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Le parc paysager Duisburg Nord (Allemagne)

la reconversion d’un des sites sidérurgiques de la Ruhr

Par Mathilde Pilon.

Vue générale du parc paysager de Duisburg

Vue du site de nuit

Carte de la Ruhr

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De l’usine sidérurgique au parc paysager

L’histoire industrielle du site étudié a débuté en 1901, lors de son acquisition par August Thys-

sen, qui y a implanté une aciérie, qui a été progressivement développée tout au long du XXème siècle.

L’usine a fermé ses portes en 1985.

Il s’agit d’un site de 200 hectares, situé dans les quartiers nord de Duisburg, sur lequel se trou-

vaient de très nombreux « bâtiments-machines ». Les sources dont nous disposons ne nous permettant

pas de connaître précisément l’état du site avant sa reconversion, nous axerons plutôt cette présentation,

après avoir rappelé l’intégration du projet dans l’IBA Emscher Park, sur l’état du site actuellement, et

sur ce qui fait de cet exemple une référence dans le domaine de la reconversion de sites industriels.

Le site Thyssen de Duisburg est l’un des nombreux sites industriels de la région de la Ruhr,

territoire qui a été profondément marqué par une industrialisation puissante et rapide à partir de la se-

conde moitié du XIXème siècle. Il s’est agit d’une industrie à la fois sidérurgique et charbonnière, la

Ruhr était un grand bassin charbonnier. Cette économie s’est effondrée dans la seconde moitié du

XXème siècle, suite à la crise du charbon à partir de 1957, et à la crise du secteur de l’acier et du char-

bon des années 1980. La reconversion de ce vaste territoire de friches industrielles a débuté dès 1989,

avec le début de l’IBA Emscher Park. Le signe « IBA » signifie « Internationale Bauaustellung » (Ex-

position Internationale d’Architecture). Il s’agit d’une démarche architecturale et urbaine innovante,

créée en Allemagne, destinée à répondre aux problématiques urbaines d’un territoire, en articulant et

suscitant des projets précis. L’IBA Emscher Park a débuté en 1989, prévue pour une durée de 10 ans,

elle s’est poursuivie jusqu’en 2009. Elle touche tout le territoire de la vallée de l’Emscher, qui traverse

la Ruhr1. Destinée à régénérer ce territoire marqué par le développement de l’industrie et son déclin,

elle est portée par des valeurs générales : considérer l’héritage industriel comme un levier pour relever

le territoire, en faisant appel au concept allemand de « mise en culture » (c’est-à-dire de redonner du

sens au territoire en utilisant l’art et la culture), et passer d’un « territoire noir », pollué, à un « territoire

vert », avec une volonté écologique forte.

Le parc paysager de Duisburg Nord, qui a vu le jour entre 1990 et 1999, est un des huit parcs

paysagers réalisés dans le cadre de l’IBA Emscher Park, qui illustre cet appui sur l’histoire industrielle,

la « mise en culture » et le renouveau écologique. Ces parcs créés sur des friches industrielles permet-

tent de conserver la mémoire des lieux, grâce à la préservation de bâtiments ou installations industriel-

les, mais aussi de créer une nouvelle vie pour le lieu, en redonnant une supériorité à la nature.

1 Cf carte p.1

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Des réponses aux problématiques posées par un site industriel du XXème siècle

Le parc paysager de Duisburg Nord conserve la mémoire industrielle du site à travers la préser-

vation d’un certain nombre de bâtiments industriels, construits tout au long du XXème siècle. Il s’agit

pour une part de « bâtiments-machines », c’est-à-dire que la machine constitue à elle seule le bâtiment,

les bâtiments ne sont plus construits pour abriter plusieurs machines comme cela était le cas au XIXè-

me siècle. Ce type de bâtiments pose des problématiques particulières en termes de préservation : il

s’agit d’installations souvent gigantesques, qui n’ont pas été construites pour être conservées au-delà de

leur période d’activité (elles ont notamment été conçues pour être résistantes aux très hautes températu-

res auxquelles elles étaient exposées, mais pas pour rester froides et exposées aux intempéries), les

structures en fer sont fortement exposées à la corrosion, et leur restauration coûte très chère. Mais ces

installations posent également des problèmes pour l’accès du public, car les normes de sécurité impo-

sées pour permettre l’accès au public sont très strictes, et difficilement applicables à ce type

d’installations. Enfin ces « bâtiments-machines » sont difficiles à reconvertir pour de nouveaux usages.

Alors qu’un bâtiment de type manchestérien, par exemple, peut être relativement aisément réutilisé

pour y installer un musée, une bibliothèque, un centre d’exposition, ou encore des logements, cela ne

peut pas être envisagé de la même manière pour ces immenses installations en plein air caractéristiques

des vastes sites industriels du XXème siècle. Toutefois, quelques bâtiments construits au début du

XXème siècle sur ce site sont encore des bâtiments en brique, dans la lignée des bâtiments industriels

du XIXème siècle.

Le cas de parc paysager de Duisburg Nord est particulièrement intéressant à présenter car il

apporte un certain nombre de réponses séduisantes à l’ensemble de ces problématiques. Parmi

l’ensemble des bâtiments présents sur le site avant sa reconversion, un choix a été fait et une partie de

ces bâtiments a été détruite, alors qu’une autre a été conservée, de différentes manières.

• La préservation d’un haut-fourneau

- Sur les cinq hauts-fourneaux du site un seul a été conservé. Il s’agit du haut-fourneau n°5, le plus

récent du site, construit en 1973. Il a été restauré, les parois ont été doublées à l’intérieur par du béton,

et l’extérieur a été repeint. Aujourd’hui ce haut-fourneau est accessible au public, les visiteurs peuvent

monter jusqu’à la partie haute, et ainsi d’avoir une vue sur l’ensemble du site industriel reconverti, mais

aussi sur Duisburg et son environnement. La nuit une intervention de sons et lumières permet de chan-

ger la perception que l’on a du haut-fourneau, de lui donner une valeur artistique et non plus seulement

technique, mais aussi de percevoir les différentes phases de la production (notamment par l’éclairage

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en bleu des zones froides, alors que les zones chaudes sont éclairées en rouge). A la base du haut-

fourneau une scène a été installée, dédiée au théâtre et à la musique.

• Les bâtiments devenus lieux d’évènements culturels

- La centrale d’énergie, construite entre 1906 et 1911 et devenu entrepôt à la fin de la période

d’activité du site, a aujourd’hui été reconvertie en centre multifonctionnel, où différents évènements

peuvent avoir lieu. Le bâtiment a été vidé des machines qui s’y trouvaient, mais la structure architectu-

rale du bâtiment, laissée apparente à l’intérieur comme à l’extérieur, permet de conserver la mémoire

industrielle du bâtiment. Il s’agit du plus grand bâtiment du site, long de 170m.

La salle des machines, avant et après sa reconversion.

- L’ensemble constitué de la salle des compresseurs et de la salle de pompage a été construit au

début du XXème siècle. Il s’agit de bâtiments abritant des machines mais aussi de machines en plein -

air. Les différents bâtiments de cet ensemble ont été reconvertis en espaces pour des évènements tels

que des concerts, de la danse ou du théâtre, ou des réceptions. Dans certains bâtiments les machines ont

totalement disparu, alors que dans d’autres elles ont été conservées et sont présentées comme créant un

décor original pour des évènements tels que des réceptions (ces espaces peuvent être loués).

L’ensemble salle des compresseurs et salle de pompage, avant et après sa reconversion

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- La fonderie, située à proximité du haut-fourneau, a été reconvertie en scène de théâtre, musique ou

cinéma, en plein-air.

• Les bâtiments en brique, reconvertis en bureaux et lieu d’hébergement

Les bâtiments du site construits en brique, pour abriter des bureaux ou magasins, ne posent pas le mê-

me type de problématiques. Leur structure architecturale externe et interne peut être plus aisément

conservée, en les réutilisant comme bureaux ou lieux d’hébergement, et leur restauration est moins dif-

ficile.

- Le bâtiment des anciens bureaux, construit au début du siècle en brique, et réutilisé à partir des an-

nées 1950 pour abriter les salles dédiées aux ouvriers (vestiaires, cantine, infirmerie, locaux syndicaux)

a aujourd’hui était reconverti en auberge de jeunesse.

Le bâtiment des anciens bureaux aujourd’hui

- Le bâtiment des nouveaux bureaux, construit dans les années 1950, où se trouvait la direction et

l’administration jusqu’à la fermeture du site en 1985 est aujourd’hui encore un bâtiment de bureaux :

ceux d’associations locales.

- Un autre bâtiment en brique a été préservé : l’entrepôt, construit au début du siècle. Ce bâtiment a

tout d’abord été un atelier, puis est rapidement devenu (après la Première Guerre Mondiale) un entrepôt

de matières premières et pièces de rechange. Il s’agit du premier bâtiment du site à avoir fait l’objet

d’une restauration. Il abrite les bureaux du parc, depuis les débuts du projet.

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• Les installations devenues lieux de loisirs et de pratiques sportives

- Le gazomètre permettait de stocker le gaz, sous-produit de la production d’acier, réutilisé pour une

partie des machines de la centrale d’énergie. Il a été rempli de 20 000m² d’eau, et reconverti en centre

de plongée, après un traitement contre la pollution et la corrosion.

Le gazomètre, avant et après sa reconversion

- La soute à minerai a quant à elle permis de créer un mur d’escalade, géré par l’Association alpine

allemande.

Le mur d’escalade créé dans la soute à minerai

A ces espaces de loisir créés dans des bâtiments industriels, il faut ajouter l’ensemble du parcours dans

le parc, qui permet à la population de pratiquer le vélo, la course à pied, ou la marche.

• Une partie du site préservée telle qu’elle : la « Piazza Metallica »

Pour une petite partie du site un choix novateur a été fait : l’espace situé au pied du haut-fourneau a été

laissé dans l’état dans lequel il était avant la réalisation du parc. Il s’agit d’un espace carré, au centre

duquel ont été placées des plaques de fonte, produites sur le site. Elles permettent de rappeler ce qui

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était produit par l’usine implantée ici. Ces plaques sont laissées à l’air libre, exposées à la corrosion, de

même que les bâtiments autour de cette place, qui n’ont pas été restaurés, et dans lequel on laisse la

nature gagner du terrain. Différents évènements peuvent avoir lieu dans cet espace, en plein-air.

La Piazza Metallica

Un cas devenu exemple

Aujourd’hui le cas du parc paysager de Duisburg est devenu l’une des références majeures dans

le domaine de la reconversion des sites industriels. Il est régulièrement visité par des spécialistes du

patrimoine industriel, mais aussi par des représentants de municipalités, venus apprécier un bon exem-

ple de reconversion de site industriel, afin de mieux répondre à des problématiques qui se posent dans

leur ville.

Que pouvons-nous retenir de ce cas de reconversion d’un site industriel ?

- Tout d’abord nous pouvons considérer que les espaces sont restés compréhensibles et ont gardé leur

caractère original. Même si une partie des bâtiments a été détruite, ceux qui ont été préservés confron-

tent le visiteur à la très grande échelle de ce type de site industriel, et de ses installations.

- Des valeurs nouvelles différentes ont également été données aux différents bâtiments, en fonction de

leur valeur originelle. Ainsi le haut-fourneau a conservé sa valeur technique, à laquelle s’ajoute une

valeur artistique, alors que le gazomètre, dont la valeur technique est moindre, est devenu lieu de loi-

sirs. - Certaines des machines ont été conservées. Leur valeur technique semble toutefois aujourd’hui

passée au second plan, derrière une valeur purement esthétique.

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- Le parc nous semble totalement intégré dans le tissu urbain, il est devenu l’un des lieux de vie des

habitants de ce quartier de Duisburg, le site n’est plus fermé mais bien intégré dans la ville.

- Le parcours de promenade et de loisirs parcourt l’ensemble du site. Au-delà de l’espace industriel, le

parc laisse une place prépondérante à la nature. Ce mariage entre industrie et nature permet de faire

évoluer la perception du site par la population, et participe à sa réappropriation.

- La combinaison de nombreuses activités différentes proposées dans le parc est également à nos yeux

une part importante de sa réussite. L’offre d’activités culturelles, de divertissement, de loisirs et sporti-

ves permet d’élargir et de diversifier la fréquentation du site. Le parc est en accès libre, sans heures ni

jours de fermeture, ce qui contribue à en faire un lieu de vie. Nous pouvons aujourd’hui considérer que

la population de Duisburg s’est réellement approprié ce site, ce qui montre la réussite du projet.

Finalement ce cas est également remarquable en ce qui concerne la préservation du patrimoine

industriel. Plutôt que de faire des bâtiments industriels des monuments, protégés par la loi, et donc qui

doivent être restaurés et protégés, le parti pris du parc paysager de Duisburg souhaite, pour une partie

des bâtiments, les conserver tels quels (tel est le cas de la Piazza Metallica), c’est-à-dire ni les raser ni

les restaurer, ce qui permettra par la suite, quand le temps aura permis de prendre un recul différent, de

reconsidérer la valeur qui a été donnée au site et à ses bâtiments à un moment précis, celui de sa re-

conversion en parc.

Laisser les installations en place permet ainsi de se donner le temps de la réflexion.

Les décisions pourront se faire par la suite, quand le temps aura fait évoluer peu à

peu les mentalités, guéri les blessures douloureuses de la crise économique, quand le

temps aura fait appartenir les lieux à l’Histoire, quand le temps aura permis au sol

de peu à peu s’assainir, alors les devenirs possibles de ces sites seront multiples,

puisqu’on les aura conservés en l’état. Il sera possible de les détruire, si la zone

s’avère être devenue stratégique en termes de développement urbain, il sera possible

de les réhabiliter, ou d’en faire des bâtiments historiques.

Laisser le temps au temps en faisant le choix des parcs industriels, c’est garder toutes

les portes ouvertes pour l’avenir, sans pour autant se fermer celles du présent.2

2 L’IBA Emscher Park, une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine. Agence d’urbanisme pour le déve-loppement de l’agglomération lyonnaise, 2008.

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Bibliographie :

http://www.landschaftspark.de

Landschaftspark Duisburg-Nord.

http://www.erih.net/nc/fr/les-points-

dancra-

ge/detail.html?user_erihobjects_pi2[pointer]=0&user_erihobjects_pi2[mode]=1&user_erihobjects_pi2[

sho-

wUid]=15196&user_erihobjects_pi2[regionalroute]=0&user_erihobjects_pi2[anchorOnly]=1&user_eri

hobjects_pi2[membersOnly]=0

ERIH, le parc paysager Duisburg Nord

http://architecture.mit.edu/class/nature/student_projects/2007/scm22/urban-

nature/LPDN/envfocus.html

Landscape Park Duisburg Nord – Environnemental Focus

L’IBA Emscher Park, une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine. Agence

d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise, 2008.

Document disponible en ligne :

http://www.aduan.org/media/article/document/175595_175618_IBA_Emscher-

Park__demarche_innovante_rehabilitation_industrielle_et_urbaine_Lyon.pdf

Latz, Peter “Landscape Park Duisburg-Nord : the metamorphosis of an industrial site”, p.149-160, in

Kirkwood, Niall ; Manufactured sites : rethinking the post-industrial landscape. Ed. Routledge, 2004.

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Table des illustrations :

Page 1 :

- vue générale du parc paysager de Duisburg. Source : http://www.landschaftspark.de

- vue du site de nuit. Source : http://www.landschaftspark.de

- Carte de la Ruhr. Source :

http://www.aduan.org/media/article/document/175595_175618_IBA_Emscher-

Park__demarche_innovante_rehabilitation_industrielle_et_urbaine_Lyon.pdf

Pages 4 et 5 :

Toutes les illustrations. Source : http://www.landschaftspark.de

Page 6 :

- Le gazomètre, avant et après sa reconversion. Source : http://www.landschaftspark.de

- Le mur d’escalade créé dans la soute à minerai. Source : Latz, Peter “Landscape Park Duisburg-Nord

: the metamorphosis of an industrial site”, p.149-160, in Kirkwood, Niall ; Manufactured sites : re-

thinking the post-industrial landscape. Ed. Routledge, 2004.

Page 7 :

- La Piazza Metallica. Source : http://www.german-architects.com/latzundpartner/projects.html