42
!"#$%&’"(!")*"+*,,&-. (*.,")!,"/#*%)!,",&01))&., 2 Jean-Michel Roessli 3.’#-(4%’&-. La question des relations entre écrits apocryphes et Écritures Saintes est des plus fascinantes, mais elle se pose en termes dié- renciés selon les textes apocryphes étudiés. Dans le cadre du présent exposé, c’est la façon dont le récit de la Passion de Jésus est relaté dans le corpus des Oracles sibyllins que je souhaite inter- roger (Livres 1, 6 et 8). Cette question se pose de façon plus parti- culièrement cruciale pour la Sibylle qui s’exprime dans le premier livre de la collection, un ouvrage de 400 hexamètres grecs, dont une grande partie – les vers 1 à 323 – est probablement l’œuvre d’un auteur juif du II e ou III e siècle de notre ère, remaniée ensuite par un chrétien, qui a souhaité compléter le tableau initial par une longue évocation de Jésus et de son ministère terrestre 2 . 1. Après avoir fait l’objet d’une présentation orale dans le cadre de la rencontre annuelle de l’Association catholique des études bibliques au Canada en mai 2008 à Montréal, cette étude a été reprise, approfondie, puis publiée en anglais sous le titre « The Passion Narrative in the Sibylline Oracles », Gelitten – Gestorben – Auferstanden. Passions- und Oster- traditionen im antiken Christentum (Tübingen, Mohr Siebeck, 2010), 299-327. Je remercie les éditeurs de m’autoriser à la reproduire ici en français, avec de menues retouches. 2. La plupart des spécialistes considèrent que les livres 1 et 2, séparés dans les manuscrits par un simple colophon, doivent être traités comme un seul ouvrage. Certains situent sa composition au II e ou III e siècle de notre ère. D’autres estiment qu’il n’y a pas lieu de distinguer un substrat juif et une réécriture chrétienne dans cet ouvrage, qui serait ainsi tout entier de composition chrétienne. Pour des études récentes de ce livre, voir J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles. With Introduction, Translation, and Commentary on the First and Second Books (Oxford, Oxford University Press, 2008) ; O. WASSMUTH, Sibylli- nische Orakel 1-2 : Studien und Kommentar (Leyde-Boston, Brill, 2011 ; Ancient Judaism and Early Christianity 76) ; et T. BEECH, « A Socio-Rhetorical Analysis of the Development and Function of the Noah-Flood Narrative in Sibylline Oracles 1-2 », thèse de doctorat soumise à la Faculté de Théologie de l’Université d’Ottawa, Février 2008. Un premier MP en marge du canon_1.indd Sec3:159 28/03/12 13:48:52

Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Tematizarea Patimilor lui Christos in apocrifele sibiline.

Citation preview

Page 1: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

!"#$%&'"(!")*"+*,,&-.(*.,")!,"/#*%)!,",&01))&.,2

Jean-Michel Roessli

3.'#-(4%'&-.

La question des relations entre écrits apocryphes et Écritures Saintes est des plus fascinantes, mais elle se pose en termes di é-renciés selon les textes apocryphes étudiés. Dans le cadre du présent exposé, c’est la façon dont le récit de la Passion de Jésus est relaté dans le corpus des Oracles sibyllins que je souhaite inter-roger (Livres 1, 6 et 8). Cette question se pose de façon plus parti-culièrement cruciale pour la Sibylle qui s’exprime dans le premier livre de la collection, un ouvrage de 400 hexamètres grecs, dont une grande partie – les vers 1 à 323 – est probablement l’œuvre d’un auteur juif du IIe ou IIIe siècle de notre ère, remaniée ensuite par un chrétien, qui a souhaité compléter le tableau initial par une longue évocation de Jésus et de son ministère terrestre2.

1. Après avoir fait l’objet d’une présentation orale dans le cadre de la rencontre annuelle de l’Association catholique des études bibliques au Canada en mai 2008 à Montréal, cette étude a été reprise, approfondie, puis publiée en anglais sous le titre « The Passion Narrative in the Sibylline Oracles », Gelitten – Gestorben – Auferstanden. Passions- und Oster-traditionen im antiken Christentum (Tübingen, Mohr Siebeck, 2010), 299-327. Je remercie les éditeurs de m’autoriser à la reproduire ici en français, avec de menues retouches.

2. La plupart des spécialistes considèrent que les livres 1 et 2, séparés dans les manuscrits par un simple colophon, doivent être traités comme un seul ouvrage. Certains situent sa composition au IIe ou IIIe siècle de notre ère. D’autres estiment qu’il n’y a pas lieu de distinguer un substrat juif et une réécriture chrétienne dans cet ouvrage, qui serait ainsi tout entier de composition chrétienne. Pour des études récentes de ce livre, voir J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles. With Introduction, Translation, and Commentary on the First and Second Books (Oxford, Oxford University Press, 2008) ; O. WASSMUTH, Sibylli-nische Orakel 1-2 : Studien und Kommentar (Leyde-Boston, Brill, 2011 ; Ancient Judaism and Early Christianity 76) ; et T. BEECH, « A Socio-Rhetorical Analysis of the Development and Function of the Noah-Flood Narrative in Sibylline Oracles 1-2 », thèse de doctorat soumise à la Faculté de Théologie de l’Université d’Ottawa, Février 2008. Un premier

MP en marge du canon_1.indd Sec3:159 28/03/12 13:48:52

Page 2: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

160 E n marg e du canon

Dans cette ultime section du premier livre (vv. 323-400), la Sibylle annonce non seulement la venue du Christ, sa Passion et sa résur-rection, mais, plus surprenant encore, elle prédit aussi l’évangile et la Þ n des prophètes (vv. 382 et 386). C’est dire que la Sibylle, prophétesse supposément païenne, se place non seulement sur le même plan que les prophètes, en prophétisant avec eux l’his-toire du salut, mais cherche même à les compléter en précisant que leurs promesses se réalisent en Jésus. Elle prétend même avoir une hauteur de vue qui les dépasse d’une certaine manière, puisqu’elle annonce les préceptes de l’évangile (v. 382) et l’achè-vement des prophéties (v. 386). Pour réaliser cette Þ ction divina-toire – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, la Sibylle recourt à la fois aux prophètes et aux évangiles, en combinant souvent les deux, soit par des allusions implicites, soit par des reprises littérales, soit encore par des emprunts lexicaux bien précis. Ainsi, pour bâ tir son récit de la Passion, la Sibylle sélectionne des éléments tirés soit des évangiles canoniques, soit de traditions apocryphes marginales, identiÞ ées ou non, qu’elle éclaire par les écrits des prophètes.

!"#$%&'"(!")*"+*,,&-."(*.,")!,")&5#!,"26"7"!'"8(!," !"#$%&'&()*$$(+&

Ce que je me propose donc de faire dans cet exposé est d’isoler quelques fragments de textes relatifs à la Passion tirés des premier, sixième et huitième livres des Oracles sibyllins, de les comparer entre eux et avec les épisodes correspondants dans le Nouveau Testament, de manière à évaluer le mode de réécriture, les points de contact, les liens de dépendance éventuels et les points de divergences.

compte rendu du livre de J. L. LIGHTFOOT a été publié par A. K ACHUK dans Bryn M aw r Clas-sical R ev iew , 21 juin 2008, http:/ / bmcr.brynmawr.edu/ 2008/ 2008-06-21.html, consulté le 24 juin 2011 ; un autre compte rendu a été publié par G. L. WATLEY dans The Classical R ev iew 59 (2009), 101-103, qui vient d’achever sa thèse de doctorat consacrée aux Or sib 1-2 (Sibylline Identities : The Jew ish and Christian E ditions of Sibylline Oracles 1-2, University of Virginia, 2010). Voir aussi M. MONACA, Oracoli Sibillini (Rome, Città Nuova, 2008). Sauf indication contraire, les traductions des Oracles sibyllins sont les miennes. Le texte grec est celui de J. GEFFCK EN, D ie Oracula Sibyllina (Leipz ig, J. C. Hinrichs, 1902, réimpression Berlin 1967), amendé ici et là. Une synopse, reproduite en appendice de cet article, permettra aux lecteurs de lire en parallèle les deux récits de la Passion contenus dans les livres 1 et 8 des Oracles sibyllins.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:160 28/03/12 13:48:53

Page 3: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 161

!'&()"2697:;977"!'" !'&()"86<8=;<>?

Dans les Oracles sibyllins, le récit de la Passion proprement dit commence avec la scène de la ß agellation du Christ au cours de laquelle celui-ci reçoit sou! ets et crachats. Elle se lit en Or sib 1,365-366 et Or sib 8,287-289, alors que le récit canonique nous est rapporté en Mt 26,67 et 27,30 ; Mc 14,65 et 15,19 et Lc 22,63-65.

Or sib 1, 365-366

" # $ % & % ' () * + , - . + / 0 * # $ 1 % 2 3 4 # % # . # 5 4 # * & ' 6 % #Alors Israë l lui donnera des sou! ets et des crachats

7 3 5 # ) , (8 3 ' 9 4 / 3 # 5 + : 0 ; 6 $ < ' = , ' 3 9 % + 2 % > .empoisonnés de ses lèvres infâ mes.

Or sib 8, 287-290

' ? 0 @ 6 & 4 A 6 < ' : 5 # 0 * # $ @ 1 = 3 % A 6 B 3 % ' 5 + 6 C D ' 9 ,Il tombera plus tard aux mains de criminels et d’impies ;

(8 3 + / 3 96 (E F ' G H # 1 = 3 4 # % # < ' 5 3 $6 @ 6 - I 6 + 9 0ils donneront à Dieu des sou! ets de leurs mains sacrilèges

* # $ 3 % & 4 # 3 96 4 9 # 5 + : 0 ; 4 1 % 2 3 4 # % # . # 5 4 # * & ' 6 % # .et, de leur bouche souillée, des crachats empoisonnés.

(8 3 ' 9 (’ ' ? 0 4 - 3 % 9I # 0 @ 6 # 1 , 8 3 # 0 % & % ' 6 J % + 6 ·Ayant tendu son dos, il le livrera aux fouets.

Le récit rapporté dans le troisième évangile, où il n’est fait aucune mention des crachats lancés à la face de Jésus, est trop éloigné du texte des Oracles pour avoir servi de source à notre auteur. Nous pouvons donc le laisser de cô té. En revanche, les mots H # 1 = 3 4 # % # et ; 4 1 % 2 3 4 # % # d’Or sib 8,288-289 révèlent un contact étroit avec le récit de Mt, où nous trouvons les verbes correspondants ; 4 1 % 2 A et H # 1 = K A en Mt 26, 67 et le verbe ; 4 1 % 2 A seul en Mt 27,30. Ces mêmes

MP en marge du canon_1.indd Sec3:161 28/03/12 13:48:54

Page 4: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

162 E n marg e du canon

termes H # 1 = 3 4 # % # et ; 4 1 % 2 3 4 # % # permettent d’établir aussi un rapprochement avec le récit de Mc 14,65, où nous avons le verbe ; 4 1 % 2 A et le substantif H - 1 9 3 4 # au datif pluriel. Néanmoins, comme Mc est plus proche de Lc que de Mt et que nous avons écarté le troi-sième évangéliste, on peut conclure provisoirement que le parallèle le plus étroit est à chercher du cô té de Mt. Plusieurs autres passages des Oracles sibyllins conÞ rment du reste que cet ouvrage constitue l’évangile canonique par excellence, comme il l’est pour l’ensemble de la littérature apocalyptique chrétienne des IIe et IIIe siècles.

Dans le cas d’Or sib 1,365, le point de contact semble surtout très net avec Mt 26,67, qui se sert des verbes * + , # . = K A et ; 4 1 % 2 A , là où l’hexamètre sibyllin réunit les substantifs * + , L . + / 0 et 1 % M 3 4 # % # , forme simple d’; 4 1 % M 3 4 # % # utilisé en Or sib 8,288.

Rappelons pour mémoire que dans les évangiles canoniques les crachats sont mentionnés à deux moments ou dans deux contextes distincts. En Mt 26,67 / / Mc 14,65, ils visent Jésus devant le Sanhé-drin, tandis qu’en Mt 27,30 / / Mc 15,19, ils sont le fait de soldats romains3.

Dans les Oracles sibyllins, le contexte n’est pas clairement déÞ ni. Dans le récit d’Or sib 1,365-366 toutefois, le responsable de la ß agel-lation est explicitement désigné : il s’agit d’Israë l ( « Alors Israë l lui donnera des sou ets et des crachats / emp oisonnés de ses lè v res infâ mes ») . Cet antijudaïsme n’est pas une nouveauté dans le premier livre des Oracles sibyllins ; il apparaît déjà un peu plus tô t, aux vv. 360-361 : « E t alors Israë l, dans son iv resse, ne comp rendra p as, / et, l’esp rit eng ourdi, rien ne p arv iendra à ses faibles oreilles. » A contrario, la Sibylle qui vaticine dans le livre 8 laisse l’identité du coupable dans le vague, puisqu’elle introduit la scène en annonçant simplement que le Verbe – c’est ainsi que Jésus est désigné au v. 285 – « tombera p lus tard aux mains de criminels et d’imp ies » (v. 287). La question de savoir qui sont ces « criminels » (N 6 + 4 + 9) et ces « impies » (N 1 9 3 % + 9) n’est pas des plus faciles à trancher avec certitude. On peut néanmoins se demander si les mots N 6 + 4 + 9 et N 1 9 3 % + 9 ne désignent pas ici les Romains, plutô t que les Juifs, dans la mesure où ceux-ci ont reçu la Loi (6 & 4 + 0 ), ce

3. Dans le quatrième évangile, Jésus est également giß é à deux reprises, la première fois par un des gardes du Grand Prêtre (Jn 18,22 : H L 1 9 3 4 # ), la deuxième fois par les soldats romains au prétoire (Jn 19,3 : H # 1 O 3 4 # % # ).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:162 28/03/12 13:48:56

Page 5: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 163

qui n’est pas le cas des Romains4. Mais on peut aussi se demander si le recours à ces deux adjectifs substantivés ne vise pas à distin-guer deux catégories d’incroyants : d’une part, les Romains, privés de Loi (N 6 + 4 + 9), et, d’autre part, les Juifs jugés impies (N 1 9 3 % + 9). Ce faisant, les deux adjectifs se feraient l’écho du récit évangélique, où Juifs et Romains participent alternativement au procès de Jésus. Certes, plus tô t dans le livre 8 – dans le poème acrostiche relatant la Parousie du Christ et le jugement dernier –, ces deux mots sont employés p romiscue pour opposer simplement justes et non justes ou Þ dèles et inÞ dèles (vv. 220 : « L es mortels, Þ dè les et inÞ dè les, v erront D ieu5 »). Mais dans le livre 1, où la polémique antijuive est avérée, la Sibylle annonce, un vers plus tô t déjà, que « la furieuse colè re du Trè s-H aut s’abattra / sur les H ébreux et leur enlè v era la foi » (vv. 362-363). C’est dire qu’aux yeux de cette Sibylle, il y a e ectivement des Juifs qui sont sans foi (N 1 9 3 % + 9).

Au livre 8, la scène se prolonge par un vers qui n’a pas de parallèle dans le livre 1 : « Ayant tendu son dos, il le liv rera aux fouets » (v. 2906). Ici, la source la plus probable n’est pas à chercher dans les évangiles canoniques, mais dans le troisième chant du Serviteur sou rant d’Is 50,6 : « J ’ai tendu mon dos aux coup s de fouets et mes joues aux coup s de p oing s, et je n’ai p as soustrait mon v isag e à l’outrag e des crachats7. » Trois mots clés de ce verset biblique se retrouvent en e et dans le récit de la ß agellation rapporté dans le huitième livre des Oracles sibyllins : ce sont 4 - 3 % 9I # 0 , H # 1 = 3 4 # % # et ; 4 1 % / 3 4 - % A 6 , sauf que dans le troi-

4. T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen im Vergleich : Petrusevangelium und Sibyllinische Orakel (Buch VIII) », D as E v ang elium nach Petrus. Tex t. Kontex te, Inter-tex te (Berlin & New Y ork, Walter de Gruyter, 2007), 263-279, ici 270.

5. Ibid.6. LACTANCE (Inst. div . 4,18,15), AUGUSTIN (Cité de D ieu 18,23,2) et l’auteur de la Théo-

sop hie dite de Tü bing en (P. F. BEATRICE, Anonymi M onop hysitae Theosop hia. An Attemp t at R econstruction [Leyde, Brill, 2001] , 55,225 = H. ERBSE, Frag mente g riechischer Theosop hien [Hambourg, Hansischer Gildenverlag, 1941] , 10, 274) ont une leçon légèrement di é-rente : « E t à leurs coup s, il p résentera simp lement son dos saint. » La Théosop hie de Tü bing en est l’épitomé d’une collection de témoignages païens compilée à la Þ n du Ve ou au début du VIe siècle et qui doit beaucoup à Lactance ; pour des références bibliographiques, cf. P. F. BEATRICE et J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles… , p assim.

7. Is 50,6 LX X : « % P 6 6 J % Q 6 4 + / (R (A * # ' ? 0 4 L 3 % 9I # 0 , % S 0 (E 3 9 # I Q 6 # 0 4 + / ' ? 0 H # 1 O 3 4 # % # , % P (E 1 5 Q 3 A 1 Q 6 4 + / + T * @ 1 R 3 % 5 ' U # @ 1 P # ? 3 < M 6 V 0 ; 4 1 % / 3 4 L % A 6 . » W 4 1 % / 3 4 # est un hap ax leg omenon dans Isaïe. Ce verset biblique est aussi à l’arrière-plan de Mt 26,67 ; cf. U. LUZ , D as E v ang elium nach M atthä us : M t 26 -28 (Düsseldorf & Neukirchen-Vluyn, Benz iger & Neukirchener Verlag, 2002), 205, n. 11 (Traduction anglaise M atthew 21-28 . A Commentary [Minneapolis, Augsburg Fortress, 2005, 448, n. 11]). La prédiction par Jésus des sou rances du Fils de l’homme dans les synoptiques (Mc 10,34 et paral-lèles) est sans doute inspirée par ce verset d’Isaïe ; cf. D. J. MOO, The Old Testament in the Gosp el Passion N arrativ es (SheX eld, Almond, 1983), 88-89 et 139-144.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:163 28/03/12 13:48:56

Page 6: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

164 E n marg e du canon

sième chant du Serviteur sou rant, la ß agellation précède les souf-ß ets et les crachats. Le travail à l’œuvre dans ce passage du huitième livre des Oracles sibyllins s’apparente à celui que l’on peut déceler dans l’É p ître de Barnabé 5,14, qui cite Is 50,6-7, en omettant les v. 6b-7a : « E t il dit encore : “ V oici, j’ai tendu mon dos aux v erg es et mes joues aux sou ets. M ais mon v isag e, je l’ai tendu comme une p ierre dure” 8. »

On relèvera toutefois que, même s’ils se démarquent parfois l’un de l’autre, les deux passages parallèles des Oracles sibyllins ont en commun de qualiÞ er les crachats lancés au Christ de . # 5 4 # * & ' 6 % # , c’est-à-dire d’« empoisonnés » ou de « venimeux », ce que le texte biblique ne fait pas. En revanche, si les évangiles canoniques se contentent de dire que les crachats visent le visage de Jésus, litté-ralement « ses yeux », les Oracles sibyllins ont plutô t pour souci de préciser que ceux-ci proviennent de « lè v res infâ mes » (Or sib 1,366) ou de « bouches souillées » (Or sib 8,289). Or, même si l’adjectif n’est pas identique, l’idée de « lè v res infâ mes » en Or sib 1,366 découle très certainement d’Is 6,5, où le prophète s’accuse lui-même et le peuple auquel il appartient, c’est-à-dire Israë l, d’avoir des « lè v res imp ures » (« @ * - F # 5 % # < ' = , V W < A 6 ; 6 4 Y 3 > , # + Z @ * - F # 5 % # < ' = , V W < + 6 % + 0 »). Ce rapprochement est d’autant plus vraisemblable que les vers 360-361 déjà cités du même livre, tout comme la section suivante des vers 369-371, se présentent comme un libre développement inspiré par le même chapitre du livre d’Isaïe, où Israë l est accusé d’obstination et de stupidité (6,9-10 : « Il me dit : “ V a, et tu diras au p eup le : É coutez , écoutez , et ne comp renez p as ; reg ardez , reg ardez et ne discernez p as. Ap p e-santis le cœ ur de ce p eup le, rends-le dur d’oreille, eng lue-lui les yeux , de p eur que ses yeux ne v oient, que ses oreilles n’entendent, que son cœ ur ne comp renne, qu’il ne se conv ertisse et ne soit g uéri” 9 »). À cet égard, Or sib 8,289 est beaucoup moins explicite dans son accusation.

On a voulu voir dans ce passage des Oracles sibyllins (8,287-290) une réminiscence de l’É v ang ile de Pierre 910, mais rien n’est moins sû r.

8. É p ître de Barnabé 5,14 : « " # $ 1 L , 96 , R I ' 9 [ 7 (+ M , % R F ' 9 * L 4 + / % P 6 6 J % + 6 ' ? 0 4 L 3 % 9I # 0 , * # $ % S 0 3 9 # I Q 6 # 0 ' ? 0 H # 1 O 3 4 # % # , % P (E 1 5 Q 3 A 1 Q 6 4 + / W F V * # \ 0 3 % ' 5 ' S 6 1 R % 5 # 6 . » (traduction de P. PRIGENT [Paris, Cerf, 1971]). Voir note ad loc.

9. Is 6,9-10 LX X : « * # $ ' ] 1 ' 1 + 5 ' M F V % 9 * # $ ' ] 1 + 6 % G , # G % + / % G @ * + ^ @ * + M 3 ' % ' * # $ + T 4 _ 3 / 6 ` % ' * # $ a , R 1 + 6 % ' 0 a , R U ' % ' * # $ + T 4 ) b(V % ' [ ; 1 # < M 6 F V I S 5 c * # 5 (O# % + Z , # + Z % + M % + / , * # $ % + : 0 d 3 $6 # T % J 6 a # 5 R A 0 e * + / 3 # 6 * # $ % + f 0 g . F # , 4 + f 0 # T % J 6 ; * L 4 4 / 3 # 6 , 4 h 1 + % ' b(A 3 96 % + : 0 g . F # , 4 + : 0 * # $ % + : 0 d 3 $6 @ * + M 3 A 3 9 * # $ % ^ * # 5 (Oi 3 / 6 J 3 9 * # $ ; 1 9 3 % 5 R U A 3 9 * # $ ? L 3 + 4 # 9 # T % + M 0 . »

10. É v ang ile de Pierre 9 : « Et d’autres qui étaient présents lui crachaient à la face et d’autres lui frappèrent les joues, d’autres le piquaient avec un roseau et certains

MP en marge du canon_1.indd Sec3:164 28/03/12 13:48:56

Page 7: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 165

Une comparaison détaillée montre que les di érences l’emportent sur les ressemblances, lesquelles s’expliquent mieux par l’imagerie du Serviteur sou rant d’Is 50,6 que par une dépendance littéraire stricte entre les deux textes11.

Il est intéressant de noter que les vers 287-290 du huitième livre sont cités, à la suite d’Is 50,5-6 et du Ps 34,15-16, dans L es Institu-tions div ines de Lactance (4,18,15), au début du IVe siècle de notre ère, comme témoignages de prophéties païennes sur la Passion du Christ12. Augustin les reprendra à son tour en latin dans L a Cité de D ieu, 18,23,2, après avoir longuement présenté et discuté le célèbre acrostiche de la Sibylle. L’évêque d’Hippone avait pour but de réunir en un ensemble cohérent des vers sibyllins cités de façon éparse par Lactance, « suiv ant les besoins de son arg umentation », comme il l’explique. Or, il faut relever que les 17 vers réunis par Augustin se rapportent tous à la Passion de Jésus et proviennent presque tous du huitième livre des Oracles sibyllins, le premier livre lui étant appa-remment inconnu, de même qu’à sa source lactancienne13 : « Puis

le fouettaient en disant : “ Par cet hommage, honorons le Þ ls de Dieu.” » « " # $ j % ' 5 + 9 k 3 % J % ' 0 ; 6 R 1 % / + 6 # T % + Z % # : 0 l U ' 3 9 * # $ N , , + 9 % S 0 3 9 # I Q 6 # 0 # T % + Z ; 5 L 1 9 3 # 6 , j % ' 5 + 9 * # , L 4 > W 6 / 3 3 + 6 # T % P 6 * # $ % O6 ' 0 # T % P 6 ; 4 L 3 % 9 K + 6 , R I + 6 % ' 0 [ ‘m # M % n % ^ % 9 4 ^ % 9 4 h 3 A 4 ' 6 % P 6 / o P 6 % + Z p ' + Z .’ » À partir de M. G. MARA, É v ang ile de Pierre, introduction, tex te critique, traduction, commentaire et index (Paris, Cerf, 20062), 44-45. Pour le texte critique, voir aussi T. J. K RAUS et T. NICK LAS, D as Petrusev ang elium und die Petrusap okalyp se. D ie g riechische Frag mente mit deutscher und eng lischer Ü bersetz ung (Berlin, Leipz ig & New Y ork, Walter de Gruyter, 2004).

11. C’est également le point de vue de T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 270-271. Voir aussi L. VAGANAY , L ’év ang ile de Pierre (Paris, Gabalda, 1930), 164-165. Les conclusions de Vaganay sont reprises telles quelles par M. G. MARA, É v ang ile de Pierre… , 23 ; Ead., Il V ang elo di Pietro (Bologne, EDB, 2003), 19 ; M. ERBETTA, Gli ap ocriÞ del N uov o Testamento. V ang eli I.1 : Scritti a! ni ai v ang eli canonici – comp osiz ione g nostiche – materiale illustrativ o (Turin, Marietti, 1975), 141 ; J. DENK ER, D ie theolog ieg eschichtliche Stellung des Petrusev ang eliums. E in Beitrag z ur Geschichte des D oketismus (Berne & Francfort/ Main, Herbert Lang & Peter Lang, 1975), 19-20.

12. On les trouve également dans la Théosop hie de Tü bing en (BEATRICE, Anonymi M ono-p hysitae… , 55, 222-225 = ERBSE, Frag mente g riechischer… , 10, 271-274).

13. AUGUSTIN, L a Cité de D ieu 18,23,2 : « in manus iniquas », inquit, « inÞ delium postea ueniet ; dabunt autem deo alapas manibus incestis et inpurato ore exspuent uenenatos sputus ; dabit uero ad uerbera simpliciter sanctum dorsum. » « et colaphos accipiens tacebit, ne quis agnoscat, quod uerbum uel unde uenit, ut inferis loquatur et corona spinea coronetur. » « ad cibum autem fel et ad sitim acetum dederunt ; inhospitali-tatis hanc monstrabunt mensam. » « ipsa enim insipiens tuum deum non intellexisti, ludentem mortalium mentibus, sed et spinis coronasti et horridum fel miscuisti. » « templi uero uelum scindetur ; et medio die nox erit tenebrosa nimis in tribus horis. » « et morte morietur tribus diebus somno suscepto ; et tunc ab inferis regressus ad lucem ueniet primus resurrectionis principio reuocatis ostenso. » (Traduction parJ.-L. Dumas [Paris, Gallimard, 2000]), 792, légèrement retouchée). Cf. aussi J.-M. ROESSLI, « Augustin, les sibylles, et les Oracles sibyllins », Aug ustinus afer. Saint Aug ustin : africanité et univ ersalité. Actes du colloque international, Alger-Annaba, 1-7 avril 2001 (Fribourg, Éditions Universitaires, 2003), 263-286, ici 275-276.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:165 28/03/12 13:48:57

Page 8: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

166 E n marg e du canon

il tombera entre les mains iniques des inÞ dè les ; ils donneront à D ieu des sou ets de leurs mains souillées et ils lanceront de leurs bouches imp ures des crachats emp oisonnés; mais il o" rira av ec simp licité au fouet son dos innocent14. R ecev ant des coup s de p oing , il se taira, aÞ n que nul ne sache qu’il est le V erbe ni d’où il est v enu p our p arler aux E nfers, et il p ortera une couronne d’ép ines15. Pour nourriture ils lui ont donné du Þ el, p our boisson du v inaig re : telle est la table inhosp italiè re qu’ils lui désig nent16. Insensée ! tu n’as p as reconnu ton D ieu qui se joue de la raison des mortels, mais tu l’as couronné d’ép ines et tu lui as p rép aré une mix ture d’â p re Þ el17. L e v oile du Temp le se déchirera ; et en p lein jour il y aura p endant trois heures une nuit ténébreuse18. Il mourra et, p endant trois jours, il dormira du sommeil de la mort. E t rev enu des E nfers, il p arv iendra le p remier à la lumiè re, montrant aux rachetés les p rémices de la résurrection19. »

!'&()'86<><;<>9

Le premier livre des Oracles sibyllins passe directement de la ß agella-tion et des crachats à la nourriture et au breuvage proposés à Jésus sur la Croix (Or sib 1,367). J’y reviendrai sous peu, car cet épisode se retrouve dans le huitième livre des Oracles sibyllins, mais en un autre lieu correspondant à un autre temps fort de la Passion.

14. Or sib 8,287-290 ; LACTANCE, Inst. div . 4,18,15. La traduction reproduite par Augustin pour le vers 287 (« in iniquas manus inÞ delium ») fait écho à la leçon citée par Lactance (« @ 6 Q 4 + / 0 < ' : 5 # 0 * # $ @ 1 O 3 % A 6 »), légèrement di érente de celle des Or sib.

15. Or sib 8,292-294a ; LACTANCE, Inst. div . 4,18,17. J’ai corrigé la traduction, fautive, de la Þ n de cette phrase (v. 294a). Pour une variante signiÞ cative du témoignage de Lactance en Or sib 8,293, cf. ci-dessous n. 20. Pour une traduction du passage de Lactance, cf. n. 22.

16. Or sib 8,303-304 ; LACTANCE, Inst. div . 4,18,19.17. Or sib 6,22-24 ; LACTANCE, Inst. div . 4,18,20.18. Or sib 8,305-306 ; LACTANCE, Inst. div . 4,19,5.19. Or sib 8,312-314 ; LACTANCE, Inst. div . 4,19,10.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:166 28/03/12 13:48:57

Page 9: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 167

Or sib 1 Or sib 8, 292-293

* # $ * + , # . 9 K & 4 ' 6 + 0 3 9I q 3 ' 9 , 4 q % 9 0 ; 1 9I 6 G ,Et sou! eté, il gardera le silence, aÞ n que nul ne reconnaisse

% = 0 % =6 + 0 r 6 1 & F ' 6 s , F ' 6 , t6 # . F 9 4 Y 6 + 9 3 9 , # , q 3 ' 9 .qui il était, de qui il était issu et d’où il était venu pour parler à ceux qui sont morts.

Mais avant cela, dans le livre 8, cet épisode est précédé, aux vers 292-293, d’un intéressant développement sur l’attitude de Jésus lors de la ß agellation : « E t sou eté, il g ardera le silence, aÞ n que nul ne reconnaisse / qui il était, de qui il était issu et d’où il était v enu p our p arler à ceux qui sont morts ». Les sou! ets donnés au Christ sont notés par le même verbe * + , # . = K A que l’on trouve en Mt 26,67 et Mc 14,65 ; rien de nouveau donc, sinon que la séquence des événements est ici plus proche de celle des évangiles canoniques que dans le premier livre. Q uant au silence de Jésus, il en est question dans les quatre évangiles (Mt 26,63 ; 27,13 ; Mc 14,61 ; 15,4 ; Lc 23,9 et Jn 19,9), à deux moments successifs chez Mt et Mc, une première fois devant le Sanhédrin, la deuxième face à Pilate. Q uant à Lc et Jn, ils évoquent uniquement le refus de Jésus de répondre à Pilate. Jamais néanmoins les évangiles canoniques ne se servent du verbe 3 9I - A , qui peut s’être imposé ici pour des raisons métriques. Le texte des Oracles ne fait allusion à aucun interrogatoire précis, à la di érence des évangiles canoni-ques qui en relatent plusieurs, mais l’expression % = 0 % =6 + 0 r 6 des Oracles pourrait bien faire écho à l’interrogation sur la messianité et la Þ liation divine de Jésus, telle qu’on peut la lire en Mt 26,63, Mc 14,61 et Lc 22,67. Lactance et ceux qui dépendent de lui transmet-tent du reste pour ce vers une variante qui tend à corroborer cette interprétation : « aÞ n que nul ne reconnaisse / qu’il est le V erbe ni d’où il v enait20 ». De son cô té, l’interrogation 1 & F ' 6 s , F ' 6 , utilisée en style

20. LACTANCE (Inst. div . 4,18,17), AUGUSTIN (L a Cité de D ieu 18,23,2) et l’auteur de la Théo-sop hie dite de Tü bing en (BEATRICE, Anonymi M onop hysitae… , 55, 230 = ERBSE, Frag mente g rie-chischer… 10,280) : « qu’il est le V erbe ni d’où il v enait » (% = 0 , & I + 0 u 1 & F ' 6 s , F ' 6 ; quod uerbum uel unde uenit).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:167 28/03/12 13:48:59

Page 10: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

168 E n marg e du canon

indirect dans les Oracles, pourrait faire écho à la question de Pilate sur la royauté de Jésus en Jn 19,9 : 1 & F ' 6 ' ] 3 2 ; (« D ’où es-tu ? »).

Une certaine incertitude plane enÞ n sur les éléments auxquels rattacher la subordonnée de but qui conclut cette phrase. Doit-elle être interprétée en lien avec ces trois questions posées en style indi-rect : « … qui il était, de qui il était issu et d’où il était v enu » ? Si tel est le cas, la Sibylle veut sans doute souligner que c’est en vertu de sa Þ liation et de son identité divine que le Verbe possède la capacité de parler aux morts : « aÞ n que nul ne reconnaisse qui il était, de qui il était issu et d’où il était v enu p our p arler à ceux qui sont morts ». Mais il y a, à mon avis, une autre lecture possible, car rien n’interdit de rattacher cette deuxième subordonnée de but, introduite par t6 # , au verbe principal et de consi-dérer de ce fait que si le Verbe choisit de garder le silence et refuse de décliner son identité, c’est dans le but de parler aux morts : « il g ardera le silence, p our que nul ne reconnaisse / qui il était, de qui il était issu et d’où il était v enu, aÞ n qu’il p uisse p arler à ceux qui sont morts. » Je ne crois pas qu’il soit grammaticalement et syntaxiquement possible ni même nécessaire de trancher entre ces deux lectures, qui correspondent si bien, me semble-t-il, à l’ambiguïté et à la polysémie du style sibyllin. Q uoi qu’il en soit, cette « Þ nale » anticipe de façon magistrale le but ultime de la Passion du Verbe, qui ne consiste pas seulement à sauver les morts (v. 285), mais à parler avec eux (v. 293).

Mais la source la plus directe du silence du Verbe à ce moment-là n’est peut-être pas à chercher dans les synoptiques, mais une fois de plus chez le prophète Isaïe, qui écrit à propos du Serviteur sou rant : « M altraité, il s’humiliait, il n’ouv rait p as la bouche, comme l’ag neau qui se laisse mener à l’abattoir, comme dev ant les tondeurs une brebis muette, il n’ouv rait p as la bouche21. » Une fois encore, Lactance avait déjà fait le rapprochement22.

L’É v ang ile de Pierre connaît, lui aussi, le motif du silence de Jésus, mais il s’agit ici du silence sur la Croix, et sa signiÞ cation est donc

21. Is 53,7 LX X : « * # $ # T % P 0 (9S % P * ' * # * J 3 F # 9 + T * @ 6 + =I ' 9 % P 3 % & 4 # v \ 0 1 5 & a # % + 6 ; 1 $ 3 . # I ) 6 e < F V * # $ \ 0 @ 4 6 P 0 ; 6 # 6 % = + 6 % + Z * ' = 5 + 6 % + 0 # T % P 6 N . A 6 + 0 + B % A 0 + T * @ 6 + =I ' 9 % P 3 % & 4 # # T % + Z . »

22. LACTANCE, Inst. div . 4,18,16-17 : « Il en va de même pour son silence, qu’il a gardé avec constance jusqu’à sa mort. Isaïe, encore lui, a dit : “ Comme un mouton il a été emmené pour être immolé, et comme un agneau sans voix devant ceux qui le tondent, il n’a pas ouvert la bouche.” (Is 53, 7) Et la Sibylle citée plus haut : “ Frappé de coups, il se taira, pour que nul ne reconnaisse qu’il est le Verbe, ni d’où il venait, aÞ n qu’il parle aux morts, et il portera une couronne d’épines” (Or sib 8, 292-294a). » (Traduction de P. MONAT, [Paris, Cerf, 1992]).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:168 28/03/12 13:48:59

Page 11: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 169

toute autre que dans les Oracles sibyllins, d’autant que l’apocryphe pétrinien prend soin d’ajouter : « E t lui se taisait comme s’il n’ép rou-v ait aucune sou" rance » (v. 10)23. Indépendamment de savoir s’il faut reconnaître une pointe de docétisme dans cette formule24, ce qui est certain, c’est que la raison du silence de Jésus-Seigneur (« * 2 5 9 + 0 ») n’est pas de taire ou de dissimuler un secret ou une révélation, mais de ne pas laisser entrevoir les sou rances endurées.

Dans le huitième livre des Oracles sibyllins, le silence du Verbe a une fonction toute di érente : son rô le est au contraire de dissi-muler, au moins pour un temps, la signiÞ cation de cette sou rance pour l’histoire du salut. En e et, Jésus, qui était présenté un peu plus tô t comme Verbe créateur de toutes choses et rédempteur des morts (vv. 285-286), est amené à devenir celui qui parle aux morts (v. 293). Le contraste entre le silence de Jésus face aux vivants lors de sa Passion et sa disponibilité à parler aux morts, une fois qu’il aura lui-même trépassé, est pour le moins saisissant. Tout se passe comme si le Verbe voulait en quelque sorte réserver sa parole à ceux qui l’ont perdue. Ce contraste révèle en outre une structure rhéto-rique fort intéressante : au début de la création se tient le Verbe (v. 285), à la Þ n des temps, c’est-à-dire lors du Jugement, son dialogue avec les morts, et, dans l’intervalle, le silence du Verbe, qui ne doit pas être reconnu ou identiÞ é comme tel par les vivants, comme le souligne du reste avec insistance la variante déjà citée transmise par Lactance et ses successeurs : « aÞ n que nul ne reconnaisse / qu’il est le V erbe ni d’où il v enait. » Nulle part ailleurs à ma connaissance, même dans les évangiles canoniques, la Passion n’occupe une position si stratégique entre création et eschatologie25.

!'&()'86<>@;<>8"!'"269=9;9=@*

Le huitième livre des Oracles sibyllins poursuit sa narration en évoquant le couronnement d’épines et la perforation des ß ancs de Jésus (vv. 294-296). Ce faisant, la Sibylle combine deux épisodes séparés du NT : la raillerie de Jésus avec une couronne d’épines et un roseau avant la

23. Cf. M. G. MARA, É v ang ile de Pierre… , 106-111.24. Sur ce sujet, voir par exemple J. W. MCCANT, « The Gospel of Peter : Docetism

Reconsidered », N TS 30 (1984) 258-273 ; P. M. HEAD, « On the Christology of the Gospel of Peter », V ig Chr 46 (1992), 209-224.

25. Comme T. NICK LAS l’avait déjà relevé (« Apokryphe Passionstraditionen… », 272).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:169 28/03/12 13:48:59

Page 12: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

170 E n marg e du canon

cruciÞ xion, que l’on trouve en Mt 27,29 et Mc 15,17, et le coup de lance porté au ß anc de Jésus lorsqu’il est en croix, tel que relaté en Jn 19,3426. Le vocabulaire utilisé par la Sibylle ne laisse planer aucun doute là-dessus : l’expression 3 % Y . # 6 + 6 @ * - 6 F 96 + 6 est empruntée à Mt et Mc, tandis que 1 , ' / 5 S 0 6 2 D + / 3 96 (« ils p erceront ses ß ancs ») est calquée sur la formule johannique % ) 6 1 , ' / 5 S 6 W 6 / D ' 6 (« il lui p erç a le cô té ») , sauf que Or sib 8,296 utilise le pluriel là où Jean et Or sib 1,373 s’en tiennent au singulier. Q uant à la lance (, & I < V ) de Jean, elle est remplacée ici par le roseau (* - , # 4 + 0 ) de Mc et Mt. Par le choix du verbe 6 2 3 3 A (« p iquer », « p ercer », « p erforer ») , la Sibylle vise sans doute à signaler en outre l’accomplissement de la prophétie de Z a 12, 10b (« Celui qu’ils ont transp ercé, ils se lamenteront sur lui comme on se lamente sur un Þ ls unique ; ils le p leureront comme on p leure un p remier-né27 ») .

Pour éclairer ce midrash théologique, qui emprunte à la fois aux évangiles canoniques et aux prophètes, la Sibylle du huitième livre propose en outre deux exégèses fort originales, la première à propos de la couronne d’épines et la seconde des roseaux.

Dans la première, elle explique, de façon assez surprenante, que grâ ce à ses épines la couronne devient « la p arure éternelle des élus » (vv. 295-296)28. Ce faisant, elle s’éloigne du texte biblique (et de l’É v ang ile de Pierre 8, très proche des évangiles canoniques à cet égard), qui fait de la couronne d’épines l’emblème d’un roi déchu et raillé (Sp ottkö nig ), pour la transformer en une parure (N I # , 4 # ) éternelle, symbole d’élection par excellence. Par cette exégèse, à laquelle Lactance pourrait fait allusion dans ses Institutions div ines 4,26,2129, la Sibylle souligne une nouvelle fois le lien étroit entre Passion et salut eschatologique.

La deuxième exégèse porte sur la signiÞ cation des roseaux, mais malheureusement le texte en est très incertain et énigmatique : « Car

26. Et dans une variante bien attestée de Mt 27,49 : « N , , + 0 (E , # a w 6 , & I < V 6 W 6 / D ' 6 # T % + Z % ) 6 1 , ' / 5 - 6 , * # $ ; D ` , F ' 6 B (A 5 * # $ # x 4 # . »

27. Z a 12,10b LX X : « @ 6 F ’ y 6 * # % A 5 < q 3 # 6 % + * # $ * & U + 6 % # 9 ; 1 ’ # T % P 6 * + 1 ' % P 6 \ 0 ; 1 ’ @ I # 1 V % P 6 * # $ g (/ 6 V F q 3 + 6 % # 9 g (2 6 V 6 \ 0 ; 1 $ 1 5 A % + % & * > . » Comme l’a bien vu NICK LAS (« Apokryphe Passionstraditionen… », 273, n. 48), ce texte prophétique était large-ment di usé dans la littérature paléochrétienne : É p ître de Barnabé 7,8-9 ; Protév ang ile de Jacques 24,3 ; JUSTIN, D ialog ue av ec Tryp hon 32,2 ; Ap olog ie 52,11 ; IRÉNÉE DE LY ON, Contre les hérésies 4,33,11, etc.

28. La Théosop hie de Tü bing en transmet la même leçon que les familles de manuscrits z et { de la collection des Oracula Sibyllina : % P 3 % Y . + 0 ; * , ' * % J 6 | I = A 6 # ? 8 6 9 + 6 C D ' 9 ( « Car c’est des ép ines que v iendra la couronne éternelle des saints élus ») .

29. LACTANCE, Inst. div . 4,26,21 : « Car la couronne d’épines placée sur sa tête montrait qu’il rassemblerait plus tard autour de lui un peuple divin constitué à partir de crimi-

MP en marge du canon_1.indd Sec3:170 28/03/12 13:49:01

Page 13: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 171

c’est des roseaux secoués par un autre vent / que les inclinations de l’âme se sont détournées de la colère et du châtiment » (vv. 297-298)30. On peut sans doute reconnaître dans ces vers assez obscurs une allusion à Jean-Baptiste, à propos duquel Jésus demande : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau ( !"#$%&) secoué ('#"()*$(&%&) par le vent (+,- .&/$%)) » ? (Mt 11,7 et Lc 7,24), ainsi qu’une réminiscence de la prédication de celui-ci, telle que rapportée en Mt et Lc 3,7 : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la colère prochaine » ? Le lien avec la Passion n’est pas facile à percevoir, mais peut-être faut-il comprendre que le roseau avec lequel Jésus était frappé vise à rappeler allégoriquement la proximité du Jugement, auquel Jean-Baptiste exhortait les âmes à se préparer31. Dans ce cas, la Sibylle du livre 8 viserait à relier la passion du Verbe et le Jugement dernier,

nels, car on appelle couronne le peuple qui se rassemble en cercle. » (« Nam corona spinea capiti eius imposita id declarabat fore ut diuinam sibi plebem de nocentibus congregaret. Corona enim dicitur circumstans in orbem populus. » Traduction de P. MONAT (Paris, Cerf, 1992.) Voir aussi CLÉMENT D’ALEXANDRIE, Pédagogue 2,8,74,1-3 : « C’est pourquoi, celui en qui ils n’ont pas cru lorsqu’il était un homme, le Dieu qui aime les hommes, ils le reconnaîtront comme Seigneur et juste ; le témoignage qu’ils se sont refusé obstinément à rendre au Seigneur, ils le lui ont rendu quand il était élevé (sur la croix), en couronnant du diadème de la justice, avec des épines qui sont toujours vertes, celui qui a été élevé au-dessus de tout nom. Ce diadème est ennemi de ceux qui conspi-rent (contre le Seigneur) et il les repousse, il est ami de ceux qui entrent dans l’assem-blée de l’Église, et il les met à l’abri ; cette couronne est la ß eur de ceux qui ont cru à celui qui a été gloriÞ é ; elle ensanglante et punit ceux qui n’ont pas cru. » Ce midrash théologique (Or sib 8,295-296) prépare l’exégèse contenue dans le vers 302 du même livre des Oracles sibyllins, auquel LACTANCE fera clairement allusion un peu plus loin dans le même chapitre du quatrième livre des Institutions divines (4,26,36) ; cf. ci-dessous la discussion sur Or sib 8,302.

30. Comparer avec la traduction de E. MASSAUX, Inß uence de l’évangile selon saint Matthieu sur la littérature chrétienne avant Irénée (Louvain, Publications Universitaires, 1950), 235 : « Car par un autre des roseaux qui vacillaient au vent, l’âme a été amenée au jugement de la colère et de la rétribution. » La plupart des spécialistes ont renoncé à traduire ces vers, jugés corrompus ; voir toutefois M. S. TERRY, The Sibylline Oracles Translated from the Greek into English Blank Verse (New York & Cincinnati, Eaton & Mains/Curt & Jennings, 1899, réimprimé à New York en 1973), 189 : « For from the reeds by another spirit moved / Was he brought up for judgments of the soul, / And wrath and recompense » ou M. MONACA, Oracoli Sibillini, 176 : « Dalle canne agitate dal vento, poi, un altro si alimentò / guardando al giudizio della passione dell’anima e alla redenzione », qui adopte, comme M. S. TERRY, The Sibylline Oracles... 60 : « For of thorns is the crown an ornament / Elect, eternal », la leçon de 0 (« 123!45 ») plutôt que celle de 6 (« 1'23!45 »).

31. Il est question de Jean Baptiste en Or sib 1,336-343, mais nulle part ailleurs dans le livre 8, si bien que O. WASSMUTH, Sibyllinische Orakel 1-2…, 79, considère que le livre 8 des Oracles sibyllins, avec sa christologie hautement sophistiquée, n’était plus inté-ressé à la Þ gure de Jean-Baptiste. Sur Mt 11,7, voir HILAIRE DE POITIERS, Sur Matthieu, 11,4 (traduit par J. DOIGNON, [Paris, Cerf, 1979], 256-257) et AMBROISE DE MILAN, Traité sur l’évan-gile de S. Luc, 5:104-106 (traduit par G. TISSOT, [Paris, Cerf, 1956], 221-222), où le roseau devient la chair même du Christ. Je remercie Agnès Bastit d’avoir porté ces textes à ma connaissance.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:171 28/03/12 13:49:01

Page 14: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

172 En marge du canon

comme Tobias Nicklas incline à le penser en raison de la place du récit de la Passion après l’acrostiche du livre 8 (vv. 217-250)32.

La combinaison du verbe &7 ''8 et du substantif !"#$%9 se retrouve dans l’É vangile de Pierre 9, qui fait également du coup de roseau un geste de raillerie précédant la cruciÞ xion, comme en Or sib 8,296, sans préciser toutefois que ce coup vise le ß anc de Jésus. Même chose du reste dans la section gnostique et docétique des A ctes de Jean 97 ( « … je suis cruciÞ é, je suis piqué par des lances et des roseaux, je suis abreuvé de vinaigre et de Þ el33... ») , dont la rédaction est à situer en Syrie au IIe siècle de notre ère, et dans l’Oracle de Baalbek, lignes 74-75 ( « ils lui perceront le ß anc avec un roseau et ne lui feront aucun mal34 ») , une version révisée au début du VIe siècle (vers 502) d’un oracle aujourd’hui perdu du IVe siècle, sauf que, dans ces textes, ce coup est asséné lors de la cruciÞ xion elle-même, comme dans le premier livre des Oracles sibyllins35. Aucun lien de dépendance directe ne semble

32. T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », mais voir aussi ci-dessous n. 36.33. Traduction de J.-D. K AESTLI et É. JUNOD. Sur ce sujet, voir A cta Iohannis. Textus alii,

commentarius, indices (Turnhout, Brepols, 1983), 581-677 ; Id., « Les Actes de Jean », É crits apocryphes chrétiens, t. 1 (Paris, Gallimard, 1997) 973-1037, ici 979-981. Notons que les A ctes de Jean combinent le pluriel de Jn 19,34 ("*: ; 5, « lance ») avec le pluriel de Mt 11,7 et 27,29 ( !"#$%9 , « roseau »). Sur Mt 27,29, voir aussi HILAIRE DE POITIERS, Sur Matthieu, 33:3 (traduit par J. DOIGNON [Paris, Cerf, 1979]), 250, et AMBROISE DE MILAN, Traité sur l’évan-gile de S. Luc, 10:105-106 (traduit par G. TISSOT [Paris, Cerf, 1958]), 189-190, où le roseau représente l’humanité du Christ. Je remercie Agnès Bastit d’avoir porté ces textes à ma connaissance.

34. P. J. ALEXANDER, The Oracle of Baalbek. The Tiburtine Sibyl in Greek D ress (Washington, Dumbarton Oaks Center for Byzantine Studies, 1967), 13 : « #< #"!$= &7 > %)'?& #@ 2%A 2B & ,"()3C & #< %@ DE & .D? F '%)'?& #@ 2-&. » Contrairement à ce que l’on pour-rait croire, l’Oracle de Baalbek n’est pas la version originale de la Sibylle de Tibur latine, connue depuis longtemps, mais une version ampliÞ ée au début du VIe siècle de l’original grec qui est à l’origine de celle-ci et qui date du IVe siècle. Des prophéties de la Sibylle de Tibur, il existe aussi des versions en arabe et en éthiopien. À ce sujet, voir J. SCHLEIFER, « Die Erzä hlung der Sibylle : Ein Apokryph. Nach den karschunischen, arabischen und ä thiopischen Handschriften zu London, Oxford, Paris und Rom », D enkschriften der K aiserlichen A kademie der W issenschaften. Philosophisch-historische C lasse 53 (1910), 1-80 ; R. Y. EBIED et M. J. L. YOUNG, « A Newly-Discovered version of the Arabic Sibylline Prophecy », Oriens C hristianus 60 (1976), 83-94 ; Id., « An Unrecorded Arabic Version of a Sibylline Prophecy », Orientalia C hristiana Periodica 43 (1977), 279-307, de même que des traductions en ancien français faites sur le latin ; sur ce sujet, cf. J. HAFFEN, C ontribution à l’étude de la Sibylle médiévale. É tude et édition du MS. B.N ., F . F R . 25 4 0 7 fol. 16 0 v-17 2v : Le livre de Sibille (Paris, Belles Lettres, 1984) ; J. BAROIN et J. HAFFEN, La Prophétie de la Sibylle Tiburtine. É dition des MSS B.N . F R . 3 7 5 et R ennes B.M. F R . 5 9 3 (Paris, Belles Lettres, 1987). Cf. aussi, plus récemment, N. BROCCA, « La tradizione della Sibilla Tiburtina e l’acrostico della Sibilla Eritrea tra Oriente ed Occidente, Tardantichità e Medioevo. Una “ collezione” profe-tica ? », L’A ntiquité tardive dans les collections médiévales. Textes et représentations VIe-X VIe siècles (Rome, École française de Rome, 2008), 225-260 (compte rendu par P. BLAUDEAU, R evue historique 654 [2010], 446-450). Notons en outre que dans l’Oracle de Baalbek seul un des ß ancs de Jésus est percé, alors que les A ctes de Jean restent muets sur ce point.

35. Les deux textes sont mentionnés par J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 437.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:172 28/03/12 13:49:01

Page 15: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 173

néanmoins pouvoir être établi entre l’É vangile de Pierre, les A ctes de Jean et les Oracles sibyllins. En revanche, il est à peu près certain que l’Oracle de Baalbek s’inspire des Oracles sibyllins sur ce point.

Or sib 1, 372-374a

.""’ G 2#& 1 ,(2!'H ; (I3#9 #< ,!&2# $(23F 'HMais lorsqu’il aura étendu les mains et pris la mesure de toutes choses,

#< '2/4#&%& 4%3/'H 2-& . !&J ?&%& K D/ 2( ,"()3!&(et) qu’il aura porté la couronne d’épines et qu’on lui aura percé

&7 > 8 '?& #"!$%?'? &*$%) ; !3?&, 1& 23?'<& L 3#?9le ß anc avec des roseaux, selon la loi, durant trois heures

Or sib 8, [302] 294-298

[1 ,(2!'(? ; (I3#9 #< *'$%& M ,#&2# $(23F '(? .Il étendra les mains et prendra la mesure du monde entier.]

#< '2/4#&%& 4%3/'(? 2-& . !&J ?&%&N 1 : C 3 . #&J O &Et il portera une couronne d’épines, car c’est en raison des épines

2- '2/4%9 1 "( 2O & #PQ &?*& 1'2?& R : #"$#.que la couronne est la parure éter-nelle des élus.

,"()3C 9 &7 > %)'?& #"!$= D?C 2-& &*$%& #@ 2O &NIls perceront ses ß ancs avec un roseau à cause de leur loi.

1 #"!$8 & : C 3 '(?%$/&8 & +,- ,&(7 $#2%9 R ""%)Car c’est des roseaux secoués par un autre vent

,3%' "S$#2# T ); U 9 1'23!45 V 3: U 9 #< .$%?W U 9 .que les inclinations de l’âme se sont détournées de la colère et du chan-gement.

Le premier livre des Oracles sibyllins connaît, lui aussi, la scène du couronnement d’épines et de la perforation du ß anc de Jésus, mais il la situe au moment de la cruciÞ xion et ne l’accompagne pas de l’exé-

MP en marge du canon_1.indd Sec3:173 28/03/12 13:49:02

Page 16: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

174 En marge du canon

gèse que l’on trouve dans le livre 8, laquelle n’a donc aucun parallèle ailleurs dans les Oracles sibyllins.

Voici comment les choses sont mises en scène dans le premier livre. Après une violente accusation portée contre Israë l et son peuple (vv. 369b-371), la Sibylle en vient à évoquer la cruciÞ xion même de Jésus. Elle le fait en termes tout à fait extraordinaires, car, isolée de son contexte, la formule utilisée pourrait être simplement comprise comme une expression de la seigneurerie de Jésus ou de Dieu sur l’univers, alors qu’il s’agit d’une allusion à peine voilée à la cruci-Þ xion de Jésus : « Mais lorsqu’il aura étendu les mains et pris la mesure de toutes choses / qu’il aura porté la couronne d’épines... » (vv. 372-373). Cette même idée se retrouve au huitième livre des Oracles sibyllins, mais elle intervient plus tard, après le couronnement d’épines, et elle forme syntaxiquement une proposition indépendante qui, elle, plus encore que celle du premier livre, pourrait avoir, si on la sortait de son contexte, une signiÞ cation toute diX érente : « Il étendra les mains et prendra la mesure du monde entier » (v. 30236).

Dans les deux cas, le cadre narratif impose, bien entendu, d’y reconnaître une évocation, en même temps qu’une exégèse, de la cruciÞ xion, mais par cette lecture éminemment positive de la cruci-Þ xion, la Sibylle renforce encore le lien entre Passion et rédemp-tion, comme le suggère du reste Lactance, lorsqu’il cite en latin ce vers de la Sibylle dans le quatrième livre de ses Institutions divines (4,26,3637) : « A insi, dans sa passion, il a étendu les mains et mesuré le monde, pour montrer dès cet instant que, du levant jusqu’au couchant, un grand peuple rassemblé, de toutes les langues et de toutes tribus, viendrait sous ses ailes et prendrait sur son front ce très grand et sublime signe38. »

36. C. ALEXANDRE, Oracula Sibyllina (Paris, F. Didot, 1841), 281, note à 302 ; Id., Oracula Sibyllina (Paris, F. Didot, 1869), 237, note à 302sqq. proposait de déplacer ce vers après le vers 298 (alors qu’il Þ gure ordinairement après le vers 301). Il faut dire que dans la plupart des manuscrits des Oracles sibyllins l’ordre des vers de ce livre est assez chao-tique. C’est la raison pour laquelle je n’accorderais personnellement pas autant de poids que Nicklas (« Apokryphe Passionstraditionen… ») au contexte littéraire – large et étroit – dans lequel s’insère le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins (voir ci-dessus). Personne n’a suivi Alexandre sur ce point. Selon moi, ce vers est parfaite-ment à sa place après l’annonce de l’abolition de la Loi par Jésus (vv. 299-301) ; voir ci-dessous.

37. LACTANCE, Inst. div. 4,26,36 : « Extendit ergo in passione manus suas orbemque dimensus est, ut iam tunc ostenderet ab ortu solis usque ad occasum magnum populum ex omnibus linguis et tribubus congregatum sub alas suas esse uenturum signumque illud maximum atque sublime frontibus suis suscepturum. » (Traduction de P. MONAT, [Paris, Cerf, 1992]).

38. Cf. Ap 7,1-4 ; 14,1. Cf. Or sib 8,302.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:174 28/03/12 13:49:02

Page 17: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 175

Plusieurs autres textes de la tradition patristique et apocryphe conÞ rment cette exégèse de la cruciÞ xion, dans laquelle le CruciÞ é prend le monde entier sous sa protection39.

!"#$%" !"##$%&'()*('!%%"

Mais avant cette évocation de la cruciÞ xion (v. 302), la Sibylle du huitième livre annonce l’abrogation de la Loi par Jésus (vv. 299-301) : « Mais lorsque sera accompli tout ce que j’ai prédit, / alors, pour lui, toute la loi, qui, à l’origine, fut donnée aux hommes / sous forme de décrets à cause d’un peuple indocile, sera abolie. » Ces lignes ont un accent paulinien très marqué, en particulier le Paul de l’É pître aux Galates et, secon-dairement, de la Lettre aux R omains. La même idée se retrouve, plus explicite et polémique encore, dans l’Oracle de Baalbek, lignes 41-42, où il est précisé que c’est la loi des Hébreux que Jésus détruira avant d’imposer sa propre loi : « Il abolira la loi des H ébreux et établira sa propre loi, et sa loi régnera40 », alors que dans le livre 8 la référence à la loi juive n’est faite que de façon détournée, par l’allusion au « peuple indocile » (« D?C "#-& .,(?J U 41 »). Paul J. Alexander, l’éditeur de

39. IRÉNÉE DE LYON, C ontre les hérésies 5, Frg. gr. 16,10ss. : « …rassemblant par l’extension de ses mains les deux peuples vers un seul Dieu… » [= 5,17,4 (inspiré d’Eph 3,18) : « Car, puisque nous l’avions perdu par le bois, c’est par le bois qu’il est redevenu visible pour tous, montrant en lui-même la hauteur, la longueur et la largeur, et, comme l’a dit un des anciens, rassemblant par l’extension de ses mains les deux peuples vers un seul Dieu. Il y avait en eX et deux mains, parce qu’il y avait deux peuples dispersés aux extrémités de la terre ; mais au centre il n’y avait qu’une seule tête, parce qu’“ il n’y a qu’un seul Dieu, qui est au-dessus de toutes choses, à travers toutes choses et en nous tous.” » (traduit par A. ROUSSEAU, L. DOUTRELEAU et C. MERCIER [Paris, Cerf, 1969]) ; HIPPOLYTE, L’A ntéchrist 61. Voir aussi LACTANCE, Inst. div. 4,26,21, cité ci-dessus n. 29 à propos de Or sib 8,295-296. Voir aussi les Odes de Salomon 27,2-3 (M. LATTK E, Oden Salomos. Text, Ü bersetz ung, K ommentar. Teil 2. Oden 15–28 (Fribourg & Gö ttingen, Universitä tsverlag/Vandenhoeck & Ruprecht, 2001), 253-256 ; Odes de Solomon 42,1–2 (Id., Oden Salomos. Text, Ü bersetzung, K ommentar. Teil 3. Oden 29–42 (Fribourg & Gö ttingen, Universitä tsverlag/Vandenhoeck & Ruprecht, 2005), 249-252 ; Traduction anglaise : The Odes of Solomon : A C ommentary (Minneapolis, Fortress Press, 2009) ; Or sib 5,257 et 8,251 (à propos de Moïse).

40. P. J. ALEXANDER, The Oracle of Baalbek… , 12 : « "7 '(? 2-& &*$%& 2O & Y W 3#S8 & #< ZD?%& &*$%& '2F '(? , #< W #'?"(7 '(? [ &*$%9 #@ 2%A . »

41. Ici, je ne suivrai pas T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 273, n. 47, pour qui il est di\ cile de savoir à quoi se réfère « chaque loi » ou « toute la loi » et, qu’en raison de l’allusion à « un peuple indocile », il peut di\ cilement s’agir de la loi juive. Cette expression se retrouve en Or sib 1,204 ; 3,668 ; et 6,11 (après émendation), où elle se rapporte manifestement au peuple juif. Mais par-dessus tout, il ne peut être ici ques-tion d’autre chose que de la loi des Hébreux, comme le conÞ rme l’Oracle de Baalbek. C’est aussi le point de vue de J. H. CHARLESWORTH, « Jewish and Christian Self-DeÞ ni-tion in the Christian Additions to the Apocryphal Writings », Jew ish and C hristian Self-D eÞ nition (Londres, SCM Press, 1980), vol. II, 27-55 et 310-315, ici p. 53. Cf. néanmoinsT. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 275, où il identiÞ e clairement la « loi »

MP en marge du canon_1.indd Sec3:175 28/03/12 13:49:03

Page 18: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

176 En marge du canon

l’Oracle de Baalbek, a rapproché cette prophétie de la Sibylle annon-çant l’abrogation de la Loi juive par Jésus de la doctrine marcionite de l’opposition radicale entre la Loi et l’évangile42. On sait que dans ses A ntithèses Marcion avait supprimé le verset de Mt 5,17, dans lequel Jésus a\ rme ne pas être venu pour abroger la Loi ou les Prophètes mais pour l’accomplir, et qu’il avait en revanche inséré dans sa version de l’évangile de Luc (23,2) une charge contre les Juifs déclarant devant Pilate que Jésus « abrogerait la Loi et les Prophètes43 ». Des marcionites ultérieurs iront même jusqu’à faire dire à Jésus le contraire de ce qu’il est censé dire en Mt 5,17 : « Vous croyez qu’il est venu pour accomplir la Loi ou les Prophètes ; il est venu pour abroger, non pour accomplir44. »

Or sib 1,332

#@ 2-9 ,"53Q '(? DE J (%A &*$%&, %@ #2#"7 '(? .Il accomplira la loi de Dieu, ne l’abro-gera pas.

Or sib 8, 299-301

.""’ G 2( 2#A 2! : ( ,!&2# 2("(?8 J ] M ,(3 (^,%&,Mais lorsque sera accompli tout ce que j’ai prédit,

(P9 #@ 2-& 2*2( ,_ 9 "7 (2#? &*$%9 , G '2?9 .,’ .3; U 9alors, pour lui, toute la loi, qui, à l’origine, fut donnée aux hommes

D*: $#'?& .&J 3Q ,%?9 1D*J 5 D?C "#-& .,(?J U .sous forme de décrets à cause d’un peuple indocile, sera abolie.

de Or sib 8,307 avec la Torah. Curieusement, Nicklas ne semble pas relier Or sib 8,307-309 à Or sib 8,299-301.

42. P. J. ALEXANDER, The Oracle of Baalbek… , 72.43. Ibid., n. 27.44. Ibid., 72. Alexander cite ISIDORE DE PÉLUSE, Lettres. I, 371 et renvoie bien sû r à A. VON

HARNACK , Marcion : D as Evangelium vom F remden Gott (Leipzig, J. C. Hinrichs, 19242), 80 et 261 ; 173 et 235 ; et 369 et suiv. (= Marcion, l’évangile du D ieu étranger. C ontribution à l’his-toire de la fondation de l’É glise catholique, traduit par B. LAURET, contributions de B. LAURET, G. MONNOT et É. POULAT. Essai de M. TARDIEU, « Marcion depuis Harnack », [Paris, Cerf, 2003]). Cf. aussi T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 278.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:176 28/03/12 13:49:04

Page 19: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 177

L’exégèse du livre 8 contraste avec l’a\ rmation du premier livre des Oracles sibyllins (v. 332) : « Il accomplira la Loi de D ieu, ne l’abro-gera pas », qui, elle, est conforme à Mt 5,17 : « N ’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir45 », sauf que la Sibylle spéciÞ e qu’il s’agit de la « Loi de D ieu46 », omet les prophètes et fait intervenir cette prophétie au tout début de la section sur Jésus dans le livre 1. La Sibylle Tiburtine, comme les versions en ancien français, diront à peu près la même chose : « Il accomplira la Loi des H ébreux. Il y ajoutera en même temps ses propres préceptes47 », avec substitution de la « Loi de D ieu » par la « Loi des H ébreux » et l’idée que Jésus y ajoutera des éléments personnels.

!"#$%"'!%+,$%+ -()*( !%&%$%&.

Revenons maintenant à la scène du breuvage oX ert à Jésus – que nous avons ci-dessus laissé de côté – et tentons de voir comment nos

45. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 427, qui renvoie à D. A. HAGNER, Matthew 1-13 (Dallas, TX, Word Books, 1993), 105-106, pour la signiÞ cation du verbe ,"53O '#? . La même explication peut être lue dans une note à Mt 5,17 de la traduction œ cuménique du Nouveau Testament en français (TOB), (Paris, Cerf, 19893) : « Le verbe grec !"#$ peut signiÞ er réaliser (par ex. une prophétie : 1,22) , ou remplir (un Þ let : 13 ,4 8 , une mesure : 23 ,3 2) . Le contexte du sermon sur la montagne invite à lire ici le second sens. Jésus ne se propose pas simple-ment d’accomplir la prophétie, il veut la mener à sa perfection, et ainsi donner son vrai sens au code de vie religieuse qu’était alors devenue la loi ; il lui fait ainsi atteindre sa perfection radicale et recouvrer sa simplicité originelle ( cf. 5 ,20 ) . » Pour Jésus et la Loi, Lightfoot renvoie aussi à R. S. MCCONNELL, Law and Prophecy in Matthew ’s Gospel : The A uthority and Use of the Old Testament in the Gospel of St. Matthew (Bâle, Friedrich Reinhardt, 1969), 6-100.

46. Comme en Or sib 3,256.276.284.580.600.686.719.757.768 ; 7,128 et 11,37 ; sur ce sujet, voir R. BUITENWERF, Book III of the Sibylline Oracles and its Social Setting, W ith an Intro-duction, Translation, and C ommentary (Leyde-Boston, Brill, 2003), 339-342.

47. E. SACK UR, Sibyllinische Texte und Untersuchungen. Pseudo-Methodius, A dso und die tiburtinische Sibylle (Halle, Max Niemeyer, 1898, réimpression Turin, Bottega d’Erasmo, 1963), 179, ligne 28. Pour une traduction française de ce texte, cf. R. BASSET, Les apocry-phes éthiopiens. X. La sagesse de Sibylle, (Paris, Librairie de l’Art Indépendant, 1900). Dans les manuscrits édités par J. HAFFEN (C ontribution à l’étude…), on lit, 116 : “ La Lei aemplira / E la soie ajoindra” (vv. 249-250) et par J. BAROUIN et J. HAFFEN (La Prophétie… ), 89 : “ e aemplira le loy des Hebrius et ajoustera ses propres choses a une chose” (27c, ll. 91-92). Selon le résumé de deux autres versions françaises du Moyen  ge, M. LE MERRER, « Des sibylles à la sapience dans la tradition médiévale », (Mélanges de l’É cole franç aise de R ome. Moyen  ge 98 (1986), 13-33, ici 24 : « Il déposera la loi judaïque et suscitera une nouvelle loi », et P. VERDIER, « La naissance à Rome de la vision de l’Ara Coeli. Un aspect de l’utopie de la paix perpétuelle à travers un thème iconographique », Mélanges de l’É cole franç aise de R ome. Moyen  ge 94 (1982), 85-119, ici 94 : « Il remplacera l’ancienne loi par la loi nouvelle », il n’est pas impossible que certaines traductions médiévales de la Sibylle Tiburtine aient conservé le souvenir des doutes ou controverses entourant l’attitude de Jésus face à la Loi.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:177 28/03/12 13:49:04

Page 20: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

178 En marge du canon

deux livres sibyllins (Or sib 1,367-368a et à Or sib 8,303-304) relatent ce nouvel épisode de la Passion en regard des évangiles canoniques.

Or sib 1, 367[-371]

(P9 DE 2- W 3O $# ; %"B & #< (P9 ,%2-& ` > %9 R 3#2%&En guise de nourriture, ils lui donne-ront, en toute impiété, du Þ el et,

D)''(W /8 9 DQ '%)'? # a W (W %"5-$/&%? %Z'23=pour boisson, du pur vinaigre, ayant la poitrine et le cœ ur

'2F J (# #< 3#DS5&, .2C 3 ` $$#'?& %@ 1'%3O &2(9piqué d’une méchante rage, ne voyant pas avec les yeux,

2)4"*2(3%? ',#"! 8 &, 4%W (3Q 2(3%? 13,)'2F 38 &plus aveugles que des taupes, plus repoussants que des reptiles

J 53O & P%W *"8 &, W #3/? ,(,(D5$/&%? b ,&= .sauvages et venimeux, prisonniers d’un sommeil accablant.

Or sib 8, 303-304

(P9 DE 2- W 3O $# ; %"B & #< ,?(I& ` > %9 c D8 #&NEn guise de nourriture, ils lui ont donné du Þ el et pour boisson du vinaigre.

2U 9 .4?"%> (&S59 2#7 25& D(S> %)'? 23!,(> #&.Ils exhiberont cette table inhospita-lière.

Chacun d’eux raconte comment Jésus « a été abreuvé au C alvaire » (Mt 27,34.48 ; Mc 15,36a ; Lc 23,36 et Jn 19,29) et chacun d’eux mentionne le vinaigre, mais seul Mt 27,34 parle également de Þ el, ; %"F , sans dire toutefois que celui-ci a été donné « en guise de nourri-ture » et sans l’associer au vinaigre, puisque, selon le récit matthéen, il est mélangé à du vin. En fait, le parallèle le plus parlant pour ces vers de la Sibylle nous est fourni par le Psaume 68,22 LXX : « En guise de nourriture, ils m’ont donné du Þ el et pour étancher ma soif ils m’ont fait

MP en marge du canon_1.indd Sec3:178 28/03/12 13:49:06

Page 21: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 179

boire du vinaigre48 », comme l’avait du reste bien vu Lactance dans le quatrième livre de ses Institutions divines (4,18,1949). Presque tous les mots utilisés par la Sibylle s’y retrouvent : (P9 2- W 3O $#, ; %"B &, ` > %9 ; seul le verbe ,S&8 d’Or sib 8,303 se démarque quelque peu, mais sa signiÞ cation n’est pas très éloignée de ,%2Sd 8 ( « faire boire, abreuver ») , dont nous avons le substantif en Or sib 1,367. Dans le cas d’Or sib 8,303, la parenté va encore plus loin, puisqu’on retrouve même la forme c D8 #&, qui est un aoriste, dans un contexte où l’on attendrait un futur, comme c’est le cas aux vers qui l’encadrent. On est donc en droit de se demander si le sibylliste du huitième livre n’a pas repris tel quel le texte de la Septante, sans l’adapter au cadre temporel du discours oraculaire, qui requiert le futur. C’est d’autant plus probable que le vers suivant (304) fait référence à une table (« 23!,(d # ») d’inhospitalité, dont la source d’inspiration est sans doute à chercher dans le vers suivant du même psaume 68 (v. 2350). Par cette formule lapidaire, « ils exhiberont cette table d’inhospitalité », la Sibylle résume avec ironie et sarcasme en quoi consiste le repas oX ert à Jésus lors de sa Passion. Prise dans son ensemble, la séquence des vers 288-304 montre que la Sibylle du huitième livre s’eX orce en outre de rapprocher les souX rances du Verbe incarné de celles du Serviteur souX rant d’Isaïe et du Juste du psaume 68 LXX. La Sibylle du premier livre, quant à elle, complète son oracle par un nouveau développement inspiré d’Is 6,9-10, cité ci-dessus en lien avec Or sib 1,360-361 et qui a pour but de durcir encore l’accusation portée contre Israë l : « ayant la poitrine et le cœ ur / piqué d’une méchante rage, ne voyant pas avec les yeux, / plus aveugles que des taupes, plus repous-

48. Ps 68,22 LXX : « #< c D8 #& (P9 2- W 3O $! $%) ; %"B & #< (P9 2B & DST #& $%) 1,*2?'!& $( ` > %9 . »

49. LACTANCE, Inst. div. 4,18,18-19 : « Pour la nourriture et la boisson qu’ils lui présentèrent avant de le clouer, D avid, dans le Psaume 6 8 , parle ainsi : “ Et comme nourriture, ils m’ont donné du Þ el, et, pour ma soif, ils m’ont donné du vinaigre comme boisson.” La Sibylle a également annoncé que c’est exactement cela qui se passerait : “ Comme nourriture, ils lui ont donné du Þ el, et pour sa soif du vinaigre ; ils lui montreront que leur table n’est pas l’amie des étrangers” [Sib Or 8,303-304] ». T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 274, n. 51 relève qu’ORIGÈ NE avait déjà tiré un lien entre le repas de Jésus sur la Croix et le psaume 68,22 LXX dans son C ommentaire sur l’évangile selon Matthieu, ser. 137, à Mt 27,47-49.

50. Mentionné aussi par T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 273 et J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 436, qui relève encore à juste titre que la Sibylle n’exploite pas le partage des vêtements de Jésus, comme le fait Mt 27,35, un détail inspiré du Ps 21,19 (20,18 LXX).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:179 28/03/12 13:49:06

Page 22: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

180 En marge du canon

sants que des reptiles / sauvages et venimeux, prisonniers d’un sommeil accablant » (vv. 369-37151).

On peut faire remarquer au passage que le verset 22 du psaume 68 a sans doute inspiré les évangélistes, même si Jean seul semble y faire allusion sans le citer (Jn 19,28-29 : l’accomplissement des Écri-tures). On peut être à peu près certain aussi que Mt s’en est inspiré, puisqu’il remplace la myrrhe mêlée au vin de Mc par le Þ el oX ert à Jésus lorsqu’il arrive au Golgotha52. Ainsi, Mt transforme le vin parfumé de myrrhe proposé à Jésus pour adoucir ses souX rances en une boisson dégoû tante et humiliante, et, ce faisant, il transforme le geste de compassion en une méchante raillerie. L’É vangile de Pierre, l’É pître de Barnabé et les fragments Sur la Pâque de Méliton de Sardes53 sont plus proches encore de l’esprit du psaume 68,22 LXX que Mt, mais la Sibylle est assurément celle qui s’en inspire le plus directe-ment, puisqu’elle ne parle jamais de vin (ou de vinaigre) mêlé de Þ el, mais de Þ el seul, lequel ne fait pas o\ ce de boisson, mais de nourri-ture, comme dans le psaume 68,22 LXX. De l’É vangile de Matthieu aux Oracles sibyllins, on assiste donc en quelque sorte à une surenchère de la raillerie et, pour ce faire, ces derniers puisent directement au texte de la Septante54.

Signalons enÞ n qu’au livre 6 des Oracles sibyllins – l’unité la plus courte du corpus –, toute la Passion de Jésus – appelé dans ce poème « Fils de l’Immortel » – se résume à ces deux moments que sont le couronnement d’épines et le breuvage mêlé de Þ el, exprimés avec une sobriété et une économie de moyens tout-à-

51. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 436, pour des parallèles dans les littéra-tures anciennes. Sur la cécité proverbiale des taupes, cf. W. SCHRAGE, « 2)4"*9 , 2)4"*8 », Theologisches W ö rterbuch z um N euen Testament 8 (Stuttgart, K ohlhammer, 1969), 270-294, ici 275 et suiv.

52. La recension antiochienne de Mt remplace également le vin par du vinaigre, preuve supplémentaire de l’inß uence du Ps 68,22. Voir aussi T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 274, n. 52.

53. Cf. É vangile de Pierre 16 : « Et l’un d’entre dit : “ Donnez-lui à boire du Þ el avec du vinaigre.” Et après avoir préparé le mélange, ils lui donnèrent à boire » ; É pître de Barnabé 7:3 : « Mais cloué sur la croix, il fut désaltéré avec du Þ el et du vinaigre » ; Ibid., 7:5 : « Pourquoi m’abreuvez-vous de Þ el et de vinaigre, moi qui vais oX rir mon corps pour les péchés de mon nouveau peuple ? » ; MÉLITON DE SARDES, Sur la Pâque 79, 573-574 : « Pendant l’immolation du Seigneur, vers le soir, tu prépares des clous pointus… du vinaigre et du Þ el » ; 582-583 : « Tu buvais du vin et mangeais du pain, mais lui du vinaigre et du Þ el. », (traduit par O. PERLER [Paris, Cerf, 1966]). Cf. M. G. MARA, É van-gile de Pierre…, 129-132, qui ne mentionne toutefois pas les Oracles sibyllins ; T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 274, n. 52.

54. Cf. D. J. MOO, The Old Testament… , 249-252 and 278-280, et E. MASSAUX, Inß uence…, 89).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:180 28/03/12 13:49:06

Page 23: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 181

fait remarquables : « À toi seule, terre de Sodome, d’amères épreuves sont réservées, / car toi-même insensée tu n’as pas reconnu ton D ieu, / venu sous des traits mortels, mais tu l’as ceint / d’une couronne d’épines et tu as mélangé un Þ el terrible / en guise d’outrage et d’épreuve. C ela te vaudra d’amères épreuves » (v. 21-25)55. Les vers 22 à 24 de cet hymne oraculaire sont cités immédiatement à la suite du passage des Institutions divines évoqué ci-dessus à propos du psaume 68,22 LXX56. Le même antijudaïsme qui se lit dans le premier livre des Oracles sibyllins ressort de cette violente imprécation, dans laquelle tout Israë l est pour ainsi dire assimilé ou identiÞ é à la terre de Sodome.

!"#$%"'!%,/$%, ()*( !%&/$%&#

Les Oracles sibyllins passent immédiatement de ce pseudo-repas oX ert à Jésus au déchirement du voile du temple et à la venue des ténèbres en plein jour, le premier livre intervertissant les deux événements, conformément au récit des évangiles canoniques, le huitième préférant faire intervenir le déchirement du voile avant la venue des ténèbres.

55. Ma traduction. Pour une étude détaillée de cet hymne oraculaire, voir M. D. USHER, « The Sixth Sibylline Oracle as a Literary Hymn », Greek, R oman and Byz antine Studies 36 (1995), 25-49, et J.-M. ROESSLI, « Le VIe livre des Oracles sibyllins », Les Sibylles. A ctes des VIIIe Entretiens de La Garenne Lemot, N antes 18 -20 octobre 20 0 1, (Nantes, Institut Universi-taire de France-CRINI, 2005), 203-230. On y trouvera une bibliographie exhaustive des études antérieures sur ce livre.

56. LACTANCE, Inst. div. 4,18, 20 : « Et une autre Sibylle s’en prend à la terre de Judée en ces termes : “ Mauvaise tête, tu n’as pas reconnu ton Dieu se moquant des pensées mortelles, mais tu l’as couronné d’une couronne d’épines et tu as mélangé un Þ el terrible” [Or sib 6,22-24] » (traduction de P. MONAT, [Paris, Cerf, 1992], légèrement retouchée). Lactance transmet une variante au premier hémistiche du vers 23, ce qui explique la diX érence de traduction ; sur cette question, cf. J.-M. ROESSLI, « Le VIe livre… », 226-227.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:181 28/03/12 13:49:07

Page 24: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

182 En marge du canon

Or sib 1, 375-378

&e > c '2#? ' %2*(''# ,("Q 3?%9 f $#2? $/''=il y aura une nuit ténébreuse, mons-trueuse, au milieu du jour.

#< 2*2( DB &#-9 g %"%$Q &?%9 .&J 3Q ,%?'?&C’est alors que le temple de Salomon fera retentir

'U $# $/: ’ 1 ("/'(? , [,*2#& h ?D8 &/%9 %^ %&un grand signe pour les hommes, lorsqu’il ira

W F '(2#? .: : /""8 & 1,#&#'2#'S5& 2(J &(O '?&.dans la demeure d’Hadès, annonçant la résurrection aux morts.

Or sib 8, 305-309

&#%A DE '; ?'J ] 2- ,/2#'$# #< f $#2? $/''=Le voile du temple se déchirera et, au milieu du jour,

&e > c '2#? ' %2*(''# ,("Q 3?%9 1& 23?'<& L 3#?9 .il y aura une nuit ténébreuse, mons-trueuse, pendant trois heures.

%@ /2? : C 3 3)4S= 2( &*$= &#a 2( "#23(7 (?&Car il fut à nouveau révélé qu’on ne servirait plus une loi secrète

4#&2#'S#?9 *'$%) ( #")$$/&= #i 2?9 1D(S; J 5ni un temple qui se cache dans les illusions du monde,

#@ J /&2%) #2#W !&2%9 1,< ; J %&-9 .(&!%?%.une fois le souverain éternel descendu sur terre.

Les deux événements sont relatés dans les synoptiques (Mt 27,51 ; Mc 15,38 et Lc 23,45 et Mt 27,45 ; Mc 15,33 et Lc 23,44), qui ont donc servi de source, mais le traitement qui en est fait dans les Oracles sibyllins est sensiblement diX érent, comme sont diX é-rents les traitements qu’en donnent les deux livres du corpus où on les trouve.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:182 28/03/12 13:49:08

Page 25: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 183

Hormis le renversement séquentiel déjà évoqué des deux événe-ments, le livre 8 est très proche de la formulation des synoptiques, puisqu’on y retrouve le substantif &#*9 et le verbe '; Sd 8 , et que seul le mot ,/2#'$# remplace, pour des raisons métriques évidentes, le composé #2#,/2#'$# des synoptiques. Pour autant que ma compréhension des vers suivants (v. 307-309) soit correcte, la Sibylle du huitième livre semble associer en outre le déchirement du voile et la venue du Verbe sur terre à la levée des restrictions quant à l’accès à Dieu : « C ar il fut à nouveau révélé qu’on ne servirait plus une loi secrète / ni un temple qui se cache dans les illusions du monde, / une fois le souverain éternel descendu sur terre57. » Ces vers sont sans doute à lire en lien avec les vers 299-301 et comme leur prolongation ( « C ar il fut à nouveau révélé… ») . Ils renvoient en outre à l’une des inter-prétations possibles de Mt 27,51 ( « Et voici que le voile du Sanctuaire se déchira en deux du haut en bas ») , le voile du sanctuaire pouvant aussi bien désigner le voile séparant le parvis du Temple lui-même – dont le déchirement ouvre l’accès des païens à la présence de Dieu – que le voile séparant le Lieu saint du Saint des Saints – dont la rupture signiÞ e la Þ n du sacerdoce de l’ancienne Alliance58. Il n’en va pas de même au premier livre, où l’auteur prend certaines libertés, en qualiÞ ant tout d’abord le temple (&#*9 ) de « salomonien » – comme il le fera un peu plus loin en Or sib 1,39359 – et en annonçant, non pas le déchirement du voile (,/2#'$#) – totalement absent de cette version du récit –, mais le retentissement d’un grand signe ('U $#) dans le temple. Cette imagerie appartient en propre au répertoire sibyllin des prodiges et des 'F $#2# (Or sib 4,56 ; 12,74 ; 14,221 et surtout Or sib 8, 244)60.

57. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 438, qui renvoie à D. A. HAGNER, Matthew 14 -28 (Dallas, TX, WordBooks, 1995), 849. Cf. aussi T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstra-ditionen… », 275, qui identiÞ e avec raison la « loi » de Or sib 8,307 à la Torah, et qui se demande avec scepticisme (note 54) si la « loi secrète » de ce vers a quelque chose à voir avec la révélation secrète ajoutée à la Torah, dont il est question dans la tradition apocalyptique. Une idée semblable se lit plus loin en 8,326-328 : « Plein de mansuétude il viendra pour lever le joug / accablant de l’esclavage, qui pèse sur notre nuque, / et pour abolir les lois impies et les liens contraignants. »

58. Voir note à Mt 27,51 TOB.59. L’adjectif g %"%$Q &?%9 ne se trouve qu’ici et en Or sib 3,167.214 dans la littérature

judéo-hellénistique.60. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 437. Dans ce dernier passage (Or sib 8,244-

25), le signe ('U $#) dont il est question n’est autre que la croix de la cruciÞ xion : « Signe alors pour tous les mortels, sceau bien visible / sera le bois parmi les croyants, la corne désirée […] ». Le sigma du mot 'U $# est en outre l’initiale du mot '2#)3*9 , « croix », dans ce poème acrostiche de la Sibylle.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:183 28/03/12 13:49:08

Page 26: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

184 En marge du canon

La venue des ténèbres se lit bien sû r dans les synoptiques (Mt 27,45 ; Mc 15,33 et Lc, 23,44), qui la situent toutefois avant le déchi-rement du voile, contrairement au huitième livre des Oracles sibyl-lins. Dans les évangiles synoptiques, les ténèbres couvrent la terre de la sixième à la neuvième heure, soit durant trois heures, mais il n’est pas précisé qu’il faisait nuit au milieu du jour. L’É vangile de Pierre oX re ici un nouveau motif de parenté avec le texte des Oracles, dans la mesure où il parle lui aussi des ténèbres en plein midi : « Il était midi et les ténèbres enveloppèrent toute la Judée » (v. 15)61, mais il s’en distingue néanmoins en ce que cet événement tombe de façon abrupte avant la scène du breuvage et que celui-ci est constitué du mélange de Þ el et de vinaigre (v. 16), un élément qu’on ne retrouve pas dans les Oracles sibyllins.

Il y a donc tout lieu de penser que, une fois de plus, l’É vangile de Pierre et les Oracles sibyllins ont pu puiser à des traditions communes, sans que l’un dépende nécessairement de l’autre, puisqu’on relève entre eux autant de points de convergence que d’éléments de diver-gence62.

Une tradition patristique63 quasi ininterrompue a voulu voir dans les ténèbres miraculeuses du Calvaire l’accomplissement des paroles d’Am 8,9 : « Il adviendra en ce jour-là – oracle du Seigneur – que je ferai coucher le soleil en plein midi et que j’obscurcirai la terre en un jour de lumière » et Jr 15,9 : « Le soleil lui a manqué quand c’était encore le jour64. » Lactance ne s’y est du reste pas trompé, lui qui fait référence (Inst. D iv. 4,19,2-5) à ces deux prophéties bibliques, avant de citer nos deux vers du huitième livre des Oracles sibyllins :

Donc, suspendu et Þ xé à la croix, il cria vers Dieu d’une grande voix et, de lui-même, rendit son esprit. Et, à la même heure, il y eut un tremble-ment de terre, et le voile du Temple, qui séparait les deux tabernacles, se déchira en deux parties ; brusquement le soleil se cacha, et, de la sixième à la neuvième heure, ce furent les ténèbres. Le prophète Amos apporte là-

61. É vangile de Pierre 15 : « j & DE $('5$W 3S#, #< ' *2%9 #2/'; ( ,_ '#& 2B & k %)D#S#&. » Cf. T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 274.

62. Sur ce sujet, cf. T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », qui ne tient toutefois pas compte des livres 1 et 6 des Oracles sibyllins dans sa comparaison.

63. IRÉNÉE, C ontre les hérésies 4,33,12 ; TERTULLIEN, C ontre les Juifs 10 ; C ontre Marcion 4,42 ; CYPRIEN, Testimonia 2,23 ; EUSÈ BE, D émonstration évangélique 10,6,1 ; APHRAATE, H omé-lies 1,11 ; CYRILLE DE JÉRUSALEM, C atéchèses 13,25.

64. Am 8,9 : « D7 '(2#? [ l "?%9 $('5$W 3S#9 » ; Jr 15,9 : « 1,/D) [ l "?%9 #@ 2] c 2? $('%7 '59 2U 9 m $/3#9 ». Cf. E. MASSAUX, Inß uence…, 89-90.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:184 28/03/12 13:49:09

Page 27: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 185

dessus son témoignage : “ Et voici qu’en ce jour-là, dit le Seigneur, le soleil se couchera à midi et le jour de lumière se couvrira de ténèbres : et je chan-gerai vos fêtes en deuil et vos chants en lamentations.” Jérémie également : “ Celle qui a engendré a été épouvantée et couverte de honte ; le soleil lui a manqué quand c’était encore le milieu du jour, elle a été frappée et maudite : et ce qui reste d’eux, je le livrerai à l’épée, en présence de leurs ennemis.” Et la Sibylle : “ Le voile du Temple se fendra et, au milieu du jour, / ce sera une eX rayante nuit de ténèbres, durant trois heures” 65.

Aucune des Sibylles s’exprimant dans les livres 1 et 8 n’a semblé en revanche intéressée par le motif du tremblement de terre conco-mitant, mentionné par Mt 27,51 ( « La terre trembla, les rochers se fendi-rent ») et parallèles66.

!"#$%"'!%,,0$% &()*" !"#$%" !%'&$%'.

Selon le premier livre des Oracles sibyllins, le signe ('U $#), ou la clameur, que le temple fait retentir coïncide avec la descente du Christ dans la demeure d’Hadès67. Dans le huitième livre, celle-ci se produit lorsque le voile se déchire et que la nuit tombe en plein jour. Cette histoire est déjà perceptible dans le NT (cf. 1 Co 15,20 : « prémice (.,#3; B ) de ceux qui sont endormis », peut-être aussi en 1 P 3,19 : « C ’est alors qu’il est allé prêcher même aux esprits en prison »), où elle est rattachée à des attentes prophétiques. Lorsque Lactance cite Or sib 8,312-314 dans les Institutions divines (4,19,10), il le fait en lien avec les Ps 3,6 [3,5] et 16(15),10 et surtout Os 6,2 ( « A près deux jours, il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence ») et 13,13-14. Mais la tradition chrétienne, notamment à ses débuts, a toujours eu beaucoup de di\ cultés à se mettre d’ac-

65. LACTANCE, Inst. div. 4,19,2-5 : « Suspensus igitur et adÞ xus exclamauit ad Deum uoce magna et ultro spiritum posuit. Et eadem hora terrae motus factus est et uelum templi quod separabat duo tabernacula scissum est in duas partes et sol repente subductus est et ab hora sexta usque in nonam tenebrae fuerunt. Q ua de re Amos propheta testatur : “ Et erit in illo die, dicit Dominus, occidet sol meridie et obtenebrica-bitur dies lucis : et conuertam dies festos uestros in luctum et cantica uestra in lamen-tationem.” Item Hieremias : “ Exterrita est quae parit et taediuit anima, et subiuit sol ei, cum adhuc medius dies esset, contusa est et maledicta : reliquos eorum in gladium dabo in conspectu inimicorum eorum.” Et Sibylla : [Or sib 8,305-306] ».

66. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 437.67. h ?D8 &/%9 est plus vraisemblablement une forme poétique pour n ?D59 (8,310)

que le génitif d’Adonis (h ?D8 &(7 9 ), comme le pensait J. J. COLLINS, « The Sibylline Oracles », The Old Testament Pseudepigrapha, vol. 1 : A pocalyptic Literature and Testaments (Garden City, NY, Doubleday, 1983), 386.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:185 28/03/12 13:49:09

Page 28: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

186 En marge du canon

cord sur ce que le Christ a vraiment dit lors de son séjour en enfer68. Les deux récits rapportés dans les Oracles sibyllins reß ètent, au moins en partie, cette diversité de vues. Dans le premier livre, le Christ est censé proclamer la résurrection des morts, sans aucune restric-tion (v. 378) ; dans le huitième, il annonce une espérance pour tous les saints (v. 310-311 ; cf. v. 227), la Þ n des temps et le dernier jour (v. 311). Le vers 312 va même au-delà, puisqu’il promet que le Christ mettra Þ n à la mort : « Et après avoir dormi trois jours, il mettra un terme à la mort. » C’est en ce sens aussi que Lactance l’avait compris : « Et c’est pourquoi la Sibylle a déclaré qu’il imposerait un terme à la mort, après un sommeil de trois jours : “ Il Þ xera un terme à la mort, après avoir dormi trois jours ; alors, se relevant d’entre les morts, il viendra au grand jour, premier à montrer aux élus le chemin de la résurrec-tion” 69. »

68. Sur ce sujet, voir R. GOUNELLE, La descente du C hrist aux enfers. Institutionalisation d’une croyance (Paris, Institut d’études augustiniennes, 2000) ; ID., La descente du C hrist aux enfers (Paris, Cerf, 2004), qui ne dit rien toutefois des Oracles sibyllins.

69. LACTANCE, Inst. div. 4,19,10 : “ Et ideo Sibylla impositurum esse morti terminum dixit post tridui somnum : [Or sib 8,312-314]” (traduit par P. MONAT [Paris, Cerf, 1992]). Le récit de la Passion proprement dite prend Þ n ici, les livres 1 et 8 poursuivant par une évocation de l’apparition du Ressuscité et de son ascension vers la demeure céleste (Or sib 1,380-381 et 8,318-320), précédée en 8,315-317 par une exégèse du baptême.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:186 28/03/12 13:49:10

Page 29: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 187

Or sib 1, 377b-380

… [,*2#& h ?D8 &/%9 %^ %&... lorsqu’il ira dans la demeure d’Hadès,

W F '(2#? .: : /""8 & 1,#&#'2#'S5& 2(J &(O '?&.Annonçant la résurrection aux morts.

#@ 2C 3 1,B & c "J H 23?'<& f $#'?& 19 4!%9 #i 2?9Puis, lorsque, trois jours après, il sera revenu à la lumière,

Or sib 8, 310-314

l > (? D’ (P9 h SD5& .: : /""8 & 1",SD# ,_ '?&Il ira dans l’Hadès, annonçant une espérance à tous

2%I9 o : S%?9 , 2/"%9 #PQ &8 & #< c '; #2%& j $#3.les saints : la Þ n des temps et le dernier jour.

#< J #&!2%) $%I3#& 2("/'(? 23S2%& j $#3 +,&Q '#9 NEt après avoir dormi trois jours, il mettra un terme à la mort.

#< 2*2’ .,- 4J ?$/&8 & .&#"7 '#9 (P9 4!%9 l > (?Et revenant alors des trépassés, il viendra à la lumière

,3O 2%9 .&#'2!'(8 9 "52%I9 .3; B & +,%D(S> #9 ,étant le premier à montrer aux élus le commencement de la résurrec-tion

1234567823

Q uand on s’interroge sur les rapports entre l’Écriture Sainte et les livres du corpus sibyllin pris en compte dans cette étude, on peut conclure que les livres 6 et 8 révèlent une a\ nité assez nette avec l’évangile de Matthieu, comme c’est le cas pour bien des œ uvres de la littérature chrétienne antérieure au IIIe siècle. Mais on peut égale-ment y déceler une inß uence diX use d’autres écrits canoniques, de certains apocryphes et, bien sû r, des prophètes70. En revanche, on

70. Cf. E. MASSAUX, Inß uence…, 80-98 et W.-D. K Ö HLER, D ie R ez eption des Matthä usevange-liums in der Z eit vor Irenä us (Tü bingen, Mohr, 1987).

MP en marge du canon_1.indd Sec3:187 28/03/12 13:49:11

Page 30: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

188 En marge du canon

ne trouve aucune citation explicite provenant de Mc et de Lc. La même chose peut être dite du premier livre ou presque. Plusieurs épisodes sont calqués sur Matthieu, mais certains passages reß ètent plus spéciÞ quement le vocabulaire de Jean (1,373-374 et 1,340-341, 360-361, pour d’autres épisodes que la Passion), ce qui ne semble pas être le cas dans les livres 6 et 8. Q uant à Mc, il est représenté par une brève allusion à l’histoire du meurtre de Jean-Baptiste et une apparente réminiscence verbale (1,342-343 et 1,373), alors que l’on ne trouve qu’un seul écho, du reste peut-être accidentel, de Luc (en 1,371)71. La principale diX érence porte sur l’opposition concer-nant l’attitude de Jésus face à la Loi. La Sibylle du livre 1 a\ rme qu’il l’accomplira (v. 332), alors que celle du livre 8 insiste sur le fait qu’il l’abolira, de même que tout ce qui s’y rattache (vv. 300-301 ; 307-309, 326b-328, cité par Lactance en Inst. D iv. 7,18,872). Par ailleurs, le livre 8 est beaucoup plus sensible aux interprétations mystiques et typo-logiques et son langage est beaucoup plus métaphorique, parfois même un peu ampoulé, comme on peut le voir par exemple en Or sib 8,294-298.

La juxtaposition et la combinaison de diverses sources évangéli-ques incitent à penser que les auteurs de ces ouvrages ont pu se servir d’une harmonie évangélique, puisque de telles harmonies semblent bien avoir existé à cette époque (IIe-IIIe siècles)73. Néanmoins, le style de nos Oracles est parfois trop éclectique pour une harmonie, bien que certains épisodes puissent en partie reß éter une telle démarche, à l’instar de la fusion de deux épisodes séparés, telles que la raillerie de Jésus avec une couronne d’épines et un roseau avant sa cruci-Þ xion et la perforation de son ß anc durant celle-ci en Or sib 1,373-374 et Or sib 8,294-296.

En fait, la Sibylle de ces livres semble surtout intéressée par les récits évangéliques ayant un arrière-plan prophétique ou qui citent explicitement des textes prophétiques – d’où peut-être le penchant pour Mt – et par d’autres écrits du Nouveau Testament qui réunis-

71. Cf. J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles…, 426.72. LACTANCE, Inst. div. 7,18,8 : « Il viendra pour lever le joug / accablant de notre

esclavage, qui pèse sur notre nuque, / et pour abolir les lois impies et les liens contrai-gnants ».

73. Le D iatessaron de TATIEN est la première harmonie connue des quatre évangiles canoniques, mais le maître de Tatien, Justin, semble déjà avoir connu une harmonique synoptique. Cf. aussi T. NICK LAS, « Apokryphe Passionstraditionen… », 274, n. 52 et J. L. LIGHTFOOT, The Sibylline Oracles , 426-427.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:188 28/03/12 13:49:11

Page 31: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 189

sent ou agrègent des témoignages vétérotestamentaires applicables au Christ. Ainsi, par exemple, le refus obstiné d’Israë l à reconnaître le Messie-Jésus en Or sib 1,360-364 ; 368-371 est interprété à la lumière d’Is 6, cité dans les évangiles et les Actes ; le mauvais traitement du Messie en Or sib 1,365-366 et Or sib 8,288-290 est inspiré encore par Is 50 et 53, eux-mêmes paraphrasés dans les synoptiques ; même chose avec le Þ el et le vinaigre en guise de nourriture et de boisson, qui découlent du psaume 68 LXX, évoqué allusivement par Jn et réinter-prété par Mt. La Sibylle navigue donc constamment entre les évan-giles, les prophètes tels que cités dans les évangiles (vv. 336-343 ; 351-355 ; 345-350 ; 360-361) et les sources prophétiques originales, parfois relayées par une citation néotestamentaire (Or sib 1,365-366 : « ,27 '$#2# » ; Or sib 8,289 : « 1$,27 '$#2# » ; Or sib 1,367 et Or sib 8,303 : « ; %"F » et « ` > %9 »), parfois non (Or sib 1,365-366 : « les lèvres infâmes » ; Or sib 8,299 : « bouche souillée » ; Or sib 1,374-375 : « une nuit ténébreuse, monstrueuse au milieu du jour » et Or sib 8,306 : « une nuit ténébreuse, monstrueuse pendant trois heures »), mais en suivant toujours une manière de lire les prophètes qui s’inspirent direc-tement des évangiles canoniques. La Sibylle de nos livres s’inscrit donc dans des courants d’exégèse scripturaire paléochrétienne, dans lesquels elle incarne une prophétesse païenne supposée prophétiser les évangiles parallèlement aux prophètes de l’Ancien Testament, vis-à-vis desquels la Sibylle du premier livre prétend même prendre de l’altitude et de la distance, puisqu’elle annonce leur Þ n (v. 386).

En ce qui concerne le récit de la Passion, deux perceptions assez diX érentes ressortent de ces trois ouvrages du corpus sibyllin. Comme on l’a vu, les premier et sixième livres se montrent extrê-mement hostiles à l’égard des Juifs (Or sib 1,360-371.387 et 6,21-25), accusés ni plus ni moins d’être responsables de la mort du Messie. Cet aspect se retrouve dans l’É vangile de Pierre74, qui a\ che la même sorte d’antijudaïsme, sans que cela implique nécessairement un lien de dépendance entre ces ouvrages. Rien de tout cela ne se trouve dans le huitième livre, où les Juifs ne sont jamais nommés et les ennemis de Jésus à peine identiÞ ables, sinon par leur impiété (v. 287). Parallèlement à son antijudaïsme, l’auteur de la section chrétienne

74. Sur ce sujet, voir T. NICK LAS, « Die Juden im Petrusevangelium (PCair 10759). Ein Testfall », N ew Testament Studies 47 (2001), 206-221, de même que les contributions de J. D. CROSSAN et J. VERHEYDEN dans T. K RAUS et T. NICK LAS (éd.), D as Evangelium nach Petrus… , 117-134 et 281-300.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:189 28/03/12 13:49:12

Page 32: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

190 En marge du canon

du premier livre se montre favorable à la mission auprès des Gentils ( !"#, vv. 345-347 et 383-384), ce qui nous invite à penser qu’il se déÞ nit lui-même d’abord « comme Gentil et non comme une secte ou un développement, d’Israël75 ». A contrario, l’auteur du livre 8 semble être soucieux de la conversion à la fois des Juifs et des païens (v. 316b–317 : « aÞ n que, nés d’en-haut, ils ne soient plus asservis aux coutumes impies de ce monde76 », v. 324 : « Réjouis-toi, sainte Þ lle de Sion, toi qui as sou ert tant de maux77 ! » et v. 332 : « Chasse les anciens [dieux ou préceptes] et lave-toi avec son sang »).

Dans le premier livre (v. 364), Jésus est appelé « Fils de Dieu » (« $%&' !()* »), tandis que dans le huitième livre (v. 288), on parle de lui comme de « Dieu » (« !(+' »). Ces deux dénominations, dont on a d’autres exemples dans les deux ouvrages (Or sib 1,324.331 et Or sib 8,242.249-250), reß ètent deux christologies sensiblement di, érentes. Bien qu’insu- samment précise pour être rattachée à un évangile spéciÞ que, celle du premier livre est assez proche de la tradition canonique, tandis que le huitième livre reß ète une forme de monar-chianisme modaliste, dans lequel le Père et le Fils sont parfaitement identiÞ és. On en a d’autres exemples très frappants dans le sixième livre des Oracles sibyllins, que je tiens personnellement pour l’une des compositions chrétiennes les plus anciennes du corpus : « …car toi-même insensée tu n’as pas reconnu ton Dieu / venu sous des traits mortels, mais tu l’as ceint / d’une couronne d’épines… » (v. 22-23)78, et dans le septième livre : « …pour n’avoir pas reconnu (leur) Dieu » (v. 53) et « tu n’as pas reconnu ton Dieu, que le Jourdain / a jadis lavé à trois reprises et que l’Esprit survola à la manière d’une colombe » (vv. 66-67)79.

75. J. H. CHARLESWORTH, « Jewish and Christian… », 50 : « sees himself primarily in terms of the Gentiles and not as a sect of, or development, from Israel. »

76. Ces « coutumes impies du monde » peuvent aussi bien se rapporter aux pratiques juives qu’aux coutumes païennes.

77. Voir Is 62,11 (« Voici ce que le Seigneur fait entendre jusqu’à l’extrémité de la terre : Dites à la Þ lle de Sion : voici ton salut qui vient, voici avec lui son salaire et devant lui sa récompense ») et surtout Za 9,9 (« .%&/( 01+2/%, !34%5(/ 678"9 :;/<00(, !34%5(/ =(/)<0%>#?9 @2)A B C%07>(3' 0)< /D(5%E 0)7, 2E:%7)' :%F 0GH8" %I5+', $/%J' :%F K$7C(C#:L' K$F M$)H347)" :%F $N>)" "O)" », « Exulte avec force, Þ lle de Sion ! Crie de joie, Þ lle de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse »), cité en Mt 21,5 et Jn 12,15.

78. Or sib 6,22-23 : « %I5P 4Q/ 2301/8" 5R" 0R" !(R" )I: K"+#0%' / K>!+"5% !"#5)&07" K" S??%07"9 T>>’ T$’ T:U"!#'… » Il est frappant de constater que ni le nom de Jésus ni son titre de Christ n’apparaissent dans ce livre. Il en est de même dans les fragments conservés de l’Évangile de Pierre ; cf. T. NICKLAS, « Apokryphe Passionstradi-tionen… », 267, n. 20.

79. Or sib 7,53 : « V57 2P !(R" )I: K"+#0%" » ; Or sib 7,66-67 : « 5>;?8", )I: 4"8' 5R" 0R" !(+", V" $)5’ >)<0(" / =+/2%")' K" 5/75U5)707 :%F $5%5) $"(*?% $(>(E’ W'. »

MP en marge du canon_1.indd Sec3:190 28/03/12 13:49:12

Page 33: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 191

Les auteurs paléochrétiens qui citent les sibylles de ces livres le font dans le but de montrer l’accord (0<?18"E%) entre le message de l’Ancien Testament et celui de ces prophéties fallacieusement païennes80. Ainsi Lactance, dans le quatrième livre de ses Institutions divines, puise massivement dans la christologie du livre 8, en citant d’abord une prophétie de l’Ancien Testament, puis un passage du huitième livre qui est censé la corroborer. Comme nous l’avons vu, le précepteur de Crispe cite souvent le passage biblique sur lequel s’appuie l’oracle sibyllin et le présente comme s’il s’agissait d’une prophétie indépendante (cf. Or sib 8,287–290 dans Inst. div., 4,18,13-15 ; Or sib 8,303-304 et Or sib 6,22-24 dans Inst. div. 4,18,18-20). Ce faisant, il se comporte comme le lecteur idéal dont pouvait rêver la Sibylle, dans la mesure où il l’interprète exactement comme elle souhaite être interprétée, soulevant et écartant du même coup la suspicion d’avoir produit des faux81. Ajoutons que Lactance ne retient de la longue séquence christologique du livre 8 (vv. 272-315) que la partie proprement narrative, en d’autres termes l’annonce des événe-ments relatifs à la vie de Jésus, sans s’attarder sur les spéculations et réß exions théologiques (vv. 279-286 ; 295-298 ; 299-301 ; 307-311) qui constituent la caractéristique de la Sibylle du huitième livre et qui la distingue si nettement de celle du premier livre. La démarche de Lactance sera suivie par l’auteur de la T héosophie de T ü bingen, qui considère la Sibylle comme une « voyante en accord avec la prophétie des saints prophètes82 ».

Signalons au passage que ce parallélisme entre prophétesses païennes et prophètes hébreux est à l’origine du rapprochement

Pour une traduction franç aise et un commentaire des livres 6, 7 et 8 des Oracles sibyllins, cf. J.-M. ROESSLI, « Les Oracles sibyllins : Livre 6, 7 et 8 (vv. 217-428) », Écrits apocryphes chrétiens, t. 2 (Paris, Gallimard, 2005), 1045-1083 (réimpression 2006), de même que ma thèse de doctorat à paraître dans la Series Apocryphorum du Corpus Christianorum.

80. Cf. J.-M. ROESSLI, « Catalogues de sibylles, recueil(s) de L ibri Sibyllini et corpus des Oracula Sibyllina. Remarques sur la formation et la constitution de quelques collec-tions oraculaires dans les mondes gréco-romain, juif et chrétien », dans E. NORELLI (éd.), Recueils normatifs et canons dans l’antiquité. Perspectives nouvelles sur la formation des canons juif et chrétien dans leur contexte culturel. Actes du colloque organisé dans le cadre du programme plurifacultaire “ L a B ible à la croisée des savoirs” de l’U niversité de Genève, 1 1 -1 2 avril 2 0 0 2 (Lausanne, É ditions du Zèbre, 2004), 47-68, ici 64.

81. Cf. J. L. LIGHTFOOT, T he Sibylline Oracles…, 425. LACTANCE, Inst. div. 4,15,26 : « His testi-moniis quidam reuicti eo confugere ut aiant non esse illa carmina Sibyllina, sed a nostris Þ cta atque composita. » « Ébranlés par ces témoignages, certains, d’habitude, prennent une position de repli et a! rment qu’il ne s’agit pas là de vers des Sibylles, mais de vers inventés et composés par les nô tres. » (Traduit par P. MONAT [Paris, Cerf, 1992] , 141).

82. T héosophie de T ü bingen § 10 (ERBSE, Fragmente griechischer…, 80, 294) : « W' 2X 03?18"+' 57' Y $/+?%"57' 5N" Z0[ \8" $/)1(5N" ».

MP en marge du canon_1.indd Sec3:191 28/03/12 13:49:13

Page 34: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

192 En marge du canon

iconographique que l’art chrétien sera amené à faire à partir du XIe siècle et qui conduira les artistes à représenter l’une ou l’autre des sibylles en regard de, ou cô te à cô te avec, l’un ou l’autre des prophètes hébreux83.

De l’abondance de citations des livres 6 et 8 et de l’absence de citations du livre 1 des Oracles sibyllins dans l’œ uvre de Lactance et dans la littérature paléochrétienne antérieure au VIe siècle84, on a conclu à l’antériorité du livre 8 sur le livre 1. Dans une phase ulté-rieure, on a supposé que le livre 1 découlait du livre 8, jusqu’à ce que Kurfess conclue que les deux ouvrages avaient puisé de faç on indé-pendante au Nouveau Testament et que les ressemblances entre eux étaient accidentelles85. Dans le sillage d’Olaf Waß muth et de Jane L. Lightfoot, je considère que les nombreuses ressemblances entre les deux livres s’opposent à la thèse d’une totale indépendance des deux ouvrages. Plus récemment, Waß muth, suivant Kurfess, a soutenu la thèse inverse à celle qui a prévalu au début du XXe siècle, à savoir l’antériorité du livre 1 sur le livre 8, notamment en raison de la théologie de ce dernier, plus complexe et plus sophistiquée, donc à ses yeux forcément plus tardive. Cette divergence de vues explique les divergences dans la datation de ces deux livres, en particulier du premier, certains défendant la thèse d’une réécriture chrétienne d’un oracle juif au milieu du IIe siècle (Friedlieb, Collins, Waß muth86),

83. Cf. É . M LE, L ’art religieux du X IIIe siècle en France (Paris, Colin, 19194), 339-343 ; Id., L ’art religieux de la Þ n du M oyen  ge en France (Paris, Colin, 19495), 254-279 ; L. RÉ AU , Icono-graphie de l’art chrétien, II, 1 (Paris, Presses U niversitaires de France, 1956), 420-430 ; G. SEIB, « Sibyllen », L exik on der christlichen Ik onographie 4 (Rome, Herder, 1972), 150-153 ; Id., « Propheten », 461-462 ; F. GAY , « Sibille », Enciclopedia dell’arte medievale X (Rome, Istituto dell enciclopedia italiana, 1999), 586-589.

84. Si l’on excepte une éventuelle allusion à Or sib 1,283 et suiv. dans le Discours de Constantin à l’assemblée des saints (18,2), daté entre 313 et 325, les premières citations explicites des livres 1 et 2 se lisent dans la T héosophie de T ü bingen, datant de la Þ n du Ve ou du début du VIe siècle. Sur la datation du Discours à l’assemblée des saints et sa pater-nité, cf. J.-M. ROESSLI, « Vies et métamorphoses de la Sibylle, notes critiques à propos de M. BOU Q U ET et F. MORZADEC, L a Sibylle. Parole et représentation [Rennes, Presses universi-taires de Rennes, 2004] et de J. PIGEAU D, L es Sibylles. Actes des V IIIe Entretiens de L a Garenne L emot, 1 8 au 2 0 octobre 2 0 0 1 [Nantes, Institut U niversitaire de France-CRINI, 2005] », Revue de l’histoire des religions 224 (2007), 253-271, ici 259-260, ainsi que M. GEY MONAT, « U n falso cristiano della seconda metà del IV secolo (Sui tempi e le motivazioni della Oratio Constantini ad Sanctorum Coetum) », Aevum Antiquum N.S. 1 (2001), 349-366.

85. A. KU RFESS, « Oracula Sibyllina I/II », Z eitschrift f ü r die neutestamentliche W issen-schaft und die K unde der ä lteren K irche 40 (1941), 151-165, ici 159-160.

86. J. H. FRIEDLIEB, ./#0?)F 07C<>>7%:)E. Oracula Sibyllina ad Þ dem codd. mscr. quotquot extant recensuit, praetextis prolegomenis illustravit, versione Germanica instruxit, annotationes criticas et indices rerum et verborum locupletissimos adiecit (Lipsiae, T. O. Weigel, 1852) / Die sibyllinischen W eissagungen, vollstaendig gesammelt nach neuer H andschriftenvergleichung, mit k ritischem Commentare und metrischer deutscher U ebersetz ung (Leipzig, T. O. Weigel,

MP en marge du canon_1.indd Sec3:192 28/03/12 13:49:13

Page 35: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

L e récit de la Passion dans les Oracles sibyllins 193

certains au IIIe siècle (Ge, cken87), d’autres voyant dans les livres 1 et 2 une composition entièrement chrétienne du IIe (Lightfoot88), du IIIe (Alexandre89) ou du Ve siècle (Bleek, Goodman90). Q uel que soit le rapport de dépendance entre ces livres, ce qu’il importe de comprendre est que l’auteur qui vient ensuite se sentait parfaite-ment libre d’utiliser ses sources (la Bible et les Oracles sibyllins) selon sa propre vision et en leur donnant l’orientation qu’il souhaitait.

1852), XIV-XXII and LIX ; J. J. COLLINS, « The Sibylline Oracles » ; O. WASSMU TH, Sibylli-nische Orak el 1 -2 …

87. J. GEFFCKEN, K omposition und Entstehungsz eit der Oracula Sibyllina (Leipzig, J. C. Hin-richs, 1902), 47-53.

88. J. L. LIGHTFOOT, T he Sibylline Oracles…, 149.89. C. ALEXANDRE, Oracula Sibyllina, (Paris, F. Didot, 1856), vol. II, Excursus ad Sibyl-

linos libros, V, cap. X. De primo libro et secundo, 389-401.90. F. BLEEK, « U eber die Entstehung und Zusammensetzung der uns in 8 Bü chern

erhaltenen Sammlung Sibyllinischer Orakel ; eine kritische U ntersuchung mit beson-derer Rü cksicht auf Thorlacius », T heologische Z eitschrift 1 (1819), 120-246, ici 167-197 ; M. GOODMAN, « The Sibylline Oracles », T he H istory of the Jew ish People in the Age of Jesus Christ (1 7 5 B . C.- A. D. 1 3 5 ), t. III.1, a new English version revised and edited by G. VERMES, F. MILLAR, M. GOODMAN (Edimbourg, Clark, 1986), 618-654, ici 645.

MP en marge du canon_1.indd Sec3:193 28/03/12 13:49:13

Page 36: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

194 En m

arge du canonSYNOPSE DES RÉCITS DE LA PASSION DANS LES LIVRES 1 ET 8 DES ORACLES SIBYLLINS

Or sib 1, 360-386

360 ] %F 5+5( 2’ ^_0/%P> ?(?(!<0?O")' )IDF ");0(7,Et alors Israë l, dans son ivresse, n’exercera plus son intel-ligence,

361 )I2X ?X " %` !a TE0(7 C(C%/#?O")' )b %07 >($5)&'.et, l’esprit engourdi, rien ne parviendra à ses faibles oreilles.

362 T>>a Z$+5%" cd C/%E)7' e f g D+>)' ch i E05)7)Mais lorsque la furieuse colère du Très-Haut s’abattra

363 )@05/)?%"P' :%F $E057" T$a %I5N" Kf %1(>(&5%7,sur les Hébreux et leur enlèvera la foi,

364 )I/%"E)< V57 $%&2% !()* 27(2#>;0%"5),parce qu’ils (aur)ont molesté le Þ ls du Dieu céleste,

365 :%F 5+5( 2P :)>U1)<' :%F $530?%5% 1%/?%:+("5%alors Israë l lui donnera des souj ets et des crachats

366 =0/%P> 2k 0(7 ?<0%/)&' K"F D(E>(07 5)35l .empoisonnés de ses lèvres infâmes.

Or sib 8, 285-290.292-304

285 :%F >+4)' Z :5EH8" ?)/1U', m $U"!a M$%:)3(7,et le Verbe qui crée les formes et à qui tout obéit,

286 :%F "O:<%' 0GH8", $n 0%" 2X "+0)" !(/%$(38".qui sauve les morts et guérit toute maladie.

287 (@' T"+?8" D(&/%' :%F T$E058" o 05(/)" e f (7,Il tombera plus tard aux mains de criminels et d’impies ;

288 2k 0)<07" 2X !(p q %$E0?%5% D(/0F" T"U4")7'ils donneront à Dieu des souj ets de leurs mains sacrilèges

289 :%F 05+?%07" ?7%/)&' K?$530?%5% 1%/?%:+("5%.et, de leur bouche souillée, des crachats empoisonnés.

290 2k 0(7 2’ (@' ?U0574%' T"%$>k 0%' 5+5( "N5)"·Ayant tendu son dos, il le livrera aux fouets.

292 :%F :)>%17H+?(")' 074;0(7, ?; 57' K$74"p ,Et souj eté, il gardera le silence, aÞ n que nul ne reconnaisse

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

94

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

4

Page 37: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les O

racles sibyllins 195

332 %I5R' $>#/k 0(7 2X !()* "+?)", )I :%5%>30(7.Il accomplira la loi de Dieu, ne l’abrogera pas.

293 5E' 5E")' r " $+!(" s >!(", t"% 1!7?O")707 >%>;0(7.qui il était, de qui il était issu et d’où il était venu pour parler à ceux qui sont morts.

294 :%F 05O1%")" 1)/O0(7 5R" T:U"!7")"9 K: 4Q/ T:%"!N"Et il portera une couronne d’épines, car c’est en raison des épines

295 5R 05O1)' K:>(:5N" %@k "7+" K057" u 4%>?%.que la couronne est la parure éternelle des élus.

296 $>(</Q' "3f )<07" :%>U?l 27Q 5R" "+?)" %I5N"9Ils perforeront ses ß ancs avec un roseau à cause leur loi.

297 K: :%>U?8" 4Q/ 0(7)?O"8" M$R $"(3?%5)' u >>)<Car c’est par des roseaux secoués par un autre vent

298 $/)0:>E?%5% i <Dv ' K05/U1# B/4v ' :%F T?)7Cv '.que les inclinations de l’âme se sont détournées de la colère et du changement.

299 T>>’ V5( 5%*5U 4( $U"5% 5(>(78!w x $(/ (y$)",Mais lorsque sera accompli tout ce que j’ai prédit,

300 (@' %I5R" 5+5( $n ' >3(5%7 "+?)', V057' T$’ T/Dv 'alors, pour lui, toute la loi, qui, à l’origine, fut donnée aux hommes

301 2+4?%07" T"!/k $)7' K2+!# 27Q >%R" T$(7!v .sous forme de décrets à cause d’un peuple indocile, sera abolie.

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

95

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

4

Page 38: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

196 En m

arge du canon

367 (@' 2X 5R C/N?% D)>P" :%F (@' $)5R" Sf )' u :/%5)"En guise de nourriture, ils lui donneront, en toute impiété, du Þ el et,

368 2<00(CO8' 2k 0)<07 :%:p C(C)>#?O")7 )z05/lpour boisson, du pur vinaigre, ayant la poitrine et le cœ ur

369 05;!(% :%F :/%2E#", T5Q/ S??%07" )I: K0)/N"5('piqué d’une méchante rage, ne voyant pas avec les yeux,

370 5<1>+5(/)7 0$%>U:8", 1)C(/k 5(/)7 K/$<05;/8"plus aveugles que des taupes, plus repoussants que des reptiles

371 !#/N" @)C+>8", C%/O7 $($(2#?O")7 o $"l .sauvages et venimeux, prisonniers d’un sommeil accablant.

372 T>>’ V5%" K:$(5U0g D(&/%' :%F $U"5% ?(5/;0gMais lorsqu’il aura étendu les mains et pris la mesure de toutes choses,

373 :%F 05O1%")" 1)/O0g 5R" T:U"!7")" { 2O 5( $>(</U"et qu’il aura porté la couronne d’épines et qu’on lui aura percé

374 "3f 807" :%>U?)707 "+?)< DU/7", K" 5/70F" | /%7'le ß anc avec des roseaux selon la loi, durant trois heures

375 "Af 05%7 0:)5+(00% $(>k /7)' } ?%57 ?O00l ·il y aura une nuit ténébreuse, monstrueuse, au milieu du jour.

302 K:$(5U0(7 D(&/%' :%F :+0?)" x $%"5% ?(5/;0(7.Il étendra les mains et prendra la mesure du monde entier.

303 (@' 2X 5R C/N?% D)>P" :%F $7(&" Sf )' 28:%"9En guise de nourriture ils lui ont donné du Þ el et pour boisson du vinaigre.

304 5v ' T17>)f ("E#' 5%35#" 2(Ef )<07 5/U$(f %".Ils exhiberont cette table inhospitalière.

305 "%)* 2X 0D70!w 5R $O5%0?% :%F } ?%57 ?O00lLe voile du temple se déchirera et, au milieu du jour,

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

96

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

4

Page 39: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les O

racles sibyllins 197

376 :%F 5+5( 2P "%R' 6)>)?k "7)' T"!/k $)707"C’est alors que le temple de Salomon fera retentir

377 0v ?% ?O4’ K:(>O0(7, Z$+5%" ~ 728"O)' )y:)"un grand signe pour les hommes, lorsqu’il ira

378 C;0(5%7 T44O>>8" K$%"%05%0E#" 5(!"(N07".dans la demeure d’Hadès, annonç ant la résurrection aux morts.

379 %I5Q/ K$P" >!g 5/70F" } ?%07" K' 1U)' %` 57'Puis, lorsque trois jours après, il sera revenu à la lumière,

380 :%F 2(Ef g !"#5)&07 53$)" :%F $U"5% 272Uf g ,qu’il aura montré sa forme aux mortels et leur aura enseigné toutes choses,

306 "Af 05%7 0:)5+(00% $(>k /7)' K" 5/70F" | /%7'.il y aura une nuit ténébreuse, monstrueuse, pendant trois heures.

307 )I:O57 4Q/ :/<1El 5( "+?l "%p 5( >%5/(3(7"Car il fut à nouveau révélé qu’on ne servirait plus une loi secrète

308 1%"5%0E%7' :+0?)< :(:%><??O"l %` 57' K2(ED!#ni un temple qui se cache dans les illusions du monde,

309 %I!O"5)< :%5%CU"5)' K$F D!)"R' T("U)7).une fois le souverain éternel descendu sur terre.

310 e f (7 2’ (@' ~ E2#" T44O>>8" K>$E2% $n 07"Il ira dans l’Hadès, annonç ant une espérance à tous

311 5)&' � 4E)7', 5O>)' %@k "8" :%F 0D%5)" s ?%/.les saints : la Þ n des temps et le dernier jour.

312 :%F !%"U5)< ?)&/%" 5(>O0(7 5/E5)" s ?%/ M$"k 0%'9Et après avoir dormi trois jours, il mettra un terme à la mort.

313 :%F 5+5’ T$R 1!7?O"8" T"%>30%' (@' 1U)' e f (7Et revenant alors des trépassés, il viendra à la lumière

314 $/N5)' T"%05U0(8' :>#5)&' T/DP" M$)2(Ef %',étant le premier à montrer aux élus le commencement de la résurrection,

315 T!%"U5)< $#4v ' T$)>)<0U?(")' M2U5(007"ayant lavé les anciennes fautes dans les eaux

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

97

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

5

Page 40: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

198 En m

arge du canon

381 K" "(1O>%7' KC7CQ' (@' )I/%")* )y:)" Z2(30(7s’élevant dans les nuées, il cheminera vers la maison du ciel,

382 :%>>(Ei %' :+0?l (I%44(>E#' 27U!#?%.laissant au monde les préceptes de l’évangile.

383 5)* :%F K$8"<?Eg C>%05R' "O)' T"!;0(7("Et, sous son nom, une jeune pousse ß eurira,

384 Kf K!"N" � (4U>)7) "+?l :%!)2#4#!O"58".issue des nations, guidée par la loi de Celui qui est grand.

385 T>>U 4( :%F ?(5Q 5%*5% 0)1)F :%!)2#4)F 0)"5%7,Mais après, il y aura des guides doués de sagesse,

386 :%F 5+5( 2P $%*07' 05%7 ?(5O$(75% $/)1#5N".et alors la série des prophètes prendra Þ n.

316 5Q' $/+5(/)" :%:E%', t"% 4(""#!O"5(' u "8!("d’une source immortelle, aÞ n que, nés d’en haut,

317 ?#:O57 2)<>(30807" T!O0?)7' } !(07 :+0?)<.ils ne soient plus asservis aux coutumes impies de ce monde.

318 $/N5% 2X 5)&' @2E)7' 1%"(/N' 5+5( :3/7)' B1!wC’est d’abord aux siens qu’alors le Seigneur apparaîtra

319 0U/:7")', W' $U/)' s ", D(/0E" 5( $)0E" 5a K$72(Ef (7en chair, tel qu’il était auparavant; aux mains et aux pieds, il montrera

320 5O00%/% 5)&' @2E)7' zD"# $#D!O"5% ?O>(007",quatre marques Þ xées dans ses propres membres :

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

98

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

5

Page 41: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

Le récit de la Passion dans les O

racles sibyllins 199

Ev P 9

« ] %F � 5(/)7 � 05N5(' K"� $5<)" %I5)* 5%&' Si (07 :%F u >>)7 5Q' 07%4� "%' %I5)* K/� $70%", � 5(/)7 :%>� ?l "<00)" %I5R" :%F 5�"(' %I5R" K?� 057H)" >� 4)"5('� ‘� %� 5g 5w 57?w 57?� 08?(" 5R" <�R" 5)* � ()*.’ »Et d’autres qui étaient présents lui crachaient à la face et d’autres lui frappè-rent les joues, d’autres le piquaient avec un roseau et certains le fouettaient en disant : “ Par cet hommage, honorons le Þ ls de Dieu” .

Or sib 1, 373-374a

:%F 05O1%")" 1)/O0g 5R" T:U"!7")" { 2O 5( $>(</U"et qu’il aura porté la couronne d’épines et qu’on lui aura perforé"3f 807" :%>U?)707 le ß anc avec des roseaux

Or sib 8, 296-

$>(</Q' "3f )<07" :%>U?l 27Q 5R" "+?)" %I5N"9Ils perforeront ses ß ancs avec un roseau selon leur loi.

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:1

99

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

5

Page 42: Le Recit de La Passion Dans Les Oracles Sibyllines

200 En m

arge du canonEv P 9

« ] %F � 5(/)7 � 05N5(' K"� $5<)" %I5)* 5%&' Si (07 :%F u >>)7 5Q' 07%4� "%' %I5)* K/� $70%", � 5(/)7 :%>� ?l "<00)" %I5R" :%F 5�"(' %I5R" K?� 057H)" >� 4)"5('� ‘� %� 5g 5w 57?w 57?� 08?(" 5R" <�R" 5)* � ()*.’ »Et d’autres qui étaient présents lui crachaient à la face et d’autres lui frappèrent les joues, d’autres le piquaient avec un roseau et certains le fouettaient en disant : “ Par cet hommage, honorons le Þ ls de Dieu” .

Or sib 1, 373-374a:%F 05O1%")" 1)/O0g 5R" T:U"!7")" { 2O 5( $>(</U"et qu’il aura porté la couronne d’épines et qu’on lui aura perforé"3f 807" :%>U?)707

le ß anc avec des roseaux

Or sib 8, 294 et 296:%F 05O1%")" 1)/O0(7 5R" T:U"!7")"…Et il portera une couronne d’épines…

$>(</Q' "3f )<07" :%>U?l 27Q 5R" "+?)" %I5N"9Ils perforeront ses ß ancs avec un roseau selon leur loi.

Ac Jn 9705%</)*?%7 :%F >+4D%7' "300)?%7 :%F :%>U?)7' :%F Sf )' 5( :%F D)>P" $)5EH)?%7 …

… je suis cruciÞ é, je suis piqué par des lances et des roseaux, je suis abreuvé de vinaigre et de Þ el ...

MP

en m

arg

e d

u c

anon_1.in

dd S

ec3:2

00

28/0

3/1

2 1

3:4

9:1

6