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8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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Actualite de<U>
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ROSE-CROIX
ET MARTINISTES
E M A R T I N I S M Ees origines a nos jours
A B B A L E E ? M A R T I N I S M Ea voie du coeur
R D R EA R T I N I S M E
R A D I T I O N N E L
ntretien
vec le Souverain
Grand Maitre
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BELGIQUE : 7,00 € / LUXEMBOURG : 7,00 € / DOM : 6,20 € / S UISS E: 11,00 CHF CANADA: 8,25 CAD / GRECE : 7,00 € / PORTUGAL CONT.: 7,00 €
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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SOMMAIRE
■ Editorial: Qu'est-ce que le Martinisme ?
p. 3.
US Le processus d'individuation : selon Jung,ce processus est le fondement de la realisationdu Soi et correspond a une loi qui ceuvre dansI'univers, dans la nature et dans I'hommelui-meme. p. 37.
h
Hs s
■ Introduction : comme toute societeinitiatique, le Martinisme puise ses originesdans des elements mythiques et historiques.En creant I'Ordre Martiniste vers 1889, Papuset Augustin Chaboseau firent renaitre de sescendres une tradition ancienne. p. 4.
■ L'Ordre des Chevaliers Masons Elus-Cohende TUnivers : c'est dans ce mouvement majeurde rilluminisme que le Martinisme trouve sesorigines. Appele plus simplement « Ordre desElus-Cohen », ce rite ma^onnique plongeait sesracines dans le judeo-christianisme. p. 5.
■ L'Ordre Martiniste a la Belle-Epoque (1889
a 1 91 8) : a la fin du XIXe siecle, deux etudiantsen medecine, Gerard Encausse et AugustinChaboseau, decouvrent qu'ils sont depositairesd'une initiation remontant aux disciples deLouis-Claude de Saint-Martin. p. 11.
■ Le Martinisme moderne et ses obediences(1920 a 201 0) : comme la Rose-Croix et la
Franc-Magonnerie, le Martinisme reste unetradition tres vivante. Elle est representee de
nos jours par deux mouvements majeurs:I'Ordre Martiniste Traditionnel et I'OrdreMartiniste. p. 15.
■ Louis-Claude de Saint-Martin (sa vie, son
ceuvre): le Martinisme se rattache a la vie et aI'oeuvre de celui qui fut connu egalement sousle pseudonyme de « Philosophe Inconnu »,considere comme I'un des plus grands espritsde son epoque. p. 21.
■ Le Martinisme : un esoterisme, unetheosophie, une gnose : esoterique en raison
de son origine traditionnelle, theosophiquede par la quete de sagesse qui le sous-tend,gnostique au regard de ses liens avec leChristianisme primitif, le Martinisme est une
voie de connaissance complete, p. 26.
■ Kabbale et Martinisme : tout comme la
Kabbale, le Martinisme est une voie cardiaque,une voie de realisation spirituelle menant a laconnaissance de soi et du monde divin. p. 29.
t■ Entretien avec Christian Bernard, Souverain
Grand Maitre de I'O.M.T., p. 32
S Le Temple de Salomon : dans ses aspectshistorique et symbolique, il est une referencecommune aux Martinistes et aux Francs-Magons. p. 35
S De la Genese au prologue de I'Evangilede Jean : la premiere page de la Genesepresente la vision sacerdotale de la Creation,et la premiere page de I'Evangile de Jeanse rapporte au mystere de leschouah, GrandArchitecte de I'Univers. p. 40
■ L'Ancien et Mystique Ordre dela Rose-Croix : presentation par SergeToussaint, Grand Maitre de I'O.M.T. et de
I'A.M.O.R.C. pour la juridiction francophone,p. 44.
| Actualite de; LHISTOIRE ©MIIUCfilOUIBJIIujftiimtufti
i n u mActuellement en vente
Actualite de I Histoire mysterieuse
est une revue des editions Dam etalaises
siege so cia l: 9 gnutde rue - 89150 Fouchcres
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w »!•«•.actualite-hixtoire. net
den im. Directeurde la publication : Jean-ljuc Gamier
Redacteurs en chef: Guy Iws Baux el Eric Gam ier
Secretaire general des redactions des Editions Darnetalaises : Jean-1Jtc Gamier
Principal lx associes : J. Gosselin. V Allan!.
L Dumarcet etArtes Media
ISSN 1951 -195 hors-serie de 1249-948X
Commission paritaire 0410 K 84623
Ixi Redaction n 'assume pas la responsabilitf des opinions emises sous leur signature
par les auteurs. Ixs litres, inter litres et presentations des articles, sont de la redaction.
I m reproduction, mcme partielle. des articles He pent e trefaite qu’avec autorisation
ecrite et sous resen e de mentionner toutes references utiles. Les manuu rits non inseres
ne sont pas reitdus.
Mise en pages; Marie-Laure Daudet
Impnmeen Fnince par : ETC
76190 Sainte-Marie-des-Champs
Depot lega l: junvier 2010
Ont participr a la redaction de ce numero : Christian Rehisse, Un Martiniste anonynte,
Guy Eyhembide, Huguette Lefort. Jean Massengo. Michel Annengaud. Seige Toussaint.
Une interview de Christian Bernard.
Iconogniphie
O.M.T., archives des auteurs, collections ptirticulieivs- droits resen ts.
Carnet d Uidnesses:
O.M.T., chateau d'Omonville. 27110 Le Tremblay
Tel. 33 (0) 2.32.35.4L28 Fax : 33 (0) 2.32.35.66.03
Internet: www.inartinisie.org
Courriel: a moit & rose-croix. org
Photos de cotiverture
Montage centn il: portmit de Saint Martin -dessin de Simonetta Saenger (document
O.M.T.) :fond un temple martiniste (document O.M. T.)
Vignettes: Sceau des Elus-Cohen (document O.M .T.); arcane du tableau
nature! dessin de Marcel Dupre (document O.M.T.): I ’Illumination par le cam:
illustiution ext mite d'Emblemata (1630). de Daniel Cnimer (document O.M.T.)
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Introduction
DOSSIER _______________
o
Pantacle martiniste d e I'O.M.T.
En creant I’Ordre Martiniste vers 1889, Papus et Augustin Cha-
boseau faisaient renaitre de ses cendres une tradition reduite au
sommeil depuis les annees 1824. Cet Ordre est souvent associe
a l'occultisme de la Belle Epoque , e'est-a-dire a un esoterisme
qui « sent un peu le soufre ». Les enormes volumes de Papus,
consacres a la magie et aux sciences occultes. ont certes beau-
coup contribue a laisser cette image s'imposer. Mais le Marti
nisme est-il vraiment cela ? Et d'oii vient-il ?
Comme toute societe initiatique, le Martinisme puise ses origines
dans des elements mythiques et historiques. Pour ce qui est du
mythe, la Tradition martiniste se presente comme 1'heritiere de
connaissances remontant aux origines de l'humanite. Enoch. Tils
de Seth, lui-meme troisieme enfant d’Adam, les aurait recues
d’un ange. Cette « Tradition primordiale » se serait ensuite trans-
mise de generation en generation, d'initie en initie. et c'est ainsi
qu'au X VII Iemc siecle. Marlines de Pasqually s’en trouvait etre
l'heritier. Pour ce qui est de I'histoire, c'est dans le Siecle des
Lumieres que le Martinisme trouve ses origines. Cette epoque,
qui precede la Revolution franqaise, est celle oil triomphe le cultede la raison, de la connaissance intellectuelle.
A cette periode, deux courants de pensee opposes apparaissent en
France : le Scepticisme et 1'Illuminisme. Les progres enormes
realises par les sciences a cette epoque avaient conduit I'homme
a deduigner la religion. II voyait en elle une survivance des temps
ou l'humanite. encore dans l’enfance, attribuait a des dieux ima-
ginaires les phenomenes naturels et les maux dont elle souffrait.
Les courants les plus representatifs de cette attitude sont le Sen-
sualisme et 1'Encyclopedisme. Quelques penseurs se sont in-
quietes de ce basculement vers le rationalisme. Parmi eux, on
trouve les mystiques que I'on regroupe sous la banniere de I'II-
luminisme.
En effet, rilluminisme s'est pose a contre-courant de ce mouve-
mcnt qui relcguait au rang de superstition ce qui, jusqu'a pre
sent, donnait un sens a l'existence. Pour ces penseurs, c'est
au-dela de la religion qu'il faut chercher la verite des choses,
grace a une lecture en profondeur, esoterique, des textes reli-gieux. Ce que I'on appelle rillum inisme. c'est done I'esoterisme
du XVII Icmc siecle. La quote de ces philosophes est une recherche
mystique du sens de la vie. Ce qui la caracterise le mieux, c’est
qu'ellc vise essentiellement a apprehendcr le Div in par 1’expe-
rience interieure.
C'est dans 1'un des courants les plus importants de 1'Illuminisme,
Y Ordre des Chevaliers Masons Elus-Cohen de I'Uni vers, par-*
lois appelc plus simplement Ordre des Elus-Cohen. que le Mar
tinisme trouve ses origines. II s'agit de l'un des rites
ma^onniques les plus etranges. II possedc en effet une doctrine
qui semble plonger ses ratines dans le judeo-christianisme. qui*
caracterise 1'Eglise originelle et utilise des rituels qui s'appa-
rentent a une magie-angelique. une theurgie.
Cet Ordre a connu une existence assez breve, car apres la dispa-
rition de son fondateur survenue en 1774, soit une vingtaine
d'annees seulement apres la creation de I'Ordre, il entre en som
meil. II connait cependant une survivance, d'une part a travers les
Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte, et d'autre part avec les
disciples de Louis-Claude de Saint-Martin, dont Papus et Au
gustin Chaboseau seront les descendants.
C'est sous cette forme qu'il existe encore de nos jours a travers
divers Ordres Martinistes, dont Tun des plus importants est VOr
dre Martiniste Traditionnel.
Q ACTUALITE DE L 'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
L'ord re des chevaliers
Masons Elus-Cohen
de TUniversT u b t r v k P k i > * r m , K .s o k m . i . t h i r u s .
Illustration de Dionysius, pour la traduction anglaise de s «Trois principes», de Jacob Boehm e
U n s y s t e m e d e h a u t s-g r a d e s*
L’Ordre des Chevaliers Masons Elus-
Cohen de I’Univers, plus couramment
appele ordre des Elus-Cohen, releve de
ce que Ton uppelle les « hauts-grades
magonniques ». Ces grades sont apparus
dans la Franc-Magonnerie au XV IIFmc
siecle, epoque ou ils proliferaient avec
une certaine anarchie. L’ordre des Elus-
Cohen a ete fonde vers 1754 par Marlines
de Pasqually (17107-1774). Malgre les
recherches de plusieurs historiens commeRene Leforestier (1858-1951). Gerard
Van Rijnberk (1875-1953). ou Robert
Amadou (1924-2006), les origines de ce
personnage restent encore mysterieuses.
Depuis. peu de decouvertes importantes
sont venues s’ajouter a leurs travaux, si
ce n’est celle de Facte d'inhumation de
Marlines par Jean Pinasseau en 1969, et
celles de Christian Marcenne en 1996 a
propos de sa carriere militaire.
U n m y s t e r i e u x f o n d a t e u r
Le pere de Marlines de Pasqually etait un
espagnol, ne a Alicante. Certains histo
riens pensent qu’ il descendait des Mar-ranes, mais aucun element ne permet de
Faff inner. On dit Marti nes de Pasqually
natif de Grenoble, dans la paroisse Notre-
Dame. Cependant, la date exacte de sa
naissance reste inconnue. car son acte de
bapteme demeure introuvable. Les re-
centes decouvertes de Christian Mar
cenne permetlent de situer sa naissance
vers 1710.
Le nom meme de Martines de Pasqually
reste imprecis, car il en varia 1’ortho-
graphe et la composition plusieurs fois.
Ainsi utilise-t-il tantot le nom de Joachim
Dom Martines de Pasqually, et tantot
celui de Jacques Delivon Joacin Latour
de La Case. Nous nous contenterons ici
d’employer celui qui lui est generalement
attribue : Martines de Pasqually. Que tut
sa jeunesse ? Nous Fignorons, et on ne
sait rien a propos de ses etudes et de la
formation qu’il requt. Ses lettres mon-
trent qu’il maitrisait mal Fecriture de la
langue fran^aise. Certains rituels Elus-
Cohen sont ecrits entierement en lalin -
ex. le De Circulo et quelques-uns com-
p>ortent des citations latines. II est done
possible qu ’il possedait une culture clas-
sique. D ’apres les documents deposes par
Martines chez Perrens fils, notaire a Bordeaux. il ressort qu’il a exerce la profes
sion de militaire pendant une dizaine
d’annees, avec le grade de lieutenant.
Ainsi, en 1737, il sert en Espagne. dans la
compagnie du regiment d’Edimbourg-
Dragons, commande par son oncle, Dom
Pasqually. Plus tard, en 1740, il est en
Corse, ou il participe a une intervention
franchise sous le commandement du mar
quis de Millebois. Enfin. en 1747, il esl
au service de I’Espagne et combat en Ita
lic.
E m m a n u e l S w e d e n b o r g
e t M a r t i n e s de Pa s q ua l l yDans son livre Martinisme Willermo-
sisme -Martinisme et Franc-Magonnerie
(1899), Papus presente Martines de Pas
qually comme un disciple d’Emmanuel
Swedenborg. II fait d'ail leurs de ce der
nier le createur des Hauls Grades ma^on-
niques, et precise qu’apres avoir initie
Martines a Londres, Swedenborg Faurait
charge de repandre en France les grades
ma^onniques dont il etait le createur.
Papus va jusqu’a pretendre que le Marti
nisme esl un Swedenborg is me adaple. En
fait, il reprend ici des affirmations erro-
nees, formulees par Ragon dans son
Othodoxie Ma^onnique (1853). Ce der
nier avait lui-meme repris, sans les
controler, des informations donnees par
Marcello Reghellini dans La Magonnerie
consideree comme le resultal des reli-
FEVRIER - MARS 2010 5
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
gions egyptiennc, juive ct chretienne
(1833). Dans ce livre, cct auteur dresse
unc biographic assez fantaisiste du fon-
dateurdes Elus-Cohen. Faisant de lui un
disciple de Swedenborg, il prelend que
e'est ce theosophe suedois qui lui donna
Pidee de creer un rile en relation avee la
symbolique de I'Ancien et du Nouveau
Testament. D'apres lui. Marlines serait
d’origine allemande et mourut cente-naire ! On peut s'etonner que Ragon et
Papus aient manque a ce point d* esprit
critique, car une etude memc rapide des
idees de Pasqually et de Swedenborg
montre qu’elles n’ont rien en commun.
Reghellini pretendait egalement que
Martines de Pasqually tenait sa doctrine
des juifs talmudistes el des chretiens de
saint Jean « qui vivaient dans les lieux
d’Orient qu'il avail visites pendant sa jeu-
nesse ». II parle de ses voyages en Tur-
quic, en Arabic et en Palestine, sans
toutefois citer ses sources. Que ce soit
dans ses ecrits ou ses correspondances,
Martines n’a jamais fait etat de telsvoyages ; il semble done impossible d'ac-
corder le moindre credit aux affirmations
fantaisistes de Reghellini.
Selon les dires de Martines. son pere etait
Franc-Ma^on et avail dirige une loge a
Aix en 1723. II aurait ete en possession
d'une patente stuartiste, datee du 20 mai
1738. charge qui etait transmissible a son
fils. Dans ses lettres, Martines de Pas
qually parle a mots couverts des maitres
qui lui ont transmis ses connaissances,
mais e’est probablement de son pere qu'il
re^ut I’essentiel de sa formation mys
tique. Cependant. il dit parfois dans ses
textes : « la Sagesse m’ a enseigne »,
comme pour montrer que son savoir pro-
vient aussi de sa propre experience spiri-
tuelle. Quoiqu’il en soit. Martines adapta
ses connaissances a son epoque et au
cadre qu’il avait choisi pour les diffuser,
a savoir, la Franc-Mavonnerie. L'etude de
ses ecrits, de ses instructions et de ses ri-
tuels montre qu'il connaissait parfaite-
ment la Bible et particulierement
I’Ancien Testament, qu ’ il cite frequem-
ment en renrichissant a l aide d’elements
empruntes a la tradition talmudique.
La K a b b a l e
Bien qu’il soit errone d’assimiler le Mar-
tinisme avec la tradition kabbalistique, la
doctrine de Martines de Pasqually pos-
sede une certaine affinite avec le fonds
general de la mystique juive. Cependant,
par ses rites, I’Ordre fonde par Martines
de Pasqually se rapproche davantage des
kabbalistes chretiens de la Renaissance.
II disait tenir ses connaissances d’un he
ritage esoterique dont sa famille etait en
possession depuis trois cents ans. Elle au
rait re^u cct heritage de 1’Inquisition.
Helas, nous ne savons rien a ce propos.
S'agit-il de documents renfermant des
connaissances et des pratiques dont Martines s’est fait le dispensateur, ou cct he
ritage lui venait-il d’une societe
initiatique a laquelle sa famille apparte-
nait ? Jean-Baptiste Willermoz disait que
Martines avait succede a son pere, lequel
vivait en Espagne. Cette remarque laisse
entendre qu’il exista probablement un
petit groupe de « pre-Cohen » sous la di
rection de son pere. Martines de Pas
qually ne pretendait pas etrc le createur
de I’Ordrc qu’il dirigeait, mais se pre-
sentait comme etant I’un de ses sept Sou-
verains. Quoiqu'il en soit, 1’Ordre
constitue par Martines est veritablementune creation. En elTet. lorsqu'on lit les di-
verses correspondances du maitre avec
ses disciples, on decouvre la genese d’un
Ordre, qui meme au moment de la mort
de son fondateur, n’etait pas encore tota-
lement operationnel.
L’etude du Traite sur la reintegration des
etres, texte dans lequel Martines a resume
1'ensemble de sa doctrine, revele la pre
sence d’elements empruntes a la littera-
ture talmudique, rabbinique et
kabbalistique. Bien des details montrent
aussi la presence de themes propres au
christianisme primitif. On aurait done tort
de faire de Martines un kabbaliste, car saphilosophic, tout comme sa theurgie. ne
sont pas specifiquement kabbalistes.
Martines de Pasqually se presente
comme catholique romain. Cependant.
ses enseignements sont plus proches du
christianisme primitif que des dogmes
enseignes par l’Eglise. En effet. comme
le disait Robert Amadou. Martines pense
comme un chretien d’avant le premier
Concile. Pour lui, le Christ est un pro-
phete qui s'est incarne a travers le temps
sous differents noms ; il a une conception
angelologique du Christ, position carac-
teristique du judeo-christianisme. Si les
divers mouvements judeo-chretiens qui
constituent la source du christianisme ont
etc marginalises apres les premiers
Conciles, il n'en reste pas moins vrai que
certains ont subsiste assez longtemps. II
est possible qu’une survivance judeo-
chretienne ait persiste en Espagne et que
Martines soit l’un de ses descendants.
Selon les ecrits de Martines, la science*
des Elus-Cohen trouve son orisine dans
les instructions que Seth, le troisieme fils
d'Adam. aurait revues d’un ange. Cette
science enseigne la maniere de conduire
les rites propres a permettre a l’homme
de se reconcilier avec Dieu. Pour Marti
nes, les descendants de Seth et d'Enoch
auraient perverti cette connaissance, au
point qu'en definitive, elle serait devenue
inutilisable. II pretend que Noe fut ins-
truit sur cette science qui. de generation
en generation, se serait transmise
jusqu’aux Elus-Cohen.
M a r t i n e s de Pa s q ua l l y , F r a n c - M acon
Martines de Pasqually definit ainsi sa
mission : « Je ne suis qu’un faible instru
ment dont Dieu veut bien, indigne que je
suis, se servir, pour rappeler les hommes
mes semblables a leur premier etat dema$on, afin de leur faire voir veritable
ment qu’ils sont reellemcnt hommes-
Dieux, etant crees a I’image et a la
ressemblance de cet etre tout-puissant. »
l - J
6
Cachet de Ma rtinis de Pasqually
d m * ' :
Dessin thiurgique des Elus-Cohen
Martines de Pasqually estimait que la
Franc-Ma<;onnerie de son epoque etait
« apocryphe », e’est-a-dire d’une au-
thenticite douteuse, et proposait de la res-
sourcer a partirde la doctrine dont il etait
le depositaire.
Les activites ma^onniques de Martines
debutent en 1754. dans le Sud de la
France, a Avignon, a Marseille et plusparticulierement a Montpellier, ou il au
rait fonde le chapitre des Souverains
Juges Ecossais. A la fin de 1’annee 1760.
Jean -Bap tis te Wi lle rmoz
6 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
Sceau des Elus-Cohen
il se presenta a la loge Saint Jean des Irois
loges reunies, situee a Test de Toulouse.
Martinos y exposa une sorte de « plan
parfait » de la Franc-Ma^onnerie et ses
projets pour etablir l'ancien et le nouveau
temple des « Chevaliers Levites. des Co-
henim-Leviym et des Elus Coens ». Les
freres de Toulouse se rnontrent scepticjues
et demandent a Marlines de Pasqually de
prouver la realite des connaissances qu'i l
pretend detenir. Pour satisfaire a leurs
exigences, il tente de demontrer l’effica-
cite de ses pratiques theurgiques. Apres
deux essais infructueux, notre theurge fut
remercie et invite a quitter les lieux. car
les responsables de la loge toulousaine nevoulurent pas pousser V experience plus
loin.
A Foix. Martines eut plus de chance, et
c'est dans la loge Josue. etablie dans le
regiment present dans cette ville. qu 'il va
recruter ses premiers disciples, comme le
lieutenant-colonel de Grainville et le ca-
pitaine des grenadiers Champoleon.
C'est la tju’il fonde un chapitre. le Tem
ple des Elus-Cohen. Cependant. c'est a
Bordeaux que commence reellement
l'histoire de cet Ordre. A cette epoque. en
avril 1762. le regiment de Foix est en gar-
nison au Chateau-Trompette de Bor
deaux. Martines s’installe lui-meme dans
cette ville, et c'est done tout naturelle-
ment que le travail commence a Foix
s’etend a Bordeaux. C'est la qu'i l etablit
son « Tribunal Souverain », e'est-a-dire
le centre principal des activites de TOr
dre des Chevaliers Masons Elus-Cohen
de I'Univers. Un jeune officier de ce re
giment, le sous-lieutenant de grenadiers,
Louis-Claude de Saint-Martin, va bientot
s'interesser a cet Ordre mysterieux.
Les voyages de Martines a Paris lui per-
mettent egalement de trouver d'autres
disciples, tels Bacon de la Chevalerie, le
comte de Lusignan. Bonnichon dit duGuers, Henri de Loos et Jean-Baptiste
Willermoz, qui se trouve alors dans la ca-
pitale pour ses affaires personnel les.
L’Ordre s'etend rapidement a Paris, Ver
sailles, Lyon, Grenoble, la Rochelle,
Strasbourg... L'abbe Fournie (1738-
1825), disciple de la premiere heure,
nous renseigne sur la maniere dont Mar
tines recrutait ses disciples. « Dieu m’ac-
corda la erace de rencontrer un homme
qui me dit familierement: « Vous devriez
venir nous voir, nous sommes de braves
gens. Vous ouvrirez un livre. vous regar-
derez au premier feuillet, au centre et a lafin ; lisant seulement quelques mots, et
vous saurez tout ce qu’il contient. Vous
voyez marcher toutes sortes de gens dans
la rue ; he bien ces gens la ne savent pas
pourquoi ils marchent, mais vous. vous le
saurez ». Cet homme, dont le debut avec
moi semble extraordinaire, se nommait
Don Martinets de Pasqually. » (P. Four
nie, Ce que nous avons ete, ce que nous
sommes et ce que nous deviendrons,
1801.)
U n rite j u d e o -chretien
L’Ordre fonde par Marlines de Pasqually
est une societe initiatique mystique. II est
structure autour d'un systeme theoso-
phique ties particulier, car la mystique de
Martines n'est pas une simple specula
tion ; elle conduit a une pratique. Cette
mise en oeuvre s'appuie sur une magie d i
vine. une theurgie, qui se propose de
conduire 1'homme, par purifications suc-
cessives, a entrer en communication avec
le monde des esprits. D'abord avec
l'ange personnel de I'initie, son « com-
pagnon fidele », puis avec les esprits des
mondes superieurs, pour finalement le
conduire a faire l'experience de ce qu’il
nomme mysterieusement « la Chose »,
l'lnnommable.
LA DOCTRINE DE LA REINTEGRATIONContrairement aux divers systemes de
hauls grades ma^onniques, qui manquent
souvent d'unite doctrinale, celui de Mar
tines se developpe autour d'une doctrine
precise, celle de la Reintegration. Elle est
exposee dans le Traite sur la reintegration
des etres dans leur premiere propriete,
vertu et puissance spirituelle divine, un
texte d'instruction qu'il reservait a ses
disciples les plus avances. Pres de cent
ans apres la mise en sommeil de 1'ordre
des Elus-Cohen, en 1899, cette instruc
tion secrete fut publiee sous la forme
d'un livre paru chez Paul Chacornac.
Plus recemment, en 1993, Diffusion Ro-
sicrucienne en a publie une version plus
l iable d'apres l'exemplaire manuscrit de
Louis-Claude de Saint-Martin. Le Traite
de Martines est un midrach judeo-chretien, en ce sens qu’il commente la Bible
et lui apporte des developpements esote-
riques.
On peut resumer ainsi le propos du
Traite : Avant les temps. Dieu emana de
Lui des etres libres. Certains d'entre eux
voulurent exercer eux-memes la puis
sance creatrice. Dieu les ecarta alors de
son Royaume, son « Immensite divine »,
en les enfermant dans le monde de la
Creation, celui de la matiere, qu'il crea a
cet effet pour leur servir de prison. C'est
alors que Dieu emana 1'homme, un etre
dote d'un corps de lumiere, auquel il
confia la garde des esprits rebel les et la
mission de les amencr a leur resipiscence.
Cependant. le gcolier se laissa seduire pai*
ses prisonniers et chuta a son tour.
L'homme perdit alors son corps de lu
miere pour se trouver enveloppe piu- un
corps de chair. II garda cependant la
meme mission, mais se trouvait des lors
contraint de reintegrer sa position glo-
rieuse avant de pouvoir 1'accomplir. Ne
disposant plus des memes pouvoirs, il fut
reduit a utiliser un culte exterieur, la
theurgie, pour obtenir l'aide des « agents
intermediates ». les anges restes fideles
a Dieu. C ’est ce culte particulier. neces-
sitant de longues preparations, que pre-
tendait perpetuer l'Ordre des
Elus-Cohen.
L es GRADES COHEN
Martines de Pasqually confiait ses ensei-
gnements a ses disciples au fur et a me-
sure de leur avancement dans les grades
composant la hierarchic de l'Ordre. Cette
hierarchic debute par les trois grades
« bleus » : Apprenti, Compagnon et Mai-
tre, le plus souvent donnes en une seule
FEVRIER - MARS 2010
Dessin th£urgique des Elus-Cohen, d'apr&s un manuscrit de la B.N.F.
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
ceremonie. Suivcnt les degres de Maitre
Paifait Elu (ou Grand Elu sous la bande
noire), d'Apprenti Elu-Cohen (ou Fort
marque), de Compagnon Elu-Cohen (ou
Double fort marque), de Maitre Elu-
Cohen (ou Triple fort marque, ou encore
Maitre ecossais). Viennent ensuite ceux
de Grand Maitre Cohen (ou Grand archi-
tccte), de Grand Elu de Zorobabel, (ou
Chevalier d'Orient), et de Commandeurd'Orient (ou Apprenti Reaux-Croix).
Enfin, la hierarchic de I’Ordre est cou-
ronnee par un degre supreme, celui de
Reau-Croix (ou R+).*
L'Ordre des Elus-Cohen est dirige par un
college de direction, le Tribunal Souve-
rain, compose de Reaux-Croix. Ses
membres portent le litre de Souverains
Juges et font suivre leur signature des let-
tres SJ. Au XVIIIe, le « I » et le « J »
ecrits en majuscules ont le meme gra-
phisme, et cette similitude a entraine
quelques historiens a confondre les S.J.
de Martines avec les S.I. du Baron Hund.
Le titre de S.I. n'a jamais fait partie de lahierarchic Cohen.
Chaque initiation met en scene et fait
vivre aux membres de I’Ordre les divers
episodes de la vie de I'homme. D'abord
en evoquant 1’emanation du pere de 1'hu-
manite, Adam, dans I'lmmensite divine,
puis sa naissance dans un corps de lu-
miere, un « corps glorieux », et sa chute
dans le monde de la matiere. Ces cere
monies illustrent les purifications que
I’homme doit suivre pour retrouver sa
gloire perdue et parvenir enfin a sa « re
integration ». a son retour dans le Divin.
L'ensemble de ces grades est cense ren-
dre le disciple sensible aux influences
spirituelles de son guide interieur, son
« bon compagnon », terme par lequel les
Elus-Cohen designent leur ange gardien.
Lorsqu'un initie reussissait a realiser
cette « jonction », c'est-a-dire a s'unir
spirituellement avec son « bon compa
gnon », il pouvait alors esperer soulever
le voile du monde celeste en utilisant la
theurgie. Seuls les membres ayant atteint
le grade de Reaux-Croix recevaient les
cles secretes permettant de fa ire de tel les
experiences.
La T h e u r g i e
Les Reaux-Croix pratiquent la theurgie
(du grec theos, Dieu. et ergon, ouvrage).
Litteralement. la theurgie est done « 1’ou-
vrage de Dieu ». Au IIle siecle, Jam-
blique l'a introduite dans la philosophic,
comme auxiliaire a la sagesse purement
speculative dont se contentaient ses pre-
deccsscurs. II la considerait comme une
magic superieure, visant non pas a obte-
nir des bienfaits materiels, mais a reali
ser progressivement l’union mystique
avec la Divinite. La theurgie de Martines
a les memes objectifs : elle a pour but de
mettre I'homme en relation avec le Divin
en utilisant des intermediates devenusnecessaires depuis la chute de I'homme,
les « anges ». ou plutot. en termes marti-
nistes, aux esprits celestes et surcelestes.
Ces rites visent essentiellement a obtenir
les benedictions des esprits bons. I Is ont
aussi pour but d'execrer, de conjurer les
esprits mauvais, pour chasser leurs in
fluences mauvaises qui tendent sans
cesse a eloigner I'homme de sa mission.
Appeler les esprits bons, eloigner les
mauvais, necessitent de connaitre leurs
noms, leurs jours d'influence et les
heures propices pour les interpeller. Pour
ce faire, Martines confiait a ses emulesReaux-Croix, un repertoire contenant les
noms, les hieroglyphes secrets de 2400
esprits, et des recommandations sur les
periodes favorables aux operations theur-
giques. Le rituel preconise par Martines
est extremement complexe dans sa mise
en oeuvre ; il reclame un lieu speciale-
ment amenage. Sur le sol, on dessine le
tableau figuratif de l'operation. une etoile
a six branches et des cercles sur lesquels
l'adepte doit dessiner les hieroglyphes
des esprits qu'il desire evoquer. Sur ce
dessin, il place des bougies dont le nom-
bre peut aller jusqu 'a plusieurs dizaines.
Avant d'operer, le disciple doit prendre
soin de se livrer aux jeunes et aux purifi
cations necessaires a I'accomplissement
du culte magique.
Ces rites magiques sont relativement
proches de ceux pratiques par les kabba-
listes chretiens et des procedures decrites
par Cornelius Agrippa. II faut souligner
qu'ils ont un caractere mystique et reli-
gieux. En effet, a la lecture de ces rituels,on est surpris par I'importance qu'y oc-
cupent les prosternations, les prieres.
souvent extraites des Psaumes. La theur
gie de Martines ne cherche pas a diriger
des forces sur quelqu'un ou a obtenir des
avantages. Ce n'est pas une « magie pra
tique » orientee vers les petits soucis du
quotidien ; c'est une sainte magie dont
l'objet est 1'union mystique. Tout, dans la
theurgie Cohen, conduit a cette rencontre
entre le visible et 1'invisible. Dans cette
pratique, 1'Invisible, la Chose, se mani-
feste physiquement, soit par un son, soit
par une voix lente que les Cohen nom-
ment « la conversation secrete entre
R .
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X Table de hieroglyph es angeliques de s Elus Cohen
8 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
I ame et 1*intellect ». Le plus souvent, les
esprits expriment leur presence par un
hieroglyphe lumineux. Les Elus-Cohen
appelaient ces diverses manifestations
des « passes ».
Les instructions secretes, les rituels
Cohen et les correspondances entre Mar
tines et ses disciples montrent la diffi-
culte de tel les operations. A leur lecture,
on peut se demander combien purent ras-sembler les conditions preconisees par le
Souverain Grand Maitre des Elus-Cohen.
conditions qu'il serait impossible de reu-
nir a l’epoque actuelle. On peut aussi se
demander si ces travaux n’etaient pas
uniquement une preparation exterieure
destinee a conduire le disciple vers une
communion plus interieure avec le Divin.
En effet, pour Martines, le lieu privilegie
de la rencontre avec le Divin reste le ca^ur
de 1*homme, car c’est dans ce tabernacle
qu’il peut recevoir les plus grandes satis
factions, ainsi que les plus grandes fa
vours que le Createur lui envoie.
La p r i e r e
II faut souligner que les disciples de Mar
tines de Pasqually se devaient d’etre des
catholiques pratiquants, et plusieurs pro-
testants se convertiront au catholicisme
pour se conformer a cette regie. D'ail-
leurs, lors de son initiation au degre ap-
prenti. le Cohen devait prendre plusieurs
engagements : le premier etait de garder
secrets les mysteres de l'Ordre. et le se
cond d’etre fidele a la sainte religion ca-
tholique apostolique et romaine. Avant de
pratiquer les rites theurgiques, les disci
ples devaient assister a une messe. Ils se
preparaient au moyen de la priere, no-
tamment en pratiquant la Priere des six
heures, un exercice auquel ils devaient se
livrer toutes les six heures (six heures du
matin, midi, dix-huit heures et minuit).
Ces prieres, en partie composees par
Martines, comprenaient des lectures des
Psaumes, des invocations « du saint nom
de Jesus », le Pater, I'Ave Maria, ainsi
que des suppliques adressees a I'ange
gardien. A chaque nouvelle Lune, voire
tous les jours suivants, ils devaient ega-
lement reciter les sept Psaumes de Peni
tences. L’Office du Saint Esprit devait
etre recite chaque jeudi. tout comme le
Misere, qui devait etre dit debout face a
1'Orient, et le De Profundis, face contre
terre. Plus le disciple avan^ait dans la hie
rarchic, plus les obligations, prieres,
jeunes, abstinences augmentaient.
La vie d'un Cohen n'avait rien a envier a
celle d’un moine. L'abbe Pierre Fournie
rapporteque les instructions journalieres
de Martines « etaient de nous porter sans
cesse vers Dieu. de croitre de vertus en
vertus, et de travailler pour le bien gene
ral ; elles ressemblaient exactement a
celles qui apparaissent dans 1'evangile
que Jesus-Christ donnait a ceux qui mar-
chaicnt a sa suite ». Duroy d'Hauteriveprecise le travail d'un Cohen en ces
termes : « La rejection continuelle de la
pensee mauvaise, la priere et les bonnes
oeuvres : voila les seul moyens d'avancer
Karl Gotth elf von Hund, createu r de la Stricte Observance Templitre
dans la decouverte de toutes les verites, et
ce qui est encore au-dessus, la pratique
de toutes les vertus ». L'cxisence de tel les
pratiques rebutera de nombreux disciplesvenus chercher le merveilleux et peu en-
clins a suivre des regies aussi contrai-
gnantes.
L 'e n t r e e en s o m m e i l
A son arrivee a Bordeaux, meme s’ il vit
modestement. Martines de Pasqually ne
semble pas manquer d'argent. Cepen
dant, sa situation se degrade rapidement,
et en 1769, il a 1200 livres de dettcs. Or.
a cette epoque, nombre de Bordelais
s'enrichissaient grace au negoce du sucre
avec les Antilles. Les beaux-freres de
Martines de Pasqually s’etaient d’ailleurs
installes la-bas, tout comme nombre d'of-ficiers du regiment de Foix. II semble que
*
le fondateur des Elus Cohen avait lui-
meme des interets a Saint-Domingue, et
c'est la raison pour laquelle il s'y rendit
en 1772. II esperait y recouvrir la succes
sion d'un parent decode la-bas et pensait
mottre ainsi un terme a ses difficultes fi-
nancieres.
Son sejour se prolongea. et en definitive,
le maitre ne centra jamais de voyage, car
il mourut a Saint-Domingue, le 24 sep-
tombre 1774. Quolquo temps avant sa
mort, il avait nomine Armand-Robert
Caignet de Lestere, 1'un de ses disciples
d'Haiti, pour diriger l'Ordre des Elus-
Cohen. Mais ce dernier mourut lui-meme
en decembre 1779. Son successcur,
Sebastien de Las Casas, rentra en France
en novembre 1780 et mit officiellement
en sommeil un Ordre qui, depuis la mort
de son fondateur, s’eteignait de lui-
meme. En fait. Martines de Pasquallyn’avait pas consigne par ecrit le rituel
d'initiation au degre supreme de l'Ordre,
celui des Reaux-Croix. Par consequent,
ses disciples etaient dans 1’ impossibility
d'assurer la perennite de l ’Ordre. Par ail-
leurs, beaucoup de ses membres s’etaient
eloignes de pratiques theurgiques trop
complexes pour adopter le mesmerisme
ou le somnambulisme, decouvert par le
marquis de Puyseguren 1784. Sans doute
jugeaient-ils ces moyens plus simples
pour entrer en contact avec 1’autre
monde.
L es disciples*
L'Ordre des Elus-Cohen ne comporta ja
mais beaucoup de membres. II compta
cependant quelques femmes, chose rare
pour un rite ma^onnique a l'epoque.
Louis-Claude de Saint-Martin (1743-
1803) fut initie dans cet Ordre en 1765.
Officier au regiment de Foix. il quitta
1'armee en 1771 pour devenir le secre
taire personnel de Martines de Pasqually.
Le chef des Elus-Cohen reconnaissait en
effet dans ce jeune homme brillant un
disciple prometteur. capable de 1'assister
dans ses projcts. Grace a son aide, Mar
tines de Pasqually reussit a ameliorer
1'organisation de l'Ordre. En 1772, Saint-
Martin fut initie au plus haut grade des
Elus-Cohen, celui de Reaux-Croix.
Jcan-Baptiste Willermoz (1730-1824),
FEVRIER - MARS 2010 9
O
M
l
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DOSSIERL ’ H O M M E
D E D E S I n.
D E S E R R E U R S E T
de la Verite»
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P a m o r P« 1MO.
A E D I M B O U R a
----------------------------------------- --
*7 75*
«Des erre urs et de la v6rit&», de Louis- Claude de Saint-Martin -177 5
negociant en soieries a Lyon, fut egale-
ment un membre eminent de I'Ordre. Ini-
tie dans la Franc-Ma^onnerie en 1750.
aloi*s qu'il n'avait que vingt ans, il occupa
rapidement une place importante dans la
Ma^onnerie lyonnaise. II entra chez les
Elus-Cohen et devint un disciple zele. Se-
duit par les enseignements de Martines
de Pasqually, il fut cependant degu par les
capacites d'organisateur de ce dernier. En
efifet, I’Ordre des Elus-Cohen restait en
core en pleine gestation, et son fondateur
n'en finissait pas d'ecrire les rituels et les
instructions destines au fonctionnement
des loges.
L es C h e v a l i e r s B i e n f a i s a n ts
d e la C it e S a i n t e
Apres la disparition de Martines de Pas
qually. les deux disciples que nous venons
d'evoquer tentent. chacun a leur manicre,
de poursuivre le travail de leur maltre. Le
premier, Jean-Baptiste Willermoz. integre
la doctrine de la Reintegration dans le rite
maQonnique de la Stricte Observance
56
Templiere allemande du baron Carl Got-
thelf von Hund (1722-1776), Ordre avec
lequel il etait en relation depuis quelques
annees. En 1778, loi^s d'un Convent, cet
Ordre se reorganise en adoptant cette doc
trine et devient celui des Chevaliers Bien
faisants de la Cite Sainte. Jean-Baptiste
Willermoz redige pour les degres supe-
rieurs de cet Ordre, ceux de Profes et de
Grand Profes, des instructions qui presented, sans la nommer directement, la doc
trine de Martines. Cependant, Willermoz
ne transmet pas les enseignements theur-
giques de Martines aux Chevaliers Bien
faisants de la Cite Sainte. Lors du Convent
de Wilhemsbad, en 1782, la reforme ini-
tiee par Willermoz est adoptee : c’est la
naissance du Rite Ecossais Rectifie.
La floraison de ce rite sera entravee par la
Revolution franchise. Avant meme la dis
parition de Jean-Baptiste Willermoz, qui
meurt en 1824. il entrera en sommeil en
France. II survivra en Suisse, notamment
a Geneve, dans les milieux protestants
qui seront seduits par la symboliquechretienne attachee a ce rite. Ce n'est
qu'apres la Premiere Guerre mondiale,
mace a Edouard de Ribaucourt et a Ca-
mi lie Savoire, qu 'il renaitra en France.
La v o i e i n t e r i e u r e
La pensee de Martines de Pasqually trouva
egalement des developpements hors de la
Franc-Magonnerie, grace a Louis-Claude
de Saint-Martin. Quelques annees apres la
mort de Martines de Pasqually, ce dernier
abandonna la theurgie, la voie externe, au
profit d'une demarche plus interieure. En
effet, apres des annees de pratique, il ju-
geait la theurgie dangereuse, et peu sure
pour cheminer vers le Divin. Pour lui. le
creuset de 1'evolution spirituelle, c'est le
coeur de l’homme, et il n'est pas neces-
saire d'utiliser une quelconque magie ou
de faire appel aux anges. On appelle la
voie preconisee par Saint-Martin une
« voie cardiaque », par opposition a la voie
theurgique. C’est a la suite de sa decou-
verte des oeuvres de Jacob Boehme, que
Par I’Auteur <Jc« Eucurs & tic b V ir ii i.
Si i*» hiUttri # jMImmh f»W.« tnrhm, A u /mt y><«« in
"• ** r1** An r-if, , o
Im npfm .1 taUbsa
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a r. y o n .
C2mx J. lcx.nct Q U in , likuiM,
* 7 9 0 .
«L'Homme de d£sir», de Louis-Claude deSaint-Martin -179 0
Saint-Martin se convertit a la voie inte
rieure. Cependant, les enseignements de
Pasqually eurent sur lui une influence pro-
fonde, et Saint-Martin conserva toute sa
vie un grand respect pour celui qu'il ap-
pelait « son premier instructeur ». Les li-
vres qu'il ecrivit sous le nom de
Philosophe Inconnu. depuis Des Erreurs
et de Verite en 1775, Le Tableau Naturel
en 1782, LHomme de desir en 1790 ou Le
Nouvel Homme en 1792... jusqu'a son
dernier livre, Le Ministere de I'Homme-
Esprit, public en 1802. sont tous marques
de la doctrine de Martines de Pasqually.
La Tradition martiniste veut que Louis-
Claude de Saint-Martin ait transmis une
initiation a quelques disciples choisis, et
que celle-ci se soit perpetuee au corns du
XIXe siecle. A la fin du XIXe siecle,deux homines se presenterent comme
etant depositaires de cette initiation : Ge
rard Encausse el Augustin Chaboseau. En
1889, ces deux heritiers unirent leurs ef
forts pour fonder I'Ordre Martiniste des
tine a perpetuer cet heritage esoterique et
mystique.
Christian Rebisse
Dessin pour le grade d'appre nti des Chevaliers Bienfaisan ts de la Cit6 Sainte
Mausotee du 3e grade des Chevaliers Bienfaisan ts de la Cit6 Sainte
H- -H
Symboles accompagnant la signature deM artin is de Pasqually
O E P ON E N S A L IE N A ^ A S C E N 0 ) T U N U S
10 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
L'Ordre Martiniste a la Belle-Epoque (1889 a 1918)
Ala fin du XIX° siecle, deux etu-
diants en medecine, Gerard En-
causse (1865-1916) et Augustin
Chaboseau (1868-1946) frequentent les
services du docteur Luys a I'hopital de la
Charite. Au cours d'une discussion, ils
decouvrent qu*ils sont tous les deux de-
positaires d'une initiation remontant aux
disciples de Louis-Claude de Saint-Mar
tin. mais chacun d ’eux est relie au Philo
sophe Inconnu par une filiation
differente : celle de Papus vient d*Henri
Delaage, tandis que celle d'Augustin
Chaboseau passe par Amelie de Boisse-
Mortemart.
Pa p u s
Papus presente Henri Delaage (1825-
1882) comme ayant ete initie par le chi-
miste Jean-Antoine Chaptal (1756-1832),
son grand-pere. dont il fait un disciple de
Saint-Martin. On ignore si le celebre chi-
miste, qui fut membre du Conseil d'Etat
et ministre du Consulat et de 1'Empire,
fut reellement en relation avec Louis-
Claude de Saint-Martin. On sait cepen-
dant qu'il avail etc initie dans la
Franc-ma^onnerie vers 1789 a la loge La
Parfaite Union de Montpellier. Notons
qu'Henri Delaage n'a jamais pretendu
avoir ete initie par son grand-pere. Au
moment de la mort de ce dernier, il
n'avait d'ailleurs que sept ans. La tradi
tion veut qu'entre lui et Jean-Antoine
Chaptal. il ait existe un initiateur dont le
nom ne nous est pas parvenu. II est pro
bable que celui-ci ne soit autre que son
propre pere, Clement Marie-Joseph De
laage (1785-1861).
Comme le montre la correspondance
qu'il echangea en mars 1811 avec
Charles Geille, Clement Marie-Joseph
connaissait asscz bien la pensee de
Louis-Claude de Saint-Martin pour don-
ner a son interlocuteur des conseils de
lecture sur les ouvrages du PhilosopheInconnu. Charles Geille semble avoir etc
lui-meme ties au fait de pratiques theur-
giques voisines de celles qu'enseignait
Martines de Pasqually. A la lecture de
leurs lettres, Paul Vulliaud precisait :
« nous devons bien convenir, en elTet, que
la tradition martiniste se perpetue par ini
tiation livresque et individuelle » (His-
toire et port mils de Rose-Croix , 1987).
H e n r i D e l a a g e
Henri Delaage est Kune des figures les
plus curieuses de son epoque. Homme de
bien, il etait connu du tout Paris, et Eli-
phas Levi voyait en lui un thaumaturge.
Ardent defenseur du magnetisme, il
Au te l d'une log e m artin ist e, se lon le ri tu elde Teder, en 1911
considcrait cette science nouvelle comme
un moyen de ramener les homines de son
siecle a la foi. Son premier livre, intitule
Initiation aux mysteres du magnetisme (1847), sera consacre en grande partie a
ce theme. En 1852, alors qu' il est initie a
la Franc-Magonnerie depuis peu, il
evoque la symbolique des disciples d'Hi-
ram dans Doctrines des societes secretes.
Le F.-. Leblanc de Marconnay lui re-
proche alors d'avoir « expose aux yeux
des profanes les mysteres des divers
grades maconniques ». Appele a la barre
du Grand Orient de France pour s'expli-
quer, il sera exclu des loges pour un an.
Cet episode lui servit-il de lecon ? Quoi
qu'il en soit, Papus precise que : « De
laage poussa le respect du secret jusqu’a
ne pas parler de 1'origine de son initiationdans ses livres, et c'est a ses intimes qu'il
se plaisait a parler a coeur ouvert du Mar
tinisme ». Dans une lettre du 19 janvier
1899 adressee a Papus, Camil le Flamma-
rion rapporte qu'il voyait frequemment
Henri Delaage et precise : « Je me sou-
viens qu'il m’a souvent parle de son
grand-pere, le ministre Chaptal, et de
Saint-Martin (le Philosophe Inconnu).
que son grand-pere connaissait particu-
lierement. II s’etait occupe aussi lui-
meme, avec Matter, de la doctrine du
Martinisme. sur laquelle ce dernier au
teur a publie un ouvrage a la librairie aca-
demique Didier. oil je Pai aussi
quelquefois rencontre. » (Matter, Saint-
Martin, le Philosophe Inconnu. 1862.)
Papus rapporte que « quelques moisPapus - photo de Roger Viollet
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o u r
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LE M A R T I N I S M E
Un A* . D1X rRAMCS
H r . * * p h tl < n Gf h ;y u t tn J r f x n J j n J e J * * « M i L i * A *
■Itp uulUmc, Ttico*«p tiUr
Pranr>>a^r>ancrlr, ftrleacci Occullea
K 4 H U M i c m m w • • • •• • •• . . • • . « Cm I U « n
»M1« J i l.iO i IT.r .. »* * u * .
Cftatfv tw imui M#r*t* l *.r» I# ••Kn i . l ^p w p a t UV«*A«uA ...........-- M M Of
l«* U ttfimi* * t S M'WftlltliMM .4
K 4IM I IM i l .......
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■ IB .....................Uu rt * —>•,H......... «4m- <j»m tw—aaar»«w>»yw tpr iMAf
H*i«n tf«U t*WW >»w :«r* itn*»n
N ’ 1 OCTOBRE 1888
( d e i m e i4#. rur d€ S t tmt**rg . *4 J
l»ABU
Aof i iu ruT ios :if. tut \( ;*4r#4f»Ur«j. 41
Revue «L'lnitiation», n ° 1, de 1888
official, et des loges sont creees un peu
partout en France. Paris en compte bien-
lot quatre : Le Sphinx, dirigee par Pa pus,
ou se font les etudes generates ; Herma-
nubis, dirigee par Sedir, ou Fon etudie la
mystique et la tradition orientales ; Vel-
leda . dirigee par Victor-Emile Michelet,
qui se consacre a Fetude du symbolisme :
Sphinge, reservee aux adaptations artis-
tiques.
Le Martinisme se devcloppe aussi dans
de nombreux pays comme la Belgique,
FAllemagne, FAngleterre, I*Espagne,
Tltalie, I’Egypte, la Russie, laTunisie, lesEtats-Unis d'Amerique, V Argentine, le
Guatemala et la Colombie. Le nombre
des loges depasse la centaine en 1898.
La Fa c ul te des S ciences H e r m e t i q u e s
Papus veut renover Fesoterisme occiden
tal : « Puisqu'il existe des facultes ou Ton
peut apprcndre les sciences materialistcs,
pourquoi n'y en aurait-il pas une ou Ton
pourrait apprendre les sciences esote-
riques ! ». C'est a cet effet qu’il cree
V Ecole Superieure Libre des Sciences
HermetiqueSy un groupe donnant des
cours et des conferences sur Fesoterismeoccidental. Ce ccrcle exterieurde I’Ordre
Martiniste deviendra plus tard le Groupe A A
Independant d ’Etudes Esotenques , puis
I'Ecole Hermetique et la Faculte des
Sciences Hermetiques . Les cours y sont
nombreux. el les sujets etudies vont de la
kabbale a l'alchimie et au tarot. en pas
sant par Fhistoire de la philosophic her
metique, soit environ une douzaine de
cours par mois. Les professeurs les plus
assidus sont Papus. Sedir, Victor-Emile
Michelet, F.-Ch. Barlet, Augustin Chabo-
seau, Sisera... Line section particuliere
etudie les sciences orientales sous la di
rection d’Aueustin Chaboseau. Unew-
autre, presidee par Francois Jollivet-Cas-
telot, se consacre a l'alchimie : c’est la
Societe AIchimique de France.
L 'Ord re Kab ba l is t ique
de la R+CLe Groupe Independant d 'Etudes Esote-
riques , cercle exterieurde I’Ordre Marti
niste, est complete par un cercle
interieur : I'Ordre Kabbalistique de la
Rose+Croi.x. Le 5 juillet 1892 est conclu
un traite d'alliance entre cet Ordre et le
Martinisme. Rappelons que 1'Ordre Kab
balistique de la Rose+Croi.x a etc renove
en 1889 par Stanislas de Guaita et Jose-
phin Peladan. Pour Stanislas de Guaita,
« le Martinisme et la Rose-Croix consti
tuent deux forces complementaires. dans
toute la portee scientifique du terme ». II
devient alors strictement reserve aux
Martinistes titulaires du grade « S.I. » et
permet de parfaire leur formation. 11 se
divisait en trois degres d'etudes sanc-
tionnes par les diplomes de : Bachelier
en kabbale , Licencie en kabbale, et Doc-
teur en kabbale.
L 'E glise g n o s t i q u eLes Martinistes n’hesitent pas a s'allier a
d'autres societes initiatiques. Ainsi. en
1908, Papus organise un grand Convent
spiritualiste international a Paris, mani
festation qui ne reunit pas moins d’une
trentaine d'organisations. Helas, dans ses
nombreuses alliances, Papus se laisse
parfois deborder par la fougue de ses col
laborate urs. Ainsi en fut-il avec 1'EgUse
Gnostique. On pretend sou vent que cette
derniere. fondee par Jules Doisnel vers
1889 a la suite d'une experience spirite,
devint « l’Eglise officielle » des Marti
nistes. En fait, il n'en est rien. et 1'im
portance de cette alliance a etc grossiepar certains successeurs de Papus. Si
I'Ordre Martiniste se lia avec plusieurs
organisations comme Les Illumines, Les
Babistes , ou Memphis Misraun, il n'en
garda pas moins son independance.
En 1897, sans doute pour remplacer 1'Or
dre Kabbalistique de la Rose-Croix tombe
en sommeil a la suite du deces de Stanis
las de Guaita, Papus, Marc Haven et Sedir
fonderent la mysterieuse Fraternitas The
sauri Lucis (F.T.L .), qui ne connaitra
qu'une existence ephemere. A cette
epoque, il est courant d’appartenir a plu
sieurs organisations initiatiques en meme
temps. Beaucoup en abuserent, et certains
Martinistes furent contamines par cette
maladie qui guette les pseudo-inities : la
« cordonite », c’est-a-dire 1'amour des de
corations et des grades en tout genre. Pour
ceux qui frequentaient le rite deMemphis-
Misra'fm , les quelques grades martinistes
faisaient pale figure a cote des quatre-
vingt dix-sept degres de ce rite. Certains
Martinistes, aveugles par les titres miro-
bolants des grades de Memphis-MisraTm
(43° : Chevalier supreme commandeur
des astres ; 68° : Grand architecte de la
cite mysterieuse etc.), ne prirent meme
plus le temps d'etudier leur propre tradition. Beaucoup se noyerent dans line sorte
de syncretisme initiatique, oubliant le but
et les fondements de I'initiation pour se
perdre dans les apparences.
L es p r e m i e r e s d i f f i c u l t y
Papus avait parfaitement reussi a donner
au Martinisme une structure internatio-
nale. Cependant. il n'etait guere parvenu
a le relier au systeme philosophique qui
en constituait la source, celui elabore par
Louis-Claude de Saint-Martin. selon la
doctrine de Martines de Pasqually. La
cause de cet echec reposait sans doute sur
1'heritage trop fragmentaire qui lui avait
ete legue et qu'il qualifiait lui-meme de
« pauvre depot, constitue par deux lettres
et quelques points ». A la lecture des ou-
vrages de Papus, en particulier celui inti
tule Louis-Claude de Saint-Martin, sa
vie, sa voie theurgique, son a-uvre, ses
disciples (Chamuel, 1901), on sent qu'il
ne possede pas toutes les cles de la doc
trine martiniste. II la confond souvent
avec Foccultisme et la kabbale. En 1901,
le responsable de I'Ordre pour les Etats-
Unis, le docteur Edouard Blitz, envoie a
Papus un Memoire confidentiel qui sou-
ligne avec raison les confusions de Papus.
Ce dernier n’apprecie guere, et les deux
homines se brouillent. L’enthousiasme
des premiers collaborateurs de I’Ordre
s’estompe. Des 1907, Victor-Emile Mi
chelet prend une demi-retraite, et Sedir,
Fun des meilleurs collaborateurs de
Papus, se retire en 1910. Beaucoup de
ceux qui s’ interessent au magnetisme re-
joignent YEcole de magnetisme fondee
par Henri Durville, un ami de Papus. Phi
lippe de Lyon lui-meme prend la direc
tion de la filiale lyonnaise de cette ecole.
Quant a Augustin Chaboseau. apres avoir
assure la fonction de redacteur en chef de
la revue Le Voile d'Isis et celle de secre
taire de redaction de Fsyche, il avait pris
Victor-Emile Michele t , Grand Maitre de I'O.M.T. de 1931 a 1938
FEVRIER - MARS 2010 13
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
LE VOILE DISIS
5
6
Revue «Le Voile d'lsis», de jan vier 1891
ses distances avec I’Ordre depuis plu
sieurs annees. Homme de terrain, le tra
vail speculatif dans les loges ne le
passionnait guere ; il preferait Taction a
I'etude speculative. Toute connaissance.
disait-il « est inutile, vaine et egoiste, qui
ne peut profiler immediatement au bien
des autres ». Aussi, a partir de 1893, il
avail cesse de participer aux reunions de
loges pour repandre des idees emancipa-
trices par la plume et la parole. II avait de-
mande a etre mis en conge du Supreme
Conseil de I’Ordre Martiniste pour se
lancer dans Taction. Papus. par respect,
lui avait toujours garde sa place, et son
poste ne fut jamais occupe par un autre
membre. Passionne par Teducation, Au
gustin Chaboseau donna beaucoup de
son temps a la Ligue pour TEnseigne-
ment de son ami Jean Mace. Ayant laisse
la medecine pour la litterature et le jour-
nalisme, il ecrivit nombre d'articles dans
des journaux comme La Famille, I'Au-
rore, I'Action, Le Courrierdu Soir, le Fi
garo, le Matin , le Farisien, La Petite
Republique.
La collaboration d'Augustin Chaboseau
a La Petite Republique eut une influence
importante sur sa vie. C ’est la qu' il fit laconnaissance de Benoit Malon, de Four-
niere et de tous les leaders du mouvement
socialiste de 1'epoque. En 191 1, il devint
le secretaire du depute Pierre Goujon.
- p •G .•
A• *
< *
Symbole utilise par ies M artinistes (A la Gloire de leschouah, Grand Architecte de I'Univers)
Contrairement a Papus qui ne reussil ja
mais a se faire admettre dans la Franc-
Magonnerie frangaise, devant se
contenter d'adherer au Swedenborgian
Rite of Primitive et Original Freeman -
sonry, de John Yarker. Augustin Chabo
seau eut une vie magonnique assez
remplie. Initie a la loge VAction Socia
liste du Grand Orient de France en mai
1907. il frequenta ensuite la loge du
Foyer Magonnique. A partir de 1919. il
delaissa cette loge pour frequenter 1'obe-
dience du Droit humain.
Depuis 1889, Papus avait rcussi a main-
tenir YInitiation, une revue mensuelle.
mais au milieu de Tannee 1912, des dif-
ficultes se font jour. Les revues de juillet
el aout ne sonl publiees qu'en septembre
dans un numero triple. Ce numero
marque la fin d’une revue qui aura mar
que I'histoire du Martinisme. Papus sem-
ble conscient des faiblesses de son
entreprise. D'ailleurs, sa rencontre avec
le guerisseur et mystique Philippe de
Lyon Tavait conduit a prendre ses dis
tances avec Toccultisme. Desormais, il
s'interessait davantage a la mystique. En
compagnie de Philippe de Lyon, il se ren-
dit plusieurs fois en Russie a partir de
1901, et les deux hommes entrerent dans
I'intimite de la famille duTsar. II est pos
sible que la resurgence en France des
Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte
(R.E.R), rite magonnique-martiniste
fonde jadis par Jean-Baptiste Willermoz
puis reveille par Edouard de Ribaucourt
et Camille Savoire en 1910, ne soit pas
etrangere a la remise en question de TOrdre Martiniste.
La m o r t d e Pa p u s
Avec la Premiere Guerre mondiale.
I'Ordre Martiniste tombe progressive-
ment en sommeil. Chacun s'engage pour
defendre sa patrie, et Papus, qui consi-
dere le devoir envers son pays comme
sacre, se porte volontaire pour le front. II
est medecin-chef, avec le grade de capi-
taine. Augustin Chaboseau, reforme pour
raison de sante. prend contact avec son
vieil ami Aristide Briand. qui est devenu
Ministre de la Justice. Ce dernier 1'en-
gage comme secretaire particulier, place
qu'il occupera jusqu’en 1917.
Comme medecin militaire, Papus
s'epuise a la tache. Devenu diabetique, il
contracte aussi la tuberculose et meurt le
25 octobre 1916. Avec la guerre, les
membres du Supreme Conseil de I'Ordre
Martinisle sont disperses, et on ne peut
pas proceder a 1'election d'un nouveau
Grand Maitre. Augustin Chaboseau indi-
quera d'ailleurs que contrairement a ce
qui est affirme parfois, Charles Detre, dit
Teder (1855-1918), ne fut pas elu a cette
fonction par le Supreme Conseil.
Quelques annees plus tard. un Martiniste
de la premiere heure. Jollivet Castelot.
dira : « Avec Papus. le Martinisme est
mort » (Essai de Synthese des Sciences
Occultes , 1928). Plusieurs disciples ten-
teront pourtant de prendre la direction de
I'Ordre. et il se crea alors plusieurs
groupes revendiquant chacun Theritage
de Papus. Beaucoup de Martinistes pre-
fereront ne pas s’associer a de tels pro-
jets et choisiront de rester independants.
Les choses changeront en 1931. lorsque
les survivants du Supreme Conseil de
I’Ordre se joindront a Augustin Chaboseau pour reveiller le Martinisme origi-
nel sous le nom d 'Ordre Martiniste
Traditionnel.
Christian Rebisse
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14 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
Le Martinisme moderne et ses obediences (1920 a 2010)
La Premiere Guerre mondiale avait
considerablement reduit les activi-
tes de 1*Ordre Martiniste, et la
mort de Papus, survenue deux ans avant
le retour a la paix, avait entraine la confu
sion parmi les Martinistes. D'une ma-
niere plus ou moins reguliere, certains
d’entre eux tenterent de faire revivre
TOrdre, sans toutefois parvenir a lui re-
donner son unite. C ’est de cette situation
confuse que sont nees les diverses obe
diences martinistes que nous connaissons
aujourd’hui. Leur genese etant complexe,
nous nous contenterons d’evoquer les
plus importantes.
J ea n B r i c a ud
En 1919. deux Martinistes revendiquent
la succession de Papus : d ’une part Jean
Bricaud (1881-1934) a Lyon, et d’autre
part. Victor Blanchard (1878-1953) a
Paris. Le premier ne se presente pas
comme le continuateur direct de Papus,
mais de Charles Detre (1855-1918). dit
Teder. II rapporte que ce dernier avait
succede a Papus et precise qu’avant de
passer a l’Orient eternel. le 25 septembre
1918 a Clermont-Ferrand, Teder 1’aurait
designe comme son successeur. Preci-
sons qu’aucun temoin n’etant present acette occasion, ces affirmations sont fra-
giles. II est vrai que Teder avait occupe
Jean Br ica ud s e ve ut su cces seur de Ted er
des responsabilites importantes a
l’epoque de Papus. mais il n’existe aucun
element permettant de demontrer que
Papus 1’ait designe comme son succes
seur. Du reste. les survivants du Conseil
supreme de l’Ordre, comme Augustin
Chaboseau et Victor-Emile Michelet, ont
toujours conteste cette designation.
Jean Bricaud. personnage original, fut
une figure centrale du Martinisme lyon-
nais. II appartenait a YEglise Gnostique ,
l’une de ces Eglises marginales Heuris-
sant alors en France. Afin de ne pas sor-
tir de notre sujet, nous n'evoqucrons pas
les peripeties de ce mouvement fonde parJules Doisnel en 1889, a la suite d ’une
experience spirite chez Lady Caithness.
Nous dirons simplement que l’Eglise
Gnostique dans laquelle Jean Bricaud
etait eveque sous le nom de Tau Jo
hannes, puis sous celui de Mgr Jean II.
ne suffisait pas a cet homme dynamique
et ambitieux. Apres la mort de Teder. il
se rendit a Paris et presenta aux Marti
nistes de la capitale un document attes
tant de sa nomination a la tete de l'Ordre.
Ces derniers furent sceptiques devant un
document que Bricaud avait probable-
ment compose lui-meme. Cette situation
ne le decouragea pas pour autant. De retour a Lyon, il reussit a rassembler sous
son autorite un petit groupc de Marti
nistes.
L es M a r t i n i s te s lyonnais
II semble que Jean Bricaud tenta de re-
pondre aux critiques formulees par
Edouard Blitz, a propos de la filiation
entre le Martinisme instaure par Papus el
celui du XVII I1' siecle. en proposant d’as-
socier plus directement ces deux mouve-
ments. II reecrivit totalement les rituels
martinistes en leur ajoutant des elements
puises dans les catechismes de l’Ordre
des Elus-Cohen. que Papus avait publics
en appendice de son livre : Martines de
Pasqually (Chamuel, 1895). Desormais,
1‘ initie au premier grade etait designe
« Associe de l’Ordre Martiniste et Ap-
prenti Cohen, Maitre Secret de la Su
preme Maqonnerie initiatique et
Illuminee ».
Au premier abord, les textes composes
par Bricaud sont seduisants ; on y sent la
demarche d'un homme qui tente de trou
ver des points de passage entre l’Ordre
fonde par Papus et celui instaure par
Martines de Pasqually. Cependant, en y
regardant de plus pres, on constate que cechoix est pernicieux, car il donne nais-
sance a un « Martinisme hybride » qui
non seulement melange le Martinisme
avec les Elus-Cohen. mais esalement
I
Victor Blanch ardG rand M aitre de l'Ordre Martiniste et Synarchique
avec I'Eglise Gnostique el la Franc-Ma-
connerie de Memphis-MisraVm. On peut
se demander comment Jean Bricaud pou
vait pretendre perpetuer l’Ordre fonde
par Papus el Augustin Chaboseau,
Schema d'un temple martiniste, selon le ritu el de Teder, en 1913
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8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
fOI 4.1. C h u i u t — PAR5
Le* Survkances Initio liquet
I
Le Martinismecontemporaln
ct ses ventablcs engines
LeMartinisme contemporain, de Robert Am belain -1946
ROBERT AMBELAIN
DU MARTINISMEKT l»KS
ORDHES MAHTIMSTES
U S )
Tom m q*l) teal <
a
L C •
4.AHA.W tmmymimm |
D t k v r K *»
f t l M h t l
*o
Le Martinisme, de Jules Boucher -1949
1o
puisqu'il Pavait totalement denature !
Le mouvement de Jean Bricaud resta
d'abord essentiellement lyonnais, mais il
connut par la suite une certaine extension
grace a la revue les Annates initiatiques.
Jean Bricaud chercha alors des appuis au-
pres de quelques Ordres ayant jadis par-
ticipe au Congres Spirit ualiste de 1908. II
se liera a des personnalites parfois dou-
teuses comme Theodor Reuss (O.T.O .) ouMcBlain Thomson (American Masonic
Federation in America). Apres la mort de
son fondateur, en 1934, le Martinisme
lyonnais passera sous la direction de
Constant Chevillon. Nous reviendrons
sur sa succession un peu plus loin.
L e T e m p l e d ' E ssenie
Avec la Premiere Guerre mondiale, de
nombreux Martinistes qui avaient cree
des loges dans des pays etrangers etaient
rentres en France. C’etait notamment le
cas d’Eugene Dupre (1944) et de Deme
trius Platon Semelas (1883-1924), qui
avaient fonde le Temple d'Essenie auCaire. en 1911. Cette loge martiniste
avait obtenu une certaine independance,
et Papus lui avait accorde le droit de creer
des loges sous sa responsabilite. A Paris,
Semelas etait entre en contact direct avec
Papus, et une relation de confiance s'etait
etablie entre les deux hommes. Etant
donne que VOrdre Kabhalistique de la
Rose-Croix , qui constituait autrefois le
cercle interieur de I'Ordre Martiniste.
etait entre en sommeil. ils envisagerent
de le remplacer par celui de la Rose-
Croix d'Orient, dont Semelas etait le re-
presentant. Papus avait egalement charge
Semelas d'etablir un accord entre I’Ordre
Martiniste et le Rite Ec ossa is Rectifie. En
septembre 1916, il servit d’emissaire
entre Papus et Edouard de Ribaucourl
(1865-1936), dans un projet ayant pour
but de creer une loge susceptible d’ac-
cueillir les membres des deux Ordres. La
mort de Papus. dans les jours qui suivi-
rent ces contacts, empecha Paboutisse-
ment de ce projet.
L es A m is de
C l a u d e d e S a i n t - M artin
Apres la guerre, D. P. Semelas continua
ses activites martinistes en compagnie de
son adjoint Eugene Dupre. 11 fonda le
Groupe Independant d'Eludes Martinistes
et s'associa bientot avec Victor Blanchard
(1877-1953). Ce dernier, chef de service
des archives a la Chambre des deputes,
etait alors I'unes des personnalites les plus
importantes du Martinisme parisien. A
1'epoque de Papus, il dirigeait la loge Mel-
chissedec. qui avait etc elevee en septem
bre 1911 au statut de Grande Loge de
POrdre Martiniste. Aux cotes de Papus,
Victor Blanchard avail joue un role fonda-
mental dans Porganisation du Congres
Spirit uuliste de 1908. Apres la Premiere
Guerre mondiale. une partie des Martinistes parisiens reconnaissaient en lui le
nouveau Grand Maitre de I’Ordre.
Enjanvier 1919. un traite d’alliance entre
le Groupe Independant d'Etudes Marti
nistes de Semelas et celui de Victor Blan
chard fut scelle. L'instabilite de Victor
Blanchard conduisit assez rapidemcnt D.
P. Semelas et Eugene Dupre a s'orienter
vers d'autres projets. En mai 1920. ils
fonderent Passociation Les Amis de
Claude de Saint-Martin, egalement de-
nommee Ordre Martiniste, en s’adjoi-
gnant des anciens amis de Papus :*
Augustin Chaboseau. Victor-Emile M i
chelet. Lucien Chamuel et Octave Be-
liard. Cette association donna naissance
au groupe Athanor , dirige par Victor*
Emile Michelet. Quelques annees plus
tard. en 1931, il fut a Porigine de P emer
gence de I'Ordre Martiniste Traditionnel.
Lettre de V ictor Blanchard a Harvey Spence r Lewis, dat£e du 30 juille t 1937 Platon Demetrius S6m6las
T E M P L E
A R C A N LDr It confusion at I Mohhc *v*c D ieu
Ar cane du Tab leau N atu re l -
dessin de M arcel Dupre
u Ofrtmi
ORME MAKnmvrl* SflCAftQItQK
o o n t w
M M U
16 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
L 'O r d r e M a r t i n i s te
ET SYNARCHIQUEEn prenant son independance, Victor
Blanchard donna unc note particuliere a
son groupe en le baptisant, a partir de no-
vembre 1920 : V Union Gene rale des
Martinistes et des Synarehistes, ou Ordre
Martiniste Synarchique (O.M.S .). S' il
ajoute au nom de l’Ordre le qualificatif
de « synarchique ». c’est par deference a
Saint-Yves d’Alveydre, qui fut le maitre
intellectuel de Papus. Tout comme Jean
Bricaud Victor Blanchard revendiquait la
succession de Papus. L’un et 1’autre se li-
vrerent a une « guerre » de communiques
en se presentunt chacun comme etant le
seul legitime. Ainsi, dans le numero de
fevrier du Voile d'Isis (1921), Victor
Blanchard passe une annonce dans la-
quelle il rappelle que « YOrdre Marti
niste ancien et prim itif, denomme
lesalement Ordre Martiniste et Synar -
chiqite , a repris officiellement ses travaux
le 3 janvier 1921, et que sa premieretenue a ete consacree a 1'inauguration so-
lennelle et rituelique du Supreme college
de synthese initiatique d*Occident ». II
precise que lors de cette reunion, il a
donne lecture des chartes delivrees par
Papus et Teder a lui-meme, et qu'en
consequence les Martinistes doivent se
rallier a lui avant le lcr mai. Passe ce
delai, il estime que toute autre formation
martiniste sera declaree illegitime. Beau
coup de Martinistes, etonnes par cette si
tuation. prefererent rester independants.
Ainsi en fut-il de membres aussi illustres
qu'Augustin Chaboseau et de plusieurs
survivants du Supreme Conseil de 1891.comme Victor-Emile Michelet.
Sous la direction de Victor Blanchard.
l'Ordre Martiniste et Synarchique aura
d'abord une activite ties reduite. Ce n'est
qu'a la suite de la creation de la Federa
tion Universelle des Ordres et des Socie-
tes Initiatiques (EU.D.O.S.I.), en 1934,
que 1'Ordre prendra de 1'extension. Mais
peu de temps apres sa creation, soit des
la fin des annees 1920. Victor Blanchard
delaissa ses responsabilites pour prendre
part aux activitcs des Folaires , un Ordre
fonde par Zam Bhotiva (Cesare Acco-
mani). Ce dernier, grace a la methode de
« 1'oracle de force astrale », pretendait
etre en relation avec un centre esoterique
rosicrucien de 1'Himalaya. Rene Guenon
s’interessa pendant un temps aux Po-
laires : c’est lui qui relut et corrigea le
manuscrit de YAsia mysteriosa, mani-
feste public par Zam Bhotiva en 1930.
L 'O r d r e M a r t i n i s te T r a d i t i o n n e l
En 1931. alors que le Martinisme reste
divise, les membres du groupe Athanor
se decident a sortir de 1'ombre. L'un
d'eux, Jean Chaboseau, suggere a son
pere. Augustin, de reprendre la situation
en main en retablissant l’Ordre Marti
niste sur ses bases initiates. N'oublions
pas qu'Augustin Chaboseau avait etc
avec Papus le cofondateur de l’Ordre
conferences au Palais de la Mutualite.
Pendant cette periode, I'O.M.T. est
proche de la revue Atlantis, et Victor-
Emile Michel et Octave Beliard president
le Banquet Flatonicien donne par la
revue en 1931 et 1932.
*o
Pantacle martiniste d e I'O.M.T.
Martiniste. II reunit autour de lui les der-
niers survivants du Supreme Conseil de
1891 : Victor-Emile Michelet et Lucien
Chamuel. Rappelons egalement que Vic-
tor-Emile Michelet avait etc un membre
important de l’Universite Hermetique et
le dirigeant de la loge Velleda. Quant a
Lucien Chamuel, il avait etc 1'organisa-teur materiel de l'Ordre, et c'est dans
l'arriere-boutique de sa librairie que
s’etaient tenues ses premieres activitcs.
Reunis autour d'Augustin Chaboseau.
ces derniers decident, le 24 jui llet 1931,
de reveiller le Martinisme sous son as
pect authentique et traditionnel. Pour le
distinsuer des nombreuses organisations
pseudo-martinistes existant alors. ils
ajoutcnt au nom de l'Ordre le qualificatif
de « Traditionnel ». Par cet ajout. et
comme I'indiqua Robert Ambelain, les
survivants du Supreme Conseil de 1891
revendiquent « la perennite de l'Ordre
fonde par eux avec Papus » {Le Marti
nisme, 1946). L'Ordre Martiniste Tradi
tionnel (O.M.T.) n'est done pas un nouvel
Ordre, mais la remise en activite de celui
fonde par Papus et Chaboseau.
V i c to r -E m i l e M ichelet
On procede a l'election du Grand Maitre.
Comme le veut la Tradition, c’est le
membre le plus ancien. Augustin Chabo
seau. qui est choisi pour assurer cette
fonction. Celui-ci ne fera guere usage de
ce titre, car des avril 1932, il prefere
transmettre cette charge a Victor-Emile
Michelet (1861-1938). Ecrivain remar-
quable. passionne d'esoterisme et de l i
terature, ce dernier est I'auteur de
poemes. de contes, de pieces de theatre
et de textes sur l'esoterisme. Ami avec les
plus grands ecrivains de son epoque, il
exerce d'importantes responsabilites
dans le monde des lettres. II est President
de la Societe de Foesie (1910) et de la So
ciete Beaudelaire (1921), puis membre
du Conseil de la Maison de la Foesie
(1931), et enfin batonnier de YAcademie
des Foetes (1932).
Sous sa direction, l'Ordre reste relative-
ment discret. II tient ses reunions au siege
du Grand Prieurc des Gaules du docteur
Camille Savoire. II se manifeste quelque-
fois a travers le groupe Tan, qui public
alors un bulletin d'etudes psychologiques
et metapsychiques. et qui organise des
P hil ippe E n c a us s e
Philippe Encausse (1906-1984), le pro-
pre fils de Papus, rejoint bientot VOrdre Martiniste Traditionnel et devient mem
bre de son Supreme Conseil. II s’en re
tire en fevrier 1932, pretextant qu'il
n'admet pas la presence de Francs-Ma-
gons dans l'Ordre. II fonde Les Amis de
Papus, une association charitable, et ecrit
un livre a la memoire de son pere : Papus,
sa vie , son oeuvre (ed. Pythagore, 1932).
Chose surprenante. le passe martiniste de
Papus est a peine evoque dans cet ou-
vrage. Jean Reyor s’en etonnera : « II
semble qu'on ait systematiquement laisse
de cote tout ce qui eut pu etre vraiment
interessant dans la Ciirriere si active de cet
etonnant Papus... Pas un mot sur la
constitution et sur la vie de cet Ordre
Martiniste dont Papus etait Panima-
teur...». (Le Voile d'Is is, decembre 1932.)
M art in i sm e e t F.U.D.O.S.I.Pendant ce temps, loin de la vie pari-
sienne, Jean Bricaud etend ses activitcs
tout en propageant le rite de Memphis-
Misraim en Europe. Cependant. son au
torite ne fait pas l'unanimite. notamment
en Belgique. Ces problemes sont a l'ori-
gine d'une scission de la part des Marti
nistes belses. Profitant de la mort de Jean
Bricaud au debut de 1934, ils annoncentdans la revue Adonhiram, organe officiel
Victor-Emile Michelet, Grand Ma itre de I'O.M.T. de 1931 d 1938
FEVRIER-MARS 2010 17
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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Symb ole de la F.U.D.O.S.I. (Federation Uni- verselle des Ordres et Soci6t6s Initiatiques)
de Y Ordre Oriental du Rite Anden et Pri
mitif de Meniphis-Mismim beige, la crea
tion de deux loges martinistes
independantes : Uriel a Bruxelles et 77-
phereth a Strasbourg (revue Adonhirum,
printemps 1934). Pour sortir de leur iso-
lement, les occultistes beiges tentent de
s’allier avec d’autres mouvements initia
tiques. Ils se tournent alors vers Victor
Blanchard qui dirige a la fois les activi
tes de TOrdre Martiniste et celle de
Memphis-Misrai'm. Cette demarche, ini-
tiee par les spiritualistes beiges, est a
Forigine de la creation de la Federation
Universelle Des Ordres et Societes In i
tiatiques (F.U.D.O.S.I). Cette organisa
tion. qui veut federer les mouvements
initiatiques, tient son premier Convent aBruxelles, en aout 1934. Cette situation
offre a Victor Blanchard une opportunity
unique pour reconstituer 1*unite du Mar
tinisme. Pourtant, beaucoup de Marti
nistes sont absents, notamment ceux de
I’Ordre Martiniste Traditionnel, qui n’a
pas souhaite participer a cette manifesta
tion. Profitant de cette absence, Victor
Blanchard se fait reconnaitre comme
Souverain Grand Maitre par les Marti
nistes presents. Georges Lagreze (1883-
1946), qui a lui aussi deiaisse le groupe
de Jean Bricaud — dont Constant Che-
villon (1880-1944) est devenu le diri-
geant — . devient son Substitut. C ’est lors
de 1’une des premieres reunions de la
F.U.D.O.S.I. que Victor Blanchard auto
rise Harvey Spencer Lewis (1883-1939),
Imperator de YAncien et Mystique Ordre
de la Rose-Croix , a creer des loses de7 c
TOrdre Martiniste Synarchique aux
Etats-Unis.
Helas, Victor Blanchard ne se montre pas
a la hauteur de sa mission, et les activites
de I'Ordre Martiniste Synarchique se li-
mitent le plus souvent a la transmission
des initiations aux divers desres. L’Ordre
n’a pas d’existence reelle, car Victor
Blanchard n’a pas cree de loge martinistea Paris. II se consacre davantage a la Fra-
ternite des Polaires qu’il dirige depuis
1933. C'est dans le temple de cette orga
nisation. situe a son domicile, au 26 de la
rue Junot, a Paris, qu’il confere ses ini
tiations. Beaucoup de Martinistes ne
comprennent pas cette attitude, et
Georges Lagreze, le Substitut de Victor
Blanchard, menace de faire secession. Fi-
nalcment, en 1939. il prend la tete d’ une
delegation qui va rencontrer le Grand
Maitre de I’Ordre Martiniste Tradition
nel.
Depuis la mort de Victor-Emile Michelet, decede le 12 janvier 1938, c’est Au
gustin Chaboseau qui dirige I’O.M.T. Ce
dernier accepte de prendre en main les
destinees du Martinisme au sein de la
F.U.D.O.S.I. Des le mois de juillet 1939,
il donne de nouvelles chartes aux loges
qui passent sous sa direction. L’O.M.T.
sort alors de la confidentialite pour pren
dre une dimension internationale. II se
developpe notamment aux Etats-Unis,
grace a Ralph Maxwell Lewis (1904-
1987), nouvel Imperator de l ’A.M.O.R.C.
Celui-ci re^oit d’Augustin Chaboseau
une charte de Grand Maitre Regional / C
pour les Etats-Unis d’Amerique. et devient membre du Supreme Conseil Inter
national de I’Ordre.
La guerre de 1939-1945La Seconde Guerre mondiale va com-
promettre le developpement du Marti
nisme. Elle aura en effet de lourdes
consequences, car nombre de ses mem-
bres vont perdre la vie sur les champs de
bataille ou dans les camps de concentra
tion. En France, des le 14 aout 1940, le
Journal Officiel public un decret du gou-
vernement de Vichy interdisant toutes les
societes secretes. La piupart de leurs res-
ponsables sont alors arretes, et I’Ordre
Martiniste Traditionnel entre officielle-
ment en sommeil. Pendant cette periode,
Ausustin Chaboseau et Victor Blanchard
subisscnt perquisitions et interrogatoires.
Georges Lagreze est lui-meme oblige de
se cacheren Normandie, puis a Angers. II
reussit cependant a resteren relation avec
Ralph M. Lewis par I’intermediaire de
Jeanne Guesdon (1884-1955), Grand Se
cretaire de la juridiction francophone de
I’A.M .O.R.C. Cette derniere assure esa-
lement les fonctions de Grand Secretaire
de I’O.M.T. en remplacement de Jean
Chaboseau, qui est mobilise.
La resurgence des Elus-Cohen
Malgre cette situation, deux loges. Atha-
nor et Broceliande, restent secrete me nt
actives et conferent quelques initiations.
C ’est ainsi qu’en 1942. Robert Ambclain
(1907-1997) est re^u dans YO.M.T.
D’abord au premier degre, par Georges
Lagreze assiste d‘Henry Meslin et de
Jean Chaboseau, puis aux grades suivants
par Henry Meslin. Georges Lagreze
prend par la suite quelques libertes. Avec
1'aide de Robert Ambelain, il tente en
septembre 1942 de restaurer I’Ordre des
Elus-Cohen. Or, aucun d’eux n ’a etc initio dans cet Ordre, etant donne qu’il est
en sommeil depuis la fin du xvnr siecle.
Jean Chaboseau denonce cette imposture
et reproche a Georges Lagreze d’avoir
*o
Constant Chevillon
confere a Robert Ambelain des hauts
grades (du 4Cau 33c et les 55c, 66L\90° et
95c de Memphis-Misrai'm), alors que ce
dernier s’etait montre incapable de prou-
ver qu’il etait titulaire du grade de Mai
tre. Jean Chaboseau jugeait la chose
d’autant plus grave que Robert Ambelain
profita de l’occasion pour transformer
des « profanes en Maitres Ecossais d’un
coup de maillet ». II explique en detail
cette aventure dans une lettre adressee a
Jean-Henri Probst-Biraben, le 21 janvier
1947. II portera l’affaire devant les auto-
rites ma^onniques : Camille Savoire et
Dumesnil de Grammont. Ces problemes
seront a I’origine d’un conflit entre Jean
Chaboseau et Robert Ambelain.
L'apres-guerre
A la fin de la guerre, en juin 1945. Au
gustin Chaboseau organise une reunion
dans le but d’ceuvrer a la reprise des ac
tivites de Y Ordre Martiniste Traditionnel.
Une partie des membres s’ interroge sur
l interet de reprendre des activites sous
une forme obedientielle et rituelle. Apres
quelques hesitations, Augustin Chabo
seau decide de reveiller I’Ordre. Ceux qui
ne souhaitaient pas s*y associer se grou-
pent autour d’Octave Beliard, Robert
Amadou, Paul Laugenie et Edouard
Gesta, pour fonder Les Amis de Saint- Martin, une association ayant pour voca
tion d’etudier les oeuvres du Philosophe
inconnu. Le Martinisme reprend done ses
activites en France et a I’etranger. Helas,
quelques mois plus tard, le 2 janvier
1946, la mort d ’ Augustin Chaboseau en-
traine des complications. Le Supreme
Conseil procede a I’election de son suc-
cesseur. et c’est son fils. Jean Chaboseau.
qui est designe pour occuper la fonction
de Grand Maitre. Jules Boucher. Grand
Secretaire de I’Ordre, conteste cette elec
tion, estimant que ce dernier est trop
jeune et ne possede pas un temperament
apte a remplir cette tache. N ’obtenant pas
sain de cause, il decide de se retirer.7
Octave Beliard, qui a pourtant beaucoup
d’affection pour Jean Chaboseau. pense
18 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
egalement quo son temperament d'artiste
n'est guere adupte a cette fonction. L’ave-
nir montrera qu'il avait raison, car mal-
gre sa bonne volonte, Jean accumule les
echecs. En Belgique, Jean Mallinger, l’un
des membres les plus en vue de la
F.U.D.O.S.I., le soupgonne de vouloir de
stabiliser la Federation en etablissant des
relations privilegiees avec les dirigeants
de la Societe Theosophique. Finalement,les Martinistes beiges refusent de recon-
naitre le nouveau Grand Maitre. Apres
avoir hesite a faire appel a Victor Blan
chard, ils font une nouvelle fois secession
en creant une obedience independante :
Y Ordre Martiniste UniverseI (O.M.U.)
dont Rene Rosart prend la direction. Aux*
Etats-Unis, Ralph M. Lewis, Imperator
de l’A.M.O.R.C., ne les approuve pas.
Comme Jeanne Guesdon. il reste fidele a
ses engagements envers Jean Chaboseau.
En definitive l’Ordre Martiniste Univer-
sel restera quasi inactif, et apres la mort
de Rene Rosart en 1948, son successeur.
le docteur Edouard Bertholet (1883-
1965). le laissera s'eteindre. (Precisons
que contrairement a ce qu’affirmait
Louis Bentin, ce dernier ne succeda pas a
Victor Blanchard a la tele de l’Ordre
Martiniste Synarchique.)
U n e p e r i o d e de c o n f us i o n
Jean Chaboseau senl que l'Ordre lui
echappe, et la publication d ’un article
d’Octave Beliard, dans lequel ce dernier
exprime ses doutes sur la regularite de la
filiation regue par les fondateurs de 1*Or
dre Martiniste, contribue encore plus a le
destabiliser (Colliers de I'Homme-Esprit. decembre 1946). Jean Chaboseau est
d’autant plus aflecte qu'il suit que Robert
Ambelain prepare un ouvrage ou il uti
lise cct argument pour pretendre que seul
l ’Ordre des Elus-Cohen. renove en 1942,
propose une voie authentique (Le Marti
nisme contemporain et ses veritables ori-
gines , mars 1948). Devant tant de
critiques et d'impostures, et se sentant at-
taque de toutes parts, il prefere mettre
1’Ordre en sommeil en septembre 1947.
Cependant. cette position est contestee
par nombre de Martinistes qui ne com-
prennent pas que cette question n'ait pas
etc soumise au Supreme Conseil, seule
autorite habilitee a prendre une telle de
cision. Victor Blanchard lui-meme incite
les Martinistes a ne pas accepter la mise
en sommeil dcmandee par Jean Chabo
seau. et c ’est pour cette raison que
I'O.M.T. restera actif aux Etats-Unis.
L 'O r d r e M a r t i n i s te R ectif ie
Jules Boucher (1902-1955) reste egalc-
ment convaincu de la legitimite de I'Or
dre fonde par Papus et Chaboseau.
Cependant, il estime necessaire de reve-
nir a un Martinisme plus sobre, ne com-
portant qu'un seul grade, comme ce fut
Symbole de l'Ordre Ma rtiniste Rectify
le cas pendant la periode qui preceda la
creation de l’Ordre. C ’est pour cette rai
son qu’il cree en 1948 YOrdre Martiniste
Rectifie . un mouvement qu’il veut cen-
trer essentiellement autour de la pensee
de Louis-Claude de Saint-Martin. II s’en
expliquera dans un article intitule Du
Martinisme et des Ordres martinistes (Le
Symbolisme , sept. 1950). Mais a la fin de
l’ annee 1951. il est victime d’ une crise
cardiaque qui le prive de l’energie neces
saire a la realisation de son projet. II de-
cedera d’ailleurs quelques annees plus
tard. en 1955.
L 'O r d r e M a r t i n i s te
d e P h i l i p p e E n c a u s s e
Deux ans apres le retrait de Jean Chabo
seau. Philippe Encausse publie Sciences
occultes, on 25 annees d 'occult isme
(1949). Bien qu’ il reproduise dans cet ou
vrage la lettre de demission de Jean Cha
boseau, il ne semble pas partager
totalement son avis el invite les disciples
de Papus et d* Augustin Chaboseau a re-
faire une « chaine d'union ». Robert Am
belain repond a cet appel et propose de
relancer le Martinisme en France. Ce sera
chose faite en 1952. Cette opportunity
permettra a Robert Ambelain de benefi-
cier de l’appui du fils de Papus, pourdonner plus d’envergure a son Ordre des
Elus-Cohen. qui ne rencontre guere de
succes. Philippe Encausse devient le
Grand-MaTtre d'un Ordre Martiniste qui
servira de vivier a Robert Ambela in pour
donner de 1‘extension a son propre mou
vement, qui devient rapidement son cer
cle interieur.
Loin du microcosme parisien, le Marti
nisme lyonnais poursuivait son chemin.
En 1934. Constant Chevillon (1880-
1944) avait succede a Jean Bricaud pour
une courte duree, car il fut assassine le 22
mars 1944 par la Milice. A la suite de cetevenement, le groupe avait connu plu
sieurs successeurs. D'abord Henry-
Charles Dupont (1877-1960), qui
demissionna fin 1945 et qui fut remplace
piu- Pierre Debeauvais (1885-1974). Mais
quelque temps plus tard, Henry-Charles
Dupont voulut reprendre son titre. et les
membres de l’Ordre finirent par se ran
ger de son cote. Dans les annees qui sui-
virent la guerre, le Martinisme lyonnais
n’eut plus 1'activite qu'il avait connue au
trefois. Du reste, son Grand Maitre vivait
alors a Coutances, en Normandie.
L 'U nion d es O r d r e s M a r t i n i s te s
En octobrc 1958, Robert Ambelain et
Philippe Encausse prennent contact avec
Henry-Charles Dupont pour l’ inviter a se
joindre a eux en adherant a Y Union des
Ordres Martinistes, un groupe qu'ils
viennent de fonder pour rassembler les
divers courants martinistes. Henry-
Charles Dupont accepte cette proposition
qui rassemble Y Ordre Martiniste de Phi
lippe Encausse et I 'Ordre Martiniste des
Elus-Cohen de Robert Ambelain. Pour
marquer sa difference et mettre en evi-
dence la note Elus-Cohen que Bricaud
avait donnee a son groupe. il prend alors
*o
Certificat d'initiation de Christian Bernard ,d la fonction de Souverain Grand Maitre de
I'O.M.T. Ju le s B ou cher
1 0 L * <J o CD 0
S 0 L-V .<?0 il l T h i
Certificate of Jtt e Initiator
11 C > i u f (Jrsi 'iJ np irnrta/VTsi t*j•/ tmnr ulMMtaH
i 1*9 Niim*#* 1 S »v
tM fnftfer Xi'Jp* M tH w It (Unu v A m m u twi Iamfyt a* j iwvmt **
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&* il H fcllA Mr A tV v Oiit . IhtfJ **
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itw w w iiw **?&P
if iSi ifurkitfr <* a f l l i *
FEVRIER-MARS 2010 19
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DOSSIER
Ic nom d'Ordre Martiniste-Martineziste.
Henry-Charles Dupont est alors age de
81 ans. Aussi, les responsables de
rUnion lui conseillent-ils de confier sa
succession a Philippe Encausse. Ce sera
chose faite le 13 aout 1960. soil deux
mois avant sa mort. LOrdre de Lyon se
trouvera alors absorbe par celui dirige par
Philippe Encausse.
Quant a I'Ordre Martiniste Traditionnel. ilpoursuivait ses activites aux Etats-Unis
sous la direction de Ralph M. Lewis. En
juin 1959, Ivan Mosca. Souverain Grand
Delegue general de V Ordre Martiniste des
Elus-Cohen , fut mandate pour 1'inviter a
se placer sous V autorite de 1‘Union des
Ordres Martinistes. Ralph M. Lewis pre
fera rester a l'ecart. En effet, par la cor-
respondance qu’il avait echangee avec
Jean-Chaboseau. il connaissait parfaite-
ment les graves accusations pesant sur Ro
bert Ambelain. On comprendra qu'il
prefera ne pas s’allier avec ce groupe. De
toute maniere, I'Union des Ordres Marti
nistes n'aura bientot plus de raison d’exis-
ter. car les groupes de Philippe Encausse
et de Robert Ambelain se fonderent en un
seul Ordre. le premier conslituant le cer-
cle exterieur et le second le cercle inte-
rieur. Ce mariage se termina neanmoins
par un divorce. En 1967, Robert Ambe
lain, qui avait d'autres projets, demis-
sionna au profit d’lvan Mosca
(1915-2005), qui redonna a YOrdre des
Elus-Cohen son independance. Cepen-
dant. inquiet de la legitimite de la resur
gence de I’Ordre pendant la guerre
1919-1945. Ivan Mosca prefera le mettre
en sommeil des l'annee suivante (22 avril1968).
L 'O r d r e M a r t i n i s te In i t i a t i q ue
A 1'epoque oil les etudiants parisiens se
revoltent, en juin 1968, soit un an apres
sa demission, Robert Ambelain jette un
« pave dans la mare » en lancant la crea
tion d'un nouveau mouvement : YOrdre
Martiniste Initiatique. II expedie alors a
toutes les obediences martinistes un do
cument de sept pages intitule : Ordre
Martiniste Initiatique - Origine, Principe
et Modalite de la “rectification ”de 1968.
Ce lexte denonce comme sans valeur
toutes les organisations martinistes.
celles auxquelles il a apparlenu et les au-
tres, car il estime qu’elles ne possedent
pas de filiation initiatique reelle. Robert
Ambelain precise neanmoins qu’il a de-
couvert que Louis-Claude de Saint-Mar
tin avait fonde un « Ordre secret » entre
1778 et 1782, le Regime Rectifie, que le
prince Galitzine aurait developpe en Rus-
sie. Le Regime Rectifie de Saint-Martin
aurait survecu a travers quelques initiesqui auraient confere cette filiation a Ro
bert Ambelain. Celui-ci se proposait done
de « regulariser » tous les Martinistes
issus de I’Ordre fonde jadis par Papus et
Chaboseau.
En fait, la filiation russe revendiquee par
Robert Ambelain releve du romantisme,
pour ne pas dire de la pure fiction. Ro
bert Amadou lui-meme la considere
comme inexistante, car Saint-Martin n'a
jamais fonde un tel mouvement. D'ail
leurs, aucun document ne permet de don-
ner un poids quelconque aux affirmations
de Robert Ambelain. Ce dernier finira
par se retirer de cet Ordre. pour se lancer
dans d'autres aventures... Destabilise.
I'Ordre Martiniste de Philippe Encausse
n'en continua pas moins d'exister. De
puis 1979, c'est Emil io Loren/.o qui en
assure la direction. Ce groupe publie la
revue YInitiation.
L 'O r d r e M a r t i n i s te
T r a d i t i o n n e l
Pendant ce temps. I’Ordre Martiniste Tra
ditionnel continuait ses activites aux Etats-
Unis. car Ralph M. Lewis avait conserve
son titre de Grand Maitre Regional. Apres
etre reste relativement confidentiel. cetOrdre se developpa dans plusieurs pays,
grace au parrainage de YAncien et Mys
tique Ordre de la Rose-Croix (surce mou
vement, voir le hors serie n° 36 de
Actualite de I'Histoire , sept.-oct. 2009).
Sous la supervision de Ralph M. Lewis,
devenu le Souverain Grand Maitre de
I’O.M.T.. il se reimplanta en France au
debut des annees 1960. 11y connut rapi-
dement une grande activite en ouvrant des
heptades (nom designant les loges de
I’O.M.T.) dans de nombreuses villes. Pa-
rallelement, il s’etendit dans le monde en-
tier pour devenir I’un des mouvements
martinistes les plus importants. En France,
A 1 L -U !> m C T GO A v L C U O
s L A 0<ki IT N . V M>:
4*nMl
IU-J —Ca
N w 4* r«>
ORDRE MARTINISTE TRADITIONNEL
*Ccrnfu«it 'Initiation
lWatcut>o<,»»iirf.5au»0*0JP 3K*rtAyd
luHtihnc rtjDl^ frrtcri cl u*Jit*>niwllnr>fm ili^Urr
irocr conftxt. ca rota pot/tim il $ 6U tnvctii cl
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Mutin xur Tn<imew>:l Cet rotd? dcm ccpcmijnl prowvet
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aiK c cl/u it;ficy wn atfiiut. u awtivc p«t k% dovirrcnun suiu*.
& S 3 B / f f l C T E lMOKATVH DC I TM lit nK
PUI 1*IVIATC.t*
U K t i ) H . i i i i t i s \ u i s u u t 4 i n * 9ik sut-vfmjj \ cram; uitm i
jz l J L SSECertificat d'initiation de Serge Toussaint,
Grand Maitre de la juridiction francophonede I'O.M.T
il possede une publication annuelle, la
revue Pantacle, ties appreciee des Marti
nistes et des Francs-Ma^ons. Actuelle-
ment. c'est Christian Bernard qui est le
Souverain Grand Maitre de I'Ordre Mar
tiniste Traditionnel, et c'est Serge Tous
saint qui en est le Grand Maitre pour la
juridiction francophone.
Pour conclure ce panorama des obe
diences modernes du Martinisme, on
peut dire que malgre les differends qui
opposerent autrefois les tenants du Mar
tinisme. cette Tradition, cousine de la
Franc-Magonnerie et de la Rose-Croix.
reste aujourd'hui ties vivante. Deux sie-
cles apres la mort de Louis-Claude de
Saint-Martin et un siecle apres sa renovation par Papus et Augustin Chaboseau.
elle est representee par deux mouvements
majeurs : I'Ordre Martiniste Traditionnel.
et I'Ordre Martiniste. Elle a egalement
donne naissance a un nombre important
de rameaux dont il serait fastidieux de
faire l’inventaire. Si la plupart d'entre-
eux n’ont eu qu’une existence ephemere,
ou ne constituent le plus souvent que des
groupes marginaux, ils temoignent nean
moins de l'interet que le Martinisme ren
contre aupres de ceux qui s’ interessent a
la Tradition occidentale et a I’esoterisme.
Christian Rehiss e
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20 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
Louis-Claude de Saint-Martin, sa vie, son oeuvre
Le Martinisme, tel que le suivent de nos jours les Martinistes, se rattache a la vie et a I'ceuvre de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1903), connu egalement sous le pseudonyme de « Philosophe Inconnu ». Nous ne pouvons done faire Timpasse sur une biographie de
ce personnage hors du commun, considere comme I'un des plus grands esprits franca isdu X I /III*™ siecle.
« II y a trois vilies en France dont l'une
est mon paradis, et c'est Strasbourg... ».
C ’est en ces termes que Louis-Claude de
Saint-Martin parlera plus tard dans son «
Portrait » de cette ville de France oil il
vecut trois ans. On etait alors en pleine
periode revolutionnaire, et ce furent
pourtant trois annees d'un itineraire inte-
rieur oil une alchimie subtile s’opera en
lui. C'est la aussi qu'il tourna une page
de sa vie en decouvrant en leur langue
originelle les ecrits du mystique allemand
Jacob Boehme.
L e P h i l o s o p h e In c o n n u
Celui qu'on appela le « Philosophe In-
connu » est age de 45 ans quand il arrive
a Strasbourg, ce 6 juin 1788. A la veille
de la Revolution, cette vieille cite d'A l
sace est consideree comme la ville fran-
<^aise la plus tolerante et la plus
accucillante, oil se donnent rendez-vousles theosophes et les mystiques de tous
les pays d'Europe pour s’entretenir libre-
ment. Ce XVIII0 siecle est celui des Lu-
mieres. oil la montee de V esprit
scientifique, de I'intelligence philoso-
phique et du liberalisme religieux, illus-
tres par la renommee de Voltaire. Diderot
ou Rousseau, contraste avec une grande
credulite confinant au merveilleux et
bien sou vent au charlatan isme. Avant que
l'epoque de laTerreur ne vienne tout in-
terdire, on voit apparaitre dans la ville,
des mages, des dev ins. des thaumaturges
et des occultistes de toute sorte. Stras
bourg est aussi une grande capitale ma-^•onnique puisque, comme Lyon et
Bordeaux, elle est le siege d'un des trois
Directoires ecossais.
Quelques annees auparavant, Cagliostro a
sejourne a Strasbourg et opcre des gueri-
sons miraculeuses en excitant son art.
Cette ville est la capitale du Mesmerisme ;
depuis la plus haute societe jusqu'au petit
peuple. on y pratique le magnetisme
prcsquc a chaque coin de rue. Le grand
elan romantique du « Sturm und Drang »
a effleure cette cite de son souffle en la
personne de Goethe, qui, quelque vingt
ans aupaiavant, a sejourne a 1’Auberge de
I’Esprit avant de s’installer rue du vieux
Marche aux Poissons. II y avait pris un
vif interet pour l'alchimie et y avait goute
aux disciplines hermetiques sous les
voutes basses, ornees de salamandres, de
la pharmacie du Cerf. Est-ce aussi,
comme Goethe, la fleche de la cathe-
drale, cet « ange de gres rose ». qui attiraSaint-Martin, telle une aiguille aimantee
fixant la direction de son etoile ? C'est
en tout cas sous le signe de la Divine Pro
vidence qu'il place son voyage en Alsace,
comme il le dit dans son « Portrait » :
« Dieu nous livre quelquefois dans notre
demarche terrestre a nos simples mouve
ments vagues et indetermines, dans les- quels nous devons eprouver ou des
contra rietes ou des privations, el cela
a/in que nous axons I 'occasion d e.xercer
notre patience et notre courage qui pour-
Saint-Martin - dessin de Simonetta Saenger (O.M.T.)
FEVRIER - MARS 2010 21
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LE M A R T I N I S M E
Q u e l q u e s p e n s e e s d e s a i n t- m a r t i n
« L'homme est un etre charge de continuer Dieu la ou Dieu ne Se fait plus connaitre Lui-meme ». (Le Ministere de I'Homme-Esprit).« C'est pou r que I'homme porte sa tete dans les Cieux, qu'il ne trouve pas ici-bas de quoi reposer sa tete ». («Mon Livre Vert», n° 40).« La science est pour le tempore l; I'amour est pour le divin. On peut se passe r de la
science, mais non de I'amour, et c'es t par I'amour que tout finira, parce que c'est par I'amour que tout a commence et que tout existe ». («Mon Livre Vert», n° 415).« Les grandes choses ne s'enseignent que dans le silence. Nous ne pouvons nous lire que dans Dieu Lui-meme et nous comprendre que dans Sa propre splendeur... ». (« Ecce Homo »).« C'est un grand travail que de chercher a nous connaitre tels que nous som me s; mais ilfau t ensuite travailler a nous connaitre tels que nous devrions etre. Ces deux sciences sont liees e t doivent continuellement nous occuper. Une troisieme science vient apres ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C'est qu'apres avoir appris a connaitre ce que nous devrions etre, ilfa ut travailler sans relache a le de- venir ». («Mon Livre Vert», n° 993).« Crains les choses foc ile s: il est plus aise de converser que d'ecrire, plus aise d'ecrire que de prier, plus aise de prier que d'agir ». («Mon Livre Vert», n° 9).« Le secret de notre avancement consiste dans la priere, le secre t de la priere dans
la preparation, le secre t de la preparation dans une conduite pure, le secre t d'une
conduite pure dans la crainte de Dieu, le secret de la crainte de Dieu dans Son amour. Ainsi, I'amour est le principe et le foye r de tous les secre ts ». («Mon LivreVert», n° 178).
« Je ne pu is trop le repete r: Il fa ut craind re Dieu avec mesure, mais ilf aut I'aimer sans mesure ». («Mon Livre Vert», n° 431).
« Primitivement, la tete devait etre reglee par le coe ur; elle ne devait servir qu'a I'agrandir. Aujourd'hui, la tete de I'homme regne sur son cceur, tandis que c'est au coeur que le sceptre devait appartenir. C'est-a-dire que I'amour est superieur a la science, attendu que la science ne doit etre que le flambeau de I'amour, et que le flambeau est inferieur a celui qu'il eclaire ». («Mon Livre Vert», n° 58).« La seule initiation que je preche et que je cherche de toute I'ardeur de mon ame, est celle par ou nous pouvons entre r dans le coeur de Dieu, e tfa ire entre r le cceur de Dieu en nous, pour y faire un manage indissoluble qui nous rend I'ami, le frere et I'epouse de no tre divin Reparateur. II n'y a d'autre mystere pour arrive r a cette sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs
de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la vivifiante racine ; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre espece, s e produiront noturellement en nous et hors de nous ». (Correspondante au
baron de Kirchberger).« Purifie-toi, demande, regois, agis : toute I'oeuvre est dans ces quatre temps ».(«Mon Livre Rouge»).
Louis-Claude de Saint-Martin
qui se disait agent de la Puissance invisi
ble. Le Philosophe Inconnu revicnt de
cette rencontre profondement de 'u et plcin
de disillusions. Mais laissons-le parler: «
Une voie purlieu Here s 'esl ouverte a Lyon
en 1785. J 'y jus appele pour partager la
recolte. Au milieu des nombreuses ri-
chesses qu 'elle offrait, elle renfermail
aussi de la fausse monnaie, et I’on a fin i
par s'en degouter. On y avait abuse du Nombre et de la Doctrine a moi connue
anterieurement sur les animau.x. On y
avait surtout abuse du gout de Willermoz
pour la Maqonnerie, et on I ’avait mis par-
tout. Je vins a cette initiation avec le desir
le plus pur et fame la mieux disposee.
Mais comme je ne trouvais dans aucun
genre d'aliment ce qu'il me fa llait, je me
trouvais a la fin plus arriere qu'au com
mencement ».
U n HOMME DE DESIR
Suite a cette rencontre particuliercment
decevante, Saint-Martin douta de la
theurgie et fut convaincu qu'elle n’avait
pas sa place dans V ceuvre de la Reinte
gration. Et c'est cet homme de^u qui ar
rive en 1788 a Strasbourg, accompagne
de «• L'Homme de Desir », livre qu'il
commenqa a Londres et qu' il finira dans
la cite alsacienne : « Dieu est un eternel
Desir et une eternelle Volonte d'etre ma-
nifeste, pour que son existence se pro
page et s'etende a tout ce qui est
susceptible de la recevoir et de la sentir.
L'homme doit done aussi vivre de ce
Desir et de cette Volonte, et il est charge
d'entretenir en lui ces affections sublimes;
car dans Dieu, le Desir vient rarement jusqu 'a ce terme complet, sans lequel
rien ne s ’op ere. Et c'est par ce pouvoir
donne a I'homme d'amener son Desir
jusqu 'au caractere de Volonte qu 'il
devrait etre reellement une image de
Dieu ».
Les premieres impressions de Louis-
Claude de Saint-Martin sur Strasbourg ne
•**o
semblent pas avoir etc ties favorables. La
ville, ou deux langues et deux cultures se
cotoient (fran^aise et allemande). ne lui
inspire pas grand interet, pas plus que ne
le seduit, derriere les belles facades deshotels particuliers, la societe qu'il fre-
quente. II laissera dans son * Portrait » la
note suivante : « J'a i vu des homines qui
n'etaient mat avec personne, mais dont
on ne pouvait pas dire non plus qu 'ils y
etaient bien ; car ils n 'avaient point assez
de mesures developpees pour etre saisis
de ce qui est vrai et vif ni pour etre cho-
ques de ce qui est mil et faux. C'est a
Strasbourg oil j'a i fait cette observation,
et ici je dois me rappeler au mains les
noms de plusieurs personnes qui m 'yont
interesse ». Et Saint-Martin d'enumerer
de nombreuses families et personnages
de Strasbourg, comme s'il voulait s’en
graver le souvenir. Mais cette note, ties
curieusement. se termine d’une tout autre
maniere puisqu'on peut y lire : « Je cor-
rige I effet de ma premiere appreciation.
Je dois dire que cette ville de Strasbourg
est une de celles a qui mon cceur tient le
plus sur Terre ».
Qu'arriva-t-il done a Saint-Martin durantces trois annees ? Quels charmes se de-
voilerent a son ame pour que Strasbourg
vienne occuper en son cceur la premiere
des places ? La lettre qu'ecrit un siecle
plus tard Matter, un de ses biographes, au
directeur de la « Revue d'Alsace », nous
donne quelques eclaircissements : « Un
des homines les plus disting lies de la fin
du siecle dernier et qui se qua lifiait de
“Philosophe Inconnu " dans ses premiers
ecrits /.../, Monsieur de Saint-Martin, est
alle passer a Strasbourg, vers 1790, les
annees les plus decisives de sa vie. Ap-
pliquant ses belles facidtes et ses nobles
tendances a I'etude des sciences mys
tiques, mais peu satisfait des pratiques et
des pretentions de quelques associations
secretes auxquelles il etait affilie, /.../ il
Jacob Boeh me, Portrait de von Gottlob Glymann ohne
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DOSSIER
se mil tout a coup a etudier I 'allemaml
pour aborder la lecture du plus gmnd des
philosophes mystiques du XVIT siecle.
Jacques Boehme. /... / Deuxpersonnes de
Strasbourg, Madame de Boecklin et Mon
sieur Salvnann , furent les initiateurs de
Monsieur de Saint-Martin a I 'etude du
mystic isme, disons mieux, de la theoSo
phie de Boehme ».
S on s e c o n d M a i tr e
Frederic Rodolphe Salzmann est ne en
1749 en Alsace, a Sainte-Marie-aux-
Mines. ou son pere etait pasteur. On l’a
parfois confondu avec son cousin Johann
Daniel Salzmann, qui fut Fami de
Goethe. Avec les freres de Turckheim.
autre grand nom alsacien. il organisera a
Strasbourg une Loge des Chevaliers
Bienfaisants de la Cite Sainte. Parallele-
ment, il dirigera la Librairie Academique,
situee a l'ansle de la rue de la Chaine et
de la rue des Serruriers, et fondera une
gazette lilteraire bilingue (en frangais et
en allemand). La tourmente revolution-
naire le chassera de Strasbourg, mais
apres la fin de la Terreur, il y reprendra
ses activitcs litteraires. II restera toute sa
vie I'ami devoue de Jean-Baptiste
Willermoz et de Juna Stilling. Dans son
ouvrage intitule « Regards sur les mys-
teres des voies de Dieu relatives a Vhu-
manite ». il developpe une cosmogonicties proche du Martinisme. Maitrisant
parfaitement la langue allemande,
comme tous les natifs des bords du Rhin,
il correspond regulierement avec les mys
tiques de 1’AlIemagne et de la Suisse al
lemande. Ses lectures et ses etudes font
totalement familiarise avec les textes de
Law, Swedenborg et Boehme, qu’il fera
connaitre a Saint-Martin.
Les sympathies entre Saint-Martin et
Salzmann sont grandes en un premier
temps, mais des divergences sur des
questions essentielles. soil de theorie soil
de pratique, les eloignent, et leur amitie
s'etiolc. Au moment de leur separation,
c'est a Madame Salzmann, femme de
grand caractere et pleine d’admiration
pour la seduisante humilite du Philo-
sophe Inconnu, qu'il legucra son amitie.
La gente feminine a toujours joue un
grand role dans sa vie. II aimait la com-
pagnie des femmes animees par de hautes
aspirations mystiques ou religieuses,mais il se defiait beaucoup de celles qui
avaient trop d'inclinalions pour les “ora
cles somnambules”, comme on disait a
1‘epoque. C'est d ’ailleurs pour Tune
d’entre elles, Madame de Bourbon, qu'il
commen^a a Strasbourg son ouvrage
« Ecce Homo ». 1'engageant a se tourner
vers un mysticisme epure des pratiques
theurgiques. Mais la place qu’occupe
Charlotte de Boecklin est tout a fait a
part : « J 'a i par le monde une amie
comme il n ’y en a point. Je ne connais
qu ’elle avec qui mon dme puisse s 'epan-
cher tout a son aise et s ’entretenir sur les
grands objets qui m ’occupent, parce que je ne connais qu elle qui se soit placee a
la mesure ou je desire que I 'on soit pour
in'etre utile... ». Comme il le confia lui-
meme, 1’affection profonde qui le lia a
cette femme fut purement platonique :
« II v a deux etres dans le monde en pre
sence desquels Dieu m 'a aime. Aussi,
quoique I'un de ces deux etres fut une
femme (ma B.), j'a i pu les aimer tous
deux aussi purement que j'aim e Dieu, et
par consequent les aimer en presence de
Dieu ; et il n y a que de cette maniere-la
dont Von doive s'aimer, si Von veut que
les amities soient durables ». C ’est a elle
qu'il rapporte le plus fecond evenement de
sa vie : laconnaissance du philosophe al
lemand Jacob Boehme, son « second
Maitre ».
Presque deux siecles separaient Saint-
Martin et Boehme, mais celui-ci fut par
dela le temps le deuxieme instructeur du
Philosophe Inconnu. Ce dernier dira
d’ailleurs : « C'est a Martines de Pas
qually que je dois mon entree dans les ve-
rites superieures ; c 'est a Jacob Boehme
que je dois les pas les plus importants
que j ’ai fairs dans ces verites ». Saint-
Martin apprend l’allemand et, jusqu’a la
fin de sa vie, se fera une tache quoti-
dienne de traduire les ecrits de « son che-
rissime B. ». Jacob Boehme, ne pres de
Goerlitz, en Silesie, fut I'un des plus
grands representants du courant mystique
et theosophique qui parcourt I'Alle-
magne du XVICau XV IIc siecle. Chretien
erudit dans 1'etude de la Bible, il presenta
une gnose originale, complexe et souvent
obscure, qui se manifesta a lui sous
forme d'une revelation. Sa doctrine est
construite autour de la notion medievale
de la Deite, \'« Ungrund », la Source
mcme de I’ etre divin ; c’est I'Absolu des
absolus qui est en dega et au-dela de la
Creation, et dans lequel Dieu personnifien'ex isle pas. La Deite precede done la
Trinite divine. En elle reside depuis tou
jours un desir eternel et infini d'autore-
velation : la Volonte. Dans son processus
L 'h o m m e d e d £s ir , s e l o n Lo u i s -C l a u d e d e S a i n t - M a r t i n
Dans sa condition actuelle, l'homme es t en etat d'exil. Rien ici-bas ne parvient ale satisfaire pleinement. Certes, le monde materiel lui apporte des satisfactions, des
plaisirs et des joies. Mais au plus pr ofond de lui-meme, il sait que le bonheurauquel il aspire n'est pas de ce monde et se situe ailleurs. Plus ou moins consciem-ment, il ressent egalement la nostalgie de I'etat glorieux qui etait le sien a I'origine,d'ou une certaine melancolie. Au regard du Martinisme, quiconque aspire a com-prendre cette melancolie et a retrouver sa purete primitive est un « Homme deDesir ». Son desir, c'est le desir de Dieu. Sairt-Martin disait a ce su j& : « II n'ya rien
d'aussi courant que I'envie et d'aussi rare que le desir ».Devenir un Homme de Desir, c'est vouloir reconstruire son Temple interieu r etreintegrer sa divine condition. Le Martiniste s'appuie sur deux piliers pour y par-
venir: I'initiation et I'enseignement. La premiere marque le debut de son chemi-nement sur la «v oie cardiaque», car c'est le momen t ou il r egoit le g erme deLumiere qui constitue le fondement de sa regeneration interieure. C'est aussi I'ins-tant privilegie ou il rencontre son Initiateur et ou il est admis dans la filiation martiniste, faisant de lui un maillon d'une chame initiatique remontant a Louis-Claudede Saint-Martin. Precisons que cette initiation doit etre conferee dans un Templemartiniste pour etre dument reconnue et faire du recipiendaire un veritable Initie.Si elle est un preliminaire indispensable, I'initiation martiniste n'est que la representation terrestre d'une initiation transcendantale, celle que Saint-Martin appellel'«initiation centrale» et qu'il definit ainsi: « Cette initiation, est celle par laquelle
nous pouvons entrer dans le cceur de Dieu, et faire e ntrer le coeur de Dieu en nous, pour y fair e un mar iage indissoluble... II n'y a d'autre mystere p our arriver a cette sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la vivifiante rac ine; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre espece, se pr oduiront naturellement en nous et hors de nous ».Selon le Philosophe Inconnu, le travail de I'Homme de Desir provoque une transformation interieure, un «engrossement spirituel» qui porte la promesse d'une renaissance interieure. Grace a ce travail, le « Vieil Homme » cede progressivementla place a un « Nouv el Homme ». Ce Nouve l Homme, une f ois ne, passe ensuitepar tous les stades de revolution, jusqu'a atteindre sa complete maturite. Devenu« Homme-Esprit », il pourra accomplir son « Ministere » et devenir I'intermediaireactif entre la nature et Dieu. Alors, « la communication sera retablie entre le haut et le bas, et la Terre pourra trouver le sabbat ».D'un poin t de vue martinis te, ce n' est qu' apres s' etre r egenere que I'Hommeparticipera a la reintegration du Tout dans I'Un et redeviendra le Temple de Dieu : «Hommes de paix, hommes de d isir, telle est la splendeur du Temple dans lequel vous aurez droit un jou r de prendre place. Un tel privilege doit d'autant moins vous eton- ner qu'ici bas vous pouvez commencer a I'elever, que vous pouvez meme I'orner a
tous les instants de votre existence... Souvenez-vous que, selon I'enseignement des sages, les choses qui sont en haut sont semblables a celles qui sont en ba s; et conce-vez que vous pouvez concourir vous-meme a cette ressemblance, en faisan t en sorte que les choses qui sont en bas soient comme celles qui sont en haut ».
24 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
dc manifestation, cette Volonte se reflete
a travcrs laTrinite et son image parfaite :
la Sophia, la Sagesse.
Humble, Jacob Boehme ne cessa
d'avouer sa propre incapacile : «• Parma
prop re force, je suis un homme aussi
aveugle qu 'un autre et ne puis rien. mais
par I'esprit de Dieu, mon esprit innepe-
netre tout, mais pas toujours avec assez
de perseverance ». I I se sent comme unenfant adopte par la divine Sophia, qui
l’introduit dans le « Grand Mystere »,
celui de la naissance de Dieu dans
I*homme et de 1'homme en Dieu. Selon
lui, le monde visible symbolise le monde
interieur, et la Sagesse siege dans le cceur
de 1*homme. C'est la qu'elle se tient. at
tendant avec patience d'etre decouverte,
entendue et aimee. Si 1'homme penetre
dans les secrets de son cceur, les Mysteres
divins lui sont reveles. Cette theoso-
phie de Boehme prefigure la « voie car-
diaque » du Martinisme el va modifier
profondement la philosophic de Saint-
Martin, qui s'oriente deliberement vers lavoie interne, renoncant a son passe par un
acte symbolique : il demissionne de la
Franc-Maconnerie, tout en restant fidele
a son initiation d'Elu-Cohen. Cette evo
lution interieure le protegea sans doute
aussi des evenements exterieurs, car la
Revolution fran^aise. en chassant les me
diums et en condamnant la Ma^onnerie.
obligea a la plus grande prudence,
nolammenl dans les ecrits.
S a d o c t r i n e
Le « Nouvel Homme », ouvrage que
Saint-Martin ecrivit lors de son sejour en
Alsace, n'est pas encore petri de la pen
see de Boehme, et c'est sans doute pour
celaque le Philosophe Inconnu se sentait
insatisfait ct mecontcnt a Strasbourg.
Plus qu'une theorie sur la Regeneration,
il voulut ecrire une exhortation a la Re
generation, comme il le dira plus lard
dans sa correspondancc avec le baron
Kirchberger. S'il est vrai qu'il redigea
cc livre a 1'instigation du Chevalier de
Silverhiclm, neveu de Swedenborg, il
n'est cependant pas vrai. comme on au
rait pu le faire croirc, qu'il ne fit que rc-
prendre les doctrines du visionnaire
suedois. Quoi qu'il cn soit, arretons-nous
sur ces pensees merveiIleuses, inspirees
et originales : «Dieu n'apas dedesirplus
vifet plus ardent que la Regeneration de
I 'liomme, car par son essence n’etant que
pur Amour, il tend les bras a la creature
decline... De cette sublime verite que I'homme est une pen see du Dieu des
etres, il resulte une vaste lumiere sur
notre loi et notre destination ; d savoir
que la cause finale de notre existence ne
pent etre concentree dans nous, mais
qu 'elle doit etre relative a la source qui
nous engendre comme pensee, qui nous
detache d'elle pour operer au-dehors ce
que son unite insubdivise ne lui permet
pas d'operer elle-meme /.../. C'est pour
cela que cette pensee du Dieu des etres,
doit nous etre la voie ou doit passer la
Divinite toute entiere, comme nous nous
introduisons journeliement tout entier
dans nos pensees, pour leur faire attein- dre le but et la fin dont elles sont I'ex
pression, et pour que ce qui est vide de
nous devienne plein de nous. Car tel est
le va'u secret et general de I 'homme ; et
par consequent, tel est celui de la Divi
nite dont I'homme est image ».
Selon Saint-Martin, la destinee du Nouvel
Homme est inseparable de celle du Christ.
Par I'imilation interieure de l'alchimie
christique, il doit epanouir graduellement
des vertus dont il ignorait jusque-la 1'exis-
tence. Poursuivant fidelement cette imita
tion du Christ, 1‘homme doit mourir d'une
triple mort et triplement ressusciter : « Le
Vieil Homme est mort sous le joug d 'une
triple mort, que I 'on designe sous le norn
de la mort du corps, la mort de I ame et la
mort de I'esprit /.../. Il faut done que le
Nouvel Homme ait pour niche de se pro
curer une triple resurrection, e ’est-a-dire
qu il armche sa pensee. sa parole et son
action aux tenebreuses regions oil elles
sont en esclavage, qu 'il retienne sa pen
see. sa parole et son action sur le bord du
precipice dans lequel I'ennemi cherche
journeliement d les entminer, et qu 'ilpre-
vienne pour I ’avenir la mort de sa pensee,
de sa pamle et de son action sur le bord du
precipice, dans toutes les circonstances ou
I'ennemi pourra les menacer ». Devenu
frere du Christ, le Nouvel Homme retrou-
vera, apres avoir fait resonner en lui les
trompettes du Jugement dernier, les rap
ports qu'il avait avec Dieu a 1'Age d'or. La
Jerusalem Celeste sera alors rebatie. et leprocessus de la Reintegration sera termine
: «■Ne te donne done point de reldche que
cette ville sainte ne soit rebatie en toi, telle
qu 'elle aurait toujours du y subsister si le
crime ne I'avail renversee , etsouviens-toi
tons les jours de ta vie que le sanctuaire
invisible ou notre Dieu se plait d'etre ho-
nore. que le culte, les illuminations, I'en-
cens dont la nature et les temples
exterieurs nous offrent des images ins-
tructives et salutaires, qu 'enfin toutes les
merveilles de la Jerusalem Celeste peu-
vent se retrouver encore aujourd'hui dans
le ca’iir du Nouvel Homme, puisqu\elles y
ont existe des I'origine ».
Sa m o r t
C'est pendant 1'ete 1791 que Louis-
Claude de Saint-Martin fut brutalement
arrache de son paradis, Strasbourg : son
pere venait d'avoir une seconde attaque
de paralysie et le rappelait pres de lui. La
Divine Providence avail conduit
I'Homme de Desir qu'il etait jusqu'a
Strasbourg, et elle cn eloignait mainle-
nant le Nouvel Homme qu'il etait de
venu. Mais si sa ville natale ne lui
pcrmettait pas de parler ou d'entendre
parler des verites qu'il aimait, il n'y
trouva pas non plus les fanatiques de la
Terreur qu'il aurait rencontres a Stras
bourg, ce qui lui fit dire : « Toutes les cir
constances de ma vie ont ete comme des
echelons que Dieu pla^ait autourde moi.
pour me faire monter jusqu 'a Lui ». Est-
cc en ayant cela a l'esprit qu'il quitta ce
monde un jour de 1803. pour rejoindre le
Dieu qu'il venerait tant ?
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FEVRIER - MARS 2010 25
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
Le M artinisme
Un esoterisme,
une theosophie, une gnoseL
'esoterisme a un caractere univer
se!. Que ce soit dans le chama-
nisme, qui. selon de recentes
interpretations, remonterait aux temps
prehistoriques, ou dans les grandes reli
gions orientales comme occidentals, on
y retrouve la presence d'un savoir, d’ une
connaissance, d’une sagesse qui sont re
serves a des inities et qui leur permettent
de faire I’experience, apres un long ap-
prentissage, de 1’union avec une realite
supra-humaine. Ce cceur. ce noyau esote
rique. interieur, nourrit et vivifie l’exte-
rieur. 1’aspect exoterique des religions.
Si I'esoterisme est aussi universel, c'est
parce qu'il correspond a la structure pro-
f’onde du monde et de l'homme, a savoir
qu'il y a depuis la sortie de 1'unite origi-
nelle un interieur et un extericur des
choses, mais egalement un chemin me-
nant de I'un a Fautre. Parce qu 'il est eter
nel, I'esoterisme n'en a pas moins irrigue
d’une maniere souterraine le monde
occidental a travers quatre courants
qui. bien que relies, ont garde leur speci-
ficite : 1'hermetisme. la kabbale, 1'alchi-
mie et la theosophie.La theosophie, dans son sens moderne,
est I'un des courants de I'esoterisme oc
cidental. Sa caracteristique reside dans le
fait qu' il est d'essence chretienne. La f i
gure du Christ y est omnipresente, mais
atteint une ampleur qu'il n'a pas dans la
religion exterieure. La theosophie s'est
developpee aux XVle et XVIIe siecles
avec les Rose-Croix, Paracelse, Jacob
Boehme, et s’est perennisee ensuite a tra
vels les oeuvres de Martines de Pasqually
et de Louis-Claude de Saint-Martin.
Quant a la gnose. elle insiste sur la voie
ascendante qui mene vers la Connais
sance, bien qu'elle designe parfois aussi
cclle-ci, con^ue comme une sagesse qui
libere et guerit. Ainsi, toutes les voies
esoteriques authentiques sont des gnoses,
dans la mesure ou elles impliquent une
pratique initiatique qui permet d'acceder
a l'absolu. A la vue de ces definitions, il
nous a semble interessant d'etudier en
quoi le Martinisme est un esoterisme. une
theosophie et une gnose.
U n esoterisme
L'esoterisme, nous 1'avons dit, est le
coeur. le noyau, de toutes les religions,
car. comme 1'enseigne le Martinisme,elles prennent leur source dans une seule
Religion. Ce cceur, cet interieur commun
a toutes. permet d ’acceder a une realite
supra-humaine par une experience inte-
rieure. L’esoterisme per^oit 1’unite der-
riere la diversite et developpe quatre
themes que I’on retrouve sur tous les
continents, meme s'ils sont traites diffe-
remment :
• Le premier est la presence d'un principe
vital unique, present en toute chose et en
devenir, en evolution vers une perfection
latente. Le plus sou vent, on l 'a appele
« Ame du monde » et symbolise par la
spirale, la roue ou le germe en gestation.
• Le deuxieme theme est 1'exclusion de
l'homme de 1'unite originelle, que relate
le mythe de la chute symbolique present
dans toutes les cosmogonies. L'histoire de
l'homme, mais aussi du cosmos, repre
sente dans cette vision la longue marche
du retour vers 1’unite perdue.
• Le troisieme est la loi de polarite. Le
mouvement de 1'uni vers nait avec la dua-
lite, I'Un etant statique. L uni vers est
rythmique et dialectique. en ce sens que
des forces antagonistes et complemen-
taires s’unissent pour donner naissance ades manifestations superieures, le deve
nir cosmique etant oriente par 1'Esprit.
Ainsi, la matiere genere la vie, la vie ge-
nere la conscience, vie et conscience
etant presentes de maniere latente dans
leur matrice materielle.
• Le quatrieme theme est la loi d'analogie
et de correspondance entre le micro-
cosme et le macrocosme, d'ou decoule
un principe de connaissance essentiel: on
ne peut connaitre que ce que I'on porte
deja en soi. Or, nous retrouvons tous ces
themes dans le Martinisme.
L'esoterisme se caracterise egalement par
trois manifestations : le secret, la trans
mission d une tradition dite primordiale,
et 1'initiation. Le secret peut etre aborde
de plusieurs manieres. Tout d'abord. il
s'avere necessaire pour assurer la protec
tion des enseisnements et des rituels. Son
but est d'en preserver l'integrite et 1'ef-
ficacite, afin de reserver leur acces a
ceux qui le demandent, mais aussi a ceux
qui le meritent. Mais le secret, c'est aussi
celui des textes, qui exigent interpreta
tions symboliques et meditations. Ainsi.
tout esoterisme veritable se refere a un
mythe originel que I'initie doit decrypterpour donner un sens a sa vie. Pour I'ini
tie martiniste, ce mythe s’appelle la Ge
nese, dont il doit penetrer le sens
hieratique a la lumiere de I'Evangile de
L'lllumination par le coeur, illustration extraite d'« Em blemata » (1630), de Daniel Cramer
26 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
Jean, de la Kabhalc et des ecrits de Jacob
Boehme, Martines de Pasqually et Louis-
Claude de Saint-Martin. Le secret, c’est
enfin l’interieur cache des choses que
l'homme. dans sa quete de 1’unite, doit
chercher et decouvrir par lui-meme.
Deuxieme manifestation de 1’esote-
risme : la transmission de la Tradition pri-
mordiale. Cette Tradition immemoriale,
unique, transcendante et transmise d'age
en age, de maitre a disciple, le Marti
nisme I’appelle «la Lumiere eternelle de
la Sagesse divine». C ’est une connais-
sance non-rationnelle, intuitive, presente
en tout etre, mais qui doit etre eveillee
par la filiation spirituelle et I’initiation.
C ’est un legs spirituel que les Ordres ini-
tiatiques authentiques ont en depot et
qu ’ils ont la charge de transmettre. C ’est
pourquoi ces Ordres mandates, bien
qu’ancres dans leur temps, sont en fail
hors du temps et relies au principe origi-
nel qui leur donne force, vie et perennite.
Derniere manifestation de tout esote-risme : I’initiation. C ’est en effet I’initia
tion qui assure la transmission de la Tra
dition. En ce sens, elle est a la fois un
commencement pour celui qui entre sur
le sentier, et un retour a I’origine, au Prin
cipe. par I’influence spirituelle qui passe
de l’initiateur a rinitie et fait de ce der
nier un disciple de la Lumiere. L’initia
tion est done une experience impliquant
un contact direct, physique entre eux.
mais aussi un contact subtil provoquant
eveil et illumination. Ce processus sym-
bolique exige plusieurs choses : la pre
sence effective du candidat. l’examen de
sa dignite, la transmission de symboles et
le don d’ une force spirituelle lors de 1'ini
tiation. 11 appartient ensuite a 1‘initie de
faire germer la semencequ’ il a regue. Le
but est la realisation spirituelle et la rein
tegration d’une harmonie perdue qu’il
faut retrouver.
Ces analyses des themes et manifesta
tions de l’esoterisme ne laissent done pla
ner aucun doute : le Martinisme, tant par
les lignes de forces de son enseignementque par la rectitude traditionnelle de ses
initiations et de ses rituels, est I’un des
fleurons de l’esoterisme occidental et de
l’esoterisme tout court.
U n e t h e o s o p h i e
Un chercheur a ecr it: «La theosophie est
la doctrine chretienne des XV I cet XVII1’
siecles, representee par Paracelse, Wie-
gel, Fhtdd... et qui se caracterise par la
reflexion analogique et I 'illumination in- terieure, I 'experience spirituelle et les
notions d 'emanation, de chute originelle,
d 'androgynat, de Sophia, de reintegra
tion, d ’arithmosophie, et surtout de dou
ble force...». Nous retrouvons dans cette
definition des themes de la theosophie,
qui est une forme eminente de 1’esote-
risme occidental.
La theosophie est la connaissance des
mysteres divins incarnee par Sophia, la
Sagesse divine. Hochmah dans la kab-
bale. C ’est elle qui se transmet et devient
accessible a la comprehension humaine a
travers ce qu’on appelle la Tradition. Elle
est presente en toute chose, et bien sur en
l’homme, comme un tresor cache. «Dieu
se cache pour que I homme le cher che»
dit un vieil adage. Et l’ homme peut acce-
der a cette sagesse, car il possede en lui
des profondeurs qui sont en resonance,
en harmonie, avec les profondeurs des
Mysteres divins. Mais pour cela, il lui
faut operer la conversion du regard, des-
cendre dans la nuit, et frapper a la porte
du sanctuaire qui s’ouvre lorsque 1’on est
pret a affronter la Lumiere de la Sagesse.
Or, les enseignements et les rituels mar
tinistes n’ont d’uutrc but que de preparera cette entree dans le sanctuaire ou s’ope-
rent les noces chymiques.
L’autre figure centrale de la theosophie
est celle de Ieschouah. le Christ cos-
mique. L’univers n’est pas laisse a la de
rive. II est habite et souleve par le Feu
christique. Teilhard de Chardin, ce mys
tique moderne, en a fait le moteur de
revolution. Rayonnant en Tiphereth , Ie
schouah est le mediateur qui permet au
monde d’en-bas de s’harmoniser avec le
monde d ’en-haut pour rejoindre V unite
de Kether, et au-dela, le Dieu inconnais-
sable. Le Martinisme est bien une theosophie par sa filiation remontant par
Louis-Claude de Saint-Martin, ainsi que
par la place centrale qu’ il accorde a la So
phia. la Sagesse divine, et a la puissance
transfigurante du Christ cosmique.
af o
U n e g n o s e
La gnose est une connaissance qui libere.
Mais c’est aussi la voie qui mene a la
Connaissance. Elle exige l’acquisition
d'un savoir qui demande a la fois re
flexion intellectuelle, experimentation, et
descente en soi. C ’est alors qu ’ il devient
sasesse. La snose est aussi le chemin as-w s*-
cendant, 1’itineraire peril leu x entre des
forces contradictoires. De l’errance de
I’Homme du torrent a la maitrise du Nou-
vel Homme, elle est une dialeclique, mais Apollon ius ■, I'un d es p lus g rands rep re se nt an ts de la sag es se an tique
FEVRIER-MARS 2010 27
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DOSSIER
une dialectiquc nee de 1'union de deux
forces antagonistes et complementaires,
symbolisees par les deux piliers. a tous
les niveaux de la creation, de Patome a
1'homme, cette dialectiquc fait naitre, par
le choc et l'union de deux energies oppo-
sees, des manifestations qui n’existaient
pas jusqu’alors, ou qui n'existaient qu'a
Petal latent. L'union est cicatrice, mais
elle preserve la singularite et la differencedes forces initiales. Sa forme la plus ela-
boree est P amour humain.
Aux niveaux mental et emotionnel, c'est
1'interaction du moi et du monde qui pro-
voque nos prises de conscience. Au ni
veau spirituel, c'est le dialogue difficile
mais fructueux de notre etre conscient et
de notre ame inconsciente qui nous fait
avancer sur le chemin. Le Martinisme
prepare a ce genre de confrontation et
permet d'en retirer tous les fruits. Chaque
degre est une gnose sur des plans diffe-
rents. Linconscicnt est la racine de notre
etre, le centre spirituel vers lequel il nous
faut converger pour puiser aux sources de
la Creation. Par lui, nous sommes en har
monic avec les rythmes cosmiques et
notre nature divine. Mais il existe aussi
en nous une region plus obscure, nee de
nos desirs refoules et de nos peurs se
cretes, bien etudice par les psychana-
lystes, en particulier par Jung, qui
I'appelait « Pombre ». C'est pourquoi la
voie initiatique reclame de 1’initie prepa
ration. patience, perseverance et ferveur.
Quoi qu'il cn soit. le Martinisme est bien
une gnose par la structure de son ensei-
gnement, le cheminemcnt au sein de
chaque degre. et Part de combiner l'ora-
toire et le laboratoire.
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28 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
O M T
O M t
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LE M A R T I N I S M E
Kabbale et Martinisme
L
e mot « Kabbale » vient du terme
hebreu qabalalt , qui signifie « ce
qui est re^u » (forme a partir de la
racine qihel, recevoir). C'est une traditionqui s'est perpetuee au cours des ages.
C'est a la fois une voie de connaissance
fondee sur retude des textes bibliques
(en hebreu), et une voie de realisation
spirituelle basee sur un travail de perfec-
tionnement individuel. Par extension, il
s'agit d'une sagesse voilee qui s’est
transmise de bouche a oreille el d'initie a
initie. ce qui fait penser a la citation de
Francis Bacon : « La gloire de Dieu est
de cacher une chose ; la gloire de
I 'homme est de la decouvrir ». Pour pou-
voir etudier la Kabbale, il faut develop-
per deux qualites : 1'humilite et rumourdu prochain. En cela, c'est une voie
cardiaque assez proche du Martinisme. A
ce propos. Moshe de Kobryn n'a-t-il pas
dit : « II faut vivre dans la joie ; il faut
vivre dans I'amour. D'ailleurs, c'est une
seule et me me chose. »
L es n i v e a u x d e la K a b b a l e
La Kabbale ne doit pas etre etudiee
comme une methode speculative, une
methode theurgique ou une methode di-
vinatoire. Ceci conduit a I'erreur et a la
confusion. La Kabbale est surtout une
voie pratique permettant d'aboutir a la
conduite juste (en respectant les 613
mitsvoth ou commandements de la loi
juive, avec kauanah ou intention mys
tique. Cette conduite juste peut se resu-
mer en ceci: « Ne J'ais pas a autrui ce que
tu n'aimerais pas qu 'il te fasse. c'est la
toute la Torah, le reste n 'en est que le commentaire » (Hi 1lei, Talmud. Traite
Chabhat 30b). Rappelons que la Torah
correspond au Pentateuque. l'ensemble
des cinq premiers livres de la Bible (Ge
nese. Exode, Levitique. Nombres. Deu-
teronome).
Dans la Kabbale. on distingue quatre niveaux de lecture de la Torah : peshat (lit-
teral. pour rechercher des informations
dans le texte biblique d'origine), rentez
(affiliation des lettres, symbolisme des
lettres et des nombres). derash (allego-
rique. on va scruter et utiliser des sys-
temes de combinaison comme la
guematrie. la temourah, la notarika), sod
(niveau secret, accessible par la medita
tion). La premiere lettre de l'ensemble de
ces mots forme le mot PaRDeS, qui si
gnifie « Paradis ».
L'etude des textes bibliques et kabbalis-
tiques permet d'aborder les niveaux su-
perficiels {peshat et remez ), fortementassocies a I'intellect. Les textes les plus
connus sont:
- la Torah elle-me me (la Loi), qui cor
respond aux cinq premiers livres de la
Bible (le Pentateuque),
- le Talmud (l'ame de la Loi), compose
de commentaires sur la Torah.
- le Zohar (l'ame de l'ame de la Loi),
comprenant une interpretation biblique
esoterique, ainsi que divers traites de
magie, d’angelologie, de chiromancie,
des ecrits sur la reincarnation et sur les
mysteres du Nom divin.
- le Sefer Yetsirah qui constitue une ex
plication esoterique de la Creation.
- le Maasseh Bereshit. vision de la Crea
tion. comportant des experiences mys
tiques,
- le Maasseh Merkavah, vision de la fin
des temps, avec sa litterature des palais
(hierarchie celeste),
- et d'autres livres comme le Sefer Ha
Bahir, le Sefer Ha Razim, le Shiour
Qomah...
Neanmoins. la Kabbale ne doit pas etre
uniquement speculative et intellectuelle.
D ’ailleurs, meme a propos de sujets
Slaves comme la creation du monde. lesc T
rabbins ne perdent pas le sens de 1’hu
mour, comme en temoigne la citation sui-
vante tiree du Midrash Rabba sur la
Genese : « Pourquoi I'homme fut-il cree
le dernier jour ? Four que, si I 'orgueil le
pretid, on puisse dire : dans la Creation,
le moustique t 'a precede ».
Pour atteindre un aspect plus emotionnel
et decouvrir cette voie cardiaque, il est
important de travailler les deux autres ni
veaux de lecture de la Bible {derash et
sod), non par la lecture d'ouvrages sur la
Kabbale ou le suivi de seminaires, mais
par la pratique effective et personnelle. et
la decouverte par soi-meme de codes en-
fouis dans le corpus biblique.Le symbolisme des lettres hebraiques ou
de la grammaire peut nous y aider. Dans
la Torah, certains noms bibliques appa-
raissent parfois avec un He, parfois sans.
win wur/’iruit'
PORTAE LVCIH j c e f t p o n a T c t ra g r a m a ro n i u ft i in r ri b H t p t a r a ,
_________________ _____ 2------------------------------------ ’ -£■
Les Portes d e la Lum itre (« Portae Lucia », J.B .A. Gikitilla, 1516)
FEVRIER - MARS 2010 29
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DOSSIER
Nous trouvons par exemple Adam ou Ha
Adam, Abram ou AbraHam. Or la lettre
He symbolise I'alliance avec Dieu. Elle
est legerement ouverte en haut a gauche,
cote cceur, et correspond a un “H'’ aspire.
Elle est associee a un passage d'air et a
la fenetre, done a l'ouvcrture vers le haut,
au chemin de la remontee vers Dieu, et
par consequent a l'alliance avec Dieu.
Ainsi. Ha Adam correspond a Adam, au
premier homme, qui etait encore dans
l'alliance divine, dans le jardin d'Eden.
Lorsqu’il est chasse du Paradis, il devient
Adam (sans le He), celui qui n'est plus
dans I'alliance avec Dieu. Dans le mcme
ordre d'idce, Abram devient Abraham
apres avoir scelle son alliance avec Dieu
(apparition du He). De meme, dans cer
tains passages de la Genese, on trouve
des enonces oil le feminin est attendu.
alors que le masculin est rencontre, el
vice versa. Y a-t-il eu une grossiere er-
reur de grammaire ? Ceci apparait essen-
tiellenient lorsque Adam et Eve sont dans
le jardin d'Eden. Par exemple, dans le*
chapitre 3, verset 20. Adam appelle Eve
et parle de «lui» au lieu d'elle. En fait, a
cette epoque du recit biblique, Adam et
Eve sont androgynes (a la fois male et fe-
melle), d'ou cette indifference entre les
modes masculin et feminin.
La s c i e n c e k a b b a l i s t i q u e
Les Kabbalistes, selon leurs tendances,
abordent la symbolique des lettres de di-
verses manieres. Certaines methodes ont
ete mises au point pour evoquer des ana
logies entre mots ou passages de la Torah.
On irouve ainsi toute une batterie de co-
dages comme la guematrie, la temourah.
la notarika (ou notarikon).
- La temourah est la science des permu
tations des lettres, I'art sacre des ana-
grammes. Les combinaisons obtenues a
partir d’un mot localisent son origine et
sa quintessence. Par exemple, Molse en
hebreu se dit Moshe. En permutant les
lettres, nous obtenons Hashem, qui si-
gnifie le Nom (sous-entendu Dieu).
Ainsi, Moise est celui qui regoit la Torah,et Dieu celui qui la donne. II s'agit pour
le Kabbaliste de trouver le lien existant
entre les mots, et d'arriver au cceur de
I'energie animee par 1’ensemble des let
tres, devoilant ainsi l'essence du mot
d'origine.
- La notarika. quant a elle, est la science
des abreviations. Elle consiste a obtenir
de nouveaux mots a partir des premieres
ou dernieres lettres de phrases ou sim-
plement de mots. C'est la technique des
acrostiches. On peut, en partant des let
tres initiales ou finales des mots d'une
phrase, former un nouveau mot. Par
exemple. les lettres finales des trois premiers mots de la Genese «Bereshit Bara
Elohim (Au commencement Dieu
crea...)» donnent TAM (parfait). Ainsi.
la Creation de Dieu est parfaite (Tam).
- La suematrie est la science des nom-
bres. C'est un procede qui applique une
valeur numerique a chaque lettre. C'est
une technique ties largement employee
chez les Kabbalistes. Elle etudie les
transpositions etablies, de telle sorte
qu'un mot peut se transformer en nom
bre et un nombre en mot. Lorsque deux
mots ont la meme valeur. on dit alors
qu'ils sont relies I'un a l'autre, car pour
les Kabbalistes, tout a ete cree au moyen
de permutations de lettres du Verbe divin.
On chcrche alors les mots ayant la meme
somnie, afin de trouver des correspon-
dances secretes entre ces mots. Par exem
ple, la Kabbale dit que « Dieu est amour
et unite ». En voici la raison : le mot
AHAVAH (amour) est compose des let
tres Aleph. He, Beth et He. ce qui donne
un code de 1+ 5 + 2 + 5 = 13. Or. Dieu
est unite (E'H AD ), mot compose des let
tres Aleph Heth et Dalet, ce qui nous
donne I + 8 + 4 = 13. Ces deux mots
ayant le meme code numerique, il existe
une correspondance entre eux. Pour la
Kabbale. amour et unite sont done equi
valents et se completent. De plus, le nom
de Dieu YH WH a pour valeur numerique
10 + 5 + 6 + 5 (Yod, He, Vav, He), cgale
a 26, soit 13 + 13. En d'autres termes,
amour plus unite correspondent a Dieu.
L 'un i o n m y s t i q u e
Mais le niveau de comprehension le plus
profond (soil) ne peut etre aborde que par
la meditation. Abraham Aboulafia, Kab
baliste du passe, preconisait la technique
de contemplation des lettres, qu'il quali-
fiait de technique d'union mystique. En
effet. pour les Kabbalistes, la lettre est unlien entre l'homme et Dieu. Elle devient
alors un support de meditation pour \dde-
vequth , I'adhesion a la Conscience di
vine, et complete parfaitement les
W 3
C O V R O N N E
L'Adam Kadmon
30 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
techniques de combinaisons evoquecs
precedemment, techniques plus associees
a des aspects intellectuels et emotionnels.
On quitte alors le mental pour aborder un
niveau plus spirituel.
L ' i m p o r t a n c e du coeur
Le coeur a une grande importance dans
la Kabbale. Un certain nombre d'indices
nous permettent d'en prendre conscience. Ainsi. la premiere lettre de la
Torah est un Beth (le premier mot de la
Genese est Bereshit). Cette lettre corres
pond a la preposition en. dans (interieur).
On peut done penser que le debut de la
Torah se situe en Dieu, faisant ainsi pen
ser a l'etat dorieux de V homme a son
origine. Dc meme, la derniere lettre de la
Torah est Lamed (le dernier mot est Is
rael). Cette lettre correspond elle aussi a
une preposition : pour, vers (direction).
On cn conclut que la finalite de la Torah
est d’aller vers Dieu. Celle-ci est done
une voie menant de Beth a Lamed, cc qui
forme le mot BaL (abondance, fertilite).(Une autre signification de BaL est « in-
terdit », « rigueur de la Loi »).
II est troublant de constater que le sens in
verse (Lamed Beth, au lieu de Beth
Lamed), suggerant le retour, lc flux op
pose, forme le mot « cceur » {LeB en he-
breu). Le coeur est done, dans la Torah, la
voie a suivre pour retourner a Dieu. En
effet, le debut du mot « c<x\\\ILeB » (la let
tre Lamed) est situe a la fin de la Torah,
alors que la fin de ce mot (la lettre Beth)
est placee au debut de la Torah. Ainsi,
rhomme peut retourner a V Unite divine
en suivant les injonctions de son coeur.
II est surprenant egalement de constater
que la guematrie du mot «cceur» donne
32 (30 pour Lamed + 2 pour Beth), soit
les 32 sentiers de la sagesse. Ceci evoque
La voie christique (D'apr ts une planche extraite de I'ouvrage « Symboles secrets
des Rosicruciens des XVIe et XVIIe siecles »)
egalement le chapitre 32 de la Genese,
contenant le combat de Jacob avec Dieu.
Dans cette scene, Jacob traverse le fleuve
Yaboc ; en fait, il traverse son propre
nom. En effet, la temoura de « Yaboc »
donne Yacob (Jacob). Apres avoir com-
baltu avec l ange, il devient « Israel ». La
Notarika sur la fin des mots « Yacob » et
« Israel » nous donne la encore BaL (et
LeB dans I’autre sens). Le verset 27 duchapitre 32, « in as lutte avec Dieu et tti
as ete vailiqueur », peut alors etre inter-
prete par : «• in as combattu la rigueur du
BaL. le commandement de Dieu, et tu as
vaincu par LeB, le cceur ». Ce passage
montre ainsi un face-a-face : un nom face
a un autre nom, un homme face a Dieu, lc
debut de la Torah face a la fin.
Enfin, precisons que le coeur est au cen
tre meme de la Kabbale. En effet, le mot
c/abalah s’ecrit QBLH (Qof. Beth.
Lamed, He), et contient en son centre les
lettres Lamed et Beth, qui formcnt le mot
LeB (coeur), integre au centre, mais a
l’envers. On comprend alors mieux la citation suivante, extraite du Traite Brakhot
17a : «•II importe pen que ce que I on fait
soit grand ou petit, pourvu que I'on di
rige son cceur vers le de l ».
m t ^ no
Tetragramme, Nom sacr4 de Dieu dans la tradition jud£o-chr£tienne
K a b b a l e et M a r t i n i s m e
Tout comme la Kabbale, le Martinisme
est une voie cardiaque, une voie de reali
sation spirituelle menant a la connais-
sance de soi et du monde divin. On
retrouve dans 1’enseignement kabbalis
tique plusieurs notions martinistes,
comme la reintegration de 1'humanite (le
tikkoun ou la restauration de Y ordre ori-
ginel), la reincarnation (le gilgoul ou la
transmigration des ames), V union divine
(la kawanah ou le retournement vers
Dieu), la quete d'illumination (la deve-
quth ou la contemplation), etc.
La Tradition martiniste rapporte que tous
les etres humains represented les cellules
d'un meme corps, celui de 1'humanite,
chacun ayant neanmoins son autonomic et
son individuality propres. Cette evidence
est la cle de la fraternite, car elle implique
que l'individu ne peut s'elever sans eleva
tion parallele de la collectivite. Un chemin
etroit et ardu, mais pur el lumineux. peut
conduire vers cet ideal: c'est le chemin du
juste milieu, qui dessille les yeux et I'es-
prit. et conduit a la serenite et au respect de
I’autre. Pour y parvenir. il faut equilibrer
les oppositions de la vie. symbolisees parles piliers de 1'initiation, afin de mieux ap-
prehender l'unite omnipresente, en haul
comme en bas, dans le macrocosme
comme dans le microcosme.
II y a de nombreuses definitions pour le
mot « unite ». L'une d'elles est « harmo-
nie ». C'est celle a laquelle doit tendre
tout Martiniste. II est possible de trouver
de nombreux symboles de l'unite dans la
nature, oil tout animal, vegetal et mineral
depend des autres et ne peut vivre qu'en
harmonic avec les autres, formant ainsi
un ecosysteme. Que I'un des maillons de
cette chaine naturelle soit brise, et c'est
tout le systeme qui en patit. De l'unite
nait la multiplicity, elle-meme destince a
reintegrer l'unite. Ainsi, dans la Kabbale,
l'arbrc des 10 sephiroth, ou arbrc sephi-
rotique, comporte a son sommet une se-
phira unique, appelec Kether ou
Couronne. C'est de Kether que naissent
les sephiroth Hokmah ct Binah, puis
toutes les autres le long des trois piliers
(Rigueur, Misericorde et Equilibre), pour
arriver finalement au niveau le plus bas.
oil I'on retrouve la encore une sephira
unique : Malkuth. Ccs deux sephiroth.
Kether tout en haut. et Malkuth tout enbas, sont toutes deux placees sur le pilier
central, la voie du milieu ou pilier de
l'equilibre. qui harmonise les oppositions
de la vie. Or. la lettre hebraique associee
a l'equilibre et a l'harmonie, mais aussi
au souffle ct a la vie, est la lettre Aleph.
Elle correspond justement au chiffre 1. a
l'unite.
Dans le meme ordre d'idee, la Kabbale
demande a 1'homme de pratiquer 613
commandements, lesquels correspondent
a diverses lois et conduites a suivre pour
devenir un tsaddik , un juste. Or, si Ton
fait 1'addition theosophique de 613, nous
arrivons a 6 + 1 + 3 = 10, ce qui nousconduit au chiffre 1. De meme, si on as-
socie chacune des 22 lettres hebraiques a
un nombre par la guematrie, et si I'on fait
la somme des valeurs numeriques des
304 845 lettres composant la Torah, on
arrive au resultat extraordinaire de 1 ! As-
surement. tout nous ramene a l'unite...
C'est par sa conduite juste et son service
desinteresse que I'homme pourra arriver
a la plenitude de 1'Unite. afin d'atteindre
son but ultime : reintegrer la Divinite.
Pour cela. il doit s’efforcer de devenir un
mail Ion de la chaine qui contribuera peut-
etre a ramener un jour 1'humanite vers
son etat glorieux d'origine. Tel etait le butdes Kabbalistes ; tel est le but des Marti
nistes.
Huguette Ijifort
••
3
La voie du coeur
f e v r i e r - m a r s 2 0 1 0 31
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LE M A R T I N I S M E
explique qu'il compte parrni ses mem
bres des personnes ayant des opinions di-
vergentes, voire opposees, dans ce
domaine.
Vous etes egalement le Responsable
mondial de I'Ancien et Mystique
Ordre de la Rose-Croix.Pourquoi cette double fonction ?
Parce que c'est l'A.M.O.R.C. qui par-
raine I'O.M.T. depuis le debut du X XC
siecle, et que 90 % des Martinistes sont
Rosicruciens. Tous les Grands Maitres de
l'A.M.O.R.C. sont d'ailleurs eux aussi
Grands Maitres de I'O.M.T. En assumant
la responsabilite conjointe de ces deux
Ordres freres, cela permet de mener leurs
activites respectives en parfaite harmo
nic.
T* I ’T t O X * L A % •! S ?
Cir t i f xc t t f r a Init iator
H w i>1 * tfMfftPi frnvsrf. ~+4 h i w v h
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y-Ul.THl.TlIJl. 1■£*’•?/& + -• iljj-OtW£xtai '' I
4
Certificat d'initiotion de Christian Bernard ,en font que Sou\/erain Grand M aitre de
I'O.M.T.
Et com bien de Rosicruciens sont-ils Martinistes ? Environ 20 %. Cela s'explique par le fait
que tous les Rosicruciens ne s’interessent
pas necessairement a l'esoterisme judeo-
chretien.
Quelle difference y a-t-il entre le Martinisme e t le Rosicrucianisme ?
Comme je l'ai rappele. l'enseignementmartiniste a une connotation judeo-chre-
tienne, ce qui ne veut pas dire pour au-
tant qu'il ait un caractere religieux.
L'enseignement rosicrucien, de son cote,
est plus large et plus universel, en ce sens
qu'il se rattache a la Tradition primor-
diale et transcende toutes les religions
existantes et ayant existe. Pour prendre
une image, I'Ordre de la Rose-Croix est
un arbre dont I'Ordre Martiniste Tradi
tionnel est une branche.
Et y a-t-il un lien entre le Martinism e et la Franc-Magonnerie ?
Je ne suis pas Franc-Ma^on. mais d*apres
ce que je sais, certains rituels magon-
niques sont ties proches des rituels mar
tinistes. Cela s'explique notamment par
le fait que Martines de Pasqually, initia-
teur de Louis-Claude de Saint-Martin.
appartenait a la Franc-Magonnerie.
En dehors des reunions tenues dans les Heptades e t les Ateliers, les Martiniste s ont-ils la possibility de se rencontrer ? Oui. L'O.M.T. organise regulierement des
Convents qui se tiennent sur un plan re
gional. national ou international, permet-
tant ainsi a des Martinistes venus de
divers horizons de se rencontrer et de tra
vailler ensemble. Vu sous cet angle, il
s'agit d'une Fraternite authentique.
En une phrase, comment defmiriez- vous I'ideal martiniste ? C'est un ideal de Chevalerie spirituelle.
fonde sur la volonte de cultiver en soi la
sagesse, en vue de rendre le monde meil-
leur.
En tant que Souverain Grand M aitre
de I'O.M.T., quel regard portez-vous sur le monde actuel ?
Le meme que celui que je porte en tant
que Responsable de l'A.M.O.R.C. Pour
etre plus precis, je pense que l'humanite
s'est atheisee ct qu'elle risque de perdreson ame dans sa course effrenee au ma-
terialisme. II faudrait qu'elle renoue avec
une spiritualite authentique, e'est-a-dire
non religieuse. fondee sur le ternaire eso
terique Homme-Nature-Dieu, tel que les
Martinistes, les Rose-Croix et autres
Mystiques Le conqoivent.
Quelle est done leur conception de Dieu ?
Ils voient en Lui PIntelligence, la
Conscience, PEnergie. la Force - peu im-
porte le terme - qui est a 1'origine de la
Creation et qui Se manifeste a travers elle
selon des lois impersonnelles, immuableset parfaites. En fait, c'est dans I'etude et
le respect de ces lois que reside le bon-
heur auquel tous les hommes aspirent.
Mais encore faut-il qu'ils en aient
conscience et qu'ils agissent en conse
quence...
CC [ Christian BERNARDO Souverain Grand Maitre
Sceau du Souverain Grand Maitre
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FEVRIER - MARS 2010 33
O
M
l
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DOSSIER__________________
L'enseignement martiniste
Une Heptade ma rtiniste de nos jours
L’enseignement martiniste est trans-
mis a la lois par ecrit. sous forme
de manuscrits, et oralement, lors
des reunions tenues dans les Heptades et
les Ateliers de I’O.M.T.
Precisons que c ’est la forme orale qui est
la plus con forme a la Tradition marti
niste, car elle s’ inscrit dans un processusinitiatique remontant a Louis-Claude de
.Saint-Martin. Parmi les sujets traites, ci-
tons, entre autres :
Le Grand Architecte de 1’Uni vers
L’Adam Kadmon
La Chute de I’Homme
Les origines de la Creation
Le Temple universel
Le Temple de Salomon
La Sophia
La science des nombres
Les arcanes de la Kabbale
L’Ancien Testament
Le Nouveau Testament
Les Evangiles apocryphes
Le Livre de la Nature
Le Livre de I’Homme
La mission du Christ
Les cycles de l’humanite
Le monde invisible
Les anges
La symbolique celesteL’alchimie des reves
La priere
La reintegration des etres, etc.
Dans leurs travaux, les Martinistes n’em-
ploient ni theurgie ni magie, car ils se
conforment a I’ideal du Philosophe In
connu : « Conduire I ’esprit de l'homme
par une voie nature lie aux choses surna-
turelles qui lui appartiennent de droit,
mais dont il a perdu totalement Tidee,
soit par sa degradation, soit par I 'ins
truction fausse de ses instituteurs ».
34 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
Le Temple de SalomonLe Temple de Salomon, dans ses aspects historique et symbolique, est une reference
commune aux Martinistes et aux Francs-Magons. son etude fait partie de I'enseignement de I'Ordre Martiniste Traditionnel. Pour I'illustrer, void un extrait de ce qui est dit a son sujet
dans I'un des manuscrits qui lui sont consacres.
Comme le rapporte la Bible au pre
mier « Livre des Rois » (chap. 5 a
9) ct au second « Livre des Cbro
il iques » (chap. 3 et 4), le Temple de Je
rusalem fut construit par le roi Salomon
vers 960 avant I'ere chretienne. D'apres
la tradition juive. il fut edifie sur le mont
Moriah, a I'endroit meme ou Abraham
etait sur le point d’offrir son fils Isaac en
holocauste. Ce Temple etait considere par
les Hebreux comme la dcmeure de Dieu
sur Terre. II ahritait Y Arche d'Alliance,dans laquelle reposaient les Tables de la
*
Loi que Moi'se avait revues de rEternel,
sur le mont Sinai.
Pendant l'Exode, c’est-a-dire pendant le
peri pie qui raena le peuple hebreu
jusqu'en Israel, la Terre Promise. 1’Arche
sacree reposait dans le Tabernacle. Celui-
ci consistait alors en un temple demonta-
ble erige a 1'aide de tentes faites de
peaux, que Ton depla<;ait au rythme des
peregrinations. Lorsque David s’cm para
de Jerusalem, il y fit amencr I’Arche
d'Alliance et projeta de construire un
Temple permanent, digne de Dieu. Mais
rEternel rejeta ce projet, carce roi avaitfait couler trop de sang. Ce fut done son
fils, Salomon, qui avec 1'aide d’Hiram,
roi de Tyr. eut le privilege de mener a
bien cette construction.
D escription
Conlbrmement aux prescriptions donnees
par Dieu Lui-meme, le Temple de Salo
mon fut bati en pierres non taillecs, et
aucun outil de metal ne fut employe pour
sa construction. II s’apparentait a un bati-
ment rectansulaire de soixante coudees de
long et vingt de large, e'est-a-dire d'envi-
ron trente metres sur dix. Sa hauteur etait
de trente coudees, soit environ quinze me
tres. 11comportait trois parties distinctes.
D'abord le « Oidani » ou « Vestibule », en-
suite le « Hekal » ou « Saint », et enfin le
«•Debir » ou «•Saint des Saints ». Cet edi
fice etait de loin le plus imposant de toute
la ville de Jerusalem.
Chaque partie du Temple de Salomon
etait agencee d'une fa^on particuliere. Le
Vestibule comportait un vaste bassin de
bronze, la « Mer d'Airain », destine aux
purifications corporelles. II etait aussi
dote d'un « Alltel des Holocaustes », sur
lequel on sacrifiait des animaux. On ac-
cedait a la partie suivante du Temple, leSaint, par un double portail en bois de cy
pres et d’olivier, decore de cherubins et
de palmes. De chaque cote de ce portail
se dressaient deux colonnes de bronze.
La reconstruction du second Temple. Extra it de «Suburbia elus sicut temp ore christi floruit» ,de Christian van Adrichom (1533-1585)
Celle de droite etait appelee « Yakhin » et
celle de gauche « Boaz ».
Dans le Saint lui-meme se trouvait
Y« Autel des Ha rfit ms », encadre d'un
cote par la <•<■Table des douze pains de
proposition », et de Fautre par un «
Chandelier a sept branches ». Selon le «•
Livre des Rois », le Saint etait separe du
Saint des Saints par des vantaux de bois.
Cependant, le « Livre des Chroniques »
indique que les deux pieces etaient deli-
mitees par une tenture pourpre, brodee de
cherubins.
Derriere les vantaux ou la tenture qui
donnait acces au Saint des Saints se trou
vait Y« Arche d'Alliance ». Elle avait
I'apparence d'un coffre dont le couvercle
etait orne de deux cherubins aux ailes de-
ployees. Elle etait sacree pour les He
breux, car ils consideraient que Yahve y
demeurait reellement. Seul le Grand Pre-
tre pouvait entrer dans cette partie du
Temple. II y penetrait une fois l'an. pour
prononcer le Nom divin et y venerer
TEternel. Mais avant de le faire, il devait
prendre soin de s'y preparer par des pu
rifications corporelles et spirituelles. En
cas d'impurete, il risquait en effet la
mort.
Le Temple de Jerusalem etait un edifice
magnifique construit avec les materiaux
les plus nobles, tel le bois de cedre et decypres. II etait recouvert d'or fin en de
nombreux endroits. Pendant le regne de
Salomon, il etait le cccur du culte israe-
lite, mais cette predominance fut remise
en cause peu de temps apres sa mort. En
effet. son fils Roboam. qui lui succeda en
931 avant 1'ere chretienne, avait un ca-
ractere impulsif, et son arrogance en-
t rain a la separation des douze tribus
d'Israel. Durant cette periode de division,
d'autres lieux de culte. comme Bethel ou
Dan. concurrencerent le Temple de Jeru
salem. On y raviva le culte du Veau d'or
et les anciens rites y etaient meles a celui
de Yahve.
Le royaume d'Israel resta longtemps di
vise. Cinq annees a peine apres le debut
du regne de Roboam. le pharaon Che-
chanq profita de la situation p<^)ur s'em-
parer de Jerusalem et pilier le Temple.
Mais le coup fatal fut porte par les Baby-
loniens. En 605 avant Jesus-Christ, Na-
buchodonosor, roi de Babylone, lan<;a
une expedition contre Jerusalem. En 601,
le Temple fut saccage, les colonnes bri-
sees et une partie du mobilier emportee a
Babylone. ou de nombreux Juifs lurent
deportes quelques annees plus lard. Puis
en 586, Nabuchodonosor detruisit totale-
ment le Temple. On rapporte cependant
que peu de temps avant ce drame, le pro-
phete Jeremie cacha I'Arche d'Alliance
dans une caverne dont il seel la I'entrec.
Alors qu'il etait parmi les exiles a Baby
lone, le prophete Ezechiel, qui avait pre-
dit la destruction du Temple, en revela lacause : Dieu avait voulu punirson peuple
devenu idolatre et infidele. Mais le pro
phete avait annonce aussi qu'un nouveau
Temple serait construit un jour a Jerusa-
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DOSSIER
lera ct qu'il aurait la forme d'un carre
(Ezechiel, ch. 40-48). Effectivement, la
Bible rapporte que Cyrus, roi de Perse, se
rendit maitre de Babylone en 539 avant
notre ere. Souverain ambitieux mais to
lerant, il rendit aux Juifs leur liberte et
leurs biens spolies par les Babyloniens.
Ainsi, apres avoir ete exile pendant
soixante-dix ans, le peuple d'Israel revint
a Jerusalem et, sous I'impulsion de Zo-robabel, entreprit de batir un nouveau
Temple. Mais les conditions avaient
change ; la paix et 1'allegresse ne re-
gnaient plus dans la Ville sainte comme
jadis a l'epoque de Salomon. Ce
deuxieme Temple fut done construit dans
I'agitation. Confrontes a de multiples
dangers, les ouvriers etaient plus occupes
a se defendre qu'a construire.
C o n s tr uc t i o n
Alois que les materiaux du premier Tem
ple avaient ete tires des contrees les plus
riches et assembles sans aucun outil en
metal, il n'en fut pas de meme pour le second Temple. Les ouvriers furent obliges
de creuser le sol pour extraire les debris
de 1'ancien edifice, et le batiment qu'ils
parvinrent peniblement a eriger etait tres
imparfait. Sa construction s'acheva la
sixieme annee du regne de Darius, vers
515 avant Jesus- Christ. Bati sur le meme
plan que le precedent, il etait de dimen
sions plus modestes, et le Saint des Saints
etait vide, car 1'Arche d'AUiance avait
disparu. Beaucoup plus tard, lorsque la
Judee passa sous la domination romaine,
Herode decida de lui rendre son prestige
d'antan. Flavius Josephe rapporte que dix
mille hommes furent employes a cette
fin. Le Temple de Jerusalem retrouva
alors une partie de sa splendeur. Cepen
dant, le peuple hebreu n'avait plus la
meme ferveur qu'autrefois. A ce sujet.chacun sait que Jesus chassa les mar-
chands hors du Temple en leur disant :
« 11est ecrit : "Ma maison chit etre une
maison de priere". Mais vous, vous en
faites un repaire de brigands » (Mt 21,
12-13). Bien des annees apres la mort du
Christ, les Juifs de Palestine se revolte-
rent contre Rome. En I'an 70, Titus mit
un terme a cette rebellion. II fit detruire
Jerusalem et le Temple fut incendie. De-
puis cette epoque, seul le soubassement
de la muraille occidentale subsiste ; c'est
le fameux « Mur des Lamentations ».
Apres avoir evoque les grandes etapesayant marque la vie du Temple de Jeru
salem, voyons maintcnant comment la
Tradition martiniste les interprete. Jean-
Baptiste Willermoz insiste sur le fait que
ces etapes ne doivent rien au hasard, car
el les sont en correspondance avec la
Creation et avec l'homme lui-meme.
Ainsi, la construction du premier Temple
represente I'emanation du premier
Homme. Pour s'en convaincre, il suffit de
noter qu'il fut edifie sans outil de metal,
a 1'instar du corps primitif d'Adam. qui
fut cree sans operation materielle. Par ail-
Ieurs. comme vous l'avez appris dans le
degre Associe, la Creation, appelee aussi« Temple Universel », comporte trois par
ties : Le Monde terrestre, 1’Immensite ce
leste et lTmmensite surceleste. Or,
chacune d'elles correspond a une partie
du Temple de Salomon : le Monde ter-
5O
restre au Vestibule ; 1'Immensite celeste
au Saint, et 1'Immensite surceleste au
Saint des Saints.
Tout comme le Vestibule est 1'endroit oil
I'on offre des sacrifices, le Monde ter
restre est le lieu oil I'on doit se purifier
pour s'elever vers des plans de
conscience superieurs. Par ailleurs, tout
comme le Saint comporte un chandelier a
sept branches, 1'Immensite celeste est
marquee par le septenaire et correspond
aux sept planetes traditionnelles. Ajou-
tons qu'elle est le monde de la Reconci
liation auquel accedent ceux qui selivrent a un veritable travail spirituel. ce
travail etant symbolise par l'Autel des
Parfums. Quant a la troisieme partie du
Temple, le Saint des Saints, elle corres
pond a 1'Immensite surceleste, laquelle
est la partie mediatrice entre 1'Immensite
divine et le reste de la Creation univer-
selle. C'est pourquoi on y trouve I'Arche
d'AUiance.
Sy m b o l i s m e
Les trois parties du Temple de Salomon
sont egalement en relation avec les trois
parties de l’homme, a savoir, nous le rap-pelons, I’abdomen, la poitrine et la tete.
L*abdomen correspond au Vestibule du
Temple de I'Homme, le lieu des sacri
fices et des purifications qui lui sont ne-
cessaires pour parvenir a maitriser sa
nature corporelle. La poitrine est associee
au Saint du Temple de I’Homme, la oil se
trouve l'Autel sur lequel il doit offrir quo-
tidiennement des parfums a la Divinite,
c‘est-a-dire des prieres. C'est grace a ce
travail spirituel qu'il peut allumer pro-
gressivement les sept luminaires du
Chandelier, qui symbolisent les sept ni-
veaux spirituels conduisant a la chambre
superieure de son Sanctuaire interieur.Enfin, la tete correspond au Saint des
Saints, car c'est par la pensee que
l'homme peut. apres avoir sanctifie son
cceur, communier avec la Lumiere divine.
II faut noter egalement que le nombre 6
marque la construction du Temple de Sa
lomon. En effet. il fut bati en six annees,
et c'est au cours de la septieme que
1'Arche d’AUiance fut placee dans le
Saint des Saints, a la Gloire de Yahve. Or.
comme cela est indique dans la Genese.
le processus de la Creation s'echelonna
sur six Jours, au terme desquels elle fut
sanctifiee. Selon la Bible, l'homme lui-
meme fut cree le sixieme Jour. Par ail
leurs, Martines de Pasqually considere
que le Temple de Salomon symbolise
l'homme avant la Chute, lorsqu'il posse-
dait un corps glorieux et vivait en pre
sence de Dieu. Par sa desobeissance, il
perdit ce corps glorieux, ce premier Tem
ple dans lequel residait 1'Esprit divin. la
veritable Arche d'AUiance en lui. C'est
alors qu'il fut revetu d'un corps de ma-
tiere, d'un second Temple qu'il doit
maintenir en etat par ses propres efforts,
avec toutes les epreuves et tous les sacri
fices qui en resultent.
Pour les raisons qui vous ont ete expli-
quees dans ce manuscrit, le Temple de
Salomon est un symbole fondamental
dans la tradition judeo-chretienne. Pour
Louis-Claude de Saint-Martin, il symbo
lise en effet le cheminement de l'homme
depuis ses origines et represente sur Terre
le Temple universel, a propos duquel il
dit dans son livre le « Tableau NatureI » :
« C'etait lui peindre sa destinee sous des
couleurs vives, que de lui representer
I' Uni vers comme un grand temple, dont
les as tres sont les flambeaux, dont la
Terre est I ’autel, dont tous les etres cor-
porels sont les holocaustes et dont
l'homme est le sacrificateur. IJar la, il pouvait recouvrer des idees profondes
sur la grandeur de son premier etat qui
ne I'appelait d rien moins qu'a etre le
pretre de TEternel, dans TUnivers ».
Le Temple de Jerusalem , reconstruction d’apres de s documents d'archives
36 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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DOSSIER
moire illimitee ou tout est grave de ma
niere indelebile. C'est un depot de toute
1'experience humaine ancestrale, accu-
mulee depuis des millions d'annees.
Enfin, c'est aussi notre centre spirituel,
le centre de la veritable intelligence, du
pouvoir et de la sagesse. II est par-dessus
tout notre meilleur serviteur. Mais com
ment 1'inconscient est-il structure pour
avoir autant d'attributs ?
L'inconscient est constitue de « couches »
ties vastes qui s’ interpenetrent les unes
les autres. L'une. denommee « incons-
cient personnel », renferme notre histoire
individuelle. nos experiences vecues, nos
complexes pathologiques et nos refoule
ments. L’autre appelee « inconscient col
lect if» , contient les experiences
emotionnelles de toute l'humanite, ainsi
que les pulsions instinctives et animales
remontant a des millions d'annees. On la
designe sous le nom d'« inconscient col-
lectif »% parce qu'il a des contenus et des
modes de comportement qui sont lesmemes partout, et chez tous les individus.
C'est le reservoir des grands mythes. des
contes, des rites, etc. C'est de la que jail-
lissent les symboles universels portant le
nom generique d'« archetypes ». De
toutes ces couches, seul l'inconscient
personnel est susceptible de reveler des
maladies, notammcnt des nevroses.
L es a r c h e t y p e s
Comme on vient de le souligner, les ar
chetypes, en tant que contenus de 1'inconscient collectif, sont des depots ou
une accumulation de tout ce que I'huma-
nile a vecu, en remontant jusqu'a ses plus
obscurs commencements. II ne s'agit ni
d'un depot mort, ni d'un champ de
mines, mais d'un systeme de reactions et
de disponibilites qui determinent la vie
individuelle par des voies invisibles. Ce
sont done des types ties anciens ou.
mieux encore, originels, e'est-a-dire des
images universelles presentes depuis tou
jours.
Jung a identifie de nombreux archetypes
situes dans un champ independant du
temps et de l'espace. Parmi ceux-ci, il adesigne l'archetype qui influence le rap
port de notre moi avec le monde exte-
rieur. sous le nom de « Persona »,
e'est-a-dire le « masque » que nous lais-
sons apparaTtre de nous-memes. Pour lui
« la Persona est ce que quelqu 'un n 'est
pas en realite. mais ce que lui-meme et
les autres pensent de lui ». Elle n'est
qu'une realite secondaire liee au fait que
nous avons un nom. un titre, une charge
ou une fonction dans la vie. C'est tout
simplement notre ego. II parlera aussi de
l'archetype de V«Ombre ». Selon Jung.
« L'Ombre est la partie psychique de
nous-memes qui n'est pas dans la lu -
miere du conscient, parce qu 'elle est tom-
bee dans l'inconscient ». En psychologic
des profondeurs, 1'Ombre correspond a
1’aspect sombre et negatif de notre per-
sonnalite, e'est-a-dire a nos propres de-
fauts. Notre Ombre est aussi parfois ce
que nous n'aimons pas chez autrui, ce qui
chez lui genere de 1'hostilite et qui n'est
en realite que le reflet, la projection, de
ce que nous sommes nous-memes.
Jung a egalement cree les concepts
d'« Animus » et d'« Anima » pour desi
gner ce qui influence le rapport du moi
avec le monde interieur. L'Animus est la
personnification de la nature masculine
de l'inconscient de la femme, tandis que
1'Anima personnifie la nature feminine
de l'inconscient de l'homme. L'Anima
correspond a des qualites tel les que 1'in
tuition. Ia sensibilite, la receptivite, etc.,
alors que 1'Animus correspond a des qua
lites comme 1'autorite, la fermete, la ri-
gueur, la force. Enfin, selon Jung, tous
les archetypes ont en leur centre un ar
chetype de l'ordre et de la totalite de
l'homme, le Soi, e'est-a-dire le Moi
divin. le Maitre interieur, le Guide spiri-
tuel. Jung a ecrit a ce sujet : « Le Soi est
non settlement le centre, mais aussi le pe- rimetre qui inclut conscient et incons
cient ; il est le centre de cette totalite
comme le moi est le centre de la
conscience Le Soi est aussi le but de
la vie. car il esl I'expression la plus com
plete de ces combinaisons du destin que
I'on appelle un individu ».
A cette etape de notre expose, nous pou
vons faire deux observations impor-
tantes. La premiere concerne la structure
de notre conscience humaine qui, au lieu
de former un ensemble coherent, uni et
harmonieux, est au contraire composee
d'entites Ires distinctes. Jung parle d'une« scission de I ’ame qui engendre le mal
en nous, I ’angoisse, le gardien du seuil
qui nous empeche de retablir /’harmonic
entre ses differentes parties ». Le but du
processus d'individuation est precise-
ment de parvenir a 1'union harmonieuse
entre les differentes composantes de la
psyche et d'etre a 1'unisson avec soi-
meme. « Cette re-unification, nous dit
Jung, consecutive aux differentiations an-
terieures necessaires, procede par
conjonction d'opposes, oil I'unite est af-
firmee en meme temps que maintenue la
difference des elements ».
L a m e h u m a i n e
La deuxieme observation concerne la na
ture spirituelle double de l'homme. En
effet, celui-ci possede une Ame divine
parfaite, le Maitre interieur. qui a sa
source dans la Divinite elle-meme, et une
ame individuelle imparfaite. qui traduit
le degre d'expression que nous donnons
dans notre vie courante aux qualites de
1'Ame divine. Mais ces deux energies ne
sont pas vraiment distinctes : elles s'in-
terpenetrent sur le plan vibratoire, et sont
indissociables. L'ame individuelle, le dis-A
ciple, evolue done au contact de l'Ame
divine, le Maitre. celle-ci infusant de plus
en plus de sa Sagesse a la premiere par
suite de 1'assimilation, par 1' individu, des
legons de la vie et de la transmutation de
ses defauts en leurs qualites opposees.
C'est pourquoi les anciens alchimistes,
explorateurs de la nature profonde de
l'homme, parlant en symboles ou en nie-
taphores, disaient que « Les excrements
ou le fum ier sont la matiere premiere a
partir de laquelle on pent fabriquer le
metal incorruptible ou or ». Le metal in
corruptible est l'ensemble des vertus spi-
rituelles de l'ame. C'est pourquoi ils
disaient aussi : « Ce qu'il y a de plus
eleve en ce monde est a rechercher dans
ce qu 'il v a de plus bas ». Ainsi, lorsque
s’est produite la conquete de 1'Ombre et
la prise de conscience de 1'Animus ou de
1'Anima, le Soi surgit. d'une certaine ma
niere, dans le reve, sous forme symbo-
lique. C'est ce qui constitue I'un des
aspects fondamentaux du processus d'in
dividuation preconise par Jung, et que
nous allons aborder maintenant de ma
niere synthetique.
Tout le processus d'individuation peut se
resumer en une loi qui est a I'oeuvre dans
l’univers, dans la nature et dans l'homme
lui-meme. Les anciens alchimistesavaient coutume de le caracteriser en
trois mots : <•<mourir pour renaitre ». En
effet, le destin auquel est convie tout etre
humain qui se soumet au processus d'in-
C. G. Jung - par K arst d'Ottawa (CameraPress Londres)
38 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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LE M A R T I N I S M E
dividuation est celui de I'oiseau my-
thique : le Phenix. Selon la legende,
quand ce dernier sent ses forces le trahir,
il se prepare un bucher, se pose dessus, y
met le feu et se consume. Au milieu de
ses cendres, on voit apparaitre, au bout
d'un certain temps, un ver qui est le
serme du Phenix renouvele. Le Phenix
s'embrase done au feu de I'immortalite
pour se regenerer. Le paradoxe residedans le fait que ce qui le fait mourir est
aussi ce qui le fait revivre, a I'image de la
crucifixion de Jesus sur la Croix, pour les
Chretiens. De meme, nous devons, non
pas tuer le « vieux mi », notre ego, mais
le transmuter, et faire germer a sa place
les vertus spirituelles de l'Ame parfaite
en nous.
T rois e ta p e s
Selon Jung, le processus d'individuation
comprend trois etapes essentielles : 1'ana
lyse, la confrontation avec 1'Ombre, et la
confrontation avec 1' Anima ou V Animus.
Uanalyse est ce qu'il appelle « la grande psychothempie » menant a la realisation
du Soi. Elle est « I'action de delier, de
dissoudre la conscience en ses differents
elements constitutes ». C'est aussi le pre
mier grand arcane de la psychologic des
profondeurs, que Jung nomme « la dis
solution de la conscience » ou la reduc
tion du sujet en la Materia Prima. II
compare cette etape a la premiere grande
operation alchimique appelee « Putre
faction » ou « Nig redo ». Jung est venu a
l'alchimie alors qu'il etait deja bien
avance dans son experience interieure.
Cela lui a permis de rapprocher, sans les
confondre, les deux langages : celui de
l'alchimie et celui de la psychologic mo-
derne.
La deuxieme etape. celle de la confron
tation avec 1'Ombre, la partie cachee de
notre inconscient, est le trait distinctif de
la psychologic des profondeurs. Ce stade
de I'oeuvre correspond d'abord a la prise
en consideration de nos defauts, puis a
leur transmutation en leurs vertus oppo-
sees. C'est done 1'etape de la Purifica
tion, dont les grands psychologues
connaissaient 1'importance et qu'ils nom-
maient la « voie purgative ». Dans la ter-
minologie de Jacob Boehme. inspiree de
la Kabbale. c'est «l a colere de Dieu op-
posee a Son oeuvre ». Cette phase s?ac-
compagne de conflits provoques par la
mise en presence des opposes, que Jung
appelle la « collision des devoirs ». En
effet, I'individu parvenu a cette etape fait
face a des litiges qu'il doit trancher seul,
sans reference, et s'expose aux critiques
de ceux qui I'observent sans soupgonner
son drame interieur. « La collision des
devoirs , dit Jung, est la pierre de touche
de I'individuation ». C'est par ce moyen
que s'opere le passage a un degre supe-
rieur de conscience, la naissance du Soi.
La confrontation avec 1'Anima, troisiemeetape du processus d'individuation, a
pour equivalent chez la femme le dia
logue avec 1'Animus. Pour Jung, la ren
contre avec l'archetype de 1'Anima est
une phase capitale de revolution spiri
tuelle. « Si, dit-il, I'explication avec
I'Ombre est I'a'uvre de I'apprenti et du
compagnon, I'explication avec I'Anima
est !'<i'uvre du Maitre ». En effet. la rela
tion avec I'Anima est une veritable
epreuve du feu et du courage pour les
forces spirituelles et morales de
l'homme ; car affronter 1'inconscient.
c'est en quelque sorte « prendre la liter et exposer sa barque aux tern petes ».
Dans la vision de 1'Hermetisme. cela cor
respond aux « Noces chymiques » ; polit
ies alchimistes, c'est 1'union du Soufre et
du Mercure, derniere etape du Grand
CEuvre.
Le processus d'individuation, tel que de-
crit par Jung a partir de son experience
personnel le, est done un processus mys
tique, puisqu'il debouche sur l'expe-
rience de fusion intime avec le Divin en
nous. Comme telle. 1'individuation est
necessairement un processus spirituel
long et eprouvant, car le centre de l'Ame
humaine est un « mystere indicible ». Ace propos, nous pouvons nous souvenir
de 1'episode allegorique de la Bible,
lorsque, sur le mont Sinai, Moise de-
manda a I'Eternel de lui manifester Sa
gloire. Dieu lui repondit : « Nul ne pent
me voir et vivre ». Moise ne fut admis a
contempler que la trace de Dieu. Son re
flet ou Son image, depuis le creux d'un
rocher. C'est la raison pour laquelle Jung
declare ne vouloir se borner qu'a decrire
et a interpreter les images ou symboles
par lesquels le Soi apparait dans la
conscience, et principalement dans les
reves. C'est ce qu'il appelle la « voie lut-
mide », par opposition a la voie dite
« seche » ou « obscure », sans images, de
certains anciens alchimistes qui se met-
taient directement aux prises avec les ex
plosions provoquees par le feu intense
dans le fourneau appele « athonor », ici
le corps humain.
L es r e v e s
Dans la pratique, le processus d'indivi
duation s'appuie sur 1'interpretation des
symboles reveles par les reves. II com
prend essentiellement deux volets : I'un
theorique et I'autre pratique. Le volet
theorique est constitue par la lecture et le
commentaire des livres anciens, 1'inter
pretation de leurs maximes et de leurs
images archetypiques. C'est pourquoi
Jung a souvent insiste pour que les psy
chologues « aient une culture mytholo-
gique et religieuse etendue » ; nous
pouvons ajouter hermetique, car cette
culture est la base de la comprehension
du sens de certains reves. En effet, pour
Jung, un reve est une production natu-
rclle, au meme litre qu'un arbre ou une
flcur. Comme il se compose de symboles,
il offre un vaste champ a 1'interpretation.
Le symbole n'esl pas, pour Jung, une
simple allegoric ; il donne une image deI'inconscient a un moment determine.
Le volet pratique consiste a mediter sur
les symboles et les images fournis par les
songes et a les interpreter. L'ecole de
Jung preconise pour cela deux modes
d'interpretation des images oniriques :
I'amplification et I*imagination active.
Dans ce qui est appele « amplification »,
1'image rencontree dans un reve a en elle-
meme une place et une signification dans
l'ensemble de l'univers humain. Prenons
un exemple generalement cite a ce
propos : si je reve que je suis coupe enmorceaux et que je me limite a la
contemplalion de cette image, je risque
fort de ne retenir que son aspect sinistre
et tragique, etant alors situe sur le plan de
I'objet. Mais cette image peut symboli-
ser egalement un archetype. En effet, si
je me souviens du mythe d'Osiris, je sai-
sirai que cette mort peut etre une etape de
la transformation qui doit conduire a ma
resurrection, e'est-a-dire a ma renais
sance spirituelle ; ce faisant. je me situe
alors sur le plan du sujet. La plupart du
temps. les deux plans ne sont pas disso-
cies. II convient meme de les examinersuccessivement, car 1'exterieur est le re
flet de 1'interieur.
L 'i n d i v i d ua t i o n
En quoi consiste la methode de 1’imagi
nation active ? Elle a pour but de choisir,
a I'etat de veille. un fragment de reve ou
un phantasme, et a fixer librement son at
tention sur lui. Le sujet observe ainsi, en
temoin vigilant, le libre jeu des images
qui peuvent defiler sur l'ecran de sa
conscience, tout en exer^ant, s'il le faut,
des choix selon son inclination interieure.
II s'agit la d'une entreprise de longue ha-leine. Mais cela fait progressivement en
trer I'individu en contact avec des zones
de plus en plus profondes de son ume, et
avec les energies qui en emanent.
Cette etude sommaire du processus d'in
dividuation, loin de nous avoir emmenes
dans un univers inconnu. nous interpelle
sur deux points : le role dynamique de
1'inconscient dans notre vie. et 1'impor
tance que nous devons accorder a nos
reves. Mais comment tirer un enseigne-
ment de nos reves, sans recourir neces
sairement a toutes les techniques du
processus d*individuation qui ne nous
sont pas familieres ? Ce que nous devons
faire, c'est d'abord nous convaincre de
1'importance et du role des reves dans
notre vie ; puis chercher a nous en sou
venir aulant que possible et les noter dans
un cahier specialement destine a ce but ;
enfin, prendre, dans une ou plusieurs se
quences du reve, les images et les idees
qu'elles renferment, travailler sur elles,
chercher a comprendre la symbolique
qu'elles convoient, et ecrire ce qui nous
vient a I 'esprit par association d' idees.
Une fois le sens du reve compris, il faut
faire l'effort necessaire pour agir au quo-
tidien dans le sens du message qu'il ve-
hicule.
Jean Massengo
FEVRIER-MARS 2010 39
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
De la Genese au Prologue de Jean
L'article ci-dessous est extrait de la revue Pantacle, publication annuelle de I'Ordre Martiniste Traditionnel. Cette revue, consacree a I'esoterisme et a la spiritualite
occidentale, est destinee avant tout aux Martinistes, mais elle est accessible a toute personne interessee par les sujets traites.
La Genese presente deux recits de la
Creation qui different tant par leur
portee doctrinale que par leur style
litteraire. Le premier recit, celui des sept
jours de la Creation, appartient a la tradi
tion sacerdotale ; il a la forme d'un textc
destine a la proclamation liturgique. La
composition ordonnee est ponctuee de re
frains. C'est une veritable prose rythmec.
Des pieties de Jerusalem en auraient
commence la redaction avant l’exil a Ba
bylone, et la mise cn forme definitive da-
terait du retour d'exil.
Le second recit. oil « I'homme devint une
dme vivante », adopte une expression
plus humaine, plus narrative, voire poe-
tique. II appartient a la tradition yahviste,
denomination en relation avec I’emploi
du tetragramme dans 1‘expression IHVH
(yhawe) Elohim. C'est 1'apparition de
cette expression qui permet de situer la
transition entre les deux recits, au milieu
du verset 4 du chapitre 2. Le recit sacerdotal situe rhomme dans I’univers ; le
recit yahvistae presente un decor deser-
tique transforme par Dieu en un jardin
luxuriant. Dans le recit sacerdotal,
I'homme n’apparait qu'au terme de la
creation de 1'univers, alors que le recit
yahviste presente I'homme dans sa rela
tion avec les animaux. la femme et Dieu.
G e n e s e , p r e m i er r e c i t
d e la C reation (G en 1 - 2 , 4 a )
Nous n'aborderons que le premier recit,
le texte sacerdotal, qui est le plus riche du
point de vue symbolique. Ce recit de la
Creation est le premier de la Torah - ou
Pentateuque terme definissant les cinq
premiers livres de la Bible.
Ce texte etait certainement utilise pour la
liturgie et l'instruction, d'oii sa structure
qui facilite la memorisation. Le mouve-
ment est oriente vers la sacralisation du
septieme jour. ce qui nous permet de pen-
ser que ce texte etait destine a la celebra
tion d’une fete en l'honneurdu Createur.
A Babylone, une telle fete etait celcbrce
a l’equinoxe de printemps, en l'honneur
du dieu Marduk. Le poeme de la Crea
tion y etait lu le quatrieme jour.
Avant d'examiner le premier mot de la
Bible tysarb, arretons-nous sur sa pre
miere lettre : la lettre b (beith). C ’est la
seconde de 1'alphabet, associee au nom
bre « deux ». Symboliquement. elle nous
I
Saint-Jean sur I'ile de Patmos, p ar Berto d i Giovanni
indique l’entree dans la dualite. ce que
nous allons verifier. Beith est d'ailleurs
une lettre double, pouvant se prononcer
« V » si elle n'est pas accentuce, ou « B »
si elle comporte un accent appele da-
guesh. C'est ici le eas. Autrement dit, si
la lettre represente la dualite, ce point
d’accentuation place en son sein symbo
lise l'unite divine. La premiere lettre de la
Genese nous indique cicja que l'unite di
vine va se manifester dans 1’univers spa-
tio-temporel par la loi de dualite.
Si le premier mot tysarb commence par
la lettre b (beith). il se termine par la let
tre t (thaw), derniere lettre de 1'alphabet
hebreu. Symboliquement, « de h (beith)
a t (thaw ) » equivaut a notre expression
« de A a Z ». En effet. s'agissant du
monde cree. la lettre a (aleph), represcn-
tant Dieu, ne peut y etre incluse.
40 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • H O R S S E R I E n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
Cc premier mot est t radii it de differentes
fagons : « Au commencement, en tete... ».
Le mot hebreu signifie bien « commen
cement, debut » ou encore « principe ».
Ce que confirme la version grecque de la
Septante qui traduit par en arch, signi-
fiant « au commencement, a Vorigine, au
point de depart ».
La traduction rigoureuse, que Ton trouve
dans la version bilineue des editionsColbo, est : « Au commencement, Dieu
avait cree le del et la terre ». Cette tra-
Gravure de Ra phael Sadeler; repr^sentant Dieu au centre de la Creation
duction respecte scrupuleusement le sens
de 1* accompli.
En hebreu, il y a deux formes verbales
majeures: 1'accompli et l'inaccompli.
Cette phrase traduit un paradoxe : com
ment le ciel et la terre etaient-ils deja
crees. au commencement ? Nous allons
tenter de repondre a ce questionnement.
Certes, la terre etait creee, mais la terre
etait encore a l'etat chaotique. C'est le fa-
meux tohu (et) bohu (whbw wht), qui as-
socie les deux mots triliteres : wht et whb.
wht associe la lcttre t (thaw) aux lettres h
(he) et w (waw), qui sont deux lettres ap-
partenant au tetragramme divin.
whb associe la lettre b (beith) aux lettres
h (he) et w (waw). qui sont deux lettres
appartenant au tetragramme divin.
Nous retrouvons encore la deuxieme et la
derniere lettre de 1'alphabet hebreu. qui
sont ici sacralisees par la presence des
lettres du tetrasramme divin. Ce tohu-
bohu incluait done la totalite du monde
en devenir. Ces deux lettres forment le
mot tb (fille). La Creation n'est-elle pas
1' engendree, la fille ?
Un peu de guematrie va encore nous
eclairer : wht vaut 6, whb vaut 4, leur to
talite vaut 10. qui symbolise la totalite. se
reduisant a 1. le Tout.
« Les teneb res etaient a la surface de
I 'abime, et le souffle de Dieu plcmait stif
les faces des eau.x ». Les deux premiers
versets presentent l’etat primordial en
core inorganise de la materia prima:
chaos, tenebres, eaux primordiales... Le
souffle de Dieu represente l'Esprit qui al-
lait mettre en ccuvre 1'action cicatrice par
la puissance du Verbe : « Dieu d it : Que
la lumiere so it! ». Cette introduction du
premier chapitre de la Genese nous pre
sente les deux aspects du Divin dans le
monde manifeste : le passif et I'act if.
Nous comprenons mieux qu'au com
mencement. le ciel et la terre avaient deja
etc crees en substance, mais sans forme ;
crees certes, mais a l'etat chaotique. Tout
etait pret pour que commence l ’action or-
ganisatrice du Verbe, ou parole divine.
Les six jours des huit actions ci catrices
La Creation se deroule en six jours, le
septieme jour voit la consecration de
I'oeuvre achevee. En realite. nous obser-
vons huit actions cicatrices
. Creation de la lumiere et separation du
jour et de la nuit.
. Creation des cieux qui separent les eaux
d’en bas et les eaux d'en haut.
. Separation du sec et de 1'humide. de la
terre et de la mer,
. Creation des vegetaux,
. Creation des luminaires : soleil, lunc et
ctoiles,
. Peuplement des eaux et des cieux (pois-
sons et oiseaux),
. Peuplement de la terre,
. Creation de l'homme et attribution de la
nourriture.
Plus que des creations, les trois premieres
actions sont des separations le jour, de la
nuit - les eaux d'en haut, des eaux d'cn
bas - le sec, de 1’humide. Trois actions
qui manifestent 1’entree dans la dualite.
C'est cette entree dans la dualite qui per
met la manifestation de 1'univers spatio-temporel, par la mise en action de la loi
du triangle.
Le redacteur de la Genese tenait absolu-
ment a organiser la Creation suivant un
« Creation du ciel et de la terre, des arb res et herbes, des astres e t de tous les animaux », grav ure d e Je an Cousin, ex trai te de « F igures de la Bible »
L 'Im m e n s i t £ d i v i n e
« Avant le temps, Dieu emano des etres spiritue ls, pou r Sa propre gloire, dons son Immensite divine. Ces etres avaient a exercer un culte que la Divinite leur avait fixe par des lois, des preceptes e t des commandements eternels. Ils etaient done libres et distincts du Createur, et I'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel ils avaient ete emanes, sans detruire en eux la faculte, la propriete et la vertu spirituelle et
personnelle qui leur etaient necessaires pour operer avec precision dans les bornes ou ils devaient exercer leur puissance. C'etait positivement dans ces bornes ou ces
premiers e tres spiritue ls devaient rendre le culte pour lequel ils avaient ete emanes. Ces premiers etres ne pouvaient nier ni ignorer les conventions que le Createur avait
faites avec eux, en leur donnant des lois, des preceptes et des commandements, puisque c'etait sur ces conventions seules qu'etait fondee leur emanation ».Martines de Pasqually,
«Traite sur la reintegration des etres» (Diffusion Rosicrucienne)
FEVRIER - MARS 2010 41
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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DOSSIER
schema hebdomadaire. C'est ties habile-
merit qu'il repartit les huit actions cica
trices en six jours. Nous devons observer
une correspondance entre les trois pre
miers jours et les trois derniers jours. Au
premier jou r correspond le quatrieme. au
second jour correspond le cinquieme et
au troisieme jour correspond le sixieme.
C'est ce que nous allons detailler main-
tenant.Le premier jour. Dieu cree la lumiere.
Une lumiere bien mysterieuse, puisqu'il
ne peut s'agir de la lumiere visible. En
effet, le soleil, la lune et les etoiles ne
sont pas encore crees. Cette lumiere ne
peut done etre que 1'energie primordiale
a 1’origine de toute manifestation. La se
paration lumiere/tenebres peut s'inter
preter comme 1'introduction de la bipo-
larite. Ce jour n'est pas appele premier
jour, mais «jour un » ; ce qui est ties ju-
dicieux. Les nombres ordinaux ne peu-
vent s'utiliser qu’a partir de deux. Pour
qu'il y ait un premier, il faut au moins
deux participants. L'expression « jour
un » precise que ce premier acte est
unique, qu'il est la manifestation du Un,
mais du Un qui inclut leTout.Trois jours plus tard cette lumiere origi-
nelle va se densifier avec 1'apparition du
soleil. de la lune et des etoiles. La dualite
est encore soulignee par 1'astre du jour et
l'astre de la nuit. Cenergie primordiale
du premier jour se manifeste par la lu
miere visible, trois jours plus tard.
Le deuxieme jour voit la separation des
Le LIVRE DE L 'HOMME ET LE L IVRE DE LA NATURE
Dans leurs travaux, les Martinistes n'emploient ni theurgie ni magie, c ar ils se
conforment a l'id£al du Philosophe Inc onnu : « Conduire I'esprit de I'homme pa r une voie naturelle oux choses surnoturelles qui lui oppartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement I'idee, soit par sa degradation, soit par I'instruction fausse de ses instituteurs ». Pour cela, il est inutile d'accumuler un savoir intellec-tuel, car «ce n'est pas la tete qu'il faut se casser, mais le coeur». Dans son travail, leMartiniste utilise deux livres : le «Livre de la Nature» et le «Livre de rHomme». Lanature est « la vraie come d'abondance pour notre eta t actuel... Elle est en effet le
point de rall iement de toutes les vertus creees ... Ainsi, toutes ces ver tus divines, ordonnees par le grand principe pour cooperer a la rehabilitation des hommes, exis
tent toujours autour de nous ». Cela signifie que Dieu a seme dans la na ture lessymboles de Sa sagesse, afin que nous puissions la d£c ouvrir par nous-memes.Aussi constitue-t-elle pour I'lnitie un immense reservoir de connaissances.Le « Livre de I'Homme » es t egalement essentiel pour le Martinis te. Selon Saint-Martin, rhomme est le «seul livre ecrit de la main de Dieu» ; c'est en lui que setrouvent ecr ites toutes les lois de I'univers, car «toutes les verites importantes etfondamentales (existent) dans tous les hommes avant d'exister dans aucun livre».La Connaissance n'est done accessible que par I'introspection, e'est-a-dire par le re-
tournement vers le centre de I'etre, le cceur, a propos duquel le Philosophe Inconnunous d it : « il est I'organe et le lieu ou se rendent toutes nosfaculte s e t ou elles manife sted leur action ; et comme ces faculte s tiennent a tous les regnes qui nous constituent, soit le corporel, le spirituel et le d i v i n , l e coeur est le rendez-vous et I'expression continuelle de I'ame et de l'esprit». Ce retournement de I'etre vers son centre, cette contemplation interieure, correspond a la priere veritable, car elle «im- bibe notre ame de ce charme sacre, de ce magisme divin qui est la vie secrete de tous les etres ».
h 2r
*
N /
7T\V
>
V
Dieu et Adam, par M ichel Ange
Schema de la Creation, de Jacob Boehme
eaux d'en haut et des eaux d'en bas, par
la creation des cieux. En hebreu. les eaux
et les cieux n'existent qu’a la forme
duelle. une forme grammaticale qui s'ap-
plique a tout ce qui est double - en he
breu moderne, les lunettes qui ont deux
verres et les bicyclettes qui ont deuxroues. Trois jours plus tard le cinquieme
jour, le ciel et les eaux sont peuples par
les oiseaux et les poissons.
Le troisieme jour marque le regroupe-
ment des eaux qui permet l’emergence
des terres. Mais c'est aussi le jour de
1'apparition des vegetaux. Trois jours
plus tard le sixieme jour, nous observons
aussi deux etapes : le peuplement de la
terre avec les animaux et la creation
d' Adam. Que les terres emergees le troi
sieme jou r se peuplent le sixieme jour,
c'est conforme aux correspondances deja
observees. Mais quelle correspondance
peut-il y avoir entre 1'apparition des vegetaux le troisieme jour et ce qui se pro-
duit trois jours plus tard ? Le sixieme
jour. Dieu precise qu'il a donne les vege
taux comme nourriture pour Adam et
pour les animaux terrestres.
Im p o r t a n c e d u s y m b o u s m e
DU NOMBRE TROISCe premier chapitre est structure sur la
symbolique du nombre trois. Nous ve-
nons de voir la correspondance entre les
trois premiers jours et les trois jours sui-
vants. Le second jour manifeste une hie
rarchic a trois niveaux : les eaux d'en bas.
les cieux et les eaux d'en haut. Le troi
sieme jour, les especes vegetales creees
sont au nombre de trois herbes. grami-
nees et arbres. Le quatrieme jour, trois
sortes de luminaires apparaissent : le so
leil, la lune et les etoiles. Dans un premier
temps, il est precise qu'ils ont trois fonc-
tions : separer le jour de la nuit. scrvir de
signes pour fixer les fetes et illuminer la
terre. Dans un deuxieme temps, il nous
est dit qu'ils sont la pour trois raisons il
luminer la terre, presider au jour et a la
nuit, et separer la lumiere des tenebres.
Le cinquieme jour. Dieu donne trois or
dres aux poissons et aux oiseaux: fructi-fiez, multipliez et emplissez. Le sixieme
jour, trois formes de vie animale appa
raissent sur terre : le betail, les reptiles et
les betes sauvages. L'ordre est donne a
42 ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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LE M A R T I N I S M E
Adam de fructifier, multiplier et emplir.
Le pouvoir lui est donne sur les poissons
(eau), sur les oiseaux (air) et sur les ani-
maux terrestres (terre).
Le but de ce texte n'est pas de presenter
une conception scientifique de la cosmo
gonic, mais d'etablir une hierarchic dans
la Creation. La Genese s'acheve par la
creation de l'Adam. La Septante traduit
par anthropos, qui n'a pas d’equivalent
en fran^ais : nous pourrions rendre son
sens par «■humanite » ou « espece hu-
maine ». En traduisant par « homme »,
nous introduisons un concept sexue qui
n'existe ni dans le texte hebreu ni dans sa
version grecque. Ainsi. la precision «
homme et femme il les crea » coule de
source. Adam est place au sommet de la
hierarchic : tous les etres vivants lui sont
soumis (Gen 1.26), et les vegetaux lui
sont donnes comme nourriture.
La creation de l'homme « I'image et a hi
ressemblance de Dieu » donna lieu a de
nombreuses interpretations. Dans soncommentaire de la Genese. Basile de
Cesaree explique ties bien cette dualile :
« Nous possedons I 'image par la Crea
tion, mais nous acquerons la ressem
blance par la volonte ». En termes
martinistes, nous pourrions traduire :
1’ image est 1’effet de la Providence, la
ressemblance est le resultat de la volonte.
Ce texte accorde aussi une certaine pre
ference aux oiseaux et aux poissons. car
comme Adam, trois choses leur sont re-
servees : ils sont crees. ils sont benis. et
ils reqoivent l'injonction : fructifiez, mul-
tipliez et emplissez.
Les actions que ce texte attribue a Dieusont : dire, voir, nommer, faire, creer,
benir et separer. La seule perception ob
jective attribute a Dieu est ici la vision.
Mais parlant de Dieu, ne s'agit-il pas de
la vision interieure ou connaissance ?
ao
L'Evangile selon Jean confirme cette in
terpretation, lorsqu'il precise « que nul
n 'a vu le Pere, si ce n est celui qui vient
de Dieu. Lui (Jesus), il a vu le Pere »
(Jean 6,46).
Le septieme. jour, la Creation est ache-
vee. Dieu benit et consacre ce jour. Cette
formule traduit bien la forme sacerdotale
de cc texte, destine a la liturgie.
La p a r o l e c r e a tr i c e
Dans la Torah, Dieu seul a le pouvoir de
creer. C'est par la parole que Dieu cree :
a neuf reprises, nous trouvons I"expres
sion «Dieu dit». Soit les huit actes crea-
teurs et l'attribution de la nourriture.
C ’est precisement ce theme de la parole
creatrice que nous retrouvons au premier
verset de la premiere page de 1'Evangile
selon Jean.
« Au commencement etait le Logos, et le
Logos etait tourne vers Dieu, et le Logos
etait Dieu ». Le mot grec logos corres
pond a l'hebreu dabar, qui signifie aussi
bien la parole que la chose. Le Logos se-rait la parole en acte, la parole creatrice
du premier chapitre de la Genese. 11est
le principe act if donnant forme au prin-
cipe passif, la materia prima. Les stoi-
ciens consideraient le Loaos commew
1'esprit du monde. Pour Phi Ion d'Alexan-
drie. le Logos est le lien de 1'uni vers, un
lien indestructible ; creature de Dieu. il
serait l'intermediaire entre Dieu et les
hommes.
Le quatorzieme verset du Prologue nous
precise que le Logos s'est fait chair. Au-
trement dit. en l'homme Jesus s'incarne
le Logos, la parole creatrice. Le prologue
du quatrieme Evangile presente done le-
schouah comme etant createur de toute
chose, e'est-a-dire le Grand Architecte de
I'Univers. Paul de Tarse avait deja re-
connu en Christ le createur de l'univers.
Dans I’epitre aux Colossiens, il dit :
« Tout est cree par lu i et pour lui » (Col
1,16) et dans la premiere epitre aux Co-
rinthiens, il precise : « II n 'y a pour nous
qu un seul Dieu, le Pere, de qui tout vient
et vers qui nous allons, et un seul Sei
gneur, Jesus Christ, par qui tout e.xiste et
par qui nous sommes » (1 Cor 8,6).
Pour conclure sur la conjonction entre les
deux pages ouvertes, nous preciserons
que 1'Evangile de Jean et la Genese com-
mencent par la meme expression : « Au
commencement ». Une etude suema-
trique demontre que la valeur numerique
du premier verset de la Genese et du pre
mier verset du prologue de Jean traduit
en hebreu donnent le meme resultat :
2701, qui peut se reduire a 10 et done a 1.
Sa decomposition en produits de facteurs
se limite a une seule solution : 37 x 73
qui presente une tres belle symetrie a par
tir des nombres symboliques de la Ge
nese : trois et sept. Mais 37 et 73 sont
aussi les deux valeurs guematriques du
mot sagesse en hebreu : hmkx (8 + 20 +40 + 5 =73 et + 11 + 13 + 5 = 37).
Selon la cosmogonie sacerdotale. apres
avoir termine son ccuvre, Dieu semble se
rctrancher dans le repos sabbatique.La tentation d'Eve, par Wiliam Blake
« L'Ancien des jou rs », par William Blake
L'Evangile de Jean corrige cette vision enprecisant que Dieu est constamment a
1'oeuvre. Nous trouvons cette information
dans le recit de la guerison du paraly-
tique. lorsque les Juifs reprochent a Jesus
d'avoir accompli la guerison le jour du
sabbat. « Mais Jesus leur repondit: Mon
Pere, jusqu ‘a present, est a I ’ouvre et moi
aussi je suis a Touvre ». (Jean 5,17.) II
est remarquable que cette precision soit
apportee a propels du sabbat. qui corres
pond a la sacralisation du septieme jour
de la Creation.
L ' e T U D E E T L A P R l f i R E
«L'etude sans la priere, a dit autre
fois un sag e, es t un v eritableatheisme, et la prier e sans V etude
une vaine presomption. C'est-a-direque celui qui croit pouvoir acquerirune vraie lumiere par I'etude et parla seule f orce de son applic ation,pense et agit c omme un a thee, etque celui qui presume que pour ob-
tenir la connaissance de la verite, illui suf fit de la demander dans sesprieres, sans faire aucun effort pour
la decouvrir et sans m editer sur sesvoies, n'est qu'un homme pr£somp-tueux, lache ou indifferent pour elle.
Le pr emier n' acquerra qu' unescience vaine et dangereuse ; Tautrerestera dans l'ignorance».
Jean-Baptiste Willermoz«Mes Pens^es et celles des autres»
La premiere page de la Genese et la pre
miere page de 1'Evangile selon Jean se
completent. L'une nous presente la vision
sacerdotale de la Creation, 1’autre nous
introduit au mystere de Ieschouah. GrandArchitecte de I’Univers, incarnation du
Logos et divin Reconciliateur.
Michel Armengaud
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L'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix
Depuis sa fondation, I'Ordre Martiniste Traditionnel est parraine par I'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. C'est ce qui explique pourquoi de nombreux Martinistes sont egalement Rosicruciens. II nous semble done opportun de nous arreter
sur l'A.M.O.R.C., qui constitue actuellement le mouvement rosicrucien le plus actif dans le monde. A cet effet, nous avons demande a Serge Toussaint, Grand Maitre de
la juridiction francophone, de nous le presenter. (II est aussi le Grand Maitre de la juridictionfrancophone de I'O.M.T.).
DOSSIER _______________
Dans la plupart des livres de refe
rence, I’Ancien et Mystique
Ordre de la Rose-Croix est defini
comme un mouvement philosophique,
initiatique et traditionnel. ouvert aux
hommes comme aux femmes, sans dis
tinction de race, de classe sociale et de re
ligion. Depuis toujours, il a pour devise
« La plus large tolerance dans la plus
stride independance ». Pour comprendre
ce qu'il est, je pense que le mieux est
d'expliquer precisement en quoi il est
philosophique, initiatique et traditionnel.
N on r e l i g i e ux
Mais avant de le faire, il me semble utile
de preciser que l'A.M.O.R.C. n'est pas
une religion, ce qui explique qu’il compte
parmi ses membres des personnes de
toutes confessions religieuses, parmi les-
quelles des Juifs, des Chretiens, des
Bouddhistes, des Musulmans, des Ani-
mistes, ou autres. En cela. il ne se rat-
tache pas a un Prophete ou un Messie tels
que Moise. Jesus, Bouddha ou Mahomet,
pour ne citcr que les plus connus. De
Une loge rosicruciennne
meme. son enseignement ne repose pas
sur un Livre sacre comparable a la Bible,
au Tripitaka ou au Coran. J’ajouterai
qu'il est depourvu de tout dogme, que ce
soit d'ailleurs sur le plan doctrinal ou
moral. Certes, son symbole est une Rose-
Croix, ce qui peut laisser supposer qu'il
est lie au Christianisme. II n'en est rien.
Pour les Rosicruciens, la croix represente
le corps physique de I’homme. Quant a
la rose, placee au centre, elle symbolise
son ame. Cela revicnt a dire que la Rose-
Croix, dans son ensemble, represente la
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LE M A R T I N I S M E
dualite de tout etre humain, cc qui fait
d'elle un symbole, non pas religieux,
mais traditionnel et universel. Cela etant,
l'A.M.O-R.C. est respectueux de toutes
les religions, au point que ses membres
restent entierement libres de continuer a
pratiquer celle de leur choix.
A propos de religion, je souhaiterais lever
une equivoque. On a tendance a penser
que toute personne qui croit en Dieu appartient necessairement a une religion.
Pourtant. on peut ties bien avoir la foi
sans suivre un credo religieux. Quant a
Dieu Lui-meme, on peut en avoir une
conception differente de celle qui est pro-
nee par les religions. C'est ainsi que les
Rosicruciens ne Le voient pas comme un
Surhomme siegeant quelque part dans le
ciel et decidant Seul de notre destinee.
Pour eux, Dieu S ’apparente plutot a TIn
telligence absolue qui est a Forigine de
toute la Creation et dont F Essence im-
pregne et anime tout ce qui existe. En tant
que tel. il est impossible de Le compren-
dre ou de Le connaitre. En revanche, onpeut etudier les lois par lesquellcs II Se
manifeste dans Funivers. dans la nature
et dans F homme lui-meme. Vous noterez
que cette conception de Dieu n’est ni
dogmatique ni partisane. et qu elle est
plus scientifique que religieuse. Le mys-
ticisme et la science ne sont d'ailleurs
nullement incompatibles. On peut meme
dire qu'il s'agit de deux voies comple-
mentaires de Connaissance, les mys
tiques s'interessant plutot au pourquoi
des choses et les scientifiques au com
ment
firent connaitre en Allemagne, en Angle-
terre et en France par trois Manifestes de-
venus celebres dans le monde de
Fesoterisme : la « Fatna Fraternitatis »,
la « Confessio Fraternitatis » et les «■
Noces cliymiques de Chr istian Rosen-
kreutz », publies respectivement en 1614.
1615 et 1616. De nos jours, on sail que
ces Manifestes, qui melent des recits a la
fois historiques et allegoriques, ont ete
rediges par un College de Rosicruciens
eminents : le fameux « Cercle de Tubin
gen ». Quelques annees plus tard, en
1623, une affiche placardee dans les rues
de Paris fit connaitre davantage FOrdre
de la Rose-Croix. Dans les siecles qui
suivirent. cet Ordre perdura sous des
formes et des appellations diverses. pour
finalement resurgiren 1909 sous le nom
dV Ancien et Mystique Ordre de la Rose-
Croix ». Precisons que FA.M.O.R.C. pu-
blia en mars 2001 un quatrieme
Manifeste. la « Posit io Fra tern itat is
Rosae-C rucis », que des historienscomme Roland Edighoffer et Antoine
Faivre situent dans la lignee des Mani
festes du X VIF siecle.
Mais s' il est un fait que les origines his
toriques de la Fraternite rosicrucienne se
situent au XV II0siecle, son heritage tra
ditionnel est beaucoup plus ancien.
puisqu'il remonte a I'Egypte antique. De
nos jours, nous savons qu’il existait dans
ce pays des ecoles regroupant des cher-
cheurs qui s’ interessaient aux mysteres
de Fexistence, d’ou leur nom d'« ecoles
de mysteres ». Ces chercheurs, ces mys
tiques. elaborerent graduellement une
connaissance secrete, une gnose. qui se
repandit bien au-dela des frontieres egyp-
tiennes. C’est ainsi que des philosophes
grecs comme Heraclite. Thales, Pytha-
gore et bien d’autres, apres avoir etudie
de nombreuses annees en Egypte. fonde-
rent leur propre ecole de mysteres en
Grece. A leur tour, des penseurs de la
Rome antique etudierent les mysteres
grecs, eux-memes inspires des mysteres
egyptiens, et creerent egalement des cen
tres d'etudes dans leur pays. Par la suite,
cet heritage esoterique fut recueilli parA
les Alchimistes du Moyen-Age. puis par
les Rose-Croix de la Renaissance. Nous
voyons done que parallelement aux reli-
A p o u t i q u e
Outre qu'i l n'est pas une religion, il faut
savoir egalement que FA.M.O.R.C. est
totalement apolitique. Pour etre plus pre
cis, toute discussion politique est inter-
dite au sein de I'Ordre. Naturellement.
tout membre est entierement libre de ses
opinions et de ses actions dans ce do-
maine, mais il ne doit pas en faire etat
lors des activites rosicruciennes. Et c’est
precisement parce que I'Ordre est apoli
tique qu’ il reunit des personnes ayant des
opinions politiques differentes. parfois
meme opposees, sans que cela ne pose le
moindre probleme sur les plans relation-
nel et fraternel. Parailleurs, il encourage
ses membres a s'interesser au devenir de
la societe el a Fevolution du monde en
general. C'esl ainsi que nombre d'entre
eux s'impliquent a titre personnel dans
des associations diverses et s'investissent
dans des actions sociales, caritatives, etc.
En cela, ils ont a cceur d'assumer au
mieux leur role de citoyens.
Venons-en maintenant plus precisement
a ce qu'est FA.M.O.R.C., a savoir.
comme je l'ai indique en preambule, un
mouvement philosophique, initiatique et
traditionnel.
T r a d i t i o n n e l
Sur le plan purement historique, I'Ordre
de la Rose-Croix remonte au XV II0 sie
cle, epoque a laquelle les Rosicruciens se
Ce ma nifeste fu t sign6 d Bruxelles, en 1934, par les plus hauts resp onsable s de la F.U.D.O.S.I.II etablit officiellemen t que I'A.M.O.R.C. est pleineme nt habilite d perp£ tuer dans le monde
!'heritage de iau then tique Tradition Rose-Croix.
%'V I
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DOSSIER
gions clablics, une connaissance esote-
rique s’est transmise a travels les ages,
d’ecole dc mysteres cn ecole de mysteres.
Et dc nos jours, 1’A.M.O.R.C. cst Tun dcs
heritiers dc ccltc connaissancc seculaire,
d’oii son aspect traditionnel.
Sur Ic plan etymologique, rappelons quc
lc mot « tradition » vicnt du latin « tm-
dere », qui vcut dire « trammettre ». Ap
plique a l’A.M.O.R.C., ce mot serapporte a 1*heritage culturcl et spirituel
qu'il transmet a travers son enseigne-
ment. Or. comme nous venons de le voir,
cet enseignement cst ties ancien.
puisqu'il prend sa source dans FEgypte
antique, non sans avoir evolue au cours
dcs ages. Vu sous cet angle, le qualifica-
tif « traditionnel » vehicule l'idee d'an-
ciennete et d'authenticite. II integre
egalement la notion de filiation. C ’est ce
qui explique pourquoi il existe de nos
jours peu dc mouvements veritablement
traditionnels. Quoi qu'il cn soit,
l’A.M.O-R.C. se rattache traditionnelle-
ment aux Rose-Croix du passe et seconsacre a perpetuer l'heritage qu'eux-
memes avaient re^u de FAntiquite, et ce
dans Fesprit humaniste et spiritualiste qui
leurest propre. Au XVIICsiecle, Michacl
Maier, Fun d'eux. disait d'ailleurs : « Nos
origines sont egyptiennes, brahmaniques,
issues des Mysteres d'E len sis et de Sa-
rnothmce, des Mages de Ferses, des Fy-
thagoriciens et des Arabes »
Initiatique
Voyons maintenant en quoi 1'A.M.O.R.C.
est un mouvement initiatique. II Test par
le fait qu'il perpetue un enseignement
graduel. ponctue par dcs initiations. Dans
les siecles passes, cet enseignement etait
dispense oralement, dans des lieux tenus
secrets, afin d'eviter les persecutions re-
ligieuses ou politiques. C ’est pourquoi
l'Ordre de la Rose-Croix etait considere
jadis comme une societe secrete. Depuis
le debut du XX Csiecle, l'A.M .O.R .C.
s'apparente plutot a une organisation dis
crete et transmet son enseignement par
ccrit. Celui-ci se presente desormais sous
la forme de monographics adressees aux
membrcs d'une manierc confidcntielle.
Ces monographies, qui consistent en des
fascicules de quelques pages, s'echclon-
ncnt sur douze degres majeurs. De mois
en mois, d’annce en annce. dc degre cn
degre. chaque membre de l'Ordre est
done initio a ce que les Rose-Croix en-
seignent depuis des siecles sur les mys-
teres de V existence. Ce processus
initiatique est particuliercment efficace,
car il permet aux connaissances acquises
de transcender I *intellect et de devcnir
une partie integrante de la conscience de
I’ame, cc qui est le but de toute quete ve-
ritablement mystique.
Quel est done le contenu de Tenseigne
ment rosicrueien ? Sans entrcr dans les
details, je dirai qu'il traite des grandsthemes auxquels les mystiques se sont
toujours interesses : la nature du Divin.
les lois de la Creation, I'origine et la fi
nal ite de l'univers. les concepts de temps
■Art-**A.MOXC |>W14
Symbole cr£4 par l'A.M.O.R.C . en 1998 d partir d'un dessin realise pa r Frangois M&rindier, d l‘occasion des Salons de la Rose-Croix tenus d Paris en 1893
et d'espace. la matiere en tant qu'energie
et substance, le but ontologiquc de la vie.
Fame humaine ct ses attributs, les phases
de la conscience et les facultes qui leur
sont propres, les phenomcnes psy-
chiqucs, Falchimic dcs reves, lcs mys
teres de la mort, de Fapres-vie ct de la
reincarnation, la science des nombres. les
symboles traditionnels, etc. Parallcle-
ment a ces themes d'etude, les monogra
phies integrent egalement des
experiences consacrees a Fapprentissage
dc techniques fondamcntalcs sur le plan
mystique, je pense notamment a la visua
lisation, la meditation, la regeneration.
Fevcil psychique. Fharmonisation as-
trale, la communion spirituel le et autres.
Rappelons que Fenseignement rosicru-
cicn n'a aucun caractcre dogmatique. Au-
trement dit, les explications donnces sur
tel ou tel sujet constituent davantage une
source dc reflexion qu'une verite a la-
quellc il faut absolumcnt croirc. Une telle
demarche cultive un esprit tolerant tout
en posant les bases d'une personnaiite in-
dcpendante dans le choix dc ses convic
tions philosophiques.
S'il est un fait que I'enseignement rosi-
crucicn se presente sous une forme ecrite
depuis le debut du XXCsiecle. il existe
dcs Loges chargees dc perpetuer F aspect
oral de la Tradition rosicrucienne. Ce
sont des lieux ou lcs mcmbres pcuvcnt se
reunir rcguliercment pour participer a des
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O M 1
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DOSSIERLE MARTINISME
rA.M.O.R.C. n'est pas unc voie de
croyance, inais une voie de connaissance.
travaux collectifs et partager des mo
ments de fraternite. C ’est egalcment dans
ces Loges que sont transmises les initia
tions rosicruciennes. Etant donne qu*i 1
existe douze degres dans renseignement
de rA.M.O.R.C., tout membre qui le
souhaite peut done recevoir douze initia
tions dans le cadre de ses etudes. Si je
precise « qui le souhaite ». c'est parce
qu'elles ne sont pas obligatoires, maisconscillees. Par ailleurst on n'est pas
oblige de se rendre dans une Loge pour
en beneficier. Partant du principe que
c'est en nous-memes que reside le plus
grand des Initiateurs, il est possible de les
effectuer chez soi, a l’aide d'une mono
graphic prevue dans ce but. Sans devoiler
le contenu de ces initiations, on peut dire
qu'elles consistent en des ceremonies
symboliques ayant trois buts majeurs :
admettre ritucllement le candidal dans un
nouveau degre, lui confier de nouvelles
cles esoteriques. lui permettre de com-
munier avec la partie la plus divine de
son etre. Precisons qu'elles n'ont aucuncaractere magique, theurgique ou oc-
culte, car la magie. la theurgie et l'occul-
tisme ne font pas partie des pratiques
enseignees dans I'Ordre, et sont meme
deconseillees.
P h i l o s o p h i q ue
II nous reste a voiren quoi l'A.M .O.R .C.
est un mouvement philosophique. Tout
d'abord. il faut rappelerque le mot « ph i
losophic » signifie litteralement « amour
de la sagesse ». Cela suppose que les
Rose-Croix sont des « amoureiux de la
sagesse ». Mais qu'est-ce que la sa-
gesse ? Bien qu'il n'en existe aucune de
finition dogmatique, je dirai simplement
qu'elle correspond a I’etat de conscience
de toute personne qui exprime dans son
comportement les vertus que Ton prete a
l'ame humaine, dans ce qu'elle a de plus
divin. Dans 1'absolu, est done sage celui
qui a eveille en lui la patience, la tole
rance, 1‘humilite, la generosite. le cou
rage. la bienveillance, la non-violence et
autres qualites que 1'on attribue a 1'intel
ligence du cceur. Autant dire qu'il y a peu
de Sages parmi les homines... Etant
convaincus que le but de tout etre humain
est de se parfaire, les Rosicruciens s'ef-
forcent done de devenir meilleurs, non
seulement pour leur bien-etre personnel,
mais egalcment pour celui des autres.
Comment ? En pratiquant I'alchimie spi-
rituellc, laquelle consiste a transmuter
chacun de nos defauts en sa qualite op-
posee. Comme vous l'aurez compris,
cette forme d'alchimie est la contrepartie
spirituelle de I'alchimie materielle que
pratiquaient les Alchimistes du Moyen-
Age, et dont le but etait de transformer
les metaux vils en metaux precieux, no-
tamment en argent et en or.
Mais si la definition premiere du mot
«- philosophic » est « amour de la sagesse », elle est parfois definie comme
etant la « science de la vie ». La encore,
cette definition s'applique parfaitement
au Rosicrucianisme, en ce sens que
Autrement dit, il n'est pas demande a ses
membres de croire aveuglement a ren
seignement qui leur est transmis. mais de
toujours le soumettre au crible de la rai
son et de 1’experimentation. En cela, la
philosophie rosicrucienne n'est pas spe
culative. mais operative, et le laboratoire
des Rosicruciens n’est autre que lemonde. C'est en effet au contact des au
tres qu'i ls appliquent la connaissance ac-
quise afin, precisement, d'en faire une
science de la vie utile au bien commun,
ce qui lui donne un caractere profonde-
ment humaniste. A ce propos, voici ce
que declara Francis Bacon, celebre Rose-
Croix du XVIItf siecle, pere de la metluxle
experimentale : « La plus grande erreur
de toutes consiste a se meprendre sur le
but veritable de la connaissance. car cer
tains ne sont pousses vers elle que par
une curiosite naturelle et un temperament
avide de savoir ; d'autres pour entrete-
nir dans leur mental la variete et un cer
tain plaisir ; d'autres par ostentation et
pour etre bien consideres ; d'autres en
core dans un but d'emulation et pour la
victoire ; beaticouppour I'appat du gain
ou pour gagner leur vie, et peu seulement
pour se servir du don divin de la raison
dans I'interet de /'humanite ».
Nous venons de voir en quoi les Rosi
cruciens cultivent I'amour de la sagesse
et la science de la vie. Mais si 1'on com
bine ces deux definitions du mot « ph ilo
sophie », on en obtient une troisieme, a
savoir « amour de la vie ». Trop souvent,
on croit que le mysticisme exige que 1'on
se prive des plaisirs legitimes de l'exis-
tence. Rien n’est plus faux. L'ideal est aucontraire de mener une vie equilibree, ce
qui suppose de repondre a la fois aux be-
soins du corps et aux aspirations de
l’ame. C'est precisement pour cette rai
son qu’un athee ou un materialiste ne
peut etre heureux a long terme, pas plus
qu'une personne qui se consacre cxclusi-
vcment a la spiritualite. Partant de ce
principe, l'A.M.O.R.C. laisse ses mem
bres entierement Iibres de vivre comme
ils l'entendent. ne les soumettant a au
cune obligation ni aucune interdiction. A
titre d'exemples, il ne leur demande ni
d'etre vegetariens. ni dejeuner, ni de pra-
tiquer 1’ascese, ni de s'abstenir de telle
ou telle chose. Mais aimer la vie. c'est
aussi la respecter sous toutes ses formes
et la preserver dans sa diversite. C'est
pourquoi les Rosicruciens accordent une
grande importance a I'ecologie. la nature
etant pour eux le plus beau des sanc-
Sigle de l'A.M.O .R.C. d epuis 1909, avec le nom de I'Ordre 4crit en latin(Antiqu us My sticusque Ordo Rosa e Crucis)
47 ACTUALITY DE L'HISTOIRE • HORS S£RIE n°38 FEVRIER - MARS 2010 47
O M T
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LE MARTINISMEJ* =S.
I
Dans ce symbole qui n'a aucune conno tation religieuse, la croix repr£se nte le corps
ph ys ique de I'ho mm e, et la r ose son Qme en voie devolu tion. Quant aux douze lobes, Us
symbolisent les douze degr£s majeurs del'A.M.O.R.C.
Cola ne vcut naturel lenient pas dire qu ’il
dctient la Verite el que quiconque suit son
enseignement est assure de tout connaitre
sur tout et de mener une existence de-
pourvue de tout probleme. Mais au moins
a-t-il le merite, independamment de 1’en
seignement qu'il perpetue. d’etre un vec-
teur de tolerance, d’harmonie et de paix.
C'est ce qui a fait dire : « Lame de la
Rose-Croix fa il partie de celle, humaniste
et spirituelle, de I ’Occident ; elle en est
I ’un de ses joyaux etincelant de beaute.
d 'amour et de purete ».
R o s i c r uc i e n et R o s e-C roix
II faut maintenant preciser un dernier
point. Comme vous l’avez certainement
remarque. je me suis refere tantot aux
Rose-Croix. tantot aux Rosicruciens. En
rcalite, ces deux termes ne sont pas syno-
nymes dans la Tradition rosicrucienne. Si
Ton veut etre precis, le mot « Rosicrucien
» designe un membre de l'A.M.O.R.C.. el
d'une maniere generate un etudiant du Ro-
sicrucianisme. Quant au mot « Rose-Cmix
», il s'applique en principe a tout Rosicru
cien qui a atteint la sagesse, au sens que
nous avons defini precedemment. Dans
l’absolu, un Rose-Croix est done un etre,
sinon parfait. du moins proche de l’etat de
perfection, tel qu’on peut 1’exprimer sur le
plan humain. Tout comme il y a ties peu
de Sages parmi les hommes, vous com-
prendrez qu’il y ait tres peu de Rose-Croix
veritables...
Pour clore cette presentation de
l'A .M.O.R.C., j ’aimerais tout simple-
ment citer 1’extrait d ’un texte de Come-
nius, celebre Rosicrucien du XV IIC
siecle, considere de nos jours comme le
Pere spirituel de l’U.N.E.S.C.O. Cette ci
tation resume parfaitement ce qu’a tou-
jours etc 1’ideal Rose-Croix :
« Nous voulons que tons les etres hit -
mains, ensemble ou pris isolenient,
jeunes ou vieux, riches ou pauvres, no bles ou roturiers, hommes ou femmes,
puissentpleinement slnstruire et devenir
des etres acheves. Nous voulons qu'ils
soient ins fruits parfaitement et formes,
non settlement sur tel ou tel point, mais
egalement sur tout ce qui permet a
I 'homme de realiser integralement son
essence, d 'apprendre a connaitre la Ve
rite, a ne pas etre trompe par des faux-
semblants , a aimer le bien et a ne pas etre
seduit par le mal, a faire ce qu 'on doit
faire et a se garder de ce qu 'il fau t eviter,
a parler sagement de tout avec tout le
monde ; enfin, a toujours trailer les
choses, les hommes et Dieu avec pru
dence et non a la Iegere, et a ne jamais
s'ecarter de son but: le bonheur ».
Serge Toussaint
Grand Maitre de l'A.M .O.R.C. et de
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FEVRIER - MARS 2010 49
8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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8/18/2019 Le Martinisme Dévoilé...
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par Wartinesde
Traite sur la
reintegration des etresdans leur premiere propriete,
vertu et puissance spirituelle divine
Le "Trait6 sur la reintegration»
est I’un des livres essentiels
de I’esoterisme occidental. C’estaussi le texte fondamental du
Martinisme, une tradition qui
s'interesse au mysticisme judeo-
chretien. II traite des origines de
la Creation et du role des etres
qui I’habitent: anges et hommes.
D’une maniere generate, ce livre
montre la voie que I’homme en
exil dans le monde materiel doit
suivre pour reintegrer I’lmmensite
divine.
Realisee par Robert Amadou
d’apres le manuscrit personnel
de Louis-Claude de Saint-Martin
(1743-1803), cette publication est
la premiere edition authentiquedu celebre Traite de Martines de
Pasqually (17277-1774). II com-
porie un guide de lecture (table
analytique), ainsi que des index
qui en facilitent la lecture et
I’etude. En outre, cette edition est
actuellement la seule a integrer
le “ Tableau Universe!**. cl6 indis
pensable a sa comprehension.
Traite sur lareintegration des etres
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Les voies de la sagesse
CEuvres posthumes
«Les voies de la sagesse»
regroupe quatre textes de
Louis-Claude de Saint-Martin.
Contrairement aux autres livres
du «Philosophe lnconnu», ces
textes n’etaient pas destines
au grand public, mais a ses
freres martinistes des Loges
£lus-Cohens.
Ce livre aborde directement la
philosophie et la cosmogonie
martinistes. II est fondamental
pour comprendre la doctrine
de la Reintegration, laquelle
concerne I’exil de I’homme et
son retour vers le Divin.
Saint-Martin evoque egale
ment dans ce livre le role des
etres qui peuplent les diffe-
rentes spheres de la Creation :
mondes terrestre, celeste et
Les voies de la sagesse
(Euvres posthumes
Louis-Claude de Saint-Martin
COLLECTION MARTINLSTK
\ k £ : diffusion VaoscRocnwNi