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L E P ETIT P ÂTÉ I LLUSTRÉ Numéro 4 - Juillet 2013 De Mort et d’Eau Fraîche

Le Petit Pate Illustre - Numero 4 - Juillet 2013

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DESCRIPTION

Le numéro de Juillet du magazine en ligne bimensuel « Le Petit Pâté Illustré » sort enfin ! Sur les thèmes "De Mort et d'Eau Fraîche", le magazine allie les talents de l’écriture et de l’illustration. Participez bénévolement au projet, et recontrez de nouveaux artistes ! – The July issue of the bimensual online magazine « Le Petit Pate Illustre » is finally out ! It’s combining the talents of illustration and writing, on the themes of "From Death and Fresh Water". Come and join the project, and meet new artists !

Citation preview

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Le Petit Pâté iLLustré

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Juil

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2013

De Mort et d’Eau Fraîche

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L’amour véritable ne craint pas le feu

Car loin du feu, loin du coeur !

A coeur brûlant rien d’impossible

Car impossible n’est pas sorcier.

La sorcière est dans les yeux de celui qui regarde

Sauf que l’amant a les bras ouverts et les yeux

fermés.

De Mort et D’eau Fraîche

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TexTe de Mélanie Verdino

illusTraTions de CleM de nesle

Mais qu’est-ce alors: malice ou mépris?

Que de faire mourir ces amants tant épris?

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poème illustré : De mort et D’eau Fraîche texte de Mélanie Verdino

illustrations de CleM de nesle

BanDe Dessinée : lazarus scénario d’adrien BrégeoT

Dessin de sTroff

illustration narrée : it’s okay illustrations d’eMManuelle ly texte de Pauline BoCk

nouvelle illustrée : renaissance texte de Mélissa

illustrations d’aliCe des

nouvelle illustrée : ne sont-ils pas magniFiques? texte de Hugo d’arBois de JuBainVille

illustration d’adrien BrégeoT

illustration narrée : l’appareil photo illustrations d’eMManuelle ly texte de luCie r

nouvelle illustrée : BirDie company texte de franCk Conroy

illustration de eriC BarBedor

nouvelle illustrée : opus 114 texte de WilleM Hardouin

illustrations de TaroliMe

illustration narrée : la Baigneuse illustration d’eMManuelle ly

texte d’oliVier PiVoT

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Sommaire

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nouvelle illustrée : primitive texte de ZaCHarie BouBli

illustrations de MadouCHka

nouvelle illustrée : un cornet De glace au paraDis texte d’osCar e. arCane

illustrations de Jane dans la Jungle

illustration narrée : les masques illustrations d’eMManuelle ly

texte de franCk Conroy

nouvelle illustrée : amours marines texte de MargoT CHaron

illustrations de BourBy

nouvelle illustrée : insomnia texte de Melo MaPo

illustrations de line HaCHeM - Couleurs de CHloé faller

poème illustré : liquiDe liviDe texte de loïC WaBle

illustrations d’aliCe leClerT

nouvelle illustrée : le trésor D’anna texte de yéléna

illustrations de MireBen

présentation Des artistes

participer - nous suivre

prochain numéro

p40-45

p46-53

p54-55

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Scénario d’adrien Brégeot - deSSin de Stroff

Lazarus

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illuStration d’emmanuelle ly - texte de Pauline Bock

It’s Okay

Dean cracha dans son masque et essuya sa bave, sur le verre, avec application.

Il avait toujours aimé cette coutume de plongée, pour son côté sale et cru mais,

surtout, parce qu’il signait là un contrat aveugle avec les profondeurs.

Près de lui, John vérifiait les bouteilles. Une autre tradition – c’était toujours

John Earling, l’Anglais pragmatique, qui assurait la sécurité à bord et sous la surface,

son partenaire Dean Scott n’écoutant que l’audace américaine lorsqu’il proposait des

descentes toujours plus singulières, dans des eaux toujours plus curieuses. C’était

lui, bien sûr, qui avait proposé ce lac artificiel abandonné, au milieu du Mississippi. Il

n’y avait que Dean pour lire des exemplaires de Time du siècle précédent, y trouver

un article relatant les conditions étranges d’abandon du site pour cause de « faille

sismique », et penser : « quelle fascinante plongée ça ferait ! »

John n’avait pas tiqué face aux questions légales que posait une telle descente.

Il en fallait plus au gentleman de Liverpool, peu impressionnable et stoïque en

toutes circonstances. Dean devait avouer qu’il enviait son flegme. Lors de leur plus

extraordinaire descente, leur exploration des bas-fonds du Loch Ness, c’était lui qui,

le premier, avait fléchi et ordonné la remontée. Les eaux étaient glacées, à l’époque.

Le lac abandonné de Kerrs, Mississippi, ne verrait pas Dean Scott se dégonfler.

Question d’honneur.

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Il ajusta son masque et plaça son tuba, mordant férocement la barre de

plastique. Son « j’y vais » ne fut qu’un grognement et, empoignant sa bouteille, il se

hissa péniblement au bastingage. John ne releva pas – il chaussait ses palmes. Celles

de Dean touchaient à peine la surface, et il se prit à esquisser un pas furtif sur l’eau

plane, avant qu’elle ne s’ouvre sur les abysses.

Il plongea sans reprendre son souffle. Le bruit sourd du vent sur les berges laissa

aussitôt place à l’écho des bas-fonds, un écho sans retour, et Dean se sentit mieux.

Du coin de l’œil, il aperçut l’ombre de John qui sautait à son tour.

Dean alluma sa lampe. Le faisceau ricocha dans la pénombre épaisse. Il descendit

encore, et la lueur, soudain, éclaira le haut d’une cheminée de pierre.

Elle fumait.

Le valeureux Dean Scott dut par deux fois vérifier que ses réserves d’oxygène

étaient pleines et que rien dans son équipement ne pouvait provoquer de visions

hallucinatoires. Il contourna la cheminée et sa fumée sous-marine pour poursuivre

sa descente, le long d’un mur en ruine qui avait été une maison.

Le village englouti, se souvint-il. L’article de Time mentionnait la bourgade que les

architectes avaient inondée pour créer le lac artificiel.

Il atteignit le fond, baigné d’une ribambelle de lumières tremblotantes. Des

réverbères à gaz. Leurs flammes baignaient faiblement le sol boueux. Dean voulut

déglutir et toussota à travers son tuba, perdant de précieuses bulles d’air.

Des choses bougeaient, lentement, comme d’énormes poissons qui glissaient dans la

vase, au pied des lampadaires. A la lampe torche, Dean explora la rue, éclairant les

masses sombres.

Des corps et des visages. Visages sans yeux et corps sans cœur, dévorés ou

pourris, et des habits qui avaient dû connaître Lincoln et la Reine Victoria. Certains

habitants du village de Kerrs avaient refusé de partir, disait l’article.

Certains habitants de Kerrs n’étaient jamais partis.

Dean voulait crier, mais tout devenait noir – il vit les réverbères s’éteindre un

à un dans ses yeux avant de perdre connaissance.

Lorsqu’il se réveilla en sursaut, une silhouette de plongeur nageait dans sa

direction. John Earling n’avait plus de masque, d’ailleurs il n’avait plus d’yeux non

plus, et des dents jaunes s’accrochaient autour d’un tuba décharné. Il faisait le signe

des plongeurs.

Le pouce et l’index touchés à l’extrémité pour former un cercle, les trois

autres doigts tendus et serrés.

« It’s okay. »

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texte de méliSSa - illuStrationS d’alice deS

Renaissance

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Il aura fallu dix ans pour que les champs recommencent à fleurir et les arbres à pousser. Dix ans pendant lesquels nous sommes restés cloîtrés dans notre abri en pierre, les derniers hommes en vie. A se nourrir d’algues et de minéraux, et de quelques crustacés. Attendant que la Terre se calme et arrête de flamber. Communiquant avec d’autres groupes de réfugiés, pour savoir quand nous pourrions enfin sortir de cette prison sombre et froide. Pendant dix ans, nous avons réussi à vivre ensemble, terrorisés par l’extérieur, creusant des galeries pour s’enfoncer au plus profond de la Terre et ne jamais remonter à la surface.

Les deux premières années, je participai au réseau souterrain, pensant ne plus jamais revoir le soleil. Et puis des informations nous parvinrent, comme quoi l’air était redevenu clair. La quatrième année, je m’engageai dans l’équipe d’extérieur. Je me rappellerai toujours du moment où je sortis dans le charnier. Mes yeux mirent plusieurs minutes avant de pouvoir enfin s’entrouvrir. La lumière n’était pas si forte, car un énorme nuage immonde recouvrait tout le ciel. Après des années passées dans le noir, c’était pourtant déjà trop. C’est à ce moment que je vis la Terre, complètement vide. Autrefois ravagée par les flammes, et à présent en cendres. Le bois était mort, l’herbe n’était plus. Il ne restait pas un signe de vie aux kilomètres à la ronde. Et pourtant, nous sortîmes. L’odeur était encore abominable, bien qu’il fût possible de respirer. Nous parcourûmes quelques mètres et montâmes en haut de ce qui semblait être une ancienne colline. Il n’y avait aucun signe de vie, animale ou végétale. Tout avait été balayé. En rentant dans l’abri, nos têtes étaient hagardes. Certes, il était enfin possible de retourner au dehors, reconstruire nos maisons. Cependant, où était l’intérêt ? Sans bois, sans signe de vie, il n’y avait aucune raison d’y retourner.

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Je me souviens que, ce soir-là, j’avais passé plusieurs heures à regarder l’eau claire du ruisseau, où se reflétaient les lumières des lucioles. J’avais souhaité n’être jamais né, n’avoir jamais eu à traverser ce siècle de violence et de destruction. Je pensais à ce moment précis que mes bras étaient trop vieux pour porter le monde, et que peu m’importait le futur, quand tout ce qui m’était cher avait été réduit en miettes. Et pourtant, en regardant les lucioles montrer leur beauté face au silence, le courage l’emporta. C’est ce soir là que je pris ma décision.

Petit à petit, nous nettoyâmes les champs aux alentours de notre refuge. Déplaçant les restes de cadavres et les lambris de ce qui fut autrefois notre foyer. Nous fîmes de notre mieux pour laisser la nature reprendre ses droits. La pluie recommença à tomber et le ciel à se dégager. Un jour, un rayon de soleil frappa ma joue, brûlant les cellules de ma peau, et séchant mes larmes de joie. Nous continuâmes à travailler

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d’arrache-pied pour remuer la terre. Nous espérions que quelques graines se trouveraient en dessous et pourraient ramener un peu de végétation. Les insectes du sous-sol recommencèrent à pointer le bout de leur nez. La Terre se réveillait doucement de son sommeil paralysant. Le quatrième mois de la septième année, je sortis faire un tour, cherchant des traces de vie, l’œil aux aguets. Les nuages avaient retrouvé leur couleur naturelle, et la petite brise qui décoiffait mes mèches grises ne laissait plus de dépôt amer dans mes narines.

Je découvris alors la première pousse. Elle semblait si fragile, au milieu du sol noir. Un petit brin vert avec trois feuilles. Je restais des heures à la regarder, persuadé qu’elle disparaîtrait si je m’en allais. La pluie se mit finalement à tomber et je me relevai, les bras écartés vers le ciel, recevant avec grâce l’eau fraîche qui lavait mes peines. De retour dans la grotte, trempé jusqu’aux os, mais le sourire aux lèvres, je partageai la nouvelle avec le reste des survivants. Ce jour fut nommé « la Renaissance ». Fatigués mais plein d’espoir, nous nous entreprîmes ensuite à reconstruire quelques bâtiments en pierre. La tâche fut ardue, mais après plusieurs mois, nous contemplâmes avec fierté le minuscule village qui peuplait la vallée. Nous finîmes par quitter notre caverne, résignés à ne jamais y retourner.

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Lorsque je repense à ces années passées dans l’obscurité, un frisson parcourt mon échine et les rides de mon front creusent des rigoles dans ma peau. Et pourtant, l’air est doux, le soleil tape sur mes épaules quand je ramasse quelques herbes du bout des doigts. Chaque soir, je retourne dans ma hutte et consigne par écrit le récit du passé. Il faudra que les prochaines générations sachent ce qui est arrivé pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Il faudra leur apprendre que la Terre finit par se venger. Leur dire que leur plus grande crainte ne devra pas venir des enjeux politiques, mais de leurs propres coutumes. Que la montée des eaux ne sera pas leur destin fatal, mais bien le feu grondant créé par l’homme. Que leur salut ne sera pas dans le repos éternel. Et qu’un jour, ils seront trahis par la mort elle-même.

Un jour, des jeunes hommes et jeunes femmes découvriront que l’espèce humaine fut presque anéantie par ses morts. Quand les cadavres cessèrent de se décomposer, leurs cellules conservées par les produits chimiques ingérés toute leur vie. Quand la population de cadavres dépassa la population des vivants. Le jour où il fallut tout brûler. Le jour où la mort nous envoya son rire le plus dément.

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Ne sont-ils pas magnifiques?

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texte de Hugo d’arBoiS de JuBainvilleilluStrationS d’adrien Brégeot

En montant sur l’estrade, Galmancke contempla ses invités. Installés dans les bassins, ils discutaient bruyamment entre eux. Les domestiques allaient et venaient sans cesse, leurs plateaux débordant de nourriture. Galmancke constata avec satisfaction que les coupes de champagne ne désemplissaient pas.

La serre avait été réaménagée pour la réception. Des bassins supplémentaires avaient été creusés, et on avait planté des fougères géantes thermorégulatrices. Elles s’agitaient doucement, apportant un peu de fraîcheur à la moiteur ambiante. Des bio-lampions lévitaient à différentes hauteurs et éclairaient la serre de leurs lueurs chamarrées. Galmancke ne se lassait pas d’expliquer qu’elle les avait importés de Thagron, dans le système d’Alpha du Centaure. L’estrade montée pour l’occasion se trouvait au centre de la serre. Elle permettait à Galmancke d’embrasser tout ce petit monde d’un simple regard. Le microcosme avait un côté décadent qu’elle trouvait irrésistible. Elle laissa ses sens vagabonder encore quelques instants, avant de déclarer d’une voix forte :

« S’il-vous-plaît ! Un peu de silence, s’il-vous-plaît ! »

Les voix s’étouffèrent et les regards se tournèrent vers Galmancke. L’attention s’était cristallisée autour d’elle, à son plus grand plaisir. Seuls les domestiques continuaient leur ronde, efficaces et silencieux. On pouvait sentir l’attente des invités - aucun d’eux ne savait pourquoi il était là, même si certains devaient avoir une idée. Galmancke s’était préparée à ce moment. Elle avait longuement réfléchi à chaque mot de son discours, à chaque silence. Elle avait répété les mêmes gestes pendant des heures, quand la serre était vide et silencieuse. Tout devait être parfait. Son visage se fendait d’un large sourire, enchanteur et carnassier. Elle commença son discours :

« Mes chers amis… Je tiens d’abord à vous remercier d’être venus si nombreux ce soir. Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous ai tous réunis, à part pour profiter des bassins et du champagne. »

Plusieurs invités, copieusement imbibés d’alcool, éclatèrent de rire.

« L’ouverture du Festival des Nuits Aqueuses approche. Comme vous le savez, je n’ai pas participé aux dix dernières éditions. Beaucoup d’entre vous m’ont demandé pourquoi, et je n’ai jamais répondu. Ou plutôt, je leur ai dit qu’ils connaîtraient la réponse un jour. Et ce jour est arrivé. »

« Le Festival m’ennuie. Voilà ma raison. Elle vous semblera peut-être trop simple, ou trop puérile. C’est pourtant la vérité. Les participants sont toujours les mêmes, et leurs collections ne changent jamais. Sans vouloir offenser l’un d’entre vous, cette fête est devenue bien triste. »

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« C’est pourquoi j’ai cherché, en secret, à rendre les Nuits Aqueuses plus vibrantes. J’ai fini par comprendre que le problème ne venait pas du fond, mais de la forme. C’est la forme que j’ai voulu améliorer, et je crois bien y être arrivée. Mes chers amis, je vous présente ma nouvelle collection ! »

L’estrade s’ouvrit, laissant apparaître quatre humains sur leur cerceau argenté. Leurs membres et leur sexe avaient été amputés ; il ne restait que le tronc et la tête, entièrement épilés, délicatement greffés au cerceau. Les humains dodelinaient de la tête en souriant. Galmancke fut acclamée par un tonnerre d’applaudissements. Plusieurs invités se levèrent des bassins pour mieux la féliciter. Imperturbable et superbe, Galmancke attendit que le calme revienne.

« Ne sont-ils pas magnifiques ? »

« J’ai commencé par changer la pose du cerceau, en greffant directement l’os et la chair sur le métal, avant la cicatrisation. D’après mes calculs, cette nouvelle méthode prolonge leur fonctionnement de deux à trois ans. »

Les cerceaux pivotèrent, révélant le dos des humains. Des pompes et des câbles couraient le long de leur colonne vertébrale pour disparaître sous la nuque.

« Ce nouveau dispositif leur fournit une alimentation équilibrée, des antidouleurs et des excitants. Leurs différents stades de conscience sont soumis à des hallucinations relaxantes, même pendant leur sommeil. C’est grâce à ce dosage que leur teint est si beau. Il faut les faire vivre et pas seulement exister. »

Les cerceaux pivotèrent à nouveau, et les invitèrent purent contempler le sourire radieux des humains. Galmancke caressa la gorge de l’un deux.

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« Enfin, j’ai miniaturisé les respirateurs. Lorsque vous verrez mes humains lors du prochain Festival des Nuits Aqueuses, vous jurerez qu’ils ont des branchies.»

« Ce sont toutes ces innovations qui rendent les humains de ma collection uniques et adorables. Il est bien entendu nécessaire d’avoir des spécimens en parfaite santé, c’est pourquoi je les ai achetés aux négriers de Ganymède. »

Galmancke se retint de sourire. Comme prévu, les invités se turent. Seuls quelques-uns hochèrent la tête, approbateurs ou désinvoltes. Après quelques échanges de murmures, un des invités prit la parole. C’était Jencke, qui participait régulièrement au Festival.

« Vous traitez avec ces barbares ? - Mais, mon cher, le barbare est avant tout celui qui croit à la barbarie. »

Les invités s’esclaffèrent. Une fois encore, Galmancke se retint de sourire. Non pas parce que les autres appréciaient sa réplique, mais parce qu’aucun d’entre eux n’avait saisi la référence. Si elle avait expliqué que ces mots étaient ceux d’un penseur humain de la Vieille Terre, ils ne l’auraient pas crue.

« C’est répugnant, lâcha Jencke. Ces esclavagistes n’ont aucun intérêt pour l’art et les belles choses. Ils vendent leurs semblables uniquement pour de l’argent. - J’en déduis que vos humains sont plus beaux parce qu’ils sont libres et consentants ? - Exactement, renchérit Jencke. »

Les autres invités l’observaient, curieux, comme on observe un animal sur le point d’être disséqué. Mais Jencke regardait autour de lui plein de suffisance et de fierté. Il est aussi naïf que stupide, songea Galmancke.

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« C’est vrai, finit-elle par lâcher. J’oublie que vous allez sans doute chercher vous-même vos humains sur la Nouvelle Terre. Après tout, pourquoi marchander avec des négriers sur les marchés de Ganymède, quand on peut trouver des humains beaux, libres et consentants quelques galaxies plus loin ? Là où les négriers portent d’autres noms et d’autres vêtements. »

L’hilarité fut générale. Jencke bredouilla quelque chose, mais le brouhaha engloutit ses paroles. Il se leva du bassin le plus dignement possible et quitta la serre. Personne ne le suivit. Galmancke resta impassible, goûtant à sa petite et savoureuse victoire. Quand le calme revint, elle reprit la parole d’un ton enjoué :

« Je ne savais pas Jencke si sensible. Ou peut-être a-t-il bu trop de champagne? »

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Les invités rirent de bon cœur, et portèrent un toast à Galmancke.

« Je sais que beaucoup de participants gardent jalousement leur collection, mais ce soir vous pourrez essayer mes humains dans les bassins des serres voisines. Les télécommandes sont à votre disposition. Bien sûr, ce n’est qu’un avant-goût du spectacle qui vous attend au prochain Festival des Nuits Aqueuses. »

Galmancke rejoignit ses invités sous les applaudissements. Elle se glissa de bassin en bassin, où chacun la félicita pour ses prouesses et son originalité. Sur l’estrade illuminée par les bio-lampions, les humains souriaient doucement.

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illuStrationS d’emmanuelle ly - texte de lucie rL’Appareil Photo

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Après l’accident, Amélie se retrouva seule. Ce n’était pas cette solitude qu’elle appréciait, avant. Celle qui lui permettait de se balader dans la rue à sa guise et de prendre des photos des passants. Anaïs lui reprochait souvent cette sale habitude. Elle demandait : « Mais pourquoi ces gens t’intéressent » ? Ce à quoi Amélie répondait généralement : « J’aime bien les voir vivre ».

Tout ça, cette joie innocente et pompeuse, c’était avant. Le jour de l’accident, il faisait beau. Le car de ramassage scolaire était prêt à vomir tous les gamins à l’école de la ville. Quand il percuta l’épaule d’Amélie et qu’il écrasa le pied d’Anaïs, les gosses beuglaient déjà comme des animaux effrayés. On se serait cru dans un film d’Hollywood. Sauf que c’était beaucoup plus sale. Réel. Amélie tomba, face contre le bitume. Puis, elle entendit le bruit du corps d’Anaïs broyé par la roue de l’autocar. Personne ne pouvait comprendre cette douleur. Pas même Amélie. De l’accident, elle sortit quasiment indemne. Tout juste quelques bleus collés à sa peau comme des vilains pansements. Anaïs, elle, ne survécut pas. On l’avait étalée sur le bitume, comme de la pâte à tartiner. Les enfants avaient eu pour consigne de sortir du bus en se cachant les yeux. Amélie n’avait pas eu cette chance.

De la frêle Anaïs, il ne restait plus grand-chose. Mais ses parents voulurent tout de même exposer le peu qu’il restait d’elle. Le cercueil était petit. Le corps meurtri et rouge d’Anaïs était recouvert d’un tissu pourpre, qui ne laissait entrapercevoir que son visage blanc. En se penchant vers son amie défunte, Amélie n’y vit qu’un squelette. C’était comme si les os reprenaient leurs droits sur la carcasse translucide. Amélie pouvait nettement imaginer la peau tendue craquer et se fendre.

Face au désespoir, Amélie céda à l’habitude. Seule devant le cercueil qui puait la cire, elle sortit son appareil photo. Elle prit un, puis deux, puis trois clichés du visage raide d’Anaïs. Le soir venu, elle les imprima et les déposa sous son oreiller.

A chaque fois qu’Amélie ferme les yeux, elle se rappelle qu’un jour, elle aussi, sa chair cédera sous le poids de la Mort.

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texte de franck conroy - illuStrationS d’eric BarBedor

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Au début de l’automne, les survivants de la B Company du 101e de l’Aéroportée étaient empêtrés dans de meurtrières escarmouches avec l’arrière-garde des chasseurs du détachement italien en Camargue. Un mois d’août chaud et sanglant avait endurci les membres de la Birdie Company, telle qu’elle était surnommée après leur parachutage estival. Les combats marécageux se déroulaient sous un soleil inflexible, qui brillait jusqu’à tard dans la soirée. Les balles déchiraient chair et herbe, forçant les soldats à s’aplatir dans l’eau stagnante et à n’avancer qu’en crapahutant. Une plaisanterie qui courait entre les rangs traduisait leur épuisement, le vétéran éprouvé de préférer la piqûre d’une balle à une seule piqûre de moustique de plus. La campagne approchait sa fin mais elle n’offrait aucun quartier.

Coincés derrière un talus, le sergent Ave, flanqué des deuxième classe Chick et Ornie, étaient en patrouille autour du camp improvisé de la Birdie lorsqu’ils aperçurent des troupes italiennes plus près d’eux qu’ils ne l’auraient souhaité. Ils s’étaient trop éloignés du retranchement de la compagnie, cela tenait de la chance qu’ils aient eu le temps de se dissimuler dans les hautes herbes. Les trois camarades osaient à peine respirer. Le sergent crut reconnaître des chasseurs transalpins, ainsi que des chiens les accompagnant. Le vent, s’il tournait, porterait sans doute leur odeur et c’en serait fini d’eux. Côte à côte, ils s’aplatissaient le plus possible pour observer les maraudeurs. Ils ne pouvaient pas prendre le risque de faire maladroitement marche arrière dans le marais. Un bruissement trop brusque et les chiens seraient alertés. Ils étaient peu nombreux, peut-être étaient-ils même perdus, après les derniers combats d’août et la retraite des envahisseurs. Les munitions leur manquaient probablement, mais ce serait sans doute suffisant pour les canarder jusqu’à ce que les chiens finissent le travail, alors pas de bruit ! La consigne émanait très clairement des yeux du Sergent Ave.

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Le terrain entre eux et les chasseurs était en partie inondé et midi commençait à cogner sur leurs nuques. Ornie, le plus atteint du groupe, souffrait beaucoup plus de la chaleur et de la tension que ses deux compagnons de malheur. Pour l’heure, il fermait son bec comme les autres, mais il sentait que ses forces viendraient à bout plus rapidement et qu’il faudrait que le sergent prenne une décision avant qu’il ne mette en péril la patrouille. Ils attendirent sur le ventre quinze minutes, vingt minutes, mais les Italiens ne bougeaient pas, ils étaient assis, la carabine en travers des genoux, et les chiens somnolaient sous le soleil, au son des criquets. Le marécage réchauffé exsudait l’odeur des eaux stagnantes putrides où se décomposaient les carcasses des dernières semaines. Au moins cela empêchait les chiens de les débusquer, pensa Ornie. Chick en revanche se remémorait les poussins qu’il avait laissés à la maison, peut-être les reverrait-il en se sortant de ce pétrin. Ce fut Ave qui rompit le silence.

« Je suis à sec de bonnes idées, les poulets. Vous avez l’autorisation de vous manifester si vous en avez un éclair de génie, mais pendant que les Italiens picorent, on dirait que la seule chose à faire c’est de rester à terre sans piaffer. En revanche, s’ils reprennent la marche, on peut rester immobiles en priant tous les dieux qu’ils ne nous voient pas, ou on prend nos pattes à nos

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cous et on se tire aussi vite qu’on peut. Mais alors, on risque de commencer une partie de ball-trap dans la mauvaise équipe. » Chick sourit, ils se sont sortis de traquenards plus dangereux que celui-ci auparavant. Et puis ils n’avaient pas parcouru des milliers de kilomètres dans les airs pour finir dans la gueule d’un chien ; même Ornie s’en était sorti indemne pour l’instant, et Dieu sait qu’il est nerveux.

Mais cette fois-ci, Ornie allait pire que d’habitude (c’est dire) et Chick comme Ave le sentaient. Le sergent rampa jusqu’au bleu pour s’assurer qu’il tiendrait le coup. Ornie craquait sous la tension tandis que les chasseurs, qui déjeunaient tranquillement à vingt-cinq mètres de là, pouvaient se lever à n’importe quel moment et les repérer. Et pire que cela, les chiens pouvaient se réveiller, les renifler et les dévorer en l’espace de secondes. Il implora le sergent pour une solution, mais sans effet. Le sergent lui intima de rester coi. De longues minutes passèrent, et sauf le tremblement d’Ornie, rien ne bougea entre la patrouille et les chasseurs. Ce fut alors la fin du déjeuner.

Un des molosses ouvrit l’œil tandis que lentement, les chasseurs italiens rangeaient leur casse-croûte. Ornie, blanc de trouille, menaçait à tout moment de devenir fou et abandonner le poste. C’était peut-être au fond la seule chose à tenter se dirait aux derniers instants le sergent Ave.

« Ornie, ne moufte pas ! chuchota Chick.

- Ils arrivent, on fait comment ? se mit à paniquer Ornie.

- Ne bouge pas ou je te mets une raclée quand on revient, grogna le sergent Ave.

- Ils arrivent, moi je m’en fiche, on va mourir si on ne bouge pas.

- Ornie, tu vas nous faire tuer.

- Je te jure deuxième classe, je te casse la gueule si tu dis encore quelque chose…

- Non non, ils arrivent, moi je m’en vais. »

Les Italiens étaient debout et marchaient vers eux. Ils ne semblaient pas les avoir vus, mais les chiens qui avançaient en avant ne tarderaient pas à les découvrir. Ornie, malgré les supplications et les menaces, prit son envol. « Ornie, non ! » cria Chick. Il s’éleva de cinq mètres et tenta de zigzaguer en l’air pour tromper les Italiens, mais cela eu pour seul effet de leur laisser le temps de viser. Un seul tireur se chargea de lui transpercer l’aile. Il s’écrasa à quelques mètres de Chick et d’Ave, et piaillait à la mort. Les deux survivants virent les chiens accourir vers Ornie blessé, et ils se tenaient sur leur course. Il ne restait qu’une solution. Le soleil de midi les aiderait peut-être, en aveuglant suffisamment les Italiens pour qu’ils manquent leurs tirs. Les chiens achevaient Ornie tandis qu’ils s’élançaient au-dessus de leurs maîtres.

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A dix mètres du sol, ils crurent à leur chance, mais la troupe ennemie épaula ses carabines et fit feu. Elle eut la décence de crever le cœur de Chick et son espoir de revenir en vie. Il était mort avant de toucher le sol. Le brave sergent Ave n’eut pas la même chance, touché au plumage arrière et latéral, il plongea à tribord vers sa perte. A peine conscient, il put recommander son âme à Dieu alors que les chiens accouraient. Il expira dans la gueule de l’épagneul et au son des chasseurs triomphants.

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texte de Willem Hardouin - illuStrationS de tarolime

OPUS 114 - B203

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Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amouret les fleuves ne le submergeraient pas

——Cantique des cantiques, 8:7

Sa peau était aussi claire que la lune. Les bois étaient silencieux, et le lac moins sombre que son regard. Rusalka aimait les bains de midi. C’était la première vois qu’Antonin la voyait, nue, et il était comme pétrifié. Elle était si belle, si fine ! Sa longue chevelure verte descendait jusqu’au creux de ses reins, et d’un rire elle l’invita. Il retira très vite ses vêtements et courut la rejoindre. L’eau était froide.

“ Tu es sûre qu’on ne risque rien ?- Puisque je te le dis ! Personne ne passe jamais par là. Et l’eau est si claire qu’on le verrait, s’il y avait un gros poisson, non ?”

Le soleil rayonnait et l’eau miroitante envoyait des reflets sur leurs corps. Antonin parvint au niveau de Rusalka. Ils avaient de l’eau jusqu’au bassin. Elle lui prit la main et ils avancèrent. Antonin tentait d’oublier la froideur du lac, mais il ne put retenir un claquement de dents quand ils furent immergés jusqu’au menton.

“ Tu as froid ? demanda-t-elle.- P…pas du…du tout.”

Elle eut un petit rire charmant, et le prit dans ses bras. Elle n’était pas brûlante, mais le contact de ses seins, de son ventre et de ses cuisses fit circuler le sang d’Antonin. Une brise soufflait et courbait légèrement les roseaux sur la rive. Quelques ondes ridaient le lac au fond duquel on distinguait clairement les galets gris et beiges.

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Rusalka était à l’aise dans l’eau et s’y mouvait comme en plein air. Ses cheveux faisaient comme un voile d’algues flottant autour de sa tête. Ses grands yeux absolument noirs étaient grand ouverts, et elle était ravie. Antonin ressentit comme une gêne. Il se rendit compte, soudain, qu’ils étaient sous l’eau. Rusalka était tranquille. Antonin lui sourit, puis remonta pour chercher de l’air.

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Sauf qu’elle le maintint sous l’eau. Il fit un mouvement, tenta de se dégager de l’emprise de Rusalka, mais elle ne le lâcha pas. Antonin paniqua. Il remua de plus en plus, laissant les bulles argentées quitter ses poumons. La terreur plein la tête, il se débattait comme un diable.Rusalka, patiente comme une araignée, s’amusait de le voir s’emmêler dans les flots grisâtres. Il s’engluait dans les algues, et son érection avait disparu, le sang cherchant vainement à se remplir d’oxygène. Antonin regarda Rusalka. Elle le tira, il descendit, et, déjà, sa vue s’enténébrait. Il était agité de spasmes, dans un ultime instinct de survie. Elle le plaqua au fond du lac.Le soleil, vu de là était magnifique. Rusalka embrassa Antonin, qui sentit l’eau s’infiltrer en sa bouche, chasser les dernières bulles de vie. Quelques unes de ses larmes se mélangeaient à la froideur du lac. Son regard s’égara dans les cheveux verts de Rusalka, et il perdit toute chaleur. Elle l’enterra sous les galets, fière de son œuvre.

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Quand Rusalka sortit de l’eau, il devait être quatorze heures. Elle s’allongea dans l’herbe pour se sécher – le soleil était flamboyant. Ses cheveux ressemblaient à des joncs couchés. La fine brise s’était amenuisée. La chaleur n’en était que plus pesante. Quelques rares nuages bêlaient en paissant la cime des arbres. La forêt bruissait autour d’elle. Rusalka avait les paupières closes et un sourire étirait ses lèvres blanches. Elle avait l’air paisible.

Dimanche, vers 18 heures, des promeneurs ont découvert le cadavre d’une femme d’une vingtaine d’années. L’enquête a été confiée à la gendarmerie. Le corps a été trouvé juste à côté du lac Mésange, dans un secteur boisé. L’identification n’a toujours pas été confirmée, mais le cadavre fera l’objet d’une autopsie afin de déterminer à la fois son identité et la cause du décès. Aucun acte criminel n’est soupçonné.

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illuStration d’emmanuelle ly - texte d’olivier Pivot

La Baigneuse

Vautrée sur son matelas pneumatique, Elise avait les yeux fermés. Les bras ballants, sa main venait nonchalamment effleurer le roulis miroitant des vaguelettes chlorées qui aspergeaient ses jambes. Cela faisait quelques heures qu’elle dérivait, au gré des courants provoqués par les plongeons des baigneurs, exposant la nudité de sa peau à la caresse brûlante du soleil de juillet. Son immobilité alanguie, savamment cultivée, laissait croire qu’elle était assoupie ; jamais un frémissement ne venait trahir un signe d’éveil.

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Allongé sur une serviette au bord de l’eau, Clément la contemplait. Il l’avait remarquée depuis quelques jours. Son habileté à se débarrasser des dragueurs des bords de plage l’enchantait. Aujourd’hui, son jeu semblait être l’indifférence. Elle avait feint la somnolence lorsqu’elle avait été aspergée par une trombe d’eau, projetée par le jeu de deux nageurs en quête d’attention. Les gerbes successives projetées sur ses jambes puis sur son visage, n’avaient pas réussi à dérider l’immobilité de glace du visage de la baigneuse. Dépités, les nageurs s’étaient éloignés. Le sourire fin sculpté sur les lèvres d’Elise, toujours aussi immobiles, s’était teinté d’une nuance ironique, narguant leur piteuse retraite.

Indolente dans sa superbe, elle trônait au milieu des eaux, tournoyant au rythme balancé des vaguelettes étalées. Un audacieux avait bien tenté de se placer au milieu de sa route, désirant la forcer à réagir ; en vain son buste avait-il heurté la chaire molle des jambes inertes d’Elise. Imperturbable, elle n’avait pas réagi, continuant son ballet lent et solennel, dans la rotation calme imprimée par son matelas dérivant. Le jeune homme, stupéfait par cette morgue écrasante, lui avait accordé la victoire, laissant la peau brune d’Elise à la caresse langoureuse du soleil. Le matelas avait accompli un dernier tour sur lui-même, s’immobilisant dans un geste un brin moqueur dans la direction du vaincu.

La joue posée sur la pierre brûlante, Clément se laissait entraîner dans une rêverie lente, bercée par le doux clapotis de l’eau chlorée alentour. Il releva soudain la tête ; les nageurs de tout à l’heure revenaient, dans l’espoir de parvenir à leurs fins. L’un d’entre eux, armé d’un tuba en plastique, s’approcha du bord de l’eau immobile et plongea tout-à-coup, provoquant un bruit à réveiller un mort. Ruisselant, il ressurgit hors de l’eau. Balancée par le remous, Elise feignait toujours la somnolence. Le plongeur ne s’avouait toujours pas vaincu. Il s’exclama : « Désolé ! Je ne vous avais pas vue, mademoiselle. Je ne vous ai pas trop aspergée j’espère ? » Un silence de mort lui répondit. Seul un léger pli de la lèvre inférieure de la baigneuse semblait trahir son amusement. Furieux de son indifférence, l’homme au tuba s’éloigna, rejoignit le bord et se hissa hors de l’eau. La mort dans l’âme, il ramassa sa serviette et la jeta sur son épaule. Il fut rapidement rejoint par son camarade et ils entamèrent une conversation animée. Navrés de leur échec, ils tentaient de minimiser l’impact de leur déconvenue. Clément tendit l’oreille et entendit le mot « sac d’os ». Souriant avec ironie, il reposa sa tête sur le sol et ferma les yeux.

Une mouche se posa sur la lèvre d’Elisa, puis pénétra dans sa bouche, glissant sur sa langue tuméfiée et pétrifiée, dans l’antre de chair rose pourrissante. Elle n’en crut pas ses antennes : tout cet amas de viande morte pour elle toute seule !Au loin, les deux hommes continuaient leur conversation : « Trop maigre, je te le dis, c’est un cadavre ambulant, cette fille ! »

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texte de ZacHarie BouBli - illuStrationS de madoucHka

Primitive

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Les premiers bateaux inventés cabotèrent près d’une falaise de basalte. L’un de ceux qui avaient été assez téméraires pour se fier à un morceau d’écorce au sommet de la terrifiante masse océanique aperçut nettement une forme humaine blanchâtre se découper sur la pierre noire. Agité par la houle, l’homme semblait affronter les embruns avec courage depuis des millénaires. Si milles bouches voraces du ressac avaient emporté toute chair de ses ossements, il persisterait jusqu’à l’assèchement des mers.

S’il y avait des années que l’homme ne parlait plus, sa posture plantait des semis dans les mémoires. Il était retenu à la falaise par huit tours d’un nœud d’algues noires, qui enserraient aussi sa tête et lui tressaient une sinistre corolle. Sa main droite était profondément enfoncée dans ses orbites.

Bien plus tôt, on pêchait à cinq en crique. Batteur, retteurs, nageur, guetteur.

Korbo aimait être batteur. Taper les berniques était certes un plaisir gamin ; mais surtout, pousser le goujon dans le filet d’algues déployé en croissant par les retteurs rendait vraiment utile. Le coucher de soleil propice à la pêche aurait fait un bonheur complet, n’y aurait-il eu Mustar. Le retteur était insensible au dégradé céleste bleu-rouge zébré de nuages.

« Si t’as fini de te sentir péter, bats d’autre chose que des fesses, kalnar !, râlait Mustar.

- T’as peur de quoi, dirsan ? C’est la saison du thon. Ce soir, on pêche ta fiancée ! T’auras même droit à la plus belle du filet. Ça te fera une plus jolie que tu pourras jamais t’en sortir ! », rétorqua le batteur narquois.

Mustar s’esclaffa en même temps que sa co-rétteuse Chamcha. Sarad le nageur, qui faisait tranquillement la planche à une vingtaine de mètres avait entendu...et failli couler en se tordant de rire. Korbo sortit ses berniques et se mit au travail. Qui consistait essentiellement à faire du bruit pour effrayer les poissons qui venaient pondre dans la crique...et qui, leur tâche accomplie, finiraient dans les rets.

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Ardek le guetteur était trop loin pour entendre. Tant mieux d’ailleurs, ce n’était pas son rôle. Il avait rejoint à la nage le bras rocheux qui fermait la crique, et surveillait attentivement la trouée reliant la crique peu profonde à l’océan vertigineux. Il leva trois fois le harpon d’os empenné de rouge à l’adresse des autres en apercevant de petites billes d’argent danser au fond de la trouée. La marée montante amenait de quoi nourrir le village pour une bonne semaine. Lui n’en mangerait que peu, préférant laisser les poissons à ceux qui ne pouvaient chasser leur pitance ; il préférait manger des singes tués à la sarbacane.

Il eut raison de ne pas se laisser distraire par les cris de joie des retteurs. Il blêmit en voyant une grande forme sombre se détacher sur le sable gris du fond de l’eau. Il reste des charques. Hlek ! Si Sarad rate son coup...

En un éclair, le guetteur s’était redressé. Il repéra le dôme oculaire moiré sur le dos du charque, et y darda son harpon. Il fit mouche. Plus de ciel pour le prédateur..

Le harpon avait lancé la lutte à mort entre les pêcheurs et le charque. Car si l’animal était venu gober tranquillement les poches d’oeufs que les poissons enfouissaient sous les eaux calmes de la crique, la moindre trace humaine, sans parler d’une attaque, en faisaient un monstre de férocité impitoyable.Tous frissonnaient en s’imaginant subitement fauchés par une griffe chitineuse, plaqués au sol et engloutis dans une bouche ventrale hérissée de dents, ou emportés au large en luttant désespérément pour un souffle d’air, sans pouvoir échapper aux deux tentacules du monstre quand vos poumons éclataient.

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Ardek se redressa, saisit la conque nacrée qui pendait à son flanc et la sonna à s’en crever les tympans. Les pêcheurs sursautèrent ; mais, mus par l’aiguillon de la peur, ils ne perdirent pas une seconde. Mustar et Chamcha refermèrent promptement le filet pour l’échouer sur la plage. Sarad et Korbo convergeaient vers la terre ferme à toute allure ; le batteur d’autant plus vite qu’il voyait nettement le nimbe rouge du harpon planté dans l’oeil dorsal du charque venir droit sur lui.

Korbo sentit ses jambes se dérober sous lui. Les batteurs bruyants faisaient bonne pêche, mais ils étaient des aimants à charques. Sarad était encore loin...trop loin. Le charque le heurta de front. Il tomba à la renverse. Il était sous l’eau, plaqué au sol par le corps puissant du prédateur. D’une détente fulgurante de la jambe droite, Korbo brisa net une des pattes griffues qui tentait de s’enfoncer dans son ventre.

Il ne put rien faire contre la gueule qui vint s’apposer sur sa poitrine avec une irrésistible délicatesse. Les dents aiguisées du charque s’ancrèrent dans sa chair. Quand le monstre fit le vide dans sa gueule, ce fut comme si une ventouse mortelle aspirait son cœur à travers sa cage thoracique.

Sarad se jeta sur le flanc du charque au moment où Korbo sentait craquer son sternum. Trop occupé sur le corps du batteur, l’animal remarqua à peine Sarad plongeant un silex affûté dans son cloaque. Le monstre convulsa furieusement, mais il était trop tard. Le bras jusqu’au coude dans l’orifice, Sarad arracha les pelotes de nerfs et trancha les viscères.

Le charque s’effondra. Korbo ne mourut pas noyé mais écrasé sous le poids du corps, poignardé par les dents qui percèrent ses poumons.

Comme le voulait la coutume, son sang alla irriguer la crique, son corps fut laissé aux oiseaux charognards et son esprit, passé dans le cadavre du charque, fut ramené au village pour être mangé par tous.

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Avec les autres pêcheurs, Ardek faisait le tour des quelques foyers qui éclairaient le village. Ils allaient voir les uns et les autres, ressassant la mort de Korbo et l’exploit de Sarad, veillant à ce que nul ne manque de rien, buvant des rasades de vin avec les uns et les autres.

S’il semblait à tous que sa présence rassurante n’était jamais qu’en retrait dans l’ombre, toujours prêt à s’avancer quand on avait besoin ou envie de le voir, il en allait autrement pour Chamcha. Ses yeux brillants et ses colliers de nacre la rendaient éclatante. Elle était lumière et de chaleur elle-même. Quand elle se fut lassée d’illuminer tout le monde, elle prit Ardek par la main et ils s’étreignirent non loin du village.

Ardek ne put dormir. Korbo passé, lui se lamentait, privé de chaleur et de lumière. Plus de soleil, plus de vin, plus de poisson, plus de couche pour le jeune Korbo, qui faisait la joie de tous.

De quel droit Ardek se vivait-il encore quand ses frères et sœurs pleuraient Korbo ? Tant dormaient seuls dans le noir et le froid.

Chamcha voulait être son soleil, sa vie. Quel criminel garde pour lui un soleil ? Ne doit-on pas au contraire être à tous ? Ne se doit-on pas tout entier aux autres ? Comment rester à tous, comment rester l’homme dans l’ombre qui s’avance, un sourire aux lèvres pour le nécessiteux ?

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Pris d’une étrange ivresse, Ardek courut comme un dément vers une grande falaise. Il fuit le point d’ancrage de sa singularité dans une différenciation qui le couperait de sa matrice. Il profita de la marée basse pour s’exposer aux flots. Poissons et charques se chargeraient de le répandre dans l’univers. Il s’attacha huit fois le bras gauche à un filet d’algues, se poinçonna le front d’une pierre aiguë et couvrit son regard de sa main droite. Il n’eut plus qu’à attendre qu’un châle d’écume vienne prendre son offrande.

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un cornet de glace au Paradis

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texte de oScar e. arcane illuStrationS de Jane danS la Jungle

Aleksandra n’avait pas la moindre idée de ce qui lui arrivait. Il y avait à peine un instant, elle voyait ce camion foncer sur elle, alors qu’elle serrait les dents et ses mains sur le volant de son pot de yaourt. À présent, elle se trouvait dans une file interminable, une valise dans chaque main. Il faisait plein jour, pourtant le ciel était d’un bleu étrangement sombre et l’on pouvait voir quelques étoiles. À l’horizon, ce qui ressemblait à une chaîne de montagnes était en fait une mer de nuages.

Aleksandra se tenait sur une immense plateforme organisée en une multitude de couloirs séparés par des barres métalliques, un peu comme une file d’attente à l’entrée d’un parc d’attraction. Il y avait bien assez de monde pour donner cette impression, en tout cas. En face se trouvait le plus grand portique qu’Aleksandra eut jamais vu. Il était surmonté d’un écran tout aussi impressionnant sur lequel défilait un message dans une quantité de langages monstrueuse.

Aleksandra dut attendre un petit moment avant de voir une langue qu’elle pouvait comprendre : « Bienvenue dans l’au-delà !Merci de bien vouloir garder votre calme et de patienter quelques instants. »

Tout était plus clair. Tout sauf les valises, en fait. Aleksandra posa l’une d’elle au sol et tapota l’épaule de l’homme qui se trouvait devant elle. C’était un grand type en costume marron à la coiffure impeccable. Il tenait ses valises d’un seul bras pour pouvoir fumer un cigare dont l’odeur agressait les narines. Plutôt bel homme, il était cependant entre deux âges et commençait à avoir un peu de bedaine. Il se retourna et afficha son plus beau sourire.

« Dites, vous savez ce que c’est ? Demanda-t-elle en indiquant ses valises. »L’homme haussa les épaules.« Désolé, pas la moindre idée. »Déçue, Aleksandra soupira. Voyant son désarroi, l’homme commença à poser la même question tout autour de lui. Personne ne savait vraiment, mais les spéculations allaient bon train. Une chose était certaine, personne n’avait réussi à les ouvrir. Alors que la question circulait dans la foule, l’homme en costume marron pensa qu’il était de bon ton d’engager la conversation.

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« Alors, vous, c’est quoi ?– Accident de voiture, et vous ? »L’homme eut un large sourire goguenard et enleva son cigare de la bouche.« Cancer du poumon. »Aleksandra lui lança un regard noir.« Allez, moi je le prends bien, pas la peine de faire grise mine !– Vous savez que pendant que vous vous infligez votre propre maladie, d’autres souffrent de maux incurables qu’ils n’ont rien fait pour mériter ? »

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L’homme perdit son sourire. Il jeta des regards embarrassés autour de lui, puis il finit par laisser tomber son cigare et l’écraser.« Désolé, dit-il. Je ne voulais pas vous offenser. »Aleksandra soupira sans répondre. Le sujet était personnel et difficile. Un silence gêné s’en suivit.

L’attente allait être bien longue.

Au fur et à mesure que la file avançait, les rumeurs sur les valises se faisaient plus crédibles.Bientôt, il n’y eut plus aucun doute. L’une de ces valises contenait les péchés de la personne qui la tenait, l’autre, les vertus. Enfin, Aleksandra soupira d’aise quand l’homme au costume marron sortit de son champ de vision. Elle s’avança jusqu’à une très longue table recouverte d’un drap blanc. En face d’elle était assis un garçon qui portait un polo blanc impeccable et ayant un badge épinglé sur sa poitrine, indiquant son prénom. Il allait lui adresser la parole quand un autre jeune homme arriva à sa hauteur, blond, le sourire éclatant.

« Hey, Mikaël ! La cavalerie est arrivée !– Gabby ! Enfin. L’accueil est vraiment l’assignation la plus épuisante...– M’en parle pas, je vais en avoir pour quarante-huit heures. »Aleksandra écarquilla les yeux.« Ouais, reprit Mikaël. Faudrait revoir le planning. Fais-moi penser d’en parler à Dieu au prochain meeting.– Compte sur moi ! »

Sur ces bonnes paroles, Mikaël se leva et les deux anges se serrèrent la main et se tapèrent mutuellement l’épaule. Gabriel s’installa à la place de son collègue et adressa un magnifique sourire Colgate à Aleksandra.

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« Désolé de vous avoir fait attendre mademoiselle.– Euh... Pas de souci. »

Qui était-elle pour reprocher quoique ce fut à un ange ? Un ange qui allait devoir accueillir les morts sans relâche pendant quarante-huit heures ? « Voulez-vous bien me montrer vos valises, s’il vous plait ? »Sans se faire prier, mais non sans une certaine angoisse, Aleksandra déposa les deux valises sur la table. Gabriel ouvrit la première à l’aide d’une petite clef et contempla l’intérieur.« Bien, bien, bien, fit-il. Hey, joli le coup du parapluie ! »Évidemment, Aleksandra savait très bien de quoi il parlait.« Ça se présente plutôt bien, ajouta Gabriel, enjoué. »Il referma la valise et prit la seconde entre ses deux mains expertes.« Mmmmh... Oh ! Aouch. »

Il leva un regard compatissant vers Aleksandra qui se mit à rougir. Pourvu qu’il ne fasse pas de commentaire ! Elle n’était pas vraiment fière de ce qui pouvait se trouver à l’intérieur de cette valise.« Quelle est votre religion, mademoiselle ?– Je suis agnostique.– Oh là ! »Gabriel se passa une main sur le visage, subitement envahi par une grande fatigue, semblait-il.« Alors, commença-t-il, en proie à une intense réflexion, vous me semblez être une personne tout à fait décente. Je peux vous mettre là où vous voulez. Vous avez une préférence ?– Euh... »Aleksandra était plus perplexe qu’hésitante. Il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’on pouvait... choisir. Mais elle se ressaisit rapidement.« J’aimerais retrouver quelqu’un. C’est possible ça ?– Bien sûr ! S’exclama Gabriel. Je peux vous arranger ça sans problème. »Il attrapa une petite feuille cartonnée et commença à griffonner un symbole étrange.« Je sais qui vous voulez retrouver, affirma-t-il avec un sourire entendu. »Après ce qu’il avait vu dans les valises, Aleksandra s’en doutait bien. L’ange lui tendit la feuille cartonnée.« Présentez-vous au gardien du portail sur votre gauche !– Merci.– Mais de rien. Passez une bonne journée !– Vous aussi. Bon courage, ajouta-t-elle avec un mince sourire. »Gabriel rayonna. La jeune femme supposa qu’on ne devait pas le lui dire souvent. Aleksandra se retrouvait dans ce qui ressemblait à une jolie ville balnéaire. Seulement la mer faisait place aux nuages. Tout le reste semblait plutôt familier à Aleksandra. C’était le but, imaginait-elle.

On lui avait indiqué comment retrouver Thomas, son amant décédé quelques mois plus tôt.Lorsqu’elle repéra la terrasse de café dont on lui avait parlé, son cœur se mit à battre la chamade, si cœur elle avait toujours. Elle chercha des yeux la touffe de cheveux châtains tant de fois ébouriffée.

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« Thomas ? »Le jeune homme sursauta et se retourna brusquement.

« Aleksandra ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? »Ce n’était pas vraiment la réaction qu’elle avait espérée. Son regard glissa vers la fille qui était attablée en face de Thomas...« Ahem, fit-il, mal à l’aise. Je te présente Sophia. Tu sais ? Ma fiancée qui était... qui était morte deux ans avant notre rencontre ? »Aleksandra savait. Elle ferma les yeux et sa tête se mit à tourner. Elle se sentait mal. Pourquoi elle n’y avait pas pensé ? Pourquoi personne ne pensait jamais aux problèmes que la vie après la mort pouvait poser ? Bon sang. Aleksandra ne voulait pas avoir à gérer une situation comme celle-là. Elle ne l’avait jamais voulu. Sans un mot, elle tourna les talons et s’enfuit en courant.Assise sur un banc, la brunette pleurait silencieusement. Elle repensait à la maladie de Thomas, à son pot de yaourt et au camion. Idiote était le mot qui lui venait à l’esprit, venant taper contre son front encore et encore. Idiote, idiote, idiote.

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« Hé, ça va pas ? »Aleksandra leva les yeux sur un pantalon marron. Il lui semblait bien avoir déjà entendu cette voix.« Si. J’adore pleurer toute seule sur un banc. »Le ton mordant ne laissait aucun doute sur son humeur. L’homme au costume marron ne s’en offusqua pas. Il s’assit à côté d’elle, l’air attentif.« Il s’est passé quelque chose ?– Rien. Je ne voulais pas perturber les émouvantes retrouvailles de mon amoureux avec sa belle fiancée morte depuis deux ans, c’est tout. »– Ah. »

Il ne pouvait trouver aucun mot de réconfort approprié. La situation était nouvelle pour tout le monde. Aleksandra songea que le paradis devait peut-être envoyer des émissaires sur terre, histoire de faire un pitch aux mortels sur ce qui les attendait après la mort.

« Et si on allait manger quelque chose ? J’ai repéré ce petit glacier là-bas, avec un vrai chariot à l’ancienne ! »Même s’il fumait le cigare, l’homme en costume marron était plutôt sympathique, tout compte fait.Aleksandra essuya ses larmes, se redressa et inspira profondément.

« Ouais, pourquoi pas ? Allons-y. »Ils se levèrent, la jeune femme prit le bras de son compagnon et ils longèrent la promenade des nuages en bavardant.

« Vous croyez qu’on peut draguer les anges ? Je pense que j’ai flashé sur Gabriel. »

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illuStrationS d’emmanuelle ly - texte de franck conroy

Les Masques

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Traduction libre de Milonga del fusilado de Los Olimareños

Ne me demandez pas qui je suisni si vous m’avez connu.Les idées que j’ai chéries

grandiront, bien que je ne sois plus.Parti au loin, je demeure

en compagnie de nos rêves.Et d’autres, qui de combattre n’ont de trêve,

verront naître d’autres roses ;au nom de toutes ces choses

mon nom sera le seul qui ne meure.

Ne me rappelez pas le visage,qui fut mon masque de guerre,

alors que pourrissaient sur ma terre,la violence et les outrages.

La tête haute, je monte au ciel,et je le vois s’éclaircir.

Bien peu m’ont entendu rireje pars avec un rire ignoré,

vous le verrez à l’oréedu nouveau jour qui se lève.

Ne demandez pas mon âge,je porte les années de mes frères,

j’ai choisi à ma manièred’être plus vieux que mon âge.

Si ma jeunesse vous toucherangez mes ans avec mes cartouches.

Je renais dans tout martyr,dans tout mort du peloton de tir.

Je renais alors dans les annéesde l’enfant que j’aurai libéré.

Ne cherchez pas une tombe,non plus qu’un cimetière où m’enterrer.Mes mains ont rejoint les poings serrés,

ma voix, celles qui grondentmes rêves, ceux qui restent entiers.Sachez que je ne meure vraiment,

que si vous levez un drapeau blanc,car mort dans la fusillade

je revis dans chaque camarade.

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texte de margot cHaron illuStrationS de BourBy

« Tu veux que je te chante la mer ? Le long, le long, le long des golfes, pas très clairs… »

Haydée fredonne ce refrain sans même s’en rendre compte. Il est désormais devenu une partie intégrante de sa personne, comme un prolongement de ses lèvres. Ses minuscules pieds s’enfoncent dans le sable alors que son regard vide scrute la ligne d’horizon.

« Anna, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » susurre Alexandre dans son oreille. Au son de la voix chaude et rassurante du jeune homme, Haydée sourit malgré elle.

« Je ne vois qu’horreur et désolation. » répond laconiquement l’adolescente, en déguisant sa joie de revoir son partenaire de jeu sous une indifférence feinte. « Misère et infamie. Noirceur profonde de mes yeux perdus dans les yeux lointains du futur » finit Alexandre. Cette fois-ci, Haydée éclate de rire. Un rire franc et cristallin, un écho aux cris des mouettes rieuses qui planent au-dessus de la plage normande. Sans se retourner vers le jeune homme, elle l’interroge d’une voix tendre :

« Alors tu t’en rappelles encore ?

- Mais bien sur mon amour. Comment oublier une si belle lettre d’adolescente suicidaire ?

La voix du jeune homme laisse pointer une douce ironie dans cette boutade à sa camarade.

- Oh ! Tu te fiches encore de moi ! Crétin !

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Dans un éclat de rire délicieusement moqueur, Alexandre attrape Haydée par la taille et la force à lui faire face. Un ange passe. Puis un deuxième. Aucun des deux enfants ne parle plus. Leurs sourires se figent puis s’effacent. Leurs regards s’enlacent indéfiniment. La main d’Alexandre s’attarde dans le creux moelleux du ventre d’Haydée. Elle sent le sel marin et l’essence de lavande. Sa peau est légèrement dorée et duveteuse, recouverte d’une soie d’or dont on pourrait tisser des étoffes de reine. Alexandre a les yeux bleus et des boucles mordorées qui coulent le long de sa nuque. La dernière fois qu’Haydée l’a vu, il n’avait pas de barbe. Ses joues sont maintenant recouvertes inégalement de petits piquants blonds. Elle en sent la morsure sur ses lèvres lorsqu’elle baise délicatement son ami sur la joue.

“ Alors c’est la dernière fois ? ”, demande-t-il.

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Il a repris sa voix doucereuse de baryton pour interroger Haydée. Il sait qu’elle ne peut rester insensible aux nouvelles notes graves de sa voix mâle à peine éclose. Il délie lentement les voyelles et laisse couler les sons comme une trainée de miel à l’oreille de la jeune fille. En murmurant ces mots, sa bouche frôle les pointes de cheveux d’Haydée. Elle a désormais une coupe courte, si bien que ses mèches les plus longues couvrent à peine les lobes de ses oreilles. Elle ressemble à une Bécassine malicieuse, presque vicieuse lorsqu’elle décide de regarder les gens par en-dessous, en se dissimulant sous sa frange.

“ Tu as vraiment gardé toutes mes lettres ?

- Bien sur que non Haydée. Tu sais bien que je n’aime pas m’encombrer.”

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Elle baisse les yeux et une moue boudeuse tord ses lèvres charnues. Alexandre a oublié de lâcher sa taille mais ni l’un, ni l’autre, ne semble vraiment s’en soucier. Elle envoie un peu d’eau sur les jambes imberbes du jeune homme.

“ Et puis je les connais par cœur. Je n’ai pas besoin d’une feuille de papier pour garder tes mots avec moi. “

Haydée continue à éclabousser Alexandre. Elle fait monter les gouttelettes iodées toujours plus haut, jusqu’à ce qu’elles atteignent les cuisses. Alexandre retire sa main. Haydée tressaillit. Tout d’un coup, elle semble se rappeler de la question qui lui a été posée.

“ Oui, c’est la dernière fois.” Elle dit ces mots avec détermination, en plantant son regard noirs dans les yeux clairs de son ami. Pendant un instant, le charbon rivalise avec l’azur. Aucun ne scille. Rien ne bouge. Même la mer semble s’être arrêtée. Leurs deux cœurs transis restent sourds aux cris des mouettes et au clapotis des vagues.

Le glas a sonné.

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I n s o m n i a

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A few months ago, upon seeing an ad for a night job, I decided to put my chronic insomnia to good use. I became a janitor at my university’s hospital. At first I was only there to clean, but I ended up checking on patients because of the personnel shortage. The nurses started sending me in when they lacked the time for a proper chat with patients. I would come and try to soothe them; sometimes an ear is an ear. Night after night, I listened, without judging. Some people were here briefly. Others were here to die, and the only thing that could mend them now was to share their story. Some patients made sense, and others were rendered incoherent by pain, drugs or diseases. But all, I think, were equally relieved to gaze upon an attentive face in nights full of nightmares.

Sometimes, when the morning came, I wouldn’t remember the color of the sky, or that there were sane, gleeful people out there. I would go to class and, in a blur of tiredness, I would doubt which life was more real: the intense conversations with dying people or the petty chats with my classmates.

texte de melo maPoilluStrationS de line HacHemcouleurS de cHloé faller

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One night, a nurse had asked me to check room 353, so I went. Someone, however, was already sitting next to the patient. The privacy curtain was slightly open and I saw a man in a nurse’s attire I didn’t recognize. The man was listening intently to her words, like I would have done. I felt a pang of jealousy, but dismissed it quickly. They were enough distressed people in the hospital for the two of us. So instead I went to George’s room. The man had caught a nasty nosocomial infection when getting operated for appendicitis. He was not going to make it but, aged 83, considered he had done his time on Earth. He was an old black man with sass, wisdom, and a hell of a luck at cards. I played some hands of Rummy with him, talked about the Civil Rights Movement and I forgot all about the mysterious man in room 353.

A few nights went by and I was on cleaning duty in the oncologic ward once more. I thought of Clara and went for a visit. She was pale and hairless. She put down her book and asked me:

“ Are you a doctor? - Clara? It’s me, Sam!She looked confused. I sat by the bed and got her talking. She started to tell me a story I had heard before, about her adventurous baby girl breaking a leg crawling out of bed. The memory had been very vivid but now she couldn’t tell exactly what had happened. She remembered the tiny plaster, but not the accident itself. Maybe she was tired. It was already 2am. Before leaving the room

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I peeked at her medical record and saw that a visiting family member had noticed her troubled memory. A doctor’s note also read that amnesia was a highly unfamiliar symptom of her pathology.

More days went by and I repeatedly stumbled upon the mystery nurse again. Clara died remembering nothing but her husband. I noticed memory losses with other patients, but it was when George started to forget that I really worried. The man had encyclopedic knowledge. He could quote Shakespeare and play by heart symphonies. To see him forget, every night a bit more, saddened me more than the prospect of his death. And the more time I spent with George, the more glimpses of the mysterious nurse I caught. One Tuesday, I arrived early and the man was still there. I sat outside the room, and listened to the story until the end. George was a talented storyteller; he knew where to put details, hand movements and silences. Once it was over, the nurse gave him a water bottle and said words in a language I couldn’t place. When I went into George’s room he had forgotten both the story and the man he had told it too. I decided to investigate the mysterious man more closely.

A week later, I was downright frightened. I had several theories about

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the man. They were crazy, but the facts were crazier. The man talked to dying patients only. Every time, they wouldn’t remember him or the story they had told him and he would give them a water bottle. Also, despite wearing a nurse’s uniform, he would never do any medical job. I spoke about him to the regular nurses: they seemed to think he was an intern but didn’t know his name. Was he a mad scientist drugging their water? But sometimes the water bottles went untouched and the patients forgot anyway. Another possibility had come to me in the first hours of morning, when mist rises on campus and I am so tired everything feels eerie. Was the man… Death? But after a nap, this explanation also proved unsatisfactory: I had seen people die without receiving any visit from the man. So after two more deaths, many more theories and even less sleep than usual, I decided to confront him.And, well, the truth was by far crazier than my most twisted theories.

“ You have been following me.- Why are you stealing memories? The man sighed.

“ Let’s sit. He opened the door of the first unoccupied room and we sat. - You will have troubles believing me, but do not stop me, please.I nodded and he started his tale. - I am an “alien.” I live on a planet where technology is more advanced. We used to be made of flesh and blood, but now we are mostly spirits. What’s left of our bodies only needs water to survive. But our minds need food of their own. Without stories, they die of boredom. When someone’s mind is ready to fade, we collect its memories for others thrive. But the more a memory is told, the less nutritive it is. The less varied the memories, the more deficiencies are introduced. The more insanity among my people. So the Central Memory Bank was created, for people to exchange their old stories for new ones. I work for it. I am… you would call us Vultures. We go about the universe and collect memories. We seek out sentient species and we sign contracts with dying persons there. We harvest their memories so the race can survive. It was a lot to take in, but in my dazed, sleep-deprived state, I accepted it. - And the water bottles? I finally asked.The man – the thing disguised as a man – smiled. - Water is our only tangible food left. It is a scarce resource, and the most precious offering for someone’s memories. - How is your kind called?- Hmm… you can say “those who feed on death and fresh water.”A new silence stretched and the alien broke it again. - Vultures can hear stories, but not tell them. I must make you forget now. I was in a sorry state. I had just learned that aliens existed, but wouldn’t remember it. - And don’t try to pull tricks on me. I know them all “, said the Vulture.So I started to tell my story.

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I’m coming back home after a shift so long I feel drunk on tiredness, my feet light as they bounce through the dew on the campus’ turfs. I wonder what kept me at the hospital for the whole night. Did I get lost in one of George’s Rummy challenges? I toy with a water bottle I find in my pocket. Funny, I usually take a flask. Finally I’m in my bed. I take my phone out to set my alarm. Weirdly, the recording is on… Should I erase the file? It’s pretty big. I probably just turned it on by accident. But I wanted to record some of George’s memories, in his own voice and words. I cancel the erasing and go to bed. I’ll listen to it tomorrow.

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Liquide Livide

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Une goutte de plus, tombe dans un verre.Ingrédient, qu’un très grand ingère lentement ;En sa gorge s’insère, sincère, sans serre, l’hiver

Qui s’écoule dans ses chairs en les abîmant.

Larme d’un cœur déçu, ou sang d’une rancœur déchue,S’échoue dans le corps du roi, un souffle issu de la mort,

Un hurlement sans voix, une haine qui lui est échue,Qui suinte et corrompt le corps, tombe du fort.

Solution ultime, sérum terrible, thé fatal.De fleurs, de poudre, de rien, le bien produit le mal ;

Arme de goût qui meut, d’un banquet, un empire.

L’essence assassine et tue. S’en suit la vengeanceQue le cœur poursuit. Ainsi, la liqueur enfanceL’absence de sens, crépuscule que l’ire empire.

texte de loïc WaBle illuStrationS d’alice leclert

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Le Trésor d’Anna

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Le monde avait peu à peu glissé sur une pente glissante que l’humanité avait bâtie de ses propres mains. Cette construction insensée avait pris des centaines d’années et, au fond, personne ne savait d’où l’idée avait germé. Il n’y avait eu qu’un profond silence en réponse, laissant cette ineptie grandir, jusqu’à envahir le globe. Un voile opaque avait été tendu sur cette triste vérité que personne ne voulait affronter : l’eau potable était devenue rare, et dans ce monde, la rareté se payait au prix fort. Dans certains coins du globe, elle était même inaccessible et les fortunés construisaient des forteresses d’acier pour protéger leurs eaux minérales. Toutefois, Anna n’avait pas la force de penser à ceux qui, ailleurs, flanchaient face à la sécheresse. La déshydratation et les maladies étaient assez présentes en France, dans sa vie, pour qu’elle ne puisse accorder sa bonté à des gens qu’elle ne verrait jamais. Jack, son petit frère adoré, avait succombé. Par fierté, il n’avait jamais bu l’eau croupie, grouillante d’insectes, qu’on trouvait au sol. Ils se chamaillaient souvent à ce sujet, avant, car Anna plongeait ses lèvres dans cette boue pour tenter de se désaltérer. Maintenant elle se disputait seule, sans même un seul écho de ses parents que la mort avait transformé en d’inutiles coquilles vides, des carcasses ambulantes qui se mouraient en silence.

Malgré sa solitude, la fatigue harassante de son travail, les cruels rayons du soleil qui dardaient son dos voûté, elle se posait religieusement la même question chaque jour : « Pourquoi ? ». Détachée, elle hissa sur son épaule le corps sans vie d’un vieillard. Les maisons de retraites étaient devenues de véritables filons d’or pour les gens comme elle ; ceux qui courbaient l’échine pour glaner quelques pièces en échange du délestage des cadavres trop encombrants dont personne ne voulait. Somme toute un métier qui ne nécessitait pas une grande concentration, seule la force des bras comptait. Anna pouvait alors se blottir au creux de la mélancolie qui la suivait depuis sa naissance, chérissant le souvenir effacé d’histoires où les enfants buvaient l’eau des fontaines publiques.

texte de yéléna faroilluStrationS de mireBen

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Ce jour-là, Anna avait assez d’argent pour acheter un peu d’eau, quinze centilitres exactement, sésame qu’elle cacha précieusement au fond de son sac élimé. Elle se dirigea ensuite vers la plage pour sa douche de sable hebdomadaire. Empester le sel valait mieux qu’empester la pauvreté. Plus elle s’éloignait du centre-ville, plus les passants qu’elle croisait avaient les traits tirés. Elle pouvait aisément imaginer leur estomac tordu par l’eau qu’ils buvaient au bidonville, celle-là même qu’Anna avalait quand son pécule était trop maigre. À leur vue, la jeune femme eut envie d’hurler et de tout détruire autour d’elle, emportée par cette brise rebelle qui ressurgissait de temps à autre dans sa vie. Elle ferma les yeux et inspira profondément pour se calmer. Elle n’était pas de ce genre, pas du genre à brûler ce qui l’entourait et frapper n’importe quel bougre porteur d’un verre d’eau. Elle devait déjà supporter ses lèvres gercées, inutile que son cœur s’assèche également. Anna baissa alors la tête afin d’éviter les regards suspicieux de ses pairs. Elle aurait été plus à l’aise avec un gros billet plié au fond de sa poche qu’avec cette petite provision d’eau qui battait sa cuisse.

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Arrivée à destination, elle ne se jeta pas dans les bras de l’océan. Assise sur le sable, elle sortit la bouteille de quinze centilitres d’eau potable pour la serrer contre elle. Ainsi accessoirisée, la jeune femme passait inaperçue au milieu de ces familles rieuses qui aspergeaient leurs enfants d’eau douce. Soudain, un mal de ventre brutal lui provoqua un haut-le-cœur et une bile acide remonta le long de sa trachée avant de s’épanouir à ses pieds. Anna savait qu’elle allait mourir, comme Jack. Non pas de déshydratation, mais à cause de cette eau contaminée qu’elle avait toujours ingérée. Dans un soupir, elle se releva, chancelante et la vision brouillée. Au bout de quelques pas hésitants, elle heurta un jeune homme.

“ Excusez-moi mad....

Les mots polis s’éteignirent sur sa bouche. Ils se jaugèrent du regard et leurs différences éclatèrent bruyamment entre eux. Il était beau, sa peau était souple, élastique et ses lèvres rosées étaient harmonieuses, pleines et lisses. Parfaites. Il tenait nonchalamment une bouteille d’eau minérale. Anna, elle, n’avait pas rangé son trésor et le tenait farouchement des deux mains, de peur qu’il ne s’échappe. Elle rougit de honte en imaginant les odeurs qui devaient émaner d’elle, un fracassant mélange de sueur et de pourriture. Elle savait que ses vêtements étaient troués et usés. Anne faisait pâle figure face à son homologue masculin dont le corps était dissimulé par une étincelante chemise blanche, légère comme la brise. Aucun d’eux ne rompit le silence qui s’était installé. Ils se faisaient face avec leurs jugements, aussi stupéfaits l’un que l’autre d’être en contact.

“ Qu’est-ce que tu fous ici ?!Les mots du jeune homme claquèrent dans l’air et Anna s’empourpra sous la pique insultante dessinée en filigrane. “ À ce que je sache, tout le monde peut venir ici.- Pas toi et tes maladies. Tu vas contaminer de pauvres gosses qui ont rien demandé. Va-t’en !- Et pour aller où !, répliqua-t-elle froidement. Pour retourner dans mon enfer ? Condamnée à boire à pleine bouche une eau dont tu ne voudrais même pas pour laver ton sol ?- Au moins, tu bois. C’est déjà ça non ?Anna crispa les poings. Il était aisé de deviner son envie de détruire le sourire narquois du jeune insolent.- D’ailleurs, tu l’aurais pas volée, cette bouteille ?”

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La situation dégénérait. Ses yeux accusateurs la déchiraient et elle était trop faible pour provoquer une bagarre. N’y tenant plus, elle lui cracha dessus, jubilant à l’idée que sa salive devait encore avoir un arrière-goût de vomissure. Anna décampa plus vite que son ombre, toujours chancelante, fuyant ce monde qui lui était étranger. Elle courut de longues minutes avant d’être contrainte de s’arrêter, haletante. Son corps était la proie de violents tremblements et une sueur glacée lui arracha des frissons de douleur. Ses mains avaient blanchi à force de serrer la bouteille d’eau minérale. La jeune femme n’arrivait pas à reprendre son souffle et sous l’assaut d’une convulsion plus intense que les autres, elle tomba à genoux. Au travers de ses larmes qui lui brûlaient les yeux, elle vit la bouteille rouler loin d’elle. La bouteille qu’elle avait malencontreusement lâchée, pour retenir sa chute, et qui s’éloignait de plus en plus. Elle tendait la main le plus loin possible tentant de rattraper son trésor quand elle reçut un coup bref sur le crâne. Elle s’étala de tout son long, visage dans la boue, à moitié sonnée. La dernière chose qu’elle vit avant de sombrer dans l’inconscience fut des petites chaussures d’enfants qui volaient devant ses yeux. Qui volaient vers sa bouteille.

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AdrienBrégeot–Illustrateur-AuteurBD [email protected]

“Étudiant en graphisme, je dessine depuis aussi loin que je me souvienne. Bercéparlabonnevieillebédéfranco-belgebiendecheznous,j’aidécidéde suivre lespasde leurs illustresauteurs.Fan inconditionneldePhilipK.Dick,j’adoreraconterdeshistoiresoùleréelsepètelafigureetoùjetentedebalancerunegrossedosedemétaphysique(unpeubancale)àlafaceduspectateur.Unbeaujour,flânantsurlegrandréseaumondial,jesuistombésurlepetitpâtéillustré.J’aicliquésurlespetitestartinesavecdesnuméros,etj’aikiffé,commequ’ilsdisent…”

Retrouvezsontravailsur:http://abregien.wix.com/brainmapping#!

AliceDes–[email protected]

“EtudianteàParisd’origineWimilloise,monitricedevoile,mangeusedepâté,illustratrice,brosseused’éléphantsetauteuredebandes-dessinées,ex-expatriée à Montréal, sévèrement dépendante aux Maltesers, aucarameletauxgensquimetombentdessus.Beauprogramme.Sommetoute, jeveuxêtremultitâche,remplirtous lesvides,savoirtoutfaireàpeuprès,apprendreàtoutpeindre,toutillustrer,toutraconter.Jeveuxêtre drôle et philosophe, sérieuse et absurde, avoir l’imagination d’unenfantetl’ambitiond’uneSciences-piste.”

Retrouvezsontravailsur:http://www.alicedes.com

AliceLeclert–[email protected]

“Illustratrice,avecungrospenchantpourlaBD;j’essaiedemultiplierlesstyles,etdetoucheràtous lesgenres,sansm’enfermerdans l’und’eux(mêmesion sent lesbasescomicsdans laplupartdemesboulots;J’aiapprisàdessineravec,onserefaitpas...).J’aimelesuniversfantastiques,de l’heroic fantasy à laSF, les contes, leshistoires naïvespour enfantscomme les histoires d’horreur (mélanger les deux est sympa aussi).Bref toutgenreestprétexteàdessiner, tantque l’histoireestbonneetoriginale.J’idolâtreJossWhedonetveuxépouserBoulet.Oul’inverse,jesaisplus.Pourunaperçupluspersonnelvouspouvezallervoirmonbloget/oulebookenligne.”

Retrouvezsontravailsur:http://griffonnages.ultra-book.com

Présentation des artistes

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Bourby–[email protected]

“Àmagaucheilyatroispairesdechaussuresparterre,àmadroitedeuxlivrespourenfantsposéssurlelitendessousdudébutdemonrapportdestageetdespapierspourlarentréeetdevantmoiilyamonordinateur,latablettegraphiqueetquelquescarnetsquitraînent.Etj’ai21ans.”

Retrouvezsontravailsur:http://luciebourboulon.tumblr.com/

ClemdeNesle–[email protected]

“Jem’appelleClémentineetduhautdemes19ansjesuisquelqu’undesensible et lucide.Venantd’une famille écolo-responsableet ayant étéconfrontéeà lamaladie j’aichoisidedévelopperunecertaineformedeconscienceenverslemondeetlesautres,undésirdepartagedevisionenl’exprimanttoutd’abordàtraversledessinetmaintenantenm’orientantversledesign.Dans5ans,jemevoisbaroudeuseàl’étranger,cherchantl’inspirationàtraversdesvoyagesetdesstagessur le terrain.J’aime laphoto, l’art,etmecacherdans le5èmeétagedumarchéSaintPierreàMontmartre.”

Retouvezsontravailsur:http://clemdenesle.tumblr.com

ChloéFaller–[email protected]

“Jem’appelleChloéetjecherchetoujoursunpseudo;àpartça,j’aimelesvieuxbâtimentsdestylemoyen-âgeux, lecroquis (notammentdegensdanslemétro),lesvieuxfilms,lesvieillesmusiques,etlesvieuxlivres.Etsurtout,plustard j’adoreraisêtreconceptricedepapercrafts.Pourfinir,j’aime le pâté, et tous les plats étranges que seule une infime part dugenrehumainsaitapprécier.”

Retrouvezsontravailsur:http://bakuro3.blogspot.fr/

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EmmanuelleLy–[email protected]

“Mon travail est plutôt pluridisciplinaire, mais le dessin constituegénéralementlepointdedépartdel’ensembledemesprojets.Voiciplusdetroisansquejemesuislancélechallengederéaliserunnouveaudessintouslesjours.DailySketchCrossing(D*S*C)estunensemblemorcelable,oùchaquebilletd’humeurmepermetdeconsignercequej’aivu, luouentendu.Monprojetaévoluéquandj’aidécouvertlebookcrossing,unepratiquequiconsisteàfairecirculerdeslivresenleslibérantdanslanaturepourqu’ilspuissentêtretrouvésetluspardenouvellespersonnesquilesrelâcherontàleurtour.J’aialorslibérémesdessinsdansdeslieuxpublicspourleslaisservivreleurvie!Etdepuiscetteannée,unepartiedemonrhizomeillustréestvisiblesurmonblog.”

Retrouvezsontravailsur:http://dailysketchcrossing.tumblr.com/

EricBarbedor– [email protected]

“Hello!Moi c’est Eric Barbedor, LeDoc,DocteurZeric.. selon où vousme trouverez sur la toile! Je suis loind’êtremédecin cependant. Enfin,j’écrismal,c’estdéjàça.Maismontrucc’estplutôtlegraphisme.Jesuisactuellement en deuxième année de BTS communication visuelle, engros,etpis après je souhaite travaillerdans le jeu-vidéo, ledélire totalquoi.J’ai20anscetteannée,etquandonypense,c’est lamoitiéde40maisaussiledoublede10.C’estplutôtfounon?Apartledessinetlejeumesgrandespassionssontlamusiqueetlethéâtre.SIc’estoriginal.”

Retrouvezsontravailsur:http://docteurzeric.blogspot.fr/

FranckConroy–[email protected]

“Si l’on devait établir un culte autour de mon ascension à la divinité,voici les rites à suivre : Concernant l’idolâtrie, elle est autorisée. Lesdrapeauxfrançais,argentin,étatsunienetdauphinoisgarderontlaportemonumentaledemontemple.Ilsserontbénisparlesacrificecérémonielde liqueurs, de viandes et de fromages. Les sermons consisteront enl’écoute de l’émission les Chroniques Martiennes. Allez écouter lesChroniquesMartiennes.Desciergespourrontêtreallumésàl’intentiondemaréussiteenAffairesPubliques.Etlesdévotsserontaccueillisparcetteinscriptionsurlefrontondelaporte:«Cedieuestripailleuretbienveillant.Parlezamietentrez.”

Retrouvezsontravailsur:http://www.rsp.fm/emissions/chroniques-martiennes-n3-wtf-is-lespace-temps/

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Hugod’ArboisdeJubainville–[email protected]

“Cesontlesgrossesbestiolesàtentaculesquim’ontdonnéenvied’écrire:lecalamargéantquiattaqueleNautilus,lespoulpesmutantsquimenacentlatribudel’enfantnoir,lepoulpealienquiselacouledoucedanssapiauledeR’lyeh…Maispourlepâté,riennevautlesanglier,aveclespetitsboutsd’osquicraquentsousladent.Quoiquepoulpeetsanglierendaube,c’estdélicieux.”

Retrouvezsontravailsur:http://saladedepoulpes.wordpress.com/

JanedanslaJungle–[email protected]

“IllustratriceFreelance,sorttoutjustedesesétudesencréationnumériqueetfaitdesillustrations100%traditionnellespoursevenger.Sinonjevisactuellementenpleinejungle,etj’essayed’organiserletoutpouryvoirplusclair,etmasolutionestdeplaquertoutcelasurunefeuilleetd’arroserletoutdejusd’aquarelle.Peut-êtrequeçafiniraparpousser?”

Retrouvezsontravailsur:http://janedanslajungle.tumblr.com/

LineHachem–Illustratrice [email protected]

“Huts!Jem’appelleLineHachemouLune,commevouspréférez.Danslaviej’aideuxgrandepassions:lamusiqueetledessin.Ferventeadoratricede folkmetal, enparticulier s’il vientdeFinlande, je jouedu violonetdelaguitareélectrique.J’aimedessinerdeschevelusauxcôtessaillantes,j’aime lesvikings, leshérosoubliés, les forêtsmystérieuses, lesmythespaïens,leslieuxdésaffectésrecouvertsdegraffsetlestombesenruinesducimetièredupèreLachaise.PlustardjevoudraisêtreTonySandoval.Voilà.”

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LoïcWable-É[email protected]

“Oui,jem’appelleLoïc,nonjenesuispasbreton,maisouij’aimelescrêpes.J’anticipe toujours ces trois questions, les autres, j’hésite tellement surla réponseque jemedemandetoujoursaprèscoupquelleauraitété lameilleureréponsepossible;cesontcespetitsregretsquimemènentlaviedure,carcouplésàunperfectionnismemaladif.Parexemple, là, j’aifaittroisautrestextesdeprésentationspossibles,àbased’anagrammes,d’analogieoud’assonance,etjemedemandeencorepourquoijen’aipasprisundeceux-là,quifaisaientressortirmoncôtépoétiquedepacotille…Enfinbref.Bonnesoirée.”

LucieR–[email protected]

“Jem’appelleLucieet jepréfère les femmesàmoustacheaux femmesà barbe.Ma vie se résume àmon amour des gens étranges et àmonobsessionpour lesdonutsKrispyKreme.Quand j’étaispetite jevoulaisêtresorcièreoubienchasseusedevampires.Maintenantjesuispresquegrandeetj’écris.C’estdéjàça.”

Retrouvezsontravailsur:http://lordinateuretletrefle.tumblr.com/

Madouchka–[email protected]

“Etudianteparisienneenmarqueterielejour,lanuitMadouchkatentededessiner,d’illustrer,etderacontertoutcequ’ellepeut.Toutçadanslebutdedevenirunjour(ouplutôt,unenuit…)illustratrice.”

Retrouvezsontravailsur:http://madouchka.illustrateur.org

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MargotCharon–[email protected]

“Jem’appelleMargotetj’aichoisidepartirmecaillerlesfessesàOslopourmatroisièmeannéeàSciencesPo.Pourl’instantçamarcheplutôtbien!J’écrisunpeude tout,despoèmes,desnouvelles,des scénarios, selonl’inspirationetlesensduvent.Sinonj’aimebienZola,laNouvelleVague,DavidLynchetlepâtémédailled’OrdelacharcuteriedeVillers-sur-Meravecdescornichons.QuandjeseraigrandejevoudraisêtrelatroisièmedemoiselledeRochefortaveclegénied’OrsonWellesetavoirlutouslesRougon-MacquartdansmonbureaudelaCinémathèqueFrançaise.”

MélanieVerdino–Ecrivain [email protected]

“Queveux-tufairequandtuserasgrande?–écrivain.»Conclusion:j’ai18ans,etmevoicien2èmeannéedeclassepréparatoirescientifique.Avecseulement deux heures de français/philo par semaine, je m’en trouveinsatisfaite.Déjàquejen’aiquasimentpasletempsdelireunlivrepourmonplaisir,commentalorstrouver laforce, letemps, l’inspirationet lamotivationpourproduireàmontour?Etpuis, lePetitPâté illustréestarrivé.Ilesttempsdemedérouillerunpeulaplume.”

Mélissa–[email protected]

“Jem’appelleMélissa,etj’aipassémonenfancedansleslivres,grandissanten même temps que ces héros dont les noms résonnent aujourd’huiagréablement à nos oreilles.Ayant toujours la tête dans la Lune,meshistoiressedéroulent rarementsurTerre…J’écrisdesnouvellespour leplaisir, je commencebeaucoupde romans sans jamais lesfinir,mais jesuisbiendécidéeàmenerunethèse…danscetteréalité-là…oudansuneautre.”

Retrouvezsontravailsur:http://fivepastfive.wordpress.com/

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MeloMapo–[email protected]

“Pâtissièreetauteuredescience-fiction,grandeamatricedepâtédevantl’éternel,jesuiségalementsciences-pisteàmesheuresperdues.”

Retrouvezsontravailsur:http://thebergamote.net

Mireben–[email protected]

“J’adoreregarderdesimages.Depuislongtempsdonc,j’aientreprisd’enconstruiremoi-même.Jedisconstruirecarlesimagessontdesmondes.La Bédé estmonmoyen d’expression favori. Je travaille avec passion.C’est parfois fatiguantmais toujours utile. J’étais enManaa à Estiennecetteannéeetenoctobre j’entreauxArtsDécoratifsdeStrasbourg.Jem’appelleMireben,j’ai18ansetjevoussouhaiteunebonnelecture!”

Retrouvezsontravailsur:http://mireben-draws.blogspot.fr/

OscarE.Arcane–[email protected]

“Sous ce nom bizarre se cache une demoiselle ayant une obsessionprimairepour les femmesqui se travestissent.Elleaimeaussiécrireetdessiner.Depréférence sansprétention,pour raconterdeshistoriettessansconséquence.Cecrânedepiafvousgarantitunniveauderéflexionpeuélevépourundivertissementoptimal.Elleaimeresterdanslemignonet le léger. Sauf quand elle passe enmode berserker. Là, les têtes semettentàvoler.Sesgoûtssontvariés,allantdufantastiqueàlascience-fiction, enpassantpar lepolicier.Encoremieux s’il sedérouledans lesannées1930,lepolicier.”

Retrouvezsontravailsur:http://letempledefer.blogspot.fr/

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[email protected]

“ Né sur un atoll polysénien, fils d’un chasseur de primes et d’unecomptable,j’aigrandienBirmaniepuisauBrésil.Medestinantàladansedesalon,unaccidentdeponeyàl’âgedeseizeansm’empêchaderéalisermonrêve.Meréorientant,jemedécidaiàpasserleconcoursdeSciencesPoaprèsavoirperduunpari.Ayant, àmagrande surprise, été reçu, jecontinuais ma scolarité en me spécialisant sur la prospection socio-économiqueappliquéeàl’interspatial(programmeISEP).”

Retrouvezsontravailsur:http://untheabeyrouth.wordpress.com/

[email protected]

“J’ai vingt ans et j’ai décidé d’être écrivain, comme J.M. Barrie, etjournaliste,commeCamus.Misboutàboutjetrouvequeçasonnebien.Ducoup,j’écrisunpeudetout.Nouvellesfantastiques,articlesimmobiliers,monologuesabsurdes.Etunromand’aventureavecunpeudephilosophiededans.Lejournalisme, jevais l’apprendreà laCityUniversity,encettetroisièmeannéequirisquefortd’envoyerdupâté(jerestedanslethème).Etcommej’aimebienleschapeaux,lesécureuils,Coldplay,HarryPotteretlecarrotcake,jepensequeLondres,c’étaitplutôtunbonchoix.C’estdoncenterrainbritishquej’écriraimescontributions;quelquechosemeditquevousallezsouvententendreparlerdelaperfideAlbion.”

Retrouvezsontravailsur:http://theresnoplacelikelondon.wordpress.com

Stroff - [email protected]

“Stroff,18ans,étudianten illustration.J’aimebiendessinerdeschosessanssensetfairesemblantqu’ellesenont,oualorsc’estl’inverse.J’aimeunpeudessineralorsçam’arrangeraid’enfairemonmétierunjour.Etsij’étaiscélèbreçaseraitencoremieux.Sinon,jesensquejesuisleroidequelquechose,maisjenesaispasencoredequoi..”

Retrouvezsontravailsur:http://stroff-strips.blogspot.fr/

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[email protected]

“Salut!Moic’estCaroaliasTarolime(ouCaroploplopourlesintimes,maisonenestpasencore là,pasvrai ? ).Je suisen2eannéedegraphismeàTournai(Belgique),mais j’aidécidéderetournerdansmonParisnatall’annéeprochainepourcontinuermaformationenalternance,parcequej’aitellementhâtedemefaireexploiter!Sinon,j’aiuneobsessionétrangepourlespingouins,lefromagefondu,etlesrillettes.”

Retrouvezsontravailsur:http://tarolime.overblog.com

WillemHardouin-Ecrivain “Willem Hardouin est tombé amoureux des mots en 1996. Il décided’encrer lessiensdès2003.Sérieuxbiffeur, tournantsept foissaplumeavant d’écrire, il publie son premier recueil en 2009 : Les Chemins du FantastiqueauxéditionsBaudelaire.”

Retrouvezsontravailsur:http://whardouin.wordpress.com/

[email protected]

“Laprésentationdesoiestdifficilecarexiged’êtreclair,concisetdrôle.Problème:jenesuisjamaisclaire,encoremoinsconcise.Pourcequiestdel’humour,ondiraquetoutlesgoûtssontdanslanature.Donc.Jesuispassionnéedelittératuredepuisquejesaislire,j’aiunrapportvraimentpassionnel avec les livres, lesmots et les histoires. Il paraît que je suisdroguée.Jepréfèredirequejesaiscequimerendheureuse.Danslavie,jesuisenformationpourdevenirassistantedeservicesocialdansunbut,peut-être idéaliste,depouvoirporter lavoixdeceuxquinepeuvent lefaire.”

Retrouvezsontravailsur:http://laracinedesmots.wordpress.com

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[email protected]

“Jesuisunedessinatricepassionnée,étudianteenlettres(anciennementen arts), qui s’amuse à la tablette, à l’encre, au crayon et surtout àl’aquarelle. Toujours prête à de nouvelles aventures graphiques, j’airejointlePâtépourm’essayeràunexercicenouveau;j’espèrecontinuerlongtemps!J’aimeraisbienvivredemapassion,maiscommeonfaitpastoujourscequ’onveut, jemecontented’amuser lescurieuxduwebenébullition.Retrouvez-moisurFacebook,Twitter,monblog,etsurlegénialForumDessiné!PS:ilfauttoujoursavoirunepastèquesursoi.“

Retrouvezsontravailsur:www.yooiou-lofficiel.over-blog.com

[email protected]

“Filsillégitimed’unegynoïdedeCastelsarrasin,ZacharieBoubli(ditZa.B.)envisagedeprendrelepouvoiràl’issued’étudesbrillantesàSciencesPo.Amoureux des histoires et de l’Histoire, il se permet de délaisser sestravauxdephysiquenucléairedetempsàautrespourleplusgrandplaisirduPetitPâté Illustré.Des rumeursévoquentsonnompour leprochainNobel,maisluipréfèrelatranquillitédesîles,àl’abridumondeetdesonvacarme. Il négocie actuellement une version du Petit Pâté Illustré enPléiade,avecexpositiondesillustrationsauLouvre.Sespassionssontlalecture,l’écriture,lacultureetlespoivronsensaumure.“

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LePetitPâtéIllustréestunmagazineenlignecréatif,gratuit,alliantlesarts

littérairesetgraphiques.L’objectif?Promouvoir lacollaborationentreartistesde

talents,stylesetgenresvariés,afindecréerunrecueilbourrédetalents,ettoujours

suprenant.

Grâce aux contributions bénévoles de plus en plus nombreuses, les numéros se

succèdent,tousplusbeauxetplusdéveloppéslesunsquelesautres.Lemeilleur?

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donnantlethèmedunumérosurlequeltravailler,etvousaurezplusieurschoixde

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noustrouvonsdesauteurspourécrireunehistoireautour(prévenez-nousàl’avance

sicetterubriquevousintéresse)

-lesBD:lesauteursécriventlescénario,lesillustrateursl’adaptentàleurmanière.

Vouspourrezparticiperauxnumérosquevoussouhaitez,etmêmepour leblog.

Avouslagloireetlesrillettes!

Merci à tous les artistes qui ont contribué à ce

numéro, comme aux précédents,mais aussi à tous nos

lecteurs et ceux qui soutiennent le projet depuis ces

débuts. Grâce à vous le Pâté est aujourd’hui plein de

bonneschoses,etilvacontinuersursalancée.

Despoutous,

LePPI

Merci !

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Prochain numéro : 15 Septembre

Thème : “Matin Plaisir”

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