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1 euro Le Progressiste Hebdomadaire du PPM - Fondateur : Aimé Césaire Le Progressiste “La chance de la Martinique c’est le travail des Martiniquais” - Aimé CESAIRE Mercredi 16 décembre 2009 - N° 2112 AU SOMMAIRE - DOSSIER « Désamn 59 » (pp. 5 à 10 ) - Le chômage dans la Caraïbe (p. 15) - Ce 22 décembre, Serge LETCHIMY a reçu à l'Hôtel de Ville MM. Alain et Edwy PLENEL. Visite symbolique d'une grande portée. (p.16) LE 10 (DIX) JANVIER, LE PPM DIT NON ! LE 24 JANVIER, OUI ! Prochaine parution le mercredi 6 janvier 2010 DÉSANM 59, 50 ans après : « Notre malheureux pays se meurt de haines stériles… » (Aimé CESAIRE) SPÉCIAL 16 PAGES À tous et à chacun, au Parti et à ses militants, bonnes fêtes 2009, bonne année 2010 pour les défis à relever

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1 euro

Le Progressiste

Hebdomadaire du PPM - Fondateur : Aimé Césaire

Le Progressiste

“La chance de la Martiniquec’est le travail des Martiniquais”

- Aimé CESAIRE

Mercredi 16 décembre 2009 - N° 2112

AU SOMMAIRE- DOSSIER « Désamn 59 » (pp. 5 à 10 )

- Le chômage dans la Caraïbe (p. 15)

- Ce 22 décembre, Serge LETCHIMY a reçu à l'Hôtel de Ville MM. Alain etEdwy PLENEL. Visite symbolique d'une grande portée. (p.16)

LE 10 (DIX) JANVIER, LE PPM DIT NON ! LE 24 JANVIER, OUI !

Prochaine parution le mercredi 6 janvier 2010

DÉSANM 59, 50 ans après : « Notre malheureuxpays se meurt dehaines stériles… »

(Aimé CESAIRE)

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À tous et à chacun, au Parti et à ses militants, bonnes fêtes 2009, bonne année 2010 pour les défis à relever

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Eh bien, voilà ! Notre numéro 2112 marque la fin de nosparutions…en 2009 ! Nous revenons le mercredi 6 janvier 2010, àquatre jours de cette consultation de notre peuple si importante pourson avenir. Notre position est connue, expliquée, explicitée, décorti-quée… souvent déformée par des adversaires sans beaucoup descrupules : NON le 10 janvier, OUI le 24 ! Pour ne pas se tromper,rien de mieux que de se référer aux originaux des positionnementsdu PPM : écrits de notre président Serge LETCHIMY, éditoriaux denotre Secrétaire général Didier LAGUERRE, animations de débatspar nos Secrétaires adjoints Alain ALFRED ou Daniel CHOMET, « pa-piers » dʼambiance de notre rédacteur Serge SOUFFLEUR… Toutdémocrate, martiniquais et/ou issu de lʼHexagone (nous nʼaimonsguère le terme « métropolitain » qui rappelle trop la colonie) a ainsi àla disposition de sa réflexion personnelle la quintessence de la pen-sée PPM.

Laquelle sʼinscrit sans contestedans la continuité historique de cemême peuple. Dʼoù la célébration,

dans ce numéro du 23 décembre, des tragiques évènements des« trois glorieuses » de « désanm 59 », sans esprit de récupération(voir dans notre Dossier central ce quʼen disait CESAIRE dans le nu-méro du jeudi 7 janvier 1960) mais sans renoncement à la moindreparcelle de ce que fut lʼattitude digne de nos dirigeants dʼalors, entête desquels CESAIRE et ALIKER.

47 parutions durant lʼannée 2009 ! Les (quelques) bénévoles de notrejournal ont- comme on dit- assuré ! Ils y ont été bien aidés par nosmaquettistes et notre imprimeur, à qui je tiens à rendre ici hommage.Ce petit groupe sera encore présent en 2010 et est disposé à sʼamé-liorer : plus de place à ceux qui entreprennent, aux jeunes créateurs,aux animateurs de nos nombreux Balisiers ; plus dʼattention à nos

voisins caribéens, à nos émigrésen Europe, aux Guadeloupéens et Guyanais si proches (mais parfoissi lointains) des Martiniquais.

« Au rendez-vous du donner et du recevoir » (Césaire), il y a placepour les militants, les adhérents,les sympathisants… à qui nous fai-sons sans cesse appel en dernière page du « Progressiste ». Dansle « rubricage » que nous avons instauré, VIE DU PARTI et « PA-ROLES CITOYENNES » leur sont notamment ouvertes.

Joyeux Noël et fructueuse année 2010 !

Daniel COMPERE

E D I T O R I A L « LE PROGRESSISTE », TOUJOURS AU COMBAT !

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POLITIQUE

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Lors de sa rentrée au GrandCarbet du Parc Aimé Cé-saire, le Mouvement des

Autonomistes et Progressistesavait utilisé une formule qui fitflorès : MAP paré ! Plus dʼunmois plus tard, après avoir- aucours de rencontres, réunions,forums, échanges, concerta-tions- expliqué clairement notreposition, aujourdʼhui nous pou-vons dire sans forfanterie au-cune, sans prétention, sans effet

dʼannonce intempestif, en toutesimplicité, humblement, que lemessage est passé, que lesMartiniquais lʼont bien reçu, bienpesé, bien soupesé, bien ana-lysé en leur âme et conscience.Et entendu ce cri qui sʼélève decentaines de poitrines en ce di-manche 20 décembre du restau-rant « Les Brisants » auFrançois, scandant « MAP ditNON au 74 » ! Nul doute quecomme dʼhabitude, le peuple

dans sa sagesse et sa perspica-cité, a fait le bon choix.

Lamentin, Rivière-Salée, Fort-de-France, Schoelcher, Carbet,Marin, Macouba, Trinité, Fran-çois… Toujours cette pertinencedans les questionnements, cebesoin dʼexplications, cette né-cessité dʼargumentaires char-pentés. Et Félix ISMAIN, mairede Bellefontaine et conseiller gé-néral de Case-Pilote-Bellefontaine, avance « Avec le73, vous savez où vous êtes ;avec le 74, vous ne savez pasoù vous allez ! Les résolutionsdu Congrès ne sont que desvœux. Le 74 rompt lʼidentité lé-gislative ». Hector BONNAIREau Marin demande « de ne pastravestir la vérité quand il y a unevéritable psychose anti-PPM,anti-Letchimy. En sʼacharnantsur le PPMP, ils pensent sʼexo-nérer de leurs propres turpi-tudes. Ce qui effraie, cʼest leurautisme, leur refus dʼentendreles autres. Ce sont des hommesqui ne maîtrisent pas leurs nerfs.Notre conviction partagée avecles Martiniquais, cʼest de voterNON à la proposition de lʼarticle74 le 10 janvier. Nous voulons àpartir dʼu projet solide créer, re-lancer lʼéconomie, relancer lacommande publique. Nous de-vons nous retrouver solidaire-ment, fraternellement et avancerles uns avec les autres et nonles uns contre les autres. Cenʼest pas lʼarticle qui change leschoses ! Cʼest une volonté, cʼestun projet ! »

Danièle CARNINOT, métropoli-taine, technicienne à la Météo,

20 DÉCEMBRE :LE M.A.P. DIT NON AU « 74 » !

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témoigne : « Je travaille depuis17 ans en Martinique ; je diffusela culture scientifique à travers leʻCarbet des Sciencesʼ. Nous de-vons prendre en compte notremétissage, notre multiculturalitéet travailler ensemble pourconstruire ce pays ». SergeLARCHER, sénateur, assène :« Nous devons faire des effortssur nous-mêmes ! Ce pays nepeut avancer sans projet. Ceuxqui ont la gestion ont failli ! Ilnʼest pas admissible de stigmati-ser des hommes à cause de leurcouleur de peau ! Toutes ces rai-sons nous amènent à voterNON à lʼarticle 74 le 10 janvier ».Et Christian VALARD, du Mou-vement Progressiste Spiritain,de préciser : « Je ne suis ni pourle 73, ni pour le 74. Mais je vote-rai contre lʼ article 74 tel quʼilnous est présenté. Aujourdʼhui,la peur a changé de camp ! Apartir du moment où un individuassocie son nom à une institu-tion, cela porte un nom : la dic-tature ! Nous respectons leshommes porteurs de lʼarticle74 ».

Et M. CHERUBIN, ancien agentdes Douanes, agriculteur auMorne Rouge, de vitupérer : « Jesuis un patriote sans étiquette.Une boîte à outils, cela nʼa pasde sens ; et quans ceux qui nousla proposent ne savent pas sʼen

servir, cʼest insensé ! ». MauriceANTISTE, maire et conseiller duFrançois, dʼenfoncer le clou :« Les jours avancent, lʼéchéanceapproche, alors lʼinquiétude estailleurs, sinon en face ! La voieque nous avons choisie est as-surément la bonne ! Nous nemenons pas de combat dʼar-rière-garde. Lʼélu doit toujours seretourner pour avoir lʼavis de sonpeuple. Ceux qui nous condui-sent sont des malhonnêtes ; cesont des gens qui ne pensentquʼà eux-mêmes ! Nous avonspeur de leurs méthodes ; nouscraignons leurs desseins ! Nousavons un projet et il nʼest pasbasé sur la peur. Serge, nousserons 73 à te protéger contretous ceux qui te veulent dumal ! » Et Jean-Claude WIL-LIAM, président du MAP, de ré-péter : « MAP dit NON au 74 carMAP ne signe pas de chèquesen blanc. Etre Martiniquais, cʼestêtre poreux à tous les soufflesdu monde ». Alors Serge LET-CHIMY termine : « Je remercieM. et Mme MARIE-LOUISE pourla qualité de leur accueil, jesalue la présence des frèresPASTEL, le courage de M. CHE-RUBIN qui a fait un choix de viedifficile. Je ne me marierai pasavec les populistes, avec ceuxqui cohabitent avec la violenceet la xénophobie ! Je demandeaux Martiniquais de garder leursang-froid. Jʼappelle tous aucalme ! Nous ne sommes pas enguerre ! Nous devons nous uniret nous mettre ensemble si nousvoulons construire ce pays.Nous le devons quels que soientles résultats qui sortiront desurnes. Si nous voulons releverles grands défis de notre siècle,nous devons être unis et soli-daires. Cʼest ça la responsabi-lité ! Nous devons faire preuvede maîtrise afin dʼéviter tout af-frontement. Il importe que cepays soit en symbiose avec son

peuple. A ceux qui, quand ilssont en panne dʼarguments, dé-placent les problèmes, quʼils sa-chent que je ne lâcherai jamais,je ne céderai jamais ! A ceuxdont le choix est de durer, ils doi-vent savoir que ce nʼest pas lechoix que jʼai fait. On ne peutprétendre entrer dans le 74 et nedemander aucune compétencepropre ! Par peu, les indépen-dantistes néo-sarkozystes neveulent pas prendre leurs res-ponsabilités ! Ils savent quʼenpassant de lʼarticle 73 à lʼarticle74, on rompt lʼégalité des droits.La troisième voie que nous pré-conisons, cette collectivitéunique sui generis que noussouhaitons, nous la voulonsdans sa forme constituante avecun maximum dʼhabilitations,dʼexpérimentations. Nous de-vons préparer des lendemainsporteurs dʼespérance à notrejeunesse ».

Applaudissements nourris, unesalle debout. Tous les jours,nous sommes plus nombreux,plus décidés, plus conquérants.Le peuple nous dit que nous nesommes pas seuls et quʼil nousaccompagne, nous guide etnous fait confiance !

Serge SOUFFLEUR

POLITIQUE

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Serge SOUFFLEUR

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DÉSANM 1959

Sur ces trois journées de décembre59, la reconstitution des faits n’estpossible qu’à partir de la lecture desdifférents journaux locaux et fran-çais, paraissant lors des évène-ments. Egalement par letémoignage de certains acteurs di-rects des faits. Témoignages de po-liciers et de manifestants.

DIMANCHE 20 DECEMBRE 59

Côté rue Victor Hugo du Central Hôtel,(Bâtiment mitoyen au Musée Départe-mental actuel) Frantz Moffat, revenantdu stade Louis Achille, gare sa vespa.(Scooter). Frantz Moffat descend,sʼinstalle en compagnie de ses amisdockers pour discuter et commenterun match du Club Colonial qui venaitde sʼachever. Dehors, le véhiculeconduit par un Français fait une mau-vaise manœuvre et renverse lavespa. Lʼautomobiliste sʼapprête à par-tir. Moffat sort précipitamment etconstate que lʼautomobiliste ne sʼar-rête donc pas. Sans hésiter, il retientlʼhomme au volant du véhicule etcʼest une altercation entre les deuxhommes. Selon Frantz Moffat, « nousavons décidé de prendre un pot, carje souhaitais avant tout obtenir unedéclaration dʼassurances. » et FrantzMoffat nous rapporte : « Nous étions àlʼintérieur quand le propriétaire fermases portes. Jʼappris quʼune bagarreavait éclaté entre les militaires et lesC.R.S… ». Entre temps le car de Po-lice Secours arrive sur les lieux et ne

peut que constater lʼinutilité de sa pré-sence. Tout semble rentrer dans lʼor-dre. Tout à coup, un groupe debadauds sʼécarte aux pas de course àla vue dʼun groupe de C.R.S. armésde matraques et de lances grenadeslacrymogènes, qui fonce pour chargerla foule. En caserne au Fort SaintLouis, ils avaient été appelés pour dis-perser les badauds.

Lʼauteur du coup de téléphone, le Se-crétaire de lʼAmicale des AnciensdʼAfrique du Nord, dont le siège socialse trouve à « lʼhôtel de lʼEurope », estpris à partie par un consommateur.Lʼintervention des C.R.S. dégénère,les C.R.S débordés ne peuvent quebattre en retraite. Lʼun dʼentre eux tireun coup de feu qui atteint et blesse unconsommateur paisiblement installéau deuxième étage dʼun hôtel de laSavane. Le climat se détériore. Re-tournés au Fort Saint Louis les C.R.S.tirent plusieurs coups de feu en lʼairdans le but dʼeffrayer la foule, mais lerésultat escompté est lʼinverse. Car lafoule, apprenant que quʼun hommeavait été blessé, traverse lʼallée duMonument aux Morts et se dirige verslʼentrée de la caserne des C.R.S.

Le mécontentement gagne ses mani-festants, auxquels viennent sʼajouterde nombreux passants. La décision dedisperser la foule est ordonnée. Unordre de rappel est envoyé à tous lespoliciers du corps urbain et danslʼheure, deux cars de Police Secours

sont sur le terrain. Casqués, armés,les Policiers Martiniquais intervien-nent contre les mécontents.

Les manifestants reviennent vers «lʼHôtel de lʼEurope » et détruisent tout.« LʼHôtel de lʼEurope », siège de lʼami-cale des Anciens dʼAfrique du Nord de-venait une cible suite à lʼinformationconcernant lʼorigine ethnique de lʼau-teur du coup de téléphone.

La colère aidant, les magasins voisinssubissaient le même sort. Plusieurs vi-trines volèrent en éclats. Une voituredésignée comme appartenant à lʼundes membres de lʼA.A.F.N. est renver-sée.

Les policiers nʼinterviennent toujourspas. Le Directeur de la Police de-mande aux C.R.S. de ne pas interve-nir, alors que ces dernierssʼapprêtaient à le faire. Les mécon-tents occupent la rue. Sʼy sont jointsquelques marginaux sociaux, « rois dela savane ». Cʼest une colère qui prendrapidement les proportions dʼuneémeute.

Ces marginaux prennent immédiate-ment la direction des opérations. Trèstard dans la nuit, lʼagitation continue,disons plutôt jusquʼà deux heures dumatin. Les « jules bonda mésanmi »,« bec en or » et « diab en personne »conduisent une partie des émeutiers.Le nombre de manifestants augmentarapidement avec lʼarrivée des jeunesdes quartiers populaires qui ceinturent

QUE SʼEST-IL PASSÉ LES 20, 21, 22 DÉCEMBRE 59 ?- Par Camille Chauvet

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Fort-de-France et aussi desmilitants anticolonialistes venant

du Parti Communiste Martiniquaismais aussi des jeunes enragés de lasituation sociale.

LUNDI 21 DECEMBRE 59

Dans la matinée, deux C.R.S. à moto,leur mitraillette en bandoulière, sonthués face à la Poste et dans les ruesde Fort-de-France un nombre inhabi-tuel de jeeps de C.R.S. circulent. Me-sures dʼintimidation ou attitudepréventive ?

Une nouvelle fois, lʼeffet souhaité nʼar-rive pas. Dans lʼaprès midi, sous lesmanguiers face au « Cercle Martini-quais », les marginaux sociaux et deuxhommes connus pour leur apparte-nance au syndicat C.G.T. discutentdes évènements et dénoncent le ra-cisme des CRS.

Lʼun dʼentre eux évoque lʼagression dejeunes antillais à la Gare du Nord enFrance.

Rien ne semble présager dʼune inter-vention quelconque et aux environsde vingt heures, un jet de projectilesde toutes sortes atteint… « lʼhôtel delʼEurope », décidément devenu lʼobjetde la rancœur populaire. Le « kiosque» ouvert aux clients habituels se videtrès rapidement, les serveuses lʼaban-donnent aux manifestants révoltés.

Ces derniers sʼemparent des chaiseset es tables qui leur serviront de « bé-lier » pour enfoncer les portes de «lʼhôtel ». Les manifestants, surtout desjeunes, augmentent en nombre etsʼattaquent à « lʼHôtel Glaudon ».

Aux environs de 20 heures trente,selon certains acteurs directs quenous avons interrogés, la police inter-vint, appuyée par les forces de Gen-darmerie. Un dispositif de ceinture estmis en place. Lʼaccès de la Savaneest bloqué du côté de lʼOlympia etvers le front de mer, plusieurs véhi-cules militaires obstruent le passage.

Cʼest lʼaffrontement entre les policiers

et les émeutiers qui laisse de nom-breux blessés des deux côtés. Lecommandant du Corps Urbain, M.NOGIG, le commissaire GILET etaussi trois agents de police doivent sefaire soigner. Les armes à feu appa-raissent ce soir là et non pas pour dis-suader. Il faut dire que lʼon comptaitdeux victimes par balle de calibre9mm, les jeunes ROSILE, 21 ans etMARAJO, 16 ans.

Ces deux assassinats eurent poureffet de déchaîner les émeutiers, dʼau-tant que de fortes présomptions pe-saient sur la police urbaine. Lescommissariats de différents quartierssubirent lʼassaut des plus décidés. Lespostes de police installés dans lesquartiers populaires sont attaqués.Cette journée du 21 décembre estmarquée par la déclaration du BureauPolitique du Parti Communiste Marti-niquais qui accuse les C.R.S, gen-darmes et policiers dʼêtre lesresponsables de lʼassassinat dejeunes Martiniquais et de nombreuxblessés.

MARDI 22 DECEMBRE 59 : LA MA-TINEE DES APPELS AU CALME

Le mardi dans la matinée, toutes lesforces sociales et les groupes depression, jusque là fort discrets, mani-festèrent leur présence par des ap-pels au calme. Il est vrai que deuxjeunes Martiniquais avaient été assas-sinés le lundi soir.

Cʼest le temps des Appels au calmedes autorités civiles politiques et reli-gieuses. Appel de lʼévêque Varin de laBrunelière , supporter du régime delʼAmiral Robert, de Guy Beck repré-sentant du préfet , du Docteur PierreAliker en lʼabsence du Député MaireAimé Césaire. (A. Césaire lors destroubles siégeait à lʼAssemblée Natio-nale), du Dr. Camille Petit. Conseillergénéral du Centre Ville de Fort- de-France.

Dans la nuit de mardi à mercredi, lesmanifestants se constituèrent en petitsgroupes comme les nuits précédentes.

Les objectifs attaqués symbolisaienttoujours le pouvoir en place. Les tech-niques dʼattaque nʼétaient pas modi-fiées : bouteilles enflammées et jets depierres. Certains participants de cettenuit dʼémeute appartenaient à des or-ganisations politiques ou syndicales.Ce qui donne à la nuit du dimancheune autre signification. Une nouvellevictime, la troisième, le jeune BETZI,Julien, âgé de 19 ans, qui se trouvaitau bas de lʼescalier du Morne Piche-vin, est atteint. Gravissant quelquesmarches, il sʼécroule aux dernièresmarches, au pied dʼun Christ. Lesémeutiers nʼabandonnent pas la rueaux forces de police et les attaques re-prennent sur le même mode et tou-jours les cibles symboliques, à latombée de la nuit.

Le Commissariat Central subissait unedeuxième fois les assauts dʼun groupetandis que celui de Rive droite était laproie des flammes.

La perception du Jardin Desclieux etcelle de la rue Victor Hugo connaissentun début dʼincendie, maîtrisé par lespompiers.

Et comme le lundi à la tombée du jourtout rentrait dans lʼordre.

MERCREDI 23 DECEMBRE 59 :COUVRE-FEU

Le mercredi matin, les autorités déci-dent dʼagir. Dès trois heures, une di-zaine dʼarrestations a été opérée parla police. Le couvre-feu est décrété àpartir de 20 heures pour ce mêmemercredi. Les militaires martiniquaisconsignés depuis le dimanche nepeuvent toujours pas sortir. Le PartiCommuniste organise une conférenceau Morne Pichevin dans la soirée dumardi chez Doré à 18H.

La décision du Parti Communiste a étéprise lors dʼun bureau qui sʼétait tenudans lʼaprès midi. Dans lʼaprès-midi dumercredi, les rues de Fort-de-Francenʼeurent pas leur coutumière anima-tion à la veille des fêtes de fin dʼannée.Et plusieurs commerçants baissèrent

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leurs rideaux, dʼautres moins effrayésconservaient une porte ouverte auxclients ; par contre les grands maga-sins dʼobjets de luxe, fermés depuislundi, nʼavaient pas ouvert. La popula-tion foyalaise a les yeux braqués surla conférence du soir.

Non loin, dʼimportantes forces de po-lice et de gendarmerie veillent sansdiscrétion aucune. Ce meetingsʼachève sans incident notoire.

Dès 20 heures, les forces de gendar-merie et les C.R.S. en armes contrô-lent la ville et tirent des rafales demitraillette dans les rues, lʼobjectifétant dʼintimider la population.

Les forces de gendarmerie circulenten convoi de cinq véhicules. Le quar-tier Bôkannal est quadrillé à la hauteurdu poste de police brûlé, et elles pa-trouillent dans la zone dʼhabitation si-tuée le long de la route conduisant aulycée Schoelcher. Le périmètre duCommissariat Central à la hauteur duCimetière est également sous la sur-veillance de plusieurs escadrons degendarmes. ( ) Les émeutiers ontabandonné la ville. Plusieurs interpel-lations sans importance clôturent cettenuit du 23.

JEUDI 24 DECEMBRE 59 : LECONSEIL GENERAL ESTCONVOQUE

Le lendemain jeudi, le Conseil Généralest convoqué, une motion est prise etvotée à lʼunanimité. (Motion proposéepar le Groupe Communiste). Les fêtesde fin dʼannée se dérouleront bien sûrdans lʼinquiétude, mais aucun évène-ment majeur ne sera à signaler, le

jeudi, sinon les prises de position poli-tiques qui remirent en question les ap-pels au calme signés par tous dans lefeu des événements.

LES LENDEMAINS DE DECEMBRE59 : LA REPRESSION

A partir de 1959, lʼhistoire de la répres-sion coloniale qui suivra sʼexplique parlʼirruption de la situation internationaletiers mondiste dans la vie quotidiennemartiniquaise et ce malgré tout le bar-rage efficace jusquʼalors placé par lesélites. Une véritable politique de ré-pression est mise en place. Nous necitons que les faits en rapport directavec la lutte anti- colonialiste.

Dans cette énumération, nous retrou-vons avec comme point de départlʼévénement Décembre 59 : Marajo,Betzi, Rosile, Nouvet, Jovignac, Chloé,Lacrampe. Et sʼy ajoutent les faits derépression : Ordonnance du 15 octo-bre 1960 permettant aux Préfets dʼex-pulser de leur pays les fonctionnairesdont le comportement « est de natureà troubler lʼordre public ». Les déci-sions des Préfets ne sont pas moti-vées et sont sans appel. Trois ouvriersagricoles tués au cours dʼune grève auLamentin en mars en 1961.

Dissolution le 22 juillet du « Front desAntillais et Guyanais pour lʼautonomie» fondé le 23 avril 1961. Saisie de labrochure Les Antilles et la Guyane àlʼheure de la décolonisation (juillet1961). Condamnation de deux diri-geants du Parti communiste martini-quais à un an de prison avec sursis, à1 500 000 francs dʼamende et à laperte des droits civiques et politiquesà vie. Rétrogradation dʼun haut fonc-tionnaire guadeloupéen autonomistetravaillant en Afrique (septembre1961).Révocation à la Guadeloupedʼun fonctionnaire guadeloupéen auto-nomiste (octobre 1961). Interdiction àla Guadeloupe et à la Martinique desConférences de la Jeunesse et detoutes les manifestations publiquespartout et « quel quʼen soit lʼobjet »(août-septembre 1961). Expulsion devingt et un fonctionnaires (de lʼEnsei-

gnement surtout) de la Guade-loupe, de la Guyane, de la Mar-tinique et de la Réunion (septembre1961). Expulsion de la Guadeloupe delʼécrivain Edouard GLISSANT (sep-tembre 1961).Révocation de trois diri-geants du Parti Communistemartiniquais, fonctionnaires, quiavaient refusé leur mutation dʼoffice(octobre 1961).Condamnation delʼavocat Georges GRATIANT à troismois de prison avec sursis et unepeine dʼamende pour outrage à lʼar-mée (discours prononcé sur la tombedes victimes de la répression du La-mentin (décembre 1961).Interpellationà Marseille et refoulement sur ParisdʼE. Glissant qui se rendait à Lagos(Nigeria) pour assister à une réunionde la Société africaine de culture (19janvier 1962).Interpellation à Marseilleet refoulement sur Paris de lʼavocatMarcel MANVILLE qui se rendait àBangui (République Centrafricaine)pour y défendre un client (23 janvier1962).Saisies répétées de journaux àla Guadeloupe et à la Martinique. In-terdiction des manifestations commé-moratives organisées par le PartiCommuniste Guadeloupéen (manifes-tations qui se sont tout de même te-nues à Pointe à Pitre) (11 janvier1962). Interdiction dʼun meeting desAntillais, Guyanais, Réunionnais orga-nisé « en salle » à Paris pour protestercontre lʼO.A.S. après un attentat delʼorganisation subversive contre M.Marcel Manville.

Contre des enseignants : Placoly, Ber-nabé, Oscar. Contre tous ceux qui sedressent face aux Français, ano-nymes. Nous reviendrons sur cettequestion.

Extrait de lʼouvrage à paraître en Janvier

2010. Décembre 59 : éléments pour une his-

toire de la répression aux Antilles par Camille

Chauvet.

D. Laguerre et C. Chauvet

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DOSSIER

Le Progressiste - Page 8 - Mercredi 23 décembre 2009

Mes chers amis,

Il y a 50 ans tombaient trois jeunesmartiniquais sous les balles de la ré-pression coloniale dʼune rare violenceet dʼune rare puissance.

Trois jeunes étaient sacrifiés lors destrois nuits d ʻémeute foyalaise à laveille de Noël comme pour rappeler legoût amer de lʼabondance dans cetteîle soumise au joug de la dominationéculée et de la nostalgie coloniale.

· Christian Marajo, 15 ans, tué à lʼan-gle de la rue de la République et Er-nest Renan

· Julien Betzi, 19 ans, tué au Pont Dé-mosthène

· Edmond-Eloi Véronique dit « Rosile», 20 ans, tué rue Villaret-Joyeuse

Leurs noms résonnent encore dansnos têtes et dans nos coeurs et lʼémo-tion nous étreint tant il est vrai que cesjeunes, encore enfants, innocents etconfiants, ne méritaient pas un tel sort,ne méritaient pas de mourir quelquesoit la cause.

Je veux saluer ici leur mémoire et leurcourage et témoigner à leurs famillesici présentes toute notre compassionet notre bienveillance. Nous savonsleur émotion intacte et nous parta-geons leur blessure toujours béante etdouloureuse.

Je veux aussi saluer la mémoire deCamille Darsières, alors jeune et bril-lant avocat, pour qui ces événementsfurent déterminants et qui décida derejoindre le PPM afin dʼépauler AiméCésaire et le Dr Aliker dans la tâchecolossale quʼils avaient à édifier.

Je veux rappeler ici que le 1er centreculturel de la Ville a été baptisé en1974 du nom de Christian Marajo dontle 1er directeur était Daniel Bétis, iciprésent, et quʼà lʼoccasion du 20e an-niversaire de ces événements, en1979, la Ville décidait dʼassocier lenom des trois victimes à des dénomi-nations déjà existantes de la rueLedru-Rollin-Betzi, de la place Volny-Marajo et de la place Fabien-Véro-nique. En 2007, une soirée duCénacle a été dédiée aux événementsde Décembre 59 lors du Festival cul-turel. Je voudrais remercier LydieBétis, Maître Marceline, le SERMAC…

Pendant trois jours et trois nuits, les20, 21 et 22 décembre 1959, une «émeute puissante et spontanée,quelque chose comme le coup desang de la colère et la réaction dʼunedignité blessée », comme la qualifiaitAimé Césaire, a éclaté à Fort-de-France après ce qui sʼapparente à unbanal incident entre un automobilistefrançais et un « scootériste martini-quais », ici même, à lʼangle de la rueVictor Hugo et de la rue de la Liberté.

Banal incident de la circulation maisqui va se révéler être lʼétincelle qui vaenflammer la ville et mettre à jour lesaffres de la colonisation qui se voulaitréussie.

Pendant ces jours et ces nuits, la po-pulation souffrante, venue en grandepartie des quartiers populaires de laville, va affronter les mains nues lesforces de lʼordre et la répression colo-niale qui tire à balles réelles, va criersa colère et son indignation contre lesagressions dʼune société raciste, pro-fondément injuste et inégalitaire qui nelui laisse à peine que les miettes dufestin partagé entre quelques famillesbien en vue et avec la complicité pro-tectrice des autorités.

Ces « Trois Glorieuses » comme lʼa sijustement nommé Alain Plénel, vice-Recteur de lʼépoque, en référence auxtrois journées révolutionnaires pari-siennes de juillet 1830, vont mettre laville à feu et à sang et marquer un tour-nant profond dans le nouvel épisode

de lʼhistoire de la Martinique.

Un coup de tonnerre dans un ciel quise voulait serein !

Une alerte gravissime qui se traduirapar une formidable prise deconscience de la nécessaire remise encause dʼune politique qui renonçait àses promesses, dʼune politique qui tra-hissait ses idéaux et dʼune politique quise faisait sourde aux appels répétéstant sur place quʼà Paris.

Aimé Césaire, multipliant les interven-tions à lʼAssemblée nationale, déclaraitun mois avant les événements :

« Les Antilles ne sont pas des terresde violence, ce ne sont pas des terresde rupture. Ce quʼelles demandentmais alors passionnément, cʼest quʼàleur attachement, il ne soit pas ré-pondu par lʼindifférence, cʼest quʼà leurangoisse, il ne soit pas répondu par lesilence et que leur fidélité nʼapparaissepas au Gouvernement comme le signequʼon peut les négliger impunément ».

Les « événements de Décembre 59 »,comme la tradition aime pudiquementà les nommer, vont devenir un mo-ment fondateur de la prise deconscience nationale, un moment dé-cisif, dans le contexte international dela décolonisation et de la guerre dʼAl-gérie, de la dénonciation des pro-messes de la départementalisation, dela désillusion et du désenchantement.

Déjà en 1958, lors de la création duPPM, le parti, par la voix dʼAimé Cé-saire, avait affirmé, dans lʼarticle 3 deses statuts, sa volonté de faire évoluerle statut de la Martinique en une « ré-gion française dans le cadre dʼuneunion française fédérée ».

Le sénateur socialiste Paul Symphoravait réclamé au Sénat le 12 décem-bre 1959 « une extension des pouvoirsdes conseillers généraux ». Il avaitprécisé même quʼil ne sʼagissait pas «dʼaccorder une priorité quelconque,mais de faire participer dans une pluslarge mesure, les représentants deces populations à lʼapplication des loiset à la gestion de leurs propres af-

INAUGURATION DE LA PLAQUE COMMÉMORATIVE À LA MÉMOIRE DECHRISTIAN MARAJO, JULIEN BETZI ET DE EDMOND-ELOI VERONIQUE DIT « ROSILE »

S. Letchimy sur la Savane

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Le Progressiste - Page 9 - Mercredi 23 décembre 2009

faires ». Il avait même ajouté « Nʼest-ce pas le sens de lʼarticle 73 de laConstitution ? »

Les événements de décembre 59,lʼémotion suscitée par la mort des troisjeunes, le caractère quasi insurrection-nel de ces journées vont faire monterlʼétiage de la revendication à un niveauplus élevé.

En présence dʼune foule nombreuse etrevendicative, massée à lʼintérieurcomme à lʼextérieur du bâtiment, lesConseillers généraux vont faire preuvedʼune audace et dʼune unanimité ex-ceptionnelle en adoptant une motiondemandant la modification du statut dela Martinique, je cite la résolution finale:

« Que des conversations soient enta-mées immédiatement entre les repré-sentants qualifiés des Martiniquais etle Gouvernement pour modifier le sta-tut de la Martinique, en vue dʼobtenirune plus grande participation à la ges-tion des affaires martiniquaises ».

Unanimité éphémère dont lʼhistoireconnaît les secrets et les ruses quihantent nos consciences aujourdʼhuiencore.

Ces émeutes sont aussi un événe-ment majeur dans notre histoire desluttes sociales et politiques.

Car elles marquent désormais lʼirrup-tion brutale des nouvelles formes de larevendication et de la révolte popu-laire. Elles signent de manière irrévo-cable lʼentrée en scène de la jeunesseet des masses populaires urbaines.

Ce ne sont pas des travailleurs descampagnes, des habitations et des

usines à sucre qui descendent en villepour manifester leur colère et reven-diquer leurs droits.

Ce ne sont plus les marches de lafaim de 1935.

Ce sont des formes dʼexpression puis-santes et spontanées, brutales et im-prévues, de la misère et du chômage,de la désespérance et de lʼangoisse,portées par les nouveaux habitants dela migration des mornes vers la ville,quʼAimé Césaire et le Dr Aliker ont ac-cueillis à bras ouverts.

Ce sont les cris de détresse dʼune jeu-nesse désemparée, exclue des «Trente Glorieuses », qui sʼentassedans les méandres de la mangrove delʼentre-deux-mers, sur les mornes dé-chiquetés des 44 marches ou encoredans les entrelacs de la ville plate etétalée.

Désormais, la lutte pour les droits hu-mains devient surtout une « guérilla »urbaine avec ses rituels, ses barri-cades, ses slogans, ses affrontementsnocturnes, ses gaz lacrymogènes, ses

blessés, ses morts, ses martyrs. Et il yen aura bien dʼautres !

Ces événements ont enfin sonnécomme lʼacte de naissance des nou-velles organisations de la jeunesse mi-litante anticolonialiste et nationaliste,dans la migration Outre-mer et icimême : Le front Antillo-Guyanais pourlʼAutonomie (FAGA), le Front de Dé-fense des Libertés Publiques (FDLP),le Comité de Coordination de la Jeu-nesse Anticolonialiste Martiniquaise(CCJAM), lʼAssociation Générale desEtudiants Martiniquais (AGEM) et lʼOr-ganisation de la Jeunesse Anticolonia-liste (OJAM) pour ne citer quequelques unes. Toutes ces organisa-

tions réclament une réformedu statut des DépartementsdʼOutre-mer et proclament « le droitdes Martiniquais à diriger leurs propresaffaires ». LʼOJAM appelle particuliè-rement « les jeunes de la Martinique(…) à sʼunir pour lʼécrasement définitifdu colonialisme dans la lutte de libéra-tion nationale ».

Cʼest dire combien ces événementsont été importants pour lesconsciences. Ils ont marqué un pays,un peuple, une ville. Ils ont mis en évi-dence quʼil « existait un problème an-tillais », que « ce problème ne pouvaitplus attendre, quʼil fallait le prendre àbras le corps sous peine de courir trèsvite désormais à la catastrophe ».

Alors, 50 ans plus tard, dirons-nousque cette émeute nʼa pas servi deleçon ?

Dirons-nous quʼelle nʼa pas servi deleçon « à un gouvernement blasé surles souffrances dʼune population loin-taine ? » quʼelle nʼa pas servi « à uneopinion publique anesthésiée à lʼégarddes Antilles ? »

Dirons-nous quʼelle ne nous a pas per-mis de penser lʼapprofondissement denotre démarche pour une plus grandeautonomie et une responsabilité ac-crue dans la gestion de nos af-faires ? » Je ne le crois pas.

Et sʼil est difficile de faire évoluer unvieil Etat-nation, perclus de certitudessur lʼuniversalité de son modèle poli-tique, refusant de faire sien la richessepartagée des identités particulières etdes peuples des lointains horizonsdans le cadre de la République, il nʼenest pas de même de notre propre re-gard et de notre propre exigence surnous-mêmes.

Le PPM, en 1967, adoptait lors de son3e Congrès la résolution de « LʼAuto-nomie pour la Nation Martiniquaise ».

On ne peut faire silence sur la carrièredʼAimé Césaire inlassablement mar-quée du sceau « de la recherche têtuede nouvelles voies pour de nouveauxrapports avec la France ». Il nʼa eu decesse de promouvoir un « statut poli-tique sur-mesure » pour la Martinique,appelé à évoluer en fonction des cir-

DOSSIER

C. Conconne,R. St Louis, G. Des-portes, E. Landi, D. Marceline,S. Letchimy

E. Landi, chargee du patrimoine

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DOSSIER

constances et des contin-gences de lʼhistoire ce qui luivaudra des critiques répétées.

Il nʼest pas sans intérêt de rap-peler un extrait de son inter-vention à lʼoccasion du débatbudgétaire en 1960 : « Ce quʼilfaut, cʼest créer quelque chosede neuf, non une adaptation dela loi française à nos départe-ments, mais quelque chose quiréponde à notre situation éco-nomique vraie. Et cela, seuls,en définitive, les habitants des dépar-tements dʼoutre-mer peuvent le faire.»

Aujourdʼhui, nous sommes ici réunispour commémorer la mort de ces troisjeunes Martiniquais.

Nous nous souvenons également durôle fondateur de ces événementsdans la prise de conscience décisiveque « lʼheure de nous-mêmes » étaitdésormais au rendez-vous de lʼhis-toire.

Cependant si nous devons être aurendez-vous de lʼhistoire, nous devonslʼassumer · sans aucun renoncementà notre conception de la responsabi-lité,

· sans aucune abdication devant leschoix imposés dʼune binarité obsolèteet dépassée à ranger aux placardsdes vieilleries coloniales,

· sans aucune reculade face à nosconquêtes passées et à venir et faceaux défis de la complexité qui nous im-posent de toujours inventer, de tou-jours nous dépasser.

Et si les ruses de lʼhistoire devaientnous rappeler à notre exigence de so-

lidarité et de vérité envers ce peuplemartiniquais, je reprendrai à moncompte ces mots dʼAimé Césaire quenous avons voulu graver ici pour lapostérité :

« Notre malheureux pays se meurt dehaines stériles, de polémiques idiotes,de divisions stupides. Ces morts de Dé-cembre ne doivent pas être, ne peuventpas devenir une cause supplémentairede division. Ces morts nʼappartiennent

à personne sinon au peuple Martini-quais out entier. Cette émeute doit ser-vir, oui. Mais au pays. Et elle ne serviraau pays que si elle sert à lʼunion raison-nable, à lʼunion loyale de tous les Mar-tiniquais, de tous les démocrates contrelʼinjustice et le racisme, contre lʼoppres-sion et la tyrannie. »

Je vous remercie.

(Lundi 21 Décembre 2009, La Savane)

Le Progressiste - Page 10 - Mercredi 23 décembre 2009

Georges DESPORTESet S. LETCHIMY

Page 11: Le progressiste n° 2112 16pages

On connaissait lʼentraineur-joueur, aujourdʼhui, le joueur arbi-tre fait son palmarès sur RFO.

Débat sur lʼévolution institution-nelle, Mme LEOTIN M CAROLEpour le 74 ; Mme ROSE RO-SETTE et M CHOMET pour le 73

et, en douzième joueur- arbitre du 74, Mme MARRE.La technique est subtile : deux types dʼinterruptions desintervenants. Interruptions dʼobstruction si lʼintervenantest pour le 73 ou interruption dʼadjonction au profit despartisans du 74. Dʼun côté, on met en doute la positiondu partisan du 73, de lʼautre, on précise celle du dé-fenseur du 74. Nous avons aujourdʼhui un média pu-blic qui devrait être le premier à respecter les règles dedéontologie et les prescriptions du CSA mais qui sʼoc-troie la possibilité de choisir son parti et même de dé-laisser les arènes où les combattants ne sont pasconformes au modèle proposé. Tous les citoyens doi-vent lire attentivement la décision du CSA et porter sys-tématiquement plainte contre toute émissiontendancieuse ou déséquilibrée au cours de cette pé-riode cruciale.

POLITIQUE

Le Progressiste - Page 11 - Mercredi 23 décembre 2009

Le PARTI PROGRESSISTE MARTINIQUAIS rappelleque dans le cadre de la campagne sur lʼévolution ins-titutionnelle et statutaire de la Martinique, il a choisidʼadhérer à la démarche initiée par le Mouvement desAutonomistes et Progressistes (MAP) et milite de cefait pour une autonomie pleinement et collectivementassumée à travers « la Troisième Voie ».

De fait, le PPM nʼest impliqué dans aucun autre front,rassemblement ou collectif existant à ce jour.

Fort-de-France, le 20 décembre 2009

Didier LAGUERRE

Secrétaire Général du PPM

COMMUNIQUÉ PPM

JUSQU’OÙ IRA LA COLERE DES 74SISTES ???Leur arrogance du moment est lapreuve de leur faiblesse et surtoutde leur complète responsabilitédans le tableau sombre de tous lespans de notre économie. Dans ledésarroi qui sʼest emparé du plus il-lustre des leurs, je souhaite quʼilleur reste un peu dʼélévation dʼâmeet de dignité pour ne pas participerà la mise en place de lʼassembléeunique dans le cadre du 73. Aprèstous les dénigrements distillés endirection du MAP et du PPM, jʼoseespérer quʼils auront la décence dene pas se présenter au suffrage dupeuple. Quant aux maires qui

avaient voté à main levée contre lespropositions de Serge LETCHIMY,puis défendu bec et ongles le 74,jʼespère quʼil leur reste un peudʼéthique et de morale pour DE-MISSIONNER de leur mandat deMaire ou de Conseiller en faillite.

Je doute quʼils le fassent. Aux yeuxde lʼopinion, ils seront frappés delʼINDIGNITE POPULAIRE. Mar-qués du sceau de cette indignité, ilsdevront sʼécarter, pour sortir la Mar-tinique de la léthargie quʼils ontcréée. Certains diront quʼils avaientbesoin des subventions du Conseil

Général et de la Région. Mais celane doit pas servir dʼalibi à leur res-ponsabilité dans le déclin du pays.Nous nʼattendons ni commiséra-tion, ni démagogie de leur part. Jepense ne pas être le seul à attendrecela dʼeux : un peu de respect pourla population qui nʼa besoin ni deconfessions, ni de repentir venantde leurs rangs. La troisième voiesʼattèlera à combler les béances etles horreurs de leur gestion. Uneambition plus large attend la Marti-nique.

Banann

RFO, LE DOUZIÈME JOUEUR.

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PAROLES CITOYENNES

Le Progressiste - Page 12 - Mercredi 23 décembre 2009

La Constitution française af-

firme le droit pour tout peuple

à lʼautodétermination. La Mar-

tinique, fille de la République,

a donc le droit de décider

sous quel article de la Consti-

tution elle souhaite gérer ses

affaires, avec plus ou moins

de responsabilité selon lʼarti-

cle. Son éloignement avec la

métropole, sa spécificité his-

torique et culturelle peuvent

expliquer aisément quʼelle

puisse vouloir bénéficier de

plus dʼautonomie pour mieux

répondre à ses besoins.

Dans ce cadre, lʼarticle 74 per-met une ouverture vers plusdʼautonomie toutefois encadréepar une loi organique qui est dé-cidée par les parlementaires.Bien entendu, cet article nʼestpas lʼindépendance. Dans cecas, tous les hommes de pro-grès, humanistes et de gauchedevraient accepter ce cadre ins-titutionnel !

Je me considère appartenir à

ce groupe humaniste, pro-

gressiste et pourtant je serai

de ceux qui voteront Non au

74 tel quʼil est présenté et

rédigé, le 10 janvier 2010

prochain! Pourquoi ?

Besoin dʼun projet préalable

Mon « Non » ne sera pas un

non à lʼautonomie! Bien au

contraire!

La première raison de mon refusréside dans le manque de projetet de démocratie. Commentpeut-on décider dʼun cadre insti-tutionnel avant de décider etdʼélaborer ensemble un projetde société et économique pourla Martinique ? Ce ne sont ni le

SMDE ou lʼAgenda 21 – cata-logues dʼintentions – qui peuventreprésenter ce projet indispen-sable. Il faut, en amont, uneconcertation avec les forcesvives représentant la populationde ce pays : agriculteurs, socio-professionnels (patrons – syndi-cats), associations (sociales,culturelles , sportives…) artistesdivers… afin que chacun ap-porte sa pierre. La population setrouve ainsi impliquée dans unvrai projet.

Les politiques peuvent alors tra-duire en termes institutionnels lecadre permettant la meilleuregestion pour aboutir à ce projet.Ce cadre devient un outil et nonune fin en soi! Nos politiquespeuvent aussi négocier aveclʼÉtat français « a priori » et nonplus « a posteriori » , en ayantune lisibilité plus précise de lʼho-rizon choisi!Aujourdʼhui, on nous demandede voter pour une « coquillevide ». Tout le sens de lʼarticle74 ainsi proposé ne sera donnéquʼultérieurement par la fa-meuse « loi organique » votéepar les députés, dont nul au-jourdʼhui ne peut dire sérieuse-ment et avec certitude ce quʼellecontiendra! Et le 73 ?

Je voterai Oui le 24 janvier

prochain pour lʼinstauration

dʼune assemblée unique dans

le cadre de lʼarticle 73.

Mon Oui ne sera pas un Oui au« statu quo » identique à celui dela droite.

Ce choix ne prend son sens quedans la perspective des régio-nales toutes proches (mars2010). Nous devrons alors met-tre en place enfin des politiciens

« bâtisseurs » afin dʼorganisercette assemblée unique quidevra devenir une véritable as-semblée « instituante » permet-tant lʼengagement vers uneévolution institutionnelle dans demeilleures conditions.

Alors, et alors seulement, serachoisi le cadre institutionnel et lapopulation pourra être de nou-veau consultée sur des basesclaires , un projet lisible parceque mieux connu par elle etdans lequel elle aura été impli-quée.

Je viens de tracer ici le chemi-

nement dʼune troisième voie

existante entre lʼaventure avec

trop dʼincertitudes dʼun 74 mal

préparé et lʼimmobilisme ina-

dapté du 73 tel quel.

Cette troisième voie, en fait mesemble être la seule à sʼimposerà tout homme de gauche, huma-niste et soucieux du bien-êtredʼun peuple, soucieux de lʼintérêtgénéral et non de soifs particu-lières de pouvoir pour le pouvoir,soucieux du développement cul-turel , social et économique dʼunpeuple impliqué davantage dansson avenir et surtout ainsi récon-cilié avec la « chose politique » .

Cette troisième voie, enfin, me

paraît être la seule à nous

mener sereinement vers une

autonomie pleinement et col-

lectivement assumée.

Daniel BULLET 02.12.2009

Pourquoi un autonomiste peut-il refuser l’article 74 ?

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ECONOMIE

Le Progressiste - Page 13 - Mercredi 23 décembre 2009

LE CHÔMAGE DANS LA CARAÏBE : LES RÉALITÉS

Les taux de chômage de laMartinique (et de la Guade-loupe) sont élevés, scandaleu-sement élevés peut-on dire,mais qu’en est-il de celui denos voisins caribéens ?

Peu ou pas de chiffres publiés

Le Guyana, Saint-Vincent nepublient pas de chiffres du chô-mage et on peut en imaginer laraison : ces chiffres sont très éle-vés, probablement autour de20% ! La Dominique a publié unseul chiffre durant ces dernièresannées, cʼétait en 1997 ( !) et ilétait de 23,1% ! Depuis lors leschiffres ne sont plus communi-qués. Notons que la Dominiquefait partie des (rares ?) pays aumonde qui perd ses habitants :nous nous souvenons que dansles années 1980 ce pays comp-tait plus de 80 000 habitants et ilen a 71 000 aujourdʼhui ! Il suffitde discuter avec des jeunesdans les rues de Roseau (pas

pendant le festival de musiquecréole) pour mesurer lʼampleurdu phénomène. De mêmeSainte-Lucie a publié un seulchiffre durant ces dernières an-nées : 17% en 2005 et ce nʼétaitpas le plus mauvais chiffre de lapériode ( 21,6 % en 1998) LaBanque Caraïbe de Développe-ment qui anciennement faisaitune présentation détaillée desdifférents pays dans son rapportannuel ne fait plus quʼun résumésuccinct abordant tous les as-pects économiques ( agriculture,tourisme, construction, industrie,secteur minier, transports etcommunications, activités offs-hore etc.. ;) mais plus rien sur lechômage !

Haïti a également renoncé àfaire paraître ses chiffres du chô-mage tant ils sont élevés….

Les meilleurs chiffres : les

plus petits pays

Les plus petits pays par contreont des taux de chômage remar-quablement bas : ainsi les Iles

Vierges britanniques ont untaux de chômage de 3,6 % en2004, les Iles Cayman 3,6% en2003, Saint-Kitts et Nevis 4,5%(mais en 1995 !) les Iles

Vierges Américaines ont untaux de chômage de 6,2 % en2008 et les Iles Turks et

Caïques en sont à 5,4% en2007. Tous ces pays ont une po-pulation inférieure à 100 000 ha-bitants si on excepte les IlesVierges Américaines (108 291habitants) et même inférieures à50 000 habitants si on excepteles Iles Cayman ( 54 243 habi-tants).Notons quʼà part Saint-kitts et Nevis ces pays ne sontpas indépendants mais auto-nomes.

Ceux qui ont des taux de chô-

mage acceptables

Nous mentionnons pour mé-moire Cuba qui annonce un tauxde chômage de 2% en 2008mais tous les observateurs, éco-nomistes ou non, sʼaccordent àreconnaître quʼil y a dans cepays un chômage déguisé etquʼon y multiplie les emploispour donner une occupation auxCubains, mais avec quels sa-laires !Plus sérieux sont les cas dePorto Rico, de la Barbade, desBahamas et de Trinidad.

A propos de Porto Rico, lʼéco-nomie la plus puissante de laCaraïbe insulaire avec ses 4 mil-lions dʼhabitants et un PNB de60 milliards de dollars ( devantCuba qui a un PNB de 54 mil-

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ECONOMIE

Le Progressiste - Page 14 - Mercredi 23 décembre 2009

liards de dollars pour une popu-lation de 11 millions dʼhabitants)nous rappellerons les donnéessuivantes : Porto Rico est un« Etat Libre Associé « ( en faitautonome et ceci depuis 1952)qui a bénéficié des mesures dedéveloppement particulières dugouvernement des Etats-Unis,mesures conçues par lʼéquipedu gouverneur élu de lʼépoqueLuis Muñoz Marin . Ces mesuresont permis lʼindustrialisation delʼîle : les matières premières ve-nant de lʼextérieur sont transfor-mées à Porto Rico du fait desalaires plus bas quʼaux Etats-Unis et la production est ensuiteexportée vers les Etats-Unis,son principal marché, mais éga-lement vers le monde entier.Lʼindustrie représente 43% duPNB de lʼîle. Cette industrie estcompétitive et elle emploie18,8% de la population activequi travaille surtout dans les ser-vices et dans le tourisme, cepays étant lʼune des plusgrosses destinations touristiquesde la Caraïbe insulaire . Le tauxde chômage de Porto Rico estde 10,9 % en 2007. Ce taux estrelativement stable car les PortoRicains nʼhésitent pas à aller surle « mainland » quand la situa-tion est difficile car en tant quecitoyens américains ils prennentlʼavion pour aller aux Etats-Unissans problème Le PIB par habi-tant était de 15 535 dollars en2008.

La Barbade, petit pays au sudde la Martinique bien connu denos compatriotes, est sansdoute le pays le mieux dirigé de-puis son indépendance en 1966.Ce pays, après avoir été un paysagricole comme toutes les au-tres colonies de la région, sʼestorienté vers le tourisme puis les

activité offshore de banque etdʼassurance notamment ; le tou-risme représente 75% du PIB dela Barbade dont le taux de chô-mage était de 10,7% en 2007.La population barbadienne, bienformée, émigre facilementquand les circonstances lʼexi-gent. La population du pays, res-tée stable durant denombreuses années, a ten-dance à augmenter depuis peu.Le PIB par habitant est de 12500dollars et lʼIDH de ce pays leplace au 38 ème rang mondialselon le rapport de lʼannée 2009.

Les Bahamas ont des activitéséconomiques qui se rapprochentde celles de la Barbade ( tou-risme, activités offshore ) le PIBdes Bahamas est de 22 276 dol-lars par habitant et le taux dechômage de 7,9% en 2007.Lʼémigration des Bahaméensest un phénomène ancien et sertde soupape de sûreté.

La République de Trinidad et

Tobago a du pétrole, du gaz na-turel et ….une démocratie quifonctionne plutôt bien et des diri-geants plutôt compétents ! Ellebénéficie donc vraiment de lamanne pétrolière et des prix dubrut sur le marché mondial : sonPNB par habitant est de 17 046dollars en 2008 et son taux dechômage est de 7,3% la mêmeannée.

Le rôle de lʼagriculture est négli-geable dans ces trois pays maisil ne faudrait pas en tirer deconclusions.

La République Dominicaine

est dans une situation diffé-

rente : ce pays de près de 10

millions dʼhabitants et de 48 730

km2, le plus grand de la Caraïbe

insulaire après Cuba, a connu

durant ces dernières années des

taux de croissance importants (

plus de 6% par an ) mais de-

meure un pays pauvre ( PNB de

4558 dollars par habitant) et les

Dominicains émigrent en masse.

Le taux de chômage actuel est

de 15,4 % en 2008 mais ce pays

a lʼéconomie la plus promet-

teuse car très diversifiée, mais à

condition quʼil soit mieux géré….

En conclusion, aucun pays

dʼune certaine dimension nʼa

résorbé complètement son

chômage et les chiffres obte-

nus par les pays les mieux

lotis reposent sur le dyna-

misme économique, la créa-

tion dʼentreprises, des lois

sociales et des salaires adap-

tés à leurs situations, la trans-

parence des procédures, la

démocratie….tout ceci nʼex-

cluant pas lʼémigration quand

la conjoncture lʼexige …

Max AUGUIAC

Membre du MAP

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HOMMAGE

Le Progressiste - Page 15 - Mercredi 23 décembre 2009

L’actualité du lycée Schœl-cher ne mʼa pas permis defaire ce mot de commémo-

ration non de la mort de Camille Dar-sières mais de sa vie dans le cœurde la grande majorité des Martini-quais. Je ne sais pas réellement siCamille aurait soutenu notre actionpour la sauvegarde du lycée Schœl-cher, mais de nombreux éléments melaissent penser que oui.

Avant tout, il était un homme ou-vert, attentif à lʼautre et il savait perti-nemment que la jeunesse et saformation sont les pierres angulairesde la vie dʼun pays. Un pays dont lemonde politique renie sa jeunesseparce quʼil ne la comprend pas, parceque – plus grave – il lui impose unevision que cette jeunesse ne partagepas, est un pays atteint de gangrène.

Mais aussi Camille était unhomme moderne, tourné résolumentet démocratiquement vers le futur etle bien du peuple. Je me souviensque lors de son refus de voter le 74de son vivant au congrès, il répétaitque le peuple ne le comprendrait pas.Seul un vrai démocrate peut se plierà la discipline de ce que veulent ceuxquʼil représente et non à son proprejugement.

Car, même si je ne connaissaispas intimement Camille, il a été pourmoi un politique honnête, qui ne secontentait pas de défendre une poli-tique, mais de faire partager sonpoint de vue, de ne jamais lʼimposer,et dʼessayer de comprendre ce quʼonpouvait lui dire. Est-il besoin de direquʼil était un véritable intellectuel, ausens humaniste que devrait com-prendre le terme intellectuel.

Camille mʼa accueilli en 2000comme un fils, par affection pour sonvieux professeur de philosophie, monpère. Il disait que cʼest Gros Jo qui luiavait dit de faire du droit, lorsquʼil était

passé le voir après le baccalauréatdans la maison que mon père louaitsur lʼancienne route de Schœlcher,un peu avant le Séminaire Collège envenant du canal. Et, manifestement,se mêlaient en lui lʼaffection pour sonprofesseur et lʼamour du droit et deson métier.

Il mʼarrivait souvent de lui deman-der de remercier les anciens élèvesde mon père de lʼaffection quʼils luiont porté et quʼils continuent de luiporter. Car, en réalité, cʼest la forcede cette affection admirative qui mesemble témoigner dʼindividus horsnormes en la personnalité de cesélèves. Ces élèves admiraient –parce quʼils aimaient la pensée,parce quʼils appréciaient la rigueur etlʼhonnêteté – le maître qui les guidaitavec sagesse et bienveillance. Quelquʼait été le devenir de ces élèves,quʼils se nomment Pierre Petit, FélixAmar, Camille Darsières, Edouard deLépine et tant dʼautres, ils aimaientalors déjà penser, réfléchir, et ils ontformé une élite martiniquaise.

Camille faisait partie de cetteélite, même si, en véritable huma-niste, il préférait se tourner vers lesautres plutôt que vers son nombril.Est-ce parce que penser juste nʼaplus été à la mode ? Est-ce parcequʼil fallait démagogiquement parlercreux et donner aux gens ce qui lesflattait ? Toujours est-il que Camille aété battu aux élections législatives etquʼil a dû en être malheureux, nonpas par orgueil mais par humilité,parce quʼil devait sʼinterroger sur cequʼil nʼavait pas dit ou fait pour obtenirlʼadhésion du plus grand nombre àses idées. En tout cas, il nʼétait pasdans sa nature dʼaccuser dʼautresque lui. Il avait, en effet, le sens de laresponsabilité que beaucoup nʼontsemble-t-il jamais eu. La preuve quece nʼest pas la défaite même qui leminait est quʼil nʼa jamais cessé de sebattre. Je le revois encore le dernier

1er mai où je lʼai revu, sʼamusant à

imiter Roselyne Bachelot en me res-

tituant la réponse quʼelle lui avait faite

lorsquʼil lʼavait saluée à lʼAssemblée

de ma part.

Gai, affectueux, redoutable en

politique, Camille était aussi étonnant

par sa faculté à trouver encore du

temps pour écrire cette somme que

sont ses trois tomes sur Lagrosillière.

Discret, serviable, attentif aux autres,

Camille Darsières reste dans le cœur

de ses amis par la place quʼil a occu-

pée, même pour ceux qui, comme

moi, ne lʼont pas connu sur une

longue durée. Il importe par les

temps qui courent de disposer de tels

repères qui permettent justement de

faire le tri entre ceux qui mentent

éhontément en politique et qui ne sa-

vent que menacer pour convaincre.

Ils trompent peut-être une certaine

frange du peuple mais sans doute

pas tout le peuple, et encore moins

notre jeunesse qui, au lycée Schœl-

cher, sʼest réveillée au son des éclats

de voix quʼun Camille Darsières nʼau-

rait pas manqué de réprouver, lui qui,

pourtant, avait lʼhabitude des pré-

toires.

Yvon JOSEPH-HENRI

P.S. : Certains diront que jʼai, à nʼen pas

douter, une carte du PPM dans ma poche.

Que ceux-là se rassurent : mon père, so-

cialiste, était le concurrent direct dʼAimé Cé-

saire, en 1945 si je ne me trompe, à la

mairie de Fort-de-France. Cela ne lʼa pas

empêché dʼêtre aimé de ses élèves mili-

tants communistes ou futurs compagnons

de route de Césaire, voire futures figures de

proue de la droite martiniquaise ; tout

comme personne ne mʼempêchera de leur

rendre, à mon tour, un hommage vibrant

dès lors quʼils le méritent, parce que je suis

libre dans mon cœur et dans ma tête...

EN SOUVENIR DE CAMILLE

Page 16: Le progressiste n° 2112 16pages

imp.

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Le Progressiste - Page 16 - Mercredi 23 décembre 2009

COMITÉ DE RÉDACTION :

Daniel COMPERE

Jeannie DARSIERES

Didier LAGUERRE

Laurence LEBEAU

Daniel RENAY

Serge SOUFFLEUR

Victor TISSERAND

Appel du « Progressiste » aux Militants, aux sympathisants, à tous les Démocrates qui luiont toujours fait confiance.

« Le Progressiste », organe du Parti Progressiste Martiniquais, a besoin de l’aide matérielle,intellectuelle de tous les militants, démocrates et sympathisants. Nous les remercions d’en-voyer leurs dons (à l’ordre du PPM), leurs articles et leurs suggestions au siège du PPM :

- Ancien Réservoir de Trénelle - Fort-de-France.

Directeur de la Publication : Daniel COMPERE

18, Allée des Perruches - Rte de l’Union - 97200 Fort-de-France

Téléléphone du siège du PPM : 0596 71 88 01

Site Internet : www.ppm-martinique.fr

Ce 22 décembre, Serge LETCHIMY a reçu à l'Hôtelde Ville MM. Alain et Edwy PLENEL.

Visite symbolique d'une grande portée.

Edwy PLENEL, journaliste,mediapart

Alain PLENEL, vice-recteuren 1959

MM. Plenel pere et fils Les PLENEL, S. LETCHIMY, E. LANDIAlain PLENEL et SergeLETCHIMY

La maire et ses collaborateursrecoivent les Plenel

Vous souhaitez adhérer au Parti Progressiste Martiniquais ?1. Téléchargez le bulletin d’adhésion :http://www.ppm-martinique.fr/wp-content/uploads/2009/09/Bulletin-dadhésion-2006.pdf2. Complétez-le3. Renvoyez-le à : PPM – Ancien réservoir de Trénelle – 97200 Fort-de-Franceou par Mail à [email protected] le site du PPM :http://www.ppm-martinique.fr