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1 Ça ULTIMAYA REVOLUTION LE POETE X-Peyre-Y-Mental Comment Devenir un Génie ? Comment survivre à son G-nie ? Ontologie fractale appliquée à la contingence apparente de notre être. La Bibliothèque de Babel de Borges existe : C’est l’AdN, l’automate absolu afini et anthropogénétique.

Le Poète Nu

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Ça

ULTIMAYA

REVOLUTION

LE POETE

X-Peyre-Y-Mental

Comment Devenir un Génie ?

Comment survivre à son G-nie ?

Ontologie fractale

appliquée à la contingence apparente de notre être.

La Bibliothèque de Babel de Borges existe :

C’est l’AdN, l’automate absolu afini et anthropogénétique.

C’est moi, c’est toi, et nos enfants à venir.

Incipit 20.12

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Il faut briser les bas tabous barbares

qui bastonnent les purs & importants psychotropes,

mais pas trop.

Incipit 15.139

R1.1

Om. Il se dit soudain qu’il écrirait un roman au conditionnel. A la fin, c’est bien ce qu’il faisait. Dans une de ses assez nombreuses nuits d’insomnie géniale, où il écrivait nombre de romans géniaux dans les sillons de ses neurones (qu’il prendrait garde de ne pas dire « surchauffés » car il éviterait les clichés) qui se dissipaient presque entièrement dans la lumière glorieuse du matin qui entrainait son pantin pataphysique vers la docilité d’un quotidien sans gloire et sans roman, vers les actions A, B, C, du quotidien, comme les vampires de Bramstocker, et merde se disait-il, ou se serait-il dit, s’il l’avait écrit, ce roman, encore un cliché, les vampires, encore une longue phr@se qui ne mène nulle part, dès le début une digression, ça fera pas vendre, disait ou aurait dit son éditeur, mais il s’en foutait avec son foutu orgueil snob d’intello, ça le mettait du côté de Sterne, par exemple.

Comment écrire un roman populaire, voire un bon roman de gare, pourquoi pas, quand on est affublé d’un génie cosmique inavouable, incertain, indubitable, oxymorique ? comment

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accepter la vie sans une angoisse qui touche à l’extase, etc ? se disait-il quand son esprit embrassait constamment la génialitude décriée par le génie d’Aristophane, ces Nuées fractales de métastyles synthétiques qui engloberaient en arborescences (sa psy elle-même avait utilisé ce mot uperbe d’a-rborescence, c’est beaucoup plus valorifiant que de dire ça part dans tous les sens, c’est le chaos, la vie le bordel quoi). Déjà, se demandait-il souvent, mettrait-il dedans là, de la ponctuation ? de la foutue ponctuation ? serait-il un grand auteur classique, serait-il Stendhal, ou bien, ou bien, comme disaient si bien, comme disaient ensemble ses frères fous, Nz et Kk, comme il abréviait Nietzsche et Kierkegaard dans ses notes, ou bien, ou bien, un putain de roman X-Peyre_y_mental, un truc mégadémant que nul qu’il a jamais vu sa mère de sa race un truc comme ça qui putain condense hyperboliquement toutes les richesses, que dis-je, tous les trésors, les caps les penins-ules de toutes les littératures mondiales de toutes les nuits des temps (grâce à sa vaste culture, se disait-il, pas infinie, mais vaste, une putain de goutte d’eau) avec des innovations audacieuses, les derniers trucs qui fracassent de la théories de cordes, de l’internénette, des visions du futur que wouah ça dépote ?

En un sens, Alcofribas Nasier avait fait ça. Son argot savant, son ergot de seigle, sa culture, sa morgue joueuse, sa franchise, son ludisme sublime délirifiant, wow, chapeau bas génie. Mais voilà, notre génie en herbe, dont nous révèlerons le nom au moment opportun, sans doute pas à la fin du bouquin, comme Tristram Shandy a du mal à naître d’ici que le bouquin il est fini, un jour il était dingue de Rabelais, il écrirait comme lui, il écrivait le Sixte Livre, et Pantagruel73 partait à l’assaut de Saucisses de Francfort zombies dans une dimension non pas

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parallèle, car il éviterait les clichés, attention ! donc une dimension perpendiculaire, mettons, et — un autre jour, ce pouvait être le lendemain, il revenait à Nietzsche mon amour et écrivait la suite de Zarathoustra, avec un romantisme métaphysique profond, en léger décalage, en profond décalage, avec la pensée réelle de Nz diront certains.

Mais quel était le vrai style, quel serait le style propre de ce génie décalé comme sont tous les génies ? comment trouver sa voie quand on est fasciné à la fois par tout ce qui est génialement intelligent et par tout ce qui est génialement stupide ? comment trouver sa VOIX quand on a poussé l’art du pastiche, la compétence parodique au dernier degré (du moins pensait-il dans son naïf orgueil), tout en restant dans les limbes confortables de la non-publication totale, drapé dans la toge d’un noli me tangere littéraire frileux, et en tout cas stérile ? les quelques contrats d’édition que la Destiné-e sur un PLATO lui avait offerts, décliné il les avait, car compromis, non il ne serait, il ne saurait ! son style cherchait-il, ce génie dans la fine fleur de ses 25 ans, une voix propre et unique, sale et multiple, géniale bien sûr, mais dans quel catégorie de génialitude absolue ? telle était, se disait-il, quoique non en ses termes, ce grand génie méconnu.

Comme la majorité des grands génies éconnus, voire nonconnus, 93% d’entre eux selon un récent sondange publié à l’instant même dans le livre que vous tenez entre vos tentcules, (constatez la dérive prgrssive du sstême grafq, savante et malicieuse, ce en quoi je respecte une des grandes volontés, 1 des projets, 1/839 des visions prophétiques du grand prophète de « la Génialitude Humaine Interplanétaire Joyeuse Kafkaïenne Lumineuse Marche Nue Oméga vers le Progrès Qui Résoudra les Suspicieuses Turpitudes Umaines en Vertu

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des axiomes Whitman73-N2 Xylosophiques » (là se serait-il dit lui-même, ça ne veut plus dire grand chose — mais là est la grande question ! vociférait-il parfois, l’humanité en a soupé du sens et du bon sens plan-plan !! elle en a soupé aussi du simple non-sens ! elle en a bouffé de l’absurde plein les dents dans sa gueule où ça fait mal <oui parfois il parlait comme ça, en simulant une ivresse populaire, et il disait aussi en titubant et tendant un index entendu : j’imite très bien l’ivresse, surtout quand je suis bourré ! {c’est le type de blagounette médiocre qu’on doit pardonner aux génies cosmiques égarés dans une époque où le génie cosmique n’est pas reconnu à sa juste valeur, avec les tapis rouges et les pouvoirs politiques qui vont avec} avec une voix tremblotante> l’humanité il lui faut maintenant, continuait-il avec la conscience de la condition mortelle de l’histoire, la part dérisoire du phénomène humain, mais son rôle néanmoins, dans une synthèse prométhéenne soudaine de Coluche, Teilhard de Chardin et Nietzsche, il résumait la grande boucle décrite par la conscience de soi (ah oui et HEGEL bien sûr) d’un néant sémantique à un autre, en simulant un bouffon titubant, car que pouvait-il être d’autre qu’un incompréhensible bouffon cosmique, pour masquer/exprimer la cosmitude génialisante des ces intuitions sub-obsédantes des trajets fractaux des archéobactéries à l’enlightenment des maîtres ZEN qui transcendaient le fatras mental, le délire innommable qui tient lieu de culture humaine au sens large de nos jours depuis la uit des taons.

Avez-vous songé à sonder la possibilité d’une SYNTH7SE TOTALE de toute la sagesse humaine ? qui n’excluât ni sa folie, ni le chaos du contingent ? Peut-on faire coexister dans un esprit humain comme au temps de Leibniz, mon frère, mon père (ici l’ordinateur se permet ces épithètes, je vous rappelle

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que ce texte est composé aléatoirement, du point de vue de touches noires rétroéclairées qui s’enfoncent de ci de là sur la belle surface d’un Mac Book Pro 13 pouces) ?

Son problème, en somme, c’est pas qu’il eut voulu être un « grand écrivain français » (hem hem raclements de gorges) c’est à dire, au choix, cochez la case :

Un Pléiade de son vivant

Un Goncourt

Une gloire posthume dans de petits cercles éclairés

Non, tout cela n’était pas hors de portée de son mégalomanique génie tutélaire, qui, mutatis mutandis, comme on disait tous les matins à Louis-le-Grand, le mettait sur un pied d’égalité, salva reverentia, comme on disait tous les soirs à Masséna, avec tous les grands esprits de l’Histoire humaine

C’est qu’il aurait voulu être chacun d’entre eux, leur somme, leur synthèse, leur dépassement, leur théodicée, leur rédemption athéologique.

En un sens obscur, ce génie souffrait de n’être qu’un génie humain avec toutes les limitations incluses dans le package, et elles ne sont pas des moindres.

Etre Matisse ou Van Gogh, Balzac ou Pessoa, Nicolas de Cues ou Max Planck… quel drame, quelle étouffement, quel sacrifice de devoir CHOISIR de n’être que l’une de ces potentialités, en soi admirables, mais quel drame enfin…

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Même les génies universels qui touchaient son cœur depuis l’enfance, ainsi sicuramente, il grande Leonardo da Vinci… non era stato tutto…

Il serait un génie de la séduction, serait l’extension des corps, la parole multiple et le metteur en scène de l’absolu charnel. Il joindrait la plus grande mystique à la libération du corps. Il se rendrait là, dans que jele regard du désir il serait le silence fut réduite tabou totem

Et toi tu franchiras qui te sépares de moi, tu verras la faiblesse des mots que je porte à leur point culminant. Si je reprends la parole, je te livre un vieux poème que toi seule comprendra :

Tout s’efface et mon meurtre indique

Un témoin de ces journées dévolues

La joie de t’exister comble un cœur

Qui n’est mien que par erreur.

Ton corps est ma perfection. Les heures

s’écoulent en jouant de son absence.

Toute l’intensité de vivre est là

— Impossible de baisser le regard

La joie d’être est un gouffre

Plus profond que les discours derniers

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Les éléments du langage n’ont pas de sens, il s’agit de tout perdre. De faire le tour de tout, le choix est mécanique qu’est-ce que je veux ? la réverbération est le principe même de la réflexion quelqu’un existe à l’intérieur de moi sans que je le sache. Nous sommes des caisses de résonance pour le vide du monde. Le vent souffle sur notre néant dans un désert simple en la brûlure du sein qui ne quitte pas la tache aveugle. C’est l’oubli impossible de l’origine, sépia ralenti flou, fragile au sortir de l’océan la splendeur du coquillage cosmique dans toute la détestable attitude d’un romantisme métaphysique … comment notre génie en sortirait-il ? il est trop proche de l’origine pour avoir honte du kitsch pour faire semblant d’oublier l’omniprésence du sexe, il doit essuyer la souillure communiante d’un désir primitif, innocence de tomber à genoux devant ton corps parfait. Au sortir de la douche est parfaite chaque cellule de ton corps une perfection torride, marquée du XX fatidique. Touche encore mon amour mes lignes certaines. Ouvre les jambes et effleure, avec un sourire esquissé mortel, touche ce mystère pour moi, lorsque ton regard chavire au centre de mon désir touche toi toujours en gravant mon image dans le vide pur de ta conscience. Le désir vif si le maître au-delà de la vie retient proche de ses seins pour ma joie que cela doit être un symbole de l’origine d’une galaxie la nôtre tu te rends compte, chérie, notre galaxie ! avec le noir et le blanc la volute relativiste vainqueur sans lutte.

L’ouvre-toi pour moi ma douce en étoile, enlève lentement culotte et penser, fais-moi attendre et fais-moi sentir l’absolu encore une fois, mon amour anonyme, lèche la douce énigme en miroir qui se cache dans la lumière, dans un regard total.

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Touche toi, entre mes mains, car il nous faut une théorie définitive de notre orgasme. Suce, si tu entends la sémantique interne au monde, moi toujours avec une divine humilité comme la mer.

Silence. Le génie se fonde sur une hypersensibilité maladivement consciente de la divine omniprésence du sexe, la sexuelle omniprésence du divin, la dialectique réelle de telles inversions et la conscience de leur futilité ; la splendeur indescriptible de tenter ta résistance, de deviner si oui ou non tu diras oui.

Succion circulaire de ma main qui fouille ta chatte dans la lumière de l’innocence, ton regard pur profond ludique dangereux et ton rire pendant que je m’enfonce en toi par la connivence de partages irréels. Dieu est là. Dans ta bouche, dans l’équation mathématique de ton cul, dans le palace Boltanski, dans tes efforts pour me plaire, dans ta pudeur, dans les derniers atomes ce que c’est ce que ce que je suffis de ce

Que je puisse laisser ta splendeur m’anéantir la fin, la princesse si forte. Ta splendeur se passe de mots. Ton buste est un monument mourant à moi seul, dépositaire de la grâce d’un ultime qui doit se taire. Face au nombre de coups de dés, le silence est noble.

Mais toi ma confidente, je dois te livrer un secret, tu seras la première à lire les mots des mots ultimes que le génie des génies consacra à l’être, et qui à présent voulut prendre forme, la tienne, la divine tienne…

L’être est pourtant le seul objet, le seul sujet,

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Et unique relation de leurs infinies diversités.

Comme le silence la musique et les bruits

Son variation du son, de ce qu’on entend,

(et aussi basiques que soient ces catégories

elle restent acquises et d’un arbitraire liminal)

toute chose et toute forme d’existence

est variation de l’être, de ce qui est.

Aussi toute philosophie véritable et une ontologie,

Et toute vie consciente est philosophique,

Car tout mouvement conscient sonde, interroge la conscience.

Bien sûr seule une part infinitésimale du travail de la conscience est consciente, puisque l’humanité vit sans savoir ce que la vie, pense sans comprendre la pensée, touche écoute, entend, sans et voit sans s’abîmer dans le mystère de la perception, et ce n’est que par un inclassable miracle que notre esprit soit frappé d’être et de fonctionner, sans un instant combien tout cela est incongru.

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Or cette même improbable réalisation, pour extatique et «  profonde » qu’elle soit, n’est pas moins illusoire que le goût d’une poire ou ce mur de pierre, ocre, doré par le vieux soleil d’été — elle traverse certes les 70 000 voiles de l’apparence et plonge son regard vide au verso de l’être universel, mais cela reste un événement vécu par la conscience, ultime et dérisoire.

Dans sa sagesse, dans son intuition plénière du réel, le sage et finalement aussi inconscient que l’humanité extasiée par sa procédure ordinaire de passion et d’action.

Si je vois Dieu j’ai vu quelque chose ou peut-être quelqu’un, s’il parle à ses prophètes, ce sont des sons, des mots, comme ceux d’un voisin, d’un ami, et Dieu n’est pas plus dans l’enthousiasme des transes bibliques que dans la fatigue du travailleur matinal, les émotions de ta nudité, cachée et montrée par le jeu des tissus précieux, ou tout autre flux vécu.

Car être c’est être perçu — ou n’être pas perçu ! l’un est l’être conscient, l’autre ce dont nul ne sait rien, sinon peut-être par archéologie du principe premier…

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Comme si tout ce dont nous sommes conscients étaient les symptômes de lettres obscures et réelles qui décrivent l’existence anonyme.

Or, cet être peut-il être autre chose que nous-mêmes ?

La mort est un problème imaginaire, et finalement, il en va de même pour toutes les péripéties de la vie.

Je perçois les modifications pertinentes de mon corps, le reste est conjecture.

Et ma mémoire est l’ombre de ces jeux d’optique, l’incessante combinaison du perçu et du pensé.

Tel est le pouvoir du logos : je puis tout nier, tout affirmer, avec toute la force et la bonne foi possible à quelque esprit fini : rien n’est vrai, RIEN EST VRAI — je n’existe pas, je n’ai jamais agi ni prononcé un mot.

Et toi aussi tu lettres ton corps dans le grand réceptacle du monde, tu cherches cette assurance, cette indépendance, cette assimilation, une harmonie impossible et pourtant fondatrice qui te donnerait enfin la paix. Les rêves semblent vrais tant qu’on est pas réveillé ; de même l’identification au corps et au labyrinthe du monde.

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Vois-tu, le génie voulait ne pas renoncer à un certain génie de la perse en suivant celui de l’Occident, il ne voulait pas renoncer semble-t-il à son génie de la perversion pour suivre celui de la sainteté. En phase de l’immensité et de la vacuité du monde, les frontières du péché lui semblaient injustifiables. La fascination pour la beauté était la même racine pour la convoitise sexuelle et pour le discours métaphysique, pour la noblesse de la vertu et pour l’ineptie des passe-temps modernes.

Mon amour, je t’écris pour te connaître, je t’écris pour me vider et être capable d’entendre ton humanité. Je t’écris pour te trouver.

Parmi les visions en voici une :

Ma vision est seule au centre d’un emboîtement infini de sphères

Translucide, vivante, en mouvement constant.

Leur superposition instable et logique

Constitue cette machine illimitée

Le monde.

Je la vois,

Ainsi que toutes les causalités, débordant

Grouillant, bavant l’une sur l’autre dans un foisonnement de splendeur inacceptable, transversalement comme des milliards de dentelles ouvragées par des milliards de Dieu à même la

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peau de milliards de déesses lubriques et titanesques.

Son maître lui disait : tu feras l’expérience de cet univers dans cette forme ainsi que cela devait être, dans sa laideur, dans sa mystique… Mais au dedans de toi ta solitude et ta force, rien ne les effacera.

Tout est manifestation du je suis. Danse dans le je suis et retourne au je suis. Tu verras la complète irréalité de tous ces problèmes, et qui aura le pouvoir de guider.

Des esprits

Veille cinquième, janvier 2006 : que ces tourments inexplicables sont dus à des causes physiologiques (pas assez d’eau de magnesium de vitamines de sommeil etc.) mais aussi mais donc à une hypersensibilité au monde des esprits.

L’inconscient c’est le monde. Ceux qui pensent en nous, ceux qui vivent en nous, ceux qui souffrent en août, ceux qui désirent en nous, ils sont la pour toi, en toi, comme musique obsédante dont il ne trouve pas la source ni le remède.

Les plis de sa robe immense s’ouvrent pour laisser passer la ribambelle des êtres. Êtres humains : theater vide, Pantin.

Il faut relire ce texte ultime de DH : que le moi n’est que faisceau de sensations, y trouvez-vous un élément stable ? c’est

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une pure séance de vipassana. Oui encore un noble bodhisattva égaré au XVIIIe siècle en Angleterre, ce bon David Hume.

Encore ma vision globale :

Je suis d’un bloc instantané extrait de cette depression qui n’a jamais été mienne : S grand-mère J interrogation ? S grand-père François ?

Pourquoi ce tabou du suicide ? Ce tabou du sexe ? Ce tabou plus radical encore de leurs liens, de leur inceste ? « Seul un être qui peut s’autodétruire est vraiment vivant » Jung

Vérité profonde du vampirisme. Notre nihilisme atteint un certain vampirisme transcendental : la décadence s’affiche avec une telle innocence perverse dans les défilés des vanités, Viktor & Rolf, dans les tours qui s’écroulent, dans la monster action de luxe, qu’on retourne à une forme d’innocence brutale.

Esprit qui est tout, esprit qui es-tu ?

Qui suis-je ? Réceptacle le témoin l’absolue passivité… Même l’activité est observée en moi comme les rêves qui imposent leur fragilité fugace.

Quelle est la cause de notre angoisse ? En dehors des 1000 stratagème qui font de nous des esclaves Presque volontaires nous savons que nous sommes des spectres vides, le lieu des mânes, car Dieu est fou, le champ de bataille des succubes, des pulsions, des logiques, des cultures arbitraires, car le diable est fou, car je procède de tout cela, et je veux, je dois transcender toutes les folies et toutes les sagesses pour parvenir à notre nudité commune, notre joie.

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Nosmet vacuas spectras esse novimus, locus manuum, loci lamiarum, campus angelorum belli, spirituum rave party, cur isti idiomae multi, actionesque quae nondum intelleguntur, cur autem rursus lugeor, cum causa prope absit, mihi ego me monstrum sive fera visus sum…

Le génie Doit s’inoculer les maladies de la moderne âme. Il doit souffrir ses affres. Il doit ressentir dans sa chair la jalousie le désespoir et les petites rages du quotidien car Dieu descend dans la matière, car Dieu se trouve aussi dans la tâche sur la nappe de ce petit café où un grand écrivain expliquait le monde et son athéisme profond à une journaliste, notre frère Elias Canetti.

En attendant j’ai vu ce monstre que j’ai pu appeler moi-même. Un patchwork morcelé le temps d’être tant de tendances et de débris, de peurs et de scories hétéroclites… le corps symbolique tramé de cubes hétérogènes, un brasier douloureux qui renvoie les imperfections à l’unité.

J’ai aussi vu la profondeur des verbes déponents, (et non pas déconnant comme suggère le Dragon  ) cet amalgame primitif de l’actif et du passif : VIDEOR…

Je vois-je suis vu, je suis dans cet acte de voir.

Dans sa joie le génie renoue avec sa pureté première par une petite ode :

Libère-nous, ô vérité, des complexités d’où nous t’oublions

agrandis-nous, amour puissant, fille de nos tristes étroitesses

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enduis-nous, ô Christ, de ta grâce suave et totale

éclaire nos pas sophistiqués, sagesse brutale, sur les 1000 voies de vivre

désir du haut idéal surhumain je t’aime sans vouloir dénigrer ce présent colossal ce monde parfait je te veux ô perfection

apaise et instruis nous, harmonise ma vie multiple

Il retourne un moment au superbe néant des patriarches :

«  la connaissance de Dieu consiste à ne former aucune idée de lui »

Vie de Moïse, II, 166

Rabbi Abraham disait : je suis centre et poussière.

Le génie du génie surpasse tout. Les pensées les plus profondes sont aussi des détails de l’ être. La coercition du sexe et la métaphore de ses mises en scène, ce sont les vestiges de la toute-puissance du vouloir vivre. Dans l’exode, Moïse approche de la nuit obscure où étais-tu ? La nuée obscure où était Dieu. Le génie et dans cette ombre aussi plonge son regard hugolien, aussi bien dans la pureté du Sinaï que dans la profondeur du décolleté de soie noire de l’adolescente, qu’il n’est pas permis de regarder avec l’assistance d’une contemplation, qui n’est pas kasher de vénérer comme l’une des idoles charnelles qui la combinaison unique des lettres de

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l’ADN de ta chatte, la source même du génie, l’origine du monde, le totem inversé.

Notre génie préfère se détruire que d’accepter la médiocrité des grandes idées. Comme les grands esprits sont déjà allés au-delà de tout, il nous faut reprendre tout à zéro et sans doute revenir en deçà. Le pitre qui joue sa guitare, la bimbo qui danse avec son whisky coca, les 1000 stratagèmes qu’emploie la conscience pour laborieusement s’abrutir, sérieusement ruiner sa grandeur cosmique, du moins pendant quelques décennies, tout cela, notre génie doit inclure dans l’équation.

Dionysos plonge son esprit dans ta fente sur les plages de Bali. Il souffre que ton cul soit vendu si banalement à la victoire du capital dans la grossièreté de son étalage. Mais cet état de fait, des bordels low-cost de Calcutta jusqu’aux soirées VIP de Fashion TV, notre génie ne doit-il pas admettre cela aussi est voulu ? puisque cela est.

Si nous n’arrivons pas

à connaître notre esprit

qui est à l’image de

son créateur, c’est parce

qu’il porte en lui l’exacte

ressemblance avec celui qui

le domine.

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De Hominis Opificio, 11

Notre génie mon amour atteint sa maturité lorsque nous ne snobons plus la sublime trivialité de ce monde.

Dira-t-il comme Paul : « oubliant ce qui est derrière moi et me portant tout entier vers ce qui est en avant… » PH 3,13 ? mais nous sommes dans un lieu mon amour où plus rien en avant, plus rien un arrière, métaphysiquement, sinon ton sexe et ton anus, sinon ton dos et ta poitrine, sinon l’horizon plein de lumière, sinon les planches de pin contre lesquels nous appuyons nos dos, dans le frémissement de l’œuvre divine : ses lèvres entrouvertes…

DeusNAtura

Mon père

Source du mien du moi du corps qui se prit à dire moi / des vagues dans le prêt d’une dame qui attend, dans le pré d’une âme qui attend, qui croît sous les vents du monde, qui regarde les arbres les hommes, le cortège des couleurs et des mots.

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Une voix inutile bientôt se taira, un regard saturé de silence, et de bonté.

L’homme en nous se dit, s’enfante avec la modeste éternité des vivants et des fils de la terre. Si le désir, c’est l’espoir qui nous brandit, nous appelle du sol et nous surgit des eaux, espoir qui nous lance à tous les vents du monde, ô père. Et parmi le murmure des étoiles obscures,

La clarté de la parole éclate

Nous nous aimons.

DeusNAtura

«  Depuis les temps anciens, la transmission de la sagesse et un souffle ténu comme un fil de soie. Si tu restes ici on te fera du mal. Tu devrais partir en toute hâte. »

DeusNAtura

Arjuna : si tu considères la connaissance comme supérieur à l’action, pourquoi m’enjoins-tu malgré tout de mener à bien ces terribles actions, ô Keshava ?

Tu sèmes la confusion dans mon esprit avec tes paroles étranges et contradictoires ! Dis-moi donc sans détour c’est unique voie par laquelle j’atteindrai le bien suprême !

Le bien heureux dit : en ce monde se trouve de voix énoncée par moi dans le passé :

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Le yoga de la connaissance pour les philosophes et celui de l’action pour les yogis.

Les humains ne peuvent atteindre sans action le non agir, et ne vont pas non plus à l’état suprême par un renoncement extérieur. En vérité nul être vivant ne pas un seul instant sans agir d’actions, car tous sont invinciblement poussés à l’action par les qualités propres de la nature. Celui qui immobilise ses organes des sens et d’action médite plein d’orgueil sur les objets des sens : cet homme est un hypocrite <mithyachar>. Mais celui qui maîtrise vraiment les organes des sens et d’action par la pensée et agit grâce à eux sans attachement, celui-là excelle. Accomplis donc ton devoir, car l’action en vérité l’emporte sur l’inaction ; et si jamais tu cessais vraiment d’agir ton corps ne subsisterais pas.

L’homme est asservi par ses actions en effet mais non lorsqu’elles sont accomplies par esprit de sacrifice <yajnarthat> mène donc à bien tes actions propres en toute liberté <muktasang>.

Ayant créé les créatures avec le sacrifice, le créateur leur dit : c’est par lui que vous prospèrerez, c’est lui qui vous octroiera la joie que vous désirez.

DeusNAtura

Le poète reprend le cours de sa vie noire et blanche. Pour ta joie pour ta gloire, pour sa joie pour sa gloire.

Total insignifiante, ô frontière des deux songes : celui de Pierre et de chair, avec l’axe exact du soleil et la fixité floue de nos

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vies passées ; et celui d’ombre et de vent, où les paupières closes découvrent soudain de nouveaux lieux impossibles.

Ainsi dans l’enclos tendre sont plus d’horizon que la ténèbre, il était plongé dans leur double douceur femelle avec les susurrements raffinés d’un marivaudage sanctifié — tous les yeux clos par le plaisir prémonitoire— les phrases s’échangent par le contact des joues et des rubans clairs. Hator est là, elle a raison des résistances diurnes : l’une cède et l’autre s’offre. La profusion divine des gemmes de Gaule gronde, elle ne va pas bien au-delà, la double amande humectée de joie patiente, la brise de nuit disperse en silence la scorie de nos États civils.

Je vous aime de l’amour indistinct de l’enfant, l’amour sauvage de l’animal qui trouve en vous l’instinct concret, la douceur infinie d’exister, et le seuil toujours plus proche de la volupté savamment différée.

Pas de bordure et pas de centre, nos trois visages sont trois cycles muets de partage et de beauté ensevelie dans les décombres impalpables de Londres, d’arabesque sextuple de l’ombre, des mains, ta main, ma main, sa main, qui inventorient des territoires toujours vierges, qui tournoie dans les méandres de notre souffle calme et anonyme ; les tissus, les pétales, les lacs secrets de parcelles dentelées se dissolvent entre nos dents, au nombre presque de 96, au symbole des dieux mineurs et des joies inavouables. Dans cette élongation sirupeuse du désir triple et sans nom, mes yeux mi-clos voient l’émergence insigne de mon éternité. Ce style onirique d’étreinte ouverte en cycles porte un tel sceau.

DeusNAtura

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Maintenant pourquoi le poète doit-il décrire ses frasques ? Est-ce par fidélité aux caprices du réel ? Est-ce tout simplement par une vantardise invétérée, coûteuse et dommageable au demeurant ? N’est-il pas là aussi comme être de parole le jouet d’une force obscure, le truc, le truchement anodin de ton plaisir gourmand ?

Je sais que ces confessions, dont il était coutumier, ont pesé lourd sur son bonheur. Mais face à l’éternité littéraire, dans toute la splendeur de son inconsistance, les petites opprobres, les aveux prétendument scandaleux, sont des pacotilles efficaces depuis bien longtemps.

DeusNAtura

Mort mort est le passé mort le contenu des mots et des gestes humains, mais vivant vivant est l’instant. En cendres enfumées tout s’évanouit — restent tranquille ainsi qu’un squelette articulé anonyme ami— contemple le déclin du jour le choc incertain de ta cécité— tout provient d’un tel dieu aveugle au cœur de ta vision, celui qui touche et regarde la terre — et que tu prends pour toi mon ami !

Impossible de dire autre chose que les poètes du passé : tout est vain, superbe, incompréhensible, et nous sommes prêts nous poètes, à tenter bien des pirouettes pour obtenir ta faveur, dame désirable. Tuer pour nous le symbole de la vie qui se perpétue dans un flot verbal, dans ce silence, dans le chant du signe …

Impossibles de dire autre chose que les boîtes verbales du passé, recombinées. Impossible de parler d’autre chose que de

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l’amour de toi et de ton absence, ma douce amante. Impossible de ne pas se répéter comme si l’on tentait de tarir la source même des mots. Impossible d’atteindre notre perfection - voilà les quatre grandes impossibilités.

Je sors soudain d’une vie pour entrer dans une autre mais j’ai toujours l’impression d’être moins. Mon amante intercale d’autres non d’autres visages, mais j’ai toujours l’impression de l’aimer elle seule de lui dire en secret la grande rage qui doit taire son nom. Mort est le passé, vice est tout dehors de l’instant, jusqu’au rejet de la littérature.

DeusNAtura

Mots intercalés, araignée dépourvue de sens

Adieu mon enfance espoir sans ancrage

Matinée sans garantie solitude interminable

Du soleil face à toi j’apprends la nudité

Lames incarcérées dans le dédale des mondes

La torpeur profonde et pure où tu t’offres

Le chaos des champs et des formes secrètes

L’inconcevable absence de ton sexe inhumain

Les parois d’y voir striées de hiéroglyphes

J’invente une langue enfin fidèle à la vision

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Un sanctuaire impalpable en plein cœur

D’un coquillage immense qui agit en plein cœur

D’un minuscule océan en changeant à nouveau

Les règles de la vie des signes. J’invente un nouveau

Cycle de nom pour mes dieux mes déesses

Que l’univers enfante lentement — ciel

Solitaire de mon âme incarcérée, vision

Libre inexplicable et torturée, divine

Commande de faire un instant de toi comment te retrouver souveraine vierge

Sans que tout y sombre, sans que tout

Te soient sacrifié ? Te retrouver sans mourir !

<<< bon, puisque le monde est déjà saturé des petites grandeurs du passé, de gloires anonymes, d’illustres inconnus, à quoi bon se disait le prophète, poursuivre le catalogue de folie de l’intellect, des monuments de l’imagination, bâti dans des contrées oniriques ? Les signes arbitraires qui recouvrent le ciel de cellulose et de crachats de mollusques, qui encombrent notre âme de bibliothèques aléatoires en lambeaux, comment trouver courage de les brûler ? Ou même de les laisser la, s’effritant doucement ?

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le poète, comme toi, n’a pas même le temps de lire les traces et de les savourer des autres poètes du passé, n’est-ce pas orgueil que de vouloir laisser les nôtres, un mince volume de plus dans une des zones virtuelles, une des étagères obscures de l’une de ces grandes bibliothèques ?

Retournant, après des années d’absence, dans les rayons de l’École normale supérieure, il mesura tout ce qui n’a pas eu de place dans l’histoire choisie par lui, dans l’histoire choisie pour lui, par la destinée.

Sent-il encore la douleur d’être exclu de ce monde, comme de bien d’autres ?

Faudra-t-il parler de petites péripéties d’un jeune homme du XXe siècle, qui rentrent dans le XXIe siècle chargé de trésors méprisés, avec une sourde conscience de responsabilité, impossible sans doute, de devoir transmettre le chaos de ses richesses ? Qui en voudrait ? Avec 180 chaînes de télé, avec plus de musique qu’on n’en saurait écouter, avec plus de livres qu’on en peut lire, avec plus de rencontres qu’on en peut faire, faut-il du courage ou de l’inconscience pour garder sous les bras ces petits trésors immenses ?

En voici un :

Vois, mon enfant, qui a oublié sa vraie nature tour à tour naît et meurt, emporté par la roue du temps comme une plume dans le vent — jusqu’à ce que soit réalisé sa vraie nature. Si l’on parvient avoir le choix individuel et son substrat, le soi supérieur, alors on devient substrat, nommé brahman, et l’on échappe au devenir.

Si tu te connais toi-même, aucun mal ne peut atteindre.

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Tout le vedanta mentionne comme les causes de la servitude de la libération les projections et leur disparition. <aropa, fausse attribution>

Projection : le fait de prendre une chose pour une autre par exemple de voir un serpent après une corde un homme à la place d’un poteau vu de loin de l’eau dans un désert ou un grand drap bleu dans le ciel.

De même, les cinq éléments et toutes leurs combinaisons qu’on croit voir dans la réalité (brahman), laquelle anime un jeu non uniforme, sans nom, sans forme, parfaite conscience de soi, ces éléments sont le produit de l’illusion.

J’ai vu le maître Narayan Desikar enseigner ainsi son disciple Tandava (le danseur extatique).

Faites que je sois digne d’en retranscrire et traduire quelques bribes.

Prostration au pied du seigneur unique demeurant comme l’espace le témoin au cœur de tout être. Qu’ils soient emportés ou non par le désir de richesse, du royaume

DeusNAtura

Comme il le dit dans son Tractatus :

Indice significatif : on dit « dans ma vie » et tout aussi bien

« dans mon rêve ».

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2.2.3 Tout est rêvé.

Shakespeare et Calderon, Platon et les Upanishads,

Pirandello et Freddy Mercury l’ont dit. Merde. La

vérité la plus profonde est devenu un cliché qui fait

chier les intellos. Allez vous faire foutre. Rien ne

peut prouver que tu rêves pas, te fatigue pas. Un

jour tu comprendras.

DeusNAtura

Ulysse et Pénélope

qualité de relation

sens du devoir

oui non, épuisant !

Faculté à être heureux indépendant des qualités

demande preuves d’engagements

marqué pas besoin d’histoire

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super-connectés

situation un peu compliquée -

soulagé fuite en avant

touché qqch rare

important reliés

digérer l’arrachement

phase de diète

expérimenter stabilité

écrire ensemble

inscription agreg

sois autonome, sois une femme libre ! Mon père

insécurité affective, film de mes peurs

je savais qu’on s’aimait

ce qu’on peut partager est génial

notre révolution copercienne

rassemble tes petits carnets

publier, pas luttes émotionnelles

« ça m’a vraiment fait plaisir de te voir, Mr Mystic Bagel. »

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conçue sans amour c’est pour ça qu’elle était malheureuse...

DeusNAtura

Théorie du phantasme, fondement du monde…

« y a des moments, je pourrais me taper un arbre ! je vais voir mon médecin chinois »

&

Seule et pourtant entourée, elle va mourir peut-être

Nul ne serait déchirer

Le vide qui l’entoure.

Livrée seule à sa solitude,

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Ses amis se cantonnent à l’amitié

Dépassant l’offre de leur tribu

L’impudeur trop curieuse de la peur

<au dos d’un carnet>

om namah shivaya

dieu guide ma main, mes mains, mon cœur, toutes mes fibres, toutes mes déviations, fais de ce texte une prière totale, un alléluia sans fin, donne-moi la parcelle de ta gloire qui te donnera la plus grande gloire, anéantis-moi, ou comme l’écrit Michaux, enfouis-moi.

Je t’aime.

Pourrais-je numéroter mon chaos ?

§

< 94 mars >

אחותי היקרה, אני מקווה ששלומך טוב

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Песен за АНН Лу

I

Puissance d’une beauté discrète

Qui sait se taire et chanter,

Et aime, aux soirs de clarté, hanter

Le grès sublime des crêtes.

Douceur calme de ton rire, espoir,

Espoir troublant d’un amour

Que je sais naître en toi… alentour

De ton cœur, ô mon grimoire.

*

miracle déroutant de l’amour !

J’ai trop aimé en silence,

En la joie secrète de ta danse

Pour goûter ce don si lourd ;

Ce don inabordable & divin

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Qui s’échappe de ton âme

Délicate et massive en sa flamme

Plus subtile qu’aucun vin.

*

au-delà de l’exquise distance

où trône ton corps si jeune

j’abîme mon désir, par le jeune,

en spirituelle stance.

***

Princesse bénie,

Vos sources de ma vie

Rayonnent par le pur amour du ciel parfait

Et chantent sa beauté afin que moi, Orphée

Fier de la tienne en ta chair vierge lumineuse

Comment en ton âme chère et sure, heureuse,

Je chante aussi, m’amie,

Notre gloire unie.

II

Chaleur simple d’une humanité

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Oubliée… bonté, bonté

Qui m’a tant fui, viens donc me tenter,

O céleste vanité !

*

Idéale Mathilde, un vieux rêve

D’Aurore de brise douce,

Lucides fées écloses en ses mousses

Bordant d’invisibles grèves,

C’est un Verlaine vieilli, encor

Inexpert cependant, qui

Songe avec fureur au cœur conquis

Par un redoutable accord.

*

Je pourrais craindre la trahison

La corruption, la vieillesse

De notre amour, mais non ! Car j’acquiesce

A la plus noble raison ;

Et, disciple joyeux, j’étudie

Ses mystères si profonds

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Qui libèrent l’amour, le défont

Du mal qui le répudie.

**

madone bénie,

musique des Prairies

mystérieuses de lames et parfums

multiples du vertige où dansera l’or fin ;

miroir éternel du pur instant-qui rayonne,

mêlant son hymne au soleil qui sillonne

nos âmes infinies

monde d’harmonie !

III

Ma chère, as-tu souffert comme moi,

Et devinais-tu le prix

D’un amour dérisoire surpris

Du poids fou de son émoi ?

O enfant à l’œil immaculé,

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pleine d’un sombre secret,

pourrons-nous donc briser les décrets

tristes du sort, éculés ?

Cette voix-là, si fourbe et si sourde,

Qui, de son ton doucereux

Dit : il n’y a pas d’amour heureux

Et se gausse, la balourde !

§

Poèmes

Poème numéro 100

Une larme versée sur son sein déchiré...Les trois pans solennels de l'antique harmonieont bercé chaque siècle dans leur chant soupiréla muette douleur de son âme honnie.

La mort l'a recueillie — l'asile désiréa pu seul apaiser sa troublante manie.La mort l'a recueillie, et son voeu expirérésonne encore en d'occultes cérémonies.

En un temple oublié qu'écrase un ciel d'argile,son corps brûlant encore, exhale dans le noirle secret qu'elles a tu, ô beauté trop fragile !

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Un bosquet pétrifié surprend ta voix agileet seule psalmodiant ton requiem du soiren un temple oublié qu'écrase un ciel d'argile.

<Il s'agissait du premier poème qu'il avait imprimé à l'ordinateur à Ville-d'Avray, sans doute en 1993 chez son ami François sur un des premiers PC de bureau, tout un monde de souvenirs de jeux et de complicité.>

§ < 100 formes infinies s'enfuient... titre incertain>

Sans forme finie, s'enfuientCent si fluides sentimentspluies douceur de toute pluieviolente gentiment

Fleuves aériens souvenirsbris délicat du présentcalice de l'avenir la promesse se taisant

Mouvoir en ce seul fluxle désir du jamaisplus aucun désormaisnous ne finirons plus

Tu apparais en clartéparmi les formes des dômeset l'obscur déjà partaitau flanc du colon baryum

N

§

Calligramme de 1989inspiré d'Apollinaire

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La Fontaine joyeuse et débordante illumine la place de son abondanceperlessa joie jaillit en riant aux gouttelettes qui rient de le soleilamoureux de sa puretélumièrediamantssa bruine et son écume emplisse l'air d'arc-en-cielsa vie est un éclat de riresa pluie chantante docile fait en ridant le bassin ruisselantune musique obsédante et si douce

Mais au fond du bassinde pierres grises serties par des moussesson eau verte cristallinecache un trou méchant et fixe un oeil de taureau

les gouttestombées en myriade se fondent en uneet inconscientes, vidées par le vertige,s'engouffre et tourbillonneentre les bords aigus de marbre durelle s'ombre naïveelle sombrevirus elle ruisselleignorante humide

Car son destin bref et vif n'est plusdans le caniveau sombrer salle que tout le mondeenjambe et oubliel'eau jette un dernier regardsur ses soeurs qui rient encore dans le ciel, altièreset joyeuseset sur cette pensée elle tombe résignéedans l'égoutson caveau

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§

La maison est vide espace et silenceseul. Mais la solitude est absente ce soir. Une chandelle brûle— sacrifice et prière— sur un ancien bougeoir imprégné d'existence disparue. Je lève les yeux sur la fenêtre, le noir du ciel est absolu. Mais la vitre vit et tremble, la pluie la frappe et l'embrasse. Le toit chante, cabrée par l'orage et de lointains roulements, vieux comme Thor et Caïn, déchirent lentement les fibres de mon coeur. Là-bas, derrière les roches et les broussailles, la pluie abreuve la mer, c'est absurde. La merci vaste si profonde et si froide; c'est tout ce dont l'homme a peur.

§

Unio

Inaccessible reine de L'orient stérile,déesse énigmatique fascinant les sculpteurs,l'ivoire de ton coeur et ton oeil de Berylsont ces gemmes qui brûlent et que j'aime, sectateur

Du feu pur et précieux qui jaillit de ton sein.Un pourpoint de ta gloire, la tiare de ton amourdont la victoire point, prince amant, prince saint,ce luxe seul je quête et ses divins atours,

Ta splendeur m'a trouvé homme de chair, bagnard,mais ta pure noblesse, flambeau que j'adore,a chassé de mon coeur tous les spectres hagards.

Mon désir t'a trouvé femme de chair et d'or,mais ma lutte muette sanctifia nos regardset nos âmes volèrent sur l'abîme qui dort.

<Ces pastiches polis rien adolescents> À Baudelaire

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§

Création

Fins sarments de mélodies, art souple et sonore,testament qui trouve et s'insinue en mon coeur,ton amant de flamme apprivoisée qui s'honoredu serment alerte et flamboyant de ton choeur.

O douceur, si lisse incitation, de cet orSéducteur qui attend, sourit, presque moqueur —La rousseur fauve et désarmante de ton corpsaux splendeurs surprenantes — terrible liqueur...

Le secret d'un pacte de pénombre et de joieS'est ancré dans le creux de nos regards brûlants,eux qui créent en leurs chocs des aurores d'argent !

Madrigal silencieux où le sublime échoit :Virginal, pur baiser qui s'éploie, si lent,Si crucial, en d'infinies aurores d'argent...

25 Mars 1994Annonciation

§A qui écrivait-il ce madrigal?Il lui souvint de l'émotion délicate de certaines de ses harmonies, des échos, je crois de Nerval, une passion assez brutale pour les frondaisons obscures de cet écrivain fou...

§<J'ai retrouvé la quatrième version de ce poème, datée du 22 mars>

Fin sarment de mélodies déployées à loisir en l'océan calme et brûlant du PéanQu'on forgé tes lèvres applaudies.

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fins sarments de ta tendresseéployée au ciel de mon coeurpar la douceur de notre seul choeurunion de joie et d'adresse

Fins sarments de feu, promesse d'une harmonie profonde et précieuse, ou lors de ta beauté pieuse se fondra en mon âme, ô déesse !

< Péan désigne Apollon comme médecin des dieux, et donc une forme d'ode consacrée à sa gloire solaire. c'était mon pur trip à l'époque. Confer ultimédia 183729 >

§

Dans le luxe exquis de ta présence, les houles du pur désirvont caresser ton sein, le bénir,en leur lumineuse errance.

Plongé dans cette alerte innocence, nous rions et nous chantons, nous sourions de ton gris chaton… Charme naïf de l'enfance ! Cependant cependant tu es femme ; et ton chant en a la force, et ton corps sublime en a l'écorce, ton regard on a la flamme...

Or, tu en as la timidité victorieuse, et le sourire, pourpre folie, où s'en va mourir une tendre humidité.

§

Louis-le-Grand, 19 mars 1994

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BhaktiAnne Lou<chiffré en sanskrit>

Oh terrible froid de tout ce qui n'est pas toi

Ta joue ton oeil clair m'ont brisé de doux éclairs

et tu m'as fait don du merveilleux abandon de ton coeur précieux qui bat au fond de mes yeux de ton corps subtil lys au capiteux pistilde ta lèvre pleineton pourpre trésor de reinede ta bonté sûrede l'aube de ta main pure

§Je ne crois pas qu'on soit embrassé, mais je me souviens en avoir eu presque l'impression. C'était beaucoup, beaucoup, pour mon âme hypersensible, maladivement sensible peut-être. Encore aujourd'hui des années après, la manière dont j'ai parlé à cette prof, manière maladroite comme une tentative adolescente de séduction, m'a mis mal à l'aise en me donnant l'impression de l'avoir mise en malaise. Le ridicule et cuisant retour de représentations imaginaires et tristes, j'espère en libérer mon âme ce soir, cette nuit, mon Dieu, quel ce fouillis?

Je veux te faire l'offrande de cette âme que tu as livrée au monde comme à une arène. Je t'aime.

§

Sommet sublime et lointain, dont l'aube éternelle,aube vierge et froide, éclaire mon saint espoir,tuer le grand but certain et altier ciboiretuer l'immortel socle de l'aube éternelle.

Cristaux endormis en gemmes — haut-lieu de l'éveil

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tu es la majesté, mais non la perfectiontu en es le reflet et le lieu d'élection,mais le très haut, c'est le vermeil, divin soleil.

Ambitions inassouvies pour l'absolu seul...Nulle icône suprême au céleste linceul Azuré ne peut surpasser ton puissant disque

Noble et beau, éclatant d'amour...

<Inachevé>

§

< Je suis surpris par le nombre de poèmes que j'ai écrits à Lou, avant même d'avoir vraiment connaissance de l'histoire de Nietzsche, sans doute suis-je déjà là identifié. >

§

par la puissance de ton attente, par L'éclair de ta paupière, l'eau de ton chant, qui sourd sous la pierre miroite en moi, éclatante.

Peu de choses, en vérité :

Miró attends-moi,

Aucun soupçon, non, aucun délit, car un savoir d'Inde élit la pureté d'amour mérité.

Mes mains de chair savent rester sages: la faiblesse d'un outrage d'une fresque mesquine, c'est là rage révolue. C'est ton visage pur et troublant qui est aujourd'hui le seul corps de mon désir, l'abîme noble de mon plaisir, et l'astre qui me conduit

Page 44: Le Poète Nu

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.

§

ILLE

à Bernard Richetto

< Ce brave homme hors du commun écrivait des poèmes ciselés dans la tradition parnassienne, était un maître d'aïkido de très haut niveau fréquentant les fascinants japonais qui transmettaient leur art, possédait une maîtrise d'avions en papier très raffinés, un original, une inspiration pour moi enfant. Il a mal fini semble-t-il dans la solitude dans son petit appartement de Sète, qu'une fois j'avais visité avec ma mère. Il y a quelques années. José Maria de Heredia >

Détaché sur ce ciel silencieux, altier,éminence sereine à l'intérieur zénith,ultime humanité qui peut rire des rites,monumental, le maître a ouvert le sentier.

Au faîte insoupçonné, il voit le monde entier,murmure chaotique où l'obscur seule s'irrite,amer en sa supplique indigne qui s'effrite;tourmentes incomprises hors sa docte pitié.

Quête profonde à l'éternel sans nom dédiée,victoire de vertige et d'amour irradiée,idéale sagesse ! C'est aussi pour tes frères,

Dis-moi, et pour tes soeurs, merveilles de beauté,amoureux que tu es de leur pure lumière,Taon ! Que tu gravis ce sommet de royauté !

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<Acrostiche: DEUM AMAT QUI DAT : il aime Dieu celui qui donne.>

13 mars 1994, Paris

§

< en 1996 un autre poème pour cet homme >

Propter uitam uiuendi

Perdere causas…

L’humain a sa grandeur, sa force véritable.

Mais son mal est très simple : il se croit périssable,

Et, se sachant fragile, s’imagine mortel.

Il s’agite, incertain, dans la peur de la stèle,

Qui, froide, cynique et patiente, attend son heure.

Ses yeux toujours fuyants — vertiges du danseur !

Ne savent s’arrêter pour goûter la beauté

Que le monde en silence engendre avec bonté.

Ses yeux toujours cherchant ne peuvent découvrir

Ce qui s’offre sans cesse au cœur qui sait attendre.

Page 46: Le Poète Nu

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Pour garder et pour prendre, il refuse d’ouvrir

Cette âme qu’il enchaîne et plonge dans la cendre.

Pour puiser l’eau docile en des mains assoiffées,

Il nous les faut garder très humblement ouvertes ;

A vouloir la saisir, on la fait fuir, alerte :

Ce que tu voudrais posséder, tu le défais !

Bien loin d’un glissement incessant et malsain,

Fixe donc ton esprit dans le cristal du stable,

Et plante avec vigueur ta pensée seule au sein

Du sans fin flamboyant, du beau invulnérable.

Noé Peyre, 1996

101

§

feux

faudra-t-il être deux pour contempler l’Aurore ?

Il s’élève et sourit, et triomphe en silence,

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Ce grand soleil de paix qui embaume, et qui lance

Au plus loin son amour sur les vagues qu’il dore.

Faudra-t-il être deux pour écouter l’aurore ?

Seul et calme, et si loin de toute pestilence,

Le son unique et pur m’a empli de sa danse ;

Et serein, je repense à tout ce que J’adore.

Sous l’éclat du parfait, je t’invoque, ô parfaite,

Précieuse trop belle ! Saint tourment de l’absence…

Et si proche en mon cœur, tu vois l’immense fête.

Souhaiterais-je en ce lieu le feu de ta présence ?

Tu ne sais, mon amour, qui resplendit au faîte

Du palais de Ton âme. Saint tourment de l’absence…

§102§

Page 48: Le Poète Nu

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< je me souviens très bien de cet hémistiche, comme s’il ne m’appartenait pas, flottant au-delà de la monotonie des cours et des apprentissages. >

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< blason précieux 21 >

conque de chair qu’on ne peut qu’adorer

au parfums chers violents bigarrés

source d’éclairs pardons ardents

tourbe altière marée douce marée

sublime lierre moulant la chair lourée

suave Pierre A la rosée lustrée

îlot amer basse pure azurée

musqué en l’air Igné, pleurée

agile terre sous la joie soupirée

Page 50: Le Poète Nu

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invite fière appel fou

Ta pureté fertile en éclairs diaprés

Sous ses sources de lueur sure

Ouvre ton cœur et pour toujours

§

AMA

Abdiquant l’illusion que la faiblesse fonde,

Madone unique au cœur sans fond, quelle beauté

Altière et sans fin, tu sèmes dans ta ronde !

Amoureux du repli secret qu’un drap ôté

Ma enfin révélé en un don pur de femme

Apportant tant de joie à mon cœur, ce Protée !

Astre intérieur qui vibre et m’embrasse en sa flamme

Page 51: Le Poète Nu

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Matrice profonde… Haute paix, ô Sainte paix !

Adoucis, en ton sein sublime et sûr, mon âme.

A franchi mon désir qui la lumière happait

Métamorphose en ciel cette terre sans gloire

Apaise ma verve incertaine, mon verbe épais…

Adore en ce soir de feu l’autel sacré du

Monde élémental, la sphère de terre et d’eau,

Air et feu — vivants tourbillonnants, éperdus.

Au cœur des océans d’étoiles, le credo

Monumental des fils divins de cet abîme

Abîme obscur… Si pur ! Où flottent ses radeaux

Appelés galaxie, soleils sublimes en pluie

Mystique toile — effroi saint de la démesure

Astres ! Infini parfum… corps noir qui luit

Ameutait ces spirales qu’un saint photon mesure

Myriade de clartés déroulées déployées destinées

Page 52: Le Poète Nu

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Au bras soyeux du néant Azur, sa brisure…

§ poèmes cosmique 131a §

<AMA se poursuit sur un autre feuillet, dédiée au dieu pan >

Voilà le psaume saint et accessible à tous

car un flot le murmure et il parle d’amour

gravis ce mont neigeux ; jette ton œil autour

vois le ciel ! Vois la terre ! Homme, c’est là ta bible !

< Victor Hugo était mon inspiration, ô malheur lorsqu’on est né à la fin du XXe siècle >

adore, en ce jour d’or et de douce clarté,

marchant avec bonté en ce sentier qui dort,

adore l’astre qui naît au ciel écarté

au soir tu t’enivras près le thym qui odore

mêlant ton souffle aux brises Claires Du val obscur

Page 53: Le Poète Nu

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au-dessous du grand dais éclaté de points d’or.

Avec l’âme sans bornes et loin des basses cures

Mariant ton esprit à l’Isis infinie

Amoureux de sa douce et divine piqûre,

Ami, tu invites la brûlante Erinye

Martelant de son pied la terre mélodique

Appel troublant du chant sacré — heure bénie !

Au matin, tu songes encore à l’harmonique

Modulée en secret dans le creux de ton cœur,

Attisé par la danse, orage spasmodique.

AArtiste sans pareille à l’œil pur et moqueur,

Mouvante, la nature inspirée, la nature

Affole le génie de sa docte liqueur.

Abreuvant de mystère, en la sombre mature

Mouillée de tes grands bois, le rêveur qui t’adore,

Page 54: Le Poète Nu

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Astres terrestres éblouissants, lors ta ceinture

Antique et matérielle et tes fins voiles d’or,

Muette et si pudique, en sa seule présence

Avec grâce tu ôtes, et lors, l’impie endors.

Apparition nue, suprême en le silence

Merveilleux de ton corps, vaste et clair mausolée,

Ardente récompense de la déesse immense !

Amour c’est là ta chair, la parole immolée

Marquant l’initial don, résonne en chaque monde…

Amour — ta mélodie s’est vers eux envolée.

§ 131 B §

des années plus tard il me semble que cette vision s’est réalisée dans la forêt slovaque et l’amplification acide des neurones préparés par

toute l’histoire de l’univers

§

AMO

Page 55: Le Poète Nu

55

A ce chemin hautain j’irai briser mon somme

Les vents rouges de foudre ont lancé leur appel

MA force ténébreuse et mon désir s’attellent

A se joug trop léger que le plaisir consomme

Vers ce monde fantastique et vers ce roc que l’homme

En ses rêves de flammes qu’avec peine il épelle

Ne perçoit qu’à demi vers ce bois qui rappelle

Un jardin oublié j’irai braver mon somme

( surprise de l’étrange chrysalide close…)

elle effleura ma lèvre et son regard trancha

au nœud gordien de cette soif qu’elle étancha

madone désirable dressant haut ton sourire

à ta beauté flagrante j’irai toujours offrir

mon puissant cœur pétri qui vers le tien pencha

ô très douce invincible qui sait l’art de souffrir

Page 56: Le Poète Nu

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§ 60 §

les 12 pieds de la beauté

mort aux alexandrins, noirs tyrans de la langue !

Ah ! Je les veux brisés. Destruction, ma harangue !

Oyez, lecteur soumis, voyez naïfs auteurs

Comment l’idée légère et les subtils bonheurs

Qui fermentent pétillent au cœur de vos cerveaux

Sont comme enserrés et réduits au caveau.

Ne sentez-vous pas l’obsolète entâchement

Aux défunts écrivains, fameux assurément

Mais tout aussi morts parbleu que la mortelle

Foule, sang de la terre et racine des rêves.

Non, ne pas choir au fond de ses toiles de dentelle,

De délicats sonnets où, sous les vers, sans trêve

Se traîne une pléthore de brouillons et d’esprits.

Page 57: Le Poète Nu

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Soupesez votre fortune,ô plumes de la France,

Car jamais las d’images, abreuvés à outrance

De couleurs et de rythmes, anthologie de prix !

Les curieux qui liront -mais comment ?-Ce poème

Ont lu Victor Hugo, Verlaine et Boris Vian,

Ont goûté de Rimbaud jeunesse et puis bohème,

Et sans doute Baudelaire leur a-t-il montré, riant,

Son idéal sublime et sa sombre douleur…

Mais que ceux que j’omets gardent leur épitaphe

Au sommet de leur gloire, ou dans le soir

Terrible de leur doute, s’ils sont vivants et taffent

Pour assurer la bouffe et bobonne au boudoir.

En hésitant moi-même à croire en l’existence,

Je dis : que tout est grandiose, mais qui suis-je

Pour désirer régler à l’alexandrin son sort

Au moyen d’une stance

En vers métriques écrite

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Approximatifs, inchoatifs,

Paradoxal correctif

Et rimant tout de go.

Lecteur laisse donc tes yeux

Echapper aux pages mensongères

Qui par des signes arbitraires

Comptent séduire ta liberté

Dans des carcans

Quelconques

Lèvent tes yeux écrits

Et crie :

Ceux qui n’ont rien à dire

Qu’il se taisent

Enfin

Pour en finir.

Noé, mai 1990, Digne

§ poème scolaire 12 §

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si déjà la simple beauté de ton corps déroute poètes et savants…

§ prière potache 19 §

jeu thème scène nid heure

saut abbé nid

aussi et que l’aide et scie et que l’âme haine

§

l’infime pulsation de nos puissants silences

resplendit au-delà de la crypte extatique

où nos lèvres sans fin en frissonnant s’élancent

et se figent de joie en l’instant hiératique

ô frêle ethernité suspendue qui balance

au bord de son vertige ondoyant, prismatique

étincelle inouïe que l’inconnu nous lance

demeure en nous, chasseurs du réel erratique.

§ 1904 14§

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א

est ! Orient clair qui rassures

tu tiens Erèbe dans ton jour :

saint effroi de la démesure

terrible joie de l’infini

épars dans ce seul sombre azur

la lumineuse mer d’amour

larme pure de beauté, nid

abrupt de l’éternité — Aour !

§

< il y avait l’ambition d’épuiser l’ensemble des combinaisons verbales, le spectre total du sublime à l’horrible, tous les arrangements harmoniques,

ou harmoniquement surprenants, à l’intérieur d’une langue, ici le français, pour orgueilleusement et humblement poursuivre le labeur de Dieu. Mon frère

je t’aime. Mon père je t’admire.>

§

chaque lueur

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cache en son sein

l’éternité

et sa chaleur

emplit le saint

de sa bonté

vivant le cœur

puissant et sain

bat de beauté

§

< poème chaotique I >

orages trouble au cœur de ton visage

incursion de la fièvre tentée artères végétale l’action se dispersait s’exile, des rats trônent, revêtu de sphères et de chaînes, une ville noire, domine un désert de sable des pavillons raffinés

longent des précipices

au loin une éclaircie rose entre les rocs

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les falaises sont serties de gueule titanesque

des arbres s’étranglent par amour

délirant des vies sages

et des lions te dévisagent

impossible de mouvoir un membre

le soleil et le vent m’emportent

mes yeux tremble devant l’avalanche

de ta splendeur

des mots d’enfant traverse le ciel

j’évoque ton corps et ta magie

mais seules ces pierres rougeâtres répondent

je tombe dans une solitude toxique

et douce

un océan de sable mouvant statique

un roc invisible où Michaux aggravait son alphabet

dans la gloire solitaire

des grandeurs infimes

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l’angoisse naturelle des profondeurs

s’estompe et subsiste

je nage avec réalisme

entre les vagues oniriques

de ton corps hydraulique

un sabbat calme en plein jour

oui mon amour

ces vagues de volupté

me rappellent la tienne

elle seule me répond

§

quel est le degré maximal de violence du texte

lorsqu’il s’agit d’évoquer la double sensation centrale :

aimer baiser jouir aimer être baisé embrasser

tuer mourir dormir défaillir se faire tuer torturer

et encore au-delà, la disparition

de l’identité

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?

< que je porte en moi depuis ma naissance le germe d’une littérature totale, le pressentiment

de ses secrets les plus profonds. Ma mère voulait que je fusse poète. Et cette volonté avait quelque chose de radical, d’impérieux. L’humain n’échappe pas à cette hérédité subtile, cette génétique mystérieuse qui tisse des liens entre tous les

pions du phénotype historique, qui trace la fresque de la contingence, qui dessine cette esquisse interminable : l’autoportrait du dieu

androgyne. Je t’aime.

< je découvre le ridicule cosmique de moi-même. Comme Balzac a pu se moquer de Lucien de Rubenpré,

ainsi devrais-je faire de moi-même. >

§

< poème de Noé 40 >

Murés en leur destin et recouverts des grandes

Ombres affalées sur les ruines de leur vol

Riant en vains festins sous le regard d’un fol

Sont ces hommes trop sûrs des coups cruels qu’ils rendent

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Attirés en de doux brasier nous chanterons

Mêlés en mélodie et touchant nos épaules

Ouverts au jour incandescent qui roule aux pôles

Rayonnant de sa joie glorieux nous chanterons

Ici Lions nos mains accepte mon baiser

Bois-y la pluie de feu d’un cœur qui se taisait

(Insignes torsades enfouies au secret

Sublime d’une porte amenant en l’éden

Ouvrait votre portail d’eau sauvage nacrée)

Laisser monter le sage à la tour de la reine

< MORS AMOR IBI SOL : la more l’amour, là-bas le soleil >

Cohen, le poème en quête d’une identité juive incertaine, impossible à prouver, difficile

d’oublier.

Les souffrances d’un esprit trop multiple.

§

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