5
Le recours au marché complémentaire Le marché complémentaire a mis du temps à s’imposer en droit français du fait notamment de l’existence d’un outil en apparence assez proche : l’avenant. Cependant, ces deux instruments ne doivent pas être confondus. En outre, les conditions permettant la conclusion d’un marché complémentaire sans mise en concurrence diffèrent en fonction de l’objet du marché. L e droit européen a introduit, en 2004, un nouveau cas permettant de conclure un marché sans mise en concurrence préalable, par l’intermédiaire d’une simple négociation avec une entreprise. Ce marché, que les praticiens ont vite appelé le « marché complémentaire », a mis beaucoup de temps à s’intro- duire en droit français tant l’avenant paraissait – et paraît encore – l’outil naturel pour compléter un marché existant. Aujourd’hui, on s’aperçoit par ailleurs que le marché complémentaire de services ou de travaux vit ses dernières heures. Il est intéressant de faire un point sur le recours à cet outil qui reste encore étranger aux pratiques quotidiennes de beaucoup de services marché. Le marché complémentaire : un peu d’histoire C’est la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordina- tion des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, qui a introduit ce que les praticiens appellent aujourd’hui le marché complémentaire. L’article 31 de ce texte édicte la liste des cas qui permet- tent de conclure un marché négocié sans mise en concur- rence préalable. Parmi des cas « classiques », on trouve des cas plus novateurs et notamment le marché en complément d’un marché existant. Le droit français a tout simplement intégré dans son droit interne ce marché complémentaire venant du droit euro- péen (1) . L’article 35 du Code des marchés publics qui est (1) Décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics. Mehdi Abbadi Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire • Marché de fournitures • Marché de services • Marché de travaux • Mise en concurrence Contrats Publics – n° 157 - septembre 2015 40 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Modifications des contrats publics : mode d’emploi Dossier

Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

Le recours au marché complémentaireLe marché complémentaire a mis du temps à s’imposer en droit français du fait notamment de l’existence d’un outil en apparence assez proche : l’avenant. Cependant, ces deux instruments ne doivent pas être confondus. En outre, les conditions permettant la conclusion d’un marché complémentaire sans mise en concurrence diffèrent en fonction de l’objet du marché.

Le droit européen a introduit, en 2004, un nouveau cas permettant de conclure un marché sans mise en concurrence préalable, par l’intermédiaire d’une simple

négociation avec une entreprise.

Ce marché, que les praticiens ont vite appelé le « marché complémentaire », a mis beaucoup de temps à s’intro-duire en droit français tant l’avenant paraissait – et paraît encore – l’outil naturel pour compléter un marché existant.

Aujourd’hui, on s’aperçoit par ailleurs que le marché complémentaire de services ou de travaux vit ses dernières heures.

Il est intéressant de faire un point sur le recours à cet outil qui reste encore étranger aux pratiques quotidiennes de beaucoup de services marché.

Le marché complémentaire : un peu d’histoireC’est la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordina-tion des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, qui a introduit ce que les praticiens appellent aujourd’hui le marché complémentaire.

L’article 31 de ce texte édicte la liste des cas qui permet-tent de conclure un marché négocié sans mise en concur-rence préalable. Parmi des cas « classiques », on trouve des cas plus novateurs et notamment le marché en complément d’un marché existant.

Le droit français a tout simplement intégré dans son droit interne ce marché complémentaire venant du droit euro-péen(1). L’article 35 du Code des marchés publics qui est

(1) Décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics.

Mehdi Abbadi Avocat à la Cour

Mots clés

Avenant • Marché complémentaire • Marché de fournitures • Marché de services • Marché de travaux • Mise en concurrence

Contrats Publics – n° 157 - septembre 201540 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

Modifications des contrats publics : mode d’emploiDossier

Page 2: Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

relatif aux cas permettant de conclure un marché négocié le reprend depuis maintenant plus de dix ans.

L’ordonnance n° 2015-899 du 26 juillet 2015 dispose quant à elle, dans son article 42, que les pouvoirs adjudicateurs peuvent conclure leurs marchés « 3° Selon une procé-dure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables ». Ce seront donc les décrets d’application de cette ordonnance qui introduiront la notion de marché complémentaire. Ils seront certainement différents de ce que nous connaissons aujourd’hui puisque le droit euro-péen a modifié ce cas de marché négocié sans mise en concurrence préalable, notamment pour les travaux et services.

Le marché complémentaire : définitionLe droit européen comme le droit français listent un certain nombre de cas qui permettent d’utiliser la procé-dure négociée sans mise en concurrence préalable.

L’un de ces cas vise l’achat de fournitures, services ou travaux en complément d’un marché existant.

Le droit européen définit bien ce cas dans l’attendu numéro « 108 » de la Directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qui dispose que : « Les pouvoirs adjudicateurs peuvent être confrontés à des situations dans lesquelles des travaux, fournitures ou services complémentaires s’avèrent nécessaires ; dans de tels cas, une modification du marché initial sans engager une nouvelle procédure de passation de marché peut être justifiée, en particu-lier dans le cas où les livraisons complémentaires sont destinées au renouvellement partiel ou à l’extension de services, fournitures ou installations existants, lorsque le changement de fournisseur obligerait le pouvoir adjudi-cateur à acquérir un matériel, des travaux ou des services revêtant des caractéristiques techniques différentes entraînant une incompatibilité ou des difficultés tech-niques d’utilisation et d’entretien disproportionnées ».

On peut relever trois points dans cet attendu :

– la situation est décrite, il s’agit du cas où des presta-tions complémentaires s’avèrent nécessaires ;

– cette situation entraîne une rupture : le principe selon lequel un marché est conclu à la suite d’une mise en concurrence est remis en cause pour permettre la conclusion d’un marché sans mise en concurrence ;

– cette situation de rupture est encadrée : seules certaines circonstances permettent d’utiliser ce cas de procédure négociée sans mise en concurrence, ces cas distinguant les fournitures d’un côté, les services et les travaux de l’autre.

Sur la base du droit européen qui, sur ce point, n’est pas contredit par le droit français, un marché complémen-taire est donc :

– un marché public ou un accord-cadre ;

– dont le but est d’apporter un complément à un marché existant ;

– qui peut être conclu sans mise en concurrence si certaines conditions sont réunies ;

– ces conditions étant différentes pour l’achat de four-nitures complémentaires d’un côté et pour l’achat de services ou de travaux complémentaires d’un autre côté.

Par ailleurs, on verra que, pour les travaux et services, le marché complémentaire stricto sensu a disparu mais a été « remplacé » par le marché que les praticiens appellent « de reconduction ».

Le marché public complémentaire et l’avenantD’une manière classique, lorsqu’un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice considérait qu’il avait besoin de prestations complémentaires à un marché existant, il concluait un avenant.

De manière aussi classique, pour que cet avenant soit régulier, il fallait notamment :

– qu’il ne bouleverse pas l’objet du marché ;

– ou, si un bouleversement existait, que ce dernier soit dû à une sujétion technique imprévisible.

Par contre, on peut relever que si le droit français connaît de l’avenant depuis des décennies, cette notion d’avenant est totalement étrangère au droit européen.

L’introduction du marché complémentaire vient donc bouleverser notre pratique de l’avenant.

À notre sens, deux interprétations sont possibles :

– considérer que l’avenant était le nom donné, en droit français, au marché complémentaire, au moins depuis l’introduction en 2004 de cette notion de marché complé-mentaire en droit européen ;

– considérer que l’avenant et le marché complémentaire sont deux outils distincts répondant à des problématiques de forme et de fond différentes et indépendantes.

À notre sens, le marché complémentaire et l’avenant sont, au moins jusqu’à présent et dans l’attente du nouveau droit de la commande publique introduit par l’or-donnance de juillet 2015 et ses décrets d’application non encore parus, deux outils distincts.

Certes, ils ont au moins deux points communs :

– ce sont des contrats bipartites ;

– ce sont des contrats intimement liés à des contrats préexistants.

Ils ont toutefois plusieurs points qui les différencient :

– l’un existe uniquement en droit français, l’avenant, l’autre en droit français comme européen, le marché complémentaire ;

– le pouvoir de conclure l’un est, en droit des collectivités territoriales, distinct du droit de conclure l’autre. Ainsi, un maire a pu se voir déléguer le pouvoir de conclure tous les marchés publics, il peut alors conclure notamment un marché complémentaire. Le même maire peut n’avoir

41Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/Contrats Publics – n° 157 - septembre 2015

Modifications des contrats publics : mode d’emploiDossier

Page 3: Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

Nous avons aussi connaissance de déférés préfectoraux sur des avenants, avenants qui par ailleurs ne boule-versaient pas l’économie du marché, au seul motif que, pour les fonctionnaires de l’État, les soi-disant avenants n’avaient pas pour objet de modifier un contrat préexis-tant mais de compléter un marché existant et déduisant de cette logique que les avenants étaient en fait et en droit des marchés complémentaires.

Si notre raisonnement recevait l’aval définitif du Conseil d’État, trois conséquences devraient être tirées de la distinction qui existe entre l’avenant et le marché complémentaire :

– tout avenant ayant comme but direct ou indirect de compléter un marché existant et non de le modifier devrait être qualifié de marché complémentaire ;

– un référé précontractuel est possible contre un avenant dès lors que le juge accepterait préalablement de le « requalifier » de marché complémentaire ;

– une requête en annulation de l’avenant (sur la base de l’arrêt Tropic Travaux Signalisation) est aussi possible en « requalifiant », ici aussi, l’avenant de marché complémentaire.

Le droit n’a pas fini de nous étonner.

Le marché public complémentaire avec et sans mise en concurrence préalableLorsque l’administration se trouve dans le cas où le marché initialement conclu ne permet pas de finir la prestation telle que le souhaiterait cette administration, un marché complémentaire au sens d’un marché conclu pour compléter un marché existant doit être conclu.

Deux cas peuvent se présenter :

– le cas que l’on pourrait qualifier de « normal » au sens où l’administration va utiliser la règle prévalant dans le cadre de la conclusion d’un marché public, à savoir une mise en concurrence préalable au choix du cocontractant ;

– le cas plus « anormal » au sens où la règle de droit la plus substantielle du droit des marchés publics, à savoir la mise en concurrence préalable, n’est pas appliquée. L’administration va donc se trouver dans l’un de ces cas exceptionnels où il peut être conclu un marché sans mise en concurrence préalable.

Le premier cas ne pose pas de question juridique parti-culière. Selon la situation juridique exacte, la mise en concurrence sera effectuée en utilisant la procédure adaptée, l’appel d’offres ou la procédure négociée avec une mise en concurrence préalable.

Le second cas, qui est une exception, pose plus de problèmes juridiques puisqu’il faut être certain, préa-lablement, de se trouver dans la situation où la mise en concurrence n’est exceptionnellement pas nécessaire.

aucune délégation de pouvoir en matière d’avenant et donc la conclusion d’un tel contrat nécessite l’interven-tion du conseil municipal ;

– un avenant ne peut servir qu’à modifier un marché, il ne peut pas servir à le compléter. Au contraire, un marché complémentaire ne peut servir qu’à acheter un complé-ment à un marché existant, il ne peut pas servir à le modifier.

Ce dernier point nous paraît la distinction principale entre le marché complémentaire et l’avenant.

Certes, la jurisprudence sur cette distinction est pour le moins discrète et il n’existe pas à notre connaissance d’arrêt du Conseil d’État qui la fasse concrètement.

On peut toutefois relever un arrêt d’une cour adminis-trative d’appel qui considère, en les distinguant, que les avenants et les marchés complémentaires sont des « options » au sens du droit européen. En tout état de cause, la distinction entre l’avenant et le marché complémentaire est bien faite.

Selon la cour administrative d’appel de Marseille : « (...) Considérant qu’en vertu des dispositions de l’an-nexe VII A de la directive 2004/18/CE susvisée, les pouvoirs adjudicateurs doivent obligatoirement rensei-gner la rubrique “options” des avis de marché lorsque sont prévus des “achats ou travaux complémentaires” ; que l’annexe II du règlement de la commission du 7 septembre 2005 établissant les formulaires stan-dard pour la publication des avis de marché en applica-tion de la directive 2004/18/CE, prescrit, à la rubrique “II. 2. 2) options (le cas échéant)” que, si des options sont prévues, celles-ci doivent être décrites ainsi que, s’il est connu, le calendrier prévisionnel de l’exercice de ces options ; qu’il résulte de ces dispositions que doivent être indiquées dans les avis d’appel public à concurrence, au titre de la rubrique “options”, les prestations susceptibles d’être effectuées dans le cadre d’éventuelles reconduc-tions du marché, d’avenants ou de marchés complémen-taires conclus sans nouvelle mise en concurrence ainsi que, s’il est connu, leur calendrier prévisionnel »(2).

Par ailleurs, il a déjà été jugé qu’un avenant illégal constitue un nouveau marché, nouveau marché qui aurait pu être conclu sans mise en concurrence (marché complémentaire) si les conditions d’une absence de mise en concurrence étaient remplies : « Considérant, en second lieu, que l’avenant n° 2 conclu le 30 avril 1992 entre la commune et M. X a, il est vrai, modifié les presta-tions initialement convenues entre les parties en substi-tuant à une simple révision de la couverture une véritable remise à neuf de cette dernière, et en faisant passer le montant du marché de 151 291,37 francs toutes taxes comprises à 264 689,21 francs toutes taxes comprises ; que cet avenant a bouleversé l’économie du contrat et en a modifié l’objet ; qu’ainsi, l’avenant en cause doit être regardé comme un nouveau marché »(3).

(2) CAA Marseille 2 février 2015, req. n° 13MA02215.

(3) CAA Douai 22 décembre 2008, req. n° 06DA01119.

Contrats Publics – n° 157 - septembre 201542 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

Modifications des contrats publics : mode d’emploiDossier

Page 4: Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

Le marché public complémentaire de services ou de travaux sans mise en concurrence préalablePour les marchés de services ou de travaux, les condi-tions qui permettent la conclusion d’un marché complé-mentaire sans mise en concurrence sont très différentes du cas des fournitures.

Il faut par ailleurs distinguer le droit actuel et le droit futur.

Droit applicable en vertu de l’actuel Code des marchés publics

L’actuel article 35-II-5° du Code des marchés publics prévoit, à notre sens, cinq conditions dont l’une est alternative.

En premier lieu, ces prestations ou travaux complémen-taires ne doivent pas figurer dans le marché initialement conclu (sic). Il est vrai que si le marché d’origine prévoit les prestations à réaliser, on voit mal l’intérêt de conclure un marché complémentaire qui n’aurait plus rien à compléter !

En second lieu, le marché complémentaire sans mise en concurrence ne peut être conclu qu’avec le titulaire du marché qu’il est nécessaire de compléter. Parions que cette condition ne posera pas de problème particulier. On peut juste relever le cas où le prestataire d’origine refuserait de conclure un nouveau marché ou aurait été liquidé...

En troisième lieu, le montant du marché complémentaire devra rester inférieur à 50 % du marché d’origine mais le pourcentage est suffisamment important pour voir « plus qu’une poire pour la soif ».

En quatrième lieu, il faudra démonter, dans le rapport de présentation du marché (pour les marchés conclus au terme d’une procédure formalisée), ou a posteriori (pour les marchés conclus à la suite d’une procédure adaptée) :

– soit que la conclusion d’un nouveau marché à la suite d’une mise en concurrence poserait de sérieux problèmes techniques et / ou économiques ;

– soit, si ce n’est pas le cas, que le complément à acheter est strictement indispensable pour terminer la prestation de services ou les travaux.

En dernier lieu, que le complément à acheter inter-vienne « à la suite d’une circonstance imprévue » comme l’indique le texte.

Par ailleurs, ces marchés complémentaires de travaux ou de services actuels ne doivent pas être confondus avec les marchés de reconduction prévus au « 6° » de l’ar-ticle 35-II (et non au « 5° » pour les marchés complémen-taires). Ce texte dispose que : « Les marchés de services ou de travaux ayant pour objet la réalisation de prestations similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d’un marché précédent passé après mise en concurrence » peuvent aussi être conclus sans mise en concurrence...

Le Code des marchés publics, la directive européenne et très certainement les futurs décrets de l’ordonnance sur les marchés publics prévoient deux cas :

– le cas d’achat de fournitures ;

– le cas d’achat de prestations de services ou de travaux.

Le marché public complémentaire de fournitures sans mise en concurrence préalable

Pour les fournitures, un marché complémentaire peut être conclu sans mise en concurrence préalable si les conditions suivantes existent préalablement à la conclusion du marché complémentaire :

– le marché peut être conclu avec le fournisseur qui a « vendu » les fournitures initiales que l’on veut « compléter ». Même si le cas ne devrait pas exister en pratique, il est possible que ce fournisseur d’ori-gine refuse de conclure un marché complémentaire ou n’existe plus. Dans ce cas, le marché complémentaire sans mise en concurrence devient impossible ;

– le marché complémentaire ne peut porter que sur des fournitures, des installations d’usage courant, l’extension d’installations existantes. On comprend mal ce que vien-nent faire les installations car de tels marchés complé-mentaires seront plutôt des marchés de services voire de travaux ;

– pour l’achat de fournitures complémentaires, cet achat complémentaire ne peut être que partiel. On peut, par exemple, utiliser le marché complémentaire pour remplacer vingt fauteuils détruits dans une salle de spec-tacle qui en comprend cent. On ne pourra pas utiliser le marché complémentaire pour remplacer les cent sièges qui seraient détruits puisque le complément ne serait plus partiel mais « total »... sauf éventuellement à consi-dérer qu’il s’agit d’une installation existante puisque la notion de « partielle » ne semble viser que l’achat de fournitures ;

– en démontrant (au moins a posteriori) qu’un changement de fournisseur aurait entraîné soit une incompatibilité avec le matériel existant, soit des difficultés techniques d’utilisation ou d’entretien disproportionnées au regard des avantages d’une mise en concurrence.

Par ailleurs, les marchés complémentaires, lorsqu’ils sont possibles, doivent être conclus dans les trois ans... la question piège est de connaître le point de départ de ces trois ans : la conclusion du marché initial ou son solde ? Le texte n’apporte sur ce point aucune précision.

De plus, il ne sera pas possible de conclure un marché complémentaire si la procédure d’origine est une procé-dure adaptée et que la somme entre le marché d’origine et le (ou les) marché complémentaire dépasse le seuil qui permet d’utiliser une telle procédure.

43Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/Contrats Publics – n° 157 - septembre 2015

Modifications des contrats publics : mode d’emploiDossier

Page 5: Le recours au marché complémentaire - moniteurjuris.frmoniteurjuris.fr/contratspublics/sites/default/files/fichier/20... · Avocat à la Cour Mots clés Avenant • Marché complémentaire

lable pour de nouveaux travaux ou services consistant dans la répétition de travaux ou de services similaires confiés à l’opérateur économique adjudicataire du marché initial par les mêmes pouvoirs adjudicateurs, à condition que ces travaux ou ces services soient conformes à un projet de base et que ce projet ait fait l’objet d’un marché initial passé selon une procédure conforme à l’article 26, paragraphe 1. Le projet de base précise l’étendue des travaux ou services supplémentaires possibles, et les conditions de leur attribution. La possibilité de recourir à cette procédure est indiquée dès la mise en concur-rence du premier projet, et le montant total envisagé pour les travaux ou les services supplémentaires est pris en considération par les pouvoirs adjudicateurs pour l’appli-cation de l’article 4. II n’est possible de recourir à cette procédure que pendant une période de trois ans suivant la conclusion du marché initial »(4).

Le droit est donc en perpétuel changement.

Il va falloir s’habituer très rapidement à parler de marchés complémentaires pour les fournitures et de marchés de reconduction pour les travaux et services.

Il ne s’agit pas que d’une modification sémantique. Les conditions d’utilisation des marchés de reconduction sans mise en concurrence préalable sont très différentes de nos marchés complémentaires actuels.

(4) Directive 2014/24/UE du 26 février 2014, art. 32.

Les conditions d’application de ce cas sont différentes puisque le texte précise que : « Le premier marché doit avoir indiqué la possibilité de recourir à cette procédure pour la réalisation de prestations similaires. Sa mise en concurrence doit également avoir pris en compte le montant total envisagé, y compris celui des nouveaux services ou travaux. La durée pendant laquelle les nouveaux marchés peuvent être conclus ne peut dépasser trois ans à compter de la notification du marché initial ».

Quelles seront les dispositions applicables à compter de 2016 ?

Dans le droit des marchés publics d’un « futur » proche, puisqu’il ne manque aujourd’hui à ce droit que les décrets d’application de l’ordonnance, la situation devrait être différente sous réserve que le droit français reprenne sans y déroger les principes du droit européen, ce qui paraît quand même plus que probable.

Ce droit futur fait disparaître les marchés complémen-taires de services ou de travaux. Ils n’existent plus dans les textes de la nouvelle directive et l’on voit mal le droit français s’écarter par trop du droit européen.

Ces marchés complémentaires sont remplacés par ce que nous appelons plutôt les marchés de reconduc-tion, marchés qui existent déjà aujourd’hui en sus des marchés complémentaires et qui devraient être demain « à la place de ces marchés complémentaires » dans le nouveau droit.

La directive prévoit en effet que : « Il est possible de recourir à la procédure négociée sans publication préa-

Contrats Publics – n° 157 - septembre 201544 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

Modifications des contrats publics : mode d’emploiDossier