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Architecture & UrbanismeENQUÊTE

Réglementation inadaptée, agriculteurs et maîtres d’œuvre peu impliqués, faiblesse de la maîtrise d’ouvrage publique : le hangar d’architecte est rare. Pourtant, un marché est en train de naître.

La loi de 1977 sur l’architecture pourrait bien faire ici figure de coupable idéal, qui dispense toute « construction à usage agricole » du recours obligatoire à un architecte

« lorsque la surface de plancher n’excède pas 800 m2 ». Mais cela suffit-il pour expliquer le quasi désert architectural en ce domaine ? On pourra aussi pointer du doigt l’étrangeté même de l’architecture pour les agriculteurs, mais ce serait oublier qu’elle n’est pas beaucoup plus familière pour bien d’autres maîtres d’ouvrage… Et puis il y a aussi ces professionnels peu scrupu-leux qui signent des permis de construire au profit d’entreprises de préfabrication en série. Ce sont là, certes, des causes bien réelles. Mais ne faudrait-il pas, aussi, que les architectes « aillent au charbon » pour susciter la commande et vendre leur talent ou créer des prototypes, sans compter nécessairement sur la réglementation ou le hasard d’une rencontre ? De glorieux aînés ont tracé des sillons : compagnons charpentiers d’autrefois, Le Corbusier (1887-1965) avec sa « ferme radieuse », ou encore Georges-Henri Pingusson (1894-1978) en Lorraine.

Les sentiers de la créationTout est là pour développer ce marché naissant : l’inventivité des concepteurs, les géants de l’agroalimentaire qui pourraient par l’architecture redorer leur blason environnemental, l’essor du tourisme à la ferme ou encore la vente directe aux particuliers qui exige des espaces d’accueil. Les parcs naturels régionaux constituent également d’excellents terreaux, sauvegarde du patrimoine paysager oblige. A ce propos, comme le souligne l’architecte Manuel Bieler, l’Etat qui subventionne l’agriculture n’aurait-il pas toute légitimité pour imposer des prescriptions hors territoires classés ? Des acteurs publics, tels que les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE), mènent un travail patient auprès des chambres d’agriculture, en encou-rageant l’instauration de concours, en proposant des formations, voire en créant des fonds documentaires dédiés. L’Institut de l’élevage, organisme national de recherche et développement, possède ainsi un service architecture qui apporte son soutien technique aux intéressés. Certaines collectivités locales pro-posent de leur côté des dispositifs fiscaux pour les agriculteurs soucieux d’un environnement soigné. L’étude des bâtiments agricoles a même fait son entrée à l’école d’architecture de Bre-tagne… Avec 10 millions de mètres carrés construits chaque an-née dans le secteur agricole (soit plus du tiers des constructions non résidentielles), le travail ne manque pas. La beauté de nos campagnes vaut bien une bataille. ■ Dossier réalisé par Margot Guislain

HANGARS AGRICOLES

L’architecture est dans le pré

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FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : Daniel Juan. Maîtrise d’œuvre : l’agence Localarchitecture (Manuel Bieler, Antoine Robert-Grandpierre, Laurent Saurer, architectes). BET : Ratio Bois (bois/entreprise charpente). Autoconstruction pour les autres lots. Surface : 90 m2. Montant des travaux : 78 400 euros HT.

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■ A Lignières dans le canton de Neuchâtel (Suisse), ce hangar – qui abrite un tracteur, une chaufferie/atelier/stockage et une niche pour chien (photo 1) – fait suite à la réalisation, sur le même site, d’une étable commandée par le « José Bové suisse » et son associé, selon l’expression de l’architecte Manuel Bieler pour présenter ces deux agriculteurs en guerre contre les

LIGNIÈRES Un hangar

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militant dans le Jura suisseconstructions agricoles industrielles qui défigurent le paysage. Depuis, le premier s’est engagé en politique, d’où son surnom ; mais le second a renouvelé sa confiance aux architectes de Localarchitecture, « du moment que ça fonctionne et que ça reste dans le budget », précise Manuel Bieler. Justement, comme la plupart des bâtiments agricoles, il s’agit ici d’autoconstruction

effectuée par l’utilisateur. Dans ce contexte, les architectes ont cherché à réaliser les ouvrages de base avec le plus grand soin, telle la structure en lamellé-collé, ou encore les panneaux intérieurs en bois découpés au laser, afin que le remplissage extérieur en sapin (récolté et coupé sur le domaine) simplement cloué puisse être effectué par des mains non expertes. L’ossature est

composée de deux portiques longitudinaux de 16 mètres de portée, l’un en façade avant, l’autre en façade arrière. Leurs pliures font varier les hauteurs sous plafond de 7 m pour la chaufferie à 4,50 m pour le tracteur et 2 m pour la niche (photo 2). Au-dessus, la toiture en zinc qui redescend sur les pignons reproduit la ligne de crête des montagnes jurassiennes (photo 3).

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3 Hangars agricoles L’architecture est dans le pré

L’EXPERT

M Où en est-on de la réflexion architecturale sur le hangar agricole ?Celle-ci s’est focalisée depuis trente ans sur l’intégration des bâtiments dans le paysage, en utilisant la topographie, la végétation, les couleurs des matériaux, etc. Ce qui équivaut à du camouflage, que les agricul-teurs ressentent souvent très mal. Un hangar agricole pou-vant atteindre aujourd’hui une surface de 2 000 m2 (au lieu de 500 autrefois), inutile de cher-cher à le dissimuler. La question n’est plus d’éviter de faire le pire, mais de faire le meilleur !

M Comment cette réflexion pourrait-elle être boostée ?Le secteur viticole a déjà com-pris la valeur ajoutée que peut apporter l’architecture à l’image de marque de ses produits. Mais, dans les autres secteurs de l’agriculture, malgré des équipements sophistiqués, la représentation reste très archaïque : les publicitaires s’en tiennent toujours à des images de fermes traditionnelles dans des paysages bucoliques. On peut imaginer des possibilités d’évolution venant, entre autres, des coopératives ou des groupes agroalimentaires qui souhaite-

raient se construire, eux aussi, une image de marque à travers leurs sites de production.M Quelle direction pourrait-elle prendre ?Un hangar vieux de trente ans est aujourd’hui complètement obsolète. Il faut réfléchir à la durée de vie des bâtiments, à leur capacité à être facilement transformés. On peut imaginer des structures légères qui expri-meraient un certain niveau high-tech représentatif des nouvelles techniques de production ou encore à des volumes s’inspirant des lignes de force du paysage.■ Propos recueillis par Margot Guislain

« La question n’est plus d’éviter de faire le pire, mais de faire le meilleur ! »

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Hervé Cividino, architecte-urbaniste, directeur-adjoint du CAUE du Loiret, auteur de l’ouvrage « Architectures agricoles, la modernisation des fermes (1945-1999) », éditions PUR, 2012.

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GIGNAC Sous un manteau d’acier, une ferme oléicole■ C’est sur une aire de repos d’autoroute qu’est né le concept de cette ferme oléicole située à Gignac (Hérault), lorsque le maître d’ouvrage observa l’acier autopatinable qui recouvrait le bloc sanitaire. Une belle intuition qu’il a eue en voulant lui aussi utiliser ce matériau, qui joue sur l’aspect éphémère des édifices utilitaires, mais dont la patine colorée – du noir au rouille – donne déjà à cet ensemble de bâtiments agricoles une vraie assise dans le paysage (photo 3). Pour des raisons de coût, l’architecte Alain Fraisse l’a remplacé par de la tôle d’acier noir sortie d’usine à l’état brut. Dès les premières semaines, le processus d’oxydation lui donne les mêmes teintes que le produit princeps, mais avec la contrainte de devoir appliquer un vernis de protection d’ici une vingtaine d’années (photo 2).

Ce manteau d’acier, composé de panneaux de 3 mètres sur 1,50 m, recouvre le hangar pour engins agricoles qui présente un mur aveugle de 9 m de haut sur 80 de long (photo 4), le moulin à huile d’olive et sa boutique de vente, les locaux de l’entreprise de plomberie du propriétaire, l’habitation familiale et trois gîtes ruraux. Sans demi-mesure, la tôle enveloppe la structure, les portes, les escaliers, les bancs, les descentes d’eau pluviales (photo 1), les luminaires et même la vasque des sanitaires. Avec élégance, elle se plie pour ventiler le hangar, ou bien, façon moucharabieh, elle filtre la lumière naturelle. L’architecte et son maître d’ouvrage se sont rencontrés sur le chantier d’un chai, là où la commande architecturale, dans le secteur agricole, existe : ceci explique cela.

FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : Sandrine et Sébastien Mora. Maîtrise d’œuvre : Alain Fraisse, architecte. BET : Aceb (fondations), ESM (charpente métallique), Cemer (étude de sol), Bemea (assainissement). Entreprises : Arnal et Gely (charpente métallique), AJ Batisol (dallage), Benezeth (électricité), JBS Production (menuiseries bois), Mora (VRD, gros œuvre, bardage, serrurerie, plomberie, chauffage, toiture photovoltaïque). Surface : 2 160 m² Shon. Montant des travaux : 1,25 million d’euros HT.

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3 Hangars agricoles L’architecture est dans le pré

■ Au fond de la vallée de la Haute Maurienne, à Bonneval-sur-Arc (Savoie), les troupeaux jouissent de leur propre lotissement, implanté à mi-distance du village ancien et de sa partie plus récente : un vrai petit projet de couture urbaine en pleine nature, avec neuf hangars disposés de part et d’autre du chemin agricole, qui prend alors les allures d’une rue (photo 1). Le village étant classé, c’est la Société d’aménage-ment de la Savoie qui a pris les commandes afin de faire de ces bâtiments un seul et même équipement et garantir ainsi l’intégration paysagère. L’architecte Pierre Janin et son frère paysagiste, Rémi Janin, ont donc conçu cette sorte de hameau consti-tué de neuf boîtes habillées de planches de mélèze, dotées d’une structure mixte avec un rez-de-chaus-sée en béton pour les étables et un étage en ossature bois pour les granges, comme il est d’usage dans les montagnes. Pour ces maîtres d’œuvre, fils d’agricul-teurs, il s’agit là d’une recherche de simplicité – néan-moins très élaborée pour répondre aux besoins de la production – qui s’inscrit dans la tradition des édifices utilitaires du monde agricole (photo 2). Côté vallée, les modules sont séparés les uns des autres pour former des courettes ; côté montagne, ils sont reliés à l’arrière par une barrette de locaux annexes qui créent des redents. Si la toiture végéta-lisée est en passe de devenir la tarte à la crème de l’architecture, elle prend ici une dimension inédite : certes, les toits plantés des hangars s’harmonisent avec le paysage, mais, accessibles aux troupeaux, ils constituent aussi des zones de pâturage : une vraie toiture habitée (photo 3).

BONNEVAL-SUR-ARC

Un projet urbain pour ovins et bovins

FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : communauté de communes Haute Maurienne Vanoise, Société d’aménagement de la Savoie (mandataire). Maîtrise d’œuvre : Pierre Janin, architecte ; Rémi Janin, paysagiste (Fabriques). BET : Acropole (économiste), CBS-CBT (structures bois), Hélair (fluides), Colomb (béton), Karum (HQE), Oxyria (VRD), Opera (OPC). Entreprises : HMTP (terrassement VRD), Truchet (gros œuvre), Borot (charpente bois), Jardin du Thabor (couverture végétalisée). Surface : 7 869 m2 Shon. Coût : 4,872 millions HT.

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