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Le Sexe de la mère et les divergences des théories …excerpts.numilog.com/books/9782130398509.pdf · Certains auteurs, et A. Green en particulier, contestent l'apport à la théorie

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  • LE SEXE DE LA MÈRE

    ET LES D I V E R G E N C E S

    DES T H É O R I E S P S Y C H A N A L Y T I Q U E S

  • LE FAIT PSYCHANALYTIQUE

    Collection dirigée Pierre Luquet

  • LE SEXE DE LA MÈRE

    et les divergences

    des théories psychanalytiques

    PAR

    BÉATRICE MARBEAU-CLEIRENS

    PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

  • Le présent ouvrage a pour base une thèse de Doctorat d'Etat ès lettres et sciences humaines, soutenue à l'Université de Paris V en 1983. J'exprime ma pro- fonde gratitude au Professeur Colette Chi- land qui en a assuré la direction avec rigueur et précision.

    Je remercie Pierre Luquet qui m'a donné de précieux conseils pour compléter ma recherche et ma réflexion.

    ISBN 2 13 0 3 9 8 5 0 2

    D é p ô t l é g a l — 1 é d i t i o n : 1 9 8 7 , m a i

    © P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e , 1 9 8 7

    1 0 8 , b o u l e v a r d S a i n t - G e r m a i n , 7 5 0 0 6 P a r i s

  • Introduction

    Dans mon expérience clinique de psychanalyste, j'ai été frappée chez certains de mes patients par la contradiction manifeste entre le statut social de ces hommes, leurs pouvoirs légaux et professionnels plus élevés que ceux des femmes, et leurs représentations fantasma- tiques terrifiantes de la mère et de la femme. Ces angoisses submergent l'inconscient de ces hommes et leur confèrent certaines difficultés dans leurs relations génitales, affectives et sociales avec les femmes. Ils res- sentent une dépendance profonde à l'égard de la disponibilité et de l' amour prégénital de la mère protectrice, tout en craignant d'être aspirés par sa tendresse fusionnelle. Tout en ayant vécu son amour ils craignent le rejet, le mépris, la castration de la mauvaise mère. Il m'est apparu que la relation prégénitale des garçons avec leur mère est extrê- mement différente de celle des filles et qu'il en restait des traces chez un grand nombre d'entre eux dans leur comportement à l'âge adulte. Cela nous permet de faire une certaine lecture de l'histoire, de la reli- gion et de l'art.

    Un certain nombre d'auteurs ont consacré un ouvrage au fait que les hommes sont intensément attirés par leur mère et qu'ils ont peur d'elle et des femmes. W. Lederer, dans Gynaphobia, en 1968, s'appuie aussi bien sur les mythologies que sur des écrivains comme Schopenhauer ou A. Christie pour montrer combien les hommes ont peur des femmes dans le monde entier et à travers les siècles. Pour lui, c'est une doctrine universelle que les femmes soient considérées comme ayant amené le mal, le péché et la m o r t Elles sont vécues comme castratrices et dévora-

    1. W. Lederer, 1968, Gynaphobia ou la peur des femmes, p. 89-90 et 97, Payot, 1970, 330 p.

    2. Ibid., p. 93.

  • trices. Les déesses exigent un rituel sanguinaire que les hommes exécutent, et l'auteur décrit combien ils craignent le sang menstruel, mais il ne cherche pas les motivations inconscientes de ces rites ni de ces appréhen- sions. W. Lederer évoque S. Freud et fait de légères allusions à Karen Horney, mais il ignore totalement M. Klein, E. Jones et les psychana- lystes français et américains. En outre, il semble avoir lui-même une sérieuse attitude défensive à l'égard des femmes. Pour lui, la femme est un être insatiable; elle demande à l'homme une dévotion et un dévoue- ment complets dont aucun être humain n'est capable. Elle lance à l'homme un défi sexuel, elle est cruelle et possède une langue de vipère. Enfin elle montre une répugnance pour les lois, elle refuse les valeurs masculines bien qu'elle n'en possède aucune elle-même Quand on possède de tels a priori sur les femmes peut-on parler d'elles avec objec- tivité? D'ailleurs, il pense que l'éternel féminin est statique, ne peut ni évoluer, ni se développer, c'est pourquoi la psychanalyse ne s'adresse qu'au monde masculin parce que seuls les hommes sont capables de tirer profit de l'introspection, de l'exhumation de ce qui est enfoui et de l a p r i s e d e c o n s c i e n c e d e s o i - m ê m e 2 !

    Dans La mauvaise mère, les psychanalystes G. Carloni et D. Nobili décrivent les anciennes réalités juridiques qui donnaient au père le droit de tuer ses enfants, ainsi que les sacrifices humains des religions, mais sans parler des significations inconscientes de ces actes. Ils montrent le nombre de filicides accomplis par les parents, à notre époque. Il y a un nombre légèrement supérieur de crimes commis par les mères, et celles-ci s'attaquent principalement aux nouveau-nés et aux enfants en bas âge, les pères aux enfants au-dessus de 10 a n s Dans les 760 contes qu'ils ont étudiés, ils ont retrouvé ces assassinats; le quart de ces récits contient des thèmes filicides, ce qui est un chiffre considérable dont ils ne cherchent pas les significations, comme si ces contes n'étaient que le reflet légèrement accentué de la réalité. Dans les contes, 56,6 % des tentatives de crimes proviennent de la mère ou de ses substituts; 47,8 % des cas proviennent du père ou de ses substituts. L'hostilité du père se manifeste par l'abandon, et celle de la mère par des mauvais traitements et des sévices. Bien que l'ouvrage porte un titre qui évoque l'imago maternelle, expression psychanalytique, il parle à peine des motivations

    1. Ibid., p. 81, 89, 92 et 266. 2. Ibid., p. 253. 3. G. Carloni et D. Nobili, 1975, La mauvaise mère, p. 50, Petite Bibliothèque Payot,

    1977, 304 p. 4. Ibid., p. 124 et 137.

  • inconscientes de ces comportements filicides, ni de la fonction de ces mythes et de ces histoires pour enfants. Bien qu'ils soient psychana- lystes, ces auteurs ne présentent pas d'hypothèses psychanalytiques éla- borées pour éclairer le sens de leur présentation d'éléments historiques, ethnologiques, mythologiques et artistiques, bien documentés.

    C'est sur le comportement des hommes que G. Rubin a mis l'accent dans Les sources inconscientes de la misogynie. Pour elle, l'homme a un lien physique, affectif et psychique profond qui l'attache à sa mère et le désir de retourner au sein maternel. La communauté rejette cet amour fusionnel qui pourrait empêcher la société d'exister. Les amoureux recherchent cette dyade, c'est pourquoi la société a entravé l'épanouisse- ment de la vie sexuelle par crainte de cet attachement archaïque Ne pas interdire l'inceste serait accepter sa propre disparition. L'agressivité sociale contre cette « Phantasmère » est allée frapper la femme. C'est à cause des pouvoirs extraordinaires attribués à celle-ci que la femme a été infériorisée. L'interdit de l'inceste et l'infériorité de la femme sont d e u x c h o s e s h u m a i n e s u n i v e r s e l l e s e t q u i s o n t l i é e s l ' u n e à l ' a u t r e

    L e s t r è s i n t é r e s s a n t e s d e s c r i p t i o n s h i s t o r i q u e s m y t h o l o g i q u e s e t c u l t u -

    r e l l e s q u ' e l l e s a p p o r t e n t s o n t m a l h e u r e u s e m e n t i n s u f f i s a m m e n t é c l a i r é e s

    p a r d e s c o n c e p t s p s y c h a n a l y t i q u e s . G . R u b i n é v o q u e S . F r e u d , m a i s n e

    s a p p u i e j a m a i s s u r d e s e x p é r i e n c e s c l i n i q u e s n i s u r l e s t h é o r i e s d e

    l ' E c o l e a n g l a i s e o u d e s a u t e u r s f r a n ç a i s p o u r c o m p r e n d r e l a s i g n i f i c a t i o n

    d u v a g i n d e n t é , d e s p e u r s d e s m e n s t r u a t i o n s e t d e l a m i s o g y n i e . P a r

    a i l l e u r s , l e s c o n d i t i o n s d i f f i c i l e s d e s f e m m e s d a n s l a s o c i é t é s o n t p r é s e n -

    t é e s p a r C . O l i v i e r d a n s L e s e n f a n t s d e J o c a s t e . P o u r e l l e , c ' e s t p a r c e q u e

    l' h o m m e c r a i n t d e r e t o u r n e r d a n s u n e r e l a t i o n s y m b i o t i q u e q u ' i l a v é c u e

    a v e c s a m è r e q u ' i l c h e r c h e r a à m a i n t e n i r l a f e m m e l o i n d e l u i , d a n s d e s

    l i e u x p r é v u s u n i q u e m e n t p o u r e l l e . I l s ' o p p o s e r a à s e s d é s i r s e t m a i n -

    t i e n d r a u n e d i s t a n c e e n t r e l u i e t e l l e p o u r s e p r o t é g e r d e s o n a t t a c h e m e n t

    œ d i p i e n q u i p o u r r a i t s e d é p l a c e r s u r e l l e P o u r n e p a s a v o i r p e u r d ' e l l e ,

    p o u r n e p a s t o m b e r s o u s s a d o m i n a t i o n , i l v a é c r a s e r l a g e n t e f é m i n i n e

    de tout son déda in Dans cet ouvrage polémique, C. Olivier critique S. Freud avec véhémence, mais ne s'appuie sur aucun autre psychana- lyste pour comprendre les comportements masculins et féminins. L'auteur

    1. G. Rubin, 1977, Les sources inconscientes de la misogynie, p. 172-173 et 176, Robert Laffont, 342 p.

    2. Ibid., p. 60 et 266. 3. C. Olivier, 1980, Les enfants de Jocaste. L'empreinte de la mère, p. 62, Denoël-

    Gonthier, 194 p. 4. Ibid., p. 119 et 140.

  • pense que la science analytique n'a fait que se répéter, et que depuis soixante-dix ans elle s'est développée dans le souci de ne pas dépasser le père, S. Freud l'intouchable et son disciple J. L a c a n Cette ignorance complète de l'histoire des concepts psychanalytiques et de leur évolution est vraiment regrettable. Ces pensées se présentent comme des affirma- tions non élaborées de façon clinique ou théorique.

    Ces livres s'appuient avec sérieux sur un ensemble d'événements historiques, sociaux et culturels, mais ils pèchent par l'intensité de l'implication personnelle de leurs auteurs. En effet, certains d'entre eux manifestent une attitude défensive par rapport aux femmes, ce qui biaise aussi bien leurs regards d'observateur que leurs réflexions théoriques, tandis que d'autres, trop touchés affectivement par les phénomènes sociaux et culturels, se laissent emporter dans un esprit de contestation ; cette attitude revendicative est-elle compréhensible? sans doute, mais elle aveugle certains auteurs sur les méthodes d'une recherche rigoureuse. Ils n'ont pas senti la nécessité d'étudier les diverses théories psychana- lytiques ni de recueillir les processus inconscients de nombreux patients, soit pour soutenir leurs affirmations en mettant en lumière leurs origines inconscientes, soit pour les remettre sérieusement en question; c'est le travail que j'ai voulu faire pour comprendre les divers émois et compor- tements des hommes à l'égard des femmes, aussi bien dans leur vie de couple que dans les événements sociaux, politiques et religieux.

    Dans la première partie de ce livre a été faite une synthèse assez complète des différents travaux que les psychanalystes ont réalisés depuis plus de quatre-vingts ans d'expériences cliniques. Les aspects riches, complexes, variés et contradictoires de la relation du garçon avec sa mère ont été mis en lumière par ces auteurs et j'insisterai sur les concepts des psychanalystes de l'Ecole anglaise qui n'ont pas été abordés dans les ouvrages précédemment cités. Les recherches de ces psychanalystes ont favorisé une orientation très novatrice de la réflexion théorique, en met- tant en évidence combien les relations prégénitales du bébé mâle avec sa mère sont érotisées, agressives et culpabilisées, et combien la fille est active et vit des angoisses de castrations. J'ai surtout mis l'accent sur la phase prégénitale du garçon et pour cela je me suis souvent appuyée sur les concepts de ces auteurs, bien que l'on ne puisse pas être d'accord sur la précocité des positions du nouveau-né que M. Klein expose. Si l'on ne peut réellement savoir ce que le nourrisson ressent pendant les pre- mières semaines de sa vie, il est indiscutable que l'on observe chez lui

    1. Ibid., p. 49.

  • des moments d'angoisse catastrophiques, scandés par des hurlements qui ne semblent ni exprimer simplement une demande, ni manifester uniquement une décharge musculaire. L'enfant garde des traces mné- siques de ces instants de terreur. Ce qui a été indicible à ce moment-là va se transformer après coup en fantasmes lors de nouvelles expériences qui mettent en éveil ces traces mnésiques.

    En cas de frustrations, de douleurs prolongées, de retard de nourriture, on peut observer dans les tout premiers mois que le bébé réagit souvent en refusant de regarder sa mère et en repoussant le biberon. Ces comporte- ments réactionnels n'acquièrent sans doute un sens fantasmatique de rejet de la mauvaise mère qu'au début de la deuxième année, mais toute- fois je pense que ces fantasmes ont pris racine par étayage sur ce qui a été vécu dans les premiers mois.

    Certains auteurs, et A. Green en particulier, contestent l'apport à la théorie psychanalytique des observations directes, des approches natu- ralistes et des recherches de la psychologie du développement. Pour lui, il manquera toujours dans le tableau que dessine la science, la dimension intrapsychique et la conceptualisation métaphorique. Il considère que la pensée développementale qui s'appuie sur la génétique et l'observation serait une science réductionniste qui ne permet pas de construire l'hypo- thèse de l'inobservable. Je crois que, bien que le réalisme psychologique aille à l'encontre d'une conception métaphorique du matériel analytique, on ne peut cependant pas annuler complètement les apports de l'obser- vation directe rigoureuse. R. Diatkine pense que la psychanalyse peut interroger les résultats de ces recherches pour y trouver des éléments entrant dans la compréhension des processus psychiques. Dans cet esprit, S. Lebovici souhaite que les psychanalystes connaissent les nom- breux travaux effectués sur le développement génétique du bébé et sur les transactions intra-familiales, car cela leur permettrait de comprendre la naissance de la vie psychique de l'enfant, celle de ses représentations fantasmatiques et de sa pensée qui va se secondariser. La reconstruction du passé ne se fait pas avec n'importe quels matériaux. Pour R. Diatkine, quelle que soit la puissance structurante de l'expérience qui organise après coup les traces mnésiques plus anciennes, il faut admettre que

    1. A. Green, 1979, L'enfant modèle, Nouvelle Revue de Psychanalyse, 19, Gallimard, p. 27-48.

    2. R. Diatkine, 1979, La psychanalyse de l'enfant, p. 60, Nouvelle Revue de Psychana- lyse, Gallimard, p. 49-64.

    3. S. Lebovici, 1983, Le nourrisson, la mère et le psychanalyste. Les interactions précoces, p. 84, Paidos/Centurion, 306 p.

  • celle-là a été préparée par ce qui a précédé. Cette nouvelle transcription, bien difficile à déchiffrer n'est jamais arbitraire, « repérer des éléments susceptibles de faire mieux comprendre cette préhistoire, intéresse tous les psychanalystes d'enfants »

    Je tiendrai compte de certaines observations scientifiques qui ont été effectuées sur les enfants et les relations intra-familiales, car ces recherches ont stimulé mes réflexions psychanalytiques et ma compréhension des fantasmes, des relations d'objet et des processus inconscients de mes patients.

    Par ailleurs, en 1979, A. Green a aussi évoqué la fausse certitude de croire à la subordination du psychisme au système nerveux et à la biologie. Dans le même esprit, J. Laplanche pense que la pulsion n'est ni une force biologique, ni un concept limite, elle est l'impact sur le Moi de la stimulation constante exercée par les représentations, choses refou- l é e s q u ' i l d é s i g n e c o m m e o b j e t s s o u r c e s d e l a p u l s i o n . D . W i d l ö c h e r

    c o m m e J . L a p l a n c h e , é l i m i n e l a « m y t h o l o g i e b i o l o g i s a n t e » q u i r a t t a -

    c h a i t l a p u l s i o n à u n e e x i g e n c e d e t r a v a i l v e n a n t d u c o r p s . P o u r l u i , c e

    q u i e s t n o m m é p u l s i o n n ' e s t q u e l ' e n s e m b l e h i é r a r c h i q u e d e s a c t i o n s

    q u i s e t r o u v e n t e n g a g é e s d a n s l a r é a l i s a t i o n d e c h a q u e a c t e p s y c h i q u e .

    C e p e n d a n t d ' a u t r e s a u t e u r s d i s c u t e n t c e s p o s i t i o n s p a r f o i s r a d i c a l e s .

    P a r e x e m p l e D . A n z i e u m a i n t i e n t a v e c S . F r e u d q u e l a p u l s i o n a u n e

    s o u r c e c o r p o r e l l e i m a g i n a i r e l o c a l i s é e d a n s c e r t a i n s o r g a n e s d e s s e n s o u

    à l a s u r f a c e d e l a p e a u . C e s o n t c e s e x p é r i e n c e s c o r p o r e l l e s p r é c o c e s q u i

    c o n s t i t u e n t l a m a t r i c e d e l a v i e f a n t a s m a t i q u e . D ' a u t r e p a r t , p o u r

    S. Lebovici comme pour A. Gibeaul t l'accès à la vie pulsionnelle est marqué par la place qu'elle occupe aux confins de la biologie et de la psychologie, des besoins organiques et des désirs psychiques. C'est sur les concepts soutenus par ces derniers auteurs que va s'appuyer ma réflexion.

    Certains thèmes abordés dans cette première partie seront illustrés par six exemples de l'inconscient d'hommes de ma pratique clinique personnelle. Les sujets qui viennent suivre un traitement ont souvent

    1. R. Diatkine, 1979, p. 51. 2. A. Green, 1979, p. 29. 3. J. Laplanche, 1984, La pulsion et son objet source, son destin dans le transfert, p. 21,

    in La pulsion pour quoi faire ?, Colloque mai 1984, Association psychanalytique de France, p. 8-24.

    4. D. Widlöcher, 1984, Quel usage faisons-nous du concept de pulsion?, p. 40, in La pulsion pour quoi faire ?, p. 29-42, Association psychanalytique de France.

    5. D. Anzieu, Corps de la pulsion, p. 60, in La pulsion pour quoi faire ?, op. cit., p. 53-67. 6. S. Lebovici, 1983, p. 305. 7. A. Gibeault, 1980, Le concept de la pulsion dans les « Trois Essais sur la théorie de la

    sexualité », p. 88, in Les puisions, Tchou, p. 53-89.

  • des symptômes névrotiques causés par leurs pulsions et leurs anxiétés à l'égard de leur mère pendant la période préœdipienne. Je vais mettre en lumière combien cette mère prégénitale est érotisée et érotisante pour le bébé mâle et combien ces relations libidinales sont accompagnées d'intenses angoisses d'anéantissement et de castration. Tout au long de ce parcours je préciserai les différences qui me paraissent importantes entre les garçons et les filles dans leurs rapports avec leur mère.

    Il est certain que les individus qui sont restés fixés dans ces conflits du passé transfèrent leurs relations inconscientes avec leur mère sur toutes les femmes, et vont avoir à l'égard de celles-ci des attitudes défen- sives pour se protéger de l'angoisse de castration et de l'écrasement de la toute-puissance de la femme, qui envahit leur inconscient. Ils cher- cheront à limiter leur champ d'action et à les dominer pour se mettre à l' abri des dangers fantasmatiques qu'elles représentent. Mais ils agiront ainsi tout en voulant les avoir disponibles pour qu'elles soient à leur service comme la bonne mère réelle et idéale de leur petite enfance. Dans la deuxième partie de ce travail, un regard interrogateur sera jeté sur l'histoire de la pensée psychanalytique, sur la sexualité et la psycho- logie féminine. Ce n'est qu'avec des essais et des erreurs difficiles et dou- loureux que les concepts sur la sexualité féminine ont évolué; ne seraient-ils pas un exemple de l'attitude défensive des hommes à l'égard de la mère fantasmatique dont les femmes seraient les substituts?

  • Première partie

    É R O T I S A T I O N ET A N G O I S S E D E L ' E N F A N T S T I M U L É E S

    P A R LES SOINS M A T E R N E L S

  • 1

    Complexité de l'érotisme du nourrisson

    Dès les premiers mois la relation de la mère avec son fils est différente de celle qui s'établit entre la mère et sa fille. Plus tard les fantasmes de toute-puissance de la mère phallique fantasmatique auront un effet après coup spécifique et assez important chez le garçon. Par ailleurs, à cause de la continuité des liens prégénitaux érotisés, des liens œdipiens qui attachent celui-ci à sa mère, et le cortège d'angoisses qui leur fait escorte, l' enfant mâle, puis l'homme, auront parfois des difficultés à se libérer de leurs imagos maternelles. Il peut en rester des marques légères ou accentuées à l'âge adulte qui donnent certaines caractéristiques à leurs regards sur la femme.

    1 / Relations spécifiques de la mère avec son fils, dès les premiers mois

    Dès sa naissance une mère prend son nouveau-né dans ses bras, le touche, lui parle, le regarde; elle lui offre son odeur et sa chaleur. Ce sont d'emblée des stimuli interactionnels que le bébé peut recevoir, précise S. Lebovici, car il a déjà des capacités sensorielles et d'autres encore; par ailleurs, dès le premier instant le bébé émet des messages auxquels la mère r éag i t

    L'apparition du sourire social représente le changement sur le fonc- tionnement neurophysiologique qui s'accompagne d'un ensemble de modifications électro-encéphalographiques. A ce moment-là l'interaction

    1. S. Lebovici, 1983, p. 96.

  • affective s'enrichit entre la mère et le bébé, entre le père et le bébé. Il est difficile de ne pas être convaincu que le petit enfant mâle ne vive pas une relation différente de celle de la petite fille avec sa mère. En effet ceci est mis en partie en évidence par la synthèse des études faites par S. Lebovici dans son ouvrage sur le nourrisson.

    T. B. Brazelton a constaté que le père et la mère peuvent être vécus par le bébé comme des personnes distinctes dès les premières interactions. Les pères semblent présenter une approche plus ludique et plus excitante du nouveau-né; il s'attend à des réactions plus intenses de l'enfant et il les suscite. Dès l'âge de trois semaines, le nourrisson manifeste une attitude spécifique envers son père et envers sa mère. Avec son père, ses yeux sont plus largement ouverts, son visage paraît plus gai et plus brillant. S'agit-il d'un simple conditionnement à des stimulations variées ? Peut-être pendant les toutes premières semaines, mais ces comportements caractéristiques du père et de la mère sont durables et tissent une relation affective au cours des mois. Un certain nombre de sensations, puis d'émotions commencent à être ressenties et vécues de façon très diffé- rente au contact de l'un ou de l'autre et à nourrir le début d'une vie fantasmatique. L'interaction du père avec le bébé fournit à ce dernier l'existence des deux sexes, mâle et femelle, des adultes qui s'occupent de lui. D'autres recherches aboutissent à des résultats semblables. J. Kes- tenberg a observé que le bébé sent la différence entre la manière dont il est tenu par chacun des parents. Il ressent le père comme plus actif et agressif, plus brusque, plus audacieux et plus distant que la mère. Les hommes tiennent leur nouveau-né à hauteur de la taille, tandis que les mères les approchent de leurs seins et de leur visage, enfin ils soulèvent souvent leur bébé dans les airs.

    A. D. Parke et R. B. Sawin ont observé des nourrissons à domicile de trois semaines à trois mois : les pères stimulent plus les prises de lait de leurs fils que celles de leur fille en mobilisant le biberon, tandis que les mères stimulent davantage, au contraire, l'allaitement de leur fille. Les pères ne tiennent pas leur fils d'une manière tendre et câline, mais ils réservent ce comportement pour leur fille. Les mères, inversement, main- tiennent leur fils plus proche d'elle qu'elle ne le font avec leur fille. Ces

    1. T. B. Brazelton, 1979, Behavioral competence of the newborn infant in Seminars, in Perinatology, 3, 42, cité par S. Lebovici, 1983.

    2. J. Kestenberg, H. Marcus, K. M. Sossin, R. Stevenson, The development of paternal attitudes, in Father and child, 1981, cité par S. Lebovici, 1983.

    3. R. D. Parke et R. B. Sawin, The family in Early Infancy, in R. D. Parke, Fathers, 1981, cité par S. Lebovici, 1983.

  • observations scientifiques correspondent, d'une part, aux associations de nos patientes qui sont de jeunes mères et, d'autre part, illustrent la pensée de certains psychanalystes et mon hypothèse personnelle, sur la relation érotisée sur un mode hétérosexuel de la relation du nourrisson mâle avec sa mère.

    D'autre part, S. Lebovici constate que le bébé influence son entou- rage humain au même titre qu'il est lui-même sous l'influence de cet environnement. Les recherches ont mis en lumière que les attitudes et comportements parentaux variaient en fonction des caractéristiques du bébé, et en particulier de son sexe, ce qui semble être à l'origine des différents types de maternage que la mère donne à l'enfant. La relation mère-bébé, père-bébé serait une série d'échanges réciproques où chacun est amené à répondre à l'autre. Ceci est très manifeste dans les cas de sujet intersexuels avec ambiguïté génitale. L. Kreistler a constaté que l' évolution psychosexuelle de ces enfants se fait en accord avec le sexe d 'assignation et d'éducation à l'encontre du sexe biologique et anato- mique. Les facteurs biologiques peuvent être submergés par l'ensemble des comportements et des conduites déclenchés chez la mère dès la naissance de son enfant, à l'annonce de son sexe et à la vue de ses organes génitaux. L'enfant se perçoit comme garçon ou fille dès la deuxième année de sa vie.

    Toutes les mères réagissent de façon consciente et inconsciente au sexe de leur fils. Elles peuvent vivre cet enfant comme le double de

    homme qu'elles aiment, ce qui donne à leur attitude maternelle un léger reflet de sentiment amoureux. Souvent elles vivent comme un

    pouvoir créateur le fait d'avoir fabriqué avec leur corps un sexe qu'elles n' ont pas, ce qui leur permet, dans certains cas, de dépasser l'étouffement d' une relation maternelle fantasmatique où elles se sentaient soumises à l' identique toujours plus fort qu'elles. Le pénis de leur enfant est alors souvent surévalué. Le fait d'avoir mis un enfant mâle au monde comble parfois les femmes qui souffrent de ne pas avoir de phallus et qui ont vécu cette absence comme une blessure narcissique. Là encore, la sexua- lité de l'enfant est surestimée en raison de son apport compensatoire.

    Bien des mères sont heureuses de voir le pénis de leur bébé en érection, et considèrent celui-ci, alors, « comme un petit homme » ; parfois elles disent même que pour elles l'allaitement est une sorte d'échange sexuel.

    1. S. Lebovici, 1983, p. 95-96. 2. L. Kreistler, L'enfant et l'adolescent de sexe ambigu ou l'envers du mythe, Nouvelle

    Revue de Psychanalyse, n° 7, 1973, p. 117-133.

  • D'autres sont très gênées par la virilité de leur enfant, car elles trans- fèrent leur amour œdipien sur lui et parfois refusent de le nourrir pour cette raison inconsciente. Dans d'autres cas c'est le rejet, la haine ou le mépris de l'homme qui est projeté sur le fils, mais de toute façon les mères n'ont pas la même relation avec leurs garçons qu'avec leurs filles dès le jour de la naissance. Les caresses de sa peau, les soins corporels, anaux et génitaux, les tétées et les câlins seront donnés d'une façon parti- culière en raison de la sexualité virile de l'enfant qui touche sa mère d'une façon inconsciente, confuse ou clairement formulée. Ces émois de la mère éveillent peu à peu la réceptivité érotique de la peau et la sensibilité sexuelle et relationnelle de l'enfant. Contrairement à certains auteurs pour qui la différence des sexes ne joue pas de rôle décisif dans les premiers mois, je pense personnellement que puisqu'elle est essentielle dans les sentiments et comportements maternels, cela agit nécessairement sur les sensations ressenties par l'enfant et la formation de sa relation d'objet. Ces aspects hétérosexuels de la relation mère-garçon donnent une dimension supplémentaire aux plaisirs que le bébé ressent et mani- feste pendant sa tétée, sur lesquel S. Freud a mis l'accent dans les Trois essais. Le suçotement rythmique des lèvres n'a pas toujours le but de l'absorption d'un aliment, car les lèvres, le doigt, la langue, le gros orteil deviennent des objets de succion ; le bébé cherche également à saisir une partie du corps d'une autre personne. La volupté de sucer peut amener des réactions motrices, parfois une espèce d'orgasme et cet acte s'accom- pagne souvent d'attouchements génitaux. S. Freud complète ces réflexions, en 1915, en précisant : « que l'enchaînement des phénomènes, qu'éclaire la psychanalyse, nous permet de dire que le suçotement est un acte sexuel » Il me semble qu'en raison de l'investissement et du comporte- ment de la mère et du père qui sont si différents selon le sexe de l'enfant, qu'au bout de quelques mois les câlins et les tétées pendant lesquels la mère tient son garçon plus proche d'elle que sa fille, sont colorés d'une certaine érotisation hétérosexuelle. Le contact corporel et affectif de la mère qui investit la virilité de son fils éveille en quelques mois les pulsions sexuelles mâles et naturelles de celui-ci.

    Ces émois normaux chez les bébés prennent un aspect pathologique quand ils demeurent intenses et restent encore fixés à l'âge où la géni- talité a pris son essor; il est toutefois intéressant d'évoquer ces pertur- bations qui donnent un certain reflet de la sensualité éprouvée d'une façon floue et diffuse par le tout jeune enfant : en 1916, K. Abraham

    1. S. Freud, 1905, Trois essais, NRF-Gallimard, 1962, p. 73.

  • parle d'un jeune garçon qui, jusqu'à quinze ans, buvait du lait avec une méthode spéciale pour le sucer, en enroulant la langue derrière les dents; il trouvait cela particulièrement agréable et déclarait : « C'est comme téter le sein; je suçote ma propre langue comme un mamelon » Plus âgé, il s'éveillait la nuit avec un besoin sexuel intense; alors il buvait du lait et, seulement s'il n'y en avait pas de disponible, il se masturbait. L'aspiration la plus profonde était de téter le lait, la mas- t sexuelle n'étant que surajoutée. K. Abraham évoque un autre patient, âgé de dix-sept ans, qui se suçait les dents et les gencives et se léchait les lèvres avec sa langue. Il utilisait celle-ci pour caresser et chatouiller son palais avec volupté. L'auteur parle dans ce cas de « m a s t u r b a t i o n o r a l e »

    Aux satisfactions de la succion s'ajoutent celles de la morsure. En effet, S. Freud considère l'organisation sexuelle prégénitale comme cannibalique ; le but sexuel à cet âge est alors constitué par l'incorpora- tion de l 'obje t K. Abraham illustre le fait que l'activité orale du nour- risson de succion devient mordication, en présentant un de ses patients qui avait des fantasmes cannibaliques où il avalait sa nourrice très aimée. Le goût de la viande lui rappelait celui du lait, et en buvant du lait il ressentait un brusque désir de viande ; « c'était comme s'il cherchait à r e m p l a c e r l a c h a i r h u m a i n e » e t l e f a n t a s m e d e m o r d r e u n s e i n

    s u r g i s s a i t e n l u i . C e s f a n t a s m e s c a n n i b a l i q u e s s o n t é r o t i s é s p a r c e q u ' i l s

    r e p r é s e n t e n t s y m b o l i q u e m e n t u n e n o u r r i t u r e a f f e c t i v e .

    P o u r l ' a u t e u r , l e s p u l s i o n s c a n n i b a l i q u e s i n c o n s c i e n t e s q u i l u i s e m -

    b l e n t f o n d e r c e r t a i n s s y m p t ô m e s d e s t r o u b l e s m e n t a u x d é p r e s s i f s e x i s t e n t

    a u s s i c h e z l e s a d u l t e s n o r m a u x e t s e r e t r o u v e n t d a n s l e u r s r ê v e s . U n d e

    s e s p a t i e n t s , à p r o p o s d ' u n e j e u n e f e m m e q u ' i l i d e n t i f i a i t à s a m è r e

    disait q u ' i l a v a i t e n v i e d e l a « d é v o r e r b o u c h é e p a r b o u c h é e » N o u s

    c i t e r o n s u n e a u t r e p a t i e n t e d e c e t a u t e u r , q u i r ê v a : « J e d é v o r e u n

    m o r c e a u d e v i a n d e , j e l e d é c h i r e à b e l l e s d e n t s e t j e l ' a v a l e . T o u t à c o u p ,

    J e m ' a p e r ç o i s q u ' i l s ' a g i t d u d o s d ' u n e p e l i s s e q u i a p p a r t i e n t à

    M m e N . . . » L e d o s e s t u n d é p l a c e m e n t d ' a v a n t e n a r r i è r e , e t l ' u s a g e

    s y m b o l i q u e d e l a f o u r r u r e f a i t a l l u s i o n a u s e x e f é m i n i n , t a n d i s q u e

    1. K. A b r a h a m , 1 9 1 6 , E x a m e n d e l ' é t a p e p r é g é n i t a l e l a p l u s p r é c o c e d u d é v e l o p p e m e n t

    d e l a l i b i d o , p . 2 3 6 , i n Œ u v r e s c o m p l è t e s , t . 2 , P a y o t , 1 9 6 6 , p . 2 3 1 - 2 5 4 .

    2 . I b i d . , p . 2 4 6 .

    3 . S . F r e u d , 1 9 0 5 , p . 9 4 - 9 5 .

    4 . K . A b r a h a m , 1 9 1 6 , p . 2 3 8 .

    5 . K . A b r a h a m , 1 9 2 4 , p . 3 0 3 . 6 . I b i d .

  • M m e N . . . p o r t e l e n o m d ' u n a n i m a l q u i a p p a r a î t d a n s l e s r ê v e s d e

    c e t t e p e r s o n n e a v e c u n e s i g n i f i c a t i o n m a t e r n e l l e . U n d é s i r c o m p u l s i o n n e l

    d e s u c r e r i e s n ' e s t p a s r a r e c h e z l e s n é v r o s é s d o n t l a l i b i d o e s t f o r t e m e n t

    r e f o u l é e .

    M . K l e i n p e n s e q u e , c h e z u n p e t i t e n f a n t , « l e f a i t d ' a i m e r u n o b j e t

    e t d e l e d é v o r e r s o n t i n s é p a r a b l e s » c a r i l d é s i r e u n e s a t i s f a c t i o n o r a l e

    « i l l i m i t é e » L ' o n p e u t m o d u l e r l a p e n s é e d e l ' a u t e u r e n n o t a n t q u e l a

    s a t i s f a c t i o n o r a l e i l l i m i t é e p e u t n e p a s ê t r e c e l l e d e d é v o r e r , m a i s q u ' i l

    a r r i v e s o u v e n t q u ' e l l e a b o u t i s s e à c e t t e e x t r é m i t é . D ' a i l l e u r s l ' a s p e c t

    s e x u e l d e s u c e r , a v a l e r , d é v o r e r , s ' e x p r i m e d a n s l e s t r i b u s n o i r e s

    d ' A f r i q u e e t l e s t r i b u s i n d i e n n e s d ' A m é r i q u e d u S u d , o ù l e m ê m e v e r b e

    s i g n i f i e à l a f o i s c o p u l e r e t m a n g e r .

    L ' é r o t i s a t i o n d e l a s u c c i o n e t d e l a m a n d u c a t i o n d u n o u r r i s s o n p o s -

    s è d e u n e t o n a l i t é p a r t i c u l i è r e c h e z l e g a r ç o n p a r c e q u ' i l e s t n o u r r i p a r

    u n e f e m m e q u i i n v e s t i t s a s e x u a l i t é m a s c u l i n e e t q u i é v e i l l e p a r s o n

    c o n t a c t l a p u l s i o n n a t u r e l l e d e c e l u i - c i ; c e l a d o n n e à s a r e l a t i o n a v e c s a

    m è r e u n e c o l o r a t i o n p l u s s e n s u e l l e e t p l u s c o m p l e x e q u e c e l l e d e l a

    f i l l e .

    2 / L a p a s s i v i t é é r o t i q u e e t m a s c u l i n e d u n o u r r i s s o n

    L e s p r i n c i p a u x p l a i s i r s d u b é b é s e r e s s e n t e n t d a n s l a z o n e b u c c a l e ;

    c e p e n d a n t d ' a u t r e s s e n s a t i o n s é r o t i q u e s s e m a n i f e s t e n t a u s s i d a n s

    d ' a u t r e s z o n e s é r o g è n e s e t s e c a r a c t é r i s e n t p a r l a p a s s i v i t é . A c e t t e

    é p o q u e , l ' é r o t i s m e o r a l e t l a p a s s i v i t é s e x u e l l e m a s c u l i n e s e s t i m u l e n t

    l ' u n l ' a u t r e . S . F r e u d a v a i t c o n s t a t é c e t t e p a s s i v i t é s e x u e l l e r é c e p t i v e

    d e s b é b é s e t i l s a v a i t q u ' e l l e é t a i t b i e n c o n n u e d e s n o u r r i c e s p e u c o n s -

    c i e n c i e u s e s q u i e n d o r m e n t l e s e n f a n t s e n l e u r c a r e s s a n t l e s o r g a n e s

    g é n i t a u x . M . K l e i n a i n s i s t é a u s s i s u r l a r é c e p t i v i t é f é m i n i n e d u g a r ç o n

    t o u t e n c o n s t a t a n t l e s f r é q u e n t e s é r e c t i o n s d u p é n i s d u n o u r r i s s o n

    R . L o w e n s t e i n a m i s u n l i e n e n t r e c e s d e u x t e n d a n c e s p u l s i o n n e l l e s ;

    d a n s L a p a s s i v i t é p h a l l i q u e c h e z l ' h o m m e , i l r e m a r q u e q u e , d a n s t o u t e s

    1 . M . K l e i n , 1 9 3 1 , C o n t r i b u t i o n à l ' é t u d e d e l a p s y c h o g e n è s e d e s é t a t s m a n i a c o - d é p r e s -

    s i f s , p . 3 1 5 , i n E s s a i s d e p s y c h a n a l y s e , P a y o t , 1 9 6 7 , p . 2 8 3 - 2 9 5 .

    2 . M . K l e i n , 1 9 4 5 , L e c o m p l e x e d ' Œ d i p e é c l a i r é p a r l e s a n g o i s s e s p r é c o c e s , p . 4 1 1 , i n

    E s s a i s d e p s y c h a n a l y s e , p . 3 7 0 - 4 2 4 .

    3 . S . F r e u d , 1 9 0 5 , p . 1 7 9 .

    4 . M . K l e i n , 1 9 4 5 , p . 4 1 3 .

    5 . R . L o w e n s t e i n , 1 9 3 5 , L a p a s s i v i t é p h a l l i q u e c h e z l ' h o m m e , R e v u e f r a n ç a i s e d e P s y -

    c h a n a l y s e , V I I I , 1 , 2 9 3 - 3 2 1 .

  • l e s a n a l y s e s o ù l ' a m n é s i e i n f a n t i l e a p u ê t r e l e v é e d ' u n e f a ç o n s û r e e t

    i n é q u i v o q u e , i l a o b s e r v é q u e l e s p r e m i è r e s m a n i f e s t a t i o n s é r o t i q u e s

    p é t a i e n t r e p r é s e n t é e s p a r d e s t e n d a n c e s , d e s d é s i r s e t d e s a c t e s

    à b u t s p a s s i f s , q u e c e s o i t t o u c h e r s o i - m ê m e s a v e r g e o u l a m o n t r e r . I l

    p r é s e n t e u n c a s p a r l u i - m ê m e o b s e r v é : « U n g a r ç o n d e c i n q m o i s s e

    m e t t a i t e n é p i s t h o n o s q u a n d s a m è r e l u i f a i s a i t s a t o i l e t t e . C e n ' é t a i t

    p a s s e u l e m e n t u n e a c t i o n t o n i q u e d e s e s e x t e n s e u r s , c a r i l t e n d a i t e n

    m ê m e t e m p s s a v e r g e à s a m è r e t o u t e s l e s f o i s q u ' e l l e a p p r o c h a i t s a

    m a i n d e l a r é g i o n g é n i t a l e d e s o n e n f a n t , e t i l p o u s s a i t à c e s m o m e n t s

    d e s g r o g n e m e n t s d e j o i e a c c o m p a g n é s d ' u n e m i m i q u e n o n é q u i v o q u e »

    L ' a u t e u r a c o n s t a t é q u e l a p h a s e p h a l l i q u e d e l ' é v o l u t i o n d e l a l i b i d o

    d a n s l a m a j o r i t é d e s c a s q u ' i l a a n a l y s é s e s t c a r a c t é r i s é e p a r u n e f o n c t i o n

    d e s o r g a n e s g é n i t a u x à b u t p u r e m e n t p a s s i f . C e t t e « p a s s i v i t é p h a l -

    l i q u e » p e u t d e m e u r e r c h e z l e s a d u l t e s ; l ' a u t e u r l a d é c r i t c h e z u n d e

    s e s p a t i e n t s q u i l u i r a c o n t e l ' i n t é g r i t é r e l a t i v e d e s o n a u t o m a t i s m e g é n i t a l

    p e n d a n t l a f e l l a t i o n e t s o n i n h i b i t i o n l o r s d u c o ï t . L o r s d e l a f e l l a t i o n , i l

    n ' a v a i t r i e n à f a i r e , c a r c ' e s t l a f e m m e q u i f a i s a i t t o u t e t c e s r é c o n f o r t s

    a r c h a ï q u e s l u i p e r m e t t a i e n t d e s u r m o n t e r s e s b l o c a g e s .

    C e t t e p a s s i v i t é e s t i n d i s p e n s a b l e à c e r t a i n s n é v r o s é s , p o u r q u ' i l s

    a b o u t i s s e n t à l a j o u i s s a n c e , m a i s u n g r a n d n o m b r e d ' h o m m e s y t r o u v e n t

    u n p r o f o n d p l a i s i r a n t é r i e u r e m e n t à l a p é n é t r a t i o n p é n i e n n e a c t i v e .

    L e p a t i e n t s o i g n é p a r C . D a v i d e s t u n e x e m p l e d e f i x a t i o n à l a p a s s i v i t é

    é r o t i q u e m a s c u l i n e d u j e u n e e n f a n t : i l p r i a i t s a f e m m e d e l e « p r e n d r e » ,

    c ' e s t - a - d i r e q u ' e l l e d e v a i t s ' a s s e o i r s u r s a p o i t r i n e , l e m a s t u r b e r , t a n d i s

    q u i l s ' i m a g i n a i t à l a m e r c i d ' u n e b e l l e i n c o n n u e d ' â g e m û r , i m p é r i e u s e

    e t c r u e l l e , e t c e l a l u i i m p o r t a i t p e u q u e s a f e m m e n ' y t r o u v â t a u c u n

    p l a i s i r . N ' é t a i t - i l p a s a l o r s c o m m e u n e n f a n t r é d u i t à l ' i m p u i s s a n c e e t à l a

    « p a s s i v i t é p h a l l i q u e » , d a n s l e s b r a s d e s a m è r e f a n t a s m a t i q u e ?

    J ' a i r e n c o n t r é c e t t e p a s s i v i t é é r o t i q u e m a s c u l i n e , m o i n s r é g r e s s i v e s a n s

    d o u t e , c h e z p l u s i e u r s d e m e s p a t i e n t s a d u l t e s . A l p h o n s e a v a i t t r o i s s œ u r s

    a î n é e s q u i d e v a i e n t t r a v e r s e r s a c h a m b r e p o u r s o r t i r d e l a l e u r ; d a n s s o n

    e n f a n c e , i l d é s i r a i t s e f a i r e c a r e s s e r p a r c e s p e t i t e s j e u n e s f i l l e s , p o u r c e l a

    i l s e d é n u d a i t e t f a i s a i t s e m b l a n t d e d o r m i r , e n e s p é r a n t l e u r s a t t o u c h e -

    m e n t s . A d u l t e , d a n s l e s h ô t e l s , i l f a n t a s m e l e s m ê m e s s c è n e s , i l s ' a l l o n g e

    n u e t s o n n e l a f e m m e d e c h a m b r e d a n s l ' e s p o i r q u ' e l l e v i e n d r a l e

    1 . I b i d . , p . 3 9 .

    2 . I b i d . , p . 3 6 - 4 3 .

    3. C. David, 1 9 6 4 , D ' u n e m y t h o l o g i e m a s c u l i n e t o u c h a n t l a f é m i n i t é , p . 7 5 , i n

    J. C h a s s e g u e t - S m i r g e l , 1 9 6 4 , p . 6 5 - 8 9 .

  • DANS LA MÊME COLLECTION

    Bergeret J., Clinique, théorie et technique. Les interrogations du psychanalyste.

    Christe R., Christe-Luterbacher M.-M., Lu- quet P., La parole troublée.

    Cosnier J., Destins de la féminité.

    Marbeau-Cleirens B., Le sexe de la mère.

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    dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

    CouvertureLE FAIT PSYCHANALYTIQUEPage de titreRemerciementsCopyright d'origineTable des matièresIntroductionPremière partie - ÉROTISATION ET ANGOISSE DE L’ENFANT STIMULÉES PAR LES SOINS MATERNELS1 - Complexité de l’érotisme du nourrisson1/ Relations spécifiques de la mère avec son fils, dès les premiers mois2 / La passivité érotique et masculine du nourrisson

    DANS LA MÊME COLLECTIONAchevé de numériser