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Le mokša ancien, une langue sans adverbes ?

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Le mokša ancien, une langue sans adverbes ?

Arnaud FournetLa Garenne Colombes, France

Introduction

Le mokša est une langue ouralienne peu connue, parlée sur le territoire de la Russie. Il forme avec l’erzia les deux principales composantes du mordve. Le terme <mokša> est la translittération directe du vocable cyrillique мокша.

Les locuteurs mokšas sont implantés — entre autres — en Mordovie, une pro-vince à 500 km au sud-est de Moscou, et au sud de cette province. Les Mokšas sont surtout présents dans la moitié occidentale de la Mordovie. Seul un tiers des locu-teurs mokšas habite aujourd’hui le territoire de la Mordovie. En théorie, le mokša est langue officielle en Mordovie au même titre que l’erzia et le russe, mais en pratique, cette langue minoritaire a surtout une réalité orale. De ce fait, le mokša est assez fortement divisé en diverses variétés dialectales.

Le mokša écrit est censé reposer sur le dialecte dit central : « Кучкастоннесь — мокшень сёрмадома кяльть базац и юроц. [Le dialecte central est la source et la base de la langue écrite mokšate] » (Aliamkin 2000 : 6). Avant la promulga-tion de la norme littéraire, différentes personnes, pour la plupart des missionaires russes orthodoxes, ont créé leurs propres systèmes d’écriture : Barsov (1893) [re-présentatif du dialecte mokša du sud-est], Tiumenev (1879) [avec une base dialec-tale inconnue1] et Ornatov (1838) [représentatif du dialecte mokša du sud-ouest, zubu de Tambov]. Ces tentatives étaient en premier lieu destinées à traduire des parties de la Bible, en particulier les Evangiles, et ne contiennent aucune théorie grammaticale explicite.

1. Il est difficile d’établir si cette traduction publiée à Kazan existe encore. Personnellement je n’en ai pas vu d’exemplaire. Elle fut utilisée et citée comme source sur le mordve par Paasonen (1903).

Lingvisticæ Investigationes 36 :2 (2013), 184–200. doi 10.1075/li.36.2.01fouissn 0378–4169 / e-issn 1569–9927 © John Benjamins Publishing Company

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2. La première description linguistique du mokša par Ahlquist (1861)

Le livre d’Ahlquist (1861) est la première description du mokša délibérément et spécifiquement dédiée à cette variété de langue mordve. En pratique, c’est presque la seule, la plupart des ouvrages traitant à la fois de l’erzia et du mokša. Elle est rédigée dans une langue d’Europe de l’ouest, en l’occurrence l’allemand. Karl August Engelbrekt Ahlquist (1826–1889) était un linguiste finlandais de l’univer-sité de Helsingfors. La plupart de ses travaux sont en finnois mais quelques uns, surtout les descriptions de langues ouraliennes, sont écrits en allemand. En dépit de son patronyme apparemment suédois il ne semble jamais avoir écrit dans la langue suédoise.2

Ahlquist ne précise pas l’origine dialectale de ses informations dans le livre. C’est Paasonen qui indique qu’il s’agit du mokša central nord-ouest, parlé dans les districts de Krasnoslobodsk, Temnikov et Spassk. En théorie, la langue décrite par Ahlquist est la même que celle qui a servi de référence pour le mokša littéraire. Environ 80 ans les séparent, de 1861 à 1938. Il ne considère pas le mokša comme une langue mais comme un Mundart (dialecte) du mordve, l’autre Mundart étant l’erzia. Son livre sur le mokša est bien construit et informatif : introduction, pho-nétique, flexion, conjugaison, textes, glossaires bilingues.3

Ce livre s’inscrit dans l’entreprise accomplie au XIXe siècle de disposer d’une description du plus grand nombre possible de langues ouraliennes et de leurs nombreux dialectes. Ahlquist (1861) a décrit le mokša et il fut suivi de peu par Wiedemann (1865) sur l’erzia. Les adverbes erzias sont listés par Wiedemann (1865 : 98–101) et l’équivalent existe pour le mokša dans Ahlquist (1861 : 91–92).

Un point frappant de ces « adverbes » est que la plupart sont soit des emprunts aux langues russe ou turciques, soit liés aux pronoms et déictiques ouraliens, suf-fixés de marques de cas ou de diverses particules. Et c’est la question que nous allons examiner de plus près dans la suite de l’article pour le mokša.

3. Le cadre lexicographique utilisé par Ahlquist (1861)

Le livre est structuré en cinq chapitres : (1) une introduction, puis une « Grammatik » avec deux sections (2) phonétique (Lautlehre) et (3) morpholo-gique (Formenlehre), suivies (4) de textes et (5) de glossaires : mokša-allemand, allemand-mokša. Le cadre théorique utilisé par Ahlquist reste implicite et doit être

2. La graphie <Ahlqvist> est scandinave et n’est pas celle utilisée dans ses livres.

3. Cf. A. Fournet (2010: 286–92).

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déduit de la structure interne du chapitre dédié à la « morphologie », qui mélange des questions relatives à la formation des mots, à la dérivation, aux paradigmes des déclinaisons et de la conjugaison. On peut aussi observer qu’il n’existe aucun chapitre dédié à la syntaxe et aux types de phrases. Ahlquist compare très fré-quemment le mokša avec le finnois, qui fonctionne de facto comme une sorte de cadre ou d’arrière-plan théorique.

Le chapitre « morphologie » est organisé de la façon suivante :

– I. Das Nomen [formes nominales] A. Das Substantiv (pp. 12–25) [Noms et déclinaisons] B. Das Adjectiv (pp. 25–27) [Adjectifs] C. Das Zahlwort (pp. 27–31) [Nombres] D. Das Pronomen (pp. 31–40) [Pronoms]– II. Das Verbum [formes verbales] 1. Bildung des Verbums (pp. 40–45) [suffixes verbaux dérivationels] 2. Flexion des Verbums (pp. 45–88) [conjugaisons]– III. Partikeln [particules] Postpositionen (pp. 88–91) [Postpositions] Adverbien (pp. 91–92) [Adverbes] Conju[n]ctionen4 (p. 92) [Conjonctions] Interjectionen (p. 92–93) [Interjections]

La classification des items lexicaux retenue par Ahlquist est très classique et elle est complètement alignée sur la tradition gréco-latine des parties du discours. Ahlquist dénombre neuf classes, avec l’ajout des Adjectifs et des Nombres, l’élimi-nation des Participes et le remplacement des Pré-positions par les Post-positions.5 Le classicisme apparent des chapitres a quelque chose de rassurant mais il masque en grande partie le fait que le moule gréco-latin est procustéen et assez mal adapté à une langue ouralienne de type agglutinant comme le mokša.6 Le contenu des dif-férentes sections n’est pas homogène et cette problématique est vraie aussi pour les « adverbes » comme nous allons le mettre en évidence dans les pages qui suivent.

4. Erreur de frappe dans le livre : <un> est écrit <uu>.

5. Ces postpositions ne sont pas réellement équivalentes aux prépositions car la plupart sont en fait des noms, syntaxiquement utilisés de façon particulière. Elles équivalent plutôt à des locu-tions comme à l’intérieur de, au dessus de, etc.

6. Cf. A. Fournet (2011b) pour une discussion de ces questions.

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4. Les « adverbes » en mokša d’après Ahlquist (1861)

Ahlquist (1861) distingue plusieurs catégories d’adverbes d’après leur sens : §156. Orts-Adverbien (adverbes de lieu), §157. Zeit-Adverbien (adverbes de temps), §158. Quantitäts-Adverbien (adverbes de quantité), §159. Adverbes formés avec le cas élatif des adjectifs, §160. Adverbes de manière. Il convient d’examiner quelle réalité lexicale recouvrent ces différentes catégories sémantiques.

4.1 « §156. Orts-Adverbien » (adverbes de lieu)

Ahlquist (1861 : 91) indique une première série de formes reposant sur la racine *ko-, d’origine ouralienne.7 Cette racine est un pronom interrogatif, qui peut être suffixé par des marques de cas ou par des suffixes dérivationnels. Les formes listées par Ahlquist reposent soit sur ko- ‘qu-’, soit sur kona- ‘quel’.

(1) « kosa, wo [où] », s’analyse en ko+sa ‘locatif ’,

(2) « kosịvịk, kosịnga,8 irgendwo [n’importe où] », dérivés de ko-,

(3) « kosta, von wo [d’où] », s’analyse en ko+sta ‘élatif ’,

(4) « kostịvịk, irgendwoher [de n’importe où] », cf. kosәvәk,

(5) « kovịlda, kolda, woher [d’où] », s’analyse en ko(vәl)+da ‘ablatif ’,

(6) « kov, ko, wohin [vers où] », s’analyse en ko+(u) ‘latif ’,

(7) « ko-ko, wohin immer [vers n’importe où] », kou redoublé,

(8) « konaška, konaška-vasta, wie weit [combien est grande, combien de surface fait] », s’analyse en kona-ška ‘comparatif ’,

(9) « kuva, kuvanä, wodurch, worüber [par où] », s’analyse en ko+wa ‘prolatif ’,

(10) « aš-kosịnga, nirgends [nulle part] », aš ‘il n’y a pas’ +kosәŋga,

(11) « aš-kovịnga, nirgendhin [vers nulle part] », aš ‘il n’y a pas’9 +kovәŋga, cf. ci-dessus kou, ko.

Ce corpus mélange en pratique des formes à valeur interrogative et d’autres qui se traduisent par des adverbiaux. On peut aussi souligner que si ces formes sont des

7. K. Rédei (1988: 191–92) : “ku-(~ko-) ‘wer, welcher, ? was’ U”.

8. Ahlquist ne précise pas dans les items (2), (10), (11) que la nasale est vélaire.

9. Incidemment, on peut noter qu’en mokša les négations du type af, aš fonctionnent quasiment comme des préfixes. Cf. A. Fournet (2011c: 98). Cf. (32) ičkәzε.

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« adverbes de lieu », c’est d’abord parce que la racine pronominale ko- est suffixée par des marques de cas locaux : locatif, ablatif, élatif, latif, prolatif. Aucun de ces « adverbes » n’est une forme primaire inanalysable comme peut l’être où en fran-çais.

La deuxième série de formes listées par Ahlquist (1861 : 91) repose sur la ra-cine *tä-, également d’origine ouralienne.10 Cette racine est un pronom déictique ‘ceci’, qui peut être suffixé par des marques de cas ou par des suffixes dérivationnels.

(12) « tjasa, hier [ici] », s’analyse en tja ‘ceci’ +sa ‘locatif ’,

(13) « tjasta, von hier [hors d’ici] », s’analyse en tja ‘ceci’ +sta ‘élatif ’,

(14) « tei, te, her [vers ici] », s’analyse en tja ‘ceci’ +i ‘latif ’,11

(15) « täpälä, hier [de ce côté] », s’analyse en tja ‘ceci’ +pεlε ‘côté’,12

(16) « täpälda, von hier [d’ici] », s’analyse en tε-pεl(ε) +da ‘ablatif ’,

(17) « täpäli, her [vers ici] », s’analyse en tε-pεl(ε) +i ‘latif ’,

(18) « tiänä,13 hindurch, hier vorüber [par ici] », s’analyse en tja +i ‘latif ’ et un suffixe -nε sans véritable sens, cf. kuvanε ci-dessus.

Cette deuxième série de formes ne contient aucun adverbe primaire non plus. Elle comprend soit le déictique tja, tε ‘ceci’ suffixé par une marque de cas, soit des formes plus complexes qui s’apparentent à des syntagmes : tε-pεlε ‘en ce lieu’, qui peuvent à leur tour être suffixés par une marque de cas : tε-pεl-da ‘d’ici, à partir de ce lieu’.

La troisième série s’appuie sur une base *e-, d’anaphorique ouralien14 mais un peu résiduel en mokša, et une autre base *sε-, également de déictique ouralien15 mais beaucoup mieux représenté en mordve de façon générale.

(19) « esa, da [là] », s’analyse en e- ‘cela’ +sa ‘locatif ’,

(20) « esta, von da [de là] », s’analyse en e- ‘cela’ +sta ‘élatif ’,

10. K. Rédei (1988: 513–15) : “tä (~ te ~ ti) ‘dieser’ U”.

11. Le cas latif présente une allomorphie w / i suivant que la voyelle précédente soit d’avant ou d’arrière.

12. Ce type de syntagme existe aussi en permien : udmurt-votiak tu-pala, tu-palan ‘de ce côté-là’.

13. On attendrait plutôt täinä que tiänä, mais la forme est bien cette dernière: тияне.

14. K. Rédei (1988: 67–68) : “e ‘dieser, -e, -es’ U”. La plupart des formes indique un déictique éloigné du type ‘cela, celui-là, là-bas’.

15. K. Rédei (1988: 33–34) : “će ~ ći ‘dieser, der, jener’ U”.

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(21) « sei, se, dahin [vers là] », s’analyse en sε- ‘cela’ +j ‘latif ’,

(22) « säpälä, da [en ce côté-là] », s’analyse en sε- ‘cela’ +pεlε ‘côté’,

(23) « säpälda, daher [de là] », s’analyse en sε-pεl(ε) +da ‘ablatif ’,

(24) « säpäli, dahin [vers là] », s’analyse en sε-pεl(ε) +i ‘latif ’,

(25) « siänä,16 dadurch, da vorbei [par là, ainsi] », s’analyse sε- ‘cela’ + la même finale que kuvanε et « tiänä » ci-dessus.

On peut noter le parallélisme entre la deuxième et la troisième série de formes qui sont construites avec les mêmes briques élémentaires.

La série suivante recourt à une autre base de déictique ouralien *to-, qui diffère de *tä par le vocalisme,17 et qui oppose la déixis éloignée à la déixis proche.

(26) « tosa, dort [là-bas] », s’analyse en to ‘celui-là-bas’ +sa ‘locatif ’,

(27) « tosta, dorther [de là-bas] », s’analyse en to +sta ‘élatif ’,

(28) « to, tu, tuv, dorthin [vers là-bas] », s’analyse en to +u ‘latif ’,

(29) « toza, dorthin [vers là-bas] », s’analyse en to +za ‘allatif ’,18

(30) « kai-tu, dorthin [vers là-bas] », s’analyse en kaj19 +tu,

(31) « tovịlda von dort [de là-bas] », s’analyse en to(vәl) +da ‘ablatif ’,

La cinquième série de formes est plus hétéroclite et comprend des éléments de nature et origine diverse.

(32) « ičkezä, weit [loin] », ičkәzε20 n’a pas de comparande aisé en ouralien. Le balto-finnic *et- ‘loin’ ressemble un peu mais sans être concluant. On peut se demander si ičkәzε ne signifie pas ‘non-proche’ < *ič-kuz < *iz-kuć,21 ce serait l’antonyme du hongrois hoz ‘près de’.

16. On attendrait plutôt säinä que siänä, mais la forme est bien cette dernière: сияне.

17. K. Rédei (1988: 526–28) : “to ‘jener’ U”.

18. Il faut noter que l’équivalent tjaza ‘vers ici’ existe aussi mais Ahlquist ne le liste pas.

19. Cette sorte de préfixe kaj- est dialectale (centre sud) et peut se combiner également avec tosa et tosta. Un emprunt turcic de la racine *qaj- ‘lequel’ est probable, par le tatar.

20. Mal cité dans K. Rédei (1988: 624) avec un e : ičkezä.

21. K. Rédei (1988: 857–58) : “kućә ‘Seite, Raum neben etwas’ Ug”. Si le lien avec ičkәzε est admis alors cette racine n’est pas seulement ougrienne.

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(33) « ičkezdä,22 weither [de loin] », s’analyse en ičkәzε +da ‘ablatif ’,

(34) « ičkezi, weithin [vers loin] », s’analyse en ičkәzε +i ‘latif ’,

(35) « mekvasu, hin und her [çà et là] », s’analyse en mek- ‘derrière, dernier’ +*vas- ‘premier, devant’23 +u ‘latif ’, cette forme est en fait nominale,

(36) « lama vastava, an vielen Stellen [en plein d’endroits] », s’analyse en (86) lama ‘beaucoup’ +vasta ‘lieu’ +va ‘prolatif ’,

(37) « vezde, überall [partout] », emprunt russe везде,

(38) « kosjkä putjkä, auf dem Landwege [par la (grand) route] », un syntagme : kosjkε ‘sec’, putj ‘route’ (russe путь) +kε ‘prolatif ’.

Au final, il apparaît que la combinatoire des pronoms : ko-, tja-, e-, sε-, to-, avec les marques de cas locaux permet de couvrir la majeure partie du besoin en ad-verbes de lieu. A cela s’ajoutent des syntagmes avec des noms génériques, tels que vasta ‘lieu’ ou pεlε ‘côté’. Les formes complètement inanalysables par rapport à la morphologie ou au lexique du mokša sont russes : vezde ‘partout’. Pour rendre ve-zde ‘partout’ en mokša il faudrait une périphrase : sembε vastәva ‘en tout lieu’, ce qui explique que le bref vezde ait pu être préféré. Un des rares adverbes mokšas est ičkәzε ‘loin’, qui n’est pas analysable en synchronie mais est très probablement d’origine ouralienne. On peut noter que ičkәzε peut recevoir des marques de cas, ce qui suggère un statut (pro-)nominal à l’origine.

4.2 « §157. Zeit-Adverbien » (adverbes de temps)

Ahlquist (1861) liste un riche corpus sans lui donner de structure. Pour la clarté il est intéressant de ne pas suivre l’ordre dans lequel les items sont fournis afin de faire mieux apparaître les familles de mots.

(39) « kosịk, wann [quand] », ce mot n’est pas attesté en mokša contemporain mais semble être un dérivé de ko +s ‘cas temporel’ +әk ‘particule’,24

(40) « isjak, gestern [hier] », l’adjectif erzia исень ‘d’hier’ indique que la base de isjak est *is(j)- ‘hier’, de sorte que tout lien avec tatar iske ‘ancien, vieux’ est exclu. Cet item est un bon exemple d’adverbe très peu analysable en

22. Le suffixe -dä est probablement incorrect ou peut-être archaïque.

23. Cette base n’est pas attestée en tant que telle mais à travers de nombreux dérivés.

24. Cette particule -әk figure dans différentes formes : apak ‘non, in-’, kosәvәk ‘n’importe où’, etc. Elle est parfois associée plus spécialement à des mots temporels : isjak ‘hier’, tεčijok ‘aujourd’hui même’. A noter aussi l’alternance mekәlden = melden ‘dernier’.

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synchronie du mokša. La dérivation à partir de la base e- proposée par Veršinin25 est également difficile car ‘hier’ n’est pas la même chose que ‘à ce moment-là’26. L’ouralien ne semble pas révéler de comparande direct. Le meilleur point d’accroche est la racine *jüt- ‘soir’27, d’où proto-mordve *it-s-jak ‘ce-soir-là [d’hier]’28 par opposition à ilεt ‘le soir’,29

(41) « mezarda, wann [quand ?] », мзярда [mәzjarda]30 s’analyse en mezε ‘quoi ?’ +arda qui semble signifier ‘moment’ mais n’est pas attesté hors composés,

(42) « senarda, dann [alors] », s’analyse en se(n)- ‘cela’ +arda,

(20b) « esta, dann [alors, et là] », s’analyse en e- ‘cela’ +sta ‘élatif,

(43) « täni, jetzt [maintenant, à cet instant] », s’analyse en tja ‘ceci’ +ni ‘cas temporel’,

(44) « ombịt, übermorgen [après-demain] », s’analyse en omb(a) ‘autre’ +t ‘cas temporel’,31

(45) « šit, bei Tage [de jour] », s’analyse en šәj ‘jour’ +t,

(46) « vet, bei Nacht [de nuit] », s’analyse en ve ‘nuit’ +t,

(47) « jotai kizịt, im vorigen Jahre [l’année passée] », un syntagme : jotai ‘passant(e)’32 +kiza ‘année’ +t,

(48) « sai kizịt, im nächsten Jahre [l’année prochaine] », un syntagme : sai ‘venant(e)’ +kiza ‘année’ +t,

(49) « kuvat, lange [longtemps] », s’analyse en kuva(ka) ‘long, loin’ +t,

25. Cf. исень, исяк dans Veršinin (2004: 89).

26. On pourrait éventuellement décomposer исяк [isjak] en *i ‘déictique’ +s(i) ‘cas temporel’ +(y)ak ‘? particule’. Resterait le problème sémantique.

27. K. Rédei (1988: 99) : “jitә (jütә) ‘Abend, Nacht’ U”.

28. Cf. finnois ehtoo ‘soir’, lappon (j)ikte ‘hier’ < (?) *jüt-k- avec métathèse et sans marque de cas temporel *si.

29. K. Rédei (1988: 82) : “ilә ‘Abend’ FU”.

30. Cet item est un exemple de la façon dont le cyrillique officiel maltraite le phonème /ә/.

31. Il est possible que cette marque de cas temporel soit le même morphème que l’article défini -t au cas accusatif-génitif. Cf. en français : le soir, la nuit, etc. Cf. (51) ilεdәnda.

32. Participe présent à finale -j et non participe passé à finale -f.

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(48b) « sai kizịnda, im nächsten Jahre [l’année prochaine] », un syntagme : sai ‘venant(e)’ +kiza ‘année’ +nda ‘cas temporel’,

(50) « tjalịnda, im Winter [en hiver] », s’analyse en tjala ‘hiver’ +nda,

(51) « tunda, im Frühjahr [au printemps] », s’analyse une base d’origine ouralienne *tow-33 ‘printemps’ +nda,

(52) « kizịnda, im Sommer [en été] », s’analyse en kiza ‘été’ +nda,

(53) « sjoksịnda, im Herbst [en automne] », s’analyse en sjoksε ‘automne’ +nda,

(54) « ilädindä34, Abends [le soir] », s’analyse en ilεd ‘soir’ +nda,

(55) « tätị,35 heute [aujourd’hui] », s’analyse en tja ‘ceci’ +čәj qui est la forme archaïque du mot šәj ‘jour’,

(56) « tätịs, bis heute [jusqu’à aujourd’hui] », s’analyse en tεčәj +s,

(57) « kolmịtịs, vorgestern [avant-hier] », s’analyse en kolma ‘trois’ +čәj ‘jour’+s,

(58) « vandị, morgen [demain] », vandәj est un autre adverbe qui ne se laisse pas aisément analyser en synchronie, mais il semble que la base soit la racine ouralienne va-36, représentée en mokša par valda ‘clair’ et vandәms ‘briller’. Vandәj signifie sans doute ‘quand il fera clair, id est : demain’. Le chinois míngtiān ‘demain’, litt. ‘clair jour’ fournit un parallèle typologique pour cette interprétation,

(59) « vandịda melä, übermorgen [après-demain] », s’analyse en vandәj à l’ablatif +melε ‘après’,

(60) « melamba, im vorigen Jahr [sic]37 [l’année prochaine] », melja et meljamba ‘l’année prochaine’ semblent dérivés de melε ‘après’. La forme meljamba est étonnante et semble être une des attestations résiduelles du suffixe de

33. K. Rédei (1988: 532) : “towkә ‘Frühling’ FU”. Cette base n’est pas attestée nue : *tow- en mokša.

34. Le suffixe harmonique -dä est probablement fictif. Cf. (32) ičkәzda.

35. Forme incorrecte : devrait être täčị. Cette faute de frappe est provoquée par les graphies adoptées par Ahlquist. On devrait avoir tätị [= tεčәj] avec deux points mais le livre a tätị.

36. K. Rédei (1988: 554–55) : “walkә ‘weiß, hell, leuchtend, leuchten’ FW” et (1988: 555–56) “wal’ә ‘Glanz, glänzen’ FP”. La base mordve *vand- repose sur un autre suffixe -nt de la racine *wa.

37. La forme et le sens sont incorrects : meljamba ou melja ‘l’année prochaine’.

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comparatif ouralien -mp en mokša : d’où ‘plus tard, plus après’ > ‘l’année prochaine’. Un autre exemple est mana(mba) ‘l’année précédente’.38

(61) « melä, nachher [après] », dérivé de *me- > *mejәle, d’une racine ouralienne39 avec un suffixe inhabituel dans les mots temporels,

(62) « yot-melä, vormals [anciennement, depuis longtemps] », un syntagme qui comprend yot(a)40 ‘depuis’ et melε ‘après’,

(63) « sä-meldä, hernach [après cela, ensuite] », un syntagme composé de *sε ‘cela’ et de melε au cas ablatif,

(64) « tjaddä, in diesem Jahre [cette année-là] », un mot intriguant avec une géminée qui s’analyse en tja +(o)d ‘année’41 +dε. Dans ce mot fossilisé le suffixe d’ablatif -da est harmonique, ce qui tendrait à montrer que le mokša a donc perdu l’harmonie suffixale.42

(65) « šobdava, Morgens [le matin] », semble être šobda ‘sombre’ au cas prolatif. Le mot semble désigner l’aube plutôt que le matin, entre chien et loup,

(66) « mekeli, endlich, zuletzt [enfin] », de la même racine *me- que les items (30), (60), (61), (62) et (63),

(67) « sidesta, oft [souvent] », l’adjectif side ‘fréquent’ au cas élatif,

(68) « šurịsta, selten [rarement] », l’adjectif šura ‘mince, fin’43 au cas élatif,

(69) « proks, (für) immer [(pour) toujours] », un adverbe inanalysable en synchronie. L’erzia présente prok ‘entièrement’, que Wiedemann a considéré être russe mais sans fournir d’étymon,44

38. En russe : в позапрошлом году.

39. K. Rédei (1988: 276–77) : “miŋä (müŋä) ‘Raum hinter etwas’ FU”, qui cite les formes avec un yod : mejle en erzia qui n’existe pas en mokša.

40. Se traduit en russe : с тех пор как.

41. C’est la seule attestation apparemment de la racine ouralienne od- ‘année’ en mokša. K. Rédei (1988: 335–36) : “odә ‘Jahr’ FU”, qui ne cite pas la forme tjaddε.

42. Le pendant erzia de *-dε/-da est -de/-do, alternance toujours vivante en synchronie erzia.

43. K. Rédei (1988: 502) : “šorwa ‘dünn, spärlich, undicht’ FU”.

44. F. Wiedemann (1865: 100) : prok (russ.) gänzlich, ganz und gar. L’étymon russe est впрок ‘pour toujours’.

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(70) « kurịk, bald [bientôt] », kurәk signifie également ‘vite’. Le mot dérive d’un verbe ‘courir’,45 d’où ‘en courant > vite > bientôt’. En synchronie mokšate cet adverbe est immotivé et n’a plus de base lexicale puisque le verbe finno-volgaïque *kork- n’est pas attesté en mordve,

(72) « säldä, nachmals [après (cela), ensuite] », s’analyse en sε ‘cela’ +l-dε forme harmonique archaïque d’ablatif, présente aussi dans (63) sε-meldε, (5) kovәlda présente l’allomorphe -lda,

(73) « kunara, einstmals, längst [une fois, il y a longtemps] », la racine semble être la même que dans kuvaka ‘long, loin’, comme dans (49) kuvat.46 Le suffixe -n(a) peut être compris comme un cas temporel, en revanche la finale (a)ra est très rare, peut-être y-a-t-il un lien entre -arda et -ara ? Cf. (41) mәzarda, (42) senarda,47

(74) « kunarsta, seit Alters [depuis longtemps] », kunara +sta ‘élatif ’,

(75) « iŋgelä, vorher [(aupar)avant] », ce lexème n’est pas un adverbe mais une postposition. Ahlquist (1861 : 89) la liste d’ailleurs comme telle : « 5. Stamm iŋgel, das vorn Belegene »,

(76) « sjad-iŋgelä, vormals [anciennement] », un syntagme : sjad ‘(encore) plus’, iŋgәlε ‘avant, devant’,

(77) « odiŋgä, in jungen Jahren [quand on est jeune] », s’analyse en od un adjectif signifiant ‘jeune, nouveau’ +iŋgε une variante de әŋga avec voyelles harmoniques.48 Cf. (2) kosәŋga,

(78) « odiŋgsta, von Jugend auf [depuis la jeunesse] », odәŋgε +sta ‘élatif ’.

(79) « už, bereits [déjà] », emprunt du mot russe уже ‘déjà’,49

45. K. Rédei (1988: 672–73) : “korkә ‘laufen, fliehen’ FW”. Rédei rejette le lien avec mordve kurәk ‘vite, bientôt’ mais le chinois kuài ‘vite, bientôt’ offre un parallèle typologique.

46. Cf. V. Veršinin (2005: 183). Le lien avec kuvaka n’est pas indiqué dans K. Rédei (1988: 132).

47. Cf. K. Rédei (1988: 26–27) : “ärә ‘Jahr’ U”, bien que *ä ne soit pas reflété par a en mordve.

48. Cette forme, tout à fait possible, ne semble pas attestée dans les dictionnaires modernes, qui citent plutôt odsta avec le suffixe d’élatif, usuel dans les adverbes dérivés d’adjectifs (-ment, anglais -ly).

49. Ce mot n’est pas cité dans les dictionnaires mokšas contemporains, mais beaucoup de mots russes sont potentiellement utilisables en mokša du fait du bilinguisme des locuteurs. Le mot est attesté en erzia d’après F. Wiedemann (1865: 100).

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(80) « neŋga, noch [encore] », la forme attestée actuellement est niŋgε. Cette forme est dérivée d’un déictique ouralien,50 représenté en mokša par nε(t) ‘ceux-ci’,

(81) « taga, wiederum [encore] », synonyme de niŋgε, et dérivé de la base de déictique to plutôt que tja, tε d’après le vocalisme,

(82) « vassä, vastsä, vasenda, zuerst [d’abord] », seuls vasε et vasәnda sont attestés. Cf. (35) mekvasu.

Il apparaît que les concepts temporels sont plus délicats à exprimer avec des déic-tiques et des pronoms que les « adverbes » de lieu. On peut noter que le mokša dispose néanmoins de différents suffixes formatifs : -ni, -a/әk, -әŋga, -s, qui peu-vent se combiner avec les déictiques d’origine ouralienne pour exprimer des « ad-verbes » de temps, comme tεni ‘maintenant’. Des noms complètent l’arsenal : ve ‘nuit’, *it- ‘soir’, šәj ‘jour’, *ar- ‘temps’, *(o)d- ‘année’, *vas- ‘début’, etc. Il faut toutefois observer que plusieurs formes, analysables avec du matériel d’origine ouralienne, sont fossilisées en synchronie contemporaine : isjak ‘hier’, tjaddε ‘cette année’, etc. D’autres sont dérivés de verbes : kurәk, vandәj, ou d’adjectifs : sidesta, šurәsta, odәŋga, šobdava, etc. Quelques autres adverbes sont empruntés au russe : už, proks.

4.3 « §158. Quantitäts-Adverbien » (adverbes de quantité ou de degré)

Outre des adverbes de lieu ou de temps Ahlquist a listé des adverbes de quantité. Il apparaît ici que plusieurs proviennent d’une source turcique, sans doute le tatar.

(83) « mezara, wie viel [combien] », la forme correcte est mәzjara et rappelle (41) mәzjarda,

(84) « senara, soviel [beaucoup] », cf. (42) senarda,

(85) « tenara, soviel [beaucoup] », avec le déictique tja au lieu de sε,

(86) « lama, viel [beaucoup] », une base finno-volgaïque peu répandue en ouralien,51

(87) « kịrdža, wenig [peu] », serait un emprunt du čuvaš хыржав,52

(88) « af-lama, nicht viel, wenig [peu] », la négation af +lama,

50. K. Rédei (1988: 300–01) : “nä (~ ne ~ ?ni) ‘dieser, ?der, jener’ FP?, U”. Rédéi ne cite pas les formes mordves telles que mokša niŋgε ou erzia neyak ‘encore’.

51. K. Rédei (1988: 684) : “lama ‘(große) Menge’ FW”.

52. D’après V. Veršinin (2005: 172) qui ne précise pas ce que le mot čuvaš signifie.

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(89) « antsjak, nur, bloss [juste, seulement] », un mot d’origine turcique an ‘cela’ +ča ‘marque de cas’ +ak ‘particule’, litt. ‘cela même’,53

(90) « päk, ganz, sehr, zu sehr [très] », un mot d’origine turcique,

Ahlquist (1861 : 27) mentionne ailleurs la forme de superlatif inε + Adjectif, qui est aussi un emprunt turcic. Cette strate d’emprunts est plus ancienne que celle des adverbes de temps d’origine russe.

4.4 « §159. Qualitäts-Adverbien » (adverbes dits de qualité)

Ils sont dérivés d’adjectifs avec le cas élatif -sta, comme par exemple (67) sidesta ‘souvent’ ou (68) šurәsta ‘rarement’. Cette formation de dérivés d’adjectifs en sta est très productive en synchronie.

4.5 « §160. Adverbes dits de manière »

Ce paragraphe contient différentes formes un peu disparates.

(91) « koda, wie [comment] », l’interrogatif ko à l’ablatif,

(92) « kodanä-kodanä, wie immer, irgendwie [n’importe quand] », apparemment koda +nε,54

(93) « tjaftana, also [ainsi] », le déictique tja et un suffixe inusuel ftana, sans rapport avec le cas abessif -ftәma ‘sans’,55

(94) « stak, stanä, so [ainsi] », peut-être formé avec les deux déictiques sja+tja,

(95) « mezendi, mezendemä, mestemä, weshalb [pourquoi ?] », dérivé de l’interrogatif mez- ‘quoi ?’, Cf. (41) mәzjarda,

(96) « mezs, mes, wozu [pourquoi (faire) ?] », dérivé de l’interrogatif mez- ‘quoi ?’ avec un suffixe -s d’illatif,

(97) « sjasendi, deshalb [donc] », dérivé du déictique sja +s ‘illatif ’ et un autre suffixe -endi attesté aussi dans (95) mezendi,

53. Ce mot manque dans V. Veršinin (2004).

54. Ce sens n’est pas listé dans les dictionnaires actuels, qui donnent ‘d’une certaine manière, n’importe comment’.

55. Une hypothèse est d’analyser tja-ftana comme la forme évoluée de *tja-kota-na > *tja-hta-na ‘de cette façon’.

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(98) « af-kịlks, wahrlich, in der That [en vérité] », la forme attestée en mokša contemporain est afkuks. Les bases *kәl(k) et *ku(k) ne sont pas attestées et il est difficile de les doter d’une étymologie. En synchronie ces mots sont immotivés,

(99) « zrä, vergebens, umsonst [en vain] », emprunt russe зря,

(100) « padi, vielleicht [peut-être] », emprunt russe поди. Le dictionnaire (Serebrennikov-Feoktistov-Poliakov 1998 : 453) ne considère pas ce mot comme un adverbe (наречие) mais comme un вводное слово : un « mot-parenthèse », servant à produire une incise.

On retrouve le phénomène observé précédemment que les adverbes immotivés et dépourvus de structure analysable en synchronie sont souvent des emprunts russes.

Conclusion

L’article a passé en revue les formes dites « d’adverbes » telles qu’Ahlquist (1861) les avait listées. Au terme de notre étude il apparaît que l’on peut distinguer deux groupes de formes : des adverbes empruntés au russe et aux langues turciques d’une part, qui naturellement ne sont pas analysables en synchronie, et ensuite un ensemble de déictiques, d’adjectifs et de noms suffixés par différentes marques de cas d’origine proprement ouralienne, dont la majorité reste motivée et transpa-rente en mokša contemporain.

L’ensemble de ces points laisse envisager un horizon où les « adverbes » en mokša et en proto-mordve étaient tous analysables avec du matériel lexical et mor-phologique synchroniquement vivant.

D’une certaine manière l’exemple du mokša ouvre une perspective ultime vers une sorte d’utopie lexicale où il n’existerait aucune forme adverbiale primaire non-analysable dans une langue.

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Résumé

L’article présente une langue peu connue, le mokša, appartenant à la famille ouralienne, puis s’intéresse aux adverbes tels qu’ils sont listés dans la première description linguistique du mokša publiée par Ahlquist en 1861. Il est montré qu’à l’origine toutes les formes adverbiales en mokša étaient des dérivés motivés et transparents de déictiques, d’adjectifs et de noms. Il n’existait pas, semble-t-il, d’adverbes primaires inanalysables en synchronie du proto-mokša. Cette catégorie d’adverbes inanalysables résulte d’emprunts puisés dans les langues turciques et russe. Cette situation ouvre une perspective vers une sorte d’utopie lexicale où il n’existerait aucune forme adverbiale primaire non-analysable dans une langue.

Mots-clés : mokša, mordve, ouralien, lexicologie, motivation.

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Summary

The paper first presents a little-known language, Mokša, belonging to the Uralic family, and investigates adverbs as they were listed in the first linguistic description of Mokša published by Ahlquist in 1861. It is shown that originally all adverbial forms in Mokša were motivated and transparent derivatives of deictics, adjectives and nouns. There apparently did not exist primary adverbs, unanalyzable in the synchronic system of Proto-Mokša. The unanalyzable adverbs stem from recent borrowings taken from Russian and Turkic languages. This situation opens the way toward a kind of lexical utopia where there would exist no primary unanalyzable adverbial form in a language.

Keywords : mokša, mordvin, uralic, lexicology, motivation.

Author’s address :

Arnaud Fournet6, Avenue Colombier BernardFrance — 92250 La Garenne Colombes

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