24
Jeudi 2 juillet 2015 - 71 e année - N o 21914 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr Fondateur : Hubert Beuve-Méry Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA I ls disent avoir « fait un travail », ils réclament leur dû. Un ancien colonel de la Direction géné- rale de la sécurité extérieure (DGSE) reconverti dans la sécurité privée, Jean-Marc Gadoullet, et un rebelle touareg malien devenu député, Ahmada ag- Bibi, demandent 1,5 million d’euros aux groupes Areva et Vinci. La somme, selon eux, aurait dû leur être versée par les entreprises pour la libération, en 2013, de leurs employés retenus par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). « Il me manque les deux tiers de mes engagements », affirme M. Gadoullet, que Le Monde a rencontré à Paris le 25 juin. Une réu- nion entre les avocats des différentes parties est pré- vue le 9 juillet. Cet épisode éclaire les luttes intestines qui ont af- fleuré dès 2011 dans le dossier des sept otages enlevés en septembre 2010 sur le site de production d’ura- nium d’Arlit, au Niger. Début 2011, au Mali. M. Ga- doullet parle au redouté chef d’AQMI, Abou Zeid, et récupère avec succès trois premiers otages, dont Françoise Larribe, avec l’aide des Touareg d’ag-Bibi. LIRE LA SUITE PAGE 5 Statuettes, masques, objets de culte ou du quotidien... Pas moins de 330 pièces comptant parmi les plus remarquables de la statuaire africaine sont réunies au Musée du quai Branly, à Paris, où se tient, jusqu’au 26 juillet, l’exposition « Les Maîtres de la sculpture, Côte d’Ivoire ». Divisée en six espaces correspondant aux cultures qui se côtoient dans l’aire géographi- que ivoirienne, elle permet de prendre la mesure du talent d’ar- tistes dont on ne connaît pour- tant ni la vie ni le nom. LIRE PAGE 20 NIGER LES MAUVAIS COMPTES DE LA LIBÉRATION DES OTAGES FRANÇAIS par nathalie guibert Au Quai Branly, les maîtres de la statuaire ivoirienne ARTS LE REGARD DE PLANTU FESTIVAL D’AVIGNON AVEC LARS EIDINGER, LE RICHARD III DE THOMAS OSTERMEIER SUPPLÉMENT CLIMAT : LA CHINE SUR LA BONNE VOIE LIRE PAGES 8 ET 23 AFRIQUE LA TOURNÉE DE HOLLANDE POUR SOIGNER SES ALLIÉS LIRE PAGE 4 NUCLÉAIRE L’EPR FINLANDAIS COMPLIQUE LE RAPPROCHEMENT ENTRE AREVA ET EDF LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 3 MÉDIAS JÉRÔME FENOGLIO, NOUVEAU DIRECTEUR DU « MONDE » LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 8 Au siège des Républicains, à Paris, le mardi 30 juin. STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO POUR « LE MONDE » Nicolas Sarkozy : « Il faut protéger la zone euro du désastre grec » Dans un entretien au « Monde », Nicolas Sarkozy accuse Alexis Tsipras d’avoir « suspendu l’appartenance de la Grèce à la zone euro » L’ex-président ne regrette pas l’intervention de 2011 contre Kadhafi. Il reproche à son succes- seur d’avoir laissé tomber la Libye à l’été 2012 Pour contrer l’afflux de migrants en Méditerranée, il propose de « détruire les bateaux des trafiquants » et d’armer l’agence européenne Frontex Le 30 juin, la Grèce n’avait pas remboursé le FMI. Les négociations se poursuivent LIRE L’ENTRETIEN P. 2-3, LA CHRONIQUE P. 23 ET LE CAHIER ÉCO P. 4 À 6 FESTIVAL D’AVIGNON SUPPLÉMENT ACTUELLEMENT AU CINÉMA un ilm de BILL POHLAD LA VIE, L’AMOUR ET LE GÉNIE DE BRIAN WILSON DES BEACH BOYS

Le monde 20150702

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le monde 20150702

Jeudi 2 juillet 2015 ­ 71e année ­ No 21914 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

I ls disent avoir « fait un travail », ils réclamentleur dû. Un ancien colonel de la Direction géné­rale de la sécurité extérieure (DGSE) reconverti

dans la sécurité privée, Jean­Marc Gadoullet, et unrebelle touareg malien devenu député, Ahmada ag­Bibi, demandent 1,5 million d’euros aux groupes Areva et Vinci. La somme, selon eux, aurait dû leur être versée par les entreprises pour la libération,en 2013, de leurs employés retenus par Al­Qaida auMaghreb islamique (AQMI). « Il me manque les deux tiers de mes engagements », affirme M. Gadoullet,

que Le Monde a rencontré à Paris le 25 juin. Une réu­nion entre les avocats des différentes parties est pré­vue le 9 juillet.

Cet épisode éclaire les luttes intestines qui ont af­fleuré dès 2011 dans le dossier des sept otages enlevésen septembre 2010 sur le site de production d’ura­nium d’Arlit, au Niger. Début 2011, au Mali. M. Ga­doullet parle au redouté chef d’AQMI, Abou Zeid, et récupère avec succès trois premiers otages, dont Françoise Larribe, avec l’aide des Touareg d’ag­Bibi.

→ L IRE L A SUITE PAGE 5

Statuettes, masques, objets de culte ou du quotidien... Pas moins de 330 pièces comptant parmi les plus remarquables de la statuaire africaine sont réunies au Musée du quai Branly, à Paris, où se tient,jusqu’au 26 juillet, l’exposition « Les Maîtres de la sculpture, Côte d’Ivoire ». Divisée en six espaces correspondant aux cultures qui se côtoient dans l’aire géographi­que ivoirienne, elle permet de prendre la mesure du talent d’ar­tistes dont on ne connaît pour­tant ni la vie ni le nom.

→ L IRE PAGE 20

NIGER

LES MAUVAISCOMPTES

DE LA LIBÉRATION DES OTAGES FRANÇAIS

par nathalie guibert

Au Quai Branly,les maîtresde la statuaire ivoirienne

ARTS

LE REGARD DE PLANTU

FESTIVAL D’AVIGNONAVEC LARS EIDINGER, LE RICHARD III DETHOMAS OSTERMEIER → SUPPLÉMENT

CLIMAT : LA CHINE SUR LA BONNE VOIE→ L IRE PAGES 8 ET 23

AFRIQUE LA TOURNÉE DE HOLLANDE POUR SOIGNER SES ALLIÉS→ L IRE PAGE 4

NUCLÉAIRE L’EPR FINLANDAIS COMPLIQUE LE RAPPROCHEMENT ENTRE AREVA ET EDF → LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 3

MÉDIASJÉRÔME FENOGLIO, NOUVEAUDIRECTEURDU « MONDE »→ L IRE LE CAHIER ÉCO PAGE 8

Au siège des Républicains, à Paris, le mardi 30 juin. STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO POUR « LE MONDE »

Nicolas Sarkozy : « Il faut protéger la zone euro du désastre grec »

▶ Dans un entretien au « Monde », Nicolas Sarkozy accuse Alexis Tsipras d’avoir « suspendul’appartenance de la Grèce à la zone euro »

▶ L’ex­président ne regrette pas l’intervention de 2011 contre Kadhafi. Il reproche à son succes­seur d’avoir laissé tomber la Libye à l’été 2012

▶ Pour contrer l’afflux de migrants en Méditerranée, il propose de « détruire les bateaux des trafiquants » et d’armer l’agenceeuropéenne Frontex

▶ Le 30 juin, la Grèce n’avait pas rembourséle FMI. Les négociationsse poursuivent

LIRE L’ENTRETIEN P. 2-3, LA CHRONIQUE

P. 23 ET LE CAHIER ÉCO P. 4 À 6

FESTIVALD’AVIGNON

SUPPLÉMENT

ACTUELLEMENTAU CINÉMA

un ilm de BILL POHL AD

LA VIE,L’AMOURET LE GÉNIEDE BRIAN WILSONDES BEACH BOYS

Page 2: Le monde 20150702

2 | international JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

« La Grèce a suspendu,de fait, son appartenance à la zone euro »Nicolas Sarkozy demande à l’Europe de ne pas céder face à Athènes. L’ancien chef de l’Etat revient sur la situation internationale. Il affirme ne pas regretter l’intervention de la France en Libye en 2011. Face à l’immigration illégale, il préconise l’emploi de « la force »

ENTRETIEN

Mardi 30 juin, NicolasSarkozy a reçu Le Mondeau siège du parti Les Répu-blicains. Dans cet entre-

tien, l’ancien président de la République s’exprime sur la crise grecque, les consé-quences de l’intervention en Libye déci-dée sous son quinquennat et la guerre enSyrie. En matière de politique intérieure,M. Sarkozy déplore l’insuffisance de l’ac-tion de l’exécutif contre le terrorisme etréclame l’adoption « de mesures très pré-cises que le gouvernement a jusqu’à pré-sent refusées ».

Aujourd’hui, quelle est la solution pour sortir de la crise grecque ?

Avec Angela Merkel, nous avons beau-coup fait pour que la Grèce reste dansl’euro. Je reste convaincu que, dans cetteaventure extraordinaire de l’euro, l’exclu-sion d’un pays membre peut avoir des conséquences d’une gravité que per-sonne ne peut vraiment appréhender. Jusqu’au bout, je veux espérer que la rai-son l’emportera.

Demeure-t-on face à un risque systé-mique ?

Oui, et qui prendrait le pari contraire ?Aujourd’hui, la question est davantage desavoir comment protéger la zone euro dudésastre grec que de simplement proté-ger la Grèce.

Ces dernières semaines, ce ne sont pasles données économiques et financières qui ont changé, mais la situation politi-que. Jusqu’à l’arrivée de Monsieur Tsi-pras, nous avions des gouvernements grecs qui coopéraient plus ou moins effi-cacement avec leurs partenaires euro-péens. Depuis, nous avons un gouverne-ment grec qui refuse toute attitude rai-sonnable.

C’est un changement de paradigme quia conduit le gouvernement grec à suspen-dre de fait, de lui-même, l’appartenancede la Grèce à la zone euro. Alexis Tsipras en porte l’entière responsabilité. Qui aquitté la réunion des ministres des finan-ces, si ce n’est le ministre des finances grec ? Qui a refusé toutes les propositions qui lui ont été faites ? Voilà le premier ré-sultat d’une politique irresponsable.

Je veux préciser cependant que, parprincipe, le recours au référendum est lé-gitime ; mais la seule question qui ait un sens est celle pour la Grèce de son appar-tenance à l’Europe.

Vous trouvez normal que M. Tsipras appelle à voter « non » ?

Je trouve anormal qu’il appelle à votercontre les mesures d’une zone euro dont il souhaite la solidarité, sans en assumerla responsabilité. Avec ce référendum, il se met d’ailleurs dans une situation im-possible. Si les Grecs répondent « oui » auplan proposé par l’Eurogroupe, M. Tsiprasne pourra pas rester premier ministre. Mais s’ils répondent « non » au plan, celavoudra dire qu’il reviendra avec un man-dat de négociation encore plus dur. La si-tuation sera encore plus intenable.

L’Europe ne peut pas céder devant ungouvernement dans lequel figurent l’ex-trême gauche et l’extrême droite. Si les 18s’inclinaient devant M. Tsipras, cela ap-porterait de l’eau au moulin de tous ceux qui préfèrent la démagogie et les suren-chères au projet européen. Donner rai-son à M. Tsipras reviendrait à déjuger tous les gouvernements européens quiont fait le choix de la raison.

Le ministre grec des finances, Yanis Varoufakis, évoque un recours en jus-tice puisque rien n’est prévu pour faire sortir un pays de la zone euro…

Quand on doit 320 milliards d’euros, ilne me paraît pas tout à fait habile d’ester en justice contre des créanciers à qui l’on demande des délais et des échelonne-ments de dette ! Cet argent appartient pour l’essentiel aux contribuables euro-péens et notamment français. Ils ont le droit d’être respectés.

Maintenant la question la plus urgente,c’est de protéger la zone euro, au-delà du seul cas de la Grèce. Depuis janvier, qu’a-t-on fait ? Grosso modo rien, si ce n’est re-cevoir en grande pompe M. Tsipras en France, en lui laissant croire qu’il aurait satisfaction alors qu’on savait bien que cene serait pas le cas.

Depuis janvier, aucune réflexion sé-rieuse n’a été menée sur la nécessité derenforcer le gouvernement économique de la zone euro. Aujourd’hui il faut convo-quer un conseil des 18 chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro pour pré-parer le message qu’il va falloir adresseraux économies du monde entier afin de protéger la stabilité de la zone euro et de faire en sorte que les marchés n’atta-quent pas un prochain maillon faible.

Les décisions prises ne suffisent pas ?Quelles décisions ? Mise à part la Banque

centrale européenne (BCE), les seules qui ont été prises visaient à gagner du temps. Aujourd’hui, nous n’avons plus de temps, il faut agir en élisant un président du gou-vernement économique européen dont lamission sera d’harmoniser les économies européennes, en désignant un secrétaire général qui soit le directeur du Trésor européen, en transformant le mécanisme européen de stabilité en fonds monétaire européen capable de prendre des initiati-ves par lui-même, car il est un peu déso-lant de voir l’Europe à la traîne du FMI.

Y a-t-il des risques pour l’économie française ?

Qui peut penser qu’il n’y a pas de risquepour l’économie française déjà fragiliséepar une politique économique et fiscale àcontre-courant de ce qui se fait partout en Europe ? La dernière chose dont l’éco-nomie française ait besoin, c’est un sur-croît d’instabilité dans la zone euro !

François Hollande l’a dit…Le seul pronostic isolé de M. Hollande

n’est pas de nature à rassurer les observa-teurs de la zone euro. Pour l’instant, la si-tuation tient car les banques grecques ont été fermées, la circulation des capi-taux a été arrêtée et la BCE a décidé de soutenir les banques grecques. Tout ceci est très précaire. Comment penser que la BCE va continuer si les Grecs répondent « non » au référendum ?

Sur la question migratoire, qui con-cerne aussi la Grèce, peut-on progres-ser dans l’intégration ?

J’aimerais tant qu’il soit possible de par-ler de l’immigration de façon objective,apaisée, en tenant compte des réalités etnon des postures. L’immigration est l’un des problèmes les plus complexes et les plus brûlants pour l’Europe. Dans trente ans, l’Afrique sera passée de 1 milliard à 2,3 milliards d’habitants. L’explosion dé-mographique africaine pose les condi-tions d’une pression migratoire insoute-nable. Quant à la vague migratoire Est-Ouest qui passe par la frontière gréco-tur-que, la situation n’est guère plus rassurante.

Sur cette question aussi, le rôle de laGrèce est majeur. Comme vous le voyez, je ne partage pas l’avis de M. Hollande surl’idée que la crise grecque serait sans con-séquence pour l’Europe.

Faut-il des quotas pour l’asile ?L’Europe est fondée sur la solidarité.

Mais la solidarité sans politique com-mune conduit à faire un gigantesque ap-pel d’air, sans limites, et au final à augmen-ter les quotas année après année. C’est pourquoi j’ai refusé cette proposition.

Faut-il employer la force contre l’im-migration illégale ?

Il faut employer la force face aux ré-

seaux de trafiquants qui ne sont ni plusni moins que les nouveaux esclavagistes. Il faut détruire leurs bateaux, les punir sé-vèrement et pour cela doter l’agence européenne Frontex de capacités opéra-tionnelles, y compris militaires.

L’intervention militaire française en Libye en 2011 a-t-elle aggravé la crise ?

L’immigration n’a pas commencé avecla chute de Mouammar Kadhafi. Est-ceque je regrette cette intervention ? La ré-ponse est non. Qui d’ailleurs pourrait re-gretter la présence de M. Kadhafi à la tête de la Libye, un dictateur parmi les plus cruels que cette région ait connus ?

On ne regrette pas de ne plus le voir dans les jardins de l’Elysée.

Puis-je vous demander un peu debonne foi ? Vous savez bien que cette vi-site était une condition mise à la libéra-tion d’un médecin palestinien et d’infir-mières bulgares qui ont été violées, bat-tues et torturées pendant huit ans dans les geôles de Monsieur Kadhafi. Peut-onme reprocher d’avoir tout fait pour les li-bérer ?

Mais les conséquences ne sont-elles pas très lourdes ?

Avec David Cameron, nous avions orga-nisé une coalition de 54 pays, dont des pays membres de la Ligue arabe. Ensuite, nous avions créé les conditions politi-ques pour que les modérés libyens puis-sent assurer le pouvoir. Et c’est ce qui s’estproduit au mois de juillet 2012, puisque les premières élections législatives libres en Libye ont connu 60 % de participationet la victoire des modérés. En juillet 2012, quand je quitte le pouvoir, la Libye est li-bérée et les modérés sont au pouvoir. A partir de ce moment et, de façon incom-préhensible, la communauté internatio-nale, y compris la France, s’est désintéres-sée de la situation et le chaos s’est installé.

Les Américains vous ont pourtant re-proché cette intervention ?

Où avez-vous vu cela ? Et d’ailleurs, enmatière de politique arabe, nos amis

Nicolas Sarkozy, au siège du parti Les Républicains, à Paris, mardi 30 juin.STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO

POUR « LE MONDE »

« J’aimerais tant qu’il

soit possible de parler

de l’immigration

de façon objective.

L’immigration est

l’un des problèmes

les plus complexes

et les plus brûlants

pour l’Europe »

« Depuis l’arrivée

de M. Tsipras,

nous avons un

gouvernement grec

qui refuse toute

attitude raisonnable »

Page 3: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 international | 3

américains ne sont pas vraiment en si­tuation de donner des leçons. J’ai tou-jours assumé mon amitié pour les Etats-Unis, mais j’ai toujours refusé deme soumettre à quelque instruction de leur part.

Comment faire évoluer la situation en Syrie ?

En 2013, il y a eu une dramatique recu-lade lorsque Bachar Al-Assad a utilisé lesarmes chimiques. Une ligne rouge a été franchie et personne n’a bougé. Le refus d’intervenir à cette époque a conduit au maintien d’un dictateur, Bachar Al-Assad,à la prise de la moitié du pays par les bar-bares de Daech ainsi qu’à la quasi-dispari-tion de l’opposition démocratique sy-rienne. Aujourd’hui, il existe bien une coalition internationale, mais quelle est sa stratégie ? Qui la dirige ? Quelle est sa volonté ? Nous assistons à une effarante crise de leadership. Quand on décide defaire la guerre à Daech, c’est pour la ga-gner. Aujourd’hui, force est de constater que l’on ne s’en donne pas les moyens.

Faut-il dialoguer avec Bachar Al-As-sad ?

Il faut discuter avec Bachar Al-Assadd’un seul sujet : les conditions de son dé-part. Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on recommence avec la Syrie l’erreur quia été commise avec l’Irak quand la com-munauté internationale a refusé de réin-tégrer les soutiens de Saddam Hussein. Il faudra un jour dialoguer et réintégrer cer-tains dirigeants du parti Baas.

Faut-il envoyer des soldats au sol ?A partir du moment où on l’on a pris la

bonne décision de faire la guerre à Daech,il faut s’en donner tous les moyens et me-ner un combat sans merci. Si des experts au sol sont nécessaires pour renforcer l’efficacité des frappes aériennes, nousaurions bien tort de ne pas le faire.

L’Arabie saoudite, le Qatar, les Etats-Unis… Est-ce une bonne coalition ou faut-il revoir son périmètre ?

Dans cette guerre, il est important

d’avoir d’autres pays arabes à nos côtéspour ne pas donner le sentiment de pro-céder à une revanche de l’Occident sur l’Orient. Pour autant, nous n’avons pas àchoisir entre les sunnites et les chiites. La position centrale de la France, c’estde parler à tout le monde et pas seule-ment à un camp.

M. Poutine est quelqu’un avec qui ondoit et on peut négocier.

François Hollande a-t-il eu raison de reporter la livraison par la France de navires de guerre Mistral à la Rus-sie ?

Il ne fallait pas se mettre dans cetteimpasse en laissant dériver les chosesainsi. Encore une fois, pourquoi avoirattendu un an pour discuter ? Il fallait exercer une double pression. D’uncôté, empêcher le gouvernementukrainien de retirer le statut de langueofficielle au russe dans un pays où 30 %de la population est russophone. De l’autre, arrêter M. Poutine dès le départpour éviter la crise de Donetsk. La ques-tion du Mistral ne se serait pas posée. Ilaurait été livré, ce qui aurait donné dutravail à nos ouvriers et évité unecharge supplémentaire pour le contri-buable français.

Comment réagissez-vous à l’espion-nage par la NSA dont vous avez été la cible ?

C’est inacceptable. Je me doutais qu’ily avait des écoutes mais je n’imaginaispas qu’elles pouvaient viser des respon-sables politiques personnellement. Avec le recul, je me demande qui ne m’écoutait pas…

La réaction de Barack Obama a-t-elle été à la hauteur ?

Quelle réaction a-t-il eue ? p

prospos recueillis parmatthieu goar, nathalie guibert,

alexandre lemariéet arnaud leparmentier

Daech et régler le drame syrien. Cela n’a pas de sens. Je m’interroge toujours sur laquestion de savoir pourquoi il a fallu at-tendre un an pour discuter avec M. Pou-tine. J’étais allé voir M. Poutine et M. Med-vedev au bout de quatre jours pour réglerle conflit en Géorgie. Quels que soient les désaccords que l’on peut avoir avec lui,

Quelle attitude avoir vis-à-vis de la Russie ?

On peut exprimer un désaccord sur lamanière dont Vladimir Poutine s’estcomporté sur l’Ukraine. Mais pour autant, on ne doit pas créer les conditionsd’une nouvelle guerre froide alors qu’on atant besoin de la Russie pour lutter contre

« Quels que soient

les désaccords

que l’on peut avoir

avec lui, M. Poutine

est quelqu’un

avec qui on doit

et on peut négocier »

« En 2017, l’opposition doit avoir un seul candidat »ENTRETIEN

Faut-il s’habituer à subir des atten-tats en France ?S’habituer, en aucun cas. S’y préparer,oui. La question n’est pas de savoir s’il y aura d’autres attentats en France mais quand. Nous avons un ennemi de l’exté-rieur, Daech, à qui il faut faire une guerre sans merci, et un ennemi de l’in-térieur, qui s’est radicalisé et a fait beau-coup d’émules. Rien que l’année der-nière, le nombre de Français qui ont choisi le djihad a été multiplié par trois. Nous devons adapter notre riposte à cette nouvelle réalité.

Le gouvernement a-t-il pris la me-sure de la menace terroriste depuis les attentats de janvier ?

Non, ou en tout cas pas suffisammentcar il y a encore des mesures très préci-ses à adopter que le gouvernement a jusqu’à présent refusées : la consulta-tion de sites djihadistes doit être sévère-ment réprimée ; les Français partis fairele djihad doivent être mis en prison à leur retour et envoyés à leur sortie dansdes centres de déradicalisation. Quant àceux qui disposent de la double natio-nalité, ils ne doivent pas pouvoir reve-nir en France. Les Républicains deman-dent enfin que soient rétablies sans tar-der les heures supplémentaires dans la

police pour donner immédiatement de nouveaux moyens à nos services derenseignement.

Faut-il fermer les mosquées salafis-tes ?

Il faut passer à la vitesse supérieurequant à l’habilitation des imams, en fai-sant en sorte qu’elles soient proposées par le Conseil français du culte musul-man au ministère de l’intérieur et reti-rées à la première dérive. Et, naturelle-ment, les mosquées dans lesquelles il y a des prêches radicaux doivent être fer-mées sans délai. La situation s’est telle-ment dégradée que la République n’aplus le choix. Il faut agir avec fermeté.

Pourquoi avoir décidé de consacrer le premier débat de votre parti à la question de l’islam ?

La mainmise de la pensée unique estquelque chose de très préoccupant. Qui peut croire que l’on peut résoudreles problèmes sans en parler ? Et quipeut affirmer que la question de l’is-lam, de sa place dans la société fran-çaise, des limites que la Républiquedoit poser, ne constitue pour tous noscompatriotes un sujet de préoccupa-tion majeur ? Pour les musulmans, parce qu’ils ne supportent plus l’amal-game, pour les autres, parce qu’ils sontattachés à un mode de vie qu’ils neveulent pas voir disparaître.

Vous réjouissez-vous d’entendre Ma-nuel Valls reprendre le terme de « guerre de civilisation » que vous aviez utilisé ?

Il faut toujours être indulgent avec lesconvertis de la dernière heure ! Ce n’est pas une guerre de civilisations, car Daech n’en est pas une, mais une guerreà la civilisation.

Comprenez-vous les inquiétudes d’Alain Juppé sur l’organisation de la primaire pour la présidentielle de 2017 ?

La primaire aura lieu. Personne nepeut en douter. Je suis convaincu que les inquiétudes vont se dissiper.

Quel est, selon vous, le nombre de participants nécessaires pour une primaire réussie ?

Plus il y aura de votants, mieux celasera. Et je suis certain qu’ils viendront de tous les horizons de la droite et ducentre. Toute l’opposition doit se mobi-liser et être concernée par l’ambition dese rassembler autour d’un seul candidatà la présidentielle.

Quelle sera la thématique de 2017 ?Il est bien prématuré de le dire. Avant

la présidentielle, il y aura les régiona-les. Chaque chose en son temps.En 2017, l’exigence de vérité sera plus forte que jamais.

Pourquoi attendre 2016 pour présen-ter votre projet d’alternance ?

Nous avons besoin de prendre dutemps, de réfléchir, de faire un travail sérieux. Les sujets sont tellement com-plexes. Il y a des débats qui ne peuventplus être éludés. Il en va de la confiancedes Français dans la politique. Et sur-tout, nous devrons veiller à ce que toutce que nous dirons puisse être scrupu-leusement mis en œuvre. Enfin, le temps des catalogues de proposi-tions est révolu. Il faut une vision etdes priorités.

Votre mise en examen dans l’affaire des écoutes peut-elle vous empêcher d’être candidat en 2017 ?

Dans les valeurs du journal Le Monde,il y a le respect de la personne, l’attache-ment aux droits de l’homme et à la pré-somption d’innocence, pourquoi avez-vous tant de mal à appliquer ces princi-pes quand vous parlez de moi ? Est-ce que l’affaire Bettencourt n’a pas servi deleçon ? Eric Woerth et moi avons été in-sultés en pleine campagne présiden-tielle à cause de cette procédure judi-ciaire. A l’arrivée, j’ai eu un non-lieu etM. Woerth a été relaxé. Pourtant, com-bien de « unes » du Monde évoquaient notre culpabilité ? Qu’au moins tout ceci nous serve de leçons. p

propos recueillis parm. gr, n. g., al. le. et ar. le.

Page 4: Le monde 20150702

4 | international JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

Hollande a appris à soigner ses alliés africainsLe président français entame, mercredi 1er juillet, une tournée au Bénin, en Angola et au Cameroun

C’est un pur hasard ducalendrier. Eminentprotagoniste del’« Angolagate »,

Charles Pasqua, qui avait été relaxéen appel en 2011 dans ce dossier deventes d’armes, est mort, lundi 29 juin, à quarante-huit heures du dé-placement de François Hollande en Angola, justement, ainsi qu’au Bénin et au Cameroun. Avec cette figure historique du RPR, c’est laFrançafrique à la mode gaulliste – avec ses réseaux parallèles et sesingérences brutales dans les an-ciennes colonies françaises – qui est symboliquement enterrée.

Cinquante ans après les indé-pendances, les générations et les méthodes se sont renouvelées. Mais les liens historiques de laFrance avec le continent noir font toujours de leurs relations un do-maine diplomatique à part. Fran-çois Hollande, qui se voulait un « président normal » aussi sur ce terrain, en a fait peu à peu l’ap-prentissage, contraint par les né-cessités du terrain d’infléchir sa li-gne initiale.

A son arrivée aux affairesen 2012, il avait fait la leçon aux présidents africains qui malme-naient les règles démocratiques. Depuis, le chef de l’Etat a déve-loppé les qualités d’équilibriste que sa fonction exige pour préser-ver les intérêts diplomatiques, économiques et militaires fran-çais. Dans ce périple africain « ex-press » du 1er au 3 juillet, il rencon-trera donc le président camerou-nais, Paul Biya (82 ans), et son ho-mologue angolais, José Eduardo dos Santos (72 ans), deux doyens parmi les dirigeants de la planète, avec respectivement trente-deux et trente-cinq années de règne. Les

deux hommes affichent un triste bilan démocratique et de gouver-nance. Mais l’Angola, producteur majeur de pétrole, est un poids lourd économique que la France a trop longtemps négligé. Quant au Cameroun, c’est un allié dans la lutte contre les islamistes de Boko Haram. Il a joué également un rôledéterminant dans la libération, ces dernières années, d’otages français détenus dans la région.

« Message politique »

Chaque étape du déplacement présidentiel sera d’ailleurs adap-tée au degré de respectabilité dé-mocratique du pays hôte. Le prési-dent béninois, Thomas Boni Yayi, l’un des bons élèves de la transi-tion démocratique africaine, si ce n’est sa gouvernance entachée de scandales de corruption, se verra distingué. « Le Bénin est le seul pays où le président va prononcer un discours [jeudi] devant les parle-mentaires et les forces vives. Ce n’estpas un hasard », souligne l’Elysée. « Le président béninois vient d’an-noncer qu’il respecterait la Consti-tution [qui lui interdit de briguer un troisième mandat] et l’opposi-tion démocratique a emporté les dernières législatives. Le choix du Bénin est un message politique », ajoute-t-on à la présidence.

Au Cameroun, François Hol-lande a prévu de rencontrer des re-présentants d’ONG et d’associa-tions de défense des droits de l’homme, mais aussi d’évoquer di-rectement avec Paul Biya « l’en-semble des sujets concernant la jus-tice camerounaise ». Ce sera no-tamment le cas de l’avocate fran-co-camerounaise Lydienne Yen-Eyoum, condamnée à vingt-cinq ans de prison pour

détournement de fonds. « Le prési-dent fera valoir que c’est une peine choquante pour la France et les Français, une peine énorme pour une malversation financière. Il sou-lignera la nécessité d’un geste hu-manitaire en sa faveur », explique un conseiller. De telles prises deposition, le chef de l’Etat n’avait pas jugé bon de les endosser si fer-mement lors de ses récentes visi-tes à Riyad, La Havane, Alger ou N’Djamena.

Le cas du Tchad illustre d’ailleursles tâtonnements et les limites de la diplomatie africaine de FrançoisHollande. « Depuis l’engagement tchadien aux côtés des Français au Mali en 2013, puis, cette année, con-tre les Nigérians de Boko Haram, Idriss Déby [le président tchadien] est intouchable. Pour les Français comme pour les chefs d’Etat de la région, d’ailleurs », explique un di-

rigeant d’un pays voisin du Tchad. « On peut le comprendre, mais ce n’est pas une raison pour détournerles yeux sur les abus du régime mili-taro-civil du “soldat” Déby », ajoutecette source. Elle critique notam-ment l’absence d’initiative fran-çaise dans le dossier de l’opposant Ibni Oumar Saleh, disparu en 2008, au lendemain d’une in-tervention militaire française qui venait de sauver la tête du prési-dent tchadien menacé par une énième rébellion.

Intérêt modéré du Quai d’Orsay

A son arrivée à l’Elysée, FrançoisHollande connaissait mal le con-tinent, hormis quelques relations personnelles tissées dans le cadre de l’Internationale socialiste, du temps où il était premier secré-taire. « Il n’a pas de vision du conti-nent, ni de politique africaine, seu-

lement du coup par coup », tran-che sévèrement Roland Marchal, spécialiste de l’Afrique au Centre de recherches internationales de Sciences Po. « Notamment parce que, sous Hollande, l’appareil di-plomatique a continué de s’affai-blir », ajoute-t-il.

A l’Elysée, la « cellule Afrique »avait déjà disparu au temps de Ni-colas Sarkozy. « Mais les con-seillers diplomatiques pour cettepartie du monde parlent surtout droits de l’homme et bonne gou-vernance », glisse un diplomate africain. Le ministère de la coopé-ration, devenu un ministère du développement et initialement confié à l’écologiste Pascal Canfin,n’a plus la main. Le ministre desaffaires étrangères, Laurent Fa-bius, ne s’intéresse que modéré-ment à ce continent.

Au fil des interventions armées

(« Serval » au Mali, « Sangaris »en Centrafrique) et de la place croissante occupée par la lutte contre le terrorisme au Sahel (opération « Barkhane » basée àN’Djamena), ce sont les militaires français qui ont repris du poidssur les dossiers africains. Le mi-nistre de la défense, Jean-Yves Le Drian, un proche du président, y aeffectué un nombre incalculable de visites. Pour l’anecdote, le très politique directeur de cabinet duministre, Cédric Lewandowski, estsurnommé « Foccardowski », enréférence à Jacques Foccart, tout-puissant « Monsieur Afrique »des présidents français après les indépendances. Il est certaines ré-férences, en matière de relations franco-africaines, qui s’effacent difficilement. p

christophe châtelot

et david revault d’allonnes

François Hollande s’entretient avec le président béninois, Thomas Boni Yayi, le 9 juin, à l’Elysée. THIBAULT CAMUS/AP

La Chine tend la main à la France pour affermir sa présence en Afrique

pékin - correspondant

L a France entend participerà la spectaculaire expan-sion de la Chine hors de ses

frontières – en Asie, mais surtout en Afrique. Une initiative qui a

fait l’objet, mardi 30 juin, d’une déclaration conjointe de coopéra-tion dans les pays tiers, lors de la visite du premier ministre chi-nois, Li Keqiang, à Paris. Fort deses liens culturels, politiques et économiques avec le continent

africain, Paris souhaite y favoriserles complémentarités avec la Chine – au lieu de se retrouver en concurrence frontale avec un ac-teur qui y est devenu majeur.

Les engagements de la Chine enAfrique sont passés de 5 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros)en 2006, lors du troisième som-met du Forum de coopérationsino-africaine (Forum on China-Africa Cooperation ; Focac) – qui, tous les trois ans, joue un rôle cen-tral dans les initiatives chinoises en Afrique – à 10 milliards de dol-lars en 2009, puis 20 milliardsen 2012, auxquels s’ajoute une li-gne de crédit de 10 milliards dedollars en 2013, année de la pre-mière tournée du président Xi Jinping sur le continent africain.

Défi sécuritaire

« La Chine est capable de proposer des montages financiers qui per-mettent de vendre des infrastruc-tures à des prix abordables, l’idéeest pour la France de se positionneravec son savoir-faire et ses techno-logies », explique-t-on de source diplomatique française. Outrel’objectif économique, la France met en avant son rôle modérateurauprès des Chinois en termes de responsabilité sociale. « La Chine projette à l’extérieur ses capacitésfinancières et aussi ses surcapaci-tés. Il s’agit d’essayer de trouver desprincipes de gouvernance avec les-

quels travailler, de faire en sorte de ne pas aggraver la dette de cespays », poursuit le diplomate.

Dans les faits, certains groupesfrançais se positionnent déjàauprès d’acteurs chinois, comme Alstom – ou du moins sa filiale chinoise, Alstom Hydro China – qui va équiper en turbines le bar-rage de Karuma, en Ouganda, construit par le géant chinois Si-nohydro. Dans les hydrocarbures, Total travaille depuis plusieurs années avec les pétroliers chinois.Enfin, les groupes chinois recou-rent naturellement à des presta-taires de service français dans lespays francophones.

D’une posture de champion dutiers-monde non aligné, volon-tiers anticolonialiste, la Républi-que populaire est devenue un con-sommateur vorace de matières premières. La Chine a ainsi ab-

sorbé la moitié des exportations du Congo-Brazzaville en 2013, 45 % de celles de l’Angola et 35 % decelles de la Zambie. Elle est désor-mais un grand pourvoyeur d’in-frastructures, accumulant les grands chantiers dans le transportet l’énergie, comme le réseau ferréde 9 milliards de dollars récem-ment accordé par la Tanzanie à unconsortium chinois. La Chine est aussi confrontée à un défi sécuri-taire en raison de la présence mas-sive de ressortissants chinois en Afrique (entre 1 et 2 millions), aux-quels il faut pouvoir venir en aide en cas de troubles.

Cette approche reste relative-ment nouvelle pour la France, mais aussi pour la Chine. « Se met-tre avec l’ancienne puissance colo-niale, c’est un peu une révolutionpour les Chinois, qui sont dans le discours Sud-Sud de lutter contre les hégémonies », explique un autre diplomate français à Pékin. La Chine a pris conscience, récem-ment, des limites de son modèle d’expansion en Afrique et de la nécessité de l’ajuster.

Problèmes d’image en Afrique

« L’approche chinoise a longtemps été de ne pas se faire prendre aupiège du discours traditionnel des donateurs occidentaux et de leur système, pour éviter que ses inves-tissements soient exploités politi-quement. Mais la Chine a aussi été

confrontée à de gros problèmes d’image en Afrique, et de manque d’expérience dans des domaines où l’Occident peut l’aider », ana-lyse la chercheuse Yun Sun, spé-cialiste des relations entre laChine, l’Asie et l’Afrique au Stim-son Center de Washington.« Dans cette optique, explique-t-elle, la Chine considère que tra-vailler avec la France en Afrique de manière sélective peut l’aider, etnon l’affaiblir. »

Cette évolution de l’approchechinoise date de l’arrivée au pou-voir de la nouvelle équipe diri-geante en 2013, qui privilégie lesprojets d’infrastructures, en parti-culier de transport, au détriment d’une vision longtemps « mer-cantile », due à « la priorité don-née par la Chine aux ressources na-turelles », écrit Mme Sun dans unarticle récent sur le prochain som-met Focac, prévu à l’automne. Il faut s’attendre à voir se manifes-ter, lors de ce sommet, une « dévo-tion nouvelle des Chinois pour des thèmes comme le développement agricole, l’industrialisation, la for-mation ou encore les transferts de technologie », annonce Mme Yun. Cet ajustement répond, pour laChine, à sa quête d’influence poli-tique qui concerne désormais la planète entière. La Chine de Xi Jinping est déterminée à se posi-tionner en puissance globale. p

brice pedroletti

« Pékin considère

que de travailler

avec la France

en Afrique de

manière sélective

peut l’aider,

et non l’affaiblir »

YUN SUN

chercheuse

Deux soldats français soupçonnés d’actes pédophiles au BurkinaLe parquet de Paris a confirmé l’ouverture, mardi 30 juin, d’une en-quête préliminaire sur des soupçons « d’actes à connotation sexuelle » sur mineur par deux soldats français en mission au Bur-kina Faso. L’enquête a été confiée au commandement de la gen-darmerie prévôtale. Les deux militaires ont été suspendus. La vic-time est « une mineure de 5 ans environ dont le père est burkinabé et la mère française », a précisé une source burkinabée, ajoutant que « les deux soldats sont des amis de la famille », chez qui ils ont « oublié la caméra » sur laquelle ils avaient enregistré leurs méfaits.

Comment sauver

vraiment la Grèce

JUILLET 2015

Chaque mois, avec Le Monde diplomatique,

on s’arrête, on réfléchit.

Chez votre marchand de journaux, 28 pages, 5,40 €

Page 5: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 international | 5

Les mauvais comptes de la libération des otages français au NigerUn ex-négociateur et ses contacts touareg réclament plusieurs millions d’euros à Areva et à Vinci

suite de la première page

Mais en 2013, il est officiellement sorti de la négociation pour la li-bération des quatre derniers ota-ges français. François Hollande, le4 juillet, réunit les familles à l’Ely-sée pour leur annoncer qu’aprèsdes mois infructueux, une nou-velle filière va travailler à leur li-bération. Celle-ci est menée par Pierre-Antoine Lorenzi, président de la société de sécurité privée Amarante, proche de Cédric Lewandowski, le directeur de ca-binet du ministre de la défense. Il travaille avec le Nigérien Moha-med Akotey, conseiller du prési-dent Mahamadou Issoufou, et Li-mam Chafi, conseiller du prési-dent burkinabé Blaise Compaoré.

Cette équipe s’attribue la libéra-tion de Thierry Dol, Marc Feret, Daniel Larribe et Pierre Legrand, le29 octobre 2013. « Ça faisait deux ans qu’ils n’y arrivaient pas. En no-vembre 2012, on me demande, à moi, l’ancien de la DGSE, si je peux m’en occuper. Je peux. On me dit “go !”, je fais », a raconté M. Lo-renzi en novembre 2013 au Monde. Au grand dam de la DGSE, qui jugera M. Lorenzi « parasi-taire ». Une forte rançon a été ver-sée, des intermédiaires payés.

Le 25 septembre 2012, M. Ga-doullet avait vu son mandat re-nouvelé par les employeurs des otages. On lit dans l’attestation qu’il a montrée au Monde : « Jesoussigné Luc Oursel, président du directoire d’Areva, atteste queMM. Jean-Marc Gadoullet et Ah-mada ag-Bibi sont aujourd’hui les seules personnes habilitées à né-gocier au nom du groupe Areva la libération de Daniel Larribe, sala-rié du groupe Areva et de ses trois camarades, salariés du groupe Vinci. » Le principe de sécurité fondamental exige pourtant qu’iln’y ait jamais deux filières de né-gociation pour une même affaire.« Le contrat de Gadoullet a conti-nué à courir après la réunion du 4 juillet 2013 à l’Elysée, il n’a pas étédénoncé », insiste une source pro-che du dossier. Les entreprises es-timent à l’inverse que les contratssont devenus caducs.

L’homme, un ancien du serviceaction, a monté son entreprise, Opérations et organisations spé-ciales, OPOS, et travaille à l’époquesur la sûreté des chantiers de la fi-liale de Vinci, Satom, au Mali et au Niger. En 2010, informé immédia-tement du rapt, il propose à Vinci d’approcher les ravisseurs. En dé-cembre, mandaté par le patron dugroupe de construction, Xavier Huillard, et avec le feu vert de la DGSE, il commence à discuter avec Abou Zeid de la libération de Françoise Larribe, l’épouse de Da-niel, un cadre d’Areva enlevé avec elle, du Malgache Jean-Claude Rakotoarilalao et du Togolais Alex Kodjo Ahonado, salariés de Sa-tom. En février 2011, l’opération est un succès, la rançon versée.

Pour ce premier contrat, M. Ga-doullet est payé comme convenu 1 million d’euros. Les hommes quil’ont aidé autour d’ag-Bibi, lieute-nant du chef du groupe armé An-sar Eddine, Iyad ag-Ghali, aussi :500 000 euros pour les Touareg. Mais l’ancien militaire a exfiltré les otages via Niamey, au Niger, et ses ennuis commencent. A Ba-mako, un homme est venu juste

après le rapt voir le président ma-lien, Amadou Toumani Touré, « ATT », pour parler des otages. Guy Delbrel, le conseiller Afrique du PDG d’Air France Jean-Cyril Spi-netta qui préside également le conseil de surveillance d’Areva, a lui aussi des contacts avec ag-Bibi, avec qui il évoque le prix des ota-ges. M. Gadoullet le soupçonne d’avoir voulu prendre la négocia-tion. M. Delbrel assure qu’il avait pour seule mission d’établir des preuves de vie et qu’il a dès no-vembre 2010 lâché le dossier.

M. Gadoullet poursuit les dis-cussions pour les autres otages en 2011. « En octobre, les Touareg me disent qu’Abou Zeid est d’ac-cord. » La DGSE lui donne de nou-veau le feu vert pour aller leschercher. Pourtant, la presse fran-çaise publie une série d’articlespeu à son avantage. « Une campa-gne », conviennent aujourd’huiles sources informées. En novem-bre, sur la route menant vers lecamp d’AQMI, l’homme est atta-qué et grièvement blessé. Il est de plus en plus convaincu qu’on lui« savonne la planche ». Rapatriéle 25 novembre à l’hôpital mili-taire de Percy, où il passe un mois,il reçoit de nombreuses visites : les PDG d’Areva et de Vinci, leurs directeurs de la sécurité, le PDGd’Air France, la DGSE.

M. Gadoullet assure qu’enavril 2012, il obtient par écritd’Abou Zeid les termes de la négo-ciation pour Marc Féret et qu’unaccord est acquis pour les quatre otages. Mais l’élection présiden-tielle arrive. « Nous n’avons pas eule feu vert pour monter vers lenord. » Le « go » suivant arrive l’avant-dernier jour de l’année, une fenêtre de dix jours s’ouvre, alors que la France se prépare à frapper au Mali. « Je n’avais pas envie de me prendre une bombe par erreur », dit-il. « J’ai mis des conditions, des engagements d’être payé avant de partir, être ac-compagné d’un officier supérieur.Ce point a été refusé. »

« Filière nigérienne »

Début 2013, tout était de nouveauprêt, affirme-t-il, les avions fran-çais pouvaient se poser à Tom-bouctou prendre les otages. AbouZeid sera tué en février par l’ar-mée française au début de l’opé-ration « Serval » et remplacé.

Du côté de l’exécutif, « on avaitle sentiment que Gadoullet ne vou-lait plus monter au nord car la si-tuation avait changé, et les choses n’avançaient pas ». Le ministère de la défense pousse la solution organisée avec la présidence du Niger. Au printemps, « le feu vertest donné pour la filière nigérienne.La DGSE nous dit qu’elle est “clean” avec Gadoullet, et pour nous, alors,il n’y a bien qu’une seule filière », raconte une source gouverne-mentale. A Bamako, le président Ibrahim Boubacar Keita a rem-placé ATT. Des échanges de pri-sonniers entrent dans la discus-sion avec AQMI. « Les termes de la négociation changent. Gadoullet et ag-Bibi ne sont plus dans le pay-sage », poursuit cette source.

Alliade, un émissaire d’ag-Bibique Le Monde a rencontré à Paris le 25 juin, explique avoir remis « en novembre 2012 au patron de Vinci le papier d’Abou Zeid » scel-lant la libération contre une ran-

çon acceptée des deux côtés. En mars 2013, le successeur d’Abou Zeid, Yahia Abou El Hamam, était selon lui d’accord à son tour, « on attendait toujours Jean-Marc àKidal ». Puis, au cours de l’été, « on nous a demandé de rester à l’écart, on s’est mis à l’écart », ra-conte Ahmada ag-Bibi depuis Ba-mako, dans un témoignage vidéo

du 24 juin transmis au Monde.« On a dit à la filière sur le terrain de convaincre les ravisseurs d’ac-cepter Akotey. Mais le travail quenous avons mis en place depuis trois ans, et la rançon que nous avons avancée, c’est ça qui reste la clé de la libération. Le nouveau système n’a rien négocié. »

« Capable de tout »

Dans la rançon déposée à AQMI, « il manquait de l’argent », assure une source française, « et une ba-taille entre les groupes touareg s’estouverte ». Dans les coulisses, une autre dispute financière se joue. La Lloyd a assuré les entreprises sur la négociation et sur le paie-ment de la rançon – celle-ci a tran-sité par Amarante, la société de M. Lorenzi. Mais les experts sem-blent se poser des questions sur le rôle exact des différents interve-

nants. En conséquence, tous les frais n’auraient pas été couverts.

Côté touareg, « nous avons faitun travail, nous allons nous battre, indique le messager d’ag-Bibi. Areva nous a reçus dans un café en octobre à Paris et nous a dit que son président tiendrait ses engage-ments. » Du point de vue de M. Ga-doullet, que chacun décrit comme un homme « droit » mais « capa-ble de tout », le mandat de 2012 n’ajamais été résilié. Devant le silencedes entreprises, il a annoncé vou-loir lancer un contentieux devant une instance d’arbitrage à Genève.Selon lui, début 2015, « un respon-sable de Vinci a proposé de solder l’affaire pour 500 000 euros ». Ni Vinci ni Areva ne souhaitent commenter officiellement cette affaire qui relève pour elles d’un litige commercial. p

nathalie guibert

« Le travail que

nous avons mis

en place depuis

trois ans, c’est ça

qui reste la clé

de la libération »

AHMADA AG-BIBI

chef touareg

INDONÉSIEAu moins 142 morts dans le crash d’un avion militaireUn avion de l’armée de l’air indonésienne s’est écrasé, mardi 30 juin, dans une zone habitée de la ville de Medan, troisième ville d’Indonésie, située dans le nord de l’île de Sumatra. Le bilan s’élève pour l’heure à 142 morts. L’appa-reil, un C-130 Hercules vieux de 51 ans avec 122 personnes à bord, a percuté un hôtel et un salon de massage. – (AFP.)

NUCLÉAIRE IRANIENNégociations prolongées jusqu’au 7 juilletL’Iran et les pays du « 5 + 1 » (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Alle-magne), engagés à Vienne dans de difficiles négocia-tions, se sont laissé jusqu’au 7 juillet pour trouver un compromis sur le nucléaire iranien. Un temps espéré pour le 30 juin, cet accord encore introuvable, bien qu’à « portée de main », selon le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, fait l’objet d’un marathon diplomatique depuis plus de vingt mois. – (AFP.)

3ans de captivité

Sept otages sont enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010 par Al-Qaida au Maghreb islamique sur le site d’Arlit, au Niger : cinq Français, un Malgache et un Togolais, salariés des groupes Areva et Vinci (Satom). Ils sont libérés le 29 octobre 2013, après plus de trois ans de captivité dans le désert du nord du Mali.

WWW.VALENTINO.COM

Page 6: Le monde 20150702

6 | international JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

Les Etats-Uniset Cuba vont rouvrir leurs ambassadesBarack Obama devait annoncer le 1er juillet la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays

Le drapeau américain flot-tera bientôt à La Havane,tandis que le drapeau cu-bain sera déployé à

Washington, devant les ambassa-des respectives des deux anciensennemis, brouillés pendant plus d’un demi-siècle. Les deux voisinsdisposent déjà de sièges diploma-tiques, mais ils ont le statut mi-neur d’une simple « section » (ou bureau) veillant à leurs intérêts auprès de l’ambassade helvétique.Ce mercredi 1er juillet, l’annonce hautement symbolique de la réouverture des ambassades amé-ricaine à Cuba et cubaine aux Etats-Unis devait être effectuée depuis les jardins de la Maison Blanche par Barack Obama, décidéà faire du rétablissement des rela-tions diplomatiques avec le ré-gime communiste de Fidel Castro,puis de son frère Raul Castro, un des marqueurs de sa présidence.

L’événement a été annoncémardi soir par un responsable de l’administration américaine s’ex-primant sous couvert d’anony-mat. Six mois après les allocu-tions simultanées de BarackObama et Raul Castro sur leur his-torique rapprochement, le 17 dé-cembre 2014, les Etats-Unis et Cuba ont trouvé un accord sur les conditions de réouverture desambassades des deux nations, sé-parées par le détroit de Floride.Cela concerne notamment la li-berté de mouvement et d’action

des diplomates sur tout le terri-toire, sans passer par une de-mande d’autorisation préalable pour chaque déplacement hors dela capitale.

Des délégations de haut niveaudes deux pays s’étaient réuniesquatre fois depuis janvier, tantôt àLa Havane, tantôt à Washington, pour négocier les modalités du ré-tablissement des relations diplo-matiques. Auparavant, il avait fallu dix-huit mois de négociationsecrète menée par des représen-tants personnels des deux prési-dents, avec le soutien du Canadaet du Vatican.

Dernier obstacle

A La Havane, des sources non offi-cielles confient que le négociateurde Raul Castro aurait été son pro-pre fils, le colonel Alejandro Cas-tro Espin, officier du ministère de l’intérieur chargé de la coordina-tion avec les forces armées, nommé récemment conseiller de

tournant, y compris la commu-nauté d’origine cubaine.

La Maison Blanche a évoqué àplusieurs reprises la possibilité d’une visite de M. Obama à Cuba en 2016, alors que le pape Françoisest attendu en septembre. Fran-çois Hollande avait ouvert, en mai, le défilé de chefs d’Etat dési-reux de se précipiter à La Havane pour consolider ou déployer leur implantation économique.

L’ancien monarque espagnolJuan Carlos en a d’ores et déjà solli-cité l’autorisation auprès du gou-vernement de Madrid, à la de-mande des hommes d’affaires péninsulaires.

La normalisation des relationsentre les Etats-Unis et Cuba a étésaluée, mardi, par la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, lorsd’une conférence de presse com-mune avec M. Obama à la Maison Blanche : « Je veux souligner l’im-portance de ce geste pour l’ensem-ble de l’Amérique latine et, plus lar-

gement, pour la paix dans le monde », a-t-elle affirmé. Mme Rousseff a parlé d’une « étapecruciale dans les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine », permettant « de mettre fin aux derniers vestiges de la guerre froide ». Les relations entre Washington et « l’hémisphère oc-cidental » n’ont « jamais été aussi bonnes », a renchéri M. Obama.

L’annonce de la réouverture desambassades par la Maison Blan-che tranche néanmoins avec les allocutions conjointes du 17 dé-cembre. Depuis cette date, les Américains semblent désireux de presser le pas, tandis que les Cu-bains prennent leur temps, comme s’ils voulaient avant tout capitaliser politiquement l’an-nonce et l’accueil réservé à Raul Castro au Sommet des Améri-ques, au Panama, en avril, où a eu lieu le premier tête-à-tête entre lesdeux présidents. p

paulo a. paranagua

L’immeuble de la représentation diplomatique américaine à La Havane, en septembre 2013. DESMOND BOYLAN/REUTERS

Le journaliste franco-marocain Ali Lmrabet en grève de la faimL’ex-patron de presse, privé de papiers par Rabat, est bloqué à Genève

D evant le siège du Conseildes droits de l’hommedes Nations unies, à Ge-

nève, le journaliste franco-maro-cain Ali Lmrabet poursuivait, mardi 30 juin, une grève de lafaim commencée le 24 juin pourprotester contre le refus des auto-rités marocaines de lui fournir uncertificat de résidence nécessaire au renouvellement de ses papiers d’identité. Quelques semainesplus tôt, dans sa ville de Tétouan,un policier lui avait pourtant re-mis le sésame avant de le lui récla-mer dès le lendemain, arguant d’un « ordre venu d’en haut ».

Pour le moment, Ali Lmrabethabite donc nulle part, et ne peut pas renouveler son passeport qui arrive à expiration. « Sans papier dans mon propre pays et sans abri en Suisse, voilà ma situation ab-surde en 2015 », déplore Ali Lmra-bet, qui a planté sa tente place des Nations et passe ses nuits « caché sous les arbres » ou à la maisondes associations de Genève.

Le journaliste satirique est cou-tumier de ce qu’il qualifie de « sanctions politiques et d’attein-tes à la liberté d’expression ». Il saitde quoi il parle, cet ancien patron de presse qui avait bouleversé le paysage médiatique au début des années 2000 en introduisant le

premier news-magazine du pays, Demain Magazine, et sa version arabe Doumane. Ton irrévéren-cieux et dessins osés, la recettefait florès.

« Le chat et la souris »

Mais, en 2003, Ali Lmrabet est condamné à trois ans de prison ferme pour « outrage à la per-sonne du roi » à la suite d’un article sur le budget du Palais. Après huit mois d’incarcération, ilest finalement gracié par le roi Mohammed VI. Ses journaux sont interdits de paraître etdisparaissent.

Ali Lmrabet et le pouvoir, c’estun peu comme « le chat et la sou-ris », selon ses dires. « Je respecte

l’ordre et les condamnations, mais je ne peux pas m’empêcher de jouer et de tester les libertés d’ex-pression », ajoute-t-il.

Le 12 avril 2005, il est à nouveaucondamné, cette fois à dix ans ferme d’interdiction d’exercer lemétier de journaliste pour sesécrits publiés par le quotidien es-pagnol El Mundo, dans lesquels ilconsidère les populations sa-hraouies des camps de Tindouf,dans le sud-ouest de l’Algérie, nonpas comme des « séquestrés »,mais comme des « réfugiés ».

Dix ans plus tard, le journaliste,actuellement « sans-papiers »,s’apprête à relancer ses hebdoma-daires satiriques, en associationavec le caricaturiste Khalid et l’humoriste Bziz. « Nous avons déjà des bureaux à Casablanca, des équipes et une maquette. Nouspensions tirer à 100 000 exemplai-res, pour le premier numéro, cesera le double », précise Ali Lmra-bet depuis Genève, où il étaitvenu pour suivre les travaux du Conseil des droits de l’homme etparticiper à des débats sur l’état de la liberté de la presse au Maroc.Il y a débuté sa troisième grève de la faim dans l’espoir d’interpeller l’ONU et les autorités maro-caines. p

joan tilouine

sécurité nationale du chef de l’Etatcubain. A chaque déplacement du père, à Rome ou à Moscou, le fils est en bonne place sur les photos.

Le dernier obstacle à la réouver-ture des ambassades avait été levéfin mai, lorsque le département d’Etat américain avait retiré Cuba de la liste des Etats soutenant le terrorisme. La levée de l’embargo américain ne constituait pas un préalable, puisqu’il relève du Congrès de Washington, dont la majorité républicaine ne cesse d’entraver les initiatives de politi-que extérieure de M. Obama, àdix-huit mois de son départ de laMaison Blanche. « Il y a une his-toire compliquée entre les Etats-Unis et Cuba, mais l’heure est ve-nue d’entamer un nouveau chapi-tre », avait déclaré le présidentaméricain le 17 décembre, consta-tant sans détour l’échec d’un de-mi-siècle d’isolement du régime castriste. Une large majoritéd’Américains est favorable à ce

Le négociateur

secret de

Raul Castro avec

les Américains

aurait été son

fils, le colonel

Castro Espin

Le passé libyen des djihadistes tunisiensLe tueur de Sousse a suivi le même entraînement que ceux du Bardo

tunis - correspondant

L a connexion libyenne seconfirme dans la tueriecommise vendredi 26 juin

dans une station balnéaire d’El-Kantaoui près de Sousse, sur le lit-toral de l’Est tunisien, qui a fait 38 morts étrangers –, principale-ment britanniques. Le djihadiste tunisien auteur du carnage, Sei-feddine Rezgui, avait subi une for-mation militaire dans un camp d’entraînement en Libye, a révélé mardi 30 juin le secrétaire d’Etat tunisien chargé de la sûreté natio-nale, Rafik Chelly.

L’information confirme le défiterroriste posé à la Tunisie par le contingent de ses propres ressor-tissants présents dans la Libye voi-sine au sein de groupes extrémis-tes. Les auteurs de la tuerie du Bardo le 18 mars (22 morts dont 21 étrangers), Sabeur Khachnaoui et Yassine Abidi, avaient eux aussi été formés en Libye. Le mode opé-ratoire des deux assauts, revendi-qués par l’Etat islamique (EI), est identique : attaque de sites touris-tiques ciblant de manière sélectivedes visiteurs étrangers tout en épargnant les civils tunisiens.

Il s’agirait donc bel et bien de lamême filière. Le secrétaire d’Etat Rafik Chelly a cité la localité de Sa-bratha, située dans l’Ouest libyen àune centaine de kilomètres de la frontière tunisienne, comme étant le siège du camp d’entraîne-ment. Il n’a pas exclu que Seifed-

dine Rezgui et les deux auteurs de l’attentat du Bardo s’y soient trou-vés au même moment, c’est-à-direen décembre 2014. Ce camp de Tu-nisiens, historiquement affilié au groupe Ansar Al-Charia, a long-temps été dirigé par Ahmed Rouissi, un chef djihadiste tuni-sien lié aux assassinats de person-nalités de gauche tunisiennes Chokri Belaïd en février 2013 et Mohamed Brahmi en juillet de la même année. Ahmed Rouissi a en-suite fait allégeance à l’Etat islami-que au moment de la formation desa branche libyenne fin 2014, à par-tir notamment de noyaux d’Ansar Al-Charia. Il a été tué en mars à Syrte, fief de l’EI sur le littoral cen-tral libyen, lors de combats avec une brigade de la ville de Misrata, située plus à l’ouest.

La confirmation officielle del’implication de cette filière de Tu-nisiens de Libye jette une lumière crue sur le dilemme stratégique auquel est confronté Tunis. La di-plomatie tunisienne a peu de prisesur ce littoral occidental de la Li-bye, plus ou moins contrôlé par la

coalition Aube de la Libye siégeantà Tripoli et avec laquelle Tunis n’apas de liens formels. Le gouverne-ment tunisien ne reconnaît offi-ciellement que le camp rival de To-brouk-Baida (Est), même s’il a cherché à se rapprocher du camp de Tripoli qui contrôle une large partie de la frontière commune.

Les relations entre Tripoli et Tu-nis ont été ces dernières semaines émaillées de tensions à la suite d’une prise d’otage perpétrée dansles locaux du consulat tunisien par une milice liée à Aube de la Li-bye. Il s’y ajoute la difficulté d’opé-rer contre les groupes extrémistes opérant à Sabratha. « Ces groupes ne s’entraînent pas dans un lieu fixe, explique un Tunisien de Ben Gardane, ville tunisienne de la frontière, chargé de médiations enLibye. Ils se déplacent en perma-nence afin d’éviter le risque de raidsaériens. C’est une stratégie chez eux. Un jour, ils s’entraîneront sur une plage à l’Est de Sabratha. Un autre jour, on les verra plutôt à l’Ouest sur un relief accidenté. »

Selon cet animateur d’une asso-ciation impliquée dans l’assis-tance aux Tunisiens en difficultéen Libye, il y aurait environ « une centaine » de jeunes Tunisiensopérant dans les environs de Sa-bratha. Les relations avec la popu-lation locale, précise-t-il, sont sou-vent heurtées : « Les gens sontsouvent énervés par ces extrémis-tes venant de l’étranger. » p

frédéric bobin

« Sans papiers

dans mon propre

pays et sans abri

en Suisse,

voilà ma

situation absurde

en 2015 »,

déplore

Ali Lmrabet

LES DATES

1961Rupture des relations diplomati-ques entre les Etats-Unis et Cuba.

1962Embargo américain. Crise des missiles.

1982Cuba inscrit par Washington dans la liste des Etats soutenant le terrorisme.

17 DÉCEMBRE 2014Barack Obama et Raul Castro annoncent le dégel.

La localité de

Sabratha, située

dans l’Ouest

libyen, serait le

siège du camp

d’entraînement

Page 7: Le monde 20150702

TOM WATSON5 FOIS CHAMPION DE L’OPEN

DÉCOUVREZ NOTRE HOMMAGE À TOM SUR RALPHLAUREN.COM/GOLF

À TOM —

NOUS SOMMES FIERS DE CÉLÉBRER VOTRE 40E PARTICIPATION À CET OPEN.

MERCI POUR TOUT CE QUE VOUS NOUS AVEZ FAIT PARTAGER.

PARRAIN ET HABILLEUR OFFICIEL DE L’OPEN

Page 8: Le monde 20150702

8 | planète JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

PARIS CLIMAT 2015

La date et le lieu nedoivent rien au ha-sard. La Chine, quis’était engagée à pu-

blier son plan d’action pour luttercontre le réchauffement d’ici à lafin juin, a attendu mardi 30 juin, et la visite à l’Elysée du premier ministre Li Keqiang, avant d’offi-cialiser sa « contribution natio-nale ». Un agenda diplomatiquesubtil, qui permet à Pékin de clari-fier ses positions cinq mois jour pour jour avant l’ouverture de la 21e conférence des Nations unies sur les changements climatiques(COP21), dans le pays hôte de cetteréunion majeure, qui doit sceller un accord universel sur le climat.

François Hollande ne s’y est pastrompé, saluant l’engagement de la Chine à construire une « civili-sation écologique » et remerciant« le premier ministre chinois d’avoir veillé à ce que cette an-nonce intervienne depuis Paris, en signe de soutien et de confiancedans le succès de la COP21 ». Dans un processus multilatéral freiné par les intérêts divergents des 196 parties signataires de la Conven-tion-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CC-NUCC), les signes de confiance sont suffisamment rares pourêtre signalés. D’autant plus lors-qu’ils émanent de la Chine, pre-mier émetteur mondial de gaz à effet de serre depuis 2006, repré-sentant à lui seul plus de 25 % du total des émissions mondiales.

Selon la feuille de route dévoiléemardi par la délégation chinoise,Pékin se fixe pour objectif d’« at-teindre le pic de ses émissions de CO2 autour de 2030, tout en s’effor-çant de l’atteindre au plus tôt ». Le régime chinois entend aussi « baisser l’intensité carbone [lesémissions de CO2 par unité de pro-duit intérieur brut] de 60 % à 65 %par rapport à 2005 », « porter la part des énergies non fossiles dans la consommation énergétique pri-maire à environ 20 % » et augmen-ter le « stock forestier d’environ 4,5 milliards de mètres cubes parrapport à 2005 ».

« La Chine assume sa responsa-bilité pour participer en profon-deur à la gouvernance mondiale etpromouvoir le développement partagé de l’humanité », soutient le n° 2 chinois Li Keqiang. Ce scé-nario s’inscrit dans la continuitéde l’accord sino-américain conclu

en novembre 2014. Barack Obamaet Xi Jinping, les présidents des deux pays émettant le plus de gaz à effet de serre, avaient alors an-noncé leur intention de réduire significativement les émissions polluantes de leur nation respec-tive.

« La Chine remplit sa part du“contrat mondial” des efforts à dé-ployer pour maintenir le réchauf-fement planétaire en deçà de 2 °Cpar rapport à la période préindus-trielle, au contraire des pollueurshistoriques que sont les Etats-Unis,l’Europe ou le Canada, qui eux re-fusent toujours de prendre leurs responsabilités, analyse Célia Gau-tier, responsable des politiques européennes au sein du Réseau Action Climat (RAC). Mais elle aurait pu remplir plus que sa part du contrat. Au rythme où se déve-loppent les énergies renouvelables en Chine et compte tenu de labaisse de la consommation de charbon, elle aurait pu prévoir destopper la hausse de ses rejets degaz à effet de serre bien plus tôt que 2030, aux alentours de 2020. »

« Point de départ »

« C’est réaliste avec la transition énergétique en cours en Chine, poursuit la responsable du RAC, etcela aurait un impact considérablesur la stabilisation du climat et surle succès des négociations de l’ONU. » Dans un rapport de laLondon School of Economics pu-blié le 8 juin pendant la session detravail de la CCNUCC à Bonn, leséconomistes Nicholas Stern etFergus Green constatent, euxaussi, que la consommation chi-noise de charbon, qui augmentaità un rythme de 9 à 10 % par an en-tre 2000 et 2010, a chuté de 3 % en 2014 et demeure sur cette ten-dance en 2015.

Un « maximum structurel » a étéatteint par la Chine, selon ces deux experts, qui estiment que le recours au charbon va se stabili-ser dans les cinq prochaines an-nées, au profit d’une utilisationgrandissante du gaz naturel dansles secteurs de l’électricité et del’industrie. Le pic d’émissions degaz à effet de serre de la première puissance d’Asie pourrait donc avoir lieu bien avant 2025. L’enjeu pour le gouvernement chinois estd’être capable ensuite d’enclen-cher un déclin rapide et continu de ses émissions.

« La question de savoir si lemonde pourra tenir cette trajec-

toire [de 2 °C] dans la décennie ou au-delà, à partir de 2020, dépend demanière significative de la capacitéde la Chine à réduire ses émissions à un rythme soutenu après son pic », estiment Nicholas Stern et Fergus Green. L’objectif des 2 °C dé-pend aussi « des actions des autres pays dans les vingt ans à venir, etdes actions mondiales menées au cours des décennies suivantes », ajoutent les deux économistes.

« La consommation de charbonest responsable de 80 % des émis-sions de CO2 de la Chine, insiste Li Shuo, expert climat et énergie de Greenpeace Chine. En s’engageantà réduire son intensité carbone de 60 à 65 % d’ici à 2030, elle ne prendpas une position très ambitieuse,alors que l’Agence internationale de l’énergie évalue à 80 % l’effort debaisse nécessaire pour rester dans le scénario des 2 °. Il faut vraiment considérer la contribution chinoisecomme un point de départ, et non comme un point d’arrivée. »

Un autre objectif difficile à tenirsera d’inclure au bouquet énergé-tique de la Chine 20 % d’énergiesrenouvelables à l’horizon 2030.Devenu depuis 2013 le premier in-vestisseur dans les énergies re-nouvelables, ce pays continent devra développer des politiques publiques incitatives pour éten-dre ses capacités électriques dans le secteur du solaire, de l’éolien oude la biomasse. La stratégie clima-tique de Pékin s’intègre dans un schéma plus vaste de transforma-tion du modèle de développe-ment chinois, moins dépendante des industries lourdes et des éner-gies fossiles.

« Problématiques domestiques »

« La Chine est très engagée sur le cli-mat, assure le ministre des affairesétrangères, Laurent Fabius. Le cli-mat est d’abord un problème pour les Chinois eux-mêmes. » Le minis-tre français des affaires étrangères,qui s’est rendu sur place mi-mai, a

« La crise climatique est un défi spirituel et moral »Les responsables des six principaux cultes en France lancent un appel à sortir de l’ère des énergies fossiles pour contenir le réchauffement

TRIBUNE

L es représentants des ins-tances des six principauxcultes en France (catholi-

que, orthodoxe, protestant, mu-sulman, juif, bouddhiste) devai-ent remettre à François Hollande,mercredi 1er juillet, une déclara-tion commune appelant à « l’adoption d’un accord contrai-gnant applicable à tous » lors de la conférence de Paris sur le cli-mat, en décembre. Cette initia-tive est née dans le cadre de la Conférence des responsables deculte en France (CRCF), qui réunit de manière informelle, chaque mois, depuis cinq ans, les signa-taires de cet appel. Pour joindre legeste à la parole, ils ont convenu d’observer à cette occasion une journée de jeûne, comme le font, le 1er de chaque mois, certains mi-litants de la cause climatique.

Pour les catholiques, cette in-tervention fait écho à l’encycli-que Laudato si’, consacrée à lacrise climatique, dans laquelle le

pape François appelle les gouver-nements à agir rapidement. C’est la première démarche intercon-fessionnelle effectuée directe-ment auprès du président de la République sur un sujet qui neconcerne pas seulement les cul-tes et formulant des objectifs concrets. Ces mêmes acteurs avaient préparé le terrain en mai, lors d’un colloque interreligieux sur le climat. François Clavairoly, président de la Fédération protes-tante de France, avait alors sou-haité que les responsables de cul-tes se « préparent à accompagner la COP21 » jusqu’au mois de dé-cembre. Voici le texte de cet ap-pel :

« Nous, membres de la Confé-rence des responsables de Culteen France, prenons la parole en-semble pour partager notre con-viction : au-delà des problémati-ques techniques, économiques et géopolitiques, la crise climatique relève d’un défi spirituel et moral.C’est d’abord notre rapport à la

création comprise comme don deDieu et à la nature qui est en jeu.

Ayant perdu de vue sa relation àla nature et son intime interdé-pendance avec tout ce qui consti-tue celle-ci, l’humanité s’est four-voyée dans un rapport de domi-nation et d’exploitation morti-fère de l’environnement.

Nous sommes mis au défi de re-penser et d’habiter autrement no-tre rapport à la création et à la na-ture. Nous faisons un. En détrui-sant l’environnement, l’humanitése détruit elle-même ; en le pré-servant, nous nous préservons nous-mêmes, nous préservons notre prochain et les générationsfutures. Notre conscience spiri-tuelle et morale est interpellée.

Nous sommes mis au défi d’agirpour la justice, d’œuvrer pour lapaix, de préparer de toute urgenceun futur sûr et viable pour nos en-fants, en sortant de l’ère des éner-gies polluantes et en revoyant nosmodèles économiques de produc-tion et de consommation sans li-mite.

Nous appelons à un sursaut desconsciences vers une action cli-matique conséquente et à une re-mise en question de nos valeurs et de nos attitudes. Refusons l’in-différence et l’avidité. Ouvrons-nous à la compassion et à la fra-ternité. Sortons de nos égoïsmes.Soyons solidaires et prenons le bien commun pour boussole. Persévérons et valorisons chaque action.

Notre appel

La France accueillera et présidera la 21e Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements clima-tiques (la COP21). La France joue etjouera un rôle diplomatique clé. Nous appelons à l’adoption d’unaccord contraignant applicable àtous qui :

- engage à sortir à temps de l’èredes énergies fossiles et vise un en-semble d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui garde le réchauffement moyen global bien en deçà de 2 °C,

doté de règles assurant la transpa-rence, la responsabilité et un pro-cessus de révision des objectifs ré-gulier ;

- protège les populations lesplus vulnérables aux impacts des changements en leur permettant de s’adapter à ces impacts et en prenant en compte les pertes etdommages qui leur sont causés ;

- favorise un développementécologiquement responsable et lalutte contre la pauvreté en garan-tissant un financement adéquat, le transfert de technologies et lerenforcement des savoirs et descompétences.

Notre engagement

Bien que la COP21 soit une étape clé, nous sommes convaincus queles défis posés par les change-ments climatiques ne peuvent être relevés de façon effective par les Etats seuls, mais surtout parune mobilisation individuelle et collective, aujourd’hui et dans les années à venir. Nous appelons les membres de nos communautés à

prendre conscience des enjeux dela COP21 et à faire évoluer leurs propres modes de vie. Nous nous engageons à enseigner et trans-mettre à partir de nos textes fon-dateurs et de nos traditions res-pectives, l’exigence de prise de conscience, d’éveil et de responsa-bilité de l’être humain au sein dela nature et de la création. » p

mgr georges pontier et

mgr pascal delannoy

(conférence des évêques defrance), françois clavairoly et

laurent schlumberger (fédération protestante de

france), emmanuel et joseph(assemblée des évêques

orthodoxes de france), haïmkorsia (grand rabbin de

france) et joël mergui (président du consistoire

central israélite de france),dalil boubakeur et anouar

kbibech (conseil français duculte musulman), olivier

wang-genh et lama droupgyu(union bouddhiste de france)

Aéroport de Roissy, le 29 juin. Le premier ministre chinois, Li Keqiang, et Ségolène Royal, ministre de l’écologie. ALBERT FACELLY POUR « LE MONDE »

La Chine se fixe un pic d’émissions de CO2 vers 2030Pékin a dévoilé à Paris sa contribution officielle à l’effort mondial dans la lutte contre le réchauffement

mesuré la préoccupation sociale que représentent les émissions de gaz à effet de serre. « Les engage-ments climatiques de la Chine sont guidés par ses problématiques do-mestiques », confirme Li Shuo. Se-lon les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de deux millionsde morts pourraient être évités chaque année si les normes de pol-lution de l’air préconisées par l’OMS étaient respectées, surtout en Chine et en Inde.

Parmi les grands pays émet-teurs dont la contribution man-que à l’appel figurent l’Inde ou le Brésil. Invitée à la Maison Blanchele 30 juin, la présidente brési-lienne Dilma Rousseff s’est enga-gée à faire passer à 20 % d’ici à2030 la part des énergies renou-velables (hors hydroélectricité) dans la production d’électricité dupays et à remplir un objectif de « restauration et reforestation » de 12 millions d’hectares à lamême date.

Mardi 30 juin, la Serbie, la Coréedu Sud, l’Islande ont, comme la Chine, rendu leurs contributions. Malgré ses avancées, il reste en-core de nombreuses inconnues d’ici à la tenue de la COP21. Seule-ment 44 pays ont dévoilé leurs en-gagements, et les discussions sur le texte de l’accord n’ont guèreprogressé lors de la dernière ses-sion à Bonn. Le chemin pour Parisest encore long. p

simon roger

La consommation

chinoise de

charbon a baissé

de 3 % en 2014

et demeure sur

cette tendance

en 2015

Page 9: Le monde 20150702

LIBRAIREACHÈTE LIVRES 20eIllustrés Modernes,Beaux Arts, Sciences Humaines,Littérature, Voyages, Photos,Pléiade, etc.

GOLEN : 06.30.49.93.94

Disquaire sérieux achète

DISQUES VINYLES 33 T ET 45 T.Pop/rock/jazz/Classique…Grande quantité, service de presse,successions…

06 89 68 71 43

LIBRAIRE ACHÈTELivres anciens, modernes, pléiades,services de presse,successions, bibliothèques

06.80.43.82.70

DÉCORATION

RENOV’DÉCO 1961 SARLNos compétences,

notre expérience

et notre goût

du travail soigné

A VOTRE SERVICE !PEINTURE, PAPIER-PEINT,PARQUET, ELECTRICITE,CARRELAGE, PLOMBERIE,MACONNERIE, MENUISERIE.

*Devis gratuit *Délai respecté

Tél : 01.40.09.79.2606.21.40.02.81

www.renovdeco1961.fr

LIVRES

MUSIQUE

ACH. POUR COLLECTION33 TOURS ANNÉES 50(MUSIQUE CLASSIQUE)Tél. : 06.11.57.62.81

ACHAT AU DESSUSDE VOS ESTIMATIONSET EXPERTISES

« ART D’ASIE » :CHINE, JAPON

ET MOYEN-ORIENT

06.07.55.42.30P. MORCOS

EXPERT CNE✶ Porcelaines et Bronzes

✶ Cristal de Roche✶ Corail et Ivoires Anc.✶ Jade blanc et couleurs✶ Cornes et Laques

✶ Peintures et Tissus anc.✶Manuscrits et Estampes

DEPLACEMENTPARIS – PROVINCE

[email protected]

ANTIQUITÉS

Suite à mes prestationstélévisées sur le marchéde l’art, je vous propose

UN RENDEZ-VOUSPOUR VOS DEMANDES

D’ESTIMATIONS,Spécialisé successions

J’ACHETEMeubles Tableaux Pendules

Objets d’art & curiositésArgenterie Livres anciensViolons & Archets anciens

Art d’Afrique et d’AsieArt décoratif du XXe sArt d’Islam et d’Orient

Photos anciennes et d’artistesSérieux et discrétion

assurés, déplacementsParis et Province.

PATRICK MORCOSEXPERT

Affilié à la CompagnieNationale des Experts

[email protected]

MAISONCHARLES HEITZMANN

ACHÈTETous mobiliers anciensPianos, violons, saxo…Sacs & foulards de luxe

Fourrures anciennesBriquets & stylos de luxe

Argenterie & bibelotsServices de table

Vases Gallé, Daum…Tableaux & livres anciens

Toutes horlogeriesStatues en bronze, ivoireObjets chinois & japonaisEpées et sabres anciens

Tapisseries & tapis anciensVieux vins mêmes imbuvables

06.19.89.55.28DÉPLACEMENT GRATUITDANS TOUTE LA FRANCEPossibilité de débarras

[email protected]

ÉTUDES

PARIS - PROVINCECadres, chefs d’entreprises,enseignants, médecins

votre avis nous intéresse !

Participer à des études d’opinion.Dédommagées.Inscription sur :

www.stephenson-etudes.fr

Tél. : 01.40.36.92.98

ACHATL’IMMOBILIER 100%

ENTRE PARTICULIERS

Acheteurs Français et Européens

Recherch. tous types de biens

entre particuliers. LMO

Tél gratuit : 0. 800.14.11.60

VENTES

APPARTEMENTS

PARIS 6E

- N.D. DES CHAMPS -

Imm. ancien, 180m2, 4 chbres

Parfait état - plein soleil

Vue jardin - 2.500.000€

- BD RASPAIL -

Bel Haussmann 5°asc 204m2

4 chbres, hauteur/plafond,

vue dégagée, expos. Ouest

- 3.000.000€ -

- RUE BONAPARTE -

Bel imm., 228m2, 3°asc.

3/4 chambres - 3.150.000€

- N.D. DES CHAMPS -

400m2 + Terrasses 130m2

5 chambres - 4.350.000€

FEAU SAINT GERMAIN

01.44.07.30.00

www.feau-immobilier.fr

- RUE JACOB -3P. 85m2, 1er ét. noble asc.4,5m s/plafond - 1.450.000€

- CH.MIDI/CX ROUGE -3°dernier étage - 112m2

3 chbres - parking dansla cour - 1.590.000€

- RUE DE GRENELLE -Bel ancien, 140m2, 1er asc.Sud, 2 chbres, 1 bureau,2 bains, 2 wc - 1.750.000€

*CHERCHE MIDI 2P.*

62m2, 2°asc/jard., gds balcs

- 695.000€ -

* ASSAS /MADAME *

2P 59m2, 7°asc. Vue,

720.000€

*DUROC bel imm. 4P.*

89m2, 3°asc., 2 chbres 2 bns

- 920.000€ -

*RASPAIL bel imm. 4P.*

131m2 hab. (107m2 Carrez)

Idéal prof lib - Volumes

- 1.040.000€ -

01.45.44.44.45

* Pl. St Sulpice (à 50m) *

Superbe 5/6P. 155m2, 4°asc

Réceptions + 3/4 chambres Calme

- Inondé de lumière

Etat exceptionnel

*Rare 6/7P. 179m2*

* Luxembourg/St Sulpice*

5°asc. - Petites terrasses

Dble récept., s.à manger,

4 chbres - Très jolies vues

cave, serv., clim., 2 boxes

01.45.44.44.45

PARIS 17E

Studio calme 25 m2

quartier Batignolles-Epinettes,

M°Brochant-RER C

Refait à neuf, cuisine équipée,

rangements, cave. Sud-Ouest, sur

jardin arboré et fleuri.

Immeuble de bon standing avec

gardien. Tous commerces à

proximité. Prix : 239 000 €

Tél : 01 43 29 00 99

MAISONS

77 SEINE ETMARNE

ST SAUVEUR-SUR-ECOLE (77)

Propriété sans vis-à-vis,

maison parfait état ,terrasses,

dépendances sur terrain arboré.

425 000€. Tél. 06.75.08.16.44

BUREAUX

Meudon Bellevue, 2 min gare

(12 min Montparnasse).

Beau petit immeuble.

1000 M2 bureaux dont 450 M2

libérés 1er octobre.

1600 M2 terrain

Vente SCI (IS) 4,2 M.

06 74 79 47 50

[email protected]

Atypique : 260 m2 + 100 M2

terrasse : très belle péniche

bureaux avec superstructure,

équipement et déco de qualité, bel

environnement, 5 places de PK,

proche métro, vue sur la Défense.

945 000 €

Rivercoach : 07 50 44 72 50

[email protected]

LOCATIONS

OFFRE VIDE

PARIS 13E

56 Bd de l’Hôpital,2 Pièces au 3°étage, calme,cuisine équipée, travaux récents.Loyer : 910€ + 45€ chargesTél : 01.42.53.53.63

La parution 5 lignes(31 caractères/ligne) :

65� HT professionnels65� TTC particuliers.

Les 3 parutionsde 5 lignes :

110� HT professionnels110� TTC particuliers

0123Bonnes Adresses

appelez le : 01.57.28.38.52Envoyer votre texte par e-mail :[email protected]

La rubrique Bonnes Adresses :chaque mercredi *

* dans Le Monde daté du jeudi

Page 10: Le monde 20150702

10 | france JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

Cazeneuve centralise la lutte antiterroristeUn état-major placé directement auprès du ministre coordonnera les services, afin de corriger les récents ratés

Bernard Cazeneuve veutcentraliser, sous sacoupe, les services lut-tant contre la menace

djihadiste. Le ministère de l’inté-rieur vient de décider la création d’un état-major opérationnel deprévention du terrorisme directe-ment rattaché au cabinet du mi-nistre. Cet organe comprendrades représentants de la Direction générale de la sécurité intérieure(DGSI), de la police judiciaire, de lasécurité publique, de la préfecturede police de Paris et de la gendar-merie.

Originalité : les représentantsdes différents services devraient être choisis parmi les patrons et les commissaires, mais aussi parmi les officiers afin de resteren prise directe avec le terrain. Le ministre a voulu ce dispositif pour corriger les problèmes de concurrence entre les services et améliorer la circulation de l’infor-mation. « Sur les 4 000 individussuivis pour radicalisation ou terro-risme, il ne doit plus y avoir deloupé. Nous devons savoir, sur cha-que suspect, ce qui a été fait à son sujet dans le passé et quel service travaille désormais sur lui », préci-se-t-on, Place Beauvau.

Cette décision n’est pas sansfaire grincer quelques dents à la Direction générale de la police na-tionale (DGPN). Car un tel disposi-tif de coordination existe déjà en son sein. Il s’agit de l’Unité decoordination de la lutte antiterro-risme (Uclat), qui est officielle-ment « en charge de la coordina-tion opérationnelle des services appelés à lutter contre le terro-risme ».

L’Uclat continuera à exister,mais la création du nouvel état-major est un désaveu pour cette unité, qui évalue notamment la menace terroriste et veille à la bonne circulation de l’informa-tion. Le problème tenait peut-êtreà l’évolution de l’architecture,toujours plus complexe, des ser-vices de police. Depuis sa créationen 1984, l’Uclat est rattachée à laDGPN. Mais depuis la réforme du

printemps 2014 voulue par le mi-nistre de l’intérieur de l’époque,Manuel Valls, le service de rensei-gnement de Beauvau, la DCRI, est devenue la DGSI, une direction générale totalement indépen-dante de la DGPN. Désormais, le patron de l’Uclat, le contrôleur gé-néral Loïc Garnier, est supposé su-perviser l’action, notamment, dudirecteur général de la sécurité in-térieure, Patrick Calvar, lui-même l’égal du propre patron de M. Gar-nier, le directeur général de la po-lice nationale, Jean-Marc Falcone. Pas simple.

Sorti des radars

A la tête du Syndicat des cadres dela sécurité intérieure (majoritaire chez les officiers), Jean-Marc Bailleul soupire : « La création de cet état-major confirme ce qu’on dit depuis sept ans maintenant. Onjuxtapose des services supposéslutter contre le terrorisme. Ce n’était pas la façon optimale d’ob-tenir des résultats. » Philippe Ca-pon, le patron de l’UNSA-Police, sefélicite de ce que le ministère cherche à « créer de la fluidité entreles services ».

Les attentats qui ont frappé laFrance depuis le début de l’année ont mis en lumière la difficulté àfaire travailler les services en commun. Un temps suivi, SaïdKouachi, l’un des deux tueurs de Charlie Hebdo, était sorti des ra-dars en déménageant de Paris à Reims, passant de la compétence de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) à celle de la DGSI qui, dé-

bordée par la vague de candidats au djihad pour la Syrie, avait né-gligé cet individu d’apparence très calme. Yassin Salhi, l’auteur présumé de l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), a été fi-ché entre 2006 et 2008 par lesRenseignements généraux (RG) comme s’étant radicalisé dans saville natale de Pontarlier (Doubs). Mais en 2008, après la suppres-sion de ces services, Salhi n’avait pas retenu l’attention de la Direc-tion centrale du renseignement intérieur (DCRI), supposée pren-dre la relève des RG.

Quelques mois après l’affaireMerah – sept personnes assassi-

nées en mars 2012 –, l’Inspection générale de la police nationaleconstatait déjà, le 23 octobre 2012, que « des marges de progression importantes existent en termes de confiance et de fluidité des échan-ges entre le renseignement inté-rieur et les autres services de policeou de gendarmerie ».

Guerre des polices

Plus récemment, le 8 avril, la com-mission d’enquête du Sénat con-sacrée aux filières djihadistes évo-quait un « retour d’une guerre des polices ». L’une des personnes auditionnées a confié à la com-mission d’enquête : « Les dossiers

sont entremêlés et chacun travailledans son coin ». Parmi les 110 pro-positions de la commission, dix-huit étaient consacrées au renfor-cement de la « coordination des services ».

Et Le Monde avait révélé, le9 avril, le contenu accablant d’un rapport du syndicat Alliance, ma-joritaire chez les gardiens de lapaix. Le document faisait remon-ter le témoignage des agents sur leterrain, la rancœur engendréed’un service à l’autre, et résumait la situation d’une laconique for-mule : « Force est de constater que la communication est extrême-ment tendue et difficile. »

Le ministre del’intérieur près du

site de l’usine AirProducts, à Saint-Quentin-Fallavier(Isère), le 26 juin.

ROMAIN ETIENNE

POUR « LE MONDE »

VERBATIM

“ On ne peut pas, chaquefois qu’on arme les ser-

vices de renseignement, hurler à la surveillance de masse et, quand un acte se produit, demanderpourquoi on n’a pas procédéà l’arrestation de personnes préventivement, alors qu’el-les n’avaient commis aucune infraction pénale. Prenons le cas de Yassin Salhi. Son casier judiciaire est vierge. Aucune infraction n’a été portée à la connais-sance de nos services. Il est repéré comme étant radica-lisé, mais aucun élément tangible ne vient témoigner de son engagement dans des activités terroristes. »Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve,dans un entretien publiépar L’Express le 30 juin.

Partant du constat qu’aprèsqu’il eut tapé du poing sur la ta-ble, dans les heures qui ont suivila tuerie de Charlie Hebdo, les ser-vices se sont, d’après plusieurssources, enfin mis à travailler en-semble, M. Cazeneuve a donc dé-cidé de placer directement sous son autorité les différents servi-ces chargés de la lutte contre le terrorisme. Mais cette prise en main est aussi un risque politi-que : en cas de raté ou de mau-vaise circulation de l’informa-tion, le ministre de l’intérieursera désormais en première li-gne. p

matthieu suc

Le motif terroriste retenu contre Yassin Salhi

L a couverture médiatique dela décapitation d’un chefd’entreprise et de l’attaque

contre une usine de l’Isère, ven-dredi 26 juin, a pu donner l’étrange impression d’un procès en temps réel alors même que le suspect, Yassin Salhi, était encore en garde à vue. Chacun a cru pou-voir se faire une opinion sur le mobile de l’attaque – personnel ou terroriste – quand l’enquête ve-nait à peine de débuter.

Après plus de vingt-quatre heu-res de silence, Yassin Salhi a dé-fendu la thèse d’une vengeance personnelle consécutive à une dispute avec son patron, jetant le doute sur la nature terroriste deson crime.

Mardi 30 juin, au terme des qua-tre-vingt-seize heures de garde àvue prévues par la loi, l’accusationa à son tour exposé sa version du dossier. Lors d’un point presse, le procureur de Paris, François Mo-lins, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour as-sassinat et tentative d’assassinats en relation directe avec une entre-prise terroriste et destruction par l’effet d’une substance explosive en relation avec une entrepriseterroriste. Yassin Salhi a été mis

en examen de ces chefs dans la soirée.

« Selon lui, ses mobiles seraientpurement personnels et son acte ne serait pas terroriste. L’un n’ex-clut pas l’autre et le choix de tuer quelqu’un à qui il en voulait n’estpas exclusif du mobile terroriste », a développé le procureur, faisant œuvre de pédagogie pour couper court aux interprétations hâtives.

« Mémoire sélective »

« La décapitation, la mise en scène macabre, la volonté de provoquer une explosion au sein d’un site sen-sible, l’envoi des clichés – comme laprésentation d’un trophée – de soncrime à un correspondant se trou-vant en Syrie, tout cela provoqueun effet de sidération qui à l’évi-dence trouble gravement l’ordre public par l’intimidation et la ter-reur », a défendu M. Mollins.

Si Yassin Salhi s’est montré pro-lixe sur le différend qui l’a opposé à son employeur la veille des faits et sur une dispute conjugale in-tervenue deux jours plus tôt, il a par contre fait preuve d’une « mé-moire sélective » s’agissant de la « mise en scène macabre » de son crime. Il a d’abord assuré aux en-quêteurs ne pas se souvenir avoir

décapité son employeur avantd’accrocher sa tête à un grillage entourée de drapeaux islami-ques. Il ne se souvenait pas davan-tage avoir envoyé deux photos immortalisant la scène à un ami en Syrie. Confronté aux éléments de l’enquête, il a fini par lâcheravoir agi ainsi pour « frapper les esprits », sans plus d’explication.

L’exploitation de son téléphonea révélé qu’il avait envoyé les deux photos de la scène de déca-pitation à 9 h 33, soit cinq minu-tes après avoir pénétré dansl’usine, et trois minutes avant deprécipiter son véhicule contre unhangar rempli de bouteilles degaz. Le profil du destinataire deces clichés, un certain Sébas-tien V. Z., rebaptisé Younès après sa conversion à l’islam, intéresseau plus haut point les enquê-teurs. Contrairement à ce que Yassin Salhi a déclaré, les deux hommes ne s’étaient pas perdusde vue et avaient échangé des tex-tos la veille et l’avant-veille des faits.

Ce trentenaire originaire deFranche-Comté, que Yassin Salhi arencontré tandis que les deux hommes gravitaient dans la mou-vance salafiste du Doubs dans les

années 2000, s’est envolé pour laSyrie avec sa femme et sa fille de 18 mois en novembre 2014. Selon les déclarations de sa sœur, YassinSalhi lui-même aurait vécu en Sy-rie pendant un an avec femme etenfants en 2009, avant que le paysne bascule dans la guerre civile.

L’exploitation du téléphoneportable avec lequel ses parentscontinuaient de communiqueravec Younès V. Z. en Syrie s’est ré-vélée très éclairante. Dans unmessage adressé à ses proches lesoir de l’attaque, Younès V. Z. dé-clare très bien connaître le sus-pect et affirme « être une des cau-ses pour laquelle [sic] il a fait ça ».

Il ajoute avoir demandé l’auto-risation à des cadres de l’organi-sation Etat islamique de diffuserles photos que lui avait envoyéesYassin Salhi. Des informations enpartie confirmées par le journa-liste de RFI David Thomson, quitient d’une source de l’EI en Syrieque l’attentat « n’a pas été com-mandité par l’EI, mais qu’unmembre de l’EI en Syrie l’a incité àagir ». Des discussions seraient par ailleurs en cours sur l’oppor-tunité de revendiquer l’atta-que. p

soren seelow

Les attentats qui

ont frappé la

France ont mis en

lumière la

difficulté à faire

travailler les

services en

commun

Page 11: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 france | 11

Tour Triangle : la revanche de la maire de ParisAprès un revers en novembre 2014, Anne Hidalgo a réussi mardià faire approuver son projet

Bertrand Delanoë avaitlancé l’idée. Anne Hi-dalgo a rendu sa réalisa-tion possible. Mardi

30 juin, la maire de Paris a obtenudu Conseil de Paris un feu vert au projet de tour Triangle. Future« œuvre d’art dans la ville », selonelle, l’immeuble de bureaux de 42 étages dessiné par le cabinet suisse Herzog et de Meuron, fi-nancé par Unibail, porte de Ver-sailles dans le 15e arrondissement,est promis à l’horizon 2020, an-née d’élections municipales.

Confrontée à l’hostilité de prin-cipe de ses alliés écologistes, quijugent les bâtiments de grande hauteur « énergivores », la maire PS de Paris ne l’aurait pas em-porté par 87 voix contre 74 sans leralliement de 6 élus parisiens Ré-publicains et 6 UDI. « Je me définiscomme une bâtisseuse de rassem-blement », avait anticipé Mme Hi-dalgo, dès l’ouverture des débats.

A l’issue du scrutin, la maire de lacapitale savourait sa revanche sur son adversaire de droite, Nathalie Kosciusko-Morizet. A l’automne2014, la chef de file de l’ex-UMP, hostile au projet Triangle depuis lacampagne municipale, avait réussi à faire écarter ce projet.

L’exécutif avait alors échoué àfaire adopter la délibération finale-ment votée mardi. Celle-ci auto-rise le déclassement de la parcelle

du terrain sur lequel la tour sera construite. En novembre 2014, à l’issue du premier scrutin, Mme Hi-dalgo aurait été contrainte de re-connaître sa défaite si NKM, à l’ins-tar de quelques élus centristes et écologistes adversaires comme elle du projet, n’avait pas exhibé son bulletin de vote. Mme Hidalgo ainvoqué l’entorse à la confidentia-lité du scrutin pour contester sa ré-gularité. Le PS parisien a aussitôt introduit un recours pour l’annu-lation du vote devant le tribunal administratif, qui devrait rendre sa décision le 15 juillet.

Au cours des six derniers mois,des négociations entre le promo-teur et l’UDI se sont engagées. Jean-Christophe Lagarde, le pa-tron des centristes, s’est déclaréfavorable au projet. « Les diri-geants et grands élus de l’UDI ontvu dans le soutien à la tour l’occa-sion de passer pour des faiseurs de grands projets auprès des milieux économiques », décrypte l’entou-rage de Mme Hidalgo.

« Tour de Pise »

Résultat : mardi, six élus UDI sur huit ont voté pour le déclasse-ment du terrain à construire.« Nous voulons incarner une oppo-sition constructive », se justifiait Eric Azière, patron du groupe UDI-MoDem au Conseil de Paris. « Nous sommes cohérents avec

nos votes favorables sur la tour Triangle entre 2008 et 2011. Notreopposition en novembre aura fait évoluer le dossier », s’est défendu le patron des UDI.

Entre la version de novembre etcelle présentée mardi aux élus, Unibail a repris « l’idée de l’UDI » de substituer un hôtel de 120chambres à quelque 7 000 m2 debureaux, s’est félicitée Mme Hi-dalgo. « L’UDI a pu se rallier au pro-jet parce qu’il avait changé », ex-plique Mathias Vicherat, direc-teur de cabinet de la maire.

Le revirement de l’UDI a rouvertles fractures au sein de la famille centriste. « J’ai la désagréable im-pression que toutes les cartes ne sont pas sur la table, qu’il y a un forcing de la Mairie de Paris » sur

certains élus pour qu’ils votent pour, a estimé Marielle de Sarnez, chef de file du MoDem, qui a fait campagne avec l’UMP contre la tour Triangle aux municipales. Enmarge des débats, NKM s’est éton-née de la « volte-face » de certains UDI, « dans des conditions et pour

des motifs qui restent à préciser ».De son côté, la chef de file des

Républicains a ciblé le montage financier du projet. Avec la tourTriangle, a-t-elle ironisé, « on estplus proche de la tour de Pise, telle-ment cette tour penche à la faveurd’Unibail ». Philippe Goujon,maire (LR) du 15e arrondissement,s’est érigé en violent détracteur de la tour, jugeant que les habi-tants de son arrondissement sontcontre et que le projet, mêmeamendé depuis novembre, com-prend toujours trop de mètrescarrés de bureaux.

Mais NKM n’a pas réussi à ci-menter ses troupes, et le vote ré-vèle aussi les fissures au sein de ladroite. Jérôme Dubus, RachidaDati, Claude Lellouche ou Bernard

Le vote favorable

d’élus de la droite

et du centre

révèle

des fissures

à l’UDI et chez

Les Républicains

En PACA, les candidats de la liste PS aux régionales se déchirentSon chef de file, Christophe Castaner, demande à la direction du parti la mise à l’écart du patron des socialistes marseillais, Jean-David Ciot

marseille - correspondance

T empête sur les listes socia-listes pour les régionales enProvence-Alpes-Côte

d’Azur. Le candidat PS, Christophe Castaner, a écrit mardi 30 juin au premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis, pour lui demander d’écarter Jean-David Ciot, patron de la fédération socia-liste des Bouches-du-Rhône et têtede liste désignée par les militants dans ce département.

« J’apprends dans Le Monde, écritM. Castaner à M. Cambadélis, que Jean-David Ciot comparaîtra aux côtés de Jean-Noël Guérini le 25 no-vembre devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Jean-David Ciot n’a pas jugé utile de me prévenir de cette échéance deux semaines avant le premier tour des élections régionales. (…) Même si je ne doute pas de la présomption d’innocence,ce rendez-vous judiciaire est totale-ment incompatible avec la néces-

saire éthique d’une campagne en Provence-Alpes-Côte d’Azur. »

Christophe Castaner saisit la ré-vélation de la date d’un procès dont tout le monde savait qu’il in-terviendrait prochainement – le parquet a fait immédiatement ap-pel de la relaxe prononcée pour MM. Ciot et Guérini le 8 décem-bre 2014 dans une affaire de dé-tournements de fonds publics –, mais ses griefs contre le patron de la fédération des Bouches-du-Rhône sont plus profonds. « Je suisen campagne permanente dans tous les départements de notre ré-gion, sauf les Bouches-du-Rhône. seplaint-il à Jean-Christophe Camba-délis. A ce jour, à aucun moment, [cette] fédération ne s’est mobili-sée. »

Désigné en février après une pri-maire interne, Christophe Casta-ner, 49 ans, porte le lourd défi du Parti socialiste de conserver la ré-gion PACA après dix-sept ans de mandats de Michel Vauzelle. Mé-

connu du grand public, le député des Alpes-de-Haute-Provence et maire de la petite ville de Forcal-quier fait face aux candidatures très médiatiques du maire de Nice,Christian Estrosi (Les Républi-cains), et de la députée du VaucluseMarion Maréchal-Le Pen (Front national).

Il affiche, depuis le début, une at-titude ambiguë face à l’épineux problème du PS des Bouches-du-Rhône. Une fédération profondé-ment marquée par ses déroutes successives aux municipales, sé-natoriales et départementales et qui n’a toujours pas soldé la lutte fratricide entre partisans et enne-mis de l’ancien président du con-seil général Jean-Noël Guérini.

Le 12 juin, lors de son lancementofficiel de campagne devant la presse à Marseille, Christophe Cas-taner, tout sourire, saluait la pré-sence de Jean-David Ciot, au même titre que celle des autres tê-tes de listes départementales. Il

s’est félicité du « processus démo-cratique » mis en place par le PS pour désigner ceux qui allaient le mener aux élections. Quelques jours plus tôt pourtant, ses velléi-tés de prendre lui-même la tête de la liste dans les Bouches-du-Rhôneen lieu et place de M. Ciot avaient provoqué l’ajournement d’un con-seil fédéral houleux. « Je veux du renouvellement, de la diversité sur les listes… Si les Bouches-du-Rhône s’enferment dans une nouvelle guerre, je taperai sur la table », ex-

pliquait-il alors au Monde, laissant entendre que la candidature de Jean-David Ciot n’était pas souhai-table.

Situation chaotique

Une mise en garde sans effet. Le 28 mai, à quelques jours du con-grès socialiste, M. Ciot était dési-gné par le vote militant à la tête d’une liste exprimant les jeux d’in-fluence qui agitent la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. La présence de plusieurs proches de leaders locaux – comme Sébas-tien Jibrayel, conseiller régional sortant et fils du député Henri Ji-brayel qui avait demandé la démis-sion de Jean-David Ciot le soir du second tour des départementales –, mais aussi d’anciens soutiens deJean-Noël Guérini comme le mairede Rousset, Jean-Louis Canal, avaient irrité les partenaires po-tentiels du PS.

« Tu sais comme moi que, cons-cient de mon opposition, [Jean-Da-

vid Ciot] a fait une liste lui garantis-sant le vote mais pas forcément la meilleure efficacité électorale, rap-pelle, dans son courrier, Christo-phe Castaner à Jean-Christophe Cambadélis. Ce fut un des argu-ments mis en avant par EELV pour refuser un accord. »

Alors qu’Europe Ecologie-LesVerts et le Parti communiste avan-cent vers la constitution d’une liste commune hors PS, la situa-tion du Parti socialiste semble chaotique en PACA. « Je sais pou-voir compter sur ton intervention rapide afin que je puisse poursuivremon engagement dans cette cam-pagne », écrit Christophe Castanerau premier des socialistes. Unemenace à peine voilée qui fait écho à une rumeur en cours de-puis quelques jours dans les cer-cles PS locaux : celle d’un hypo-thétique retour du président sor-tant de la région PACA, Michel Vauzelle. p

gilles rof

La fédération

n’a toujours pas

soldé la lutte

fratricide

entre partisans

et ennemis de

Jean-Noël Guérini

Debré figurent au nombre des six élus LR qui ont approuvé la délibé-ration. Tous invoquent le rôlestratégique de Triangle pour « l’attractivité » de Paris. Mais,« pour la plupart, leur seul mobile est d’être anti-NKM », déplore unélu parisien LR.

Au sein du parti sarkozyste, leslézardes sont apparues au-delà de l’enceinte parisienne. Alors qu’Edouard Balladur, ancien éludu 15e, s’est déclaré hostile à latour, Nicolas Sarkozy a appelé cer-tains conseillers de Paris pour leur faire part de son soutien au projet d’Unibail. Le patron des Ré-publicains a toutefois renoncé àprendre position publiquement pour ne pas ajouter à la zizanie. p

béatrice jérôme

Le projet de tour Triangle, dans le 15e arrondissement de Paris. L’AUTRE IMAGE PRODUCTION

franceculture.frPAROLE

S DE MIGRANTS

PARCOURS HUMAIN

S AUX FRONTIÈRES D

E L’EUROPE

VENDREDI3 JUILLET

DÈS 6H30OPÉRATIO

N SPÉCIALE

Page 12: Le monde 20150702

12 | france JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

Ecrasée de chaleur, Bordeaux rêve d’ombre et d’eauLe Sud-Ouest a subi, mardi 30 juin, la vague caniculaire exceptionnelle qui frappe la France

bordeaux – correspondante

Dure journée à Bor-deaux, mardi 30 juin,une des plus chaudesqu’a connu l’Hexa-

gone en ce début d’été : les tempé-ratures ont atteint 38,3 0C à l’om-bre à Bordeaux, 40 0C à Soulac-sur-Mer à la pointe du Médoc ou en-core 39 0C à Agen dans le Lot-et-Garonne. En plein soleil, sur la rocade, des automobilistes ont re-levé 46,5 0C à 18 h 30. A cause du vent chaud venu du Sahara, les températures ressenties étaient même bien supérieures. A 23 heu-res, en plein Bordeaux, il faisait toujours 38 0C… Le Sud-Ouest étaitle premier point chaud de la vaguecaniculaire qui a frappé l’Hexa-gone mardi et devrait se poursui-vre jusqu’à la fin de la semaine.

Même si la Gironde n’est pas clas-sée au niveau orange, le préfet de région, Pierre Dartout, a activé dès lundi des mesures prévues en cas d’« alerte canicule » : consignes d’action et de prévention aux hô-pitaux, aux collectivités, aux struc-tures d’accueil de mineurs, et da-vantage de maraudes pour les sans-abri. La mairie de Bordeaux, depuis la semaine dernière, rode sa « plate-forme autonomie se-niors » avec 16 000 courriers en-voyés aux personnes de 75 ans et plus, un numéro vert, et près de 1 500 personnes âgées très isolées vivant à domicile surveillées comme le lait sur le feu.

« Nous intensifions nos veillesdans les quinze résidences de per-sonnes âgées (RPA) que nous gé-rons et une équipe de soixante-dix bénévoles va appeler une à plu-sieurs fois par jour les plus isolés », explique Marie Chazeaubény, di-rectrice du service Générations seniors à la mairie.

Pataugeoire et pichets

Dans la RPA Dubourdieu – 39 rési-dents –, derrière la gare, la télé en bruit de fond et les jeux de sociétéétalés sur la table, Francine, 68 ans, Christiane, 70 ans et Jean,

le doyen de 97 ans, sont attablés dans la salle climatisée du « club ». Il fait 25 0C à l’intérieur. Laconversation s’oriente plus sur le nouveau voisinage que sur la cha-leur. « On évite juste de faire lescourses, ou alors tôt le matin, et onne sort pas », explique tranquille-ment Christiane Musset, toute pimpante dans son chemisier blanc. Le personnel rend visite aux résidents les moins autono-mes plusieurs fois dans la jour-née. Par précaution, les sorties et autres événements en extérieuront été annulés pour la semaine.

Ecrasée de chaleur, la ville étaitlargement désertée. Le Miroird’eau – la pataugeoire centrale à

ciel ouvert près des quais – était moins envahi de monde que les week-ends ensoleillés ; les mar-chands de glace ne raclaient pasleur fond de bac : « En fait, les genssont restés chez eux et ne sortent qu’en début de soirée quand il fait plus frais », note Clarisse, la cogé-rante du nouveau glacier M & O, situé en plein cœur du quartier historique Saint-Eloi. Dans lespharmacies, on se rue sur les bru-misateurs, beaucoup moins sur les crèmes solaires et les déodo-rants. « On en vend au moins 160 par jour, le double de l’an dernier à la même époque », relève la ven-deuse, Emmanuelle.

Des brumisateurs, des profes-

seurs des écoles primaires et des élèves en avaient même dans leur cartable. Certains parents ont pré-féré une solution plus radicale etgarder leur progéniture à domi-cile ou les amener à la plage ou à lapiscine. A 8 h 30, devant l’écoleélémentaire Nuyens, à la Bastide,

sur la rive droite, les parents ne parlaient que de ça. L’école, dont les concepteurs ont reçu le prix national de l’Equerre d’argent pour son architecture mais pas pour sa fonctionnalité, est toute de métal et de baies vitrées, avecun grand préau pour seule source d’ombre. Dans les classes situées àl’étage, on atteint et dépasse viteles 30 0C. « On s’adapte », sourit uninstituteur, pas du tout inquiet.

Dans la journée, les élèves sontdescendus dans la salle de jeux oudans la salle de lecture, relative-ment plus fraîches. Dès le matin, la directrice, Catherine Rande, afait préparer dix-sept pichets d’eau fraîche. Les jeux d’eau et va-

porisateurs sont autorisés. Pour-tant, dans les classes les plus ex-posées à la chaleur, une bonne partie des élèves n’étaient pas ve-nus, comme Pauline, 6 ans, ins-crite au CP. « J’avais peur qu’ellen’ait pas assez à boire et tropchaud, reconnaît sa mère, Julie Trémège, et comme on est en fin d’année, je me suis permis de lalaisser chez moi avec son grandfrère et ma mère. »

Mercredi et en fin de semaine,Bordeaux attendait une situation plus clémente avec « seulement »34 0C selon Météo France. De quoi retourner à l’école en attendant lesgrandes vacances. p

claudia courtois

Acquittements en série au procès OrsoniAprès six ans d’enquête et un procès fleuve, la cour d’assises n’a retenu que des faits mineurs

aix-en-provence - envoyé spécial

L a cour d’assises des Bou-ches-du-Rhône a acquitté,mardi 30 juin, Guy Orsoni et

ses onze coaccusés des principaux chefs pour lesquels ils étaient poursuivis. Jugés depuis le 11 mai, pour deux assassinats et une ten-tative de meurtre commis en 2009en Corse-du-Sud, les accusés ne sont finalement condamnés que pour des délits mineurs. Sous le coup de la récidive, Guy Orsoni, 31 ans, est condamné à huit ans de prison et ses coaccusés à des pei-nes allant d’un à cinq ans. La cour les a aussi acquittés du délit d’asso-ciation de malfaiteurs en vue de commettre ces meurtres. Les mo-tivations du verdict tiennent en peu de mots : « La cour d’assises n’apas été convaincue ».

Après six années d’une enquêtede grande ampleur, dans un dos-sier tentaculaire de 77 000 pages, après l’audition à la barre d’une centaine de témoins, les condam-nations portent sur des délits con-nexes : association de malfaiteurs en vue de fournir des faux papiers à quatre accusés à l’époque en fuite, dégradation d’une caméra de la police ou port d’arme. On est très loin du cumul des 166,5 an-nées de prison requises par l’avo-cat général contre les douze accu-sés, dont 30 ans de réclusion avec une mesure de sûreté aux deux tiers contre Guy Orsoni.

Son père, Alain Orsoni, a été con-damné à un an de prison pour me-naces de mort. Dans la chambre deThierry Castola, abattu à la sortie d’un bar de Bastelicaccia le 3 jan-vier 2009, les enquêteurs avaient découvert un écrit rageur rédigé par l’ancien chef nationaliste : « Le gibier n’a pas coutume de payer les cartouches du chasseur qui veut le tuer! (…) S’il le faut, j’enlèverai la race ! » La peine prononcée est cou-verte par la détention provisoire effectuée en 2009.

Figure de proue de ce procès,Alain Orsoni s’est borné à déclarer au Monde : « Mon fils a pris huit ansde prison pour rien. » A la cour, il avait livré son projet de partir avec lui pour ouvrir un casino à Leon auNicaragua.

« Immense satisfaction »

Sa propre condamnation n’était pas un enjeu pour celui que l’accu-sation a dépeint comme un par-rain ayant rallumé une guerre de clans, à son retour en Corse en 2008. « Son propre sort lui im-portait peu, a souligné son avocat Me Jean-Félix Luciani. Il était prêt à l’échanger contre celui de son fils. »

En dépit d’une condamnationqualifiée d’« exagérée et d’immo-dérée pour une association de mal-faiteurs mineure », Mes Hervé Té-mime et Martin Reynaud, défen-seurs de Guy Orsoni, ont fait part de leur « immense satisfaction pour ces acquittements spectacu-

laires. Guy Orsoni était la cible de cette procédure et cette décision est pleine de courage ». La défense a durement critiqué la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, chargée des plus impor-tants dossiers criminels insulaires.Les avocats ont pointé les déduc-tions tirées de dépositions de té-moins sous X ou l’usage démesuréde gardes à vue de simples té-moins. « Lorsque la Jirs a été créée, le procureur de la République de Marseille avait dit que c’était une machine de guerre, a commenté Me Eric Dupond-Moretti, défen-seur de Jérémy Capitta, acquitté de deux assassinats. Ce soir, la Jirs ma-chine de guerre ne se confond pas avec la justice. »

Ce procès marathon a mis en lu-mière les failles d’une accusation qui se savait fragile. Une accusa-tion dénoncée comme « mou-vante » tant sur le mobile que sur l’implication des accusés. Présentécomme le point de départ de cette

série de meurtres, le conflit finan-cier entre Alain Orsoni et les fils Castola sur le partage de dividen-des tirés de sociétés de jeux en Amérique centrale a peu à peu été supplanté par l’idée d’une ven-geance conduite par Guy Orsoni, à l’insu d’un père, contre lequel un projet d’assassinat avait été déjouépar la police en août 2008.

L’évolution au fil de l’instructiondu nombre d’auteurs présents lorsde l’assassinat de Sabri Brahimi, exécuté en plein centre d’Ajaccio le29 janvier 2009 – quatre sur deux motos puis six sur trois motos – est de nature à avoir désappointé la cour. Francis Castola, frère de Thierry Castola, cible de tirs alors qu’il roulait à moto sur une petite route de montagne, a lui-même parlé d’un « guet-apens impro-visé », son passage à cet endroit étant totalement imprévu.

Le parquet dispose de dix jourspour faire appel. L’affaire Orsoni est un dossier emblématique pour les magistrats de la Jirs de Mar-seille. Selon des observateurs, ce verdict pourrait marquer un viragedans la politique de cette juridic-tion. Dans des affaires contestées, sans preuves évidentes, la tenta-tion semble désormais d’orienter ces dossiers non plus vers la cour d’assises mais vers le tribunal cor-rectionnel pour n’y juger que le dé-lit d’association de malfaiteurs en vue de commettre un meurtre. p

luc leroux

On est très loin

du cumul des

166,5 années de

prison requises

contre les douze

accusés

Le Miroir d’eau, sur les quais de la Garonne, à Bordeaux, mardi 30 juin. MEHDI FEDOUACH/AFP

A l’école Nuyens,

tout en métal

et baies vitrées,

on atteint vite

les 30 °C dans les

classes de l’étage

FRONT NATIONALLe maire d’Hayange visé par une plainte Le maire FN d’Hayange (Mo-selle), Fabien Engelmann, est suspecté d’avoir commis des irrégularités dans ses comp-tes de campagne des législa-tives de 2012, a révélé, mer-credi 1er juillet, Charlie Hebdo. Des distributions de tracs ef-fectuées par des militants bé-névoles auraient été factu-rées pour 7 000 euros. – (AFP)

JUSTICECorrectionnelle pour deux patrons d’UberLa société Uber et deux de ses responsables seront ju-gés le 30 septembre en cor-rectionnelle a annoncé, mardi 30 juin, le parquet de Paris. Ils comparaîtront no-tamment pour pratique commerciale trompeuse, complicité d’exercice illégal de la profession de taxi et traitement de données infor-matiques illégal. – (AFP)

LE CONTEXTE

RECORDS BATTUSLa canicule devait frapper la France pour la deuxième journée mercredi 1er juillet. Quarante dé-partements sont placés en vigi-lance orange, du Centre au Nord-Est en passant par l’Ile-de-France. Mardi, plusieurs records pour un mois de juin ont été bat-tus : 40,2 °C à Cazaux (Gironde), du jamais vu depuis 1968, 37 °C à Nantes, un niveau inédit de-puis 1952, 37 °C également à la Rochelle, 38 °C à Limoges. Plus de 600 000 foyers ont été privés d’électricité mardi soir en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Cette vague de chaleur précoce, exceptionnelle par sa durée, devrait se poursuivre au moins jusqu’à la fin de la se-maine. On parle de canicule quand des températures très élevées sont observées pendant au moins trois jours consécutifs, le jour comme la nuit.

MARC VOINCHET ET LA

RÉDACTION

DU LUNDI AU VENDRED

I / 6H30-9H

Retrouvezla chroniqu

e de Jean Birnbaum

chaque jeudi à 8h55 en partena

riat avec

VENDREDI /6H30-9H

les matins

franceculture.fr / @Fr

anceculture

Page 13: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 campus | 13

gnent le rôle des compressions budgétaires et des problèmes d’organisation dans cette pénurie de places. « Des solutions exis-tent : débloquer les 1 000 postes autorisés mais gelés faute de bud-get, mieux gérer l’attribution dessalles, changer la pédagogie. Lecontingentement, c’est la solution de facilité, et il se décide souvent dans un dialogue assez obscur en-tre le rectorat et les présidencesd’université, sans consultation des instances sur les raisons invo-quées », dit Alexandre Leroy.

« Si nécessaire, il est tout à faitpossible qu’il y ait une mobilisa-tion et des rassemblements devantles rectorats, fin juillet ou en sep-tembre », prévient de son côtéWilliam Martinet. Pour les syndi-cats, l’objectif affiché de démocra-tisation de l’enseignement supé-rieur semble, en effet, passer aujourd’hui au second plan. p

adrien de tricornot

50 % à 60 % l’an dernier », regrette Laurent Beauvais, président del’Association nationale des étu-diants en Staps (Anestaps), affiliéeà la FAGE. « Il n’y a pas de réflexion sur l’encadrement et l’utilisation des équipements. A Grenoble (uni-versité Joseph-Fourier), où on a misen place la pédagogie inversée et lenumérique, il n’y a pas eu besoin delimitation », souligne M. Beauvais.

Les syndicats étudiants souli-

par académie, et dénonce unebaisse de 9 % des capacités d’ac-cueil en psychologie à Créteil. Pour les Staps, « la question se pose depuis quatre à cinq ans et était prévisible », dit William Mar-tinet. Cinquante UFR de Staps pi-lotent soixante-deux sites enFrance : « La plupart de ces forma-tions, environ 90 %, ont cette an-née une capacité d’accueil limitée avec tirage au sort, alors que c’était

candidats déçus et une aide dans leurs démarches : « Les bacheliers refusés dans les filières sélectives ont la possibilité de faire un re-cours, car c’est illégal », ditM. Martinet. Mineurs, craignantde se faire mal voir avant la fin du processus, les candidats hésitent à témoigner publiquement.

Le problème touche aussi lesréinscriptions. Après un échec en filière Paces – préparation aux concours de santé –, Lilian (son prénom a été changé à sa de-mande), étudiant parisien, a tentéde s’inscrire en droit dans nom-bre d’universités de la capitale. Il est aujourd’hui en liste d’attente àParis-VI et ne cache pas son amer-tume. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a aussi rempli des dossiers d’inscriptionpour des filières sélectives – du type langues –, sans grand espoir.

L’UNEF est en train de collecterles chiffres des capacités d’accueil

cheliers, c’est pourquoi elles sont dites « non sélectives ». Mais la mise en œuvre peut faire l’objet de difficultés, et donc d’aménage-ments, voire de dispositifs de ti-rage au sort informatique des étu-diants retenus. Compte tenu des contraintes budgétaires, des con-tingentements imposés dans un nombre croissant d’établisse-ments et du développement des filières sélectives en leur sein, les problèmes d’inscriptions ris-quent de se poser de façon plus aiguë que jamais cette année se-lon les syndicats étudiants.

« Généralisation du problème »

Les premiers retours de terrain sont jugés inquiétants parl’UNEF : « Ils font malheureuse-ment état, comme prévu, d’un ni-veau plus élevé que les années pré-cédentes de candidats en liste d’at-tente dans les filières universitai-res », explique William Martinet,président de l’UNEF. Les difficul-tés s’aggravent dans les filières déjà en tension : en sciences et techniques, dans les activités phy-siques et sportives (Staps), en psy-chologie. Mais des matièrescomme le droit ne sont pas épar-gnées. Alexandre Leroy, présidentdu syndicat concurrent FAGE, fait le même constat, évoquant aussi des difficultés en sciences et une « généralisation du problème ».

Lancé le 9 juin, le service del’UNEF ([email protected])propose des informations aux

Les résultats de la pre-mière phase d’admissionpost-bac (APB), le disposi-tif d’inscription des ba-

cheliers dans l’enseignement su-périeur par un portail Internet, sont désormais connus. Selon un bilan du ministère, quatre candi-dats sur cinq ont déjà reçu une proposition d’admission dès la première phase, et pour trois surcinq, cette proposition corres-pondait à leur premier vœu.

Depuis ce constat, la secondephase d’admission s’est tenue, etla troisième a été ouverte : les ré-sultats seront connus le 14 juillet. De nombreux paramètres peu-vent encore jouer sur le résultat fi-nal du processus, comme le tauxde réussite au bac des candidats. Et il restera encore une phase complémentaire jusqu’en sep-tembre et la voie de rattrapagepour les « bacheliers méritants » (les 10 % ayant obtenu les meilleu-res notes au bac de leur établisse-ment).

Mais l’apparente stabilité despremiers résultats d’APB pourrait dissimuler une tension d’un ni-veau jamais atteint pour l’entrée àl’université. Aujourd’hui, nombre de candidats n’ont obtenu surAPB qu’une place en liste d’at-tente et redoutent qu’on leur pro-pose au final des offres sans rap-port avec leur projet.

L’inscription dans les filièresuniversitaires de son choix est, enprincipe, un droit garanti aux ba-

Des universités traduisent leurs diplômes en listes de compétencesPour faciliter l’embauche, des établissements définissent ce que les étudiants sont capables de faire, pas seulement ce qu’ils ont étudié

Q ue savent faire les étu-diants lorsqu’ils sortentde l’université ? Quellescompétences peuvent-

ils mettre en avant sur le marché de l’emploi ? Cette question cen-trale, longtemps négligée, est aujourd’hui au cœur de la ré-flexion de quelques établisse-ments pionniers, à Saint-Etienneou à Lille, par exemple. C’est aussi le cas de l’université Joseph-Fou-rier (UJF), à Grenoble, qui tenait, jeudi 25 juin, un séminaire sur ce thème. Depuis le printemps 2013, l’équipe de Joëlle Aubert, vice-pré-sidente de l’UJF, a engagé un vaste chantier, en invitant enseignants-chercheurs, entreprises, étu-diants et parents à participer aux travaux.

Le but n’est rien d’autre que detraduire l’ensemble des diplômes de cette université scientifique et médicale en listes de compéten-ces. Cela prendra la forme de gui-des expliquant ce que les étu-diants savent faire à la sortie deleur cursus. On y lira, par exem-ple, qu’à l’issue d’une licence de génie civil on sait mettre en place le plan d’installation d’un chan-tier, implanter un ouvrage (un bâ-timent ou une route, par exem-ple) en utilisant des repères topo-graphiques, etc.

Plutôt que le « quoi » (les matiè-res apprises), c’est le « pourquoi » qui est mis en avant : le sens des études, qu’il s’agit de traduire en

termes concrets. « Quand on par-ticipe à des Salons, raconte JoëlleAubert, on se rend compte que la demande des familles n’est plus “Qu’est-ce qu’on apprend dans vo-tre établissement ?”, mais “Que fe-ront nos enfants après des études chez vous ?” »

C’est un véritable « changementde paradigme » qui est à l’œuvre, insiste le recteur de l’académie de Grenoble, Daniel Filâtre. « Nous le devons à nos étudiants. Pendant longtemps, l’université a considéré que l’important était qu’ils aient unbon diplôme. L’insertion n’était pas une obsession : “Après tout, qu’ils se débrouillent !” Aujourd’hui, on ne peut plus prendre la question de cette façon. »

Repenser la formation

L’université, encore associée à la transmission académique des sa-voirs, change. Depuis 2007, l’inser-tion professionnelle des étudiants fait partie de ses missions. L’« ap-proche par compétences » se dé-veloppe. « Cela inquiète les écoles de commerce, rapporte Yannick Morel, de l’Association pour l’em-ploi des cadres (APEC). Les écarts seréduisent entre les écoles et les uni-versités, y compris en termes de sa-laires. Mais les étudiants se sentent encore sous-qualifiés, surtout lors-qu’ils sont issus de milieux populai-res. A la sortie de l’université, ilssont prêts à se brader. Et ils sont du-rablement plombés. C’est pour cela

que cette réflexion autour du thème“Qu’est-ce que je sais faire ?” est im-portante. Cela doit les amener à prendre conscience qu’ils ont des compétences et qu’ils ne doivent pas se précipiter sur n’importe quel poste et n’importe quel salaire. »

Côté entreprises, l’enjeu est sy-métrique. « Qu’est-ce qui permet d’avoir confiance en tel jeune di-plômé ? C’est une question que se posent toutes les entreprises, rap-pelle Guy Le Boterf, consultant en management. D’où la nécessité de travailler sur les pratiques profes-sionnelles. » Jean-François Gar-dais, qui représente le Medef à l’APEC Rhône-Alpes, confirme : « En vingt ans, la notion de compé-tences s’est imposée dans les entre-prises. Avec la mondialisation, elles doivent s’adapter en permanence. Elles demandent donc des étu-diants rapidement opérationnels. »

« On a demandé aux entrepri-ses : “Les compétences telles qu’on

les décrit, ça vous parle ? Ces jeu-nes, vous les recruteriez ?” », expli-que Mme Aubert. « L’accueil a été favorable », rapporte DelphinePayan, qui fait partie de l’équipe de l’UJF. Que l’université veuille former des étudiants plus rapide-ment opérationnels, en phaseavec l’évolution du marché, est« une bonne nouvelle » pour les entreprises, ajoute-t-elle. Avant deproclamer devant les enseignants qui participaient à la réunion detravail du 25 juin : « Il faut montreren quoi les étudiants qui sortent deJoseph-Fourier sont différents deceux issus d’autres universités. »

Certains d’entre eux tiquent, peufamiliers d’une logique concur-rentielle. « On n’est pas là pour montrer que l’UJF est mieux qu’ailleurs, a réagi Yves Markowicz,directeur du département licence sciences et technologie. On est là pour montrer ce que nos étudiants savent faire. » Les enseignants-chercheurs sont prêts à bouger pour favoriser la réussite de leurs étudiants, mais pas à se lancer dans une compétition acharnée avec leurs collègues et les écoles, ce qu’on ne leur demande d’ailleurs pas – pour l’instant.

Le changement à l’œuvre, s’il estprofond, sera donc délicat à con-duire. D’autant que l’approche par compétences doit, à terme, con-duire à « un changement de para-digme pour la pédagogie universi-taire », prévient le recteur Filâtre :

l’université continuera de trans-mettre des connaissances, mais elle ne pourra plus se contenter dece modèle « mécanique » fondé sur « la reproduction ». Penser compétences suppose de repenserla formation en profondeur, dit-il. « On ne peut penser compétences

sans en tirer les conséquences sur lamanière de faire cours et sur l’éva-luation », constate Joëlle Aubert.

Bref, reconnaît Yannick Morel àl’APEC, « transformer un lycéen en un professionnel en trois ans, c’est un travail énorme ». p

benoît floc’h

L’approche

par compétences

doit, à terme,

conduire à

« un changement

de paradigme

pour la pédagogie

universitaire »

Des inscriptions à la fac de plus en plus sélectivesDe nombreux bacheliers n’ont obtenu sur admission post-bac qu’une place sur liste d’attente.Les syndicats se mobilisent

APB : les résultats de la première phase

Environ 788 000 candidats ont formulé au moins un vœu sur le portail Admission Post Bac entre le 20 janvier et le 20 mars. Lors de la première phase d’admission le 8 juin, « un peu plus de 580 000 candidats ont reçu une proposition d’admission, soit 79 % de l’ensemble des candidats, pourcentage identique à la session 2014 », a indiqué le ministère de l’éducation, le 29 juin. « 60 % des candidats ont reçu une proposition sur le vœu » qu’ils avaient placé en première position. 54,05 % des propositions d’admis-sion concernent des formations universitaires (hors DUT), contre 52,79 % en 2014.

www.esc-larochelle/info/mba

Optez pour un MBAaccrédité AACSB

10 spécialisations métiers au choix !

Contact : Marie LEYTERE

+33(0)5 16 19 63 41 / [email protected]

diag

raph

e.fr

-0

6/2

01

5-

17

15

4

Accès Bac+3/+4, parcours possible en alternance,enseignement en anglais et en français

PROCHAINESSESSIONS

JUIN ET JUILLET2015

• Achats et Supply ChainManagement• Audit-Conseil et Contrôle• Banque-Assurances, Gestion de Patrimoineet Immobilier• HospitalityManagement• International Business Strategy• International Premiumet LuxuryMarketingManagement•Management de Projets Evénementiels (La Rochelle ouParis en alternance)•Management des Destinations Touristiques• Stratégies du Développement Durable, RSE et Environnement• GlobalMBA (marchés émergents)

En partenariatpédagogique avec :

Page 14: Le monde 20150702

14 | enquête JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

A nous deux Cotonou !Lionel Zinsou, président du plus important fonds d’investissement français, a été nommé premier ministre du Bénin, le 18 juin. Proche de Laurent Fabius, d’Alain Juppé, de banquiers et de patrons, ce Franco-Béninois de 60 ans a une immense ambition pour son pays. Et pour lui-même aussi, peut-être

serge michelcotonou - envoyé spécial

C’est un guide idéal, quidonne à voir et à com-prendre. « Regardez cetaéroport, dit Lionel Zin-sou en traversant Coto-nou. Il est en plein centre-

ville ! » Sa longue silhouette se déploie sur lesiège passager du 4 x 4, légèrement secouéepar les nids de poule des rues de la capitaleéconomique du Bénin. « Cent cinquante millehabitants à l’indépendance [en 1960], 3 mil-lions aujourd’hui. Quelle ville en Europe a mul-tiplié sa population par vingt en cinquante ans ? » Nous sommes le 7 juin. Lionel Zinsou, 60 ans, est alors homme d’affaires, pas en-core homme d’Etat. Il est franco-béninois, pas encore bénino-français.

Le président du plus gros fonds d’investis-sement français, PAI Partners, sait-il qu’il sera, onze jours plus tard, nommé premier ministre de son pays d’origine ? Il n’en laisserien paraître. Et pourtant chaque carrefour,chaque bâtiment lui inspire des commentai-res qui ressemblent à un plan d’action. Il faut déplacer l’aéroport et récupérer ses 300 hec-tares pour du développement urbain. « C’est comme si les avions se posaient sur les Champs-Elysées. » Récupérer aussi les 100 hectares d’une centrale électrique qui stockedes produits dangereux. « Vous imaginez unecentrale place de l’Opéra ? »

« SEIGNEUR DU CAPITALISME FRANÇAIS »

Le ciel est lourd. Les pluies de la veille onttrempé les avenues. Le 4 x 4 fait jaillir des ger-bes d’eau. Lionel Zinsou parle de cette ville constamment victime d’inondations parce qu’elle est au-dessous du niveau de la mer et posée sur une mince couche de sable. Il ful-mine contre des ministres béninois indélicats qui ont volé 4 millions d’euros à la coopéra-tion néerlandaise. En mai, les Pays-Bas, écœurés, ont mis fin à leurs programmes. « C’est criminel d’avoir ponctionné l’aide d’unpays qui maîtrise la technique des digues et despolders et qui pouvait éviter à notre ville d’être envahie par les eaux. » Il parle aussi des routes,dont le bitume a été avalé par les camions tropchargés et que les entreprises chinoises tar-dent à réparer, provoquant la colère des Béni-nois. Il montre les dizaines de réverbères solai-res offerts par le rappeur Akon et désigne les essaims de taxis-motos sur la voie d’en face. « Cotonou doit être une des seules villes au monde sans transports publics. »

Il y a une nonchalance Zinsou. Ou plutôt une

aisance à parler de tout et à convoquer sans difficulté les chiffres et les solutions. C’est le professeur d’économie qui s’exprime, formé à l’Ecole normale supérieure, à Sciences Po et à la London School of Economics. Mais c’est aussi l’investisseur, le banquier d’affaires et le conseiller politique, très écouté à gauche tout en étant proche d’Alain Juppé et se félicitant del’évolution du discours sur l’Afrique de NicolasSarkozy, avec qui il a déjeuné récemment.

La veille, Lionel Zinsou est venu à Cotonoucélébrer le dixième anniversaire de la fonda-tion qui porte son nom et que préside sa fille, Marie-Cécile Zinsou. Une fondation qui a or-ganisé vingt-deux expositions en dix ans et permis à des centaines de milliers d’écoliers de découvrir l’art contemporain africain. De-vant un parterre d’artistes, de mécènes, de po-litiques et de diplomates, ce « seigneur du capi-talisme français », comme le qualifient ses amis, a cité Malraux et Senghor, mêlant anec-dotes personnelles et grands défis du conti-nent. Et, ce dimanche matin, il roule vers Oui-dah, à 42 km à l’ouest, la ville d’où est origi-naire sa famille, ancien centre de la traite né-grière en passe d’être classé par l’Unesco et où sommeillent quelques merveilles en ruine de l’architecture afro-brésilienne. Sa fondation y a ouvert un musée. Cotonou défile, puis s’éloi-gne. Un étrange panneau officiel annonce :« Attention, travaux sur 1 875 km ».

Tout, dans les propos de Lionel Zinsou, lelong de la route transformée en piste, indique qu’il a envie de mettre la main à la pâte. Main française ou béninoise ? Il se dit pleinement l’un et l’autre, mais son destin est sur le point de basculer en direction du Bénin. Deux jours plus tard, le 9 juin, le président du pays, Tho-mas Boni Yayi, en visite à Paris, aurait évoqué devant François Hollande, qui lui rendra la pa-reille le 2 juillet, son intention de faire de Lio-nel Zinsou son dauphin. Le lendemain, le 10 juin, sur RFI, Boni Yayi confirme qu’il ne se représentera pas pour un troisième mandat – du reste la Constitution le lui interdit.

Elu en 2006 sur une « présomption de com-

pétence » (la formule est de Zinsou, qui a été son conseiller) pour transformer son pays,réélu en 2011, le président connaît une fin de règne difficile. Lâché par une partie de ses al-liés, abandonné par nombre de ses conseillers,le président a vu son parti perdre, en mai, à une voix près, la majorité à l’assemblée. La transformation tant espérée du pays n’a pas eu lieu et il ne reste que neuf mois avant la pré-sidentielle de février 2016.

Le président doit néanmoins former unnouveau gouvernement, car plusieurs de ses ministres ont été élus à l’Assemblée, y comprisceux qui sont soupçonnés d’avoir détourné l’aide néerlandaise. L’annonce est faite jeudi 18 juin au soir et surprend tout le monde : lenouveau gouvernement sera dirigé par Lionel Zinsou. Lequel est entre-temps rentré à Paris. Il prend le lendemain le premier vol pour Co-tonou. Les douaniers le reconnaissent et s’étonnent qu’il n’ait pas de bagages. « Je n’enai pas besoin, j’habite déjà ici », répond-il ensouriant. Le samedi 20 juin, il tient son pre-mier conseil des ministres.

La surprise est aussi parisienne. « C’est un ci-toyen engagé, mais je ne l’imaginais pas dans lemonde politique », lâche Jean-Michel Severino,ex-directeur de l’Agence française de dévelop-pement, aujourd’hui à la tête d’un fonds d’in-vestissement pour les PME africaines. Franck Riboud, président de Danone, entreprise où Lionel Zinsou, de 1986 à 1997, a dirigé des filia-les ou le département des fusions-acquisi-tions, avait senti chez son ami une envie de re-tourner au Bénin. « Mais premier ministre, ça,non, je ne l’avais pas imaginé ! », dit-il avant d’ajouter : « C’est quelqu’un d’extrêmement ap-précié chez Danone. »

Même Laurent Fabius, dont Lionel Zinsou aété la plume à Matignon de 1984 à 1986, s’avoue surpris. « Il a toujours eu le sens de l’in-térêt général, mais je le voyais rester dans les af-faires. » A Cotonou, la rumeur veut que le mi-nistre français des affaires étrangères ait parti-cipé à convaincre Lionel Zinsou d’accepter sonnouveau poste, ce qu’il dément : « Si je m’en

suis entretenu avec Lionel Zinsou ? Ça, c’est une affaire privée. Cette nomination est une déci-sion du président Boni Yayi, une bonne décisiondont nous l’avons félicité. »

Hakim El Karoui, associé chez Roland Berger,que Lionel Zinsou a appelé en 2005 à ses côtés à la banque Rothschild, pense que « c’était écrit ». « PAI Partners a peu d’activités africai-nes, alors que Lionel parlait de plus en plus d’Afrique. Ces vies parallèles, ce n’était plus pos-sible », dit-il avant d’admettre qu’il y a chez les Zinsou un traumatisme politique. « Pour Lio-nel, la politique, c’est la violence. » Allusion au destin de l’oncle paternel, Emile Derlin Zinsou,qui fut président de la République du Daho-mey pendant dix-sept mois avant d’être ren-versé par un putsch en décembre 1969. Trois ans plus tard, le major Mathieu Kérékou prendle pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat. Il change le nom du Dahomey en Bénin, imposeun régime répressif d’obédience marxiste-lé-niniste et persécute l’oncle Zinsou, devenuson principal opposant.

Durant ces années difficiles, Lionel, né à Pa-ris, fréquente les lycées Buffon puis Louis-le-Grand. Son père est à Dakar, médecin attitré du président-poète sénégalais Léopold SédarSenghor. Sa mère, française et suisse, est infir-mière des Hôpitaux de Paris. Et, quand il va auBénin, il voit son oncle, dont il dit qu’il l’a en partie élevé. Il le voit toujours, car Emile DerlinZinsou, 97 ans, a toute sa tête.

Empêché jusqu’en 1990 de retourner au payspour raisons politiques, Lionel Zinsou se dé-crit à l’époque comme un « Béninois virtuel ». Ce qui ne l’empêche pas d’être un Français couvert d’éloges. Laurent Fabius : « D’une grande rectitude, pense juste et écrit très bien. »Franck Riboud : « Chaque fois que je partais en voyage avec lui, je revenais plus intelligent. » Hakim El Karoui : « Un seigneur. » Jean-Michel Severino : « Un très grand du monde français des affaires. »

Difficile de lui trouver des ennemis. Mêmeles syndicalistes de Libération, dont Lionel Zin-sou a été administrateur, ont salué son sens du dialogue. Il y a bien des collègues chez Rothschild qui l’ont traité de dilettante. « Il a toujours fait très bien plusieurs choses à la fois, suscitant la jalousie de banquiers qui avaient de la peine à en faire une seule », balaie Hakim El Karoui. Les anciens dirigeants de PAI Par-tners, écartés par Lionel Zinsou à son arrivée en 2009, lui en veulent encore. Il y a enfin quelques députés français, emmenés par le Républicain Pierre Lellouche, qui fustigent son « afro-optimisme », convaincus que l’Afri-que, surtout francophone, s’enfonce dans la pauvreté et l’instabilité.

Au Bénin, les éloges et les critiques sont plusvifs. Le Parti communiste et ses alliés ont es-timé que Lionel Zinsou « ne connaît pas le Bé-nin » et qu’il a été nommé « pour parachever lavente du pays à l’impérialisme français ». L’an-cien garde des sceaux Victor Prudent Topanouprédit son échec. Un chroniqueur l’a sur-nommé « le proconsul », façon de dire qu’il n’est pas béninois.

UN DÉFI FASCINANTLui vit bien sa double identité, y ajoutant même une dimension anglo-saxonne : « Hiersoir, je me baladais [dans Cotonou] avec mon chapeau yoruba [ethnie d’Afrique de l’Ouest]. Rien ne me sépare d’un Yoruba de Lagos. J’aiétudié en France mais aussi en Grande-Breta-gne, dirigé des entreprises françaises maisaussi britanniques, mon gendre est anglais, mes petits-enfants sont franco-anglais et nigé-riano-béninois. Il faut oublier ces fausses divi-sions. »

A Cotonou, on est convaincu qu’il a acceptéle poste de premier ministre pour se présen-ter en 2016 à la présidentielle. Réponse habilede l’intéressé dans un entretien au Monde Afrique : « Si l’on montre en dix mois que l’onpeut faire progresser l’accès à l’électricité, àl’eau, aux soins, à l’éducation (…), alors les gensdemanderont que l’expérience continue et s’amplifie. Avec moi ou avec d’autres. Je voisnombre de bons présidentiables qui pourrontpoursuivre. Je n’ai pas d’amour-propre de can-didat, je n’ai pas d’ego de président. »

Le pouvoir? Zinsou a laissé entendre qu’unpatron d’une multinationale en a bien davan-tage qu’un chef d’Etat africain. Mais le défi le fascine. « Aucun continent, aucun pays, mêmela Chine, n’a installé un milliard d’urbains en une génération comme l’Afrique va devoir le faire. Et, dans le reste du monde, quand on s’urbanise, on vide l’espace rural. Alors qu’en Afrique la démographie est tellement forte queles campagnes progressent aussi en popula-tion. »

Les interlocuteurs parisiens, avant de rac-crocher, ont presque tous eu cette phrase :« On lui souhaite bonne chance. » p

« CHAQUE FOIS QUE JE PARTAIS EN VOYAGE AVEC LUI, JE REVENAIS

PLUS INTELLIGENT »FRANCK RIBOUD

président de Danone

Lionel Zinsou, le 25 juin, à Cotonou.MAYEUL AKPOVI POUR « LE MONDE »

Page 15: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 débats | 15

¶Michel Goya est colonel dans les troupes de marine

et historien

Coutellerie | par cagnat

Détruire les capitales du « califat »

par michel goya

I l n’existe fondamentalement que deux ma-nières de terminer une guerre : la négocia-tion ou la destruction de l’un des camps. En

Irak, les Américains et le gouvernement de Bag-dad ont négocié avec l’armée du Mahdi en 2004 et 2008 ou avec les tribus sunnites à la fin de2006. En revanche, le dialogue n’a jamais été en-visagé, ni possible, avec l’Etat islamique en Irak,premier avatar de Daech. La destruction était donc la seule option et, en 2007, elle a presqueréussi. Elle reste, à ce jour et pour l’instant, en-core la seule voie envisagée face à l’Etat islami-que (EI).

Pour détruire un Etat ou une organisation for-mant un proto-Etat, on ne connaît pas pour l’ins-tant d’autre façon que de commencer par dislo-quer son armée et de réduire tout ce qui lui four-nit les moyens et, surtout, les raisons de combat-tre. Cette dislocation ne peut, elle-même, être obtenue, à la manière de l’opération française« Serval » au nord du Mali, qu’en s’emparant duterritoire contrôlé par l’ennemi tout en agissant sur les sources politiques de sa force et en préser-vant la population civile environnante.

Deux objectifs géographiques sont possibles :Mossoul, la grande ville du nord de l’Irak et capi-tale économique de Daech, et l’Euphrate, de Fal-louja à Rakka, la capitale politique. La deuxième option est la plus difficile, mais la plus décisive. Une fois les drapeaux du califat autoproclamé retirés de Fallouja, Ramadi, Abou Kamal, Deir ez-Zor et Rakka, la capacité de résistance des autres territoires de l’EI sera très affaiblie.

Cette offensive sur l’Euphrate peut prendre laforme d’une grande opération héliportée et aé-roportée, audacieuse et rapide, mais peu d’ar-mées ont les moyens de réaliser une telle manœuvre par ailleurs très risquée. Plus sûre-ment, il peut s’agir, pour un corps aéroterrestre blindé et appuyé par des feux précis et puissants,de progresser le long du fleuve, de cloisonner une à une les cités pour s’en emparer puis les nettoyer de toute présence ennemie visible. Pen-dant ce temps, la force de frappe et de raids en profondeur s’attaque aux postes de commande-ment, à la logistique et entrave les mouvements.

DES « COMBATTANTS-SUICIDES »

L’armée de Daech est constituée de plusieurs di-zaines de milliers d’hommes, les estimations pouvant varier de 30 000 à 80 000, parfois plus si on intègre des unités non permanentes de dé-fense locale. C’est, en dépit de quelques matérielslourds, fondamentalement une force d’infante-rie équipée de véhicules légers et d’armements soviétiques des années 1960. En soi, il n’y a là rien de très puissant, une très faible fraction parexemple des armées de Saddam Hussein broyéespar les coalitions menées par les Américains. La différence est que les combattants de l’armée de Daech sont plutôt compétents tactiquement et surtout très motivés.

Cette motivation extrême permet d’introduiresur le champ de bataille des « combattants-sui-cides », souvent motorisés, qui servent de missi-les de croisière du pauvre. Avec la mobilité des milliers de véhicules légers disponibles, elleautorise aussi des modes d’action très décentra-lisés, en essaims, offensifs ou défensifs, envelop-pant les forces adverses ou s’infiltrant entre ellesà la recherche du combat rapproché.

Comme la reprise de Tikrit l’a montré en marsdernier ou les batailles de l’époque de l’occupa-tion américaine, face à un tel adversaire, s’empa-rer de chaque ville le long de l’Euphrate sera diffi-cile et prendra, à chaque fois, des semaines sinondes mois. Pour reprendre Fallouja en novem-bre 2004, face à 3 000 combattants, les Améri-cains ont déployé 15 000 hommes et d’énormes moyens de feu. La saisie de la ville a demandéune semaine de combats difficiles et il a fallu en-

core passer par un mois de nettoyage de toutes les habitations, le tout au prix de 73 tués et plu-sieurs centaines de blessés. Le contingent améri-cain présent en Irak (130 000 hommes) avait alors mis plus d’un an pour reprendre le contrôledes villes du Tigre et de l’Euphrate au nord de Ba-gdad. L’ordre de grandeur pour une offensive surl’Euphrate menée par une force moderne repré-sente donc au moins dix fois ce que la France a déployé avec l’opération « Serval ». Il faut s’atten-dre ensuite à ce que cette force déplore plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, etbeaucoup plus s’il s’agit de forces moins moder-nes, moins protégées et moins professionnelles que les troupes occidentales.

Encore ne s’agit-il là que de la phase de con-quête, il faut ensuite contrôler et sécuriser le ter-rain pris tout en poursuivant la traque d’une or-ganisation revenue à la guerre souterraine. Cela peut durer plusieurs années et nécessite de nom-breux moyens humains, au moins 100 000 hommes, et de quoi administrer et faire vivre ce « Sunnistan », avant une normalisation de la si-tuation. Cela implique aussi, et c’est l’élément le plus important, un contexte politique qui fasse que cette force ne soit pas perçue comme illégi-time et occupante. Un contrôle par des forces chiites est, par exemple, actuellement inconce-vable. La destruction définitive des réseaux de Daech, ou d’une autre nouvelle entité djihadistenaissante, est ensuite affaire de guerre souter-raine et peut durer là aussi des années.

Actuellement, aucun acteur régional, ou non,ne réunit à la fois la volonté et les moyens de cesopérations distinctes. C’est d’ailleurs la princi-pale force de l’Etat islamique, qui se nourrit descontradictions et ambiguïtés qui paralysentceux qui l’entourent. Pouvoir détruire militaire-ment l’Etat islamique suppose donc d’abord unemodification profonde du contexte politique environnant, et en particulier à Damas et Bag-dad. Que le pouvoir s’y transforme, de gré ou parla force des événements, en quelque chose de plus légitime aux yeux à la fois de la commu-nauté internationale et des sunnites de la ré-gion, et il sera alors possible pour une coalitionde mener une vraie offensive. Qu’aucun desdeux n’évolue radicalement et Daech conti-nuera d’exister. Il faudra alors accepter de vivre en situation de guerre endémique, et donc ac-cepter d’autres attaques terroristes, jusqu’à l’ac-ceptation de l’existence d’un nouvel Etat radical au Moyen-Orient. Nous l’avons déjà fait avecl’Iran des mollahs. p

Il est possible de vaincre militairement Daech grâce à une grande opération héliportée et aéroportée sur l’Euphrate. Un combat qui pourrait durer plusieurs années et qui nécessiterait au moins 100 000 hommes sur le terrain

La communauté internationale parviendra-t-elle à vaincre l’organisationEtat islamique, qui vient de célébrer le premier anniversaire du « califat » ?Analyse des stratégies militaires pour réduire son emprise au Proche-Orient

Comment lutter contre l’Etat islamique ?

La logique suicidaire de Daech pourrait provoquer sa chute

par hamit bozarslan

I l y a un an, l’Etat islamique (EI) annonçaitl’instauration du califat et exigeait des mu-sulmans du monde entier de prêter allé-

geance à son leader Abu Bakr Al-Baghdadi, intro-nisé « Calife Ibrahim ». Ce geste symbolique fort montrait qu’il se projetait dans l’avenir comme une entité irréversible.

Le succès de l’EI est dû, en partie, à l’aveugle-ment de la communauté internationale qui ac-cueillit la chute de Rakka en Syrie (juin 2013) et deFalloudja en Irak (janvier 2014) comme de sim-ples faits divers, avant de prendre conscience de la gravité de la situation avec celle de Mossoul cinq mois plus tard. Il faut aussi évoquer la res-ponsabilité des pays comme l’Iran, l’Arabie saou-dite et la Turquie dans la formation des milices confessionnelles, chiites ou sunnites, dont l’EI,dans ces zones de conflit.

Mais la montée en puissance de l’EI est surtoutla conséquence de la crise de l’« Etat westpha-lien » dans la région : loin de pacifier les territoi-res qui leur sont soumis à titre d’entités souverai-nes, certains régimes arabes, dont celui de Ba-char Al-Assad, se transformèrent en organes deleur destruction. Aux contestations démocrati-ques de 2011, le pouvoir syrien répondit en ap-portant la preuve de sa détermination à « mor-dre avec des dents volées » à sa société. Dégradé en simple force milicienne, il sut fragmenter sonterritoire dans l’espoir d’assurer sa survie, avantd’en perdre le contrôle et se désintégrer. Au même moment et dans un contexte différent, le premier ministre irakien Nouri Al-Maliki mettaiten place une politique de confessionnalisation à outrance de son pays, mais sans avoir la moindremaîtrise de ses provinces sunnites.

L’effondrement des Etats en tant qu’instancesunifiant le temps et l’espace ne pouvait qu’en-traîner dans son sillage celui des sociétés. Comme le suggérait Ibn Khaldûn (1332-1406), en effet, la cité, pacifiée comme condition même deson existence, n’avait plus la moindre force pourrésister contre son prince devenu meurtrier, ou ses marges « barbares » disposant d’assez de res-sources de violence pour se lancer à son assaut.

La multiplication des « hommes en armes » issusde ces marges – 1 200 milices en Syrie de 2013 ! – détruisait tout repère collectif, spatial ou tempo-rel, instaurait une économie de guerre tarissant les ressources et modifiait les frontières internesau gré des rapports de force. Le trop-plein d’asa-biyya (« solidarité de groupe ») militarisées se pa-ralysant mutuellement préparait alors le terrain pour les acteurs à même de radicaliser la da’wa (« appel ») religieuse.

L’EI, qui, avec son Coran réduit à une dizaine de« versets de l’épée », élaborait un savoir rustique mais opérationnel et mettait en scène sa cruautétout en en déléguant la responsabilité ultime au Créateur, pouvait s’imposer comme autorité su-pra-sociale. Il arbitre les conflits internes, unifie les territoires conquis, dit sa justice, tranchant dans le vif, ou déclare la guerre à la culture, iden-tifiée à la jahiliyya (« ignorance préprophéti-que »). Sans s’y réduire, il constituait une ré-ponse brutale à la désintégration étatique et l’ef-fondrement social.

UN MAL PUR

La chronologie de cette organisation-Etat re-montant à l’insurrection sunnite de 2004-2007en Irak offre peu d’éléments d’intelligibilité. Comme les conflits dont il est partie prenante, l’EI se métamorphose en réalité à chaque tour-nant de son parcours, s’affranchissant sans cessede ses « situations de moment ». Cette « refonda-tion » permanente dans et par la violence n’est pas sans rappeler certaines expériences passées, dont nazie, et ce, malgré les différences majeuresentre elles : au-delà de sa « radicalisation cumu-lative » par l’action, l’EI apparaît égalementcomme un assemblage de « forces non contem-poraines dont les manifestations s’accompagnentd’une brutalité païenne » (Ernest Bloch).

Pour reprendre les termes de Walter Benjamin,son calendrier « ne décompte » pas mais détruit le temps, à l’instar de l’horloge nazie. Telles les créatures de la Troisième nuit de Walpurgis dé-peintes par Karl Kraus, il incarne un mal pur, sans aucun lien dialectique avec le bien. Et autantque le nazisme qui avait tant impressionné le ju-riste Sebastian Haffner par sa capacité à incarnerl’ordre tout en lui opposant une violence des-tructrice, le califat représente l’ordre et le contre-ordre, le Léviathan et le Béhémoth. Nul doute qu’il est rationnel. Il pense et mène la guerre au point d’ajouter, en 2015, les villes de Ramadi et dePalmyre à ses trophées. Il gère un vaste territoire et crée des ministères. Il verse des salaires et ins-taure une « assurance-chômage ». Il veille à l’ouverture des marchés et inaugure des hôtels cinq étoiles, mais excelle aussi dans une violencenihiliste susceptible de détruire à terme ce qu’il alui-même construit à coup d’attentats-suicides.

La stratégie militaire mise en œuvre, voire despolitiques rationalisant à l’extrême l’économie de la guerre, se heurte par ailleurs de manière systémique à des fuites en avant : épuisement des forces vives dans des batailles comme à Ko-bané, ville kurde de Syrie, au lieu de la consolida-tion du pouvoir en zones arabes, brutalité contreles yézidis, chrétiens, chiites, mais aussi sunni-tes, faisant fuir des centaines de milliers d’habi-tants des zones conquises, massacres de tribus sunnites entières, provocations cruelles et atten-tats en Europe multipliant ainsi le nombre de sesennemis.

Plus que les bombes de la coalition réunieautour des Etats-Unis, qui en dernière instance pourraient bien s’accommoder de l’existence d’une enclave djihadiste dans un Proche-Orient infiniment moins central que par le passé sur lacarte mondiale, voire la résistance kurde à Ko-bané ou à Tel Ibyad qui redéfinit en la consoli-dant la frontière kurdo-arabe, c’est cette dynami-que suicidaire qui pourrait déboucher un jour sur l’effondrement de l’ « Etat islamique ». On peut cependant craindre que même cette chute ne se fasse sans de nouvelles souffrances pour les poussières de sociétés soumises à l’état de violence régnant dans la région. p

Le nihilisme de l’Etat islamique pourrait se retourner contre lui et accélérer son effondrement plus que la stratégie militaire de la coalition

¶Hamit Bozarslan

est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « Révolution et état de violence, Moyen-Orient, 2011-2015 », CNRS Editions, 304 pages, 25 euros

Page 16: Le monde 20150702

16 | éclairages JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE

ANALYSE

rafaële rivaisService Economie

Le gouvernement n’a pas ménagé sapeine pour médiatiser deux mesuresde sécurité routière qui doivent pren-dre effet mercredi 1er juillet : interdic-

tion de l’oreillette au volant et baisse du taux d’alcoolémie des conducteurs novices. Le mi-nistre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, les a présentées à la presse le 26 janvier ; ses servicesont recommencé le 18 juin ; des campagnes de communication en direction du grand public ont été lancées à partir du 25 juin.

Le gouvernement affirme qu’elles contribue-ront à faire baisser la mortalité routière. Mais dans quelle proportion ? Certes, on ne peut qu’approuver l’interdiction de téléphoner avec une oreillette Bluetooth ou un kit mains libres.En effet, téléphoner en conduisant multiplie par trois le risque d’accident, concluait dès 2011une expertise collective conduite par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale(Inserm) et l’Institut français de sciences et destechnologies des transports, de l’aménage-ment et des réseaux (IFSTTAR). Un accident surdix (environ 350 par an) serait lié à l’usage du téléphone.

Un conducteur qui téléphone perd 30 % d’in-formations, a confirmé une étude du Centre d’investigations neurocognitives et neurophy-siologiques de l’université de Strasbourg, réali-

sée à la demande de la Fondation Vinci Auto-routes, en 2014. Cette étude précisait toutefois que le conducteur perd 30 % de son attention, qu’il téléphone avec ou sans kit mains libres.

Alors, pourquoi le gouvernement n’inter-dit-il pas le téléphone au volant ? « Parce qu’on ne peut pas faire des lois irréalistes », répond Emmanuel Barbe, le délégué interministériel à la Sécurité routière. Au motif que de plus en plus de Français utilisent le téléphone au vo-lant, « il n’est pas envisageable de l’interdire ». On pourra regretter que, au nom du réalisme, seule une demi-mesure soit prise, puisque les téléphones intégrés au véhicule constituent eux aussi des facteurs de distraction.

L’OPPOSITION DE LOBBIES

L’autre mesure médiatisée concerne le taux d’alcoolémie autorisé des conducteurs novices– jeunes gens, principalement. Il passera de 0,5 gramme par litre de sang à 0,2 gramme.« 0,2 gramme, cela veut dire zéro verre », mar-tèle M. Barbe – le taux n’ayant pas été fixé à zéro pour éviter les faux positifs dus à l’usagede médicaments ou à l’alcoolémie naturelle causée par la métabolisation des protéines.

On ne peut que se féliciter du message lancéaux conducteurs : « Quand on conduit, on ne boit pas. » Mais on peut s’interroger sur l’inté-rêt de la mesure, puisque « très peu d’accidents corporels ou mortels sont liés à une alcoolémie inférieure à 0,5 gramme », comme l’explique le docteur Philippe Lauwick, membre du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) – ins-

tance de conseil du gouvernement. « 80 % des accidents mortels liés à l’alcool ont lieu avec unealcoolémie supérieure à 1,2 gramme, soit l’équi-valent de dix verres ! », indique Chantal Perri-chon, la présidente de la Ligue contre la vio-lence routière. Elle aurait préféré que le gouver-nement augmente les contrôles d’alcoolémie.

On pourra s’étonner que le gouvernementpasse sous silence une troisième mesure, qui doit pourtant elle aussi prendre effet le 1er juillet : il s’agit de l’expérimentation de la ré-duction de la vitesse, de 90 à 80 km/heure, surtrois tronçons routiers à double sens dépour-vus de séparateur médian. Cette fois, pas d’in-formation à la presse, pas de déplacement du ministre. Pourtant, aussi limitée soit-elle, cette expérimentation devrait avoir des conséquen-ces bien plus importantes sur la mortalité rou-tière que les deux autres. Devant durer deux ans, elle est censée montrer au grand public que la baisse de 1 % de la vitesse moyenne en-traîne une diminution de 4 % des accidents mortels – ce que les scientifiques ont déjà mis en évidence –, et qu’il y aurait intérêt à la géné-raliser sur ce réseau.

En juin 2014, le CNSR a recommandé au mi-nistre cette généralisation, qui aurait permis, à elle seule, de sauver quatre cents vies par an. M. Cazeneuve a reculé devant l’opposition de lobbies comme la Ligue des conducteurs ou 40 Millions d’automobilistes, qui voient là unerestriction des libertés. Invoquant le « pragma-tisme », il a choisi la voie de l’expérimentation. Il a mis un an pour sélectionner les tronçons.

On peut douter qu’une généralisation soit dé-cidée avant l’élection présidentielle de 2017.

En attendant, les chiffres parlent : en 2014,pour la première fois depuis douze ans, le nombre des morts sur les routes est reparti à lahausse avec 3 384 tués, soit 116 de plus qu’en 2013. Et l’année 2015 épouse la même tendance.

On peut se demander si le réalisme et le prag-matisme font bon ménage avec la politique de sécurité routière. Si le nombre de morts, de 18 113 en 1972, a amorcé une longue descente, à partir de 1973, c’est parce que Jacques Chaban-Delmas puis Pierre Messmer ont su imposer leport obligatoire de la ceinture de sécurité à l’avant, pourtant fortement contesté par les automobilistes, qui préféraient être éjectés en cas d’accident.

Tombé à 8 000 au tournant du siècle, cenombre est passé sous la barre des 4 000 en 2010, sous l’effet du volontarisme de Jac-ques Chirac, qui a mis en place les radars fixes, avec une faible marge de tolérance pour les pe-tits excès de vitesse, et interdit les indulgences.Ces actions se sont accompagnées d’une in-tense communication. A l’inverse, le relâche-ment de la politique de sécurité routière, qui s’est traduit par une absence de comité inter-ministériel depuis 2011 et un certain silence des pouvoirs publics, a eu pour conséquence en 2014 un relâchement des comportementssur les routes. p

[email protected]

POURQUOI LE GOUVERNEMENT

N’INTERDIT-IL PAS LE TÉLÉPHONE AU VOLANT ? « PARCE QU’ON NE PEUT PAS

FAIRE DES LOIS IRRÉALISTES »,

RÉPOND LE DÉLÉGUÉ

INTERMINISTÉRIEL

Sécurité routière et « réalisme » gouvernemental

LETTRE DE BANGKOK | bruno philip

Les touristes nus irritent les gardiens des temples

C’est une forme d’épidémie, quisuscite de fortes fièvres dans lespays qu’elle touche : pour un cer-tain nombre de jeunes touristes,

la mode consiste depuis quelque temps à se photographier tout nu dans les grands monu-ments ou sur les sites sacrés de la planète. L’heure est au « selfie » dans le plus simple ap-pareil.

Le dernier épisode de la série a eu lieu finmai dans l’Etat malaisien du Sabah, sur le mont Kinabalu, qui culmine à plus de 4 000 mètres sur la grande île de Bornéo. Une dizaine de touristes étrangers ont posté sur Fa-cebook des photos prises au sommet, les fillesseins nus, les garçons en intégral. Leurs guidesavaient beau les avoir prévenus que de telles pratiques risquaient de choquer – d’autant que le petit groupe avait ensuite joyeusement uriné face à l’horizon lointain –, rien n’y a fait.

Six jours plus tard, une tragédie a trans-formé l’aventure nudiste en une controversed’ordre social, quasi politique : le 5 juin, un séisme d’une magnitude 6 sur l’échelle de Richter a fait trembler la montagne. Dix-huit touristes sont tués, dont sept écoliers singa-pouriens. On ne rit plus : après la narration parles guides de l’épisode nudiste, l’opinion publi-que malaisienne s’enflamme alors sur les ré-

seaux sociaux. Les chefs tribaux Kadazan-Dusu, la plus grande ethnie de l’Etat, pour les-quelles le mont Kinabalu est un endroit sacré, multiplient les réactions outrées. Selon cer-tains chamanes, le comportement des Occi-dentaux aurait fâché les esprits de la monta-gne, et c’est la colère de ces derniers qui aurait provoqué le séisme.

Le ministre en chef adjoint de l’Etat du Sa-bah, Joseph Pairin Kitingan, va ensuite abon-der dans le sens de ses concitoyens, laissant entendre devant des journalistes que le trem-blement de terre a été comme une « consé-quence » de la débauche au sommet. « Que les gens y croient ou non, c’est ce que nous, ici, croyons », tonne le ministre.

PRATIQUES « IRRESPECTUEUSES »

La police entre alors en action : quatre touris-tes du groupe, une Britannique, un Hollan-dais et deux Canadiens, un jeune homme et sa sœur, sont arrêtés. Accusés d’exhibition-nisme, ils vont faire trois jours de prison et se-ront condamnés à l’équivalent de plus d’unmillier d’euros d’amende. Emil Kaminski, un autre Canadien présenté comme l’« initia-teur » de ces réjouissances, a échappé à la po-lice et se moque depuis sur son blog des auto-rités malaisiennes qu’il traite d’« idiotes » et

d’« arriérées » : « Comment peut-on être minis-tre et ignorer la tectonique des plaques ? »,s’est-il demandé. Il a eu, plus tard, ces mots dé-finitifs pour qualifier le responsable du tou-risme du Sabah, qui avait fait part de sa vi-brante indignation sur Twitter : « C’est vrai-ment un putain de gland, ce mec ! » Devanttant de délicatesse, on imagine désormais la popularité des jeunes touristes chez les Kada-zan-Dusu.

L’épisode malaisien ne constitue aucune-ment un précédent. L’année dernière, circu-lait sur la Toile une vidéo montrant deux Aus-traliens, un homme et une femme, courantnus sur les hauteurs du Machu Picchu, au Pé-rou, sous les rires de la foule. Quatre touristes ont été détenus en 2014 sur ce site, et le minis-tre de la culture péruvien a vivement réagi, dénonçant ces pratiques comme « irrespec-tueuses » pour la célèbre citadelle des Incas.

De semblables incidents se sont produitscette année dans le parc des temples d’Angkor,au Cambodge : en janvier, trois jeunes Fran-çais sont pris en flagrant délit d’exhibition-nisme dans le petit temple de Banteay Kdei, moins fréquenté que le grand complexe d’An-gkor Wat. Condamnés à six mois de prison avec sursis et à 750 dollars d’amende, ils sont frappés d’interdiction de revenir au Cam-

bodge durant les quatre prochaines années.Quelques semaines plus tôt, des photos de jeunes femmes asiatiques nues – dont on ignore la nationalité –, également prises dans les temples, avaient circulé sur Internet et échauffé les esprits au Cambodge : les ruines d’Angkor, dominées par la statuaire boudd-histe et hindoue, ne sont pas considérées par la population comme des monuments du passé mais comme des sites religieux.

L’épidémie ne s’est pas arrêtée là : en février,deux Américaines sont arrêtées pour s’être mutuellement photographié le fessier dans des temples. Rebelote en mai, avec l’interpel-lation dans de semblables circonstances d’une Hollandaise, d’un Italien et d’une Ar-gentine. « Ces jeunes cherchent à se faire valoirsur les réseaux sociaux, c’est devenu une sorte de compétition », commente Chau Sun Kerya, porte-parole de l’Autorité pour la protectiondu site et l’aménagement de la région d’An-gkor. Cette dernière a dû faire apposer devant les guichets de vente des billets une notice en anglais et français mettant en garde les visi-teurs contre cette « véritable épidémie d’exhi-bitionnisme ». Deux photos montrent les jeu-nes nudistes français, l’air sombre, assis au tri-bunal sur le banc des accusés. En guise d’aver-tissement. p

L’HEURE EST AU « SELFIE »

DANS LE PLUS SIMPLE APPAREIL

DANS LES GRANDS MONUMENTS

OU SUR LES SITES SACRÉS

DE LA PLANÈTE

L’aventure maritime de la France

LIVRE DU JOUR

édouard pflimlin

Richelieu, ministre de Louis XIII,croyait à la vocation maritime d’unEtat ouvert sur trois mers. « Dieu adonné à la France l’empire des mers »,

disait-il. Dans son dernier ouvrage, Cyrille Coutansais revient sur cette ambition fran-çaise. Si dans son précédent atlas – consacré aux empires maritimes – le directeur de re-cherches du Centre d’études stratégiques de lamarine démontrait que les mers sont avant tout des espaces d’interdépendance de l’hu-manité, là, il s’intéresse à une autre interac-tion partiellement réussie et achevée, celle quis’est nouée entre la France et ses mers.

L’appel du grand large naît au Moyen Agedans un pays qui va rapidement s’étendre versla mer. Si certains souverains comme Philippele Bel ou Louis XI s’intéressent au domaine maritime et cherchent à doter la France des in-frastructures nécessaires à son rayonnement économique et militaire, d’autres monarques, à l’image de Louix XIV au XVIIe siècle, mar-

quent leur préférence pour les questions con-tinentales. Pourtant, insiste l’auteur, que d’oc-casions perdues de consolider un vaste empirecolonial, porté par des marins audacieux – surtout normands –, des ministres visionnai-res tels Richelieu ou Colbert – lequel va déve-lopper la Royale – ou des hommes remarqua-bles à l’instar de Jacques Cœur, grand argentierdu roi Charles VII, et dont l’auteur salue le gé-nie même s’il déplore son tropisme levantin.

DES ATOUTS EXCEPTIONNELS

Après Louis XIV, Louis XV négligea un empire pourtant étendu sur plusieurs continents. Etsi, sous son règne, le commerce extérieur de laFrance concurrençait celui de l’Angleterre, laguerre de Sept Ans (1756-1763) a fait perdre l’es-sentiel des colonies à Versailles. Avec la pre-mière révolution industrielle, à la fin duXVIIIe siècle, l’Angleterre prend le large aux dé-pens d’une France encore tournée vers les ma-tières premières des Antilles.

Il faut attendre la deuxième moitié duXIXe siècle, avec Napoléon III, pour voir renaî-tre une ambition maritime française : inves-tissements dans les ports, développement

d’une flotte à vapeur, qui deviendra la deuxième du monde. L’empereur a une visionmaritime que n’auront pas ses successeurs. Laperte de l’Alsace-Lorraine en 1870 les conduisità se tourner de nouveau vers le continent.

Enfin, l’historien aborde dans la période con-temporaine la manière dont la France s’estadaptée aux défis de la mondialisation. Après une longue phase de repli protectionniste sur l’empire colonial, puis celle des chocs pétro-liers, le secteur maritime s’est modernisé etaborde le XXIe siècle avec un certain opti-misme.

L’érudition de Cyrille Coutansais révèle despans méconnus de l’histoire de France. Elle des-sine les facteurs de flux et de reflux de la puis-sance maritime française et montre que ce des-tin tumultueux peut être maîtrisé, même s’il manque encore un homme d’Etat visionnaire pour que la France, dotée d’atouts maritimes exceptionnels, puisse en jouir pleinement. p

L’Empire des mers :Atlas historique de la France maritimeCyrille CoutansaisCNRS Editions, 333 p., 25,90 €

Page 17: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 carnet | 17

Xqu itcpfu fixfipgogpvuPckuucpegu. dcrv‒ogu.hkcp›cknngu. octkcigu.

cppkxgtucktgu fg pckuucpeg.cppkxgtucktgu fg octkcig

Cxku fg ffieflu.tgogtekgogpvu. oguugu.

eqpfqnficpegu.jqoocigu.

cppkxgtucktgu fg ffieflu.uqwxgpktu

Eqnnqswgu. eqphfitgpegu.ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu.

rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou.lqwtpfigu fÔfivwfgu. eqpitflu.

rtqlgevkqpu/ffidcvu.pqokpcvkqpu.

cuugodnfigu ifipfitcngu

Uqwvgpcpegu fg ofioqktg.vjflugu. JFT.

fkuvkpevkqpu. hfinkekvcvkqpu

Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu.ukipcvwtgu. ffifkecegu.

ngevwtgu.eqoowpkecvkqpu fkxgtugu

Rqwt vqwvg kphqtocvkqp <23 79 4: 4: 4:23 79 4: 43 58

ectpgvBorwdnkekvg0ht

Ng Ectpgv

Porte-ouverte

Groupe EAC,Paris. Lyon. Monaco. Pékin. Shanghai.

Claude Vivier Le Got, présidentedu Groupe EAC, félicite ses diplômésdu MBA manager de projet culturel,en particulier Marine A., embauchéepar Bandits-Mages.

Si comme eux vous souhaitez travaillerdans l’art, la culture et le luxe, venez nousrencontrer lors de notre journée portesouvertes, mercredi 8 juillet 2015,de 9 h 30 à 17 h 30, à Paris et Lyon.

33, rue La Boétie,75008 Paris.Tél. : 01 47 70 23 [email protected], place Croix-Paquet,69001 Lyon.Tél. : 04 78 29 09 [email protected]

en venteactuellement

K En kiosque

Hors-série

Hors-série

Collections---------------------------------------------------------

Dès mercredi 8 juillet, le vol. n° 5AVEC LE MINI GUIDE PARIS

DE T. TOPIN, ILLUSTRÉ PAR V. GRAVÉ

Dès mardi 30 juin, le DVD n° 3LES CHAUSSONS ROUGES

DE M. POWELL & E. PRESSBURGER

Dès mercredi 1er juillet, le vol. n°16LA SAUVAGE APPRIVOISÉE

Actuellement en kiosquele volume n° 18 GORBATCHEV

L’HOMME QUI A MIS FINÀ L’EMPIRE SOVIÉTIQUE

Nos services----------------------------------------------------------------LecteursKAbonnements

Tél. : 32-89 (0,34� TTC/min)

www.lemonde.fr/abojournal

K Boutique du Mondewww.lemonde.fr/boutique

K Le Carnet du MondeTél. : 01-57-28-28-28

0123

AU CARNET DU «MONDE»

Décès

Antony.

Sa familleEt ses proches,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-Claude BIZOT,professeur émérite de physiqueà l’université Paris 11 Orsay.

La cérémonie religieuse est célébrée cemercredi 1er juillet, à 14 h 30, en l’égliseSaint-Saturnin, à Antony.

Bernadette Bonicel,son épouse,

Jérôme et Marianne,ses enfants,

Ses six petits-enfants,Sa familleEt ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Michel BONICEL.Les obsèques civiles ont eu lieu le mardi

16 juin 2015.

61 bis, boulevard Daniel-Dupuis,41000 Blois.

M. Jean-François Cardinet,son époux,

Sandrine et Carl-Johan Garnier,Arnaud et Amandine Cardinet,Jessica Cardinet,

ses enfants,

Tobias, Solène, Adrien et Camille,ses petits-enfants chéris,

La famille Cardinet,La famille Fougères,

ont la tristesse de faire part du décès de

Nicole CARDINET,née FOUGÈRES,

survenu à Paris, le 28 juin 2015,dans sa soixante-dixième année.

La cérémonie religieuse sera célébrée levendredi 3 juillet, à 10 h 30, en l’église deSaint-André de l’Europe, Paris 8e, suiviede l’inhumation dans l’intimité familiale.

39, rue de Moscou,75008 Paris.

Paris.

M. John Danilovich,secrétaire général

Et l’ensemble du personneld e l a Chambre de commerceinternationale (ICC),

ont la profonde tristesse de faire partdu décès soudain de leur collègue et ami,

M. François-Gabriel CEYRAC,survenu le 17 juin 2015.

La cérémonie religieuse a eu lieuce mercredi 1er juillet, à 10 h 30, en l’égliseSaint-Médard, 141, rue Mouffetard,Paris 5e.

M. et Mme Christophe Colletet leur ils, Oscar,

M. Antoine Collet,Ses enfantsEt son petit-ils,

ont la tristesse de faire part du décès du

docteurRoland COLLET,

survenu à Paris, le 27 juin 2015.

La cérémonie religieuse sera célébréele vendredi 3 juillet, à 10 h 30, en l’égliseSaint-Honoré-d’Eylau, 66 bis, avenueRaymond Poincaré, à Paris 16e.

L’inhumation aura lieu dans l’intimitéfamiliale, au cimetière de Sannois(Val-d’Oise).

Ni leurs ni couronnes.

Des dons peuvent être adressés àl’association Sport et Cancer.

Mme Lucette Gallais,M. Gérard Gallais,Mme Luz-Elena Ayala,Mme Thérèse Gibel,M. et Mme Jean-Pierre Deburge,M. Jean-Claude Rossignol,

ont la tristesse de faire part du décès du

docteur Jacques DEBETZ,

survenu à Paris, le 29 juin 2015.

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 6 juillet, à 14 h 30, en l’égliseSaint-Séverin, à Paris 5e, suivie del’inhumation dans l’intimité familiale.

13, villa Croix-Nivert,75015 Paris.

Paris. Dakar (Sénégal). Grenoble.

Eric Kelkel,Béatrice Rivail,

ses enfants,Jacqueline Hantz,Leurs conjoints,Ses petits-enfants,

ont la tristesse d’annoncer la disparitionle 22 juin 2015, de

M. Arion Lothar KELKEL,professeur émérite de philosophie,

à l’université de Paris 8 Saint-Denis,élève de Jean Wahl,

proche de René Schereret de Paul Ricoeur,

son directeur de thèse,spécialiste de phénoménologie.

La cérémonie d’adieu a eu lieu lesamedi 27 juin, à 14 heures, au Centrefunéraire de Chambéry (Savoie).

Paris.

Pierre de Kernaflen de Kergos (†),son père,

Valérie de Kernaflen de Kergos,sa mère,

Arnaud, Agathe et Tristan,ses frères et sœur,

ont la tristesse d’annoncer le décès de

Mlle JulieDE KERNAFFLEN

DE KERGOS,

survenu le 22 juin 2015.

La célébration religieuse de sesfunérailles a eu lieu le 30 juin, à 10 heures,en l ’ég l i se Sa in t -Louis -en- l ’ î l e ,Paris 4e.

L’Université de MontpellierEt le LabEx Entreprendre

ont l’immense tristesse d’annoncerle décès de

Monsieur Thomas LECHAT,

ingénieur de Recherche.

Les obsèques auront lieu en l’égliseNotre-Dame de l’Alliance de l’Etangde L’Or, 56, rue Louis Pasteur, à Mauguio(Hérault), le jeudi 2 juillet 2015,à 11 heures.

Isabelle et Catherine,ses illes,

Delphine, Clémence, Alexis,Marc-Antoine, Thomas,ses petits-enfants,

Pénélope, Agathe, Roméo, Héloïse,Virgile et Manon,ses arrière-petits-enfants,

Jean-François, Corinne, Brunoet Sabine,ses neveux,

Maria,qui a veillé sur lui les derniers mois,

ont la douleur de faire part du décèsà son domicile, le 26 juin 2015,dans sa quatre-vingt-seizième année, de

Patrice LEROY-JAY,oficier de la Légion d’honneur,

maire de Belleville-en-Caux,de 1964 à 1987.

Les obsèques seront célébrées le jeudi2 juillet, à 15 h 30, en l’église de Belleville-en-Caux (Seine-Maritime).

Les familles Eyheraguibel, Fredet,Lemaistre, Leroy-Jay, Rey et Ruchaud,

Le Traversain,76890 Belleville-en-Caux,3, rue Chaptal,75009 Paris,4, rue Mallet-Stevens,75016 Paris.

Marinette Roudaut,Joseph et Annie Mariani,

ses enfants,

Isabelle Rolland,Anne-Valérie et Richard Clément,Diphy Mariani et Laurent Lefrançois,Bastien et Paul Mariani,

ses petits-enfants,

Léopold Rolland,Malo Clément,Ellie Lefrançois,

ses arrière-petits-enfants,

Les familles Beck, Mariani, Licour,Roche,

Son beau-frère et ses belles-sœurs,Ses nièces et neveux,Parents,AlliésEt amis,

ont la profonde tristesse de faire partdu décès de

Mme Angèle MARIANI,née BECK,

ancienne receveuse à la RATP,veuve de guerre 1939-1945,

survenu à Meudon-la-Forêt,le 27 juin 2015,à l’âge de cent deux ans et huit mois.

Ses obsèques auront lieu le jeudi2 juillet, à 14 h 30, en l’église du Saint-Esprit, à Meudon-la-Forêt.

La levée de corps se fera à la Maisonfunéraire de Clamart, 108, rue de la Portede Trivaux, à 13 h 45.

Que tous ceux qui l’ont connue et aiméeaient une pensée pour elle, qui était sigentille.

32, allée du Mail,92360 Meudon-la-Forêt.

Michèle,son épouse,

Frédéric, Marie-Agnès et Bénédicte,ses enfants,

Natacha,sa belle-ille

Et Patrick,son gendre

Et ses cinq petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Jean OBERTI,oficier de l’ordre national du Mérite,

docteur ès médecine,docteur ès sciences,

chargé de recherche à l’INSERM,ancien adjoint au maire de Montpellier,

survenu à Maurin (Hérault),le 22 juin 2015.

Une cérémonie civile a eu lieu le samedi27 juin, à 10 h 30, au Complexe funérairede Grammont, avenue Albert Einstein,à Montpellier.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Gigean.

Corinne et Laure,ses illes,

Pauline Kolton,sa petite-ille,

ont la douleur de faire part du décès de

M. Yves PLANCHAIS,survenu le 28 juin 2015,en sa quatre-vingt-cinquième année.

Les obsèques auront lieu dans l’intimitéfamiliale, le 3 juillet 2015, à 10 h 30,au complexe funéraire de Thau, à Sète(Hérault).

Ses cendres seront transférées le mêmejour, à 17 heures, au cimetière marin,selon sa volonté.

Pantin.

Eric et Françoise Thirion,Sylvie et Alain Gadrat,Christine et Alain

Leteinturier-Laprise,ses enfants,

Cyril et Chrystelle, Delphine,Julien et Stéphanie, Lucile, Florent,Sylvain et Ana, Remi et Céline,

Camille,ses petits-enfants,

Alexandre, Alice, Coline, Juliette,Lucas, Hugo, Anaïs, Fanny, Albane,ses arrière-petits-enfants,

Jean-Marc Postic,son neveu,

ont le regret de faire part du décès de

Mme Michelle THIRION,née LE COZ,égyptologue,

survenu le 28 juin 2015,à l’âge de quatre-vingt-douze ans.

L’inhumation aura lieu le jeudi 2 juillet,au cimetière de Saint-Sauveur-Lendelin,dans la sépulture de famille.

Palaiseau.

Mme Anne-Marie Vasseur,née Jeanrot,

Ses enfants,Ses beaux-enfants,Ses petits-enfantsEt ses arrière-petits-enfants,

ont la tristesse d’annoncer le décès de

M. Pierre VASSEUR,polytechnicien,

directeur des Laboratoiresde l’École polytechnique,

oficier de l’ordre national du Mérite,chevalier de la Légion d’honneur,

survenu le 25 juin 2015.

L’incinération aura lieu le jeudi 2 juillet,au crématorium de l’Essonne, à Avrainville,à 11 h 30.

Remerciements

David Fontaine,son petit-ils,

Isabelle Monod-Fontaine,sa belle-illeet François Rouan

Ainsi que toute sa famille,

souhaitent remercier ses amis, collègues etanciens étudiants pour leur présence idèleet leurs marques de sympathie envoyéesdu monde entier, témoignant de sonrayonnement, à l’occasion de la mort de

Jacques FONTAINE,professeur émérite

de langue et littérature latinesà l’université de Paris-Sorbonne,

qui s’est éteint le 31 mai 2015,à l’âge de quatre-vingt-treize ans.

Souvenir

Il y a un an,le 1er juillet 2014,

M. Camille DENQUIN,journaliste,

fondateur, rédacteur en chefde la Lettre infos28Paris,

nous quittait.

[email protected]

Conférence

Conférence d’été en Sorbonnele 9 juillet 2015,

« Diversité musicale des humains »par Sylvie Le Bomin,

professeur du Muséum nationald’Histoire naturelle.

La musique est une pratiqueculturelle partagée par toutesles communautés du globe.

Chaque compositeur, chaque interprète,chaque population, chaque culture

opère des choix plusou moins conscients

qui conduisent à la diversitédes pratiques actuelles.

Inscription sur :http://universite.ete.sorbonne-universites.fr/

ou paiement sur place(Selon les places disponibles),

10 € plein tarif / 5 € tarif étudiant.Renseignements au 01 53 42 30 39

formation-continue@paris-Sorbonne.

Page 18: Le monde 20150702

18 | culture JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

Grateful Dead, même pas mortLe groupe américain de rock psychédélique, créé en 1965, s’est reformé pour une tournée d’adieu

REPORTAGE

santa clara (californie)

– envoyée spéciale

Non ils ne sont pas tousgrisonnants, ex-hip-pies fans des sixties.Au concert de Grateful

Dead, au Levi’s Stadium de Santa Clara, à une heure au sud de San Francisco, on croise aussi des jeu-nes, comme Julie Murray, 20 ans, pantalon noir fendu au genou, jus-taucorps arc-en-ciel. Pour tout dire, elle est venue avec papa, 59 ans, un ancien « deadhead » (dunom des super-fans du groupe), qui a ressorti un T-shirt psychédé-lique à tête de mort, datant de l’époque où il n’imaginait pas qu’il finirait entrepreneur de travaux publics dans la Silicon Valley.

« J’espère que je ne serai pascomme ça à 60 ans », dit-elle en contemplant d’une moue dégoû-tée le nuage de fumée (d’herbe) quis’élève des travées bien qu’il soit « strictement interdit de fumer »

Un anniversaire et des adieux

Ils sont près de 80 000 fans, dans le stade de football, à quelques ki-lomètres de la pizzeria de Menlo Park, où le groupe a fait ses débuts il y a cinquante ans, en mai 1965, sous le nom des Warlocks. C’est ledeuxième des cinq concerts de sa tournée d’adieux. Les 3, 4 et 5 juillet, les « Dead » se produisent à Chicago, au stade de Soldier Field,là où ils ont fait leur dernière appa-rition le 9 juillet 1995, avec le légen-daire Jerome John Garcia, dit Jerry, l’inspirateur du rock psychédéli-que et de la contre-culture du SanFrancisco des années 1960 et lea-der du groupe.

Après sa mort, le 9 août 1995, àl’âge de 53 ans, d’une crise cardia-que alors qu’il était en cure de dé-sintoxication, le groupe s’est dis-sous. Ils sont quatre survivants, pour la tournée anniversaire (Bob Weir, Phil Lesh, Mickey Hart et Bill Kreutzmann), auxquels se sont joints trois invités, Trey Anastasio, le guitariste de Phish, Jeff Chi-menti au clavier et Bruce Hornsby au piano. Un anniversaire, des adieux et aussi de quoi garnir « leur plan de retraite », a persiflé leNew Yorker. Beaucoup de jeunes, donc, à côté des habitués, qui se sont pas mal épaissis, il faut l’avouer.

C’est le show de l’été. En uneheure, le 28 février, 200 000 ticketsont été vendus en ligne. Plus que pour Taylor Swift ou Paul McCar-tney, proportionnellement au nombre de spectacles offerts, se-lon StubHub, le géant de la vente de places sur Internet. Dès que le « Fare Thee Well Tour » (la tournée de concerts d’adieux) a été an-

noncé par Trixie Garcia, la fille de Jerry, le 16 janvier, les deadhead ont envoyé par courrier des de-mandes de ticket ornées de des-sins psychédéliques comme au bon vieux temps.

La poste de Stinson Beach,632 habitants, le quartier général de Bob Weir et Phil Lesh au nord deSan Francisco, a été débordée. Plus de 60 000 enveloppes décorées à la main sont arrivées en une se-maine, l’équivalent de deux mois de courrier.

Pour la première, samedi 27 juin,à Santa Clara, un arc-en-ciel est ap-paru au-dessus de la scène. « C’est Jerry qui sourit du paradis ! », ont exulté les fans sur Twitter. Cer-tains, toujours prêts à croire au pouvoir surnaturel de leur idole, sesont demandé si ce n’était pas une mise en scène du groupe.

Fils d’immigré espagnol, joueur

de banjo, surnommé le « Bouddha du rock and roll », Jerry Garcia étaitun improvisateur-né, jusque dans les interviews. « Toutes les icônes de la pop ont des messages tout faits, raconte Nicolas Meriwether, l’archiviste du Fonds Grateful Dead entreposé à l’université de Californie à Santa Cruz. Jerry Gar-cia ne racontait jamais la même histoire. »

Pas d’arc-en-ciel pour ledeuxième soir mais 80 000 per-sonnes s’époumonant au soleil couchant « I want a miracle ! To-day ! » (« je veux un miracle, aujourd’hui ! »). Et un concert per-mettant de mesurer à quel point les spectacles ont changé. Pas de jeu de scène, de costumes extrava-gants ou d’explication de la chan-son qui va suivre. Les Dead repren-nent à peine leur souffle entre deux morceaux, lesquels peuvent

durer trente-cinq minutes sans que personne ne s’en aperçoive, envertu d’une autre de leurs spéciali-tés : le fondu-enchaîné. Du coup, les fans ne se contentent pas d’un spectacle. Ils reviennent le lende-main, toujours avec un petit car-net dans lequel ils notent chaque morceau (« Hier ils ont joué Alliga-tor… »). Jerry Garcia et ses amis n’ont réussi à figurer qu’une fois

dans le Top Ten des meilleurs al-bums, vingt ans après leurs dé-buts. Leur grande réussite, c’est leur audience, explique Nicolas Meriwether. « Leur modèle finan-cier était à l’opposé des autres grou-pes. Ils ne faisaient pas d’argent sur les albums mais sur les tournées. » Les dernières années, leur chiffre d’affaires annuel s’élevait à plus de 30 millions de dollars (environ 27 millions d’euros), indique l’ar-chiviste. Ce, alors qu’ils avaient in-vesti dans le « wall of sound », une légendaire panoplie d’amplis, sus-ceptible de transporter l’audience haut dans la galaxie (« Being sent »,comme disent les deadheads, « être mis en orbite »).

Plus qu’un fan club, c’estun « style de vie », dit Tim Frankel, qui a découvert Grateful Dead à l’âge de 17 ans, en 1984, et n’a eu de cesse de les suivre sur la route.

Après avoir dénoncé l’invasion de l’Irak, Neil Young vise MonsantoLe chanteur et musicien étrille l’entreprise américaine dans son dernier album, qui manque néanmoins de souffle et d’élan musical

MUSIQUE

E n mai 2006, Living WithWar, le vingt-huitième al-bum studio de Neil Young,

avait pour thème principal la dé-nonciation de la politique étran-gère agressive de l’administrationdu président américain George Walker Bush, à la suite de l’inva-sion de l’Irak en mars 2003. Un disque au propos féroce, traité dans une urgence musicale, avec des textes directs. L’album se ré-vélait le plus ouvertement poli-tisé dans son intégralité, parmi lesenregistrements du chanteur,guitariste, harmoniciste, clavié-riste, auteur-compositeur et pro-ducteur canadien. Il s’était déjà

prononcé contre un autre Bush, George Herbert Walker, le père, et président des Etats-Unis de 1989 à1993 lors de la première guerre duGolfe, en particulier durant une tournée avec le groupe Crazy Horse, en 1991, toute en déflagra-tions sonores et rages musicales.

Neuf ans après Living With War,Neil Young identifie tout autantune autre cible, la compagnie Monsanto, entreprise américaine spécialisée dans les biotechnolo-gies agricoles et notamment fa-bricant de l’herbicide Roundup.Un nom qui figure dans le titre del’album, The Monsanto Years etdans plusieurs des chansons (A Rock Star Bucks A Coffee Shop, Workin’Man, Monsanto Years). Et

au-delà un propos général sur lesméfaits des grandes entreprises en matière d’environnement (le recours aux organismes généti-quement modifiés), de surexploi-tation des ressources de la planète(la compagnie pétrolière améri-caine Chevron est citée), l’avenirde nos enfants dans un monde pollué…

Sauver la planète

De longue date, quasi depuis sesdébuts phonographiques à la findes années 1960, Neil Young a évoqué les bienfaits de mère Na-ture, a chanté des paysages, levent, les prairies. En septem-bre 1985, il coorganise avec Willie Nelson et John Mellencamp le

premier Farm Aid, initialementdestiné à venir en aide aux fer-miers pris à la gorge par des cré-dits. Avec l’album concept Green-dale (2003), Young mêlait à unehistoire de meurtre dans une pe-tite ville un appel vibrant à sauverla planète (la chanson hymne Be the Rain, en final). Avec Fork in theRoad, en 2009, il évoquait les énergies alternatives, lui qui, par ailleurs, avait travaillé sur un pro-totype de voiture hybride.

On pouvait attendre que pour cedisque engagé, son propos artisti-que soit porté par un souffle et un élan musical. Or, ce que laisse en-tendre The Monsanto Years, c’est plutôt un Neil Young moyen. D’abord, avec des textes qui relè-

vent plus de la formule basique, positif/négatif, que d’une ré-flexion élaborée. « C’est un nou-veau jour pour la planète/C’est un nouveau jour pour le soleil » (A New Day for Love) ; « Moins de poissons nagent dans notre océan/Les glaces âgées dérivent dans nos mers/Fermement tu te dresses con-tre ce pillage » (Wolf Moon) ; « Dans les rues du Capitole/Les grandes sociétés prennent le con-trôle » (Big Box) ; « Les semences sont la vie/Et nul ne peut les possé-der » (Rules of Change) Qui vou-drait soutenir le contraire ?

Musicalement, Young proposeun country-rock plus ou moins enlevé, électrique, avec une bal-lade acoustique. Il a réuni au

Teatro, à Oxnard (Californie), les cinq musiciens de Promise of the Real, mené par les guitaristes etchanteurs Lukas et Micah Nelson, fils de Willie Nelson. Une jeune formation bien ordonnée (le DVD qui accompagne le CD montre legroupe enregistrant avec Young) qui interprète ce qui sonne davan-tage comme une répétition, avec des interventions un peu hasar-deuses, des flottements, que comme des compositions bien structurées. p

sylvain siclier

The Monsanto Years, de Neil Young & Promise of the Real, 1 CD et 1 DVD Reprise Records/Warner Music.

Le 28 juin au Levi’s Stadium de Santa Clara. J.BLAKESBERG/AP IMAGES

C’est le show

de l’été.

En une heure,

le 28 février,

200 000 tickets

ont été vendus

en ligne

Comme il voulait « éviter de tom-ber dans les trucs stupides comme la drogue », il s’est mis à vendre desvêtements sur le parking des con-certs. Aujourd’hui, il dirige Avatar, une compagnie qui emploie 200 couturières au Népal. « Le 50e anniversaire, c’est une réunion de famille », souffle-t-il, extasié par le « Grateful Dead Revival », l’espritde résurrection qui s’est emparé del’Amérique (trois livres, un supplé-ment spécial de Newsweek, etc.).

L’archiviste de Santa Cruz voitune dimension spirituelle dans ce rassemblement, « une vaste idée humaniste ». Une analyse peut-être partagée par le batteur MickeyHart, qui a pris la parole, avant la fin du concert. « Emportez avec vous ce sentiment que vous éprou-vez en ce moment, a-t-il demandé. Et faites-en quelque chose. » p

corine lesnes

Page 19: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 culture | 19

La « voix de l’orgue », Eddy Louiss, s’est tueLe musicien organiste, compositeur et chef d’orchestre, est décédé mardi 30 juin, à l’âge de 74 ans

DISPARITION

L’un de ses albums s’ap-pelait Sang mêlé (1987).La beauté du métis.Quand Eddy s’installait

à l’orgue – le roi de l’instrument, l’orgue Hammond B3 –, quoi qu’il jouât, So What ou Colchiques dans les prés, c’était un ouragan sansune ombre de méchanceté, un élé-phant amoureux de Nijinski, Ber-lioz en fanfare plus la biguine, c’était la joie du jeu, la colère du bonheur et tous les blues réinven-tés. Né à Paris le 2 mai 1941, Eddy Louiss (de son nom d’état civil, Edouard Louise), musicien essen-tiel, voix de l’orgue chez Claude Nougaro (entre 1964 et 1977), voca-liste acrobate pour le légendaire groupe des Double-Six de Mimi Perrin, orchestré par Quincy Jo-nes, personnalité non conforme, est mort mardi 30 juin, au CHU dePoitiers, des suites d’une opéra-tion de la cataracte.

Selon son fils, Pierre Louiss, élec-tronicien très actif pour la réédi-tion des œuvres et coffrets d’Eddy Louiss, « Eddy est parti paisible, en-touré des siens. » Amputé du pied gauche, à la suite de complica-tions artérielles et de diabète, le musicien ne faisait plus que de ra-res apparitions en scène. Mais quelles apparitions ! Comme d’autres (on a la liste : Jacques Thollot, batteur, René Thomas, guitariste, Marius Cultier, pia-niste…), Eddy Louiss aurait pu,aurait dû, faire une immense car-rière internationale. La carrière in-ternationale, surtout immense, les intéressait tellement moinsque la musique. Eddy aurait pujouer les standards, les saucissons (When the Saints), ou son propre Blues for Klook à fendre l’âme, il eût fait swinguer une enclume, unporte-containers, le Sacré-Cœur etmême Ibrahim Maalouf.

Héros des brasseries parisiennesCela dit, il a joué partout, à l’Apollo de Harlem, au Japon, à Dakar, de Vladivostok à Valparaiso, et sur lacomète Rosetta où l’on dit que c’est lui en personne qui accompa-gnait le petit Philae. Son père, Pierre Louise (1908-1986) naît à la Trinité, en Martinique. Il choisit la guitare et la trompette et fait des bœufs nocturnes. Bachelier, puis fonctionnaire du Trésor à Paris le jour, et musicien la nuit. Bientôt lancé dans la profession, Pierre Louiss (son nom de scène) effec-tue la tournée des casinos d’Eu-rope avec ses Tropical Singers, de-vient héros des brasseries pari-siennes qui sont devenues ce qu’elles sont devenues (L’Amiral, leMadrid, le Floréal, le Perroquet vert…), directeur de l’orchestre du Lido, « employant » son fils Eddy

qui travaille le piano classique de-puis trois ans, dès l’âge de 8 ans. Tout Piti déjà.

Eddy avait quelques titres à tirerdes plans sur la comète : au début des années 1960, on pourrait le prendre pour un dilettante – beau gosse, fine moustache, il s’installe au piano dans les boîtes de jazz, à Paris –, ou pour un apprenti qui se forge au métier. Tel est le cas de nombreux musiciens, qui, dirait Bernard Lubat, alter ego d’Eddy,avec les nuances que vous suggèrele deuil, « se sont arrachés de ce jazz de boutiquiers, ce jazz de pei-gne-cul, leur jazz de nains de jar-din… » La plus grande vertu d’Eddy,c’est sa disponibilité. Il est prêt à tout : non pas prêt à tout pour jouer, mais prêt à tout jouer. Dis-ponibilité, virtuosité (mais cel-le-là, on la laisse aux médiocres, c’est leur refuge), et sa « versati-lité ». Vertu latine pour les grands musiciens de jazz. Côté touche-à-tout pour les benêts.

De l’avant-garde à en revendre

Toujours est-il que des années declub (J.-F. Jenny-Clark, Aldo Ro-mano, Jimmy Gourley, Roger Gué-rin…) ; des années avec Stan Getz, Thomas et Lubat ; une saison au paradis avec Johnny Griffin (« The Little Giant ») ; trois albums detoute beauté avec Daniel Humair et Jean-Luc Ponty (HLP) ; des trios de feu avec Kenny Clarke (batteur historique) et René Thomas (lé-gende de la guitare liégeoise) ; un big band, une fanfare au swing joyeux du nom de Multicolor Fee-ling, des partenaires francs du col-lier (Daniel Huck) ; une conversa-tion mémorable avec Petrucciani au Petit Journal Montparnasse (double CD Dreyfus) ; une autre avec Stéphane Grappelli (Satin Doll, 1972) ; un Porgy and Bess avecIvan Jullien ; de l’avant-garde à en revendre avec Portal, Mangels-dorff ou John Surman ; un long compagnonnage de Jean-Luc Ponty (violon) qui le conduit briè-vement auprès de Tony Williams ; son groupe avec le guitariste Jean-Marie Ecay, ou le batteur insensé Paco Séry…

Espérons simplement qu’EddyLouiss ne reste pas juste pour son soutien multicolore, d’un swing de mammouth, auprès d’Henri Salvador, Aznavour, Barbara, Gainsbourg, Jane Birkin et autres idoles des plus ou moins jeunes. Non que ce soit indigne, bien au contraire. Mais son génie éblouis-sait ailleurs – bien qu’il jouât par-tout de même sorte. Comme leshumbles, il n’avait qu’une écri-ture. En 2010, l’Olympia célébraitses cinquante ans de parcours. Le 3 juin 2011, il jouait à Roland-Gar-ros – enfin, dans les salons de mu-sique… – à l’initiative du Sunset.

En 1977, un portrait filmé, Blues blanc, rouge (de Jean-Claude Bris-son et Jean-Louis Cavalier), avaitaffiché à mi-voix, une féroce règlede cette vie que l’on croyait fan-tasque.

Son goût des machines, des syn-thés, des hologrammes, des expé-riences à la Tournesol, sa fureur de

musique se dissimulait toujours sous un sourire d’ange malicieux. Orson Welles (version Falstaff) ausourire d’enfant, Eddy Louiss necachait pas bien son jeu. Il n’était que son jeu. Métis à la main gau-che bondissant sur les basses, arti-ficier du clavier, metteur en scène d’élèves enchantés, il lançait de-

puis son orgue Hammond B3 qu’ilsavait faire ronronner en vieux chat du blues, des fusées à la Ray Charles, ou alors retombait sur unrythme de préliminaires lascifs, prêt à surgir comme un tigre bleu du Poitou. C’est tellement curieux un être sans ennemi. p

francis marmande

Une radio et un plateau de stars au New MorningLe batteur Ginger Baker a joué pour la première fois de sa carrière dans le club parisien

JAZZ

D ans tous les studios de ra-dio du monde, une am-poule rouge allumée si-

gnifie « à l’antenne ». Pour faire le rouge, la New Morning - Radio Li-bre a une lampe de chevet posée sur une table, proche de la console de son de l’un des clubs de jazz – mais pas que – les plus célèbres au monde. Elle sert lorsque le rédac-teur en chef d’« Un soir au club », Franck Médioni, prend la parole. L’émission quotidienne, en direct du lundi au vendredi, de 19 heures à 20 heures, est l’un des éléments de cette webradio diffusée sur le site du club. S’y ajoutent, dans la journée, un programme musical ou la retransmission de certains des concerts du New Morning.

Toutes celles et ceux qui partici-pent à la radio du New Morning, inaugurée le 1er juin, sont pour le moment bénévoles. Les chroni-ques vont du billet d’humeur à l’exploration d’un genre (du swing au hip-hop), d’une séquence sur les reprises à une émission sur les rapports entre musique et cinéma ou jazz et poésie.

Pee Wee Ellis à l’antenne

Pour l’heure, mardi 30 juin, le pro-gramme débute après les balances de son pour le concert du soir, ce-lui du batteur britannique Ginger Baker, dont le nom reste pour le grand public associé à celui du groupe Cream, fondé par Baker, qui rassembla pour ce trio Eric Clapton et Jack Bruce (1943-2014). Son étape au New Morning est une

première dans une longue carrièrecommencée en 1962. Il est pro-grammé au Festival All Stars du club, du 29 juin au 1er août.

Autour de la petite table, on s’af-faire pour terminer de préparer la salle. Pee Wee Ellis, saxophoniste du quartette de Baker, a accepté de passer à l’antenne, un petit mo-ment au cours de l’émission. Quel-ques mots pour dire sa satisfactionde jouer avec « Mister Baker », un rappel de sa longue collaboration avec « Mister James Brown » (1933-2006), pour qui il écrivit notam-ment les hymnes funky Cold Sweat ou Say It Loud I’m Black and I’m Proud.

De funk, il ne sera pas questionde manière directe durant le con-cert de Ginger Baker et ses musi-ciens, Ellis donc, le bassiste Alec

Dankworth et le percussionniste Abass Dodoo. Avec ce groupe, formé en 2013, qui a récemment enregistré le disque Why ? (Mo-téma Music), Baker joue du jazz (dont une reprise de Footprints de Wayne Shorter et une de St. Tho-mas, de Sonny Rollins) et du blues, dont Twelve and More Blues, de PeeWee Ellis. Et puis, du début à la fin, il met en avant l’imprégnation des cultures musicales de l’Afrique, où il partit vivre dans les années 1970.Là où s’est formé son jeu actuel, avec motifs rythmiques syncopés – le funk vient en partie de là –, dé-coupage du temps sur des métri-ques allongées, une frappe de per-cussionniste, un balancement dansant. Un maître-tambour pourune musique fusion expressive. p

sylvain siclier

En 1993.CHRISTIAN DUCASSE

Il ne faisait

plus que de

rares apparitions

sur scène.

Mais quelles

apparitions !

art contemporain 15 avril - 13 septembre

felice varini

la villette en suites lavillette.com • #Varini

accès libre

Page 20: Le monde 20150702

20 | culture JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

ARTS

Le titre est à la fois juste etéquivoque : « Les maîtresde la sculpture, Côted’Ivoire ». Il fait craindre

l’anthologie qui rassemble deschefs-d’œuvre avec pour desseind’en réunir le plus grand nombre, proposés à la contemplation. Et, en effet, il y a là, parmi les 330 ob-jets rassemblés, quelques-unes des pièces les plus remarquables de la statuaire de cette région.

Mais « maîtres » ne doit pas êtreentendu simplement comme uneforme abrégée de « grands maî-tres », comme on dit de Titien ou de Vélasquez que ce sont des « maîtres anciens » ; mais davan-tage dans le sens que le mot a pour les spécialistes qui étudient les ateliers du Moyen Age et dudébut de la Renaissance et igno-rent le plus souvent le nom de ceux qui y travaillaient.

Exercice de méthodeDepuis plus d’un siècle, ces spécia-listes – Bernard Berenson (1865-1959) ayant été l’un des plus actifs dans cet exercice – ont inventé des« maîtres » ayant brillé au Moyen Age, à Sienne, à Florence ou à Colo-gne. Ils les ont désignés souventd’après leur œuvre la plus remar-quable : « Maître de la Véronique de Munich » ou « Maître de Città di Castello ». L’identification se fonde surtout sur des comparai-sons visuelles. Elles font apparaî-tre des similitudes stylistiques, parfois le goût pour telle composi-tion ou telle harmonie chromati-que, parfois de petites manies dans la manière de représenter l’oreille ou la main. L’érudit italien Giovanni Morelli s’était fait, dès le XIXe siècle, une spécialité de ces re-

pérages, supposés per-mettre de rapprocher des œuvres dispersées et d’auteurs inconnus.

C’est ce qui se passe danscette exposition, qui est principalement un exer-cice de méthode. Ses auteurs, Eberhard Fischer et Lorenz Homberger, con-servateurs du Musée Riet-berg, à Zurich, appliquent cesprocédés à des pièces qui ontpour point commun de venir de régions regroupées dansl’Etat de Côte d’Ivoire – héritagede l’administration coloniale –, comme Berenson et ses élèves lefaisaient de fragments de reta-bles qui avaient pour point com-mun de provenir de la même cité.Leur but est de parvenir à des re-groupements et à la reconnais-sance des auteurs de statues oude masques, grâce à tels détails

dans le traitement des vo-lumes ou à telles particula-

rités techniques assez nettespour pouvoir être attribuées

à un individu.Ils appliquent ce mode d’in-

vestigation aux six cultures quise côtoient dans l’aire géographi-que ivoirienne : les peuples dits« des Lagunes » sur la côte at-lantique ; puis, d’ouest en est,les peuples dan, gouro etbaoulé dans la région cen-trale ; et, au nord, vers le Maliet le Burkina Faso, sénoufo et

lobi. Des différences de langues,d’organisations sociales, de systè-mes religieux et de traditions ar-tistiques les distinguent.

La proximité de ces popula-tions, les migrations, des inva-sions et l’unification forcée de lacolonisation ont affecté ces diffé-rences, mais des caractères spéci-

fiques ont sur-vécu, de sorte que ce

classement est demeuréen usage et que l’exposition s’or-ganise selon lui, en six zones. A l’intérieur de chacune s’accomplit la recherche des artistes, présen-tée et justifiée par des textes expli-catifs. Au visiteur de vérifier par lui-même les comparaisons et de se demander si la présence d’une petite barbe asymétrique ou de scarifications en pointe de flèche suffit pour que soient attribuées à un même auteur quatre sculptu-res baoulé. Il est désigné comme « Maître dit de Himmelheber », d’après le nom de Hans Himmel-heber, qui collecta l’une de ces œuvres en 1933.

Etant donné les conditions de lacollecte durant la période colo-niale, les indications précises manquent le plus souvent, alors

même que les sculpteurs étaient,pour certains, vivants quandleurs créations furent emportéesen Europe.

Rares sont ceux dont le nom et lavie sont connus avec certitude. Cesexceptions se nomment Uopié, Sra et Dyeponyo, tous trois de cul-ture dan, nés vers 1880 et célèbres dans l’entre-deux-guerres. Sra, en langue dan, signifie « dieu », ce quien dit long sur sa notoriété. En de-hors de son peuple, il a travaillé pour des chefferies mano, au Libe-ria, ainsi que pour les Wé. Il a eu de nombreux élèves et l’on sait aussi qu’il avait pour assistante une de ses épouses. C’était donc un ar-tiste, comme tous les autres artis-tes, quels que soient leur lieu de naissance et la culture dans – et hors de – laquelle ils travaillent. L’enjeu principal est celui-ci : affir-mer que les sculpteurs africains doivent être traités par l’histoire de l’art comme tels, c’est-à-dire comme des individus singuliers, et non comme d’anonymes pro-ducteurs.

Cette révolution est récente. Unede ses manifestations les plus pré-coces fut l’exposition conçue par Bernard de Grunne à Bruxelles en 2001, qui se nommait « Mains de maîtres ». Depuis lors, ce type d’interrogation se répand, en par-tie sous l’influence du marché de l’art, qui n’aime rien tant que les « signatures prestigieuses » et les « grands noms ».

Maître du dos cambré

Il n’est pas anodin que deux des auteurs identifiés dans l’exposi-tion soient désignés d’après les marchands qui rapportèrent leurs œuvres : « Maître de Himmelhe-ber », donc, mais aussi « Maître deKamer ». On peut préférer les dési-gnations géographiques, comme « Maître de Totokro » et « Maître d’Essankro » parmi les Baoulé, « Maître de Bouaflé » chez les Gouro. Ou plus descriptives : « Maître de la coiffure en crête-de-coq » et « Maître du dos cambré », parmi les Sénoufo, tous deux d’une inventivité irrésistible.

Autre conséquence : cette façonde penser la création contraint à relativiser l’importance de l’an-cienneté des œuvres, qui serait un gage de leur « authenticité » – con-cept très incertain. Boti, fils de Sa-bou, était un sculpteur gouro de la seconde moitié du XXe siècle, vir-tuose du travail du bois. Il peignait ses œuvres vivement, avec des couleurs à l’huile, donc occidenta-les. En est-il moins remarquable pour autant ? Certainement pas. p

philippe dagen

« Les maîtres de la sculpture, Côte d’Ivoire ». Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris 7e. Mardi, mercredi et dimanche, de 11 à 19 heures, jeudi, de 11 à 18 heures. Vendredi et samedi jusqu’à 21 heures. De 7 à 9 euros. Jusqu’au 26 juillet.

Fous, étranges, surprenants, les jardins se libèrent de leurs grillesLe Festival de Chaumont-sur-Loire propose, pour sa nouvelle édition, des créations autour du thème de la « collection »

ARTS

chaumont-sur-loire

(loir-et-cher)

L’ été pointe, et ses fleursannoncent le Festival in-ternational des jardins de

Chaumont-sur-Loire, avec son lotde surprises, au carrefour étranged’œuvres contemporaines et deparcelles à vocation plus poéti-que ou botanique. C’est rituelle-ment le résultat d’un concours où des équipes de paysagistes,d’architectes, de jardiniers se sont rassemblées pour proposer leur réponse au thème choisi cette année : « la collection ».

Directrice du domaine de Chau-mont et du festival, Chantal Col-leu-Dumond écrit : « Collection-ner, c’est rassembler ce que d’autres n’ont pas, c’est aimer le

précieux, l’unique et l’original (…) Ce sont des jardins de mousse, detrèfles, de plantes carnivores, depalmiers rares, mais aussi de cac-tées ou de conifères inconnus. Cesont des jardins fous, des jardinsétranges et surprenants. »

Le résultat est particulièrementséduisant, émouvant même. « Carnivore Parc » est ainsi un rassemblement paradoxal deplantes qu’on voit rarement enpareil nombre et diversité. Elles sont là à bâiller plus ou moinsgoulûment, en attendant que passe un insecte imprudent. Le deuxième territoire a pris pour ti-tre « Le Jardin des chasseurs de plantes ».

C’est un hommage à tous cesexplorateurs qui ont acclimaté,au retour de leurs aventures loin-taines, les plantes qui peuplent

désormais nos serres. Linné (1707-1778), l’illustre botaniste,est l’un d’eux, auquel est assignéela mission de rapporter en Eu-rope l’ensemble infini des végé-taux, évoqués ici dans une parcel-le-navire baptisée « L’Arche de Linné ».

Parcelles propices au rêve

Les maniaques de géraniums de-viendront maboules en entrant dans le « Jardin des 101 pélargo-niums ». Les passionnés de cou-leur feront leur miel dans le « Jar-din des teinturiers ». Les plus an-xieux ou les plus superstitieux pourront faire une halte dans le « Jardin porte-bonheur », peupléde trèfles, authentiques ou plagiai-res, aucune espèce ne laissant ce-pendant espérer le fameux trèfle àquatre feuilles. Les gloutons trou-

veront leur bonheur dans un « Jar-din des comestibles », échappé des mains des jardiniers.

La notion de collection peutaussi s’en tenir à son rôle d’inven-taire : mystérieux dans les « Cabi-nets de curiosités végétales » ;

méticuleux dans la « Phytothè-que » de l’Ecole de la nature de Blois ; débridé dans le « Jardin sauvage »… Il y a ainsi 24 parcel-les, toutes propices au rêve. Maisil y a également à Chaumont nombre de « jardins » qui ont prisracine. C’est en général le travailde professionnels chevronnés quis’emparent de fragments plus oumoins imposants de nature, ro-che ou troncs d’arbre (par l’artistebrésilien Tunga), fossiles (Chris-tian Lapie) ou débris abandon-nés… pour les détourner et en faire des œuvres autonomes.

Et, comme le domaine de Chau-mont ne cesse de s’agrandir d’an-née en année, il devient l’écrin detoutes sortes de jardins aux co-des éloignés de l’univers occiden-tal : japonais, chinois ou co-réens… Des espaces accueillent

également des artistes : le Gha-néen El Anatsui déplie ainsi uneformidable tapisserie taillée dansune étoffe rayonnante de cannet-tes écrasées. Et le Mexicain Ga-briel Orozco, dans la foulée d’unRaymond Hains, encadre desfragments de papiers peints arra-chés à leurs murs, tous – Chau-mont oblige – décorés de motifs fleuris. p

frédéric edelmann

« Jardins extraordinaires, jardins de collection »,Festival international des jardins, Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Jusqu’au 1er novembre. Tél. : 02-54-20-99-22. Mise en lumière des jardins tous les soirs (sauf le vendredi), de 22 heures à minuit, du 1er juillet au 31 août.www.domaine-chaumont.fr

Les plus

superstitieux

pourront faire

une halte

dans le « Jardin

porte-bonheur »,

peuplé de trèfles,

authentiques

ou plagiaires

Hormis Uopié,

Sra et Dyeponyo,

rares sont les

sculpteurs dont

le nom et la vie

sont connus

avec certitude

Artistes masqués de Côte d’Ivoire

Au Musée du quai Branly à Paris, une exposition réunit des pièces

remarquables, réalisées par des sculpteurs souvent anonymes

Masquesdu pays gouro

(Côte d’Ivoire).MUSÉE RIETBERG ZÜRICH

Page 21: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 télévisions | 21

HORIZONTALEMENT

I. Pour ceux qui aiment la vie en bou-

cles. II. Devient très vite étoufante.

Peut devenir dame en avançant.

III. Sans taches. Réduit à néant.

IV. Ouvre les comptes à la City. Petit

ensemble organisé. V. Devint Roc-

Libre à la Révolution. Article. Droit

sur la planche. VI. Approchées au plus

près. Appât en ligne. VII. Grave ferme-

ture intérieure. Gamin de Paris.

VIII. Masse froide et blanche. Canton

de l’Oise. IX. Tombé dans les bras du

premier venu. Prise de tête. X. Satis-

faction totale.

VERTICALEMENT

1. Enquiquiner tout le monde. 2. Pre-

mière dame de compagnie. Belle

blonde wagnérienne. 3. A suivre en

principe. 4. De juin à septembre. Un

bout peut lancer une carrière. 5. Reçu

chaleureusement. Dans les comptes

de l’entreprise. 6. Cours facile à fran-

chir. Crient en bord de mer. 7. Me

rendrai. Préposition. Des chifres et

une lettre. 8. Populaires chez les

pompiers. Le bel Ernesto. 9. Handica-

pé dans ses déplacements. Pour se

déplacer en ville. 10. Production

hépatique. Instrument à cordes.

11. La même pour tous. Tiziano Ve-

cellio. 12. Tient sur une colonne.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 153

HORIZONTALEMENT I. Intervieweur. II. Nounours. Pré. III. Creusée. Pont.

IV. OM. Ré. Nao. Ea. V. Nage. Messe. VI. Slash. Estime. VII. Titien. Ieper.

VIII. Astéroïde. Le. IX. Né. Sulu. Mon. X. Terrassement.

VERTICALEMENT 1. Inconstant. 2. Normalisée. 3. Tue. GATT. 4. Enurésie.

5. Rose. Hersa. 6. Vue. Nous. 7. Irénée. Ils. 8. Es. Assidue. 9. Postée.

10. EPO. Eip (pie). Me. 11. Urne. Melon. 12. Rétamèrent.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

GRILLE N° 15 - 154

PAR PHILIPPE DUPUIS

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00

Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ;par courrier électronique : [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤

Courrier des lecteursblog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Par courrier électronique :[email protected]

Médiateur : [email protected]

Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ;Emploi : www.talents.fr/ Immobilier : http://immo.lemonde.fr

Documentation : http ://archives.lemonde.fr

Collection : Le Monde sur CD-ROM :

CEDROM-SNI 01-44-82-66-40Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037

Imprimerie du « Monde »12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex

Toulouse (Occitane Imprimerie)

Montpellier (« Midi Libre »)

80, bd Auguste-Blanqui,

75707 PARIS CEDEX 13

Tél : 01-57-28-39-00

Fax : 01-57-28-39-26

PRINTED IN FRANCE

Présidente :

Corinne Mrejen

SUDOKUN°15-154

CHEZ VOTREMARCHANDDE JOURNAUXou sur lemonde.fr/boutique

UNHORS-SÉRIE

L’HISTOIREDESINVENTIONS

J E U D I 2 J U I L L E T

TF1

20.55 MasterChef

Télé-réalité animée par Sandrine Quétier.23.10 Revenge

Série créée par Mike Kelley. Avec Madeleine Stowe, Emily VanCamp, Gabriel Mann (EU, saison 3, ép. 4 à 6/22).

France 2

20.56 Carnet de voyage

d’Envoyé spécialMagazine présenté par Guilaine Chenu et Françoise Joly. Météo : un business au beau fixe.22.25 Complément d’enquête

Magazine présenté par Nicolas Poincaré. « Charlie » : l’impossible héritage.

France 3

20.50 Dans la ligne de mire

Thriller de Wolfgang Petersen. Avec Clint Eastwood, John Malkovich, Rene Russo (EU, 1993, 125 min).23.30 L’Inspecteur Harry

Policier de Don Siegel. Avec Clint Eastwood et Reni Santoni (EU, 1971, 100 min).

Canal+

21.00 Scandal

Série créée par Shonda Rhimes. Avec Kerry Washington, Portia de Rossi, Scott Foley (EU, S4, ép. 4 à 6/22).23.05 Lilyhammer

Série créée par Anne Bjornstad et Eilif Skodvin. Avec Steven Van Zandt (EU-Norvège, S3, ép. 4/8).

France 5

20.40 J’irai dormir chez vous

Documentaire d’Antoine de Maximy. Irlande21.30 La Tournée des popotes

Série documentaire animée par Grégory Cuilleron. Taïwan

Arte

20.50 Il était une fois en Chine

Film de kung-fu, de Tsui Hark. Avec Jet Li (Hongkong, 1991, 130 min).23.00 Angkor redécouvert

Documentaire de Frédéric Wilner (Fr., 2013, 90 min).

M6

20.55 Bones

Série créée par Hart Hanson. Avec Emily Deschanel, David Boreanaz (EU, 2014, S10, ép. 7 et 8/22 ; S8, ép. 6 et 7/24).

Les yeux dans la MannschaftUne plongée dans les coulisses de l’explosive équipe d’Allemagne, vainqueure de la Coupe du monde 2014

CANAL+SPORTJEUDI 2 JUILLET – 20 H 50

DOCUMENTAIRE

Cette équipe méritait telle-ment ce titre. » Le13 juillet 2014, au stadeMaracana de Rio de Ja-

neiro, le sélectionneur allemand Joachim Löw rendait un hom-mage appuyé à ses joueurs, vain-queurs de la Coupe du monde. Grâce à un but inscrit par Mario Götze, la Nationalmannschaft ve-nait de terrasser (1-0) en finale l’Ar-gentine du prodige Lionel Messi, au terme d’âpres prolongations.

Présente dans le dernier carré dechaque compétition internatio-nale depuis le Mondial 2006, orga-nisé sur ses terres, l’Allemagne ac-crochait une quatrième étoile à son maillot, après ses sacres plané-taires de 1954, 1974 et 1990. Articu-lée autour de cadres chevronnés comme son capitaine Philipp Lahm ou son attaquant Miroslav Klose, 36 ans et recordman de buts(16) inscrits en Coupe du monde, elle remportait son premier titre depuis… l’Euro 1996.

Réalisé par Martin Christ, JensGronheid et Ulrich Voigt, Die Mannschaft se veut une plongée au jour le jour dans les coulisses decette explosive sélection, dont l’at-taque de feu a fait trembler les fi-lets à dix-huit reprises durant le tournoi brésilien. Les téléspecta-

teurs français seront tentés de comparer ce film au mythique Les Yeux dans les Bleus, le chef-d’œuvre de Stéphane Meu-nier et de Canal+, qui montre les dessous de l’épopée des Tricolores,sacrés champions du monde en 1998. Et ils seront déçus.

Harmonie et complicité

Dans Die Mannschaft, les causeriesd’avant-match de Joachim Löw sont nettement moins musclées et lyriques que celles d’Aimé Jac-

quet, l’ex-patron des Bleus à fleur de peau. Construit de toutes piècessur les deniers de la Fédération al-lemande (DFB), le complexe hôte-lier de Campo Bahia ressemble da-vantage à une station balnéaire, aucadre paradisiaque, qu’à un camp de base où les « guerriers » suent sang et eau, comme l’était Claire-fontaine, le quartier général des Tricolores.

Les réalisateurs mettent particu-lièrement l’accent sur l’harmonie qui règne au sein de l’effectif de

Joachim Löw. Complicité entre les joueurs et le staff technique, gages gentillets, visite d’une école de l’Etat de Bahia, parties de billard et de fléchettes : cette épopée brési-lienne s’apparente à une marche triomphale sans anicroche. Une seule séquence traduit un climat de nervosité : l’échange viril entre le défenseur Per Mertesacker et les médias allemands après la fasti-dieuse victoire (2-1 après prolonga-tions) de la sélection face à l’Algé-rie, en huitièmes de finale.

« Notre devise, c’était une pageblanche à remplir », avance le ma-nageur Oliver Bierhoff, l’un des nombreux cadres de la Manns-chaft interviewés « à froid » et a posteriori. Si elle fait preuve d’hu-milité, cette équipe d’Allemagne n’en est pas moins un rouleau compresseur, capable d’étriller (4-0) des adversaires du calibre du Portugal, lors du premier tour. Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, ellepulvérise (7-1) la Seleçao, en demi-finales de « son » Mondial, et pro-voque un séisme au pays du « fu-tebol ».

Derrière les exploits du onze alle-mand se cachent les adjoints de Joachim Löw, techniciens métho-diques et discrets. Les réalisateurs s’évertuent à présenter ces hom-mes de l’ombre, comme Urs Siegenhalter, « espion » de la Mannschaft, chargé de superviser ses adversaires.

« Osmose », « déferlante d’émo-tions ». C’est ainsi que Joachim Löwdépeint les heures qui ont suivi le sacre de ses hommes, accueillis tels des héros par 1 million de Ber-linois. Une foule qui avait déjà oublié l’élimination de sa sélec-tion, huit ans auparavant, en de-mi-finales de « son » Mondial. p

rémi dupré

Die Mannschaft, de Martin Christ, Jens Gronheid et Ulrich Voigt (Allemagne, 2014, 90 min).

L’équipe de football allemande, victorieuse de la Coupe du monde au Brésil en 2014. DR

Angkor et AngkorLa cité mythique reprend vie grâce aux technologies numériques

ARTEJEUDI 2 – 23 HEURES

DOCUMENTAIRE

C ent cinquante ans se sontécoulés depuis la redécou-verte, en 1866, des ruines

de l’ancienne capitale de l’Empire khmer. L’énigme de la cité, aban-donnée au XVe siècle à l’emprise dela jungle, commence tout juste à être levée.

Les pyramides de grès, sanctuai-res édifiés par les rois, dédiées aux dieux hindous et à Bouddha, pri-sonnières de racines tentaculaires,

avaient jusque-là conservé leurs secrets. Un équipement révolu-tionnaire au laser a permis de révé-ler par vue aérienne le plan qua-drillé de l’ancienne ville, jusqu’à l’empreinte même des bâtiments disparus. Sur 200 kilomètres car-rés, la capitale apparaît sur un écran à une échelle de quelques centimètres : stupéfiant.

Dans la forêt, il ne reste rien desmaisons et des palais de bois, dé-vorés par les termites. Seuls les temples en grès ont survécu. Les fouilles menées par l’archéologue Jacques Gaucher, au cœur de la ca-

pitale Angkor Thom, la « grande ville », lui ont permis d’identifier le Thlok, l’arbre sacré, symbole du mythe fondateur de la ville, enfouià 4 mètres, vestige du premier pa-lais. Le centre politique, religieux, magique, autour duquel elle s’est développée du VIIIe siècle au XIIe siècle, avant de péricliter.

Trésor

Les technologies numériques ont recomposé la silhouette des grands sujets sculptés, mutilés au burin et à la tronçonneuse. L’ar-chéologue Eric Bourdonneau et le

conservateur en chef du Musée Guimet, Pierre Baptiste, se rendentdans les ruines de Koh Ker, capitaleprovinciale au Xe siècle, jamais fouillée mais très pillée dans les années 1990. Là, se trouve la plus haute pyramide khmère.

Les deux spécialistes ont entre-pris de redonner vie à un shiva dansant de 4 mètres de hauteur. Ils s’appuient sur les relevés de Louis Delaporte, dessinateur em-barqué sur le Mékong en 1866, avec la mission d’exploration con-duite par Ernest Doudart de Lagréeet Francis Garnier, précieux témoi-

gnages pour la recomposition des vestiges. Delaporte fera faire des moulages des bas-reliefs à l’échelle 1. Au fil de ses missions, il en rapportera quelque 500 mètres cubes, un temps exposés au Mu-sée indochinois du Trocadéro, puisoubliés dans les caves d’une ab-baye. Pierre Baptiste raconte sa dé-termination à sauver ce trésor qui a fait l’objet d’une belle exposition en 2014 au Musée Guimet. p

florence evin

Angkor redécouvert, de Frédéric Wilner (France, 2013, 90 min).

V O T R ES O I R É E

T É L É

Page 22: Le monde 20150702

22 | styles JEUDI 2 JUILLET 2015

0123

les quinquas friment en mazdaLa MX-5, c’est LE cabriolet par excellence, celui des virées sur une route de campagne. Vingt-six ans après sa création, Mazda sort en octobre la quatrième génération du modèle

AUTOMOBILE

Il y a cette position de con-duite à l’ancienne, jambesétendues et postérieur à rasdu sol, qui amplifie la sensa-

tion de vitesse. Les accélérations, franches sans être brutales lorsquel’on écrase la pédale. Et puis, sur-tout, le débattement ultracourt (4 cm) et la précision du mini-le-vier de vitesses qui tombe pile à main droite. Depuis vingt-six ans, la Mazda MX-5 enchante les ama-teurs éclairés. Ceux qui, pour pren-dre du plaisir au volant, n’ont pas besoin (et, de toute façon, pas les moyens) d’affoler les chronos avec un moteur surpuissant et des béquilles électroniques, sans les-quelles les sportives d’aujourd’hui ne sauraient tenir le pavé.

Commercialisée en octobre, laquatrième génération de ce ca-briolet continue de perpétuer la tradition des petits roadsters d’an-tan, principalement anglais (MG, Triumph, Austin Healey, Lotus), eny ajoutant la fiabilité japonaise et un contenu technologique actua-lisé sans être trop envahissant.

Esprit vintage

C’est une voiture d’esthète, essen-tiellement appréciée aux Etats-Unis et en Europe mais boudée en Chine et dans les pays émergents, qui se nourrit d’un esprit vintage (redécouvrir les « vraies » valeurs et sensations de conduite) en réac-tion avec les dérives de l’automo-bile moderne. Les principes fonda-teurs de la nouvelle MX-5 ont été respectés : « Une voiture très lé-gère, dont le moteur installé à l’avant entraîne les roues arrière, et qui reste abordable », détaille No-buhiro Yamamoto, le responsable qui en a supervisé la conception.

Ce viatique a fait d’une voitured’égoïste (deux places, c’est tout) l’un des modèles les plus populai-res de la production automobile moderne. Malgré son quasi-mil-lion d’unités produites depuis 1989, ce cabriolet, dont la capote s’ouvre manuellement sans même devoir quitter le siège, restetoutefois un modèle à diffusionrestreinte, ce qui ne lui nuit pas. LaMX-5 n’a pas de rivale. C’est la ché-rie des quinquas qui fournissent les plus gros contingents d’ache-teurs. Elle est la deuxième voiture que les baby-boomers rêvent tous de sortir de leur garage pour partir

sur le chemin des vacances en duo, par les petites routes. Parce qu’elle a perdu 100 kilos et pèse désormais à peine 1 tonne – ce qui représente une prouesse –, la MX-5peut se satisfaire de mécaniques raisonnables sans frustrer son propriétaire.

« Ceux qui aiment cette voitureont en commun de ne pas forcé-ment voir d’un bon œil la course à la puissance et aux performances. Pour eux, il est important que la MX-5 puisse être mise entre les mains de conducteurs de tout ni-veau », professe Nobuhiro Yama-moto. Le 1,5 litre, qui développe 131 ch, délivre une jolie musique,

des accélérations rageuses, et s’inscrit sans broncher dans les courbes. Avec un châssis plus ri-gide et suspendu de façon éton-namment confortable, ce modèle se conduit plus qu’il ne se pilote. Etalors, depuis quand faudrait-il cra-vacher un cabriolet comme une voiture de rallye ? La version dotéedu 2 litres (160 ch) offre une sono-rité mécanique plus noble et des montées en régime vigoureuses, sans pour autant prétendre à un la-bel de voiture de sport malgré son amortissement raffermi.

Dédaignant l’assistance d’unturbo, la MX-5 cultive l’esprit roadster jusque dans le refus d’al-

longer artificiellement les rap-ports de boîte, afin de passer sous les fourches Caudines des normes écologiques.

Résultat : la voiture ne manquejamais de répondant. Revers de la médaille, la version équipée du pe-tit moteur 1,5 litre (à partir de 24 800 euros) ne peut éviter un malus écologique de 250 euros, alors que celle dotée du 2 litres (32 050 euros) est gratifiée d’une surtaxe de 1 600 euros et ne de-vrait représenter qu’un tiers des ventes en France.

Fidèle à sa tradition, la MX-5 qua-trième du nom amorce un virage assez marqué en matière de style.

Les rondeurs qui firent le charme des anciens modèles s’effacent de-vant des lignes plus tranchées, des optiques de phares affinées, un ca-pot très plongeant et une poupe trapézoïdale.

Il faut y voir un signe supplé-mentaire du reflux du design néo-rétro, déjà perceptible à travers les lignes plus anguleuses des derniè-res Mini ou New-Beetle, mais aussila volonté d’intégrer plus nette-ment l’icône MX-5 dans la gamme Mazda. Car la firme d’Hiroshima a fini par prendre ombrage du fait que l’aura de ce modèle ait créé une marque dans la marque. p

jean-michel normand

LE 1,5 LITRE DE 131 CH DÉLIVRE UNE JOLIE

MUSIQUE, DES ACCÉLÉRATIONS

RAGEUSES, ET S’INSCRIT SANS BRONCHER

DANS LES COURBES

L’Audi Q7, aussi opulent, moins corpulentLe SUV de la marque aux anneaux s’offre une remise en forme et multiplie les assistances à la conduite

U ne voiture peut s’impo-ser comme une réussitecommerciale sans forcé-

ment flatter l’image d’un cons-tructeur. Première incursiond’Audi dans l’eldorado du Sport Utility Vehicle (SUV), le Q7, lancé en 2006, s’est vendu à 500 000 exemplaires (dont16 000 en France), mais son al-lure, qui soulignait avec une cer-taine arrogance ses manières de mastodonte, pouvait difficile-ment susciter un sentiment d’em-pathie. Audi, qui se veut une mar-que sophistiquée et à la pointe de « l’efficience » technologique, n’était pas tout à fait à l’aise avec un modèle dont la nouvelle ver-sion opère un recentrage aux allu-res de mea culpa.

Malgré la présence de l’énormecalandre qui scelle l’appartenanceà la marque aux anneaux, le Q7 apparaît moins monumental. Cette impression ne tient guère aux 4 centimètres perdus en lon-gueur (qui atteint tout de même5,05 mètres) mais bien davantage à la manière dont les stylistes

d’Audi ont fluidifié les lignes pour atténuer l’effet de masse. Tou-jours opulent mais moins corpu-lent, le nouveau Q7 paie toutefois ce lifting par un affadissement etune esthétique impersonnelle.

Vitrine technologique

Cette remise en forme répond à une perte de poids qui atteint 325 kg, soit l’équivalent d’un piano à queue, précise Audi, ce quidonne une idée de la marge de progression qui s’offrait au Q7. Le recours à l’aluminium a permis d’alléger de 24 kg les portières mais, comme la voiture pèse en-core 2 tonnes, le constructeur continue de s’en remettre à des mécaniques musclées (V6 es-sence et diesel) dont la puissances’étale entre 272 et 333 ch.

Il a, aussi et surtout, proposé demultiples stratagèmes pour amé-liorer le comportement routier. A basse vitesse, les roues arrière braquent dans le sens opposé àcelui des roues avant, ce qui faci-lite le maniement de l’Audi quiétait un cauchemar lorsqu’il fal-

lait la faire évoluer dans un par-king. Au-delà de 50 km/h, en re-vanche, les roues arrière braquentdans le même sens pour davan-tage de maniabilité. Autre assis-tance : l’amplification donnéeaux mouvements transmis à la direction lors d’une manœuvre d’évitement à grande vitesse.

Vitrine technologique constel-lée de capteurs et de caméras, le Q7 ne lésine pas sur les équipe-ments d’assistance à la conduite. Avertisseur de collision, freinaged’urgence automatique en villeet aux intersections, détection nocturne d’obstacles, progres-sion autonome de la voiture dans

les embouteillages avec possibi-lité de ne pas avoir à mettre lesmains sur le volant en dessous de3 km/h. Cerise sur le gâteau, le li-miteur de vitesse intelligent, qui maintient une distance de sécu-rité avec le véhicule qui précède, aété couplé au GPS. Dès lors, il ra-lentit la voiture à l’approche d’un

rond-point, d’un croisement ou d’un virage serré et respecte scru-puleusement les variations des li-mitations de vitesse. Avec cettefonction, le conducteur peut par-

courir des kilomètres enn’ayant à se préoccuper quedu seul volant.

Ces dispositifs contri-buent à faire du Q7 une voi-ture plus docile et plus sou-ple que sa carrure pourraitle laisser penser, mais fontgrimper aux alentours de100 000 euros le prix d’un

modèle équipé toutes op-tions, alors que le tarif du cata-

logue démarre à 63 500 euros. Son degré de raffinement techno-logique impose aussi la présencede multiples commandes sur le volant et la planche de bord, ce quinécessite un certain apprentis-sage. Chez Audi, on admet,d’ailleurs, que la procédure de prise en main, réalisée lorsque leclient vient prendre livraison desa voiture, est devenue extrême-ment complexe. p

j.-m. n.

La nouvelle MX-5 de Mazda. MAZDA

La seconde génération de l’Audi Q7.AUDI AG

Page 23: Le monde 20150702

0123JEUDI 2 JUILLET 2015 0123 | 23

On se souvient de Fran-çois Mitterrand souf-flé par Giscard qui luilança, lors du débat de

l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 1974 : « Vousn’avez pas le monopole du cœur. » On est tenté de reprendre à notre compte l’expression à l’adresse du premier ministre grec, Alexis Tsi-pras, et de ses acolytes : « Vous n’avez pas le monopole de la démo-cratie. » Depuis des mois, les diri-geants grecs se drapent dans leur légitimité démocratique, comme si la voix des autres citoyens euro-péens ne comptait pas. La voix d’un Grec vaut autant, mais pas plus, que celle d’un Allemand, d’un Slovène ou d’un Français.

Le président de la Commission,Jean-Claude Juncker, l’a dit, lundi 29 juin : « En Europe, aucune dé-mocratie ne vaut plus qu’une autre.Et dans la zone euro, il y a dix-neuf démocraties. Non pas une contre dix-huit, et non pas dix-huit contre une. Pour chacune des démocra-ties, un vote est un vote, un peuple est un peuple, un citoyen pris indivi-duellement est un citoyen. Ce n’est pas un jeu de poker menteur. Il n’y en a pas un qui gagne et un autre qui perd. Soit on est tous gagnants, soit on est tous perdants. »

Syriza, le parti de la gauche radi-cale, se persuade que ses choix doivent s’imposer à tous les autres systèmes, à leurs prêteurs, européens bien sûr, mais aussi aux 188 pays actionnaires du FMI. Le recours au référendum, diman-che 5 juillet, est un miracle de dé-fausse politique. En 2011, le pre-mier ministre Georges Papan-dréou voulait faire ratifier par son peuple un plan d’aide où les ban-ques avaient effacé la moitié de leurs créances. Il en fut dissuadé, mais au moins voulait-il faire ava-liser par son peuple un plan de ri-gueur difficile. Cette fois-ci, Tsi-pras demande un vote pour mieux affronter ses créanciers, en réalité les autres peuples euro-péens. Le référendum transforméen arme pour exciter les passions : l’usage est inédit.

Partisan du modèle européen,fondé sur la démocratie représen-tative, suivons à terme la voie pro-posée par Jean-Claude Trichet. L’ex-président de la BCE est un sage, qui fut artisan des premiers sauvetages de la Grèce, de l’Ir-lande, de l’Italie et de l’Espagne pendant que Merkel et Sarkozy se fourvoyaient, aggravant la crise au lieu de la résoudre. L’excellent Tri-chet propose en cas de blocage ab-solu entre un pays – la Grèce repré-sentée par son gouvernement, renforcé par l’issue du référendum– et les institutions européennes – Commission, BCE, Eurogroupe – d’en appeler aux représentants du peuple. De tous les peuples euro-péens, avec une Chambre de la zone euro composée pour moitié de députés européens et de repré-sentants des Parlements natio-naux. A eux d’examiner les propo-sitions des parties, de les amender et de voter un projet qui s’impose-rait en dernier ressort.

Chiche à tous ceux qui se procla-ment démocrates ! L’affaire n’est pas possible juridiquement, et ga-geons que les Grecs et leurs amis prendraient la poudre d’escam-pette. De ce fait, la crise grecque

s’annonce longue. Les dirigeants européens, de Merkel à Hollande, répètent que les Grecs vont voter pour ou contre l’euro. Il n’en est rien. Ils veulent juste renforcer leur pouvoir de négociation. C’est ce qu’a dit le ministre des financesgrec, Yanis Varoufakis, lundi, au Daily Telegraph, qui compte bien continuer d’affliger la zone euro : « Les traités européens ne pré-voient pas de dispositions pour unesortie de l’euro, et nous refusons de l’accepter. Notre appartenance est non négociable. Nous allons certai-nement envisager une injonction devant la Cour de justice euro-péenne. »

Humour délicieux du ministregrec, dont le pays a bafoué tous sesengagements et a contraint les Européens à changer les traités de l’UE pour voler à leur secours. Va-roufakis a malheureusement rai-son. Les divorces ne sont rapides que par consentement mutuel. La crise peut s’éterniser. Passons sur le risque de lâcheté des Européens,qui verseraient quelques milliards pour passer l’été tranquilles. Nul ne peut exclure que Tsipras voie juste lorsqu’il lance : « Ils ne nous jetteront pas hors de l’euro, car les coûts sont trop élevés. » Après un non au référendum, la logique voudrait que la BCE cesse de finan-cer les banques grecques, de facto en faillite. Selon l’adage, la mau-vaise monnaie chasse la bonne, lesGrecs thésaurisent leurs euros, et l’économie finit par étouffer. L’Etat grec devrait vite battre sapropre monnaie, mais le pays peuts’installer en économie de guerre. Les Grecs en ont un avant-goût avec la fermeture des banques.

Que l’éternité soit courteValéry Giscard d’Estaing, croisé à l’ambassade d’Allemagne, balaie la tragédie grecque d’un revers de main : « C’est une histoire inventée : dans une union monétaire, il faut une même politique économique. Les Grecs ont voté pour une autre politique économique, il est logiquequ’ils quittent cette union moné-taire. » Qu’il soit permis d’être plusinquiet. Une sortie de l’euro serait une catastrophe pour la Grèce – économique, sociale, politique –, exposerait les Balkans à un risque d’explosion, et les pays les plus fai-bles de la zone euro à une conta-gion financière – envolée des taux – et politique – avec Podemos en Espagne.

Avec la fermeture des banques,Alexis Tsipras a déclenché, malgré lui, une formidable machine en fa-veur du oui aux propositions européennes. Le premier ministre a laissé entendre qu’il quitterait le pouvoir si le oui l’emportait. « Si le peuple grec veut choisir de conti-nuer avec l’austérité, nous respecte-rons son choix, mais nous ne pou-vons pas servir un tel mandat. » Et il sera temps de revenir à la table des négociations. Les Européens sont prêts à verser une aide euro-péenne aux Grecs, à une condi-tion : que l’économie grecque soit durablement viable. Syriza a sa-boté les efforts d’un pays qui avait retrouvé en janvier un relatif équi-libre budgétaire, mais le redresse-ment grec est possible. « Je ne suis pas premier ministre pour l’éter-nité », a déclaré Tsipras. Plus l’éter-nité sera courte, mieux ce sera. p

[email protected]

P remier pollueur mondial, la Chine aenvoyé, mardi 30 juin, un signal trèspositif pour les négociations clima-

tiques qui patinent. A cinq mois de la con-férence de Paris, la COP21, le premier minis-tre, Li Keqiang, a rendu publique sa « con-tribution » à la lutte contre le changement climatique en s’engageant à plafonner ses émissions de gaz à effet de serre autour de 2030 et à réduire radicalement son inten-sité carbone.

Pékin n’a pas d’autre choix que d’agir, etd’agir vite. Non pas pour plier face aux pressions internationales : ses argumentssur la responsabilité historique des Améri-cains et des Européens dans le réchauffe-ment climatique sont recevables dans lesdiscussions internationales. Ils ne le sont

plus, toutefois, sur la scène politique inté-rieure, car l’environnement est devenu l’une des premières, si ce n’est la première, préoccupations des citoyens chinois. Tou-jours inquiets des risques d’instabilité poli-tique, leurs dirigeants ont bien compris les risques de l’immobilisme dans ce domaine.

Première émettrice de pollution, la Chineen est aussi la première victime. L’opinion chinoise s’est largement réveillée sur lesquestions environnementales ces derniè-res années. Plusieurs centaines de millions de Chinois se sont émus, en mars 2015, lors de la diffusion sur Internet du documen-taire alarmant sur les conséquences du « smog » réalisé par la journaliste Chai Jing,et rapidement bloqué par les censeurs. Ilsmanifestent encore aujourd’hui dans lesud de Shanghaï, inquiets de l’éventuelleinstallation d’une usine pétrochimique,comme ils l’ont fait avant à Chengdu, Xia-men et ailleurs. Comme l’a expliqué le pre-mier ministre, Li Keqiang, en 2014, la pre-mière chose que font beaucoup de Chinois le matin est de regarder sur leur téléphone portable le niveau de pollution de l’air aux particules fines – généralement inquiétant,surtout dans la moitié nord du pays.

Le contexte actuel de décélération de lacroissance offre aux dirigeants une occa-sion unique : du seul fait de la chute de lademande, la consommation de charbon de la Chine a commencé à baisser en 2014.

Le gouvernement chinois a su saisir cettechance. Pour la première fois, à l’issue de la visite de Barack Obama à Pékin en novem-bre 2014, il a fixé une date – 2030 – pour le pic de ses émissions de gaz à effet de serre, un objectif réitéré à Paris par M. Li. Pékins’est donc enfin fixé l’objectif en termes ab-solus et ne prête plus le flanc aux critiques. Mardi 30 juin, le premier ministre chinoiss’est également engagé à réduire de 60 % à 65 % l’intensité de son économie en car-bone d’ici à 2030.

On ne peut s’empêcher de regretter que laChine n’ait pas saisi l’occasion pour se montrer plus ambitieuse. Certains experts prévoient que le pic d’émissions de CO2 du pays sera en réalité franchi entre 2020 et2025, du fait de la plus faible croissance de l’économie chinoise, mais aussi du déve-loppement de son parc de centrales nu-cléaires et, plus marginalement, de ses in-vestissements dans les énergies renouvela-bles. L’objectif de 2030 aurait donc pu être avancé.

Mais ne boudons pas notre plaisir : les ef-forts chinois sont les bienvenus et il faut lessaluer. La publication des engagements dela Chine, 42e des 195 Etats participant à la conférence de Paris en décembre à faire connaître sa contribution, a aussi le mérite de marquer l’entrée en piste des grands paysémergents, essentielle pour la réussite de la COP21. A l’Inde, maintenant, de s’engager. p

LA VOIX D’UN GREC VAUT AUTANT, MAIS

PAS PLUS, QUE CELLE D’UN ALLEMAND

OU D’UN SLOVÈNE

CLIMAT : LA CHINE SUR LA BONNE VOIE

EUROPE | CHRONIQUE

par arnaud leparmentier

Le monopole de la démocratie

ALEXIS TSIPRAS A DÉCLENCHÉ, MALGRÉ LUI,

UNE FORMIDABLE MACHINE EN

FAVEUR DU OUI

Tirage du Monde daté mercredi 1er juillet : 266 983 exemplaires

* Chaque DVD de la collection est vendu au prix de 5,90 € en plus du Monde ou par correspondance sur www.lemonde.fr/boutique ou en téléphonant au 32 89 (0,34€ TTC par minute)Voir conditions. Offre limitée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels.

Les Chaussons Rouges © 1948 Carlton Film Distributors. Tous droits réservés

Dès le 30 juin, le DVD no3

de Michael Powell& Emeric Pressburger

Chaque semaine,redécouvrezle chef-d’œuvred’un grand réalisateur

20 grands films sélectionnés par Le Monde

1 - 17 juin Amadeusde Milos Forman

2 - 23 juin Lolade Jacques Demy

3 - 30 juin Les Chaussons rougesde Michael Powell& Emeric Pressburger

4 - 8 juil. Tirez sur le pianistede François Truffaut

5 - 15 juil. French Cancande Jean Renoir

6 - 22 juil. Farinellide Gérard Corbiau

7 - 29 juil. Birdde Clint Eastwood

8 - 5 août L’Homme au bras d’ord’Otto Preminger

9 - 12 août Orange mécaniquede Stanley Kubrick

10 - 19 août The Last Waltzde Martin Scorsese

11 - 26 août Bagdad Caféde Percy Adlon

12 - 2 sept. Cotton Clubde Francis Ford Coppola

13 - 9 sept. Les Producteursde Mel Brooks

14 - 16 sept Good Morning Englandde Richard Curtis

15 - 23 sept. L’Homme qui en savait tropd’Alfred Hitchcock

16 - 30 sept. A Hard Day’s Nightde Richard Lester

17 - 7 oct. Karajand’Henri-Georges Clouzot

18 - 14 oct. La Pianistede Michael Haneke

19 - 21 oct. Avec le sourirede Maurice Tourneur

20 - 28 oct. One + One /Sympathy for the Devilde Jean-Luc Godard

La musique et le cinéma, c’est une longuehistoire d’amour où l’on ne sait plus qui sublimel’autre, des images ou du son. Le Monde asélectionné pour vous 20 films cultes réaliséspar les plus grands auteurs, avec des bandesoriginales inoubliables. Dans cette sélection, lesréalisateurs les plus talentueux vous proposenttous les genres cinématographiques etmusicaux : de la comédie au drame, du biopicau documentaire, du classique au jazz, sansoublier le rock ou la chanson.Enchantez votre été avec Le Cinéma duMonde et La Musique à l’écran !

5,90le DVD

€*

Plus d’informations sur www.lemonde.fr/boutique

LES CHAUSSONSROUGES

Page 24: Le monde 20150702

DÉCOUVREZLE PROGRAMMEET RÉSERVEZ !

LeMonde.fr/festival