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Département de Droit
Le Mécanisme de Surveillance Unique des établissements
de crédit européens : analyse critique
Antoine PORTELANGE
Travail de fin d’études
Master en droit à finalité spécialisée en droit des affaires.
Année académique 2018-2019
Recherche menée sous la direction de :
Monsieur Philippe-Emmanuel PARTSCH
Professeur (ULiège) et Avocat Partner (Arendt & Medernach)
RESUME
Opérationnel depuis le 4 novembre 2014, le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) est
l’attribution à la Banque Centrale Européenne (BCE) de la supervision prudentielle des
établissements de crédit de la zone euro. La BCE exerce cette compétence directement pour les
banques considérées comme importantes et indirectement, par le biais des superviseurs
nationaux, pour les banques moins importantes.
La présente contribution a pour objet l’analyse de ce mécanisme d’importance cruciale dans le
paysage bancaire européen. A défaut de réaliser une description complète et détaillée, nous
avons préféré une approche critique et ciblée sur les aspects que nous estimons fondamentaux.
Notre approche se divise en deux temps : une analyse du cadre institutionnel, suivie de l’exposé
du fonctionnement matériel.
Dans le cadre de la première partie, l’accent est mis sur la base légale et le choix de la BCE
d’une part et sur la gouvernance de cette dernière agissant en tant que superviseur prudentiel
central d’autre part.
La seconde partie est majoritairement ciblée sur le partage des compétences entre la BCE et les
autorités nationales ainsi que les moyens d’exercice pratiques de ces compétences.
L’objectif du présent travail est de mettre en exergue les enjeux du MSU, parfois ses fragilités,
afin de démontrer que même s’il existe et fonctionne depuis maintenant plusieurs années, le
MSU est loin d’être parfait. Il subsiste en effet encore quelques imprudences du passé qui
pourraient menacer l’intégrité du mécanisme, ainsi que des défis futurs pour en assurer
l’efficacité.
2
3
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers les personnes qui ont contribué, directement ou
non, à la réalisation du présent mémoire.
Tout d’abord, je tiens à remercier mon promoteur et professeur, Maître Philippe-Emmanuel
Partsch, pour avoir encadré mon travail et plus généralement pour ses précieux enseignements.
Ensuite, je remercie tout particulièrement vivement Monsieur Jean-Pierre Deguée, premier
Conseiller juridique à la Banque Nationale de Belgique, pour m’avoir apporté son aide
inconditionnelle tout au long de l’élaboration de mon mémoire et pour avoir accepté d’en être
le premier lecteur.
Enfin, je remercie Liesbeth Denturck et Magali Paulis, conseillères au service juridique de la
Banque Nationale de Belgique, pour les pistes de réflexion qu’elles m’ont données.
4
5
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................. 8
i. Origines du MSU ............................................................................................... 8
ii. Supervision et régulation .................................................................................. 9
iii. Présentation générale du Mécanisme de Surveillance Unique ...................... 10
iv. Objet et plan du mémoire ............................................................................... 12
PARTIE 1 : DROIT INSTITUTIONNEL .............................................................................. 13
1.1. La Banque Centrale Européenne, superviseur au centre du Mécanisme de
Surveillance Unique : pourquoi et comment ? ........................................................... 13
1.1.1. La base légale .................................................................................................... 13
i. Le choix de l’article 127, paragraphe 6 du TFUE ........................................... 14
ii. Développements critiques ............................................................................... 14
iii. Conclusion ..................................................................................................... 16
1.1.2. Le choix de la BCE ........................................................................................... 17
i. Justifications en faveur de la BCE ................................................................... 17
ii. Limites et risques ............................................................................................ 18
iii. Conclusion ..................................................................................................... 20
1.2. Gouvernance de la BCE en tant que superviseur prudentiel : analyse ciblée du
Conseil de surveillance ................................................................................................. 21
1.2.1. Le fonctionnement de la BCE articulé autour du Conseil de surveillance ....... 21
i. Présentation ...................................................................................................... 21
ii. Légitimité du Conseil de surveillance ............................................................ 22
1.2.2. Indépendance vis-à-vis de l’extérieur ............................................................... 24
i. Les représentants des ACN membres du Conseil de surveillance : théoriquement
indépendants........................................................................................................ 25
ii. Analyse approfondie et critique de cette indépendance .................................. 25
iii. Remarques générales sur l’indépendance et perspectives globales ............... 26
6
PARTIE 2 : DROIT MATERIEL ........................................................................................ 28
2.1. Partage des compétences ..................................................................................... 28
2.1.1. Exclusivité de compétence dans le chef de la BCE .......................................... 28
i. Principe du partage des compétences .............................................................. 29
ii. Exclusivité de compétence de la BCE et dérives ............................................ 30
2.1.2. Les compétences en pratique ............................................................................ 32
i. Compétences générales exclusives de la BCE ................................................. 32
ii. Compétences partagées selon la taille des établissements de crédit ............... 35
iii. Compétences en cas de scénario transfrontalier ............................................ 36
2.2. Moyens d’exercice des compétences prudentielles par la BCE ......................... 38
2.2.1. Pouvoirs et instruments de supervision ............................................................ 38
i. Pouvoirs d’enquête et collecte d’informations ................................................ 39
ii. Instruments légaux de la BCE ........................................................................ 40
iii. Cas particulier des sanctions administratives ................................................ 40
2.2.2. Dédoublement des normes et application du droit national par la BCE ........... 42
i. Application du droit national directement par la BCE ..................................... 42
ii. Usage des pouvoirs nationaux des ACN sur demande de la BCE .................. 44
CONCLUSION .................................................................................................................. 46
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 48
8
INTRODUCTION
Le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU), premier et principal pilier1 de l’Union Bancaire
européenne2, est l’un des remèdes aux crises financières survenues en Europe et ayant mis en
exergue l’incapacité du cadre prudentiel en vigueur de prévoir et contrer le risque de crise. Son
adoption par le biais du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 (règlement
MSU)3 constitue un pas décisif4 vers une consolidation du secteur financier européen.
Lors de cette introduction, on rappellera les origines du MSU, à savoir son contexte économique
et politique. Ensuite, nous opérerons la distinction fondamentale et transversale de l’analyse du
MSU entre supervision et régulation. Enfin, une brève présentation des grands principes de
fonctionnement du Mécanisme lui-même permettra d’introduire le plan du présent travail avant
de se lancer dans le cœur même de ce dernier : une tentative de critique. Il importe d’ores et
déjà de souligner que ce mémoire n’a pas vocation à décrire le MSU5 mais plutôt apporter un
éclairage critique sur certains aspects de ce dernier.
i. Origines du MSU
La crise de 20086 a obligé les États à refinancer les acteurs du secteur financier avec l’argent
des contribuables7, ce qui a entaché la confiance des particuliers envers le monde de la finance
mais également endetté les États. On craignait dès lors que ces derniers ne soient plus capables
de soutenir eux-mêmes les banques8, ce qui constitue un risque immense pour la stabilité
1 S. M. SEYAD, « The impact of the Proposed Banking Union on the Unity and Integrity of the European Union’s
Single Market », 2013, J.I.B.L.R., Issue 3, p. 99. Trois trois piliers de l’Union bancaire sont : le Mécanisme
de Surveillance Unique, le Mécanisme de Résolution Unique et la mise en place d’une garantie des dépôts
uniformisée. 2 Pour une vue plus large de l’Union Bancaire, voir not. J. PISANI-FERRY, A. SAPIR, N. VÉRON et G. B.
WOLFF, « What Kind of European Bankin Union ? », Bruegel Policy Contribution, No. 12, 2012, L.
HINOJOSA-MARTINEZ et J. MARIA BENEYTO (ed.), European Banking Union, The New Regime,
Wolters Kluwer, 2015. 3 Règlement (UE) n ° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des
missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements
de crédit, J.O.U.E., L 287/63, 29 octobre 2013. 4 Traduction libre de Press Release, Statement by President Barroso and Commissioner Barnier following the
Council's final approval of the creation of the Single Supervisory Mechanism for the eurozone, 15 octobre
2013, disponible sur <http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-899_en.htm?local=e>. 5 Cet exercice ayant déjà fait l’objet de plusieurs études dans le passé. Sur le MSU, voir not. E. WYMEERSCH,
« The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », 2014, Working Paper
Research, No 255, National Bank of Belgium. 6 Sur la crise grecque et puis souveraine, voir not. F. MARTUCCI, « Le juge et la crise de la dette souveraine »,
J.C.P. (éd. E)¸2015, p.851, cité par T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et
internationale, Bruxelles, Bruylant, 2018, p. 5. 7 Voir le considérant (6) du règlement MSU. 8 Dans le cadre de la présente contribution, le vocable « banque » est parfois utilisé pour désigner un
« établissement de crédit » au sens de l’article 4(1), 1) du règlement (UE) N° 575/2013 (CRR).
9
financière de l’Union Européenne9. Face à cette situation d’interdépendance entre faillite des
établissements de crédit et endettement dangereux des États10, il était « impératif de briser le
cercle vicieux qui existe entre les banques et les États »11 en Europe. Cela a été rendu possible
par la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et
plus largement ensuite par la création d’une Union Bancaire. Cependant, l’Allemagne n’a
souhaité opérer une telle recapitalisation qu’à la condition de créer un mécanisme unique de
surveillance12 confiant une supervision centralisée à la Banque Centrale Européenne (BCE), ce
qui assurerait la confiance de tous les États participants en une supervision de qualité et
impartiale13.
En outre, selon les considérants du règlement MSU, la fragmentation du secteur financier
constitue également une menace envers l’intégrité du marché intérieur14 et il convenait dès lors
« d’intégrer d’avantage les compétences en matière de surveillance »15. Cela s’explique
notamment car, compte tenu du caractère systémique et international des crises passées, on ne
peut plus considérer aucun problème majeur comme purement national et les seules réponses
nationales se sont montrées insuffisantes16.
Dans ce contexte particulièrement chaotique au niveau économique, doublé d’un chantage
politique autour du MES17, le règlement MSU fut adopté à l’automne 2013 au terme d’un
processus législatif rapide compte tenu de la menace de nouvelles crises financières. Il devint
opérationnel un an après, le 4 novembre 2014.
ii. Supervision et régulation
Avant de présenter succinctement le MSU, il convient de rappeler la distinction élémentaire
entre la supervision et la régulation. La régulation est définie dans le rapport de Larosière18
comme « l’ensemble des règles (…) gouvernant les institutions financières et ayant pour
objectif de favoriser la stabilité financière et la protection des consommateurs de services
9 L. WISSINK, « Challenge to and Efficient European Centralised Banking Supervision (SSM) : Single Rulebook,
Joint Supervisory Teams and Split Supervisory Tasks », European Business Organization Law Review,
2017, Vol.18(3), p. 433. 10 S. GERLACH, A. SCHULZ et G.B. WOLFF, « Banking and Sovereign Risk in the Euro Area », Center for
Economic Policy Research, 2010 Discussion Paper No. 7833. Cet article traite de cette question
principalement au niveau de la zone euro. 11 Press Release, Conseil Européen, Déclaration du Sommet de la Zone Euro, disponible sur
<http://europa.eu/rapid/press-release_DOC-12-7_fr.htm, 26 juin 2012>. 12 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique : analyse juridique », D.B.F.-B.F.R., 2015/1-2, p. 12 13 L. WISSINK, « Challenge to and Efficient European Centralised Banking Supervision (SSM) … », op. cit., p.
433. 14 Voir le considérant (2) du règlement MSU. 15 Voir le considérant (5) du règlement MSU. 16 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, Bruxelles, Bruylant, 2018, pp.
5-7. 17 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 14. 18 J. DE LA ROSIÈRE, rapport, The High-Level group on Financial supervision in the EU, Bruxelles, 25 février
2009.
10
financiers »19 et la supervision, quant à elle, est le « processus conçu pour surveiller les
institutions financières afin que celles-ci respectent correctement [ces] règles (…) »20.
Cette distinction, théorique à ce stade de la contribution, est riche de conséquences. En effet, la
régulation européenne demeure en partie dans les dispositions nationales qui transposent le
droit dérivé européen. Or, cette dualité implique de potentielles différences législatives qui
compliquent la tâche de la BCE21 puisque cette dernière est désignée comme superviseur au
cœur du MSU et doit appliquer les règles de régulation22.
En outre, alors que ces deux aspects font partie d’un même système et qu’on associe
régulièrement l’autorité définissant les règles et celle qui les applique23, on peut s’étonner que
la BCE ne possède que des pouvoirs de régulation très limités24 lorsqu’elle agit en tant que
superviseur prudentiel centralisé25 et ainsi craindre des frictions avec d’autres entités
régulatrices européennes comme l’Autorité Bancaire Européenne (ABE).
iii. Présentation générale du Mécanisme de Surveillance Unique
Au terme des négociations autour de la supervision prudentielle, il fut décidé de centraliser26 la
supervision des établissements de crédit relevant du droit des États membres de la zone euro en
confiant la surveillance à une autorité mixte. Celle-ci est composée de la BCE et des Autorités
Nationales Compétentes pour la supervision (ACN) des États membres participant au MSU27.
Dans les normes créant une institution de contrôle bancaire, il est essentiel de présenter
clairement les objectifs de l’autorité de supervision (à savoir la finalité de sa mission), de
déterminer l’objet de sa mission (c’est-à-dire les fonctions et tâches dont l’autorité est
responsable pour atteindre ses objectifs), et enfin les pouvoirs et instruments qu’elle possède
pour y parvenir28.
Selon le considérant (30) du règlement, l’objectif principal du MSU est tout d’abord de
« garantir la sécurité et la solidité des établissements de crédit, la stabilité du système financier
19 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 11-12. 20 Ibid, p.12. 21 Infra, lorsque nous aborderons la question de l’application par la BCE du droit national dans le cadre du MSU. 22 E WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », 2014,
Working Paper Research, No 255, National Bank of Belgium, p. 14. 23 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., p. 12. 24 Comme nous l’expliquons infra, la présente contribution n’expose pas en profondeur les conflits entre la BCE
et l’ABE mais nous conseillons toutefois le lecteur de s’y intéresser. 25 Au contraire de la BCE en tant que Banque Centrale. Voir G. FERRARINI, « Single Supervision and the
Governance of Banking Markets : Will the SSM Deliver the Expected Benefits », European Business
Organization Law Review, 2015, Vol.16(3), pp. 531-535 26 Pour l’état de la supervision dans l’Union européenne avant la centralisation et les différents modèles appliqués,
voir not. L.M. GUTU et V. ILIE, « Banking supervision in European Union », Practical Application of
Science, Vol.I(2 (2/2013)), 1er octobre 2013, pp. 121-130. 27 Voir article 2(9) du règlement MSU. 28 W. BOSSU et D. CHEW, « But we are different! » : 12 Common Weaknesses in Banking Laws, and What to
Do about Them, IMF Working Paper, 2015, WP/15/200, pp. 10-13.
11
de l’Union et de chacun des États membres participants ». Il garantit en plus l’intégrité du
marché intérieur et la protection des déposants29.
Ensuite, la BCE est exclusivement compétente pour accomplir la mission de contrôle30 relative
à cet objectif pour tous les établissements de crédit agréés dans les États membres participants31.
L’article 4 du règlement énumère en outre une série de tâches incombant à la BCE et
s’inscrivant dans cette mission de contrôle. Il faut cependant lire cet article en parallèle avec
l’article 6(4) du règlement car l’exercice des compétences est réparti entre la BCE et les ACN
selon l’importance des établissements surveillés32. Pour l’essentiel, le mécanisme prévoit que
la BCE est directement compétente pour la supervision des établissements considérés comme
importants et indirectement pour les établissements moins importants, l’exercice de la
supervision directe restant de la compétence des ACN. En outre, la BCE est responsable de
l’application cohérente et efficace du MSU et garde un certain contrôle sur l’exercice des
compétences des ACN prévues dans le règlement MSU33 car elle peut leur donner des
instructions et même leur reprendre la supervision directe34.
Enfin, pour la mise en œuvre de ses missions prudentielles, le règlement MSU octroie à la BCE
plusieurs pouvoirs d’enquête spécifiques qu’elle peut directement appliquer35 (avec l’aide des
ACN) mais également la possibilité d’appliquer directement le droit national des États
membres ou de demander aux ACN d’en faire usage36. De plus, la BCE s’est vue accorder un
pouvoir de sanction administrative37 et, à nouveau, la possibilité de requérir des ACN qu’elles
entament des procédures en vue d’infliger des sanctions en vertu de leur droit local38.
29 Voir considérant (30) du règlement MSU. Autrement dit et selon le guide relatif à la supervision bancaire de la
BCE sur lequel nous reviendrons infra, l’objectif est triple :
- Garantie la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen ;
- Accroître l’intégration et la stabilité financières ;
- Assurer une surveillance cohérente. 30 Dans la version française du règlement MSU, le vocable « missions » est utilisé en traduction de la version
anglaise qui utilise le vocable « tasks » (« tâches », si on s’en tient à une traduction littéraire). Dans le cadre
d’une lecture en parallèle avec le guide du FMI (FMI Working Paper, op. cit.), les « missions » du règlement
correspondent également aux « tasks ». 31 Voir considérants (15) et (16) du règlement MSU. Par « États membres participants », il faut comprendre les
États dont la monnaie est l’euro. En outre, des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro peuvent
décider de rejoindre le MSU mais pour l’instant, aucun n’a fait un tel choix. 32 Infra, lorsque nous aborderons le partage des compétences dans le MSU. 33 En effet, puisque selon le considérant (15) du règlement MSU, « les autres missions de surveillance devraient
rester du ressort des autorités nationales », le règlement ne peut porter que sur des missions qui se trouvent
dans son texte et pas au-delà. 34 Voir article 6(5) du règlement MSU. 35 Voir articles 9 et suivants du règlement MSU. 36 Voir article 9(1) du règlement MSU. 37 Voir article 18 du règlement MSU. Sur le pouvoir de sanction de la BCE en matière de surveillance prudentielle,
voir not. T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 161-
168, qui cite également not. J.-P. KOVAR et J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Le pouvoir de sanction de
la BCE en matière de surveillance prudentielle », Banque, novembre 2014, N°777, p. 91. 38 Voir article 18(5) du règlement MSU.
12
iv. Objet et plan du mémoire
Après cette introduction succincte mais essentielle visant à effectuer un état descriptif du
Mécanisme de Surveillance Unique, la présente contribution pour objet de l’examiner sous un
angle critique. Notre critique se veut constructive, raison pour laquelle nous ne traiterons que
de points susceptibles d’être remis en cause sur base d’arguments juridiques et faisant l’objet
de discussions par la doctrine. Si les praticiens quotidiens du MSU lui trouvent beaucoup de
défauts39, nous avons décidé de n’en aborder que certains.
Dans un premier temps, nous exposerons le MSU d’un point de vue institutionnel. Nous verrons
d’abord la désignation de la BCE comme superviseur au centre du MSU et remettrons en cause
ce choix et sa base légale. Nous étudierons ensuite le cadre organisationnel de la BCE en tant
que superviseur prudentiel, surtout sous le prisme de son organe central : le Conseil de
surveillance. Nous traiterons dans ce cadre également de la question de l’indépendance vis-à-
vis des tiers à la BCE au sein et en dehors du MSU.
Dans un second temps, nous nous pencherons sur le fonctionnement matériel du MSU. A cet
égard, nous discuterons plus longuement de la question du partage de l’exercice des
compétences, tant au niveau théorique par l’analyse du caractère exclusif de la compétence de
contrôle prudentiel de la BCE qu’au niveau pratique via un exposé de l’articulation de facto.
Pour finir, nous aborderons l’exercice de ces compétences, et ce principalement par la BCE.
A nouveau, il est bon de garder à l’esprit que le présent travail ne traite que de questions ciblées
et n’a pas pour objet un descriptif complet du MSU. Nous renverrons donc, le cas échéant, le
lecteur à d’autres articles de doctrine pour un complément d’informations.
39 Des entretiens avec des conseillers juridiques de la Banque nationale de Belgique, notamment, nous ont permis
de dégager un très grand nombres de pistes de réflexion critique sur le MSU. Cependant, dans le cadre d’un
travail de fin d’études, nous avons choisi de traiter pour l’essentiel d’aspects purement juridiques et se
concentrer sur des points compréhensibles et intéressants pour tout un chacun, pas seulement pour les
« praticiens du MSU ».
13
PARTIE 1 : DROIT INSTITUTIONNEL
1.1. LA BANQUE CENTRALE EUROPEENNE, SUPERVISEUR AU
CENTRE DU MECANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE : POURQUOI
ET COMMENT ?
A l’origine de la création du MSU, il y a toujours un consensus politique reposant sur un
fondement juridique. A l’image des fondations d’un bâtiment, la base juridique et le choix de
l’institution qui portent le mécanisme constituent deux aspects élémentaires et cruciaux. Si au
cours du travail, nous avons choisi de cibler des points examinés en raison de leur intérêt, ce
chapitre s’est imposé de lui-même par son importance. En effet, afin de réaliser une étude
efficace, il convient de repartir de la source, la base légale.
1.1.1. La base légale
Au moment des crises, le besoin pressant de l’instauration d’une Union Bancaire comprenant
entre autres le Mécanisme de Surveillance Unique a obligé le législateur européen à agir
urgemment.
Par nécessité, il s’est autorisé des écarts d’abord au niveau de la législation primaire par le biais
notamment d’une interprétation très large des Traités. Ce procédé fut préféré à une longue
procédure de révision. Ce phénomène s’observe également au niveau des législations
secondaires où, par exemple, les règlements ont remplacé les directives40. Permettant certes une
adoption du MSU dans des délais plus brefs, cela a eu comme conséquence de le fragiliser.
i. Le choix de l’article 127, paragraphe 6 du TFUE
Le règlement MSU se fonde sur le 6e paragraphe de l’article 127 du TFUE, lequel se trouve
dans le chapitre relatif à la politique monétaire. Cet article énumère les tâches du Système
Européen de Banques Centrales (SEBC) qui comprend la BCE et les banques centrales des 28
États Membres41.
Le SEBC n’obtient lors de son entrée en vigueur qu’une compétence secondaire en matière de
contrôle prudentiel42. En effet, de nombreux obstacles font obstruction, à cette époque, à une
40 G. MONTI et C. A. PETIT, « The Single Supervisory Mechanism : legal fragilities and possible solutions »,
Ademu Working Papers Series WP 2016/016, Mai 2006, p. 12. 41 Sur le SEBC, voir not. S. ADALID, La Banque centrale européenne et l’Eurosystème : Recherches sur le
renouvellement d’une méthode d’intégration, Bruxelles, Bruylant, 2015. 42 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19.
14
centralisation de la surveillance des établissements financiers43. Ainsi, le 5e paragraphe de
l’article 127 du TFUE prévoit simplement une participation du SEBC dans le cadre de la
formulation et la conduite des politiques de contrôle prudentiel menées par les ACN44.
Cependant, les oppositions sont petit à petit tombées et un accord politique sur l’octroi à la BCE
de compétences en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit s’est finalement
dégagé. C’est donc le paragraphe 6 de l’article 127 du TFUE qui est mis en œuvre. Il prévoit
que « le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative
spéciale, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale
européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait
aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres
établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances »45.
ii. Développements critiques
Premièrement, l’article prévoit une procédure de révision spécifique et simplifiée qui se
distingue des procédures de révision simplifiée générales prévues par le Traité46. En effet, cette
procédure spécifique va plus loin que l’article 48(6) du TUE car elle permet d’étendre
directement les compétences de la BCE, institution de l’Union européenne. En outre, elle
dépasse également l’article 48(7) du TUE qui prévoit une simple facilitation de l’adoption
d’actes pour les institutions européennes47.
De plus, conformément à l’article 127(6) du TFUE, le Parlement européen ne fut impliqué que
par voie de consultation dans le processus de décision concernant l’adoption du MSU.
Effectivement, la disposition prévoit qu’il appartient seulement au Conseil d’octroyer ces
compétences nouvelles à la BCE, sur consultation de la BCE et du Parlement.
Il est marquant qu’une telle prérogative de révision simplifiée exceptionnelle puisse être confiée
exclusivement au Conseil, organe uniquement intergouvernemental, sans contrepoids immédiat
d’une institution représentant les intérêts européens ou des citoyens directement.
Heureusement, le Parlement a finalement eu la possibilité d’influencer48 indirectement (et
surtout politiquement) le MSU lorsqu’il est intervenu lors de l’amendement du règlement
ABE49 conséquent à l’instauration du MSU50. In fine, le Parlement fut même profondément
43 Par exemple : des divergences entre les régimes nationaux, le fait que les banques centrales des États membres
ne sont pas toutes en charge de la supervision prudentielle43, des réserves émises par des États membres à
propos du transfert d’une prérogative dont l’importance est capitale,… 44 Voir article 127(5) du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. 45 Voir article 127(6) du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. 46 Voir article 48(6) et (7) du Traité sur l’Union Européenne. 47 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19. 48 G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 2. 49 Règlement (UE) 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité
européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et
abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission, J.O.U.E., L 332, 15 décembre 2010, pp. 12-47. 50 Nous reviendrons infra sur les relations entre le MSU et l’ABE.
15
impliqué dans l’adoption du texte qui a d’ailleurs été amendé sur sa proposition, ce qui a permis
de contrebalancer les pouvoirs européens concernés51.
Deuxièmement, la formulation de la base légale du MSU prévoit la possibilité de conférer des
« missions spécifiques » à la BCE relatives à la surveillance prudentielle. Par conséquent, la
compétence de principe devrait rester au niveau national, comme l’indiquent d’ailleurs les
considérants du règlement MSU52, et seules des tâches clairement définies et listées
exhaustivement peuvent être attribuées. L’adjectif « spécifique » se distingue en fait de
compétences « générales » qui pourraient alors englober l’ensemble de la supervision
prudentielle bancaire53. Ensuite, ces missions doivent avoir « trait aux politiques », ce qui
devrait vouloir dire qu’elles relèvent plutôt de la conception que de l’exercice du contrôle lui-
même54. En effet, la politique se caractérise par la définition d’une ligne d’action basée sur des
objectifs et des moyens55 et non pas sur l’action elle-même. Cela nous semble d’autant plus
logique que l’article 127(5) du TFUE, pour rappel, prévoit que le SEBC (dont le BCE fait partie)
participe à l’élaboration des politiques prudentielles des ACN. S’agissant seulement de préparer
des études et des rapports pour l’adoption de règles prudentielles par d’autres institutions, la
BCE s’y attèle en réalité depuis des années56.
Si on ajoute à cela nos développements ci-dessus sur la procédure exceptionnelle, il semblerait
qu’une interprétation stricte de l’article 127(6) du TFUE doit prévaloir57. Or, il parait évident,
à la lecture du règlement MSU, que le législateur s’est permis une interprétation très large de la
disposition qui dépasse, et de loin, l’attribution de compétences qu’elle avait initialement
prévues.
En effet, le règlement prévoit une compétence générale et exclusive de la BCE en ce qui
concerne la surveillance de tous les établissements de crédit, lui permettant de prendre des
décisions individuelles ou générales contraignantes et lourdes de conséquences (en particulier
l’octroi et le retrait d’agrément), des sanctions administratives, des décisions adoptant des
mesures d’investigation,… Ceci est non seulement loin d’être limités aux « politiques »
prudentielles mais semble également étendre les compétences de la BCE jusqu’à une quasi
plénitude, s’écartant de l’idée de simple « tâches spécifiques ». D’aucuns argumenteraient en
sens inverse que le caractère exhaustif de la liste des compétences de l’article 4 du MSU suffit
à prétendre à une interprétation stricte du traité mais la lecture globale du règlement
(considérants compris) et son application conduisent à penser que les compétences soi-disant
résiduelles des autorités nationales sont de facto très limitées58. En effet, elles ne demeurent
51 E WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit., p.
2. 52 Voir considérant (15) du règlement MSU. 53 G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 3. 54 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19. 55 G. CORNU, Vocabulaire juridique (Capitant), PUF, 6ème édicition, 2004, p. 679, cité par P.-E. PARTSCH, « Le
Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 19. 56 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 17. 57 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 20. 58 Infra, lorsque nous aborderons le partage des compétences dans le MSU.
16
finalement compétentes que pour quelques matières anecdotiques comme la protection des
consommateurs ou la lutte contre le blanchiment d’argent59.
Enfin, certains auteurs ont mis en exergue que l’article 127(6) devrait s’appliquer à tous les
États membres de l’Union et pas seulement à ceux dont la monnaie est l’euro60. Cet article fait
partie du chapitre sur l’Union Monétaire, qui est supposée s’appliquer également à l’ensemble
des États membres mais profite d’une dérogation temporaire selon l’article 137 du TFUE.
Cependant, l’article 127(6) ne fait pas partie de la liste des dispositions pouvant faire l’objet de
ladite dérogation61. Il ne profite pas non plus du régime d’exception pour l’Irlande et la Grande-
Bretagne62. L’argument tiré du fait que l’article 127 fait partie des pouvoirs de la BCE et que
donc, automatiquement, il ne s’applique qu’aux pays dont le monnaie est l’euro ne nous semble
pas pertinent dès lors que la restriction à certains États membres ne concerne que les fonctions
monétaires de la BCE63.
iii. Conclusion
Finalement, la solution tirée de l’interprétation large de l’article 127(6) du TFUE pour instaurer
le MSU apparait comme très fragile et ne devrait, par conséquent, qu’être provisoire. S’il fallait,
au moment de la création de l’Union Bancaire, éviter à tout prix la lenteur et les obstacles
politiques découlant d’une révision traditionnelle des Traités, elle semble désormais tout à fait
possible et nous parait même essentielle. Déjà avant l’adoption du règlement, l’Allemagne,
comme d’autres États membres, considérait que le Traité tel quel ne suffirait pas et qu’une
révision était inévitable64 mais ce pays accepta de mettre de côté ses convictions afin de servir
le dessein essentiel de résolution de la crise financière65.
Sur le long terme, des auteurs prônent notamment l’ajout d’un objectif de stabilité financière à
l’article 3 du TUE66, l’insertion d’un chapitre sur l’Union Bancaire dans le titre sur l’Union
Monétaire Européenne (UME) ou encore un transfert total des responsabilités relatives à la
supervision au niveau européen par le biais d’une gouvernance totalement autonome67.
59 Voir considérant (28) du règlement MSU. A cet égard, il faut distinguer ces prérogatives purement nationales et
qui demeurent du ressort des ACN de leurs prérogatives obtenues en vertu du règlement MSU. Les
compétences en matière de blanchiment et de protection des consommateurs font partie des premières. 60 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 18 et plus précisément la note de bas de page 81. 61 M. NIKNEJAD, « European Union towards the Banking Union, Single Supervisory Mechanism and Challenges
on the Road Ahead », European Journal of Legal Studies, 2014, 84, pp. 100-101. 62 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 18. 63 M. NIKNEJAD, op. cit., p.101. 64 J. BRUDSEN, « EU Set to Clash on Bank Deal as Germany Sees Treaty Limit », Bloomsberg Business Week,
avril 2013, cité dans M. NIKNEJAD, op. cit., p. 94. 65 M. NIKNEJAD, op. cit., pp. 94-95. 66 IMF Country Report, « European Union : Financial System Stability Assessment », 2013, No. 13/75, IMF, §30,
p. 22, cité dans G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 12. 67 Voir not. G. MONTI et C. A. PETIT, op. cit., p. 12.
17
1.1.2. Le choix de la BCE
Comme nous l’avons déjà exposé, l’institution désignée comme la pierre angulaire du
fonctionnement du MSU et à laquelle sont confiées les principales responsabilités en matière
de surveillance est la Banque Centrale Européenne. Bien que plusieurs raisons justifient ce
choix, il convient de s’interroger sur sa pertinence.
i. Justifications en faveur de la BCE
Tout d’abord, le choix de la BCE se justifie par une simple question de facilité. En effet, la
création d’une nouvelle entité spéciale en charge de la supervision bancaire aurait demandé une
révision du Traité68, révision redoutée et évitée à tout prix. Or, comme nous l’avons vu, un
article du Traité prévoyait déjà d’autoriser la BCE à exercer des compétences prudentielles69.
Ensuite, comme il l’est rappelé dans les considérants du règlement MSU, la BCE est la mieux
placée pour assurer la surveillance du secteur financier, dès lors qu’elle jouit d’ores et déjà
d’une expertise macroéconomique et en matière de stabilité financière70. Cela lui assure en outre
une crédibilité supérieure, notamment par rapport à l’ABE dont la réputation fut écornée par
son incapacité à prévoir les crises71. Cette dernière est en sus une agence72, ce qui rendait plus
difficile une potentielle délégation de compétences en vertu de la doctrine dite Meroni73, au
contraire de la BCE qui est une institution européenne à qui le Traité lui-même prévoyait déjà
de déléguer des compétences. Ceci étant, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers
(AEMF) qui a été instaurée au même moment et au même titre que l’ABE74, s’est vue confier
postérieurement des compétences de contrôle et de surveillance75. L’ABE souhaiterait sans
doute profiter du même sort.
En outre, parmi les considérations politiques et bien que la mise en œuvre concrète s’en
démarque, il fut mis en avant que le cumul des compétences prudentielles avec les compétences
en matière de politique monétaire peut s’avérer utile. D’une part, le contexte de grande
instabilité réclame une centralisation et une coordination des différentes politiques financières.
68 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 16. 69 Ibid, p. 17. 70 Considérant (13) du règlement MSU. 71 Et cela malgré l’organisation de stress tests. Voir P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique
… », op. cit., p. 15. 72 Malgré le choix peu fortuit de son appellation. 73 C.J.U.E., arrêt Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, società in accomandita semplice c. Haute Autorité de la
Communauté européenne du charbon et de l'acier, 13 juin 1958, C-9/56, ECLI:EU:C:1958:8. La doctrine
Meroni concerne la mesure dans laquelle les institutions de l'UE peuvent déléguer leurs tâches à des
agences, comme l’ABE en l’occurrence. Elle est controversée, notamment parce serait désormais détachée
de la réalité, compte tenu de la complexité croissante des compétences de l’Union européenne. 74 Voir not. P.-E. PARTSCH, Droit bancaire et financier européen, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 337-361. 75 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., p. 128.
18
De plus, les deux pans des activités de la BCE sont sensiblement connectés, de sorte que les
informations et pouvoirs dont profite la Banque pour ses missions de surveillance s’avèrent très
utile à la politique monétaire. A titre d’exemple, la BCE en tant que banque centrale, a vocation
en période de crise à procurer des sommes d’argent conséquentes à des banques dont il est
préférable qu’elle connaisse parfaitement l’état de santé par le biais de ses pouvoirs
prudentiels76.
La BCE s’était d’ailleurs déjà vue reconnaitre un certain rôle en matière de surveillance
prudentielle lors de la création du Comité Européen du Risque Systémique (CERS) qui lui fut
adossée. Cependant, il a été décidé de ne confier aucune compétence en matière micro-
prudentielle et de ne pas intégrer pleinement le CERS à la BCE77. Cette décision démontre les
réticences de longue date à l’idée de doubler les compétences en matière de politique monétaire
de la BCE avec la surveillance prudentielle des banques...
ii. Limites et risques
Si des externalités positives d’un tel cumul étaient prévues lors de l’entrée en vigueur du MSU,
elles semblent toutefois limitées et nuancées par des critiques.
Tout d’abord, la majorité des critiques à l’encontre d’une délégation de compétences
prudentielles à la BCE relève du potentiel conflit d’intérêts avec la politique monétaire. Cette
idée fut déjà mise en exergue au moment des crises par Jean de Larosière qui déconseillait
d’articuler le MSU autour de la BCE78. Certains préféraient d’ailleurs confier la surveillance
des banques à l’ABE, malgré les difficultés que cela pouvait poser79. En effet, la peur d’une
augmentation du risque d’aléa moral80 et de conflits d’intérêts entre l’exercice des deux
compétences a fait couler énormément d’encre durant les premières années du MSU81 et même
avant82. On craignait que l’objectif de stabilité des prix soit mis de côté au détriment des
préoccupations à propos de la santé des banques. De même, d’aucuns prévoyaient que les
devoirs de conduite de la politique monétaire affecterait les responsabilités de supervision de la
BCE. Par exemple, en cas de récession, on peut imaginer que la BCE baisse ses standards de
76 V. IOANNIDOU, « A First Step Towards a Banking Union », dans T. Beck (ed.), Banking union for Europe :
risks and challenge, 2013. 77 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp. 122-123. 78 J. DE LA ROSIÈRE, rapport, The High-Level group on Financial supervision in the EU, Bruxelles, 25 février
2009, n°171. 79 C. DE BOISSIEU, « La refonte de la régulation bancaire et financière : une vue perspective », Bull. Joly Bourse,
octobre 2012, §197, p. 456. 80 Voir not. T. BONNEAU, « Aléa moral et régulation financière », Bull. Jolu Bourse, décembre 2012, § 220, p.
526. 81 Voir not. B. COEURÉ, « Monetary Policy and Banking Supervision », symposium: “Central Banking: Where
Are We Headed?” in honour of Stefan Gerlach’s contribution to the Institute for Monetary and Financial
Stability, Goethe University, Francfort, 7 février 2013. 82 Voir not. C. DI NOIRA et G. DI GIORGIO, « Should Banking Supervision and Monetary Policy Tasks be Given
to Different Agencies? », International Finance 2:3, 1999, pp. 361–378.
19
supervision afin de supporter ses objectifs de politique monétaire83. La majorité de ces peurs
sont difficilement vérifiables, même aujourd’hui alors que le MSU est entré en vigueur depuis
plusieurs années, car elles sont susceptibles de se réaliser principalement dans un contexte de
crise (comme dans notre exemple). Dès lors, elles nous semblent toujours pertinentes.
A défaut de s’être résorbé avec le temps, le risque de conflit d’intérêts a été contré par des
garde-fous organisationnels et institutionnels84. En effet, le règlement MSU insiste lui-même
sur le besoin de séparer les fonctions de la BCE85. Cependant, comme nous le verrons, la
conséquence de cela est un cloisonnement de la compétence prudentielle par l’instauration
d’une instance décisionnelle spécifique et indépendante (le Conseil de Surveillance86) qui, in
fine, est presque entièrement distincte de la BCE. Dès lors, toute idée de coordination et de
cohérence des politiques financières arguées comme justification au choix discutable de la BCE
perd en fondement et pertinence. D’un autre côté, le cloisonnement n’est pas parfait car le
Conseil de surveillance dépend du Conseil des gouverneurs pour son organisation interne, ce
qui peut poser problème puisque cela a vocation à réduire l’efficacité du chinese wall entre la
politique monétaire et la supervision87. A titre d’exemple, on peut critiquer le fait que le Conseil
de surveillance n’a aucun pouvoir sur le budget et les ressources affectées à la surveillance, de
même que certains services (dont le crucial audit interne) participent aux deux fonctions88.
Il y a donc à ce stade deux arguments totalement antagonistes qui sont tenus : le besoin de
coordination des politiques financières par la centralisation de la politique monétaire et la
surveillance prudentielle qui justifie qu’on double les compétences de la BCE d’une part et la
nécessité de séparer presque totalement les deux fonctions au sein de la BCE d’autre part. Le
législateur européen justifie le choix de la BCE par le premier argument mais garantit
l’indépendance de la BCE en matière de politique monétaire par le second. Ceci nous parait
contradictoire et traduit la fragilité du consensus qui s’est dégagé à propos de la BCE dans un
contexte de crise et de la nécessité de construire sur une base juridique disponible
immédiatement.
83 M. NIKNEJAD, op. cit., p. 98. 84 Infra, lors de l’exposé de la gouvernance interne de la BCE. 85 Voir article 25 du règlement MSU. 86 Voir article 26 du règlement MSU. 87 E. FERRAN et V.S.G. BABIS, « The European Single Supervisory Mechanism », University of Cambridge
Faculty of Law Research Paper, 10/2013, 2013, cité dans C. C. HU, The Regulation and Supervision of
Banks: The Post Crisis Regulatory Responses of the EU, Routledge Research in Finance and Banking Law,
2018, p. 12. 88 European Court of Auditors, « Mécanisme de surveillance unique les débuts sont réussis, mais des améliorations
sont nécessaires », Rapport spécial n° 29, 2016, p. 10.
20
iii. Conclusion
Cela nous ramène finalement à ce que nous disions à propos de la base légale : le besoin d’une
réaction urgente à la crise justifie que les détracteurs du choix de la base juridique, qui
s’efforcent de défendre une révision89, finissent par admettre postposer de cette révision, et que
les économistes déconseillant vivement une implication des banques centrales dans la
surveillance prudentielle90 l’acceptent. Mais nous pourrions regretter de telles concessions si la
stabilité financière devait à nouveau être mise en péril de manière critique, telle que cela
pourrait être le cas par exemple si un hard Brexit devait avoir lieu91. C’est la raison pour laquelle
nous prônons une reconstruction plus solide du MSU à l’aide d’une révision du Traité et d’un
organe spécialisé afin que l’objectif ambitieux du projet soit garanti par des fondations plus
solides et durables.
89 P. SPIEGEL, « Schäuble Warns EU Bank Rescue Agency Needs Treaty Changes », Financial Times, Mai 2013,
cité par M. NIKNEJAD, op. cit., p. 95. 90 D. MASCIANDARO, « Back of the future? Central Banks as Prudential Supervisors in the aftermath of the
crisis », ECFR 2/2012, p.117. 91 R. PARTINGTON, « Bank of England says no-deal Brexit would be worse than 2008 crisis », The Guardian,
28 novembre 2018, disponible sur <https://www.theguardian.com/business/2018/nov/28/bank-of-england-
says-no-deal-brexit-would-be-worse-than-2008-crisis>.
21
1.2. GOUVERNANCE DE LA BCE EN TANT QUE SUPERVISEUR
PRUDENTIEL : ANALYSE CIBLEE DU CONSEIL DE SURVEILLANCE
Par gouvernance, on entend ici l’organisation interne de la BCE, telle qu’elle résulte du
règlement MSU et des décisions de la BCE elle-même. A défaut de pouvoir, comme cela a déjà
été fait par d’autres auteurs92, se pencher en profondeur sur les organes, les procédures de
décision, et autres éléments essentiels au fonctionnement de la BCE, nous avons pris la décision
de concentrer notre analyse sur le Conseil de surveillance. Ce Conseil, nous le verrons, est selon
nous la pièce maitresse de l’organisation de la BCE, de sorte que sa critique seule suffit à
remettre en cause les choix du législateur européen en la matière. La présente contribution,
volontairement lacunaire à la matière, peut nécessiter un complément d’information93.
1.2.1. Le fonctionnement de la BCE articulé autour du Conseil de surveillance
L’organisation interne de la BCE en tant que superviseur prudentiel se distingue de la
gouvernance de cette institution en tant que banque centrale. En effet, par souci d’indépendance
entre ces deux compétences94, une nette séparation s’est opérée et une nouvelle instance, le
Conseil de surveillance, a été créée. Elément dominant du MSU, il convient de l’analyser en
profondeur et d’y poser un regard critique.
i. Présentation
Les missions de surveillance de la BCE doivent être totalement séparées de ses missions de
politique monétaire95. Pour ce faire, le règlement MSU prévoit notamment que le Conseil des
gouverneurs fonctionne différemment dans les deux domaines de compétence, par le biais par
exemple de réunions distinctes, et que les services relatifs à chaque compétence sont en principe
différenciés96.
92 Voir not., à nouveau, E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the
Banking Union », op. cit.. 93 Pour une critique de l’ensemble de la gouvernance de la BCE dans le cadre du MSU, voir not. European Court
of Auditors, « Mécanisme de surveillance unique les débuts sont réussis, mais des améliorations sont
nécessaires », op. cit., pp. 22-42. 94 L. DELLA PELLEGRINA, D. MASCIANDARO, R.V. PANSINI, « The central banker as prudential
supervisor: Does the independance matter », Journal of Financial Stability 9, 2013, pp. 415-427. 95 Voir article 25 du règlement MSU. 96 Voir les considérants (65) et (66) du règlement MSU.
22
En outre, une nouvelle instance décisionnelle est créée et joue un rôle central dans le cadre des
compétences prudentielles confiées à la BCE97 : le Conseil de surveillance, en charge de la
planification et de l’exécution des missions prudentielles98. Ce dernier est composé d’un
président, d’un vice-président, de quatre représentants de la BCE et d’un représentant de l’ACN
de chaque État membre participant au MSU99. Cela fait donc un total de six membres dits
professionnels et dix-neuf représentants des États membres100.
Les compétences du Conseil de surveillance sont très larges. En effet, il est tout d’abord chargé
de préparer les « projets complets de décisions », projets sur lesquels le Conseil des gouverneurs
peut se pencher durant un délai très court afin de soulever des objections ou les adopter101. Le
contrôle du Conseil des gouverneurs est minimal et ce dernier ne peut pas amender les projets
de décisions, il ne peut que les accepter ou les refuser. Cependant, on considère toujours que la
décision finale revient au Conseil des gouverneurs qui en est d’ailleurs responsable102. Qui plus
est, dans l’hypothèse où le Conseil des gouverneurs déciderait d’objecter au projet, les ACN
peuvent le soumettre à un comité de médiation et remettre en cause la position prise par le
conseil des Gouverneurs. Le Conseil de surveillance est aussi compétent pour planifier et
exécuter certaines missions, il est en charge du reporting vers le Parlement européen, le Conseil
et les parlements nationaux, …103
Tout ceci laisse à penser que « le rôle du Conseil de surveillance va nettement au-delà d’un
comité de direction dans une structure bicéphale »104. Cette importance consacrée au Conseil
de surveillance soulève plusieurs questions de légitimité et de légalité.
ii. Légitimité du Conseil de surveillance
En principe, une délégation requiert deux actes : l’habilitation à déléguer et l’acte de délégation.
En l’occurrence, la Traité a octroyé la compétence de surveillance prudentielle directement à la
BCE105 mais ne prévoit pas d’habilitation à déléguer à un autre organe106. De plus, selon le
service juridique du Conseil qui s’est exprimé dans un avis légal non publié mais dont nous
trouvons des traces dans la doctrine107, le Traité permet à la BCE de décentraliser l’exercice de
97 Voir considérant (67) du règlement MSU. 98 Voir article 26 du règlement MSU. 99 Ibid. 100 E. WYMEERSCH, « The Single Supervisory Mechanism : Instutionnal Aspects », European Banking Union,
D. BUSCH et G. FERRARINI (dir.), Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 113. 101 Voir article 26(8) du règlement MSU. 102 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 16. 103 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 16. 104 Ibid. 105 Bien que, comme nous l’avons vu, cette base légale soit elle-même sujette à discussion. 106 Ce qui explique d’ailleurs le bricolage juridique que nous exposerons ensuite. 107 Avis juridique du service juridique du Conseil de l’Europe (9 octobre 2012, N° 14752/12), discuté not. Par A.
BARKER, « Leaked Legal Opinion on Eurozone Banking », F.T., 19 octobre 2012, disponible sur
<https://www.ft.com/content/63d7c5ee-c82e-3aa6-a6a1-62587e00b988>.
23
certaines tâches mais sans que cela puisse « sensiblement modifier l’exercice des pouvoirs
concernés »108. Il en découle que le pouvoir de décision final doit rester dans les mains du
Conseil des gouverneurs109. Dès lors, l’organisation interne et la procédure suivie par la
décision avant d’être finalement adoptée par le Conseil des gouverneurs relève entièrement de
la discrétion de la BCE. Elle est donc libre de prévoir la participation d’organismes internes,
créés ad hoc et responsables de la préparation des décisions, tels que le Conseil de surveillance
en l’espèce. Il ne s’agit pas d’un organe interne ayant reçu une délégation de compétences, il
n’a donc pas de personnalité juridique propre. En effet, la création d’une institution séparée
aurait demandé une révision du Traité ou, en tout cas, aurait été contraire à l’article 127(6) du
TFUE110.
Cependant, ce principe est mis à mal dans la pratique. Compte tenu de l’étendue des pouvoirs
qui sont conférés au Conseil de surveillance, certains prétendent que le MSU consiste en
l’attribution de compétences à un « superviseur adossé à la BCE »111 plutôt qu’à la BCE elle-
même, ce qui viole le Traité112. Il faut tout de même nuancer ces propos notamment car il y a
de facto des équipes de supervision qui sont pilotées par des membres du personnel de la BCE
et donc la majorité des services qui œuvrent pratiquement à la surveillance prudentielle
dépendent effectivement de celle-ci.
De plus, bien que le TFUE et les statuts de la BCE précisent que la conduite de la politique
monétaire appartient à la BCE et à son instance décisionnelle, à savoir le Conseil général, aucun
équivalent institutionnel n’existe dans les textes concernant les compétences prudentielles de la
BCE113 pour le Conseil de surveillance.
Par conséquent, l’établissement d’une entité au sein de la BCE avec de « larges pouvoirs
discrétionnaires de décision »114 dépasse la simple organisation interne telle nous la décrivions
ci-dessus.
En outre, la composition du Conseil de surveillance traduit d’une volonté de le soustraire à
l’influence de la BCE en plaçant le centre de gravité décisionnel au niveau des représentants
des ACN, de sorte que « cela s’apparente plus à une coopération intergouvernementale qu’à un
transfert de compétences à une institution supranationale »115. En effet, comme nous l’avons
exposé, toute proposition du Conseil de surveillance est automatiquement adoptée sauf si le
Conseil des gouverneurs objecte dans un bref délai. La décision relève finalement presque
exclusivement des autorités des États membres puisque les conditions de vote leur sont
108 Traduction libre de l’avis juridique du Conseil de l’Europe (9 octobre 2012, N° 14752/12), op. cit.. 109 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 20. 110 Ibid., p. 21. 111 D. NOUY, « Un superviseur adossé à la BCE est un vrai avantage », Rev. Banque, N° 757, 2013, p. 24, cité
dans P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 18. 112 D’autres auteurs, comme T. BONNEAU (op. cit.) ne partagent pas cet avis et considèrent au contraire que le
Conseil de surveillance est bel et bien un simple organe interne. 113 M. NIKNEJAD, op. cit., p. 100. 114 Traduction libre de E. FERRAN et V.S.G. BABIS, « The European Single Supervisory Mechanism »,
University of Cambridge Faculty of Law Research Paper, 10/2013, 2013, p. 15. 115 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 17.
24
favorables : en principe, majorité simple (ce qui met évidemment les représentants des ACN en
bonne position) et exceptionnellement, majorité qualifiée116.
Qui plus est, compte tenu de ce processus et du temps laissé au Conseil des gouverneurs, il n’y
a dans la plupart des cas pas de décision formelle mais un simple écoulement de délai, de sorte
qu’on peut se demander si cette « approbation négative » peut toujours être considérée comme
une décision du Conseil des gouverneurs117. Enfin, compte tenu de la possibilité de saisir le
comité de médiation118 et du principe de séparation des compétences monétaires et
prudentielles119, la pratique nous a montré que le Conseil des gouverneurs ne se montre que très
rarement en désaccord avec les décisions préparées par le Conseil de surveillance.
Finalement, il semblerait que cette procédure confie de facto le pouvoir de décision au Conseil
de surveillance sous réserve d’un droit de veto du Conseil des gouverneurs120. Ceci confirme ce
que nous avons déjà observé supra : le MSU s’est construit sur base de dispositions légales
disponibles mais pas toujours cohérentes avec le projet. En effet, puisque le Traité exige que le
decision taking demeure dans le chef de la BCE agissant par la voie de ses instances
décisionnelles et donc du Conseil des gouverneurs, le mécanisme semble légal. Toutefois,
compte tenu de la pratique et du rôle quasi exclusif du Conseil de surveillance, nous estimons
que le processus actuel dépasse ce qui est acceptable sur base du Traité. Cela nous confirme
dans l’idée que l’invocation de l’article 127(6) du TFUE comme base juridique d’un MSU
articulé par conséquent autour de la BCE s’est fait à défaut d’une meilleure solution, ce qui
rend encore le mécanisme plus fragile.
1.2.2. Indépendance vis-à-vis de l’extérieur
L’acharnement du règlement à assurer de l’indépendance se marque à tous les niveaux du MSU.
A cet effet, outre le besoin d’indépendance interne entre ses compétences, la BCE elle-même
doit agir de manière indépendante et « les institutions, organismes et agences de l’Union, les
gouvernements des États membres ainsi que toute autre instance respectent cette
indépendance »121. Cette obligation est incontestablement importante puisqu’elle est consacrée
par le TFUE en son article 130.
116 Ibid. 117 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 53. 118 Voir article 25(5) du règlement MSU. 119 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 16. 120 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 53. 121 Voir article 19 du règlement MSU.
25
i. Les représentants des ACN membres du Conseil de surveillance : théoriquement
indépendants
Le Conseil de surveillance, élément central et noyau décisionnel du MSU, est majoritairement
composé de représentants des ACN des États membres participants122. Cependant, nonobstant
leur nom, ces membres du Conseil ne font pas de la simple représentation car ils font partie du
MSU à part entière.
L’article 19(1) du règlement MSU dispose clairement que « les membres du conseil de
surveillance (…) agissent en toute indépendance et objectivité dans l’intérêt de l’ensemble de
l’Union et ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction », notamment de leurs autorités
nationales, ni de leurs gouvernements respectifs123. Dans un avis, la BCE a d’ailleurs déclaré
contraire à cet article un projet de loi finlandais qui obligeait son représentant au Conseil de
surveillance à soumettre l’objet du vote futur au Conseil devant l’ACN, qui devait alors prendre
position à la place du représentant et lui imposer la décision. L’avis déclare en outre que, a
contrario, le représentant de l’ACN et membre du conseil de surveillance peut demander des
avis afin de se préparer au mieux avant la réunion au Conseil, sans que ces avis puissent lui être
imposés124. On retrouve également ces principes dans le Code de conduite applicable aux
membres du conseil de surveillance125.
Mais outre de ces considérations théoriques, la vraie question est celle de la signification et
l’application pratique.
ii. Analyse approfondie et critique de cette indépendance
Tout d’abord, d’un point de vue purement juridique, l’article 130 du TFUE ne s’applique pas
aux membres du Conseil de surveillance puisque, en principe et comme nous l’avons vu, ce
dernier n’est pas une entité possédant un pouvoir de décision propre mais est une simple
instance interne. Le régime d’indépendance prévu pour les gouverneurs siégeant au Conseil des
gouverneurs se distingue donc de celui des représentants des ACN membres du Conseil de
surveillance.
En effet, par exemple, les statuts de la BCE prévoient notamment la durée des mandats des
gouverneurs126 ou les motifs possibles de renvoi, ce qui n’est pas le cas des membres du Conseil
122 Voir article 26 du règlement MSU. 123 Ibid. 124 Avis de la BCE du 7 septembre 2016 sur le rôle du représentant de l'autorité de surveillance financière auprès
du conseil de surveillance prudentielle de la BCE et sur la redevance de surveillance prudentielle,
CON/2016/43, Finlande, 7.9.2016, disponible sur <
https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/en_con_2016_43_f_sign.pdf> 125 Voir article 4 du Code de conduite applicable aux membres du Conseil de surveillance (2015/C 93/02),
disponible sur < https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/oj_joc_2015_093_r_0002_fr_txt.pdf> 126 Voir article 14.2 des statuts du SEBC et de la BCE, disponible sur <
https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/fr_statute_2.pdf>.
26
de surveillance. Par conséquent, en tant que représentant d’une ACN, si un membre du Conseil
de surveillance ne votait pas dans l’intérêt de l’Union, il ne pourrait pas vraiment être écarté
par la BCE. Au contraire, si une ACN considère que le travail de son représentant ne correspond
pas à ses attentes, elle pourrait le remplacer127. Le représentant a donc tout intérêt, même en
l’absence d’instruction liante de la part de son ACN, à calquer son vote sur les positions qui lui
sont suggérées par celle-ci.
De plus, à nouveau à titre d’illustration, le droit de vote des gouverneurs doit être « exercé en
personne »128 alors qu’il n’existe aucune obligation spécifique de la sorte pour les représentants
des ACN, ce qui pourrait indiquer que la séparation entre eux et l’organe décisionnel de l’ACN
n’existe pas. L’indépendance des gouverneurs va encore plus loin puisqu’ils ne peuvent pas
discuter avec leurs gouvernements des points votés en Conseil, ce qui prouve que la protection
contre l’influence des gouvernements nationaux est accrue129. Il n’existe pas de distinction si
stricte entre le représentant d’une ACN membre du Conseil de surveillance et l’ACN qu’il
représente. De fait, comme la BCE le rappelle130, il peut sans encombres se concerter avec
l’ACN avant de voter, tant que les échanges qui ont lieu ne le lient pas et que, in fine, son vote
soit libre et s’opère dans l’intérêt de l’Union.
En conclusion, on constate par conséquence que si les gouverneurs deviennent ex-officio et en
tant que tels des membres du Conseil des gouverneurs, les représentants des ACN ne sont
soumis aux règles du MSU (et notamment l’article 19 du règlement MSU) que parce que et
aussi longtemps que l’autorité nationale le décide. Nonobstant leur droit de discuter avec
l’autorité qu’ils représentent avant les réunions, au moment du vote, l’obligation d’agir dans
l’intérêt de l’Union prévaut. Néanmoins, cette obligation nous semble difficile à mettre en
œuvre notamment en l’absence d’une complète transparence concernant la répartition des
votes131 inhérente au secret du délibéré.
iii. Remarques générales sur l’indépendance et perspectives globales
Nous limitons notre analyse au cas des représentants des ACN au sein du Conseil de
surveillance mais la BCE entière se veut libre de pressions extérieures. Ce caractère
indépendant de la BCE est d’ailleurs marqué dans le cadre de la politique monétaire132, de sorte
qu’elle est considérée comme la Banque Centrale la plus indépendance du monde133.
127 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 49. 128 Voir article 10.2 des statuts de la BCE. 129 Voir article 14.2 des statuts de la BCE. 130 Avis de la BCE du 7 septembre 2016, op. cit.. 131 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 49. 132 Voir not. S. ADALID, La banque centrale européenne et l'Eurosystème, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 503-
606. 133 D. CHALMERS, G. DAVIES et G. MONTI, European Union Law, Cambridge, Cambridge University Press,
2010, p. 732, cite dans M. NIKNEJAD, op. cit., p. 109.
27
Cela a également des conséquences plus générales. A titre non exhaustif et pour ouvrir l’appétit
du lecteur, en voici quelques-unes :
D’abord, si l’indépendance de la BCE a été énormément mise en exergue depuis sa conception,
ses devoirs de reporting et la responsabilité générale ont été limités134. En effet, l’indépendance
vis-à-vis d’organes tiers et la responsabilité devant ces mêmes organes (européens135 ou
nationaux136) semblent en contradiction137. Dès lors, dans quelle mesure l’équilibre entre
indépendance et responsabilité est-il atteint au sein du MSU138 ?
Ensuite, une autre question que nous avons décidé de ne pas exposer car elle fait déjà l’objet de
très nombreux commentaires doctrinaux est celle des relations entre le MSU et l’ABE139. A cet
égard, le Conseil avait précisé que malgré la création du MSU, l’ABE devait conserver
l’ensemble de ses prérogatives140. Cependant, dans la pratique, ce ne fut pas si simple et
plusieurs points de friction sont apparus. Premièrement, alors que les compétences de régulation
sont majoritairement restées dans les mains de l’ABE, la BCE a toutefois reçu un certain
pouvoir normatif141 et il pourrait en résulter des conflits. Deuxièmement, certaines craintes
portent sur l’alliance des ACN participant au MSU notamment au conseil des autorités de
surveillance de l’ABE et la mise en minorité conséquente des États membres dont la monnaie
n’est pas l’euro. Troisièmement, d’aucuns s’interrogent sur les conséquences des pouvoirs de
l’ABE en cas de conflit entre autorités de surveillance, dès lors que la BCE est considérée
comme telle dans le MSU et pourrait voir son indépendance mise à mal si l’ABE était amenée
à intervenir de manière contraignante142.
134 La BCE est toutefois soumise à des obligations envers le Parlement européen et le Conseil selon l’article 20 du
règlement MSU mais également envers les parlements nationaux en vertu de l’article 21 du règlement MSU. 135 Voir article 20 du règlement MSU. 136 Voir article 21 du règlement MSU. 137 Un des cas frappant est celui de la relation entre la BCE et le Parlement européen. Voir à cet égard not. F.
AMTENBRINK et M. MARKAKIS, « Towards a meaningful prudential supervision dialogue in the euro
area? A study of the interaction between the European Parliament and the European Central Bank in the
single supervisory mechanism », Ademu Working Papers Series WP 2017/081, Décembre 2017. 138 Voir not. M. NIKNEJAD, op. cit., pp. 108-111. 139 A nouveau, si dans le cadre de la présente contribution, nous n’entrons pas dans le détail des compétences et
pouvoirs afférents, nous invitons le lecteur à le faire : voir not. T. H. TRÖGER, « The Single Supervisory
Mechanism – Panacea or Quack Banking Regulation », European Business Organization Law Review 15,
2014, pp. 482-488, E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the
Banking Union », op. cit., pp. 66-72. 140 Conseil Européen, European Council conclusions on completing EMU, Bruxelles, 18 octobre 2012, disponible
sur <https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/132986.pdf> 141 En effet, « le MSU profite du pouvoir normatif reconnu à la Banque centrale européenne », selon S.
ADALID, « Les normes adoptées par la BCE dans le cadre de sa fonction prudentielle: 1erjanvier
2014 – 31mars 2015 », Revue Internationale des Services Financiers, n° 2015/3, p. 71. Ces pouvoirs de
régulation de la BCE, certains voudraient les voir largement étendus. Voir not. L. Wisskin, « Challenge to
and Efficient European Centralised Banking Supervision (SSM) … », op. cit., pp. 531-535. 142 E. FERRAN et V.S.G. BABIS, op. cit., pp. 22-25.
28
PARTIE 2 : DROIT MATERIEL143
2.1. PARTAGE DES COMPETENCES
La réalisation des objectifs qui ont justifié l’instauration d’un mécanisme de surveillance unique
ne pouvait avoir lieu sans une centralisation des compétences. Cependant, l’implication des
autorités nationales était elle aussi inévitable pour assurer l’efficacité du mécanisme et le faire
accepter par les participants144. Il en résulte une administration des compétences prudentielles
à deux niveaux, composée de la BCE et des ACN.
Si l’efficacité du MSU se trouve théoriquement renforcée par cette alliance, notamment car la
BCE peut compter sur l’assistance et le savoir-faire des ACN145, l’articulation des compétences
doit être irréprochable. Il convient dès lors de passer en revue ce partage des compétences afin
de dégager les points de frictions.
2.1.1. Exclusivité de compétence dans le chef de la BCE
En principe, la BCE est exclusivement compétente pour exercer les compétences prudentielles
à l’égard de tous les établissements de crédit146. Cependant, son exercice est divisé selon
l’importance des établissements de crédit : la surveillance des plus importants est exercée par
la BCE directement et celle des moins importants par les ACN, sous la supervision de la BCE.
Cette matière est d’importance cruciale puisqu’elle détermine l’autorité qui va surveiller de
facto chaque établissement, les pouvoirs qui sont par conséquent en sa possession, les recours
disponibles face à ses décisions,… Par conséquent, les critères d’appartenance à la catégorie
des établissements importants sont clairement établis147.
143 Voir not. sur la description approfondie du partage des compétences C. V. GORTSOS, « Competence Sharing
Between the ECB and the National Competent Authorities Within the Single Supervisory Mechanism
(SSM) », Eur. Bus. Org. Law. Rev. 16, 2015, pp. 401-420, sur le partage des compétences et des pouvoirs,
voir not. P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., pp. 22-35, E.
WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
pp. 25-48. 144 L. WISSINK, op. cit., p. 432. 145 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Feuille de route pour une Union
Bancaire, Bruxelles, 12 septembre 2012, COM (2012) 510 final, disponible sur <https://eur-
lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52012DC0510&from=EN>, p. 7 146 Voir article 4 du règlement MSU. 147 Voir article 6(4) du règlement MSU qui retient 4 types de critères :
- La taille (total des actifs supérieur à 30 milliards d’€ ou le ratio entre le total des actif et le PIB de l’État
membre d’établissement est supérieur à 20% ou l’établissement est considéré comme présentant un intérêt
important pour l’économie nationale, sur décision de la BCE notamment) ;
- L’importance relative des relations internationales (« ses actifs ou passifs transfrontaliers représentent
une partie importante ») ;
29
Cette articulation entre l’affirmation de la compétence exclusive de la BCE par l’article 4 et
l’implication des ACN par l’article 6148 est au cœur du fonctionnement matériel du MSU et par
conséquent de notre travail.
i. Principe du partage des compétences
La répartition même a fait l’objet de discussions quant à la question de savoir s’il fallait
effectivement offrir l’ensemble des compétences prudentielles à la BCE ou simplement lui
accorder la supervision des établissements importants149. Le principal opposant à l’attribution
d’une compétence exclusive absolue était le gouvernement allemand dont le paysage bancaire
est parsemé de petites banques coopératives et mutualistes dont il voulait conserver la
supervision150.
La décision (hautement politique) de distinguer les banques selon des critères d’importance151
a pour conséquence que la France est l’un des pays les plus concernés par le MSU152, au
contraire de l’Allemagne qui voit ses banques proportionnellement très peu surveillées
directement par la BCE153. On peut d’ores et déjà s’étonner d’une telle asymétrie entre deux
des plus grandes puissances au regard du MSU et craindre des problèmes de concurrence. En
effet, puisque le secteur bancaire français relève de la supervision directe de la BCE, il en résulte
logiquement une application uniformisée de la compétence prudentielle, au contraire des
banques allemandes qui resteront sous la surveillance de leur ACN. Cette concession politique
en faveur de l’Allemagne est critique car outre une crainte de distorsion de la concurrence
résultant d’une application différenciée de la règlementation prudentielle, il est clair depuis les
crises qu’une petite institution financière peut avoir un effet (parfois néfaste) sur le système
financier dans son ensemble154-155.
- Les établissements bénéficiant d’une aide du plan d’aide européen ne peuvent pas être considérés comme
moins importants ;
- La taille relative (les trois plus importants établissements de crédit de chaque pays).
Voir en outre D. SCHÄFER, « Banking Supervision in the Eurozone », Intereconomics 48: 2, 2013. 148 Ibid., p. 23. 149 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 28. 150 M. SKUODIS, « Playing the creation of the European banking union: what union for which Member States? »,
Journal of European Integration, 40:1, 2018, pp. 103-104. 151 La formulation « important » se réfère en fait à la traduction du terme anglais « significant » dans les textes. 152 D. NOUY, op. cit.. 153 Voir la liste des entités importantes relevant de la surveillance directe de la BCE, disponible sur
<https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssm.listofsupervisedentities20190301.en.pdf> 154 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 28. 155 C’est d’ailleurs la raison qui a poussé le législateur européenne à prévoir un rôle prédominant et de contrôle de
la cohérence du mécanisme général dans le chef de la BCE – voir article 6(1) du règlement MSU.
30
ii. Exclusivité de compétence de la BCE et dérives
L’application de ces critères fait toutefois l’objet d’adaptations par la BCE (qui profite d’une
certaine liberté quant à leur application) et sur lesquelles les instances européennes sont parfois
invitées à se pencher.
Premièrement, l’arrêt Landeskredibank156 qui concerne justement une banque régionale
allemande précise en tous points le principe de partage des compétences. Dans cette affaire, la
BCE a considéré que la banque allemande relevait de sa supervision directe (notamment à cause
de sa taille), ce que la banque contestait en faisant valoir l’existence de « circonstances
particulières »157. En effet, selon le cadre légal, un établissement qui devrait être qualifié
d’important peut, dans des circonstances particulières, échapper à cette qualification et donc
relever de la surveillance des ACN. La banque allemande se basait entres autres sur son profil
de faible risque ainsi que sur le caractère disproportionné et non nécessaire de son classement
comme important compte tenu de la capacité démontrée de l’ACN allemande à la surveiller. Le
tribunal a finalement donné raison à la BCE, la déclarant quasi omnipotente en matière de
distribution des compétences. Il estime effectivement que la BCE jouit d’une compétence
exclusive concernant les missions de l’article 4 du règlement MSU et que l’attribution de
compétences aux ACN n’est en fait qu’une décentralisation. Partant, la BCE a également « la
compétence exclusive pour déterminer le contenu de la notion de circonstances
particulières »158. En conséquence, le système mis en place pourrait se comparer au mode de
décentralisation administrative (territoriale ou par service) où l’autorité supérieure conserve des
prérogatives159 à l’égard des autorités décentralisées160.
Deuxièmement, très récemment, la BCE a pu à nouveau démontrer ses prérogatives dans le
cadre de l’affaire AS PNB Banka (anciennement AS Norvik Banca). En résumé, il s’agit d’un
cas où l’ACN de Lettonie s’est retrouvée en défaut dans l’exercice de ses obligations de
surveillance à cause d’une clause d’arbitrage insérée dans un accord intergouvernemental avec
le Royaume-Uni161. La Lettonie a demandé à la BCE de reprendre la supervision directe de la
156 Trib.U.E., arrêt Landeskreditbank Baden-Württemberg – Förderbank c. BCE, 16 mai 2017, T-122/15,
ECLI:EU:T:2017:337. 157 Au sens des articles 6(4) du règlement MSU et 70-71 du règlement-cadre MSU, les circonstances particulières
sont « des circonstances de faits spécifiques qui rendent inapproprié le classement comme important d’une
entité soumise à la surveillance prudentielle au regard des objectifs et des principes du règlement MSU et,
notamment, de la nécessité de garantir l’application cohérente de normes de surveillance prudentielle de
niveau élevé ». 158 Trib.U.E., arrêt Landeskreditbank, op. cit., §63. 159 Ces prérogatives se concrétisent par notamment par un pouvoir d’instruction et en finalité, le pouvoir de
reprendre la supervision de tout établissement de crédit sous sa prérogative de contrôle. 160 Sur la question de la décentralisation et de ses conséquences, voir not. J. GREN, « The Politics of Delegation
in European Banking Union: Building the ECB supervisory oversight capacity » Journal of Contemporary
European Research. 13(2), 2017, pp. 1109-1124. 161 Voir not. <https://eng.lsm.lv/article/economy/banks/financial-regulator-hands-over-job-of-regulating-pnb-
banka.a312389/>. Il existe une toute autre discussion quant à savoir si une clause d’arbitrage insérée dans
un accord intergouvernemental peut empêcher une ACN de performer efficacement ses missions de
surveillance prudentielle compte tenu de la primauté du droit européen. Nous ne traiterons cependant pas
de cette question dans le cadre de la présente contribution.
31
Banque concernée, ce qu’elle a fait162. Cette méthode de fonctionnement nous parait
extrêmement dangereuse car la décision est pauvrement motivée. Elle se base sur la nécessité
de maintenir des hauts standards de surveillance alors qu’il nous semble que l’autorité nationale
n’a pas prouvé son incompétence en la matière, notamment en ce qu’elle aurait pu contester la
sentence arbitrale163 devant les cours et tribunaux. Plutôt que laisser se dérouler une procédure
normale, la BCE a utilisé le raccourci que lui offre l’article 6(5) b) en reprenant la supervision
directe d’AS PNB Banka.
Finalement, dans le cadre de l’affaire du Crédit Mutuel Arkéa164, cet établissement contestait
son inclusion dans la surveillance exercée sur le grand groupe Crédit Mutuel, par l’intermédiaire
de son organe central, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel. Alors que Arkéa souhaitait
relever spécifiquement de la surveillance de la BCE et non en vertu de son appartenance à un
groupe, la BCE (et le Tribunal l’a suivie) a considéré que la réglementation applicable au cas
d’espèce165 n’imposait pas que l’institution centrale sur laquelle se base la consolidation soit
elle-même un établissement de crédit166, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Cela implique que
les exigences prudentielles s’appliquant au groupe entier vont également s’appliquer au Crédit
Mutuel Arkéa. On peut critiquer cette idée puisque les entités concernées sont différentes et il
incombe à la BCE de « tenir pleinement compte de la diversité des établissements de crédit, de
leur taille et de leur modèle d’entreprise »167, ce qui ne nous parait pas pleinement respecté.
En conclusion, on pourrait s’étonner de ce que la BCE se trouve ainsi dans un espace de liberté
dangereux lui permettant de distribuer ou reprendre la supervision des banques presque selon
son bon vouloir. Outre l’absence évidente de sécurité juridique pour les entités supervisées, la
BCE est en mesure de se soustraire à ses responsabilités et aller ainsi à l’encontre des objectifs
du MSU par le biais de ce pouvoir presque arbitraire. De plus, les ACN voient leurs
compétences fragilisées et sont à nouveau reléguées au titre d’autorités décentralisées sous la
tutelle de la BCE.
Cependant, c’est la BCE qui est finalement responsable en cas de déficience du MSU et il est
donc logique qu’elle puisse reprendre l’exercice de la supervision dans le cas où les ACN ne
seraient pas à même de le faire correctement. Ce système est donc, dans l’état actuel,
parfaitement cohérent au titre de corollaire de la compétence exclusive de la BCE car si elle
décentralise sa compétence, elle doit pouvoir en contrôler l’exercice et aller jusqu’à le reprendre
le cas échéant.
162 Press Release, ECB takes over direct supervision of AS PNB Banka in Latvia, 11 mars 2019, disponible
sur <https://www.bankingsupervision.europa.eu/press/pr/date/2019/html/ssm.pr190311~24201e56e0.en.h
tml>, 163 Voir AS PNB Banka and others v. Republic of Latvia, ICSID Case No. ARB/17/47, disponible sur
<https://www.italaw.com/cases/7024>. 164 Trib.U.E., arrêt Crédit mutuel Arkéa c. BCE, 13 décembre 2017, T-712/15, ECLI:EU:T:2017:900. 165 Voir les articles 2(21), sous c) du règlement-cadre MSU du 16 avril 2014 et 10 du règlement (UE) n°575/2013
du 26 juin 2013 (règlement CRR). 166 J. LASSERRE CAPDEVILLE et J.-P. KOVAR, « Arkéa est soumise au contrôle prudentiel de la BCE en tant
que composante du groupe Crédit Mutuel », Revue Banque, N° 817, février 2018. 167 Voir considérant (17) du règlement MSU.
32
2.1.2. Les compétences en pratique
Après l’évaluation que nous venons de réaliser des rudiments du partage de compétences, il
convient de décortiquer qui est de facto en charge de quelle compétence.
Dans tous les cas, les ACN et la BCE doivent coopérer de « bonne foi »168 dans le cadre du
MSU et cette coopération (verticale sous la direction de la BCE, nous le verrons) fait l’objet
d’un acte spécifique de droit européen169.
i. Compétences générales exclusives de la BCE
Premièrement, l’organisation du pouvoir en matière d’agrément est assez simple. Pour l’octroi
de l’agrément, l’ACN de l’État où la banque sera établie prépare un projet de décision en se
basant sur l’ensemble des règles nationales pertinentes170. L’autorité peut rejeter la demande
(dans quel cas la BCE n’est pas du tout impliquée) ou préparer un projet positif qu’elle envoie
à la BCE. Celle-ci en vérifie le contenu et rend une décision finale de confirmation ou de rejet171.
Selon nous, ce système est asymétrique et comporte des lacunes.
Avant tout, il est asymétrique car l’ACN est en mesure de refuser l’agrément à une institution
conformément à son seul droit national. Dans ce cas, la BCE ne sera pas en mesure de contester
cette décision car elle ne peut pas contrôler le respect des exigences nationales172. Cela signifie
que le recours contre cette décision se fera devant les juridictions nationales uniquement173 car
seuls les projets d’octroi de l’agrément font l’objet d’une communication à la BCE qui rend
alors une décision relevant de l’ordre juridique européen174. Cela signifie aussi qu’il y a a
contrario un double contrôle en cas de proposition de décision positive dont on peut questionner
l’utilité puisque les ACN, lorsqu’elles effectuent le contrôle préalable, se basent sur une
législation nationale qui comprend les minima prudentiels européens. D’autant que si le
règlement prévoit que les ACN sont les premières à traiter du dossier, c’est probablement car
le législateur avait conscience que celles-ci sont les mieux placées pour contrôler la conformité
168 Voir article 6(2) du règlement MSU. 169 Règlement (UE) N° 468/2014 de la Banque Centrale Européenne du 16 avril 2014 établissant le cadre de la
coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités
compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le «règlement-cadre MSU»), BCE/2014/17. 170 Elles-mêmes basées sur le socle minimal établi par la directive CRD IV. 171 L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, « Shifts in Competences between Members States
and the EU in the New Supervisory System for Credit Institutions and their Consequences for Judicial
Protection », Utrecht Law Review, Volume 10, Issue 5, décembre 2014, pp. 96-97. 172 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 23. 173 Ce principe est notamment rappelé dans l’affaire Borelli (C.J.U.E, arrêt Oleificio Borelli SpA c. Commission, 3
Décembre 1992, C-97/91, ECLI:EU:C:1992:491), selon L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R.
WIDDERSHOVEN, op. cit., p. 97. 174 On considère donc que seuls les projets d’octroi d’agrément présentent un intérêt au niveau européen, voir P.-
E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 24.
33
de l’établissement aux conditions (à plus forte raison si le droit national est plus strict que le
droit européen).
La décision finale est par ailleurs notifiée par l’ACN à l’établissement, ce qui peut l’induire en
erreur quant à savoir qui est l’auteur de la décision175.
De plus, en cas de projet de réponse positive par l’ACN, la décision de la BCE (positive ou
négative) ne pourra pas être contestée par les tiers. En effet, sur base de l’arrêt Plaumann176, les
tiers ne sont pas directement et individuellement touchés par la décision de la BCE et ne
pourront donc pas la contester devant une juridiction nationale ou européenne. Cela nous parait
être contraire au principe du droit à une protection juridictionnelle effective177, l’un des droits
les plus fondamentaux de l’Union européenne178 car l’arrivée d’un nouveau concurrent peut
effectivement avoir des conséquences pour les autres, surtout si l’agrément a été accordé à tort
et que la nouvelle banque présente un risque qui peut vite devenir systémique.
Quant au retrait d’agrément, il s’agit à nouveau d’une compétence exclusive de la BCE qu’elle
exerce cette fois d’initiative ou sur proposition d’une ACN et après consultation des ACN
concernées. Cette décision est d’une importance capitale et pas seulement pour la banque
impliquée. Par exemple, compte tenu du lien fréquent entre perte d’agrément et résolution de
l’institution, les entités en charge de la résolution sont impliquées et peuvent même suspendre
la perte d’agrément pour protéger la stabilité financière179. En outre, puisque le retrait
d’agrément est une mesure grave pour les établissements concernés, certains auteurs estiment
qu’ils peuvent être assimilés à des sanctions en application des critères Engel180. Dès lors, la
BCE et les ACN devraient coordonner leurs actions afin de respecter le principe fondamental
de ne bis in idem181. Nous estimons toutefois que le la matière relative à l’agrément fait partie
de la police administrative et les mesures de police économique ne sont pas des sanctions
astreintes aux principes comme le ne bis in idem182.
Deuxièmement, nous ne reviendrons pas sur les compétences de la BCE en matière de
participations qualifiées. En effet, à nouveau, la BCE se base sur des projets de décisions des
ACN et nos remarques ci-dessus s’y appliquent donc. Nous noterons toutefois une petite
175 Ibid. 176 C.J.U.E., arrêt Plaumann & Co. c. Commission, 15 juillet 1963, C-25/62, ECLI:EU:C:1963:17. 177 L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, op. cit., p. 98. 178 I. PERNICE, « The Right to Effective Judicial Protection and Remedies in the EU », The Court of Justice and
the Construction of Europe: Analyses and Perspectives on Sixty Years of Case-law, C.J.U.E. (dir.),
Luxembourg, T.M.C. Asser Press, pp. 381-395. 179 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 45. 180 C.E.D.H., arrêt Engel et Autre c. Netherlands, 8 juin 1976, Série A-22,
ECLI:CE:ECHR:1976:0608JUD000510071. 181 B. VAN BOCKEL, « The Single Supervisory Mechanism Regulation : Questions of ne bis in idem and
implications for the further integration of the system of fundamental rights protection in the EU, Maastricht
Journal of European and Comparative Law, 2017, vol. 24(2), pp. 194-216. 182 Pour le cas du refus d’agrément, voir C.E.D.H., SA Patronale Hypothécaire c. Belgique, 17 juillet 2018,
ECLI:CE:ECHR:2018:0717JUD001413909.
34
imprécision textuelle, à savoir l’utilisation rare mais maladroite de l’expression « participation
importante »183 à la place de « participation qualifiée » qui est préférée habituellement.
Troisièmement et dernièrement, l’article 5 offre à la BCE des compétences en matière
macroprudentielle. Cependant, il apparait que la compétence reste majoritairement nationale
car les mesures sont d’abord considérées au niveau national et la BCE ne peut empêcher les
procédures entreprises par les ACN184. Toutefois, la dimension macroéconomique est en
pratique difficile à distinguer, ce qui tends à rendre plus difficile la délimitation des
compétences. A cet égard et à titre d’exemple, on peut noter que la loi bancaire belge185 prévoit
le contrôle par l’autorité de contrôle186 via autorisation préalable des « décisions stratégiques,
des décisions d'investissement et des fusions et cessions entre établissements de crédit »187.
Puisque les compétences de supervision microprudentielle sont désormais du ressort de la BCE
(ou d’une ACN le cas échéant) et que les décisions stratégiques s’y inscrivent à première vue,
le contrôle en question n’est plus attribué à l’autorité belge. Cependant, il pourrait être
intéressant pour l’autorité de contrôle belge de prétendre que cet article s’inscrit également dans
une perspective macroprudentielle et exercer alors cette prérogative au titre de ses compétences
macroprudentielles188, dans le cadre de sa contribution à la stabilité du système financier189. On
pourrait donc imaginer que la BCE autorise une décision stratégique dans le cadre de ses
missions microprudentielles mais que l’autorité belge, motivant une dimension
macroéconomique de l’opération190, la refuse. Une telle situation devrait faire l’objet d’une
concertation en raison de l’obligation de coopération et de loyauté communautaires191. A
défaut, il conviendrait donc selon nous de préciser l’état des compétences macroéconomiques
afin d’éviter un tel risque de conflit.
183 Voir considérant (22) du règlement MSU. 184 Voir article 5(1) du règlement MSU. La BCE peut toutefois prendre elle-même des mesures macroprudentielles
et imposer des exigences plus strictes, sous réserve de motivation adéquate, lorsque l’exercice de leur
compétence par les ACN est insuffisant. 185 Loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit [et des sociétés de bourse]
(Citée comme : loi bancaire), M.B., 7 mai 2014, art. 77 et 78. 186 En l’occurrence la Banque nationale de Belgique ou la BCE, selon l’importance de l’établissements de crédit
concerné. 187 Voir not. Banque Nationale de Belgique, Autorisation d'une fusion entre établissements de crédit (Articles 77
et 78 de la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et des sociétés
de bourse), [C−2017/14253], disponible sur <https://www.nbb.be/doc/cp/moniteur/2017/20171130_
fusie.pdf>. 188 Voir article 36/34 de la Loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque nationale de Belgique, la
BNB pour en effet utiliser les instruments microprudentiels à des fins macroprudentielles. 189 En effet, en outre de la compétence macroprudentielle nationale conférée par le règlement MSU, le Comité
Européen du Risque Systémique a confié à aux ACN un mandat macroprudentiel par le biais d’une
recommandation du 22 décembre 2011 étendant ses compétences. Nous ne présenterons toutefois pas cet
aspect dans le cadre du présent travail. 190 Des opérations de fusion et acquisition ont déjà prouvé, dans le passé, qu’elles pouvaient être décisives
macroéconomiquement et avoir des conséquences systémiques cruciales. Voir par exemple l’acquisition
d’ABN Amro par Fortis : <https://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/dix-ans-apres-la-crise-
financiere-fortis-la-chute-d-un-geant-de-la-bancassurance-5b9c98f6cd7076ce3b2f871d>. 191 Voir article 4(3) du TUE.
35
ii. Compétences partagées selon la taille des établissements de crédit
Suivant les conditions rappelées ci-dessus, les établissements de crédit sont classés en deux
catégories : les établissements les plus importants et les établissements moins importants.
Pour les premiers, la BCE exerce directement les tâches de supervision listées à l’article 4 du
règlement MSU. En réalité, une équipe de surveillance prudentielle conjointe192, composée de
représentants de la BCE et des ACN193, est créée pour chaque établissement ou groupe bancaire
important194 afin de faciliter l’exercice de la supervision. Cette organisation appelle peu de
commentaires, sauf purement descriptifs195. Ici, la BCE est l’élément central et les ACN ne
participent que pour l’assister dans sa mission et n’ont aucun pouvoir autonome, elles n’agissent
que dans les limites établies par la BCE et pour son compte.
Pour les seconds, le centre opérationnel demeure au niveau national mais la BCE encadre les
ACN. A cet égard, par exemple, la BCE possède des compétences d’injonction (via règlements,
orientations ou instructions), les ACN doivent notifier à la BCE les informations et les décisions
essentielles, la BCE peut demander des rapports, la BCE peut aller jusqu’à reprendre elle-même
la supervision directe,… 196 A nouveau, on constate que non seulement la BCE profite d’un très
large pouvoir d’appréciation197, mais surtout que cette situation fragilise les compétences des
ACN en les plaçant sous une forme de tutelle européenne. Selon certains198, l’expérience aurait
montré que cette manière d’opérer conduit à des frictions là où normalement de la coopération
devrait prévaloir. Ces frictions se marquent surtout entre le noyau central européen et les entités
nationales décentralisées et affecte l’effectivité du mécanisme199. On regrette dès lors que le
système fonctionne de manière hiérarchique alors qu’« il est important que l’architecture de
supervision fournisse non seulement des bâtons mais également des carottes »200. Il
conviendrait d’inciter et motiver les ACN plutôt que d’essayer de les contrôler et les utiliser
comme des simples outils servant la BCE. Cela passe par la création d’une culture européenne
de la supervision impliquant chaque intervenant du MSU et prenant racine dans chaque membre
du personnel et membre des organes des autorités concernées201.
192 Banque Centrale Européenne, Guide relatif à la surveillance bancaire, septembre 2014, disponible sur
<https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssmguidebankingsupervision201409fr.pdf>, pp.
17-19. 193 L. WISSINK, op. cit., pp. 444-447. 194 C. V. GORTSOS, op. cit., p. 410. 195 Pour la supervision des établissements les plus importants, voir not. Banque Centrale Européenne, Guide relatif
à la surveillance bancaire, op cit., pp. 32-42, P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique
… », op. cit., pp. 28-30, C. V. GORTSOS, op. cit., pp. 409-412 196 Pour la supervision des établissements moins importants, voir not. Banque Centrale Européenne, Guide relatif
à la surveillance bancaire, op. cit.,pp. 42-48, P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique
… », op. cit., pp. 30-31, C. V. GORTSOS, op. cit., pp. 412-416. 197 P.-E. PARTSCH, « Le Mécanisme de surveillance unique … », op. cit., p. 30. 198 T. H. TRÖGER, op. cit., pp. 473. 199 Ibid.. 200 Ibid., traduction libre. 201 Voir le développement complet de T. H. TRÖGER, op. cit., pp. 473-482.
36
iii. Compétences en cas de scénario transfrontalier
Grâce au passeport européen, les établissements de crédit agrées dans un État membre peuvent
exercer les activités qui font l’objet du passeport européen dans d’autres États membres par le
biais d’un établissement secondaire ou d’une prestation de services202. En dehors du MSU, les
lois bancaires des États membres qui énoncent, conformément à la directive CRD IV203, les
compétences partagées entre les ACN de l’État d’accueil et d’origine se basent toujours sur le
principe du home country control204. L’ABE supervise en outre le système dans son
ensemble205.
Dans le cadre du MSU, le régime est différent. D’abord, en cas de succursale d’établissement
important, la BCE agit en tant que :
- superviseur de l’État d’accueil et d’origine s’il s’agit d’un mouvement entre États
membres participant au MSU ;
- superviseur de l’État membre d’accueil s’il s’agit d’un établissement important d’un
État membre non participant qui installe une succursale dans un État membre participant
au MSU ;
- superviseur de l’État membre d’origine s’il s’agit d’un établissement d’un État membre
participant au MSU qui installe une succursale dans un État membre non participant.206
Ensuite, en cas de filiale bancaire (considérée comme une entité juridique distincte de sa maison
mère) d’un établissement moins important, l’ACN de l’État d’accueil exerce la supervision. En
revanche, une filiale membre d’un groupement important tombe directement sous la
supervision de la BCE, peu importe sa qualité individuelle207.
Selon nous, le MSU aurait dû aller plus loin encore et totalement abolir la distinction entre
succursale et filiale car actuellement, des différences au niveau de la supervision se marquent à
cause de la structure sociétale des banques et non pas à cause du risque réel qu’elles
représentent208. Si un établissement de crédit décide de s’établir dans un autre État membre au
sein du MSU par le biais d’une filiale, il risque non seulement d’être soumis à des superviseurs
différents, mais il devra en outre respecter une séparation des capitaux, de la gouvernance, des
critères de liquidité,… Par conséquent, l’utilisation dès le départ de succursales ou la conversion
202 Ce point ne sera pas analysé car il n’entre pas dans le cadre du présent travail. Nous vous renvoyons à cet égard
à P.-E. PARTSCH, Droit bancaire et financier européen, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 558-572. 203 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des
établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE,
dite « CRD IV ». 204 P.-E. PARTSCH, Droit bancaire et financier européen, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, p. 486. 205 T. H. TRÖGER, op. cit., pp. 461-462. 206 T. H. TRÖGER, op. cit., p. 472. 207 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 33. 208 T. H. TRÖGER, op. cit., pp. 472-473.
37
de filiales en succursales représentent « une meilleure utilisation du capital, des économies
d’échelles et des économies considérables au niveau des frais administratifs et légaux »209.
Nous estimons toutefois que le remplacement systématique des filiales par des succursales peut
s’avérer problématique en l’état actuel. En effet, nous savons que beaucoup de banques
nationales sont des filiales de groupements ou d’autres entités plus grandes. Or, une
« succursalisation » systématique reviendrait à ouvrir toutes les cloisons et à systématiser
encore plus le risque puisque la filiale qui était jusqu’alors considérée comme une banque à part
entière deviendra une simple « branche » de sa parente. Compte tenu de la taille considérable
de certaines de ces filiales dans le paysage bancaire des États membres210, cela pourrait avoir
des conséquences systémiques graves211.
209 Traduction libre de E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking
Union », op. cit., p. 36. A l’inverse, les États membres ne participant pas au MSU qui souhaitent installer
un établissement secondaire dans le MSU mais qui souhaitent se soustraire au contrôle de la BCE pourront
choisir la filiale plutôt qu’une succursale et ainsi relever de la supervision de l’ACN locale. 210 Par exemple en Belgique BNP Paribas Fortis est une filiale du groupe BNP Paribas et ING Belgique est une
filiale du groupe BNP. 211 Les État d’implémentation des actuelles filiales ont des préoccupations à l’égard d’un tel mouvement car il
implique un autre droit de la faillite, un autre régime de protection des dépôts. Ils sont en outre préoccupés
par des considérations politiques du fait que l’électeur n’aime par exemple pas voir que la supervision de
sa banque échappe aux autorités de son pays.
38
2.2. MOYENS D’EXERCICE DES COMPETENCES PRUDENTIELLES
PAR LA BCE
Comme nous le rappelions en introduction, la majorité des lois (bancaires en l’occurrence) sont
organisées de la même manière : une mission est confiée à une autorité (en l’occurrence la
mission de surveillance prudentielle), cette mission doit s’exercer au regard d’une finalité
(celle-ci permettant d’encadrer le pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont jouit l’autorité en
charge de la mission) et finalement, cette autorité dispose de prérogatives pour remplir sa
mission212. Ce dernier élément nous occupe désormais et sera surtout centrée autour de la BCE
dont l’exercice des compétences est directement organisé par le règlement MSU.
Le principe établi par le règlement est que la BCE doit être considérée de la même manière que
le superviseur national précédemment en charge de la supervision213. Elle doit donc avoir les
mêmes pouvoirs et instruments de supervision214, qu’ils existent en vertu du droit européen ou
du droit national transposant le droit européen215 et qu’ils soient appliqués par elle ou par les
ACN sous son impulsion.
2.2.1. Pouvoirs et instruments de supervision
Utilisant la terminologie mise en avant par le Professeur Wyrmeersch216, les pouvoirs de
supervision sont les techniques à disposition de la BCE afin de monitorer la situation financière
de la banque et si elle remplit ou non les conditions quantitatives et qualitatives requises par la
réglementation prudentielle. En revanche, les instruments de supervision sont les décisions que
la BCE peut prendre et imposer à l’établissement, en fonction des informations récoltées. En
outre, la BCE peut infliger des sanctions217 en cas de non-respect par les banques des obligations
notamment imposées par elle-même.
212 W. BOSSU et D. CHEW, op. cit., pp. 10-13. 213 Voir article 9(1) du règlement MSU. 214 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 42. 215 Voir article 4(3) du règlement MSU. 216 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 42. 217 A nouveau, il importe de distinguer parmi les instruments, les instruments de police économique et ceux
accessoires à cette mission qui constituent des sanctions sensu stricto, à savoir qui ont vocation à
sanctionner un manquement.
39
i. Pouvoirs d’enquête et collecte d’information
Le règlement accorde à la BCE de nombreux pouvoirs d’enquête allant de la simple demande
d’information218 aux inspections directement dans les locaux des établissements de crédit219 en
passant par des enquêtes générales220. A tous les niveaux, la BCE est activement assistée par
les ACN qui sont les mieux placées et dont l’expertise locale est indispensable.
Premièrement, chacun de ces pouvoirs doit être contrebalancé par la possibilité de contester la
légalité de la décision de mise en œuvre, si elle est contraignante pour son destinataire.
Concernant la récolte d’information par la BCE, selon certains auteurs221, le règlement ne
distingue pas la simple demande d’informations de la décision réclamant des informations alors
que la seconde serait contraignante. Dès lors, cette dernière pourrait être contestée devant les
instances judiciaires européennes222. Cependant, se pose la question de savoir si cette décision
réclamant des informations ne serait pas également un simple acte préparatif et que seuls les
actes subséquents qui contraignent l’établissement après son refus de livrer les informations
sont contestables. En outre, la décision peut faire l’objet d’un réexamen interne par la
Commission administrative de réexamen223. Celle-ci, devant se contenter d’un examen formel
et matériel, tout en acceptant le pouvoir discrétionnaire de la BCE, nous semble toutefois peu
efficace224.
Deuxièmement, compte tenu de leur caractère intrusif, les inspections sur place doivent faire
l’objet d’une attention particulière. Portant atteinte au droit au respect du domicile d’une
personne légale, l’inspection doit être évaluée quant à sa proportionnalité à la lumière de
l’objectif légitime qu’elle poursuit225. Cela signifie que l’inspection doit être nécessaire et ne
peut être ni excessive, ni arbitraire. A cet égard, la CJUE a déclaré qu’il revient aux instances
européennes d’évaluer le caractère nécessaire et aux cours nationales d’examiner si l’inspection
n’est pas excessive et arbitraire226. Or, le règlement ne prévoit pas de moment spécifique pour
la vérification, de sorte qu’il existe des différences entre les droits nationaux : tous les États
membres ne prévoient pas d’analyse ex ante par un juge. L’une des conséquences de cela est
qu’en cas de vérification ex post, une mesure prise sur base d’informations récoltées lors d’une
218 Voir article 10 du règlement MSU. 219 Voir article 12 du règlement MSU. 220 Voir article 11 du règlement MSU. 221 L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, op. cit., pp. 103-106. 222 Cependant, pour chacune de ses décisions, l’article 263(5) du TFUE s’applique et ne laisse donc que deux mois
pour lancer une procédure à l’encontre d’une décision d’enquête. Après ce délai, seule la manière dont la
décision a été mise en œuvre peut encore être contestée mais plus la décision elle-même. Voir K.
LENARTS, K. GUTMAN et I. MASESLIS, EU Procedural Law, Oxford University Press, 2014, pp. 275-
277. 223 Voir article 24 du règlement MSU. 224 Ce passage devant la Commission administrative de réexamen n’est pas une condition pour pouvoir contester
la décision devant un juge européen. Compte tenu du caractère limité du contrôle effectué par ladite
Commission, certains préfèrent d’ailleurs ne pas perdre du temps en introduisant un tel recours administratif
interne à la BCE. 225 L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, op. cit., p. 108. 226 C.J.U.E., arrêt Roquette Frères SA contre Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes, 22 octobre 2002, C-94/00, ECLI:EU:C:2002:603.
40
inspection jugée illégale a posteriori par l’autorité judiciaire nationale pourrait être annulée et
fragiliser la supervision227.
ii. Instruments légaux de la BCE
Dans le cadre de ses missions de surveillance, la BCE peut publier des instructions, tant
individuelles que générales, que ce soit sous la forme de recommandations, d’orientations ou
de règlements228. Il convient de préciser que ces règles énoncent majoritairement des pratiques
ou contraintes pour les ACN mais qu’un règlement, malgré son nom, ne peut en principe pas
créer de droit matériel positif pour les établissements de crédit.
Cependant, la multitude d’actes que la BCE peut prendre et les vocables derrière lesquels ils se
cachent ne sont pas très clairs229. On constate notamment que le guide relatif à la surveillance
bancaire230, dont nous avons déjà parlé, ne rentre dans aucune des catégories susmentionnées
et est pourtant formulé impérativement. En outre, la BCE a une fâcheuse tendance à adopter
des orientations (ou pire, des décisions de portée générale) qui remplacent des règlements afin
d’éviter la lourde procédure d’adoption de ces derniers, qui implique notamment l’organisation
de consultations publiques231. Alors que les orientations, par exemple, n’ont aucune force
contraignante, la formulation de certaines d’entre elles et l’état de la pratique font que les
établissements de crédit s’y conforment tout de même. Le manque de clarté quant au caractère
non contraignant est regrettable car il fragilise le cadre juridique, le rendant sujet à la critique
selon laquelle certains actes sont adoptés sans base légale ou en méconnaissance de celle-ci232.
iii. Cas particulier des sanctions administratives
Enfin, le règlement offre à la BCE un pouvoir de sanction administrative certes limité. Les
limites concernant le champ d’application matériel car la BCE ne peut sanctionner que la
violation du droit de l’Union et le champ d’application personnel car les sanctions ne peuvent
toucher que les banques. Cependant, la BCE peut combler ces lacunes en demandant aux ACN
d’engager une procédure conformément à leur droit national233. Par exemple, puisque la BCE
ne peut pas sanctionner les personnes physiques (en l’occurrence souvent les dirigeants)
227 L. WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, op. cit., p. 110. Ils citent à titre d’exemple le
système ex ante qui existe en France et le système ex post néérlandais. 228 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 42. 229 Nous ne reviendrons pas sur la typologie complète des différents actes et leurs différences. 230 En anglais « SSM supervisory manual », voir Banque Centrale Européenne, Guide relatif à la surveillance
bancaire, op. cit.. 231 Voir article 4(3) du règlement MSU. 232 Voir à ce sujet W. BOSSU et D. CHEW, op. cit., pp. 13-18. 233 Voir article 18 du règlement MSU.
41
directement mais compte tenu de l’importance d’en avoir la capacité234, elle peut requérir
qu’une ACN le fasse à sa place235. Cependant, vu la formulation du règlement à cet égard236,
l’ACN qui est instruite de cette mission de sanction n’est pas obligée de sanctionner mais
simplement de lancer une procédure pouvant se conclure par l’application d’une sanction. Il ne
s’agit donc pas réellement d’un pouvoir (direct ou indirect) conféré à la BCE en matière de
sanction mais simplement d’un soutien qui lui est accordé. Ceci explique par ailleurs pourquoi
nous traitons de ce pouvoir d’instruction de la BCE dès maintenant et non pas infra, lorsque
nous nous pencherons sur sa faculté d’ordonner à une ACN d’appliquer son droit national.
Sans entrer dans le détail237, on se retrouve in fine avec une multitude de procédures et de voies
de recours. En effet, en cas d’infraction à une loi de transposition, seule une ACN peut infliger
une sanction, pareillement en cas de sanction à l’encontre d’une personne physique. Par contre,
face au non-respect d’une décision de la BCE, seule la BCE est compétente pour sanctionner.
Alors que les sanctions impliquent nombre de droits élémentaires, notamment les droits de la
défense238, on peut craindre une différenciation de la qualité de protection de ces droits puisque
les procédures ouvertes par les ACN sur ordre de la BCE ne peuvent pas être contestées
immédiatement devant les juridictions européennes239. En outre, le principe de ne bis in idem
pourrait être mis à mal dans la mesure où des autorités nationales demeurent compétentes pour
la protection des consommateurs ou encore le blanchiment d’argent240 et dans l’hypothèse où
les mêmes faits seraient à la base de deux procédures distinctes – d’une part sous l’angle
prudentiel et d’autre part sous un angle demeurant dans les compétences strictement nationales
comme le blanchiment d’argent. En effet, à moins d’un haut niveau de coordination, une ACN
pourrait poursuivre et infliger des sanctions à une banque sur base de ses compétences en même
temps que la BCE, sur base de considérations prudentielles, dans un dossier qui forme un
ensemble cohérent et qu’il serait judicieux de traiter simultanément241.
2.2.2. Dédoublement des normes et application du droit national par la BCE
Pour exécuter les compétences qu’il confère à la BCE, le règlement a mis en place trois modes
d’exercice. Comme nous venons de le voir, la BCE a tout d’abord reçu des pouvoirs qu’elle
234 W. BOSSU et D. CHEW, op. cit., p. 43. 235 Voir article 18(5) du règlement MSU. 236 L’article 18(5) du règlement énonce en effet que « la BCE peut demander aux autorités nationales compétentes
d’engager une procédure en vue d’agir pour que des sanctions appropriées soient imposées (…) ». 237 Voir pour cela not. T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, op. cit., pp.
160-168, J.-P. KOVAR et J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Le pouvoir de sanction de la BCE en matière
de surveillance prudentielle », Banque, novembre 2014, N°777, p. 91. 238 Le droit d’être entendu, le droit de ne pas s’auto-incriminer,… 239 Selon l’arrêt du Trib.U.E., Tillack c. Comission, 4 octobre 2006, T-193/04, ECLI:EU:T:2006:292, cité par L.
WISSINK, T. DUIJKERSLOOT, R. WIDDERSHOVEN, op. cit., p. 103. 240 Voir les considérants (15) et (29) du règlement MSU. 241 B. VAN BOCKEL, op. cit., p. 196.
42
peut directement mettre en œuvre242. Ensuite, le règlement a mis en place deux méthodes
indirectes : l’application directe du droit national par la BCE en tant qu’institution
européenne243d’une part et, en guise de palliatif à cette première méthode est impossible, le
pouvoir d’instruction de la BCE qui lui permet de requérir d’une ACN qu’elle utilise les
pouvoirs que lui octroie son droit national244 d’autre part.
i. Application du droit national directement par la BCE
L’article 4(3) du règlement autorise la BCE à appliquer « toutes les dispositions pertinentes du
droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces
directives »245, ainsi que la législation nationale adoptée en vertu des options laissées aux États
membres par les règlements européens246.
Pour commencer, il est intéressant de savoir quelles formes de droit national sont susceptibles
d’être appliquées par la BCE car les ACN peuvent parfois créer des actes normatifs et pourraient
donc lier la BCE. Les directives, d’abord, peuvent être implémentées en droit national par des
actes autres qu’une loi formelle247 si cela est prévu par une loi nationale et que son contenu est
contraignant248. Concernant les règlements autorisant les États membres à exercer une option,
la BCE doit respecter l’acte pris dans l’exercice de cette option. D’autre part, si l’ordre juridique
d’un État membre a permis à d’autres instances d’adopter une norme juridique, celle-ci sera
applicable. Dès lors, si le législateur d’un État membre préfère déléguer le pouvoir de régulation
à une autorité administrative (comme une ACN), la BCE sera liée si cette norme est
contraignante249. En effet, l’argument selon lequel la BCE pourrait exercer le pouvoir de
régulation à la place de l’ACN sur base de l’article 4(3) du règlement n’est pas rationnel car
l’action de la BCE est limitée à la supervision, de sorte que le rulemaking est réservé aux
ACN250.
242 Ayant déjà fait l’objet de l’analyse ci-dessus, nous n’y reviendrons pas 243 Voir article 4(3) du règlement MSU. 244 Voir article 9(1) in fine du règlement MSU. 245 Article 4(3) du règlement MSU. 246 Voir également considérant (34) du règlement MSU. 247 C.J.C.E., arrêt Salvatore Grimaldi c. Fonds des maladies professionnelles, 19 décembre 1989, C-322/88,
ECLI:EU:C:1989:646. 248 E. WYMEERSCH, « The single supervisory mechanism or “SSM”, part one of the Banking Union », op. cit.,
p. 15. 249 Ibid. 250 Ibid.
43
Ensuite, il convient de s’attarder sur le droit matériel national qui existe et qui pourrait en
principe être appliqué par la BCE.
Par exemple, concernant la matière du fit and proper251, « la BCE est dotée des pouvoirs de
surveillance prudentielle dont disposent les autorités compétentes en vertu des dispositions
pertinentes du droit de l’Union et du droit national »252. Or, cette matière est transposée
différemment et très localement dans les États membres, de telle sorte que le contrôle s’organise
parfois a priori ou a posteriori. Cette absence de procédure commune est regrettable dans la
mesure où les questions de gouvernance des banques sont centrales et une bonne réglementation
de celles-ci est essentielle253.
Une autre illustration plus marquante encore de cette problématique concerne les covered
bonds254. En Belgique, cela fait partie des compétences prudentielles255 mais pas dans certains
autres pays256. Un règlement est en cours d’élaboration afin d’harmoniser cette matière257 mais
une question reste en suspens : dans quelle mission de la BCE258 le contrôle des covered bonds
s’inscrit-il ? Selon nous, le point d) de l’article 4(1) du règlement concernant les exigences
prudentielles notamment de fonds propres, de titrisation, etc. est la seule base plausible.
Enfin, en guise de dernier exemple, il convient à nouveau de mentionner l’article 77 de la loi
bancaire belge qui requiert l’autorisation préalable de l’autorité de contrôle avant qu’une
banque puisse prendre des décisions stratégiques. Nous disions plus haut qu’un potentiel conflit
de compétence pouvait se poser si l’autorité belge estimait pouvoir agir sur base de cet article
en arguant des justifications macroprudentielles et que la BCE s’en servait à des fins
microprudentielles. Mais on peut s’interroger : puisque les missions de la BCE sont listées
exhaustivement à l’article 4 du règlement MSU259 et que les décisions stratégiques telles que
définies dans la loi bancaire belge ne sont pas reprises, peut-elle légalement s’arroger de
nouvelles compétences en appliquant le droit national en vigueur ? Nous estimons qu’il faut
rappeler que l’objectif du MSU est de confier l’exclusivité des compétences prudentielles à la
251 Cela concerne les « exigences d’honorabilité, de connaissances, de compétences et d’expériences nécessaires à
l’exercice des fonctions des personnes chargées de la gestion des établissements de crédit » (règlement-
cadre MSU, partie VI, Titre 2). 252 Article 93(2) du règlement-cadre MSU. 253 W. BOSSU et D. CHEW, op. cit., p. 23. 254 En français les « obligations sécurisées ». 255 Voir article 82, §3, 2° et 3° de la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de
crédit et des sociétés de bourse. Le contrôle se fait en deux étapes : 1) évaluation quant à savoir si
l’établissement peut émettre des covered bonds ? (https://www.nbb.be/fr/supervision-financiere/controle-
prudentiel/domaines-de-controle/etablissements-de-credit/listes-2) puis 2) contrôle émission par émission
ou par groupe d’émissions le cas échéant (https://www.nbb.be/fr/supervision-financiere/controle-
prudentiel/domaines-de-controle/etablissements-de-credit/listes-5). Il existe en outre une question quant à
savoir ce qui, dans ce cadre, est prudentiel ou non sur laquelle nous ne nous attarderons pas dans le cadre
de la présente contribution. 256 Par exemple l’Allemagne. 257 Voir Opinion of the European Central Bank of 22 August 2018on a proposal for a directive of the European
Parliament and of the Council on the issue of covered bonds and covered bond public supervision and
amending Directive 2009/65/EC and Directive 2014/59/EU, disponible sur
<https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/en_con_2018_37_f_sign.pdf>. 258 Dont la liste demeure à l’article 4 du règlement MSU. 259 Puisqu’il s’agit de « missions spécifiques » confiées sur base de l’article 127(6) du TFUE.
44
BCE afin de garantir notamment la stabilité du système financier européen260. Par conséquent,
sur base de ce qui est prévu par le règlement MSU, il revient logiquement à la BCE en tant que
superviseur central de contrôler les décisions stratégies des banques.
Nous rappelons toutefois que nous estimons que le règlement MSU dépasse ce qui était
initialement et raisonnablement prévu par l’article 127(6) du TFUE, sa base légale. Si en effet
l’octroi à la BCE de compétences non prévues par l’article 4 du règlement MSU se justifie sur
base de sa mission générale, nous pourrions remettre en cause l’attribution d’une telle mission.
ii. Usage des pouvoirs nationaux des ACN sur demande de la BCE
A défaut de pouvoir appliquer elle-même le droit national en vigueur, la BCE peut demander à
une ACN de le faire. Cette méthode indirecte d’application des lois bancaires par la BCE
fonctionne en deux étapes, chacune gouvernée par un droit différent de l’autre. Dans un premier
temps, la BCE émet une décision sur base du droit européen et commande ainsi une autorité
nationale qui, dans un second temps, suit l’instruction en agissant sur base du droit national261.
Ce mécanisme appelle plusieurs commentaires.
Premièrement, il convient de s’interroger sur la portée exacte de cette faculté laissée à la BCE.
L’article 9(1) déclare en son 3e sous-paragraphe que « la BCE peut demander, par voie
d’instructions, que les autorités nationales (…) fassent usage de leurs pouvoirs, conformément
aux dispositions nationales en vigueur, lorsque le présent règlement ne confère pas de tels
pouvoirs à la BCE »262 et confirme selon nous le caractère général du pouvoir accordé à la
BCE263.
Deuxièmement, à la différence de ce qui est prévu en matière de sanction administrative, l’ACN
qui reçoit l’instruction ne bénéficierait selon certains auteurs264 d’aucun pouvoir discrétionnaire
et devrait donc agir comme l’a demandé la BCE. Cette opinion trouve son origine dans un
parallèle avec le droit européen de la concurrence qui se caractérise par l’application
majoritairement du seul droit national. Or, ici, l’ACN est obligée d’appliquer son propre droit
260 Voir le considérant (30) du règlement MSU. 261 A. WITTE, « The Application of National Banking Supervision Law by the ECB: Three Parallel Modes of
Executing EU Law? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, March 2014, Vol.21(1), p.
98. 262 Article 9(1), sous paragraphe 3 du règlement MSU. 263 Selon certains auteurs (voir not. A. WITTE, op. cit., pp. 103-104), l’article 6(3) du règlement MSU dispose que
les ACN sont obligées de suivre les instructions données par la BCE dans le cadre de sa compétence
prudentielle exclusive et générale, peu importe la taille des établissements surveillés. Nous réfutons déjà
l’invocation de cet article qui concerne uniquement l’assistance secondaire des ACN. En outre, ils
considèrent que la prérogative de la BCE ne s’applique que dans le cadre de la surveillance des
établissements moins importants car l’article 6(5) a) préciserait que dans le cadre de la décentralisation de
compétences en faveur des ACN pour les établissements moins importants, la BCE peut leur communiquer
des instructions générales concernant l’exercice des compétences. Nous estimons que cette contradiction
n’en est pas une car il s’agit simplement d’une confirmation du pouvoir d’instruction de la BCE dans le
contexte de la supervision décentralisée au niveau national. 264 Voir not. A. WITTE, op. cit., p. 102.
45
national et on pourrait estimer qu’elle puisse jouir du pouvoir discrétionnaire que lui accorde
son droit, notamment administratif. Dans tous les cas, d’un point de vue purement européen,
l’absence de pouvoir discrétionnaire quant à la décision de la BCE nous semble cohérente
puisque les instructions sont un outil accordé à la BCE pour mettre en œuvre sa compétence
exclusive de supervision. L’ACN n’est donc ici, à nouveau, qu’un moyen d’exercice de sa
compétence pour la BCE. Ce point est également discutable car, même si cette prérogative est
rarement utilisée en pratique, l’ACN pourrait trouver la décision totalement non-pertinente.
Dans un tel cas, elle verra sa responsabilité civile engagée au niveau national et pourrait
notamment perdre de l’argent en cas de recours.
Enfin, le dédoublement des autorités impliquées dans le processus décisionnel a des
conséquences sur le procédé de contestation. En effet, si l’ACN n’a aucun pouvoir
discrétionnaire, l’instruction de la BCE pourra faire l’objet d’une contestation sur base de
l’article 263 du TFUE. Sinon, il s’agit d’un acte préparatoire et n’est pas susceptible de recours
immédiat. Quant à la possibilité pour un concurrent de remettre en cause une telle décision de
la BCE, l’arrêt Plaumann265 trouve à nouveau à s’appliquer : ils devront démontrer qu’ils sont
directement et individuellement impactés par la décision. La décision européenne pourra en
outre être remise en cause devant les juridictions nationales qui traitent de l’acte pris par
l’ACN266.
265 C.J.U.E., arrêt Plaumann & Co. c. Commission, op. cit.. 266 A. WITTE, op. cit., pp. 102-103.
46
CONCLUSION
Les récentes crises ont démontré qu’il était nécessaire de revoir la manière dont le marché
financier européen est régulé, notamment par une surveillance plus efficace du secteur bancaire.
À cet effet, il a été décidé de centraliser la mission de supervision bancaire en la conférant à la
BCE, en lui octroyant ainsi des compétences prudentielles fortes et exclusives, exercées de pair
avec les ACN.
Nous avons réalisé une analyse aussi critique que possible afin de mettre en exergue les
fragilités de ce MSU des établissements de crédit européens.
Tout d’abord, il existe de nombreux arguments qui remettent en question les fondations du
Mécanisme, à savoir la base juridique employée et le choix de la BCE comme superviseur
centralisé. Nous estimons à cet égard que l’article 127(6) du TFUE fut invoqué par le biais
d’une interprétation trop large pour créer le MSU car cette base juridique était immédiatement
disponible. La construction juridique a donc été réalisée sur des bases fragiles ne permettant
pas d’aller aussi loin que nécessaire. Cette conclusion vaut également pour le choix de la BCE
qui fut désignée par facilité mais nous avons tenté de démontrer les doutes quant à l’opportunité
de ce choix.
De plus, nous avons remis en question la légitimité du cadre de gouvernance appliqué à la BCE
en tant que superviseur et articulé autour d’une nouvelle instance décisionnelle : le Conseil de
surveillance.
Ces deux premiers chapitres nous permettent de conclure que le cadre institutionnel du MSU
est peu solide. Les choix qui ont été posés résultent d’un contexte d’urgence et tout a été
construit pour que le projet rentre dans les limites d’une disposition du Traité disponible afin
d’éviter une révision de ce dernier. Cependant, nous constatons que le mécanisme lui-même est
bien plus ambitieux que ce que permet la base juridique utilisée. Dès lors, il convient de se
donner les moyens de ses ambitions et c’est pourquoi nous prônons une refonte du MSU basée
sur une révision du Traité pour légitimer sa place dans le paysage européen et sur une nouvelle
institution européenne ad hoc. Potentiellement adossée ou en tout cas épaulée par la BCE et
l’ABE, cette nouvelle institution ne craindrait plus une éventuelle remise en cause de ses
fondations juridiques et pourrait renforcer l’efficacité du MSU. Une telle révision permettrait
de repenser, de manière cohérente, la gouvernance interne de cette autorité de contrôle,
notamment en prévoyant les organes décisionnels nécessaires pour son bon fonctionnement ou
à tout le moins les habilitations à déléguer requises pour un fonctionnement adéquat de
l’autorité.
Ensuite, nous nous sommes penchés sur la réalisation de l’objectif du MSU par le biais de la
répartition effectuée en ce qui concerne l’exercice des compétences de contrôle entre la BCE et
les ACN d’une part, et des moyens prévus pour l’exercice de ces compétences d’autre part.
Il ressort de notre exposé que la BCE se trouve en position hiérarchiquement supérieure aux
ACN car elle est exclusivement compétente pour la surveillance des établissements de crédit.
L’exercice de la surveillance s’effectue néanmoins par le biais d’une décentralisation reposant
47
sur l’intervention des ACN dont les contours sont circonscrits et encadrés par une sorte de
pouvoir de tutelle de la BCE. À défaut de travailler réellement conjointement avec la BCE, les
ACN en sont réduites à être des agents peu autonomes auxquels la BCE recourt pour remplir sa
mission de contrôle prudentiel. Dans la mesure où les ACN peuvent mal ressentir leur perte de
pouvoirs de contrôle, elles pourraient, pour celles dont les ordres juridiques les ont dotées d’un
pouvoir normatif, être tentées de faire usage de cette fonction normative aux fins de récupérer
un certain degré d’importance dans le cadre de la supervision bancaire.
Enfin, nous regrettons la présence de lacunes dans les moyens d’exercice des compétences et
avons en outre tenté de démontrer le caractère sensible de la solution apportée à l’absence de
pouvoirs suffisamment efficaces de la BCE, à savoir la possibilité de passer directement ou
indirectement par les droits nationaux en vigueur.
Finalement, compte tenu des nombreux avantages à une telle centralisation de la surveillance,
ne serait-il pas judicieux d’aller encore loin ? En effet, il existe un lien évident entre l’Union
bancaire et les autres secteurs financiers, comme les assurances dont l’activité est parfois
complémentaire à celle des banques (bien qu’exclue à l’heure actuelle par l’article 126(6)
TFUE), ou encore les sociétés de bourses qui sont d’ores et déjà soumises à des normes de
régulations communes aux banques. Dès lors, pourquoi ne pas étendre l’uniformisation de la
surveillance à d’autres secteurs de la finance européenne ?
48
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