38
Le numérique et la formation des enseignants Former au numérique et par le numérique dans l’école supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Poitiers Rapport du groupe de travail sur le numérique à l’ESPE de l’académie de Poitiers 22 Février 2014

Le numérique et la formation des enseignants · 2. Le métier d’enseignant à l’ère numérique 3. Former au numérique 4. Le numérique, les disciplines et la didactique des

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Le numérique et la formation des enseignants

Former au numérique et par le numérique

dans l’école supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Poitiers

Rapport du groupe de travail sur le numérique à l’ESPE de l’académie de Poitiers

22 Février 2014

2

Plan du rapport Introduction

1. Une culture numérique 2. Le métier d’enseignant à l’ère numérique 3. Former au numérique 4. Le numérique, les disciplines et la didactique des disciplines 5. Former par le numérique, condition de l’intégration 6. Distance, mobilité, formations en ligne, hybrides, MOOCs 7. Former tous les formateurs pour le numérique 8. L’écosystème du numérique à l’ESPE 9. Recherche pour la formation, formation par la recherche 10. L’ESPE de Poitiers, ESPE numérique : gouvernance, pilotage Annexe 1 : Espaces, ressources et services Annexe 2 : Extrait du dossier d’accréditation de l’ESPE de Poitiers : L’ESPE et le numérique Quelques sigles utilisés : BYOD Bring Your Own Device C2i Certificat Informatique et Internet C2i2e Certificat Informatique et Internet niveau 2 « enseignant » CANOPÉ Réseau de Création et d’Accompagnement Pédagogiques (ex SCEREN-CNDP) CM Cours magistral CNDP Centre National de Documentation Pédagogique, devenu Réseau CANOPÉ CNED Centre National d’Enseignement à Distance DSI Direction des Systèmes d’Information EMI Éducation aux Médias et à l’Information ENT Environnement Numérique de Travail ESPE École Supérieure du Professorat et de l’Éducation FUN France Université Numérique LTC Learning Training Center MEEF Master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation MOOC Massive Online Open Course PE Professeur des Écoles PIF Pratiques et Ingénierie de la Formation (l’une des mentions du Master MEEF) PLC Professeur des Lycées et Collèges SCD Service Commun de la Documentation SI Système d’Information SIG Système d’Information Géographique TBI Tableau Blanc Interactif TD Travaux dirigés TER Travail d’Etude et de Recherche TIC Technologies de l’Information et de la Communication TICE Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation TP Travaux Pratiques

3

Le groupe de travail a rassemblé des représentants de l’ESPE de l’académie de Poitiers, du Rectorat de l’académie de Poitiers, de l’Université de Poitiers, de l’Université de La Rochelle, du CNED et du CNDP. Il a tenu 7 réunions, d’octobre 2013 à janvier 2014. Membres du groupe de travail Coordonnateur : Bernard CORNU, Professeur des Universités, représentant le CNED Membres : Eric BARJOLLE, IA-IPR de Lettres, CARDIE de l'académie de Poitiers Michel BONDAZ, Formateur TICE, ESPE de l’académie de Poitiers Sébastien BRUNET, Directeur de l’ingénierie de la documentation, de la formation et du patrimoine - CANOPÉ Franck CHARNEAU, Directeur adjoint de la cellule @ctice, Université de La Rochelle Sylvie CHARPENTIER, Inspectrice de l'Éducation nationale de la circonscription de Saintes Frank FAUQUEMBERGUE, Directeur, Réseau CANOPÉ – Académie de Poitiers Isabelle DUMEZ FÉROC, Maître de Conférences, Laboratoire TECHNE et ESPE de l’académie de Poitiers, Université de Poitiers Isabelle GUÉRINEAU, correspondante Informatique et Libertés, Université de Poitiers Yvan HOCHET, Responsable de la section éducation et formation, Service Commun de la Documentation de l'Université de Poitiers Olivier LASSAGNE, Formateur TICE, ESPE de l’académie de Poitiers Elise LEVANNIER, Professeur documentaliste, responsable de la médiathèque du site de Poitiers, ESPE de l’académie de Poitiers Matar MBAYE, Directeur des Formations et Services, CNED Stéphanie NETTO, Maître de conférences en Sciences de l'éducation, Laboratoire TECHNE et ESPE de l’académie de Poitiers, Université de Poitiers Christophe QUINTARD, Directeur des Systèmes d’Information, Université de Poitiers Sylvaine ROI, Directrice des concours et du monde enseignant, CNED Thierry ROY, Enseignant et Formateur TICE à l'ESPE de l’académie de Poitiers

4

Introduction

L’ESPE de l’académie de Poitiers a fait du numérique l’un des enjeux majeurs de son projet. Dans une société transformée par le numérique, l’école doit prendre pleinement en compte les changements profonds induits par le numérique, pour donner aux élèves toutes les connaissances et toutes les compétences nécessaires pour être citoyens et acteurs de la société numérique. Il faut pour cela que les enseignants soient eux-mêmes formés à toutes les dimensions du numérique dans l’éducation, tant lors de leur formation initiale que tout au long de leur carrière. Clairement, l’enjeu n’est pas d’abord technologique : il est essentiellement pédagogique. Il ne s’agit pas d’ajouter de la technologie aux dispositifs existants, ni même de « numériser » ces dispositifs, mais bien de laisser l’ESPE s’imprégner et se transformer sous l’effet du numérique, comme c’est le cas de la société elle-même. La « stratégie numérique » de l’ESPE ne se réduit pas à sa stratégie informatique. C’est ainsi que l’ESPE sera en mesure de former les enseignants de demain, de les préparer aux métiers d’enseignant et de l’éducation tels qu’ils sont appelés à évoluer. L’ESPE se dote d’un plan ambitieux d’intégration du numérique dans la formation des enseignants, s’appuyant principalement sur la formation au numérique et la formation par le numérique. Ce rapport en montre les différentes composantes : Une culture numérique qui imprègne l’ESPE toute entière, une prise en compte de ce qu’est le métier d’enseignant à l’ère du numérique et de ses évolutions, une formation au numérique dans ses diverses dimensions, une formation qui s’articule avec les disciplines et la didactique des disciplines, une formation hybride intégrant des temps de formation par le numérique, une formation incluant la distance et le « e-Learning », une solide formation de tous les formateurs de l’ESPE, une forte articulation avec la recherche, spécialement dans le domaine du numérique et, pour que tout cela soit possible, un « écosystème » performant tant en termes d’infrastructures et d‘équipements que de ressources et de services. Mais aussi une organisation et une gouvernance sachant s’adapter aux exigences nouvelles. On trouvera en annexe le détail des contributions possibles des partenaires de l’ESPE que sont le CNED, le réseau CANOPÉ et le SCD (Service Commun de la Documentation) de l’Université de Poitiers. Ce rapport propose à la fois une réflexion et des éléments pour une stratégie de développement le numérique à l’ESPE. Mais il ne s’est pas donné pour objectif de proposer un plan d’action ni des dispositifs concrets. Ce travail reste à faire, au sein de l’ESPE, dans son organisation, dans sa vie quotidienne, dans ses maquettes de formation, dans la formation de ses personnels…

5

1. Une culture numérique

Un "état d'esprit" qui, au delà des technologies, doit imprégner l’ESPE toute entière pour apprendre, pour enseigner, pour former et se former, pour se cultiver, pour créer. La « culture numérique » est un fait sociétal : une évolution de notre culture sous l’effet de la massification des usages du numérique. Le terme « culture numérique » peut se comprendre comme « culture à l’ère du numérique ». Dans l’expression « culture numérique », le numérique doit être considéré comme un moyen, spécifique et de plus en plus prégnant dans notre société, mis en œuvre par l’homme, « pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit » (pour reprendre la définition du mot « culture » par le dictionnaire TLF). C’est pourquoi la culture numérique ne peut pas être réduite à la culture d’une génération donnée (celle des natifs numériques, par exemple). Elle doit être comprise, en tant que fait social total, davantage comme une culture à l’ère du numérique que comme une culture du numérique. En cela, elle n’est pas seulement un objet d’étude mais un état d’esprit. Cette culture, si on cherche à la distinguer de la culture dite classique, serait moins élitiste et hiérarchique, davantage horizontale, co-construite, fédératrice, générative, élargie, ouverte, pluridisciplinaire et interculturelle. Certains avancent l’idée d’humanités numériques. Sa définition exige de combiner plusieurs dimensions, qui sont au moins, nous semble-t-il, au nombre de trois. Elle comporte, tout d’abord, une compréhension des enjeux liés au numérique (qu’ils soient d’ordre politique, socio-économique ou juridique notamment). Elle exige, parallèlement, une certaine maîtrise des technologies en jeu (ce qu’on appelle parfois « compétences numériques », au sens étroit de l’expression). Elle se traduit, enfin, par des usages du numérique qui permettent de se cultiver et de construire, de façon nouvelle, de nouveaux savoirs voire de développer des pratiques à visée créative (savoir chercher, certes, mais également savoir reconstruire, designer et créer). En d’autres mots, entrer dans une culture numérique, s’acculturer à l’ère du numérique, c’est tout à la fois connaître les technologies numériques, les situer en termes d’enjeux politiques, socio-économiques et juridiques (nouvelle citoyenneté, développement d’une culture du libre ou encore pratique du hacking), en faire usage pour se cultiver (nouvelles façons de construire les savoirs, intégrant sérendipité, validation de l’information et conflits des savoirs, articulant lecture exploratoire et lecture en profondeur, déplaçant le savoir sur le terrain du processus plus que du résultat, du côté du collectif plus que de l’individuel) et pour créer (nouvelles formes d’imaginaires). La culture numérique est donc plus large que la simple maîtrise des technologies de l’information et de la communication et plus large que ce qu’on nomme culture de l’information. Elle engage, au-delà de cette maîtrise et en complément de ces deux premières facettes, à emprunter les chemins de la coopération et de la créativité tout en réfléchissant aux déplacements opérés en termes politiques et socio-économiques.

6

Pour l’ESPE, comme école, la culture numérique ne peut pas être un simple élément isolé dans une maquette, elle doit avant tout être une des dimensions structurantes de son projet ou, pour le dire autrement, un état d’esprit. Pour que ce soit le cas, il semble nécessaire de créer les conditions d’un débat et d’un dialogue ainsi que de nourrir la réflexion de chacun des acteurs de la formation (avec mise en partage de savoirs et de concepts permettant de mettre les propositions en perspective). Cet état d’esprit se traduira par la définition d’une politique et l’écriture d’un cahier des charges débouchant sur des choix stratégiques en termes de services, d’outils et de ressources numériques, le tout construisant progressivement un écosystème de formation et d’auto-formation qui place en son cœur un environnement numérique d’apprentissage. Cela pourrait aller jusqu’à l’articulation d’un lieu physique (dont l’espace serait pensé pour en faire, dans son ensemble, un LTC – Learning-Training-Center, dont les Ateliers CANOPÉ sont un exemple concret) et d’un espace numérique, qui en soit comme le prolongement nécessaire (mettant le numérique au service de l’alternance, notamment par le biais d’un accompagnement hybride et une mise en relation de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette formation à caractère professionnel). L’acculturation numérique concerne tous les formateurs1 intervenant auprès des futurs enseignants : enseignants-chercheurs, formateurs du second degré et formateurs du premier degré, inspecteurs, etc. Elle nécessitera la mise en place d’un plan de formation de formateurs défini à partir des besoins ayant émergé lors des débats et en lien avec les choix opérés, le tout en phase avec le projet de l’Université qui met l’accent tout autant sur la culture que sur le numérique, c’est-à-dire en phase avec l’Université conçue comme lieu de culture ayant placé le numérique au cœur de son projet. Ce sont les stratégies et les pratiques de chacune des équipes de formateurs et de chacun des formateurs qui donneront vie, au final, à cet état d’esprit et construiront, pour les étudiants, futurs professeurs et professionnels de l’éducation, les bases d’une culture numérique. Les modalités de formation, de suivi et d’évaluation, en phase avec l’écosystème retenu, pourront ainsi favoriser, dans le cadre de projets collectifs, des dynamiques de coopération voire de création, prenant appui, sans s’y limiter, sur les fondements d’une culture de l’information et de la communication – ces projets gagnant à être évalués par le biais d’un livret de compétences professionnelles, s’articulant éventuellement à des portfolios. Cela pourra être complété par des services numériques visant à enrichir l’articulation entre formation théorique et formation pratique, entre stages sur le terrain et formations à l’ESPE. Parallèlement, les formateurs amèneront leurs étudiants à réfléchir aux modalités de leur formation, à prendre la mesure de l’impact de la culture numérique sur leur identité professionnelle et leurs gestes professionnels (autorité, espace-temps des apprentissages, etc.) ainsi qu’à imaginer le transfert et les transpositions possibles de ces modalités de formation dans leurs propres pratiques professionnelles. Ces éléments de culture numérique seront d’autant plus facilement transposables dans un cadre professionnel que les futurs enseignants en auront fait eux-mêmes l’expérience dans le cadre de leur formation. Ils pourront ainsi s’inscrire dans des dynamiques 1 Dans tout ce document, le terme « formateur » inclut toutes les catégories de personnels enseignants intervenant dans la formation des enseignants : enseignants-chercheurs, enseignants du second degré, enseignants du premier degré, « maîtres-formateurs », inspecteurs intervenant dans la formation, etc.

7

d’échange, de mutualisation et de collaboration avec leurs propres collègues (équipes pédagogiques et éducatives) dans le cadre de projets disciplinaires ou interdisciplinaires, d’enseignements partagés (comme celui d’histoire des arts) ou d’éducations transversales (à la santé, à la citoyenneté, au développement durable), y compris lorsque ces projets prennent une dimension inter-cycles, inter-degrés, inter-établissements ou s’ouvrent sur l’enseignement supérieur. Ils pourront contribuer à construire la communauté éducative en intégrant les parents d’élèves à leurs stratégies. Ils pourront, enfin, concevoir des dispositifs d’apprentissage renouvelés, prenant en compte la diversité des élèves et les engageant eux-mêmes dans des logiques impliquant échanges, coopération et création, dans le cadre d’un usage responsable et critique du numérique (services, outils, ressources).

8

2. Le métier d’enseignant à l’ère numérique

Les savoirs et les pédagogies évoluent sous l’effet du numérique. Former aujourd’hui les enseignants de demain, les préparer à un métier qui change. Poser la question du métier d’enseignant à l’ère du numérique implique naturellement d’imaginer les évolutions des postures et des pratiques professionnelles générées par le numérique. La limite de l’exercice réside dans les contraintes institutionnelles des statuts, des missions et des programmes. Il ne s’agit donc pas de définir l’enseignant de demain mais d’indiquer les pistes d’évolution que les enseignants d’aujourd’hui peuvent parcourir. Ces nouveaux chemins ont pour intérêt de révéler quelle formation initiale et tout au long de la vie serait nécessaire pour les accompagner efficacement dans ces évolutions. L’enseignant à l’ère du numérique est à distinguer de celui bloqué à l’ère de la numérisation. On ne peut en effet pas considérer que l’usage d’outils et de documents numériques dans une pratique pédagogique majoritairement expositive et frontale constitue une condition suffisante pour s’inscrire définitivement dans l’ère du numérique. Il ne s’agit que d’une condition nécessaire pour partie. Le numérique repose en effet sur la reconnaissance de l’existence d’une culture propre (cf. partie 1.) et comme fait social total il suppose un vrai bouleversement de nos manières d’enseigner. Quels peuvent être les repères de ce processus ? Le numérique impose une nouvelle relation au savoir. Aujourd’hui chacun a accès sans effort à une information surabondante et ouverte. L’enseignant, plus particulièrement dans le second degré, n’est donc plus le seul vecteur de cette information. Sa posture professionnelle n’est plus seulement celle d’un transmetteur mais davantage celle d’un catalyseur proposant la recherche, le tri et la validation des informations, puis leur intériorisation avant qu’elles ne produisent cette plus-value qui est « connaissance extériorisée », dirigée vers une action, une résolution de problème, connaissance orientée vers les autres, transmissible à nouveau. Ceci suppose que l’ensemble des pratiques pédagogiques prennent en compte l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) car les compétences informationnelles de recherche, d’analyse et de critique de l’information deviennent alors fondamentales et ne sauraient être du seul ressort de l’enseignant documentaliste, même si la place de ce dernier dans l’organisation des apprentissages en sort fortement renforcée. Cette évolution ne fait pas disparaître les moments de transmission frontale : elle les réorganise dans et hors la classe (pédagogie inversée, MOOCs…) et les rééquilibre avec d’autres temps d’apprentissage appelés à se développer. On peut logiquement penser que le travail des élèves en dehors de la classe (ce qui ne signifie pas nécessairement en dehors de l’établissement) est ainsi amené à évoluer comme celui de l’enseignant qui pourrait ajouter à ses compétences multiples celle, plus nouvelle, de tuteur à distance ou en ligne. La relation à l’information et au savoir évolue avec le numérique. Elle suggère de limiter la pédagogie expositive pour laisser davantage place à l’activité des apprenants dans une perspective socio-constructiviste. Les pédagogies numériques devraient être actives

9

par essence et permettre à l’élève de co-construire ses connaissances et ses compétences avec les autres et avec l’enseignant. Dans ce sens l’organisation de la classe dans une dimension coopérative voire collaborative est essentielle. On lit souvent que le numérique isole et renforce un individualisme dans lequel la dimension collective, constitutive de toute éducation qui est aussi transmission d’un héritage d’une génération à la suivante, est dissoute. Le collectif, en réalité, retrouve sa place au travers du travail collaboratif. Celui-ci suppose aussi de voir évoluer les pratiques d’évaluation pour passer de la « compétition » à de nouvelles formes d’évaluation, par exemple l’évaluation en groupe ou l’évaluation par les pairs. Dans le cadre de cette mise en activité des élèves, les moments de débats et d’échanges d’idées ainsi que « l’approvisionnement par les pairs » (cf. la notion de « Crowdsourcing » - approvisionnement par les foules) participent de la construction du nécessaire sens critique face à la profusion des informations et intègrent l’importance donnée par les natifs numériques à la confiance internalisée (confiance envers les pairs et le groupe, par opposition à la confiance externalisée, envers les institutions, qui décroit suite à la remise en question des institutions, des politiques…). La dimension sociale de l’enseignement à l’ère du numérique devrait être valorisée. Le partage, l’échange ou la mutualisation deviennent essentiels. Ils induisent une évolution des relations au sein de la classe entre le maître et l’élève et entre les élèves entre eux. Ceci interroge la relation d’autorité, qui n’est plus fondée uniquement sur la maîtrise du savoir et sur la différence générationnelle, mais qui se complète d’une altérité bienveillante née d’une posture d’accompagnement. Elle appelle aussi une nouvelle relation avec les familles. S’il est nécessaire de réfléchir aux écueils de l’immédiateté et de la communication sans interruption entre les enseignants et les parents, les outils numériques déjà en place (ENT, cahiers de textes en ligne, gestion des notes…) rapprochent école et famille au bénéfice, si les rôles de chacun sont bien posés, d’un meilleur suivi des élèves et finalement d’une co-éducation positive et apaisée. La dimension sociale du web 2.0 peut aussi modifier le travail de l’enseignant en dehors du temps avec les élèves. Les outils de mutualisation, les plateformes en ligne, le prochain réseau professionnel des enseignants (ViaEduc) offrent des possibilités de partage jamais proposées jusqu’ici. Elles permettent, là encore, la co-construction avec les pairs de cours et de situations d’apprentissage efficaces, l’échange en direct, favorisant l’émergence d’une organisation apprenante. Si le numérique peut refonder le groupe autour d’un projet collectif dans et hors la classe, qui est tout autant pédagogique que citoyen, il permet aussi davantage de différenciation si l’on prend la peine de redéfinir les temps et les espaces d’apprentissage. À l’ère du numérique, l’individu n’est plus dissous dans un projet collectif supporté par les disciplines d’enseignement et centré sur le maître. Il n’est pas davantage le « seul maître du château » irréductible à un projet qui le transcende. Le numérique, au contraire, favorise l’émergence de l’intelligence collective, rempart aux dérives individualistes et au « homeschooling »… Il y a donc à penser ce qui relève des apprentissages individuels et ce qui appartient aux apprentissages collectifs. Bien évidemment, cette distinction reste un peu artificielle et l’équilibre entre les deux varie notamment selon l’âge des élèves, cette courte fiche ne permettant pas la palette des nuances qui seraient nécessaires ici. Il faut aussi rappeler qu’au sein des apprentissages la « stratégie littéraire », fixée, cristallisée, profonde, lente,

10

linéaire et synthétique ne s’oppose pas à la « stratégie numérique », fluide, rapide, multitâche, catégorielle et procédant par raisonnement continu. Elles se complètent ainsi que nous l’indiquent les spécialistes de la psychologie du développement de l’enfant et de l’éducation. L’enseignant à l’ère du numérique c’est aussi celui qui laisse éclore et se développer la créativité des élèves. La production personnelle ou collective est une composante essentielle. Elle trouve de nouveaux moyens et de nouveaux espaces grâce aux technologies numériques, mais elle est aussi le moyen par lequel l’enseignant, qui n’est pas le seul transmetteur, vérifie que les informations ont été intégrées et transformées en connaissances et en compétences, le moyen par lequel il est possible de voir ce que l’élève a appris par lui-même et de ses pairs. Le travail en classe n’est donc plus la photocopie scripturale de ce que le maître prononce mais l’expression de ce que l’élève en a fait. Enfin, le métier d’enseignant ne peut se comprendre que dans le contexte dans lequel il s’exerce principalement : celui de l’établissement scolaire. L’acculturation numérique concerne aussi l’établissement scolaire, bien évidemment. Dans la formation des enseignants, l’établissement scolaire tient une place essentielle, particulièrement comme lieu de l’alternance. Ce lieu, cette alternance, doivent aussi intégrer les usages du numérique. Enseigner à l’ère du numérique ce n’est pas simplement maîtriser les outils, c’est afficher avec force la place centrale de l’élève et donc de la pédagogie.

11

3. Former au numérique (à l’ESPE et en L3) Les étudiants d’aujourd’hui voient l’ESPE comme le lieu de leur formation. Le numérique doit leur faire prendre conscience que l’espace de l’ESPE est beaucoup plus vaste et qu’il inclut de multiples partenaires qui les accompagneront dans leur vie professionnelle. L’évolution du métier d’enseignant et la prégnance du numérique imposent d’utiliser largement et à bon escient le numérique dans la didactique des disciplines. Parallèlement, les usages du numérique dépassent largement le cadre des disciplines et conduisent à considérer une formation plus transversale, tout au long de la vie. Ces formations nécessitent des évolutions en termes de services numériques, d’infrastructures et de formations des personnels pédagogiques et administratifs. Le numérique dans la didactique des disciplines (voir également la partie 4 du rapport) Dans les enseignements délivrés à l’ESPE, la place du numérique dans la didactique des disciplines apparaît peu visible et intégrée de façon inégale dans les enseignements disciplinaires. Pourtant les usages des TICE devraient prendre part pleinement à l’enseignement didactique des disciplines puisque des heures ont été transférées pour ce faire lors de l’élaboration de maquettes précédentes. Il conviendrait de définir des objectifs ou des volumes horaires avec des applications didactiques et des mises en place de séances avec le numérique. Des actions de formation continue seront nécessaires, par exemple : - une formation visant la certification C2i niveau 1 et C2i niveau 2 spécialité Enseignement (C2i2e) pour tous les formateurs de l’ESPE, - une formation continue ciblée en lien avec les besoins des équipes de formateurs et avec la veille techno-pédagogique réalisée par les enseignants et enseignants-chercheurs, - la prise en compte des expériences variées des praticiens pour construire des ateliers d’échanges thématiques, - une intégration du concept de mobilité et de la diversité des terminaux dans une classe et à l’extérieur (Bring Your Own Device), - appréhender le numérique comme sujet d’étude en sciences de l’éducation, en sciences de l’information et de la communication (SIC) avec les écrits longs ou TER (travail d’étude et de recherche), - pour les professeurs documentalistes : une prise en compte de la pédagogie documentaire dans leur enseignement disciplinaire et pour les CPE, prise en compte du nouveau référentiel de compétences, avec des tâches de prévention et de formation sur les usages des réseaux sociaux par exemple. Le numérique dans la formation transversale : le C2i2e, en deçà et au-delà Il apparaît nécessaire de dissocier la maîtrise technique des outils numériques de l’approche pédagogique. Il pourrait donc être proposé que l’inscription au Master Enseignement Éducation & Formation soit conditionnée par la détention du C2i niveau 1 (obtenu en phase de pré-professionnalisation en Licence). L’équipe des formateurs TICE de l’ESPE se concentre avec les étudiants sur leur formation transversale. Les enseignants-documentalistes assurent une formation à l’éducation à l’information et à la pédagogie documentaire. Le contenu de cette formation transversale se base sur les compétences du C2i2e élargies à des notions nouvelles et en particulier aux

12

usages du multimédia. Un certificat (C2i2e) pourra être décerné (ou non) en fin de Master, à la demande d’étudiants ou de l’institution. La formation transversale devra être aussi uniforme et généralisée (PE, PLC, CE 1er et 2nd degré, tuteurs) que possible pour garantir cette culture commune. Le contenu des formations est donc commun aux premier et second degrés, aux modalités d’application près dans les établissements. La culture numérique sera abordée tout au long du cursus en croisant les approches (notamment historique, technique et sociologique), pour éclairer les évolutions dans les pratiques de classe. Les cours seront dispensés en présence et à distance, le suivi des étudiants sera assuré grâce à l’usage de plateformes à distance. En ce sens, la formation sera modulable et facile à actualiser. Les modules de cours devront être accessibles quel que soit le terminal de l’utilisateur (ordinateurs, tablettes, smartphones,...), une attention particulière sera portée à l’accessibilité des modules aux étudiants présentant un handicap. Les enseignements seront synchronisés et le travail de préparation et d’animation permettra aux enseignants d’être « interchangeables » pour donner de la souplesse au dispositif de formation. Les modalités d’évaluation seront de type contrôle terminal en fin de Master 1 et en fin de Master 2, basé sur la validation de compétences professionnelles liées aux usages du numérique (en s’appuyant sur l’actuel C2i2e élargi). Toutefois, ce certificat ne saurait constituer un but en soi. La formation par et au numérique devrait être évaluée en tant que telle. Les modalités d’évaluation de l’université devront permettre ce type d’évaluation pour le Master. Des outils de suivi et d’évaluation en ligne sont requis. Des modules spécifiques seront prévus pour des étudiants souhaitant enseigner ailleurs et autrement qu’en EPLE. La culture numérique devenant un axe prioritaire de la formation MEEF, les crédits ECTS doivent être augmentés en conséquence. Les évaluations de visite devront également en faire partie. Proposition de contenus pour les enseignements : - Les fondamentaux :

o L’acquisition des concepts fondamentaux du numérique et de l’informatique,

o l’information et le savoir. o la maîtrise et la gestion de l’information, la mise en place d’une veille

institutionnelle et pédagogique, en particulier à partir des réseaux sociaux, o comprendre, organiser et évaluer l'information et la fiabilité des sources et

se constituer des références bibliographiques de qualité, - Enseigner et apprendre à l’ère numérique :

13

o les pédagogies numériques et l’usage du numérique en classe et avec les élèves, prendre en compte la dimension numérique dans la construction didactique des apprentissages,

o la communication et le travail collaboratif par le numérique, créer une dynamique d’échanges et de collaboration entre les élèves pour favoriser les apprentissages,

o les enseignements à distance et le « e-learning », les enseignements hybrides,

o les réseaux sociaux (en ce qu’ils transforment la manière d’apprendre), o la mobilité (en ce qu’elle transforme la manière d’apprendre), o introduire la différentiation pédagogique dans le cadre collectif du groupe

d’élèves et tirer le meilleur parti des ressources numériques pour la personnalisation et l’individualisation des apprentissages,

o les choix dans la façon d’utiliser de manière pertinente des démarches et des outils adaptés aux élèves à besoins éducatifs particuliers, en s’appuyant notamment sur les technologies de l’information et de la communication,

o aider les élèves à construire leur autonomie et à élaborer leur projet personnel et professionnel,

- Le métier d’enseignant et le numérique :

o les fonctions nouvelles (« ingénieur pédagogique », « tuteur à distance ou en ligne », « auteur numérique », formation à l'enseignement hybride et à la classe inversée, aux outils pour élaborer des granules d’enseignement, etc.),

o les outils de communication et les niveaux de langue adaptés à l’interlocuteur et au média,

o la connaissance des structures numériques des EPLE aujourd’hui, o le numérique dans la vie scolaire, o l’identification de ses besoins de formation pour être capable de s’engager

dans un processus de formation continue et d’autoformation, - Responsabilité, éthique, sécurité :

o la sensibilisation des élèves à un usage responsable du numérique : dispenser aux élèves les éléments d’une éducation aux médias et à l’information, favoriser l’émergence d’un recul critique à l’égard des usages des outils et services numériques ainsi que des informations qu’ils fournissent.

o la sécurité et le respect de la vie privée dans l’usage du numérique, contribuer à assurer la sécurité et la sûreté des élèves,

o le droit et l’éthique du numérique dans l’éducation, respecter et faire respecter les chartes d’usage des ressources et des espaces communs,

o le rôle et l’action des différents partenaires (parents d’élèves, autres services de l’État, collectivités territoriales, associations complémentaires de l’école, acteurs socio-économiques),

Il est souhaité qu’un espace de réflexion soit mis en place sur la place du numérique dans les pratiques enseignantes (PE / PLC), sur des outils du numérique ciblés, discours prescrit / représenté / constaté d’enseignants sur le numérique, lien numérique et pédagogie / numérique et innovation à partir du dispositif TER.

14

Modalités & besoins complémentaires Les modalités de formation devront permettre de prendre en compte l’apprentissage par le numérique. Il sera nécessaire de prévoir l’hybridation des formations avec des parties en ligne, synchrones et asynchrones, et mettre en œuvre l’apprentissage mobile (mobile learning). Nous devrons nous appuyer sur une infrastructure matérielle et une infrastructure de services (voir la partie 8 de ce rapport).

15

4. Le numérique, les disciplines et la didactique des disciplines

Le numérique fait évoluer les savoirs disciplinaires et l’enseignement des disciplines. Des pratiques diverses, à clarifier, à partager, dans une plus grande transversalité. Les rapports entre numérique et disciplines constituent une question importante, en partie distincte de celle des liens entre pédagogie et disciplines, qui constituent notamment le coeur de l’identité professionnelle des enseignants du second degré. En premier lieu, le numérique a contribué à faire évoluer les disciplines elles-mêmes, comme la géographie changée par les SIG (systèmes d’information géographique) ou les mathématiques devenues plus expérimentales. En second lieu, la production numérique directement ancrée dans les champs disciplinaires est importante, non seulement via les grands éditeurs scolaires (avec les manuels numériques) mais aussi par d’autres acteurs (des associations comme Sésamath) et par des enseignants convaincus qui développent des outils et des ressources hors circuit commercial, souvent plus innovants et plus souples que les solutions d’éditeurs. Or, c’est probablement dans les champs disciplinaires qu’il est le plus facile de montrer que le numérique ne s’ajoute pas à des pratiques enseignantes mais qu’il s’y intègre et les enrichit tout en contribuant à les déplacer ; ces produits numériques peuvent constituer d’ailleurs la première étape d’une appropriation professionnelle du numérique (le logiciel disciplinaire, plus aisé à maîtriser, avant l’ENT ou le TBI). Cette question du numérique disciplinaire renvoie en outre à la question, diversement traitée dans les ESPE, de l’équilibre entre formation transversale et disciplinaire en matière de TIC ; or, à l’IUFM de Poitiers devenu ESPE, une partie des horaires de formation transversale a été transférée aux enseignants disciplinaires pour une intégration des TICE dans leurs disciplines, avec des résultats inégaux et peu visibles. Mais les rapports entre numérique et disciplines sont aussi une question difficile à traiter. Le groupe de travail a eu du mal a obtenir des informations sur l’état des pratiques à l’ESPE. Il est vrai qu’une partie de la formation disciplinaire (dont l’éventuel usage des TICE) reste du domaine des UFR pour les Master Second degré. Même en cherchant à prendre un peu de recul, il est difficile d’avoir une vue globale et récente sur l’état des recherches en éducation sur le numérique dans la didactique des disciplines, compte tenu de leur diversité. De même, les textes officiels font très peu référence au numérique disciplinaire (voir notamment les programmes du CRPE et des CAPES externes). Il en va de même pour le C2i2e ou le référentiel officiel des compétences des enseignants. Seul le référentiel TIC de l’UNESCO évoque une formation à l’intégration du numérique en fonction des disciplines. Les programmes eux-mêmes sont peu loquaces sur le numérique, sauf dans leur préambule et leurs marges ou dans les domaines technologiques et professionnels. Paradoxalement, des champs disciplinaires sans programme comme la documentation se sont massivement emparés du numérique. La question se complique quand on sait qu’une même ressource numérique peut être appréhendée de manière très différente selon les disciplines : ainsi, YouTube peut être utilisé comme ressource de formation directe (un tutoriel en ligne), comme banque de formes d’expression à analyser, comme entraînement

16

à la compréhension d’une langue… L’appropriation pédagogique d’outils généraux (bureautique, réseaux sociaux, jeux…) est aussi un vecteur de pratique disciplinaire renouvelée et peut constituer une porte d’entrée pour inciter à utiliser le numérique. Il n’est pas non plus aisé de trancher pour déterminer si le numérique disciplinaire est plutôt un facteur de repli (en raison de la spécificité des ressources par discipline) ou plutôt un facteur de rapprochement interdisciplinaire (par l’utilisation d’outils communs ou proches). On retrouve ici la question de l’existence d’une « pédagogique numérique ». À l’instar de la pédagogie, il semblerait qu’il n’y ait pas de didactique spécifique au numérique dans les disciplines : si le numérique est utilisé, c’est dans une approche pédagogique ou didactique (le référentiel des compétences des enseignants l’atteste). On peut ainsi difficilement penser le numérique disciplinaire sans réflexion épistémologique sur les sciences de référence et sans lien avec les théories et modèles d’apprentissage. Comme de nombreuses études l’attestent, la plus grande partie des usages scolaires des technologies numériques relève encore de l’instrumentation numérique de pratiques pédagogiques et didactiques préexistantes. Si, comme pour la pédagogie, le numérique ne bouleverse pas la didactique des disciplines, il constitue en revanche un levier fondamental d’évolution et de progrès dans les domaines de la personnalisation, de l’autonomie (notamment dans l’évaluation), de la continuité école - temps personnel, de la diversité et de l’accessibilité des contenus, de la simulation, de la communication, du travail collaboratif et du partage. L’usage de certaines ressources dans un champ disciplinaire peut même faire travailler des compétences inédites : ainsi en français, sur le lexique en particulier, le numérique a changé radicalement à la fois l'accès aux données et surtout le questionnement lui-même (un dictionnaire numérique pour enfants comme le Robert Junior permet des recherches auxquelles on n'avait tout simplement pas accès avant les années 1990). Même le champ de la documentation, très renouvelé par les TIC, construit sa réflexion didactique avec l’usage de concepts généraux non spécifiques au numérique. Cependant, le numérique ne se limite pas à transposer les ressources existantes : il les renouvelle. Mais l'impact du numérique en matière de rénovation de la pédagogie tient essentiellement à la posture et aux choix pédagogiques des enseignants qui l'utilisent. Il en est de même entre pratiques numériques privées, pratiques numériques de préparation, pratiques d’exposition en classe, pratiques avec les élèves (voire pratiques des élèves). À partir de ces constats, le groupe suggère quelques propositions. En termes de pilotage, il est indispensable d’obtenir une vision claire des formations disciplinaires de l’ESPE dans le domaine du numérique (par des journées de réflexion des équipes de formateurs dès le début de l’année 2014-2015 ? En proposant un coordinateur numérique par discipline ?). Le but est de coordonner les formations (autour de grands axes communs ?), tout en considérant que le numérique est transversal ET disciplinaire, qu’il relève du pédagogique ET du didactique. Il serait peut être opportun de dissocier le numérique des dimensions d’« expérimentation » et d’« innovation » afin de sécuriser l’entrée dans le métier des nouveaux enseignants. En termes de ressources, il serait utile de proposer des solutions de veille disciplinaire dans le domaine du numérique, à la fois pour les formateurs, les étudiants mais aussi les enseignants en poste, en l’orientant davantage vers la curation que vers un flux important de nouveautés. Cette information doit aussi porter sur la connaissance des retours d’expérience dans l’usage en classe du numérique. L’accès aux ressources doit aussi concerner les outils numériques disciplinaires eux-mêmes, notamment des manuels numériques, en les mettant à disposition de manière

17

simple pour les formateurs et les étudiants. L’ESPE doit aussi être le lieu offrant les possibilités d’accéder et de tester des ressources disciplinaires numériques, si possible à travers un portail unique. Cela suppose donc des capacités d’archivage et de signalement. Il serait également intéressant de pouvoir emprunter durablement du matériel numérique pour sa classe (ou pour une appropriation personnelle). Enfin, en termes de formation, qui là aussi devrait s’appuyer sur une mesure du niveau réel des étudiants en début de formation, il faudrait faire en sorte que la formation disciplinaire s’effectue également par le numérique. Les démarches à privilégier ne sont pas neutres : ainsi, s’il est important d’encourager les étudiants à tester les ressources numériques disciplinaires, il peut être formateur de les faire co-construire du savoir sur le sujet (par un travail collaboratif ?). De même, former le futur enseignant du premier et du second degré à mener des séances de recherche documentaire avec (ou sans) l’enseignant-documentaliste est une démarche qui s’inscrit pleinement dans le C2i2e et la future formation des élèves. Il convient donc d’éviter à la fois un “saupoudrage” des formations TIC dans les disciplines (il faut du temps pour apprivoiser les outils et ressources) et une formation seulement orientée “outil”. Il faut réussir à articuler la formation locale et celle de dispositifs tels que M@agistere. Toujours pour accompagner ces nouvelles pratiques, il semble nécessaire de penser l’accompagnement des étudiants (voire des néo-titulaires) sur le terrain. Là comme ailleurs, cela suppose une formation des enseignants disciplinaires de l’ESPE.

18

5. Former par le numérique, une condition de l’intégration

Former au numérique n’est pas suffisant, il faut mettre en pratique dans l’ESPE les modalités d’enseignement par le numérique que les futurs enseignants pourront ensuite intégrer dans leur pratique professionnelle. Il faut, à l’ESPE, enseigner par le numérique et apprendre par le numérique. La manière dont sont formés les enseignants induit fortement leur futur comportement professionnel. Consciemment ou non, ils reproduiront les « gestes professionnels » auxquels ils auront été confrontés lors de leur formation. La formation des enseignants a donc un effet modélisant. Pour intégrer le numérique dans sa pratique professionnelle, le futur enseignant doit avoir lui-même vécu l’expérience « d’apprendre par le numérique ». Pour une bonne intégration dans l’ESPE, le numérique doit être vécu dans le discours et dans les actes de tous les acteurs composant l’ESPE. Cette imprégnation du numérique s’illustre en particulier dans la capacité de l’ESPE à pouvoir former par le numérique. Celle-ci doit trouver son expression dans les enseignements dispensés aux étudiants. Il ne s’agit ni d’une discipline supplémentaire ni d’assimiler le numérique à un nouveau courant pédagogique qui serait apparu avec le développement des « nouvelles technologies », souvent appelées TICE, aujourd’hui communément intitulé numérique éducatif. Former par le numérique correspond davantage à un enrichissement et un déplacement des pratiques enseignantes usuelles pour concevoir leurs enseignements, pour conduire leurs séquences de classe et pour évaluer les apprentissages. Les enseignants, formateurs, documentalistes mais aussi les personnels techniques et d’encadrement doivent donner l’occasion aux étudiants de se confronter à une diversité de situations d’apprentissage dans la perspective du master et du concours mais aussi dans une dimension réflexive et critique sur leur futur métier d’enseignant et ce, quelle que soit la discipline. Nous donnons ci-dessous un éventail de ces situations : - apprendre avec autrui ; - co-construire des ressources pédagogiques en utilisant des pratiques pédagogiques centrées utilisateur ; - collaborer avec des interfaces multimodales interactives et distantielles ; - identifier et sélectionner des ressources grâce à des méthodologies et des outils de recherche appropriés, premier niveau d’une littéracie indispensable à leur futur métier d’enseignant et d’une éducation à l’information numérique ; - développer l’apprentissage informel (via par exemple les MOOCs, les tutoriels en ligne) en s’interrogeant sur le rôle de l’ESPE comme lien entre apprentissage formel et informel ; - faciliter le questionnement sur les usages et sur les besoins des utilisateurs en offrant l’accès à des espaces d’apprentissages adaptés (Learning Training Center). D’autres éléments sont possibles : - hybridation

19

- pédagogie inversée. C’est à l’ESPE d’imaginer, dans son organisation des formations, dans son ingénierie et dans ses maquettes de formation, les différentes modalités de formation par le numérique. Elles ne se limitent pas aux savoirs et compétences du numérique, mais doivent trouver leur place dans chaque discipline, dans chaque composante de la formation. L’établissement scolaire, lieu de stage et lieu d’alternance, offre aussi un contexte favorable au développement d’une formation par le numérique. Outre qu’il permet à l’étudiant de pratiquer le numérique tel qu’il existe sur le terrain, l’établissement donne l’occasion au numérique d’enrichir les périodes de stage et d’alternance, grâce aux technologies qui permettent le travail collaboratif à distance entre le terrain et le centre de formation. Réseaux sociaux, outils collaboratifs, outils mobiles, etc., offrent des moyens innovants d’enrichir l’interaction entre théorie et pratique, entre formation à l’ESPE et formation sur le terrain. L’ESPE de Poitiers doit se donner les moyens de mettre en place cette formation par le numérique par une vision intégrée et décloisonnée des acteurs pédagogiques fonctionnant selon une véritable logique d’équipe pédagogique, intégrant les acteurs techniques et personnels d’encadrement. Les approches récentes centrées utilisateurs en innovation incitent aussi à questionner le rôle des étudiants dans les modalités de choix et de mise en œuvre des enseignements dispensés à l’ESPE. Par ailleurs, une ESPE qui forme par le numérique se doit d’envisager la manière dont elle gère, stocke, indexe et rend accessible la matière pédagogique brute et scénarisée utilisée et construite en son sein. Les compétences des équipes et leur actualisation permanente, développées dans la première partie de ce rapport, sont aussi un élément important d’une vision intégrée de la formation par le numérique dispensée à l’ESPE de l’académie de Poitiers.

20

6. Distance, mobilité, formations en ligne, hybrides, MOOCs

Apprendre à distance, enseigner à distance, se former en ligne, développer les formations hybrides : une nécessité pour tous les futurs enseignants et donc pour leurs formateurs. Pour beaucoup, les formations à l’ESPE se font selon les modalités standard de l'université : CM, TD, TP, le tout se faisant en présentiel. Une forte majorité d’enseignants déposent sur les plateformes les cours et autres ressources. Les étudiants sont de grands consommateurs de ces ressources qu'ils téléchargent sur leurs clés USB pour les relire sur leurs terminaux (pour ceux qui ne disposent pas de connexion dans leur logement). Les travaux attendus des étudiants sont institutionnellement rendus sous forme numérique sur l'ENT et sont corrigés par les enseignants. Les notes sont rendues au secrétariat qui les intègre au processus de validation. La formation à l’ESPE doit permettre aux futurs professionnels, enseignants ou autres, de continuer leur formation à distance et de travailler de manière collaborative. Il paraît donc essentiel de développer des formations hybrides. Par formation hybride, il faut comprendre une alternance entre des regroupements en présentiel, des moments de formation à distance et des travaux pratiques tutorés à distance, une articulation entre le travail encadré et le travail en autonomie accompagnée. Ces modes de formation à distance peuvent paraître artificiels puisque les étudiants sont réunis dans un même endroit, le réel besoin ne se fera sentir que lorsqu'ils seront dispersés sur le territoire en situation professionnelle. Mais dans leur formation, la distance n’a pas pour objet principal de pallier l’éloignement : elle est une composante en soi de toute formation qui intègre le numérique. La formation à distance peut prendre plusieurs formes : - visio-conférence simple où la communication est dans un seul sens ; conférencier vers auditeurs. - cours en ligne assisté à travers un outil spécialisé. L'université met à notre disposition un outil, « Adobe Connect » qui permet une interaction conférencier-auditeurs : chat privé ou public, distribution de la parole, partage de documents, groupes de TP... - vidéos de cours déposées sur la plateforme de formation ou disponibles sur l'Internet. Les moments de travaux pratiques tutorés deviennent les éléments les plus importants des formations ou les étudiants ont à s'approprier les connaissances pour réaliser des synthèses qui mobilisent les outils technologiques de communication. - suivi de parcours de formation (leçons au sens Moodle) qui mélangent des apports théoriques, des exercices, des évaluations. Le tout permettant à chacun de suivre un parcours différencié à son rythme.

Mais la formation hybride peut aussi se traduire d’autres manières : - cours inversés, durant lesquels les étudiants sont invités à consulter des conférences, des podcasts de cours afin d’alimenter le travail se déroulant en présentiel. - MOOC (en français CLOM: cours en ligne ouvert et massif) comme celui du C2i niveau 1 ou bien celui qui doit être lancé en avril 2014 sur le site de France Université Numérique (cours en ligne porté par les ENS de Cachan et Lyon) et qui est intitulé “Enseigner avec le numérique”.

21

La formation au C2i2e est la seule formation hybride de l'ESPE qui mêle formation en présentiel et formation à distance pour deux publics différents avec deux modalités différentes : les étudiants de l'ESPE qui ont des cours réguliers et les autres qui ont un seul regroupement en début de formation. Ceux qui n'ont qu'un regroupement ont leurs cours dispensés à distance par la suite. Pour ces deux publics le rendu et le suivi des travaux se fait à distance. Ces nouvelles modalités nous imposent de nouvelles pratiques. Les documents que nous déposions sur nos plateformes étaient présentés sous une forme imprimable comme les photocopies que nous donnions avant. L'économie de papier était au rendez-vous mais ces cours n’étaient pas conçus pour être lus à l'écran, ils servaient de complément au cours en présentiel. Ils doivent maintenant constituer un “tout” qui doit permettre une formation à distance en autonomie pour nos étudiants. Si l’ordinateur apparaît encore pour quelque temps comme étant le moyen le plus complet pour produire des ressources, la consultation de ces ressources est, quant à elle, fortement dirigée vers des terminaux mobiles. Ces cours et ces ressources doivent donc être accessibles sur tous les terminaux dont disposent les étudiants : ordinateurs fixes, tablettes et autres smartphones. Les étudiants doivent pouvoir travailler n’importe où, n’importe quand. Pour ce faire, des évolutions sont nécessaires : - toutes les ressources (cours, TP) doivent être compatibles avec un navigateur et ne plus dépendre de tel ou tel logiciel installé sur un terminal. Ils doivent aussi respecter tous les critères d’accessibilité légalement obligatoires. - les ressources doivent être scénarisées et indexées pour permettre un parcours ordonné ou non entre elles. - l’évaluation des enseignements doit intégrer le fait que les notes des travaux ne sont pas les seuls indicateurs de réussite. La prise en compte des compétences transversales du numérique doit pouvoir faire partie de l’arsenal évaluatif de l'ESPE dans le cadre juridique de l’université. Ces évolutions nécessaires du métier de formateur à l'ESPE vont apporter un besoin de formation continue pour tous les formateurs. Le service des enseignants prend en compte à l'université de Poitiers le temps consacré à la mise en ligne de ressources scénarisées pour les étudiants et surtout à leur suivi en ligne qui est très chronophage. Apprendre au 21ème siècle est un enjeu que les ESPE doivent prendre à bras-le-corps. Les nouvelles modalités de formation (hybrides, à distance, mobiles, collaboratives) doivent trouver leur place naturelle en formation, pour préparer au mieux les étudiants à leur futur métier. Les réseaux matérialiseront l'ESPE numérique avec sa multiplicité de partenaires impliqués pour le succès de nos étudiants. Enseigner au troisième millénaire ne peut se faire en ignorant les réseaux collaboratifs !

22

7. Former tous les formateurs pour le numérique

Former et accompagner tous les formateurs de l'ESPE est une condition de la réussite de l’intégration du numérique dans les formations des futurs enseignants L'intégration du numérique dans l'exercice du métier d'enseignant est affichée clairement dans la politique éducative des ministères de l’éducation nationale, et de l’enseignement supérieur et de la recherche. La mise en place de « France Université Numérique » (FUN) témoigne dans son « action 6 » de la volonté de former et accompagner les enseignants et les équipes pédagogiques à l’usage du numérique dans leurs pratiques pédagogiques. Cette entrée dans l'ère du numérique ne peut se faire sans une formation et un accompagnement des formateurs de l'ESPE aux technologies de l'information et de la communication, dans leurs pratiques pédagogiques, mais aussi, en reconnaissant leur investissement numérique dans la valorisation de leur carrière. Cette formation concerne tous les formateurs, quel que soit leur statut (enseignants-chercheurs, enseignants du premier ou du second degré, maîtres-formateurs, etc.) et quel que soit le domaine dans lequel ils interviennent dans la formation à l’ESPE. Cela implique de mettre en place les conditions d’une véritable ingénierie de formation des formateurs. Une ingénierie de formation des formateurs Une politique d’accompagnement des projets des formateurs et des équipes de formateurs permettrait d’ancrer les usages numériques. Une formation des formateurs, au sens classique, peut venir se greffer à la conduite des projets, comme autant de ressources pour les formateurs (par exemple, l’appel à projets pédagogiques du programme PARE pourrait être mobilisé pour l’accompagnement des enseignants de l’ESPE). Un plan de formation des formateurs devrait être élaboré au sein de l’ESPE. Ce plan doit : - être en phase avec le projet de l’établissement qui répond aux mutations des pratiques de l’enseignement, - analyser les demandes et les besoins de formation, - concevoir un vrai projet de formation, - définir des méthodes et des moyens, - coordonner, suivre et valider la formation, - élaborer un catalogue des formations, construit autour de l’ingénierie pédagogique (« de la conception à l'évaluation »). Il sera nécessaire de mettre en place une équipe référente de formateurs de formateurs pour : - mettre en œuvre le plan de formation des formateurs, - accueillir les projets et les demandes de formation des équipes disciplinaires ou interdisciplinaires,

23

- proposer des actions de formation et d'accompagnement à la carte (par exemple séances courtes d'une heure, mais aussi des modules de formation plus longs, de la découverte des outils à leur intégration dans sa pratique pédagogique), - proposer de l'accompagnement individualisé sur place ou à distance. Feed-back et échanges pour faire évoluer le plan de formation de formateurs - Des journées d’échange et de présentation de démarches pédagogiques innovantes pourront être mises en place. - Il conviendra de valoriser, communiquer et suivre le travail des enseignants impliqués dans ces innovations numériques. Vers la professionnalisation des enseignants Former et accompagner l’enseignant à la pédagogie au travers du numérique relève d’un choix de l’enseignant et ses compétences numériques doivent être professionnalisées (certification de compétences).

24

8. L’écosystème numérique au sein de l’ESPE

Les infrastructures, équipements, moyens, services, sont les conditions préalables à une bonne intégration du numérique. L’ESPE doit être pleinement intégrée dans l’écosystème numérique de l’Université. L'ESPE est, par nature, un élément de l’écosystème numérique de l’Université de Poitiers ; elle s’intègre à la politique numérique de l’Université de Poitiers, qui s’articule autour de 4 axes : - infrastructures fonctionnelles (telle l’infrastructure réseau renouvelée en janvier 2014 sous le nom de SPIN réseau2, et les projets menés dans le cadre de la communauté d’universités et d’établissements Limousin Poitou-Charentes3) ; - consolidation des systèmes d’information (SI) de l’établissement (recherche, formation, ressources humaines, administration et gestion); établissement d’un schéma directeur des SI ; - organisation humaine corrélée au déploiement des outils numériques ; - transformation des pratiques pédagogiques et mise en place des conditions éthiques du numérique. Cette politique est mise en œuvre par la DSI (direction des systèmes d’information) de l’Université de Poitiers. Elle s’attache d’ores et déjà à favoriser les synergies entre les composantes, mutualiser les ressources humaines et mettre en place des outils adaptés aux demandes exprimées. En ce sens, la DSI conduit actuellement une étude portant sur le choix de solutions de stockage/partage/édition en ligne de données et d’agenda, avec un double objectif : permettre la synchronisation des services avec n’importe quel appareil, et assurer la mise en conformité juridique du stockage des données, en faisant reposer celui-ci sur un système français ou européen, voire régional. Une alternative aux dépôts de données de type Dropbox ou Google Drive est une revendication forte du groupe de travail. De même, la capacité du réseau Wi-Fi apparait déterminante pour le développement des services envisagés. La DSI doit également répondre au besoin de fluidifier les échanges d’information et de documents afin d’effectuer les actes administratifs grâce au numérique. Elle offrira, à cet égard, la possibilité d’automatiser les flux de gestion des documents et les flux décisionnels. De cette façon, toutes les catégories de personnels seront associées au projet de formation « au et par le numérique ». Le choix des outils institutionnels de publication d’information et d’échanges en ligne, de type blogs, portfolios, classes virtuelles, web et visioconférences… s’effectuera en étroite concertation avec les usagers, pour satisfaire à leurs attentes ainsi qu’aux exigences de sécurité et de haute disponibilité. Enfin, la DSI apportera, dans le cadre du plan de formation continue de l’établissement, les 2 Services Partagés d'Infrastructures Numériques de Réseau, partagés par 17 établissements de la région ; 3 Déploiement d’équipements de podcast, indexation/référencement, projet d’archives ouvertes, carte multiservice, environnement numérique de travail

25

formations et le soutien nécessaires aux personnels. Elle appuiera ces formations sur les référentiels des C2i niveau 1 et niveau 2, spécialités « Enseignant » et « Fonctions d’organisation et de communication ». Cela sera une façon de renforcer la cohérence avec l’état d’esprit de culture numérique, et un moyen d’encourager les personnels à y adhérer et à améliorer leurs compétences. Au-delà de ces infrastructures, sont à prévoir les équipements pour mettre en place les services attendus. Une quantité suffisante d’équipements mobiles pour les formateurs et les étudiants de l'ESPE doit être acquise, visant ceux qui n’auraient pas d’équipement personnel, et ceux qui voudraient emprunter ces équipements pour s’entrainer à leur utilisation et se les approprier. Il est aussi indispensable d’envisager que les uns et les autres puissent utiliser leur équipement personnel, ce qui sous-entend l’intégration de matériels hétérogènes aux systèmes d’information de l’Université de Poitiers, et par conséquent, la fixation et le respect de règles strictes en matière de sécurité informatique. Une homogénéisation des configurations pour simplifier les accès aux équipements numériques dans n’importe quel lieu d’intervention et une aide à la gestion de salles équipées de postes fixes (avec des logiciels de type TKontrole ou iTALC) devraient être proposées. Une organisation spatiale adaptée pour les équipements mobiles (accès au réseau, alimentation électrique, mobilier de rangement des équipements et d’exploitation en classe…) est un autre élément-clé de la stratégie d’équipement. Par ailleurs, les partenaires locaux de l'ESPE (CNED, CANOPÉ, CANOPÉ de l’académie de Poitiers) proposent des apports en termes de ressources et services (réseau social professionnel pour les enseignants, Atelier CANOPÉ, dispositifs d’enseignement hybride du CNED…), et le développement de partenariats avec des éditeurs de ressources et d’outils numériques est une éventualité. Il faudra donc construire un portail d’authentifications multiples, reposant sur le service central d’authentification de l’Université de Poitiers pour les étudiants et formateurs de l'ESPE, et des mécanismes de fédération d’établissements pour fournir des connexions faciles et permanentes aux partenaires et usagers extérieurs. Les infrastructures et équipements sont le socle de toutes les activités liées au numérique, pour conduire à l’essor du travail collaboratif. Les services attendus ont vocation à : - assurer la continuité d’assistance pédagogique auprès des étudiants tout au long de l’année (365j/365, 24h/24) avec une haute qualité de service ; - renforcer la veille éducative et pédagogique sur les réseaux de l'ESPE ; effectuer une distribution sélective de l’information pour développer une cohésion de corps, en poussant de l’information ciblée, vers les usagers (1er, 2nd degré, disciplinaire,...), en trouvant les bons équilibres, pour éviter la surcharge d’informations ; - donner de la visibilité à la formation dispensée, de façon à coordonner les actions de terrain (tuteurs, inspecteurs) avec les cours de l'ESPE (disciplinaires et transversaux), en mettant des cours en libre accès et en engageant la réflexion sur ce sujet ;

26

- expérimenter des modalités d’enseignement et d’apprentissage, comme par exemple l’influence de l’organisation spatiale et temporelle sur les activités, en utilisant des salles et lieux aménagés ou aménageables de façon adéquate, avec du mobilier modulable, dans les différents sites de l'ESPE, et sur les sites des partenaires ; - répondre aux exigences d’accessibilité pour les personnes handicapées. Dans la perspective d’une meilleure intégration du numérique par les enseignants en situation de classe, l'ESPE devrait aussi travailler en relation avec les collectivités territoriales, et avoir un rôle de conseil pour les achats, et la mise en œuvre dans les classes, d’équipements numériques appropriés.

27

9. Recherche pour la formation, formation par la recherche

Dans le domaine du numérique, l’ESPE doit être un lieu de questionnement de la recherche, un terrain de recherche et un lieu d’application des recherches. Ainsi, la recherche nourrira et enrichira la formation et les futurs enseignants, en formation à l’ESPE, pourront bénéficier d’une « formation par la recherche » solide, efficace et innovante. La recherche est une composante essentielle de l’ESPE et des formations à l’ESPE. Le numérique n’y échappe pas ! L’ESPE de l’académie de Poitiers bénéficie pour cela d’un environnement riche, avec des laboratoires travaillant sur divers aspects du numérique dans l’éducation. Former les enseignants (du premier et du second degré) au numérique et plus largement les personnels d’éducation (comme les conseillers principaux d’éducation, les directeurs d’établissement, les superviseurs de l’Éducation nationale), ou encore les enseignants du Supérieur4, c’est leur permettre de prendre une distance nécessaire par rapport à la formation par le numérique et au numérique à l’ESPE. C’est aussi permettre aux futurs acteurs de la communauté éducative d’avoir une initiation à la recherche, d’aider à la conception de projets de recherche à l’échelle du territoire local, régional, national, européen et international (formation par la recherche), ce qui est une chance, une opportunité et une nécessité pour stimuler les controverses scientifiques autour des technologies éducatives (plus larges que celles rattachées au numérique). Dans le cadre de nos maquettes de formation auprès des enseignants, une initiation à la recherche en matière de numérique, d’éducation aux médias, de TIC en Education existe à travers l’élaboration d’un mémoire, actuellement intitulé « Travail d’Etude et de Recherche » (TER), du dispositif « Séminaires de recherche » et de l’UE « Recherche ». Toujours en termes d’existant, l’ESPE est aussi le lieu d’élaboration de projets de recherche, l’espace pour disposer d’une formation (spécialisation) autour du Serious Game (ESPE site de la Charente, prochainement rattachée à la mention PIF) et d’une affiliation au laboratoire (ou équipe d’accueil) TECHNE (EA-6316, TECHNnologies Numériques pour l’Éducation). Il nous faudrait davantage « creuser » cet existant durant ces prochaines années… Il serait bénéfique d’inventer des pistes de réflexions, d’expérimentations et de compréhension de ce large spectre pluridisciplinaire de théories, de modèles et d’objets autour des technologies en éducation. L’ensemble de ce rapport démontre bien les transformations souhaitables, les changements (en cours) mais également les légitimes réticences que tout un chacun peut avoir quand une technologie « entre » dans la classe, « entre » dans nos manières d’enseigner et tend à modifier nos manières d’apprendre. Sources d’enjeux pour le métier d’enseignant, le numérique est un champ de recherche 4 Former les enseignants du Supérieur (PR, MCF, doctorants contractuels, PAST, PRAG, vacataires…) constitue également l’une des missions de toutes les ESPE sur le territoire français. Cela se concrétise entre autre par des stages de formation continue à la pédagogie universitaire, et son lien avec des dispositifs et outils numériques disponibles ou en expérimentation à l’Université de Poitiers. Le projet de recherche IDEFI-PARE, les actions mises en oeuvre par le service I-Médias (TICE Déj’) et le service RH sont autant d’espaces qu’il faudrait multiplier et rendre compréhensibles pour permettre à cette communauté d’échanger sur leurs pratiques professionnelles, sur leurs expériences, sur les initiatives locales conçues en matière de numérique et l’ESPE, en matière de recherche, pourrait apporter sa contribution.

28

foisonnant où l’ESPE doit continuer à « s’engouffrer » pour éviter les pièges, les maladresses et les erreurs du passé en matières de politiques publiques (mars 1970, séminaire « L’enseignement de l’informatique à l’école secondaire ») à propos des TIC à l’école. Parce que ce champ impacte la pédagogie, les relations « enseignant-élèves », les manières de communiquer avec autrui, l’ESPE ne doit pas prendre pour acquis par exemple la dimension attractive (souvent associée aux tablettes tactiles) et mobile de l’objet alors que de réels défis questionnent sa présence à l’école, l’appropriation des savoirs et son usage quelquefois « familier » (cf. le concept de BYOD). Bien au contraire, il faut que l’ESPE soit l’un des espaces physiques et virtuels (formation à distance, formation hybride) où l’on puisse discuter, critiquer, comprendre, prouver et utiliser les technologies éducatives. Cela peut prendre diverses formes, comme la mise en place ou l’aide à l’élaboration sur site d’événements scientifiques : journées d’étude, conférences d’intervenants, colloques à l’ESPE… Nous pourrions penser que les futurs PE et PLC puissent s’y rendre, et même envisager qu’une offre de formations leur soit « dédiée » (pistes de collaboration avec la MSHS, accès à des conférences sur site via les laboratoires d’adossement à l’ESPE, etc.). Nous pourrions également penser la mise en place de colloques orientés « pratiques enseignantes » sur une thématique précise (comme : MOOC, tablettes, apprendre avec son smartphone, numérique et pédagogie, numérique au primaire/au secondaire, numérique dans les disciplines, ENT, manuels scolaires numériques, etc.). Les partenaires en présence dans le champ du numérique, à l’ESPE de l’académie de Poitiers, ne demandent autant que faire se peut qu’à coopérer et collaborer pour parvenir à former par la recherche les acteurs de la communauté éducative et à faire de la recherche un axe majeur hic et nunc... Reste désormais à la gouvernance de l’ESPE, à l’institution (de manière générale) de permettre la concrétisation de ces ambitions.

29

10. L’ESPE de Poitiers, ESPE numérique : gouvernance, pilotage L’ESPE toute entière doit se laisser transformer par le numérique, dans son organisation, dans sa gouvernance, dans ses métiers… Nous venons de parcourir un ensemble d’enjeux pour l’ESPE de Poitiers, de façon à ce qu’elle intègre véritablement et pleinement le numérique dans ses formations. Mais le numérique transforme aussi les organisations elles-mêmes. Pour que l’ESPE soit véritablement numérique, elle doit se laisser transformer par le numérique dans son organisation et son fonctionnement quotidien, dans sa gouvernance et son pilotage. Il s’agit de faire de l’ESPE une véritable « organisation apprenante », qui enrichit chaque jour son savoir et sa compétence. Cela prend des formes diverses et très concrètes dans l’organisation et le pilotage. Bien évidemment, une grande partie de la vie quotidienne de l’ESPE, de son administration, est déjà numérique, mais le renforcement et le développement de cette numérisation sont essentiels pour contribuer à une véritable ESPE numérique. Au-delà des services purement administratifs ou organisationnels, il faut aussi développer des outils numériques de collaboration, de partage, de co-créativité. Il faut que la vie quotidienne de l’ESPE prenne en compte la mobilité, les réseaux sociaux. Il faut que chaque étudiant et chaque membre du personnel ait un fort sentiment d’appartenance à une communauté numérique. La gouvernance de l’ESPE (l’équipe de direction, les différents responsables, les instances, etc.) devront adopter des modes de fonctionnement intégrant pleinement les possibilités offertes par le numérique, renforçant ainsi la participation de chacun, la collaboration, le partage de l’information, l’ouverture des données. De nouvelles formes de management apparaissent dans beaucoup d’organisations, l’ESPE se doit d’être créative et innovante à cet égard. L’ESPE peut aussi préparer les futurs enseignants à une « société numérique » en mettant en place sous des formes appropriées des lieux d’un type nouveau comme il en apparaît de plus en plus dans la société : « tiers-lieux », espaces de co-working, « fab-labs » ou autres lieux de créativité collective. De tels lieux peuvent revêtir une dimension éducative forte et contribuer à former les enseignants dont nous aurons demain besoin dans une société qui évolue. Une gouvernance intégrant le numérique, c’est aussi reconnaître les évolutions profondes des métiers de l’ESPE, l’apparition de tâches nouvelles, de modalités nouvelles de travail. Pour que l’ESPE soit véritablement numérique, il faut que la dimension numérique des différents métiers soit effectivement prise en compte. Ainsi, par exemple, le service des personnels enseignants doit être défini d’une manière qui intègre les activités et les tâches induites par le numérique. Cela induit nécessairement des transformations profondes dans les hiérarchies, les relations, le rapport entre les formateurs et les étudiants, le rapport entre les formateurs eux-mêmes. L’éducation est traditionnellement organisée d’une manière très hiérarchique. Mais apprendre aujourd’hui dans une société numérique nécessite des transversalités, la prise en compte de complexités, que ces hiérarchies freinent souvent. D’autres modes de relation entre les acteurs doivent être inventés. Le numérique en donne l’occasion et les moyens.

30

Annexe 1 Espaces, ressources et services

Cette annexe vise à préciser plus concrètement quelle contribution les partenaires de l’ESPE peuvent apporter à la formation au et par le numérique. Ces partenaires sont : - le SCD (Service Commun de la Documentation) de l’Université de Poitiers, qui gère au sein de la section Éducation et Formation les trois médiathèques de l’ESPE. - le CNED - le réseau CANOPÉ, et CANOPÉ de l’académie de Poitiers. 1. SCD et Réseau-CANOPÉ En termes d’espaces : - Le SCD accueille les usagers dans les trois médiathèques de Poitiers, Niort et Angoulême (environ 200 places) où il est possible d’avoir accès aux ordinateurs (connexion filaire) et au réseau WiFi. La médiathèque de Poitiers propose 5 salles de travail dédiées au travail de groupe. Une salle de travail plus particulièrement dédiée à l’éducation aux médias pourrait être équipée. L’équipement informatique pourrait être complété par des outils mobiles (dont les tablettes). - Le Réseau-CANOPÉ peut proposer l’accès à son « Atelier CANOPÉ » ou learning training center (LTC) sur le site de Chasseneuil-Futuroscope. Concrètement, c’est un espace destiné à accueillir les enseignants en formation initiale et continue. Un partenariat avec le réseau CANOPÉ permettra des activités dans l’atelier CANOPÉ, atelier dont le modèle a pour vocation d’essaimer. Cet espace de 530 m2, composé d’espaces physiques innovants offrant des technologies, des configurations de travail (salle de créativité, espace de co-working, salle de focus groups, classe numérique de demain, living lab) permet de « fertiliser » la créativité et les pratiques pédagogiques des futurs enseignants. Ce LTC est la “vitrine” des LTC qui sont déployés dans l’ensemble du réseau CANOPÉ. « La proximité de la création de ressources pédagogiques avec les enseignants,͒ les établissements scolaires, les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) est une des clés pour faire entrer l'école dans l'ère du numérique. Le réseau revisite son offre de services et sa relation avec la communauté éducative. Il transforme ses lieux de proximité en « ateliers CANOPÉ », des espaces de créativité, de collaboration, d'expérimentation et de formation, pour accompagner les nouvelles pratiques pédagogiques et particulièrement celles induites par le numérique ». Au delà des espaces, l’atelier CANOPÉ de Chasseneuil a trois caractéristiques très intéressantes pour tous les acteurs de l’ESPE de Poitou-Charentes : - une offre de services en matière de numérique éducatif, adaptée aux enseignants ; - des médiateurs numériques et documentaires présents compétents et à l’écoute ; - une possibilité d’utiliser des matériels disponibles en quantité suffisantes (tablettes, TBI, consoles de jeux, visioconférence, etc.).

31

Un atelier CANOPÉ est aussi mis en chantier sur le site de Poitiers conformément au cahier des charges du réseau. En termes de ressources : - Le SCD donne accès à des ressources numériques variées dans le champ de l’éducation (revues, eBooks, bases de données, mémoires et thèses, expositions virtuelles…), par divers outils (sites, catalogue, réseaux sociaux…), dans des espaces de travail équipés (places de travail individuel, salles de travail en groupe, en accès filaire ou en wifi). Le portail du SCD pourrait être le point d'accès unique aux ressources (indexées). Il convient de continuer à développer une offre de documentation numérique (eBooks d'éducation et de pédagogie, documentation didactique et manuels, services destinés directement aux élèves, veille éducative et disciplinaire sur les réseaux sociaux) si possible éditorialisée et personnalisée. - CANOPÉ peut proposer en présence dans ses ateliers CANOPÉ (à Chasseneuil et à Poitiers) ou à distance via son nouvel écosystème digital l’accès à des ressources numériques et imprimés centrées sur le numérique éducatif. Ces ressources sont indexées et accessibles via un moteur de recherche puissant et efficace. Une éditorialisation permet de lier l’actualité du monde de l’éducation aux ressources concernées. En termes de services : - Le SCD contribue à la maîtrise de la documentation numérique, en pouvant assister les usagers dans leurs recherches de ressources (sur le) numérique(s) et en les formant aux ressources et outils numériques sur les aspects généraux (formateurs du SCD dans le cursus licence pour obtenir un niveau minimal de maîtrise). Ces formations se construisent en fonction des demandes mais également dans le cadre d’un plan de formation le plus intégré possible avec les enseignements. Les enseignants-documentalistes de l’ESPE assurent la formation spécifique des enseignants à l’éducation à l’information, au et par le numérique, intégrée dans les maquettes de formation des masters métiers de l’enseignement. Il conviendra de multiplier les modalités d’accompagnement à la maîtrise des outils et ressources numériques (tutoriels, ateliers, service personnalisé), dans les médiathèques de l’ESPE. Le SCD contribue également à l’accompagnement à la maîtrise du numérique des futurs enseignants : par ses collections, par la connaissance qu’ont les personnels des médiathèques à la fois du champ éducatif et du numérique et par les outils mis à disposition. Une action spécifique en termes de politique documentaire (acquisition, signalement, mise en valeur) des médiathèques de l'ESPE dans le domaine de la pédagogie numérique pourrait être menée. Il conviendra également de développer un partenariat et un travail commun (avec CANOPÉ de l’académie de Poitiers, avec les autres ESPE, etc.) pour développer une offre de services plus étendue sur et par le numérique. - CANOPÉ décline au niveau national une offre de services numériques éducatifs qui peut être déclinée pour les ESPE de la manière suivante :

• Formation-accompagnement des étudiants de l’ESPE : ateliers de découverte/sensibilisation au numérique éducatif, formations de niveau expert, animations de communauté de pratiques (notamment via son réseau professionnel

32

des enseignants Viaéduc), accompagnement à l’utilisation de ressources du réseau CANOPÉ.

• Médiation de ressources : mise à disposition de ressources numériques, de solutions documentaires, de bases de séquences pédagogiques.

• R&D et expérimentations d’usages : les étudiants de l’ESPE et leurs formateurs peuvent être accompagnés ou intégrés à des projets d’expérimentations pédagogiques suivant différentes méthodologies d’innovations et avec des personnels formés.

• Evénementiel pédagogique : un accès à des événements pédagogiques organisés par CANOPÉ (expositions, manifestations, salons), un accompagnement pour en organiser.

• Co-design et scénarisation : animation de communautés intégrant des acteurs de l’ESPE mais aussi externes à l’ESPE permettant de co-construire de la ressource pédagogique, mise à disposition d’outils et de services à cet effet.

• Veille et information : un accès à des ressources de veille managées par CANOPÉ intéressant le domaine du numérique éducatif.

• Conseil/expertise : une capacité de mobilisation de réseaux publics et privés dans le domaine du numérique éducatif au service du développement de l’ESPE et de ses projets, l’accompagnement de projets éducatifs complexes.

• Logistique : l’accès à des espaces adaptés au numérique éducatif (Atelier CANOPÉ), le prêt de matériel (tablettes notamment) dans le cadre de projets ESPE/ CANOPÉ.

2. La contribution du CNED à l’offre de formation de l’ESPE de Poitiers La révolution numérique bouleverse les sociétés contemporaines. En tant que « fait social total », elle ébranle nombre d’institutions dans leurs assises, en déplaçant leurs repères et leurs codes, en redistribuant les légitimités en leur sein, en inaugurant des problématiques nouvelles ou en reposant un questionnement récurrent dans des formes totalement renouvelées. De toutes ces institutions, l’école est sans doute parmi les plus affectées. En effet, comment enseigner et que faut-il désormais enseigner lorsque les frontières spatiales et temporelles s’estompent ? Comment intégrer les exigences montantes et combinées des parties-prenantes de l’école ? Comment tirer parti du formidable développement technologique ? Qu’est-ce que finalement être enseignant dans des environnements d’apprentissage devenus très dynamiques ? Opérateur historique de l’enseignement à distance, le CNED a été sans doute l’un des premiers acteurs du système éducatif français interpellé par la montée du numérique. Tout en s’appuyant sur sa longue expérience dans la formation à distance, il a rapidement développé un véritable savoir-faire dans l’ingénierie de parcours et dans l’enseignement mixte (ou hybride). C’est ce qui lui a permis d’être maître d’œuvre de deux projets phares dans la stratégie numérique du Ministère de l’Éducation Nationale. Pour sa contribution à l’offre de formation de l’ESPE, le CNED mobilisera cette double compétence pour former au numérique et par le numérique. 2.1. Former au numérique Qu’est-ce qu’une plateforme d’apprentissage (LMS) et comment en tirer le meilleur profit pour les élèves ? Qu’implique une classe virtuelle ? Quels sont les outils de scénarisation et leurs avantages respectifs ? Comment identifier et articuler les ressources foisonnantes du « cloud » ?

33

Partant de l’idée que l’intégration du numérique en classe sera plus ou moins réussie selon la capacité de l’enseignant à structurer l’environnement d’apprentissage de façon innovante, à articuler les nouvelles technologies avec de nouvelles pratiques pédagogiques, la formation au numérique vise à asseoir une véritable culture du numérique chez l’enseignant. Cela implique en particulier une connaissance, une compréhension et une bonne maîtrise des principes et des outils qui sont à l’œuvre dans l’univers du web 2.0. S’appuyant principalement sur les dispositifs D’Col5 et English For Schools6, la contribution du CNED consistera à :

• concevoir et/ou mettre en œuvre des parcours transversaux qui permettront aux étudiants d’expérimenter des rôles, des outils et/ou des dispositifs spécifiques,

• initier à l’ingénierie de parcours mixtes à travers des ateliers de scénarisation ou de prise en mains d’outils de production de ressources,

• permettre l’accès au back-office de certains dispositifs au caractère innovant pour à la fois en comprendre les principes de fonctionnement et pour les expérimenter.

A partir du dispositif de soutien scolaire D’Col, il s’agit d’étudier l’ingénierie d’un dispositif d’enseignement hybride.

• Public visé : les étudiants inscrits en master MEEF, toutes mentions confondues. • Objectifs : connaître les grands principes de la construction d’un dispositif de

formation hybride, le rôle des différents intervenants - le « tuteur virtuel », le tuteur à distance, le tuteur en présence - ; identifier les similitudes et les différences / enseigner en présence - à distance; expérimenter pendant la formation une situation d’enseignement hybride ; pratiquer le tutorat à distance.

• Finalités d’apprentissage : intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier ; tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages du numériques en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs ; pouvoir accompagner de manière individualisée les élèves dans leur parcours de formation.

• Modalités : un module de formation hybride intégrant des mises en situations d’observation et de pratique du tutorat à distance.

À partir du service English for Schools (EFS), le CNED propose aux étudiants d’étudier le modèle de construction du service - la curation, l’indexation des ressources - et mettra à leur disposition les ressources matérielles et logicielles pour s’entraîner à construire des séquences et des activités ad-hoc.

• Public visé: étudiants inscrits en master MEEF, toutes mentions confondues. • Objectifs : connaître les grands principes de la construction du service de curation

et de traitement éditorial, le rôle des enseignants responsables de la curation; 5 Le dispositif D’Col (www.dcol.fr) initialement destiné à 30000 élèves dans sa phase d’expérimentation a été élargi à l’ensemble des collèges de l’éducation prioritaire (cf. mesures clés annoncées par le Ministre de l’Éducation Nationale le 16 janvier 2014 au sujet de l’éducation prioritaire). 6 English for Schools (www.englishforchools.fr) est un service de ressources pédagogiques accessibles en ligne destiné à assister les enseignants du primaire dans la préparation de leurs séances d’anglais pour un apprentissage ludique et facilité en classe et à la maison des 8-11 ans.

34

expérimenter pendant la formation la construction de séquences utilisant les ressources numériques pour un usage en classe ou à la maison.

• Finalités d’apprentissage : intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier ; tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages du numérique en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs.

• Modalités: un module de formation hybride avec mise en pratique en mettant à profit le stage ou en recourant à un de type « bac à sable ».

Ces dispositifs pourraient, par ailleurs ou dans un premier temps, être proposés aux formateurs afin qu’ils les intègrent dans le plan de suivi et d’accompagnement des étudiants. La contribution du CNED prendra aussi la forme d’ateliers pratiques dédiés à la scénarisation. Il s’agit de renforcer les compétences du futur enseignant en matière d’adaptation de ressources et d’hybridation.

• Public visé : étudiants inscrits en master MEEF. • Objectifs : familiariser les étudiants avec les principes de l’ingénierie de parcours

de formation en ligne ou mixte ; concevoir, scénariser, produire des plans de cours en articulant les différents types de ressources disponibles.

• Finalités d’apprentissage : savoir structurer des séances en tenant compte des spécificités de sa classe, des tailles de groupes et des ressources mobilisables.

• Modalités : des ateliers pratiques animés à partir des modules de formation proposés par l’École d’Ingénierie de la Formation à Distance (interne au CNED) et des ressources internes et externes disponibles.

2.2 Former par le numérique Il est admis que les expériences d’étudiants guident les pratiques d’enseignants : une démarche a d’autant plus de chance d’être adoptée et mise en œuvre en classe que l’enseignant l’a déjà lui-même pratiquée durant sa formation. Il importe alors de confronter le futur enseignant en tant qu’utilisateur à l’environnement matériel et logiciel où se déploient et se gèrent les activités de transmission de savoirs disciplinaires et transversaux, les activités de coordination pédagogique et de gestion administrative, les interactions avec les autres parties-prenantes de la communauté éducative. Cette expérience lui servira à structurer une base de connaissances et de compétences nécessaires dans sa professionnalisation et dans sa formation continue par la suite. La contribution du CNED consistera à : - prendre en charge en concertation avec les enseignants de l’ESPE quelques cohortes d’étudiants pour qu’ils suivent intégralement leurs cours à distance, - prendre en charge des étudiants dans des modules de formation ou de préparation aux concours de recrutement des enseignants. Concrètement, le CNED propose de créer des dispositifs d’enseignement hybride en partant des modules de formation conçus par les enseignants de l’ESPE et dispensés en présentiel.

35

• Public visé : étudiants, « empêchés » ou qui en feraient le choix, inscrits en master MEEF toutes mentions confondues.

• Finalités d’apprentissage : intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier ; utiliser efficacement les technologies pour échanger et se former.

• Modalités : un dispositif de formation multimodal mobilisant forum, classe virtuelle, curation, activités tutorées sur la plateforme d’apprentissage pour acquérir des connaissances, échanger, collaborer à distance, s’exprimer à l’oral, en synchrone et asynchrone.

Il est par ailleurs envisageable que le CNED apporte sa contribution dans la conception, la scénarisation et le suivi du module « Projet Transversal ».

• Public visé : étudiants inscrits en master MEEF toutes mentions confondues. • Objectifs : construire des compétences nécessaires pour asseoir une culture du

travail collaboratif. • Finalités d’apprentissage : connaître, comprendre et maîtriser les principes et

outils du travail collaboratif pour créer et gérer des projets complexes ; travailler en collaboration avec d’autres enseignants ; être en contact avec des collègues et des experts extérieurs à l’appui de leur propre formation.

• Modalités : un dispositif de formation multimodal mobilisant forum, classe virtuelle, activités de curation, activités tutorés sur la plateforme d’apprentissage pour échanger, discuter collaborer à distance, préparer ensemble.

Le CNED envisage son rôle dans l’ESPE comme un apporteur d’infrastructures et de solutions pédagogiques. Il est particulièrement attentif aux modalités favorisant la professionnalisation des étudiants et n’a pas vocation à intervenir dans le domaine académique.

36

Annexe 2

Extrait du dossier d’accréditation de l’ESPE de Poitiers L’ESPE et le numérique Le numérique est un enjeu majeur de notre société. Il ne se réduit pas aux technologies : il affecte l’activité humaine dans de nombreux aspects. Le numérique fait évoluer les savoirs et les façons dont on accède aux savoirs. Il transforme et enrichit les manières d’apprendre, et donc les façons d’enseigner. Il appelle des pédagogies renouvelées. Chaque discipline est touchée, mais, de façon plus globale, les savoirs nécessaires au citoyen du XXIème siècle ne peuvent se décrire simplement par l’addition des disciplines traditionnelles. De nouveaux savoirs, complexes et transversaux, sont désormais nécessaires. Les TIC, et en particulier l’Internet, transforment l’accès aux savoirs et modifient le rôle de l’école et des enseignants. Les générations d’aujourd’hui et de demain sont fortement marquées par le numérique, l’élève de demain ne sera plus tout à fait le même. Le numérique impose de réfléchir à l’école de demain, et à l’enseignant de demain. L’ESPE devra prendre part à cette réflexion, et former des enseignants aptes à prendre en compte le numérique. L’enseignant à l’ère numérique Préparer les enseignants à l’ère numérique, ce n’est pas « numériser » les outils et les ressources habituels, ce n’est pas simplement enrichir les pédagogies en y intégrant des technologies nouvelles. Il convient de repenser les pédagogies, d’inventer les pédagogies de demain, fortement influencées par le numérique, comme les pédagogies d’aujourd’hui ont été considérablement influencées par le papier. Les réseaux sociaux, la mobilité, l’écriture numérique, transforment la manière d’apprendre. L’ESPE devra contribuer à imaginer et à former l’enseignant de demain, capable d’enseigner à l’ère numérique, à des élèves capables d’apprendre à l’ère numérique. Si le métier d’enseignant évolue et est appelé à évoluer encore, d’autres métiers de l’éducation sont concernés. Le numérique fait naître de nouveaux métiers, ainsi que de nouvelles dimensions du métier d’enseignant. Ces tâches nouvelles (« ingénieur pédagogique », « tuteur à distance », « auteur numérique », etc.) doivent être préparées dans l’ESPE. Ainsi, le numérique doit concerner l’ensemble des formations de l’ESPE : formation initiale, formation continue, formation des enseignants-chercheurs, formations à d’autres métiers. Les atouts numériques de l’ESPE Poitou-Charentes L’ESPE de Poitou-Charentes dispose d’atouts spécifiques en matière de numérique. La présence de laboratoires travaillant sur le numérique éducatif, dans les universités de Poitiers (TECHNE) et de La Rochelle (L3I), permet d’enrichir la formation par une interaction directe avec la recherche. La présence à Poitiers des principaux opérateurs du numérique éducatif (CNED, CNDP) ainsi que celle d’organismes nationaux de formation comme le CNAM et l’ESEN permettront d’enrichir considérablement la formation délivrée par l’ESPE. Le CNED, notamment, pourra contribuer à la mise en place de formations hybrides, associant distance et présence, et pourra mettre au service de l’ESPE sa compétence d’ingénierie de la formation à distance et du e-learning. Le CNDP pourra

37

participer à la production de ressources numériques, et jouer un rôle majeur dans la formation continue des enseignants. Former au numérique, former par le numérique. L’enseignant formé dans l’ESPE devra s’approprier non seulement des technologies numériques, mais surtout des concepts, des connaissances, des compétences lui permettant d’être véritablement un enseignant de l’ère numérique.͒ Pour cela, l’ESPE le formera au numérique, et le formera par le numérique. La formation au numérique : L’ESPE formera à : - l’acquisition des concepts fondamentaux du numérique et de l’informatique ;͒ - l’utilisation raisonnée des outils et des ressources numériques et des ressources en ligne ; Elle préparera l’enseignant aux dimensions numériques de son métier : - l’information et le savoir ; - la maîtrise et la gestion de l’information ; - la communication et le travail collaboratif par le numérique ; - les pédagogies numériques et l’usage du numérique en classe et avec les élèves ; - l’ingénierie pédagogique numérique ; - l’apport du numérique pour développer à la fois l’apprentissage individuel et l’apprentissage collaboratif ; - l’écriture et la production numériques (savoirs et ressources) ; - le numérique dans la vie scolaire ; - la sécurité et le respect de la vie privée dans l’usage du numérique ; - le droit et l’éthique du numérique dans l’éducation. La formation par le numérique : C’est en étant lui-même formé dans des dispositifs incluant le numérique que l’enseignant développera des compétences pédagogiques numériques. Ainsi, l’ESPE mettra en œuvre des dispositifs de formation intégrant le numérique : - enseignements à distance et « e-learning » ; - enseignements hybrides. Ces enseignements pourront porter sur le numérique lui-même, ou sur d’autres contenus de formation.͒Par exemple, l’ESPE pourra imaginer des dispositifs de formation utilisant le numérique pour enrichir l’articulation entre formation théorique et formation pratique, entre stages sur le terrain et formations à l’ESPE. De cette façon, le numérique sera mis au service de l’alternance. Contribution du CNED Le CNED, associé étroitement au projet d’ESPE de Poitou-Charentes, apportera sa contribution au développement du numérique dans l’ESPE, et conduira avec l’ESPE des projets conjoints, notamment pour la conception de ressources numériques. Ainsi, par exemple, le CNED contribuera à : - La conception et la mise en œuvre d’enseignements sur les pédagogies numériques et sur le numérique dans la pratique professionnelle de l’enseignant. Pour cela, il pourra s’appuyer notamment sur son expérience avec les collèges numériques initiés en 2013. - La conception de cours disponibles sous forme de « e-Learning » ou sous

38

forme hybride. Il apportera à cet effet sa compétence en ingénierie de la formation numérique. De tels cours seront évidemment utiles pour les étudiants ayant des contraintes les empêchant de suivre en totalité les enseignements en présence. Mais ils seront aussi nécessaires pour l’ensemble des étudiants, afin de les préparer à ces formes nouvelles d’apprentissage. - La conception de dispositifs utilisant les technologies numériques pour enrichir l’alternance lors de périodes de stages, notamment en favorisant la relation entre l’étudiant en stage, son tuteur dans l’établissement lieu du stage et ses formateurs de l’ESPE. Le numérique peut ainsi enrichir le tutorat à distance. - La mise en œuvre de pédagogies utilisant les réseaux sociaux, pour renforcer le travail collaboratif des enseignants en formation, et pour les préparer à maîtriser les réseaux sociaux dans leur futur métier. ͒Le CNED pourra aussi mettre à la disposition de l’ESPE certaines ressources numériques et certains parcours de formation. Cela pourra en particulier être le cas pour les formations liées au handicap et à l’accueil des élèves handicapés dans les classes. ͒Enfin, l’ESPE contribuera avec le CNED à la réalisation du « campus numérique » (voir ci-dessous). Cette collaboration, élargie à d’autres ESPE, pourra permettre d’élaborer un master MEEF à distance, dont les modules seront disponibles pour des individuels mais aussi pour les ESPE qui souhaiteront les utiliser dans leurs formations et dans leurs dispositifs hybrides. Le C2i2e Le C2i2e fournit un ensemble cohérent de connaissances et de compétences à acquérir par l’enseignant. Bien évidemment, la formation à l’ESPE préparera au C2i2e, mais elle ne saurait s’y réduire. La formation au C2i2e peut prendre plusieurs formes, articulant des temps en présence, de la formation à distance, des éléments répartis au long de l’année dans divers enseignements. Le Campus numérique de la formation aux métiers du professorat et de l’éducation Le Ministre de l’Éducation nationale a annoncé la création d’un Campus numérique de la formation aux métiers du professorat et de l’éducation. Le CNED sera un opérateur essentiel de ce campus, réalisé en étroite collaboration avec les universités et les ESPE, ainsi qu’avec la DGESCO et le CNDP. L’ESPE de Poitou-Charentes, grâce à sa proximité avec le CNED, sera au cœur de la réalisation de ce dispositif. Ce Campus permettra à des individuels de préparer à distance un master ou un concours, d’acquérir des compétences académiques et professionnelles. Il sera à la disposition des ESPE pour être utilisé dans le cadre des enseignements de l’ESPE, au sein de dispositifs hybrides de formation. Les modalités de formation Le numérique à l’ESPE irriguera chacun des enseignements. En première année de master, le numérique s’intégrera en fonction des exigences des concours de recrutement, et dans le programme de cette première année seront intégrés des modules spécifiquement consacrés au numérique. Des modalités numériques de formation seront mises en place. En deuxième année, le numérique sera principalement orienté vers la formation professionnelle des enseignants, confortant leur compétence en pédagogies numériques (utilisation de ressources numériques, production de ressources, pédagogies enrichies par le numérique, pédagogies de la mobilité, pédagogies des réseaux sociaux, etc.). La formation comportera des modules à la disposition de tous les étudiants, mais aussi des modules optionnels de spécialisation permettant aux étudiants qui le désirent d’acquérir des compétences plus profondes dans ce domaine.