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Politique familiale et familles monoparentales en métropole et dans les DOM depuis 1946 Author(s): Ariette Gautier Source: Nouvelles Questions Féministes, No. 13, LE SEXE DU CERVEAU (PRINTEMPS 1986), pp. 89-100 Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40620200 . Accessed: 15/06/2014 16:32 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Questions Féministes. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.205 on Sun, 15 Jun 2014 16:32:16 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Politique familiale et familles monoparentales en métropole et dans les DOM depuis 1946Author(s): Ariette GautierSource: Nouvelles Questions Féministes, No. 13, LE SEXE DU CERVEAU (PRINTEMPS 1986), pp.89-100Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40620200 .

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Ariette Gautier

Politique familiale et familles monoparentales

en métropole et dans les DOM depuis 1946

Résumé

Ariette Gautier : « Politique familiale et familles monoparentales en Métropole et dans les DOM depuis 1946 ».

La politique familiale française vis-à-vis des familles monoparentales a fortement di- vergé dans les départements d Outre-mer et en métropole de 1946 à 1970. Puis, les me- sures en faveur de ce type de famille se sont multipliées et ont été étendues Outre-Mer, bien que non sans mal.

Abstract

Ariette Gautier : « Family Policy and Single- Parent Families in the Metropolis and the Overseas Departments Since 1946 ».

French family policy with respect to single-parent families evolved quite diffe- rently in the metropolis and in the overseas departments between 1946 and 1970. After that date, an increasing number of measures in favor of this type of family were adopted and also extended, though not without dif- ficulty, to overseas areas.

A part le problème de la cohabitation entre un gouvernement de droite et un président de gauche, qui concerne au premier chef les hommes politiques, le débat préélectoral ne s'est guère animé que sur la question de l'immigration et singulièrement sur la politique familiale à mener envers les étrangers. Ainsi, la plateforme du RPR propose-t-elle de limiter les aides à la natalité aux seuls Français, revenant ainsi sur les acquis de la loi de 1 946 qui a instauré le régime actuel des prestations familiales. Cette proposition a soulevé un certain tollé à gauche, elle a ainsi été accusée d'instaurer une ségrégation entre Français et étrangers, Libération a même parlé d'apartheid1. Il est frappant de noter que per- sonne n'a rappelé à cette occasion qu'un groupe de Français n'a jamais bénéficié de la loi de 1946 : les habitants des départements d'Outre-Mer.

♦Cette recherche a été effectuée dans le cadre d'une action thématique programmée : « Recher- ches sur les femmes et recherches féministes », financée par le CNRS et le ministère des Droits de la Femme.

N.Q.F. n° 13, Printemps 1986, pp. 89 à 100

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Certes, les mesures sociales qui leur ont été appliquées au coup pour coup ont contribué à rapprocher leur situation en matière de presta- tions familiales de celle des personnes vivant en France métropolitai- ne2. Il n'en vaut pas moins la peine de s'interroger sur les raisons et les conséquences de l'application d'une législation différente à des citoyens français selon l'endroit où ils habitent alors que prévaut juridiquement et politiquement le dogme d'une France « une et indivisible ».

Trois raisons sont généralement avancées pour justifier les différences entre la législation appliquée en métropole et celle qui a cours dans les DOM : les données socio-économiques locales, les contrain- tes démographiques et les structures familiales3. Je m'intéresserai essen- tiellement à ce troisième motif puisque les politiques familiales sont supposées viser essentiellement les familles. Les particularités des structu- res familiales des DOM sont bien connues : nombre important de femmes chefs de familles (le tiers environ aux Antilles), ainsi que des couples concubins (15 % des familles guadeloupéennes selon le recensement de 1954, 10 % selon celui de 1982), forte illégitimité3. En quoi ces spécifi- cités appellent-elles un traitement différent ? Est-ce parce que l'homme est moins souvent chef de famille, ce qui confirmerait a contrario les analyses d 'Hilary Land et Roy Parker4 selon lesquelles les politiques familiales visent à maintenir l'homme dans son rôle de chef de famille ? De plus, les familles monoparentales n'ont pas subi le même sort selon qu'elles vivaient en métropole et en Outre-Mer et que, d'autre part, la législation s'est transformée dans les années 1970 : il faut donc retracer et essayer de comprendre ces différences et leur évolution.

1946-1970 : LE GRAND ÉCART DES POLITIQUES METROPOLITAINES ET ULTRAMARINES

1946 est une année d'activité législative intense qui voit à la fois la refonte de la politique familiale métropolitaine et la transforma- tion des « anciennes colonies » (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) en départements d'Outre-Mer. Pourtant, les prestations qui sont accordées aux familles, y compris monoparentales, ne sont pas ap- pliquées Outre-Mer.

• « La grandeur de la France »

En 1946, « le gouvernement reconnaît que seule la mise en œuvre d'une vigoureuse politique de la natalité peut rendre à la France la jeunesse et les forces indispensables à sa force et à sa grandeur »5. Il va donc compléter le dispositif déjà mis en place par la loi du 31 déc. 1945 créant le quotient conjugal et très favorable aux familles avec enfant mais aussi aux couples mariés. Ainsi, les sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu sont divisées par un et demi pour les couples mariés depuis trois

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ans et sans enfant, par deux pour un couple marié depuis moins de trois ans et par un demi pour chaque enfant. Elles seront donc, pour un cou- ple ayant deux enfants, du tiers de celles payées par un célibataire. Par ailleurs, la loi du 22 août 1946 généralise l'accès aux diverses prestations familiales, augmente considérablement leur montant, et crée les alloca- tions prénatales.

Les prestations sont désormais au nombre de quatre : alloca- tions prénatales versées à chaque naissance, allocations familiales attri- buées à partir du second enfant, allocations de salaire unique versées dès le premier enfant mais uniquement aux salariés lorsqu'un seul membre du couple perçoit un salaire, allocations de maternité versées à l'occasion de la naissance, dans les trois années suivant le mariage ou avant les 25 ans de la mère, d'un enfant de parents français, reconnu ou légitime. Elles manifestent le triple motif de la politique familiale : augmenter les naissances, aider les familles en compensant partiellement les charges dues aux enfants, favoriser le maintien de la mère au foyer. On peut ajouter qu'elles visent également à diminuer les pressions revendicatri- ces des travailleurs en augmentant les revenus de ceux qui en ont le plus besoin : les chefs de famille nombreuse.

Qu'elle soit motivée par un intérêt pour tous les enfants - et futurs travailleurs - ou par un sentiment de justice, cette nouvelle poli- tique se veut généreuse et abolit toute discrimination envers les étran- gers et envers les enfants illégitimes (sauf pour les allocations de mater- nité), ce qui touche au premier chefies familles monoparentales dirigées par des « mères célibataires », « mettant fin sur ce point au scandaleux préjugé qui faisait de l'enfant né hors du mariage un véritable paria »6. De plus, l'allocation de salaire unique (ASU) versée aux parents isolés est maintenue au taux de 20 % du salaire d'un manœuvre pour les enfants uniques de plus de cinq ans alors qu'elle passe à 10 % pour les autres ménages. Cependant, si un deuxième enfant naît la femme perd le bénéfice de l'allocation de salaire unique : « S'il est présumé qu'elle ne vit pas seule et que deux salaires entrent dans ce foyer, elle ne doit pas bénéficier de l'allocation de salaire unique »6. Par ailleurs, les allocations familiales que touchaient les salariés depuis 1932 et les travailleurs indé- pendants depuis 1939 sont étendues à tous les ménages à l'exception de ceux dont aucun membre ne travaille alors qu'il pourrait le faire. Les mères de deux enfants sans activité professionnelle sont explicitement comprises dans les personnes mises dans l'impossibilité de travailler et ayant droit aux allocations.

Ces allocations correspondent à une substantielle augmenta- tion du revenu des familles : ainsi tous les ménages non-salariés, y com- pris les mères sans activité professionnelle, reçoivent 20 % du salaire moyen d'un manœuvre ordinaire des métaux pour leur second enfant, 50 % pour le troisième et 80 % pour le quatrième. Les ménages compre-

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nant un seul salarié reçoivent en tout (AF + ASU) 20 % de ce même sa- laire pour le premier enfant jusqu'à son cinquième anniversaire et même au-delà pour les familles monoparentales, 60 % pour le second, 100 % pour le troisième. Les familles monoparentales ont donc droit au même traitement que les autres familles, ce qui correspond à un soutien substan- tiel. Le sentiment que les mères doivent rester au foyer - ou la recon- naissance de l'éducation des enfants comme travail selon la perspective choisie - leur permet de bénéficier des allocations familiales sans emploi extérieur, mais l'aide apportée est alors minime et il est vraisemblable que les mères qui ne reçoivent pas de pensions en tant que veuves ou divorcées doivent recourir à l'aide sociale.

Cependant, cette générosité ne durera guère. Bien que de nou- velles allocations soient créées (entre autres, en 1946, l'allocation loge- ment et, en 1955, l'allocation de mère au foyer pour les non-salariés qui correspond à l'allocation de salaire unique pour les salariés), la propor- tion des prestations familiales par enfant par rapport au PNB par habi- tant passe de 21.8 % en 1949 à 9 % en 19727. Cette baisse touche proportionnellement plus les familles monoparentales parce qu'elles sont plus pauvres et donc plus dépendantes des revenus d'appoint. En revanche, l'aide indirecte représentée par le quotient conjugal et familial ne cesse de croître puisqu'elle est proportionnée aux revenus; or elle est profondément injuste précisément pour cette raison8.

• Les départements d 'Outre-Mer La loi de départementalisation du 19 mars 1946 prévoit que

« les lois nouvelles applicables à la métropole le seront dans ces départe- ments sur mention expresse insérée aux textes », puis l'article 73 de la constitution du 24.12.1946, énoncent que le régime législatif des départe- ments d'Outre-Mer est le même que celui des départements métropoli- tains9. Entre mars et décembre a été votée la loi sur les prestations familia- les qui ne sera jamais étendue aux DOM. Cependant, cette omission ne s'explique pas seulement par un malheureux hasard du calendrier législatif : malgré la clarté de la constitution, de nombreuses lois ne sont pas appli- quées à ces départements pour des motifs variés qui reviennent toujours à les considérer comme n'appartenant pas de droit à la communauté nationale contrairement à tous les discours gouvernementaux, comme l'a bien montré François Miclo. Dénoncer le refus de l'assimilation n'est pas la promouvoir ; il s'agit plutôt d'affirmer que le statut politique et donc juridique de ces régions doit relever de la volonté des peuples et non de décisions prises par des fonctionnaires ou même des parlemen- taires.

Toujours est-il qu'un régime juridique particulier est appliqué Outre-Mer. Ainsi, en matière de prestations familiales, seuls les fonction- naires acquièrent-ils (en 1953 et à la suite d'une longue grève) un droit

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identique à celui de leurs collègues métropolitains alors que les autres « Domiens » subissent un régime discriminatoire. En effet, ces derniers sont régis par la loi de 1932 qui n'accorde de prestations qu'aux salariés (à l'exception - significative ! - des domestiques qui sont très générale- ment des femmes), soit en prenant l'exemple de la Guadeloupe, à 34 % des familles avec enfant en 19489. Diverses catégories obtiennent par la suite le droit d'accès aux prestations : les gens de maison et les marins- pêcheurs en 1960, les anciens salariés agricoles devenus exploitants agricoles en 1963, les exploitants agricoles en 1969, aussi la proportion de familles ayant droit aux prestations du fait de l'activité du chef de ménage atteint-elle 48 % (en incluant les fonctionnaires) en 1954 et 63% en 1961 io.

Par ailleurs, les « Domiens » (à l'exception des fonctionnaires) n'ont accès qu'aux allocations familiales proprement dites et pas aux autres prestations introduites par la loi de 1 946 ni même à l'allocation de salaire unique. Enfin, bien que les salariés des DOM cotisent autant que les métropolitains et que les prestations soient censées être versées en fonction de ces cotisations, ils touchent des sommes très inférieures : un salarié régulier, père de trois enfants, touchait en 1960 20000 francs en métropole et 4 000 francs aux Antilles. Cette inégalité sera réduite en 1962 par de fortes augmentations, qui font suite à la volonté gaullien- ne de maintenir la présence de la France dans ses « vieilles colonies » au moment même où les plus récentes acquièrent leur indépendance. Cepen- dant, pour que ces hausses n'aient pas d'effets natalistes, 45 % des alloca- tions ainsi augmentées ne sont pas versées individuellement mais collecti- vement, et servent au financement de la gratuité des cantines scolaires, à la formation professionnelle (qui en métropole n'est pas considérée com- me relevant de la politique familiale), aux travailleuses familiales et au planning. Mais les sommes versées aux allocataires sont aussi plus faibles parce que les allocations sont versées au prorata des journées travaillées. Or, selon les estimations d'experts du plan, la moitié des travailleurs ne sont employés que la moitié de l'année du fait du caractère saisonnier des activités agricoles et de l'absence d'autres débouchés11.

Toutes ces discriminations touchent particulièrement les fem- mes chefs de famille, que ce soit en droit ou en fait. Le tiers d'entre elles sont en effet sans activité professionnelle et n'ont pas accès aux allocations. De plus, les femmes travaillent plus souvent dans des types d'activité non couverts par la législation. D'ailleurs la définition des métiers couverts semble parfois décidée en fonction du sexe de la per- sonne qui les accomplit le plus souvent : ainsi les domestiques, dont l'écrasante majorité sont des femmes, sont exclues, bien que salariées, de toute aide et cela jusqu'en 1960. Aussi, en 1954, 51 % des hommes chefs de famille sont couverts contre 30 % des femmes chefs de famille, pourcentages qui passent respectivement à 49 % et 39 % en 1961, par

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suite notamment de l'inclusion des domestiques dans le champ des prestataires. En conséquence, lors de ces deux recensements, plus de 60 % des femmes chefs de famille n'ont droit à aucune aide de l'Etat pour élever leurs familles alors que seuls 40 % des hommes sont dans ce cas. De surcroît, en ce qui concerne les hommes chefs de famille, ces pourcentages sont des minima car le travail de leurs épouses peut ouvrir le droit aux allocations pour leurs enfants alors que les mères sans conjoint n'ont pas un tel recours. Qui plus est, il est probable que les femmes reçoivent des sommes plus faibles que les hommes parce qu'elles sont davantage affectées par le sous-emploi : les chiffres man- quent pour les années 1946-70, mais l'enquête emploi de 1980 a montré que le sous-emploi atteignait 46 % des femmes et 30 % des hommes12.

Les vingt-cinq premières années d'application de la législation familiale dans les DOM ont donc été marquées, à la différence de la situa- tion métropolitaine, par l'existence d'une forte discrimination envers les femmes chefs de famille et l'absence d'aide à leur égard. Loin d'essayer de diminuer le poids des contraintes économiques sur la vie des plus démunis, la politique suivie en renforce les effets. Et, pour reprendre le troisième grand motif évoqué pour « adapter » la politique métropolitai- ne, les craintes d'une explosion démographique ne peuvent justifier les différences de traitement entre les familles monoparentales et les autres puisqu'elles ont moins d'enfants, à cette époque, que n'en ont les famil- les légitimes où les femmes sont plus « exposées au risque de grossesse » pour reprendre la terminologie des démographes. Aussi voit-on un mem- bre d'une commission locale du plan proposer d'encourager la constitu- tion de familles légitimes bien que cela risque d'augmenter le nombre des naissances pour lutter contre la délinquance^, et bien que le rapport entre les deux ne soit nullement argumenté.

Dans les années 1970,1a politique familiale va moins diverger en fonction de son lieu d'application.

LES POLITIQUES SPECIFIQUES VIS-A-VIS DES FAMILLES MONOPARENTALES

La convergence d'un certain nombre d'évolutions (les familles monoparentales deviennent plus visibles en métropole, les politiques familiales se font plus spécifiques, la plupart des nouvelles lois sont appliquées immédiatement outre-mer) conduit au rapprochement de la situation des familles monoparentales aux Antilles et dans l'hexagone ; ce type de famille reste néanmoins trois fois plus répandu dans les îles qu'en métropole. • De la « mère célibataire » à la « famille monoparentale »

Dans les années 1970, les familles monoparentales acquièrent

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une nouvelle visibilité bien que leur nombre varie peu parce que leur composition se transforme profondément : elles ne sont plus formées essentiellement de veuves mais de divorcées et, dans une moindre mesure, de mères célibataires. La vie des familles se fait plus précaire et de nom- breux enfants sont amenés à vivre un jour ou l'autre dans cette structure, ne serait-ce que temporairement *4. Le fait que certaines femmes choisis- sent d'élever un enfant sans père est aussi largement discuté, la « mère célibataire volontaire » tend à remplacer comme stéréotype la femme « séduite et abandonnée ».

Parallèlement, la politique familiale a évolué vers une plus grande spécificité : de nouvelles prestations sont créées « sous condi- tions de ressources », c'est-à-dire destinées aux familles les plus pauvres ; or, parmi celles-ci, on trouve de nombreuses familles monoparentales. Des prestations vont donc être créées pour elles : en 1970, l'allocation orphelin, dont le montant reste minime (370 francs pour un orphelin partiel au 1.7.1985), et en 1976 l'allocation de parent isolé. Cette der- nière allocation assure un revenu minimum, élevé par rapport aux autres prestations (2 975 francs avec un enfant) à toute personne seule élevant un enfant de moins de trois ans.

• Une extension qui ne va pas de soi

L'extension de ces mesures aux mères seules soutiens de fa- mille Outre Mer n'était pas évidente pour les gouvernements et ne l'est toujours pas pour certaines fractions des populations des DOM.

A la suite du choix politique de parité entre les départements d'Outre-Mer et les autres, toutes les nouvelles prestations ont été éten- dues outre-mer bien que cela soit souvent sous une forme « adaptée » et parfois non sans mal. Ainsi, l'allocation orphelin (maintenant appelée soutien de famille) a été appliquée dès 1971, mais son mode de calcul est différent de celui qui a cours en métropole, ce qui conduit à en mino- rer le montant, qui n'est que de 243 francs pour un orphelin partiel. Quant à l'allocation de parent isolé, dont on croit généralement aux Antilles qu'elle a été accordée pour des motifs électoraux par Giscard, le gouvernement de celui-ci n'avait pas prévu de l'appliquer aux DOM. C'est Jean Fontaine, un député des DOM, qui dépose un amendement dans ce buU5. Simone Veil lui objecte que : « L'introduction dans ces départe- ments d'une nouvelle prestation qui obéit à une logique très différente de celle qui gouverne les prestations familiales classiques parait malai- sée ». Ce qui, comme le note Miclo, est l'exemple même d'un raisonne- ment circulaire puisque le régime des prestations est différent dans les DOM parce que le pouvoir politique l'a voulu ainsi. Puis la ministre de la santé utilise un argument très intéressant pour notre propos : « En second lieu, on peut considérer qu'une partie de la population de ces départements ne pratique pas encore le modèle familial qui est commu-

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nément accepté en France métropolitaine ». Ce qui pourrait signifier une opposition de principe aux familles monoparentales mais semble surtout un refus fondé sur des raisons de coût financier. En effet, le député lui répond sur le terrain de la moralité : « Croyez bien que nous avons autant de dignité que les métropolitains ! et si le nombre d'enfants naturels est plus élevé chez nous que chez vous, la cause en est la misère, et vous le savez parfaitement. Nous luttons d'ailleurs pour la faire disparaître, pour que la morale soit mieux respectée et que les mœurs soient assainies dans ces départements » (il serait intéressant de savoir par quels moyens !). Simone Veil lui réplique : « Je constatais simplement et objectivement le nombre élevé de mères célibataires qui, si elles vivent avec un compagnon, pourraient demander le bénéfice de cette disposition, ce qui en rendrait l'application beaucoup plus difficile ». Elle se situe donc par rapport à une fraude qui induirait un surcoût, mais aussi à partir d'« a priori » faux puisque le nombre de mères élevant seules leurs enfants est beau- coup plus élevé que celui du concubinage (en régression par rapport à 1954), et que toutes les études montrent que le père participe peu à l'entretien des enfants quand il ne vit pas avec la mère16. Le gouvernement finit cependant par accepter cette prestation si elle est cohérente avec le niveau des revenus, ce qui explique que, dans les DOM, ΓΑΡΙ versée pour un seul enfant de moins de trois ans soit seulement de 1 861 francs, soit 1114 francs de moins qu'en métropole.

Fontaine fondait en partie son argumentation sur la contra- diction qu'il percevait entre l'attitude du g avernement et une déclara- tion du président Giscard d'Estaing aux Antilles où ce dernier annonçait : « Dans ce grand mouvement de la société française, pour la promotion de la femme, des allocations familiales seront également versées aux femmes vivant seules qui élèvent plusieurs enfants et qui ne peuvent envisager de ce fait d'accomplir un travail régulier »*7. En fait, Giscard ne se référait alors qu'à la possibilité ouverte par la loi de 1 946 que des mères de deux enfants sans activité professionnelle puissent toucher les allocations : le « grand mouvement pour la promotion de la femme » légitime donc l'application aux DOM d'un décret vieux de trente ans ! Il n'empêche que ce droit aux allocations familiales, ouvert jusqu'aux 17 ou 20 ans de l'enfant, est la seule assurance d'un revenu fixe pour les femmes sans activité professionnelle. Cependant, le montant en est faible : 370 francs pour deux enfants, cela ne mène pas bien loin !

Pour résumer, les textes de 1971 et surtout de 1975 et 1976 ont considérablement accru le nombre de femmes chefs de famille ayant accès aux prestations familiales : on peut estimer les chefs de famille tou- jours exclus en 1974 à 19 % des hommes et 35 % des femmes et en 1982 à 4 % des hommes et 5 % des femmes. En effet, les travailleurs indépen- dants, les professions libérales et les couples au chômage depuis plus d'un an sont toujours exclus, à la différence de la France métropolitaine où la

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généralisation de l'accès aux prestations est totale depuis le 1.1.1978. Par ailleurs, le montant des prestations a été augmenté sans qu'il atteigne ce- lui perçu par les fonctionnaires antillais, à peu près indexé sur les taux métropolitains.

Bien que cette évolution améliore le bien-être des enfants, elle est souvent critiquée aux Antilles, y compris par certains officiels. Cette opposition est motivée par la critique de « l'assistance » et la défense des rapports hommes/femmes actuels.

Les Antilles ont le niveau de vie le plus élevé de la Caraïbe, mais celui-ci n'est assuré que par les transferts publics, notamment sociaux, étant donné l'effondrement des structures productives. Les prestations familiales sont donc accusées de transformer les « Domiens » en assistés. Cette accusation est portée par tous les libéraux et est égale- ment répandue en métropole : les prestations désin citent de travailler18 et augmentent le coût du travail. Mais elle l'est aussi par les indépendan- tistes pour qui le gouvernement français achète l'âme et le vote des Antillais pour assurer son maintien dans la Caraïbe. Pour certains, les services de l'Etat essaient de se débarrasser des pères parce que les familles matrifocales sont plus faciles à dominer et assurent le maintien de la dépendance politique19. Il est d'ailleurs frappant d'entendre certains fonctionnaires critiquer les allocations « femmes seules » et de parent isolé alors qu'eux-mêmes touchent 40 % de « prime de vie chère » par rapport à leurs collègues métropolitains : soit l'équivalent de ΓΑΡΙ dès 4 300 francs d'émoluments. Or, il y a 27 000 fonctionnaires en Guade- loupe et seulement 7 000 femmes sans activité professionnelle, dont, en 1983, 2 162 bénéficiaires de l'allocation parent isolé. Il faut ajouter que la vie n'est pas censée être chère pour tous puisque le SMIC est inférieur de 20 % à celui de l'hexagone et TAPI inférieure de 40 %. Les allocations aux familles monoparentales ne permettant à celles-ci que de survivre et non d'avoir le train de vie des classes moyennes aux Antilles, il ne semble donc pas qu'elles soient le principal moteur de l'assistance.

Les prestations aux femmes seules sont aussi censées déstabi- liser les rapports actuels hommes /femmes. Comme l'écrit le directeur d'un centre de prévention : « Les hommes ne peuvent plus négocier leur présence par l'argent qu'ils distribuaient avec parcimonie. Il y a là une perte de sens dont les conséquences sont incalculables pour la commu- nauté socio-politique de référence »20. La communauté antillaise est alors perçue comme celle des hommes et aucune interrogation n'est portée sur les effets de ces pratiques sur la vie et le psychique de ces femmes. Or, les récits recueillis par Alibar et Lembeye-Boy21 montrent la terrible souffrance vécue par ces femmes obligées de recourir à une semi-prostitution pour nourrir leurs enfants et qui parfois se retrouvent enceintes. Selon l'expression populaire : « elles vont chercher du lait et ramènent de la viande ». Les femmes sont également accusées d'exclure

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symboliquement les hommes en préférant qu'ils ne reconnaissent pas leurs enfants pour toucher plus facilement les allocations orphelin, « femmes seules » et parent isolé. Mais, ces allocations étant pour les deux premières faibles et pour la troisième temporaire, ce comportement ne révèle que la certitude chez ces femmes qu'elles ne seront pas soutenues matériellement par les pères, sentiment qui repose sur l'expérience de nombreuses voisi- nes ou parentes. D'ailleurs, les Antillaises sont toujours préoccupées de faire connaître leur père ou du moins son nom à leurs enfants. Elles leur inculquent qu'ils devront aider leur père, même s'il n'a rien fait pour eux. L'une d'elles disait à Catherine Charbit que ne pas connaître le nom du père, c'était comme ne pas connaître l'existence de Dieu". On voit donc que le père symbolique est bien ancré dans l'esprit des Antillaises et pour leur plus grand désavantage.

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L'Etat français a donc mené pendant trente ans une politique différente envers les femmes chefs de famille dans les DOM et dans l'hexagone au détriment des premières. Cette pénalisation touchait les femmes chefs de famille et non les familles illégitimes, ce qui confirme les thèses de Land et Parker sur le caractère patriarcal de l'Etat. D'autant qu'à partir de 1963 la compensation financière opérée entre les caisses métropolitaines et « domiennes » se traduit par un triplement des presta- tions au profit principal des hommes chefs de famille. La pratique de la politique familiale s'oppose à ses déclarations de principe : solidarité nationale, aide aux enfants, croissance de la natalité. Cette contradiction s'explique sans doute par le nombre élevé des familles monoparentales dans les DOM, lequel accroît le coût financier des prestations qui ne sont pas assises sur des cotisations. Cependant, après de nombreuses autres catégories, les femmes chefs de famille monoparentales, elles aussi, ont eu droit à un traitement plus proche de celui de la métropole. Les raisons de cette évolution sont au moins au nombre de trois. Le principal moteur de la politique familiale est la volonté de maintenir la France dans ces « vieilles colonies » après la douloureuse décolonisation algérienne et elle fut exprimée très clairement par de Gaulle. Les émeutes de 1967 en Guadeloupe et la création des premières organisations indépendantistes firent accéder les gouvernements aux revendications des assimilationnistes. Cependant, et cela explique les caractéristiques de cette évolution, les assimilationnistes et particulièrement les organisations familiales ne se préoccupaient nullement des familles monoparentales, lesquelles n'étaient pas représentées en leur sein, et elles défendaient plutôt les familles légi- times^ : aussi le droit aux allocations a été ouvert aux femmes sans activité professionnelle avec trente ans de retard. C'est donc bien la re- connaissance dans l'hexagone même des familles monoparentales, ce que

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Giscard appelle un peu vite « la promotion féminine », qui a favorisé l'évolution des textes applicables dans les DOM. Enfin, cette transforma- tion n'a été permise que par la baisse du taux de fécondité qui la rendait moins coûteuse.

Ariette Gautier

NOTES

1. DUPEYROUX, Jean-Jacques, « Demain la ségrégation », Le Monde, 30.10.85, p. 11 ; BRIANÇON, Pierre, « Allocations familiales : l'opposition sur la voie de l'apartheid » , Libération, 1 .1 1.85, p. 6.

2. STECK, Philippe, « Les prestations familiales dans les départements d'Outre- Mer»,C4F,n° 10-11, 1978, pp. 31-38.

3. Secrétariat d'État aux Départements d'Outre-Mer, La politique sociale dans les départements d'Outre-Mer, 1976, p. 17.

4. LAND, Hilary ; PARKER, Roy, « La politique de la famille en Grande-Bretagne et sa dimension idéologique », Nouvelles questions féministes, n° 6-7, hiv. 84, pp. 107-154.

5. Selon le mot de RAMETTE, rapporteur pour avis de la Commission des finances et du contrôle budgétaire. Assemblée nationale, Débats, 6 août 1946, p. 2987. Pour toute cette partie on se reportera avec profit à La politique familiale en France de- puis 1945, Paris, la Documentation française, 1986, 386 p.

6. NICOD, groupe communiste. Assemblée nationale, Débats, p. 2989 et BOUXOM, rapporteur pour avis de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, p. 2987.

7. STECK, Philippe, « Les prestations familiales de 1946 àQ1985. Ruptures ou constance ? ». Revue française des affaires sociales, vol. 39, n° 3, sept. 85, p. 73.

8. MICLO, François, Le régime législatif des départements d'Outre-Mer et l'unité de la république. Paris, Económica, 378 p.

9. Notes et études documentaires, n° 1633. 19 juillet 1952.

10. Ces chiffres sont déduits de la comparaison entre les textes applicables d'après : Prestations familiales dans les départements d'Outre-Mer, Paris, Journal officiel de la république française, n° 1471, 1980 et les Recensements, Guadeloupe, INSEE, 1954 : pp. 278-281 et 1961 :pp. 136-138.

11. GUENGANT, Jean-Pierre, « Démographie et problèmes sociaux ». Basse-Terre, Commission locale du plan, nov. 70, p. 27.

12. DOMENACH, Hervé ; GUENGANT, Jean-Pierre, « Chômage et sous-emploi dans les DOM », Bulletin d'information du CENADDOM, vol. 12, n° 65, 1ère sem. 82, p. 24.

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13. Commissariat Général du Plan d'Équipement et de la Productivité. Commis- sion Centrale du Plan des DOM. Commission Locale du Plan de la Guadeloupe, fév. 69, p. 4.

14. Idem, p. 3.

15. « Parents isolés ». CAF, n° 8, 1983, 148 pp.

16. ASSEMBLÉE NATIONALE, Débats, 12 mai 76, pp. 3 196 et 3212, et 28 juin 76, pp. 4790 et 4792.

17. CHARBIT, Catherine ; CHARBIT, Yves ; BERTRAND, Catherine, « Lapluripa- ternité en Martinique et en Guadeloupe ». Nouvelles questions féministes, η 9-10, p. 108.

18. On peut lire une critique économétrique de cette thèse dans : RAY, J.-C, « L'al- location de parent isolé désincite-t-elle au travail ? ». Recherches économiques et sociales, n° 13-14, 1er et 2ème trim. 85, pp. 75-1 12.

19. COLOMB, Jean-Claude ; DUCOSSON, Dany, « De l'évacuation des pères », CARE, n° 4, juin 79, pp. 117-132.

20. FLAGIE, Albert, Baroches, quartiers de la ceinture urbaine de Pointe-à-Pitre, 3ème cycle, 1982, p. 493.

21. ALIBAR, France ; LEMBEYE-BOY, Pierrette, « Le couteau seul... », Paris, Éditions caribéennes, 1981 et 1982.

22. CHARBIT, op. df.,p.95.

23. Tous les documents de préparation du plan ne mentionnent qu'une fois, par la voix de Ludger, la nécessité d'ouvrir ce droit aux mères sans activité professionnelle : Commission locale du plan, 1 96 1 .

ERRATUM Nouvelles (gestions Féministes, η 11/12.

- Article de Ulli Horvat : page 127, 9e ligne : lire « cette culture minoritaire » et non « cette moindre culture ».

- Article d'Andrée Michel : lire « old boys network » au lieu de « old boy's network ».

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