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Le secteur ONG et la sécularisation en Belgique: le cas de quatre ONG catholiques
Auteur : Nelson, Elwando
Promoteur(s) : Pirotte, Gautier
Faculté : Faculté des Sciences Sociales
Diplôme : Master en sciences de la population et du développement, à finalité spécialisée
Coopération Nord-Sud
Année académique : 2015-2016
URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/1690
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mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du
document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.
1
Master en Sciences de la Population &
du Développement
Le secteur ONG et la sécularisation en Belgique: le
cas de quatre ONG catholiques
Présenté par : Elwando, NELSON
Membres du Jury :
M. Gautier PIROTTE (Promoteur)
M. Jacques DEFOURNY (Lecteur)
M. Pierre VERJANS (Lecteur)
Année Académique 2015-2016
2
« Parmi les drames qui déchirent l’humanité, il en est un plus laid, plus révoltant, plus immonde, un
drame que les hommes n’ont pas créé- comme celui de la guerre- mais qui ne persiste et ne se
perpétue que par leur indifférence, leur inconscience de la solidarité qui unit tous les êtres humains :
le drame de la faim dans le monde. Cette indifférence se camoufle souvent sous le paravent facile
d’une aumône, quelques vivres, quelques médicaments que l’on envoie de-ci de-là, au hasard des
événements et de la publicité qu’on leur donne. Guérir un peu, manger quelques jours, et puis mourir
de faim. Tel est le lot de ceux que l’on prétend aider. Certes, cela vaut mieux que rien. Les pays riches
ont bonne conscience. Les affamés meurent un peu moins vite».
Dominique Pire
3
Remerciements
Tous nos remerciements …
A M. Pirotte, notre promoteur, pour ses conseils judicieux, son encadrement et son
enthousiasme à l’idée de nous accompagner tout au long de ce travail.
A nos lecteurs, M. Jean VERJANS et Jacques DEFOURNY, pour votre disponibilité et vos
précieux conseils. Nos échanges ont été très fructueux.
A mes parents, Grazela Noel, Martel Nelson et Aliancier Nelson, ce travail est avant tout le
fruit de vos labeurs, nous vous serions éternellement reconnaissants.
A tous nos lecteurs, amis et camarades pour vos remarques.
A toi ma chérie, mon amour Lisa, ma première lectrice, pour son amour et sa tendresse.
A tout ce beau monde et bien d’autres, je vous dis MERCI !
4
Liste des acronymes et abréviations
ACJB Association Catholique de la Jeunesse Belge
ACNG Acteurs de la coopération non gouvernementale
ACODEV Fédération des ONG de coopération au développement
ACW Algemeen Christelijk Werkersverbond
ANMC Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes
ASBL Association sans but lucratif
CAFOD Catholic Fund for Overseas Development
CARAES Caritate Aegrorum Servi
CCFD Comité Catholique Contre la Faim et le Développement
CELAM Conférence Episcopale Latino-américaine
CETRI Centre Tricontinental
CJC Conseil de la Jeunesse Catholique
CJP Commission Justice et Paix
CMT Confédération Mondiale du Travail
CNUCED Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement
COOPIBO Les Compagnies bâtisseurs
CRISP Centre de Recherche et d’information Socio-Politiques
CSC Confédération des Syndicats Chrétiens
CTB Coopération technique belge
CV Caritas veritate
DGD Direction générale du développement
EF Entraide et Fraternité
ESE Enseignement Social de l’Eglise
EUDAC Equipe Universitaire d’Action Catholique
FAO Food and Agriculture Organization of the United Nations
FMI Fonds Monétaire International
IP Iles de Paix
IPSI Initiatives populaires de solidarité internationale
JEC Jeunesse Etudiante Catholique
JIC Jeunesse Indépendante Catholique
5
JOC Jeunesse Ouvrière Chrétienne
MEP Missions Étrangères de Paris
MM Mater magistra
MOC Mouvement Ouvrier Chrétien
MSF Médecins Sans Frontière
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONGD Organisation Non Gouvernementale de Développement
ONU Organisation des Nations Unies
ONUDI Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PP Populorum Progressio
SM Solidarité Mondiale
SRS Sollicitudo rei socialis
UIT Union Internationale des Télécommunications
6
Le secteur ONG et la sécularisation en Belgique: le cas de quatre ONG catholiques
Sommaire
Remerciements …………………………………………………………………………………… 3
Liste des acronymes et abréviations ……………………………………………………….…….. 4
Sommaire ……………………………………………………………………………………..….. 6
Introduction ………………………………………………………………………………………. 9
Partie I : Cadre théorique, problématique et hypothèse ……………………………………... 10
Chapitre I : Cadre théorique ……………………………………………………………… 11
1.1. Problématique et hypothèse ……………………………………………………… 11
1.2. L’Église catholique et la question du développement …………………………... 12
1.2.1- Développement : quelques tentatives de définitions ……………………... 13
1.2.2-La doctrine sociale de l’Église (DSE) catholique …………………………. 14
1.2.3-L’Église et la cause des pauvres …………………………………………… 15
1.2.4-Le développement selon le magistère de l’Église catholique ……………... 16
a) Rerum novarum …………………………………………………………. 17
b) Quadragesimo anno …………………………………………………….. 18
c) Mater et magistra …………………………………………………….…. 19
d) Gaudium et Spes ……………..…………………………………………... 19
e) Populorum progressio …………………………………………………… 20
f) La théologie de la libération ……………………………………………… 21
g) Laudato si ……………………………………………………………….. 23
1.2.5-Présence et modes d'actions de l’Église dans le développement …………… 25
a) Des institutions ecclésiales ………………………………………………………25
b) Des institutions religieuses ………………………………………………………25
c) ONG catholiques ………………………………………………………………...26
Chapitre II : L’Église face à la sécularisation ……………………………………….………26
2.1. Qu’entend-on par sécularisation ? …………………………………………………. 26
2.2. Les ambiguïtés du concept de sécularisation ………………………………………. 28
2.3. La sécularisation en Europe ………………………………………………………… 30
2.4. La sécularisation en Belgique ………………………………………………………. 31
2.4.1- La neutralité de l’État………………………………………………………. 31
2.4.2- La sécularisation manifeste et latente………………………………………. 31
7
Partie II : Les ONG belges de la coopération au développement et le pilier catholique……… 34
Chapitre I- Approche méthodologique et problématique …....……………………………. 34
1.1. Approche méthodologique………………………………………………………….. 34
1.1.1- La recherche bibliographique ……………………………………………….. 34
1.1.2- Les entretiens ………………………………………………………………... 35
1.1.3- Difficultés rencontrées……………………………………………….………. 36
1.2. Les limites de la recherche ……………………………….………………….……... 36
Chapitre II : La coopération belge au développement …………………………………….. 37
2.1. Les ONG belges de la coopération ………………………………………………... 37
2.1.1- Origines …………………………………………………………………… 37
2.1.2- Les acteurs ………………………………………………………………… 40
2.1.3- Le financement ……………………………………………………………. 41
Chapitre III : Le pilier catholique ………………………………………………………….. 42
3.1. L’Église de Belgique ………………………………………………………………. 44
3.1.1- L’Église comme ’’institutions’’ …………………………………………….. 44
3.2. Les ’’acteurs’’ du pilier catholique belge ………………………………………….. 45
3.2.1- Les mouvements d’action catholique ……………………………………….. 45
a) Les mouvements de jeunesse ……………………………………………….. 45
b) Les groupements de spiritualité et les mouvements d’adultes ……………... 46
c) Les mouvements familiaux …………………………………………………. 46
d) Les mouvements professionnels ……………………………………………. 46
3.2.2- Les institutions et organisations chrétiennes ………………………………… 46
a) L’enseignement …………………………………………….……………….. 46
b) L’action caritative et d’assistance …………………………………………... 47
c) Les organisations sociales chrétiennes ……………………………………… 47
- Le MOC ……………………………………………………………………. 47
- Les organisations agricoles ………………………………………………… 47
- Les organisations de classe moyenne et de cadres………………………. 47
Partie III : Le catholicisme à travers ces ONG aujourd’hui …………………………………..... 48
Chapitre I : Les ONG du pilier catholique ………………………………………………… 48
1.1. Entraide et Fraternité ……………………………………………………………….. 48
1.2. Solidarité Mondiale ………………………………………………………………… 49
1.3. Iles de Paix …………………………………………………………………………. 51
1.4. Caritas International ………………….…………………………………………….. 52
1.5. Le catholicisme, pilier fondateur de ces ONG ? …………………………………… 53
Chapitre II : Le catholicisme dans ces ONG aujourd’hui …………………………………… 55
8
2.1. Entraide et Fraternité et le catholicisme en Belgique ……..……………………….. 55
2.1.1- La vision d’EF……………………………………………………………. 55
2.1.2- La déclaration de mission d’EF …………………….……………………. 56
2.1.3- Entraide et Fraternité, le clergé belge et les paroissiens …………………… 57
2.1.4- Structure organisationnelle d’Entraide et Fraternité …………………….. 59
2.1.5- Les valeurs prônées par Entraide et Fraternité ………………………….. 60
a) La souveraineté alimentaire…………………………………………… 60
b) La lutte paysanne ……………………………………………………... 61
c) L’agroécologie ……………………………….……………………...... 62
d) Les changements climatiques …….…………………………………... 63
2.2. Solidarité Mondiale (SM) et le catholicisme en Belgique …………………………. 63
2.2.1- Solidarité Mondiale aujourd’hui ………………………………………… 64
2.2.2- Vision et stratégies d’actions ………………………………………………. 64
2.2.3- Le statut et l’organigramme de Solidarité Mondiale ………………………. 65
2.3. Iles de Paix et le catholicisme en Belgique …………………………………………... 66
2.3.1- Iles de Paix aujourd’hui ……………………………………………………. 66
2.3.2- Missions et objectifs des Iles de Paix ……………………………………. 67
2.4. Caritas International et le catholicisme aujourd’hui………………………………... 68
2.4.1- Caritas International aujourd’hui …………………………………………... 68
2.4.2- Vision et missions de Caritas International ………………………………... 69
2.4.3- Caritas International et le monde catholique ………………………………. 70
Chapitre III : La sécularisation dans les ONG belges : une étude comparative ……………. 72
3.1. La situation chez Solidarité Mondiale ……………….……………………………. 72
3.2. La situation chez Iles de Paix …………………………………………………………74
3.3. La situation chez Entraide et Fraternité ……………………………………………... 74
3.4. La situation chez Caritas International ……………………………………………. 78
Conclusion ………………………………………………………………………………………… 82
Bibliographie ………………………………………………………………………………………… 85
Annexes ……………………………………………………………………………………………… 91
9
INTRODUCTION
Avec le discours de Truman du 20 janvier 1949, le problème du sous-développement a acquis son
laissez-passer dans le discours politique international et a fait du 33e président américain l’inventeur
de l’aide au développement. Si à partir de cette date l’opinion politique mondiale s’est penchée sur
cette question, plusieurs décennies avant, des missionnaires catholiques s’occupaient déjà du
problème surtout dans les colonies en Afrique et en Amérique latine. Etant donné que leur mission
première était l’évangélisation, on ne se souvient plus de leur effort dans la lutte contre la pauvreté à
tel point que l’on a complètement oublié la place de la religion dans le développement. L’Église non
plus ne s’en souciait pas vraiment.
Quelques années après ce discours, la machine du développement s’est mise en route et l’Église est
montée à bord. Le Vatican s’est positionné en faveur de cette cause et a invité les chrétiens de par le
monde à s’engager au profit du développement. Ainsi sur tous les continents des initiatives
chrétiennes dirigées soit par des religieux, soit par des laïcs sont mises en place. Les Nations Unies
lancèrent leur première décennie du développement et l’Europe fut parmi les avant-gardistes. Dans
des pays de tradition catholique comme l’Italie, la France, l’Espagne ou la Belgique des initiatives
sont fécondes.
En Belgique, dès l’indépendance du Congo, plusieurs générations d’ONG catholiques ont vu le jour.
La plupart d’entre elles interviennent surtout dans les anciennes colonies mais peu à peu elles se
multiplient et investissent d’autres territoires. D’années en années le travail des ONG se
professionnalise et devient de plus en plus technique. La volonté de vouloir aider ne suffit plus et
l’aide au développement n’est plus l’apanage des seules initiatives religieuses. Au contraire, la place
de la religion dans le secteur diminue et certaines ONG préfèrent jouer la carte de l’humanisme.
L’évolution politico-sociale belge en dit long sur la situation.
Si de moins en moins d’ONG se définissent encore aujourd’hui comme chrétiennes, certaines
résistent. Dans ce contexte, nous souhaitons partir de quatre ONG belges, toutes fondées dans le
monde catholique belge : Iles de Paix, Entraide et Fraternité, Caritas International et Solidarité
Mondiale. Nous nous demanderons si ces ONG, socialement et organiquement, sont toujours bien
intégrées dans le réseau catholique? Nous partirons de nos observations chez Entraide et Fraternité,
Iles de Paix et Caritas international afin de développer ce travail en trois parties. La première partie
fera écho aux discours de la religion catholique sur le développement et abordera la thèse de la
sécularisation ainsi que son impact en Belgique. La deuxième évoquera le climat belge de la
coopération au développement et la question du pilier catholique belge. Et enfin nous questionnerons
le niveau de catholicité de nos quatre ONG aujourd’hui dans la société belge.
10
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE, PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE
Cette première partie de notre travail s’étale sur deux chapitres : le cadre théorique et l’Église face à la
sécularisation. L’objectif de cet ensemble est de définir le profil de notre travail. Nous partirons de
son cadre logique afin de définir notre problématique à partir de notre question de départ : est-ce que
ces ONG, socialement et organiquement, sont toujours bien intégrées dans le réseau catholique?
Celle-ci nous permettra d’énoncer notre hypothèse de départ.
Dans le premier chapitre nous essayerons d’établir le lien existant entre l’Église catholique et le
monde de l’aide au développement. Tout d’abord au premier point nous commencerons par présenter
quelques tentatives de définitions du concept de développement fournies par les sciences sociales, ce
sera donc au-delà du catholicisme. Puis arrivera le moment de présenter le contour de la doctrine
sociale de l’Église catholique, sans laquelle il est pratiquement impossible de comprendre les
approches de l’Église en matière du développement. Nous continuerons par retracer une brève histoire
de l’engagement de l’Église pour la cause des pauvres. Là nous aborderons l’un des points les plus
importants de ce chapitre, à savoir, la conception de l’Église catholique du développement et surtout
comment elle le conçoit à travers un ensemble de textes (encycliques, Vatican II et des documents de
différentes conférences épiscopales) et plusieurs pontificats. Et à la fin de ce chapitre nous tiendrons à
mettre en évidence la présence et les modes d’actions de l’Église dans le développement.
Le second chapitre, l’Église face à la sécularisation, se focalisera sur le concept même de
sécularisation. Tout d’abord une tentative de définition, qu’entend-on par sécularisation ? Pour ensuite
discuter des ambigüités qui entourent ce concept. Le troisième et dernier point de ce chapitre
concernera la sécularisation en Europe, en tenant compte de la situation spécifique de la Belgique.
11
Chapitre I : Cadre théorique
Notre travail sera guidé à la fois par l’enseignement social de l’Église catholique en matière de
développement et de la sociologie des religions. Dans le premier chapitre du travail nous tiendrons
compte de deux points essentiels. D’un coté il s’agira de cerner la conception catholique du
développement (chapitre I) et d’un autre de contourner le débat sociologique autour de la thèse de la
sécularisation (chapitre II). Pour le premier point, nous ferons surtout appel au magistère de l’Église
catholique, c'est-à-dire aux écrits de ses enseignants, à savoir, les papes, les diverses conférences
épiscopales et d’autres spécialistes de la doctrine catholique. Essentiellement nous partirons de Jean
XXIII qui fut le premier pape à mentionner le développement parmi les problèmes à résoudre pour
l’humanité, avant d’arriver à Paul VI avec son concept du « développement humain intégral » qui
demeure encore aujourd’hui la vision du développement au sein de l’Église catholique. D’autres
papes comme Jean-Paul Ier
, Jean-Paul II, Benoit XVI ou plus récemment le pape François et aussi
bien la conférence épiscopale Latino-américaine (CELAM) à travers « la théologie de la libération »,
vont à leur tour approfondir cette conception du « développement humain intégral ».
En ce qui concerne le deuxième point nous partirons de la sociologie de la religion où deux courants
s’opposent en ce qui concerne la thèse de la sécularisation. D’une part il y a les sociologues qui la
soutiennent, parmi eux, Bryan Ronald Wilson (1926-2004) de l’université d’Oxford et Peter Ludwig
Berger (1929) de la tradition libérale protestante. D’autre part des sociologues de religion qui la
contestent parmi eux James Arthur Beckford (1942), spécialiste des mouvements religieux
socialement controversés et Danièle Hervieu-Léger (1947), spécialiste de l’interprétation théorique de
la modernité religieuse y compris la question de la sécularisation. Les postulats de ces deux courants
ne s’opposent pas catégoriquement mais leur point de vue diffère. Pour le cas spécifique de la
Belgique, Hervé Hasquin et surtout Karel Dobbelaere nous seront d’un grand support.
1.1. Problématique et hypothèse
A travers quatre ONG belges de coopération au développement que sont Solidarité Mondiale,
Entraide et Fraternité, Iles de Paix et Caritas, il s’agira d’étudier leur niveau de relation avec le
catholicisme qui fut un de leur pilier à l’origine. Nous partirons de la question suivante : est-ce que
ces ONG, socialement et organiquement, sont toujours bien intégrées dans le réseau catholique? De
cette question en découleront bien d’autres :
- Quels liens institutionnels avec d’autres piliers catholiques entretiennent-elles ?
- Ont-elles aujourd'hui d'autres inspirations chrétiennes ou sont-elles tournées vers d'autres
inspirations de type environnemental par exemple?
12
- Assistons-nous à un recul d'une intervention dictée par les valeurs chrétiennes au profit des
valeurs écologiques par exemple?
- Est-ce que le catholicisme demeure encore aujourd’hui un pilier dynamique ?
Notre hypothèse est la suivante : la sécularisation en Belgique n’affecte pas seulement quelques
domaines ou quelques institutions de la société, mais l’ensemble de la société en général. En ce sens
ces ONG, bien que catholiques au départ, sont avant tout des acteurs sociaux comme d’autres et
n’échappent pas au processus de sécularisation de l’ensemble de la société. Toutefois, de par leur
histoire particulière, leur parcours, leurs logiques de fonctionnement, leurs liens avec d’autres
institutions, elles ne sont pas affectées par le processus de sécularisation de la même manière.
1.2. L’Église catholique et la question du développement
Si l’invention de l’aide au développement, telle que nous la connaissons aujourd’hui, remonte au
point IV du discours d’investiture de Truman, à savoir, une extension aux nations défavorisées de
l’aide technique américaine qui avait été jusque là accordée à certains pays d’Amérique latine (Rist,
2012, 132) ; il existait pourtant bien avant cela des efforts contribuant à améliorer les conditions de
vie des classes défavorisées depuis la période coloniale. En ce sens le christianisme, en particulier des
missionnaires de l’Église catholique en sont parmi les pionniers. Ainsi : « contrairement à une opinion
reçue, les institutions ecclésiales catholiques se sont en grandes partie montrées favorable au
développement, et ce dès le milieu du XIXe siècle» (Bertina, 2013, p.141).
Malgré cela, durant plusieurs décennies « la configuration développementiste » (J-P. Olivier de
Sardan, 1995, p.7) s’est complètement détachée de la religion : «La religion et la spiritualité ont été
largement évacuées des études du développement et des dialogues politiques jusqu’à leur récente
découverte (ou redécouverte ?) […] Cette omission explique avant tout par l’habitude largement
répandue de percevoir les organisations religieuses et confessionnelles comme des obstacles
historiques à la connaissance, à la modernité et à la science» (Kartas et Silva, 2013, p.251).
Certains vont même jusqu’à expliquer l’échec du développement par cette absence de reconnaissance
de la culture, et particulièrement de la religion dans la théorie et la stratégie du développement
(Selinger, 2004). Il a fallu attendre le milieu du siècle suivant, en particulier avec les interventions du
Saint-Siège le développement pour recommencer petit à petit à y redécouvrir la religion, et surtout lui
attribuer sa place. Ainsi de l’encyclique Mater magistra du pape Jean XXIII à Laudato si du pape
François, le christianisme se révélera être un acteur clé du développement.
13
1.2.1- Développement : quelques tentatives de définitions
Les sciences sociales nous proposent diverses définitions du concept de développement. Ce passage
vers ces définitions est important car celles-ci nous permettront de mieux saisir dans les pages
suivantes la conception catholique du développement, et même peut-être, de comprendre comment le
catholicisme a influencé la communauté internationale du développement. Gilbert Rist (2013) passe en
revue différentes définitions du concept de développement, formulées par des spécialistes, des
institutions internationales, des commissions, etc. Logiquement il choisit de commencer par la
définition du dictionnaire. Selon le Petit Robert (1987) : « Pays, région en développement, dont
l’économie n’a pas atteint le niveau de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale, etc. Euphémisme
créé pour remplacer le sous-développement» (Rist, 2013, p. 33).
Une définition qui ne nous amène nulle part, le concept de développement est repris dans sa propre
définition. En plus, selon Rist, cette définition a un présupposé d’évolutionnisme social, il s’agit du
rattrapage des pays industrialisés. Il nous propose une deuxième définition, celle du rapport de la
commission Sud, rédigé sous l’autorité de l’ancien président tanzanien Julius K. Nyerere. Selon cette
commission :
« Le développement est un processus qui permet aux êtres humains de développer leur
personnalité, de prendre confiance en eux-mêmes et de mener une existence digne et
épanouie. C’est un processus qui libère les populations de la peur du besoin et de
l’exploitation et qui fait reculer l’oppression politique, économique et sociale. C’est par
le développement que l’indépendance économique acquiert son sens véritable. Il se
présente comme un processus de croissance, un mouvement qui trouve sa source
première dans la société qui est elle-même en train d’évoluer » (Rist, 2013, p. 33).
Selon Rist cette définition a un présupposé individualiste car il s’agit de développer la personnalité des
êtres humains. Pour finir, Rist se lance et propose lui-même sa définition du concept de
développement :« Le développement est constitué d’un ensemble de pratiques parfois contradictoires
en apparence, qui, pour assurer la reproduction sociale oblige à transformer et à détruire de façon
généralisée le milieu naturel et les rapports sociaux, en vue d’une production croissante de
marchandises, biens et services, destinés, à travers l’échange, à la demande solvable » (Rist, 2013, p.
40).
A travers ces différentes définitions plus ou moins uniques, force est de constater qu’aucune ne peut
s’imposer. Elles ont toutes leur force et faiblesse. Rist, parlant du concept de développement, reconnait
qu’il s’agit d’un mot fétiche, un mot-valise ou un mot plastique (2013). Azoulay pour sa part
souligne : « Si l’on se réfère aux définitions du mot même, le terme « développement » peut
14
s’appliquer à une équation, à une pellicule, à un embryon, ou encore à l’intelligence de l’’enfant. Si
dans chacun de ces domaines, il est possible de s’accorder sur une signification précise, dans le champ
économique et social, le mot développement ne fait pas l’objet d’une définition unique, acceptée par
tous» (Azoulay, 2002, p.41).
1.2.2- La doctrine sociale de l’Église (DSE) catholique
Le concept de « doctrine sociale » n’est plus approprié, car depuis Vatican II, l’Église préfère parler de
« Enseignement social » de l’Église (ESE). Selon Yves-Marie Hilaire (2009), l’idée d’une doctrine
sociale de l’Église a pris forme avec la publication de l’encyclique « Rerum Novarum » (RN) (A
propos des choses nouvelles ou des réalités nouvelles) publiée par le pape Léon XIII le 15 mai 1891.
Selon lui, cette encyclique « a servi de référence à d’autres documents sur le même sujet, la question
sociale. Elle est le point de départ d’une réflexion sociale catholique, mise à jour en fonction des
réalités nouvelles qui sont apparues ». Ce n’est pourtant qu’en 2004 dans son « Compendium de la
doctrine sociale » que l’Église a « résumé » sa pensée du social (Lafoucarde, 2009, p. 101). Elle y
déclare:
« Le chrétien sait qu'il peut trouver dans la doctrine sociale de l'Église les principes de
réflexion, les critères de jugement et les directives d'action sur la base desquels
promouvoir un humanisme intégral et solidaire. Diffuser cette doctrine constitue, par
conséquent, une priorité pastorale authentique, afin que les personnes, éclairées par
celle-ci, soient capables d'interpréter la réalité d'aujourd'hui et de chercher des voies
appropriées à l'action: « L'enseignement et la diffusion de la doctrine sociale font partie
de la mission d'évangélisation de l'Église » (Compendium de la doctrine sociale de
l’Église, 2004, n°7).
Enseignement social de l’Église, de quoi s’agit-il exactement ? Nous référant à la définition restreinte
proposée par Ignace Berten (2009), il s’agirait de toutes les interventions des papes depuis la fin du
XIXe siècle, textes qui sont les plus officiels. Nous proposons d’y ajouter des textes également publiés
par des conférences épiscopales des différents continents. Berten précise :
« L’ESE présente des éléments de continuité, d’approfondissement et d’élargissement
progressif. Il est aussi lié, cela va de soi, à la situation du moment où chacun des textes
est publié. Chacun de ces documents est aussi marqué par la personnalité du pape, par
les experts qui ont contribué à sa rédaction, par les préoccupations du Saint-Siège à ce
moment, par des traits idéologiques, etc. Il n’y a donc pas une doctrine cohérente : il y a
évolution, et dans certains cas des contradictions » (Berten, 2009, p.16).
15
1.2.3- L’Église et la cause des pauvres
Dans l’enseignement social de l’Église, les pauvres ont toujours occupé une position privilégiée. Selon
Alain Durand (1992), « Le pauvre est celui qui est davantage dans le besoin qu’un autre. Il est en
situation d’inégalité par rapport aux autres » (Durand, 1992, p.171). Dans l’Ancienne Alliance, le
pauvre est avant tout celui qui est victime de l’injustice des riches (Balthasar, 1986). S’il y a des
pauvres c’est parce que les riches sont des méchants. Avec Jésus-Christ, la responsabilité des riches
dans la situation des pauvres est moins directement mise en cause : « La béatitude de Jésus prolonge
sans doute cette ligne, mais l’accusation prophétique contre les riches oppresseurs ne retentit plus
qu’indirectement » (Balthasar, 1992, p.4).
Il est tout de même difficile, comme le mentionne Isabelle Grellier (2007), de retracer complètement
l’histoire des attitudes et des politiques sociales inspirées par la foi chrétienne à l’égard des pauvres,
mais quelques orientations sont quand même à noter. Dans l’Église primitive selon elle, l’engagement
à l’égard des pauvres a longtemps été vécu sur le mode de la charité. Une position guidée par
l’engagement des monastères dans la cause des pauvres. Au Moyen-âge, I. Grellier nous dit que
l’Église privilégiait surtout la pauvreté spirituelle, ainsi des chrétiens ont choisi de la partager. Selon
elle : « Si les pauvres avaient une place dans la société du Moyen-âge, c’est en tant qu’il permettait au
riche d’accomplir des œuvres charitables, et ainsi de préparer son salut» (Grellier, 2007). Une position
partagée par Geremek (1987) qui ajoute : « Dieu aurait pu rendre tous les hommes riches, mais il a
voulu qu’il y ait des pauvres dans ce monde pour que les riches puissent ainsi racheter leurs péchés»
(Gemerek, 1987, p.27).
Vers le XVIe siècle, les autorités ont décidé de placer les pauvres à l’écart de la société, ils sont
éloignés du regard des « honnêtes gens » et ont décidé de mettre au travail tous les potentiels
travailleurs. C’est ce que, toujours selon I. Grellier, M. Foucault a appelé « grand enfermement des
pauvres ».
Luis Martinez (2009) pour sa part se focalise sur trois réalités du monde contemporain, défavorables
aux pauvres, qui interpellent aujourd’hui la conscience chrétienne. Tout d’abord celle de la
mondialisation de l’économie qui exclut et crucifie davantage les pauvres. La conséquence désastreuse
de cette mondialisation a été déjà dénoncée par la conférence épiscopale latino-américaine :
« La mondialisation suit une dynamique de concentration du pouvoir et des richesses
dans les mains d’une minorité ; il ne s’agit pas seulement des ressources matérielles et
monétaires, mais surtout de l’information et des ressources humaines, ce qui produit
l’exclusion de tous ceux qui ne sont pas assez préparés et informés, en augmentant les
16
inégalités qui touchent tristement notre continent et qui maintiennent dans la pauvreté
une multitude de personnes … » (Martinez, 2009, p.90).
Ensuite, la deuxième réalité qui interpelle la conscience chrétienne aujourd’hui selon Martinez, c’est la
migration des pauvres et l’enjeu d’une société multiculturelle. Aujourd’hui, malgré les progrès
scientifiques et la mondialisation qui permettent plus facilement le déplacement des individus, la
migration demeure un problème mondial: « dans la majorité des cas, ce mouvement migratoire massif
est un mouvement forcé à cause de la guerre, de la famine, de la discrimination religieuse ou de la
persécution politique subies dans les pays d’origine […] Les conditions de logement, de travail et de
sécurité sociale de ces migrants surtout des sans-papiers, sont d’une grande précarité et leur situation
est aggravée par la croissance de la xénophobie» (Martinez, 2009, p.90).
Et en dernier lieu la troisième réalité contemporaine qu’il pointe du doigt est l’agression sur
l’environnement et l’avenir de l’humanité : « sous la pression d’intérêts économiques qui soutiennent
le projet de la mondialisation, d’immenses étendues de forêts, d’énormes ressources d’eau douce, etc.
se trouvent en danger immédiat, avec la menace que cela entraine sur la biodiversité et la vie humaine
elle-même » (Martinez, 2009, p.95).
1.2.4- Le développement selon le magistère de l’Église catholique
L’inégalité de partage des ressources qui caractérise les pays du Nord et du Sud est immense. Bien que
le Nord soit abondamment riche, la précarité, la misère et surtout les instabilités politiques et sociales
du Sud menacent la tranquillité au Nord et l’équilibre même de la planète. De ce fait bien que
l’intention n’est pas de sauver le Sud de la misère, leur survie est donc nécessaire pour le bien-être de
tous et la tranquillité au Nord.
L’Église catholique pour sa part, comme le stipule Philippe Laurent (1981), n’a pas attendu que se
schématisent dans les termes « Nord-Sud » les rapports entre pays développés et en développement,
pour prendre conscience de ce grave problème international. Si la doctrine sociale de l’Église a
retrouvé son repère dès 1891 avec Rerum novarum, il a fallu attendre 1967 avec l’encyclique
Populorum progressio de Paul VI pour qu’elle s’engage définitivement dans la problématique des
relations Nord-Sud. Si à cette période l’Europe a été en pleine croissance économique, la situation fut
différente pour les nouveaux états. La coopération et le développement sont donc une nécessité. A
noter en ce qui concerne l’Église spécifiquement : « la solidarité économique des Etats, et l’idée d’une
responsabilité collective des peuples est ancienne dans la doctrine catholique» (Jean, 1962, 9.886).
Mais son engagement sur la question du développement soulève avant tout la question du rapport
existant entre religion et développement.
17
Le rapport entre religion et développement pourrait constituer le sujet central d’une quantité infinie
d’ouvrages. Dans ce travail, nous avons déjà souligné l’idée que ce que nous connaissons aujourd’hui
sous le nom de développement a trouvé ses racines dans des activités encadrées par des monastères
remontant de la colonisation. Ce qui fait dire à Henri Desroche (1961): « la Religion est mère du
Développement mais le développement sur ce retour de son périple étrangle une mère qu’il ne
reconnait plus » (Desroches, 1961, p.5). Ceci démontre également le rapport tendu entre les deux
concepts. Katherine Marshall et Lucy Keough (2004) pour leur part parlent d’une séparation historique
entre le terme de religion et celui du développement. Selon elles, ces deux mondes ne partagent que
des liens « fragiles et intermittents » qui ont été « déterminants et conflictuels ». Elles pensent que
cette séparation serait principalement à cause d’une part, la distinction institutionnelle historique entre
l’Église et l’État, et d’autre part, le fait que ces deux mondes fonctionnement selon un ensemble de
dynamiques divergentes.
Maintenant afin de comprendre la conception du développement selon le magistère romain, nous
passerons en revue les principales publications, en majorité des encycliques, qui ont façonné la
doctrine du développement selon l’Église catholique. Nous entendons par encyclique, « une position
écrite du gouvernement central de l'Église qui trace un enseignement de référence pour le
comportement approprié des catholiques au sein de la société » (Philippe, 1997, p.107). Et à la fin, un
tableau récapitulatif reprendra les idées centrales de chaque texte.
a) Rerum novarum (RN) :
Publiée le 15 mai 1891 par le pape Léon XIII, l’encyclique Rerum novarum (RN) (des choses
nouvelles) est considérée comme le point de départ de l’ESE. Son titre, les premiers mots, renvoie aux
dangereuses innovations de l’époque (Philippe, 1997), au moment où l’Europe, depuis plus d’une
décennie, est en pleine Révolution industrielle. Elle n’est pourtant pas la première encyclique publiée,
d’ailleurs Léon XIII à lui seul, pape de 1878 à 1903, a publié une cinquantaine d’encycliques dont une
vingtaine avant celle-ci.
En 1891 l’Europe est en pleine Révolution industrielle, c’est une époque de grandes transformations
qui ont bouleversé les pratiques sociales et économiques. Le principe économique qui prédominait à
l’époque insistait sur le fait que l’Etat devait s’abstenir de toute intervention dans le domaine
économique, ce fut « une conception naturaliste, qui nie tout lien entre moral et économie. Le motif
unique de l’activité économique, affirmait-on, est l’intérêt individuel» (Vie chrétienne, 2016).
Pourtant malgré une forte croissance et l’accumulation de richesses provoquées par la Révolution
industrielle, les conditions de vie des travailleurs, y compris des enfants, restaient désuètes: «salaires
insuffisants ou de famine, conditions de travail épuisantes et sans aucun égard pour la santé physique,
18
les mœurs et la foi religieuse » (Vie chrétienne, 2016). Au sein de cette classe appauvrissant et
maltraitée, murissaient les graines de la révolte. L’Église pour sa part subissait des critiques pour son
silence, «certains osaient accuser l’Église catholique de se borner, devant la question sociale, à prêcher
la résignation aux Pauvres et exhorter les riches à la générosité » (Vie chrétienne). Ce sont là les
conditions sociales à l’époque de la publication de Rerum novarum.
RN s’adresse au monde du travail « qui doit être traité non plus comme une marchandise, mais comme
une expression de la personne humaine» (Vie Chrétienne, 2016). Elle s’adresse aussi à l’État qui « ne
peut être absent du monde économique ; il doit être présent pour y promouvoir avec opportunité la
production d’une quantité suffisante de biens matériels […] C’est, en outre, le devoir de l’État de
veiller à ce que les relations de travail se développent en justice et équité, que dans les milieux de
travail la dignité de la personne humaine, corps et esprit, ne soit pas lésée » (Vie chrétienne, 2016).
Elle s’adresse aussi aux travailleurs afin de reconnaitre « le droit naturel de créer des associations pour
ouvriers seuls ou pour ouvriers et patrons, comme aussi le droit de leur donner la structure organique
qu’ils estimeront la plus apte à la poursuite de leurs intérêts légitimes, économiques et professionnels
… » (Vie chrétienne, 2016). Et enfin aux ouvriers et employés qui « doivent régler leurs rapports en
s’inspirant du principe de la solidarité humaine et de la fraternité chrétienne» (Vie chrétienne, 2016).
b) Quadragesimo anno(QA) :
Quadragesimo Anno fait partie de la longue liste des encycliques publiées pour célébrer le succès de
Rerum novarum. Elle est publiée le 15 mai 1931, c’est l’encyclique du quarantième anniversaire de
son illustre prédécesseur. En quarante ans le monde fut témoin de beaucoup de changements dont la
Première guerre mondiale (1914-1919), la Révolution Russe de 1917 et beaucoup d’évolution
économique et sociale ouvrant à la modernité. D’où, selon Olivier de Dinechin (2011), le thème de la
nouvelle encyclique, d’élargir la question ouvrière à « l’instauration de l’ordre social ».
QA fut publiée dans un contexte économique spécifique selon Dinechin, deux ans de cela, le monde a
connu le grand « krach » de Wall Street : « Après plusieurs années de prospérité, la grande crise
économique s’est abattue sur le monde industriel américain et, deux ans après, a ses répercussions en
Europe » (Dinechin, 2011). Sur le plan social, mis à part le chômage provoqué par le grand « krach»,
le syndicalisme ouvrier a connu un essor et de nouvelles catégories sociales apparaissaient comme les
fonctionnaires. Sur le plan économique c’est l’intervention de l’état et sur le plan social, l’arrivée des
gouvernements forts en Europe et des dictateurs en Amérique du Sud.
C’est dans la troisième et dernière partie de l’encyclique que Pie XI analyse la situation de son époque.
Il traite des changements sociaux et économiques suscités par le monde industriel et le système
capitaliste en dénonçant la dictature économique des monopoles ou de l’État, tout en prônant la
19
restauration d’une saine et libre concurrence sous la vigilance des pouvoirs publics. Il analyse
l’évolution du socialisme qu’il rejette et trouve contradictoire au christianisme et encense l’action
sociale. Et enfin, selon notre auteur, il scrute l’état des mœurs et fourgue la « ruine des âmes »
découlant de la déchristianisation.
c) Mater magistra (MM):
Si l’encyclique RN constitue l’acte fondateur de l’enseignement social de l’Église, nous pourrions
affirmer que MM, publiée en 1961 pour le 70e anniversaire de RN, constitue l’engagement officiel
l’Église en matière de développement international (Bertina, 2013, p.142). Si la croissance en Europe
est au niveau maximal, les relations internationales pourtant restent doublement bipolaires (Laurent,
1981). D’un coté il y a les nations industrialisées, donc développées, pays d’abondance et de
gaspillage ; et d’un autre il y a les pays sous-développés majoritairement agricoles. Bipolaire aussi
parce que le monde est aussi divisé en deux blocs : le bloc de l’Ouest ayant à sa tête les USA et le bloc
de l’Est avec l’URSS. Ainsi on range d’un coté les bons et de l’autre les mauvais.
Avec MM il y a deux points essentiels à signaler en matière de coopération internationale. Tout
d’abord pour la première fois dans une encyclique un pape parle de coopération. Le pape recommande
la « coopérative de production » (Desroches, 1973, p.72). Ensuite, et le plus évident en ce qui
concerne notre travail, dans MM le pape sollicite la coopération internationale et présente le
développement comme problème à résoudre :
« Le problème le plus important de notre époque est peut-être celui des relations entre
communautés politiques économiquement développées et pays en voie de développement
économiques. Les premières jouissent d'un niveau de vie élevé, les autres souffrent de
privations souvent graves. La solidarité qui unit tous les hommes en une seule famille
impose aux nations qui surabondent en moyens de subsistance le devoir de n'être pas
indifférentes à l'égard des pays dont les membres se débattent dans les difficultés de
l'indigence, de la misère, de la faim, ne jouissent même pas des droits élémentaires
reconnus à la personne humaine » (Jean XXIII, 1961, n°157).
d) Gaudium et Spes (GS)
Gaudium et Spes (Joies et Espoirs) ou « La Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de son
temps » est l’un des principaux documents issus du Concile Vatican II. Ce document adopté presqu’à
l’unanimité le dernier jour du Concile, comme le relate Gérard Mathon (2006), apporte des
perspectives nouvelles. Le Concile a préféré parler de constitution PASTORALE et non plus
DOGMATIQUE, une manière selon Mathon de passer d’une morale de la loi à une morale plus
anthropologique qui était jusque là absente des traités et manuels. Où ? DANS LE MONDE. L’Église
20
qui va s’ouvrir au dialogue sur des sujets qui ne sont plus purement théologiques. Cette formule va
manifester toute sa signification quand le pape Paul VI prendra la parole au siège des Nations Unies le
4 octobre 1965.Quel monde ? LE MONDE DE SON TEMPS. Cette formule témoigne désormais de la
prise en compte du Vatican de l’insertion de l’Église dans l’Histoire.
L’objectif de Gaudium et Spes est donc clair : « la recherche d’une vision humaniste centrée sur le
Christ et faisant sa place à l’Histoire du Salut, le discernement des signes des temps pour y lire
l’actualité de Dieu dans le monde, le champ et la signification du libre agir humain dans les réalités
terrestres» (Dinechin, 1985, p.8). Cette ouverture de l’Église fut une nécessité car il fallait rompre avec
la mentalité dominante de l’Église de la Contre-réforme : «la mentalité de la Contre-réforme avait été,
à l’origine, une mentalité de lutte à outrance contre le protestantisme […] et de défiance à l’égard de la
Renaissance et du premier essor scientifique. Elle était devenue en quelque sorte une mentalité de
ghetto, depuis le triomphe rationaliste de la Philosophie des Lumières et les contrecoups de la
Révolution française » (Coste, 1986, p. 17).
Avant Vatican II l’Église était par exemple très réticente aux questions des droits de l’homme. Une
attitude qui pouvait s’expliquer en partie par le fait que d’une part « les courants philosophiques alors
les plus influents étaient rationalistes, souvent sceptiques, voire opposés à la foi chrétienne » (R.
Coste, 1986, p.97) et d’autre part « le courant majoritaire de la pensée théologique, qui inspirait les
prises de positon des responsables ecclésiaux, restait attaché à l’idéologie de la chrétienne médiévale »
(R. Coste, 1986, p.98). Avec Gaudium et Spes le combat pour la promotion des droits de l’homme sera
perçu désormais comme une exigence essentielle de la foi chrétienne. L’Église ira même plus loin à
professer la liberté religieuse, une ouverture à l’athéisme et à la promotion du bien commun.
e) Populorum progressio (PP)
Publiée le 26 mars 1967 par le pape Paul VI, cette encyclique avec son concept clé de
« développement humain intégral », s’impose comme « la pensée religieuse du développement »
(Bertina, 2013, p.148). Ce qui contribue à faire la force de cette encyclique c’est qu’elle « s’appuie sur
l’expérience de catholiques engagés dans les débats et dans l’action en faveur du développement.
Parmi eux le père Louis-Joseph Lebret1 qui a joué un rôle majeur» (Catta, 2014). Dès le début de
l’encyclique, Paul VI appelle chaque individu à prendre conscience que le problème de la question
sociale est devenue mondiale: «Aujourd'hui, le fait majeur dont chacun doit prendre conscience est
que la question sociale est devenue mondiale […] Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de
1 - Louis-joseph Lebret (1897-1966) fut un prêtre dominicain français qui a mené une grande action sociale et syndicale dans
le monde des marins, avant de parcourir le monde pour lancer des programmes de développement et conseiller les acteurs.
Ami proche du pape Paul VI qui lui confia le projet de l’encyclique Populorum progressio, il est à l’origine du concept de
« développement de tout l’homme et de tout homme ».
21
façon dramatique les peuples de l'opulence. L'Église tressaille devant ce cri d'angoisse et appelle
chacun à répondre avec amour à l'appel de son frère » (Paul VI, 1967, n°3). La solution à ce problème
ne peut venir d’un seul homme ou d’une seule nation, mais de nous tous : « Aussi est-ce à tous que
Nous adressons aujourd'hui cet appel solennel à une action concertée pour le développement intégral
de l'homme et le développement solidaire de l'humanité » (Paul VI, 1967, n°5).
Pour Paul VI le bien être de l’homme doit être au cœur de nos préoccupations. Il fait appel au
développement des peuples, et non des choses, mais celui de l’homme dans toutes ses dimensions. Le
développement économique est important mais il ne peut être prioritaire, il faut voir l’homme avant
tout : « Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il
doit être intégral, c'est-à-dire promouvoir tout homme et tout l'homme » (Paul VI, 1967, n°14). Telle
est, jusqu’à nos jours, la vision catholique du développement. Comme le note Bertina (2013), le
développement humain intégral est avant tout perçu comme un instrument d’émancipation au service
de l’être humain et non de son confort :
« Il ne s'agit pas seulement de vaincre la faim ni même de faire reculer la pauvreté. Le
combat contre la misère, urgent et nécessaire, est insuffisant. Il s'agit de construire un
monde où tout homme, sans exception de race, de religion, de nationalité, puisse vivre
une vie pleinement humaine, affranchie des servitudes qui lui viennent des hommes et
d'une nature insuffisamment maîtrisée; un monde où la liberté ne soit pas un vain mot et
où le pauvre Lazare puisse s'asseoir à la même table que le riche » (Paul VI, 1967, n°47).
f) La théologie de la libération
Parmi les textes de la doctrine catholique qui ont fortement influencé la conception du
développement, il n’y a pas que des encycliques. Il n’y a pas non plus que le pape ou le Saint-Siège.
La théologie de la libération se révèle être un parfait exemple. Tout a pratiquement commencé avec la
deuxième conférence de l’épiscopat latino-américain (CELAM) en 1968 à Medellin en Colombie
pour réfléchir sur le thème de «L’Église dans la transformation de l'Amérique latine, à la lueur de
Vatican II». Dans le texte final de cette conférence, le CELAM déclara : «Nous sommes au seuil d'une
époque nouvelle de l'histoire de notre continent, époque clé du désir ardent d'émancipation totale, de
la libération de toutes espèces de servitude2». Ainsi, l’Église de l’Amérique latine fait du combat pour
l’amélioration de la vie des pauvres un choix prioritaire.
Le contexte sociopolitique qui sévit en Amérique Latine à cette période a beaucoup contribué à
l’émergence de ce mouvement théologique. François Houtart (1998) nous explique que, à la fin des
2 http://croire.la-croix.com/Definitions/Mots-de-la-foi/Theologie/Qu-est-ce-que-la-theologie-de-la-liberation
22
années soixante, l’Amérique latine commence à sortir du projet « développementiste » qui consistait à
centrer le développement sur la substitution des importations par une production locale. Débuta alors,
avec le support des différents régimes militaires, l’ère du capital extérieur qui se révéla défavorable
pour l’investissement en accroissant la pauvreté de la masse.
Ainsi cette théologie de la libération « repose sur la prise de conscience que les pauvres attendent une
libération réelle et qu'il est vain de parler du Christ et du salut qu'il apporte si ce salut n'est pas
immédiat. Le critère le plus précis de l'authenticité évangélique est donc la lutte contre la pauvreté »
(Houtart, 1998, p.512). Un mouvement qui trouve en partie ses racines chez Jean XXIII avec Mater
magistra et Paul VI avec Populorum progressio. Car le premier « manifeste les préoccupations de
l’Église qui s’intéresse aux problèmes matériels des hommes, sur tous les plans : social, politique,
culturel et moral » (Jullien, 1984, p.896). Et le second à son tour a confirmé cette orientation. Cette
position du Saint-Siège a renforcé la volonté des chrétiens d’Amérique latine de continuer à lutter
contre la pauvreté, pour la justice et la paix.
Michel Schooyans (1975) fait ressortir deux points communs entre les théologiens de la libération,
entre autres, Gustavo Gutierrez, Helder Camara, Oscar Romero ou Léonardo Boff. Ils ont en commun
une intention, ou plutôt une volonté : faire de la théologie. Pour la première fois en Amérique latine
des théologiens réclament avec tant de vigueur le droit de faire de la théologie. Et deuxièmement ils
présentent entre eux une appréciable parenté de méthode, l’engagement prime sur la réflexion. Une
méthode au service d’un projet portant sur la situation de dépendance et de domination dans laquelle
se trouve l’Amérique Latine, sachant que là où il y domination et dépendance il y a du péché.
Mais ce mouvement de théologie de la libération devait s’affronter au Vatican. La Congrégation pour
la doctrine de la foi, fondée à l’origine pour défendre l’Église contre les hérésies3 a émis un avis
négatif contre la théologie de la libération le 6 août 1984. Elle « met en garde contre les déviations
dues à l'introduction d'éléments du marxisme et critique les lectures rationalisantes de la Bible qui
réduisent l'histoire du Christ à celle d'un libérateur social et politique » (Journal La Croix). Et moins
de deux ans plus tard le 22 mars 1986, cette même Congrégation a émis un autre avis plutôt favorable
dans lequel « la théologie de la libération est relue de manière positive en y introduisant la dimension
spirituelle d'une théologie de la liberté » (Journal La Croix).
3-http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_pro_14071997_fr.html
23
g) Laudato Si4
Quelques mois avant la COP21, le pape François a publié Laudato Si, une encyclique dédiée
entièrement à l’écologie. Si avant lui ses prédécesseurs, Jean Paul II et Benoit XVI, avaient abordé la
question, le pape François va plus loin en liant le respect des plus pauvres à la sauvegarde de
l’environnement. Il dénonce la condition humaine et la sauvegarde de la planète qui sont menacées
par la toute-puissance de l’économie.
Dans « Laudato si- la sauvegarde de la maison commune », le pape François exhorte les Hommes à
rester des gardiens de la création, des protecteurs de la maison commune, c’est-à-dire qu’il les
encourage à sauvegarder notre planète : "notre maison commune est aussi comme une sœur, avec
laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts ”
(François, 2016, n°6). Le Saint-Père exhorte également les responsables mondiaux à agir vite pour
sauver la planète, menacée de destruction par le réchauffement et le consumérisme. A la lumière de
Saint-François d’Assise, le pape invite tous les hommes et femmes, fils et filles de notre Terre-Mère, à
une communion universelle en faveur d’une écologie intégrale, en passant d’une société inégalitaire à
une société plus juste, en harmonie avec la création.
Voici un tableau5 récapitulatif de ces principaux documents qui ont marqué l’enseignement social de
l’Église ayant lien avec la conception catholique du développement :
4 Résumé réalisé pour Entraide et Fraternité dans le cadre de mon stage.
5 Inspiré de http://doctrinesocialeeglise.org/documents/encycliques-et-textes/article/principaux-textes-de-la-dse.
24
Documents
Idées développées
Evènement majeur par
rapport aux relations
Nord-Sud
Rerum novarum (Les choses
nouvelles), 1891, pape Léon XIII
Fondements des droits et des
responsabilités des travailleurs, des
détenteurs de capitaux et du
gouvernement. Condamnation du
socialisme athée.
Révolution industrielle
Une conception naturelle de
l’économie
Quadragesimo Anno (La
reconstruction d’un ordre social),
1931, pape Pie XI
Dénonce les méfaits de l’égoïsme
et de la concentration du pouvoir
économique sur les travailleurs et
sur la société. Propose une société
basée sur le principe de
subsidiarité.
Première guerre mondiale
Révolution russe
Krach de Wall Street
Mater et Magistra (Christianisme
et progrès social), 1963, pape Jean
XXIII
Déplore l’élargissement du fossé
entre les nations riches et les
pauvres, la course aux armements
et la crise agricole. Appelle les
chrétiens à travailler pour un
monde plus juste
Les Trente Glorieuses
Début de la Guerre Froide
Gaudium et Spes (l’Église dans le
monde de ce temps), 1965, Vatican
II,
Regrette le développement mondial
de la pauvreté et la menace d’une
guerre nucléaire. Demande aux
chrétiens de s’engager pour faire
émerger des structures susceptibles
de promouvoir un monde juste et
pacifique.
Les Trente Glorieuses
Guerre Froide
Populorum progressio (Le
développement des peuples), 1966,
pape Paul VI
Affirme le droit des nations pauvres
à un vrai développement. Décrit les
structures économiques causes des
inégalités. Le développement est le
nouveau nom de la paix. Appelle à
l’action des organisations
internationales et à des accords
multilatéraux
Trente Glorieuses
La décolonisation
Naissance de l’ère du
développement
Théologie de la libération, 1968,
CELAM
Fait du combat pour l’amélioration
de la vie des pauvres un choix
prioritaire.
Economie de substitution
des importations en
Amérique latine
Dictatures militaires
Laudato Si (Loué sois-tu), 2016,
pape François
Appelle à une écologie intégrale.
Le pape François milite pour la
sauvegarde de la nature qui est liée
au respect des plus pauvres. Il
dénonce la condition humaine et la
sauvegarde de la planète qui sont
menacées par la toute-puissance de
COP 21
25
1.2.5- Présence et modes d’actions de l’Église dans le développement
Identifier la présence et les modes d’actions de l’Église dans le développement est complexe. Selon P.
Laurent (1981) elles sont multiples et diversifiées en fonction de trois éléments : ses objectifs
spécifiques et ses choix prioritaires ; son organisation transnationale ; sa structure hiérarchique et sa
nature de « peuple de Dieu ». C. Verger (1995) va dans le même sens en attestant :
« Sous le couvert de l’Église vit et se développe un ensemble complexe de réseaux dont
les mailles ne sont ni uniformes ni parallèles. Plusieurs niveaux d’échanges se
superposent et s’entrecroisent, qu’ils soient le fait de la structure institutionnelle, des
relations internes aux congrégations présentent à travers le monde, ou encore du
dialogue établi de façon formelle, ou plus informelle, entre des groupes de chrétiens, par
le biais d’associations, de jumelage de diocèses, etc. » (Verger, 1995, p.25).
Elle nous met aussi en garde à ne pas assimiler aide aux Églises et aide au développement, bien qu’il
arrive que des Églises et congrégations religieuses les lient dans une même mission. Reprenant le
modèle de Verger, essayons tout de même de présenter quelques réseaux par lesquels l’Église
intervient dans le développement :
a) Des institutions ecclésiales : par ce canal nous sommes au niveau international et, toujours
selon Verger, l’Église s’est dotée de deux institutions. D’un coté il y a le Saint-Siège, à savoir
le Vatican qui vise à mettre en œuvre une solidarité effective entre Églises riches et Églises
démunies. Ainsi : « en matière d’engagement dans le champs du développement […], il reste
qu’en dernière analyse, c’est le Vatican qui sanctionne, en les approuvant ou en les récusant,
la validité de ses orientations » (Verger, 1995, p.27). Signalons aussi que le Vatican a un statut
international particulier (Laurent, 1981). Il entretient des liens actifs de coopération avec les
organisations internationales soit comme observateur (ONU), soit comme Etat-membre
(CNUCED, ONUDI, UIT, etc.). D’un autre coté il y a les conférences épiscopales qui, selon
Verger, ont pour fonction privilégiée de favoriser la réflexion et l’action en matière de
développement. Ces épiscopats créent ou favorisent la mise en place de structures de vigilance
et de solidarité.
b) Des institutions missionnaires : l’Église abrite dans ses rangs une multitude d’organisations
et de congrégations religieuses qui tiennent aussi leur rôle dans la promotion humaine et de
développement. En plus de leur mission première qu’est l’évangélisation, elles tiennent aussi
l’économie.
26
compte du bien être physique et matériel de l’Homme. Verger nous dit qu’elles sont très
diversifiées. Nous y trouvons par exemple des sociétés de prêtres et de séculiers au service de
la mission comme les MEP (Missions Etrangères de Paris) ; mais aussi et surtout des
congrégations religieuses dont les membres ont fait des vœux dans une congrégation nationale
ou internationale. Ces congrégations ont souvent des orientations prioritaires, comme les
Salésiens pour l’éducation et la formation en milieu populaire. Ces organismes on les retrouve
à la fois au Nord comme au Sud.
c) ONG catholiques : un dernier réseau est constitué des ONG catholiques qui, selon Verger,
relient les chrétiens aux peuples du Sud. Leur mission est surtout « de témoigner de la
solidarité et de la volonté des chrétiens de participer à la construction d’un monde plus juste et
fraternel qui réponde davantage aux besoins essentiels des populations pauvres » (Verger,
1995, p. 41). Ce réseau a pris son essor au Nord principalement dans les années soixante,
citons entre autres : Caritas international, en France on a le Comité Catholique Contre la Faim
et le Développement (CCFD), en Allemagne on retrouve Misereor, en Suisse Action de
Carême Suisse, en Belgique Entraide et Fraternité et Broederlijk Delen, au Royaume-Uni
CAFOD (Catholic Fund for Overseas Develoment) et au Canada Développement et Paix, etc.
27
Chapitre II : L’Église face à la sécularisation
Le titre de ce chapitre met en opposition les concepts de sécularisation et d’Église au point de penser
le premier comme anti-religieux. Pourtant, « d’après la religion chrétienne, la sécularisation, en tant
qu’elle déconnecte l’ordre profane de celui de la religion, n’implique aucune opposition anti-
religieuse » (Vergotte, 1983, p.431). Il faut remonter à la pensée sociologique pour mieux saisir la
compréhension d’une telle approche : « la pensée sociologique elle-même a véhiculé, dès son origine,
une interrogation sur le devenir du religieux dans les sociétés modernes, la perte d’influence sociale
des religions sur les individus et les sociétés tendant à être considérée comme un indicateur du
passage d’une société traditionnelle à une société moderne » (Willaime, 2006, p.756).
J.J. Rousseau dans ouvrage « Le contrat social », propose d’établir ce qu’il nomme « la religion
civile » : « celle dont il appartient au souverain de fixer les dogmes et les prescriptions, et dont il doit
sanctionner le respect par la peine de mort » (Cité par Vergotte, 1983, p. 435). Plus tard au XXe siècle
Willaime (2006) croit que Durkheim lie la crise de la société moderne par le non-remplacement des
morales traditionnelles fondées sur les religions et pense qu’il revient à la sociologie de reconstituer
une morale répondant aux exigences de l’esprit scientifique (Willaime, 2006).
Ainsi depuis les Lumières avec Rousseau nous nous retrouvons dans une logique opposant modernité
et religion qui a pu faire objet même de la sociologie naissante. Le concept de sécularisation pour sa
part n’a pas pu échapper à cette opposition car « c’est avec cet héritage complexe opposant modernité
et religion, nous dit Willaime, que le concept de sécularisation a été abondamment utilisé en
sociologie des religions » (Willaime, 2006, p. 756). Pour notre travail, devons nous concevoir la
sécularisation à travers l’opposition modernité et religion comme quoi l’un pourchasserait l’autre ?
2.1. Qu’entend-on par sécularisation ?
Essayons tout d’abord de commencer par ce qu’habituellement le concept de sécularisation évoque
dans la pensée de beaucoup de gens, à savoir :
« Une perte, un recul sans fin de la religion dans les sociétés modernes : baisse de la
pratique religieuse, diminution et crise permanentes du clergé et des personnes - hommes
et femmes - voués à la chose religieuse, « perte de la foi » - en tout cas dans ces facettes
visibles -, fonctionnement de la société hors de toute référence et de tout critère religieux,
y compris en des matières éthiques essentielles où, traditionnellement, la religion était
impliquée, y compris dans la « morale commune » qui règle les relations et les décisions
courantes des individus » (Schlegel, 1995, p.9).
28
Affirmons-le dès maintenant, dans ce travail la sécularisation ne sera pas abordée dans ce sens, à
savoir comme une sortie de la religion. Une définition du concept nous exige à remonter à son origine
car il ne fut pas utilisé pour la première fois ni en sociologie ni en histoire. « Le mot a son origine,
nous rappelle Antoine Vergote, dans les lois de l’Église catholique, où il signifie le passage, d’un
homme ou d’une femme, de la vie religieuse consacrée à la vie laïque » (Vergotte, 1983, p.421). Donc
le concept de sécularisation fut au départ un terme ecclésiastique : « il s’agit d’un processus, actif ou
passif, par lequel une réalité qui était étroitement liée à Dieu et à la religion, retourne au saeculum, au
monde profane» (Vergotte, 1983, p. 421). Le concept de sécularisation serait lui-même sécularisé,
selon l’auteur, pour trouver une nouvelle interprétation dans l’histoire de la civilisation occidentale.
Par le fait de toujours penser la sécularisation comme une sortie de la religion, il devient de plus en
plus difficile de trouver une définition appropriée. Toutefois certains auteurs nous facilitent le travail
en proposant des définitions proches du fait. Ainsi selon Danièle Hervieu-Léger :
« La sécularisation, ce n’est pas d’abord une perte de la religion dans le monde moderne.
C’est l’ensemble des processus de réaménagements des croyances qui se produisent dans
une société dont le moteur est l’inassouvissement des attentes qu’elle suscite, et dont la
condition quotidienne est l’incertitude liée à la recherche interminable des moyens de les
satisfaire. Contrairement à ce que l’on nous dit, ce n’est donc pas l’indifférence croyante
qui caractérise nos sociétés. C’est le fait que cette croyance échappe très largement au
contrôle des grandes Églises et des institutions religieuses» (Hervieu-Léger, 1999, p. 42).
Une définition qui nous dit surtout ce que la sécularisation n’est pas, mais pas ce qu’elle est. Plus
simplement nous pouvons le concevoir comme un « mouvement historique qui a vu des secteurs de
plus en plus nombreux de l’activité et de la pensée humaines échapper à l’emprise du religieux »
(Donegani, 2008, p. 39).
2.2. Les ambigüités du concept de sécularisation
Plusieurs auteurs soulignent les ambigüités du concept de sécularisation. A. Vergote (1983) pour sa
part pense même que ces ambigüités font négliger la réalité de la pensée religieuse. Selon lui certains
confondent séculariser et déchristianiser, et d’autres prennent pour vrai l’idéologie selon laquelle les
hommes arrivés à maturité ou dans une culture scientifique, abandonnent nécessairement la religion.
Pour lui tout cela est faux dans la mesure où des études ont clairement montré que dans son ensemble,
la civilisation européenne reste fortement attachée à l’orientation religieuse et morale de la civilisation
chrétienne.
Les ambigüités du concept de sécularisation peuvent se comprendre aussi par le revirement de
position de certains de ses ardents défenseurs. Ainsi B. Wilson (1966) fut l’un des plus ardents
29
défenseurs de la thèse de sécularisation et la concevait comme : « the process whereby religious
thinking, practice and institutions lose social signifiance » (Bryan, 1966, p.14). Pour Willaime (2006),
la définition de Wilson présente quatre éléments centraux. Tout d’abord la sécularisation est bien un
processus de baisse ou de perte affectant la religion. Ensuite ce processus concerne l’influence sociale
de la religion dans le fonctionnement du système social. Puis il concerne également les croyances, les
pratiques et les institutions religieuses. Et pour finir, il est surtout repérable en Occident. Près de vingt
ans plus tard, Wilson éprouvait la nécessité de rectifier ses dires. Ainsi il précisa, selon Willaime,
« qu’il voulait tout simplement dire que les conceptions du supranaturel « cessaient d’être
déterminantes pour l’action sociale » (Cité par Willaime, 2006, p.761). Et ajoute « le modèle de la
sécularisation ne prédisait en rien une éventuelle éclipse total du religieux : non seulement il pouvait
perdurer dans la sphère privée, mais aussi revêtir de nouvelles formes » (Willaime, 2006, p.761).
Comme Wilson, Peter L. Berger dans son ouvrage traduit en français sur le titre de « La religion dans
la conscience moderne », définissait ainsi la sécularisation : « le processus par lequel des secteurs de
la société et de la culture sont soustraits à l’autorité des institutions et des symboles religieux »
(Berger, 1971, p.174). Plus de deux décennies plus tard dans son ouvrage « Le réenchantement du
monde », il a radicalement changé d’avis pour préciser : « L’idée selon laquelle nous vivons dans un
monde sécularisé est fausse. Le monde aujourd’hui, avec quelques exceptions sur lesquelles je
reviendrai, est aussi furieusement religieux qu’il l’a toujours été ; il l’est même davantage dans
certains endroits » (Berger, 2001, p.15).
Wilson et Berger ne sont pas des cas isolés, nous pourrions encore citer comme exemple le sociologue
américain Mark Chaves. Tout ceci nous permet de saisir toute la sensibilité qui entoure cette thèse de
sécularisation. Les études se multiplient, les positions changent et le débat continue. Mais l’ensemble
des spécialistes du sujet sont presque unanimes pour reconnaitre que la thèse de la sécularisation est
discutée sur trois angles principaux (Willaime, 2006, p. 766): certains dénoncent la polysémie de la
notion et s’interrogent sur la perception de la religion qu’elle présuppose. D’autres contestent les
liens établis entre les dimensions de la modernisation et la perte d’influence sociale de la religion. Et
pour finir d’autres la perçoivent comme une théorie occidentale en allant même jusqu’à parler de la
sécularisation comme d’une « exception européenne ».
Tous ces auteurs, Wilson, Berger et Chaves, font pourtant partie de ceux qui, au départ, soutenaient la
thèse de la sécularisation. D’autres y sont opposés. Danièle Hervieu-Léger dans son livre « Le pèlerin
et le converti », invite à tenir compte de cette mutation des formes de la religiosité et cette
dissémination des phénomènes de croyance qui nous éloignent de la figure classique du « paroissien »
(Cité par Willaime, 2006, p. 768). James A. Beckford aussi de son coté « insiste sur le fait qu’aucun
des traits habituellement associés à la sécularisation ne fonctionne de façon univoque […] il n’y a pas
30
obligatoirement incompatibilité entre religion et rationalité. Non seulement parce que les religions
sont aussi porteuses de rationalité, mais aussi parce que la science peut reconnaitre ses limites par
exemple pour définir quand commence ou s’arrête une vie humaine » (Cité par Willaime, 2006,
p.768). Plus radicalement, Jeffrey Hadden soutient que « la sécularisation est un fatras d’idées
vaguement reliées plutôt qu’une théorie systématique » (Cité par Tschannen, 1992, p.18).
2.3. La sécularisation en Europe
Tout comme la sécularisation qui est vue par certains auteurs comme une exception européenne
(Willaime, 2006), les concepts de séculier, sécularisation et sécularisme ont été tous créés en Europe
(Tschannen, 1992). C’est également en Europe qu’A. Vergote situe le début de ce qu’on appelle
aujourd’hui la sécularisation à partir du XVIIe siècle. Il y faut voir aussi l’influence des Lumières et
de la Révolution française. L’Europe a connu un anticléricalisme très violent nous dit Berger :
« Quand l’école est devenue obligatoire, les enfants étaient “victimes” de cette intelligencia
sécularisée. L’éducation était une fonction de l’Etat central6 ». Pourtant « entre tous les continents
l’Europe présente au regard du fait religieux une originalité qui est une donnée capitale : c’est le seul
qui ait été totalement christianisé » (Raymond, 1998, p.29). Il est devenu, selon Vergote, la première
civilisation sécularisée. Cette situation peut s’expliquer par des raisons internes et externes.
En interne Vergote insiste sur les débauches au sein même du christianisme. Si le climat fut propice
au développement de la sécularisation c’est avant tout parce qu’au sein même du christianisme les
débauches se multipliaient :
« Par son abus du pouvoir et par son luxe, la papauté avait perdu son autorité morale.
Les effroyables guerres de religion avaient suscité une révolte morale. Les disputes
hargneuses entre les écoles de théologie faisaient perdre aux théologiens leur crédit
intellectuel. L’intolérance religieuse était devenue un scandale et on stigmatisait la
violence des chefs religieux comme étant en contradiction flagrante avec la mission de
Jésus-Christ » (Vergote, 1983, p. 427).
En externe il souligne les résultats du progrès de la pensée, de la science et de la technologie.
Ainsi: « d’une part, on est amené à rejeter toute autorité intellectuelle, à lui substituer l’observation de
la nature, l’expérience, la raison naturelle. D’autre part, on se détourne d’une religion dont l’obsession
doctrinaire et le fanatisme ont causé tant de désastres, pour se vouer avec la même ardeur à la
technologie, convaincu d’améliorer ainsi les conditions de vie et même de perfectionner l’homme»
(Vergote, 1983, p.427).
6 http://www.leconomiste.com/article/la-secularisation-l-europe-est-une-exception
31
2.4. La sécularisation en Belgique
Pour mieux comprendre le processus de sécularisation en Belgique, il est nécessaire de remonter
brièvement avant l’indépendance. Selon Hervé Hasquin (2008), le territoire belge d’aujourd’hui fut
français de 1794 à 1814/1815, puis hollandais de 1814/1815 jusqu’à la veille de l’indépendance. Donc
de 1794 à 1830, le territoire fut dirigé par deux empereurs césaro-papistes, à savoir Napoléon et
Guillaume 1er, qui ont tout fait afin d’exercer leur autorité sur les affaires de l’Église : « Transformer
l’Église des Pays-Bas autrichiens en une « Église Belgique » nationalisées et aux liens les plus
distendus possibles avec Rome, telle était l’ambition suprême des Hasbourg et de leur chancelier
Kaunitz. […] Echaudés, le clergé et l’opinion catholique eurent à subir, après l’annexion à la
République, la vague anti-religieuse et les ventes des biens nationaux » (Hasquin, 2008, p.13).
2.4.1- La neutralité de l’État
Toujours selon Hasquin, à la fin du régime hollandais, les catholiques et les libéraux s’alliaient et
permirent la consolidation de la Révolution en octobre 1830 et : « la Constitution adoptée par le jeune
Etat indépendant en 1831 ne fait référence explicitement ni à la laïcité – l’expression n’existait pas
encore -, ni à la séparation de l’Etat et de l’Église » (Hasquin, 2008, p. 15). Toutefois, en regardant de
près certains articles de la Constitution on pouvait apercevoir les lueurs d’une forme de laïcité
politique. Trois des articles (Hasquin, 20080) de cette constitution le confirment :
- L’article 19 garantit la liberté des cultes, leur exercice public et la liberté d’expression.
- L’article 20 spécifie que « nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque
aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos ».
- L’article 21 dénie à l’Etat le moindre droit de regard dans la vie de l’Église mais précise que
« le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale ».
A noter, selon Hasquin, que ces trois articles n’ont jamais subi la moindre modification. De ce fait ce
régime belge n’est ni concordataire parce que la Belgique n’a jamais signé le Concordat, ni un régime
d’absorption de l’Église par l’Etat et ni non plus un régime de séparation stricto sensu. Ainsi la nature
de l’Etat belge peut être qualifiée de neutre, c'est-à-dire, « les lois de l’Église n’y sont pas
d’application et n’ont plus aucun effet civil ; il est tolérant et accorde même aide et protection aux
églises en punissant ceux qui outragent leurs ministres et les objets du culte» (Hasquin, 2008, p. 20).
2.4.2- La sécularisation manifeste et latente
Cette distinction élaborée par Karel Dobbelaere (2008) entre sécularisation manifeste et sécularisation
latente est importante pour la suite de notre travail. Il entend par sécularisation manifeste, une forme
32
de sécularisation consciente et voulue : « celle-ci vise intentionnellement à conforter la différenciation
fonctionnelle entre le sous-système religieux et les autres sous-systèmes sociétaux, tels que
l’enseignement, la médecine et le juridique, par la mise en place de mesures légales consacrant
l’autonomie de chacun de ceux-ci » (Dobbelaere, 2008, p. 177).
Rappelons que suite à l’indépendance de la Belgique, ce sont les catholiques et les libéraux qui se sont
mis ensembles pour organiser le nouvel État. Mais cette collaboration fut fragile et a vacillé sous
l’influence de l’aile radicale libérale :
« L’aile radicale libérale, sous l’influence des loges anticléricales, s’indigne de
l’autoritarisme de la hiérarchie catholique et elle s’irrite de la mainmise que les prêtres
continuent à exercer sur la culture et le souci des pauvres. Durant la seconde moitié du
19e siècle, les majorités parlementaires changent et les libéraux radicaux, soutenus en ce
sens par un parti socialiste émergeant, vont peu à peu réussir à développer une politique
de laïcisation » (Dobbelaere, 2008, p. 177).
Les réponses de la hiérarchie de l’Église catholique ne vont pas se faire attendre. En plus de riposter à
travers des sermons belliqueux, l’Église va surtout renforcer son pilier : « le conflit en matière scolaire
stimule les leaders catholiques à ériger des écoles privées, ce qui constitue un facteur essentiel dans
l’établissement d’un pilier catholique, c'est-à-dire, d’un ensemble d’institutions et d’associations,
conçu comme devant s’inspirer de la doctrine et de la philosophie chrétienne » (Dobbelaere, 2008, p.
178). En mettant en place des écoles, des universités, des hôpitaux, des mouvements de jeunes et
d’adultes, des organisations culturelles, des médias, des mutualités, des syndicats, des banques, des
coopératives, ce pilier catholique va doubler les services de l’État.
Ainsi dès les premières années de ce jeune État, le pays a subi ce que l’auteur appelle une première
vague de laïcisation. A côté de cette forme de sécularisation manifeste, K. Dobbelaere expose aussi
une forme de sécularisation latente, c'est-à-dire, une sécularisation non recherchée provenant d’actions
ou de situations dont l’objectif n’est pas la sécularisation. Il illustre cette forme de sécularisation dans
ce qui s’est passé dans les écoles et hôpitaux catholiques du pays.
Tout d’abord dans les écoles, la démocratisation de l’enseignement dans les années 50 a eu un effet de
sécularisation latente. L’accès à l’école à tous les jeunes a provoqué une augmentation du nombre des
élèves et contraint les écoles catholiques à demander l’aide de l’Etat. Celui-ci en profite pour imposer
quelques conditions : « celui-ci l’a assortie d’exigences légales, concernant notamment les diplômes
des enseignants. Or, dans les écoles catholiques, beaucoup de ceux-ci étaient des prêtres et des
religieux (ses) qui n’étaient pas titulaires de tels diplômes. Il fallut donc embaucher de nombreux laïcs
33
répondant à cette exigence, mais pour qui la référence était prioritairement celle de la profession et non
plus celle de l’Église » (Dobbelaere, 2008, p. 179).
Donc ces nouveaux enseignants ne sont pas des religieux (ses), mais des professionnels de
l’enseignement. Là où avant avec les religieux (se) comme enseignants, la religion avait son empreinte
sur toutes les matières enseignées, elle devient maintenant une matière à part entière comme les autres.
Ces nouveaux enseignants laïcs ne sont pas formés pour parler de religion dans leur cours. Nous
assistons donc ainsi à une sécularisation des matières à l’école ce qui n’était certainement pas l’effet
recherché en démocratisant l’enseignement.
Ensuite dans les hôpitaux catholiques dans les années 50, la professionnalisation du personnel entama
son processus : « Désormais ce sont les spécialisation médicales et le développement de la rationalité
administrative qui commandent la structure organisationnelle. La dimension religieuse y est totalement
marginalisée et dans la seconde moitié du 20e siècle, l’aumônerie devient un service optionnel […]
Aujourd’hui, c’est un personnel médical et infirmier de plus en plus spécialisé qui gère les choses en
se référant avant tout à des normes professionnelles » (Dobbelaere, 2008, p. 180).
34
DEUXIÈME PARTIE: LES ONG BELGES DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT
ET LE PILIER CATHOLIQUE
Cette deuxième partie de notre travail nous dirige vers le monde de l’aide au développement belge et
le pilier catholique. Trois chapitres y seront développés. Dans le premier il s’agira de présenter notre
approche méthodologique : les recherches bibliographiques, les entretiens, les difficultés rencontrées
et les limites de notre recherche. Le deuxième chapitre laissera place à la coopération belge au
développement, plus particulièrement à ses origines, ses acteurs et son mode de financement. Et au
troisième chapitre nous évoquerons le pilier catholique belge à travers l’institution ecclésiale et
certains acteurs de ce pilier.
Chapitre I : Approche méthodologique et problématique
Si en première année de master nous avons travaillé sur la situation d’Haïti dans le cadre des accords
de Cotonou, nous avons quand même trouvé le sujet trop économique. Très tôt nous nous sommes
convaincu de la nécessité de trouver un autre sujet pour la deuxième année. De la question de la
sécurité alimentaire, de l’impact de la colonisation sur l’aide humanitaire, des ONG en Haïti suite au
séisme, etc. les idées furent nombreuses. Et au final, suite à la lecture d’un texte traitant du
« développement de tout l’homme et de tout homme », nous avons décidé de travailler sur la
conception catholique du développement. Dans ce chapitre nous allons essayer de présenter les
différentes étapes de notre recherche. Nous partirons de notre approche méthodologique et ainsi de la
recherche bibliographique, en passant par les entretiens et les difficultés rencontrées. Nous tiendrons
aussi à faire part des limites de notre recherche.
1.1. Approche méthodologique
Nous avons eu la chance de faire notre stage chez Entraide et Fraternité qui est une ONG catholique.
Ce qui fut un bon départ pour notre sujet et du coup une approche qualitative pour notre travail s’est
imposée. Depuis le mois de février nous avons établi des contacts chez Entraide et Fraternité, Iles de
Paix et Solidarité Mondiale pour des entretiens. Avant d’arriver au déroulement de ces entretiens,
voyons tout d’abord la recherche bibliographique.
1.1.1- La recherche bibliographique
Dès la certitude de travailler sur ce sujet, la recherche bibliographique fut la première étape. Elle a
pratiquement commencé dans le cadre du « Séminaire d’initiation à la recherche en développement et
coopération internationale » où nous avons eu comme exercice de présenter une bibliographie en lien
avec notre sujet de recherche. C’est qu’ainsi nous avons commencé les premières recherches
bibliographiques pour notre travail.
35
Notre premier souci était de rechercher des informations sur la conception catholique du
développement. Le réseau bibliothèque de l’université nous a été très utile, de même que celui des
Chirroux et sans oublier la bibliothèque de l’institut international de théologie Lumen vitae à
Bruxelles. Comprendre la conception catholique du développement nous a exigé une compréhension
de l’enseignement social de l’Église. Pour cela il nous a fallu faire connaissance avec les encycliques
sociales depuis Rerum novarum jusqu’à Laudato Si.
Dans notre travail il s’agit aussi de la sécularisation qui est un concept complexe en sociologie des
religions. Il nous a fallu trouver des ouvrages et surtout des articles scientifiques pouvant nous
permettre d’acquérir un minimum de données. Nous traitons de la sécularisation dans des ONG du
pilier catholique en Belgique. Nous ne pouvons pas dans ce cas ignorer le contexte de l’aide au
développement belge et son histoire.
Notre stage chez Entraide et Fraternité nous a aussi permis de découvrir une mine de documents à la
fois sur l’ONG et aussi sur la conception catholique du développement. C’est aussi à partir de là que
les contacts sont établis vers les deux autres ONG qui nous concernaient au départ, à savoir Iles de
Paix et Solidarité Mondiale. A chaque contact d’autres personnes nous ont été conseillées et des
sources de recherches nous ont été proposées. Ainsi notre bibliographie a pris forme et a continué de
s’enrichir tout au long des lectures et de notre analyse.
1.1.2- Les entretiens
Grâce aux contacts établis durant notre stage, nous avons pu fixer quelques rendez-vous pour des
entretiens. Tout d’abord avec des membres d’Entraide et Fraternité, puis de Solidarité Mondiale et des
Iles de Paix. A chaque fois les méthodes ont été les mêmes en s’améliorant d’un entretien à un autre.
Nous avons opté pour des entretiens semi directifs car pour nous l’essentiel était de permettre à notre
interlocuteur de pouvoir s’exprimer ouvertement. Toutefois de temps en temps nous intervenons pour
une reprise, une relance afin d’orienter la conversation sur certains thèmes clés.
Pour ces différents entretiens nous avons élaboré une grille contenant deux parties. La première,
identique à tous nos interlocuteurs, consiste, en demandant l’autorisation d’enregistrer, à sa
présentation, son lien avec l’ONG, son parcours, etc. La deuxième partie contient surtout des points
ayant rapport avec l’ONG en question. Nous avons bien dit, des points et non uniquement des
questions. Nous n’avons pas formulé des questions au préalable, nous avons tout simplement noté des
mots clés suite à nos lectures. Les questions sont formulées spontanément et ce sont surtout les
relances et les reprises qui ont guidé nos entretiens.
Ce qui fut aussi assez intéressant, c’est que chaque entretien nous a servi de support au suivant. A un
certain moment nous savions les points sur lesquels il fallait surtout insister et l’entretien ne mettait
36
pas fin au contact avec notre interlocuteur, des échanges par email, voire même des vidéoconférences
demeurent possible en cas de besoin.
1.1.3- Les difficultés rencontrées
La tâche n’a pas toujours été facile. Notre première difficulté était de trouver des personnes de contact
chez Iles de Paix et Solidarité Mondiale pour un entretien. Après avoir contacté le secrétariat de ces
deux ONG, la réponse fut à peu près la même, pour l’instant le personnel est surchargé, certains sont
même en mission, le peu de personnel restant travaille pratiquement à temps plein. Mais à travers nos
échanges, nous avons fini par comprendre que notre sujet n’intéressait pas ces deux ONG. La question
de la sécularisation, selon elles, ne les concerne pas puisqu’elles n’ont jamais été des ONG
confessionnelles.
Cela ne nous a pas découragé, nous avons établi de nouveaux contacts qui, finalement, nous ont
permis de fixer des rendez-vous pour d’éventuels entretiens chez Iles de Paix et Solidarité Mondiale.
Si pour la première ONG nous sommes satisfaits des entretiens, ce ne fut pas le cas pour la deuxième.
Nous avons recueilli trop peu de données et avons même pensé abandonner cette piste pour une autre.
Cependant, le cas de Solidarité Mondiale dans le cadre de notre sujet demeure intéressant. Pourquoi
alors ne pas tenir compte d’une quatrième ONG qui, à la différence des deux autres, reconnait et
admet son statut d’ONG catholique ? C’est même souhaitable si notre objectif est d’étudier la
sécularisation dans ces ONG, d’où notre choix pour Caritas-Belgique. Donc au lieu des trois ONG
comme annoncé au début de notre travail, il y aura quatre.
1.2. Les limites de la recherche
Nous partons de l’idée d’une mission impossible, rendre un travail parfait ! Sur les réseaux sociaux il
y aurait sûrement un charmant petit émoticône au lieu d’un point d’exclamation à la fin de cette
phrase. Malheureusement dès le départ nous avons pris conscience de certaines limites de notre
travail, dont deux sont principalement significatives. La première limite concerne les personnes
interviewées. Elles sont pour la plupart des cadres de l’ONG et donc surreprésentées. Et la deuxième
est le manque de connaissance ou de données recueillies sur nos ONG mise à part Entraide et
Fraternité.
37
Chapitre II : La coopération belge au développement
Comme le titre l’indique déjà, ce chapitre nous ramène au cœur de la coopération belge au
développement. Nous allons surtout nous intéresser à l’un des acteurs clés de cette coopération que
sont les organisations non gouvernementales belges de coopération au développement. Elles n’ont pas
toujours existé, elles ont été créées à un certain moment de l’histoire résultant du contexte à la fois
politique, économique et social belge et international.
2.1. Les ONG belges de la coopération
La création d’organisations non gouvernementales n’est pas le fruit du hasard, elle résulte souvent
d’une combinaison de différents facteurs à la fois social, politique et économique aussi bien sur le
plan national qu’international. Pour ainsi dire, « l’émergence des ONG a été fortement influencée par
le contexte propre aux différentes époques et par leur inscription institutionnelle et sociologique dans
la société belge » (Gregor Stangherlin, 2001, p.6). Ainsi plonger dans leurs origines nous aidera à
mieux saisir le contexte de leur époque, leurs différents acteurs et leur mode de financement.
2.1.1- Origines
En Belgique, de par son époque de création, le contexte international, son objectif et d’autres facteurs
parfois méconnus, la complexité qui caractérise le secteur des ONG est de plus en plus difficile à
cerner. Toutefois partir de leur origine permet de mieux les comprendre. Selon une typologie
proposée pas Gregor Stangherlin (2001), quatre générations d’ONG sont à l’origine de la coopération
au développement belge.
La première génération remonte selon lui aux initiatives entreprises durant la période coloniale à
partir des années 1930 dans le contexte politique, social et économique de l’après-guerre. Ce sont des
associations d’avant-garde et ces initiatives sont portées par des universités et des organisations du
pilier catholique dans les colonies. Cette génération a privilégié des initiatives de développement
communautaire et des initiatives d’assistance aux macro-structures. Les premières puisent leur origine
dans la tradition anglo-saxonne. Dans ce système la communauté locale est considérée comme la base
de la vie en société et de son développement, l’animateur du village en est le moteur. En ce qui
concerne le deuxième type d’initiative, il s’agit de l’insertion de volontaires dans des macro-
structures, comme l’enseignement, l’administration et les centres de santé.
Parmi ces associations de cette période coloniale citons : les Compagnies bâtisseurs (COOPIBO),
Withuis, la Fondation Damien, Medicus Mundi, etc. Elles n’étaient pas encore des organisations de
coopération au développement mais furent la base de ces projets entamés à partir des années 1960.
38
Elles ont surtout permis de créer une sensibilité aux problèmes du Sud. Elles s’organisaient autour de
trois types d’activités : l’aide alimentaire, la formation et la santé.
La deuxième génération, selon Stangherlin (2001), est liée à la décolonisation et au mouvement
international des deux premières décennies de développement. C’est surtout à partir de cette
génération que l’on commence à parler de coopération au développement. Nous sommes en 1960,
l’Europe est en plein boom économique, la croissance est partout. Toutefois, l’expérience douloureuse
de la guerre restait vive dans les mémoires et facilitait une forme d’empathie envers les nations
touchées par la guerre et la famine. Et aussi beaucoup d’agents d’ex-colonies éprouvaient un
sentiment de responsabilité envers leur patrie d’adoption en difficulté. Tout ceux-ci ont permis la
création d’initiatives non gouvernementales. Ce furent surtout des projets de petite taille. Parmi ces
organisations figurent COMIDE-EDMOS et Caritate Aegrorum Servi (Caraes).
Au niveau international durant l’année 1960, deux facteurs ont contribué à la création d’autres ONG.
Le premier fut la campagne lancée par le FAO contre la faim et qui incite aussi à la création de
comités nationaux. Ainsi l’on a vu naitre par exemple en France le Comité français contre la faim et
en Belgique, le Comité pour la campagne contre la faim. Le pape Jean XXIII a donné son appui à la
campagne de la FAO en appelant aux chrétiens de prendre part à la lutte contre la faim. Suite à cet
appel, en Belgique la Campagne de Carême est lancée et donna naissance par la suite à Entraide et
Fraternité et Broederlijk Delen. Et du coté protestant on retrouve : Missions évangéliques contre la
lèpre, Tear Fund, Solidarité protestante, etc. Le second facteur de développement du secteur des
ONG, toujours selon Stangherlin (2001), est la prolifération des programmes d’envoi de jeunes outre-
mer, faisant écho en Belgique à l’appel du roi Baudouin aux jeunes forces de la nation de s’engager
comme volontaire outre-mer.
Cette deuxième génération a donc vu naitre des ONG fortement institutionnelles et qui sont nées soit à
l’intérieur des structures préexistantes que sont en majorité des églises et des communautés
religieuses ; soit à partir des initiatives internationales.
La troisième génération d’ONG pour sa part qualifiée d’ONG tiers-mondistes, trouve son repère à la
conférence des non-alignés de Bandung en 1955. Cette génération fait suite aux mouvements
étudiants de Louvain et de la radicalisation du discours d’une partie du catholicisme. Ce sont pour la
plupart des mouvements plus politiques qui font le lien entre le sous-développement du Sud et le
capitalisme du monde occidental. La radicalisation de ces mouvements est aussi liée à l’arrivée à
Louvain de beaucoup d’étudiants venant de l’Amérique latine. Parmi les ONG de cette troisième
générations nous retrouvons : OXFAM-Belgique en 1963, la Commission justice et Paix (CJP) créée
en Belgique en 1968 suite au Concile Vatican II, le CETRI en 1976, , etc. Avec cette génération
39
d’ONG, le développement n’est plus considéré comme une simple question de retard ou de
modernisation. Apporter de l’aide ne suffit plus.
Avec la quatrième génération d’ONG baptisées de techniciens sans frontières vers les années 1980,
Stangherlin (2001) nous apprend que l’idéologie tiers-mondiste subit une remise en question
fondamentale. La nouvelle vague d’ONG que sont Médecins sans frontières (MSF), Médecins du
monde, Handicap international, MEMISA, etc. rejette l’idée d’un Sud victime du pillage du Nord.
Cette nouvelle génération tient à souligner le rôle des dirigeants du Sud dans le dysfonctionnement de
leur propre Etat. Avec des guerres dans différents endroits du monde au cours des années 1990, on
voit aussi émerger l’aide humanitaire. C’est donc une génération d’ONG techniciennes, moins
idéologiques, plus apolitiques et plus pragmatiques.
Donc selon Stangherlin (2001), sur le plan institutionnel en Belgique, nous avons assisté à
l’émergence de quatre générations d’ONG en deux catégories. Une première catégorie ce sont des
ONG créées à l‘intérieur des structures préexistantes que sont les églises (catholiques et protestantes),
l’université, les partis et les syndicats. Une deuxième catégorie d’ONG d’initiatives des nouveaux
mouvements sociaux et de la génération d’après 1968 avec un rapport plus distant et plus critique. Sur
le plan sociologique les ONG se distinguent en fonction de leur inscription ou non dans les piliers de
la société belge : sociale-chrétienne, socialiste, libérale, et en dehors des piliers traditionnels.
Patrick Develtere et ses collègues (2004) résument la situation en concluant : « Dans leur ensemble,
les ONG belges n’ont jamais vraiment développé de vision unitaire ni de stratégie commune.
Contrairement aux « grands mouvements sociaux », les organisations non gouvernementales ne
disposent, pour la plupart, ni d’un membership ni de procédures participatives ou démocratiques
permettant de négocier et de dégager une vision collective et des stratégies propres» (Develtere,
Fonteneau, Pollet, 2004, p.804).
Précisons enfin que, si cette typologie de Stangherlin part des années 1930 et place la naissance de la
coopération belge au développement avec l’indépendance du Congo en 1960, l’opinion la plus
répandue remonte sa naissance avec la Société des Nations : « En fait, elle [la coopération belge]
débute bien avant : après la Première Guerre mondiale déjà, dès 1919, la Belgique s’inscrit dans les
objectifs de la Société des Nations qui se fixe notamment pour buts de promouvoir la coopération
internationale et d’amener progressivement les pays colonisés à l’autonomie et à l’indépendance»
(Aristide, Develtere, 2011, p.8)
40
2.1.2- Les acteurs
Les acteurs de la coopération belge au développement sont nombreux et divers. Principalement on en
distingue deux groupes : les acteurs institutionnels et les acteurs de terrain que sont les coopérants. Ils
ne contribuent pas tous au même niveau : « certains collaborent au niveau bilatéral, d’autres au niveau
multilatéral et d’autres enfin de façon indirecte » (ACODEV, 2016). Parmi ces acteurs citons : le
ministre ou le secrétaire d’Etat, l’administration de la coopération, le parlement fédéral, les ONG, les
universités, les institutions scientifiques, les nouveaux partenaires pour la coopération, le secteur privé
et les entreprises, et enfin les partenaires internationaux. Tous ces acteurs selon ACODEV peuvent
être classés en quatre groupes : les institutions gouvernementales, les acteurs indirects, les instances
internationales et les organisations et institutions dans le Sud.
Pour les institutions gouvernementales nous retrouvons les acteurs officiels de la coopération belge, et
là encore ils sont divers. A sa tête nous retrouvons un ministre ou un secrétaire d’Etat à la
coopération. Ce dernier, selon P. Develtere et A. Michel : « jouit d’une grande liberté d’action sous le
contrôle, peu contraignant, du Parlement et du gouvernement » (Aristide, Develtere, 2011, p. 41). En
ce qui concerne la politique de développement : « celui-ci peut donner l’impulsion qu’il souhaite,
pour autant qu’il respecte les orientations générales de la politique extérieure belge. Si l’objectif de la
coopération vise à contribuer au développement des populations les plus pauvres, il existe de
nombreuses façons de rencontrer cet objectif. Chaque titulaire développe sa propre vision de la lutte à
mener contre la pauvreté » (Aristide, Develtere, 2011, p. 41).
Le ministre ou le secrétaire d’Etat n’est pas seul, il est entouré d’une administration et d’une agence
qui s’occupent des politiques de développement. D’un coté la Direction Générale de Développement
(DGD) qui « se charge de l’aide bilatérale (à travers des programmes gouvernementaux) et
multilatérale de l’Etat fédéral. La DGD reconnaît et cofinance les activités proposées par les acteurs
de la coopération indirecte (par exemple les ONG) » (ACODEV, 2016). Et d’un autre la CTB qui
« est l’Agence d’exécution de coopération au développement bilatérale belge. C’est une société
anonyme de droit public à finalité sociale dont les relations avec l’Etat fédéral sont définies dans un
contrat de gestion. La CTB met en œuvre et fait le suivi des programmes conçus par la DGD ; mais
aussi des programmes appartenant à d’autres institutions (par exemple : UE) » (ACODEV, 2016). Et
au niveau des communautés il y a un département qui se charge de la coopération au développement.
Les acteurs indirects de leur coté sont aussi divers, nous y retrouvons : les ONG, les universités, les
institutions scientifiques, les syndicats, les IPSI, le secteur privé et les entreprises, les villes, les
communes, etc. L’ensemble de ces acteurs sont regroupés sous le sigle d’ACNG (acteurs de la
coopération non gouvernementale). Les ONG découlent de la société civile et sont constituées en
ASBL. Elles tissent des liens avec la société civile des pays du Sud.
41
Au niveau multilatéral nous avons un troisième groupe d’acteurs que sont les instances
internationales : « La Belgique contribue de manière substantielle à des nombreuses agences et à
plusieurs organismes des Nations-Unies, en particulier la Banque Mondiale, le FMI, le programme
ONUSIDA, l’OIT, l’OIM, etc. Ces contributions sont généralement d’ordre budgétaire, et sont gérées
et orchestrées par l’Administration fédérale en charge de la coopération au développement (DGD) »
(ACODEV, 2016). En dernier lieu il y a aussi des institutions du Sud qui reçoivent l’aide de la
Belgique pour certains projets.
2.1.3- Le financement
Nous n’allons pas tenir compte du financement de la coopération belge au développement dans son
ensemble, mais celui d’un groupe d’acteurs spécifique: les ONG. Pour parler du financement des
ONG en Belgique, on préfère utiliser le concept de cofinancement. Ceci parce que « le financement
des ONG se distingue par ce qui relève de l’apport privé d’une part et ce qui relève de l’apport public
d’autre part » (AVODEV, 2016).
L’apport privé des ONG est en grande partie constitué de dons reçus des particuliers, des fondations,
des sociétés, des églises, etc. En plus de ces dons, il y a « la campagne 11.11.11 de récolte de fonds
qui permet aux ONG d’obtenir une bonne partie de leurs ressources propres. Cette campagne a lieu
chaque année au mois de novembre depuis 1966. Elle est organisée par le CNCD pour la partie
francophone du pays et par 11.11.11 Vlanderen pour la partie néerlandophone » (ACODEV, 2016).
De manière individuelle, chaque ONG développe sa propre stratégie de récolte de fonds en respectant
un principe d’éthique dans leur communication. Cet apport privé des ONG constitue ce qu’on appelle
couramment leur fond propre.
En ce qui concerne l’apport public, c'est-à-dire, des subsides du gouvernement fédéral,
communautaire et régional, c’est plus compliqué car l’ONG doit recevoir de l’Etat belge une
accréditation comme organisation de la société civile. Celle-ci est fournie sous certaines conditions et
à la demande de l’ONG. Chaque bailleur décide lui-même du pourcentage du montant à contribuer.
Les principales sources de cofinancement publiques proviennent de trois sources (ACODEV, 2016):
- Au niveau fédéral : à ce niveau le cofinancement est de la charge de la DGD. Mais les ONG
peuvent aussi recevoir le support du Ministère des Affaires étrangères et du Parlement
fédéral ;
- Au niveau communautaire ou régional : chaque communauté ou région cofinance leur propre
ONG. Ainsi la région wallonne et la communauté française cofinancent les ONG
francophones et la communauté flamande les ONG néerlandophones ;
42
- L’Union européenne : les ONG sont aussi cofinancées par l’Union européenne en répondant
aux appels d’offre réservés aux acteurs non-étatiques. Mais ce cofinancement est de plus en
plus difficile à cause de l’élargissement de l’Union et du fait que le montant alloué est resté
stable depuis une dizaine d’années.
Chapitre III : Le pilier catholique
Comprendre le lien entre le catholicisme et le monde des ONG en Belgique requiert une attention
particulière à ce monde catholique, nous parlerons ainsi du pilier catholique. Il est évident de
comprendre plus ou moins ce qu’il en est, son organisation, ses différents acteurs et même les tensions
qui s’y dégagent. Notre intention ici n’est pas d’identifier tous les acteurs du pilier catholique, ce
serait une mission trop incertaine. L’objectif est plutôt de permettre de se faire une idée de cet
ensemble. Qu’entend-on par « pilier » dans le contexte de notre travail ? Selon le CRISP7, un pilier
serait un :
« Ensemble d’organisations qui ont une idéologie commune et qui veillent à son
influence dans l’organisation de la société […] En ce sens, un pilier est un ensemble
d’organisations qui partagent une même tendance idéologique : de manière plus ou
moins complète selon le cas, un pilier peut se composer d’un syndicat, d’une ou de
plusieurs mutualités, d’organisations professionnelles de classes moyennes ou
d’agriculteurs, de mouvements de jeunesse et d’éducation permanente, d’écoles privées
ou publiques, d’associations culturelles, sociales, etc. […] Un pilier peut être traversé
par de fortes nuances internes, voire par des tensions : le pilier chrétien, par exemple, est
loin d’être homogène en matière socio-économique voire religieuse». (CRISP, 2016)
Cette division de la société en pilier fut une réalité en Belgique et aux Pays-Bas. En Belgique, selon le
CRISP, les principaux piliers correspondaient aux trois partis politiques traditionnels: chrétien, libéral,
socialiste. D’où la figure triangulaire suivante tracée par H. Haag (1982):
7 - http://www.vocabulairepolitique.be/pillier/
43
Selon ce schéma, la société du point de vue politique était surtout divisée en catholiques et non
catholiques que sont les libéraux et les socialistes. Il faut toutefois éviter de considérer ce clivage
comme franc et net car « figurent dans le monde non catholique politique des personnes qui sont et
resteront néanmoins catholiques sur le plan religieux […] Pas mal de libéraux siégeant au Parlement
en 1879 étaient catholiques sur le plan religieux » (Guérin, 1982, p. 164). Ainsi dire, « les piliers
s’intéressaient non seulement aux croyances, mais également à la défense des intérêts des adhérents en
couvrant les grands risques sociaux de la classe ouvrière par des interventions multiples de l’Etat »
(Mommen, 2014, p.117).
Mais dès 1960, nous dit A. Mommen, les églises catholiques se vidaient de leurs fidèles à cause, entre
autres, d’un triple changement. Le premier était la commercialisation des pilules contraceptives sur le
marché, ainsi les jeunes s’orientaient librement vers la liberté sexuelle, délaissant massivement
l’Église devenue désuète. Deuxième changement, la démocratisation des études supérieures doublée
d’une révolution culturelle symbolisée par Mai 68 poussant les partis politiques à adopter des lois
relatives au droit familial, y compris le divorce. Troisième et dernier changement, toujours selon A.
Mommen, « l’accumulation rapide de capitaux, permettait d’améliorer le niveau de vie de la majorité
de la population, tandis que la suburbanisation déplaçait une partie de la population toujours plus
importante vers de nouvelles cités dans lesquelles les habitants perdent peu à peu leur identité
d’origine » (Mommen, 2014, p. 122).
Cet affaiblissement de l’Église va conduire au déclin du parti chrétien et à la montée de l’idéologie
néolibérale. Ainsi en Belgique on va assister à une coalition social-démocrate et libérale qui
« s’impose en 1999 suite à une défaite électorale cuisante des démocrates-chrétiens. Ce type de
coalition nommée « mauve » signifie la fin définitive de la pilarisation de la société et du système de
concertation entre les groupes d’intérêts différents » (Mommen, 2014, p. 123).
44
3.1. L’Église de Belgique
L’Église de Belgique compte aujourd’hui neuf diocèses (Conférence épiscopale) : l’archidiocèse de
Malines-Bruxelles, les diocèses de Liège, de Namur, de Tournai, des Forces Armées, d’Anvers, de
Bruges, de Gand et d’Hasselt. L’ensemble des évêques exerçant leur fonction se regroupe en
Conférence épiscopale, en général une fois par mois, autour de l’archevêque de Malines-Bruxelles,
Mgr Jozef De Kesel : « L’archevêque, avec le Secrétaire Général, définit différents points qui
concernent le fonctionnement de l’Église à examiner lors des séances de cette Conférence des évêques
de Belgique […] A noter encore que chaque évêque est référent dans une matière bien particulière. Il
en devient en quelque sorte le spécialiste et c’est lui qui est chargé lorsque des questions visant sa
compétence sont examinées lors de la Conférence épiscopale d’en informer ses collègues8 ». Cette
conférence épiscopale est la voix officielle de l’Église catholique belge.
3.1.1- L’Église comme ’’institutions’’
Aborder l’Église comme institution nous exhorte au départ à préciser ce que nous entendons par
institution. Michel Johner (2000) dans sont article « L’Église : l’événement et l’institution » examine
la question en précisant que du point de vue philosophique « l’institution n’est pas un simple état de
fait, ce n’est pas la simple nature des choses […] c’est d’abord la façon dont la communauté
s’organise et se structure. C’est aussi la structure d’autorité dont la communauté se dote. Mais au-delà
de cette organisation, l’institution est essentiellement une parole, la parole par laquelle, ou autour de
laquelle, la communauté se rassemble » (Johner, 2000). Ainsi selon lui, l’institution c’est :
« L’ensemble des paroles qui sont reconnues par la communauté comme l’expression
(officielle) de son identité et de ses projets. Ce sont les paroles qui disent la normalité et
précisent la direction dans laquelle le groupe espère se construire. Ce sont les repères,
les référentiels sur lesquels la société veut se bâtir et qui constituent le cadre juridique
par lequel les expériences individuelles vont recevoir leur sens et être rattachées (ou
détachées) du projet communautaire » (Johner, 2000).
Ramenant l’institution à l’Église, le dominicain Christian Ducoq (1999) croit que sa finalité est de «
permettre aux croyants d’affronter ensemble la longueur du temps et de briser la clôture locale des
communautés spontanées ou informelles (…). L’institution maîtrise le temps et l’espace, elle
universalise » (Ducoq, 1999, p. 99). L’Église catholique est ainsi avant tout une institution et pour
être plus exact des institutions. Il faut ainsi la voir à deux niveaux. Au niveau extérieur ou elle est
définie comme institution et comme société. « En tant qu’institution, elle est constituée d’une
8- http://www.cathobel.be/eglise-en-belgique/la-conference-des-eveques/
45
organisation permanente et possède un contenu orienté vers une finalité déterminée. Et en tant que
société, elle présente une structure de membres dont les fonctions sont bien précisées » (CRISP, 1967,
p.2). Et au niveau théologique, elle demeure une institution et une société.
Il faut quand même distinguer l’Église d’avant le concile Vatican II et l’Église d’après. Avant le
concile Vatican II, « l’Église était présentée comme une Société parfaite dont le dessein était de
transmettre et de maintenir le ’’dépôt de la Révélation’’ […] La communauté ecclésiale était saisie
dans sa réalité hiérarchique (et abusivement juridique) et identifiée, à l’extérieur du ’’monde
catholique’’ par son épiscopat et son clergé » (CRISP, 1967, p.2). Avec Vatican II beaucoup de
choses ont changé, l’Église comme Société parfaite est désormais du passé. Désormais « elle inscrit sa
réalisation dans des étapes qui sont liées à son degré d’insertion spirituelle dans le monde » (CRISP,
1967). Elle est vue comme missionnaire dans un monde non-chrétien, dans sa vie catéchuménale en
rassemblant ceux qui cherchent la foi chrétienne et dans son niveau eucharistique en tant que
communauté du salut (CRISP, 1967).
3.2. Les ’’acteurs’’ du pilier catholique belge
Comme nous l’avons déjà précisé au début de ce chapitre, notre objectif n’est pas d’énumérer tous les
acteurs du pilier catholique belge, mais plutôt d’essayer de présenter une vue d’ensemble. Cela nous
amènera à tenir compte à la fois des mouvements d’action catholique et aussi des institutions et
organisations chrétiennes.
3.2.1- Les mouvements d’action catholique
Ces mouvements d’actions catholiques que nous allons présenter s’adressent à un public large et
hétérogène : des jeunes, des adultes, des femmes, des parents, des familles et aussi à des catégories
professionnelles. Ce sont donc des mouvements de jeunesse, des groupements de spiritualité et des
mouvements d’adultes, des mouvements familiaux et des mouvements professionnels.
a) Les mouvements de jeunesse : dans le pilier catholique il n’existait pas un mouvement de
jeunesse mais plusieurs. On en distingue principalement quatre types (CRISP,1967). Tout
d’abord des mouvements à orientation spirituelle, leur objectif était de rechercher un
approfondissement religieux et s’adressaient à des jeunes de tous les milieux sociaux. L’exemple
parfait est la Légion de Marie. Ensuite des mouvements d’action catholique spécialisés qui eux,
s’adressent à des jeunes de milieux sociaux bien spécifiques, soit à une finalité apostolique
comme la JEC (Jeunesse Etudiante Catholique), l’EUDAC (Equipe Universitaire d’Action
Catholique) et la JIC (Jeunesse Indépendante Catholique), soit à une finalité éducative et sociale
comme la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), puis des mouvements plus proprement éducatifs
comme les Patros et les Scouts.
46
Et enfin d’autres services divers pour la jeunesse qui sont des organismes d’animation et de
coordination des mouvements comme le CJC (Conseil de la Jeunesse Catholique) et l’ACJB
(Association Catholique de la Jeunesse Belge).
b) Les groupements de spiritualité et les mouvements d’adultes : ces groupements sont nombreux et
s’adressent tantôt aux adultes et tantôt aux catholiques sans distinctions (CRISP,1967). Nous y
trouvons la Ligue du Sacré-Cœur, les Congrégations Mariales et l’apostolat de la Prière, l’Action
Catholique Rurale, etc.
c) Les mouvements familiaux : ces mouvements s’adressent directement aux familles catholiques.
Vu son importance, l’Église belge a créé 1959 un Centre National de Pastoral Familial (CRISP,
1967). Elles furent présentes dans tous les diocèses du pays : Les Equipes Notre-Dame, Fraternité
de Route, Foyers Compagnons de Saint-François, etc.
d) Les mouvements professionnels : ce sont des mouvements constitués sur une base
professionnelle, liés aux impératifs déontologiques de la profession. Ces mouvements « visent
une réflexion sur la ’’doctrine sociale’’ de l’Église et une mise en pratique de ses principes »
(CRISP 1967, p. 22). Distinguons : l’UNIPEC-Belgique qui regroupe les patrons et les cadres
dirigeants catholiques ; la Société Médicale Belge de Saint-Luc ; La Fédération des Institutions
Chrétiennes de Belgique, etc.
3.2.2- Les institutions et organisations chrétiennes
Le pilier catholique belge s’est également doté de plusieurs institutions et organisations chrétiennes.
Nous allons tenir compte de quelques unes des mieux structurées et aussi de par l’importance de leur
taille au niveau national. Ce sont l’enseignement, l’action caritative et d’assistance et les organisations
sociales chrétiennes dont le fameux MOC (Mouvement Ouvrier Chrétien).
a) L’enseignement : de par sa taille et de son importance, nous pourrions qualifier l’enseignement
catholique comme un pilier dans le pilier car « le domaine de l’enseignement reste sans doute celui
ou l’emprise du monde catholique est la plus considérable » (CRISP, 1967 : 23). Il s’est structuré
autour d’un ensemble de réseaux, d’organes de coordination et de contacts tels : le Conseil Général
de l’Enseignement Catholique, l’Union des Fédérations des Associations de Parents de
l’Enseignement Catholique, la CSC-enseignement, etc. Aujourd’hui encore, le secteur de
l’enseignement catholique en Communauté française de Belgique résiste et occupe une place
prépondérante. Quelques chiffres9 datant de 2011-2012 pour l’enseignement général en
témoignent :
9 - http://enseignement.catholique.be/segec/index.php?id=1344
47
b) L’action caritative et d’assistance : à l’origine, l’action caritative et d’assistance a occupé une
place de premier rang dans le domaine hospitalier. Elle fut centralisée dans ’’ l’Organisation
Nationale Catholique de la Santé et de l’Entraide ’’ dénommée Caritas Catholica (CRISP, 1967 :
26). Elle comprenait trois fédérations d’institutions et un organisme de coordination des services
d’entraide sur les plans national et international. Tout d’abord la Fédération des Institutions
Hospitalières regroupant les cliniques, les maternités, les institutions psychiatriques et les homes
pour personnes âgées et ensuite la Fédération des Services Médico-sociaux qui regroupait les
services de soins à domicile, les crèches, les œuvres et services d’hygiène mentale, etc. La
troisième était la Fédération des Institutions de Plein Air et de l’Enfance Inadaptée. Et enfin le
groupement Caritas-Secours pour la coordination avec la Société Saint-Vincent de Paul, les
Equipes d’entraide des Dames de la Charité, etc.
c) Les organisations sociales chrétiennes : ce sont des organisations qui en grande majorité
s’inspirent de l’enseignement social de l’Église, toutefois « elles n’agissent pas en fonction d’un
mandat de l’autorité ecclésiastique mais comptent au sein de leurs divers organes des représentants
du clergé (c'est-à-dire des aumôniers dénommés anciennement ’’directeurs d’œuvres sociales’’)
dont l’autorité ou l’influence varient selon les organisations et les régions linguistiques du pays »
(CRISP, 1967, p.27).
Parmi ces organisations sociales chrétiennes, le MOC (mouvement Ouvrier Chrétien) est sans nul
doute l’organisation la plus puissante du monde catholique (CRISP). Il se divise en un secteur socio-
économique regroupant les Syndicats Chrétiens, les Mutualités Chrétiennes et les Coopératives
Chrétiennes et un autre secteur socio-culturel qui poursuit un but à la fois apostolique, éducatif et
social (CRISP, 1967). En plus du MOC nous y trouvons également les organisations agricoles telles
le Boerenbond, l’Alliance Agricole Belge et le Centre d’Etudes Rurales.
Aussi à noter dans ces organisations chrétiennes les Organisations de Classes Moyennes et de Cadres
qui poursuivent une finalité culturelle et religieuse et plus particulièrement la défense des intérêts des
classes moyennes (CRISP, 1967).
48
TROISIÈME PARTIE : LE CATHOLICISME À TRAVERS CES ONG AUJOURD’HUI
Nous voilà arrivés à ce qui constitue la dernière partie de notre travail : le catholicisme à travers ces
ONG aujourd’hui. Cette partie nous ramène au cœur de nos ONG à savoir, leur histoire et politique de
développement. Trois chapitres y seront développés. Le premier chapitre traite des ONG du pilier
catholique, plus particulièrement de leur histoire respective. Il ne s’agira pas de présenter toutes les
ONG de ce pilier mais de préférence celles qui nous concernent dans ce travail : Entraide et
Fraternité, Solidarité Mondiale, Iles de Paix et Caritas Belgique (Caritas International). Au deuxième
chapitre, le catholicisme dans ces ONG aujourd’hui, nous engagerons la politique de développement
de ces ONG à travers leur mission, leur lien probable avec l’Église, leur organigramme ou statut, leurs
principales valeurs prônées, etc. Le dernier chapitre pour sa part, essayera de réaliser une étude
comparative de nos quatre ONG en ce qui concerne leur niveau de sécularisation.
Chapitre I : Les ONG du pilier catholique
1.1. Entraide et Fraternité10
Afin de répondre à une famine qui sévit dans l’État du Kasaï (RDC) en 1961, la Caritas Catolica
lance la campagne du Carême de Partage sous le slogan d’Entraide et de Fraternité. Cette campagne
fut un succès et donna son nom à ce service d’Église. Deux ans plus tard en 1963, Entraide et
Fraternité devint une organisation non gouvernementale autonome qui s’inscrit dans le renouveau de
l’Église lancé par Jean XXIII et Vatican II.
En devenant une ONG autonome, Entraide et Fraternité reste tout de même attachée à l’Église
catholique. Encore aujourd’hui, elle s’inspire des principes évangéliques en agissant pour plus de
justice sociale et pour le développement libérateur. Au cours de cette première décennie pour le
développement lancée à l’appel des Nations Unies, l’aide devait permettre un rattrapage grâce aux
transferts de capitaux et d’une assistance technique. Entraide et Fraternité a suivi la tendance et a
utilisé les premiers relais, missionnaires et communautés chrétiennes, elle a apporté aussi des
contributions financières pour l’envoi des coopérants.
La décennie suivante, l’optique change considérablement. La lutte contre le sous-développement
prend l’accent d’une libéralisation politique contre la dépendance internationale et les dictatures au
pouvoir en Amérique Latine et ailleurs. Lors de la rencontre des évêques de Medellin (Colombie),
émerge une nouvelle conception de l’engagement chrétien en faveur des pauvres. Cette théologie de la
libéralisation, comme nous l’avons vu, met en avant les valeurs de l’Évangile pour la libéralisation
10 - http://www.entraide.be/Entraide-et-Fraternite-au-fil-du-temps. Ce sont des notes de mon rapport de stage.
49
politique, sociale, économique et culturelle des peuples du Tiers-Monde. L’aide d’Entraide et
Fraternité suivra cette évolution.
Ainsi, les interlocuteurs de l’aide d’EF ne sont plus considérés comme des assistés mais comme des
partenaires en lien avec les organisations populaires locales. En novembre 1977, la campagne de
Carême de Partage fut défédéralisée et deux ASBL autonomes furent créées : Broederlijk Delen pour
la Flandre, Entraide et Fraternité pour la partie francophone du pays. Les années 80 furent celles
d’une consolidation des grandes lignes de force d’EF. L’accent est d’avantage mis sur la
reconnaissance des personnes comme actrices du développement. Avec cette vision, EF cherche à
favoriser des projets qui s’articulent les uns aux autres, à rechercher des groupes qui incarnent des
forces de résistance et de changement, à prendre en compte les contextes nationaux et régionaux.
1.2. Solidarité Mondiale
L’histoire de l’ONG Solidarité Mondiale est intimement liée à celle du Mouvement Ouvrier Chrétien
(MOC). Il est donc nécessaire de nous focaliser d’abord sur l’histoire du MOC. A la deuxième partie
de ce travail nous avons vu que le MOC est une organisation sociale chrétienne du pilier catholique et
est même considéré comme l’organisation la plus puissante du monde catholique. Mais le MOC
également pour sa part est l’aboutissement de la Ligue Nationale des Travailleurs Chrétiens (LNTC).
La fin de la Première guerre mondiale (14-18) fut vécue comme un nouveau départ. Au sein de
l’Église en Belgique, selon Jean Neuville (1996), ils furent nombreux à penser la réorganisation des
« œuvres » une fois le territoire libéré. Parmi eux, le père Rutten, dominicain, murmurait l’idée de
mettre en place un « bureau central de l’action sociale catholique » avec pour mission d’assurer
l’unité de programme et de direction non seulement des œuvres ouvrières mais aussi des œuvres
agricoles, des classes moyennes. Son projet, nous dit J. Neuville, aboutit au secrétariat général des
œuvres sociales qui groupait les directeurs diocésains et nationaux d’œuvres.
En Flandre, avant les élections législatives du 16 novembre 1919, le parti des catholiques va organiser
les milieux sociaux, c’est le « standen » comme disent les flamands, d’où l’expression
« standenorgnisatie ». Peu de jours après ces élections, les « travailleurs sociaux » (sociale werkers)
ont créé la Fédération des Ligues Ouvrières. Une année plus tard, nous dit toujours J. Neuville, elle
devint : l’Algemeen Christelijk Werkersverbond (ACW), en français la Confédération générale des
ligues ouvrières chrétiennes. La présidence de l’ACW signe une circulaire dans laquelle : « nous
convoquons les délégués de tous les cercles et ligues d’ouvriers chrétiens du pays wallon à une
réunion, laquelle aura lieu à Bruxelles, 19, rue Pletinckx, le lundi 10 novembre 1920 à 10h du matin
… » (Neuville, 1996, p. 13).
50
Au cours de cette réunion il fut décidé d’étendre la confédération aux autres groupements : syndicats,
mutualités, coopératives, etc. pour former le « bloc démocratique ». Ce dernier fut baptisé la Ligue
Démocratique Chrétienne de Belgique (LDCB), pour devenir plus tard la Ligue Nationale des
Travailleurs Chrétiens (LNTC) qui se réunit en congrès une fois l’an. Mais comme pour la première,
la Seconde guerre mondiale (39-44) va une nouvelle fois tout chambouler. Le 9 octobre 1944, selon
Florence Loriaux (1996), se tint depuis la première guerre la première réunion officielle du comité
exécutif de la LNTC qui a pour mission de procéder à des réformes. Ainsi, la dénomination LNTC fut
remplacée par le MOC pour les francophones.
Depuis la Seconde guerre, nous rapporte F. Loriaux, le MOC aborde dans tous ses congrès les
problèmes relatifs aux pays en voie de développement et rappelle sa position car il est du « devoir du
MOC de veiller dans la métropole à la protection des intérêts culturels et économiques des indigènes»
(Loriaux, 1996, p. 183). A cette fin, dès 1955 une « Commission Congo » est mise en place. Sa
mission est d’établir des contacts entre les dirigeants des organisations. Peu de temps après
l’indépendance du Congo, le MOC décide de poursuivre son action envers le nouvel état
indépendant :
« Convaincu de la nécessité de donner rapidement et efficacement son appui moral et
financier aux mouvements ouvriers chrétiens naissants dans les pays en voie de
développement ; […] décide de créer un groupe de travail dans lequel toutes les
organisations constitutives seront représentées en vue de préparer une action ayant pour
objet d’attirer l’attention des travailleurs sur leur devoir de solidarité internationale et
de rassembler des fonds nécessaires pour aider les mouvements des travailleurs chrétiens
dans les pays en voie de développement » (Loriaux, 1996, p.184).
Ainsi fut créé le Fonds de Solidarité Mondiale qui, selon F. Loriaux, s’engage à une triple
mission :
- Assurer des échanges entre les organisations ouvrières du tiers-monde et le MOC ;
- Soutenir des organisations internationales comme la Confédération Mondiale du Travail
(CMT) ou la JOC internationale ;
- Promouvoir, grâce à une large participation financière des militants, des projets
proposés par les organisations notamment en matière de formation (Loriaux, 1996,
p.184).
51
1.3. Iles de Paix
Si l’histoire de Solidarité Mondiale est intimement liée à celle du MOC, il en est de même de l’histoire
des Iles de Paix avec celle du père Dominique Pire, né Georges Pire, prix Nobel de la paix en 1958,
principal fondateur des Iles de Paix. Un détour par son histoire nous aidera à mieux comprendre
l’histoire des Iles de Paix. Le jeune Georges Pire n’avait que quatre ans lorsque sa famille a dû fuir les
troupes allemandes en 1914. En route pour Rennes, la famille Pire fit l’expérience des réfugiés et cela
marquera à jamais son existence. Il le témoigne : « Je suis fatigué, j’ai mal à la gorge. Je marche, je
dors. Tram, train. Deux jours et deux nuits en wagon à marchandises. Arrêt à Rennes, en Bretagne, car
j’ai de la fièvre. On nous regarde, on nous plaint, on nous aide. Je suis un réfugié. Mais je ne le sais
pas. Je ne le saurai, je ne le comprendrai, que trente-cinq ans plus tard, en voyant mes frères des
camps…11
». De retour en Belgique après l’armistice, la famille retrouve leur ville de Dinant en ruine.
Il entra au séminaire en 1927 et sera ordonné prêtre en 1934. Au cours de la Seconde guerre mondiale
en 1947, il rejoignit la résistance comme aumônier et devint à la fin de la guerre curé de Sarte. La
volonté et les idées du père Pire pour le social se sont développées d’un « choc initial » du contact
humain avec les réfugiés (Vander Elst, 1969). Ses œuvres furent diverses et traversées par un même
esprit:
« œuvre d’aide à l’enfance avant guerre, soutien matériel et moral des réfugiés après la
tourmente, défense surtout de leur dignité d’hommes, Université de Paix, Amitiés
Mondiales, Parrainages Mondiaux, Iles de Paix […] ayant toutes ce commun
dénominateur : aider son semblable non seulement par l’amour du cœur mais aussi par
cette forme supérieure de l’amour, celui de l’esprit, qui est respect de sa dignité, de sa
liberté, de sa conscience individuelle, sans aucune arrière-pensée philosophique,
religieuse ou politique qui puisse y porter atteinte » (Vander Elst, 1969, p. 198).
Le drame de la faim dans le monde fut parmi les problèmes de l’époque qui hantèrent le plus le père
Pire, car selon lui les pays riches ne font pas assez pour éliminer ce fléau : « Guérir un peu, manger
quelques jours, et puis mourir de la faim. Tel est le lot de ceux que l’on prétend aider. Certes cela vaut
mieux que rien. Les pays riches ont bonne conscience. Les affamés meurent un peu moins vite »
(Raymond Vander Elst, 1969 : p. 249). Ainsi bien entouré, soutenu et conseillé par des amis dont,
principalement le professeur Raymond Vander Elst, l’économiste Jacques Lefèbvre, l’agronome
Vladimir Drachoussoff et le docteur Charles Drico, il réalisera ses « Iles de Paix » dans l’esprit du
« self-help »: « Et si on aidait un groupe d’hommes et de femmes à prendre son futur en mains jusqu’à
11- https://www.ilesdepaix.org/qui-sommes-nous/ong-iles-de-paix/dominique-pire/biographie-detaillee/
52
ce qu’il puisse évoluer seul?12
». Sa première Ile de Paix fut lancée à Gohira (Bangladesh) en 1962. Ce
proverbe de Confucius résume ses idées de développement : « Si tu reçois un poisson, tu mangeras un
jour. Si tu apprends à pêcher, tu mangeras toute ta vie ».
1.4. Caritas International
Caritas-Belgique n’est qu’un membre d’un grand corps qu’est Caritas Internationalis qui a débuté dès
1897 à Cologne en Allemagne. Mais ce sera surtout au XXe siècle, suite aux deux guerres mondiales
que « le besoin d'organisations humanitaires catholiques nationales se fait sentir et Caritas commence
à croître en Amérique du Nord et en Europe » (Caritas international, 2016). Relancée après les deux
guerres, 13 pays membres de Caritas se rassemblent pour la première fois en 1951 à Rome par Mgr
Montini, futur pape Paul VI. Ils s’organisent et adoptent officiellement en 1954 le nom de Caritas
Internationalis. Selon l’Église, Caritas est sa voix officielle « par rapport à son enseignement en
matière de travail caritatif » (Caritas international, 2016).
Pour sa première à l’étranger, Caritas apporte ses réponses à des inondations qui ont fortement frappé
l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas en 1955. Plus tard ce sont des réponses d’urgence en Ethiopie,
Chine et Viêt-Nam. Début des années soixante avec la décolonisation, Caritas accueille quatorze
nouveaux pays membres dont neuf nouveaux états africains. Et au moment du concile de Vatican II
Caritas Internationalis comptait déjà 74 pays membres de tous les cinq continents. Et en 2004, le pape
Jean Paul II garantit à la confédération un statut de droit canonique en reconnaissance de son travail.
Aujourd’hui « Caritas Internationalis réunit 165 organisations partout dans le monde. Il répond aux
catastrophes, promeut le développement de la personne humaine dans toutes ses dimensions et plaide
contre la pauvreté et les conflits. Réseau caritatif mondial de premier ordre, il a un statut de membre
observateur à l’Organisation des Nations unies (ONU) » (Caritas internationalis, 2016).
En Belgique, suite à la demande des évêques, le Secours International de Caritas Catholica (SICC)
ouvre ses portes en 1948, soit quelques années avant le réseau Caritas Internationalis. Son « objectif
est de venir en aide aux victimes de la Seconde Guerre Mondiale et de veiller à la réunification des
familles. Accueil et accompagnement des enfants étrangers victimes de la guerre et placés dans des
familles belges » (Caritas international, 2016). Au cours des années de 1950, le SICC accueille des
Russes et Ukrainiens malades sortis des camps chinois et apporte son aide d’urgence et de
réhabilitation au Soudan et en Hongrie. Les années 60 sont surtout marquées par l’accueil des rapatriés
belges du Congo, l’aide aux réfugiés albanais du camp de Gerovo, des opérations au Viêt-Nam et de
l’aide humanitaire au Biafra.
12-https://www.ilesdepaix.org/qui-sommes-nous/ong-iles-de-paix/dominique-pire/biographie-detaillee/
53
Dans les années septante le SICC est rattrapé par l’aide d’urgence pour les victimes du cyclone et de la
guerre civile au Pakistan, également au Burundi, Roumanie, Iran, etc. Les années 80 voient le SICC
s’engager principalement contre trois fléaux : la sécheresse et famine qui ont frappé 24 pays
d’Afrique, des projets médicaux suite aux catastrophes de Tchernobyl et programme alimentaire en
Roumanie suite à la chute du mur de Berlin. Ce dernier évènement fait le pont aux années 90. En 1992
le SICC devient Caritas Secours International (CSI) et appuie surtout des programmes au Rwanda
suite au génocide. Et en 2003, le CSI change de nom et devient Caritas International.
1.5. Le catholicisme, pilier fondateur de ces ONG ?
Il ne s’agira pas ici de chercher à confirmer le catholicisme comme pilier fondateur de nos quatre
ONG mais de préférence de voir, à leur origine, ce qui les liait au catholicisme. Ou tout simplement il
s’agira de répondre à la question : est-ce que ces quatre ONG sont effectivement issues du pilier
catholique belge? Nous nous situons au moment de la création de nos ONG. Nous avons déjà vu que
les organisations et institutions chrétiennes du pilier catholique en Belgique sont principalement de
trois types : soit elles sont dans l’enseignement, soit dans l’action caritative et l’assistance, et
finalement dans le social. Il apparait donc aisé de pouvoir les classer comme organisations sociales
mais qui font aussi des actions caritatives et de l’assistance.
Pour Caritas comme pour Entraide et Fraternité l’appartenance à ce pilier parait évidente. Elles sont
toutes deux créées suite à la demande des évêques. Pour Caritas les évêques ont tout simplement
répondu favorablement à un mouvement lancé depuis l’Allemagne qui petit à petit s’est structuré dans
les pays catholiques du monde sous le nom de Caritas. Le service EF pour sa part est créé d’une
décision des évêques et pris en charge par la Caritas. Bien qu’elle est devenue une ONG à part entière,
son attachement à l’épiscopat est resté comme un fait, d’ailleurs au cours de ces premières années,
l’Église, à travers ses fidèles, assumait pratiquement la totalité de son financement (Carême de
partage, don, legs, etc.). Nous pouvons dire que Caritas et EF sont créées à la demande d’un groupe
d’acteurs de première place du pilier catholique que sont les évêques. Il n’y a pas mieux au niveau
national.
La donne est différente en ce qui concerne les ONG Solidarité Mondiale et Iles de Paix. Différentes
tout simplement au niveau des acteurs qui ont eu l’idée de les créer. Pour la première, fille du MOC
qui est considéré, selon certains, comme le mouvement le plus puissant du pilier catholique. Ainsi
nous voyons mal comment nous pourrions ne pas considérer SM comme ayant appartenu à ce pilier.
Surtout l’un de ses objectifs était de faire le lien entre les organisations ouvrières du Sud et le MOC en
Belgique.
54
Iles de Paix, pour sa part, bien que fondée en majeure partie par le père Pire présente des
caractéristiques assez particulières par rapport aux trois autres ONG. Certes ce fut l’initiative d’un
curé, le père pire, mais entouré de fidèles collaborateurs sans qui l’expérience serait toute autre. Deux
d’entre eux : Raymond Vander Elst, professeur à l’ULB est franc-maçon et l’agronome Vladimir
Drachoussoff est Russe et orthodoxe. Ce que Laurent Degge nous confirme : « Il [D. Pire] crée cette
organisation avec deux personnes, le professeur Raymond Vander Elst qui est professeur de droit à
l’ULB, le gars est franc-maçon autant qu’il est possible de l’être et un agronome qui va être le penseur
technique pendant longtemps qui s’appelle Vladimir Drachoussoff c’est un gars qui a été actif dans le
Congo belge». (Propos recueillis de Laurent Degge, Iles de Paix)
Iles de Paix est donc fondée par un curé et ses premières activités ont pris forme autour de sa paroisse
de Sarte. En majorité ce sont des fidèles de la paroisse qui furent les premiers bénévoles engagés, sans
oublier l’utilisation des locaux de la paroisse. De ce fait, il est acceptable de considérer Iles de Paix
comme appartenant au pilier catholique. Toutefois l’ONG présente plus un caractère œcuménique ou
humaniste que catholique, ce qu’admet le père Pire lui-même lors de son discours d’inauguration de la
première Iles de Paix à Gohira : « Dans ce que je vais commencer il n’y a aucune arrière pensée
d’utilitarisme ou de pression d’ordre national, politique ou religieux. En particulier il doit être bien
établi que mon travail ne se fait pas au nom de mon pays et qu’il n’est pas une mission, ou le
camouflage d’une mission, de mon Église ». (Raymond Vander Elst, 1969 : p. 296) Autrement dit, Sa
présence n’est ni au nom de son pays, d’un mouvement politique ni de sa religion catholique.
55
Chapitre II : Le catholicisme dans ces ONG aujourd’hui
Au chapitre précédent nous avons pris le soin de présenter nos quatre ONG et d’aller à leur origine. A
la différence de Caritas Internationalis qui date de la fin du XIXe siècle, les trois autres ONG sont
toutes pratiquement de la même période, deuxième moitié du XXe siècle. En nous référant à la
classification de Stangherlin, nous remarquons que toutes nos ONG sont grosso modo issues de la
deuxième génération. Si à leur création toutes les quatre sont du pilier catholique, qu’en est-il
aujourd’hui ? Tel est l’objectif de ce chapitre, voir de l’intérieur le lien existant entre chacune de ces
ONG et le catholicisme aujourd’hui.
2.5. Entraide et Fraternité et le catholicisme en Belgique
En peu de mots rappelons qu’Entraide et Fraternité est créée sur une décision de la conférence
épiscopale belge à charge de la Caritas. Ce qui nous fait dire qu’EF est née du pilier catholique à un
double niveau. Au niveau le plus élevé, la Conférence épiscopale qui est la hiérarchie de l’Église
catholique belge et à un deuxième niveau au sein de la Caritas qui, souvenons nous-en, dans sa
dimension internationale, est la voix officielle de l’Église catholique en la matière. Cette double
appartenance, si nous osons le dire ainsi, n’est pourtant pas un gage de pérennité dans le pilier. Si par
le passé nous avons remarqué que ce lien entre EF et l’Église catholique fut intense et direct, qu’en
est-il aujourd’hui? Voyons un peu en nous rapprochant de l’ONG à travers sa vision, sa déclaration de
mission, la place du clergé et les fidèles, sa structure et finalement les valeurs qu’elle prône à son
public cible.
2.5.1- La vision d’EF13
Entraide et Fraternité conçoit le développement comme solidaire : « Notre vision est celle d’un monde
où les populations du Nord et du Sud de la terre, particulièrement les plus pauvres et marginalisées,
vivent dans une société juste et égalitaire, et jouissent entièrement de leurs droits au sein d’une
communauté internationale solidaire » (Entraide et Fraternité). Elle conçoit le développement comme
avant tout un droit : « Il convient d’agir contre le ’’mal développement’’ actuel qui accroît toujours
davantage le fossé entre les riches et les pauvres. Entraide et Fraternité choisit donc de soutenir les
groupes défavorisés dans le rôle que ceux-ci peuvent prendre pour s’émanciper» (Entraide et
Fraternité, 2016).
En plus d’être un droit, le développement pour Entraide et Fraternité doit être durable. Elle entend par
durable une approche plus générale englobant les aspects sociaux, économiques, écologiques et
politiques. Cette durabilité selon elle va de pair avec une autre manière d’envisager l’économie : « les
13- http://www.entraide.be/Vision. Ce point est pris de mon rapport de stage.
56
intérêts financiers doivent être soumis d’une part, aux aspects sociaux (le bien-être de chacun, des
générations futures, entre les régions) et d’autre part, aux aspects environnementaux (préservation de
la diversité biologique et des systèmes permettant la vie) » (Entraide et Fraternité, 2016).
Entraide et Fraternité voit aussi le développement comme une dynamique principalement endogène.
C’est-à-dire elle voit le développement comme venir de l’intérieur des populations concernées : « Le
développement s’opère en premier lieu à partir de l’intérieur des populations concernées. Elles
doivent pouvoir se constituer en véritables actrices de leur propre développement. Entraide et
Fraternité entend les appuyer pour une plus grande maîtrise des conditions dans lesquelles elles
vivent. Cela suppose des conditions internationales équitables d’échanges et de coopération »
(Entraide et Fraternité, 2016).
2.5.2- La déclaration de mission d’EF14
La principale mission d’Entraide et Fraternité peut se comprendre à travers son slogan qui dit
tout : « Pour que la terre tourne plus juste ». Se définissant comme ONG catholique, sa mission va au-
delà de toute frontière et milite pour une justice mondiale : « Nous, ENTRAIDE ET FRATERNITÉ,
ONG catholique de développement, voulons être les représentants de l’expression de la solidarité
internationale des chrétiens de Wallonie et de Bruxelles et de tous les citoyens épris de justice sociale
pour que la terre tourne plus juste » (Entraide et Fraternité, 2016).
Sa mission consiste en un triple objectif : promouvoir la solidarité internationale, la réduction des
inégalités et la lutte contre la pauvreté (EF). Et ceci :
- En soutenant des associations partenaires en Asie, Afrique, Amérique latine et Caraïbes,
actrices de changement et solidaires des populations les plus démunies (partenariat) ;
- En formant le public belge et notamment les communautés chrétiennes, à l’analyse et à la
réflexion critique sur les mécanismes qui régissent les relations Nord/Sud, pour arriver à un
changement individuel et sociétal (éducation) ;
- En renforçant, par des actions et analyses politiques, le courant de proposition d’alternatives
et de contestation des structures et mécanismes injustes (action politique).
Ces différentes missions de l’ONG prennent forme à travers sa campagne annuelle
d’éducation/sensibilisation. Cette campagne vise à fournir des éléments d’analyse critique à cinq
publics-cibles pour qu’ils réfléchissent à leur rôle concret dans la société en tant qu’agents de
changement et agissent en conséquence.
14- http://www.entraide.be/Declaration-de-mission. Ce point est aussi tiré de mon rapport de stage.
57
En tant qu’ONG catholique il y a tout d’abord les acteurs paroissiaux et, en général, le monde chrétien
qui est ciblé. Il y a ensuite le monde scolaire, notamment l’enseignement libre catholique et, en
particulier, les professeurs du secondaire de transition et de qualification. Puis tout un réseau de
volontaires qui s’organise en équipes de solidarité. Les décideurs politiques sont notamment visés.
Dans l’exercice de leur fonction, ils prennent des décisions et orientent des politiques ayant un impact
sur les populations d’ici, mais aussi sur le développement des pays du Sud. Et enfin, l’ONG cible des
associations et des réseaux qui partagent ses analyses et son combat.
2.5.3- Entraide et Fraternité, le clergé belge et les paroissiens
La relation entre une ONG comme EF et le catholicisme aujourd’hui doit nécessairement être
analysée par le lien existant d’un coté entre l’ONG et le clergé. C'est-à-dire quels contacts existe-t-il
entre la direction et les évêques, les curés, les paroisses, les communautés religieuses, etc. Et d’un
autre coté, le lien existant entre l’ONG et les fidèles paroissiens. Si le lien avec les évêques reste
toujours solide, nous remarquons toutefois qu’il est difficile de le définir ou le caractériser. Il existe et
est solide par le fait même que, si l’ONG peut continuer à bénéficier de la collecte de carême dans
toutes les paroisses de la Wallonie, c’est parce que les évêques l’autorisent : « Dans le financement
d’EF les collectes paroissiales constituent un quart de nos ressources financières propres » (Propos
recueilli de Angelo Simonazzi, secrétaire général d’EF). Et cette autorisation, selon nous, est tout
simplement du fait qu’ils reconnaissent en l’ONG une alliée. La présence de l’ONG dans les
différents diocèses témoigne aussi de cette proximité avec les évêques : « le fait que nous soyons
présents dans les différents diocèses ici de Belgique, nous sommes considérés comme un service
diocésain, comme le service de la santé, le service de l’enseignement, nous sommes un service
diocésain» (A. Simonazzi).
Ce lien demeure aussi à travers un évêque référendaire comme le précise Michel Molitor, président de
l’ONG : « L’ONG a un évêque référendaire qui est l’évêque de Liège avec qui on pourrait discuter
des choses […] C’est l’évêque qui est chargé par la Conférence épiscopale, c’était notre répondant à
la Conférence épiscopale […] ce n’est pas monseigneur Delville mais monseigneur Justine que la
Conférence épiscopale a maintenu dans sa charge malgré le fait qu’il soit retraité» (Propos recueilli de
Michel Molitor, président d’EF). Et sans oublier que : « dans l’assemblée générale il y a eu toujours
et il continue d’y avoir un représentant de chaque évêque qui siège à l’assemblée générale d’EF »
(Angelo Simonazzi).
Ce lien avec les évêques est aussi symbolique et s’exprime aussi à travers de petits liens
matériels : « par exemple la relation encore à l’église c’est le fait que lorsque j’ai été désigné par
l’assemblée générale comme président, j’ai reçu une lettre de confirmation de la Conférence
épiscopale quand même […] Il y a quand même là un signe matériel si vous voulez de relation, ma
58
désignation comme président du conseil a été sanctionnée positivement par la Conférence
épiscopale » (M. Molitor).
En ce qui concerne les curés, la collaboration est certes efficace mais mérite tout de même de
s’améliorer :
« il y en a qui viennent vers nous et qui sont très engagés, qui nous suivent, qui
s’engagent. Mais comme d’habitude il y a des curés dans des paroisses qui font le strict
minimum. Le minimum syndical qui mettent l’affiche de campagne et de rappeler que le
quatrième et le sixième dimanche de carême sont les collectes pour Entraide et
Fraternité et qui en général versent les collectes. Mais on sait aussi qu’il y en a qui
gardent les collectes pour d’autres choses, c’est une minorité vraiment minuscule mais il
y a aussi des curés engagés qui avec nous s’engagent dans la préparation de certains
événements que cela soit des soirées de solidarité dans les paroisses, ils invitent les
paroissiens à faire des gestes symboliques, à écouter aussi des témoins. C’est
important » (Propos recueilli d’A. Simonazzi).
Cette attitude peu encourageante de cette « minorité minuscule de curés » peut selon nous trouver une
explication dans des propos que nous avons recueillis du président d’EF :
« l’expérience que nous avons faite est que les personnes les plus sensibles à notre travail
et à nos arguments c’était les personnes plus âgées du clergé, les prêtres de la génération
Vatican II et donc qui avaient été forts secoués, motivés par l’idée de coopération
internationale, de justice internationale etc. Que les jeunes prêtres, les jeunes clercs
semblent aujourd’hui plus indifférents. Lorsqu’on essaie aujourd’hui de développer des
activités dans des paroisses on se sentait beaucoup mieux accueilli par les clergés
d’avant, c’est paradoxal les prêtres de la génération de Jean Paul II avaient une vision
différente, je ne dis pas çà du tout dans un point de vue critique, ils étaient plus
sensibilises etc. » (Michel Molitor)
Si l’épiscopat autorise les collectes de carême, c’est au final les paroissiens qui donnent de l’argent.
Cela traduit en partie le lien existant entre EF et les fidèles paroissiens. D’ailleurs le public catholique
constitue le premier public de l’ONG : « Le public, notamment le public de l’éducation au
développement est surtout un public chrétien et donc c’est çà. C’est dans notre statut, c’est clairement
dit que nous devons faire vivre la solidarité internationale chez les chrétiens belges et développer leur
esprit critique envers les questions de développement international. C’est notre public, nous sommes
une ONG catholique, notre public est ce public là, ça a été toujours notre public, cela ne veut pas dire
que notre message ne va pas au-delà de ce public » (A. Simonazzi). Ce public était là depuis le début
59
et semble même être le principal catalyseur de la décision des évêques de mettre en place le service
d’Entraide et Fraternité : « quand je dis que cela a été une décision de la Conférence épiscopale mais
cette décision a été demandée par un tas de gens, un tas de chrétiens qui travaillaient dans le
développement et qui ont fait pression d’une certaine façon » (A. Simonazzi).
2.5.4- Structure organisationnelle d’Entraide et Fraternité15
Entraide et Fraternité se structure autour de son secrétariat général et de trois départements clés. Dans
son organigramme16
, on retrouve au sommet le secrétariat général qui encadre les secteurs politique,
logistique, qualité, le secteur du développement personnel et celui de l’informatique. De manière
horizontale trois départements s’en suivent. Celui du partenariat international qui s’occupe des projets
internationaux en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes. Ce département veille aussi
sur le secteur fonds institutionnels. Il y a aussi le département mobilisation citoyenne qui encadre le
secteur volontaires et groupes, puis celui d’animation jeunes et également les coordinations
nationales, à savoir les bureaux d’EF de Bruxelles/Brabant wallon, Hainaut, Namur/Luxembourg,
Liège et d’Eupen. Enfin le département de communication et récolte de fonds qui regroupe les
secteurs communication, fonds propres et le secteur base de données.
Voici l’organigramme de l’ONG EF daté de novembre 2014 tel qu’il est publié sur son site :
15- Une partie de ce point tirée de mon rapport de stage
16- http://www.entraide.be/L-organigramme-d-Entraide-et
60
Cet organigramme ayant l’air si simple et très explicatif cache pourtant quelques réalités qu’il nous
convient de préciser. Nous ne voyons nulle part dans l’organigramme où il est question de curé,
d’évêque, de diocèse ou de paroisse. Pourtant ils y sont tous. Rappelons que dans l’assemblée
générale il y a la présence d’un délégué de chaque évêque. En plus, concernant les coordinations
régionales qui sont sous la tutelle du département de mobilisation citoyenne, à savoir, les bureaux de
Bruxelles/Brabant wallon, Hainaut, Namur/Luxembourg, Liège et Eupen ; ces villes sont les diocèses
francophones de Belgique. En clair ces coordinations régionales sont des bureaux diocésains et font
office de services diocésains comme nous l’avons déjà mentionné.
2.5.5- Les valeurs prônées par Entraide et Fraternité
La catholicité de l’organisation peut aussi être analysée à travers les valeurs qu’elle défend. Quels
liens existe-t-il entre les valeurs défendues par EF et les valeurs du catholicisme ? Sont-elles toutes
adéquates aux valeurs de l’Église catholique ? Nous avons ainsi sélectionné quatre des valeurs les plus
pertinentes prônées par EF : la souveraineté alimentaire, la lutte paysanne, l’agroécologie et les
changements climatiques. Nous allons essayer de voir comment elle les défend et en quoi elles sont
en accord ou pas avec le magistère romain.
a) La souveraineté alimentaire
Au moment où nous écrivons ces lignes, deux cent quatre-vingt seize (296) articles sur la souveraineté
alimentaire sont disponibles sur le site d’EF. Ce grand nombre d’articles sur ce seul sujet témoigne de
son importance aux yeux de l’ONG. Dans un dossier sur la souveraineté alimentaire publié en 2008
sur le site d’EF, l’ONG part de la différence entre celle-ci et la question de sécurité alimentaire. Selon
EF, différentes institutions internationales de développement, comme la FAO, définissent ainsi la
sécurité alimentaire : « l’accès physique et économique de chaque individu à chaque instant à une
alimentation suffisante, salubre et nutritive qui doit permettre à chacun de satisfaire ses besoins
énergétiques et ses préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Entraide et
Fraternité, 2008). Ces institutions, selon EF, mettent en avant trois facteurs déterminants : la
disponibilité, l’accès aux aliments et la qualité alimentaire.
De par ces trois facteurs largement insuffisants pour le bien être de l’humain, EF préfère le concept de
souveraineté alimentaire car : « Ce concept englobe, au-delà du simple accès à la nourriture, les
dimensions politiques, économiques, culturelles et environnementales, qui garantissent aux
populations une sécurité alimentaire à long terme » (EF, 2008). Ainsi selon une analyse de Gérard
Warnotte de la commission politique d’EF, « défendre la souveraineté alimentaire c’est affirmer:
- le droit des peuples à se nourrir, à vivre dans la sécurité alimentaire;
61
- le droit des populations, de leurs Etats ou Unions à définir leur politique agricole, de protéger
et de maîtriser leur agriculture, de s’engager dans le commerce sans dumping vis-à-vis des
pays tiers et dans le seul but d’atteindre des objectifs de développement durable(…) ;
- le besoin d’atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’accès et le maintien des
ressources » (EF, 2012).
EF dans son document « Souveraineté alimentaire, Dieu de justice et entraide » (EF, 2013), l’ONG
soutient la souveraineté alimentaire notamment en rappelant aux dénonciations des prophètes à travers
l’Ancien Testament contre les inégalités : « Dieu rejette ceux qui s’enrichissent de manière éhontée en
s’emparant des propriétés des pauvres et en les exploitant sans vergogne » (EF, 2013 : 7).
L’enseignement social de l’Église sert aussi d’appui à EF pour réclamer la souveraineté alimentaire
des peuples. Ainsi des extraits de Rerum novarum, Vatican II, Populorum progressio, Caritatis in
Veritate sont cités afin de s’aligner dans la même démarche de l’Église.
b) La lutte paysanne
Pas moins de cinq-cent cinquante articles sur la lutte paysanne sur le site d’EF. Un sujet encore plus
discuté qui fait couler beaucoup d’encre chez EF. A la différence de la lutte pour la souveraineté
alimentaire qui ne concerne pratiquement que les pays du Sud, la lutte paysanne pour sa part est un
sujet brûlant à la fois au Sud comme au Nord et ici même en Belgique. La lutte paysanne s’amorce
dans l’objectif des conditions d’une vie meilleure pour les paysans. Cette amélioration des conditions
de vie sera possible, entre autres, que si les paysans ont accès à la terre, s’ils arrivent à trouver des
solutions contre le changement climatique, s’ils arrivent à produire mieux et vivre de leur production
sans contraintes commerciales absurdes, et si les paysans acquièrent leur souveraineté alimentaire.
L’accès à la terre est effectivement l’un des grands problèmes des paysans, permettre aux paysans
d’avoir accès à la terre est l’un des objectifs de cette lutte. Ils doivent lutter pour avoir un morceau de
terre à cultiver, et ceux qui en ont doivent s’organiser pour contrecarrer l’accaparement des terres. Ce
processus d’accaparement des terres est, selon EF, ce « phénomène qui consiste dans l’achat ou la
location de grandes superficies de terres agricoles grâce à des accords impliquant investisseurs privés
(nationaux ou étrangers) et gouvernements ». (EF, 2011) S’il a toujours existé, ces dernières
décennies le phénomène s’accroit et les hectares de terres agricoles accaparés se comptent en millions.
Et ce sont, dans la plupart des cas, des contrats qui s’étendent sur plusieurs générations voire un
siècle. La lutte paysanne doit aussi prendre en compte le changement climatique. Si les paysans sont
très peu responsables du changement climatique, ils sont pourtant les principales victimes. Quand les
plus faibles sont privés de leur morceau de terre, ce sont des familles entières qui sont livrées à la
misère.
62
c) L’agroécologie
Une autre valeur importante pour EF est l’agroécologie. Avec l’agroécologie le message est clair, si
nous voulons vraiment faire face aux problèmes de famines en cette période de changement
climatique, il nous faut trouver des pratiques nous permettant de développer un meilleur rapport avec
le sol, l’eau, l’air, en gros avec la nature. Cet ensemble de pratiques est connu sous le nom
d’agroécologie qui:
« est avant tout un ensemble de pratiques agricoles qui observe les mécanismes de la
nature et les adeptes de l’agriculture. La nature est donc au centre de l’attention.
L’agroécologie est aussi une approche scientifique dont le but est à la fois de mieux
comprendre les processus naturels et les pratiques traditionnelles des paysans pour les
améliorer. Les paysans y occupent une place centrale comme détenteurs de savoirs
ancestraux. L’agroécologie est également un mouvement social, imbriqué dans le
mouvement de la souveraineté alimentaire, qui rejette l’agriculture industrielle,
destructrice de l’environnement et du lien social. L’humain et la nature sont au centre de
ses préoccupations» (EF, mars 2016, p. 5)
Comme il est précisé l’agroécologie n’est pas que agricole, elle est aussi sociale, en tant que tel, elle
est surtout très critique « elle critique l’industrialisation des agricultures, l'usage d'intrants externes,
l'utilisation extensive de la terre et le découplage entre la productivité et les contraintes écologiques.
Les adeptes de l'agroécologie remettent en cause le modèle agricole actuel tout en replaçant les
agriculteurs dans un rôle de protection du paysage, de la biodiversité et du territoire » (EF, 2012).
Si interprétation du livre de la Genèse impose la domination de l’homme sur la nature, l’Église aussi
durant une longue partie de son histoire n’a pas tenu un discours si différent. Mais certains pères de
l’Église comme Saint-François d’Assise ont eu l’audace et le courage de proposer une relecture de la
Genèse allant à contre pied des idées dominantes. Depuis déjà plusieurs décennies, plus
particulièrement depuis Jean-Paul II, l’enseignement de l’Église prône le strict respect de la nature. Et
le pape François, avec Laudato Si, rappelle que le respect de l’environnement est proprement chrétien.
Un message que EF reçoit à cœur ouvert : « dernièrement on a la chance d’avoir un pape François qui
est un pape très social, par exemple la dernière encyclique [Laudato Si] nous l’avons utilisée de façon
très, très forte et nous continuons à l’utiliser parce que cela colle parfaitement à notre travail qui est
surtout en tant que travail qui fait le lien avec l’agroécologie, l’environnement et ca pour nous c’est
très, très important ». (Propos recueillis d’A. Simonazzi).
63
d) Les changements climatiques
Il apparait absurde de citer les changements climatiques comme valeurs prônées par Entraide et
Fraternité. Le changement climatique qui a surtout des effets néfastes sur la vie humaine ne peut en
aucun cas être considéré comme une « valeur ». Mobiliser la société civile sur les problèmes de
changement climatique, faire pression sur les politiques pour prendre des décisions justes contre le
réchauffement ou encore sensibiliser les populations à risques sur les précautions à prendre et surtout
aider les paysans à adapter leur culture, telles sont des valeurs découlant de ce problème. EF « tente
de démontrer que les changements climatiques portent atteinte au secteur de l’agriculture paysanne, et
ce, particulièrement dans les pays en développement (baisse des rendements agricoles, réduction de la
production alimentaire locale, accroissement des disparités entre agriculture paysanne et l’agriculture
de l’agrobusiness, etc.) » (EF, 2015, p. 3).
Dans un pays comme Madagascar, nous dit Maxime Caudron d’EF, « une légère augmentation de la
température favorise le développement de ravageurs tels que les sauterelles qui envahissent le pays en
permanence […] Les invasions annuelles de sauterelles détruisent les cultures et augmentent les
risques d’insécurité alimentaire» (EF). En plus du développement de ces ravageurs « on note aussi
une augmentation du nombre de cyclones intenses qui frappent l’île annuellement […] Mais l’effet le
plus dramatique du changement climatique qui est aussi le moins visible est le décalage des saisons.
Les saisons sèches durent plus longtemps, surtout dans les hautes terres … » (EF). Ce changement
climatique a aussi des effets néfastes sur la croissance démographique ajoute M. Caudron,
l’environnement se dégrade et en conséquence la déforestation devient un moyen de subsistance à
court terme pour la population.
2.6. Solidarité Mondiale (SM) et le catholicisme en Belgique
Nous avons déjà démontré que Solidarité Mondiale est bien une ONG fondée au sein du pilier
catholique belge. Il s’agit maintenant de démontrer en quoi pouvons-nous encore considérer l’ONG
comme appartenir au monde catholique. A sa création en 1961 la Solidarité Mondiale avait pour
mission « d’assurer des échanges entre les organisations ouvrières du tiers-monde et le MOC, de
soutenir les organisations internationales comme la Confédération mondiale du travail (CMT) ou la
JOC internationale et de promouvoir, grâce à une large participation financière des militants, des
projets proposés par les organisations notamment en matière de formation » (F. Loriaux, 1996 : p.
184). Ainsi, en tant qu’ONG du MOC, la SM faisait le pont entre le MOC et deux types de
mouvements : des mouvements sociaux chrétiens comme la JOC et d’autres mouvements sans affinité
chrétienne comme la CMT. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour le savoir nous allons faire appel aux
entretiens et aux informations publiées sur le site de l’ONG.
64
2.6.1- Solidarité Mondiale aujourd’hui
Sur son site, l’ONG se définit toujours comme celle du MOC et aussi de toutes les autres
organisations membres à savoir : la Confédération des Syndicats Chrétiens, l’Alliance Nationale de
Mutualités Chrétiennes, Vie Féminine, les Equipes Populaires et enfin les Jeunes Organisés et
Combatifs (Solidarité Mondiale). Son objectif est « de renforcer les mouvements sociaux en Afrique,
en Asie et en Amérique Latine pour qu’ils soient des acteurs de changement et des agents de
développement en faveur des populations locales » (Solidarité Mondiale). Autrement dit, la SM
travaille aujourd’hui avec des mouvements sociaux du Sud et de ce fait s’appuie sur « les
organisations du MOC [qui] relaient nos campagnes et nous soutiennent financièrement. Ce sont les
ambassadrices de l’ONG » (SM)
De ce point de vue, de 1961 à nos jours quelque chose a subtilement changé. Dans les années soixante
la SM s’occupait à faire le lien entre ces mouvements sociaux du Sud et le MOC ici en Belgique, en
quelque sorte la SM était au service du MOC. Aujourd’hui nous pouvons constater que la SM a pour
objectif de renforcer ces mouvements sociaux en ayant l’aide du MOC et de ses organisations
membres. Le MOC soutient financièrement la SM et fait écho de ses réalisations dans le Sud. Donc de
1960 à nos jours, nous sommes passés du MOC qui occupait le centre de l’action sociale, appuyé par
un ensemble d’associations dont la SM, à la Solidarité Mondiale qui à présent occupe le centre et a le
MOC comme partenaire. Nous pouvons comprendre cela comme un renforcement de l’ONG SM et un
affaiblissement du MOC mais qui restent tout de même partenaires dans la lutte sociale.
2.6.2- Vision et stratégies d’actions
Dans un document publié en 2013 ’’Vers une société durable et inclusive : les mouvements sociaux
comme force de changement social’’ (SM, 2013), l’ONG SM fait part de sa vision et stratégies
d’actions. Selon elle, la société doit évoluer dans le sens « vers une société durable et inclusive où la
solidarité et la justice sociale sont des valeurs et des responsabilités partagées. Durable, parce que
l’économie, l’écologie et le social doivent se développer de concert ; et inclusif, parce que tous les
acteurs pertinents doivent pouvoir jouer leur rôle dans la détermination et la réalisation du processus
de développement» (SM, 2013, p. 3). Ainsi SM conçoit le développement comme :
« la direction dans laquelle une société veut évoluer, dans un sens positif (plus de justice
sociale et de solidarité, et donc moins de pauvreté, d’exclusion sociale, d’inégalité et de
vulnérabilité), ou dans un sens négatif (moins de justice sociale et de solidarité et donc
plus de pauvreté, d’exclusion sociale, d’inégalité et de vulnérabilité) […] Pour Solidarité
Mondiale et son réseau, le développement est un processus dynamique, qui est en devenir
constant et évolue incessamment, dans un sens positif ou négatif ». (SM, 2013 : p. 3)
65
La mondialisation, selon SM, elle n’a fait qu’accroitre l’exclusion sociale, la pauvreté, l’inégalité et
l’injustice : « dans la globalisation actuelle, le problème de la pauvreté est toujours solidement ancré et
il affaiblit la stabilité sociale d’un grand nombre de pays […]A l’échelle mondiale, nous observons
d’une part une masse énorme de « travailleurs pauvres » dotés de droits économiques, sociaux et
culturels très limités, et d’autre part, une petite élite économique qui, dans le Sud également,
s’approprie la majorité des revenus » (SM, 2013 : p. 4). C’est un processus de développement exclusif,
c'est-à-dire non participatif, (Annexe 1) dans lequel il n’y a que l’état et les acteurs économiques qui
font le développement au mépris du tissu associatif représentant la majorité de la population.
D’où, selon SM, la nécessité d’un développement intrusif (Annexe 2) dans lequel les principaux
acteurs sociaux à savoir, l’état, les acteurs économiques et la société civile travaillent ensemble au
développement de la société en contribuant chacun à leur manière à travers le dialogue pour une
transformation vers une société durable et inclusive (SM, 2013). Dans ce sens nous aurons un Etat qui
régule et organise : « En premier lieu, l’Etat a comme tâche d’organiser le dialogue entre les différents
acteurs et de couler le fruit de ce dialogue dans la réglementation (rôle régulateur)» (SM, 2013, p. 8).
Les acteurs économiques pour leur part vont œuvrer avec et pour l’homme et la société. Á coté de
l’état et des acteurs économiques nous aurons la société civile comme acteur structurel (SM, 2013).
2.2.3. Le statut et l’organigramme de Solidarité Mondiale
Le statut et l’organigramme de Solidarité Mondiale nous disent beaucoup sur les liens existant encore
entre l’ONG et le monde catholique. Il est plus difficile de parler des liens avec l’Église, ce qui est
différent des liens avec le monde catholique. Le monde catholique dépasse le cadre de l’Église, la
preuve en est que des gens de confessions diverses, des humanistes ou encore des athées y collaborent
sans le moindre rapport avec l’Église, le curé ou les évêques. Cela a toujours été ainsi et encore
aujourd’hui. Rappelons que sur son site l’ONG se définit toujours comme l’ONG du Mouvement
Ouvrier Chrétien (MOC) alors que ce dernier demeure malgré tout un acteur du monde catholique.
Au premier paragraphe du troisième article de son statut, l’ONG définit son objet : « Solidarité
Mondiale a pour objet la promotion de la solidarité et de la coopération internationale en réponse à
l’exclusion sociale et la pauvreté dans le monde. Pour cette raison toutes ses actions sont axées sur
l’amélioration des conditions de travail et de vie, sur la lutte intégrale contre la pauvreté et sur la
défense de la protection sociale et des droits du travail » (SM, article 3, § 1). Nous pouvons remarquer
que son objet continue à s’inspirer de la doctrine sociale de l’Église. Son concept de « lutte intégrale
contre la pauvreté » fait allusion directe avec la conception du « développement intégral » de Paul VI.
A la fin du deuxième paragraphe, nous lisons : « le mouvement ouvrier chrétien belge concrétise la
coopération au développement à travers ce réseau de solidarité mondiale » (SM, article 3, § 2). Ce que
66
nous comprenons dans le sens que SM est aujourd’hui l’organe qui s’occupe de la coopération au
développement pour le MOC. Ce qui affirme l’appartenance de la structure de SM au MOC. L’article
huit enlève tout doute sur le lien existant entre la SM et le MOC encore aujourd’hui, donc de son
appartenance au monde catholique. Il stimule au point C : « les membres de l’association s’engage à
s’abstenir de toute expression d’opinion ou de tout acte : qui porte atteinte aux intérêts de
l’association, de ses organes ou de ses membres » (SM, article 8). Si le MOC demeure une structure
catholique, est-ce que cela ne sous-entendrait pas que les membres s’abstiennent par exemple de
prendre ouvertement une position contraire ou contradictoire avec la position du monde catholique ?
Dans son organigramme aussi nous remarquons une forte présence de structures catholiques. L’ONG a
deux organes décisionnels : le conseil d’administration et l’assemblée générale. Dans le conseil
d’administration siègent à la fois le MOC, l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes (ANMC)
et la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC). Dans l’assemblée générale également les trois y
sont convoqués et à des niveaux divers.
Il n’est pas non plus si simple de croire rapidement que par le fait même que SM se définit comme
ONG du MOC ou par le fait que toutes ces structures chrétiennes (MOC, CSC, ANMC) y adhèrent
que SM demeure forcément une structure chrétienne. Mais il est certain qu’existent encore des liens
entre l’ONG et le monde chrétien. D’ailleurs, comme il est indiqué sur son site, les organisations du
MOC la soutiennent financièrement également.
2.7. Iles de Paix et le catholicisme en Belgique
Malgré le fait qu’il soit prêtre, Dominique Pire n’a jamais revendiqué le statut d’organisation
chrétienne à son ONG. D’ailleurs lui-même ne s’y est jamais investi en tant que prêtre. Et comme
nous l’avons déjà démontré l’équipe des pères fondateurs de l’ONG avait plus un air pluraliste que
catholique. Toutefois l’ONG s’est développée dans un environnement très catholique, facilité bien sûr
par le statut de son principal fondateur Dominique Pire souvent en tenue de moine (Propos recueillis
de Laurent Deutsch des Iles de Paix). Après sa mort en 1969 « son action s’étend rapidement. Sa
démarche est universelle dès lors qu’elle refuse catégoriquement toute arrière-pensée de récupération
philosophique, culturelle ou religieuse. Au contraire, elle impose le respect profond des idées, des
opinions, de la culture et de la religion des hommes et femmes avec lesquels on collabore. C’est le
« dialogue fraternel », seconde pierre angulaire de l’action des Iles de Paix » (Iles de Paix).
2.7.1- Iles de Paix aujourd’hui
Il ne fait aucun doute qu’avec la mort de Dominique Pire seulement sept ans après l’ouverture de la
première Iles de Paix, cela a fortement modifié la trajectoire de l’ONG. Si Dominique Pire n’a jamais
revendiqué un statut d’ONG catholique ou chrétien aux Iles de Paix, son statut aujourd’hui d’ONG
67
pluraliste date d’après sa mort. Admettons toutefois que dès le départ avec un prêtre, un franc-maçon
et un orthodoxe russe tout fut bien en place pour le pluralisme mais précipité par la mort de
Dominique Pire. Car avec lui dans l’esprit des gens, l’ONG fut bien catholique : « c’est une
association qui a été créée certes avec un dominicain, avec un franc-maçon et avec un orthodoxe russe
et donc, Iles de Paix, bien sûr avec cette figure tutélaire de Dominique Pire très souvent est d’ailleurs
en habit de moine, cela a marqué les esprits, on a dit très souvent qu’Iles de Paix est une organisation
catholique » (Propos recueillis de Laurent Deutsch, Iles de Paix).
Donc la mort de Dominique Pire peut être vue comme l’évènement qui a poussé davantage l’ONG
vers le pluralisme. Aujourd’hui les fondamentaux de l’ONG n’ont aucun attachement à la religion.
Elle se voit, entre autres, comme une ONG soucieuse du droit d’être solidaire, c’est pour elle plus
qu’un devoir moral, être solidaire est un droit. Elle est aussi une organisation soucieuse de la condition
de la femme, elle lutte en ce sens pour la réduction des inégalités. Elle se voit également comme une
organisation soucieuse de l’environnement car l’homme a besoin d’un environnement de qualité. Iles
de Paix s’est écartée de toute considération religieuse, politique ou philosophique.
Dans son statut, l’article quatre résume d’ailleurs le choix pluraliste de l’ONG : « Fidèle à l’inspiration
de ses fondateurs, l’association a pour but, en dehors de toute espèce d’appartenance religieuse,
philosophique, idéologique et politique, de contribuer à l’amélioration durable des conditions de vie
des populations pauvres dans les pays défavorisés. Au Nord, l’Association contribue à la formation
d‘une société davantage éclairée et engagée en faveur de ces pays défavorisés » (Article 4). Et dans
son organigramme également, rien ne suppose des liens avec des structures religieuses, politiques ou
philosophiques.
2.7.2- Missions et objectifs des Iles de Paix
Sur son site l’ONG se décrit comme ONG pluraliste qui fonctionne sans attachement religieux,
philosophique, idéologique ou politique. Et ceci selon une double vision, d’abord un monde
permettant à chacun de vivre dans la dignité et de développer ses potentialités et ensuite un monde
solidaire qui promeut l’accès de tous aux droits humains dans un environnement préservé. Ainsi sa
mission est d’encourager des comportements responsables, autonomes et solidaires et lutter pour la
réduction des inégalités (Iles de Paix).
Son action tend à répondre à trois objectifs. En premier lieu améliorer l’alimentation et augmenter les
revenus. Ainsi elle entend faire face au problème de malnutrition dont souffre une grande partie de la
population mondiale. Faire face à ce problème c’est à la fois améliorer les rendements de la production
mondiale en qualité et diversité. C’est également permettre aux paysans d’avoir un meilleur revenu
pouvant répondre à leur besoin familial. C’est pourquoi sur le terrain l’équipe des Iles de Paix se pose
68
trois questions : comment produire plus ? Comment produire au meilleur moment ? Comment faire
plus de bénéfices ? (Iles de Paix).
Le deuxième objectif de l’ONG est de proposer de meilleures infrastructures. L’ONG est bien
consciente du fait que si dans les pays du Nord l’accès à des services comme l’éducation, la santé,
l’eau potable, le transport, les voies de communication, etc. semble aller de soi ; c’est loin d’être le cas
dans les pays du Sud, en tenant compte spécifiquement des pays où elle intervient. Dans ces pays là
l’Etat n’a pas suffisamment de moyens pour remplir son rôle. Face à cette absence des structures
étatiques, l’ONG tente de composer et apporte son soutien en construisant des écoles, des centres de
santé, des voies de communication, etc. Elle équipe aussi des écoles et centre de santé (Iles de Paix).
Le troisième objectif de l’ONG est d’améliorer la gouvernance et la participation citoyenne. Que cela
soit en Afrique ou en Amérique latine où elle s’investit, la population cible se pose pratiquement les
mêmes questions : comment agir pour que les autorités communales gèrent bien (ou mieux) les
affaires publiques, en toute transparence ? Comment favoriser la participation citoyenne, pour que les
gens prennent part à cette gestion, fassent valoir leurs droits, leurs projets et leurs revendications ?
Ainsi l’ONG accompagne des associations et aussi des cadres communaux sur le chemin de la bonne
gouvernance pour une meilleure gestion et plus de transparence (Iles de Paix).
2.4- Caritas International et le catholicisme aujourd’hui
Caritas est selon nous dans toutes ses dimensions, nationale ou internationale, l’ONG de l’Église
catholique. A travers son histoire Caritas s’est toujours développée à l’intérieur de l’Église et en
relation directe avec l’évêque du lieu. D’ailleurs, comme nous l’a bien dit monsieur Patrick Ducquois
de Caritas-Belgique, le nom de Caritas est protégé, une ONG ne peut l’attribuer sans ce lien direct
avec l’Église. Là nous sommes en partie un peu dans son histoire, qu’en est-il de Caritas en Belgique
aujourd’hui ?
2.4.1- Caritas International aujourd’hui
Caritas-Belgique est un peu à l’image politique du pays. Lorsque vers la fin des années de 1960
l’université catholique de Louvain s’est scindée en Leuven et Louvain-la-Neuve, la même division
s’est opérée au sein de Caritas : « on s’est retrouvé après ces différentes évolutions dans un paysage
tout à fait différent, c’est qu’on avait une confédération belge qui s’appelait Caritas Belgique mais qui
était en fait une sorte de boite vide et qui couronnait trois entités : Caritas francophone qui restait une
confédération surtout d’institutions, mais aussi d’autre choses ; Caritas Vlanderen qui était
l’équivalent en Flandre et un troisième le Secours International de Caritas Catholica qui elle était
bilingue » (Propos recueillis de M. Patrick de Bucquois).
69
Mais il y quelques années la situation a un peu évolué : « en fait, je compare parfois Caritas à un
couple qui a divorcé il y a quarante ans et qui décide de nouveau de vivre ensemble. Parce que du coté
francophone et néerlandophone on a pris des trajets assez différents et il y a cinq ans on a appris qu’il
y avait un bâtiment à vendre juste à coté de Caritas international et on l’a acheté […] Ce qui explique
qu’on ne fait plus trop de distinctions entre Caritas Flandre et Caritas Francophone, bien sûr chacun
garde sa compétence mais on veut donner un signal qui donne une autre image de celle dont on a
souvent en Belgique » (Propos recueillis de Patrick du Bucquois).
La situation de Caritas Belgique est encore une preuve que les ONG comme membres de la société
n’échappent pas aux bouleversements qui la secouent. Suite à des problèmes communautaires et
linguistiques qui ont divisé la principale université catholique du pays, Caritas Belgique a subi la
même transformation. La Confédération Caritas Belgique s’est retrouvée comme une boite vide car la
Caritas francophone et Caritas vlanderen se sont occupées uniquement de leur Communauté et du
coup au niveau national, malgré les efforts du Secours international de Caritas Catholica, il n’y avait
pas vraiment une instance de Caritas pour une coordination. Aujourd’hui la Caritas de Belgique est
connue sous le nom de Caritas International à différencier de Caritas Internationalis qui est la grande
structure mondiale de Caritas qui a son siège à Rome. C’est une sorte de Confédération de toutes les
Caritas sous tutelle directe du Vatican et qui effectue des contrôles sur l’ensemble des Caritas de
chaque pays.
2.4.2- Vision et missions de Caritas International
Comme décrit sur le site de l’ONG, sa vision se structure autour de quatre piliers essentiels. Tout
d’abord Caritas International conçoit un monde à travers la paix, la solidarité et la justice : « Caritas
International œuvre pour un monde de paix, de solidarité et de justice, dans lequel la dignité de chaque
personne constitue une valeur fondamentale et dont les richesses sont mieux partagées entre tous »
(Caritas International). C’est si et seulement si nous arrivons à ce monde de paix, de solidarité et de
justice que la dignité de l’Homme sera respectée et il y aura suffisamment de richesses pour tout le
monde.
L’Évangile constitue ensuite la principale source d’inspiration de Caritas International : « Caritas
International puise son inspiration dans une vision chrétienne de l’Homme et de la société, basée sur
l’Evangile. Chaque personne a droit à une vie digne et doit pouvoir jouir de ses droits fondamentaux »
(Caritas International). Puis Caritas International se bat également afin que chaque homme puisse
avoir accès aux besoins nécessaires : « L’accès à une nourriture saine, à l’eau potable, aux soins
médicaux, à l’enseignement, à l’emploi et à un logement décent doit être garanti » (Caritas
Internationale). Et pour finir, si au niveau mondial Caritas Internationalis constitue la grande
confédération, l’ONG croit toutefois qu’il est nécessaire que l’autonomie de chaque structure soit
70
respectée, et qu’il revient à chacun d’intervenir à son niveau pour le bien de l’ensemble. D’où
l’importance des valeurs de solidarité et subsidiarité : « Notre travail est fondé sur les valeurs de
solidarité et de subsidiarité(1)
. Aucun pays ou aucune organisation n’est à même de résoudre tous les
problèmes. Seule l’union des forces peut conduire à des solutions durables » (Caritas International).
Sa mission se développe ici en Belgique autour de trois publics cibles. Tout d’abord elle se veut être
proche des victimes de violence, de catastrophes naturelles et de pauvreté : « Caritas International
soutient les victimes de violences, de catastrophes naturelles et de la pauvreté, dans leur propre pays
ou en fuite, en collaboration avec ses réseaux nationaux et internationaux. Nous accomplissons notre
mission sans discrimination. Caritas International aide les personnes les plus vulnérables et les
accompagne dans leur recherche de solutions durables » (Caritas International). Elle ne se contente pas
que d’intervenir au moment des faits mais elle accompagne également.
Elle intervient également au niveau de l’aide d’urgence : « Caritas International et ses partenaires
fournissent une aide d’urgence efficace en cas de crise. Nous mettons également en œuvre des projets
de réhabilitation et de développement afin de donner aux personnes la possibilité de prendre en charge
leur vie et leur avenir » (Caritas International). Et finalement Caritas International tient compte du
problème des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile :
« Caritas International accueille les demandeurs d’asile et défend le droit des migrants à
une aide matérielle, sociale et juridique, les accompagnant en Belgique ou dans leur pays
d’origine. Nous dénonçons les situations d’injustice et les dysfonctionnements dont nos
collaborateurs sont les témoins, et plaidons auprès des décideurs pour des solutions
structurelles. Notre expertise nourrit un travail d’information et d’éducation à
destination du grand public, et plus particulièrement du monde » (Caritas International).
2.4.3- Caritas International et le monde catholique
Nous pourrions même dire qu’il n’est plus nécessaire de parler des liens existants entre Caritas
International et le monde catholique, car comme nous l’avons déjà affirmé Caritas International peut
être considéré comme l’ONG même de l’Église catholique ici en Belgique et pareil dans tous les pays
où elle existe. Il n’y a pratiquement plus rien à dire de ces liens sinon que de répéter. Traitons ici de
son rapport avec les évêques du pays.
En Belgique, le lien de Caritas avec l’Église est avant tout garanti par le statut de Caritas même qui les
oblige à avoir des liens avec l’évêque du lieu : « le statut de Caritas, tant au niveau belge qu’au niveau
international les oblige à avoir des liens très étroits avec les évêques. On ne peut pas porter le nom
Caritas sans ça. Le nom est d’ailleurs protégé » (Propos de P. Du Bucquois). Toutefois ce rapport avec
71
l’évêque ne s’établit pas dans le même rapport partout. Il revient à chaque entité nationale et même
diocésaine, de construire de leur façon à leur propre rythme cette relation :
« . Dans certains pays Caritas est une sorte de département de la Conférence épiscopale.
Mais nous en Belgique nous avons opté pour une solution plus professionnelle […] Nous
avons souhaité que la structure des Caritas soit des ASBL, des associations de droits
civils qui donc ont une autonomie juridique, mais d’autre part, le lien avec l’Église est
garanti par les statuts, par exemple, les présidents des Caritas ne peuvent être nommés
que moyennant l’assentiment de la Conférence épiscopale. Ça c’est un droit de regard
important que les évêques ont sur la nomination du président. Parfois même un droit de
regard sur la nomination des directeurs. Et dans chaque Caritas il y a un évêque
référendaire, c'est-à-dire, un évêque qui est désigné par la Conférence épiscopale pour
être membre de l’assemblée générale, parfois même du conseil d’administration de
Caritas, donc ce n’est pas seulement le droit de regard sur la nomination du président,
c’est un droit de regard aussi sur la gestion journalière » (P. Du Bucquois).
Cette relation avec l’Église n’est pas seulement au niveau des règlements et représentations, elle prend
corps aussi à travers des activités pratiques. Elle s’initie dans la formation :
« Il y a un souci de faire en sorte que par exemple dans le programme de formation que
la dimension de la diaconie soit beaucoup plus présente. Que les gens la partagent ou ne
la partagent pas, peu importe, mais qu’ils sachent au moins ce dont il s’agit. On a par
exemple l’an dernier, je crois qu’il y a eu une journée de formation pour tout le personnel
de Caritas international qui est la plus grande Caritas en Belgique, on a environ une
centaine de membres du personnel, donc il y a eu une journée de formation à la
diaconie » (P. Du Bucquois)
Les membres de la Caritas sont également invités à la messe : « nous avons de plus en plus
d’initiatives communes à tout le monde et qui peuvent se marquer par le fait qu’à Noël, à Pâques, la
Toussaint nous avons une célébration eucharistique à laquelle tout le personnel de Caritas est invité.
Maintenant tout le monde ne vient pas mais tout le monde est invité. Donc cette espèce d’identité
chrétienne n’est pas juste quelque chose qui est là dans les statuts, dans les papiers » (P. Du Bucquois).
72
Chapitre III : La sécularisation dans les ONG belges : une étude comparative
Dans ce dernier chapitre nous allons tenir compte du niveau de sécularisation dans nos quatre ONG.
Ce travail comparatif consistera à pointer la sécularisation à l’intérieur de chacune de nos ONG en
tenant compte de leur histoire et à travers quatre figures du catholicisme : doctrinale, institutionnelle
belge, institutionnelle romaine et sociale. Pour chaque ONG, il s’agira d’étudier premièrement leur
niveau de relation aujourd’hui avec la doctrine sociale de l’Église. Ainsi nous aurons à questionner le
dogme catholique, également à travers les encycliques. Deuxièmement nous étudierons leur niveau de
relation avec l’Église à travers ses institutions au niveau local, donc du monde catholique. Et si
possible cette relation de l’ONG avec elle-même à travers des signes matériels de chrétienneté dans
ses locaux, ses activités et ses publications. Puis troisièmement cette relation avec l’Église sera
également abordée avec les institutions romaines et d’autres organisations catholiques internationales.
Et à la fin nous nous arrêterons sur leurs liens au niveau social.
3.1. La situation chez Solidarité Mondiale
Etant l’ONG du MOC, Solidarité Mondiale par le passé a eu des liens assez forts avec la doctrine
sociale de l’Église, avec le pilier catholique belge, probablement avec Rome et un engagement
infaillible dans le social. Au fil du temps, ces relations, si elles existent toujours, ne sont plus du
même ordre. Mais qu’en est-il aujourd’hui?
Au niveau doctrinal, il ne fait aucun doute que des encycliques comme RN ou PP ont eu un impact
majeur sur la mission de SM. Le contexte dans lequel ces deux encycliques sont publiées, a un lien
direct avec la mission de l’ONG. Nous pourrions même oser considérer SM comme une conséquence
des dénonciations des premières encycliques sociales, c’était en pleine révolution industrielle, des
emplois sont créés et la croissance fut en hausse. Toutefois le sort des ouvriers, ceux qui rendaient les
riches plus riches, était loin d’être confortable. Les riches devenaient de plus en plus riches et les
pauvres s’engouffraient davantage dans la pauvreté et tout cela sous le regard figé de l’Etat. RN vint
lancer le cri du droit et des responsabilités des travailleurs et des patrons.
Avec PP le contexte social ne fut pas si différent. Si au niveau local avec les Trente Glorieuses
l’économie et l’emploi se portaient mieux mais toujours avec une grande disparité entre les patrons et
les ouvriers ; l’encyclique vint attirer l’attention surtout sur la situation entre les pays riches et les pays
pauvres dans un contexte de décolonisation en Afrique. Les deux encycliques ont lancé le même cri,
la première pour la situation ici en Europe et la deuxième pour la situation entre l’Europe et les autres
parties du monde. Si le MOC s’est engagé auprès des travailleurs européens, sa fille SM est son regard
vers les ouvriers du tiers-monde, donc en partie les ouvriers de ces nouveaux états indépendants. Là
où le MOC est plus RN, SM pour sa part est plus PP.
73
Nous avons scruté le site internet de Solidarité Mondiale, nous avons discuté avec des gens qui ont
travaillé pour l’ONG, nous avons lu et feuilleté un ensemble de documents publiés sur l’ONG ou
qu’elle publie elle-même ; la référence à la doctrine sociale de l’Église n’est aujourd’hui qu’une page
de son histoire. Si son objet « la promotion de la solidarité et de la coopération internationales en
réponse à l’exclusion sociale et la pauvreté dans le monde » (Art. 3, Statut de SM) ou son slogan
« ensemble contre l’injustice sociale » demeurent des engagements tirés de la doctrine sociale de
l’Église, l’ONG ne se réfère plus à elle. D’ailleurs quand nous avons contacté la direction de
Solidarité Mondiale pour un éventuel entretien pour le travail, leur réponse était de nous dire que la
question de la sécularisation ne les concerne pas, que Solidarité Mondiale est une ONG humaniste.
Cependant, si selon certains de ses membres Solidarité Mondiale est une ONG humaniste, son lien
avec le monde catholique, bien qu’affaibli, existe encore. Tout d’abord elle se définit toujours comme
l’ONG du MOC et ensuite la plupart de ses organisations membres telles la Confédération des
Syndicats Chrétiens (CSC) et l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes (ANMC), sont des
structures de la chrétienneté. Certes, il ne suffit pas d’afficher le mot ’’chrétien’’ pour être du monde
chrétien, peut-être que dans la pratique elles n’ont plus rien à voir avec l’Église, mais la référence au
concept n’est pas sans importance si l’on se réfère à ce débat qu’il y a eu quelques années dans la
société belge sur la fameuse lettre C concernant le scoutisme ou l’Université catholique de Louvain.
Délaissant le champ de l’Église, Solidarité Mondiale n’a ainsi plus aucun lien avec Rome, sinon que
de se montrer parfois assez critique contre certaines positions du Vatican. Ajoutons également que SM
continue à distribuer ses subsides à ses différentes organisations membres y compris les organisations
catholiques.
Sur le plan social cependant, Solidarité Mondiale maintient la ligne de son héritage catholique.
Comme nous venons de le voir Rerum novarum et Populorum progressio sont ses principales sources
d’inspiration en matière de lutte en faveur de la classe ouvrière. Dans le Sud surtout, elle appuie des
« mouvements sociaux qui œuvrent pour le travail décent, la protection sociale et la création
d’emplois pour tous les travailleurs » (Solidarité Mondiale). De manière plus détaillée, en Amérique
latine elle soutient « le travail de la CSA (Confédération Syndicale des Travailleurs des Amériques),
organisation régionale de la CSI, et celui de la JOCA (Juventud Obrera Católica de las Américas),
mouvement régional de jeunes autogérés, qui fait le suivi des JOC nationales du continent » (SM). En
Afrique elle supporte la CSI-Afrique qui est l’organisation continentale de la Confédération Syndicale
Internationale et en Asie la YCW-ASPAC qui est la coupole régionale des jeunes travailleurs des JOC
(SM). Et les titres de ses dernières publications vont dans le même sens : OIT : vers plus de travail
décent dans les chaines mondiales d’approvisionnement, Philippines : une pétition pour sauver
l’hôpital Fabella, Mauritanie : signature du protocole de l’OIT contre le travail forcé, etc.
74
3.2. La situation chez Iles de Paix
Il y a de fortes raisons à ce que certains puissent douter de la prise en compte des Iles de Paix comme
ONG du pilier catholique. Bien que nous ayons déjà abordé la question les raisons de tant de doutes
demeurent fondées. La raison est simple, l’ONG ne s’est jamais définie comme chrétienne même si
elle fut dominée par la figure du père Dominique Pire. Au niveau doctrinal, comme la plupart des
ONG fondées à cette époque, elle a été influencée par la doctrine sociale de l’Église catholique. Elle
s’est bien développée autour d’une paroisse avec comme figure centrale le curé Dominique Pire. Mais
très tôt avec la mort de ce dernier l’ONG a perdu le seul lien qu’elle détenait avec l’Église. Donc plus
de liens véritables avec l’Église belge et encore moins avec Rome ou d’autres institutions catholiques.
C’est surtout sur le plan social que l’ONG et le catholicisme se rapprochent. Ses réalisations sur le
terrain porte les germes de la doctrine sociale de l’Église ou même de la théologie de la libération, à
savoir, une référence préférentielle pour les plus pauvres. Au Bénin par exemple, l’ONG concentre ses
efforts dans le Nord du pays et intervient dans les communes de Toucounouta, Cobli, Matéri et de
Boukoumb. Jusqu’à présent trente milles Béninois sont directement touchés par ses interventions dont
400 familles sont formées à la filière maïs : production, transformation et commercialisation. Sur le
plan scolaire, sept écoles primaires sont construites pour un total de 24 classes et quatre logements
pour les enseignants. Sur le plan économique, 5 gués sont construits pour rompre l’isolement des
villes en saison pluvieuse, plus de 200 femmes ont bénéficié du microcrédit et un nouveau marché
avec des boutiques et hangars vient d’être terminé. (Iles de Paix, 20116)
3.3. La situation chez Entraide et Fraternité
Entraide et Fraternité présente une situation différente de Solidarité Mondiale et des Iles de Paix : elle
continue à se définir comme ONG catholique. Son appartenance et son attachement au monde
catholique ne sont plus à démontrer, ce qui ne veut pas dire que l’ONG soit protégée de toute forme
de sécularisation, loin de-là. A travers les quatre figures catholiques que nous avons choisies,
analysons le lien de l’ONG aujourd’hui avec l’Église.
Du point de vue dogmatique, tout en se définissant comme ONG catholique, EF se positionne dans
l’Église mais à gauche : « c’est une ONG bien sûr qui reste une ONG catholique, mais qui est un peu
à gauche du monde catholique […] donc on est progressiste, on est une ONG qui est un mouvement
chrétien, qui est progressiste pour l’équité sociale, pour la justice sociale et qui axe davantage son
travail sur le social » (Propos recueillis de A. Simonazzi). Cette position gauchiste de l’ONG n’est pas
sans risque : « on s’est éloigné à un certain moment de la hiérarchie qui nous a considérés un peu trop
comme des gauchistes, donc elle n’était pas contente. Maintenant avec le nouveau pape si vous voulez
on a repris les contacts, les relations, cela va beaucoup mieux et cela ne peut pas cacher qu’à un
75
certain moment et même dans les pays du Sud, on a eu pas mal de problèmes parce qu’en soutenant
certains évêques on se mettait à dos d’autres évêques » (Propos recueillis de A. Simonazzi).
En prenant cette position de gauche dans l’Église, EF s’est surtout inspiré du mouvement de la
théologie de la libération : « je pense que ce qui a historiquement le plus probablement marqué
l’ONG, en tout cas dans ces premiers acteurs, c’est les courants de théologie de libération […] C’est
clair qu’historiquement, des personnes de l’ONG qui ont travaillé en Amérique Latine, ont été
extrêmement marquées par des personnes comme Gustavo Gutiérrez, Leonardo Boff, Yvan
Kebararaque qui ont travaillé chez nous à un moment » (Propos recueillis de M. Molitor). Une
position qui a poussé EF à faire front uni contre Rome : « à un certain moment d’ailleurs on est rentré
en guerre contre des condamnations romaines de théologiens de la libération notamment en Equateur
avec d’autres Européens, des Autrichiens, des Hollandais, on a pris la défense assez vigoureusement
de ceux qui étaient condamnés par Rome » (Propos recueillis de M. Molitor).
Bien que à gauche, d’autres documents dogmatiques ont également eu une certaine influence sur
EF : « Rerum novarum qui a été très important, Populorum progressio bien sûr, il y a l’encyclique de
Benoit XVI sur la charité que l’on a utilisé» (A. Simonazzi). Pour M. Molitor ces encycliques là ne
suffisaient pas : « ces documents je dirais que c’est le minimum acceptable comme base, ordre
syndical, il n y a rien qui existe » (M. Molitor).
Si le courant de la théologie de la libération est, pourrions nous dire, la plus importante source
d’inspiration d’EF, aujourd’hui, la lettre encyclique Laudato Si du pape François y occupe une place
de plus en plus forte : « on a la chance d’avoir un pape François qui est très social, par exemple la
dernière encyclique [Laudato Si] nous l’avons utilisée de façon très très forte et nous continuons à
l’utiliser parce que cela colle parfaitement à notre travail qui est surtout en tant que travail qui fait le
lien avec l’agroécologie, l’environnement et ca pour nous c’est très très important» (A. Simonazzi).
Ainsi EF fait le relais et partage la réflexion sur cette encyclique avec d’autres acteurs « la dernière
encyclique Laudato Si, on s’est associé avec un certain nombre d’associations pour la célébrer et en
faire un certain nombre de diffusions importantes lors d’une journée d’études à Louvain la Neuve
parce que là c’est quelque chose d’extrêmement important et qui est extrêmement nourri aussi par la
sensibilité théologique d’Amérique Latine » (M. Molitor).
En ce qui concerne le rapport de l’ONG avec le monde catholique belge, nous pouvons l‘analyser
autour de trois relations institutionnelles: la relation avec l’épiscopat belge, avec le public chrétien,
avec d’autres organisations catholiques belges. Avec la conférence épiscopale le lien n’est pas
toujours positif et motivé. Si elle avait pris la décision de créer Entraide et Fraternité, les évêques,
depuis Mgr Cauwe, n’ont jamais vraiment dirigé l’ONG et cette dernière n’a jamais eu une relation de
subordination envers l’épiscopat. Tout de même l’ONG a un évêque référendaire, c’est son autorité de
76
contact avec l’épiscopat. En plus elle a un bureau dans chaque diocèse francophone du pays qui est
considéré comme un service diocésain. Et chacun de ces diocèses envoie un représentant de l’évêque
à l’assemblée générale de l’ONG. L’attachement le plus fort de la conférence épiscopale à EF reste le
carême de partage.
Le public chrétien pour sa part, mis à part le cofinancement, reste le support le plus important pour
EF. La création même d’EF fut une demande du public chrétien prise en compte par les évêques.
C’est avant tout le principal public cible d’Entraide et Fraternité : « c’est clairement dit que nous
devons faire vivre la solidarité internationale chez les chrétiens belges et développer leur esprit
critique envers les questions de développement international. C’est notre public, nous sommes une
ONG catholique, notre public est ce public là, ca a été toujours notre public, cela ne veut pas dire que
notre message ne va pas au delà de ce public» (A. Simonazzi). Et concernant le financement propre
de l’ONG, le public chrétien est son principal donateur : « la majorité de nos donateurs sont du monde
chrétien parce qu’ils nous disent qu’ils donnent parce qu’ils se reconnaissent dans notre racine
chrétienne […] les collectes paroissiales constituent un quart de nos ressources financières propres
[…] Le reste ce sont des donateurs mais on sait que la majorité de ces donateurs nous appuie
financièrement parce qu’ils se reconnaissent dans notre discours » (A. Simonazzi).
L’ONG entretient aussi des liens institutionnels avec d’autres acteurs catholiques belges. Ce n’est plus
nécessaire de rappeler son lien avec Caritas, Broederlijk Delen ou encore avec l’association Vivre
Ensemble qui est partie intégrante d’EF. Mais également à l’intérieur même d’Entraide et Fraternité
existe une structure qui vivifie la catholicité de l’ONG : la commission théologique. Cette commission
théologique a pour mission de donner des idées critiques sur la manière d’être chrétien de l’ONG
aujourd’hui. Elle aide dans la démarche de pédagogie et de formation en faisant l’articulation entre les
exigences du christianisme et sa mise en œuvre dans le programme de travail d’Entraide et Fraternité.
Entraide et Fraternité est encore aujourd’hui membre d’un grand réseau catholique au niveau mondial.
Elle est par exemple membre du conseil d’administration de la CIDSE qui est l’alliance internationale
d’agences de développement catholiques qui comprend 18 organisations européennes et nord
américaines et intervient dans plus de 120 pays (CIDSE, 2016). Elle entretient des liens avec
MISEREOR en Allemagne, la CAFOD en Angleterre et le CCFD-Terre Solidaire en France.
Et comme nous l’avons aussi déjà vu, avec Rome la relation n’a pas toujours été de bonne augure. Si
Entraide et Fraternité a toujours supporté les théologiens de la libération condamnés par Rome, elle a
aussi dénoncé la position du Vatican dans le dossier de Pinochet : « on a eu des problèmes avec le
Vatican aussi, j’ai retrouvé une lettre que l’on a envoyé au secrétaire d‘Etat du Vatican en dénonçant
leur décision de soutenir Pinochet» (A. Simonazzi). Aujourd’hui avec le pape François la relation
77
semble redevenir normale au point que le Vatican s’est informé sur la sécurité du personnel d’EF suite
aux attentats de Bruxelles.
Sur le plan social EF essaie de faire de l’option préférentielle pour les pauvres une réalité. Ainsi elle
intervient dans plus de 20 pays en Afrique, en Amérique latine et en Asie parmi les pauvres du monde
et concentre ses actions sur trois champs. Le premier est celui du droit à l’alimentation en soutenant
l’agriculture paysanne afin que la souveraineté alimentaire soit acquise. Le deuxième est celui des
droits des enfants et des jeunes afin de les considérer comme de vrais acteurs du changement et que
leurs droits soient respectés et qu’ils soient protégés. Et le troisième celui des droits civiques et
politiques en soutenant des associations de la société civile qui promeuvent la participation de groupes
marginalisés (Entraide et Fraternité, 2016).
Finalement pourquoi cette position de gauche dans l’Église pour une organisation créée par
l’épiscopat belge, donc au cœur du monde catholique? Plusieurs évènements peuvent nous aider à
comprendre ce revirement. Au début des années soixante, « les décisions sur les projets sont prises par
le directeur de l’époque, Mgr Cauwe, assisté de quelques secrétaires, et approuvées par le conseil
d’administration. On est encore très largement dans une dynamique de charité » (Molitor, 2015, p.6).
Vers le milieu de cette décennie jusque dans les années nonante, EF va connaitre une longue période
de bouleversements : c’est le temps du changement.
Tout d’abord le Concile Vatican II (1964-1967) a créé de grandes espérances dans l’Église. En
Amérique latine, les évêques latino-américains ont manifesté leur option préférentielle pour les
pauvres. Ensuite, en Europe, en Amérique latine et du Nord ont surgi des mouvements qui contestent
les formes traditionnelles d’autorité. Apparait ainsi une nouvelle culture politique critique qui
s’oppose aux anciennes manières de penser et d’agir. Celle-ci se fait entendre même au sein de
l’Église. Des permanents d’EF vont s’engager dans les causes du Sud et dans des mouvements comme
l’Église servante et pauvre en Belgique. De nouveaux courants d’idées du Sud dénoncent les visions
dominantes du développement. Parmi les plus fervents critiques citons : Gunder Frank, Eduardo
Galeano (Les veines ouvertes de l’Amérique latine), Samir Amin et surtout, des voix de l’épiscopat
telle que Dom Helder Camara du courant de la théologie de la libération (Molitor, 2015).
Puis, cette nouvelle manière de penser et d’agir va avoir des conséquences directes sur EF qui, à cette
époque, est associée avec Broederlijk Delen. L’opération « Carême de partage » de 1969 va être
violemment contestée par des étudiants de Leuven : « des étudiants avaient collé sur les
confessionnaux des églises des autocollants « Broederlijk Delen : 40 jours de partage, 365 jours de
vol». L’association est violemment critiquée comme assistantielle, conservatrice et cléricale»
(Molitor, 2015, p. 9). Attaquée dans son fief de l’université catholique de Leuven, EF/Broederlijk
Delen doit réagir. En réponse à cette situation, le directeur Basile Maes convoque une assemblée
78
générale et sous l’influence des mouvements de jeunesse flamands, les associations adoptent des
positions neuves. Ainsi, le directeur a rédigé « La tâche spécifique d’Entraide et
Fraternité/Broederlijk Delen », un document qui acte et programme la transformation des
associations. Un peu plus tard un autre document « Projets : chances de libération » inscrit
définitivement les associations dans une vision critique du développement en optant pour le soutien
aux mouvements porteurs d’une alternative au modèle dominant (Molitor, 2015).
Suite à ce revirement officiel, l’ONG va s’engager dans des luttes qui l’éloignent de la hiérarchie
catholique et même parfois de l’opinion publique en général. En 1973, le coup d’état militaire au Chili
a suscité un grand mouvement de solidarité. EF s’investit dans l’accueil des réfugiés et dans des
mouvements d’opposition à la dictature. Un an plus tard en 1974, EF soutient les actions humanitaires
des mouvements de libération en Angola et au Mozambique au point que le journal La libre Belgique
l’accuse de fournir des armes aux rebelles. En 1975, suite à l’emprisonnement de trois prêtres
soutenus par EF dans la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud, l’ONG participe activement à
l’action « Banques apartheid » lancée par le Conseil œcuménique des Églises et relayée en Belgique
par la Commission Justice et Paix. Un dernier exemple, en 1983, EF organise une mission
d’information afin d’éclairer l’opinion en Belgique sur les changements à l’œuvre au Nicaragua, pays
à l’époque diabolisé par les USA (Molitor, 2015).
3.4. La situation chez Caritas International
Ce serait illusoire de dire que Caritas International se revendique toujours du catholicisme, car comme
nous l’avons vu, porter le nom même de Caritas c’est être du catholicisme et être en lien direct avec
l’évêque du lieu. Dans ce sens il s’agira ici d’analyser comment Caritas International entretient cette
relation avec l’Église au niveau doctrinal, avec le monde catholique belge, avec Rome et aussi sur le
plan social aujourd’hui. Mais précisons tout d’abord que Caritas dans son ensemble a une structure
calquée sur le modèle de l’Église, à savoir : paroisse, diocèse, conférence épiscopale, conférence
régionale comme la CELAM et à la fin l’Église de Rome. La structure n’est pas différente pour
Caritas Internationalis : « Caritas Internationalis a également des régions et que chaque région qui
correspond plus ou moins aux continents mais pas exactement a aussi une Caritas régionale. Par
exemple nous avons Caritas Europa qui est une Caritas pratiquement importante qui regroupe non
seulement les 28 pays de l’UE, bientôt 27 peut être et d’autres pays du Conseil de l’EU. Donc il y a 46
ou 47 membres de Caritas Europa » (Propos de Patrick du Bucquois).
Au niveau dogmatique les règles sont plutôt strictes chez Caritas International et elles concernent tous
ceux qui y travaillent. Dans certains cas on parle même d’une ligne rouge :
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« Les questions de dogme elles sont appréhendées à plusieurs niveaux dans l’engagement
des travailleurs ici. Il est très clair pour eux ils doivent faire preuve d’une certaine
loyauté envers la position de l’Église catholique […] S’abstenir de prendre publiquement
des positions qui vont à l’encontre du langage de l’Église catholique. Par exemple
quelqu’un qui serait un militant très actif en faveur de l’euthanasie n’a pas sa place à
Caritas. Quelqu’un qui estimerait que l’avortement doit être encore beaucoup plus utilisé
comme méthode anticonceptionnel n’aurait pas sa place à Caritas, c’est des choses qui
sont des lignes rouges » (P. du Bucquois).
Pour travailler chez Caritas il n’est pas obligatoire d’être baptisé ou même d’être croyant, ce qui est
évidemment souhaité, toutefois c’est essentiel d’éviter de prendre des positions publiques qui vont à
l’encontre de la position officielle de l’Église. De ce fait le nouvel employé, avant même la signature
de son contrat est informé de toutes ces mesures. Ça reste quand même un peu délicat, et c’est la
raison pour laquelle « le pape François insiste beaucoup sur l’importance de la conscience bien
formée, bien éclairée […] mais la liberté de conscience ne doit pas aller jusqu’à déforcer une
organisation en prenant des positions qui sont assez en contradiction directes avec les positions de
cette organisation » (P. Du Bucquois).
La relation de Caritas Internationalis avec le monde catholique belge s’impose automatiquement, est
assurée par son statut « le statut de Caritas, tant au niveau belge qu’au niveau international les oblige à
avoir des liens très étroits avec les évêques » (P. Du Bucquois). Mais si le statut oblige ce lien il ne le
définit pas, il revient alors à chaque Caritas et conférence épiscopale de définir comment nouer leur
rapport : « Dans certains pays Caritas est une sorte de département de la Conférence épiscopale. Mais
nous en Belgique nous avons opté pour une solution plus professionnelle […] Nous avons souhaité
que la structure des Caritas soit des ASBL, des associations de droits civils qui donc ont une
autonomie juridique, mais d’autre part, le lien avec l’Église est garanti par les statuts » (P. Du
Bucquois).
Ainsi, si les professionnels de Caritas International peuvent travailler en toute autonomie, le regard
des évêques sur son fonctionnement, sur les décisions à prendre ne s’affaiblit pas. Ces derniers ont
d’ailleurs un droit de regard important sur la nomination des directeurs et présidents : « les présidents
des Caritas ne peuvent être nommés que moyennant l’assentiment de la conférence épiscopale. Ça
c’est un droit de regard important que les évêques ont sur la nomination du président. Parfois même
un droit de regard sur la nomination des directeurs » (P. Du Bucquois). C’est en ce sens d’ailleurs
qu’un évêque référendaire est nommé : « dans chaque Caritas il y a un évêque référendaire, c'est-à-
dire, un évêque qui est désigné par la conférence épiscopale pour être membre de l’assemblée
générale, parfois même du conseil administration de Caritas donc ce n’est pas seulement le droit de
80
regard sur la nomination du président, c’est un droit de regard aussi sur la gestion journalière » (P. Du
Bucquois).
Aujourd’hui la relation de Caritas International est de plus en plus étroite avec Rome. Rappelons que
Caritas Internationalis qui est la confédération des Caritas au niveau international a son siège à Rome
et effectue un contrôle sur tous les bureaux de Caritas à travers le monde. Pour mieux comprendre
cela il faut d’abord savoir que :
«Caritas Internationalis était une association confédération dont le siège était au Vatican
mais qui avait une assez large autonomie. Et lors de la fin du pontificat de Jn Paul II les
statuts de Caritas Internationalis ont été complètement transformés et Caritas a acquis le
statut canonique publique, ce qui fait de Caritas Internationalis vraiment partie
intégrante du Saint-Siège ce qui fait que Caritas Internationalis est sous l’autorité directe
du Vatican, d’une congrégation qui s’appelle Cor Unum » (P. Du Bucquois).
Etant sous l’autorité directe du Vatican, le pape François lui-même se tient informé de toutes les
décisions et de son fonctionnement. Suite aux scandales financiers qui ont secoué le Vatican ces
dernières années:
« Le pape François souhaite que les institutions d’Église soient beaucoup plus
responsables et transparentes, notamment au niveau financier […] Et donc Caritas
Internationalis vient d’adopter un système de normes de gestion (Management
Standards) qui doivent être appliqués dans tous les états membres, dans toutes les
organisations membres plutôt et c’est un suivi qui est quand même assez rigoureux. Moi
j’ai dû transmettre environs 45 documents : comptes annuels, les certificats par les
réviseurs d’entreprises, des décomptes, plans stratégiques, les statuts, les nominations,
les organigrammes, code éthique, toute une série de choses » (P. Du Bucquois).
Au niveau social, Caritas International rejoint les autres ONG dans la lutte contre la faim, la pauvreté,
l’injustice. Elle se bat aussi pour permettre à plus d’enfants du Sud d’avoir accès à une meilleure
éducation. Mais ces dernières années ici en Belgique, Caritas Internationalis se penche plus sur le sort
des réfugiés et fait de l’asile et de migrations son terrain de lutte privilégié :
« En Belgique, Caritas International apporte une réponse humaine et individuelle au
parcours migratoire de chacun, défend les droits des migrants et les accompagne dans la
recherche de solutions durables dans notre pays ou ailleurs. Fidèle à son credo, Caritas
International privilégie l'aide aux plus vulnérables dans ses programmes de soutien et
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accomplit sa mission sans distinction de nationalité, de sexe ou de convictions politiques,
philosophiques ou religieuses » (Caritas International, 2016).
En résumé sur une échelle de 1 à 5 nous pourrions présenter le tableau suivant :
Dogme Pilier catholique Rome Social
Iles de Paix 0 1 0 4
Solidarité M. 1 2,5 1 4
Entraide et F. 2 4 2 4
Caritas 4 4 4 4
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CONCLUSION
La conception de l’Église catholique du développement fait de l’être humain l’élément central de tout
projet de développement, une conception selon laquelle le progrès doit servir au bien-être de l’individu
dans tous ses aspects. Cette vision est officiellement lancée avec Populorum progressio de Paul VI qui
met en exergue le « développement de tout l’homme et de tout homme ». A la suite de cet appel
d’autres documents romains et de diverses conférences épiscopales sont venus conforter cette vision.
Mais entretemps la configuration du développement s’est professionnalisée et les institutions
internationales telles que: la banque mondiale, le FMI ou les Nations Unies, en ont fait leur spécialité.
A leur suite, des gouvernements nationaux se sont engagés, des ministères et des commissions de
coopération au développement se sont constitués. En Belgique, les ONG chrétiennes sont les pionniers
et pendant longtemps le pilier catholique a dominé le climat politique et social. Sous l’influence de son
aile conservatrice, le pilier libéral se réveille et occupe désormais davantage d’espace dans le champ
politique et social au détriment des catholiques. On assiste dès lors à une forme de sécularisation qui
touche tous les aspects de la vie nationale.
L’Église en tant qu’acteur de la société n’est pas épargnée par ce processus de sécularisation, de même
que ses différents alliés tels que nos quatre ONG : Iles de Paix, Solidarité Mondiale, Caritas et
Entraide et Fraternité. Soulignons que celles-ci ne présentent pas le même profil. Nous remarquons
que l’ONG Iles de Paix se démarque dans la mesure où il est même probable de ne pas la considérer
comme ayant appartenu au pilier catholique. En effet, elle n’a développé aucun lien avec l’Église ni au
niveau dogmatique, ni au niveau institutionnel. Solidarité Mondiale, de son côté, bien que fille du
MOC, n’a pas non plus entretenu un lien dogmatique formel avec l’Église, néanmoins au niveau
institutionnel et social, le lien existe, bien qu’il s’amenuise de plus en plus au point de ne plus se
revendiquer du catholicisme.
Contrairement aux deux ONG susmentionnées, Caritas et Entraide et Fraternité ont développé un
profil différent, fortement encré dans le catholicisme. Elles continuent à revendiquer le statut d’ONG
catholique et leurs bureaux en portent la marque : crucifix, chapelet, chandelles sans oublier leurs
multiples références au catholicisme à travers leur publication. Des différences s’imposent tout de
même entre elles. Caritas International apparait davantage catholique au niveau des règles. En ce sens
son statut l’oblige à avoir des liens avec les évêques à tel point que sans ces liens Caritas n’existerait
pas. L’évêque référendaire n’est pas seulement un observateur, il prend part à toutes les décisions
importantes. Même les employés sont tenus d’éviter de prendre publiquement des positions en
désaccord avec la position de l’Église. Entraide et Fraternité de son coté n’est pas si dogmatique mais
dans la pratique elle fait plus référence au catholicisme. Elle a une commission théologique, un
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conseiller théologique et elle publie régulièrement des documents liturgiques. Entraide et Fraternité vit
sa catholicité davantage avec les fidèles, tandis que Caritas la vit plus avec la hiérarchie de l’Église.
Nos quatre ONG belges se sont retrouvées coincées dans un triple processus de sécularisation. Tout
d’abord une sécularisation qui s’est opérée au sein même de l’Église en tant qu’institution. Ainsi avec
Gaudium et Spes, plus généralement avec Vatican II, l’Église va officiellement s’intéresser aux
« choses du monde ». Elle reconnait désormais officiellement la liberté religieuse, le respect des droits
de l’homme et la liberté de penser comme manière de nous protéger contre des pouvoirs qui se disent
chrétiens sans l’être. Les paroles de la messe sont traduites en langues vernaculaires afin de permettre
aux fidèles de tout comprendre : c’est la disparition de cet écran invisible entre Dieu et les fidèles. De
plus, désormais, le prêtre n’est plus la figure centrale de la liturgie. L’Église revient à la charge de
l’environnement et reconnait officiellement que le respect et la protection de l’environnement sont des
valeurs chrétiennes et que « tout est lié » (Pape François, 2015).
Un deuxième processus de sécularisation s’est opéré dans la société belge elle-même. Des décisions
politiques, sociales et des avancées scientifiques ont conduit à une sécularisation latente et manifeste.
Il existe de moins en moins de présence religieuse dans les écoles, les universités, les hôpitaux. De
plus les églises se vident. Les signes religieux diminuent également dans l’espace public. Un troisième
processus de sécularisation s’est effectué à l’intérieur même des ONG, tenant compte ici surtout de
Caritas et d’Entraide et Fraternité qui revendiquent toujours leur appartenance à l’Église. Par exemple,
Caritas, grâce à son statut d’ASBL, conserve une autonomie juridique par rapport à l’Église.
Trois autres facteurs ont encore accéléré ce processus de sécularisation. D’abord nous pouvons citer le
passage d’un public cible purement chrétien à un public plus élargi, ensuite le choix par exemple pour
Entraide et Fraternité de passer au cofinancement et donc doit respecter certaines règles du ministère
de la coopération. Puis la diversification du public interne a également joué un rôle, des gens d’autres
confessions et des athées travaillent actuellement pour l’ONG. Remarquons que ces trois facteurs sont
tous liés. La diminution du public chrétien conduit à l’élargissement du public cible, ce qui implique
une diminution des collectes d’où la nécessité du cofinancement. Ce dernier oblige au respect de la
législation belge en matière de recrutement.
Bien que Caritas et Entraide et Fraternité soient toujours bien intégrées dans le réseau catholique,
l’influence de l’Église n’occupe plus autant d’espace qu’avant. D’ailleurs, l’Église elle-même en tant
qu’institution est touchée par ce processus de sécularisation qui est en œuvre partout dans la société
belge. De ce fait, les ONG analysées sont à la fois touchées d’une part par la sécularisation au sein de
l’Église et d’autre part par celle qui est en œuvre dans la société belge. Si le statut de Caritas lui
garantit son appartenance à l’Église et que cela tient même à son existence, ce n’est pas le cas pour EF.
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Le statut d’ONG catholique d’EF demeure un choix du conseil d’administration qui, à n’importe quel
moment de son histoire, peut être remis en question.
85
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ANNEXES
Annexe 1 :
Source : JUSTAERT Gijs, MANHAEGHE Thierry, 2013, Vers une société durable et inclusive: les
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[http://www.solmond.be/IMG/pdf/130128_vers_une_societe_durable_et_inclusive_-_final_fr.pdf,
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Annexe 2 :
Source : JUSTAERT Gijs, MANHAEGHE Thierry, 2013, Vers une société durable et inclusive: les
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