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LE RACKET POLITIQUE

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JEAN MONTALDO PRÉSENTE

J[osua Giustiniani

AMNISTIE ET FAUSSES FACTURES

LE RACKET POLITIQUE

Albin Michel

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@ Éditions Albin Michel S.A., 1990 22, rue Huyghens, 75014 Paris

Tous droits réservés. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit— photographie, photocopie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre —, sans le consentement de l'auteur et de l'éditeur, est illicite et constitue une

contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

ISBN 2-226-04865-0 ISSN 1142-8430

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P R É F A C E

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« [...] Je considère que l'argent gagné trop facilement est pour toujours suspect et qu'en effet, il est fait pour corrompre [...] »

(Déclaration de François Mitterrand, président de la République, le 12 février 1989, à l'émission 7 sur 7 de TF1, où il commente « l'affaire Pechiney- Triangle » dans laquelle sont impliqués son ami, Roger-Patrice Pelat, et le financier socialiste Max Théret.)

À NOS JUGES par Jean Montaldo

Depuis 1982, Josua Giustiniani est, au service du Parti socialiste, l'un de ses meilleurs spécialistes pour la collecte de fonds occultes, par l'établisse- ment de « fausses factures » et le « trafic d'influence ». Ancien gauchiste de l'après-mai 1968, il révèle, dans ce témoignage courageux, comment, à Marseille sous Gaston Defferre, il fit ses premières armes, avant d'être enrôlé à Paris pour devenir l'un des « financiers » officiels du PS.

— Avec mon commando d'élite, nous avons racketté les entreprises françaises aux quatre coins du territoire, dans les Bouches-du-Rhône, à Paris,

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en Eure-et-Loir, à Nevers ou Châtellerault, dans la Drôme et le Vaucluse, et jusque dans les territoires d'Outre-Mer, raconte ce « Monsieur Fausses Factures »...

L'auteur s'accuse et révèle les méthodes, les chiffres, les lieux, les noms de ses commandi- taires. Il remonte jusqu'aux sommets de l'État... et met à nu les circuits les plus secrets utilisés pour remplir les « caisses noires » du premier parti politique de France.

Une confession choquante, à peine croyable. Mais les preuves sont là.

À l'heure où ceux qui ont bénéficié de cet « argent sale » se blanchissent, en s'auto-amnis- tiant, Josua Giustiniani choisit maintenant de parler pour se défendre :

— Je veux bien, ajoute-t-il, être jugé pour ce que j'ai fait, mais pas tout seul.

Comment, en effet, après avoir lu ce récit époustouflant, des magistrats pourraient-ils le condamner en raison des délits qu'il a commis, en excluant de leur jugement ceux qui lui en ont donné l'ordre, les hommes politiques qui l'ont commandé, pour ensuite partager avec lui le pro- duit de ces fraudes? Publié dans une collection destinée à combattre les arrangements avec la vérité, même la plus insupportable, ce document est révélateur des mœurs politiques en général et de celles, en particulier, d'un parti qui a pourtant fait de la morale et de la vertu son image de marque.

Voici l'envers du décor.

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Fin avril 1990 : nous rencontrons Josua Giusti- niani pour la première fois. Entretien franc, parfois déroutant. Notre interlocuteur n'élude aucune question. Conversation surréaliste :

— Je veux, nous dit-il d'emblée, dévoiler des vérités dont on peut difficilement imaginer qu'elles puissent exister. Aujourd'hui, je dois tout dire, quelles qu'en soient les conséquences. J 'ai rempli mon contrat, mais on m'a abandonné. Je ne peux l'accepter.

— Etes-vous un homme de gauche ? — Au Parti socialiste, la question ne m'a jamais

été posée. Elle est donc sans objet. Je n'ai adhéré que tardivement au PS, et de mon plein gré. Le Parti a d'ailleurs commis un « faux » en me décla- rant toujours, pour les besoins de la cause, comme un de ses membres.

— Comment est-il possible que le premier parti politique de France ait fait appel à un homme comme vous pour l'accomplissement d'une activité aussi inavouable ?

— Peut-être parce que, justement, l'on savait qui j'étais, quel avait été mon parcours. Mais, en raison de la réputation de mes employeurs, il ne m'est pas venu immédiatement à l'esprit que ce que nous faisions était illégal. Il m'a fallu quelque temps pour le comprendre. Le travail qui m'était demandé par les responsables socialistes n'était pas autre chose que du vol authentique et certifié sans risque. Dans cette organisation, je n'ai jamais été qu'un comparse. Mais, participant au financement

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du parti politique au pouvoir, j'avais la conscience tranquille.

v A l'appui de ses affirmations, Josua Giustiniani

nous présente les centaines de pièces originales — contrats, bons de commande, fausses factures, chèques, courriers, photographies et articles en tous genres — qu'il a amassées entre 1982 et 1990. Voici même l'état détaillé des sommes qu'il a collectées et partagées avec le PS, celui-ci se réservant la part du lion.

Dialogue : — Vous admettez donc avoir commis des actes

répréhensibles ? — Je ne me considère responsable qu'à hauteur

de mes profits personnels. Pour le reste, c'est-à- dire l'essentiel, je demande à la justice de s'adres- ser directement à mon commanditaire, le Parti socialiste. Pourquoi devrais-je payer à sa place? Sous prétexte que, au pouvoir, il bénéficierait d'une totale immunité? Non, il n'en est pas ques- tion.

— Mais, tout de même, vous avez violé la loi en exerçant des activités illicites, ce que notre société ne saurait admettre.

— Recruté et rémunéré par le parti du Prési- dent, j'ai toujours eu bonne conscience. Je pensais même agir au nom de « la raison d'État ». Quelle est la différence entre un «James Bond » et moi? Lui agit au nom de la reine, et moi au nom de ceux qui dirigent la République. Bien sûr, on pourra me rétorquer que je n'étais pas membre

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d'un service secret. Mais je vous donne ma parole que ce que que je faisais devait rester secret.

Les « secrets » de josua Giustiniani sont mainte- nant en notre possession : deux caisses de docu- ments dont le lecteur trouvera un échantillonnage représentatif dans les pages qui suivent. Ces archives sont, bien entendu, à la disposition du fisc et de la justice qui, jusqu'à présent, n'ont pas daigné s'y intéresser.

Aussi explosives qu'elles soient, les révélations de l'auteur ne surprendront pas totalement les obser- vateurs et lecteurs avertis. En effet, dans mon livre 850 jours pour abattre René Lucet 1 (sur « les secrets d'une exécution politique »), je dévoilais des méca- nismes similaires. Publié sous le gouvernement de Pierre Mauroy, cet ouvrage est à l'origine de la fameuse « affaire des fausses factures à la mairie de

Marseille ». Tandis que les employés municipaux de Gaston Defferre sont alors incarcérés par dizaines à la prison des Baumettes, je dois, le 14 juillet 1982, quitter le territoire français pendant plusieurs mois pour échapper à des tueurs à gages. A mon retour, avec le journaliste Jean-Louis Remillieux, nous réalisons, pour Le Quotidien de Paris d'abord, pour Le Figaro Magazine ensuite, une grande enquête sur « les caisses noires du Parti socialiste ». Nous y révélons l'existence d'un vérita- ble réseau de racketteurs, créé en 1971 par les plus hauts dignitaires du PS. Copiant l'infrastructure

1. Éditions Albin Michel, juin 1982.

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commerciale du Parti communiste français, parti dont j ' a i amplement prouvé qu'il est, en France, le plus sauvagement capitaliste1, les socialistes ont développé, dès après leur congrès d'Epinay, un appareil analogue et tout aussi monopoliste. Son rôle ? Parasiter les marchés publics des collectivités locales entre leurs mains, par le prélèvement de commissions à taux variables.

Urbaconseil, Urbatechnic, le Gracco, Valorimo, Mercure International : telles sont les enseignes des bureaux d'études fictifs, mais gourmands, placés sous l'autorité de la vieille garde du PS. Deux d'entre eux sont dirigés par Gérard Monate, ancien gardien de la paix, fondateur de la FASP (Fédéra- tion autonome des syndicats de police), plus tard au cabinet du ministre socialiste de la Sécurité, Joseph Franceschi, et aujourd'hui inculpé dans « l'affaire Sormae ».

Les documents que je publie encore, le 7 novem- bre 1987 dans Le Figaro Magazine, auraient dû provoquer l'ouverture immédiate d'une informa- tion judiciaire à l'encontre des activités des sociétés conduites par Gérard Monate, militant dévoué du PS, maintenant dans la même situation que Josua Giustiniani. Mais il faudra attendre le 19 avril 1989

pour que tout soit officiellement reconnu, grâce à l'initiative de deux courageux inspecteurs de la police judiciaire, Antoine Gaudino et Alain Mayot.

1. Voir mes livres: Les Finances du PCF (1977); La France communiste (1978) ; Les secrets de la banque soviétique en France (1979) ; La mafia des syndicats, les secrets d'une dictature (1981), tous publiés aux Editions Albin Michel.

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Au siège marseillais d'Urbatechnic, ces policiers font, à cette date, une découverte confirmant tout ce que nous savions et avions écrit depuis tant d'années, à propos des agissements de ces officines. Selon les journalistes Georges Marion et Edwy Plénel du Monde, tout est consigné dans « quatre cahiers rédigés par M. Joseph Delcroix [un confrère dejosua Giustiniani, notre auteur], militant socialiste et dirigeant du bureau d'études d'lirbatechnic ». Dans ces cahiers saisis « tout le fonctionnement financier du Parti socialiste est décrit avec minutie, notamment à l'occasion de la campagne présiden- tielle de 1988 1 ». Journalistes d'investigation, Marion et Plénel reproduisent les explications données à la PJ par Joseph Delcroix :

— L'action d'Urba-Gracco consiste essentielle- ment à intervenir auprès des décideurs socialistes ou apparentés, aux fins de favoriser les entreprises clientes pour l'obtention de marchés publics ou privés.

« La lecture de ces cahiers, ajoutent nos confrères, prouve que cette " action " se faisait, sinon en accord, du moins en coordination avec l'état-major du Parti. Il faudrait donc entendre une bonne partie des responsables socialistes dont les noms viennent sous la plume de M. Delcroix mais qui, parfois, sont aujourd'hui ministres. »

Marion et Plénel vont encore plus loin : « (...) Nous avons pu feuilleter ces fameux

1. Le Monde, mardi 10 octobre 1989, p. 13, sous le titre : « L'enquête sur le financement des campagnes socialistes — Les fausses factures à livre ouvert. »

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cahiers pour les années 1987 et 1988. Les citations se passent de commentaires, tant elles sont expli- cites. Durant cette période, la mission prioritaire d'Urba-Gracco est d'assurer une partie du finance- ment de la campagne électorale du candidat socia- liste à l'élection présidentielle, qui sera finalement M. François Mitterrand. »

Dans un second article, les deux journalistes du Monde révèlent encore que l'évaluation du coût de cette campagne est passée de « 100 » à « 150 millions de francs », dont « 24 694 000 francs » ont été fournis par le groupe des sociétés employant Joseph Delcroix.

Mais ce n'est pas tout : il y a aussi l'OFRES, la société créée par Hubert Haddad, sur laquelle j'ai tant écrit et dont Josua Giustiniani nous apprend maintenant qu'il en fut l'efficace successeur.

Dénoncé tant de fois, avec un luxe de détails et de preuves concrètes qui, aux États-Unis, en Alle- magne ou en Grande-Bretagne, auraient provoqué illico l'ouverture de retentissantes informations judiciaires, ou la constitution de commissions d'enquête au Parlement, tous ces réseaux n'en ont pas moins été laissés libres de continuer tranquille- ment leur racket, jusqu'à ces derniers temps, en attendant que d'autres viennent prendre la relève. Chancellerie, parquets, directeurs des impôts, gar- diens de l'ordre public : tous savaient et tous ont laissé faire.

Tels commentateurs politiques, qui ont fait de l'encensoir leur fonds de commerce, nous diront

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(peut-être) que la publication du témoignage fra- cassant de Josua Giustiniani a le tort de participer au discrédit d'une classe politique majoritairement honnête. Si tel était le cas, les agissements ici révélés auraient été depuis longtemps punis, sévè- rement condamnés. Autant par les hommes politi- ques que par les tribunaux. Or, les uns et les autres ont préféré fermer les yeux, alors que tous étaient parfaitement informés de cette bien triste réalité : des centaines d'entreprises françaises (dont les grands groupes nationalisés) sont systématique- ment ponctionnées, contraintes de payer les fausses factures fabriquées pour aider au financement de partis vivant douillettement en marge de la loi.

Corruption ? Le mal n'est pas nouveau : il date des débuts de la Ve République. Mais, par une inexorable dérive, il n'a fait qu'empirer. Au moins, sous le général de Gaulle et Georges Pompidou, on n'hésitait pas à envoyer des députés gaullistes, impliqués dans « l'affaire de la Garantie foncière », se faire condamner en correctionnelle. Vingt ans après, parlementaires et ministres s'auto-blanchis- sent, en hâte et en catimini, et ont même le toupet de se dégager de toutes leurs fautes sur leurs complices de la société dite civile, la seule qui, à leurs yeux, soit passible des tribunaux.

Bref, avec le récit de Josua Giustiniani, nous avons le sentiment de nous retrouver dans une République bananière. Après le « gaullisme immo- bilier », puis le communisme des milliardaires

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rouges, voici venu le temps du socialisme d'affaires, avec, en toile de fond, le pire des maux dont une démocratie puisse souffrir : l'avilissement de la justice. L'accepter serait nous condamner.

Jean Montaldo

P. S. — Je ne pouvais envisager de consulter la masse des documents sur lesquels cet ouvrage repose, sans un témoin qualifié. Pour m'accompa- gner dans cette exploration, j'ai choisi François Labrouillère, journaliste au Quotidien de Paris et co- auteur, avec Gilles Sengès, du livre Le piège de Wall Street (sur la ténébreuse affaire Pechiney-Triangle) publié dans cette collection, en septembre 1989. Ensemble, quelque part du côté de Marseille, nous avons pendant huit jours — pénible besogne — cohabité avec une montagne de fausses factures. Elles attestent que rien dans l'exposé qui suit n'est exagéré et que, bien au contraire, le pire se profile souvent derrière les pièces comptables communi- quées à mon avocat, Me Pascal Dewynter, et à celui d'Albin Michel, Me Patrick Gaultier. Nous nous contentons, dans ce livre, de dire ce que la loi permet, laissant à l'autorité judiciaire — dans la mesure où elle voudra bien se mobiliser — le soin de poursuivre plus loin des investigations dont il n'est pas malaisé de deviner la conclusion: Le lecteur trouvera, en Annexes 1 à 16, un florilège de ces preuves sans lesquelles nous n'aurions pu donner la parole à Josua Giustiniani...

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1.

Au fin fond de l'abîme

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Giustiniani : mon nom, à lui seul, est déjà tout un programme. Ce n'est pas un pseudonyme. A trente- cinq ans, confronté aux choses de la vie, à l'ingrati- tude des hommes, à la déception promise à tout jeune Rubempré, il me faut maintenant me regar- der en face. Fils du néant, d'une société sans âme, je n'ai compris que tardivement, tout récemment, à quel point l'être que je suis est, après tout, moins méprisable que ceux, au pouvoir, qu'il a servis.

Du passé, j'entends faire table rase. Pour cela, il me faut être juste à l'égard de tous, et donc commencer par reconnaître qui je suis, avant de révéler la vraie nature de ceux dont je fus ces dernières années le mercenaire aveugle, bien que chèrement rémunéré pour des actes inavouables et ô combien condamnables.

Mon père? Je n'ai pas reçu grand-chose de lui, hormis mon nom corse. Ma mère? Elle n'a jamais su m'éclairer sur les origines exactes de sa famille. Europe centrale, Suisse, France, en passant par la Tunisie où je suis né : je suis, de son côté, issu d'un long flot d'immigration. Mon prénom, Josua, indi- que mon appartenance à une communauté que je

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crois être aussi la mienne, sans en avoir l'absolue certitude : la communauté juive.

Mon propos ne consiste pas à philosopher ici sur la vie, sur mon sort. Il consiste seulement à témoigner, à retracer, le plus objectivement possi- ble, sans détour, le parcours d 'un jeune homme ordinaire, désorienté, mais avide. J e veux expliquer comment j 'en suis arrivé à être l'instrument, pres- que innocent — car ignorant —, d'une authentique mafia politico-financière qui m'a offert la fausse immunité dévolue à toute personne admise à la table et au rang de ceux qui sont en charge des affaires de l'État.

Marseillais d'adoption, mes frasques commence- ront à l 'ombre de Notre-Dame de la Garde et du

vieux quartier du Panier surplombant l'hôtel de ville de Gaston Defferre et de son successeur Robert

Vigouroux, mes deux « parrains » en politique... et en affaires. La direction nationale du Parti socia-

liste, dont je vais devenir un homme de l'ombre, saura, elle aussi, apprécier mes exploits à leur juste valeur et m'appeler, en conséquence, à de plus hautes destinées. En effet, après avoir servi dans la capitale phocéenne, je serai vite invité à « monter » à Paris. Racketteur professionnel du Parti, on y compte sur moi pour mettre en coupe réglée les entreprises publiques et privées voulant travailler avec les collectivités à la main du Parti du président de la République : François Mitterrand.

Tandis que, à partir de 1985, une brochette de « golden boys » inexpérimentés feront fortune à la bourse de Paris, en spéculant sur la bêtise et la

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cupidité d 'une foule de « gogos » naïfs, de mon côté je serai chargé, rue de Solferino (où siège le PS), de jouer le rôle d 'un « golden boy » d'un tout autre genre, à savoir celui du collecteur de fonds sans

âme ni scrupule, pratiquant une seule stratégie : celle de la terre brûlée. C'est ainsi qu'entre Mar- seille et Paris j ' aura i à fréquenter un monde étrange, impitoyable — celui de la politique et des affaires —, dont je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse exister en dehors des frontières de la Sicile.

Écrire ce qu'il va vous être donné de lire n'est pas sans comporter quelques risques. Peu m'importe. Nous ne sommes pas à Palerme, même s'il est vrai que l'univers où j 'a i évolué jusqu'ici est celui d'une bande ayant toujours eu pour règle d'observer la loi du silence propre à toute société secrète, je veux parler de la loi de l'omerta.

Certes, on pourra me reprocher d'avoir donné un témoignage à chaud, sous l'emprise de la colère. Serein, je répondrai que je préfère une déposition dénuée de tout arrangement avec la vérité, plutôt que de produire, a posteriori, un exposé forcément édulcoré. J e ne dois pas risquer d'oublier ces détails sans lesquels mon histoire ne pourrait plus être contée, tant elle paraît incroyable. Condamné récemment par le tribunal correctionnel, au nom du droit de mes employeurs, « auto-amnistiés », à se décharger sur autrui de fautes qui furent aussi les leurs, je suis dans la situation d'une sorte de mort- vivant, d 'un prisonnier voué au poteau d'exécution, et que ses chefs pusillanimes refusent de secourir. Savoir que je serai fusillé — façon de parler — me

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serait moins insupportable si ceux qui m'ont aban- donné m'avaient préventivement averti des règles de leur jeu, s'ils ne s'étaient comportés à mon égard comme des ingrats me vouant au simple rôle du cocu piteux, livré à la meute des chiens, au nom de leurs incommensurables cynisme et lâcheté.

Cocu, oui je le suis! Idiot, non je ne saurais l'être! Serais-je moins amnistiable, excusable que ceux

qui m'ont recruté, employé en sachant qui j'étais et d'où je venais?

Ayant donc pris le parti de tout dire sur mon parcours, venons-en au commencement de mon aventure.

Né en 1954 à Tunis, je suis élevé par mes grands- parents. D'abord de l'autre côté de la Méditerra- née, où mon grand-père sert dans l'administration pénitentiaire. Puis à Calenzana, un petit village de la Haute-Corse rendu célèbre par le fameux clan des Guérini qui a fait trembler Marseille, la ville dont je serai à mon tour et bien plus tard la victime.

Ma vie d'enfant et d'adolescent ne me laisse pas un souvenir impérissable, en dehors du soleil et des odeurs de ce beau pays du sud où ceux qui m'ont en charge ne parviennent pas à me fixer. Dès mon plus jeune âge, l'aventure m'appelle. Après les longues escapades dans le maquis corse, les interminables promenades le long de ses torrents, voyages durant lesquels je fréquente les fantômes des bandits qui ont fait l'histoire de l'île de Beauté, après d'inces- sants va-et-vient entre Calvi et Marseille (où mon

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père dirige un temps le casino de Carry-le-Rouet), après toutes ces pérégrinations sans fin, je décide très tôt de quitter les miens. J 'ai à peine quinze ans et ce départ sans retour me conduit vers les communautés hippies. Les événements du mois de mai 1968 viennent d'ébranler ma jeune cervelle. Je me suis laissé pousser les cheveux jusqu'à ressem- bler à un disciple du Christ et ne sais alors vers quoi je cours.

De ces deux années de fuite en avant, je ne conserve que le souvenir d'un seul point fixe, d'un unique endroit où, épisodiquement, je retourne pour dormir et me doucher : un petit hôtel de passe de la rue Châteauredon, à Marseille, en un mot un « bordel ». Je trouve auprès de ses pensionnaires la confiance et l'affection qui me font défaut. Je ne connais rien d'autre de leur milieu, en dehors du bruit intermittent des coups de feu qui ponctuent alors la vie quotidienne des quartiers chauds de Marseille, détonations qui, à vrai dire, ne m'empê- chent pas de dormir. Il me faut vivre à la sauvette, d'expédients. Je zigzague entre de petites bandes de paumés.

En 1971, je partage de temps à autre, avec mon ami Michel Baliozian, une chambre de la cité universitaire Paul-Masson, dans le 5e arrondisse- ment de Marseille. Elle est alors occupée par une bande de marginaux de tout poil, de tous horizons, la plupart munis de fausses cartes universitaires leur donnant droit au gîte et au couvert sous le haut patronage de l'État, formidable vache à lait. C'est là que je fais pour la première fois connaissance du

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« mitan » de la politique. Les groupuscules d'extrême gauche, auxquels j'appartiens, prolifè- rent dans la « cité U », devenue une véritable place-forte où les forces de l'ordre sont interdites. Faux étudiant moi-même, je vis en tenue de combat révolutionnaire. Cependant, notre engagement militant n'est que de façade, même s'il est vrai que nous sommes de toutes les manifs. Le Che est mon idole. Notre slogan, « La propriété c'est le vol », est un parfait prétexte. Haschisch, marijuana, tout y est. Comme chacun, je trouve dès lors ma subsis- tance dans la réalisation brouillonne de petits « casses » aux quatre coins de Marseille. Un coup de pied dans la porte d'un appartement des beaux quartiers — que nous écumons sans préparation ni objectifs particuliers —, et nous rapportons de quoi alimenter la caisse collective de notre bien singu- lière cité universitaire. Les séances de partage, le soir à la veillée, nous font ressembler, sous les portraits de Marx, Mao et Che Guevara, aux pirates de l'Ile au trésor. Parmi nous, quelques rêveurs s'imaginent bien naïvement pouvoir finan- cer ainsi la révolution mondiale. La majorité de notre troupe crasseuse a tôt fait de les inviter à moins d'ambitions. Nous comptons seulement sur leur soif de vengeance, de revanche sociale, pour augmenter le rendement de nos expéditions débraillées.

Peut-être par instinct de survie, je me repose en prenant parfois mes quartiers dans un casernement de CRS. Le hasard a voulu que je sois accepté par l'un d'eux, parent d'une de mes amies. Mes

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camarades ignorent cette fréquentation pour le moins insolite. Les Compagnies républicaines de sécurité sont les gardiennes d'un monde qu'il ne leur déplairait pas de voir à feu et à sang. Mais chez les CRS, j'ai mon lit de camp — le fameux « lit Picot » des militaires — sur lequel je peux enfin dormir tranquille, sans que nul vienne me chercher ni me tourmenter. Je partage leur popote et converse des heures durant avec un compatriote corse, parfaite caricature du policier « macho » dont la violence n'est faite que d'apparences.

Cependant, je passe le plus clair de mon temps à la cité universitaire. Un soir d'été, une dispute oppose mon copain Michel Baliozian à nos voisins de palier : des Algériens en goguette dont la stéréo dérange nos tympans. Michel meurt, poignardé Arrêté par la police, son assassin est libéré après un an de prison. Jeune homme révolté, ma rancœur à l'égard de la société et de son glaive, l'appareil judiciaire, n'en sera dès lors que bien plus grande. Je prends pour la première fois conscience de l'arbitraire.

Au soir de sa sortie de prison, le meurtrier est à son tour abattu par un autre Algérien, désireux de venger notre camarade Baliozian. Cette exécution est aussitôt présentée comme un crime raciste : motions, manifestations de masse, vives réactions des centrales syndicales nous laissent pantois. Quelques mois après, le vengeur algérien de Michel est lui aussi tué d'une balle en pleine tête par la brigade anti-gang, lors d'un hold-up raté, à Paris. La vie suit son cours.

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E N T R E P R I S E T R A V A U X P U B L I C S

v/Rtf N/fW

Objet

BATIMENTS

r "t lIorllS1eur Bruno Fédération Social is te de l a Drtee 56. rue Berthelot

26000 - VALENCE L O

MONTELiMAR. le 3 févr ie r 1988

l i m a i e u r ,

Pour f a i r e s u i t e A n o t r e e n t r e v u e du 21 j a n v i e r 1988 e t à n o t r e s o u t i e n p u b l i c i t a i r e a u j o u r n a l Drome -Dmaln. nous vous p r i o n s de t r o u v e r c i - j o i n t , une l e t t r e du 1 e r f é v r i e r 1988 de l a v i l l e de ROMANS nous i n f o r m a n t de son r e f u s de nous v o i r p a r t i c i p e r à l ' a p p e l d ' o f f r e s r e s t r e i n t c o n c e r n a n t l a r o c a d e de ROMANS.

Comme nous vous l ' a v o n s c l a i r e m e n t i n d i q u é l o r s de n o t r e e n t r e t i e n , nous concevons t r è s 8 a l l e f a i t de ne p o u v o i r ê t r e admis à f o u r n i r une o f f r e dans un dépa r t emen t où e s t imp lan t é n o t r e s i è g e a d m i n i s t r a t i f e t où s e d é r o u l e l a p l u s i m p o r t a n t e p a r t i e de n o t r e a c t i v i t é .

Nous comptons fermement s u r v o t r e i n t e r v e n t i o n a u p r è s des é l u s du Dépar tement c o n c e r n é s p a r v o t r e j o u r n a l a f i n de nous p e r m e t t r e de p a r t i c i p e r aux a p p e l s d ' o f f r e s r e s t r e i n t s , dans c e r t a i n e s commnes du dépa r t emen t de l a Dr&ae.

Avec nos r emerc i emen t s , v e u i l l e z a g r é e r . Monsieur , l ' e x p r e s s i o n d e nos s a l u t a t i o n s d i s t i n g u é e s .

SIEGE SOCIAL 07350 CRUAS - Téi 75 51 41 09 - R C 3 M 320 195 B AUBENAS ai 396 320 106 B VAlENCe

SIRET 388 320 1911 00010" 386 320 1911 00028 - APE 7800 - C C P LYON 1309-60 - D o n n o t a t t o n b u c m S o O é W O u t r a i » . MonIeInw. CompIe no 2082 505.

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Table

Préface 7

1. Au fin fond de l'abîme 19

2. Le « tir aux pigeons » 39 3. Le « coup de l'assommoir » 73 4. Nous faisons feu de tout bois 97 5. Racketteur à la solde du Parti 115

6. Ma légion de carnassiers 131 7. « Selon que vous serez puissant ou miséra-

ble » 147

8. Le déni de justice 171

Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183