238
autres ouvrages de pierre bourdieu SOCIOLOGtll DE L'ALGÉRIE, P. U. F., 2" éd., 1961. THE ALGERIANS, Boston, Beacon Press, 1962. LE DÉRACINEMENT, Ed. de Minuit, 1964, nouvelle édition, 1977 (en collabora- tion avec A. Sayad). LES ÉTUDIANTS ET LEURS ÉTUDES, Ed. Mouton, 1964 (en collaboration avec J .-c. Passeron).' LES HÉRITIERS, Ed. de Minuit, 1964 (en collaboration avec J.-C. Passeron). TRAVAIL ET TRAVAILLEURS EN ALGÉRIE, Ed. Mouton, 1964 (en collaboration avec A. Darbel, J.-P. Rivet et C. Seibel). UN ART MOYEN, Ed. de Minuit, 1965 (en collaboration avec L. Boltanski, R. Castel et J."c. Chamboredon). RAPPORT PÉDAGOGIQUE ET COMMUNICATION, Ed. Mouton, 1965 (en colla- boration avec J.-c. Passeron et M. de Saint-Martin). L'AMOUR DE L'ART, Ed. de Minuit, 1966, nouvelle édition 1969 (en colla- boration avec A. Darbel). LE MÉTIER DE SOCIOLOGUE, Ed. Mouton/Bordas, 1968, nouvelle édition, 1973 (en collaboration avec J.-c. Passeron et J.-c. Chamboredon). ZUR SOZIOLOGIE DER SYMROLISCHEN FORMEN, Frankfurt-am-Main, Suhrkamp, 1970. LA REPRODUCTION, Ed. de Minuit, 1970, nouvelle édition 1971 (en colla" boration avec J.-C. Passeron). ESQUISSE D'UNE THÉORIE DE LA PRATIQUE, précédée de trois études d'ethno- logie kabyle, Ed. Droz, Genève, 1972. ALGÉRIE 60, Ed. de Minuit, 1977. LA DISTINCTION, Ed. de Minuit, 1979. pierre bourdieu le sens pratique LES ÉDITIONS DE MINUIT avec le concours de la maison des sciences de l'homme

Le sens pratique (Le Sens commun)

Embed Size (px)

Citation preview

  • autres ouvrages de pierre bourdieu

    SOCIOLOGtll DE L'ALGRIE, P. U. F., 2" d., 1961.THE ALGERIANS, Boston, Beacon Press, 1962.LE DRACINEMENT, Ed. de Minuit, 1964, nouvelle dition, 1977 (en collabora-

    tion avec A. Sayad).LES TUDIANTS ET LEURS TUDES, Ed. Mouton, 1964 (en collaboration avec

    J.-c. Passeron).'LES HRITIERS, Ed. de Minuit, 1964 (en collaboration avec J.-C. Passeron).TRAVAIL ET TRAVAILLEURS EN ALGRIE, Ed. Mouton, 1964 (en collaboration

    avec A. Darbel, J.-P. Rivet et C. Seibel).UN ART MOYEN, Ed. de Minuit, 1965 (en collaboration avec L. Boltanski,

    R. Castel et J."c. Chamboredon).RAPPORT PDAGOGIQUE ET COMMUNICATION, Ed. Mouton, 1965 (en colla-

    boration avec J.-c. Passeron et M. de Saint-Martin).L'AMOUR DE L'ART, Ed. de Minuit, 1966, nouvelle dition 1969 (en colla-

    boration avec A. Darbel).LE MTIER DE SOCIOLOGUE, Ed. Mouton/Bordas, 1968, nouvelle dition, 1973

    (en collaboration avec J.-c. Passeron et J.-c. Chamboredon).ZUR SOZIOLOGIE DER SYMROLISCHEN FORMEN, Frankfurt-am-Main, Suhrkamp,

    1970.LA REPRODUCTION, Ed. de Minuit, 1970, nouvelle dition 1971 (en colla"

    boration avec J.-C. Passeron).ESQUISSE D'UNE THORIE DE LA PRATIQUE, prcde de trois tudes d'ethno-

    logie kabyle, Ed. Droz, Genve, 1972.ALGRIE 60, Ed. de Minuit, 1977.LA DISTINCTION, Ed. de Minuit, 1979.

    pierre bourdieu

    le sens pratique

    LES DITIONS DE MINUIT

    avec le concours de la maison des sciences de l'homme

  • 1980 by LEs EDITIONS DE MINUI!7 rue Bernard-Palissy - 75006 PansTous droits rservs pour tous pays

    ISBN 2-7073-0298-8

    Quelles affinits particulires lui paraissaient exister entrela lune et la femme?

    Son antiquit qui a prcd la succession des gnrationstelluriennes et leur a survcu; sa prdominance nocturne;sa dpendance de satellite; sa rflexion luminaire; sa cons-tance durant toute ses phases, se levant et se couchant auxtemps fixs, grandissante et dclinante; l'invariabilit obli-ge de son aspect; sa rponse indtermine aux interroga-tions non affirmatives; sa puissance sur le flux et le reflux;son pouvoir de rendre amoureux, de mortifier, de revtirde beaut, de rendre fou, de pousser au mal et d'y aider;la calme impntrabilit de son visage; l'horreur sacre deson voisinage solitaire, dominateur, implacable et resplen-dissant; ses prsages de tempte et de bonasse; l'excitationde son rayonnement, de sa marche et de sa prsence; l'aver-tissement de ses cratres, ses mers ptres, son silence; sasplendeur quand elle est visible; son attirance quand elleest invisible.

    J. Joyce, Ulysse.

    Le progrs de la connaissance, dans le cas de la sciencesociale, suppose un 0 r . s fJncg,-,,4~.._J2l!llik_tip/~ ~e la c0!11JaiJsatiLe; c'est pourquoi il exige des retoUrso stmes aux tiiefiies~obiets (ici, ceux de l'Esquisse d'unethorie de la l~!~a~ti21.~_ et, secondairement, de ~!incti()E1.qui sont autanta'occasions d'objectiver plus compTrterJientle rapport objectif et subjectif l'objet. Et, s'il faut essayerd'en reconstruire rtrospectivement les tapes, c'est que cetravail qui s'exerce d'abord sur celui qu~ l'accomplit, et quecertains crivains ont tent d'inscrire ?.ans l'uvre mme entrain de se faire, work in progress, CJmme disait Joyce, tend faire disparatre ses propres traces. Or}:.lfMfntielde ce quej'essaie de communiquer ici, et qui n'a rien de'prsonnel, ris-querait de perdre de son sens et de son efficacitsi~ en'l~'"kTssn'Ts'e disSocir de la pratique d'o il est parti et laquelle il devrait revenir, .012 lui ..p~t:rn.etta.it. d.'gxistex.d.e.~.cette existence irrelle et neutralise qui est celle des th-ses .thoriques ou des discours pist~molog{quei. .

    . Il n'est pas facile d'voquer les effets sociaux qu'a produits,

    7

  • LE SENS PRATIQUE

    dans le champ intellectuel franais, l'appartion de l'uvrede Claude Lvi-Strauss et les mdiations concrtes traverslesqueliess'e impose toute une gnration. une nou~ellemanire de concevoir l'actvt intellectuelle qut s'opposatt defaon tout fat dialectque la fgure 4~ l'intell;~tuet total dcsoirement tourn vers la poltttque) qu tncar-nait lea~-Paul Sartre. Cette confrontation exemplaire n'asans doute pas peu contribu encourager, chez nomkre deceux qui se sont orients ce moment vers les mencessocales l'ambition de rconcler les intentions thoriqueset les i~tentons pratiques) la vocation sci.entifiq~e et la voca-tion thique, ou poltique, si souvent ddouh,lees, da~s unemanire plus humble et plus responsable d accomflt; ~eu~tche de chercheurs, sorte de mtier miltant, auSSt elotgnede la scence pure que de la prophtie exemplaire.

    Travailler dans l'Algrie en lutte pour son indpendance, une anal;se scentifque de la soct algrienne, c'taitessayer de comprendre et de faire comprendre. le~ fonde- .ments et les objectifs rels de cette lutte, obfecttfs dontl tait clair qu'ils taient socalement diffrencs, voireantagonistes, par-del l'unit stratgiquement ncessaire., ettenter ainsi non, videmment, d'en orienter le cours, mats derendre prvsibles, donc plus difficles, les 4tournementsprobables. C'est pourquoi je ne puis pas renter, dans leursnavets mmes des crits qui, bien qu'ils m'aient parualors raliser la' rconcliation poursuivie de l'intention pra-tque et de l'intention scentifique, doivent beaucoup aucontexte motionnel dans lequel ils ont t crits 1, etmoins encore les anticpatons ou, plus exactement, les misesen garde par lesquelles se concluaient les deux tud~s empiri-ques sur la socit algrienne, Travail et travaIlleurs e~Algrie et Le dracinement, mme si ces tudes ont servtdepuis (surtout la deuxime) justifier certains des dtou~nements probables qu'elles s'efforaient par avance de pre-venir. ,

    S'il n'est pas besoin de dire que, dans un tel contexte, oule problme du racsme se posait, chaque moment, comme

    1. Cf. P. Bourdieu, Rvolution dans la rvolut!on ,", Esprit, pO 1,janvier 1961, p. 2740 et De la guerre rvolutionnaire a la revolutlon ",in Algrie de demain, Paris, P. U. F., 1962, p. 513.

    8

    PRFACE

    une question de vie ou de mort) un livre comme Race ethistoire tat autre chose qu'une prise de poston intellec-tuell~ contre l'volutionnisme) il est plus difficle de com-muntquer le choc insparablement intellectuel et motion-nel que pouvait suscter le fat de voir analyser comme unlangage ayant en lui-mme sa raison et sa raison d'tre lesmythologies des Indiens d'Amrique. Cela surtout lorsqu'onvenat de lire, au hasard de la recherche telle ou telle desinnombrables recollections de faits rtuels, enregistrs sou-vent sans ordre ni mthode et vous apparatre commetotal~me.nt dpourvus de rime et de raison, dont regorgentles bzbltOthques et les bibliographies consacres l'Afriquedu Nord. La minutie et la patience respectueuses avec les-quelles Claude Lvi-Strauss, dans son sminaire du Collgede. ,France, dcomp?sat et recomposat les squences pre-mre apparence depourvues de sens de ces rcts ne pou-vaient manquer d'apparatre comme une ralsation exem-plaire d'une sorte d'humanisme scentifque. Si je risque cetteexpression malgr tout ce qu'elle peut avoir de drisoire,c'est qu'elle me parat dire assez exactement cette espce4,'e.nthousias~e ,n;tascentifque pour la scence avec lequelf az entreprts l etude du rtuel kabyle, objet que j'avaisd'abord exclu de mes recherches, au nom de l'de qui porteaujourd'hui certains, surtout dans les pays ancennementcoloniss, tenir l'ethnologie pour une manired'essenta-ls:ne fxiste, attentif aux aspects de la pratique les mieuxfatts pour renforcer les reprsentations racstes. Et de fat,la quasi-totalit des travaux partiellement ou totalementconsacrs au rtuel qui taient disponibles au moment o jeprparais ma Sociologie de l'Algrie me paraissaient coupa-bles, au moins dans leur intention objective et dans leurseffets socaux, d'une forme particulirement scandaleused'ethnocentrisme, celle qui consiste livrer, sans autrejustification qu'un vague volutionnisme frazrien bien fatpour justifier l'ordre colonial, des pratiques voues treaperues comme injustifiables. C'est pourquoi je m'orientaisalors dans de to~t autres directions, dsignes par quelquestravaux exemplatres : ceux de Jacques Berque, dont Lesstr?\tures SOCIales du Haut Atlas, modle, particulirementpreczeux sur ce terrain, de mthodologie matrialste et lestrs beaux articles, Qu'est-ce qu'une tribu nord-africdine ?

    9

  • LE SENS PRATIQUE

    et Cent vingt-cinq ans de sociologie maghrbine 2 , m'ontfourni des points de dparts innombrables et des points derfrence inestimables j ceux d'Andr Nouschi, dont les tu-des d'histoire agraire m'ont incit chercher dans l'histoire dela politique coloniale et en particulier dans les grandes loisfoncires le principe des transformations qu'ont connues l'co-nomie et la socit paysannes, et cela jusque dans les rgionsen apparence les moins directement touches par la coloni-sation 3 j ceux de Emile Dermenghem et Charles-Andr Julienenfin qui, dans des domaines diffrents, ont orient mesregards de dbutant.

    Je n'aurais jamais pu venir l'tude deu traditions rituellessi la mme intention de rhabilitation qui m'avait port exclure d'abord le rituel de l'univers des objets lgitimeset suspecter tous les travaux qui lui faisaient une place nem'avait pouss, partir de 1958, essayer de l'arracher lafausse sollicitude primitiviste et forcer, jusque dans sesderniers retranchements, le mpris raciste qui, par la hontede soi qu'il parvient imposer ses propres victimes, contri-bue leur interdire la connaissance et la reconnaissance deleur propre tradition. En effet, pour grand que puisse trel'effet de licitation et d'incitation que peut produire, plusinconsciemment que consciemment, le fait qu'un problmeou une mthode vienne tre constitu comme hautementlgitime dans le champ scientifique, il ne pouvait faire oubliercompltement l'incongruit, voire l'absurdit d'une enqutesur les pratiques rituelles mene dans les circonstances tra-giques de la guerre : j'en ai revcu rcemment l'vidence enretrouvant des photographies de jarres maonnes, dcoresde serpents, et destines recevoir le grain pour la semence,que j'avais prises vers les annes 60 au cours d'une enqutemene dans la rgion de Collo et qui doivent leur bonnequalit, bien qu'elles aient t prises sans flash, au fait quele toit de la maison laquelle taient incorpors ces meu-

    2. ]. Berque, Les structures socales du Haut Atlas, Paris, P. U. P., 1955 ; Qu'est-ce qu'une tribu nord-africaine? , Hommage Lucen Febvre,Paris, 1954; Cent vingt-cinq ans de sociologie maghrbine , Annales,1956.

    3. A. Nouschi, Enqute sur le niveau de vie des populations ruralesconstaminoises de la conqute jusqu'en 1919, Essai d'histoire conomiqueet socale, Paris, P. U. F., 1961; La naissance du nationalisme algrien,1914-1954, Paris, Ed. de Minuit, 1962.

    10

    bles immobiles (puisque maonns ) avait tlorsque ses habitants avaient t expulss par l'armeaise. Il n'tait donc pas besoin d'tre d'une lucidit epilstl~"mmologique particulire ou d'une vigilance thique ou po/:ztz11U(ispciale pour s'interroger sur les dterminantsd'une libido sciendi si videmment dplace . Cette inqui-tude invitable trouvait quelque apaisement dans l'intrtque les informateurs prenaient toujours cette recherchelorsqu'elle devenait aussi la leur, c'est--dire un effort pourse rapproprier un sens la fois propre et autre . Il resteque c'est sans aucun doute le sentiment de la gratuit de l'enqute purement ethnographique qui m'incita entre-prendre, dans le cadre de l'Institut de statistiques d'Alger,avec Alain Darbel, Jean-Paul Rivet, Claude Seibel et tout ungroupe d'tudiants algriens, les deux enqutes qui devaientservir de base aux deux ouvrages consacrs l'analyse de lastructure sociale de la socit colonise et de ses transforma-tions, Travail et travailleurs en Algrie et Le dracinement,ainsi qu' diffrents articles plus ethnographiques, dans les-quels j'essayais d'analyser les attitudes temporelles qui sontau principe des conduites conomiques prcapitalistes.b~L_glos~s.philosophiques qui ont entour un m01J1ent le

    /,rttr:t.urflliJ.111~",-piitoubli et fait oublier ce qui en faisait sansAPUN ,la nouveaut esse.1Jtkjle : introduire dqns'les scieiies,~~kL,~=W!lh.~str~stt!!3Ii:.Oii:iJi~Jlfiii~ment!.lej~fiffe(Je pensee re1atlpnm:ra,ui" rompqntal!ec lemp~e[{el1S~e

    .~e., iP.J1it ~~_Etifif~~f[iii{QZfi=?lti!~~Zy:ir,IeifelaltOns, , ., z 1unzssentaux autres en un systme, efdpntltfientsol1 sens et sa onctzon,equTestlTffl''trrautanfi]ui/rare, ce n'est pas le 7azT,!'Zwoir ce .:tue l'on appelle des idesper~o~nelles , mais de contribuer tant soit peu produireet a zmposer de ces modes de pense impersonnels qui per-mettent aux personnes les plus diverses de produire despenses jusque-l impensables. Si l'on sait la difficult et lalenteur avec lesquelles le mode de pense relationnel (oustructural) s'est impos dans le cas des mathmatiques et dela physique elles-mmes et les obstacles spcifiques quis'opposent, dans le cas des sciences sociales, sa mise enuvre, on mesure la conqute que reprsente le fait d'avoirte~~u aux syst!mes, syn:boliques naturels , lan~ue, mythe,relzgzon, art, 1applzcatzon de ce mode de pensee. Ce qui

    11

  • LE SENS PRATIQUE

    supposait entre autres choses que, comme le remarque Cas-.sirer, onpcz.rvienne wrWQr.1.tf!.J!,ratiquement ll2. distincti~!1 _tablie7tL~~tout le ratonfimiiie-lq~sJque;entrl~vrits de .. rais~'l ..Ll~LviJ:i!~S. de.. ll2ttJ.QtJ!~lraite.rJ~~~it}.i{l.

    _&J1Q!jquef..if11EEf_d&s~SsJJiJiei=(Ie~_r!lcI!igJJJ intei!jgikl~~J..gL.c.!la a.ns.~~..pxatique.sdcrztifiq1if, et pas seulement dans lediscours o cela se faisait depuis Hegel 4.

    En effet, ce qui, autant que l'apparence de l'absurditou de l'incohrence, protge les mythes ou les rites contrel'interprtation relationnelle, c'est le fait qu'ils offrent parfoisl'apparence du sens des lectures partielles et slectives quiattendent le sens de chaque lment d'une rvlation spcialeplutt que d'une mise en relation systmatique avec tous leslments de la mme classe. C'est ainsi que la mythologiecompare qui, plus attentive au vocabulaire du mythe ou durite qu' sa syntaxe, identifie le dchiffrement une traduc-tion mot mot, ne travaille en dfinitive qu' produire unesorte d'immense dictionnaire de tous les symboles de toutesles traditions possibles, constitus en essences susceptiblesd'tre dfinies en elles-mmes et pour elles-mmes, indpen-damment du systme, et donne ainsi une image concrtede ces bibliothques rves par Borges qui enfermeraient tout ce qu'il est possible d'exprimer dans toutes les lan-gues 5 . Prendre le raccourci qui conduit directement de

    4. Ma seule contribution au discours sur le structuralisme (dont lasurabondance et le style n'ont sans doute pas peu contribu me dcou-rager de dclarer plus fortement ma dette) est ne d'un effort pourexpliciter - et, par l, mieux maltriser - la logique de ce mode depense relationnel et transformationnel, les obstacles spcifiques auxquelsil se heurte dans le cas des sciences sociales et, surtout, pour prciser lesconditions auxquelles il peut tre tendu, au-del des systmes culturels,aux relations sociales elles-mmes, c'est-dire la sociologie (cf. P. Bour-dieu, Structuralism and theory of sociological knowledge , SocialResearch, XXXV, 4, hiver 1969, p, 681-706).

    5. La table des matires du Trait dihistoire des religions de MirceaEliade, publi en 1953, donne une ide assez uste de la thmatiquequi a orient la plupart des recollections de rites ralises en Algrie (parexemple, la lune, la femme et le serpent; les pierres sacres; la terre, lafemme et la fcondit; sacrifice et rgnration; les mOrts et les semences;divinits agraires et funraires, etc.) La mme inspiration thmatique seretroUVe dans les travaux de l'cole de Cambridge, avec par exemple FromReligion ta Philosophy, A Study in the Origins of Western Speculation, deF. M. Cornford (New York and Evanston, Harper Torchbooks, Harper andRow, 1957, 1'" d. 1914), Thespis, Ritual, Myth and Drama in the Ancient

    12

    PRl'lACE

    chaque si~nifiant au signifi correspondant, faire l'conomied~ long detour par le systme complet des signifiants l'int-neur duquel se dfinit la valeur relationnelle de chacun d'eux(qui ,n'a rien voir avec un sens intuitivement appr-hende.), c'est se vouer un discours approximatif qui, dansle mezlleur des cas, tombe sur les significations les plus appa-rentes (par exemple, la correspondance entre le labour etl'acte sexuel) en s'armant d'une sorte d'intuition anthropo-'logique de type jungien, soutenue par une culture compara-tive d'inspiration frazrienne qui prlve dans l'univers dessystmes mythiques et des religions universelles des thmesdcontextualiss 6.

    Ainsi isols, ces thmes n'opposent plus aucune rsistanceaux recontextualisations que leur font invitablement subirles interprtes inspirs lorsque, prchant le ressourcementspiri~~el par le retour aux sources communes des grandestradztzons, zls cherchent dans l'histoire des religions ou dansl'et,h~ol?gie des civilisations archaques le fondement d'unerelzg~o.szt ~av~nte et d'une science difiante, obtenues par unerespmtualzsatzon de la science dspiritualisante. C'est unautre mrite de Claude Lvi-Strauss que d'avoir donn lesmoyens. d'accomplir jusqu'au bout la rupture, instaure parD.urkhezm et M~uss, avec l'usage du mode de pense mytholo-gzque dans la sczence des mythologies, en prenant rsolumentpour objet ce mode de pense au lieu de le faire fonctionner,c~mme l'ont toujours fait les mythologues indignes, pourresoudre mythologiquement des problmes mythologiques.Comm on le voit bien lorsque les mythologies tudies somd:s enje~x sociaux, et en particulier dans le cas des religionsdztes unzverselles, cette rupture scientifique est insparabled'une rupture sociale avec les lectures quivoques des mytho-

    Near East, de Th. H. Gaster (New York, Anchor Books, Doubleday andCompany I~c., 1961) ou encore Themis, A Study of the Social Origins ofGreek Rellf.,lon, de J. Harrison (Londres, Merlin Press, 1963, Fe d. 1912).

    ?' ~ean-Plerre Vernant indique de mme que la rupture avec les inter-p.retatlons de type frazrien (qui voient par exemple en Adonis une incarna-tion de l' ~ esprit de l~ yg.tatio.n ) et le refus d'un comparatismeglobal, procedant par aSSimilatIOn directe, sans tenir compte des spcificitsde chaque syst.me de culture sont la condition d'une lecture adquatedes ~ycles de. le~endes grecques et d'un dchiffrement juste des lmentsmYFhlques, defiOis par leur position relative au sein d'un systme parti.culi~r (cf. r P. Vernant, Introduction M. Dtienne, Les iardins d'Adonis,Patis, Gallimard, 1972, p. III-V).

    13

  • LE SENS rRATIQUE

    logues philomythes qui, par} une sorte de double jeuconscient ou inconscient, transforment la science comparedes mythes en une qute des invariants des grandes Traditions, tchant ainsi de cumuler les profits de la lucidit scientifique et les profits de la fidlit religieuse. Sans parler deceux qui jouent de l'ambigut invitable d'un discours savantempruntant l'exprience religieuse les mots employs dcrire cette exprience pour produire les apparences de laparticipation sympathique et de la proximit enthousiaste ettrouver dans l'exaltation des mystres primitifs le prtexte un culte rgressif et irrationaliste de l'originel.

    C'est dire qu'il est peine besoin d'i~voquer la situationcoloniale et les dispositions qu'elle, favorise pour expliquerce qu'tait l'ethnologie des pays maghrbins autour des annes GO et tout spcialement dans le domaine des traditionsrituelles. Ceux qui aiment aujourd'hui se constituer enjuges et se faire plaisir, comme on dit, en distribuant leblme et l'loge entre les sociologues et les ethnologues dupass colonial feraient un travail plus utile s'ils s'efforaientde comprendre ce qui fait que les plus lucides et les mieuxintentionns de ceux qu'ils condamnent ne pouvaient pascomprendre certaines des choses qui sont devenues videntespour les moins lucides et parfois pour les plus mal intention-ns : d,e1Jb1'i11JJ1.(!!sqbJ~~~~' tilLe,~Pf2quLi{ .. J'Cl .. Y2f1t!g.}lur:.l'on nef!?:utpas pnser laute de ?Epg~itiOttL~~iqttes Pttporrrti..ii~J!!.clirliffit 'te rendre co te et en c(Lnsi1~;Cltigfi~fiih~gJ!lJi..f.LtlfJ:~.L!)J~.tl..P~J/;U2lli..Bet1~f;t.IIJ.Ul~.~~i'1!tr1:1.1r!.etttf.....g;:pens.Ufl,t.$.ue E~oblmatiques, concePis,. mtboq#.J,cIecf;:t5!i!:f..U ce quz explzque que les bons sentzments fassent sz.souvent de la mauvaise sociologie 7) .

    Il reste qu'on se trouvait en prsence d'une masse dtrecolleetions dont on peut dire simplement qu'elles sontd'autant plus imparfaites dans leur qualit technique et affee-

    15

    PRFACE

    tes de lacunes d'autant plus g~aves que leurs auteurs sontplus compltement dpourvus de formation spcifique, doncdmunis la fois de mthodes d'enregistrement et d'hypoth-ses capables d'orienter l'observation et l'interrogation (bienqu'il arrive souvent que les amateurs - ou du moins lesprofessionnels d'une autre discipline, comme les linguistes -fournissent des matriaux rigoureusement enregistrs qui nesont pas amputs de tout ce que les attentes constitutivesd'une problmatique savante portent tenir pour insi-gnifiant). C'est ainsi que, sur fond des recolleetions impar-faites et incompltes de calendriers agraires, de rituels demariage ou de contes, pour la plupart collects et interprtsdans une logique vaguement frazrienne, se dtachaient quelques sources de grande qualit. Je citerai le Fichier de docu-mentation berbre (en particulier les excellents travaux desR. P. Dallet - Le verbe kabyle - et Genevois - sur lamaison, le tissage et maint autre objet --, de Yasmina At-S.et Sr Louis de Vincennes - sur le mariage et le tournant del'anne) sans lequel la plupart des travaux publis depuisla guerre n'auraient pas t ou pas t ce qu'ils sont, lestextes berbres publis par les linguistes (et en particulierles travaux de E. Laoust et de A. Picard) et quelques mono-graphies comme celles de Germaine Chantraux, tude capi-tale, publie ds 1941 dans la Revue africaine, sur le tissage At Hichem, qui m'a dtermin m'intresser la fois At Hichem et au rituel, celles de Slimane Rahmani sur lespopulations du Cap Aokas et en particulier ses tudes sur letir la cible, sur le mois de mai, sur les rites relatifs lavache et au lait, celles du R. P. Devulder (dont l'hospitalit

    . chaleureuse m'a offert un des lieux d'asile qui m'taientncessaires pour mener mes enqutes) sur les peintures mura-les et les pratiques magiques chez les Ouadhias. 't

    A ct de ces contributions ethnographiques sont apparues,aprs que j'eus entrepris de travailler sur le rituel, trois tentatives d'interprtation ethnologique qui mritent une men-tion spciale. L'article de Paulette Galand-Pernet, paru en1958, sur les jours de la vieille s'efforce de dgager lasignification d'une tradition particulire, trs anciennementatteste et sur une aire culturelle trs vaste, par un reCense-ment et une analyse dumzilienne des variantes visant tablir les traits invariants (priode de transition, laideur et

    14

    7. Cf. P. Bourdieu, Les conditions sociales de la production sociologi-que : sociologie coloniale et dcolonisation de la sociologie , in Le Mal devoir, Cahiers Jussieu, na 2, Paris, 10/18, 1976, p. 416-427. Les conditionsd'une vritable science de l'ethnologie et de la sociologie coloniale serontremplies lorsqu'il sera possible de mettre en relation l'analyse du contenudes Uvres et les caractristiques sociales des producteurs (telles que lestablissent par exemple les travaux de Victor Karady) et en particulier leurposition dans le champ de production (et spcialement dans le sous-champcolonial).

  • LE SENS PRATIQUE

    cruaut tourbillon, rocher, forces mauvaises, etc.) : il estremarq~able que cette forme de comparatisme mthodique,qui resitue le trait culturel. consi1r ~ans l'~niv.ers de~..variantes gographiques, parvtenne a des znterpretatzons tresproches de celles auxquelles on arrive en le replaant dans lesystme culturel o il fonctionne 8, Parmi les trs nombreusespublications dont ont fait l'objet le cycle de l'ann~e. ~grairedans les populations berbrophones et, plus preczsement,l'opposition entre les labours et les moissons, les deux ouvra-ges de Jean Servier, Les portes de l'anne, paru en 1962, etL'homme et l'invisible, en 1964 9, se distinguent en ce qu'ilss'efforcent de montrer, en s'appuyant sur' un trs riche mat-riel ethnographique, que tous les gestes de la vie quotidiennese conforment au symbole de chaque saison, instaurant unecorrespondance entre le symbolisme des rites agraires et lesymbolisme des rites de passage. Mais l'interprtation pro-pose doit Sans doute ses limites au fait qu'elle chercke dansle symbolisme universel du cycle de la mort et de la resurrec-tion, plut6t que dans la logique mme de~ pratiques et desobjets rituels apprhends dans leurs re1atlons mutuelles, leprincipe des correspondances aperues entre l~s diffrentsdomaines de la pratique. Bien que les contes quz sont le plussouvent des variations relativement libres sur des thmes fon-damentaux de la tradition introduisent moins directement auxschmes profonds de l'habitus que les pratjq~es rituelles.elles-mmes ou, dans l'ordre du discours, les enzgmes, les dzctonsou les proverbes, le livre de Camille Lacoste sur Le contekabyle, paru en 1970 lO, rassemble des informati?ns etkn~g~aphiques intressantes, en particulier s~~ le monde femz.nzn,et il a.le mrite de rompre avec les faczlztes du comparatzsmeen ce qu'il cherche la cl d'un discours historique dans c.e dis-cours mme. Mais il ne suffit pas de prendre acte du fazt quele langage mythico-rituel ne peut jamais tre apprhend ~ndehors d'une langue dtermine pour aller au-del d~un .1zc-tionnaire des traits fondamentaux' d'une culture partzculzere,

    8. P. GalandPernet, La vieille et les jours d'emprunt au Maroc ,Hespetis, 1958, lor et 20 trimestre, p. 2994. .

    9. J. Servier, Les portes de l'anne, Rites et symboles, Paris, Laffont,1962' L'homme et l'invisible, Paris, Laffont, 1964.

    la.' c. Lacoste, Le conte kabyle, Etude ethnologique, Paris, Maspe~o,1970; et aussi Bibliographie ethnographique de la Grande Kabylie, Pans,Mouton, 1962.

    16

    PRFACE

    contribution qui est par soi extrmement prcieuse (commesuffit l'attester l'index du Conte kabyle).

    On ne voit que trop bien en quoi les signes mythiques,plus motivs dans leur apparence sensible et leurs rso-nances psychologiques, donnent prise toutes les formesd'intuitionnisme qui tentent de dgager directement la signi-fication (par opposition la valeur) des traits culturels prisisolment ou fondus dans l'unit sentie d'une vision globale;et cela d'autant que la comprhension que l'on dit intuitiveest le produit invitable de l'apprentissage par familarisationqui est imp?iqu dans tout travail approfondi d'enqute etd'analyse. Mais on voit moins qu'on n'a pas choisir entrel'vocation de l'ensemble des traits intuitivement matrisableset la compilation indfinie d'lments pars ou l'analYSe!!(apparemment) impeccable de tel canton bien dlimit etimprenable dont on ne pourrait rendre raison vraiment qu'enle rinsrant dans le rseau complet des relations constitutivesdu systme.AEl!rhender leuL~!!1ff}ltult:Lf}ZPJ:Ltg!!Lm~~detthJnes susceptible~l1'tre il1terprtqs. l'tat isol ()t{ qrI~ber;rrrn.Ii1EmtKU#iiz,~(s!~~'~~.t:2t;tlliir~.t~LilQnlt! fgr;~ule e ,Sa~ssur'l' ~trej.?jffqtl]JligL:sQti.t:i!~~~.qiJffU;tes c.,9JZ~l..!lJ1Z~L~....~;Ji.1f,~.f.~Cl.C:Ji!!AIi .... ~~jrCl.z.tS' .. sz.~n~~~l~u.Jement ceque les autres1Je signilietltpas et qu,e, eit tt;t:11Jgmg

    fff:~~m~~~~~:{~?tl~H~;i:1~f~~~ff!:id!ti;:EJJ:~i~.~?'sr-;!~t1 ..Ltl1Jl.q.~f .~~~~~.

  • LE SENS PRATIQUE

    avec la fertilit masculine, atteste par certains rites 12, nepeut tre comprise rellement que par la reconstruction del'ensemble des diffrences qui, de proche en proche, le dter-minent: ainsi, par opposition la fourche qui, comme dit uninformateur, est le lieu O les chemins se divisent, se spa-rent (anidha itsamfaraqen ibardhan), c'est--dire un lieuvide ( la faon de thigejdith, la fourche centrale de la maisonque doit venir remplir asalas, la poutre principale), il setrouve constitu comme lieu o les chemins se rencon-trent (anidha itsamyagaran ibardhan), c'est--dire commeplein,. par opposition la maison, c'est--dire au plein fmi-nin (1amara) et aux champs ou la for.t, comme vide mas-culin (1akhla), il se trouve dfini eomme le plein masculin,etc. Pour rendre raison compltement du moindre rite, pourl'arracher compltement l'absurdit d'une squence immo-tive d'actes et de symboles immotivs, il faudrait ainsiresituer chacun des actes et des symboles qu'il met en jeudans le systme des diffrences qui le dterminent le plus

    12. Lorsqu'une jeune fille est atteinte de la djennaba - une maldictionqui empche son mariage et la laisse solitaire prs du foyer -, c'est leforgeron qui lui donne de l'eau prise dans Lbilu, la cuve tremper, pourqu'elle fasse seS ablutions nue, avant le lever du soleil, la fontaine d'unmarch, un carrefour ou sur la place du village. Cette eau a en effet laproprit de rendre fconds les instruments de fer rougis au feu. JeanServier qui rapporte ce rituel (J. Servier, 1962, p. 246), le livre sans autrecommentaire, comme un exemple du rle du forgeron dans certains rites defcondit (rle qu'il explique en invoquant les ressources de la mythologiecompare - avec le thme du vol du feU,' rapproch du vol de la semencesur l'aire battre tel qu'il se pratique chez les Bambara, o il symboliseraitla mort suivie de la rsJlrrection - et aussi le rle du forgeron dans lafabrication du soc et l'inauguration des labours). Un rite trs semblable estrapport par le R. P. Devulder : pour librer une jeune fille de elbur(la friche, la virginit force), la qibla (

  • LE SENS PRATIQUE

    turaux du groupe, comme l'opposition entre les ligues (s'ufI), qui dtermine l'organisation .intrieure de ~'espacede la maison et l'opposition fondamentale du system,e .d~valeurs (nif, point d'honneur e~ h'urma, .~o~neur( Az~s:, al'opposition entre la saiso~ hum.,zde, assocz~; aJa fecondzte et la germination, et la sazson s~che, a~s?czee a la mort de lanature cultive, correspondent l opposztzon. e~tre le labo.ur etle tissage associs l'acte sexuel, d'un coteJ et la momon,associe dla mort, de l'autre et l'opposition entre la charruequi donne la vie et la faucille qui !a dtruit. Toutes c~s opp~sitions s'intgrent dans un systeme plus v~ste, ou la mes'oppose la mort, l'eau au feu, les;.pouvozrs de la natur~qu'il s'agit de se concilier aux t,echmques de la culture quzdoivent tre manies avec prcaution 14 . ., .

    Pour aller au-del de cette construction promsOtre quz des-sinait la premire esquisse d'un rseau de relations d'opposi-tion demandant tre complt et compliqu, (ai entrepris,en 1962, de reporter sur des cartes , perforatzon margzn~le(au nombre de 1 500 environ) l ensemble des donneespublies que j'avais pu contrler par l.'e~qute. et les. donnesnouvelles que j'avais moi-mme recue~llzes, SOtt en t~cha~t demener l'observation et l'interrogatzon plus systematzque-ment dans des domaines dj beaucoup tudis,. comme !ecalendrier agraire, le mariage, le ~issa~e, soit ~n fa!sa~t surgz~,en fonction d'une autre problematzque (c est:a-~zre, est-z!besoin de le prciser, d'une autre culture theorzque). desdomaines entiers de la pratique que les auteurs anterzeursavaient peu prs systmatiquement ignor~ (bien que l'onpuisse toujours trouver, ici ou l, des .n?~atzons), ,com~e lastructure et l'orientation du temps (dzvzszons de ! a~neeJ .dela journe, de la vie humaine), la str,ucture ~t ~ ~rzentatzonde l'espace - et en particulier de l espace zntmeur de lamaison -, les jeux d'enfants et les mouve.ments du corps,les rituels de la prime enfance et les parttes du corp~, lesvaleurs (nif et h'urma) et la division sexuelle du travaz!, les

    14 P Bourdieu The Attitude of the algerian Peasant toward Time ,in Mederranean 'Countrymen, J. Pitt-Rivers. e.d., Paris-La Haye, Mou~on,1963, p. 56-57; cf. aussi, pour une eXp?SltlOn ~nalogue, p'. ~ourdIeu, The sentiment of honour in Kabyle SOCiety,. ln J.-G. Penstlany ed.,Honour and Shame, Chicago, The University of ChIcago Press, 1966, notam-ment p. 221-222.

    20

    PRFACE

    couleurs et les interprtation traditionnelles des rves, etc. Aquoi il faut ajouter les informations que m'a permis de dcou-vrir, dans la dernire phase de mon travail, une interrogationdes informateurs et des textes systmatiquement oriente nonvers des symboles mais vers des pratiques symboliquestelles que entrer et sortir, remplir et vider, fermer et ouvrir,l!er et dlier, etc. 12-'11Jes }aitsn(}J:peaXi'iiJaif{1Jl imp'orta.nts '.fi,mes 1!.eu~ mS2iJ1J..J)lfz:Jurnot1veq!f:.t)~. (on ne finira jamais,auSsi longtemps que fonc/tonnera quelque part un habitusgnrateur, de dcouvrir des donnes nouvelles), quepar ,leur rlg st~a!1.gi!l!!.~~.~~~!.1Jte~.Lnt~r1'!!d/qire>~>,Q1J:11!l'tfs nomme Wttt enstein, permettant d'tablir des cgrrla,-,.tJ~nse par exemp e-au7iZiir;TTe~soc et ffo:it7ire'7jrvleJ outre l'tymologie populaire des deux mots, lefait que le soc peut tre employ titre d'euphmisme pourdire la foudre ou la croyance que la foudre laisse dans le solune trace identique celle du soc, ou la lgende selon laquellel'anctre de la famille charge de faire la sortie vers le pre-mier des labours aurait vu la foudre tomber dans une de sesparcelles et, ayant creus la terre cet endroit, aurait trouvUn morceau de mtal qu'il aurait greff sur le soc de sacharrue j ou au lien marqu par le verbe qabel entre lesvaleurs d'honneur et les orientations spatiales et tempo-relles j ou encore celui qui, travers le mtier tisser et lesproprits associes sa position diffrentielle dans l'espacede la maison, unit l'orientation de l'espace, la division dutravail entre les sexes et les valeurs d'honneur j ou, enfin, tous les liens qui, par l'intermdiaire de l'opposition entrel'oncle paternel et l'oncle maternel, s'tablissent entre le sys-tme officiel des relations de parent et le systme mythico-rituel.

    La constitution d'un fichier permettant de procder faci-lement tous les tris croiss possibles devait permettre dedessiner, pour chacun des actes ou des symboles fondamen-taux, le rseau des relations d'opposition et d'quivalencequi le dterminent, cela au prix d'un codage simple permet-tant de reprer manuellement les co-occurrences et lesexclusions mutuelles. Paralllement, j'avais pu trouver unesolution aux antinomies pratiques dcoulant de la volont deraliser la mise en relation systmatique de la totalit desdtails observs, en me limitant lJanalyse de l'espace int-

    21

  • LE SENS PRATIQUE

    rieur de la maison qui, en tant que cosmos en mtnzature,constituait Un objet la fois complet et circonscrit. En fait,l'article, crit en 1963 et publi dans le recueil de textesrunis par Jean Poullon et Pierre Maranda, en hommage Claude Lvi-Strauss, est sans doute mon dernier travail destructuraliste heureux 15. En effet, il commenait m'ap-paratre que pour rendre raison de la ncessit quasi mira-culeuse, et par l un peu incroyable, que l'analyse rvlait,et cela en l'absence de toute intention organisatrice, il fallaitchercher du ct des dispositions incorpores, voire duschma corporel, le principe ordonnateur (principium impor-tans ordinem ad actum, comme disait la scolastique) capabled'orienter les pratiques de manire la fois inconsciente etsystmatique : j'avais etLmeC~t.f!i!:P1!~Pl!~Je fait que .lesr1gles de transformation permettant de passet~ de l'espacei~~riet-(Ti;Ti;iiis2J:Lpetfve!ltJre.rame:

    t!.!!lw~A(I7'tl;Quve7'tl;entll~~fQrllt, tels que le demi-tour, donton sait par ailleurs le rle qu'ils jouent dans les rites o ils'agit sans cesse de retourner, de mettre sens dessus dessous,ou devant derrire, des objets, des animaux, des vtements,ou de tourner dans un sens ou dans l'autre, vers la droite ouvers la gauche, etc.

    Mais ce sont surtout les ambiguts et les contradictionsque l'effort mme pour pousser l'application de la mthodestructurale jusque dans ses dernires consquences ne cessaitde faire apparatre qui m'ont amen m'interroger moinssur la mthode ellemme que sur les thses anthropologiquesqui se trouvaient tacitement poses dans le fait mme de sonapplication consquente des pratiques. Pour fixer les dif-frentes oppositions ou quivalences que l'analyse me per-mettait de dgager, j'avais construit, pour les diffrentsdomaines de la pratique, rites agraires, cuisine, activits fmi-nines, priodes dit cycle de vie, moments de la journe, etc.,des diagrammes qui, tirant pratiquement parti de cette pro-prit qu'a le schma synoptique, selon Wittgenstein, denous permettre de comprendre, c'est--dire prcisment de

    15. P. Bourdieu, La maison kabyle ou le monde renvers , in Echan-ges et communications. Mlanges offerts C. Lvi-Strauss l'occasion deson 6()e anniversaire, Paris-La Haye, Mouton, 1970, p. 739-758.

    22

    PRFACE

    "voir les corrlations" 16 , don~aient une forme visible auxrelations d'homologie ou d'opposition tout en restituantl'ordre linaire de la succession temporelle. Le groupement.du matriau actuel u'opre le schma constztue bten parSOt seu un acte de construct!o1'!J!!1jS~~11.rt_f!ctetJ'j!!Je!..E!Eil~en ce qu'tl porteaulY7~n~emble.Cfu: sY,stn:~(JerelatiortL.'et qu'il fait disE.aratre les laCF!its que Ion se donne }Q!S-"!J.u'on manip1f:.~~)I~~'!lg.tion~lJ'itCl.I.~fiEf,-ait "!asard de~rencontres e 1intuition, en contratgnant prattquement arapporter chacune des oppositions toutes les autres.

    C'est cette ro rit mme du schma synoptig3~uim'a..amen cquvrir1squLla.. qr7'tl;(4es.contradictions tlJi!!Lfl~~tes par l'fftileiynchronisation qurzl opre-;TslTmites del70g7jii~7iiiiiianente'auxpritiiques qu'il s'efforait de mani-,

    .lester. En elfet, ayantSsaytIe"cumuZer sur un mme schmactrcu1ire l'ensemble des informations disponibles proposdu calendrier agraire , je me heurtais d'innombrablescontradictions ds que je m'efforais de fixer simultanmentplus d'un certain nombre d'oppositions fondamentales, quellesqu'elles fussent. Etles dy!/Eult~J!!.a!()gu.nJJ:.f .cJ!.ssaien;LAesurgir lorsque j'essayais e superposer les .. schn:as corres-ponnt aux diffrents aomatfies d trpralifjue : siytablis-SciS71;r-fis.e:iii1lrL7Ir?jiitva1nes;-:.t.[k.. iYl!e-J.qt.~alenfe,incontestablement~~ att(sliL~4~1J~~'!f!it. in:po~sikle,et ainsi desuite. Si j'voque les heures que j'ai }asses, avec AbdelmalekSayad (avec qui j'avais entrepris, pour le mme rsultat, untravail analogue sur diffrentes variantes du rituel du mariage,et qui m'a beaucoup ad dans mon analyse du rituel), essayer de rsoudre ces contradictions au lieu d'en prendreacte d'emble et d'y apercevoir l'eftet d~lJJt!!.i1!f. i1JJzre1Jlf.l- la l$i

  • LE SENS PRATIQUE

    fat que l'intention mme de comprendre les logiques prati-ques suppose une vritable conversion de toutes les dispo--sitions acquises, et en particulier une sorte d'oblation de toutce qui s'associe d'ordinaire la rflexion, la logique et lathorie, activits nobles , tout entires dresses contre lesmodes de penses communs , la difficult tait d'autantplus grande que l'interprtation ne peut avancer d'autrepreuve de sa vrit que sa capacit de rendre raison de latotalit des fats et de manire totalement cohrente. Ainsis'explique, il me semble, que j'aie eu tant de p'eine ,!J!-,ter et e!t:1tire-rit:.ll~1f1~1JLe~1J.QmJ2t,~l~n~l1zonqttql~s: l'a11t--~(jecti1Je (du point de, vue mme 71u systme decassement) fie. tout un ensemble de sY1J!koldou, 4eprati7'i!!,es (la braise~ fa' louche, la poupe utilise dans' certainsrites, etc.), les classer com1J'Ze inclassables et ins,crir~fetl~~fn~:i~c!lifiJii!~.~~~s.l~ l()ii{iu~1J'ZlfrJi_Cl.rtiXtlrJi4

  • LE SENS PRATIQUE

    humaine>, ceci} bien sr} condition que l}on s}en tienne auplus petit commun dnominateur des trois cycles dont les correspondances sont voques} par pices et par mor-ceaux} en fonction de la logique de la situation considre}tant par les informateurs que par les interprtes qui repro-duisent sans le savoir la logique de la comprhension pratiquedu systme mythico"rituel. C'est dire que} dans le cas parti-culier} le modle complet pourrait se rsumer par la formulesuivante,' le mtier tisser est au tissage} produit d}une op-ration dangereuse d}union des contraires} qui lui Sera arrachpar une opration violente de coupur~} ce que le ,champ (oula terre) est au bl et ce que ICI; femme (ou le ventre de lafemme) est l'enfant. Qtte construction, qu'accepteraientsans doute les utilisateurs, et qui permet(fe rendre comptede la quasi-totalit des faits pertinents (ou produits par uneobservation ou une interrogation arme de ce modle), ou}mieux, de les rengendrer (thoriquement) sans tre obligd'entrer dans un rcit interminable, n'est pas en tant quetelle le principe des pratiques des agents " formulE gnCIJ:...~i-12!Lm'L_ci'n r~pr()4~ J-e!E1I~1 .~a'LpraJiques!~aites cO~~9I2US oJ!.eratu:;,J]~:Przcip~gn~:r.fEf!JfJ" des l?~E~eJ".lL!P.JL!ll'~1.2~L!lncli. S'il en tait autre-ment, et si les pratiques avaient pour principe la formulegnratrice que l'on doit construire pour en rendre raison,c'est--dire un ensemble d'axiomes la fois indpendants etcohrents, ?!~~pra!jgJ!EJroduites sel9J1 des r~&eL4''ngendrement EarlClit'IJJJ!!1Lffll1~{iet!L~~'nl~()uveraie~ dp0u,iIYes. detout ce qui les dfinit en propre en tant que pratiqus} c'est--lTr~iltfdJ?fL1ULqJLrsY:JLCJJ1{~{1,i1.}azt ,qy'e!les ont pourp!inci~e n(jfJAes r~les_.fJl1Jl.if!1t's.'tc.Q.nla.tUe.smais cies_scT.;[iiiLptfEi(iu~s:opaques qeux.-ffl~mes, sujets varier selon!iliifiE.Lfle la SilatjcTij~le~p0J.~12Ke,prf!gJt' t()1}:jQ!!:tsBllt!ffL.fltt~ell'jfflpose,.et~tJ..sz. les dgmarches ae la logi9.!:!:f-1?!atifje..m1f.t_!ar~ffl'nt.!()11.L..Llqit..Eght"enlF-_et.. rar1?J!l.!rzt.!::f.Ll.Jait,i11..f9erentes. Pour le faire vo~r, il fau.d~ait, aurzsque de lasser,il'ren vrac tous les faus recuezllzs, sansmme leur imposer ce minimum de construction que repr-sente l'ordre chronologique (dans la mesure o il voquepratiquement la correspondance entre les cycles et, en partz-culier, avec le cycle agraire) " la ff/mme qui commence le tis-sage s'abstient de toute nourriture sche et le soir du montage

    26

    PRFACE

    du mtier la famille mange un repas fait de couscous et debeignets " le montage se fait l'automne et le gros du travails'accomplit pendant l'hiver>, l'art de dcorer le tissage futenseign par Titem Tahittust, qui avait trouv un fragmentd'un tissage merveilleux dans du fumier " les triangles, videsou pleins, qui dcorent le tissage, reprsentent une toile lors-qu'ils sont accols par leur base (ou s'ils sont plus grands, lalune) et sont appels thanslith, symbole qui, comme son noml'indique, se trouve l'origine de tout dessin , lorsqu'ilssont accols par leur pointe " les jeunes filles ne doivent pasenjamber le tissage>, le lieu o se croisent les fils est diterruh', l'me " lorsqu'on souhaite la pluie, on place le peigne carder sur le seuil et on l'asperge d'eau, etc. 20

    I! faudrait surtout montrer comment, guides par unesorte de sens des compatibilits et des incompatibilits quilaisse beaucoup de choses dans l'indtermination, les prati-ques rituelles peuvent apprhender le mme objet de maniretrs diffrente} dans les limites dfinies par les incompatibi-lits les plus criantes (et aussi, bien sr, par les contraintestechniques), ou des objets diffrents de manire identique,traitant pratiquement le mtier tisser tantt comme unepersonne qui nat, grandit et meurt, tantt cOmme un champqui est ensemenc puis vid de son produit ou comme unefemme, ce qui assimile le tissage un enfantement, ou encore,dans tel autre de ses usages sociaux, comme un hte - ilest adoss comme lui au mur de la lumire - qui onsouhaite la bienvenue, ou comme un asile sacr ou un sym-bole de droiture et de dignit 21. B.t!.tJf!.i,.P1a.LigEg..LQ..bser-ves sont aux pralique~ ~.ui se rgleraient expressmentZJf'Tes prtnczt!sgrrr;.m7irysrrazU!.~uTt!-~~01f! .e,t! rendre~~'!!.p!!. - si tant eSl,q!J:ecelu.oitppssTfJee,t souhaitabk qpns

    20. J'ai choisi, pour viter un effet facile de disparate, de ne retenirici que ceux des faits pertinents qui ont t recueillis par le mme obser-vateur (G. Chantraux, Le tissage sur mtier de haute lisse Ait Hichemet dans le Haut Sbaou , Revue africaine, LXXXV. 1941, p. 78-116,.212-229, LXXXVI, 1942, p. 261-313) dans le mme lieu (le village d'AitHichem) et que j'ai pu vrifier (en les compltant sur certains points).

    21. La logique pratique russit aussi en plus d'un cas (par exemple,dans l'orientation de la maison et de son espace intrieur ou dans l'usagedu mtier tisser) des conciliations qui peuvent paratre miraculeuses,pour une pense porte les dissocier, entre les contraintes que nousappellerions proprement techniques et les contraintes que nous dirionsrituelles.

    27

  • LE SENS PRATIQUE

    !E~JJlA!jgJj!! .. () la cokrenceparfaite n'est pastouiours.avan-tag~[te - ciJjiie.mi!.ifilJs._1J!.a.fsons, qvec leurs adjonctions

    .suces~et JOtt les objets, .Rartieflemenris~.,:tIal1ti~ et'rijtdaf!J1itilimgnl(J,CiiF4s.:i.~ilYJ9.nt.a~cum.uls au coursdutemp~,.sotztgux4p..p(Jrt!1J!.~ntsagen~s.4e prt enJil!L~lo..tzun parti esthtique, impos (ffU1t co'up et~auE~rs par undloratfjif T;l o75rence-sans intention pparfife ~etTunf'siii-S-principe unificateur immdiatement visible de toutes lesralits culturelles qui sont habites par une logique quasinaturelle (n'est-ce pas l ce qui fait le charme ternel del'art grec dont parlait Marx?) sont le produit de l'appli-cation millnaire des mmes schmes"de perception et d'ac-tion qui, n'tant jamais constituJs en principes explicites, nepeuvent produire qu'une ncessit non voulue, donc nces-sairement imparfaite, mais aussi un peu miraculeuse, et trsproche en cela de celle de l'uvre d'art. L'ambigut denombre de symboles et d'actes rituels, les contradictions qui,bien qu'ils soient pratiquement compatibles, les opposent surtel ou tel point, et l'impossibilit de les fai~e tous entrer dansun seul et mme systme qui se dduirait de faon simple partir d'un petit nombre de principes, tout cela rsulte du faitque les agents, conduits par une comprhension pratique del'quivalence globale entre tel moment du cycle agraire et telmoment du tissage (par exemple, le montage du mtier etl'ouverture des labours), appliquent, sans avoir besoin d'ta-blir explicitement l'homologie, les mmes schmes de percep-tion et d'action l'une et l'autre situation ou transfrent del'une l'autre les mmes squences ritualises (c'est parexemple le cas des chants funbres qui peuvent tre chantspar les hommes l'occasion de la moisson et par les femmes l'occasion de la coupe du tissage). Ce sens pratique n'a riende plus ni de moins mystrieux, quand on y songe, que celuiqui confre leur unit de style tous les choix qu'une mmepersonne, c'est--dire un mme got, peut oprer dans lesdomaines les plus diffrents de la pratique, ou celui qui per-met d'appliquer un schme d'apprciation tel que l'opposi-tion entre fade et savoureux ou plat et relev, insipide etpiquant, doucetre et sal, un plat, une couleur, une per-sonne (et plus prcisment ses yeux, ses traits, sa beaut),et aussi des propos, des plaisanteries, un style, une picede thtre ou un tableau. Il est au principe de ces ralits

    28

    PRFACE

    surdtermines et indtermines la fois qui, mme lorsqu'onen a compris le principe, restent trs difficiles mattrisercompltement, sinon dans une sorte de paraphrase lyrique quiest aussi inadquate et strile que le discours ordinaire sUrl'uvre d'art. Je pense par exemple aux innombrables conso-nances et dissonances qui rsultent de la superposition d'ap-plications approximatives des mmes schmes de pense :ainsi, le mtier tisser qui est lui-mme un monde, avec sonhaut et son bas, son est et son ouest, son ciel et sa terre, sonchamp et ses rcoltes, ses labours et ses moissons, ses car-refours, entrecroisements dangereux de principes contraires,doit une part de ses proprits et de ses usages (par exemple,dans les serments) sa position, dtermine selon le prin-cipe mme de ses divisions internes, dans l'espace de la mai-son, elle-mme place dans le mme rapport, celui du micro-cosme au macrocosme, avec le monde dans son ensemble.~.~. !e matrise, r~e!{e. 4~.. E~tl~!()giqu.e ,qu(J po~rquf ~Sl.JomP1J1em~!1L!JJ1JJir.lSJLP~~Jdlf!J3J:!.Llap()ss ede,'mazs a.u.poznt'l'entr~ 1.?-ta!em~1J1,.1!o;s.d, , c'est--dire d'4P.()!s.l4~..Ji!l...s'.~Len est !!!!1s.~).JL~.s.!.q"!il.nya d apPt(Jntissage que pratique }les.SJiIii..s._d~12(JrfE21jo~~PP!~Eitl;t~()]lf.t. rf.'aCLi()~Cf...t'!L s0rtLlfJ.,condition de toute pe1Jlk!:! a~_.touteR!..atique sel1sesetq[ti,continuellenzent . renforcs par~actro~ns. .et des .Aiscottrsl;oulii"s)J1Q!iJs.~mlmeish11Zs, sont gilus de l'univers.Jes objets de pense. ..

    Lomme je n'aZ-"ceis de le suggrer en multipliant les rap-prochements dlibrment ethnocentriques, j'aurais sansdoute t moins port faire un retour critique sur les acteslmentaires de l'ethnologie si je ne m'tais senti mal l'aisedans la dfinition du rapport l'objet que proposait le struc-turalisme en affirmant, avec une audace qui m'tait inacces-sible} le privilge pistmologique de l'observateur. Si, contrel'intuitionnisme, qui nie fictivement la distance entre l'ob_servateur et l'observ, je me tenais du ct de l'objectivismesoucieux de comprendre la logique des pratiques, au prixd'une rupture mthodique avec l'exprience premire, je necessais de penser qu'il fallait aussi comprendre la logiquespcifique de cette forme de comprhension sans exp-rience que donne la matrise des principes de l'exprience;qu'il fallait non abolir magiquement la distance par unefausse participation primitiviste mais objectiver cette distance

    29

  • LE SENS PRATIQUE

    objectivante et les conditions sociales qui la rendent pos-sible, comme l'extriorit de l'observateur, les techniquesd'obectivation dont il dispose, etc. Peut-tre parce que ?avaisune ide moins abstraite que d'autres de ce que c'est qued'tre un paysan montagnard, ?avais aussi, et dans cettemesure mme, une plus grande conscience de la distanceinsurmontable, ineffaable, sous peine de double eu ou, sil'on permet le eu de mots, de double e. "fg!!Lg..!!!~ lat!?1g!J~,~le mot le dit.L"gIl.J~ctacl~ui~ng,pe.Et.se c0tltern.pler qu'p"artir d'un point de vue situbors de las,~1Je,9e ]9u,e.[actionJ. la-distance est Siis-.~t-111:ohJoon la chercke{Qinaire, c'est--diref!nSl'lcani entre les'tJ:aditions Cu,u::.,rlles

    Lque dans l'cart entre deux~rappo;:iS-~u~~m!in(leJ=th~p:

    rru et praii(iUe~~ elfe est ppr).1]t~111:e.,4"~,mfi~e.. dqns let.JE1J_A. tirslnce sociale, qu'il fa!}l!ef()f!tza)~re. commetelle et dont il faut conna,tre levhitable principe, c'est--dire la.s!isJaiearn~rente[fan~ceSsT1:(sis~peine de s'ex-=-.poser. iW'p-~ l'cart ds cultures 'at/etes mentalits~iest un e1lLikJ.:iiirL.le.L.fQdlfii:gnf("Fquzse ren-contre dans l'exprience indigne de l'ethnologue sous laforme de diffrences de classe). La familiarit, qui .. 11Ls!Jl.:.2uiert pas dansJ.es.-liv.r.es, avec le mode (['XsTenpratique~e ceux qU~J1L/2.asJqjib.t;!t de ;;;;;;;:ere;;wnae distance"1ifut qj!fjJJJ.E.4!:L~..taut:Ti.lQTS.3:.'.u1J.!.CC}!!.sc7e!!ce pl"iis'a..igE de la distanq!. gt 4;une proximit. relle, sorte de solida-rit 1Jltt.:raTes diffrences cUlitirlls., C'est dtique;~Siis-y appYiY, il me semble, aucunecomplaisance, rai t contraint de m'interroger sans cesse surmon rapport l'obet dans ce qu'il avait de gnrique, et ausside particulier. Et il se pourrait que l'obectivation de la rela-tion gnrique de l'observateur l'observ que rai essayd'accomplir, par une srie d' preuves qui tendaient tou-ours davantage devenir des exprimentations, constitue leprincipal produit de toute mon entreprise, non en elle-mme,au titre de contribution thorique une thorie de la pratique,mais en tant que principe d'une dfinition plus rigoureuse,moins livre au hasard des dispositions individuelles, du rap-port uste l'obet qui est une des conditions les plus dter-minantes d'une pratique proprement scientifique en sciencessociales.

    30

    PRFACE

    C'est ~an~ ~e cas de mes recherches sur le mariage que lese!fe~s sctenttftq~es de ce ~rav~!l d'obectivation du rapport lobJet me paratssent parttculrement visibles. Ayant essay,~vec ~bdelm~lek Sayad, de calculer - partir de gnalogiesetabls en d~ffrents villages de Kabylie, puis dans la rgionde Collo, enfzn dans la valle du Chlif et dans l'Ouarsenis ~la frqu.ence, dans l'univers des formes de mariage possibles,d~ manage. a~e~ la cousine parallle que la tradition ethnolo-gtque constderatt comme la norme dans cette aire nousavions aperu que les taux obtenus taient totalement d~pour~vus de sens du fait qu'ils dpendaient de l'tendue de l'unitsociale par rapport laquelle s'effectuait le calcul et quiloin de pouvoir tre dtermine en toute obectivit tait u~eneu de, stratgies dans la ralit sociale elle-mme. Par suite,ayant du abandonner une recherche qui n'apportait d'ensei-gnements. que ngatifs et reporter tous les efforts sur l'ana-lyse du rttuel du mariage, il m'est apparu que les variationsobserves dans le droulement des crmonies loin de ser!duire ~ d~ simples variantes comme prdispo~es servir1znterpretattOn structurale, correspondaient des variationsdans les relations gnalogiques, conomiques et socialesentre le~ cono~nts et du mme coup dans la signification etla f~nc.tton soctales des unions sanctionnes par le rituel : ilsufftsatt en effet d'observer que le rituel qui se dploie danstout~ son am,pleur. J'occasion des mariages entre grandesfamtlles. de trtbus dtfferentes se trouve rduit sa plus simpleexpresstOn da~s le cas du mariage entre cousins paralllespour apercevotr que chacune des formes du rituel qui acc0tft=eg~e~.~~1?Jp d~_~aria~~~~~~L~91t.Une 'Sj1?iPl~p"'~nante,! nee d une sorte de Jeu semtOlogtque,< nzajs u,n.~dtmenstOn f!::f:t!1e~!l~t~~!e9..ul prend son .se~! " l'intrieu,r. cle.~rifji-as st!at,~igLPJ2I'fiJli[g~te-st~'1t~gie~tanlleprq-dUtt'~'!011 tJe l O"bell!Id!1fe. a~Jme1J.otnze explicitetftent pose. et?Jjie gJi-(filt{ri.f,1:f1qJjJ!/leJS.~r.cie pqr t:t1J. .1JlQd~le. >?incg1t.s-pent~ ~qJL~~1!.1t.~ 'E.q,L~!!io~_tJ~J~J!!Eii.~Cl'!.felqti1Je."desgrQu:pe.s,co~~tderes~..!I4s.ve!!lLP7.atcqtt ()1J.1tgP~ttt e11 . rgndre rafsqnqjf ,t{E2.'1;4lf!QtL(liLP..~e.1t.tJ~~p.~,'lE0.1!!J!!~L..Q1f.tr.:.,iaE~lqtion.. pt/te-ment en.ealo t ue entre [~.conoinls (r;uipeut elle-mme~~re 1'0 le~ de marEE.ufal.io}:!lJt!.al.~giques2, 19u,tttne1Jsem1JleaznformattOns sur .~~f_~!CJ.up'eS unis par le mariage, comme

    31

  • LE SENS PRATIQUE

    leur position relative dans le groupe, l'histoire de leurschanges passs et le bilan de ces transactions au momentconsidr, sur les conjoints (leur ge, leurs mariages ant-rieurs, leur aspect physique, etc.), sur l'histoire de la ngo-ciation qui a conduit cette union et les changes auxquelselle a donn lieu, etc. .

    Il suffisait d'observer que le rituel... pour aperce-voir... La rhtorique a des raccourcis qIfijerqiefltpresque.

    .OJtk!!~~CL~J~1!.fqlJiljs{ii1f1lf'i~1,{~ 1J{Pt:~1JdjClfJ1ais la. forme4!J~-Cf).mcutjotL}'Jf~sJClir~ d'actes. intellectuels miracu-leux,~in()n dans la mthodologie de' manuel et ,l'pistmo-lJii!!cf~!E?Ze. Comment voqur' sans emphase"ni recons-truction rtrospective le long travail sur soi qui conduit peu peu la conversion de toute la vision de l'action et dumonde social que suppose l' observation de ces faits tota-lement nouveaux, parce que totalement invisibles pour lavision antrieure : le rituel du mariage conu non plus seu-lement comme ensemble d'actes symboliques signifiant parleur diffrence dans un systme de diffrences (ce qu'il estaussi) mais comme stratgie sociale dfinie par sa positiondans un systme de stratgies orientes vers la maximisationdu profit matriel et symbolique? Ou le mariage prfren-tiel trait non plus comme le produit de l'obissance, une norme ou de la conformit un modle inconscientmais comme une stratgie de reproduction, prenant sonsens dans un systme de stratgies engendres par l'habituset orientes vers la ralisation de la mme fonction sociale?Ou les conduites d'honneur, apprhendes non plus commele produit de l'obissance des rgles ou de la soumission des valeurs (ce qu'elles sont aussi, puisqu'elles sont vcuescomme telles) mais comme le produit d'une recherche plusou moins consciente de l'accumulation du capital symbo-lique?

    Je crois que ce n'est pas par hasard qu'entre le momento j'ai d abandonner le problme du mariage en Kabylieet le moment o j'ai pu le reprendre, vers les annes 70,j'avais entrepris une sorte de rvision de l'enqute que j'avaismene, en 1960, dans un village du Barn et que j'avaisconsciemment conue comme une sotte de contre-preuve demon exprience ethnologique de la familiarisation avec un

    32

    monde tranger 22. Alert par une simple phrase prc)nonct~esituation relle (

  • LE SENS PRATIQUE

    vritable conversion de tout le rapport l'objet et soimme et une rupture pratique avec l'humanisme naf quin'est peuttre qu'une forme de complaisance une imagecomplaisante de soimme et qui, associ la volont derhabiliter, comprhensible en ces temps de mpris, m'gvaitport emprunter parfois, pour parler de l'honneur kabyle,un langage proche des dissertations sur les hros de Cor-neille. (Je dois dire que, sur ce point dcisif, la frquentationde ~~b~r(JJf.b loi~~r MarlfJ. com~~~glzJec!qi~~'or.dinak~!~une tblOYte jJJirlLual!sl~igl'12l.E2!.~~LJ:!p'grt~ le mode(i:~.(:. 111Iab:iI!liugJjJ' des. ~rrqitlL.!lZfeJe11!atrialis1?temarxistettbq1JdJJJ1!1u:tl-fait au rpiritu alis.1J!!.J. m'a bea!:9/:ilL

    -;;g.~./fSer cettesorteAe 'matrialisme gnralis : cecin'appraitra commrUitparacfXq'-rceux rjpr l'effetconjugu de la raret des traductions, de l'unilatralit despremires interprtations franaises et amricaines et desanathmes, fort conomiques, de l'orthodoxie marxiste ,ont de la pense de cet auteur une reprsentation simpliste.)

    La distance que l'ethnologue met entre lui-mme et sonobjet - et qui se trouve institutionnalise dans la coupureentre l'ethltologie et la sociologie - est aussi ce qui luipermet de se mettre hors jeu, avec tout ce par quoi il parti-cipe rellement de la logique de son objet. Il n'est sansdoute pas de plus bel exemple de ce ddoublement quiempche les chercheurs d'inscrire dans leur pratique scientifique la comprhension pratique qu'ils ont de la logique de lapratique que ce que Volochinov appelle le philologisme,c'est--dire la propension traiter les mots et les textescomme s'ils n'avaient d'autre raison d'tre que d'tre dchif-frs par les savants : rien de plus paradoxal par exempleque le fait que des gens dont toute la vie se passe lutter propos de mots puissent essayer de fixer tout prix ce quileur apparat comme le seul sens vrai de symboles, de mots,de textes ou d'vnements qui, tant objectivement ambi-gus, surdtermins ou indtermins, doivent souvent leursurvie et l'intrt mme dont ils sont l'objet au fait qu'ilsn'ont cess d'tre l'enjeu de luttes visant prcisment fixerle seul sens vrai ,. c'est le cas de tous les textes sacrs qui,tant investis d'une autorit collective comme les dictons, lessentences ou les pomes gnomiques dans les socits sanscritU1'e, peuvent fonctionner comme les instruments d'un

    3'4

    PRFACE

    pouvoir reconnu sur le monde social, pouvoir que l'on peuts'approprier en se les appropriant par l'interprtation 23,

    Est-ce assez de rendre raison des pratiques par un grou-pement du matriel factuel qui permet de voir les cor-rlations et n'est-ce pas une autre faon de les abandonner l'absurdit que de les rduire tacitement aux jeux d'crituresmiologique qu'en fait le discours d'interprte? Ce n'estpas dans une intention polmique que je rappellerai quel'.gjhl1f)lQ2.ye rt:ndrait sans dout~.. 11tieyx. raiso.tt. desritttels9tt~des relatio~sl~Earentls'tl .introauisit ..4.qtt~Jll:. t.~~c!rie.Lq

    'u7fff!;/!f/;/t!{i~~~t .._:4~~~~,,1~~~~~~7o/;!~e~it:!~e~~~:les. foungillgJ~th~!:~L4e .. la.. disciplitte oUsQ~ ..i.rl jli.sflilier.aUiiiJ.elr rociaux.de1tL.JLieJlff!.4.f.miq'ldJ? Pour chapper vrai-ment, dans l'analyse d'un rituel, l'ethnocentrisme d'obser-vateur sans retomber dans la fausse participation intuitivedes nostalgiques des origines patriarcales ou dans le culte no-frazrien des survivances, il faut et il suffit en effet de com-prendre cette comprhension pratique, celle qui fait que,devant un rite dont la raison nous chappe, nous comprenonsau moins qu'il s'agit d'un rite, et ce qui la spare de l'inter-prtation que l'on ne peut se donner qu'en se situant l'ext-rieur de la pratique 24. Autrement dit, il faut rintgrer dans

    23. Le corpus sur lequel travaille le philologue ou l'ethnologue estlui-mme pour une part le produit de ces lttes entre les interprtesindignes qu'voque si bien Mouloud Mammeri (cf. M. Mammeri etP. Bourdieu, Dialogue sur la posie orale en Kabylie , Actes de larecherche en sciences sociales, 23, septembre 1978, p. 51-66) et que la

    . dfiance l'gard de l'erreur (symbolise par l'uvre de Griaule) consis-tant reprendre les thories indignes, m'avait conduit sous-estimer(au profit d'une reprsentation durkheimienne de la production culturellecomme collective, impersonnelle, bref, sans producteurs).

    24. Le fait que l'ethnologue, en tant qu'observateur tranger, soitncessairement renvoy cette position d'extriorit n'est en rien unprivilge, d'autant que rien n'interdit que l'indigne puisse occuper unetelle position par rapport ses propres traditions, pouvu qu'il soit enrnesure de s'approprier les instruments d'objectivation et qu'il soit dispos,ce qui ne va pas ncessairement de pair, assumer le cot de la misehors jeu que l'objectivation suppose et en~endre. On comprend l'impor-tance que revt le dveloppement d'une ethnologie de l'Algrie faite pardes Algriens. Je pense en particulier aux recherches menes dans le cadredu CRAPE, autour de Mouloud Mammeri, dont on connat les trs beauxtravaux sur la littrature orale - et en particulier, l'ahellil du Gourara(Je citerai seulement titre d'exemple l'tude de R. Bassagana et A. Sayad,Habitat traditionnel et structures familiales en K

  • LE SENS PRATIQUE

    la thorie des rituels la thorie de la comprhension pratiquede tou~ les actes et de tous les discours rituels auxquels nousnous ltvrons, et pas seulement l'glise ou au cimetire, etdont la particularit rside prcisment dans le fait que nulne s'avise de les vivre comme absurdes, arbitraires ou immo-tivs, bien qu'ils n'aient d'autre raison d'tre que d'tre oud~tre socialement reconnus comme dignes d'exister 25. Lesrtts so'!!.clI3Sl!!Cltiqu~s,qu:i sont elles:11Jf!pes}eur jiJ:t~'itf!i..,!(2lfll~1Jt leur acco/!lP.ssement dans leur accomplissementm~!!).~~~.~4~~,.iiiesq1i~.t.Q!J~q:fjplEfeque' f!i~s'~ I~it"'Fou queilSJgjqtr.~.~~fllLa.YS{t~E!2J21s..,.parce qu'gn ...tKR~,u.1]qfrg~rf!!JJJl.q..tt.e. *tesfaire.;...H!!!J a1!2iJli~esin .a~Jt1;lloir pOlfr:i!:!!l!-!t p0!iLqUt on leslqL~.llis:eJJ.lf:'ils sigilifient) comme les,Cff.!fs .de.pigt funt'qire:St.'estfeEHe...!e trqyqi?rj'interprta-~i1JeAJ~rJesjiltl.er..ul1 senS, . en .ressaisir la logique,

    .porte ~ oubli.er_~i~Lpeuvent n'avoirqproprem.entparler ni~f'!{ 7J.t]Q1jJtt2'h smonta fonction qu'i!nplique leur existence,!!m.~, et le senT7J1J!ctivefifei inscrit dans la logique desge~tes ou des paroles que l'on fait ou dit pour dire oufatre quelque chose (lorsqu'il n'y a rien d'autre faire),ou plus exactement dans les structures gnratives dont cesgestes ou ces mots sont le produit - ou, cas limite, dansl'espace orient o ils s'accomplissent., Qe mmefl~~?!!n~,peut parler justement du rituel que si

    1 on.sait1f!:...E.e.~t!EH rtJ.ue] c9m.11Jecpn.guite}a joissense et~!!!P'g...fk~r.aiso1J et. !a~vrit.de l'intentlon'scientifique:E2!!J.me l1~le!3'::._~eE~r~ .. E;;llSb!}{ de 11J~t!!e, ..on '!.I3J!.f!.ELte.1Jdrt:,2.m1;!!..te.e..llf11JJ/!'H a,es usages. sQciaux (Us parents et de la~u'~on~ition Tobjectiver la relation objectivante et"~cevX;if..~~qu'elle dissrzu:le.: les agents (et l'observateurlui-m!!Z.~ 1~squ)u cessed'tre o~servateur) n'entretiennent'P;;;-;;~ijjJ::kaf{it[qlryarente?a~e)ation quis''!stttttre..atimj)bservattOn et 'IUt suppose que l'onn'(lifen vue attCU!J.Jq..qg~ pra.!.!!i!!:~s::a!~.tgfQti.(Je ra pare'Jt. Bref, il faut tout{!!!1Plement,~~~_e:.,!~~er.dans le travail scientifique et dans

    ",'>,-",.'~ "'-'-'-'-:-~"-C_-'_>"'_'_"'_'C

    ,?5; L'analys~ ,s~ciologique doit, aussi tablir les conditions de possi-bilite et de validIte de cette comprehensIOn et de ces actes (cL P, Bourdieu, Le lan~age autoris, note sur les conditions sociales de l'efficacit dtldIscours rituel , Actes de la recherche en sciences sociales, 5-6, novembre1975, p. 183-190; et P. Bourdieu avec y, Delsaut Le couturier et sagr!ffe, contribution ~ un~ thorie de la magie , A~tes de la recherche ensczences soclules, 1, JanVIer 1975, p. 7-36),

    36

    PRFACE

    la thorie4es .. pratique: .qu)il.~ise .prqduire .u,ne thofi~. -(j'iifne se cov~e piifr.pt la.s~t4l."~ijJfri~.t':c~t&otique-:.de ce .!1!jfL.~!_d.e.c..011fprht':sion im11fdiate!!!E.~~J!.~eugle elle-min:.~!qZfiA~tini!.lerapport pratique au~11i12l:lIf!.' (C'ettdmarcne est strictement l'oppos - faut-ille dire? - de celle qui consiste fonder la comprhensionhistorique ou sociologique soit sur une participation psy-chique ou une reproduction psychique , pour parlercomme Dilthey, soit sur une modification intentionnelleou une transposition intentionnelle en autrui , pour parlercomme Husserl) autant de retraductions faussement savantesde la thorie spontane de la comprhension comme semettre la place. )

    La reprsentation que l'on se fait d'ordinaire de l'oppo-. sition entre le primitif et le civilis vient de ce quel'on ignore que la relati0t':qui.~:.J(Jblit) enecascommeailleu!:JJ._~J1lrLl'ofiiE1;;;i.~f:JL~t1.:Qbs.e.rvest un. as. particulier'ff1a rela{i!2ILKn.l!~ l.. connqreeLkJaire, entre.. l'in!e.rprg~tatiotLfLl'utili~atiQ!l._L~ntre la matrise symbolique et la ma-frise pratique, entre lcUg.i,is..tI;~ logique,c'est~-direarme detous les in1!.lf11J~n.!s.accumuls {le l'objectivation, et la log-'l'le 3-mverse1!~lTIe.ntpilqg.qlle.. de .la pratique 26~t cette~dH~I~pse)qui.~stcottstittttive de l'aqtivit intellectuelle etdii!1,..f()'J{lltioii7nteilectuelle est sat':s. doyte ce que le. cliscotlr~.intellequ,f.L. ~l~_".m.. ot.'n.s ~e c.ha.n.ELd.~~.x p.. rj;n,.e.r d.a.. n..s..s.a vr.t.'t.....'Ct quz... est EL1!.lf~_en effet, crest le degre.q1j-qlfe.l celui qui.0t?~,..fe.l!(Lcl'trepris .ansson travail d'objectivq.ti()'J.Le raEpgrt 9bie.tjvtj7eq7'tzieteS1Jl.'Jf. .manire de maintenirrSfistances,tfJJ..retu~de se pre~dr~p()ur objet, d'tre prisaansl~9.kiet,Ainsi, par exemple, je ne suis pas sr que j'au-rats "approch ce qui me parat tre aujourd'hui le sens del'exprience rituelle et la fonction des schmes gnrateursqu'elle met en uvre si je m'tais content de pousser l'anam-nse du refoul social jusqu' me rappeler que, comme les

    26, II ne faut pas nier videmment, et c'est le mrite de Jack Goodyde l'avoir rappel, que les diffrentes formations sociales soient sparespar des diffrences considrables du point de vue des techniques d'objecti-vation ( commencer par l'criture et tout ce que rend possible la raisongraphique ), donc des conditions gnriques d'accs la logiques'arme de ces techniques.

    37

  • LE SENS PRATIQUE

    Kabyles condensettt dans le mot qabeI, faire face} faire face l'est} l'avenir) tout leur systme de valeurs} les vieuxpaysans barnais disaient capbat (mot mot) tte vers lebas) pour signifier vers le bas} en descendant} mais aussivers le nord} et capsus ou catsus (mot mot) tte vers lehaut) pour vers le haut} en montant} mais aussi vers le sud(ou encore cap-abn, tte vers l'avant) pour l'est} et cap-arr,tte vers l'arrire, pour l'ouest), et que des mots commecapbach, baisser le front) ou capbach taient associs l'idede honte} d'humiliation} de dshonneur ou d}affront>, oumme de dcouvrir que les garants les plus lgitimes de maculture la plus lgitime succombaient' parfois cette logiquedite prlogique} que Platon} aU livre X de la Rpublique}

    , associe les justes la droite} au mouvement vers le haut} a~ciel} au devant, et les mchants la gauche} la descente} la terre et l'arrire 27} ou encore que la thorie des climatsde Montesquieu repose sur des oppositions mythiques dontle principe n'est autre que tout ce que nous mettons dansl}antithse entre le sang froid et le sang chaud et} par l} entre le nord et le midi 28. Il fallait aller desusages plus proches, plus quotidiens} avec l'analyse du got}ce systme de schmes gnrateurs et classificatoires (mani-fests dans des couples d'adjectifs antagonistes comme uniqueet commun) brillant et terne, lourd et lger} etc.) qui fonc-

    27. Ils ordonnaient aux justes de prendre droite la route qui montaitdans le ciel, aprs leur avoir attach par devant un criteau relatant leurjugement, et aux criminels de prendre gauche la route descendante, portanteux aussi, mais par derrire, un criteau o taient marques toutes leursactions (Platon, Rpublique, X, 614 c-d).On voit en passant que,sil'on a beaucoup us de la Grce, surtout dans l'ethnologie maghrbine,pour faire des effets humanistes ( tous les sens du terme), on peut aussise servir d'une connaissance de la Grce ethnologise (et non hrose)pour comprendre les socits sans criture (et rciproquement) et en parti-culier tout ce qui touche la production culturelle et aux producteursculturels.

    28. Pierre Gourou, qui relve toutes les inconsquences des livres XIV XVII de l'Esprit de lois sans apercevoir le principe, proprement mythi-que, qui donne sa vritable cohrence ce discours apparemment incoh-rent, a raison d'observer : Il tait intressant de relever ces vues deMontesquieu parce qu'elles dorment en nous - prtes se rveiller -comme elles vivaient en lui. Nous aussi, nous pensons, quelque dmentique puisse apporter une observation plus correcte qu'au temps de Montes-quie~, que les gens ,du Nord sont plus grands, plus calmes, plustravatlleurs, plus honnetes, plus entreprenants, plus dignes de foi plusdsintresss que les gens du Sud (P. Gourou, Le dterminism~ phy-sique dans l'Esprit des lois , L'homme, septembre-dcembre 1963, p. 5-11).

    38

    PRFACE

    tionnent dans les champs les plus diffrents de la pratiqueet qui sont au principe des valeurs ultimes, indiscutes etineffables) qu'exaltent tous les rituels sociaux} et en parti-culier le culte de l'uvre d'art 29.

    Mais je n'aurais sans doute pas lev les derniers obstaclesqui m'empchaient de reconnatre dans la logique de la pra-tique les formes de pense les plus caractristiques de lalogique prlogique si je n'avais rencontr} un peu par hasard,cette logique sauvage au cur mme du monde familier}dans les jugements que des Franais interrogs en 1975 parun institut de sondage portaient sur leurs hommes politi-ques 30 : possdant en ce cas la pleine matrise indigne dusystme de schmes qui inclinent attribuer Georges Mar"chais le sapin} le noir ou le corbeau et Valry Giscardd'Estaing le chne} le blanc ou le muguet} je pouvais tenirensemble et l'exprience indigne de la familiarit pares-seuse avec un symbolisme ni tout fait logique ni tout faitillogique} ni tout fait contrl ni tout fait inconscient} etla connaissance savante de la logique} surprenante pour l'exp-rience indigne} qui se dgage de l'ensemble des attributions,et l'observation quasi exprimentale du fonctionnement decette pense par couples qui} laissant dans l'indterminationles principes de ses distinctions ou de ses assimilations} neprcise jamais sous quel rapport s'oppose OU se ressemblece qu'elle oppose ou rassemble. Dcouvrir que} dans nombrede ses oprations} la pense ordinaire} guide, comme toutesles penses que l'on dit prlogiques } c}est--dire pratiques}par un simple sentiment du contraire } procde par oppo-sitions} forme lmentaire de spcification qui la conduit parexemple donner au mme terme autant de contraires qu'ily a de rapports pratiques dans lesquels il peut entrer avec ce

    29. Cf. P. Bourdieu et M. de Saint-Martin, Les catgories de l'enten-dement professoral , Actes de la recherche en sciences sociales, 3, mai1975, p. 69-93; P. Bourdieu, L'ontologie politique de Martin Heideg-ger , Actes de la recherche en sciences sociales, 5-6, novembre 1975,p. 109-156 et La distinction, Paris, Ed. de Minuit, 1979.

    30. Pour une description prcise de ce test (dans lequel l'enqu-teur prsentait des listes de six objets - couleurs, arbres, hros cIassi-ques, etc. - en demandant d'en attribuer un et un seul l'un des sixgrands leaders de partis politiques) et une analyse de la logique selonlaquelle s'oprent les attributions, voir P. Bourdieu, La distinction, op.ci!., p. 625-640.

    39

  • LE SENS PRATIQUE

    qui n'est pas lui, c'est apercevoir concrtement que IL!1ili.-cation de l'objet de la science. qa1Jsl'altrit:e.sse.ntie.lled:ttne.~

  • livre 1CRITIQUE DE LA RAISONTHORIQUE

    1

    Comment puis-je suivre une rgle? - Si ce n'est pas unequestion sur les causes, alors c'en est une concernant lajustification que j'ai pour agir ainsi d'aprs elle.

    1 Si i"i 'vu"' Je. ","".., ,lm' je mi' m.n~n,"' ""ni,"", au rocher dur, et ma bche se recourbe. J'incline ce moment-j l dire : C'est ainsi, tout simplement, que j'agis .""'""" 1. Wittgenstein, Investigations philosophiques.

    L'homme (...) est le plus mimeur (mimetikotaton) de tousles animaux et c'est en mimant (dia mimeseos) qu'il acquiertses premires connaissances.

    Aristote, Potique.

    pe toutes les opp2iti91l~1l! ..9iy.i-!l:L.~E!.icielletp;;;.c""""",co-o~c--""'",""'~~_c~""-'-'_>-~N_~~=",,,",,,",OH_,~~._,._-__ _.. --,_"._./.. ~... " ' ....,.- ---- -. ..-.-.,.._....'_ ..0..., .. _,,

    43

  • LE SENS PRATIQUE

    de familiaritav:pc l'e . r '1'o ~.,~_~_~c~", ''''~ .:~Jlv:.u:olll:lem~Pt 1l:l1l11.1r? et de portera1~Sl au ,Jour la. verIte de cette exprience qui, pour si illu-SOIre qu e1~e pUIsse paratre d'un point de vue objectif reste parfaItement ~ertaine en tant qu'exprience 1. Mais ilne peut aller au-dla d'd " d . _ .._...,.....'-' . . "'; ",.' .une',escnptlon. e ce qUI caractris.een propre 1expenence vecue d T~r' ,ffie"rappr~efiswh ae~~~nd"c~m~~~~vfa~;i,' ~o~~~allant de SOI (ta~en for granted) : s'il en est ainsi, c'estJlli'ilexc~.:; Ia9~es.!Io~ ,descO!lditiQ!l~depossibilitde cette'~;El:~~:L.asaYQ.!~Ja concidence, des' structures objectives,et ues structures lncornores q . . 1"11' d 1-7'-;'-~;~-':.r ' .. Ul procure 1' USlOn e a~~R:e~~?slO~~rr:~~diat~,.,:~r.~.~~~'fi~tique de l'expriencePI~t19.t!.e,~t ufll\,ers[mlh~r, et. exclut du mme coup dec~tte expenen~e. ~o:lte !nterrogatlOn sur ses propres condi-tlOns de posslbl~1te. C est aussi, plus profondment, que,c0J:!1m~)l:l SO,l1l1,~l~sal1~.. pratique 911'i1 prend, pour objet il

    .exclut .t:0~ ~tF~fl!~r~0~atl0n "sur J~sproprs-cnari[ons soci~lsa,e poss~btI1te .et p1uSl?fdsmentsur la signification sociale del.epoche pratIque qUI est ncessaire pour accder l'inten-tIon de comprendre la comprhension premire ou si l'onveut, sur le, rapport s~ial :o~t fait paradoxal que 'supposele r~to~r r.e~exlf su~ 1expenence doxique.

    ~oble.~tly~smeqU1 secicmnepour projet d'tablir des rgu-~l!n.t

  • LE SENS PRATIQUE

    omet d'objectiver la relation objectivante, c'est--dire larupture pistmologique qui est aussi une rupture sociale.~t, cill fai.~ql1:.U;!g~Q!"~J.~!"~laJi().!u~m1:eJ~ !.!ns vcu gU:~KPE:~~.EbeIt()~~neI9g!~g,)fiaJ.~ t.le Sglll.Ji~tjfq1.le coris~trUlt lap:QysIC}ue socIale. (Ju 1~ srniol()~ie obiectivisteil~t~rdit~''7ui~1lsfJ~ ~onaitIoris~~a~Ja. production .et'q)ifnction:nemei~lJ~~LJe!L~o~Q..ui p~~-\iiYJ;~ .',~k.~s2lIe.sens ()bjectlve dans les.InstitutiQ!ls.~~yt dOlJE::d~.w~~eLt~!ntil).~l11i

  • LE SENS PRATIQUE

    cette fabulation de concepts anciens et dangereux qui a fixun "sujet de connaissance, sujet pur, sans volont sans dou-leur, libr du temps", gardons-nous des tentacules 'de notionscontradictoires telles que "raison pure", "esprit absolu","connaissance en soi" : - ici l'on demande de penser unil qui ~e peut pas du' tout tre imagin, un il dont, tout p~IX, le regard ne doit pas avoir de direction, dontles fonctions actives et interprtatives seraient lies, seraientabsentes, ces fonctions seules qui donnent son objet l'action de voir, on demande donc quelque chose d'insenset d'absurde. Il n'existe qu'une vision perspective, une"connaissance" perspective; et plus 'notre tat affectif entreen jeu vis--vis d'une chose, plus nous avons d'yeux, d'yeuxdiffrents pour cette chose, et plus complte sera notre"notion" de cette chose, notre "objectivit" 5. Le .9ifficil~~sJsans dou~equ'ol1nepeut sortir dll judesprfren~si~y~s~~~.J'9.tIrproduire une yritable description de l logi-que :[e:Ja pratique Sans mettre en jeu la situation thorique,cg!ll~illPl~tive, sc()Iaire, .partir (le Ig9tllle.se tiennetlttous1..diQurs,yc()mpds]s 'plus' acharns valoriser la pra-tiqJJ~..

    Mai~.Jepltl.s J:90utabJ .Qhgal~J!! .coostrucUon.. d 'une~~ce.~C!qtlate5! I~.pra!iqtle rsige sans. dom_dans.le fait'1l:L~ 1;.s~Ig~tIt~~qlliIi l~ss~va~Es.:A ~t:u~.sc;ir;e Tr auptlvI1ege SOCIal qUI la rend pOSSIble et qu elle justifie ou pro-cure) ~!~9isE9se .~ .. 1?rQf~ser la..s1Jl'~.r!()rit.de 1ellr savoir,souvent conquis, au prix d'immenses efforts, contre le senscommun, voire trouver dans cette supriorit une justifica-tion de leur privilge, B!ut9.L9u' produire une contlaissancescientifique du m

  • LE SENS PRATIQUE

    sociales de possibilit de la connaissance savante (et toutspcialement des thories de la pratique qu'elle engage impli-citement) qui est insparablement une analyse de la logiquespcifique de la connaissance pratique.

    50

    l'objectivation

    Il n'est sans doute pas de moyen plus appropri de saisirles prsupposs pistmologiques et sociologiques de l'objec-tivisme que de revenir aux oprations inaugurales par les-quelles Saussure a construit l'objet propre de la linguistique:ignores et occultes par tous les emprunts mcaniques ladiscipline alors dominante et par toutes les traductions litt-rales d'un lexique autonomis sur lesquels se sont htivementfondes les nouvelles sciences dites structurales, ces opra-tions sont devenues l'inconscient pistmologique du struc-turalisme 1.

    Poser, comme le fait Saussure, que le mdium vritablede la communication n'est pas la parole comme donne imm-diate considre dans sa matrialit observable mais la ianguecomme systme de relations objectives qui rend .possibles et

    . la production du discours et son dchiffrement, c'est opr~run renversement complet des apparences en subordonnant un pur constructum, dont il n'est pas d'exprience sensible,la matire mme de la communication, ce qui se donne commele plus visible et le plus rel 2. Conscient de la rupture para-

    1. Il est 5ignificatif par exemple que, si l'on excepte Sapir, prdispospar sa double formation de linguiste et d'ethnologue poser le problmedes rapports entre la culture et la langue, auCun anthropologue n'ait essayde Jager toutes les lpplications de Xh9Jng!ogie (que Leslie White est peu prs le seul fOrmuler exphcitement) entre leL01>J2.l~ltiQl1qlJL..9!1t.TI! fu.~enL.5l~.J:l!mh!()J20Iggit; .l.lltJll:~lle (ou structurale) ~!_deJa ...,Jn~istig~e.~fe dlaJanggeet de la parpleet celle de la cultureetdf-Ta condUIte. .

    ~.2. pn ~.utte.l1dre . l.a t.e.lation.. entre la cu.... l..t ure et.......la c.on duit..e tout c.. e..oue aussure"'lrrf oe~~tell!ttQil~hehtre J l.Vgue et la 'pa!p1,eq}Ji~l1estl,!D.e4iroen.~.~5W : aeffiine que Saussure pose que le mdium de la commu-nication n'est pas le discours mais la langue, de mme l'anthropologieculturelle (ou l'iconologie, au sens de Panofsky) pose que l'interprtationscientifique traite les proprits sensibles de la pratique ou des uvrescomme des &Ignes ou des symptmes culturels qui ne livrent complte-ment leur sens qu' une lecture arme d'un chiffre culturel transcendant ses actualisations (entendant ainsi que le Sens objectif de l'uvre oude la pratique est irrductible la volont et la conscience de son auteuraussi bien qu'aux expriences vcues de l'observateur).

    51

  • LE SENS PRATIQUE

    doxale avec l'exprience doxique qu'implique la thse fonda-mentale du primat de la langue (en faveur de laquelle il invo-que cependant l'existence des langues mortes et le mutismetardif qui atteste que l'on peut perdre la parole tout enconservant la langue ou encore la faute de langue qui dsignela langue comme norme obj'ective de la parole), Saussureremarque bien que tout incline croire que la parole est lacondition de la langue : en effet, outre que la langue nepeut tre apprhende en dehors de la parole, l'apprentissagede la langue se fait par la parole et la parole est l'originedes innovations et des transformations de la langue. Mais ilobserve aussitt que les deux processus invoqus n'ont depriorit que chronologique et ,que la relation s'inverse dsque l'on quitte le terrain de l'histoire individuelle ou collec-tive pour s'interroger sur les conditions logiques du dchif-frement : de ce point de vue, la langue, en tant que mdiumqui assure l'identit des associations de sons et de sens oprspar les interlocuteurs et, par l, la comprhension mutuelle,est premire, en tant que condition de l'intelligibilit de laparole 3. Saussllre qui professe ailleurs que le point de vuecre l'objT' , dsigne ici trs clairement le point de vueauquel il faut se situer pour produire l'objet propre de lanouvelle science structurale: on ne peut fairege la parole le,2~odtlli geJ~IaD,g:t:t!:,921e siet seulement sCon se situe dans~~!l!:!e de l'int~lligtbim.

    Il vaudrait sans ai:ite la peine d'essayer d'noncer com-pltement l'ensemble des postulats thoriques qui se trouventimpliqus dans le fait d'adopter ce point de vue, comme leprimat de la logique et de la structure, synchroniquementapprhende, sur l'histoire individuelle ou collective (c'est--dire l'apprentissage de la langue et, pour parler comme Marx, le mouvement historique qui lui a donn naissance ), oule privilge accord aux relations internes et spcifiques, justi-ciables d'une analyse tautgorique (selon le mot deSchelling) ou structurale, par rapport aux dterminationsexternes, conomiques et sociales. Mais, outre que cela a tsouvent fait, au moins partiellement, il parat plus importantde porter l'attention sur le point de vue lui-mme, sur le

    3. F. de Saussure, Cours de linguistique gnrale, Paris, Payot, 1960,p. 3738.

    52

    OBJECTIVER L'OBJECTIVATlON

    rapport l'objet qui s'y affirme et tout ce qui en dcoule, commencer par une thorie dtermine de la pratique. Cequi suppose qu'on abandonne un moment, pour tenter del'objectiver, la place d'avance assigne et reconnue de l'obser-vateur objectif et objectivant qui, tel un metteur en scnejouant sa guise des possibilits offertes par les instrumentsd'objectivation pour rapprocher ou loigner, grandir ourduire, impose son objet ses propres normes de construc-tion, dans une sorte de rve de puissance.

    Se situer. dans l'ordre de l'intelligibiUt comme le faitSatSSiIr-' est adoJ2t~JeJ?oint de VUe du spectateur i1Ilpa~~tiar;>'q~I; aab~tc017ZP!P1dre .PQur cornpre11dre,est port mettre cette intg,!1liO,!1hel'llli.1JeJ1tZque .1HL2!:m

  • LE SENS PRATIQUE

    dans la situation scolaire qui, au travers du rapport au langagequ'elle favorise et de la neutralisation des fonctions inscritesdans l'usage ordinaire du langage qu'elle opre, commandede mainte faon le traitement savant de la langue. Que l'onsonge seulement ces inimitables exemples qu'engendre l'ima-gination grammairienne, rois de France chauves ou Wittgen-steins faisant la vaisselle, et qui, la faon des paradoxeschers tous les formalismes, ne doivent de pouvoir dployertoutes leurs ambiguts et leurs nigmes qu' la mise entreparenthses de toute situation pratique qu'assure l'epochscolaire. Le discours scolaire a pour condition de satisfac-tion l'institution scolaire, et toat ce qu'elle implique,comme la disposition des locuteurs et des rcepteurs accep-ter, sinon croire ce qui est dit. Cela n'a pas chapp Valry : Quia nominor Leo ne signifie point : Car Lon jeme nomme, mais bien: Je suis un exemple de grammaire 4. La chane des commentaires dclenchs par les analyses aus-tiniennes des actes illocutionnaires n'a aucune raison des'interrompre aussi longtemps que l'ignorance des conditionsde production et d: circulation du commentaire autorise etincline chercher dans le seul discours comment des condi-tions de satisfaction qui, indissociables, thoriquement etpratiquement, des conditions institutionnelles du fonctionne-ment du discours, ont t renvoyes, ds l'origine, dansl'ordre de la linguistique externe, c'est"-dire abandonnes la sociologie.

    Instrument d'intellection et objet d'analyse, la langue saus-surienne est bien la langue morte, crite et trangre dontparle Bakhtine, le systme autosuffisant qui, arrach l'usagerel et totalement dpoull de ses fonctions, appelle unecomprhension purement passive (avec pour limite la sman-tique pure la manire de Fodor et Katz). L'illusion de l'auto-nomie de l'ordre proprement linguistique qui s'affirme dansle privilge accord la logique interne de la langue audtriment des conditions sociales de son utilisation oppor-tune 5 ouvre la carrire toutes les recherches ultrieures qui

    4. P. Valry, Tel Quel , in uvres, II, Paris, Gallimard (La Pliade),p.696.

    5. Ce n'est pas par hasard que les Sophistes (on pense en particulier Protagoras et au Gorgias de Platon) qui, la diffrence des purs grammai-riens, visaient s'assurer et transmettre la matrise pratique d'un langage

    54

    OBJECTIVER LJOB]ECTIVATION

    feront comme si la .. fl1~itrise ... dl1 .c

  • LE SENS PRATIQUE

    parole , ce qu'il nomme le ct excutif , c'est--direla parole en tant qu'objet construit, dfini par opposition la langue comme l'actualisation d'un certain sens dansune combinaison particulire de sons, qu'il limine aussien invoquant que l'excution n'est jamais faite par lamasse , mais toujours individuelle , Le mot d'excu-tion, qui se dit propos d'un ordre ou d'une partition etplus gnralement d'un programme ou d'un projet artis-tique, condense toute la phlosophie de la pratique et del'histoire de la smiologie, forme paradigmatique de l'objec-tivisme qui, privlgiant le constructum par rapport lamatrialit de la ralisation pratique, rduit une actualisa-tion d'une sorte d'essence anhistorique, c'est--dire rien,la pratique individuelle, le' faire, la facture, et tout ce quise dtermine dans le moment pratique, par rfrence desfins pratiques, c'est--dire le style, la manire et, la limite,les agents 6,

    Mais c'est sans doute l'ethnologie qui, tant prdispose parl'identit de point de vue sur l'objet aux emprunts incon-trls de concepts, prsente sous une forme grossie toutes lesimplications des ptitions de principe de l'objectivisme.:h~El~..s.B~Jly remarquait que les recherches linguistiquess'orientent dans des directions diffrentes selon qu'elles por-tent sur la langue maternelle ou sur une langue trangre;et il ~~l~t en particlllier sur la tendance .1'inte,flgtttqtisme ..qu:iml!l:weJ~I~iL.9r~l.~~1i~:n.~~~ l~}~ngue dLi'point de vuedu sUJet. entendant .plutotqll ~ll.J?girjtdVlle du sujetparla1t:7~ c'st--dire comme. instrument de dchiffrement~.>,.~" .~h ~~'~'-"-~"'~~"~'"''''d-'~'-~''''' .... . . '--.

    .lllill9J....CJ..lle. comh1e~oyer:.'.~_~i()p ...id'expression : L'entendeur esCdcof' de la langue, c'est avec la languequ'il interprte la parole 7, La relation pratique que l'ethno-

    6. On comprend mieux les implications sociales du langage de l'excu-tion si l'on sait que le dbat sur le primat de la signification ou del'excution, de l'ide ou de la matire et de la manire (la facture ou,comme disait Caravage, la manifattura) est au centre de l'histoire de l'artet de l' mancipation de l'artiste et aussi au centre des dbatsmthodologiques entre les histoirens de l'art (cf. R. W. Lee, Ut PicturaPosis, New York, 1967; F. Bologna, Dalle arti minori all'industrialdesign, Storia di una ideologia, Bari, Laterza, 1972; et l metodi distudio dell'arte italiana e il problema metodologico oggi , in Stori..dell'arte italiana, I, Rome, Einaudi, 1979, p. 165-273).

    7. Ch. Bally, Le langage et la vie, Genve, Droz, 1965, p. 58, 72,102.

    56

    OBJECTIVER L)OBJECTIVATION

    entretient avec son objet, celle de l'tranger, exclu durel des pratiques sociales par le fait qu'il n'a pas sa

    place - sauf par choix et comme par jeu - dans Fe~paceobserv et qu'il n'a pas s'y faire une place, es;, la hmlte, etla vrit de la relation que l'observateur, qu tl le veUllleou non, qu'HIe sache ou non, entretie~t av~c son obj~t : lestatut de spectateur qui se retire de la Sltuatlon pour lobser-ver implique une r,uptu,re pis~mol~gique, m~is ~u.ss,i s~ial~,qui ne gouverne Jarnals aUSSI subtilement 1actlvlte SCIentI-fique que lorsqu'elle cesse de s'apparatr~ com~e telle,conduisant une thorie irnplicite de la pratique qUl est cor-rlative de l'oubli des conditions sociales de possibilit del'activit scientifique. La situation de l'ethnologue r~ppelle lavrit de la relation que tout observateur entretient avecl'action qu'il nonce et analyse: savoir la ~ptur,e indpas-sable avec l'action et le rnonde, avec les fins Imffilnentes del'action collective, avec l'vidence du monde farnilier, quesuppose l'intention mme de dire la pratique et surtout, de lacomprendre et de la faire comprendre autrement qu en laproduisant et en la reproduisant pr~tiquemen.t. Il n'y a pas,si l'on sait ce que parler ve~t dlr;, de dIs