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Le problème du genre grammatical dans les composés nominaux du latin Author(s): Françoise Bader Source: La Linguistique, Vol. 2, Fasc. 2 (1966), pp. 79-92 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248056 . Accessed: 15/06/2014 17:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.199 on Sun, 15 Jun 2014 17:42:00 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Le problème du genre grammatical dans les composés nominaux du latin

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Le problème du genre grammatical dans les composés nominaux du latinAuthor(s): Françoise BaderSource: La Linguistique, Vol. 2, Fasc. 2 (1966), pp. 79-92Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248056 .

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LE PROBLEME DU GENRE GRAMMATICAL DANS LES COMPOSIES NOMINAUX

DU LATIN* par FRANt BADER

Les langues indo-europ6ennes ont connu des noms compos6s qui, A l'6poque la plus ancienne oui l'on peut les saisir dans chacune d'elles, semblent contredire le fait que ce sont des

langues oii, normalement, le rapport entre les 6l6ments d'un

syntagme donn6 s'exprime au moyen de morphtmes flexion- nels. I1 serait, a priori, normal pour une langue comme le grec que 1' < acropole ) f-it nomm6e &xpocA 6?A1. On sait qu'il n'en est rien, et que l'on a, sans que l'adjectif d6terminant le substantif porte des marques d'accord ni de disinence, &xp6tnoXl~.

En fait, ce paradoxe qu'est la composition, qu'on a pu appeler ( une d6rogation aux lois qui reglent les rapports des mots ,) (Meillet-Vendryes, Traitg de grammaire comparee des langues classiques2, Paris, 1948, p. 421), n'est paradoxe que d'un point de vue synchronique, si on embrasse l'ensemble des composes tels qu'ils se presentent des la periode la plus recul~e de l'histoire des diverses langues i.-e. D'un point de vue diachro- nique, il en va autrement. La classification des compos6s i.-e. est ici d'une grande importance, et la distinction entre classes r6centes et classes anciennes de compos6s du plus haut int6ret.

Dans ce qui suit, nous prendrons comme exemple de langue i.-e. le latin, qui, langue conservatrice, garde, comme categories de compos6s, ce que l'on peut consid6rer comme l'apport i.-e., en quelque sorte pur, d6barrass6 de la gangue que constituent les apports ultetieurs, visibles dans d'autres langues plus riches en compos6s que le latin, comme l'indo- iranien, ou le grec.

* N.D.L.R. Cet article destin6 ' parattre avant la th6se de l'auteur, La for- mation des composds nominaux du latin, Paris, 1962, reprend, sous forme rdsumde, le chapitre IX de cet ouvrage.

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Au nombre des plus ricents des composes, on mettra tous ceux dont le second membre est form6 sur un 6lement existant A l'atat isol6 dans la langue avec m me forme et m me fonction. Il s'agit essentiellement d'une part des composes de determi- nation, encore appel6s, d'apr's la terminologie des grammai- riens de l'Inde, tatpurusa (nominaux) : ce sont des compos6s dans lesquels le second membre a la forme et la fonction (adjective on substantive) du terme pris isol6ment dans la

phrase sur lequel il est form6 ; I'ordre des membres peut y etre determinant + determin6, comme dans la plupart des compo- s6s, du moins des compos6s dans lesquels les deux membres ont entre eux un rapport de subordination : c'est le type rapicapra, mot a mot <( chkvre de rocher ) (rapis, capra). Dans les composes de d6termination, I'ordre peut Stre, mais rarement, inverse, soit d6termind + d6terminant, type 7c7xo- 7O6'0oq, mot a mot << cheval de fleuve ) (EAnnCo, t6tocio4). Une autre classe r6cente de composes est form6e de dvandva, < compos6s copulatifs ), qui d6signent un ensemble de qualit6s, d'objets, ou, le plus souvent, de personnes, qui sont gramma- ticalement dans un rapport de coordination : type skr. mata- rapitard << l'ensemble mere + pere ,). Ces compos6s, de subor- dination et de coordination, dont le second membre est iden-

tique ' un simple existant i l'6tat isolk dans la langue, sont

les seuls dont on puisse dire, comme on I'a parfois fait, qu'ils sont les equivalents ( synth6tiques ) des expressions (( analy- tiques ) que sont les syntagmes flexionnels : la prestation d6sign6e par manipretium (( prix de la main-d'oeuvre ) peut aussi tre appelee mands pretium. Mais ce n'est plus vrai pour les compos6s appartenant aux types les plus anciens, ceux dont le second membre n'est jamais identique a un 616ment pris isol6ment dans la langue qui aurait meme forme et meme valeur : un (< dimiurge ) n'est pas un *oupy64 de 8aAiL, puisque *oupy6o n'existe pas (et que, de plus, dans le syntagme flexion- nel, le determinant aurait une forme a disinence, et n'appa- raitrait pas sous forme de theme), pas plus que le < despote ) n'est le 86e'r76Y de la maison, puisqu'en simple seul 7x6al existe en grec (avec, de plus, le sens diff6rent de < 6poux a).

Les series les plus anciennes comprennent des composes formis sur des substantifs, toujours adjectifs, qu'en raison de leur sens on appelle composes possessifs (multicolor (( qui a

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LES COMPOSES NOMINAUX DU LATIN 81

beaucoup de couleurs >), ou, comme disent les grammairiens de I'Inde, bahuvrihi; et des composes formis soit directement sur une racine (sacerdas, sur *dheal-), soit, a un niveau chrono-

logique moins ancien, sur le radical d'un verbe (artifex, sur

faci(), qu'en raison de leur sens verbal nous appellerons noms d'agent (ils sont encore appeles tatpurusa verbaux).

Ces compos6s ne derogent pas aux lois qui reglent les

rapports des mots : ils sont les reliquats des plus anciens

syntagmes, formes d'une expression de sens verbal, a une

poque ohi le verbe n'est pas encore caracteris6 dans sa forme comme verbe, et de son d6terminant, dont la forme de theme est le residu d'une epoque oh les diverses relations syntaxiques ne sont pas encore non plus caracteris6es dans la forme des termes (mais seulement par leur ordre de succession, le d6ter- minant d'un groupe pr6c6dant en g6n6ral le d6termin6).

L'histoire de la composition n'est pas seule a nous inviter a distinguer entre s6ries anciennes et s6ries plus r6centes de

composes. Si nous revenons a la synchronie, nous pouvons remarquer que, par exemple, au niveau du style, la meme distinction se fait jour. Il est banal de dire que les composes se trouvent dans les textes po6tiques. Il ne l'est guere moins d'affirmer qu'ils appartiennent aux vocabulaires techniques. Mais il faut pr6ciser. A consid6rer le latin, par exemple, les techniques qui font le plus usage de composes sont des tech-

niques nobles, celles de la religion (e.g. sacerdas) et du droit

(e.g. parricdda), qui ne font qu'un en r6alit6, le droit ayant a 'origine un caractere religieux. Mais la po6sie et les langues de la religion et du droit se servent en realit6 des types anciens de compos6s, noms d'agent ou compos6s possessifs. Les types r6cents de compos6s apparaissent dans des langues de tech-

niques plus modestes (malomedicus ( vet6rinaire (de mules) ))) ou botanique (millefolium), et surtout dans la langue parl6e, ainsi qu'en t6moignent les gloses et, plus tard, les langues romanes.

Un clivage s'6tablit done nettement au niveau de l'histoire, de l'emploi, de la forme, entre les compos6s d'un type archaique et ceux d'un type plus r6cent dans les langues i.-e.

Un domaine particulier oih apparait ce clivage est celui du genre grammatical. Un compos6 appartenant l'rune des classes r6centes aura le mame genre que le simple sur lequel il

LA LINGUISTIQUE, II 6

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82 FRANOISE BADER

est form6 : un mahdraja sera naturellement masculin comme

rdja; masculin "galement Iuppiter, comme pater. 1avidemment, le probleme se pose en termes diff6rents

lorsqu'on a affaire a des composes d'un type ancien : comme ils ne sont pas bAtis sur des simples existant a l'6tat isole dans la langue, avec meme forme et m~me valeur, on ne peut, a l'avance, prejuger de leur genre, et il s'agit de savoir s'il y a un lien entre la forme de l'6liment sur lequel ils sont formis et leur forme propre.

Pour les deux classes anciennes de compos6s que nous avons vues, il y a deux problkmes de genre grammatical distincts. L'un concerne la possibilit6 d'une forme commune

pour le masculin et le f6minin, a la fois dans les noms d'agent et dans les composes possessifs. L'autre, comme nous le verrons, est propre a ces derniers. En tout cas, dans ce qui suit, il ne sera guere question du neutre des composes, tres rarement

employe, mais seulement de leur masculin et de leur f6minin.

I. - EXISTENCE D'UNE FORME COMMUNE

AU MASCULIN ET AU FEMININ

Anciennement, dans les composes, le masculin et le fdminin ont la meme forme, ou sont, comme on dit, ( ~picenes ). Cela est vrai A la fois des compos6s possessifs et des noms d'agent, du moins pour autant qu'il s'agisse en latin de noms de la IIIe d6clinaison, themes en -i-, comme testis, ou themes

consonantiques, simples comme composes, oti il est normal

que masculin et f6minin aient la meme forme, cf. ftlix, etc. c'est une particularit6 de tous les noms athematiques, cf. encore les themes en -a du type indigena. La particularite en question n'est pas lide dans les composes aux noms athematiques : en grec, le f6minin des composes thematiques est thlmatique egalement : &

7cpitoXoo n'est attest6 chez Hombre qu'au f6minin

(Od., I, 331, etc.); on dit, en employant la meme forme : 6 l

ouoToL6s... 'Itf7voca (Theocr., Epigr., 19), et o~tcpox0 S [toaouc7otou (Eur., Hipp., 1428), etc.

Le latin a 6limin6 cet archaisme des adjectifs thdmatiques, et on en a tres peu d'exemples : triresm6s naurs, acc. pl. sur la Colonne Rostrale (mais on sait qu'on ne peut accorder qu'une confiance limitee a la valeur archaique de la langue, artificielle,

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LES COMPOSES NOMINAUX DU LATIN 83

de cette inscription); indigena utnum, Plin., N.H., 14, 72 (le premier exemple est un compos6 possessif, le second un nom

d'agent). Meme dans les themes consonantiques, oh il est normal que masculin et f~minin aient la meme forme, le latin tend a crier des f6minins secondairement caracterises

par opposition aux masculins. La caracttrisation f6minine se fait en gen6ral en -a-, parfois en -i-. Je donne des exemples en -i- parce que ce sont les plus rares (et parce qu'on va retrouver

plus loin d'autres exemples de la fonction < f6minisante a de -i-) :

a) composes possessifs : indecoris ulta, Acc., 193; blanda...

superba... discordis, Pompon., 165; dicti6 exossis, Sid., Ep., 8, 16 (cf. indecor, discors, exas, e.g. f6m. cduitis discors, Liv., 2, 23, 1, etc.) ;

b) noms d'agent : praecoquis libid5, Nov., Com., 106; perui- gilis cara, Apul., Met., 11, 26, 4 : cf. praecox, peruigil. Les exemples de f6minisation secondaire d'un ancien

compos6 6picene sont tras nombreux. Ce qui nous retiendra ici, ce sont les conditions dans lesquelles ce mecanisme se

produit. Soit sacerdas, bien attest6 comme masculin; sacerdcs existe,

sous la meme forme, comme fdminin : sacerdds Veneria, PI., Rud., 329; Cic6ron, Font., 17, dit : ( prospicite, ne ille ignis aeternus... sacerdotis uestrae lacrimis exstinctus esse dicatur ); ou, Verr., 7, 45 : ( sacerdotes Cereris, atque illius fani antistites, probatae ac nobiles mulieres ) : le nom d'agent ath6matique est epicene quand il fait fonction de substantif. Au contraire, quand il joue le r61le d'adjectif, c'est-a-dire pratiquement quand il accompagne un determine, il est caracteris6 soit comme typi- quement fbminin (-a-, -i-), soit meme comme typiquement mas- culin (-o-) : sacrifica dra, Val. Fl., 8, 243; sacrificus rex, Liv., etc.

C'est vrai aussi dans d'autres langues. Le gotique a par exemple un masculin daurawards Oup0cp64 , auquel correspond une forme de f6minin en emploi adjectif (le caractZre adjectif de ce f6minin apparait dans la double flexion, forte et faible, du mot) : - forte : faruh qap daurawardai << xoct etev Oupopij W ; - faible : faruh qafi jaina fiiwi so daurawardo < Adyet oiv I

0 0tpop6O.

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C'est qu'il y a un lien particulier entre l'expression du genre grammatical et le caractbre adjectif d'un nom : on peut m8me dire que la variation en genres est la seule marque qui permette de caracteriser positivement l'adjectif par rapport au substantif : substantif et adjectif 6changent leurs roles dans de nombreuses langues; mais un substantif n'a qu'un genre (ainsi, grandeur), alors qu'un adjectif en a deux (grand, grande), ou trois dans les langues qui poss'dent un masculin, un fdminin, un neutre morphologiquement distincts (bonus, bona, bonum). Ainsi s'explique qu'un compose recoive un f6minin secondaire chaque fois que son emploi est nettement adjectif, en d'autres termes chaque fois que la structure de la phrase exige un accord (sacrifica dra).

A cet 6gard, le grec est particulibrement conservateur, puisque, meme en cas d'accord, le compos6 reste epicene (cf. Oan~cpoG5 5'rj LouaootoLoo, ci-dessus). A ce conservatisme, on

peut chercher une explication. Il est naturellement difficile de la donner. Mais, s'il est vrai, comme le pense l'auteur d'une these r6cente (J. Gagnepain), qu'a l'origine le type th6matique est exclusivement adjectif, le type en -a-, substantif, ou du moins si cela est vrai pour le grec (nous faisons des reserves pour d'autres langues), la flexion th6matique peut s'etre maintenue, meme au f6minin, comme caractiristique d'adjec- tif : dans ces compos6s grecs, la fin serait la meme, qui s'obtien- drait par des moyens opposes ia ceux du latin.

Il y a, en tout etat de cause, meme en grec, un cas oi la caracterisation f6minine est particulierement utile : dans les noms propres, sortes d'adjectifs substantives lorsqu'ils ont une signification, ce qui est le cas des noms propres compos's. Aussi un compos6 th6matique a-t-il un f6minin en *-. quand c'est un nom propre : 'ExM&pyoq, normalement thdmatique au masculin et au f6minin ( ,pys, applique a Artemis, dans un passage lyrique, Ar., Thesm., 972), devient 'ExockSpy quand c'est le nom d'une des filles de Boree (Call., 4 (Del.), 292). Et l'on dira MeXOvi777c AeuxLbn-r, en face de MeMXivL7noS, 292).

II peut donec arriver, dans les composes indo-europeens, qu'un f6minin soit caracteris6 secondairement comme tel, et cela principalement quand les compos6s ont un emploi d'adjectif (ou d'adjectif substantive).

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II. - LE PROBLUME DU GENRE DANS LES COMPOSES POSSESSIFS

I1 y a un problhme de genre grammatical propre aux

compos6s possessifs ; il se pose 6galement parce que ces derniers sont des adjectifs dans tous les cas (multicolor), et des adjectifs dinominatifs (color). La difficult6 est la suivante : que va devenir dans un adjectif qui a deux ou trois genres (cf. ci-

dessus) un substantif qui n'en avait qu'un ? En principe, le mecanisme de formation des compos6s

possessifs n'est pas complique : sur pes est form6 quadrupis, sur dens, tridins, sur color, multicolor, etc. : en d'autres termes, il y a changement de fonction dans le passage du simple, substantif, au compose, adjectif, mais il n'y a pas de change- ment de forme.

Cela est vrai en particulier tant que le substantif est un theme

consonantique, puisque dans les themes consonantiques le mas- culin et le f6minin ont une forme unique, comme on l'a vu. Mais le substantif de base n'a pas toujours une forme apte a fournir indiffiremment un masculin, un fiminin et un neutre : il y a difficulte chaque fois que le composi qui, en tant qu'adjec- tif, varie en genres, est biti sur un substantif caracteris6 dans sa forme comme masculin, f6minin ou neutre (uir, barba, genus).

On montrera, comme illustration de ce probleme, quelles sont les conditions et les rdalisations de l'entr~e en composition d'une s6rie de neutres bien repr6sentes, les themes en -s- (type genus). Le latin n'a gard6 aucune forme d'adjectif comparable a ce qu'est -yeVs' par rapport a yevoq (skr. -mandis-ah/manah.), et il ne connait pas d'adjectifs flichis comme les animus (themes en -s- 6galement) du type hon5s. En fait, c'est surtout le nomi- natif et l'accusatif anim6s qui font difficulte, puisque c'est par ces cas qu'un neutre se distingue d'un masculin on d'un f6minin : au g6nitif, par exemple, -temporis est susceptible d'etre polyvalent du point de vue du genre. Ainsi, les composes de genus ont, comme le substantif simple, un theme flexionnel

-gener- : abl. pl. multigeneribus, PI., Capt., 159; gen. pl. multigenerum, Pl., Stich., 383; dat. sg. congenerf, Plin., N.H., 15, 98. Le meme theme pourra etre employe au nominatif, et le seul nominatif vivant de la serie est dRgener.

La difficult6 pour un theme en -s- comme genus a s'adjec- tiver en second membre de compos6 est claire : en entrant en

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composition, le substantif neutre se soumet A la variation en

genres propres aux adjectifs ; et le second membre de compos6 ne sera exactement semblable au substantif simple que lors-

qu'il qualifiera un substantif de meme genre que ce dernier : Ausone, 336, 51, peut dire aequilatus triangulum, mais au mas- culin, Snenque, Ep., 90, 4, dira n6cessairement digener taurus, *degenus, thbme en -s- anim6, tant ici un nominatif difficile a concevoir. Il y a donc difficulte toutes les fois que le substantif de base est caracterise quant au genre dans sa forme meme.

Solution 1. - La plus banale des solutions donnees a cette difficult6 consiste A faire entrer le compos6 dans la classe des

adjectifs du type bonus, -a, -um. En vertu de ce que nous disions tout a l'heure, on s'attend a ce qu'un substantif thema-

tique garde sa forme thematique a son passage en composition : ainsi le Cyclope est qualifi6 de anoculus par Accius (oculus); et, pour designer une figure geometrique a trois angles, on dira

triangulus (angulus); on connait la piece de Plaute intitul6e Trinummus, du nom d'un personnage surnomm6 < aux trois nummus ). Mais, si l'on a ' former sur un masculin en -o- un f6minin, il sera en -a : la femme deux fois marine est qualifi'e par Varron de biuira (uir). Un proc6de paralldle transforme les f6minins en -a ou les neutres en -um en adjectifs en -us, a, um : coma fournit une douzaine d'adjectifs comme auricomus (Virgile); folium donne acrufolius, Cat., < aux feuilles poin- tues ), etc. Je n'insisterai pas sur ce proc6de, bien connu.

Solution 2. - Mais les compos6s possessifs sont loin d'etre tous en latin de meme forme que le substantif sur lequel ils sont formes ou, sinon, des adjectifs de premiere classe. De maniere particulierement 6tonnante, il peut arriver que le second membre de compose ait une forme de nom-racine qui n'est pas celle du substantif simple correspondant : notre

quinconce vient d'un quincunx forme, non sur *unx, mais sur uncia; sur licium ( fil ), Virgile a des composes bilix, trilix. Un cas complexe est celui des composes en -ceps du nom de ]a < tete ), caput, pour lesquels on attendrait nominatif *-caput-s > *-cipus, g6n. -cipitis. En fait, ces composes presentent une double flexion : dans l'une, caput est conserve aux modifications

phonetiques normales pros : praecipitem, Catull., 17, 9, etc.; dans l'autre, tout se passe comme si le -ut- de caput disparais- sait : nomin. praeceps ( qui a la tate en avant ), anceps ( a deux

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tetes D, etc. ; acc. praecipem, Laev., Jrg. 18; abl. praecipe, Enn., Ann., 399, d'oui des nominatifs singuliers comme prae- cipes, Pl., Rud., 671, etc., que l'on suppose faits pour 6viter une homonymie ficheuse avec les compos6s en -ceps de capi5. Dans l'usage courant les deux flexions se sont melees, si bien

qu'il en resulte une flexion hybride, anceps, praeceps, mais

ancipitis, praecipitis. Les formes en -ceps pourraient a la rigueur etre analogiques

des compos6s de capi5 (auceps, etc.), encore que, comme nous venons de le dire, on imagine que les nominatifs en -cipes ont et6 faits pour 6viter une confusion avec ces derniers. Mais on ne voit pas pourquoi l'analogie aurait alors 6td impuissante a faire triompher un thbme -cip- dans tout le paradigme, et pas seulement au nominatif : il vaut mieux inclure ces compos6s dans un ensemble plus vaste : la (( reduction ) de uncia '

-unx, etc., en second membre de compose, a lieu quand le substantif de base est un f6minin (uncia) ou un neutre (caput, licium). C'est meme pour cela que le theme -cip- n'est employe de fagon vivante qu'au nominatif : comme pour les themes en -s- que l'on a vus, c'est en fait surtout le nominatif qui fait difficulte.

Quoi qu'il en soit, la transformation en nom-racine d'un substantif de genre uniquement f6minin ou uniquement neutre au second membre d'un compos6 qui, adjectif, a deux ou trois

genres, est une des solutions adoptees pour resoudre le pro- blhme du genre grammatical en composition.

Solution 3. - Elle consiste a former sur des substantifs

f~minins ou neutres des adjectifs composes en -i- (type barba/imberbis). En effet, a un f6minin en -a- ne repond auto-

matiquement un masculin en -o- que dans un certain etat de

langue, oih la flexion d'une certaine classe d'adjectifs s'est etablie suivant le scheme bonus, bona (barba/imberbus). Mais aucun lien morphologique ne r6unit necessairement les deux formes. Et on peut concevoir un autre 6tat de langue, oih le

passage d'un substantif barba au second membre de compos6 s'ef- fectue selon un micanisme autre, dont le principe reste a definir.

Empiriquement en tout cas, on constate que les composes en -i- sont en gineral formis sur des f6minins, accessoirement sur des neutres, et sur des masculins uniquement dans les conditions syntaxiques particulieres que nous allons voir.

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Forma donne des composes en -formis (d formis, etc.); fama en -famis (in-) ; plama en -plidmis (de-) ; barba en -berbis (im-), etc. : l'examen du dossier complet serait fastidieux. Qu'il nous suffise de dire que les composes formis sur des

simples qui sont des substantifs f6minins en -a- sont bien plus souvent en -is qu'en -us : les seuls f6minins qui fournissent de maniere un peu productive des composes en -us sont barba et coma, et, dans une moindre mesure, furca.

Le lien entre substantifs f6minins simples et composes en -i- est confirm6 par une particularit6 de l'emploi de ces derniers : quand ils sont formis sur un masculin en -o-, au lieu d'etre en -o- eux-memes, c'est le plus souvent pour qualifier un substantif fdminin : sur rimus, on attend des compos6s en -remus (ainsi triresmos sur la colonne rostrale) ; or ils peuvent etre en -remis, mais cela quand ils accompagnent nduis ou un nom de navire f~minin : Arg5 citiremis, Varr., Men., 15; Centuripina quadrir~mis, Cic., Verr., 2, 5, 88; de meme les

composes en -sulcis ' cA6t de ceux en -sulcus, attendus (sulcus (< sillon )) et attestes, ont des emplois f6minins uniquement : bisulcis et trisulcis ne qualifient que lingua (PI., Poen., 1034; Pac., Trag., 229, etc.) : Ovide a illimis fins < fontaine sans boue )

(limus), Met., 3, 407 ; Virgile, nox... insomnis, En., 9, 167, etc. Ce sont de meme les exigences du genre grammatical qui

determinent l'emploi de -i- dans la formation de composes sur des substantifs neutres : sur bellum (< duellum), on a perduellis << avec qui on est en guerre )); sur signum, insignis; sur mem- brum, des compos6s en -membris (bi-, Vg., etc.), et ainsi de suite.

Ainsi, -i- est employe quand, masculin, un substantif fonc- tionne au second membre d'un adjectif f6minin (nduis citi-

remis) ou quand, f6minin ou neutre, il entre dans la composi- tion d'un adjectif qui peut etre aussi bien employe au masculin

(alticomis appliqu 6 un cheval, C.I.L., XI, 258, 16; bimembris

puer, Juv., 13, 64). Entre les deux solutions employees de manibre vivante (les

composes noms-racines du type praeceps sont rares) pour resoudre les problkmes du genre grammatical en composition, la solution -o- et la solution -i-, il a pu y avoir des echanges, d'oui des doublets du type imberbis/imberbus, assez nombreux : en effet, un neutre iugum, par exemple, peut, en tant que the-

matique, donner des composes en -iugus, et, en tant que neutre,

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LES COMPOSES NOMINAUX DU LATIN 89

des composes en -iugis : quadriiugus, Enn./quadriiugis, Vg.; ou, dans l'ordre chronologique inverse, multiiugis, Cic./multiiugus, Liv. Ainsi en est-il encore pour les compos6s de rostrum, barba, sulcus, que nous avons vus, ou de arma, coma, afma, lingua, etc.

Solution 4. - Pour etre honnete, il faut souligner une qua- tribme solution. Je ne ferai que la citer rapidement, car elle est exactement parallkle a la solution pricidente : au lieu de -i-, c'est -io- qui peut etre utilise pour former des compos6s sur des substantifs fdminins (type illiinius sur lana) ou neutres (caldi- cerebrius, Petr., (( tete-brille ), sur cerebrum), ou des composes bitis sur des substantifs de genres divers, mais employds au f~minin (arbores grandiscipiae, Sen. : cf. sca-pus (( tronc )) : comme les substantifs f6minins et neutres en -i-, les substantifs fdminins en -ia ou neutres en -ium sont 6galement anciens.

III. - LE SUFFIXE -I- ET LE GENRE GRAMMATICAL

Il me parait important d'insister sur l'emploi du morpheme -i-

pour former des composes, parce que cela aide a preciser la fonction (( f6minisante ) de -i-, dont on a d'autres exemples dans d'autres langues indo-europ6ennes, a la fois dans des

adjectifs et dans des substantifs. Je donnerai des exemples empruntes A des langues diverses, mis a part bien entendu le hittite, puisque ce dernier ne fait pas de distinction grammati- cale entre masculin et f6minin.

Voici d'abord des exemples de substantifs : skr. drs'i- < action de voir

); av. baoiii (( bonne odeur n; v. sl. koni

< d6but )); gr. 8p4 (( combat )); got. wens (( espoir ; lit. grandis < bracelet ); lat. urbs. Quand un nom-racine est 6largi en -i-, le nouveau theme en -i- est fdminin : ainsi de *aus-, lat. auris, lit. ausis ; de *okw-, lit. akis ; de *krd-, gr. xocpso, lit. szirdis, etc.

L'aptitude de -i- a donner des substantifs fdminins se marque bien par exemple en balto-slave, oi *-i- sert a former des collec- tifs f6minins : v. sl. zelent (( uiriditas

), sur zelen' (( uiridis ));

lit. ligis << longueur ), sur flgas < long , etc. I1 y a quelques masculins : v.h.a. lug (( mensonge (auquel correspond d'ailleurs un f~minin en vieux slave : l/'2); skr. dhvant- (( bruit )); got. muns (( intention )); mais ils sont rares hors de la composition, et, de toute fat leur existence n'est pas plus 4tonnante que celle des f~minins thematiques, malgre la predominance des mas-

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culins dans les themes en -o-, ou, inversement, que celle des masculins en -a. On dira simplement que la frequence statistique joue en faveur des themes en -o- masculins, et des themes en -a- ou en -i- f6minins (le correspondant masculin de -i- est -u-).

Dans les adjectifs, le r6le fdminisant de -i- est bien connu. En particulier, le latin a toute une classe importante d'adjec- tifs dans lesquels le f6minin est anciennement indiqu6 par -i- : les adjectifs du type suduis, dont, selon certains, la forme en -i- serait due a la g'neralisation de la forme de f6minin : aux adjectifs masculins themes en *-u- coirespondent en i.-e. trois types de f~minins : ou bien un f6minin epicene (type skr.

mrddih, masculin et fiminin); on bien un f6minin en -ii (cela seulement en sanskrit, par suite d'une innovation indienne) ; ou bien un f~minin derive, soit primaire (type got. ]aurjo-), soit secondairement bati sur le masculin en -u- : c'est le type skr. masc. svddu-/f6m. svddvi, f6minin auquel il ne semble d'ailleurs

pas qu'on puisse superposer immediatement le latin suduis, qui a un -4- et une desinence -s (comme correspondant exact de skr. svadvi l'on attendrait lat. *sudul, ou, peut-etre, plus exactement, *suduIx comme uictrix). De toute fat le r6le f6minisant de -i- est bien connu ailleurs (cf., par exemple, VAX7optq, nom d'une servante de Pendlope, dans l'Odyssoe, en face de "Axwtcp, nom d'homme dans l'lliade).

C'est par ce tropisme f~minin qu'on peut expliquer la for- mation des composes du type imberbis en latin. Mais ce n'est

qu'un element de l'explication, qui a besoin d'etre complet6e. Lohmann (Genus und Sexus, p. 84, n. 2) a montr6 que la

<< motion ) f6minine en *-i- (et en *-ya), au contraire de celle en -a, avait son point de depart dans des substantifs : on

comprend encore mieux que *-i-, en tant que suffixe de f6minin en rapport avec des substantifs, ait "t6 employe dans les

composes possessifs, qui forment une des classes les plus anciennes et les plus nombreuses d'adjectifs denominatifs. A cet

egard, le latin, avec le type imberbis, a developp6 un trait

morphologique conserv6 6galement dans d'autres langues : l'irlandais connait des compos6s comme diarim << innombrable n, form6 sur un theme en *-a, dram << nombre ); le grec, comme

&vclxt S < sans force ), sur le theme en *- , &XX'; cette langue a ici surtout des adverbes en -t, comme &xovwzr, sur x6vtS ( poussiere ) (ce dernier compose est d'ailleurs ambigu : est-il

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forme sur un f6minin ou sur un neutre ? f6minin, x6vLs doit etre la rifection d'un ancien neutre : cf. lat. cinis, neutre).

Je parlerai moins longtemps d'un point qui m'embarrasse : le rapport des composes en -i- et du neutre. Il est vrai que le lien entre composes en -i- et neutres est 6galement connu hors du latin : cf. irl. sochene-uil, dochentuil < de race bonne, inf6- rieure , sur cen"l race %, neutre en -o-; arm. angorci- << sans travail sur gorc, 6quivalent 6tymologique de kpyov. Mais on ne connait pas pour les neutres d'adjectifs rl'quivalent de ce qu'est *-i- pour les f6minins d'adjectifs. Dans l'ordre des substantifs, les themes en -i- fournissent anciennement des substantifs, type hitt. es'ari < forme, figure ), lat. mare, v.h.a. mari, v6d. dsthi-, arm. sirt ( coeur ). Il est possible qu'en vertu du parall6lisme de l'emploi f6minin et neutre de -i- dans les

substantifs le morpheme -i- ait 6t6 employe dans les adjectiJs dinominatifs que sont les composes possessifs, en liaison avec le f6minin et le neutre. Aussi bien d'ailleurs y a-t-il un lien assez 6troit entre f6minins et neutres, dans les substantifs en -i- (il n'est pas rare qu'un neutre en -i- soit transform6 en f6minin, cf. x6vls; an0ovts raret6 n, etc.), mais aussi de maniere

beaucoup plus g6nerale : on sait par exemple que ce qu'on appelle ( neutre pluriel est en r6alit6 un ancien collectif

f'minin; et sans doute une etude plus gendrale sur le genre devrait-elle tre orientee dans cette direction.

Pour en revenir aux composes, il est en tout cas str que l'emploi de -i- y est lie a leur caractere dinominatif : en effet, dans les noms d'agent compos6s, on n'a aucun exemple sir en latin d'emploi du meme suffixe. Il n'y a en latin que deux

composes en -i- formes sur un radical verbal qui soient vivants : I'un est postis oi le -i- peut Stre un -i- de f6minin, puisque ses

correspondants sont en general f6minins : av. pars'ti-, bret.

post, v.h.a. pfost, neerl. vorst < faite de la maison ). L'autre est le nom du < timoin n < qui se tient en tiers ), testis, et il n'est

pas du tout sir qu'il contienne un suffixe -i- : la flexion en -i- peut y resulter de la normalisation d'une flexion nomin. *tri-ste-s > *tristas > *te(r)-stes; acc. *tristam > testem; g6n. *tri-st(a)-as > testis (le nom offrait des difficultis : il a 6t6 th6matis6 par exemple en osque : trstus, acc. pl.). Ainsi, la solution -i- donnee au problkme du genre grammatical est une solution propre a des adjectifs denominatifs.

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On peut conclure en disant que, quelle que soit la solution adoptie - et nous avons vu que, rien qu'en latin, il y en a quatre pour les seuls compos6s possessifs (en dehors de la solution attendue, du type multicolor) : imberbus (-o-); imberbis (-i-); grandiscdpius (-io-); praeceps (nom-racine) -, il n'y a de problkme de genre grammatical dans les composes qu'en tant qu'appartenant aux types les plus anciens ils sont adjectifs (adjectifs denominatifs dans le cas des compos6s possessifs; adjectifs deradicaux dans le cas des noms d'agent). Le probleme du genre dans les composes aide donc a definir plus fermement ceux-ci comme adjectifs.

Cette d6finition est conforme a ce que leur morphologie, si on l'6tudie de maniere plus fouillke que nous ne pouvons nous le permettre ici, peut enseigner : reliquats des plus anciens syntagmes organises, les composes i.-e. doivent tre mis au nombre des 6lements les plus aptes, anciennement, a jouer un

r6le pr dicatif. Or l'on remarquera que, le plus souvent, le

predicat d'une phrase nominale est un adjectif. Le type souvent cit6 omnia praeclara rara a pour predicat un adjectif, rara, et, parmi les cas particulibrement frequents de phrases nominales releves dans le vieil article de Meillet (M.S.L., 14, 1906, 1-26), la plupart sont dans le meme cas : adjectifs verbaux indiquant une nucessit6; adjectifs verbaux en -to-, -no-; adjectifs au neutre indiquant une appreciation; et, parmi les phrases nomi- nales indiquant une v'rit6 genurale (ce qui est, E. Benveniste l'a bien montr6, le domaine priviligi6 des phrases nominales), la

plupart ont pour predicat un adjectif; c'est statistiquement facile a demontrer lorsque, pour une langue donnu e (ainsi, pour le grec, celui de Ch. Guiraud), on poss'de un relev6 de

phrases nominales. La nature adjective des plus anciens composes nomi-

naux i.-e., soulign6e par les problkmes de genre grammatical que ces derniers suscitent, est ainsi liee a leurs plus anciennes

caracteristiques morphologiques et syntaxiques, de syntagmes residuels d'une 6poque tres archaique de l'indo-europben, ant6- rieure a la separation du verbe et du nom, aptes ' fonctionner comme syntagmes pridicatifs.

Faculte des Lettres et Sciences humaines de Besanfon.

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