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Le point sur Ébola au vendredi 26 septembre 2014 Drs Jan-Cédric* et Øivind** Hansen * Médecin Coordonnateur Hôpital Asselin-Hédelin – Consultant Senior StratAdviser Ltd agence spécialisée en communication stratégique de crise dans le domaine de la santé ; ** Médecin Anesthésiste-Réanimateur L’épidémie de fièvre hémorragique virale (FHV) liée au virus Ébola, souche "Zaïre" qui sévit actuellement depuis le 22 mars 2014 s’est déclarée en Guinée puis s’est presque immédiatement propagée au Liberia et en Sierra Leone, pays voisins. Pour l’instant 5 pays sont officiellement touchés En Guinée 1022/635 cas/décès. La guinée compte 16% des cas d’Ébola (diminution de 2 points de la part relative par rapport au dernier point épidémiologique). L’épicentre de l’épidémie est situé en zone forestière, au sud-est du pays Guekedou (frontalier avec la guinée), Macenta, Kissidougou et Nzérékoré (frontalier avec la Côte d’Ivoire) o se trouve la 2 ème plus grande ville du pays, mais d’autres districts sont touchés : trois districts du Haut-Guinée Diabola, Dinguiraye et Kouroussa, Conakry, capitale du pays, en Guinée maritime et les préfectures de Télimélé et Boffa, enfin, Fria et Pita au nord-ouest du pays, Siguiri au nord-est (frontalier avec le Mali). Au Libéria 3 280/1 677 cas/décès. Le Libéria compte 53% des cas d’Ébola (augmentation de 3 points de la part relative par rapport au dernier point épidémiologique). La totalité des 13 districts du pays ont signalés des cas : Grand Cape Mount, Bomi, Bong, Lofa (frontalier avec 1

Le point OOAS/WAHO-SFMC-StratAdviser sur ébola au vendredi 26 septembre 2014

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this update is delivered thanks to a partnership between the West African Health Organisation, the French Society of Disaster Medicine and StratAdviser Ltd - Contact me for en english version Ce point de situation est réalisé dans le cadre d'un partenariat entre l'Organisation Ouest Africaine de Santé, la Societe Française de Médecine de Catastrophe et StratAdviser Ltd

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Page 1: Le point OOAS/WAHO-SFMC-StratAdviser sur ébola au vendredi 26 septembre 2014

Le point sur Ébola au vendredi 26 septembre 2014

Drs Jan-Cédric* et Øivind** Hansen

* Médecin Coordonnateur Hôpital Asselin-Hédelin – Consultant Senior StratAdviser Ltd agence spécialisée en communication stratégique de crise dans le domaine de la santé ; ** Médecin Anesthésiste-Réanimateur

L’épidémie de fièvre hémorragique virale (FHV) liée au virus Ébola, souche "Zaïre" qui sévit actuellement depuis le 22 mars 2014 s’est déclarée en Guinée puis s’est presque immédiatement propagée au Liberia et en Sierra Leone, pays voisins.

Pour l’instant 5 pays sont officiellement touchés

En Guinée 1022/635 cas/décès. La guinée compte 16% des cas d’Ébola (diminution de 2 points de la part relative par rapport au dernier point épidémiologique). L’épicentre de l’épidémie est situé en zone forestière, au sud-est du pays Guekedou (frontalier avec la guinée), Macenta, Kissidougou et Nzérékoré (frontalier avec la Côte d’Ivoire) ou se trouve la 2ème plus grande ville du pays, mais d’autres districts sont touchés : trois districts du Haut-Guinée Diabola, Dinguiraye et Kouroussa, Conakry, capitale du pays, en Guinée maritime et les préfectures de Télimélé et Boffa, enfin, Fria et Pita au nord-ouest du pays, Siguiri au nord-est (frontalier avec le Mali).

Au Libéria 3 280/1 677 cas/décès. Le Libéria compte 53% des cas d’Ébola (augmentation de 3 points de la part relative par rapport au dernier point épidémiologique). La totalité des 13 districts du pays ont signalés des cas : Grand Cape Mount, Bomi, Bong, Lofa (frontalier avec la Guinée), Margibi, Montserrado (incluant la capitale Monrovia), Nimba, Grand Bassa et River Cess.

En Sierra Leone 1 940/597 cas/décès. La Sierra Leone compte 31% des cas d’Ébola (diminution d’1 point de la part relative par rapport au dernier point épidémiologique). Depuis l’arrivée de l’épidémie par le district de Kailahun, frontalier avec celui de Guekedou en Guinée via un voyageur ayant séjourné à Guekedou, ce sont tous les districts qui sont touchés, y compris la capitale Freetown.

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Au Nigeria 20/8 cas/décès. Les cas suspects et les décès sont pour l’instant limités aux 59 contacts identifiés d’un passager en provenance du Liberia (via Lomé au Togo et Accra au Ghana) arrivé le 31 juillet à Lagos par l’aéroport international Murtala-Muhammed. Les 59 contacts identifiés à ce jour sont 15 personnels de l’aéroport et 44 de l’hôpital ou le passager a été soigné et est décédé. En ce qui concerne les sujets contacts de l’avion, les autorités du Ghana, du Nigéria et du Togo collaborent avec l’OOAS et l’OMS pour les identifier. Cependant, depuis près d’un mois, aucun progrès significatif n’a été signalé. Le 25 septembre le Nigeria a annoncé la fin de l’épidémie sur son territoire. Cette annonce est à prendre avec réserve. En effet on peut considérer qu’au delà de 40 jours, un patient qui n’est pas mort est en convalescence et immunisé. Il reste que d’autres cas importés sont possible et donc d’autres contaminations interhumaines.

Au Sénégal 1/0 cas/décès. Le cas princeps est d'un étudiant qui s'est soustrait à la surveillance des autorités sanitaires Guinéennes (il était identifié comme cas contact) qui s’est rendu de manière illégale au Sénégal. Lorsqu’il a développé les premiers symptômes il a caché son exposition à Ébola aux professionnels de santé qui l’on pris en charge ce qui a retardé d'autant une stratégie thérapeutique cohérente. Pour l’instant on peut considérer que le Sénégal a réussi a limiter la propagation de l’épidémie à partir du cas princeps identifié.

NB : En RDC on annonce 62 cas dont 35 décès qui ne sont pas à ce jour comptabilisés car réputés relever d’un foyer de contamination distinct. Il existerait 1 cas déclaré au Venezuela mais pas de précision si c’est un cas importé ou non ni de sa provenance.

Cette épidémie est atypique tant du point de vue du nombre de cas rapportés (le seuil psychologique du doublement du nombre de cas déclarés depuis 1976 est largement franchi : 2 387 cas cumulés entre 1976 et 2013, 6 263 cas pour 2014 à ce jour), de la zone géographique touchée (Afrique de l’Ouest vs Afrique Centrale) et de son étendue (plusieurs districts de plusieurs pays limitrophes et sauts de puce de plusieurs centaines de kilomètres – 1 141 km entre Conakry et Dakar via Tambacounda) enfin, de la transmission avérée en zone urbaine (vs zone forestières ou rurales exclusives des épisodes précédents) en suivant apparemment les axes commerciaux de la zone (terrestres, maritimes et aériens).

Point de situation au 26 septembre 2014

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Au total, au 26 septembre 2014, 6 263 cas et 2 917 décès ont été rapportés à l’OOAS pour la CEDEAO. Le temps de doublement actuel est toujours de l’ordre de 27 jours. Comme nous l’avions anticipé le seuil des 6 000 cas vient d’être franchit à la fin du mois de septembre. En l’absence d’évènement venant modifier significativement la cinétique de l’épidémie, il faut s’attendre à 12 000 cas fin octobre, 24 000 fin novembre, 48 000 fin décembre. La létalité observée continue de chuter, elle était de 49 % au dernier point, elle est de 47% à ce jour dans les 5 pays affectés (Figure 1). On notera que cette létalité permet paradoxalement une plus grande diffusion de l’épidémie puisque la moitié des malades ne décédant pas, ils sont potentiellement contaminant plus longtemps pour un plus grand nombre de contacts d’une part, ils viennent grossir la part de la population immunisée d’autre part. On notera aussi que le nombre de cas pauci-symptomatiques est inconnu à ce jour. Ce paramètre est pourtant essentiel car il permettrait de savoir si une partie de la population des pays touchés développe à bas bruit une immunisation qui aboutirait in fine à « l’endémisation » de l’épidémie dans la région. L’OOAS tente de recueillir des informations et des statistiques fiables sur ce point mais la tâche est ardue.

Pour mémoire, les autres maladies à potentiel épidémiques sévissant actuellement en Afrique de l’Ouest (choléra, Méningite, Rougeole, Fièvre Jaune et Fièvre de Lassa) avaient cumulés 67 307 cas déclarés (dont 29 777 pour le seul choléra) et 1 338 décès (dont 606 pour la seule méningite) au 17 août 2014 contre 2 565 cas déclarés et 1 365 décès pour Ébola à la même date. En 5 mois l’épidémie d’Ébola a donc tué autant que les 6 autres en 8 mois. Pour les 4 pays directement concernés le nombre de décès documentés pour les 6 maladies à potentiel épidémique surveillées est de seulement 767. L’épidémie d’Ébola a donc triplé le nombre de décès d’origine épidémique pour ces 4 pays.

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Au niveau de la cinétique on ne constate pas de modification significative des comportements : l’épidémie Guinéenne a toujours un comportement (affine) qui contraste avec celle (exponentielle) de deux des pays touchés par un cas source voyageur en provenance de l’épicentre, le Libéria et la Sierra-Léone. Les deux courbes suggèrent une contamination interhumaine autonomisée que rien ne vient contredire à ce jour (figure 2). L’amorce du comportement exponentiel de la courbe Guinéenne notée dans le point de situation précédent ne semble pas, finalement, se confirmer pour l’instant. On peut aussi tenter d’expliquer cette difference par une capacité de contention de l’épidemie différente pour la Guinée. À suivre. Pour ce qui concerne le Nigeria et le Sénégal qui eux aussi ont reçus un cas source en provenance de l’épicentre, il semble que l’épidemie soit sous contrôle pour l’instant, devant l’absence de nouveaux cas répertoriés.

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Comme mis en exergue lors du point épidemiologique précédent, il conviendrait d’avoir des éléments cliniques prédictifs de l’évolution des cas d’Ébola. Par exemple, la durée de la période de latence ou la température à J4 de l’irruption des premiers signes sont-ils prédictifs de l’issue ? Il conviendrait de repérer de tels facteurs prédictifs, s’ils existent, pour identifier les morituri et concentrer les efforts de prise en charge sur ceux qui ont une bonne probabilité de survie. Symétriquement, il conviendrait de repérer les formes bénignes ou pauci-symptomatiques pour limiter, là aussi, un investissement disproportionné en moyens ou en soignants, compte tenu d’un pronostic favorable d’emblé, même si cela allonge la durée de la maladie ou de la convalescence. Il convient de colliger les données cliniques disponibles et de les analyser pour identifier les facteurs pronostic pertinents. MSF qui est le mieux placé pour fournir de telles données a été sollicité à la suite du dernier point épidémiologique mais n’a pas répondu à ce jour.

Pour ce qui est de la dynamique des nouveaux cas (figure 3), après un net ralentissement durant la première quinzaine d’août et une accelleration sans précédent pendant la deuxième et début septembre, on constate un nouveau ralentissement qui amorce une

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ré-accelleration. La fiabilité des données notamment les difficultés operationelles du reporting peuvent expliquer, à elles seules, les variations du nombres de nouveaux cas constatées à ce jour.

Au niveau du rapprochement entre les corridors de communication, les voies maritimes et aériennes avec les zones des districts touchés on constate toujours une corrélation assez forte (figure 4). L’observation de la carte laisse entrevoir des cas non déclarés en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire. Ils sont à ce stade probablement classés en cas de Paludisme ou d’autres fièvres tropicales si ce sont des formmes cliniques pauci-symptomatiques non mortelles.

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Les discussions au sein du groupe francophone https://www.linkedin.com/groups/Groupe-Expert-Ebola-SFMC-8156465/about et au sein du groupe anglophone https://www.linkedin.com/groups/Ebola-outbreak-management-Group-8150382/about regroupants près de 200 spécialistes en medecine de catastrophe, en prevention de pandémie, en conception de vaccin, en réponse sanitaire opérationnelle, … issus de gouvernements, d’agences ou de services publics, d’entreprises spécialisées publiques ou privées européens, africains de l’ouest et Nord-Americains, portent essentiellement sur :

1. le risque de contamination aéroportée – à ce jour non formellement documenté – mais théoriquement possible, ne serait-ce que par les goutelettes de Pflügge, et pouvant rendre compte du nombre de cas important parmis les soignants : il a été décidé de recommander le port de masque FFP2 pour les soignants sur place et de limiter le temps de prise en charge à 20 min d’affilée pour chaque patient afin de limiter les risques. Les masques chirurgicaux que l’on voit dans les reportages sont notoirement insuffisants pour protéger des goutelettes de Pflügge émisent par les patients.

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Or l’exposition répétée à un risque faible conduit asymptotiquement à une probabilité de 1. En l’etat c’est l’explication la plus plausible du nombre anormalement élevé de soignants contaminés. Pour la prise en charge des cas importés en Europe et tant qu’ils restent sporadiques, c’est le port de combinaison filtrantes qui est recommandé.

2. la cinétique inhomogène des 5 pays concernés avec une cinétique affine pour la Guinée et le Nigeria et une cinétique exponentielle pour la Sierra-Leone et le Libéria peut s’expliquer par des problèmes de retard de diagnostic et de receuil des cas et ne pas reflèter fidèlement la propagation des cas. Cependant une explication épidémiologique plus satisfaisante serait la bienvenue.

3. la sous déclaration multifactorielle des cas (diagnostics differentiels nombreux, frein economique et social de l’accès au soin, non respect des rites sociaux et funéraires “sacrés” pour les individus déclarés contaminés et donc “beneficie/risque” peu ou pas ecceptable pour l’interessé et son entourage, …). Une estimation de la part immergée de l’iceberg fait curellement défaut.

4. l’illusion des mesures de confinement qui sont contournées par les impératifs socioéconomiques locaux et par la pratique “institutionalisée” du contournment des régles contre rétribution. L’exemple du Sénégal en est la parfaite démonstration.

5. le risque de cas importés en Europe via l’immigration clandestine et les passeurs des autres traffics illicites qui, par nature, contournent tous les systèmes de contrôle. Ce point semble toujours sous-estimé par les autorités des pays concernés, probablement parce qu’il est politiquement difficile à aborder en raison de la stigmatisation possible d’une population déjà largement précarisée et fragile.

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