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le délit Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill delitfrancais.com le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 22 novembre 2011 | Volume 101 Numéro 11 Remplit les trous depuis 1977 Le lys autour du monde (8-9)

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le délitPublié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.comle seul journal francophone de l’Université McGill

Le mardi 22 novembre 2011 | Volume 101 Numéro 11 Remplit les trous depuis 1977

Le lys autour du monde

(8-9)

Page 2: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected]

Anabel Cossette CivitellaActualité[email protected] de section Emma Ailinn HautecœurSecrétaire de rédaction Florent Conti Rédacteur [email protected] Anthony LecossoisArts&[email protected] de section

Raphaël D. FerlandSecrétaire de rédaction

Alexis ChembletteSociété[email protected]

Francis L.-RacineCoordonnateur de la production [email protected]

Xavier PlamondonCoordonnateur [email protected]

Nicolas [email protected]

Samuel SigereCoordonnateur de la [email protected]

Anselme Le TexierCoordonnateur [email protected]

Nicolas [email protected]

Mathieu MénardCollaborationSabrina Ait-Akil, Emilie Blanchard, Audrey Champagne, Bernard D’Arche, Julie d’Auteuil, Alexie Labelle, Annie Lagueux, Vincent Laliberté, John Lévesque, Annie Li, Élise Maciol, Luba Marvoskaia, Raphaëlle Ochietti, Thomas Simmoneau, Miruna Tarcau, Louis-Philippe Tessier, Mai Anh Tran-Ho. CouvertureImage: Nicolas Quiazua Montage: Xavier Plamondon

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et Gérance Boris Shedov

Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert

The McGill [email protected]

Joan MosesConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Anabel Cossette Civitella, Marie Catherine Ducharme, Alyssa Favreau, Joseph Henry, Tyler Lawson, Joan Moses, Mai Anh Tran-Ho, Aaron Vansintjan, Debbie Wang

le seul journal francophone de l’université McGill

le délit

Le Nouvel EmpireAnabel Cossette CivitellaLe Délit

2 Éditorial xle délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

É[email protected]

Volume 101 Numéro 11

Le sujet de la concentration de l’infor-mation est venu brasser des affaires du côté de la Fédération étudiante

collégiale du Québec (FECQ), la semaine passée.

Suite à la consultation publique sur l’avenir de l’information, la FECQ présen-tait ses recommandations, notamment de créer un statut de journaliste professionnel. «Ce statut serait accompagné d’un code de déontologie contraignant. Les étudiants recommandent que ce statut de journaliste soit géré par les journalistes eux-mêmes via la Fédération professionnelle des journalis-tes du Québec (FPJQ)» dit le rapport.

Il faut savoir que dans le cas présent la FECQ propose le statut de journaliste pro-fessionnel dans le but d’assurer le respect du devoir journalistique tout en contre-carrant la concentration de l’information, chose qui n’est aucunement régulée en ce moment.

L’ordre professionnel pour les journa-listes est quelque chose de débattu depuis longtemps, notamment parce que les jour-nalistes eux-mêmes refusent de se délester de la moindre parcelle d’indépendance. Un des arguments avancés au sein du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec est qu’un Ordre serait nécessairement sous la tutelle de l’État: «la méfiance contre toute interven-tion de l’État dans le domaine du journa-lisme et de l’information a toujours prévalu et clos le débat».

Cette peur de l’ingérence de l’État est typiquement néolibérale: on craint que le gouvernement interfère dans la propriété individuelle ou, dans ce cas-ci, dans le droit à la libre expression.

À l’opposé, ce qui est à craindre est un État totalement déconnecté de l’informa-tion et qui laisse le soin aux compagnies privées de s’occuper des médias. Et c’est le cas qui nous préoccupe.

L’empire Quebecor est évidemment l’exemple le plus frappant. Si vous êtes un fervent lecteur du Journal de Montréal, vous savez à quoi vous en tenir: Julie Snyder a de bonnes chances de se retrouver en couver-ture ou en page centrale, et ses intérêts ris-quent de devenir les vôtres du même coup.

Pourtant, si vous feuilletez le maga-zine Cool ou Décoration chez soi, si vous lisez des romans édités par Libre Expression ou CEC, ou si vous achetez chez Archambault, vous encouragez aussi la famille Péladeau. Peut-être à vos dépens, puisque le lien n’est pas si évident, mais vous encouragez aussi la concentration de l’information.

En fait, ce qu’il faut éviter, ce sont les extrêmes. Un gouvernement en contrôle des médias, comme c’est le cas dans les ré-gimes totalitaires, n’est certainement pas à souhaiter. Pourtant, lorsque l’État est com-plètement à l’écart des médias et laisse les journaux se privatiser à outrance, ce sont les Quebecor de ce monde qui prennent le contrôle et mettent les politiciens dans leur poche, éclipsant du même coup tout accès objectif à l’information.

Là où l’État s’ingèreLe Printemps arabe n’est pas terminé.

Les affrontements meurtriers dans la capi-tale égyptienne continuent alors que le gouvernement militaire de transition sou-lève la hargne. Durant la fin de semaine, trente morts, sinon plus, et environ 1750 blessés, selon la BBC.

Les protestataires refusent le gouver-nement militaire qui abuse de sa force se-lon le Secrétaire général de la Ligue arabe

qui est aussi candidat à l’élection présiden-tielle en Égypte: «La manière dont la police réagit aux protestataires… nous sommes tous contre cette forme de violence et ce traitement du peuple.»

Maintenant que les élections seront peut-être repoussées à la fin de 2012 ou début 2013, la population est d’autant plus en colère.

Au printemps 2011, les nouvelles technologies avaient été en vedette lors de la révolution en domino du côté des pays arabes. On parlait d’Internet et des télé-phones mobiles comme la voix du peuple, puisqu’ils avaient permis la libre expression dans des pays autoritaires.

De ce côté-ci du globe, on parle sou-vent des nouvelles technologies comme étant ce qui fera disparaître le papier: les blogues, les sites web, Twitter, Facebook, les e-journaux, les e-livres, les e-publicités, etc., tous y passent et sont démonisés par les fervents amateurs de ce qui est imprimé.

Pourtant, à mon sens, la concentration de l’information semble un enjeu bien plus important que les «nouveaux médias» et la «disparition des journaux papiers».

Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter offrent-ils une plate-forme qui permettrait l’accès et la diffusion d’une information moins biaisée? Les nouveaux médias sont-ils hors d’atteinte de l’em-pire de l’information qui régit nos vies et influence notre pensée au quotidien, de manière détournée?

Le Délit de cette semaine est le dernier numéro régulier qui paraît avant la fin de la session d’automne. Lundi prochain, The McGill Daily et Le Délit s’allieront dans un numéro spécial «À boire!». Par contre, dès janvier nous travaillerons sur un dossier tâ-chant de faire une mise au point sur l’arna-que tentaculaire de Quebecor. x

ERRATUMDans le numéro du 15 novembre, dans l’article «Chroniques de

grève» à la page 4, il est écrit que «le soutien financier demandé pour le matériel promotionnel de grève et de manifestation faite au VP finances de l’AÉFA n’a pas été accordé.» Ceci est une erreur, le MobSquad n’a jamais demandé de soutien financier à l’AÉFA.

Page 3: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

»

Le 30 novembre 2011Hôtel Delta (avenue Président-Kennedy)18 h 30 à 20 h 30

Veuillez con�rmer votre présence :www.decouvrezuOttawa.ca/montreal

Université d’Ottawa

SOIRÉE uOTTAWAà Montréal

Études supérieures

Les occupants publient leurs vidéosLa qualité n’est pas claire, mais la scène est violente.

CAMPUS

Anthony LecossoisLe Délit

Les 14 occupants du 5e éta-ge ont décidé de donner à la presse deux des vidéos

qu’ils ont prises durant l’occupa-tion du bureau de la principale. La qualité est exécrable et il est difficile de distinguer les person-nes, certains éléments ressortent cependant.

La scène commence dans le bureau de la principale. Une employée de la sécurité s’adresse à la personne tenant la caméra: «You need to leave. You need to leave because I’m gonna be calling the police.» L’occupant répond «OK, call the police but please do it peace…» Il n’a pas le temps de terminer sa phrase. Un autre agent arrive de der-rière la première employée et la caméra commence à trembler violemment. Quelqu’un s’écrie «Guys!». L’occupant se retrouve en une fraction de seconde à genoux, à l’extérieur du bureau. «Get up!», l’étudiant répond «I have osteoporosis», une autre per-sonne, qui semble être celle qui est à terre s’écrie «He has osteo-porosis, don’t fucking touch him.» Puis on entend avec insistence: «Walk with me, walk with me!»

Une analyse image par image montre une personne habillée en bleu traînant au sol

une autre personne. Les occu-pants expliquent: «Il s’agit des manteaux bleus de la sécurité. Un employé est en train de traî-ner l’un d’entre nous au sol.»

Une autre vidéo montre Susan Aberman, chef de cabinet de Heather Munroe-Blum en pourparlers avec les occupants. Elle interroge: «You think occu-pying is going to do something?» Elle propose aux occupants de s’asseoir et de discuter. Dans leur lettre au Délit, les occu-pants contestaient le fait que les employées présentes étaient effrayées. En réponse, huit em-ployées de l’administration ont écrit une lettre intitulée «McGill c’est nous aussi» (voir page 4).

En réaction à la publication des vidéos, Susan Aberman ex-plique: «Il y a eu des cris avant [le moment que l’on voit sur la vidéo]. Mon but était à ce mo-ment-là d’essayer de désamor-cer la situation et d’initier un

dialogue pour mettre fin à cette occupation. La personne avec qui je parlais portait un bonnet et un bandana masquant son visage. Je paraissais peut-être

calme mais j’étais vraiment in-quiète.»

Vous pouvez consulter les vidéos sur notre site delitfrancais.com x

Susan Aberman et Olivier Marcil, vice-principal affaire extérieures.

Photo: extrait vidéo des 14 occupants

Actualité[email protected]

Capture d’écean de la vidéo des 14 occupants

Page 4: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

McGill, c’est nous aussiLettre de membres du personnel des bureaux de la principale et du vice-principal exécutif

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4 Actualités x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Nous sommes sept em-ployées et nous étions au 5e étage du Pavillon

de l’administration James le jeu-di 10 novembre, lorsque quator-ze manifestants sont entrés de force et ont occupé notre espace de travail.

Nous souhaitons ajouter notre voix et rendre notre expé-rience publique afin de brosser un portrait plus complet des événements qui se sont produits lors de cette journée.

Nous tenons également à ce que l’on sache que nous som-mes en désaccord avec la ver-sion des faits présentés dans la lettre –signée par les quatorze individus qui ont occupé notre bureau– publiée dans l’édition du 13 novembre du McGill Daily.

Cette manifestation n’était pas pacifique; ce que nous avons subi était de l’intimidation, et une violation et une restriction de notre liberté.

Sur la bannière qu’ont sus-pendue les manifestants à partir d’une fenêtre de nos bureaux, on pouvait lire «Occupons McGill», le terme qu’ont utilisé les médias étudiants pour dé-crire les événements qui ont eu lieu. Nous jugeons inacceptable qu’une occupation agressive de notre espace de travail soit asso-ciée à un mouvement pacifique mondial.

Nous ne sommes pas des barons du pétrole, ni des ban-quiers de Wall Street. Nous fai-sons ce travail parce que nous croyons en McGill et que nous accordons une grande impor-tance à l’enseignement supé-rieur. Par notre travail, nous soutenons la communauté mc-gilloise –étudiants, professeurs,

administration– et nous en som-mes fiers.

Les personnes qui se sont introduites dans nos bureaux n’ont pas agi comme de vérita-bles mcgillois.

Ils n’étaient pas pacifiques. Ils ont bloqué l’accès à notre réception pour ensuite bouscu-ler une employée et forcer une porte verrouillée menant aux bureaux de la principale et du vice-principal exécutif.

Ils ont pris d’assaut notre espace de travail et ont tenté de se barricader derrière des meu-bles de bureau, à l’intérieur d’espaces où se trouvaient des documents confidentiels.

Ils ont refusé de s’identi-fier. Certains d’entre eux étaient cagoulés et avaient masqué leur visage d’un foulard.

On les a invités à discuter de leurs préoccupations ou à expli-quer les raisons pour lesquelles ils occupaient nos bureaux, ce qu’ils ont refusé de faire.

Ils ont de nouveau repous-sé une employée et sont entrés dans le bureau de la principale. Lorsque la sécurité est arrivée et leur a demandé de quitter les lieux, certains ont refusé.

Ils ont insulté les employés de la sécurité, et les ont traités de […] cochons.

En fin de journée le 10 novembre, dans un lieu que nous croyions sécuritaire, nous avons été menacés et intimidés. Lorsque le personnel de sécurité a tenté de nous accompagner à l’extérieur, de nombreux mani-festants ont entouré le pavillon et nous ont bloqué la voie.

De la fenêtre de notre bu-reau, nous avons été témoins de l’affrontement entre les mani-

festants et les policiers, et avons alors compris le sentiment que pouvaient ressentir bon nombre de passants et de manifestants véritablement pacifiques. La rage et le comportement irrationnel de quelques-uns ont entière-ment pris d’assaut une journée de manifestation soigneusement planifiée. La sécurité de ceux qui se trouvaient à l’intérieur et à l’extérieur du pavillon James a été compromise par les gestes de certains; on peut se demander si ces derniers ne sont pas le 1%.

L’espace qui a été occupé de force le 10 novembre est l’espa-ce où nous travaillons chaque jour. Et même si les manifes-tants n’ont pas tenu compte de nous, il n’en reste pas moins que McGill, c’est nous aussi.

Les quatorze individus qui ont fait irruption dans nos bureaux ont publié un compte-rendu de leurs soi-disant actes héroïques; un compte-rendu qu’ils n’ont pourtant pas signé.

McGill, c’est nous aussi, et en apposant notre nom au bas de cette lettre, nous espérons leur rappeler ce que cela veut dire.

Susan Aberman Liisa Stephenson

Caroline Baril Deidre McCabe Laura D’Angelo Katherine Wong Djénane Andre

La lettre des occupant était publiée dans l’édition du 15 novembre du Délit. Huit d’entre eux ont décidé de signer cette lettre qu’ils ont publiée sur Rabble.ca

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Page 5: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

UC Davis – McGill: en perspectiveLundi, une semaine jour pour jour après McGill, 3000 étudiants de l’Université de Californie à Davis (#UCDavis) ont tenu un événement similaire: une assemblée générale pour commémorer la violence policière sur leur campus. Depuis, les images ont fait le tour du monde: on y voit un officier de la police du campus aspergeant calmement de piment de Cayenne des étudiants assis en cercle. On apprenait lundi que Heather Munroe-Blum est membre du Board of Advisors de la chancelière de UC Davis. Les ressemblances entre les deux événements sont frappantes, analyser et comparer la réponse des deux administrations en est d’autant plus intéressant.

Dossier compilé par Anthony Lecossois pour Le Délit

CAMPUS

5Actualitésx le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

UC Davis McGill

Action étudiante

Motivation

Revendications

Violence de la part des étudiants

Motifs d’intervention de la police/sécurité

Professionnels accusés

d’usage abusif de la force

Faits reprochés aux professionnels

Arrestations

Soutien apporté aux étudiants après la manif

Documentation

Sanctions contre les professionnels à ce jour

Faits reconnus avant les conclusions de l’enquête

Responsables de l’enquête

Rallye de commémoration

Pétition exigeant la démission de la principale/chancelière

Taille de l’université

Quad, l’équivalent de notre lower field

Sit-in - Occupation du Quad

Protéger le campement de Occupy UC Davis

Gel des frais de scolarité, arrêt du pro-cessus de privatisation des universités publiques de Californie (UC system)

Aucune, 2 cas de «résistance active» selon l’administration

Interdiction de camper sur le campus pour des raisons sanitaires

University of California Campus Police

Utilisation de piment de Cayenne sur des manifestants pacifiques (assis en chaîne humaine)

10 (pour rassemblement illé-gal et refus de se disperser)

Les services d’urgence médi-cale du campus sur place dans l’heure soignent onze étudiantsDeux hospitalisés

Profuse: photos, vidéos qui ont fait le tour du monde. Visionnées par plus de deux millions d’internautes

Deux officiers du service de police ont d’abord été suspendus de leurs fonc-tions, puis la responsable du service

D’abord l’administration déclare l’utilisation de la force justifiéeSous la pression médiatique, reconnaît l’utilisation abusive du piment de Cayenne

Une task force comprenant membres de la direction, professeurs et étudiants

5000 personnes

75 000 signatures

31 400 étudiants

Place de la Communauté

Chaîne humaine et manifestation

Protéger les occupants du bureau de la principale

Protestation contre l’utilisation de la force par la sécurité de McGill contre les occupants

Jets de pancartes sur la police en réponse à leur intervention

Appelée par sécurité Puis, après début de l’intervention: jets de pancartes

SPVM: brigade de quartier puis escouade anti-émeute

Utilisation excessive et injustifiée de vélos, matraques, gaz lacry-mogènes, piment de Cayenne sur les manifestants, pacifiques ou non

2 étudiants: (voie de fait sur agent et obstruction au travail de la police)

Aucun venant des ser-vices de l’université L’AÉUM et le GRIP-McGill ont pal-lié au manque d’assistance

Nombreuses vidéos diffusées sur YouTube mais de mau-vaise qualité (de nuit)

Aucune à ce jour

Aucun par le SPVM L’administration a reconnu que la sécurité a appelé la Police

5e étage du bâtiment James, bureau de la principale

Occupation

Occuper le lieu symbole de la prise de décision en l’absence des étudiants

Prolongement de la manifesta-tion contre la hausse des frais

Violence verbale, bousculade

Élèves à l’apparence et au comporte-ment menaçants selon l’administration Présence de documents confidentiels

Sécurité de McGill et Olivier Marcil, VP relations externes

Sécurité: Jeter un étudiant à terre, le trainer au sol par la cheville, coups de genouxOlivier Marcil: avoir arraché le bandana qu’un étudiant utili-sait pour se couvrir le visage

Non (cela faisait partie de l’accord passé entre la direc-tion et les occupants)

Aucun, l’accord passé avec les occu-pants comprenait leur engagement à quitter le campus sur le champ

Deux vidéos ont été diffusées à la presse par les manifestants La direction aurait filmé des vidéos qui n’ont pas été rendues publiques

Aucune, Jim Nicell, VP services universitaires, refuse de com-menter tant que l’enquête du doyen Jutras n’est pas terminée.

Aucun. HMB: «Je n’ai aucune preuve et donc aucune raison de lancer de procédure disciplinaire.»

Doyen de la Faculté de Droit, Daniel Jutras

1000 personnes

350 signatures

37 800 étudiants

Page 6: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

Carottes, pommes et poulets dans un 3½Projet Montréal est en avant-plan en termes d’agriculture urbaine.

URBANISME

Un coup d’œil rapide sur leur programme élec-toral suffit pour com-

prendre que la métropole serait bien différente sous la direc-tion de Richard Bergeron, chef du parti. Le 15 novembre, c’est une victoire que célébrait Projet Montréal ainsi que ses énergi-ques collaborateurs: une consul-tation publique sur l’agriculture urbaine sera lancée d’ici un ou deux mois. Si la motion que pré-sentera la deuxième opposition le 21 novembre est acceptée, l’Office de consultation publi-

que de Montréal se chargera de l’affaire, ce qui permettrait entre autres de rejoindre un plus grand nombre de citoyens et de s’assurer de l’objectivité des commissaires lors de leur exa-men de l’état de ladite agricul-ture de ville.

Bien que beaucoup s’in-quiètent du fait d’avoir de la volaille en ville, par peur de propagation de maladies par exemple, l’agriculture urbaine offre bien plus que des cocori-cos assourdissants. C’est en fait une opportunité pour diminuer la charge de travail et le stress des agriculteurs en périphérie de la métropole. C’est aussi une façon de regrouper les gens d’un

quartier dans des aires commu-nes, ou de promouvoir le par-tage de ressources alimentaires, et ce, tout en (re)créant des liens humains entre les résidents. L’agriculture urbaine c’est aussi reconnaître la participation et l’initiative citoyenne, l’ingénio-sité, et surtout, la présence de citoyens, et non de simples indi-vidus. Enfin, l’agriculture urbai-ne peut ré-ouvrir l’espace public où les idéaux se rencontrent et s’affrontent entre habitants de différents horizons.

Un exemple serait le pro-jet de ruelles vertes du quar-tier Parc-Extension. Ismael Hautecoeur, architecte paysa-giste et consultant en agriculture urbaine, explore le côté multidi-mensionnel de ce type d’agri-culture. D’après lui, les ruelles vertes ont une portée «multicul-turelle, multisensorielle, et sur-tout intergénérationnelle». Une consultation publique sur le su-jet permettrait donc de convain-cre plus de citoyens des bienfaits de cette initiative et leur donne-rait la chance d’exprimer leurs inquiétudes.

En d’autres termes, une consultation leur donnerait une voix dans l’élaboration de re-commandations qui affecteront très certainement leur niveau de vie.

Le fait que Projet Montréal s’implique dans la création de ce comité de consultation démontre un réel leadership et une respon-sabilité sociale et environnemen-tale. Catherine Maurice, attachée de presse de la deuxième opposi-tion, explique que «les militants et les élus du parti vont participer à des séances de travail et déci-der démocratiquement des ini-tiatives qui seront avancées. De plus, une consultation publique

est en bonne partie consacrée aux aspects techniques, comme l’encadrement des projets, le rôle des arrondissements versus la ville-centre, etc., et cela devra aussi être débattu».

Montréal a bien avancé au fil des années pour ce qui est des jardins collectifs. De leur côté, les citoyens ont pris les initiati-ves nécessaires pour verdir leur balcon et leur cour arrière. Le succès d’une consultation publi-que serait de reconnaître tous ces efforts et d’accentuer le dévelop-pement agricole en ville. Par son soutien, Projet Montréal démon-tre que cette entreprise est réa-lisable dans un futur proche. x

Louis-Philippe Tessier et Annie LiLe Délit

DichoTomisons. Pour ou contre la hausse des frais de scolarité? Pour ou contre la souveraineté? Il semble que ces temps-ci chacun s’efforce de tirer vers les extrêmes, omet-tant toute forme de zone grise où nuance rime avec manque de crédibilité. Pendant que François

Legault tente de s’éloigner de cette division politique désuète, le premier ministre Charest fait tout pour le ramener au centre de ce débat.

Le Québec a besoin de changement, certes. Et ce der-nier réside possiblement dans le réalignement des partis politi-ques. Ceci dit, il est grand temps de prendre conscience qu’un changement politique québécois nécessite que de nouveaux partis se prêtent au jeu politique habi-tuel tout en osant prêcher une nouvelle formule.

Si vous n’avez pas lu mes chroniques précédentes, je suis une partisane de la non-parti-sannerie traditionnelle québé-coise qui oblige tout bon citoyen à voter selon sa vision concer-nant la souveraineté du Québec. Une vision dichotomique, rien

de plus. Or, j’avais soulevé qu’il serait rafraîchissant de voir un parti niant cette réalité politique, afin que nous nous concentrions sur les vrais enjeux de société, tels l’éducation, l’économie, la santé, la culture et l’environne-ment.

Comprenez-moi bien; loin de moi l’envie d’endosser à part entière les propositions de François Legault. Cependant, je crois dur comme fer que la ré-solution de celui-ci à demeurer neutre constitue un pas en avant pour le Québec.

Avec la récente présence de François Legault, je ne peux m’empêcher de clamer avec joie qu’enfin un parti comprend le vrai malaise politique qué-bécois, qu’enfin nous aurons droit à de vrais débats construc-tifs plutôt que régressifs!

Malheureusement, mon enthou-siasme se voit vite estompé suite aux déclarations de notre grand maître libéral: «On ne peut pas vouloir être premier ministre du Québec et ne pas être, ou fédéra-liste, ou souverainiste».

Entre vous et moi, il serait temps que monsieur Charest réagisse aux réactions du peuple. Avant, il doit comprendre ce que son peuple veut. Et ce que peu-ple veut n’est pas synonyme de ce que Jean Charest veut.

Avec la stagnation du mou-vement souverainiste au sein de la population, le premier minis-tre compte sans aucun doute s’appuyer sur le fédéralisme ambiant du Parti libéral afin de remporter les prochaines élec-tions. Pouvons-nous lui en vou-loir? Pas tellement, considérant la santé publique de son parti.

Ceci étant dit, puisqu’au Québec on ne peut s’empêcher de se rappeler notre devise, «Je me souviens» dictera probable-ment les résultats des prochai-nes élections.

Tout compte fait, malgré les efforts de François Legault pour modifier les règles du jeu, les élections prochaines reposeront sans doute sur cette dichotomie «passée-date», où nul autre que Jean Charest pourra en bénéfi-cier.

D’une part, on tente de progresser, de s’éloigner des pensées expirées; d’autre part, on nous ramène à cette réalité hautement dépassée. Entre deux fronts, le peuple québécois se voit bâillonné entre les vieilles guerres de politiciens, telles d’interminables parties de bras de fer. x

Entre deux frontsAlexie Labelle | Au-delà du présent

CHRONIQUE

Photo: Camille Chabrol

Photo: Louis-Philippe Tessier

6 Actualités x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

«L’agriculture offre bien plus que des coco-ricos assourdissants.»

Page 7: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

Le logo de LegaultLe 14 novembre, la Coalition Avenir Québec devenait un véritable parti politique et dévoilait son nouveau logo.

POLITIQUE PROVINCIALE

RAPPEL! LA FRAncE, comme une grande partie des pays développés, a la tête sous l’eau. Le pays est submergé par la crise. François Hollande, can-didat socialiste à l’élection pré-sidentielle ne semble pas saisir l’importance de cette situation. La semaine passée, il a signé un accord avec les Verts, principal

parti écologiste en France, pour réduire la part du nucléaire dans l’économie française et ce dans l’espoir d’unifier les Français. Est-ce vraiment la direction à prendre?

François Hollande s’est engagé auprès des électeurs des Verts à réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans la pro-duction d’électricité d’ici 2030 et d’arrêter vingt-quatre centrales sur les cinquante-huit en fonc-tionnement aujourd’hui d’ici 2025. Selon l’Institut Montaigne, le surcoût pour l’État s’approche-rait de 125 milliards d’euros. La cerise sur le gâteau? Suppression de 160 000 postes d’ici 2030.

Je ne sais pas si François Hollande est en train d’essayer de perfectionner un New Deal à la française, mais cela, me semble-t-il, risque d’accroître le chômage. Environ 10% de la population

active est déjà sans emploi. Bien entendu, la suppression de postes entraînera une restructuration de l’économie de l’Hexagone, et par conséquent une mise en péril des emplois à long terme. Le seul hic est que la France ne peut tout simplement pas se permettre de penser au long terme; car sa santé économique reste fragile.

Créer des emplois, oui. En supprimer, surtout pas. La crise des subprimes de 2008 et la crise de la dette ont affaibli la perfor-mance de la France, et sont tou-jours d’actualité. Il ne sert à rien de se tirer une balle dans le pied. Les Français doivent déjà vivre avec un taux de chômage mons-trueux, et une dette qui commen-ce à être difficile à évaluer; n’en rajoutez pas s’il vous plaît.

Il semblerait que François Hollande dévoile subtilement son idée directrice: améliorer

l’aspect «social» de la France. Quelle bonne idée cela aurait été quand la France se portait bien! Pour sortir de la crise, il est pourtant indispensable de sau-ver l’économie en premier lieu. Ensuite il sera possible de penser au «social».

Cela fait des années que le monde affronte une crise colos-sale. Cela fait des années que le monde la combat de la même fa-çon. Peut-être y a-t-il une leçon à en tirer. Pensez-vous qu’il soit normal que l’aéroport le moins apprécié au monde –Roissy-Charles-de-Gaule– soit le sep-tième aéroport le plus fréquenté du monde, accueillant plus de cinquante-huit millions de pas-sagers chaque année? Avec un service lamentable et une infras-tructure qui n’enchante pas, cet aéroport symbolise en quelque sorte la situation actuelle. La

France doit sortir de cette crise moderne. Moderne dans le sens qu’elle doit être plus créative.

Nicolas Sarkozy, à mon sens, manque de cet esprit créateur. Pour pouvoir aller plus loin dans ses réformes, dans son travail, il doit innover. En étant construc-teur d’une France plus ouverte au changement il permettrait à la cinquième puissance économi-que mondiale de se renforcer et de maintenir cette position face aux nouvelles puissance, comme le Brésil, la Russie, l’Inde ou la Chine. Le statu quo n’a jamais permis un développement dura-ble. C’est le chemin le plus direct pour aller au gouffre.

Ce qui manque à la France c’est un esprit visionnaire. Malheureusement, aucun candi-dat ne semble avoir une image de la France dans cinquante ans. Et cela est le véritable problème. x

Un peu de bon sensBernard D’Arche | Politique française

CHRONIQUE

7Actualitésx le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Sur les médias sociaux, nombreux sont ceux qui n’ont pas mâché leurs mots

à l’endroit du nouveau logo de la Coalition Avenir Québec, bien différent des lettres calligraphiées qui avaient parcouru le Québec au cours des derniers mois.

Certains ont signalé sa forte ressemblance à celui du Parti Québécois puisqu’il reprend la forme d’un Q. De plus, parce que François Legault est un an-cien ténor du PQ, la symbolique derrière cette similitude pourrait avoir des répercussions sur sa propre crédibilité et sa volonté de changement auprès de l’électorat.

En plus de noter cette res-semblance, d’autres ont remar-qué son look inusité. Infoman a qualifié le logo de «toucan de Froot Loops qui rencontre un lifesaver», une comparaison colo-rée, à l’image du logo. Sur Twitter, le mot-clic #logodelegault était devenu un trend. Quelques-uns se sont même demandé si Sico, Prismacolor ou Crayola avaient contribué au financement de la

CAQ, expliquant ainsi l’explo-sion de couleur. Sur Facebook, un membre de la communauté LGBT de Montréal a affirmé, en plaisantant, que «le village gai n’est pas caquiste et qu’il avait choisi ses couleurs de drapeau bien avant la sortie du logo de la CAQ»!

Le plus triste dans l’his-toire c’est que Simon Boulanger, associé de l’agence Réservoir et graphiste-designer du logo, a dû intervenir à plusieurs reprises pour expliquer en quoi consistait le logo: «Le logo devait refléter le rassemblement. Celui de diffé-rents courants et opinions pré-sents dans la société québécoise et qui ont choisi de se rejoindre dans une coalition. Les formes réunies et formant un cercle (le C de Coalition) sont volontai-rement de couleurs différentes pour souligner la diversité» dé-mystifie-t-il.

Ainsi, la similitude à un dia-gramme en tarte est totalement assumée. D’autres en ont profité pour spéculer sur les pourcen-tages et la composition de cette Coalition. Sur Facebook circulait le logo-graphique montrant que

4,99% du «magma caquiste» sont des «enseignants qui attendent depuis 30 ans des augmentations de salaire substantielles», 2% sont «des lucides déçus», et que 19% sont des «souverainistes semi-mous de centre-droit modérés».

Malgré le divertissement que procurent ces commentaires hu-moristiques, il est dommage que si peu d’attention médiatique soit

portée sur les idées et le program-me du parti. Pour de nombreux citoyens, l’ambidextrie politique dont souffre la CAQ ainsi que son silence sur la question constitu-tionnelle posent problème.

De plus, Monsieur Legault a laissé échapper un nombre effa-rent de «on verra» lorsque les mé-dias lui ont demandé des préci-sions sur son programme. Or, des

raisons bien évidentes expliquent ce mutisme. En ne s’étiquetant pas et en demeurant évasive, la CAQ peut aller chercher la ma-jorité des votes libres et espérer remporter une majorité aux pro-chaines élections.

Mais cela reste à voir. Une telle victoire dépend de plusieurs facteurs. Notamment, il faudra voir si (ou plutôt quand) l’ADQ acceptera de se fusionner avec la CAQ. De plus, si Pauline Marois est éjectée de la tête son parti et que Gilles Duceppe se risque à prendre le contrôle du navire en détresse, les effets pourraient être dissipés.

Selon des études et sonda-ges, une importante proportion des supporters de la CAQ serait composée d’anciens péquistes désillusionnés par la direction du parti. Dans le cas d’une arrivée de Gilles Duceppe sur la scène poli-tique provinciale, le vote pseudo-nationaliste serait séparé entre la CAQ et le PQ. Le Parti libéral pourrait ainsi espérer remporter un quatrième mandat consécutif. Comme quoi l’énoncé «diviser pour mieux régner» est encore un concept d’actualité. x

Xavier PlamondonLe Délit

«Le logo devait refléter le rassemblement. Celui de différents courants et opinions présents dans la société québécoise.»

Photo: coalitionavenir.org

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Page 8: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com8

Société[email protected]

Le Québec est un état fédéré qui a le pouvoir d’exercer exclusivement les compétences qui lui ont été dévo-

lues par la Loi constitutionnelle de 1867. Pensons notamment à la gestion des res-sources naturelles, la santé, l’éducation et la culture. Toutefois, aucune mention des relations internationales ne figure dans cet acte constitutif et la conduite des relations internationales a été laissée à l’appréciation des tribunaux au cours des années. C’est ainsi que depuis le XIXe siècle, les jugements successifs des tribu-naux ont affirmé que «l’état fédéré n’est pas subordonné à l’État fédéral». De plus, la doctrine Gérin-Lajoie vient, dès les an-nées 1960, mettre de l’avant l’idée selon laquelle les compétences des provinces canadiennes s’étendent tant au sein de la fédération qu’à l’international. En 1967, l’Assemblée législative du Québec a adop-té à l’unanimité un projet de loi créant un ministère des affaires intergouvernemen-tales. Paul Gérin-Lajoie l’affirme le 12 avril 1965: «les rapports interétatiques concer-nent tous les aspects de la vie sociale. C’est pourquoi, dans une fédération comme le Canada, il est maintenant nécessaire que les collectivités membres qui le désirent participent activement et personnellement à l’élaboration des conventions internatio-nales qui les intéressent directement». En résumé, la doctrine Gérin-Lajoie se veut une extension externe des responsabilités internes et dévolues au Québec. La créa-tion d’un ministère responsable pour les relations internationales a définitivement consacré le développement des relations internationales du Québec et la création de son réseau de représentations qui fait exception auprès des états fédérés du monde.

«De plus en plus, les décisions qui sont prises au niveau international et les normes qui y sont façonnées s’articulent, au quotidien, dans des domaines diversi-fiés dont de moins en moins relèvent des compétences législatives et réglementai-

res des gouvernements centraux. Non seulement les entités fédérées comme le Québec, la Flandre ou la Wallonie doivent-elles être en mesure de répondre à cette nouvelle donne, mais elles ont tout intérêt à intervenir en amont afin que dès l’éla-boration de ces nouvelles conditions leurs intérêts soient pris en considération.» Ces paroles sont celles du Directeur de l’en-seignement et de la recherche de l’École nationale d’administration publique lors du Déjeuner conférence à la résidence du Délégué général du Québec à Bruxelles, en février 2007. Ces propos sont révéla-teurs; ils contiennent en effet l’essence et l’importance des relations internationales que doit développer le gouvernement du Québec, en tant que province, dans le ca-dre de la mondialisation. Dans un monde où l’intégration internationale et régio-nale, il importe pour le Québec d’assurer une position de tête dans les états fédérés. Par contre, le Québec n’a pas les attributs légaux de la souveraineté pour assurer des relations internationales conventionnelles.

Un exemple pertinent de la politique internationale du Québec est sa présence au Sommet de Copenhague de 2009. En effet, le Premier ministre Jean Charest a expliqué la présence du Québec à ce som-met sur l’environnement en affirmant que le gouvernement fédéral peut avoir le pou-voir de signer des traités internationaux, mais il n’a pas le pouvoir de contraindre les gouvernements provinciaux dans leurs champs de compétence: «Nous sommes égaux, nous ne sommes pas les gouverne-ments juniors du gouvernement national». Une rhétorique empreinte de pragmatisme et surtout reconnaissant la compétence du Québec à l’étranger.

Divers mécanismes et institutions ont été mis en place par la province aux cours des années afin d’assurer la «dimension internationale de ses responsabilités» dans les champs où elle a compétence. C’est ain-si que nous avons aujourd’hui un minis-tère des Relations internationales. Notre système politique confère cependant des compétences réservées au gouvernement fédéral –pensons notamment à la défen-se, à l’octroi du statut diplomatique, à la reconnaissance des États étrangers et aux douanes. Dans certaines situations ponc-tuelles, des ententes interviennent entre les gouvernements québécois et canadien. C’est ainsi que le Québec a le pouvoir de définir ses critères de sélection quant au choix des immigrants indépendants qu’il accueille sur son territoire.

Le Québec s’est doté en 2006 d’une Politique internationale du Québec. Ce document est non équivoque et met en avant-plan certains objectifs cruciaux pour le Québec. Ils s’articulent ainsi: ren-forcer la capacité d’action et d’influence de l’État québécois, favoriser la croissance et la prospérité du Québec, contribuer à la sécurité du Québec et du continent nord-américain, promouvoir l’identité et la culture du Québec et contribuer à l’ef-fort de solidarité internationale. L’action internationale du Québec s’est donc vue insuffler un vent de fraicheur, et les actions développées dans les prochaines années seront donc élaborées avec ces buts en tête.

Le réseau de représentations du Québec à l’étranger comporte plusieurs organismes ayant des missions spécifiques. Dans l’ensemble, le réseau du ministère offre aux entreprises, aux créateurs, aux chercheurs et aux institutions québécoises des services, des conseils et des activités adaptés aux caractéristiques divers de pays

Dans un premier temps, le Québec compte sept délégations générales qui sont le plus important des postes du Québec à l’étranger. Le délégué général

Le monde du QuébecDe la doctrine Gérin-Lajoie aux politiques du ministère des Relations internationales, le Québec se positionne avec dynamisme dans la Francophonie et sur la scène internationale.

Annie LagueuxLe Délit

«Nous ne sommes pas égaux, nous ne sommes pas les gouvernements juniors du gouverne-ment national.»

… ainsi qu’à MexicoPhoto: Creative Commons

Le Québec a une délégation générale à Munich…Photo: vinylmeister

Page 9: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

9Société

du Québec est nommé par le gouverne-ment du Québec afin d’administrer des services pour les québécois à l’étranger et pour les résidants du pays au niveau de l’économie, de l’éducation, de la culture, de l’immigration et des affaires publiques. Les délégations générales sont situées à Bruxelles, Londres, Mexico, Munich, New York, Paris, Tokyo.

Le Québec a aussi cinq délégations qui sont responsables pour les mêmes services qu’une délégation générale. Cependant, elles sont plus restreintes en nombres d’employés. Le délégué du Québec est lui aussi nommé par le gouver-nement du Québec. Les délégations sont situées à Atlanta, Boston, Chicago, Los Angeles, Rome.

Le Québec compte aussi dix Bureaux qui sont responsables d’administrer des services spécifiques dans certains pays et d’assurer une présence dans des pays par-ticuliers. Le chef de bureau est nommé par le ministère des relations internationales.

À la différence d’une délégation générale et d’une délégation, le bureau du Québec ne compte aucun conseiller ni employé du ministère mis à part le chef de bureau. L’entièreté des employés du bureau de représentations est composée d’attachés et du personnel de soutien recruté sur place. Les bureaux de Hong Kong et de Vienne sont principalement des bureaux d’immi-gration tandis que le bureau de Stockholm est un bureau d’Investissement Québec. Ces bureaux sont situés à Barcelone, Pékin, Berlin, Hong Kong, Mumbai, Sao Paulo, Shanghai, Stockholm, Vienne, Washington.

Enfin, le Québec compte quatre an-tennes qui sont dirigées par un citoyen du pays d’accueil. Il s’agit en fait d’un citoyen du pays, qui a un lien d’attachement avec le Québec, qui offre des services dans un champ d’activité déterminés. Les antennes du gouvernement du Québec sont situées à Milan, Santiago du Chili, Séoul, Taipei.

Il est important de comprendre que les représentations du Québec à l’étranger ne détiennent pas le statut diplomatique sauf pour la délégation générale du Québec à Paris créée en 1961 sous le gouvernement de Jean Lesage. Le Québec est un acteur important des états fédérés du monde et il a beaucoup plus de prérogatives que n’im-porte quel autre acteur fédéré. Le Québec à une voix bien à lui dans l’Organisation internationale de la Francophonie et une représentation particulière au sein de la délégation de son pays à l’UNESCO.

Un exemple concret pour approfon-dir le sujet est la délégation générale de New York. La ville de New York est la des-tination par excellence des touristes qué-bécois en quête d’un séjour à court terme aux États-Unis. Elle est aussi une plaque tournante des opportunités culturelles et d’affaires pour le Québec.

La délégation générale de New York est représentée par John Parisella, délé-gué général. Depuis le 16 novembre 2009, monsieur Parisella agit au poste le plus important du Québec aux États-Unis. À ce titre, il représente le Québec dans l’état de New York et la région du Mid-Atlantic, ainsi qu’à Washington, D.C.

Inaugurée en 1940 et principale re-présentation du Québec aux États-Unis, la délégation générale du Québec à New York fait la promotion des intérêts du Québec dans le secteur des affaires, de l’in-vestissement, de l’éducation, de la culture et des affaires publiques. Au niveau des services aux affaires économiques, la délé-gation informe les Américains et promeut les produits et les secteurs d’excellence du Québec; elle fait connaître les avanta-ges du Québec comme place d’affaires et elle aide les exportateurs québécois dans leur recherche de distribution. Au niveau des communications et des affaires édu-catives, la délégation générale fournit au public américain des informations et de la documentation sur le Québec et elle assure, notamment, le suivi des relations bilatérales avec les États du Mid-Atlantic. Au niveau de la culture, la délégation gé-nérale promeut et favorise le rayonnement de la culture québécoise aux États-Unis, elle supporte les artistes québécois à New York, et elle conseille notamment le minis-tère de la Culture et les milieux culturels afin d’accroître la circulation des artistes québécois aux États-Unis. x

LD: Quel est le rôle du service culturel de la délégation générale du Québec à New York?

JFH: Le service culturel entretient des liens avec les organismes culturels amé-ricains en vue d’accroître la circulation des artistes québécois aux États-Unis et répond aux demandes des milieux cultu-rels québécois en leur fournissant un appui conseil, financier ou logistique. En collabo-ration avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition fémi-nine (MCCCF) pour la réaliser d’activités de promotion de la culture québécoise aux États-Unis.

LD: Quels sont les opportunités pour le service culturel, mais aussi pour la DGQNY?

JFH: Le contenu culturel québécois n’a jamais été autant présent sur la scène inter-nationale qu’au cours de ces dernières an-nées. La qualité de la production culturelle et le talent des artistes québécois sont re-

connus dans nos politiques internationales comme étant notre meilleure carte de visite.

Alors que de nombreux gouverne-ments désinvestissent en culture (The National Endowement for the Art est passé de 167,5 million de dollars en 2010 à 154 en 2011, soit une coupe de 13,5 millions), le gouvernement du Québec a protégé ses programmes et a ajouté 4 millions de dol-lars récurrents à ses programmes visant le rayonnement culturel à l’international (Budget du MCCCF avoisinant les 666 mil-lions dont 87,5 au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ)).

La DGQNY, en partenariat avec le MCCCF, le CALQ et la Société des dévélo-pement des entreprises culturels qui offrent des programmes pour nos artistes et pour nos industries culturelles, consolide donc cette présence.

LD: Quels sont les défis auxque la DGQNY devra faire face au niveau culturel?

JFH: le processus de rémunération, d’imposition et d’obtention de visa rebute certains partenaires québécois à exporter la culture québécoise aux États-Unis. Il faut aussi comprendre que les États-Unis projettent souvent l’image du marché culturel autosuffisant.

De plus, la crise financière a grande-ment affecté l’ensemble du milieu culturel américain. L’argent se fait rare et certains partenaires de la DGQNY se sont retrou-vés dans une situation plus précaire.

LD: Quel est le plan d’action pour promovoir la culture québécoise?

JFH: Notre vision conjugue expor-tation culturelle et échanges culturels en favorisant le maillage, tout en continuant d’informer les professionnels américains de l’offre culturelle.

Premièrement, il faut favoriser le maillage pour favoriser l’adéquation entre l’offre québécoise et le marché américain. La création de liens à long terme entre

les intervenants culturels états-uniens et québécois est primordiale.

Deuxièmement, il faut favoriser la présence de créateurs québécois dans une perspective de développement du marché américain sur l’ensemble du territoire. En fait, il faut soutenir le service culturel à développer une vision stratégique pour diffuser le contenu culturel québécois sur l’ensemble du territoire de la DGQNY et ce pour toutes les disciplines culturelles.

Finalement, il faut favoriser le rayon-nement du Québec en complémentarité avec les autres secteurs d’activité de la Délégation. Si la culture est ce que nous sommes, elle s’incarne certainement dans notre façon de faire. Elle se reflète dans toutes nos sphères d’activité. Je suis pro-fondément convaincu que le rayonne-ment culturel passe par des actions mul-tilatérales. x

Propos recueillis par Francis L.-Racine

«La doctrine Gérin-Lajoie vient, dès les années 1960, mettre de l’avant l’idée selon laquelle les compéten-ces des provinces cana-diennes s’étendent tant au sein de la fédération qu’à l’international.»

7 délégations générales: Bruxelles, Londres,

Mexico, Munich, New York, Paris, Tokyo

5 délégations: Atlanta, Boston, Chicago,

Los Angeles, Rome

10 bureaux:Barcelone, Pékin, Berlin,

Hong Kong, Mumbai, Sao Paulo, Shanghai, Stockholm,Vienne,

Washington

4 antennes: Milan, Santiago, Séoul,

Taipei

Photo: Creative Commons

Le Délit appelle New-York…Entretient avec le directeur des services culturels de la délégation générale du Québec à New York, Jean-François Hould

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Où sont passés les mauvais esprits?Réflexions d’un stagiaire en psychiatrie transculturelle

PSYCHIATRIE

Arthur Kleinman explique dans Rethinking psychiatry qu’une des dé-couvertes les plus impressionnantes

des études psychiatriques et anthropolo-giques transculturelles reste en ce que les phénomènes de transe et de possession par des esprits maléfiques sont présents dans toutes les sociétés non occidentales alors qu’ils ne le sont plus à l’Occident depuis l’âge moderne. En termes simples, ce qui a changé dans la modernité correspond à la conscience simultanée que nous som-mes un corps et que nous avons un corps. Une conscience qui est aussi caractérisée par une réflexivité sur elle-même (en plus d’être laïque et capable d’ironie, ce qui dé-finit un discours marqué par un décalage entre celui-ci et la réalité). C’est cette méta-conscience, autrement dit cet observateur critique, qui nous empêche de nous retrou-ver entièrement absorbés par l’expérience

vécue, nécessaire pour vivre une transe. Mais c’est aussi cet observateur critique qui rendrait impossible le vécu dramatique des émotions, par exemple d’être paralysé par la peur ou de perdre connaissance en raison d’une mauvaise nouvelle.

Toutefois, Arthur Kleinman nous invite à considérer que l’entrée de l’Homme dans la modernité, plutôt que d’être une évolu-tion, l’a privé d’une dimension universelle. Autrement dit les phénomènes de transe et de possession ne constituent pas une forme archaïque de pathologie, mais possiblement un authentique mode d’existence non duel. Même si ces états peuvent certes être très souffrants, ils représentent en même temps en quelque sorte un paradis dont l’Homme moderne a été chassé et où il tente maladroi-tement de retourner en ayant parfois recours à diverses substances. D’ailleurs l’attrait pour le cinéma ou le théâtre pourrait bien s’expliquer par la fascination de voir d’autres personnes vivre des émotions qui ne nous sont en quelque sorte plus permises.

On a remarqué que les enfants s’ex-priment souvent en faisant référence à un monde imaginaire. Cet univers sym-bolique pouvant parfois être construit pour échapper à une réalité très difficile, comme le montre admirablement le film Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, illustre l’étape développementale où les enfants naviguent entre la réalité et la fantaisie. D’une certaine manière, les enfants parviennent encore à s’immer-ger entièrement dans l’expérience vécue, alors que chez les adultes, un même dis-cours aux frontières floues entre le réel et l’imaginaire pourrait être considéré comme psychotique. C’est seulement en devenant adulte et en développant une conscience critique que les enfants per-dront la capacité d’avoir un ami imagi-naire ou de vivre une intense crise émo-tionnelle.

En psychiatrie transculturelle on nomme souvent «troubles dissociatifs» les états de modification de la conscience

où les limites claires de l’identité sem-blent être perdues. Mais la question demeure: n’est-ce pas celui qui a perdu la capacité de vivre dramatiquement les émotions en raison d’une conscience cri-tique qui est le plus dissocié?

Transposez-vous maintenant au Honduras, face à une scène tragique où une mère a vu son jeune fils se faire frap-per par une voiture. Celle-ci pleure à l’ex-térieur de sa maison pendant des heures et des heures, alors que chaque villageois lui offre un peu de soutien. Une telle ma-nifestation de sa peine est certainement une manière «non duelle» de vivre son deuil, peut-être même la plus naturelle et thérapeutique de toutes, mais en même temps un mode d’expression de la peine totalement inhabituel par ici.

La passion amoureuse, un phénomè-ne magique hautement dissociatif, repré-sente peut-être le dernier bastion encore autorisé par notre groupe. Mais qui sait pour combien de temps encore? x

Vincent LalibertéLe Délit

Dur, Dur, De DeVoir repartir de zéro! Voilà longtemps que je ne m’étais plus trou-vée seule en terrain inconnu.

Certaines angoisses qui remon-tent à la surface me rappellent étrangement les rentrées sco-laires de mon enfance: que fais-je ici? qui sont tous ces gens autour de moi que je ne recon-nais pas? comment les aborder sans avoir l’air trop pathétique? Je n’avais pas vraiment pensé à cela avant d’atterrir dans cette nouvelle ville; étant donné que je ne suis à Amsterdam ni dans le cadre d’un échange universi-taire ni pour le travail, il est tout à fait possible que je passe une journée entière sans rencontrer personne.

Déterminée à me faire de nouvelles connaissances, quand

bien même je devrais y laisser ma dignité –Dis, tu veux bien être mon ami?–, j’enfourche donc mon beau vélo d’occasion et participe à tout un éventail d’activités sociales: visite gui-dée d’Amsterdam, soirée sushi, après-midi conversations en langue étrangère, pub crawl, etc. Voici le résultat de ces quelques expériences.

La visite guidée était inté-ressante et riche en rencontres, mais de nombreux participants n’étaient malheureusement que de passage à Amsterdam. La soi-rée sushi, beaucoup trop mon-daine à mon goût, aurait très bien pu être tirée d’un épisode

de Sex and the City… Pas du tout mon genre! Les cours de lan-gues sont évidemment très ins-tructifs, mais il peut s’avérer dif-ficile de faire comprendre à son locuteur qu’on aimerait bien le revoir quand on ne sait dire que «Salut» et «À tes souhaits» dans sa langue maternelle…

Finalement, c’est peut-être pendant les pub crawls qu’on a le moins de problèmes de com-munication: la musique dans les bars est souvent beaucoup trop forte pour qu’on entende quoi que ce soit, alors il suffit de sou-rire et de hocher la tête de temps en temps pour que le tour soit joué! Au bout de quelques ver-

res, n’importe quel étranger un tant soit peu sympathique aura échangé votre numéro de télé-phone contre le sien et vous aura proposé une activité entre amis la semaine suivante. Quelques verres de plus, et vous serez tous les deux à quatre pattes, vous jurant l’un l’autre l’ami-tié la plus fidèle –enfin, c’est ce que vous pensez comprendre du baragouinage de votre nouvelle connaissance ivre. Une fois la soirée finie, vous consoliderez votre amitié en vous sauvant tour à tour la vie, sans cesse me-nacée par les cyclistes enragés et les trams impitoyables.

Bienvenue à Amsterdam! x

Retour à la case départÉlise Maciol | Plume en vadrouille

CHRONIQUE

10 Société x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Vos examens vous soûlent?

Écrivez pour le dernier numéro «À boire» du Délit!

Soirée grisante assurée.

[email protected]

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Arts&[email protected]

Gracieuseté de Philémon chante

La sixième édition de M pour Montréal est une vitrine montrant les showcases de 40 artistes émer-

geants en quatre jours afin de les faire connaître à des représentants de l’industrie de la musique provenant d’une quinzaine de pays.

Philémon chantePhilémon chante, le nom de scène de

Philémon Bergeron-Langlois, avait lancé de façon indépendante en 2010 un joli al-bum enregistré au vieux studio l’Egrem à la Havane, rempli de douce nostalgie et de sonorités folk et cuivrées. Le disque intitulé Les Sessions cubaines avait été enregistré en deux jours sur une machine à ruban, grâce à des musiciens cubains trouvés à l’impro-viste. Si Philémon chante s’était fait discret l’année dernière, il a multiplié les concerts depuis l’été 2011. Au Quai des brumes, Philémon a offert une belle performance, lui-même au chant et à la guitare, avec deux comparses apportant de la chaleur avec leurs instruments, l’un à la contrebasse et l’autre à la trompette, reprenant ensemble des ballades comme «Vaincre l’Automne» et «Dors Poupée dors». Alors que les pièces sont des quasi-berceuses sur disque, le chanteur réussit à les rendre entraînantes sur scène. Il a aussi chanté deux nouvelles

pièces qui laissent présager la sortie d’une nouvelle œuvre. Son expressivité faciale appuyée, l’homme n’ayant pas peur de dé-voiler ses émotions montre une implication totale envers ses textes sensibles, et on croit même entendre un pleur par là. Philémon donne dans les arrangements à fleur de peau et a une voix un peu brouillonne qu’on peut trouver charmante… ou pas.

For a Minor Reflection For a Minor Reflection est un groupe

encore méconnu de post-rock instru-mental formé de quatre Islandais dans la jeune vingtaine: deux guitaristes-pia-nistes, un bassiste et un batteur. À leurs débuts en 2006, ils jouaient du hard rock dans un garage, puis après quelques égarements se sont vite tournés vers le

post-rock, puisque personne parmi eux ne savait chanter. Ils ont lancé un EP, tourné en Europe avec leurs concitoyens de Sigur Rós, puis ont enregistré l’album Höldum í átt að óreiðu (En allant vers le Chaos) et ont récemment joué au festi-val South by Southwest à Austin. Leur biographie mentionne que Sigur Rós considère le potentiel de For a Minor Reflection comme étant «supérieur à celui de Mogwai». L’anecdote est amu-sante; chauvins les Sigur Rós? Peut-être pas! La prestation du groupe de Reykjavik au Quai des brumes, dans le cadre de leur 5e participation au Iceland Airwaves Festival, est un vrai coup de cœur. Voir les quatre musiciens prendre autant de plaisir à jouer, concentrés sur la petite scène, comme une boule d’énergie et de fureur, amène un vent de fraîcheur dans le monde du post-rock. On ne s’ennuie pas une seconde, le sentiment d’urgence découlant des mélodies nous tenant tou-jours en haleine. Le piano à quatre mains en jette tout simplement. Les montées en puissance des motifs musicaux, timbres et textures font de For a Minor Reflection le digne successeur des Explosions in the Sky et Red Sparowes de ce monde. For a Minor Reflection a averti le public au début de son concert: «We play very loud music». Ils nous en ont mis plein les tympans et nos cils auditifs en rede-mandent! x

Le groupe islandais For a Minor Reflection en spectacle au Quai des brumesGracieuseté de M pour Montréal

Cuivres cubains et guitares islandaisesPhilémon chante et For a Minor Reflection au Quai des brumes

MUSIQUE

Annie LiLe Délit

11Arts & Culturex le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Philémon à la plage... à moins quarante degrés Celcius!

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Pour la deuxième an-née consécutive, une trentaine d’écrivains québécois prenaient d’assaut mercredi dernier la salle de rédaction du Devoir dans le cadre du Salon du livre, pour pré-senter leur vision de l’actualité.

Cette initiative du journal indé-pendant a tout pour réjouir ceux qui se désolent de ne pas voir les littéraires prendre part au débat public, d’autant plus que le titre même de cette édition spéciale amène à réfléchir: «Le Devoir des écrivains».

Catherin Mavrikakis, Alain Farah, Marie Laberge, Bernard Émond, Perrine Leblanc, Dominique Fortier, Victor-Lévy Beaulieu et j’en passe prennent donc la place des journalistes le temps d’une journée de rédaction. Chacun se prête visiblement entiè-rement à l’exercice et adopte pour l’occasion tous les mots d’ordre du journalisme sans chercher à mettre indûment de l’avant son style d’écriture, mais sans l’annihi-

ler bien sûr, puisque des tendan-ces ressortent fort heureusement.

Dominique Fortier révèle encore une fois, après Les Larmes de Saint-Laurent, son amour des sciences et l’inspiration que son imagination fertile en tire dans un article sur la découverte d’un gêne de l’empathie. Patrick Sénécal doit couvrir le procès d’un homme coupable de viol et ressort bou-leversé de son expérience, lui qui est le prolifique auteur de tant de romans noirs, voire d’horreur, comme Les Sept Jours du talion. Jean Dion trouve un digne remplaçant chez Alain Farah qui partage sa passion du sport avec sa verve et son pince-sans-rire inimitables. Régine Robin se rend «Place du Peuple» et constate avec un brin

de tristesse et de nostalgie l’état de la révolte de la génération actuel-le…

Et la liste continue. L’édition regorge de petits trésors comme une nouvelle inédite de Michel Tremblay, écrite dans le ton drola-tique et émouvant de ses récits sur l’enfance, une BD de Guy Delisle, en plus des éditoriaux lucides sur des faits politiques et économiques comme ceux de Bernard Émond et de Jean Désy. Bref, une édition qui peut contribuer à détruire le my-the tenace de l’écrivain qui ne vit que dans un monde de fiction, que la réalité ne touche que comme un sourd bourdonnement lointain.

Au point où le directeur des éditions Leméac invite une bro-chette d’écrivains à aller lire des

textes aux indignés de Square-Victoria. C’est sans doute loua-ble, mais là je ne peux m’empê-cher d’imaginer des scènes légè-rement absurdes, comme des écrivains québécois déclamant des textes inspirés à une foule en grande partie anglophone qui se demande ce qu’ils viennent faire là, et de me demander s’il n’y a pas dans cette entreprise quelque chose d’un brin opportuniste.

Mais que sais-je, moi, qui n’ai écrit, dans la dernière année, que ces réflexions parasites en guise de tentative de contact avec le monde extérieur? Cet article signe la fin de cette chronique un peu soliloque. Si jamais vous étiez au bout du fil sans que je le sache, merci. x

Des écrivains dans la salle de rédactionLuba Markovskaia | Réflexions parasites

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

12 Arts & Culture x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Salon du livre de MontréalUne célébration de l’héritage linguistique et littéraire des Québecois

LITTÉRATURE

Julie d’auteuil Le Délit

Que ce soit pour passer quelques heures à flâ-ner dans les (trop) nom-

breuses allées projetant quelques effluves de bouquins neufs, pour écouter vos auteurs préférés en conférence ou pour attendre dans la filée une dédicace person-nalisée, toutes les raisons sont bonnes pour délaisser un peu les obligations universitaires et

retrouver la nouvelle édition du Salon du livre.

Cette année, la 34e édition du Salon du livre de Montréal –du 16 au 21 novembre à la Place Bonaventure– était sous la pré-sidence d’honneur de Georges-Hébert Germain, un Québécois «touche-à-tout», actif autant dans le milieu de l’information pour ses chroniques et critiques que dans les milieux littéraires avec Souvenir de Monica (1997), Les Coureurs des bois: La Saga des

Indiens blancs (2003) ou La Fureur et l’Enchantement (2010). Pour l’occasion, monsieur Germain invite les visiteurs pour une juste et noble cause: célébrer la langue française et en faire son hom-mage.

Pour cette édition, le salon avait à son agenda une gamme d’événements étonnamment hé-térogène allant de l’atelier de lec-ture numérique qui nous apprend à apprivoiser la lecture sur votre Kindle, Booken et iPad, à l’atelier

sur les bienfaits des pierres pour les enfants qui guide les parents dans leur choix de solutions na-turelles aux divers maux de leurs petits. «Le plus gros salon en Amérique du Nord!» comme se plaisent à dire les montréalais, est immense tant en superficie qu’en termes de contenu.

Quant à la naissance de cet événement, la mise à l’hon-neur du livre sous forme de salle d’exposition ne date pas d’hier. Le Salon du livre, qui à l’origine

n’était qu’une journée du livre, est apparu en 1950 à l’Hôtel Windsor. Depuis, cette première formule n’a jamais cessé de croî-tre. D’année en année, des parte-naires se joignent à l’événement pour la remise de prix et récom-penses aux auteurs et artisans du milieu tels que le prix du Grand public Salon du livre de Montréal (1983), le prix Fleury-Mesplet (1987) le prix Brive-Montréal (1990-1997) et enfin le prix Marcel-Couture (2000). x

Photo: Lindsay P. Cameron

Page 13: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

HA ha!..., ou le rire jauneDucharme navigue entre sado-masochisme et humour loufoque.

THÉÂTRE

Audrey ChampagneLe Délit

Réjean Ducharme, cet auteur fantôme du Québec, n’aurait lui-même pu rester de glace devant cette représen-

tation de sa pièce HA ha!... On s’abandonne et on «tombe» dans l’histoire à cent milles à l’heure. On rit, on pleure, on souhaite se révolter, on ne comprend pas toujours, on se tortille sur son siège lorsqu’on ressent, avec un certain malaise, le désarroi ou la cruauté des personnages; cependant, l’essentiel est accompli, car HA ha!... est un divertissement inégalé qui transperce le spectateur jusqu’au cœur.

Cette pièce est une telle effervescence de folie, de mots et d’éruption de rires ou de co-lère que s’y perdre est sûrement le meilleur moyen de la comprendre. On y retrouve Mimi (Sophie Cadieux) et Bernard (Marc Béland), Sophie (Anne-Marie Cadieux) et Roger (François Papineau), deux couples qui vont s’amuser perversement à s’entredé-truire en jouant à un jeu malsain, celui de se faire mal, de se porter coup après coup par la parole et les actes. C’est un peu, beaucoup et même excessivement troublant de voir inte-ragir des gens qui ne croient plus en rien, qui sont cruels l’un envers l’autre simple-ment pour le plaisir de jouer à souffrir et à faire souffrir. Par ailleurs, la pièce se termine par la mort d’un des personnages. Le jeu des acteurs est à saluer, en particulier celui des deux interprètes féminines qui semblent animées par une énergie toute particulière et donnent un éclat réel et profond à leur personnage respectif. Sophie Cadieux est touchante dans son rôle de Mimi à la voix plaintive, une âme naïve qui ne supporte pas qu’on la touche «parce que ça fait trop mal».

Anne-Marie Cadieux surprend agréable-ment dans une interprétation puissante, en jouant un personnage démoniaque très loin de ses rôles habituels. François Papineau en poète dépravé et Marc Béland en ivrogne un brin clownesque ne laissent pas leur place non plus, sans toutefois nous subjuguer complètement.

Dominic Champagne signe une mise en scène énergique qui fait usage de tout l’espace mis à sa disposition et qui demeure efficace tout en laissant place aux déborde-ments des personnages et où le langage écla-té, propre à Réjean Ducharme, peut s’épa-nouir complètement. Le décor est à l’image des personnages: corrompu et souillé. Toute la scène est transformée en un appartement partagé par les deux couples, envahi de déchets, de bouteilles de vodka vides et de vieux journaux roulés en boule. C’est un lieu qui transpire parfaitement le vice et la déca-dence humaine. Les jeux d’éclairage sont aussi très intéressants et participent forte-ment à l’atmosphère du moment.

Et on rit! On rit souvent et ce même aux éclats, mais pourtant la pièce nous laisse un certain goût amer à la bouche. On est troublé de la première réplique jusqu’à la dernière, et très rapidement notre rire se teinte de jaune devant de telles manifesta-tions d’égoïsme et de cruauté humaine. HA ha!..., une pièce qui met en scène l’absurdité et l’inhumanité de nos rapports sociaux, est présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 10 décembre. x

Photo: Jean-François Gratton

La civilité à l’état sauvageThe God of Carnage: la guerre des parents est déclarée.

THÉÂTRE

John Lévesque Le Délit

Le Dieu du carnage est une pièce fran-çaise, écrite par la scénariste et ro-mancière Yasmina Reza. En ce début

d’hiver, la Centaur Theater Company de Montréal présente une adaptation de la pièce en anglais (The God of Carnage, traduite par Christopher Hampton) mise en scène par Roy Surette. La pièce met en scène deux couples qui se rencontrent pour discuter d’une rixe ayant eu lieu entre leurs enfants. Si le sujet de la rencontre est ordinaire, les bienséances sont vites remplacées par la barbarie.

The God of Carnage met le doigt sur la question existentielle qui hante tout géni-teur: suis-je un bon parent? Si une bagarre entre deux enfants se transforme en un véri-table pugilat entre adultes, c’est parce qu’on a tendance à supposer que le comportement d’un enfant est le reflet des valeurs qui lui ont été inculquées à la maison, ou même le résultat de tensions familiales. Au début, les Raleigh et les Novak se rencontrent pour analyser l’incident afin de permettre aux enfants de se réconcilier. Or très vite

les parents se rejettent la faute à travers des accusations implicites. Après vingt minutes de conversation courtoise, la tension monte, et les adultes ne parviennent plus à dissimu-ler leur colère. Le spectateur peut dès lors s’installer confortablement et attendre que la situation dégénère, le sourire aux lèvres.

Alan Raleigh est un avocat d’affaires odieux qui interrompt constamment la conversation pour recevoir des appels télé-phoniques. Sa femme, Annette, est névrosée jusqu’au bout des ongles: on attend la crise de nerfs avec impatience (et on n’est pas déçu!). Les défauts de la famille Novak sont moins flagrants mais on découvre au final que l’épouse est écrasante et que le mari est un homme rustre, aux préjugés nom-breux. L’humour de la pièce se concentre sur les archétypes personnels et familiaux qui s’affrontent de façon grotesque. En effet le spectateur est témoin de toutes sortes d’insultes, pleurs, attaques physiques, des-truction de mobilier et de haut-le-cœur soudains.

La grande force de cette pièce est de montrer l’attachement acharné que por-tent les parents à leur fierté familiale. Les couples ne sont pourtant pas des extrêmes

diamétralement opposés. Ils sont en effet tout aussi éduqués, fortunés et concernés par la réussite de leurs enfants. Les parents sont égocentriques et ont le malheur de n’être qu’attachés à leur vision partiale de la famille idéale. Ainsi la confrontation des points de vue les renvoie à leurs incohéren-ces. Une fois que les couples faiblissent, la pièce s’accélère, rythmée par les alliances qui se forment et se déforment: les femmes s’allient contre les hommes mais se sépa-rent lorsque le camps de la morale attaque celui du laisser-faire, que les réalistes mo-quent les optimistes. Personne n’est à l’abri du reproche et chacun cherche un allié.

Le résultat est pathétique, ils n’y pas de héro, mais quatre parents humiliés, en-ragés, frustrés. Les enfants sont devenus spectateurs. L’audience est prévenue: parler des enfants des autres n’est pas une tendre affaire. x

Crédit photo: Centaur Theater

The God of CarnageOù: Centaur Theatre Company 453 rue Saint-François-XavierQuand: du 8 novembre au 4 décembre

HA ha!...Où: Théâtre du Nouveau Monde 84 rue Sainte-Catherine OuestQuand: du 22 novembre au 10 décembre

13Arts & Culturex le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Page 14: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

14 Arts & Culture xle délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

À l’heure où la santé de chacun prend une place prépondérante dans no-tre société, le thème apparaît même

dans le domaine, certes pratique, mais éga-lement artistique qu’est l’architecture. De simples preuves scientifiques, comme le fait que les patients d’hôpitaux guérissent plus rapidement lorsqu’ils ont vue sur vé-gétation, apportent un argument rationnel à cette association. C’est donc en partie pour ces raisons que le Centre Canadien d’Architecture crée un lien fort entre créa-tion architecturale et bien-être, à travers son exposition «En imparfaite santé».

Le concept récent de ville-santé appa-raît dès le début de l’exposition lorsqu’une question simple et intéressante est lancée: «Qui doit être guéri: la ville ou ses habi-tants?». On aura probablement tendance à répondre «les deux», mais le vrai problème est surtout de savoir comment y parvenir. Tout au long de l’exposition, on découvre donc divers projets et œuvres achevées qui suivent cet objectif. Par exemple, la maquette de «L’immeuble qui pousse», réalisée par l’architecte Édouard François, met en perspective un immeuble en éter-nelle mutation grâce à la construction de cabanes sur pilotis qui «poussent» à par-

tir de chaque appartement. Les façades de l’immeuble, dotées d’une végétation luxuriante, servent ainsi de membranes ou d’épiderme vivants. Cet édifice a été conçu dans le but d’associer nature, archi-tecture et, de fait, santé dans la région de Montpellier, dans le Sud de la France.

L’exposition met également en avant les diverses maladies et allergies liées à notre mode de vie moderne, notamment dans les grandes mégalopoles. La confé-rence de Rio (1992) sur la biodiversité a

reconnu officiellement l’urgence de main-tenir et de favoriser la biodiversité dans les écosystèmes urbains pour la survie de l’homme, des animaux et de notre planète en général. La prise de conscience est donc relativement récente mais les projets archi-tecturaux qui vont dans ce sens fleurissent, à l’exemple de la tour vivante (2006), projet mené par le groupe SOA Architects. Celle-ci serait une sorte de ville verticale et auto-suffisante grâce à son système de culture hydroponique. La démarche consiste à

proposer un aménagement soutenable du territoire et de préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Dans la même veine, Harmonia 57 (2008) est une maison unique située à Sao Paulo du fait qu’elle respire grâce à son système de récupéra-tion de l’eau de pluie, des pores sur ses fa-çades qui laissent pousser des végétaux et de ses matériaux recyclables. Cette œuvre architecturale fonctionne plus ou moins comme un végétal quelconque. L’agence d’architectes Triptyque s’ancre ainsi dans un mouvement fondé sur le développe-ment durable, certes coûteux mais vital à long terme pour le bien-être collectif.

«En imparfaite santé» ne laisse pas de marbre. Chaque visiteur comprend faci-lement que la santé de notre planète est en danger et que l’architecture innovante peut mener à des solutions durables et efficaces. Certains y verront donc une lutte inutile et coûteuse, d’autres, le service que peut rendre un des six arts à notre santé, qui n’a d’ailleurs probablement pas de prix. x

Se soigner soi-même«En imparfaite santé»: la médicalisation de l’architecture ou soigner son environnement mal en point

ARTS VISUELS

Thomas Simmoneau Le Délit

Topographie de la toxicité à Budapest (Hongrie), 2008.Nerea Calvillo architecte, en collaboration avec C+ arquitectos et In the Air.

Dans un recoin sombre de l’ave-nue du Mont-Royal se cache le Filet, un restaurant ouvert depuis

quelques mois à peine qui offre une vaste sélection de fruits de mer. Ce tout petit resto qui, dès 18 heures, se remplit et de-vient très vite cacophonique, propose un décor simple et même un peu trop mo-deste, avec quelques images de créatures marines bizarres affichées sur les murs. J’aime mieux vous prévenir tout de suite: pour un souper au Filet, sortez vos por-tefeuilles! La nourriture y est exquise mais pour manger à sa faim, la facture est assez salée: prévoyez au moins cent dollars par personne et ce sans compter les consommations. Mon cœur d’étu-diante sans le sou s’est serré lorsqu’est venu le moment fatal de payer l’addition. La carte des vins est des plus élaborées, celle des digestifs également, mais malheu-reusement le choix des apéritifs est plutôt maigre. Du côté des bières, seule la St-Ambroise était disponible et du côté des petits drinks, il n’y avait que le traditionnel cosmopolitan ainsi qu’un martini au melon: une sélection sans imagination et sans éclat qui contraste avec la richesse du menu. Je conseille aux appétits voraces de s’abs-tenir ou bien de prendre une collation avant d’y aller. Aussi absurde que cela puisse pa-raître, je suis certaine que vous serez tous

surpris par la petitesse des portions présen-tées. Le concept du resto propose des plats à partager (il faut en prévoir au moins cinq ou six pour deux), mais les plats en questions, divisés à deux, se dévoraient en deux ou trois bouchées chacun. Je m’adresse ici plus spé-cifiquement aux gargantuas ou bien aux jeu-nes hommes à l’estomac élastique qui pour-raient paniquer après le début du service. L’ambiance ordinaire, l’absence de musi-que, une carte de cocktails anorexique sont toutefois très vite oubliés lorsque les assiettes arrivent: délice, après délice, après délice… Une autre déception arrive au temps du dessert. Mon brownie était sec et fade, dis-simulé sous une boule de crème banale, dont le caramel à la fleur de sel était très peu goûteux. Du côté de mon invité se trou-vait un pavé au sirop d’érable, un peu plus appétissant mais toujours extrêmement loin de la qualité des plats principaux. Les ama-teurs de sucre préféreront, et de loin, sau-ter le dessert pour prendre quelques bou-chées supplémentaires de risotto au crabe ou encore d’huîtres à l’huile de truffes! Malgré ses quelques lacunes le Filet mérite d’être découvert. Alors gâtez-vous avec une petite soirée qui peut s’étirer longuement et où vos papilles pourront s’émoustiller sous l’océan! x

En haut: Carpaccio de morue avec olives, tomates et échallottes frites.En bas: Avocats, escalopes, oranges et salade Mont-Royal aux betteraves.

L’affaire est dans le filetLe Filet, un restaurant de fruits de mer au décor simple et à la carte rayonnante

GASTRONOMIE

Audrey ChampagneLe Délit

Légende de la photographie

Photos: Sheep Sheep

«En imparfaite santé»Où: Centre Canadien d’Architecture 1920 rue BaileQuand: du 25 octobre au 1er avril

Page 15: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

C’est au son d’un violon écorché qu’on entre subitement dans le monde d’un cinéaste qui flirte avec

la dramaturgie. Avec La Piel que Habito (La Peau que j’habite), Pedro Almodovar per-cute l’univers cinématographique avec une émouvante férocité. Avec cette adaptation du roman de l’écrivain français Thierry Jonquet Mygale, le sulfureux réalisateur es-pagnol reste fidèle à sa méthode lyrique et incisive. Sélectionné au dernier festival de Cannes, ce film regorge de tragédie, de vo-lupté et de coups de théâtre assourdissants.

C’est une histoire qui, de prime à bord, nous plonge dans l’univers psychédélique de la science. La Piel que Habito est une ex-ploration du monde médical sous l’angle du sordide et de la romance douce-amère. C’est l’ambition d’un éminent chirur-gien esthétique, Robert Ledgard (Antonio Banderas), qui donne le ton au film. Il tra-vaille sur un projet particulier qui est de créer une peau synthétique aux qualités surhumaines. Une femme, nommée Vera (Elena Anaya), dans une combinaison rap-pelant la chair humaine, est emprisonnée et surveillée. Les images défilent dans une logique qu’on n’anticipe pas. Le compor-tement mystérieux du médecin et son ad-miration pathologique pour ce qui semble être son cobaye déclenche un processus de violence qui est exprimée par l’automuti-

lation sensuelle de sa patiente. Le cycle du mensonge et de la trahison fait vite place à l’arrivée de la vengeance calculée.

C’est typiquement almodovaresque: on y trouve des éléments clés qui font par-tie intégrante de l’écriture du réalisateur. Cette écriture surprend en éclaboussant la trame narrative du film avec des thé-matiques classiques. Ainsi, la colère, la rancune, la mort et l’exposition des corps

dans leur expression la plus pure donnent une force artistique et esthétique au film. On y retrouve l’exploitation des corps et leurs mouvements dans l’espace. La nudité dégage une forme de folie que maîtrise le cinéaste. Le meurtre y est décrit comme un acte de libération et la vengeance comme une rédemption.

Les personnages sont complexes, faibles, lâches, mais gagnent en force. Ce

paradoxe qui encadre la faiblesse et la force de caractère des personnages est caractéris-tique des œuvres du réalisateur. La presta-tion d’Antonio Banderas est sans fantaisie et traduit avec simplicité les facettes mul-tiples de son personnage. Quant à Elena Anaya, elle est sublime. Elle rayonne en tant que prisonnière qui devient malgré elle un objet sexuel convoité et abusé. L’actrice se donne complètement. Son interpréta-tion dessine l’esquisse d’une jeunesse gla-ciale. La beauté est l’une des dynamiques essentielles qu’on a voulu exposer presque avec vulgarité.

La trame du film ne se résume pas aux caprices d’un médecin quasi-fou ni même à une patiente ne jouissant d’aucune liber-té. L’intrigue est pulsionnelle et révèle un coup de théâtre auquel on ne s’attend pas. La plus grande pulsion exposée demeure la sexualité que Pedro Almodovar nous présente sous différents angles. C’est une sorte de retour aux fondamentaux: la nu-dité esthétique et la vulnérabilité du corps dans un environnement hostile. Cette ap-proche laisse croire que l’amour ambigu n’est qu’une corrida emplie de désir bestial qui pousse au crime passionnel et à la ven-geance. x

Almodovar dans la peauLa Piel Que Habito, un film érotico-tragique qui explore le thème de l’obsession, fait l’effet d’un coup de poing esthétique.

CINÉMA

15Arts & Culturexle délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Sabrina Ait AkilLe Délit

De gauche à droite: le docteur Robert Ledgard (Antonio Banderas) et Vera (Elena Anaya)

Photo de José Haro/ © El Deseo, Gracieuseté de Sony Pictures Classics

La piel que habito de Pedro AlmodovarOù: CO Quartin Latin 350 rue ÉmeryQuand: En salle le 18 novembre

En 2007, après quinze ans de loyaux services à l’Université McGill, le professeur Norman Cornett a été

renvoyé. Quelque temps avant son licencie-ment, il avait remis en question les métho-des d’enseignement traditionnelles. Suite à la crise nerveuse d’un de ses étudiants, il avait décidé d’élaborer sa propre approche. «Comment se fait-il que les étudiants soient soumis à un tel niveau de stress, depuis leur première jusqu’à leur dernière année dans l’enseignement supérieur?» s’était-il de-mandé. «Comment peuvent-ils s’épanouir en tant que citoyens, et en tant qu’êtres humains, s’ils en viennent à prendre la bou-limie intellectuelle pour de l’enseignement véritable?»

Ce sont ces questions qui l’ont poussé à développer une méthode d’apprentissage transgressant les limites non-écrites de l’académisme universitaire, en transformant la salle de cours en espace dialogique dans lequel chacun était invité à discuter d’égal à égal avec des politiciens, des artistes, ainsi que des experts dans divers domaines. Pour le professeur Cornett, ne pas agir face à la détresse mentale de la plupart de ses étu-diants, c’est se soustraire à une responsabi-lité morale et civique. Norman Cornett exige plutôt que le système éducatif permette aux étudiants de développer une pensée auto-nome en stimulant sans cesse leur créativité.

«Car la créativité, affirme-t-il, c’est au fond ce qui nous distingue de toutes les autres espèces animales.»

Or, comment l’administration de l’époque avait-elle réagi face à cette mé-thode d’éducation novatrice? Pas une seule discussion, pas un seul préavis. Seule une lettre lui demandant de vider son bureau –une réaction qui a incité Alanis Obomsawin,

la réalisatrice du documentaire Depuis quand ressent-on l’obligation de répondre correctement au lieu de répondre honnêtement?, à établir une comparaison entre les méthodes de l’admi-nistration de McGill et celles de l’univers

anti-utopique de Ray Bradbury, Farenheit 451.

Par ailleurs, une lettre ouverte publiée dans Le Devoir du 15 juin 2007 avait ques-tionné publiquement la décision de McGill en exigeant une explication de la part de l’administration, qui conservait toujours le silence quant aux raisons de ce licencie-ment. Le vice-principal de l’époque avait

assuré les signataires de la lettre que le renvoi du professeur Cornett n’avait rien à voir avec les débats controversés qu’il avait l’habitude d’organiser dans ses cours sur les conflits au Moyen-Orient. D’après le vice-

principal, cette décision administrative avait été effectuée «sans irrégularité»; McGill continuait à honorer la liberté d’expression.

Toutefois, monsieur Masi offrait-il une quelconque explication aux 747 signataires de la pétition en ligne exigeant davantage de transparence de la part de l’administra-tion de McGill? Si les idées politiques du professeur Cornett ne constituaient pas la raison de son congédiement, alors qu’est-ce qui justifiait la décision de «le laisser partir»? Sur ce point, l’administration reste muette.

Quatre ans après ces événements, , l’enquête interne du professeur Jutras ré-vèlera sans doute que McGill continue à honorer la liberté d’expression, que ce soit dans leurs négociations avec les employés de MUNACA, dans leur façon de gérer l’accroissement de l’activisme étudiant et de répondre aux manifestations.

Il faut se rendre à l’évidence: quel que soit le montant auquel les jeunes Québécois achèteront le droit d’avoir un avenir, on ne peut plus nier que les rapports d’autorité définissant les relations entre les citoyens et leur gouvernement, de même qu’entre les étudiants et leur université, sont en train de se redéfinir. Un refus d’accepter ces chan-gements n’empêchera pas les étudiants de réclamer le droit de fréquenter un établis-sement qui honore véritablement la liberté d’expression, et qui n’établisse pas de dis-tinction entre les réponses correctes et les réponses honnêtes. x

Ce que l’administration veut, McGill veutRetour sur le documentaire d’Alanis Obomsawin sur le renvoi du docteur Norman Cornett

BILLET

Miruna TarcauLe Délit

Le docteur Norman Cornett, ex-professeur de la Faculté d’Études religieuses de McGillGracieuseté de National Geographic Live!

Page 16: le seul journal francophone de l’Université McGill Publié

Écrit et réalisé par Cédric Kahn, Une Vie meilleure aborde le thème du su-rendettement et de comment le sys-

tème capitaliste traite les plus faibles. Yann et Nadia sont encouragés à bâtir leur pro-pre restaurant. Ils sont jeunes, amoureux et ambitieux. Ce n’est pas grave s’ils n’ont pas l’argent pour le faire parce que la banque est là pour les aider. Toutefois, les choses seront moins roses quand des décisions financières douteuses prises par Yann auront un impact considérable sur leur endettement. Comme l’explique le réalisateur, «on veut du surclas-sement social et cela produit du déclasse-ment; ce sont de vrais tragédies humaines».

Le film se veut étouffant et démontre d’un point de vue plus humain que factuel les impacts du surendettement. Yann fait de mauvais choix qui s’avèreront catastro-phiques professionnellement, mais aussi personnellement. C’est un angle de la crise financière que Cédric Kahn voulait aborder. Il y a des tragédies humaines en lien avec la crise économique. Il ne s’agit pas seulement d’une question de chiffres. Pour employer les termes du film, si Yann et Nadia ne paient plus leurs dettes, les banques ne vont pas se gêner pour les égorger vivants. C’est un milieu sans pitié et sans compassion.

L’interprétation de Yann par Guillaume Canet est très réussie. Yann a eu une en-fance difficile et est légèrement immature. Il ne sait pas s’occuper de Slimane quand

on lui confie sa garde. Il fait du mieux qu’il peut selon ses connaissances, qui sont par-fois limitées. Guillaume Canet a clairement étudié son personnage. Il le comprend et le maîtrise bien.

Leïla Bekhti, sacrée meilleur espoir féminin aux Césars cette année, est une actrice montante du cinéma français. Ses apparitions sont moindres que celles de Guillaume Canet, mais restent bien maîtri-sées. L’interprétation vient naturellement. La chimie entre les deux acteurs est pal-pable. Le couple, pourtant si amoureux au début, se voit aspiré dans un véritable enfer économique, mais les sentiments restent toujours là. Ils n’ont personne d’autre pour les aider sauf eux-mêmes. Ce qui mène à la question: serait-il meilleur de vivre avec

peu d’argent et ensemble, ou surendetté et séparé?

Une vie meilleure, dont le titre se veut ironique, est un drame lourd. Il dénonce les failles du capitalisme pour les couches populaires, ceux qui seront laissés sur le trottoir car ils ne pourront plus payer. Il ex-plore la situation d’un point de vue humain en examinant l’impact du surendettement sur un couple qui n’est pas fortuné autant au sens propre que figuré. Un film militant, à sa façon. x

Une vie qui vaut son pesant d’orEndetté jusqu’au cou, un couple se questionne sur son avenir et la société dans laquelle il baigne.

Emilie BlanchardLe Délit

Une vie meilleure de Cédric KahnOù: CO Quartin Latin, 350 rue ÉmeryQuand: En salle dès le 18 novembre

Jamais à court de documentaireRetour sur les Rencontres internationales du documentaire de Montréal

DOCUMENTAIRE

Mai Anh Tran-HoLe Délit

Du 9 au 20 novembre se tenait la 14e édition des Rencontres internatio-nales du documentaire de Montréal.

Les centaines de films au programme ont une fois de plus démontré les différentes facettes du genre.

Contemplations poétiquesÀ la Librarie Le Port de Tête, Jorgen

Leth nous lit ces quelques phrases de son re-cueil de poèmes: «The world is just herebeyond the wall and I am trying to pin down the perfect human in the space in which he moves. Is he free? Does he want something in particular? Where does he walk around what is he doing how exactly is he present?» Celui qui serait le mentor de Lars von Trier est sans aucun doute un réalisa-teur à découvrir. Il étudie l’activité humaine depuis plus de quarante ans. Coups de cœur de la rétrospective: 66 scenes from America et New Scenes from America sont des tableaux qui illustrent le mythe américain et A Sunday in Hell qui suit le parcours cycliste Paris-Roubaix de plus de 200 mètres en 1976.

«Reality documentary» Paradise Lost 3: Purgatory a tout de l’in-

trigue d’un bon film policier: meurtres, un homme accusé à tort, un groupe de per-sonnes qui luttent pour l’innocence de celui-ci, l’investigation bâclée de la police, de nouveaux coupables… Sauf que le film de Joe Berlinger et Bruce Sinofsky n’est pas de la fiction. C’est bel et bien un do-cumentaire malgré ses airs de télé-réalité. En 1993, trois adolescents sont accusés du meurtre de trois enfants à West Memphis, en Arkansas. Les preuves? Aucune. Ils gri-bouillaient trop de pentagrammes, de têtes de mort et de serpents. Les meurtres hor-ribles sont l’œuvre de Satan et ces trois adolescents sont clairement amis avec le diable. La trilogie Paradise Lost est une réali-sation phénoménale sur une des enquêtes contemporaines les plus invraisemblables. Le dernier volet Purgatory résume l’aven-ture cauchemardesque et met en relief les concepts de justice et de liberté. À voir absolument.

La première prise est souvent la bonneLes réalisateurs Jim Brown et Gary

Burns ont eux décidé de faire un remake du vieux film français La vie commence de-main de Nicole Védrès. The Future is Now! est malheureusement une pâle copie du film de 1949 dans lequel le comédien Jean-Pierre Aumont incarnait «l’homme de la rue» et s’entretenait avec le peintre Picasso, l’existentialiste Sartre, l’architecte Le Corbusier, le biologiste Rostand, l’auteur Gide… La vie commence demain explorait l’avenir qui s’offrait à l’humanité suite aux deux guerres mondiales, la bombe atomi-que, Hiroshima et Nagasaki. The Future is Now! reprend le même fil conducteur, «la femme de demain» tente de changer l’attitude de «l’homme d’aujourd’hui» qui ne se contente que de ne pas faire de mal au monde et espérer qu’aucun malheur ne lui tombe dessus. Le film est dénué de toute émotion, pathos, le discours de Liane Balaban,«Il faut s’engager dans la collecti-vité, croire en l’humanité», sonne faux et assomme tellement il est moralisateur. Controverse Wiseman

Le film d’ouverture Crazy Horse (lire l’article «Soldates de l’armée érotica» dans

l’édition du 15 novembre) a fait l’objet d’une pétition signée par 20 cinéastes, producteurs et cinéphiles et appuyée par neuf autres personnes n’ayant pas vu le film qui accusaient le dernier film du ré-puté réalisateur Frederick Wiseman d’être «complaisante et sexiste». L’œuvre n’avait pourtant pas choqué au Festival interna-tionale du film de Toronto cette année. C’est se tromper que d’accuser hâtive-ment les RIDM d’avoir voulu gonfler les salles en choisissant ce film qui démontre une fois de plus la technique du cinéaste. Les sujets choisis par Wiseman sont ru-minés longuement. Oui, sans narration on perçoit bien par le montage l’objectif de ses films: percer le mystère d’une ins-titution –un hôpital psychiatrique dans Titicut Follies, une base militaire dans Basic Training, un centre de recherche zoologi-que dans Primate, une agence de manne-quins dans Model – et Crazy Horse ne fait pas exception.

Docville nous offre les meilleurs do-cumentaires de l’année à partir de janvier, le dernier jeudi de chaque mois. En vente au cinéma Excentris. x

16 Arts & Culture x le délit · le mardi 22 novembre 2011 · delitfrancais.com

Portrait de Frédérick WisemanGracieuseté de RIDM

Image tirée du film La vie commenceGracieuseté de RIDM