à titre curatif en présence deceux-ci.

¶ Photocoagulation en gridLa photocoagulation en grid de l’œdème

maculaire est indiquée en présence d’une OBVdatant de 3 mois au moins, lorsqu’une diminutionde l’acuité visuelle à 5/10 ou moins est due à unœdème maculaire cystoïde.

■Pathologie carotidienne

Les signes oculaires liés à la pathologiecarotidienne sont de deux types : amaurosestransitoires et signes ischémiques rétiniens ou dusegment antérieur.

Les premiers sont très symptomatiques et donc, leplus souvent, facilement rattachés à leur étiologie.

En revanche, les syndromes d’ischémie chroniquesont découverts soit à l’occasion d’un examensystématique, soit en présence de complicationsoculaires sévères, glaucome néovasculaire enparticulier.

‚ Accident oculaire aigu transitoire

Encore appelé « cécité monoculaire transitoire ouamaurose fugace », il s’agit d’une perte absolue,rapide et transitoire de la vision, de début brutal,durant 2 à 10 minutes et régressant en 5 minutes à 2heures. L’accident est complet ou partiel selon le sitede l’occlusion artérielle. Il peut se limiter à un déficitdu champ visuel « altitudinal » ou sectoriel en casd’occlusion artérielle de branche.

L’examen du fond d’œil au moment de l’accident,après dilatation pupillaire, est le plus souventnormal ; parfois, il révèle un tableau d’occlusionartérielle complet, ou encore la présence d’embolesde cholestérol, plus rarement plaquettaires.

Les mécanismes en cause sont de deux ordres :d’une part thromboembolique, les microembolesproviennent de lésions ulcérées et thrombosées dela bifurcation carotidienne, de la carotide interne etexceptionnellement de la carotide externe (par lebiais d’artères collatérales), d’autre part hypoxiquepar réduction ou interruption transitoire du fluxsanguin oculaire en cas d’occlusion sévère desbranches de l’aorte.

‚ Accidents oculaires aigus permanents

Les occlusions artérielles rétiniennes secondairesà un embole carotidien homolatéral peuventégalement être irréversibles et réaliser un tableautypique d’occlusion de l’artère centrale de la rétineou de ses branches (cf paragraphe « Occlusionartérielle rétinienne »), ou plus rarement deneuropathie optique ischémique antérieure aiguë.

Les emboles peuvent également être découvertslors d’un examen systématique. On décrit ainsi lesemboles de cholestérol, les emboles plaquettaires etles emboles d’origine extracrânienne.

‚ Accidents oculaires chroniques

Rétinopathie dysorique

La rétinopathie dysorique est le plus souventdécouverte à l’occasion d’un examen systématique.Les nodules dysoriques ou cotonneux, plus oumoins nombreux, sont le témoin d’une ischémielocalisée de la couche des fibres optiques.

La rétinopathie ischémique chronique ou« rétinopathie par stase veineuse », due à unehypoperfusion chronique de la rétine, est le plussouvent symptomatique, d’autant qu’elle peutaggraver une rétinopathie d’autre origine parfoisassociée (rétinopathie hypertensive, diabétique,occlusion veineuse).

Les symptômes réunissent une baisse d’acuitévisuelle progressive survenant le plus souventgraduellement, parfois brutalement en cas decomplication aiguë (embolie, hypertonie oculaireaiguë), et une douleur orbitaire liée à l’ischémieantérieure du globe (rubéose irienne associée avecou sans hypertonie oculaire).

L’examen du fond d’œil met en évidence desartères rétiniennes étroites, des veines dilatées decalibre irrégulier mais non tortueuses associées à deshémorragies intrarétiniennes, ponctuées enmoyenne périphérie le plus souvent (parfois dans larégion maculaire), ainsi que des microanévrismes.

Une néovascularisation du segment postérieurexiste dans un tiers des cas ; les néovaisseauxprépapillaires, en dehors d’une rétinopathiediabétique ou d’une occlusion veineuse, sont trèsévocateurs d’une sténose carotidienne sévère.

Syndrome d’ischémie antérieure

Les signes cliniques réunissent une congestionépisclérale et un œdème cornéen. Un tableaud’uvéite antérieure se voit dans 18 % des cas et doitfaire évoquer le diagnostic chez les sujets de plus de55 ans : Tyndall de la chambre antérieure, précipitéscornéens sans réaction vitréenne, mais avec atteintedu segment postérieur souvent associée.

Une rubéose irienne existe le plus souvent ; lesnéovaisseaux siègent au bord pupillaire et/ou auniveau de l’angle.

Enfin le glaucome néovasculaire par fermeture del’angle peut s’associer à un tonus oculaire normal oubas (par diminution de la production d’humeuraqueuse en rapport avec la diminution de lapression de la perfusion ciliaire).

Il s’agit d’un glaucome néovasculaire secondairede type obstructif dû à la prolifération denéovaisseaux et d’un tissu fibreux sur l’iris et dansl’angle. Ce feutrage fibrovasculaire de l’angle induitdes goniosynéchies et une élévation de la pressionintraoculaire.

Le tableau clinique est brutal, avec effondrementde l’acuité visuelle, Tyndall de chambre antérieure ettonus oculaire le plus souvent élevé. Le fond d’œil nemontre pas de signe d’occlusion veineuse ouartérielle, mais un œdème chronique rétinien avecnéovascularisation et ralentissement circulatoire enangiographie (lui-même secondaire au ralentis-sement circulatoire dans le territoire de l’artèreophtalmique).

Ces manifestations sont secondaires à uneobstruction chronique de la carotide ou de l’artèreophtalmique (une obstruction carotidienne de 90 %diminue la pression de perfusion de l’artère centralede la rétine de 50 % au moins).

‚ Bilan étiologique

Échodoppler des vaisseaux du cou

Il s’agit d’un examen très performant (sensibilitéde 92 % et spécificité de 97 % en cas de sténosesupérieure à 25 %), non dangereux, précis etdépendant de l’examinateur.

Le doppler continu ou pulsé apprécie la vitesse duflux sanguin dans l’artère carotide, l’artère cérébralemoyenne et l’artère ophtalmique. Un écoulementsanguin diminué suggère une occlusion de l’artèrecarotide. Combiné à l’ultrasonographie, il réalise laméthode la plus précise pour indentifier une atteintecarotidienne.

L’échotomographie apprécie le type d’atteinteartérielle et son potentiel emboligène (calcification,plaque ulcérée, thrombus frais). Cet examendiagnostique la grande majorité des occlusions,toutes les sténoses supérieures à 50 %, certainessténoses inférieures à 50 % parfois non perçues enartériographie. Il permet de mettre en évidence uneatteinte carotidienne dans 56 % des cécitésmonoculaires transitoires (non expliquées).

4 Occlusion de branche veineuse temporale infé-rieure. Œil droit. Les hémorragies superficielles enflammèches dans le territoire concerné par l’occlu-sion sont associées à une dilatation veineuse.

Pathologie vasculaire rétinienne - 6-0230

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Page 58: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Artériographie

Elle n’est envisagée que si une indicationchirurgicale est posée ; elle est alors systématique.

Il s’agit soit d’une artériographie conventionnelledes quatre axes (méthode la plus précise mais demorbidité non négligeable), soit d’une artériographienumérisée (digital intravenous arteriography, Diva),moins dangereuse mais moins fiable (ne visualisantpas les vaisseaux intracrâniens).

Bilan de l’état général

Ce bilan présente un intérêt majeur : dépister lesfacteurs de risque vasculaires et poser les indicationsthérapeutiques.

Il comprend donc la recherche d’une HTA, detroubles métaboliques (diabète, hypercholestéro-lémie, hypertriglycéridémie), d’une intoxicationtabagique, d’une maladie cardiovasculaire (examenclinique, électrocardiogramme, radiographie dethorax), d’un accident vasculaire cérébral préalable(tomodensitométrie cérébrale révélant parfois deslésions neurologiques asymptomatiques ou desaccidents vasculaires cérébraux hémorragiques) etd’un syndrome inflammatoire.

‚ Problèmes thérapeutiques

Histoire naturelle des accidents oculaires

Le risque d’accident vasculaire cérébral constituéest bien inférieur (2 à 3 %) à celui existant après unaccident ischémique transitoire cérébral, qui est de8 % par an.

Quoi qu’il en soit, les patients présentant unaccident ischémique transitoire oculaire ou cérébralont aussi un risque myocardique (6 % par and’infarctus du myocarde) et un taux de décès

équivalent (18 % à 5 ans). En effet, la causeprincipale des décès est l’infarctus du myocarde etnon l’accident vasculaire cérébral. Aussi,l’endartériectomie n’a d’intérêt que pour prévenirl’accident vasculaire cérébral constitué maisn’améliore pas le pronostic vital.

Indications thérapeutiques

¶ Traitement chirurgicalIl s’agit le plus souvent d’une endartériectomie

(95 %), parfois d’une greffe veineuse ou d’une plastiecarotidienne (greffe prothétique). Celle-ci esteffectuée, en l’absence de risque de haute morbiditépériopératoire, par une équipe entraînée.

En cas de symptomatologie purement oculaire,les indications de la chirurgie sont larges, car le tauxde décès et d’accidents vasculaires cérébraux péri-ou postopératoires est bien moindre qu’en cas demanifestations neurologiques initiales.

¶ Traitement par aspirineL’aspirine diminue le risque d’accident vasculaire

cérébral de 25 % et la mortalité cardiaque de 25 %en cas d’accident ischémique transitoire.

Elle est systématiquement prescrite enpostopératoire (0,2 à 0,5 g/j).

Parmi les autres antiagrégeants plaquettaires, laticlopidine a une efficacité légèrement supérieure àl’aspirine mais une moins bonne tolérance(neutropénie).

¶ Traitement par anticoagulants orauxLes anticoagulants comportent un risque

hémorragique de 2 à 9 % par an malgré une bonneéquilibration du traitement (saignement intracrânienle plus souvent).

Il est indiqué après un accident ischémiquetransitoire oculaire (et un scanner cérébral éliminantune hémorragie cérébrale) seulement chez des sujetsnon chirurgicaux, avec accident ischémiquetransitoire non contrôlé par l’aspirine, en respectantles contre-indications et pour une durée toujoursinférieure à 6 mois.

¶ Traitement des manifestationsoculaires chroniques

Il s’agit de la photocoagulation panrétinienneisolée ou associée au traitement étiologique.

Elle est indiquée en cas de rétinopathieischémique chronique à l’origine d’une rubéoseirienne, d’une hypertonie oculaire (glaucomenéovasculaire), de néovaisseaux prérétiniens ouprépapillaires, et/ou d’une ischémie rétiniennepériphérique sans néovaisseaux.

Ce traitement a pour but de faire régresser lesnéovaisseaux papillaires et iriens ou de les prévenir.

■Conclusion

La découverte d’une lésion carotidienne estquatre à cinq fois plus souvent réalisée à l’occasionde manifestations neurologiques qu’oculaires. Enréalité, les accidents oculaires chroniques, etnotamment le syndrome d’ischémie oculaire(associé à une sténose carotidienne d’au moins80 %), restent une affection méconnue et rarementdiagnostiquée en raison de l’intrication possible deplusieurs autres pathologies (occlusion de la veinecentrale de la rétine, diabète, HTA).

Gilles Chaine : Praticien hospitalier,service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Chaine. Pathologie vasculaire rétinienne.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0230, 1998, 8 p

R é f é r e n c e s

[1] Flament J, Storck D et al. Œil et pathologie générale. Rapport annuel de laSociété française d’ophtalmologie. Paris : Masson, 1997 : 1-822

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Rétinopathie diabétique

P Massin

L a rétinopathie diabétique reste une cause majeure de malvoyance et de cécité en France, et c’est la premièrecause de cécité avant l’âge de 50 ans. Sa prévalence augmente avec la durée du diabète et le niveau de

l’hyperglycémie chronique.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La rétinopathie diabétique (RD) est unemanifestation de la microangiopathie diabétique.Elle est due à deux processus pathologiques quiévoluent de façon concomitante : l’hyperperméa-bilité de la paroi des capillaires rétiniens, cause del’œdème rétinien, et l’occlusion des capillairesrétiniens, responsable de l’ischémie rétinienne.

La baisse visuelle est tardive, causée par lescomplications de la RD.

Un examen ophtalmologique précoce dès ladécouverte du diabète, puis une surveillanceophtalmologique régulière tout au long de la vie dudiabétique doivent permettre d’éviter l’évolution versdes complications graves de la RD.

Le traitement par laser, dont les indications sontmaintenant bien codifiées, permet d’empêcher lescomplications de la RD proliférante et de stabiliser labaisse visuelle liée à l’œdème maculaire.

■Physiopathogénie

La lésion initiale de la RD est l’épaississement dela membrane basale des capillaires rétiniens, dûà une glycosylation du collagène et à uneaccumulation de sorbitol intracellulaire. Il s’y associeune diminution du nombre des péricytes (cellules desoutien des capillaires rétiniens) et une diminutiondu nombre des cellules endothéliales. Il en résulteune dilatation capillaire, la formation demicroanévrismes et une occlusion des capillairesrétiniens.

La paroi des capillaires rétiniens constitue une« barrière hématorétinienne » qui régule les échangesmétaboliques entre le sang et la rétine et maintientcelle-ci déshydratée et transparente. Les altérationsdes composants de la paroi capillaire aboutissent àla rupture de cette barrière et à l’œdème rétinien.

Les phénomènes occlusifs et œdémateuxévoluent de façon concomitante, les phénomènes

occlusifs affectant surtout la rétine périphérique et lesphénomènes œdémateux prédominant dans larégion centrale de la rétine, la macula.

L’occlusion étendue des capillaires rétiniens, puisdes artérioles rétiniennes crée une ischémierétinienne. Lorsque celle-ci est étendue, uneprolifération réactionnelle de néovaisseaux seproduit à la surface de la rétine, puis dans le vitré.C’est la RD proliférante. Le stimulus exact de lanéovascularisation n’est pas connu, mais l’ischémierétinienne semble le fait important, à l’origine de laproduction de facteurs de croissance, stimulateurs dela néovascularisation.

Au niveau de la macula, ce sont en général lesphénomènes œdémateux qui prédominent.L’accumulation de liquide dans le compartimentextracellulaire de la rétine habituellement virtuelaboutit à la constitution d’un œdème maculaire noncystoïde, puis lorsqu’il est plus important, d’unœdème maculaire cystoïde. Les exsudats sontsecondaires à une diffusion de constituantsplasmatiques tels que les lipoprotéines à travers laparoi des microanévrismes et des segmentscapillaires dilatés, et à leur précipitation dansl’épaisseur de la rétine.

■Histoire naturelle

de la rétinopathie diabétique

La RD débute par un stade de RD nonproliférante, et évolue vers la RD non proliférantesévère (ou préproliférante) caractérisée par uneischémie rétinienne étendue, puis vers la RDproliférante caractérisée par la prolifération denéovaisseaux à la surface de la rétine et/ou sur lapapille. Des complications peuvent alors survenir :hémorragie intravitréenne par saignement desnéovaisseaux, décollement de la rétine dû à unecontraction du tissu fibreux de soutien desnéovaisseaux. À un stade ultime de la RDproliférante, lorsque l’ischémie rétinienne est trèsétendue, une prolifération de néovaisseaux sur l’iris(rubéose irienne) et dans l’angle iridocornéen peut seproduire et conduire à un glaucome néovasculaire.

L’atteinte de la macula peut être également àl’origine de complications (ischémie maculaire,placard exsudatif fovéolaire, œdème maculairecystoïde chronique) ; elle est associée aux formes deRD non proliférantes ou proliférantes.

■Diagnostic

‚ Conduite de l’examen

La RD peut être révélée par une baisse visuelle.Celle-ci est en général tardive et ne survient qu’aprèsune longue période d’évolution silencieuse de la RDet est causée par ses complications. La RD doit êtredécouverte lors de l’examen ophtalmologiquesystématique réalisé lors de la découverte du diabèteou lors de la surveillance ophtalmologique annuellede tout diabétique.

Tout patient diabétique doit subir un examenophtalmologique complet au moins annuel,comprenant la mesure de l’acuité visuelle, la mesurede la pression intraoculaire pour dépister unéventuel glaucome, l’examen du vitré et du fondd’œil après dilatation pupillaire (collyre à 1 % detropicamide [Mydriaticumt] et/ou collyre à 1 % de

Dépistage de la RD✔ Examen du fond d’œil systématiqueà la découverte du diabète. La RDne survient en général pas avant7 ans d’évolution du diabète chez lesdiabétiques de type 1, mais après20 ans d’évolution, 90 à 95 % desdiabétiques ont une RD. Enrevanche, 20 % des diabétiques detype 2 en ont une lors de ladécouverte de leur diabète.✔ Fond d’œil annuel, ou plusfréquent s’il existe une RD sévère.✔ Angiographie dès les premierssignes de RD.

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cyclopentolate [Skiacolt] et collyre phényléphrine[Néosynéphrinet] 2,5 à 10 % sans dépasser deuxinstillations). L’examen du fond d’œil se fait à lalampe à fente, à l’aide d’une lentille d’examen avecou sans contact cornéen. Il doit être complet etcomprendre l’analyse soigneuse de la régionmaculaire, de la papille et de la rétine périphérique. Ilpermet de diagnostiquer l’existence d’une RD et depréciser son degré de gravité.

‚ Signes cliniquesde rétinopathie diabétique

– Les microanévrismes rétiniens sont lespremiers signes ophtalmoscopiques de la RD. Ilsapparaissent sous forme de lésions ponctiformesrouges de petite taille.

– Les hémorragies rétiniennes ponctiformes sontparfois difficiles à distinguer des microanévrismes.L’angiographie permet de les différencier.

– Les nodules cotonneux sont des lésionsblanches, superficielles et de petite taille, d’axeperpendiculaire à l’axe des fibres optiques. Ilstraduisent une occlusion des artérioles précapillairesrétiniennes.

– D’autres signes, évocateurs d’ischémierétinienne sévère, sont recherchés : des hémorragiesintrarétiniennes « en flaques », de plus grande tailleque les hémorragies ponctiformes ; des anomaliesveineuses à type de dilatation veineuse irrégulière« en chapelet » ou de boucles veineuses ; desanomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR)qui sont des dilatations et télangiectasies vasculairesdéveloppées en périphérie des territoires d’occlusioncapillaire et qui seraient des néovaisseauxintrarétiniens.

– Les néovaisseaux prérétiniens et prépapillairestémoignent d’une RD proliférante. Ils apparaissentsous forme d’un lacis vasculaire à la surface de larétine ou de la papille. Les néovaisseaux prérétiniensse développent à la limite postérieure des territoiresischémiques.

– Enfin, l’examen clinique recherchera descomplications de la RD proliférante : hémorragieprérétinienne ou intravitréenne témoignant d’unsaignement à partir des néovaisseaux, décollementde rétine.

Maculopathie diabétique

Au niveau de la macula, l’examen cliniquerecherche un épaississement rétinien témoin d’unœdème maculaire. Lorsque celui-ci est important, ilprend un aspect d’œdème maculaire cystoïde qui setraduit biomicroscopiquement par un épaissis-sement de la rétine maculaire, auquel s’ajoute unaspect de microkystes intrarétiniens. Les exsudatssont des accumulations de lipoprotéines dansl’épaisseur de la rétine ; ils apparaissent sous formede dépôts jaunes et sont habituellement disposés encouronne autour des anomalies microvasculairesdont ils sont issus (exsudats circinés). Lorsqu’ils sonttrès nombreux, les exsudats ont tendance às’accumuler dans la macula et à réaliser un placardexsudatif centromaculaire de mauvais pronosticvisuel.

‚ Examens complémentaires

Examen angiographique du fond d’œil

L’angiographie en fluorescence n’est qu’uncomplément de l’examen du fond d’œil. Elle estréalisée lorsqu’il existe une RD. Elle objective sonexistence, aide à préciser son niveau de gravité, envisualisant en particulier l’étendue de l’ischémierétinienne.

L’angiographie à la fluorescéine consiste àinjecter, par voie veineuse dans le pli du coude, 5 mLde fluorescéine à 10 %, puis à observer etphotographier grâce à des filtres appropriés lepassage de ce colorant dans l’arbre vasculairechoroïdien et rétinien. Elle est précédée dephotographies sans injection du pôle postérieur etéventuellement de la périphérie rétinienne. Laséquence angiographique (après injectionintraveineuse de fluorescéine) est centrée sur le pôlepostérieur, des clichés périphériques sontsystématiquement réalisés dans les huit champs dufond d’œil, et l’examen comporte toujours un clichétardif, centré sur la macula, 5 minutes puis 10minutes après l’injection de fluorescéine.

Aux stades initiaux de RD, on observe surl’angiographie des dilatations capillaires, desdiffusions de fluorescéine à travers la paroi descapillaires traduisant l’hyperperméabilité capillaire,

des microanévrismes souvent plus nombreux qu’àl’examen du fond d’œil, des micro-occlusionscapillaires. Aux stades plus avancés de RD,l’angiographie objective l’ischémie rétinienne quiapparaît sous forme de larges plages griseshypofluorescentes, bordées par des capillairesocclus. Les néovaisseaux prérétiniens etprépapillaires se traduisent par une hyperfluores-cence précoce et une diffusion très intense de lafluorescéine.

Au niveau de la macula, l’angiographie permet devisualiser l’œdème maculaire non cystoïde (fig 1C),par une diffusion de la fluorescéine à partir descapillaires maculaires dans le tissu rétinien. L’œdèmemaculaire cystoïde se traduit par une diffusion de lafluorescéine à partir des capillaires maculaires puis,sur les clichés tardifs, par une accumulation ducolorant dans les logettes microkystiquesintrarétiniennes (fig 2).

Autres examens complémentaires

I ls peuvent être nécessaires dans descirconstances part icul ières, par exemplel’échographie du segment postérieur : utile lorsque lefond d’œil n’est pas analysable (hémorragie

1 Rétinopathie diabétique non proliférante.A. Cliché sans préparation : nombreux microanévrismes et hémorragies rétiniennes, quelques exsudats maculaires, nodules cotonneux (flèche).B. Temps artérioveineux de l’angiographie : microanévrismes, dilatation capillaire, micro-occlusions capillaires au pôle postérieur.C. Temps tardif de l’angiographie : les diffusions à partir des microanévrismes et capillaires maculaires sont responsables d’un œdème maculaire non cystoïde.

A B C

2 Œdème maculaire cystoïde (temps tardif de l’an-giographie). Large œdème maculaire cystoïde avecnombreuses logettes microkystiques et logettecentrale.

6-0220 - Rétinopathie diabétique

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Page 61: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

intravitréenne, cataracte obturante), elle permet dediagnostiquer l’existence d’un décollement de larétine.

■Classification

de la rétinopathie diabétique

Elle est définie à partir des lésions observées aufond d’œil et/ou en angiographie. Elle définit lesdifférents stades de la RD et donne une indicationaisément compréhensible de gravité et de pronostic.La classification généralement utilisée distingue RDnon proliférante et RD proliférante. Un sous-groupeappelé RD préproliférante (encore appelé nonproliférante sévère) a été introduit dans la RD nonproliférante ; il correspond à un stade à haut risqued’évolution vers la prolifération néovasculaire.

L’atteinte de la macula ou maculopathie faitl’objet d’une classification à part. Elle peut êtreassociée aussi bien aux formes proliférantes quenon proliférantes de RD (tableau I).

Dans la RD non proliférante (fig 1) , sontdiversement associés microanévrismes, hémorragiesrétiniennes, nodules cotonneux et, en angiographie,dilatations et diffusions capillaires, territoiresd’occlusion capillaire et ischémie rétinienne. Selon lenombre de ces lésions, on qualifiera la RD nonproliférante de minime ou modérée.

La RD préproliférante (ou RD non proliférantesévère) (fig 3) est définie par l’association des signesophtalmoscopiques évocateurs d’ischémierétinienne sévère : anomalies veineusesnombreuses (dilatations en chapelet et bouclesveineuses), hémorragies intrarétiniennes étendues,groupement d’AMIR. L’angiographie montre desterritoires d’ischémie étendus en moyennepériphérie rétinienne (fig 3B).

Enfin, on parle de RD proliférante (fig 4)lorsqu’existent des néovaisseaux prérétiniens isolésou multiples (RD proliférante minime ou modérée)ou, à un stade plus sévère, des néovaisseauxprépapillaires (RD proliférante sévère). La RDproliférante compliquée est définie par l’existenced’une hémorragie intravitréenne, d’un décollementde rétine, d’une rubéose irienne ou d’un glaucomenéovasculaire.

‚ Maculopathie diabétique

La maculopathie ischémique désigne l’occlusionétendue des capillaires maculaires et parfois desartér ioles périmaculaires . El le s ’observehabituellement lors d’une RD sévèrementischémique, préproliférante ou proliférante, ets’accompagne le plus souvent d’une très mauvaiseacuité visuelle.

L’œdème maculaire non cystoïde (fig 1C), difficileà voir à l’examen biomicroscopique du fond d’œil,est objectivé par l’angiographie. Il est le plus souventcompatible avec une acuité visuelle presquenormale et évolue lentement.

L’œdème maculaire cystoïde est visible àl’examen biomicroscopique et confirmé parl’angiographie (fig 2). L’acuité visuelle commence àse détériorer lorsqu’apparaît l’œdème maculairecystoïde, mais cette détérioration est lente. Desfluctuations spontanées de ce dernier ne sont pasrares avec des périodes de rémission puis derécidive.

Les exsudats (fig 5) sont organisés en couronne(exsudats circinés) ou centromaculaires.

■Évolution

L’évolution de la RD est habituellement lente, et sefait progressivement tout au long de la vie dudiabétique. Une surveillance ophtalmologiquerégulière doit permettre de diagnostiquer précocementla RD et de prévenir l’évolution vers les complications.

Cependant, il existe des périodes de la vie dudiabétique pendant lesquelles le risque d’uneévolution rapide de la rétinopathie rend nécessaireune surveillance ophtalmologique renforcée.

– La puberté et l’adolescence : chez les enfantsdiabétiques, la prévalence de la RD est faible. Lapuberté et l’adolescence constituent une période àhaut risque d’évolution de la RD, et justifient unesurveillance ophtalmologique renforcée.

– La grossesse : au cours de laquelle il existe unrisque majoré de progression de la RD. Il estnécessaire d’examiner le fond d’œil avant, puisrégulièrement au cours de la grossesse.

– La normalisation rapide de la glycémie par untraitement intensif (passage à la pompe à insulinepar exemple) exige un examen ophtalmologiquepréalable et une surveillance rapprochée du fondd’œil. Il existe en effet, au cours et au décours decette période, un risque accru d’aggravation de laRD.

Tableau I. – Classification de la rétinopathiediabétique.

Pas de RDRD non proliférante— RD non proliférante minime— RD non proliférante modérée— RD non proliférante sévère (ou RD préprolifé-rante)RD proliférante— RD proliférante minime— RD proliférante modérée— RD proliférante sévère— RD proliférante compliquée

Maculopathie diabétique— Exsudats— Œdème maculaire non cystoïde— Œdème maculaire cystoïde— Maculopathie ischémique

3 Rétinopathie diabétique préproliférante.A. Cliché périphérique du fond d’œil sans préparation : on observe de nombreuses hémorragies intraréti-niennes étendues et des irrégularités de calibre veineux.B. Angiographie : les territoires ischémiques sont bien visibles, les capillaires rétiniens sont occlus, lesveines rétiniennes sont de calibre irrégulier.

A B

4 Rétinopathie diabétique proliférante (angiogra-phie). Néovaisseaux prépapillaires et néovaisseauxprérétiniens temporaux inférieurs, laissant diffuserintensément la fluorescéine.

5 Exsudats circinés : couronnes d’exsudats péné-trant la région maculaire.

Rétinopathie diabétique - 6-0220

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Page 62: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

– L’extraction chirurgicale de la cataracte peutentraîner une aggravation de la RD dans lessemaines qui suivent l’intervention.

– Une décompensation tensionnelle ou rénalepeut entraîner une aggravation de la RD.

En dehors de ces circonstances, le rythme desurveillance de la RD est fonction de sa gravité.

■Traitement de la rétinopathie

diabétique

‚ Traitement médical

Équilibre glycémique et tensionnel

L’effet bénéfique d’une bonne équilibrationglycémique sur l’incidence et la progression de la RDa été démontré par le DCCT (diabetic control andcomplications trial research group) : l’équilibrationstricte de la glycémie par insulinothérapie intensive asignificativement réduit l’incidence et la progressionde la RD, chez des diabétiques de type 1. L’effetbénéfique d’un bon équilibre glycémique chez lesdiabétiques de type 2 est également suggéré maisnon encore démontré.

Un effet bénéfique de l’équilibration de lapression artérielle sur l’importance de l’œdèmemaculaire est probable, mais aucun essai clinique n’amontré à ce jour qu’un traitement antihypertenseurpouvait ralentir l’évolution de la RD et/ou del’œdème maculaire.

Traitements médicamenteux

Deux études prospectives randomisées (DAMADstudy et TIMAD study) ont démontré l’efficacité desantiagrégants plaquettaires pour ralentir laprogression de la RD à un stade de faible gravité. Lestraitements utilisés ont été dans la DAMAD, l’aspirine àla dose de 1 g/j, et dans la TIMAD, la ticlopidine à ladose de 500 mg/j. En revanche, l’efficacité desinhibiteurs de l’aldose réductase pour ralentirl’évolution de la RD n’a pu être prouvée.

‚ Traitement de la rétinopathiediabétique par laser

Traitement de la rétinopathiediabétique proliférante

La photocoagulation panrétinienne (PPR) est letraitement de la RD proliférante. Elle permet deréduire considérablement le risque de cécité lié à laRD proliférante, et d’obtenir la régression de lanéovascularisation prérétinienne et/ou prépapillairedans près de 90 % des cas.

La PPR est indiquée dans tous les cas de RDproliférante. La rapidité de sa réalisation dépendrade la sévérité de la RD proliférante. L’existence d’unerubéose irienne est l’indication à une PPR urgente.

En l’absence de néovascularisation, l’indication dePPR peut être discutée au stade de RD préprolifé-rante, à titre préventif. Elle peut être indiquée plussystématiquement à ce stade chez les patients ausuivi aléatoire, où dans certaines circonstances àrisque d’aggravation rapide.

Traitement par laserde la maculopathie diabétique

La photocoagulation focale des anomaliesmicrovasculaires situées au centre des couronnesd’exsudats et responsables de l’exsudation esttoujours efficace pour faire disparaître les exsudats.Elle indiquée dans tous les cas. Les exsudats serésorbent lentement et un contrôle est réalisé 4 moisaprès la photocoagulation.

Le traitement par laser de l’œdème maculairecystoïde est indiqué s’il existe une baisse visuellesignificative et prolongée, sans tendance àl’amélioration spontanée. Il consiste en unephotocoagulation en quinconce non confluentepérifovéolaire sur toute la surface de l’œdème. Ilpermet au mieux un ralentissement de la baissevisuelle. Dans ce type d’œdème, certainescirconstances particulières comme une insuffisancerénale, une pression artérielle non contrôlée, undéséquilibre glycémique patent doivent faire surseoirau traitement jusqu’à correction de ces anomalies.

‚ Traitement chirurgicalde la rétinopathie diabétique

Il est indiqué dans les cas de RD proliférantecompliquée d’hémorragie intravitréenne persistante, dedécollement de rétine tractionnel décollant la macula, eten cas de décollement de rétine mixte tractionnel etrhegmatogène. Il consiste en une vitrectomie avecdissection des proliférations fibrovasculaires etphotocoagulation panrétinienne à l’endolaser.

Pascale Massin : Praticien hospitalier,service d’ophtalmologie, hôpital Lariboisière, assistance publique-hôpitaux de Paris, Université Paris 7, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Massin. Rétinopathie diabétique.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0220, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Early treatment diabetic retinopathy study research group. Fundus photo-graphic risk factors for progression of diabetic retinopaty. ETDRS report number12.Ophthalmology1991, 98 : 823-833

[2] Massin P, Angioi-Duprez K, Bacin F et al. Dépistage, surveillance et traite-ment de la rétinopathie diabétique. Recommandations de l’ALFEDIAM.DiabetMetabol1996 ; 22 : 203-209

[3] The diabetes control and complications trial research group. The effect of inten-sive treatment of diabetes on the development and progression of long-term compli-cations in insulin-dependent diabetes mellitus.N Engl J Med1993 ; 329 : 977-986

Surveillance de la RD✔ En l’absence de RD, ou en cas deRD minime, un examenophtalmologique annuel est suffisant.✔ En cas de RD plus grave, unesurveillance ophtalmologique tousles 4 à 6mois peut être nécessaire.

La photocoagulation panrétinienne(PPR) consiste en une coagulationétendue de toute la surface rétiniennesituée entre l’arc des vaisseauxtemporaux et l’équateur. Elle estréalisée en ambulatoire sousanesthésie de contact. L’utilisation denouveaux verres de contact donnantune vue panoramique du fond d’œil,permet de réaliser la PPR dans de trèsbonnes conditions de visibilité, même àtravers de petits orifices pupillaires. Lelaser à argon (bleu-vert ou vert) est leplus souvent utilisé pour réaliser laPPR ; le laser à krypton peut être utileen cas de trouble des milieux oculaires(cataracte modérée, vitréhémorragique). La PPR doit êtreréalisée le plus progressivementpossible (habituellement 6 à 8séancesde 500 impacts, espacées de 15 jours à1 mois). La fréquence des séances delaser sera à adapter en fonction de lagravité de la rétinopathie proliféranteet de l’urgence.

À RETENIR✔ Toute découverte d’un diabète,qu’il soit insulino- ou noninsulinodépendant, doits’accompagner d’un examenophtalmologique.✔ L’équilibration stricte de laglycémie et de la tension artérielle,associée à une surveillance annuelledu fond d’œil est le meilleurtraitement préventif de la RD.✔ Le traitement par photocoagulationpanrétinienne doit être débuté dèsl’apparition d’unenéovascularisation prérétinienne, eta fortiori prépapillaire. En revanche,il n’y a pas d’urgence à traiter parlaser une maculopathie diabétique.

6-0220 - Rétinopathie diabétique

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Page 63: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Examens complémentaires

en ophtalmologie

G Chaine, I Badelow, O Auzerie

L ’examen ophtalmologique comprend différentes étapes, dont certaines sont systématiques : la mesure del’acuité visuelle, l’examen à la lampe à fente et l’examen du fond d’œil. Les autres ne sont nécessaires que

pour préciser un diagnostic, pour surveiller l’évolution d’un processus pathologique, ou dans le cadre d’un bilanpréopératoire.La mesure de l’acuité visuelle, œil par œil, de loin et de près, sans et avec correction optique, de même que l’examendu fond d’œil en ophtalmoscopie directe ou indirecte ne sont donc pas détaillés dans ce chapitre.Pour chacun des examens complémentaires décrits dans ce chapitre, nous avons proposé une définition, nous avonsdécrit simplement sa réalisation et sa pénibilité éventuelle et précisé ses indications essentielles.© Elsevier, Paris.

■Examen à la lampe à fente

Définition

Examen qui a pour but d’observer les différentséléments anatomiques de l’œil. Il permet, à lui seul, defaire le diagnostic clinique de la plupart despathologies ophtalmologiques. Il permet de prendre latension oculaire à l’aide d’un tonomètre à aplanation.Il fait partie de tout examen ophtalmologique complet.

Réalisation pratique et pénibilitépour le patient

L’examen se fait à l’aide d’un biomicroscope (lalampe à fente). Ce biomicroscope oculaire a laparticularité d’étudier l’œil en coupe, à l’aide d’unefente lumineuse.

L’ophtalmologiste commence par examiner lesegment antérieur de l’œil, puis prend la tensionoculaire.

Après instillation d’un collyre mydriatique(dilatation de la pupille en 15 minutes environ),l’ophtalmologiste va examiner le segment antérieur etle segment postérieur. La mise au point sur le fondd’œil nécessite l’interposition d’une lentille, soitasphérique sans contact avec l’œil, soit le verre à troismiroirs de Goldmann, permettant l’examen del’ensemble de la rétine et l’angle iridocornéen(gonioscopie).

De réalisation très facile, le seul problème est lié à lavision floue rendant impossible la lecture de près aprèsla dilatation pupillaire.

Principales pathologies décelées

Toutes les pathologies ophtalmologiques dont lediagnostic est clinique.

■Tonométrie

Définition

Examen qui a pour but de mesurer la tensionoculaire en mm de Hg, c’est-à-dire la pression quirègne à l’intérieur de l’œil.

Réalisation pratique et pénibilité

Effectuée de façon systématique à l’aide d’untonomètre à aplanation branché sur la lampe à fente.C’est un examen très rapide, tout à fait indolore aprèsinstillation d’un collyre anesthésique.

La prise de tension à l’aplanation implique uncontact entre le tonomètre et la cornée : lesprécautions d’aseptie sont nécessaires pour éviter ladissémination de microbes. Cette mesure ne doit pasêtre réalisée en présence d’une conjonctivite.

Les tonomètres à air pulsé évitent ce risqueseptique.

Intérêt pratique

La tonométrie permet de mettre en évidence desaugmentations anormales de la tension oculaire qui, àlong terme, peuvent faire baisser la vision si elles nesont pas traitées (glaucome). Cet examen estsystématique lors de toute consultation ophtalmologi-que après 45 ans.

■Test de Schirmer

Définition

Examen qui a pour but de déterminer la quantité delarmes sécrétées par les glandes lacrymales.

Réalisation pratique et pénibilité

À l’aide d’un papier millimétré, placé dans le cul desac conjonctival inférieur, on mesure le nombre dedivisions imprégnées par les larmes au bout de troisminutes.

C’est un examen rapide, tout à fait anodin, sansaucun effet secondaire.

Dans certains cas de sécheresse oculaireimportante, le patient peut cependant ressentir unelégère sensation de brûlure pendant la durée del’examen.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

Le test de Schirmer permet essentiellement dedépister la diminution de sécrétion des larmes. Ilpermet ainsi de porter le diagnostic de syndrome secoculaire, pouvant conforter le diagnostic denombreuses pathologies (lupus, sarcoïdose, Sjögren).

Il est indispensable avant toute prescription delentilles de contact.

■Break up time

Le Break up time (BUT) permet une estimation dutemps de stabilité du film lacrymal entre deuxclignements.

Il nécessite l’instillation d’une goutte defluorescéine, et est utile pour apprécier la qualité de lasécrétion lacrymale, notamment en contactologie.

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Page 64: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

■Réfractométrie automatique

Définition

Examen qui a pour but de déterminer la réfractionglobale de l’œil et de mesurer l’importance de lamyopie, de l’hypermétropie ou de l’astigmatisme.

Réalisation pratique et pénibilité

C’est un examen de routine en ophtalmologie, toutà fait anodin.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

La réfractométrie automatique permet le diagnosticdes différents troubles de la réfraction et d’en suivrel’évolution, d’apprécier les modifications aprèschirurgie réfractive ou lors de la chirurgie de lacataracte. Elle facilite la prescription de lunettes.

■Biométrie

Définition

Examen qui a pour but de mesurer la longueur duglobe oculaire.

Réalisation pratique et pénibilité

Examen réalisé à l’aide d’un échographe oculairetype A.

Après instillation d’un collyre anesthésique, lasonde d’écho A est directement appliquée sur lacornée. Le reste des calculs s’effectue par un traitementinformatique.

L’examen est donc très court, tout à fait indolore.

Intérêt pratique

La biométrie oculaire, combinée à la mesure de lapuissance dioptrique de la cornée, permet de préciserla puissance du cristallin artificiel que le chirurgienimplantera après extraction de la cataracte.

■Échographie oculaire

Définition

Examen qui a pour but d’étudier les structures del’œil masquées par un milieu non transparent, parexemple lorsque la rétine est masquée par unecataracte.

L’échographie permet également de mesurer lalongueur du globe oculaire et d’étudier les différentesstructures de l’orbite, notamment le nerf optique et lesmuscles oculomoteurs.

L’écho A n’explore qu’une direction à la fois.L’écho B étudie les structures en deux dimensions.

Réalisation pratique et pénibilité

Après instillation d’une goutte de collyreanesthésique dans chaque œil, l’ophtalmologisteapplique la sonde d’échographie, ce qui est tout à faitindolore pour le patient.

Principales pathologies décelées

L’échographie est un procédé de choix en cas deperte de la transparence des milieux oculaires,

notamment en cas d’opacités cristalliniennes,cornéennes ou d’hémorragies vitréennes.

Dans ce dernier contexte, l’écho permet derechercher un décollement de rétine (DR), un processustumoral derrière un vitré opaque ou un cristallinopaque.

L’échographie est également utile au diagnostic demélanome choroïdien, des autres processus expansifsintraoculaires et dans la détection de corps étrangersintraoculaires.

■Champ visuel

Définition

Examen qui a pour but de déterminer la portion del’espace que perçoit un œil immobile fixant droitdevant lui.

Le champ visuel permet d’orienter le diagnostictopographique des lésions de la voie optique et enapprécier le retentissement visuel, et surtout dequantifier et de suivre l’évolution du déficit visuel.

Il explore l’ensemble des voies optiques, de la rétinejusqu’au lobe occipital.

Réalisation pratique et pénibilité

L’étude du champ visuel se fait le plus souvent àl’aide d’un appareil dit de Goldmann. Il se composed’une coupole devant laquelle se place le patient et oùapparaît un point lumineux d’intensité variable.

Lorsque le patient aperçoit le point lumineux alorsqu’il fixe toujours le centre de la coupole, il le signaleau médecin qui note chaque réponse sur undiagramme sous forme d’un point.

En reliant tous les points, on obtient des isoptèresdifférents selon l’intensité du spot lumineux.

La forme de ces différents isoptères permet dedéceler des pathologies.

L’examen durant 15 à 30 minutes et nécessitantune attention soutenue, on peut observer des artéfactsrendant difficile l’interprétation.

Des appareils informatisés permettent actuellementun relevé automatisé plus complet du champ visuel.Mais avec les champs visuels automatisés, trèspratiqués actuellement, l’examen est plus long etdemande une concentration plus importante de la partdes patients.

On considère ainsi que le premier champ visuelautomatisé d’un patient n’a pas grande valeur et doitêtre interprété avec prudence par l’ophtalmologiste(faux positifs).

Par contre, quand on répète les champs visuelsautomatisés, on peut déceler des anomalies beaucoupplus fines qu’avec le champ visuel manuel. De plus, lesystème informatique permet de déceler les fauxpositifs et les faux négatifs et rend ainsi les résultatstrès fiables.

Le champ visuel ne peut être réalisé que si l’acuitévisuelle est supérieure à 2/10.

Principales pathologies décelées

– Glaucome chronique à angle ouvert (GCAO).– Neuropathies optiques.– Syndrome de compression chiasmatique par un

processus expansif, le plus souvent adénomehypophysaire.

■Vision des couleurs

Définition

Examen qui a pour but d’évaluer la qualité de lavision des couleurs afin de détecter d’éventuellesanomalies, soit congénitales, soit dues à certainesaffections oculaires touchant la rétine ou le nerfoptique.

Réalisation pratique et pénibilité

– Test d’Ischihara : atlas composé de 32 planchesoù sont représentées, sur un fond coloré, desimpressions elles-mêmes colorées. Le patient doitpouvoir les définir s’il a une vision des couleursnormale.

– Test de Farnsworth : pastilles de couleursdifférentes numérotées au verso. Le patient doit lesclasser de la plus claire à la plus foncée.

La vision des couleurs ne peut être réalisée sil’acuité est très basse ou si le patient n’est pascoopérant.

Principales pathologies décelées

– Daltonisme (test d’Ischihara de dépistage).– Neuropathie optique.– Maculopathie.

■Vision des contrastes

Définition

Examen qui a pour but d’étudier la sensibilité desyeux aux contrastes et de mieux explorer l’acuitévisuelle.

Technique

L’examen de la vision des contrastes consiste à fairevoir au patient, au lieu des lettres présentées en noirsur fond blanc communément utilisées dans les testsd’acuité, des barres dotées d’un contraste variable(réseaux).

L’intérêt de la vision des contrastes serait de décelerdes anomalies fonctionnelles précoces chez des sujetsconservant une acuité visuelle normale, notammentchez les glaucomateux ou les cataractes débutantes.

■Scanner orbitaire

Intérêt en ophtalmologie

Le scanner orbitaire permet de mettre en évidenceles différentes parois de l’orbite, le globe oculaire et enparticulier les structures les plus postérieures (nerfoptique, muscles oculomoteurs, glandes lacrymalesainsi que certains vaisseaux).

C’est un grand apport du scanner de pouvoirvisualiser les structures les plus postérieures de l’œil etde la cavité orbitaire, jusqu’à présent difficilementaccessibles.

Il est indiqué en présence d’un traumatismeorbitaire et d’une exophtalmie.

■Test de Hess Lancaster

DéfinitionExamen qui a pour but d’explorer le fonctionne-

ment des muscles oculomoteurs.

6-0240 - Examens complémentaires en ophtalmologie

2

Page 65: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Réalisation pratique et pénibilité

Le patient porte des lunettes avec un verre rouge etun verre vert.

L’ophtalmologiste, en projetant un faisceaulumineux rouge sur un écran mural quadrillé, observesi le patient peut superposer une tache verte sur untrait rouge. L’œil masqué par le filtre vert ne pouvantpas voir le trait rouge, si les tracés se superposent aucadre de référence du schéma, le sujet a une visionnormale.

Si les tracés sont égaux mais décalés par rapport aucadre, le sujet présente un trouble de la vision desdeux yeux.

Si les tracés sont inégaux, le sujet présente unepathologie des muscles de l’œil, le graphique le pluspetit correspondant à l’œil présentant des troubles.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

En pratique, le test est très utile pour authentifier etquantifier une diplopie binoculaire.

■Angiographie rétinienne

L’angiographie rétinienne a pour but dephotographier le fond d’œil après injection d’uncolorant (la fluorescéine le plus souvent) dans uneveine.

L’angiographie à la fluorescéine est la plus souventréalisée. Dans certaines indications, l’angiographieinfrarouge au vert d’indocyanine est également utile.

L’angiographie à la fluorescéine

C’est un procédé photographique rendu possiblepar le phénomène de luminescence.

L’angiographie permet l’analyse dynamique ettopographique de la circulation rétinienne. En effet,dans les secondes qui suivent l’injection du colorantdans une veine au pli du coude, la fluorescenceapparaît successivement dans les artères, les capillaireset les veines rétiniennes. En raison de la présenced’une barrière hématorétinienne interne constituéepar l’endothélium vasculaire, la fluorescéine ne sediffuse pas en dehors des vaisseaux rétiniens enl’absence de processus pathologique.

La présence d’une barrière hématorétinienneexterne, constituée par l’épithélium pigmenté de larétine, marque habituellement la fluorescence émisepar la choroïde et la choriocapillaire. Toutes lesanomalies de cette barrière se traduisent par desanomalies des clichés angiographiques.

Technique et déroulement de l’examen

Après dilatation pupillaire (tropicamide -épinéphrine 5 % en collyre), le patient est installé assisderrière le rétinographe (appareil photographiquepermettant la mise au point précise sur la rétine etéquipé de filtres adaptés à l’angiographie à lafluorescence). Des clichés en lumière monochromati-que du fond d’œil sont réalisés.

Puis, 5 mL de fluorescinate de sodium à 10 % sontinjectés dans une veine du pli du coude, et les clichéssont réalisés dès que la fluorescence apparaît au fondd’œil, puis dans les secondes et au cours des cinqminutes suivantes.

L’examen réalise des temps précoces (temps artérielet capillaire) des régions maculaires, suivi de clichéspériphériques de l’ensemble des deux rétines. Desclichés tardifs, à cinq minutes, sont souvent égalementréalisés.

Le résultat est obtenu sous forme de clichésphotographiques noir et blanc, après développementdu film négatif.

L’utilisation d’un système d’acquisition d’imagesnumérisées permet de supprimer cette dernière étape.L’image est visible sur un moniteur immédiatement etstockée sur un disque optique.

Indication– Anomalies vasculaires rétiniennes (rétinopathie

diabétique, occlusion vasculaire, vasculite,angiomatose, prolifération néovasculaire).

– Anomalies de l’épithélium pigmenté et sous-rétiniennes (dégénérescence maculaire liée à l’âge etc).

RésultatsLes anomalies se traduisent par une hypofluores-

cence (par masquage ou par hypoperfusion) ou parune hyperfluorescence par diffusion ou accumulationdu colorant.

Effets secondairesLa dilatation pupillaire persiste plusieurs heures

après l’examen. Il est préférable que le patient neconduise pas immédiatement.

Les téguments sont jaunes pendant quelquesheures et les urines foncées.

Les incidents mineurs sont les nausées et lesvomissements.

L’extravasation du colorant est due à une injectionparaveineuse : elle est douloureuse.

Les incidents modérés sont le prurit, l’urticaire, et lesmalaises vagaux.

Les accidents sévères sont l’œdème de Quincke etles conséquences cardiaques du choc vagal, avecsurvenue d’un infarctus du myocarde.

Malgré ces incidents dramatiques, l’angiographie àla fluorescéine reste un examen bien toléré. Laprudence s’impose en cas d’antécédents allergiquessévères.

Angiographie infrarouge au vertd’indocyanine (ICG)

Elle est réalisée dans des centres spécialisés. Ellenécessite un système angiographique spécifique. Saprincipale indication est la dégénérescence maculaireliée à l’âge, avec néovaisseaux sous-rétiniens de typeocculte.

■Électrorétinogramme (ERG)

DéfinitionExamen qui a pour but d’enregistrer l’activité

électrique de la rétine, après une forte stimulationlumineuse.

Réalisation pratique et pénibilitéAprès instillation de collyre anesthésique, on met en

place sur chaque œil, deux « coques cornéennes »équipées d’une électrode, ainsi que deux autresélectrodes sur les tempes.

Le patient est soumis à une série de flashslumineux, puis à une lumière intense pendant troisminutes. Puis, pendant environ 25 minutes, l’activitéélectrique de la rétine est enregistrée.

L’examen est tout à fait indolore, mais le patientreste ébloui pendant un certain temps.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

L’ERG permet de confirmer un diagnostic demaladie rétinienne ou de juger de la bonne toléranced’un traitement par antipaludéens de synthèse.

■Électro-oculogramme (EOG)

Définition

Examen qui a pour but d’enregistrer l’activitéélectrique de base de l’œil (potentiel de repos) lors desmouvements oculaires.

Réalisation pratique et pénibilité

On place quatre électrodes de chaque côté desyeux, puis on demande au patient d’effectuer desmouvements oculaires réguliers.

Plusieurs enregistrements sont effectués à lumièreambiante, à lumière éblouissante, à l’obscurité.

L’examen dure environ 25 minutes et est tout à faitindolore, sans aucun effet secondaire.

L’EOG fait partie du bilan électrophysiologique desaffections rétiniennes.

■Potentiels évoqués visuels (PEV)

Définition

Examen qui a pour but d’enregistrer lesphénomènes électriques qui se produisent au niveaudu cortex visuel occipital (zone du cerveau oùaboutissent les sensations visuelles), après stimulationlumineuse de la rétine.

Il permet ainsi d’étudier le transport de l’activitéélectrique de la rétine jusqu’au cortex visuel occipital.

L’enregistrement des potentiels évoqués visuels,aide à établir un diagnostic et à suivre l’évolution d’uneatteinte du nerf optique.

Technique

L’enregistrement des potentiels évoqués visuels sefait grâce à de petites aiguilles très fines, mises en placesous la peau, deux à l’arrière et en bas de la tête, et uneau sommet du crâne, sensibles aux réactionsélectriques du cortex visuel provoquées par des flashsvenus d’un appareil émetteur de lumière.

Effets secondaires

L’enregistrement des potentiels évoqués visuels nes’accompagne d’aucun effet secondaire.

L’éblouissement dû aux flashs ne persiste quequelques minutes.

Cet examen est facilement accepté par les patientset peut être répété sans inconvénient. Il se pratique àtout âge. Cependant, chez les très jeunes enfants, uneanesthésie générale est la plupart du temps nécessaire.

■Examens complémentaires

classiques mais désuets

‚ Électrophorèse des larmes

Définition

Examen qui a pour but de doser, en laboratoire, lesdifférentes protéines que contiennent les larmes.

Réalisation pratique et pénibilité

Une infime quantité de larmes est prélevée etdéposée sur une bandelette réactive qui donne lerésultat en 2 secondes.

Examens complémentaires en ophtalmologie - 6-0240

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Page 66: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

L’électrophorèse des larmes aide à évaluer lafonction des glandes lacrymales lors des maladiesinflammatoires, responsables de sécheresse oculaire.

‚ Exophtalmométrie de Hertel

Définition

Examen qui a pour but d’évaluer l’importance del’exophtalmie.

Réalisation pratique et pénibilité

Cette mesure est effectuée à l’aide de l’exophtalmo-mètre de Hertel, qui correspond à une règle dotée d’unsystème optique.

Cet examen, tout à fait indolore, très rapide, nes’accompagne d’aucun effet secondaire.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

Cet examen est surtout utile pour suivre l’évolutionde l’exophtalmie basedowienne en cours detraitement. Cependant, pour évaluer de façon précisel’importance d’une exophtalmie, le scanner est devenul’examen de référence.

■Ophtalmodynamométrie

Définition

Examen qui a pour but de mesurer la pression del’artère centrale de la rétine.

Cet examen peu fiable, peu reproductible et parfoisdangereux, n’est plus pratiqué.

Réalisation pratique et pénibilité

À l’aide d’un dynamomètre qui exerce une pressionsur l’œil et d’un ophtalmoscope, on surveillel’apparition et la disparition des battements de l’artèrecentrale de la rétine.

On obtient ainsi la pression de l’artère centrale de larétine en fonction de la pression exercée sur le globe.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

Examen actuellement désuet, il était très pratiquéautrefois dans le cadre de la surveillance d’unehypertension artérielle.

Il est de plus contre-indiqué chez les patients qui ontdes yeux fragilisés.

■Examens complémentaires

modernes hautement spécialisés

‚ Vidéotopographie cornéenne

Définition

Analyse vidéographique de la surface cornéenne,de sa courbure et donc de sa puissance (en dioptrie).

Réalisation pratique et pénibilité

L’examen est rapide, facile à effectuer, indolore etles résultats sont instantanés.

Le patient regarde un disque de placido placédevant son œil, dont les anneaux sont lumineux et sereflètent sur la cornée.

Une caméra vidéo enregistre l’image fournie par cereflet. Celle-ci est transmise par un ordinateur quirepère par des points, les limites entre les différentsanneaux et mesure la distance entre ces points.

Plus cette distance est courte, plus la cornée estcourbée, le pouvoir dioptrique élevé, et inversement.

Ces résultats sont transcrits selon un code coloré quidonne les couleurs dans les tons chauds (rouge,orange) aux zones les plus courbées et les couleursfroides (jaune, verte, bleue) aux zones les plus plates.

Le résultat est enregistré et permet descomparaisons.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

■ Diagnostic et évolution d’une pathologiecornéenne :

– dystrophie cornéenne ;– érosion récidivante ;– kératocône.■ Avant et après chirurgie réfractive :– kératotomie radiaire ;– photokératectomie au laser Excimer ;– kératomileusis et laser Excimer (LASIK).■ Chirurgie de la cataracte :– dans les techniques par extraction extracapsu-

laire, avec astigmatisme postopératoire important.■ Kératoplastie transfixiante.■ Verres de contact : aide à la prescription dans les

cas difficiles.

‚ Microscopie spéculaireTechnique microscopique permettant l’analyse de

la densité cellulaire, de la taille et du pourcentage decellules hexagonales de l’endothélium cornéen.

Cette technique est très utile pour apprécier laréaction endothéliale cornéenne dans diversescirconstances médicales ou chirurgicales.

En effet, la densité de cellulaires endothéliales,décroissant avec l’âge de 4 000 cellules/mm2 à 2 000cellules/mm2, peut être diminuée par une agressionmédicale, chirurgicale ou traumatique. En dessous de400 à 700 cellules/mm2 apparaît l’œdème cornéen.

Principales indications pratiques

– Avant intervention de la cataracte, si antécédentsde traumatisme, d’uvéite ou poussées d’hypertonieoculaire, kératoplastie.

– Avant une implantation secondaire ou uneexplantation.

‚ Scanning Laser Ophtalmoscope (SLO)

Définition

L’ophtalmoscopie à balayage laser est un appareilhautement spécialisé, qui permet, à l’aide de faisceaulaser, une exploration anatomofonctionnelle précise etquantifiable de la rétine.

Réalisation pratique et pénibilité

C’est un examen tout à fait indolore, sans aucuneffet secondaire, mais réalisé seulement en milieu trèsspécialisé.

Ce n’est pas un examen de pratique courante et ilpeut encore être considéré comme expérimental.

Intérêt pratique et principalespathologies décelées

L’exploration anatomique de la rétine par le SLOpermet de visualiser, au mieux, une membraneépirétinienne, de mesurer de façon précise l’étendued’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA),d’étudier, en coupes très fines, l’excavation papillairedans les GCAO...

L’exploration fonctionnelle de la rétine par le SLOpermet d’étudier l’acuité visuelle d’un patient parprojections de tests sur la rétine.

‚ Optical coherence tomography (OCT)

La tomographie par cohérence optique est unenouvelle technique d’imagerie diagnostique de hauterésolution, non invasive, sans injection ni contact, ethautement reproductible.

L’OCT permet d’obtenir de nombreuses coupesrétiniennes de l’ordre du micron, de dimensions quasihistologiques.

Ainsi, l’OCT devrait aider à la compréhension desprocessus physiopathogéniques de la DMLA et destrous maculaires, et de mesurer les bénéfices desdifférentes thérapeutiques proposées.

Gilles Chaine : Praticien hospitalier, chef de service.Isabelle Badelow : Praticien hospitalier.Olivier Auzerie : Interne des Hôpitaux.

Service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Chaine, I Badelow et O Auzerie. Examens complémentaires en ophtalmologie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0240, 1998, 4 p

6-0240 - Examens complémentaires en ophtalmologie

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Page 67: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Lasers

G Chaine

L ’œil est l’unique organe à interagir avec la lumière, l’ophtalmologie a donc été la première spécialité médicaledans laquelle les lasers ont été utilisés dans un but thérapeutique.

© Elsevier, Paris.

■Photocoagulation rétinienne

‚ Généralités

Historiquement, il s’agit de la première applicationdes lasers en ophtalmologie, d’abord réalisée pardes photocoagulateurs au xénon aujourd’huiabandonnés, développée considérablement grâceau laser à l’argon.

L’utilisation du laser pour la photocoagulationrétinienne nécessite des milieux transparents(absence de cataracte ou d’hémorragieintravitréenne) pour que le faisceau laser atteigne letissu cible (couche externe de la rétine - épithéliumpigmentaire - et choriocapillaire) où l’énergie produitune brûlure.

Les séances de photocoagulation au laser sontréalisées en consultation externe, après dilatationpupillaire maximale, instillation d’une goutte decollyre anesthésique et mise en place d’un verre decontact (verre à trois miroirs ou lentille asphérique)permettant une focalisation précise des impacts surla rétine.

Les séances de photocoagulation sont peudouloureuses, sauf dans certaines indicationsparticulières nécessitant des traitements de forteintensité.

L’ophtalmologiste, grâce à un faisceau de visée,contrôle au biomicroscope l’emplacement et lerésultat de la photocoagulation. Il s’agit d’unblanchiment immédiat de la rétine, évoluant en 2 à3 semaines vers une cicatrice pigmentée etatrophique.

Les paramètres variables de la photocoagulationsont la taille des impacts (50 µm à 500 µm), la duréedes impacts (0,10 seconde à 1 seconde), la puissancedélivrée (150 à 700 mW), le nombre d’impactsdélivrés par séance (de 1 à 1 000) et la longueurd’onde (tableau I).

‚ Indications de la photocoagulation aulaser

El les résultent toutes des effets de laphotocoagulation sur la rétine :

– création de cicatrice choriorétinienne ;– destruction de couches externes de la rétine ;– occlusion vasculaire directe (vaisseaux rétiniens

ou choroïdiens).

Rétinopathie diabétique (fig 1)

¶ Photocoagulation panrétinienne (PPR)Elle consiste en la destruction, en quatre à six

séances, de l’ensemble de la rétine par des impactsquasi confluents, à l’exception du pôle postérieur.Elle a fait la preuve de son efficacité pour prévenir lesbaisses sévères de vision liées à la prolifération

néovasculaire. Elle est indiquée en présence d’unerétinopathie diabétique proliférante (néovaisseauxprérétiniens ou prépapillaires) et, dans certains cas,en présence de rétinopathie diabétique nonproliférante sévère ou préproliférante.

Les résultats sont excellents, les néovaisseauxrégressent en 2 à 3 semaines après la fin dutraitement, éliminant le risque d’hémorragieintravitréenne ou de décollement de rétine partraction.

Les effets secondaires sont un rétrécissement duchamp visuel périphérique et une diminution de lavision nocturne définitive.

Parfois, le patient constate une diminutiond’acuité visuelle, le plus souvent transitoire, liée à lamajoration d’un œdème maculaire par la PPR.

¶ Photocoagulation du pôle postérieurElle est indiquée en présence d’exsudats du pôle

postérieur menaçant la région maculaire etd’œdème maculaire cystoïde durable, responsabled’une diminution de l’acuité visuelle centrale.

Le traitement consiste à placer au pôle postérieurdes impacts de petite taille, non confluents sur lesanomalies laissant diffuser le colorant et/ou sur leslogettes d’œdème maculaire cystoïde (OMC) enrespectant uniquement la foveola (300 µmcentraux).

Tableau I. – Principaux types de lasers utilisés pour la photocoagulation.

Type de laser Longueurs d’onde Couleur

Laser à argon 488 nm ou 514 nm Bleu-vert ou vert monochromati-que

Laser à krypton 647 nm Rouge

Laser à colorant 560 à 650 nm Jaune - vert - rouge

Laser diode semi-conducteur 780 à 850 nm

1 Rétinopathie diabétique : photocoagulation du pôle postérieur récent (impacts blanc crème), cicatricespigmentées et atrophiques de photocoagulation panrétinienne ancienne.

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Ce traitement permet une régression des exsudatset une disparition de l’OMC. Les résultatsfonctionnels sont une stabilisation ou uneamélioration de l’acuité visuelle centrale.

Occlusions veineuses (OV)

Les occlusions du tronc de la veine centrale de larétine (OVCR) de type ischémique (15 % des casd’OVCR) sont une indication à une PPR menéerapidement pour éviter le redoutable glaucomenéovasculaire. Il n’y a cependant pas dans ce cas derécupération fonctionnelle.

Les occlusions de branche veineuse ischémiquesbénéficient d’une photocoagulation sectorielle pourtraiter la néovascularisation prérétinienne.

L’OMC lié aux OV est traité par une photocoagu-lation du pôle postérieur.

Autres pathologies ischémiques

La drépanocytose et les vasculites occlusives sontégalement des indications à la photocoagulationdans la mesure où elles sont responsables denéovascularisation.

Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)

Les formes avec néovascularisation sous-rétinienne individualisée respectant la régionfovéolaire sont des indications à une photocoagu-lat ion intense de la lame néovasculaireindividualisée par l’angiographie. Les récidives sontnéanmoins fréquentes. Le but du traitement est icid’occlure les néovaisseaux sous rétiniens (NVSR)

Prévention du décollement de rétine (DR)

Il s’agit de créer une cicatrice choriorétinienneadhérente périphérique située en arrière de lésiondégénérative potentiellement responsable de DR.

Le traitement peut être localisé ou circonférentiel.Les lésions considérées comme dangereuses sont lesdéchirures rétiniennes et les lésions palissadiques.Néanmoins, les antécédents personnels ou familiauxde DR, considérés comme des facteurs de risque,permettent d’élargir ces indications.

Autres indications rétiniennes

Les NVSR en dehors de la DMLA, en particulierchez les myopes forts, la choriorétinopathie séreusecentrale, les télangiectasies paramaculaires peuventdans certains cas constituer les indications dephotocoagulation.

Les angiomatoses rétiniennes (maladie de Coatset von Hippel-Lindau) nécessitent des occlusionsdirectes des lésions vasculaires par des séancesrépétées de photocoagulation pour faire régresserl’exsudation qui les accompagne.

■Glaucome

‚ Glaucome chronique à angle ouvert(GCAO)

La trabéculoplastie au laser à argon (petitsimpacts placés dans l’angle iridocornéen en une oudeux séances) est parfois indiquée en l’absence deréponse satisfaisante à un traitement par collyre,lorsqu’une intervention chirurgicale n’est pasréalisable.

‚ Glaucome à angle étroit

L’iridotomie au laser YAG a désormaispratiquement supplanté l’iridectomie chirurgicalepour le traitement préventif et curatif du glaucomeaigu par fermeture de l’angle.

‚ Autres indications

La cyclodestruction (diminution du corps ciliaire)peut être réalisée au laser YAG dans le cas deglaucomes réfractaires.

En pratique, il est important de ne pas dilater lapupille avant une séance de photocoagulation pourglaucome.

■Cataracte

Le laser n’est pas actuellement utilisable commetraitement primaire de la cataracte.

Cependant, chez 20 % des patients opérés, seproduit, dans les années suivant l’intervention, uneopacification de la capsule postérieure du cristallin,responsable d’une diminution de la vision.

Cette capsule peut être ouverte par des impactsde laser YAG en consultation.

■Chirurgie réfractive

Le principe de la chirurgie réfractive par laserExcimer est de réaliser une photoablation de tissucornéen, permettant de modifier la courburecornéenne antérieure et donc le pouvoir réfractif dela cornée.

Le laser Excimer peut également être réalisé sousun volet cornéen antérieur, permettant laconservation de l’épithélium cornéen (LASIK).

Cette chirurgie est le plus souvent utilisée pourtraiter la myopie, mais les autres problèmes réfractifs(astigmatisme, hypermétropie) peuvent égalementen bénéficier dans certaines conditions.

■Autres applications

thérapeutiques

La thérapie photodynamique consiste à réaliserune photocoagulation au laser après injection d’unagent photosensible pour la longueur d’onde dulaser utilisé.

Ce type de traitement est utilisé pour le traitementdes tumeurs choroïdiennes et de néovaisseauxsous-rétiniens.

Le Laser à CO2 et Nd-YAG sont utilisés pourl’excision de lésions palpébrales, voire pour laréalisation de dacryocystorhinostomie.

■Lasers diagnostiques

Nous citerons uniquement :– le laser doppler vélocimétrie : technique

permettant de mesurer le débit sanguin rétinien ;– le scanning laser ophtalmoscope (SLO) :

technique permettant de cartographier la rétine et demesurer sa capacité fonctionnelle ;

– le laser Cell Flare Meter : il est utilisé pourdéterminer la quantité de protéine et de cellulesdans l’humeur aqueuse. Il s’agit d’une mesurequantitative de l’inflammation ;

– la tomographie en cohérence optique : cettetechnique permet d’obtenir des images en coupe dusegment postérieur de l’œil avec une très granderésolution. Elle est particulièrement utile pourl’analyse des pathologies maculaires.

Actuellement, les lasers sont indispensables à lapratique de l’ophtalmologie.

La PPR a transformé le pronostic fonctionnel desdiabétiques porteurs d’une rétinopathie proliférante,autrefois voués à la cécité.

Le développement de la chirurgie extracapsulairede la cataracte avec implantation n’a pu se faire quelorsque le laser YAG a pu découper les capsulesdevenues opaques.

Enfin, la chirurgie réfractive a considérablementbénéficié en prédictibilité et en qualité de résultatsgrâce aux lasers.

Gilles Chaine : Praticien hospitalier, chef de service,service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Chaine. Lasers. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0330, 1998, 2 p

6-0330 - Lasers

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Page 69: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Traitements locaux

en ophtalmologie

M Goldschild, C Baudouin

■Introduction

La pharmacopée, en ophtalmologie, s’enrichit trèsrégulièrement de nouveaux principes actifs ou denouvelles formes galéniques d’un ancien principeactif (nouveau dosage, suppression du conservateur,apparition d’une présentation sous forme de gel...)qui permettent la réponse thérapeutique la plusadaptée à chaque cas. L’exposé suivant regroupe lesprincipaux agents pharmacologiques utilisés enpratique ophtalmologique, avec pour but d’aider lemédecin généraliste dans la compréhension de lapathologie ophtalmologique de son patient. Cetexposé permettra également de garder à l’esprit lesdangers de certains traitements, s’ils sont prescrits defaçon abusive et non contrôlée.

■Antiseptiques

Ils ont constitué pendant longtemps le principalarsenal thérapeutique anti-infectieux. Ils agissent trèsrapidement (1 à 2 minutes), sur différents germessitués à la surface de l’œil (bactéries, virus,champignons). Il existe différents antiseptiques(tableau I) qui peuvent être présentés, soit commeseul principe actif, soit associés à un vasocons-tricteur. L’utilisation de cette association nécessited’en connaître les précautions d’emploi.

‚ Contre-indications

– Risque de glaucome par fermeture de l’angle.– Enfant de moins de 3 ans.

‚ Précautions d’emploi

Éviter l’instillation répétée chez les sujets atteintsde pathologie cardiologique hypertensive et chez leshyperthyroïdiens.

Les antiseptiques pourront être utilisés dans laprophylaxie de l’endophtalmie en pré- et per-opératoire, et pour éviter la survenue d’unesurinfection lors d’une agression oculaire.

■Antibiotiques

‚ Rappels

Les antibiotiques sont des agents antibactériens,classés en bactériostatiques ou bactéricides, selon

Tableau I. – Antiseptiques locaux.

Nom commercial Principe actif Vasoconstricteur Présentation

Antalyretchlorhexidine gluconate

oui Unidoses de 0,4 mLsynéphrine tartrate

Benzodéciniumt benzodécinium tartrate non Flacon de 10 mL

Bétadine 5 % soloct polyvidone iodée non Flacon de 50 mL

Biocidant céthexonium bromure nonFlacon de 10 mL

Unidoses de 0,4 mL

Boroclarinet

borate de sodium

oui Flacon de 10 mLacide borique

phényléphrine chlorhydrate

Collyre Bleu FortLaitert

méthylthioninium chlorureoui Flacon de 10 mLnaphazoline nitrate 0,05 %

Collyre BleuLaitert

méthylthioninium chlorureoui Flacon de 10 mLnaphazoline nitrate 0,1 %

Collyrext

thiomersal

oui Flacon de 10 mLphényléphrine chlorhydrate

pentosane polyester sulfurique

Constrilliattétryzoline chlorhydrate

oui Flacon de 10 mLthiomersal

Dacrinet

hydrastinine chlorure

oui Flacon de 10 mLsynéphrine tartrate

chlorhexidine gluconate

Dacryoboralinet

synéphrine tartrate

oui Flacon de 10 mLborate de sodium

acide borique

Désomédinet hexamidine di-isétionate non Flacon de 10 mL

Isodriltchlorhexidine gluconate

oui Unidoses de 0,4 mLphényléphrine chlorhydrate

Oxyde mercuriqueJaune 1 %Chauvint oxyde mercurique jaune non

Pommade tube de5g

Posinetsynéphrine chlorhydrate

oui Flacon de 10 mLacide borique

Propionate de so-dium 5 % Chibrett propionate de sodium non Flacon de 10 mL

Sédacollyret

synéphrine tartrate

oui Flacon de 10 mLberbérine chlorure

benzodécinium bromure

Sophtaltacide salicylique

non Flacon de 10 mLchlorhexidine gluconate

Stillat

acide borique

oui Flacon de 10 mL

borate de sodiumphényléphrine chlorhydrate

méthylthioninium

Stillargolt 1 % et5 % protéinate d’argent non Flacon de 25 mL

Visiodosetchlorhexidine gluconate

oui Unidoses de 0,4 mLphényléphrine chlorhydrate

Visiolyret

sulfate de cadmium

oui Flacon de 10 mLsulfate de zinc

pényléphrine chlorhydrate

Vita 3tphényléphrine chlorhydrate

oui Flacon de 10 mLsulforutoside sodique

Vitabactt picloxydine non Flacon de 10 mL

Vitaseptolt mercurothiolate sodique non Flacon de 10 mL

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qu’ils inhibent la croissance du micro-organisme ouqu’ils tuent ce dernier. Cette différence d’intensitéd’action a une grande importance en clinique. Eneffet, l’action bactériostatique suffit le plus souvent,notamment lors d’une conjonctivite. À l’inverse,devant une infection grave (abcès ou endophtalmie),l’effet bactéricide est nécessaire. Les antibiotiques ontun spectre d’action électif, chaque antibiotiqueagissant sur une classe donnée de germes, d’où lanécessité d’employer des antibiotiques à largespectre et de privilégier les associations. L’associationde deux antibiotiques permet d’élargir le spectre,d’inhiber l’apparition de souches mutantesrésistantes, d’obtenir un effet synergique etd’augmenter la vitesse de bactéricidie.

‚ Voies d’administration

Collyres

Ils sont actifs en cas d’infection :– de la conjonctive ;– des voies lacrymales ;– des couches antérieures de la cornée.Ils pénètrent le plus souvent mal dans la cornée

non ulcérée et dans la chambre antérieure.Leur durée d’action est brève, ce qui nécessite des

instillations fréquentes pour être efficaces : de 4 à 8fois par jour et parfois plus en cas d’infection sévère(toutes les heures, voire en irrigation continue enmilieu hospitalier).

Pommades

Elles pénètrent mieux la cornée que les collyres etleur durée d’action est plus longue. Cependant, ellessont d’un emploi peu agréable du fait du brouillardvisuel qu’elles occasionnent, et sont plusallergisantes que les collyres. Elles sont le plussouvent prescrites en complément de ceux-ci,notamment le soir au coucher.

Les différentes spécialités et modes deprésentation sont résumés dans les tableaux II et III.

‚ Règles de prescription

Les antibiotiques locaux doivent être prescrits àbon escient, sous peine de voir augmenter lasensibilisation allergique et les résistances.

Il faut savoir suspecter le germe sur desarguments de fréquence, sur le tableau clinique ouaprès prélèvement bactériologique.

Il faut, de première intention, prescrire le plusprécocement possible une mono-antibiothérapie àlarge spectre, de façon intense (une instillation toutesles 2 à 3 heures), en particulier pour les abcès decornée, (une irrigation continue de collyresantibiotiques est alors nécessaire), ininterrompuependant une durée suffisante. La symptomatologies’efface habituellement au bout de 3 à 5 jours, mais ilfaut cependant insister sur la nécessité absolue depoursuivre le traitement à dose efficace pendant aumoins 8 jours.

D’autre part, en cas d’association d’antibiotiques,il faut éviter d’associer deux antibiotiques de lamême classe, ou un antibiotique bactéricide et unantibiotique bactériostatique.

Indication

Les antibiotiques locaux sont indiqués dans lesinfections de l’œil et de ses annexes :

– infections palpébrales et des voies lacrymales ;– conjonctivites et kératoconjonctivites ;– ulcères de cornée ;– uvéites ;– endophtalmies.

Contre-indications

Elles sont représentées par :– les allergies connues ;– le chloramphénicol chez le nouveau-né (risque

d’aplasie médullaire lors d’une administrationultérieure de l’antibiotique par sensibilisation) et encas d’aplasie médullaire.

Les incidents et accidents sont représentés parl’apparition d’allergie locale, voire à distance, et parle risque de sélection de souches résistantes.

■Antiglaucomateux

‚ Rappels

Les traitements antiglaucomateux actuels ontpour but d’abaisser la pression intraoculaire à desvaleurs compatibles avec une bonne tolérance dunerf optique. Les principaux collyres utilisés dans le

Tableau II. – Antibiotiques non associés.

Principe actif Nom commercial Collyre Pommade

Acide fusidique Fucithalmict Non Oui (gel)

Bacitracine Bacitracine Martinett Oui Non

Chloramphénicol Cébénicolt Oui Non

Ciprofloxacine Ciloxant Oui Non

Gentamycine Gentalline Ophtagramt Oui Oui

Micronomicine Microphtat Oui Non

Néomycine Néomycine Diamantt Oui Oui

Norfloxacine Chibroxinet Oui Non

Ofloxacine Exocinet Oui Non

Oxytétracycline Posicyclinet Oui Oui

Rifamycine Rifamycine Chibrett Oui Oui

Tobramycine Tobrext Oui Oui

Tableau III. – Antibiotiques associés.

Principe actif Nom commercial Collyre Pommade

Association de deux antibiotiques

Néomycine + polymyxine B Cébémyxinet Oui Oui

Framycétine + polymyxine B Polyfra pommadeophtalmiquet

Non Oui

Kanamycine + polymyxine B Stérimycinet Non Oui, unidoses

Association antibiotique + corticoïde

Dexaméthasone + oxytétracycline Sterdext Non Oui, unidoses

Dexaméthasone + néomycine Chibro-cadront Oui NonDexagranet Oui Non

Dexaméthasone + framycétine Frakidext Oui Oui

Bétaméthasone + gentamycine Gentasonet Oui Oui

Dexaméthasone + chloramphénicol Cébédexacolt Oui Non

Association de deux antibiotiques + corticoïde

Hydrocortisone + bacitracine + colistine Bacicolinet Oui Non

Dexaméthasone + néomycine + polymyxine Maxidrolt Oui Oui

Association antibiotiques + vasoconstricteur

Framycétine + phényléphrine + méglumine Néoparyl-Framycétinet Oui Non

Framycétine + polymyxine B + synéphrine Polyfrat Oui Non

Association antibiotique + antiseptique

Prednisolone + chlorhexidine Désocortt Oui Non

6-0300 - Traitements locaux en ophtalmologie

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Page 71: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

traitement du glaucome agissent au niveau desrécepteurs spécifiques du système nerveux végétatifsympathique et parasympathique. La résorption del’humeur aqueuse se fait à 80 % par la voietrabéculaire, et à 20 % par la voie uvéosclérale. Sil’on classe les collyres antiglaucomateux selon leuraction sur les mouvements de l’humeur aqueuse, ondistingue deux catégories :

– les antiglaucomateux qui augmententl’écoulement de l’humeur aqueuse : myotiquesparasympathicolytiques (pilocarpine, carbachol,acéclidine), les sympathomimétiques alpha et bêtaadrénergiques (Glauposinet, Eppyt, Propinet), lesanalogues de prostaglandines (Latanoprostt) ;

– les antiglaucomateux qui diminuent lasécrétion d’humeur aqueuse : les sympatholytiques(bêtabloquants), les α-2 agonistes (Iopidinet,Alphagant), les inhibiteurs de l’anhydrasecarbonique (Trusoptt).

‚ Bêtabloquants

Rappels

Les collyres bêtabloquants représentent letraitement principal, et le plus souvent de premièreintention, du glaucome. Ils diminuent la pressionintraoculaire par diminution du débit ciliaired’humeur aqueuse. L’instillation d’un collyrebêtabloquant dans le cul de sac conjonctivalinférieur, va entraîner un passage systémique nonnégligeable, ainsi que des effets systémiquesexpliquant les contre-indications et les précautionsd’emploi de ces collyres.

Les bêtabloquants sont classés selon troispropriétés (tableau IV) :

– sélectivité, qui correspond à la faculté debloquer uniquement les récepteurs â1 ou â2 ;

– activité sympathomimétique intrinsèque (ASI),qui permet paradoxalement une faible stimulationdu récepteur adrénergique, ce qui pourrait évitercertains effets secondaires en particulier vasculaires ;

– activité stabilisante de membrane (ASM), qui estresponsable d’une anesthésie cornéenne.

Règles de prescription

Les collyres bêtabloquants sont indiqués dans letraitement du glaucome chronique à angle ouvert,l’hypertonie oculaire primitive ou secondaire.

Ils sont absolument contre-indiqués en casd’antécédent d’asthme, d’insuffisance cardiaque

congestive, de bloc auriculoventriculaire, debradycardie importante (< 45-50 batt /min), desyndrome de Raynaud.

Leur utilisation implique la surveillance des signesd’insuffisance cardiaque ; elle sera prudente chez lebronchopathe chronique obstructif et en cas dediabète non équilibré. Une surveillance particulièreest nécessaire chez les patients prenant déjà desbêtabloquants par voie générale.

Au total, avant toute prescription de collyrebêtabloquant, le patient sera soigneusementinterrogé sur ses antécédents généraux.

La plupart des bêtabloquants se présentent sousdeux ou trois dosages, le plus souvent en flacon. Laprésentation sous forme de flacon peut contenir lebêtabloquant seul ou en association avec unmyotique (tableau V). Ils sont le plus souventadministrés à la posologie d’une instillation deux foispar jour, à 12 heures d’intervalle. Certainespréparations permettent une inst i l lat ionuniquotidienne (le principe actif étant alors associé àune gomme qui prolonge le temps de contactcornéen). D’autres présentations (unidoses ou flacon

avec filtre ABAK) ont l’avantage de ne pas contenirde conservateur, ce dernier pouvant être allergisantou toxique au long cours.

‚ Myotiques

Ce sont des collyres parasympathomimétiques,dont le chef de file est la pilocarpine, alcaloïde de lafeuille de Jaborandi. Ils augmentent l’évacuation del’humeur aqueuse en provoquant un myosis et lacontraction du muscle ciliaire.

Les myotiques parasympathomimétiquesprovoquent des effets secondaires, essentiellementlocaux, à type de baisse d’acuité visuelle, de gêne àla vision nocturne, de vasodilatation conjonctivale,de modification du champ visuel (d’où la nécessitéde les arrêter quelques jours avant la réalisation d’unexamen du champ visuel), d’augmentation de lasécrétion lacrymale. Ils doivent être employés avecprécaution chez le fort myope, en raison du risquede décollement de rétine qu’ils augmentent partraction du muscle ciliaire sur la rétine périphérique.

Parasympathomimétiques directs (tableau VI)

Ils sont au nombre de trois : la pilocarpine,l’acéclidine, le carbachol. Ils sont indiqués en cas deglaucome par fermeture de l’angle pour refermer lesphincter irien après diminution de l’hypertonie, eten cas de glaucome chronique à angle ouvert. Danscette dernière indication ils sont instillés 3 fois parjour. Leur principale contre-indication estreprésentée par l’iridocyclite.

Sympathomimétiques indirects (tableau VII)

Ils sont représentés par les anticholinestérasiqueset essentiellement par la phospholine. Elle estindiquée en cas de glaucome chronique à angleouvert, et de glaucome de l’aphaque.

Les deux contre-indications principales sontreprésentées par le glaucome par fermeture del’angle et la myopie forte.

Tableau IV. – Classification pharmacodynamique des bêtabloquants.

Dénomination commune Sélectivité Activité sympatho- Activitéinternationale mimétique intrinsèque stabilisante de membrane

Bupranolol â1 â2 Non Oui

Lévobunolol â1 â2 Non Non

Métipranolol â1 â2 Non Non

Timolol â1 â2 Non Non

Béfunolol â1 â2 Oui Non

Cartéolol â1 â2 Puissante Non

Pindolol â1 â2 Puissante Non

Bétaxolol â1 Non Non

Tableau V. – Bêtabloquants oculaires.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Bêtabloquants seuls

Béfunolol Bentost 0,25 % - 0,5 % Flacon, unidoses

Lévobunolol Bétagant 0,1 % - 0,5 % Flacon

Métipranolol Bétanolt 0,1 % - 0,3 % - 0,6 % Flacon

Bétaxolol Bétoptict 0,25 % - 0,5 % - 0,25 % Flacon, unidoses

Cartéolol Cartéolt 1 % - 2 % Flacon

Timolol Digaolt 0,25 % - 0,5 % Flacon, unidosesGaoptolt 0,25 % - 0,5 % Flacon, unidosesNyololt 0,25 % - 0,5 % FlaconOphtimt 0,25 % - 0,5 % UnidosesTimoptolt 0,1 % - 0,25 % - 0,5 % Flacon

Timoptol LPt 0,25 % - 0,5 % Flacon

Bêtabloquants associés

Timolol + pilocarpine Timpilo 2t 0,5 % + 2 % Flacon

Timoptol + pilocarpine Timpilo 4t 0,5 % + 4 % Flacon

Timoptol + pilocarpine Pilobloqt 0,5 % + 2 % Flacon

Cartéolol + pilocarpine Carpilot 2 % + 2 % Flacon

Traitements locaux en ophtalmologie - 6-0300

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‚ Sympathomimétiques

Ce sont des collyres qui stimulent les récepteursalpha et bêta. On distingue les sympathomimétiquesalpha et bêtast imulants (épinéphrine etdipivéphrine), et les sympathomimétiques alpha-2agonistes (apraclonidine, brimonidine). Ils entraînentune diminution de la sécrétion ciliaire d’humeuraqueuse et une augmentation de la facilitéd’écoulement.

Ils sont indiqués essentiellement en cas deglaucome chronique à angle ouvert, à la posologiede une goutte deux fois par jour. Leur emploi estformellement contre-indiqué en cas de glaucome àangle fermé, en raison de la dilatation pupillairequ’ils induisent.

Leurs effets secondaires sont nombreux etimposent parfois l’arrêt du traitement. Localement, ilpeut exister une hyperhémie conjonctivale, unediscrète mydriase, une réaction allergique plus oumoins intense, des dépôts noirâtres conjonctivauxen cas d’insti l lation très prolongée, unemaculopathie œdémateuse chez l’aphaque. Leurpassage dans la circulation systémique peutentraîner l’apparition de tachycardie, d’extrasystoles,d’hypertension artérielle (HTA).

Les différentes présentations sont résumées dansle tableau VIII.

‚ Autres traitements

Le chlorhydrate de dorzolamide (Trusoptt) est uninhibiteur local de l’anhydrase carbonique, qui neprésente pas les effets secondaires généraux de cetteclasse de médicaments, donné par voie orale ouparentérale (essentiellement l’acétazolamide :Diamoxt). Les effets indésirables sont essentiel-lement locaux, à type de conjonctivite, inflammationpalpébrale, larmoiement, prurit oculaire. Il peut être

administré, dans le traitement d’une hypertonieoculaire ou dans celui du glaucome à angle ouvert,soit en monothérapie (à la dose de trois fois par jour),soit en bithérapie associé à un bêtabloquant (à ladose de deux fois par jour).

Très récemment, est apparue une nouvelle classemédicamenteuse qui va probablement révolu-tionner le traitement du glaucome : les analoguesdes prostaglandines. Ce principe actif ne modifie pasla production d’humeur aqueuse dans l’œil, maisentraîne une augmentation de l’évacuation decelle-ci par augmentation du débit uvéoscléral. Sonefficacité semble excellente et l’association auxautres collyres antiglaucomateux reste possible. Leprincipal inconvénient de cette drogue estl’apparition d’une pigmentation irienne chez lessujets porteurs d’un iris vert ou bleu cerclé d’unecollerette brune. Ce nouveau traitement est donnéen seconde intention, en cas d’échec ou de

contre-indication des traitements classiques. Laposologie optimale est une instillation par jour, lesoir.

‚ Associations

Les associations d’antiglaucomateux regroupent,au sein d’un même flacon, différents principes actifscomplémentaires.

Ces associations sont de deux types :– cholinergique et adrénergique ;– cholinergique et bêtabloquant.Les cholinergiques associés aux adrénergiques

agissent en augmentant la facilité d’écoulement del’humeur aqueuse.

Les cholinergiques associés aux bêtabloquantsdiminuent la sécrétion d’humeur aqueuse, etaugmentent la facilité d’écoulement de l’humeuraqueuse par l’effet myotique.

Les différentes présentations commercialiséessont regroupées dans le tableau IX.

■Anti-inflammatoires

‚ Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),inhibent la production de prostaglandines, parinhibition de la cyclo-oxygénase. Les différentsprincipes actifs disponibles en ophtalmologie, ainsique les formes de présentations sont résumés dansle tableau X.

Les AINS sont indiqués dans l’inhibition du myosisau cours de la chirurgie de la cataracte, la préventionde l’inflammation après chirurgie de la cataracte etdu segment antérieur, et dans le traitement desmanifestations douloureuses liées à la photokératec-tomie réfractive au cours des 24 premières heures.La tolérance est bonne, l’efficacité est comparable àcelle des corticoïdes sans leurs effets secondaires. Ilpeut cependant exister des réactions allergiqueslocales au principe actif.

‚ Anti-inflammatoires stéroïdiens

Mode d’action

Les corticoïdes sont de puissants anti-inflammatoires, très utilisés en ophtalmologie, quidiminuent l’infiltration tissulaire et l’œdème. D’autre

Tableau VI. – Myotiques parasympathomométiques directs.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Acéclidine Glaucostatt 2 % Flacon

Carbachol Isoptot-Carbachol 1,5 % - 3 % Flacon

Pilocarpine Chibrot-Pilocarpine 1 % - 2 % FlaconIsoptot-Pilocarpine 1,5 % - 3 % Flacon

Pilo 1t 1 % FlaconPilo 2t 2 % Flacon

Pilocarpine Martinett 1 % - 2 % - 3 % FlaconPilocarpine Fauret 1 % - 2 % Unidoses

Tableau VII. – Myotiques parasympathomimétiques indirects.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Ecothiopate iodure Phospholine Iodidet 0,03 % Flacon

Tableau VIII. – Antiglaucomateux sympathomimétiques.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Epinéphrine Eppyt 1 % Flacon

Dipivéphrine Propinet 0,10 % Flacon

Apraclonidine Iopidinet 0,50 % Flacon, unidoses

Tableau IX. – Autres antiglaucomateux.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Dorzolamide Trusoptt 2 % Flacon

Latanoprost Xalatant 0,005 % Flacon

Tableau X. – Les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Indométacine micronisée Indocid Collyret 1 % Flacon

Indométacine Indocollyre 0,1 %t 0,10 % Flacon

Flurbiprofène Ocufent 0,03 % Flacon, unidoses

Diclofénac Voltarènet 0,10 % Flacon, unidoses

6-0300 - Traitements locaux en ophtalmologie

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Page 73: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

part, ils inhibent la prolifération fibroblastique, etdonc la phase de cicatrisation d’une plaie. Ilsdiminuent également la prolifération néovasculaire.

Les corticoïdes sont classés en corticoïdes naturels(cortisol et cortisone), et en corticoïdes de synthèse,dont l’effet anti-inflammatoire est supérieur à celuides corticoïdes naturels.

Ainsi , on distingue, selon une activitéanti-inflammatoire décroissante :

– la déxaméthasone ;– la prednisolone ;– la fluorométholone ;– l’hydrocortisone ;– la médrysone.

Les corticoïdes en collyre sont utilisés seuls, ou enassociation avec des antibiotiques ou unantiseptique. Les différentes présentationsophtalmologiques sont résumées dans le tableau XI.

Mode d’emploi

L’emploi d’une corticothérapie locale nécessiteune stricte surveillance ophtalmologique.

Les contre-indications sont représentées partoutes les affections oculaires risquant d’êtreaggravées par les corticoïdes :

– conjonctivites infectieuses bactériennes,mycosiques ou tuberculeuses ;

– kératoconjonctivites herpétiques, zostériennesou mycotiques ;

– ulcérations de cornée ;– glaucome chronique à angle ouvert.

Les effets secondaires ne sont pas anodins etcomportent le retard de cicatrisation des affectionscornéennes avec perte de substance, uneaggravation d’une infection virale, mycotique ou

bactérienne avec risque de perforation cornéenneiatrogène (ce qui explique le danger d’unecorticothérapie systématique devant tout œil rouge).Il existe également un risque d’apparitiond’hypertonie oculaire, voire de glaucomecortisonique, en cas d’utilisation prolongée, ainsi quede cataracte cortisonique sous-capsulairepostérieure.

■Anti-allergiques

Les manifestations allergiques au niveau de lasphère ophtalmologique tendent à prendre uneplace de plus en plus importante dans la pathologieet la thérapeutique oculaires. Une meilleureconnaissance de la physiopathologie, del’épidémiologie et de la nosologie permet une

meilleure prise en charge. Le médiateur le mieuxconnu pour son rôle dans le déclenchement desphénomènes allergiques est l’histamine, qui estlibérée lors de la dégranulation des mastocytesconjonctivaux. Elle est responsable de l’apparitiond’une vasodilatation, de la libération d’acidearachidonique, dont le métabolisme va aboutir à laproduction d’autres médiateurs non histaminiquesmais tout aussi pro-inflammatoires, et favorisant lemaintien de la réaction allergique.

Le premier acte thérapeutique devant toutepathologie supposée d’origine allergique estl’interrogatoire du malade à la recherche du ou desfacteurs déclenchants éventuels.

Ainsi, associé à l’éviction de l’allergène, untraitement anti-allergique symptomatique peut êtreprescrit. Les anti-allergiques agissent, soit parmécanisme directement antihistaminique anti H1,soit en inhibant la dégranulation des mastocytes parstabilisation de la membrane de ceux-ci. En casd’inefficacité des anti-allergiques classiques, il estpossible d’avoir recours à la corticothérapie locale.Les principaux anti-allergiques utilisés, ainsi que leursprésentations, sont résumés dans le tableau XII. Ilssont prescrits dans les phases aiguës d’allergieoculaire, mais aussi sur de plus longues périodes, entraitement préventif lorsque l’allergène est connu,notamment en cas d’allergie aux pollens.

■Cicatrisants cornéens

L’apparition d’une lésion cornéenne peut être lefait d’un mécanisme lésionnel direct et/ou indirect.Les phénomènes de cicatrisation mettent en jeu desmécanismes spécifiques à la fois biochimiques(libération de médiateurs par le tissu lésé), etmécaniques (détersion des débris, réorganisation del’architecture épithéliale et remodelage du stroma).Le but de ces phénomènes de cicatrisation est larestitution de la fonction de barrière de l’épithéliumcornéen et de la fonction optique de la cornée. Lescicatrisants ont pour but de favoriser et d’accélérercette cicatrisation. Il s’agit le plus souvent deprincipes actifs favorisant l’anabolisme protidique,parfois associés à des véhicules long contact(dextran) qui potentialisent l’effet du cicatrisant.Parfois une action anti-exsudative et anti-inflammatoire est également associée à l’action

Tableau XI. – Anti-inflammatoires stéroïdiens.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Corticoïdes locaux non associés

Dexaméthasone CébédextMaxidext 0,1 % Flacon

Fluorométholone Flucont O,1 % Flacon

Médrysone Médrysone Fauret 1,05 % Flacon

Prednisolone Solucortt Ophta Flacon

Principe actif Nom commercial Collyre Pommade

Corticoïdes locaux associés

Dexaméthasone + oxytétracycline Sterdext Non Oui, unidoses

Dexaméthasone + néomycine Chibrocadront Oui, flacon NonDexagranet Oui, flacon

Dexaméthasone + framycétine Frakidext Oui, flacon Oui, tube

Dexaméthasone + chloramphénicol Cébédéxacolt Oui, flacon Non

Dexaméthasone + néomycine +polymyxine B Maxidrolt Oui, flacon Oui, tube

Triamcinolone + néomycine Cidermext Non Oui, tube

Bétaméthasone + gentamycine Gentasonet Oui, flacon Oui, tube

Hydrocortisone + bacitracine +colistine Bacitracinet Oui, flacon Non

Prednisolone + chlorhexidine Désocortt Oui, flacon Non

Tableau XII. – Anti-allergiques locaux.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Acide cromoglicique Cromédilt 2 % FlaconCromoptict 2 % FlaconOpticront 2 % Flacon, unidoses

Acide N-acétyl-aspartyl-glutamique Naaxiat 4,9 % Flacon, unidosesNaabakt 4,9 % Flacon ABAK

BrophéniramineMartigènet 1 % FlaconPhényléphrine

Lévocabastine Lévophtat 0,05 % Flacon

Lodoxamide Almidet 0,10 % Flacon, unidoses

Nédocromil Tilavistt 2 % Flacon

Traitements locaux en ophtalmologie - 6-0300

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Page 74: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

trophique (Dioparinet). Une autre approchethérapeutique et originale est l’utilisationd’acétylcystéine (Euronact, Génact) qui a une actionanticollagénasique puissante, la collagénase étantune enzyme sécrétée en abondance lors de toutelésion de l’épithélium cornéen et provoquant unedégradation des fibres de collagène cornéen. Lesdifférents cicatrisants cornéens, ainsi que leursprésentations sont résumés dans le tableau XIII. Ilssont prescrits à la posologie de quatre à cinqinstillations par jour pendant une semaine.

■Suppléance lacrymale

L’insuffisance lacrymale est une cause fréquentede consultation en ophtalmologie. Elle peut êtred’emblée signalée par le patient qui est déjà suivipour cela, ou bien elle est découverte après unexamen complet et un interrogatoire recherchantdes facteurs de risque ou favorisants (tels que la prisede médicaments inducteurs de sécheresse oculaire,l’existence d’un rhumatisme inflammatoire souventassocié à un syndrome sec général). Le traitement del’œil sec repose sur l’administration d’un substitutdes larmes, initialement sous forme de collyre puisplus récemment sous forme de gel. Les principesactifs et leurs modes de présentation sont résumésdans le tableau XIV.

■Mydriatiques

Le myosis et la mydriase sont régis par l’action dudilatateur de l’iris (commande sympathomimétique),et du sphincter irien (commande parasympathique).Ainsi, les collyres dilatateurs sont soit desparasympatholytiques, soit des sympathomimé-tiques. Les parasympatholytiques entraînent unemydriase passive et une paralysie de l’accommo-dation. Les sympathomimétiques entraînent unemydriase active sans action cycloplégique. Lesdifférents principes actifs ainsi que leursprésentations sont résumés dans le tableau XV.

Les mydriatiques sont utilisés pour :– l’examen du fond d’œil : on utilise, dans ce cas,

des mydriatiques d’action rapide et brève(Mydriaticumt et Néosynéphrinet) ;

– l’étude de la réfraction chez l’enfant strabiqueou non : dans ce cas, il est absolument nécessaired’obtenir une paralysie complète de l’accommo-dation (atropine ou Skiacolt) ;

– la mydriase thérapeutique lors d’inflammationdu segment antérieur de l’œil, avant et aprèschirurgie du segment antérieur (extraction decataracte) ou postérieur.

La contre-indication absolue, pour tous lesmydriatiques, est l’existence d’une chambreantérieure peu profonde et d’un angle iridocornéenétroit, du fait du risque de déclenchement d’une crisede glaucome aigu par fermeture de l’angle. Parailleurs, l’atropine peut entraîner des réactionsallergiques qui lui feront préférer la Duboisinet dansces cas-là. En cas d’antécédents d’épilepsie, deconvulsions néonatales, et chez les enfants de moinsd’un an, le Skiacolt est contre-indiqué.

D’autre part, on évitera de prescrire dessympathomimétiques chez les sujets ayant despathologies cardiovasculaires, en raison du risqued’hypertension artérielle et de troubles du rythmecardiaque.

Tableau XIII. – Cicatrisants cornéens.

Principe actif Nom commercial Présentation

L-hydroxyprolineL-aspartate de K Amicict Flacon

Iodohéparinate de sodium Dioparinet Flacon

AcétylcystéineEuronact 5 %

FlaconGennact

Nandrolone Kératylt Flacon

OctyphénolpolyoxyéthylèneOphtasiloxanet Flacondistéarate de polyéthylène glycol

Adénosine, thymidine

Vitacict Flacon, unidosescytidine, uridine,

guanosine 5’

Rétinol Vitamine A Flacon et pommade

Cyanocobalamine Vitamine B12 Flacon

Tableau XIV. – Suppléance lacrymale.

Principe actif Nom commercial Présentation

Chlorure de sodium Chlorure de Sodium Fauret 0,9 % Flacon, unidosesHydralarmt Unidoses

Larmes artificiellest 5,6 mg /0,4 mL UnidosesLarmes artificielles Martinett Flacon

Unilarmt Unidoses

Dextran chlorhexidine Dialenst Flacon

Polyvilone Dulcilarmest Flacon, unidoses

Chondroïtine Lacrypost Flacon

Alcool polyvinylique +chlorure de sodium

Liquifilmt larmes artificiellesFlaconAllergant

Méthylcellulose Méthylcellulose 1 % Chibrett Flacon

Carmellose Celluvisct Unidoses

Carbomère 934 P Gel-larmest Tube de 10gLacryvisct Tube de 5 et 15g, unidoses

Carbopol 940 Lacrigelt Tube de 5g et 10g

Carbomère 940 Lacrinormt Tube de 10g

Tableau XV. – Les mydriatiques.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Atropine Sulfate d’atropine Martinett 0,3 % - 0,5 % - 1 % FlaconAtropine Fauret 0,5 % -1 % UnidosesChibro-Atropinet 0,5 % - 1 % Flacon

Hyosciamine Sulfate de Duboisinet 1 % Flacon

Homatropine Isopto-Homatropinet 1 % Flacon

Tropicamide Mydriaticumt 0,05 % FlaconTropicamide Fauret 0,05 % Unidoses

Phényléphrine Néosynéphrine Chibrett 10 % FlaconNéosynéphrine Fauret 5 % - 10 % Flacon, unidoses

Néosynéphrinet 5 % - 10 % Unidoses

Cyclopentolate Skiacolt 0,50 % Flacon, unidoses

6-0300 - Traitements locaux en ophtalmologie

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Page 75: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Enfin, il faut connaître la toxicité de l’atropine parvoie orale et prévenir les parents de tenir le collyrehors de portée des enfants.

■Anesthésiques de contact

Les collyres anesthésiques locaux sont trèsdangereux, car leur efficacité analgésique peutconduire à l’automédication. Ils peuvent, enquelques semaines, entraîner une kératopathie avecarrêt de la cicatrisation cornéenne et création d’unekératite chronique trophique pouvant aboutir à lagreffe de cornée dans les cas graves. C’est pourquoices produits ne doivent jamais être prescrits maisuniquement réservés à l’usage du spécialiste afin defaciliter l’examen. Les principes actifs et leursprésentations sont résumés dans le tableau XVI.

■Conclusion

Il est important de garder à l’esprit lesmédications potentiellement dangereuses si ellessont prescrites sans examen ophtalmologique

préalable. Il s’agit des collyres contenant desdilatateurs (risque de glaucome aigu par fermeturede l’angle), des corticoïdes (risque d’aggravationd’un ulcère de cornée, d’un herpès cornéen, d’unabcès bactérien ou mycotique), des anesthésiquesde contact (risque d’automédication avec nécrosecornéenne possible).

Marie Goldschild : Chef de clinique-assistant.Christophe Baudouin : Chef du service d’ophtalmologie.

Service d’ophtalmologie du Pr Baudouin, Hôpital Ambroise Paré, 9, avenue Charles-De-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Goldschild et C Baudouin. Traitements locaux en ophtalmologie.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0300, 1998, 7 p

Tableau XVI. – Anesthésiques de contact.

Principe actif Nom commercial Dosage Présentation

Oxybuprocaïne Cébésinet 0,4 % FlaconChlorhydrate d’oxybuprocaïne

Fauret1,6 mg / 0,4 mL Unidoses

Novésinet 0,4 % Flacon

Tétracaïne Tétracaïnet 2 % FlaconTétracaïne Fauret 1 % Unidoses

Procaïne + méthylthioninium+ acide borique

Pommade antiseptique3 % Tubecalmantet

Traitements locaux en ophtalmologie - 6-0300

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Page 76: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Iatrogénicité oculaire

des traitements systémiques

T Maalouf, P Trechot, A Raspiller

L es effets iatrogéniques oculaires sont multiples. La démarche de l’omnipraticien doit se situer à deux niveaux :faire effectuer une surveillance ophtalmologique systématique pour dépister une atteinte iatrogénique

(glaucome cortisonique, atteinte rétinienne due aux antipaludéens de synthèse) ; et savoir rapporter l’apparitiond’une symptomatologie à un effet induit par un médicament (œil sec, halos colorés, baisse d’acuité visuelle).© Elsevier, Paris.

■Introduction

Tout médicament peut induire des effetssecondaires indésirables. Les effets iatrogéniquesoculaires sont souvent méconnus et parfois graves.Les produits incriminés sont nombreux et ont faitl’objet de multiples publications [7].

Il nous a paru utile de limiter cet exposé auxgrandes classes médicamenteuses pouvant êtreresponsables d’une iatrogénicité oculaire (tableau I).Il faudra aussi, et a contrario, garder en mémoire quedes formes topiques comme les collyres peuventêtre à l’origine d’effets systémiques.

■Étude analytique

‚ Corticoïdes (tableau II)

Les corticoïdes sont largement utilisés dans denombreuses indications sous des formes galéniquesdifférentes. Leurs complications oculaires doiventêtre connues [1].

Glaucome cortisonique

Les premières observations rapportant l’effethypertonique oculaire des corticoïdes remontent à1950 et ont été le point de départ de très nombreuxtravaux.

Sur le plan clinique, on distingue quatre formes.■ La forme chronique est de loin la plus

fréquente. L’œil est blanc et indolore. Les altérationsdu champ visuel ne deviennent gênantes que vers lafin de l’évolution naturelle du glaucome, c’est-à-direla cécité. Le diagnostic est alors évident : hypertonieélevée autour de 40 mmHg, scotome, excavation etatrophie de la papille ; l’atrophie prédomine sil’hypertonie est très forte.

■ La forme aiguë est très rare. Après 2 à 8 joursde traitement, le tonus oculaire s’élève fortement etentraîne alors douleurs susorbitaires, brouillardvisuel, vision de halos colorés, rougeur oculaire àprédominance périkératique et mydriasearéflexique. La symptomatologie revêt l’aspectbruyant d’une crise de glaucome aiguë parfermeture de l’angle, mais la chambre antérieure estprofonde et l’angle iridocornéen est ouvert.

■ Une buphtalmie est exceptionnelle. Elle sedéveloppe avant l’âge de 3 ans, souvent sur unterrain de glaucome congénital à la suite, parexemple, d’une corticothérapie locale pour uneimperméabilité des voies lacrymales.

■ La forme associée ou compliquant une uvéiteest une situation ophtalmologique délicatenécessitant un suivi attentif pour adapter la stratégiethérapeutique à l’inflammation.

Si le traitement par corticoïdes n’est pasinterrompu, l’évolution vers la cécité est inéluctable.

Les facteurs prédisposants sont multiples etpeuvent être liés à la susceptibilité individuelle, àl’âge ou au mode d’administration. Les enfants sontplus à risque que les adultes. L’administration localeest responsable d’un grand nombre de glaucomescortisoniques, alors que l’administration par voiegénérale est rarement, mais tardivement,responsable de cet effet secondaire.

L’action hypertonisante du corticoïde utilisé estd’autant plus forte que son pouvoir anti-inflammatoire est marqué.

La pathogénie de l’hypertonie oculaire résidedans l’augmentation de la résistance à l’écoulementde l’humeur aqueuse.

Si le traitement par corticoïdes n’est pas arrêté,l’évolution vers la cécité est inéluctable. Cela pose unproblème pour des affections générales graves où ilfaudra trouver un compromis entre la réduction desdoses et un traitement médical ou chirurgical duglaucome cortisonique.

Tableau I. – Principales classes médicamen-teuses pouvant induire une iatrogénicitéoculaire.

— corticoïdes— APS— antituberculeux— anti-inflammatoires (AINS, D-pénicillamine,indométacine...)— dérivés de la vitamine A— médicaments à visée cardiovasculaire (amioda-rone, maléate de perhexiline...)— phénothiazines— contraceptifs orauxplus rarement :â-bloquants, ciclosporine,antiépileptiques...

Tableau II. – Iatrogénicité oculaire descorticoïdes.

— Glaucome cortisonique (quatre formes clini-ques)— Cataracte cortisonique— Neuropathie optique antérieure— Rétinopathie cortisonique— Réactivation d’un processus infectieux oculaire(viral, fongique, tuberculeux...)

Les quatre formes du glaucomecortisonique :– forme chronique, la plus fréquente ;– forme aiguë, très rare ;– buphtalmie, exceptionnelle ;– forme associée ou compliquant uneuvéite.

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À l’arrêt des corticoïdes, le retour à la normale dutonus s’effectue normalement en quelques semainesou mois si le traitement n’a pas excédé 2 mois. Pourune durée de traitement comprise entre 2 mois et 1an, la normalisation spontanée ne survient que dans50 % des cas environ et très rarement au-delà de 1an de traitement.

Cataracte cortisonique

La cataracte induite par les corticoïdes peutsurvenir lors d’un traitement local ou général. Lesmanifestations se présentent sous la forme d’uneopacification capsulaire postérieure et/ou devacuoles intracristalliniennes. Ces altérationspeuvent rester stationnaires ou régresser à l’arrêt dutraitement, bien que des évolutions vers uneopacification complète aient été notées, malgrél’arrêt du traitement, nécessitant alors uneintervention chirurgicale. Le délai d’apparition de lacataracte est très variable et elle est plus fréquentelors d’un traitement local. L’unilatéralité est possibleen cas de traitement local unilatéral. Certainesmaladies rhumatologiques, l’asthme, l’eczéma, lesyndrome néphrotique ainsi que le traitementpréventif du rejet d’organes bénéficient d’unecorticothérapie prolongée induisant des cataractes.L’atteinte est le plus souvent bilatérale avec unepossibilité de décalage dans l’apparition del’opacification entre les deux yeux. Certains auteursparlent d’une cataracte dose dépendante : ainsi ladose journalière de 15 mg de prednisone pendantau moins 1 an serait nécessaire pour induire ceteffet, mais des opacifications capsulairespostérieures ont été signalées avec des traitementsde durée inférieure à 1 an. La notion de « dose seuil »devrait être modulée en fonction de la susceptibilitépersonnelle. De plus, aucune étude à ce jour n’amontré une différence de potentiel cataractogèneselon le corticoïde employé et selon la voie utilisée.

Autres effets secondaires de la corticothérapie

¶ Neuropathie optique antérieureUn œdème papillaire par hypertension

intracrânienne est décrit. Dans la plupart des cas, ils’agit d’enfants ayant été traités de façon prolongéepar une corticothérapie à forte dose et qui ont subi,par la suite, une réduction trop rapide de cettethérapeutique. Ce syndrome pseudotumoralrésulterait d’un œdème cérébral par insuffisancesurrénalienne. Cette complication reste cependantrare.

¶ Rétinopathie cortisoniqueIl s’agit en fait d’un facteur favorisant la survenue

d’une choriorétinite séreuse centrale lors d’unecorticothérapie à fortes doses.

¶ Réactivation d’un processus infectieuxLe rôle néfaste de la corticothérapie locale est

bien connu dans les affections virales et fongiques.La corticothérapie locale est contre-indiquée en casde suspicion d’herpès oculaire par exemple. Parailleurs, une corticothérapie par voie générale et àfortes doses peut, du fait de l’immunodépressioninduite, réactiver un foyer de tuberculose oculaire.

‚ Antipaludéens de synthèse

Les antipaludéens de synthèse (APS) sont surtoututil isés comme antimalariques et commeanti-inflammatoires dits d’action lente [6].

Atteinte rétinienne

La chloroquine se fixe dans tous les tissus en seliant avec les nucléoprotéines et les acidesnucléiques intracellulaires. Elle a une forte affinitépour les tissus pigmentés où elle s’accumule. Sonélimination très lente explique la gravité de l’atteinterétinienne.

Les stades de la rétinopathie induite par les APSsont décrits ci-dessous.

■ La prémaculopathie est le témoin d’uneimprégnation de la rétine sans signe fonctionnel. Ellecomprend une perte du reflet fovéal et unemodification de la répartition du pigment maculaire.L’électrophysiologie est subnormale à ce stade.

■ Le stade incipiens de la maculopathie traduitles premiers signes fonctionnels de l’intoxication. Ilest caractérisé par un abaissement des seuilspérifovéolaires sans atteinte de l’acuité visuellecentrale ; c’est une périfovéolopathie pure. Elles’accompagne d’une altération de la vision descouleurs. La perturbation électrophysiologique estinconstante et les modifications du fond d’œil et del’angiographie fluorescéinique sont peu importantes.

■ La maculopathie confirmée est caractérisée parune baisse de l’acuité visuelle avec une gêne envision paracentrale par non-perception des objetssitués près de l’axe visuel. Les modifications du fondd’œil, discrètes au début, intéressent l’épithéliumpigmentaire qui prend un aspect finementgranuleux, le reflet fovéolaire a disparu, les limitesmaculaires sont floues et l’aspect en « baved’escargot » apparaît. L’image caractéristique en « œilde bœuf » se constitue avec une plage centralefovéolaire sombre entourée d’une couronne plusclaire d’atrophie de l’épithélium pigmentaire et d’unedeuxième couronne foncée, composée de mottespigmentées. L’angiographie fluorescéinique révèleles defects de l ’épithél ium pigmentaire.L’électrophysiologie est alors très perturbée.

■ La rétinopathie évoluée : elle survient en casde poursuite du traitement mais aussi parfois aprèsl’arrêt de celui-ci. L’acuité s’abaisse à 1/10 avec unepérifovéolopathie toujours reconnaissable, puis lacécité s’installe. Le champ visuel se rétrécit et la

vision chromatique évolue vers l’achromatopsie. Larétine prend un aspect « poivre et sel » par alternancede grains pigmentés et de petites plagesatrophiques. À ce stade, une atrophie complète del’épithélium pigmentaire maculaire est notée.L’angiographie confirme l’atrophie et l’électrophysio-logie est éteinte.

L’évolution de la rétinopathie à l’arrêt des APS estle plus souvent la suivante :

– amélioration et régression parfois complète austade incipiens ;

– stabilisation au début du stade de maculo-pathie confirmée ;

– aggravation dans les formes évoluées ;

– apparition et développement de la rétinopathieaprès la fin du traitement jusqu’à un délai de 7 ans.

Il faut souligner l’absence de traitement curatifefficace puisque des cellules rétiniennes sontdétruites.

Une rétinopathie peut se constituer chez le fœtuset l’arrêt du traitement est donc conseillé pendant lagrossesse.

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de corticothérapieprolongée :✔ examen ophtalmologique deréférence avant de débuter letraitement (aspect du cristallin,tonus oculaire...) ;✔ examen renouvelé après 4 semainesde traitement, puis régulièrement(tous les 4 mois) ;✔ discuter la poursuite du traitementen cas d’hypertonie oud’opacification cristallinienne.

Les quatre stades de la rétinopathieinduite par les APS :– prémaculopathie ;– stade incipiens ;– maculopathie confirmée ;– rétinopathie évoluée.

Règles de prescription des APSElles sont fondamentales car il s’agitd’un effet toxique et non d’uneréaction idiosyncrasique. Au début, onappréciait la dose cumulative ensachant que si la rétinopathie pouvaitapparaître à partir de 100 g, elle semanifestait surtout à partir d’une dosecumulée de 300 g. Puis on a constatéque la dose quotidienne étaitégalement un facteur très important.Depuis l’étude rétrospective deMackenzie en 1983, on conseille unedose quotidienne inférieure à4 mg/kg/j de chloroquine, soit 250 mg/jpour un sujet de 65 kg ayant desfonctions hépatiques et rénalesnormales. Ainsi, un traitement d’unedizaine d’années est possible avec unfaible risque. Ces règles s’appliquentprincipalement au traitement descollagénoses.La prophylaxie du paludismenécessitant des doses beaucoup plusfaibles, les cas de rétinopathies y sontrares et découlent d’un surdosageet/ou d’un manque de surveillance.

6-0350 - Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques

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Page 78: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Il ne faut pas oublier qu’une rétinopathiedébutante peut continuer d’évoluer gravement àl’arrêt des APS et qu’il n’y a pas de traitement efficaceà lui opposer.

Autres effets secondaires

Les autres effets secondaires oculaires des APSsont, pour la plupart, rares et réversibles à l’arrêt dutraitement. Ils peuvent toucher :

– la cornée : il s’agit de dépôts épithéliaux blancsjaunâtres ou grisâtres, sans retentissement surl’acuité visuelle ; de rares cas d’éblouissement ou dephotophobie sont rapportés en cas de dépôts trèsnombreux ;

– le cristallin : de très rares opacités finesblanches sous-capsulaires sont décrites sansvéritable retentissement sur l’acuité visuelle ;

– la musculature extrinsèque : une diplopie,exceptionnelle, peut être observée par atteinte de lamusculature extrinsèque (neuromyopathie), aprèstraitement prolongé. La chloroquine à une dosequotidienne d’au moins 500 mg détermine, chez40 % des sujets, une parésie de l’accommodationqui débute 2 heures après l’ingestion de celle-ci,devient maximum entre la 4e et la 6e heure, puisdisparaît en quelques heures. La rapidité d’évolutionévoque une affinité réversible des APS pour certainesstructures du corps ciliaire.

‚ Antituberculeux

Les antituberculeux sont largement prescrits, enraison d’une recrudescence de la tuberculose. Lesprincipaux produits utilisés sont l’isoniazide, larifampicine, la streptomycine et l’éthambutol.

L’atteinte ophtalmologique induite par lesantituberculeux touche surtout le nerf optique.D’autres effets secondaires rares comme unesurcharge cornéenne ou des troubles oculomoteurssont à envisager [5].

Atteinte du nerf optique

¶ ÉthambutolAntituberculeux majeur, il est aussi indiqué dans

les affections à Mycobacterium avium.

En 1962, les premières neuropathies toxiquessont rapportées avec ce médicament. L’atteinte est

dose dépendante avec une incidence de 18 % chezdes patients recevant 35 mg/kg/j, de 2 % pour25 mg/kg/j et un risque considéré comme faiblepour des doses de 15 mg/kg/j. Cet événementsurvient en moyenne 2 mois après le début dutraitement.

Le tableau clinique habituel est celui d’une baissede la vision avec scotome central et dyschroma-topsie initiale d’axe rouge-vert. Parfois, l’atteinteinitiale peut se résumer à un rétrécissement duchamp visuel périphérique avec une acuité visuellenormale et quelquefois une hémianopsiebitemporale.

L’évolution est le plus souvent favorable à l’arrêtdu traitement, avec guérison en quelques mois. Uneévolution défavorable, avec apparition d’uneatrophie optique est possible, d’autant quel’éthambutol est souvent prescrit avec l’isoniazidedont l’association favoriserait les effets secondairesoculaires. Ainsi, l’arrêt de l’éthambutol seul ne suffitpas à obtenir un retour à la normale.

Le traitement par l’éthambutol doit comporterune surveillance ophtalmologique. On évitera ceproduit en cas d’antécédents de neuropathie optiqueet on réduira les doses si la fonction rénale estaltérée. L’attention sera importante chez les patientsalcoolotabagiques, diabétiques et lors destraitements conjoints par disulfirame, anti-inflammatoires et antipaludéens de synthèse.L’examen ophtalmologique précédera le début dutraitement en appréciant notamment l’acuitévisuelle, la vision des couleurs, le champ visuel et lesfonds d’yeux. L’atteinte de la vision des couleursprécéde en général celle de l’acuité visuelle. Undeuxième examen sera réalisé entre le 15e et le 21e

jour, puis un troisième au 2e mois et ensuite tous les2 mois. La survenue de la moindre modificationexigera l’arrêt immédiat de ce médicament.

¶ IsoniazideL’isoniazide est un antituberculeux largement

utilisé en association avec la rifampicine, lapyrazinamide et la streptomycine ou l’éthambutol. Ilest responsable de polynévrites, notamment desmembres inférieurs mais aussi d’atteintes du nerfoptique. Ces atteintes ont été décrites lors del’administration du médicament par voie orale, enintramusculaire ou lors d’injections intrathécalespour méningite tuberculeuse.

L’atteinte se caractérise par une baisse de l’acuitévisuelle d’apparition secondaire ; un intervalle detemps variable, de l’ordre de quelques mois, estdécrit entre la prise médicamenteuse et l’apparitiondes signes cliniques. Le fond d’œil est souventnormal ; occasionnellement un œdème papillaire estsignalé. L’évolution à l’arrêt du traitement peut êtrefavorable, se stabiliser ou évoluer vers l’atrophieoptique.

L’association de ce médicament à l’éthambutolfavoriserait la survenue des complications oculaires.La vitaminothérapie de prévention ainsi que lasurveillance ophtalmologique sont nécessaires etl’adaptation exacte de la posologie pour chaquepatient est indispensable afin de limiter la survenuedes effets secondaires. Le phénotypage d’acétylationpermet de distinguer les acétyleurs lents et rapides.Le risque de développer des effets secondaires estd’autant plus important que la zincémie serait faibleet que les patients sont acétyleurs lents.

¶ StreptomycineAntibiotique bactéricide de la famille des

aminoglycosides, la streptomycine est responsablesurtout de toxicité cochléovestibulaire et plusrarement d’altération du nerf optique. Cette atteintea été rapportée après administration intrathécale destreptomycine. D’autres auteurs signalentsimplement une neuropathie optique antérieurerégressive à l’arrêt du traitement. La posologie doitêtre strictement adaptée à la fonction rénale.

Autres effets secondaires

Ils peuvent être regroupés sous deux formes :– troubles oculomoteurs : de rares cas de parésie

oculomotrice ou d’hétérophories régressives ont étésignalés ;

– surcharge conjonctivale : quelques casd’hyperhémie conjonctivale et de blépharoconjonc-tivite ont été notés.

‚ Anti-inflammatoires

À l’exception des corticoïdes déjà traités, ilsassocient les anti-inflammatoires non stéroïdiens(AINS), les anti-inflammatoires d’action lente dont laD-pénicillamine et les sels d’or [2, 3].

Atteinte du nerf optique

¶ AINSLes AINS peuvent être divisés à ce jour en deux

générations :– première génération : les salicylés (aspirine...),

les pyrazolés (phénylbutazone...), et les indolés(indométacine...) ;

– deuxième génération : les anthraniliques (acideniflumique), les oxicams (piroxicam) et lesarylcarboxyliques (ibuprofène).

Les AINS engendreraient parfois des altérationsdu nerf optique. En 1994, Fraunfelder expose lesdifficultés d’appréciation de ce risque en évaluant144 cas possibles de neuropathies optiquesantérieures ou rétrobulbaires et d’œdème papillaireassocié ou non à une hypertension intracrânienne.Le délai moyen d’apparition des anomalies du nerfoptique est de 9 mois, plus long pour les dérivéspyrazolés et plus court pour les dérivés indolés. La

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitement parAPS :✔ examen ophtalmologique deréférence avant de débuter letraitement (acuité visuelle, champvisuel, vision des couleurs, fondd’œil, électrophysiologie,éventuellement angiographie) ;✔ examen comparatif renouvelé tousles 6 mois ;✔ en cas d’anomalie, un nouvelexamen sera pratiqué dans un délaide 1 à 3mois. Si l’anomalie persiste,l’arrêt du traitement doit êtreenvisagé.

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitement paréthambutol :✔ examen ophtalmologique deréférence avant de débuter letraitement (acuité visuelle, champvisuel, vision des couleurs, fondd’œil) ;✔ examen comparatif renouvelé entrele 15e et le 21e jour ;✔ troisième examen au 2e mois, puistous les 2 mois ;✔ en cas d’anomalie, l’arrêt dutraitement doit être envisagé.

Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques - 6-0350

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Page 79: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

régression des troubles survient généralement 3mois après l’arrêt du traitement et la guérison est leplus souvent complète. Le problème concomitantd’une éventuelle sclérose multiple ou d’uneneuropathie optique ischémique est envisagé.

¶ D-pénicillamineAntirhumatismal considéré comme un

anti-inflammatoire d’action lente, elle est indiquéedans le traitement de fond de la polyarthriterhumatoïde. En 1963 a été rapporté le premier casde neuropathie optique avec l’utilisation de laDL-pénicillamine et sa régression complète lors de laréduction de la posologie associée à une prescriptionde pyridoxine (vitamine B6). Les cas sont rares depuisl’utilisation du seul isomère dextrogyre (D).

Atteinte rétinienne

¶ IndométacineChef de file des anti-inflammatoires indolés, sa

toxicité rétinienne est peu fréquente. Une atteintetrès sévère, survenue après 8 ans de traitement, pourune dose totale d’environ 550 g, est publiée. On notealors une baisse de l’acuité visuelle à 3/10 qui sepoursuit après l’arrêt du traitement, unehéméralopie, une dyschromatopsie diffuse, unscotome central, des remaniements pigmentaires enmottes sur fond atrophique, spécialement dans larégion maculaire et une apparence d’« œil de bœuf »à l’angiographie. La réponse électrophysiologiqueest abolie.

Les atteintes débutantes peuvent être réversibles.La toxicité pourrait apparaître à partir d’une dosecumulée de 45 g/an, et l’atteinte oculaire devrait êtrerecherchée en cas de traitement prolongé.

¶ D-pénicillamineLes atteintes rétiniennes sont peu fréquentes :

hémorragies en flammèches péripapillaires,décollement séreux bilatéral des maculas avechémorragie choroïdienne ont été notés.

Autres atteintes

■ Le cristallin : des opacités cristalliniennes finessous-capsulaires antérieures sans retentissement surl’acuité visuelle sont observées avec les sels d’or.

■ La cornée : des dépôts épithéliaux cornéensréversibles à l’arrêt du traitement sont décrits avecl’indométacine ainsi qu’avec les sels d’or.

■ Le syndrome sec : un cas de sécheresseoculaire est rapporté lors d’un traitement parD-pénicillamine.

‚ Dérivés de la vitamine A

La canthaxantine (caroténoïde de synthèse),antiphotosensibilisant et l’isotrétinoïne (acide 13cis-rétinoïque) indiqué dans le traitement des acnés,sont les deux dérivés de la vitamine A les plus utilisésactuellement [8].

Atteinte rétinienne

¶ CanthaxanthineLa rétinopathie à la canthaxanthine a été signalée

pour la première fois en 1982 par Cortin. Elle estconstituée d’une multitude de fines particulesréfringentes, brillantes, de taille variable et decouleur jaune qui se répartissent progressivement enun large anneau autour de la macula dans lescouches internes de la rétine. Ces cristaux réfringentsne sont pas visibles en angiographie.

Les altérations visuelles de cette rétinopathie en« paillettes d’or » sont absentes ou minimes, à moinsd’une utilisation très prolongée. La survenue desdépôts rétiniens est liée à la dose totale ingérée. Laprobabilité d’une rétinopathie est de 50 % pour unedose cumulée de 37 g et de 100 % pour une dosecumulée de 60 g. Divers facteurs favorisentl’installation de cette surcharge : hypervitaminose A,prescription concomitante de â-carotène (Phénorot),hypertonie oculaire, atteinte préexistante del’épithélium pigmentaire (épithéliopathie rétiniennediffuse) et occlusion veineuse. La disparition descristaux après l’arrêt du traitement est très lente etdemande de 2 à 7 ans, parfois plus.

La prévention nécessite un examen ophtalmolo-gique après 2 mois de traitement.

¶ IsotrétinoïneDès 1986, Weleber rapporte le cas de trois

patients (sur un groupe de 50), traités parisotrétinoïne, qui se plaignent d’une baisse de lavision nocturne. Il constate une courbe d’adaptationà l’obscurité anormale et une électrophysiologiediminuée. À l’arrêt du traitement, les troublesrégressent complètement et l’électrophysiologie senormalise dans un délai de 1 à 2 ans. Depuis, denombreux cas ont été décrits.

L ’ isotrétinoïne entre probablement encompétition avec les autres formes de vitamine A enperturbant leur transformation mutuelle. Celaconduit à une hypovitaminose. La baisse de la visionnocturne est un handicap et elle doit être connuepour certaines professions exposées. Un bilan estnécessaire en cas de troubles retrouvés àl’interrogatoire.

Syndrome sec

¶ IsotrétinoïneLa sécheresse oculaire est bien connue avec ce

médicament. Elle peut régresser ou persister malgrél’arrêt du traitement. Le mécanisme seraitprobablement lié à des modifications de la qualitéet/ou de la quantité de la composante lipidique dufilm lacrymal, en rapport avec l’action atrophiante dece médicament sur les glandes sébacées. On notedans deux cas, la persistance du syndrome sec etcela, 2 ans après l’arrêt du traitement. Goulden, en1994, rapporte chez 720 patients ayant bénéficiéd’un traitement par isotrétinoïne pour acné vulgaire

et suivi pendant au moins 2 ans, des doléances àtype de sécheresse oculaire chez 30 % d’entre eux.

Autres atteintes

■ Le cristallin : des opacités sous-capsulairespostérieures transitoires et des opacitéssous-capsulaires antérieures persistantes 2 ans aprèsl’arrêt de l’isotrétinoïne sont décrites.

■ Le nerf optique : une suspicion de neuropathieoptique antérieure est signalée avec l’isotrétinoïne.

‚ Médicaments à visée cardiovasculaire

L’amiodarone (antiarythmique de la classe III deVaughan-Williams) et le maléate de perhexiline(inhibiteur calcique utilisé dans le traitement de fonddes angors chroniques sévères en cas d’échec ou decontre-indication des autres thérapeutiques) sont lesdeux médicaments détaillés ci-dessous [4].

Atteinte du nerf optique

¶ AmiodaroneUn œdème papillaire et une hypertension

intracrânienne ont été constatés pour la premièrefois en 1986 par Fikkers au cours d’un traitement paramiodarone. Le délai d’apparition de l’atteinte dunerf optique varie de 1 à 72 mois. Après arrêt oudiminution de l’amiodarone, l’évolution est le plussouvent favorable en quelques semaines avecfréquemment un rétrécissement modéré séquellairedu champ visuel. Cette évolution est parfoismauvaise, avec constitution ou aggravation del’atrophie optique. L’histologie met en évidence uneaccumulation d’inclusions lamellaires intracytoplas-miques, principalement dans les axones de granddiamètre, qui induirait un œdème papillaire parblocage du flux axoplasmique ou une neuropathieoptique rétrobulbaire.

¶ Maléate de perhexilineL’œdème papillaire est décrit pour la première fois

en 1977. Il serait présent dans la moitié desobservations de polynévrites périphériquescaractérisées par une démyélinisation segmentairemais il peut exister isolément après un délai deplusieurs mois.

La baisse de vision est modérée au début. Unengorgement vasculaire péripapillaire avechémorragies en flammèches évoque parfois uneocclusion de la veine centrale de la rétine. Uneélévation de la pression du liquide céphalorachidien,souvent soupçonnée, est parfois retrouvée. Larégression à l’arrêt du traitement n’est pas toujours

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitementpar AINS :✔ l’atteinte ophtalmologique est rare ;✔ devant l’apparition d’un troublevisuel, l’examen ophtalmologiqueavec des explorations complémen-taires est nécessaire, à la recherched’une atteinte rétinienne ;✔ pas d’AINS chez les patientssouffrant de neuropathie oud’œdème papillaire, quelle qu’en soitla cause.

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitementpar l’isotrétinoïne :✔ examen ophtalmologique préalable,à la recherche d’un syndrome sec ;✔ difficultés, voire contre-indication,au port de lentilles souples ;✔ suivi régulier et supplémentationpar des larmes artificielles en cas desécheresse oculaire si nécessité depoursuivre le traitement.

6-0350 - Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques

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Page 80: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

complète et il peut y avoir une pâleur du secteurtemporal de la papille. Aussi est-il recommandé,entre autres, de contrôler périodiquement l’acuitévisuelle et le fond d’œil.

Atteinte cristallinienne

¶ AmiodaroneElle est responsable de l’apparition de dépôts fins

sous-capsulaires antérieurs, blanchâtres, sansvéritable retentissement sur l’acuité visuelle. Flash,en 1983, a été le premier à les rapporter dans unsuivi portant sur quatorze patients traités paramiodarone pendant une période comprise entre 6et 12 mois ; sept de ces quatorze patients ontprésenté des opacifications sous-capsulairesantérieures avec kératopathie. Dix ans après, lemême auteur a noté une progression del’opacification sous-capsulaire antérieure chez cesmêmes sept patients qui ont poursuivi leurtraitement par amiodarone. Le retentissement surl’acuité visuelle était faible mais présent et l’auteurconcluait à l’absence de contre-indication à lapoursuite du traitement en raison des bénéfices decelui-ci dans les formes graves d’arythmie.

Atteinte cornéenne

¶ AmiodaroneAprès une période de 1 à 4 mois de traitement

journalier par amiodarone, des dépôts épithéliauxcornéens peuvent apparaître. Ces dépôts sont fins,jaunâtres ou brunâtres, bilatéraux et symétrique,localisés souvent dans l’aire de la fente palpébrale.Trois stades sont décrits :

– stade 1 : dépôts fins jaunâtres ou brunâtres,situés dans le plan de l’épithélium et de lamembrane de Bowmann, formant une « lignehorizontale » ;

– stade 2 : les dépôts sont plus importants etforment des lignes épaisses, nombreuses, seramifiant en « moustache de chat » ;

– stade 3 : constitué de lignes nombreusesintéressant l’aire pupillaire, en « feuille de fougère ».

Ces dépôts n’ont aucune conséquence sur l’acuitévisuelle. De rares phénomènes d’éblouissement, dephotophobie ont été décrits, ainsi que des anomaliesde la vision des couleurs par diffraction de la lumièresur les dépôts. L’amiodarone est aussi responsablede l’apparition de kératopathies en bandelette sansretentissement sur l’acuité visuelle.

‚ Phénothiazines

Nous prendrons comme exemple la chlorpro-mazine et la thioridazine [9].

Atteinte rétinienne

¶ ChlorpromazineLes dérivés phénothiaziniques provoquent, après

une longue période d’administration, un aspectbrunâtre de la macula, par dépôt de lipofuchsinedans les cellules ganglionnaires de la rétine. Cettecoloration maculaire est sans retentissementfonctionnel. L’effet toxique sur la rétine dépendraitd’une atteinte des mélanocytes uvéaux et del’épithélium pigmentaire qui ont une affinité pour lesmolécules possédant une chaîne diaminée commela thioridazine et la chlorpromazine.

La chlorpromazine a été longuement prescritedans les états schizophréniques et les patients, aprèsun traitement prolongé, ont rarement présenté uneperturbation de leur vision ou de leur électrophysio-logie. Quelques cas de rétinopathie pigmentaire ontété rapportés, souvent chez des sujets âgés où lachlorpromazine était fréquemment associée àd’autres phénothiazines, principalement lathioridazine.

¶ ThioridazineParmi les phénothiazines actuellement

commercialisées, la thioridazine est la seule quiinduit avec certitude une rétinopathie pigmentairedose dépendante. Une dose quotidienne inférieure à600 mg ne serait pas dangereuse. Entre 600 et800 mg la toxicité serait rare alors qu’au-dessus de800 mg (posologie maximum autorisée), larétinopathie serait quasi certaine. À partir de 600 mgpar jour, une surveillance ophtalmologiquepériodique est nécessaire.

Avec des doses quotidiennes de 800 à 1000 mg,la toxicité se manifeste en 2 mois environ, par unesensation de coloration brunâtre des objets, unehéméralopie et une baisse de l’acuité visuelle. Deuxà 4 semaines plus tard, une pigmentation noire àgros grains irréguliers, n’ayant jamais l’aspectd’ostéoblastes, apparaît au pôle postérieur du fondd’œil. Au début, elle épargnera relativement larégion papillomaculaire et s’étendra vers lapériphérie. Il existera une altération de la vision descouleurs, des scotomes au champ visuel, des zonesdépourvues d’épithélium pigmentaire et dechoriocapillaire à l’angiographie et une atteinte del’électrophysiologie. L’évolution à l’arrêt dutraitement est variable : stabilisation des lésions et dela fonction visuelle ou détérioration très lente.

Avec des doses quotidiennes supérieures à1000 mg, la toxicité est aiguë. La baisse de la visionest rapide et un œdème rétinien survient avant lestroubles de la pigmentation du fond d’œil quiapparaîtront même après l’arrêt du traitement.

Atteinte cristallinienne

Des opacités et des pigmentations cristallinienneset cornéennes ont été rapportées lors de traitementspar fluphénazine, lévomépromazine, thioridazine etpropériciazine. Dans tous ces cas, les patients étaienttraités simultanément avec de la chlorpromazine et ilest donc difficile de faire la part des choses.

La chlorpromazine est connue comme pouvantentraîner une opacification cristallinienne sousforme d’opacités finement granulaires, apparaissantdans l’aire pupillaire, sous la capsule antérieure ducristallin. Les granules de couleur variant du blanc aujaune brun forment un petit disque qui se dispose enétoile, s’étendant dans le cortex antérieur. Ils sontpeu souvent responsables d’une baisse de l’acuitévisuelle et évoluent rarement vers la formation d’unevéritable cataracte. La chlorpromazine est un agentphotosensibilisant et le rôle de la lumière commecofacteur favorisant l’opacification est évoqué. Cesdépôts semblent persister indéfiniment malgré l’arrêtdu traitement.

Atteinte cornéenne

¶ ChlorpromazineElle peut être responsable d’une pigmentation

épithéliale cornéenne dense, bilatérale, plus oumoins symétrique, évoquant la kératopathiechloroquinique. Cette pigmentation cornéenne peutêtre associée à une pigmentation conjonctivale dansl’aire de la fente palpébrale, de couleur jaune clair oufoncé. Il a été signalé des dépôts jaunâtres au centrede la cornée et à sa face postérieure, sansmodification de l’acuité visuelle. Ces dépôts vont depair avec ceux du cristallin. Par ailleurs, des dépôtsidentiques sont décrits avec la fluphénazine.

Autres atteintes

■ Le syndrome sec : par action parasympathico-lytique, les phénothiazines sont suceptibles d’induiredes syndromes secs. La chlorpromazine à fortesdoses possède une action inhibitrice de la sécrétionlacrymale.

■ Le trouble oculomoteur : des dyskinésies desurvenue précoce, associées à une dystoniecervicofaciolinguale ou à un blépharospasme sontobservées avec les phénothiazines.

‚ Contraceptifs oraux

L’imputabilité des contraceptifs oraux dans lasurvenue de troubles ophtalmologiques est trèscontroversée.

Les symptômes ophtalmologiques surviennent leplus souvent dans le cadre d’accidents vasculairescérébraux ou de migraines chez des patientes ayantdes antécédents d’hypertension artérielle et/oud’accidents ischémiques transitoires et/ou demigraines [4].

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitement par lesmédicaments à visée cardiovasculaire :un examen ophtalmologique estconseillé en cas de signe d’appeloculaire ou lors de toute manifestationindésirable liée au traitement.

Surveillance ophtalmologiqueproposée en cas de traitement parthioridazine :✔ examen ophtalmologique deréférence avant de débuter letraitement (acuité visuelle, champvisuel, vision des couleurs, fondd’œil, angiographie) ;✔ bonne adaptation des posologiesjournalières ;✔ examen comparatif renouvelé ausixième mois puis une fois par an ;✔ électrophysiologie au moindredoute.

Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques - 6-0350

5

Page 81: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Atteinte rétinienne

Les atteintes rétiniennes proprement dites sontd’origine vasculaire et représentées par uneocclusion de l’artère centrale de la rétine, desspasmes des artères rétiniennes, une occlusion de laveine centrale de la rétine, des périphlébites, deshémorragies rétiniennes, un œdème maculaire, unœdème rétinien. Ces accidents sont fréquemmentcorrélés avec un haut dosage en œstrogènes etpeuvent être régressifs à l’arrêt du traitement. Il enest de même pour les progestatifs de synthèse,notamment les norstéroïdes, employés à fortesdoses dans certaines affections tumorales.

Le risque thrombo-embolique est provoqué parune hyperplasie endothéliale et intimale, engendréepar les œstrogènes, en association avec unealtération des facteurs de la coagulation(augmentation de l’agrégabilité plaquettaire etaltération du système fibrinolytique).

Autres atteintes

— Le nerf optique : de rares cas de neuropathieoptique antérieure ou rétrobulbaire par atteintevasculaire sont signalés, mais l’imputabilité estdouteuse.

— Le cristallin : des opacités cristalliniennes fines,sous-capsulaires postérieures sont notées avec lescontraceptifs oraux fortement dosés enœstrogènes.

La prévention des accidents ophtalmologiquesnécessite le respect des contre-indications à lacontraception orale en cas d’antécédents ou derisques vasculaires.

‚ Autres médicaments

Les principaux effets secondaires oculaires decertains médicaments sont rapportés ci-dessous [4].

â-bloquants

Une hyposécrétion lacrymale dite neurovégé-tative est décrite avec ces médicaments, ainsi que derares décalages oculomoteurs.

Ciclosporine

Parmi les nombreux effets secondaires decette molécule, on note des hallucinationsvisuelles ainsi qu’une cécité corticale transitoirefaisant partie d’un tableau d’intoxication avecconfusion.

Antiépileptiques

Des déficits oculomoteurs à type d’ophtalmo-plégie ainsi que des mouvements anormaux(nystagmus, anomalie de la poursuite oculaire) sontrapportés.

Toufic Maalouf : : Ophtalmologiste, praticien hospitalier,service d’ophtalmologie A.

Philippe Trechot : Praticien hospitalier,service de pharmacologie clinique et centre de pharmacovigilance.

Antoine Raspiller : Professeur d’ophtalmologie, chef de service d’ophtalmologie.Hôpital central, 29, avenue De-Lattre-de-Tassigny, 54037 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Maalouf, P Trechot et A Raspiller. Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0350, 1998, 6 p

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6-0350 - Iatrogénicité oculaire des traitements systémiques

6

Page 82: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Chirurgie maculaire

P Massin, A Gaudric

■Introduction

Certaines affections maculaires acquises, pré-,intra-, et sous-rétiniennes peuvent être traitéeschirurgicalement. Il s’agit des membranesépimaculaires (MEM), des trous maculaires (TM) et decertaines néovascularisations choroïdiennes (NVC)sous-maculaires (fig 1A, B, C, D).

■Membranes épimaculaires

‚ Clinique

Les MEM sont des proliférations fibrocellulairesautolimitées qui recouvrent la macula et le pôlepostérieur et entraînent une distorsion de la maculalorsqu’elles se contractent (fig 1E). Elles sont forméesde cellules gliales de la rétine (astrocytes et cellulesde Müller) et dans certains cas de cellules del’épithélium pigmentaire rétinien. Ces cellules ontmigré et proliféré à la surface de la rétine et se sont

transformées en cellules fibroblastiques sécrétantune matrice extracellulaire plus ou moins abondanteet riche en collagène. Dans les trois quarts des caselles sont idiopathiques, c’est-à-dire seulement liéesau décollement postérieur du vitré, dont la causeelle-même n’est pas connue, mais qui survient lorsdu vieillissement. Après 70 ans, une MEM, le plussouvent asymptomatique, est présente chez 15 %des sujets. Dans un quart des cas environ, elles sontsecondaires à une autre affection rétinienne :déchirures rétiniennes périphériques sansdécollement de rétine, décollement de rétine opéré,uvéites postérieures, et plus rarement occlusionsveineuses rétiniennes, rétinopathie diabétique nonproliférante ou d’autres vasculopathies [2].

L’évolution des MEM et leur conséquence sur lafonction visuelle sont variables. Chez la plupart despatients présentant une MEM, l’acuité est normale.Dans quelques cas, la membrane se contracterapidement et le patient ressent soudain une gênevisuelle avec diminution de la vision centrale,métamorphopsies, gêne à la vision binoculaire, ouplus rarement macropsie et diplopie. Ces symptômess’aggravent en quelques mois. À l’inverse, dansd’autres cas l’évolution est insidieuse et les patients

n’ont pas perçu le début de leur baisse visuelle. Lesmétamorphopsies sont généralement dues à unecontraction asymétrique de la macula. Elles sontprésentes dans environ la moitié des cas opérés. Unepetite proportion seulement des MEM justifie uneintervention chirurgicale car la plupart n’entraînentque peu ou pas de symptômes.

‚ Traitement chirurgical

La chirurgie doit être envisagée lorsque l’acuitévisuelle diminue à 4/10 ou moins, et/ou lorsque desmétamorphopsies perturbent la vision binoculaireou la vision de près, même si la vision de loin estaussi bonne que 6/10 par exemple, ou lorsque lepatient préfère fermer l’œil atteint pour avoir unevision plus confortable.

La chirurgie des membranes épimaculaires estdevenue aujourd’hui l’un des motifs les plus fréquentsde chirurgie vitréorétinienne. L’intervention consiste àpratiquer une vitrectomie (ablation du corps vitré, àl’aide d’un vitréotome pénétrant dans l’œil par la parsplana), puis on soulève un bord de la MEM et lamembrane elle-même est saisie à la pince et décolléeprogressivement de la surface maculaire à laquelle elleadhère plus ou moins fortement (fig 2). Le plussouvent, cette ablation enlève également de largesportions de la membrane limitante interne de larétine [4].

Résultats

Les résultats de la chirurgie sont habituellementbons (fig 3). Les métamorphopsies diminuent oudisparaissent en quelques jours après l’intervention.L’acuité visuelle s’améliore plus lentement en 3 ou 4mois. La moitié des yeux opérés environ retrouventune acuité visuelle égale ou supérieure à 5/10 [3, 8].

Les deux principaux facteurs de pronostic sontl’acuité visuelle initiale et la durée des symptômes.Seulement 30 % des yeux avec une acuité visuelleinitiale inférieure à 0,2 ont une acuité visuelle finale de0,5 ou plus contre 60 % des yeux avec une acuitévisuelle initiale égale ou supérieure à 0,2. Lorsque ladurée des symptômes est inférieure à 6 mois, l’acuitéfinale est meilleure que si elle est supérieure à 2 ans. Lesyeux avec des symptômes récents ont habituellementune bonne chance de récupération visuelle, mêmelorsque la vision préopératoire est basse, alors quelorsque la vision est basse depuis une longue période, lepronostic est beaucoup plus mauvais [3, 8].

La présence d’un œdème maculaire cystoïde (5 %des cas) a également une influence défavorable surle pronostic visuel [3]. Enfin, le pronostic est moinsbon si la MEM est secondaire à un décollement derétine (réappliqué chirurgicalement), à une uvéite ouà une vasculopathie [2, 8].

Les complications de la chirurgie des MEM sontrares. La plus sérieuse est le décollement de rétine, qui

Foveola

Rétine

Choroïde

1

MEM

Rétineplissée

Cortexvitréen

RétineRétine

Choroïde

Hémorragie

ŒdèmeNéovaisseaux

1

1 Coupes schématiques de la macula normale et pa-thologique (E).

A. Macula normale avec la dépression fovéolaire.1. Épithélium pigmentaire et membrane de Bruch.B. Membrane épimaculaire entraînant, par sacontraction, un plissement de la rétine prédominantdans les couches internes.C. Trou maculaire : ouverture fovéolaire sous l’effetde la traction du cortex vitréen.D. Néovaisseaux choroïdiens traversant l’épithé-lium pigmentaire et la lame de Bruch et entraînantun décollement séro-hémorragique de la macula.1. Épithélium pigmentaire et membrane de Bruch.

A B

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6-0105

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survient dans 1 à 3 % des cas. La cataracte nucléaireest très fréquente. Chez les patients âgés de plus de 50ans, une cataracte survient dans les 3 ans suivantl’opération, dans plus de 70 % des cas.

En conclusion, la chirurgie des MEM donne debons résultats fonctionnels dans les trois quarts descas environ. Plus courte est la durée des symptômesavant l’intervention, meilleure sera l’améliorationvisuelle. La chirurgie est donc indiquée aussitôt quela vision est suffisamment perturbée.

■Trous maculaires

‚ Clinique

Les trous maculaires de pleine épaisseur sont desdéhiscences rétiniennes rondes, fovéolaires, oulégèrement excentrées, survenant le plus souventspontanément, sur un œil à longueur axiale normale(trous maculaires idiopathiques). Ils entraînent un

déficit variable de la vision centrale. Les deux yeuxsont atteints dans 10 % des cas environ.

Il s’agit d’une affection qui atteint principalementdes sujets de plus de 60 ans (âge moyen 64 ans), leplus souvent des femmes (sex-ratio : 2/1).

Le mécanisme de survenue des trous maculairesidiopathiques n’est pas très bien élucidé. On supposequ’au cours du processus qui aboutira audécollement postérieur du vitré, la hyaloïdepostérieure (ou cortex vitréen postérieur) se met entension et entraîne l’ouverture de la foveola, àlaquelle elle adhère exagérément.

L’incidence du trou maculaire serait de l’ordre de3/1 000 chez les sujets âgés de plus de 55 ans. Dansquelques cas, le trou maculaire est secondaire à unecontusion oculaire sévère, ou apparaît sur un œilmyope fort avec staphylome myopique.

Le trou maculaire évolue en plusieurs stades ; austade de menace de trou, la foveola est seulementsurélevée sans ouverture, et les signes fonctionnelsse manifestent par une baisse d’acuité visuellemodérée à 6 ou 7/10 et une petite métamorphopsiecentrale. Dans 60 % des cas environ, la hyaloïdepostérieure se détache de la foveola sans entraînerde trou et la vision redevient normale. Dans 40 %des cas au contraire, la traction de la hyaloïdepostérieure finit par ouvrir la foveola, donnant untrou maculaire avec baisse d’acuité visuelle jusqu’à2/10 ou moins, et scotome central [7].

Jusqu’à un passé récent, il n’y avait pas detraitement possible des trous maculaires.

‚ Traitement chirurgical

Aujourd’hui, la chirurgie doit être envisagéelorsqu’il s’agit d’un trou de pleine épaisseur et, sipossible, sans attendre un trop long délai depuis ledébut des symptômes [7, 9].

L’intervention consiste à pratiquer une vitrectomieen veillant tout particulièrement à séparer lahyaloïde postérieure de la rétine et de la papille,lorsqu’elle y reste attachée (fig 4). Puis la cavitévitréenne est remplie le plus complètement possibled’un mélange gazeux qui se résorbera progressi-vement, mais en gardant un volume utile pendantplus de 15 jours.

Pendant une période de 10 à 12 jours aprèsl’opération, on demande au patient de garder laposition « face tournée vers le sol » afin que le gazappuie sur la macula et aide à la fermeture du trou.Une fois que le gaz provoque la réapplication desberges du trou contre l’épithélium pigmentaire, letrou a tendance à se refermer sur lui-même et unprocessus de cicatrisation par prolifération decellules gliales devant l’épithélium pigmentaire seproduit. On peut espérer améliorer le processus decicatrisation en injectant en regard du trou, à la fin del’intervention, diverses substances dont plusieurssont en cours d’évaluation : transforming growthfactor beta, sérum ou plasma autologue, concentréde plaquettes autologues [5].

Résultats

Les résultats de la chirurgie sont globalementexcellents. Le trou se referme dans 60 à plus de95 % des cas selon l’ancienneté du trou et lesprocédures chirurgicales (fig 5). L’acuité visuelles’améliore lorsque le trou s’est refermé. La moitié desyeux opérés avec succès retrouve une acuité visuelleégale ou supérieure à 5/10, ce qui permet une

2 Schéma d’ablation d’une membrane épimaculaire.Elle est décollée de la surface maculaire (A) puis retirée à la pince (B).

A B

3 Fond d’œil avec membrane épima-culaire avant et après chirurgie.

A. Avant l’opération : membraneépimaculaire contractile, opaque.B. Après l’opération : la membranea été enlevée en totalité, le plisse-ment rétinien a disparu, la foveola arepris sa forme ovalaire.

A

B

6-0105 - Chirurgie maculaire

2

Page 84: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

lecture de près normale. Le scotome central devientindétectable dans plus de 80 % des cas où le trou estrefermé [9].

Le principal facteur de pronostic est l’anciennetédu trou maculaire. Les trous maculaires datant demoins de 3 mois peuvent être refermés danspresque tous les cas, tandis que pour les trous datantde plus d’un an le taux de succès n’est plus que de60 %. Le résultat visuel est également bien meilleurlorsque le trou est opéré tôt, probablement en raisonde la moindre altération des photorécepteurs

décollés, en bordure du trou. Les complications de lachirurgie des trous maculaires sont assez peufréquentes. Un décollement de rétine peut survenirdans 1 à 5 % des cas. Des réouvertures de trous ontété observées après plusieurs mois, notammentaprès opération de la cataracte, dans une proportionqui peut atteindre 5 % des cas refermés avec succès.

En conclusion, la chirurgie des trous maculairesdonne des résultats fonctionnels utiles dans plus de60 % des cas et parfois même des récupérationsvisuelles inespérées. Dans les meilleurs cas, la

fermeture du trou sur lui-même est complète. Plus letrou est récent, meilleur sera le résultat fonctionnel.La chirurgie est donc indiquée aussitôt que lediagnostic est posé, que le trou atteigne un seul œilou les deux yeux.

■Néovaisseaux choroïdiens

‚ Clinique

Les néovaisseaux choroïdiens (NVC) sont desproliférations des capillaires choroïdiens quitraversent la membrane de Bruch (membrane basalede l’épithélium pigmentaire) et l’épithéliumpigmentaire et s’étendent sous la rétine maculaire.Dans certains cas, ils restent assez longtempsconfinés sous l’épithélium pigmentaire. Dans laplupart des cas, ces néovaisseaux sont une desmanifestations de la dégénérescence maculaire liéeà l’âge (DMLA). La cause de leur prolifération n’estpas connue. On sait cependant qu’ils sont précédésde modifications du fond d’œil liées au vieillissementde l’épithélium pigmentaire et notamment desdrusen. Après 65 ans, 1,7 % des patients présententdes néovaisseaux choroïdiens au moins sur un œil.Dans certains cas, les néovaisseaux choroïdienssurviennent chez des patients plus jeunes et sontsecondaires à diverses affections de la choroïde, dela membrane de Bruch et/ou de l’épithéliumpigmentaire : cicatrices de choroïdite, rupturescontusives de la membrane de Bruch, striesangioïdes, myopie forte.

L’évolution des néovaisseaux choroïdiens estconstamment mauvaise pour l’acuité visuellecentrale au cours de la DMLA. Le traitement habitueldes NVC est la photocoagulation au laser, qui détruitles néovaisseaux mais altère également la rétinesous-jacente. Si les néovaisseaux sont sous-fovéolaires, la photocoagulation entraîne unscotome central. Si les néovaisseaux sont masquéspar une hémorragie sous-rétinienne la photocoagu-lation n’est pas possible.

‚ Traitement chirurgical

C’est pourquoi la chirurgie d’exérèse des NVC s’estdéveloppée depuis quelques années. Elle s’adresseparticulièrement aux néovaisseaux qui occupenttoute la zone sous-fovéolaire et à ceux qui ontsaigné sous la rétine. L’intervention consiste àpratiquer, après une vitrectomie, un petit orifice derétinotomie paramaculaire, et à extraire à la pince lanéovascularisation et/ou le caillot sous-rétinien. Puisla cavité vitréenne est remplie de gaz pour recoller lamacula et fermer l’orifice de rétinotomie [6].

Résultats

Les résultats de la chirurgie sont pour le momentdiversement appréciés. Sur le plan anatomique,l’intervention est le plus souvent efficace, mais elleenlève souvent une surface plus ou moins étendued’épithélium pigmentaire (fig 6) . Sur le planfonctionnel, les meilleurs résultats sont obtenus surles NVC du sujet jeune développés à partir d’unecicatrice de choroïdite multifocale, car lesnéovaisseaux sont développés entre l’épithéliumpigmentaire et la rétine et leur ablation peut laisserun épithélium pigmentaire intact. Au cours de laDMLA, l’indication la moins constestée est celle deshémorragies sous-rétiniennes dont l’évolution

4 Schéma d’ablation de la hyaloïdepostérieure dans la chirurgie destrous maculaires.La hyaloïde est aspirée et tirée à lapince jusqu’à ce qu’elle se décollede la papille et de la rétine. Une foisrelâchée, la traction qui maintenaitle trou maculaire béant, la cavité vi-tréenne sera momentanément rem-plie de gaz.

5 Fond d’œil avec trou maculaire avantet après chirurgie.

A. Avant l’opération : trou rond, cen-trofovéolaireentouréd’unhalodedé-collement rétinien maculaire.B.Après l’opération : le trou est com-plètement refermé et la macula a unaspect normal.

A

B

Chirurgie maculaire - 6-0105

3

Page 85: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

spontanée conduit souvent à de vastes cicatricesfibreuses sous-maculaires et à un grand scotomecentral. L’évacuation de ces hémorragiessous-maculaires doit se faire en urgence.

Les complications de la chirurgie sous-rétiniennesont le décollement de rétine, la récidivehémorragique précoce, la récidive néovasculaireaprès quelques semaines, et la cataracte [6].

En conclusion, la chirurgie des NVC offreactuellement une alternative à la photocoagulationau laser dans les cas de néovascularisationsous-fovéolaire, et représente la seule possibilité

thérapeutique des hémorragies sous-maculaires. Lesrésultats fonctionnels restent limités et sont en coursd’évaluation [1].

■Conclusion

La chirurgie maculaire a connu un grand essor aucours de ces dernières années et représente unmoyen thérapeutique pour des affections

maculaires, le plus souvent liées au vieillissement, etpour lesquelles il n’existait pas jusqu’alors detraitement efficace. L’acte chirurgical peut enleverdes membranes à la surface de la macula, refermerun trou intramaculaire, enlever du sang et desnéovaisseaux sous la macula tout en préservant lesfragiles cellules rétiniennes. Les résultats les meilleurssont obtenus dans la chirurgie des membranes etdes trous maculaires. Il est probable que les progrèsà venir permettront également d’améliorer lafonction visuelle après chirurgie de la dégénéres-cence maculaire liée à l’âge.

Pascale Massin : Praticien hospitalier.Alain Gaudric : Professeur des universités, praticien hospitalier.

Service d’ophtalmologie, hôpital Lariboisière, Assistance publique-hôpitaux de Paris, Université Paris-7, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Massin et A Gaudric. Chirurgie maculaire.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0105, 1998, 4 p

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6 Fond d’œil avec hémorragie sous-maculaire, avant et après l’opération.A. Avant l’opération, vaste hémorragie sous-rétinienne occupant toute la région sous-maculaire et s’étendant au-delà. Un peu de sang est passé dansle vitré, rendantfloue la photo du fond d’œil.B. Après l’opération, le sang sous-rétinien et les néovaisseaux choroïdiens ont été enlevés, laissant une cicatrice atrophique moins étendue que lalésion initiale.

A B

6-0105 - Chirurgie maculaire

4

Page 86: Le Manuel Du Généraliste - Ophtalmologie

Chirurgie réfractive

DA Lebuisson, PE Lim

L a France compte 8 millions de myopes, d’astigmates et d’hypermétropes. Chaque année, plusieurs milliersd’entre eux se tournent vers la chirurgie réfractive. C’est une alternative aux moyens classiques (lunettes ou

lentilles de contact) de correction des troubles de la réfraction (myopie, hypermétropie et astigmatisme). Plusieurstechniques chirurgicales existent pour répondre aux différents défauts réfractifs. Les résultats sont bons et lesméthodologies sont devenues suffisamment sures pour désormais compter ces opérations parmi les optionsproposables aux patients.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Initialement, avec la kératotomie radiaire, lachirurgie réfractive ne corrigeait que les myopiesfaibles et moyennes. Il est désormais possible detraiter les myopies fortes ainsi que les autresanomalies de réfraction (hypermétropie etastigmatisme). Cependant, la correction de lamyopie reste l’indication prépondérante. Cettechirurgie qui modifie une fonction associe le conceptd’opération de convenance individuelle à celle de lachirurgie compensatrice des handicaps.

■Rappel des définitions

‚ Emmétropie

Un œil emmétrope voit net un objet situé à l’infinisans accommodation.

‚ Myopie

Un œil myope est trop puissant pour sa longueur :l’image d’un point situé à l’infini se forme en avantde la rétine (le PR [punctum remotum] est à unedistance finie du globe). La vision de loin est doncfloue.

Le PP (punctum proximum) est situé plus procheque normalement, la vision de près n’est pasperturbée.

La myopie peut être corrigée par un verreconcave, divergent, exprimé en dioptries négatives.

‚ Hypermétropie

Un œil hypermétrope n’est pas assez puissantpour sa longueur : l’image d’un point situé à l’infinise forme en arrière de la rétine. La vision de loin sansaccommodation est floue. Les sujets jeunes,hypermétropes, compensent leur hypermétropie enaccommodant.

La vision de près est floue car le PR est en arrièrede la rétine. Mais au prix d’une accommodation plusimportante encore, la vision de près peut être nette.

L’hypermétropie peut être corrigée par un verreconvexe, convergent, exprimé en dioptries positives.

‚ Astigmatisme

L’astigmatisme est un défaut de sphéricité d’unsystème optique. Au niveau de l’œil, c’estessentiellement la cornée qui est atteinte. L’imaged’un point est décomposée en deux focalesperpendiculaires. La vision est floue de loin commede près. L’astigmatisme entraîne une fatigue visuelle,une confusion de certaines lettres. Il existe plusieursformes d’astigmatisme : hypermétropique,myopique, mixte, simple ou composé. La correctionde l’astigmatisme est assurée par des lentillescylindriques convergentes ou divergentes

■Principes Chirurgicaux

La chirurgie modifie la puissance réfractive dusystème optique que constitue l’œil. Pour letraitement de la myopie, la puissance réfractive seradiminuée, pour le traitement de l’hypermétropie, ellesera augmentée.

Toute chirurgie réfractive est précédée d’unexamen ophtalmologique complet, comprenant : lacornéotopographie, d’une appréciation du profilsociopsychologique du demandeur et d’uneinformation poussée suivie du temps de la réflexion.

■Les anneaux intracornéens

Les anneaux intracornéens ICR (IntrastromalCorneal R ing ) sont en PMMA (PolyméthylMétacrylate), introduits à travers une incisioncornéenne, non transfixiante, en périphérie, sansaucune manipulation de la cornée centrale, dans uncanal annulaire périphérique dont le diamètre est de8 mm, dans une profondeur correspondant aux66 % de l’épaisseur cornéenne ; ils ont pour effetd’induire un aplatissement du dôme cornéen (fig 1,2, 3).

La puissance réfractive de la cornée antérieurereprésente 2/3 de celle du système optique total.L’aplatissement de la cornée antérieure réduit sapuissance réfractive, l’œil devient alors moins myopeou emmétrope dans le meilleur des cas.

Epidémiologie des amétropies

La fréquence de la myopie est estiméeà 32 % chez les caucasiens ; elle estplus faible chez les africains(25 %) et plus forte chez les asiatiques(38,3 %). L’hypermétropie estfréquemment sous-estimée surtoutlorsqu’elle est modérée, car peugênante surtout chez les sujets jeunes.L’astigmatisme est fréquent, maissouvent de faible puissance.

1 Segment d’un anneau cornéen tenu par une pince.

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‚ Indications des ICR

Actuellement, les anneaux compensent lesmyopies de -1 à -5 dioptries. Au-delà de -5 dioptriesl’action correctrice devient insuffisante. C’est unetechnique destinée à corriger les petites etmoyennes myopies.

‚ Avantages des ICR

Contrairement aux techniques par laser Excimer,les anneaux n’ôtent pas de tissu cornéen, la zoneoptique centrale est laissée intacte. En cas decorrection insuffisante ou excessive, un changementd’anneaux reste possible. Cette technique est aussiréajustable.

‚ Conditions opératoires

La mise en place des anneaux peut être effectuéesous anesthésie locale pure par collyre anesthésique(anesthésie topique). L’hospitalisation n’est pasnécessaire. Les gestes de microchirurgie sont réaliséssous microscopie opératoire.

‚ Inconvénients

L’astigmatisme, l’hypermétropie et la myopiesupérieure à -5 dioptries ne sont pas encoreaccessibles à cette technique.

Le procédé manque de recul. La bonne toléranceà long terme de ce biomatériau reste à démontrer.

■Laser Excimer

Le traitement des amétropies par laser Excimerrepose sur les principes de remodelage de la formedu dôme cornéen par photoablation tissulaire deprécision micronique. La photoablation par Laser

Excimer peut être réalisée soit au niveau de lasurface cornéenne, c’est la PKR (la photokératec-tomie réfractive), soit au niveau du stroma cornéensous une lenticule cornéenne préalablementdécoupée, c’est le LASIK (laser in situ Keratomileusis).

‚ PKR

La modification du dôme cornéen parphotoablation est réalisée directement au niveau dela surface cornéenne après pelage manuel del’épithélium. Le laser enlève une certaine épaisseurde la cornée, au centre ou à la périphérie, enfonction du type et de l’importance de l’amétropie àtraiter. Pour la myopie, la photoablation est centrale,elle entraîne un aplatissement de la courburecornéenne (fig 4). Le diamètre de la zone optique estvariable mais le plus souvent supérieur ou égal à6 mm. Plus la myopie à corriger est forte, plusl’épaisseur à enlever est importante.

Pour le traitement de l’hypermétropie, laphotoablation est annulaire et périphérique, elleentraîne un bombement du dôme cornéen (fig 5). Lapuissance réfractive est ainsi augmentée.

Indications de la PKR

Les résultats obtenus après la PKR sont trèssatisfaisants, 90 à 95 % pour des myopies entre -1 et-6 dioptries, 1 à 2 dioptries de plus si l’âge est de plus

de 40 ans. Au-delà, la précision de l’effet recherchéest moins bonne, et on expose à des complicationsliées aux phénomènes cicatriciels comme laformation d’un voile (haze) qui peut ternir latransparence de la cornée antérieure, et êtreresponsable de ce fait, d’une perte de la meilleureacuité visuelle corrigée.

Avantages de la PKR

Elle est de réalisation facile, les seuls gestesnécessaires se résument au pelage épithélial etdéclenchement du laser. L’intervention est réaliséesous anesthésie topique. C’est la technique la plusancienne après la kératotomie radiaire (n’est pluspratiquée en première intention). Le recul estd’environ 8 ans. La méthode est sûre et moyennantune bonne technique, les complications sont trèsrares. Le nombre d’opérés est élevé : 250 000 auxÉtats-Unis par an.

Inconvénients

C’est une technique douloureuse en postopéra-toire du fait d’un large ulcère cornéen créé par lepelage épithélial et la photoablation. La douleur estqualifiée d’intense par la plupart des patients, elledébute 20 minutes après le traitement et dure 48 à72 heures. L’emploi d’antalgiques puissants, ainsique les hypnotiques pour passer les premières nuitssont parfois nécessaires.

La récupération visuelle ne peut être appréciéequ’après la réépithélialisation complète (1 semaine).La réfraction obtenue ne se stabilise qu’entre 6 moiset 1 an.

Cette technique expose à des complications liéesà la cicatrisation. La formation d’un voile cicatriciel,survient 1 mois après le traitement, nécessite parfois

2 Anneau cornéen inséré dans le stroma cornéen.

3 Anneau cornéen implanté par méthode chirurgi-cale dans la cornée.

Laser ExcimerExcimer est la contraction des deux mots Excited Dimer. Le laser est émis aprèsl’excitation par un champ électrique d’un mélange de deux gaz rares. Initialement,les lasers Excimers avaient des applications autres que le traitement de la myopie. Ilsétaient utilisés pour graver les cartes de crédits ou découper le béton. Lescaractéristiques des lasers sont étroitement liées au type de gaz mélangés. Enophtalmologie, le laser Excimer utilise un mélange d’argon et de fluorine. Lerayonnement émis a une longueur d’onde de 193 nm, situé dans le domaine desultraviolets. L’énergie délivrée est très puissante (6,4 Ev/photon), et est capable derompre les liaisons intramoléculaires et intermoléculaires. La délivrance du faisceause fait selon un mode pulsé dont chaque impulsion a une durée de vie très courte. Laphotoablation induite est de précision micronique sans effet calorique sur le tissu duvoisinage.

1 - 6 D > 6 - < 10 D > 10 D

1 Zone6 mm

2 Zones5, 6 mm

3 Zones4.5, 5, 6 mm

4 Laser Excimer et myopie.

5 Laser Excimer et hypermétropie.

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le recours à un traitement par les corticoïdes locaux.L’intensité de la réaction cicatricielle est d’autant plusimportante que la myopie à traiter est forte. C’estpourquoi l’indication se limite à des myopies faibleset moyennes où les réactions cicatricielles sontfaibles.

La PKR, bien que de réalisation simple, nécessiteune prise en charge postopératoire pluscontraignante. Au-delà de -6 dioptries, les résultatssont incertains à long terme.

En cas de sous-correction, le retraitement estdélicat, car le risque d’induire une réactioncicatricielle violente, avec formation d’un voile sousépithélial, est grand (fig 6).

‚ LASIK

Il s’agit d’une technique de chirurgie lamellairedont la deuxième découpe est assurée par le laserExcimer. Il comprend donc deux temps opératoires :

– découpage d’une lenticule cornéene de 160 à180 microns d’épaisseur à l’aide d’un microké-ratome (fig 7) ;

– photoablation intrastromale par le laserExcimer après avoir soulevé le lenticule tenu par unecharnière.

Comparé à la PKR, le LASIK offre plusieursavantages liés au respect anatomique de la cornée.En effet, il n’y a pas de pelage épithéliale préalable nide photoablation de la capsule de Bowmann situéeentre l’épithélium et le stroma. Il en découle :

– une quas i -absence de douleurspostopératoires ;

– une récupération visuelle rapide mesurable dèsle premier jour postopératoire ;

– une stabilité de la réfraction rapidementobtenue vers le 3e mois ;

– une moindre dépendance des résultats vis-à-visdes phénomènes cicatriciels ;

– une absence de voile sous-épithélial ;– la possibilité de traiter les myopies fortes

jusqu’à -14 dioptries si l’épaisseur cornéenne lepermet, ainsi que l’hypermétropie jusqu’à 8 dioptrieset les astigmatismes associés. La PKR peut aussiavoir ce champ d’action, mais avec moins de facilitéque le Lasik ;

– en cas de sous-correction, le retraitement estaisé à réaliser en soulevant à nouveau le voletcornéen, le risque d’une réaction cicatricielleexcessive est quasi nulle.

Indications

La possibilité d’effectuer une photoablation plusimportante, sans craindre une réaction cicatriciellesous-épithéliale, fait que le LASIK a été au départdestiné au traitement des myopies fortes entre -6 et-14 dioptries. Mais la tendance actuelle est d’étendrel’indication vers les petites et moyennes myopiescompte tenu des nombreux avantages du LASIK surla PKR.

Inconvénients

Le LASIK n’est pas une technique aussi simple quela PKR. La réussite de l’intervention dépend avanttout de celle de la découpe lenticulaire. Une périoded’apprentissage avec travaux pratiques sur des yeuxde porc est incontournable. Cependant il reste unetechnique très sûre aux mains des chirurgiensexpérimentés.

Résultats

La prédictibilité du LASIK est excellente pour lesmyopies inférieures à -12 dioptries. Entre -1 à -6dioptries, 98 % des yeux traités ont une réfractionentre +1 et -1 dioptrie de l’emmétropie à 1 an. Entre-6 et -12 dioptries, le taux est à environ 80 %. Au-delà de -12 dioptries, le pourcentage chute à 43 %(fig 8, 9).

‚ Implants myopiques

En enlevant le cristallin

L’implantation d’une lentille intraoculaire est unealternative pour traiter les amétropies fortes etextrêmes non accessibles par le laser Excimer.Initialement, le traitement consiste à extraire lecristallin et à le remplacer par un implant dont lapuissance est prédéterminée en préopératoire : c’estla technique d’échange du cristallin clair. Laprédictibilité de cette méthode est bonne, larécupération fonctionnelle est rapide, mais la pertede l’accommodation est de règle et définitive. Enfin,le risque de décollement rétinien à moyen et longterme n’est pas négligeable. Les indications selimitent actuellement aux amétropies fortes avecpresbytie installée ou cataracte associée.

La nécessité de conserver une accommodationchez les sujets jeunes, atteints d’une forte myopie,oriente le choix vers une méthode réversible quiconsiste à mettre en place un implant intraoculairesans extraction du cristallin préalable. Les intérêts de

6 Haze : formation d’un voile lié à un phénomènecicatriciel.

Endothélium Endothélium

7 Découpage d’une lenticule cornéenne.

8 Traitement de la myopie et de l’astigmatisme par LASIK.

Les contres-indications de la chirurgieréfractive cornéenne

– Kératocône.– Pathologie oculaire inflammatoire.– Myopie non stabilisée.– Monophtalmie.– Grossesse.– Syndrome sec sévère.– Maladie du système.– Microphtalmie.

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cette méthode sont : précision des résultats, maintiende l’accommodation, rapidité de la récupérationvisuelle, stabilité du résultat obtenu et enfin laréversibilité.

On distingue deux types d’implant : implant dechambre antérieure et implant de chambrepostérieure.

Implant précristallinien

¶ Implant de chambre antérieureLe plus connu est un implant dur en PMMA dont

la taille de l’optique mesure 4 mm de diamètre.Introduit à travers une incision cornéenne, il est poséen chambre antérieure (devant l’iris).

Cet implant offre des résultats fonctionnels trèssatisfaisants, mais il se heurte à un certain nombrede complications comme la vision des halos dues àla perception des bords de l’implant, la déformationde la pupille à long terme et enfin le plus grave, laperte des cellules endothéliales cornéennes. Ilsemble qu’avec l’implant de deuxième génération(fig 10) , le problème de la perte cellulaireendothéliale soit partiellement résolu, mais le reculn’est actuellement pas encore suffisant pour porterun tel jugement. Certains modèles différentss’accrochent à l’iris et octroient des résultats visuelsproches avec des complications de nature autre,mais pas plus nombreuses.

¶ Implant de chambre postérieureLe concept de l’implantation en chambre

postérieure (derrière l’iris et devant le cristallin) peutpermettre d’éviter les effets secondaires liés à uneimplantation en chambre antérieure. En effet,l’éloignement de la cornée permet d’avoir unoptique de diamètre plus grand, le contactimplant-cornée est supprimé, de ce fait le risqueendothélial est quasi nul.

Les implants de chambre postérieure sont encours d’évaluation. Ils sont formés de matériausouple donc pliable. Les premières générations sonten silicone monobloc ; ils semblent donner des

résultats satisfaisants sur le plan fonctionnel, mais lescomplications comme l’opacité cristallinienne etl’uvéite ont été décrites.

Depuis 1993, un nouvel implant a été proposé, ilest constitué d’un biomatériau appelé collamère ; ils’agit d’un copolymère de collagène, composébiocompatible combinant de l’acrylique et ducollagène. Ce matériel très souple, élastique,hydrophile et perméable aux gaz semble offrir toutesles caractéristiques nécessaires à un emploicombinant efficacité et sécurité. Les premiersrésultats des études cliniques sont encourageants ettrès prometteurs.

Avantages de l’implant myopique phaquede chambre postérieure

Il permet de traiter les myopies fortes et extrêmesnon accessibles par le laser Excimer. La récupérationvisuelle est très rapide et mesurable quelques heuresaprès l’opération.

Cette méthode de correction améliore la qualitévisuelle du fait de l’absence d’effet prismatiqueobservé avec les lunettes.

Par rapport aux méthodes d’échange de cristallinclair, il y a conservation de l’accommodation, ce quiévite la nécessité d’une correction pour la vision deprès.

9 Traitement de l’hypermétropie par LASIK.

10 Implant antérieur de phaque.

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La réversibilité est assurée en cas de besoin parl’explantation.

L’innocuité reste à démontrer mais par sonpositionnement en chambre postérieure, il sembleque l’endothélium cornéen reste hors d’atteinte etque le danger inflammatoire soit réduit.

■Conclusion

La clé de voûte de la chirurgie réfractive résidedans le désir du candidat (pas de prise en charge par

l’assurance maladie), sa compréhension del’information, l’acceptation réfléchie des risquespropres à ces chirurgies et à une adéquation de lastratégie opératoire choisie vis-à-vis des objectifsvisuels du patient. Le respect des contraintes est legarant du succès de cette chirurgie de convenance.

Dan Alexandre Lebuisson : Chef de service d’ophtalmologie.PE Lim : Ancien interne des hôpitaux de Paris.

Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : DA Lebuisson et PE Lim. Chirurgie réfractive.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0360, 1998, 5 p

R é f é r e n c e s

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