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Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2012) 11, 293—299 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉTUDE ORIGINALE Le SIGAPS « système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques » et la médecine palliative en France SIGAPS, a French bibliometric score, and palliative medicine in France Bertrand Sardin ,1,2 , Gérard Terrier 2 , Dominique Grouille 2 Service d’accompagnement et soins palliatifs, CHU de Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France Rec ¸u le 12 ecembre 2011 ; accepté le 3 evrier 2012 Disponible sur Internet le 23 avril 2012 MOTS CLÉS Bibliométrie ; Évaluation ; SIGAPS ; Médecine palliative Résumé L’évaluation a modifié les stratégies de publication. En France, le logiciel SIGAPS « système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques » a instauré une norme quasi exclusive. Le but de ce travail est d’évaluer par la prise en main du logiciel la congruence de ce score avec les publications de médecine palliative en général et franco- phones en particulier. L’item de recherche utilisé est « palliative » correspondant aussi bien à médecine palliative qu’à palliative medicine et palliative care. Les résultats montrent une sous- estimation des publications palliatives en général et une non représentation des publications francophones d’où une valorisation moindre. Sur une échelle variant de 1 à 32, la publication en franc ¸ais rapporte au mieux 24 points et seulement quatre dans les deux revues palliatives fran- cophones. En anglais, le même article vaudrait entre 16 et 24 points dans les revues palliatives indexées. Par son poids économique via les missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovations (MERRI), SIGAPS a imposé un monopole de fait sur l’évaluation scientifique médicale franc ¸aise. Basé sur PubMed et l’impact factor américain, il conforte la domination des revues anglo-saxonnes et défavorise les spécialités émergeantes comme la médecine pal- liative. S’ils ne peuvent ignorer les stratégies de publication orientées SIGAPS, les auteurs ne doivent pas pour autant négliger les publications francophones de soins palliatifs qui permettent la création et la diffusion d’un corpus de connaissances, d’une culture palliative et assurent le nécessaire lien entre ses différents acteurs. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Sardin). 1 Photo de l’auteur. 2 Docteur en médecine. 1636-6522/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2012.02.001

Le SIGAPS « système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques » et la médecine palliative en France

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2012) 11, 293—299

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ÉTUDE ORIGINALE

Le SIGAPS « système d’interrogation, de gestion etd’analyse des publications scientifiques » et lamédecine palliative en France

SIGAPS, a French bibliometric score, and palliative medicine in France

Bertrand Sardin ∗,1,2, Gérard Terrier2,Dominique Grouille2

Service d’accompagnement et soins palliatifs, CHU de Dupuytren, 2, avenueMartin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France

Recu le 12 decembre 2011 ; accepté le 3 fevrier 2012Disponible sur Internet le 23 avril 2012

MOTS CLÉSBibliométrie ;Évaluation ;SIGAPS ;Médecine palliative

Résumé L’évaluation a modifié les stratégies de publication. En France, le logiciel SIGAPS« système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques » a instauréune norme quasi exclusive. Le but de ce travail est d’évaluer par la prise en main du logiciella congruence de ce score avec les publications de médecine palliative en général et franco-phones en particulier. L’item de recherche utilisé est « palliative » correspondant aussi bien àmédecine palliative qu’à palliative medicine et palliative care. Les résultats montrent une sous-estimation des publications palliatives en général et une non représentation des publicationsfrancophones d’où une valorisation moindre. Sur une échelle variant de 1 à 32, la publication enfrancais rapporte au mieux 24 points et seulement quatre dans les deux revues palliatives fran-cophones. En anglais, le même article vaudrait entre 16 et 24 points dans les revues palliativesindexées. Par son poids économique via les missions d’enseignement, de recherche, de recourset d’innovations (MERRI), SIGAPS a imposé un monopole de fait sur l’évaluation scientifiquemédicale francaise. Basé sur PubMed et l’impact factor américain, il conforte la dominationdes revues anglo-saxonnes et défavorise les spécialités émergeantes comme la médecine pal-liative. S’ils ne peuvent ignorer les stratégies de publication orientées SIGAPS, les auteurs nedoivent pas pour autant négliger les publications francophones de soins palliatifs qui permettent

la création et la diffusion d’un corpus de connaissances, d’une culture palliative et assurent lenécessaire lien entre ses différents acteurs.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Sardin).

1 Photo de l’auteur.2 Docteur en médecine.

1636-6522/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.medpal.2012.02.001

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294 B. Sardin et al.

KEYWORDSBibliometrics;Assessment;SIGAPS;Palliative medicine

Summary Bibliometric assessment leads to strategic goals for scientific publications. InFrance, the SIGAPS’ software has established an almost exclusive standard. The purpose ofthis study is to evaluate relationships between SIGAPS and palliative care publications indexedin databases. Methods are handling the software and informatics’ database research. The mainitem used is ‘‘palliative’’ which include as well palliative medicine and palliative care thanthe French médecine palliative. In French, the best SIGAPS’ score would be 4 in a palliativemedicine journal and would rise to 12 if accepted in a generalist practitioner revue as La PresseMédicale. In English, the best expected SIGAPS’ score would be 24. The same item ‘‘palliative’’was applied to a search in Science Direct database: none of the 50 first results belongs to anindexed publication in SIGAPS. But a French publication trusts the first 15 answers. SIGAPS’ soft-ware has influence on the choice of a journal for scientific publication, based on its economicweight. SIGAPS acts as the English language leadership and minimizes emergent specialities aslong as they are not recognized as a disciplinary field. SIGAPS acquires in France a monopolisticplace in scientific medical evaluation and its economic influence is magnified by the individualprofessional strategies. In conclusion, medicine palliative cannot ignore SIGAPS, can use it ifnecessary but must not be ruled by SIGAPS. Publication in French journals is important to build

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a culture, a common frame© 2012 Elsevier Masson SAS

ntroduction

ublier le résultat de ses travaux ne devrait pas être une finn soi. Le but d’une publication scientifique reste d’assurera diffusion des connaissances, les avancées de la recherchet des échanges féconds. Mais l’évaluation s’est invitée dansa danse. La bibliométrie prend une importance de plus enlus grande et de moins en moins scientifique. Comme touses indicateurs, les indicateurs bibliométriques sont désor-ais utilisés dans un but de rationalisation économique. Enatière médicale, depuis 2008, le logiciel SIGAPS « système’interrogation, de gestion et d’analyse des publicationscientifiques » a été généralisé dans les établissements deanté francais ayant des activités de recherche. Son appli-ation principale est, désormais, de proposer pour chaquetablissement un score intervenant dans le calcul de la partodulable des missions d’enseignement, de recherche, de

ecours et d’innovations (MERRI). C’est dire l’importance duIGAPS dans le choix d’une revue scientifique en vue d’uneublication. Le but de ce travail est de réfléchir en quoiet outil bibliométrique peut influencer les publications deédecine palliative.

éthodes

nalyse du logiciel SIGAPS et de ses échelles de score.Analyse des indices bibliométriques. Évaluation d’une

imulation éditoriale.Évaluation de l’importance des revues dédiées aux

oins palliatifs via une recherche bibliographique surcienceDirect© (Elsevier BV) et sur PubMed© (National Cen-er for Biotechnology Information).

ésultats

’item « palliative » recoupe les champs de « médecinealliative », palliative care ou palliative medicine. DansIGAPS, il fait ressortir 13 publications (1B-1C-2E) toutese langue anglaise. Quatre journaux ont un score et

pPlp

and knowledge.rights reserved.

ppartiennent à une discipline. Les neuf autres, bien queéférencées ont un score nul (NC) et n’appartiennent àucun domaine. L’item « soins palliatifs » n’est associé àucune revue. On constate que la médecine palliative n’estas une discipline à part entière mais est considérée commeaisant partie des sciences et services des soins de santéHL). Seule la revue Palliative Medicine appartient égale-ent aux domaines de la médecine générale et interne (PY)

t de la santé publique, environnementale et du travail (NE)Tableau 1).

Le score SIGAPS obtenu peut varier entre 1 à 32 points.’article « Le SIGAPS, système d’interrogation, de gestiont d’analyse des publications scientifiques et la médecinealliative en France » est un article en francais concernantne situation spécifiquement francaise. Médecine pallia-ive : Soins de support, Accompagnement, Éthique ou laevue Internationale des Soins Palliatifs semblent les des-inataires naturels. Ils sont classés NC d’où un score SIGAPS. La Presse Médicale, revue « généraliste » est classée D’où un score SIGAPS de 12. Traduit en anglais, l’articleourrait être soumis à Palliative Medicine classée B soitn score SIGAPS de 24 ; au Journal of Palliative Medicinelassé C, score 16 ; publié dans Scientometrics, classé B, ilapporterait 24.

Pour une recherche bibliographique sur ScienceDirect,ucun des 50 premiers résultats avec l’item « palliative » sures années 2012 (articles sous presse) et 2011, soit 15 revuesu total, ne concerne des revues indexées par SIGAPS avece même item « palliative ». Médecine Palliative : Soins deupport, Accompagnement, Éthique (revue francophone)ruste les 15 premières places et est citée 16 fois ; Jour-al of Pain and Symptom Management occupe le secondang avec 13 citations mais n’apparaît qu’à la 20e place.pécifiquement recherchée dans SIGAPS, cette revue cata-oguée PY, HL et RT (neurologie clinique) est classée rang C.our la même recherche mais avec l’item « soins palliatifs »a revue Médecine Palliative : Soins de Support, Accom-

agnement, Éthique occupe les 50 premières places. AvecubMed, moteur de recherche et d’indexation de SIGAPS,a même recherche, item « palliative » la première revuealliative est située en 14e position.
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Le SIGAPS et la médecine palliative en France 295

Tableau 1 Revues de soins palliatifs indexées dans système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publicationsscientifiques (SIGAPS) à partir de l’item « palliative », (données SIGAPS). Capture d’écran avec l’aimable autorisation deP. Devos.Palliative journals indexed in SIGAPS with the item « palliative ». Screen capture with kind approval of P. Devos.

ISSN Titre Catégorie Discipline

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

1049-9091 Am J Hosp PalliatCare

NC NC NC NC NC NC NC NC NC E HL

1472-684X BMC Palliat Care NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC1751-4258 Curr Opin Support

Palliat CareNC NC NC NC NC NC NC NC NC NC

0973-1075 Indian J Palliat Care NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC1347-6321 Int J Palliat Nurs NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC1522-2179 J Hosp Palliat Nurs NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC1536-0288 J Pain Palliat Care

PharmacotherNC NC NC NC NC NC NC NC NC NC

0825-8597 J Palliat Care E E D E D E E E E E HL1096-6218 J Palliat Med C C C C C C C C C C HL1552-4256 J Soc Work End Life

Palliat CareNC NC NC NC NC NC NC NC NC NC

1269-2163 Palliat Med C C C C C C C C C B NE PY HL1478-9515 Palliat Support Care NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC0969-9260 Prog Palliat Care NC NC NC NC NC NC NC NC NC NC

Nouvelle recherche

Code discipline Libellé discipline

HL Health Care Sciences & ServicesNE Public, Environment & Occupational HealthPY Medicine, General & Internal

Mot(s) clés : palliative ; les revues non recensées dans le JCR n’ont pas de discipline.

Orpl’article soumis ou d’une optimisation éditoriale ? Tout sepasse comme si les choix éditoriaux étaient désormaisfaits non en fonction du public concerné par le sujet, des

Figure 1. Système d’interrogation, de gestion, de recherche et

Le poids économique du logiciel SIGAPSinflue sur le choix des revues auxquellessont soumis les travaux scientifiques

Le logiciel SIGAPS est un logiciel bibliométrique initialementconcu pour l’évaluation et l’analyse des publications scienti-fiques. Il est désormais la cheville ouvrière, d’une part, nonnégligeable du financement des MERRI, la part modulable.Ce financement, MERRI, est lui même une composante dubudget via la tarification à l’activité (T2A). À titre indicatif,en 2008, dans un budget MERRI national de 2473 milliardsd’euros, la part des publications était de 565 millionsd’euros soit 64 % de la part modulable (880 millions d’euros)et 30,8 % du total du financement des MERRI. En 2009, dufait d’une diminution de la valeur du point SIGAPS, la partdes publications diminue à 553 millions d’euros soit 60 %de la part modulable [1] (Fig. 1). Ce qui pour l’AssistancePublique—Hôpitaux de Paris (AP—HP) représente un budgetd’environ 170 à 200 millions d’euros. L’enjeu financier est detaille, d’où l’intérêt économique de publier dans les revuesindexées par SIGAPS. En 2009, l’AP—HP recevait 25,6 % du

budget publication des MERRI et placait sept de ses grou-pements hospitaliers dans les dix premiers contributeurs ennombre de publications. Les hospices civils de Lyon, secondsbénéficiaires, recevaient 5 % du même budget (Fig. 2).

ddSo

n constate depuis 2006 une amélioration significative duang des revues dans lesquelles les chercheurs de l’AP—HPublient [2]. S’agit-il d’une amélioration de la qualité de

’analyse des publications scientifiques (SIGAPS) : impact financieres publications exprimé en pourcentage de la part modulable [2].IGAPS: publications’ financial impact expressed as a percentagef the modulable part [2].

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296 B. Sardin et al.

Figure 2. Nombre de publications scientifiques 2006—2009 (critères missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovations(MERRI) 2011) [2].2006—2009 amount of scientific publications according to 2011 MERRI criteria [2].

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La

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ecteurs naturels d’une revue donnée mais de son rendement SIGAPS » potentiel, c’est-à-dire de son impactactor. Cette évolution ne se retrouve pas au centre hos-italier universitaire (CHU) de Limoges qui ne possèdeas de cellule d’expertise bibliométrique. En revanche,ant à l’AP—HP qu’au CHU de Limoges, on retrouve uneugmentation constante des publications NC (Fig. 3). Enoursuivant la même logique économique, il n’est pasmpossible d’envisager que le rang des auteurs puisse êtreéterminé en fonction d’une maximalisation « économique »t non de la contribution réelle à la publication. Ainsi,es « participations croisées » permettraient une répartitiones financements MERRI entre services, pôles voire éta-lissements. Enfin, il convient de remarquer que, commee cas de l’activité et de la T2A, l’amélioration des per-ormances bibliométriques se traduit par une diminutionu point SIGAPS l’année suivante car l’enveloppe totalee valorisation reste fixe, voire diminue. Ainsi, au CHU deimoges, l’augmentation d’activité de 0,96 % constatée en009 par rapport à 2008 s’est traduit par un gain budgétaire

e 0,6 % alors qu’en 2010 une même augmentation d’activitée 0,96 % par rapport à 2009 n’amène qu’un gain budgé-aire de 0,4 %. Sur un an, il y a donc une diminution dealorisation des séjours de 0,20 % hors inflation. De facon

t[ld

ncore plus marquée, la valeur du point SIGAPS est passéee 1145,40 euros en 2008 à 513,51 euros en 2010.

e score SIGAPS conforte la dominationnglo-saxonne

e SIGAPS a été développé par le CHU de Lille. Mais ceogiciel francais utilise PubMed. PubMed est un système deecherche informatisée du Web développé par le Nationalenter for Biotechnology Information (NCBI) de la Nationalibrary of Medicine (NLM). La NLM c’est aussi le systèmeedline, la base de données la plus populaire dans leomaine de la santé qu’interroge PubMed. Et, pour uneecherche pertinente de cette base de données pléthoriqueais non exhaustive, il faut utiliser des mots clés anglo-

axons du système Medical Subject Headings (MeSH) de laLM. À partir de cette littérature plus qu’en grande majoritén langue anglaise, SIGAPS affecte six niveaux de valorisa-

ion A, B, C, D, E et NC associés à une échelle colorimétrique3]. Ces niveaux sont calculés à partir de l’impact factor dea revue concernée. L’impact factor est un indice compositee l’Institute of Scientific Information (ISI), appartenant au
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Le SIGAPS et la médecine palliative en France

Figure 3. Évolution qualitative de la production scientifiquede l’AP—HP [2] et du CHU de Limoges (données systèmed’interrogation, de gestion, de recherche et d’analyse des publi-cations scientifiques [SIGAPS]).

cvlpsct

dégdrcuspepptn

Lps

Sepdrsedd[p

«c

esllnvetillertmineur : les monographies et les livres, les cas cliniques, les

Qualitative evolution of the scientific output of the AP—HP [2] andCHU Limoges (SIGAPS data).

groupe Thomson Reuters, établi à partir des articles publiésdans une revue donnée et des citations de ces articles dansles autres revues. Encore faut-il, pour entrer dans le cal-cul de l’impact factor, que l’article source et les articlescitant soient publiés dans une revue référencée par l’ISId’où une surreprésentation des publications anglo-saxonnes.‘‘English is the universal language of science at this time inhistory. It is for this reason that Thomson Reuters focuseson journals that publish full text in English or at veryleast, the bibliographic information in English. There aremany journals covered in Web of Science that publish onlybibliographic information in English with full text in ano-ther language. However, going forward, it is clear thatthe journals most important to the international researchcommunity will publish full text in English’’ [4]. Ainsi, en2007, le Journal of Citation Report (JCR) qui publie l’impactfactor ne recense que 45 publications francaises dans ledomaine médical. Scopus en référencie 160 [5]. Scopus estla base de données concurrente du JCR. Elle est dévelop-pée par Elsevier BV qui est le plus gros éditeur de revuesscientifiques dans le monde. Elle référencie davantage depublications scientifiques francophones, notamment du faitde l’absorption des éditions Masson et de leur catalogue de

120 revues et de 45 traités EMC. Cette francophonie mise àpart, Scopus souffre des mêmes défauts que le JCR. DansSIGAPS, l’impact factor est pondéré selon une technique de

lul

297

ompartimentalisation dite de box-plot [6] pour corriger lesariations liées à un effet discipline et hiérarchiser, stratifieres revues par un « impact factor relatif » propre à la disci-line considérée. Mais le calcul de ces catégories est baséur les quartiles et les percentiles des revues du JCR. Ainsi,ette pondération ne tient pas compte du facteur publica-ions francophones et favorise les revues anglophones.

La notion de discipline sur laquelle est basée le systèmee pondération de l’impact factor dans SIGAPS défavorisegalement les spécialités émergeantes qui ne sont pas éri-ées en disciplines. Chaque discipline bénéficie de 10 %e revues classées A, 15 % de revues classées B, 25 % deevues classées C, 25 en D et 25 en E. Ainsi, une disciplineomme l’andrologie, avec sept publications référencées an meilleur potentiel SIGAPS que la médecine palliative etes 13 revues car elle n’est qu’une spécialité de la disci-line soins de santé et services (Tableau 2). Soins santét services, discipline très hétérogène et ayant moins deublications référencées, offre à ses spécialités de moindreserformances SIGAPS que la discipline cardiologie et sys-ème cardiovasculaire plus homogène et aux références plusombreuses.

e logiciel SIGAPS a acquis en France uneosition de monopole dans l’évaluationcientifique médicale

on déploiement a été demandé par le ministère de la Santén 2008. Sa logique économique se trouve amplifiée par lesaramètres des légitimes ambitions personnelles. L’Agence’évaluation de la recherche et de l’enseignement supé-ieur (AERES), calcule ainsi un SIGAPS-faculté basée sur laomme des SIGAPS individuel des hospitalo-universitaires [7]t la plupart des sous sections santé du Conseil Nationales Université ont intégré le score SIGAPS dans leurs profilse poste de Professeur des universités-praticien hospitalier8]. Un rapport récent souligne cependant son manque deertinence pour l’évaluation individuelle [9].

Au total, le système SIGAPS pousse les auteurs à une efficience bibliométrique ». Mais garantit-il que la publi-ation touche son public naturel ?

Dans la course à la performance indicielle, la tentationst grande de calibrer une publication pour répondre auxtandards de telle ou telle revue. Mais est-ce là le but dea publication scientifique ? La bibliométrie, les indices etes impact factors sont l’interprétation qualitative de tech-iques de recherche quantitatives. Elles n’évaluent qu’unealeur globale d’une revue et par assimilation la valeurxtrinsèque de la publication. Ils lui donnent une cau-ion scientifique mais ils ne peuvent pas garantir la valeurntrinsèque d’un article publié. Celle-ci est déterminée par’intérêt des lecteurs pour le sujet, sa capacité à influencereurs pratiques ou à ouvrir de nouvelles voies de recherchest de réflexion. Enfin, et ce n’est pas le moindre deseproches, le système SIGAPS ignore tout un pan de la lit-érature médicale qu’il considère comme stratégiquement

ettres à l’éditeur, les posters ou les communications dansn congrès. Pour oser une comparaison avec le monde de’économie, le SIGAPS se concentre sur les grands groupes

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298 B. Sardin et al.

Tableau 2 Le système de pondération défavorise les spécialités émergeantes et favorise les disciplines les plus homo-gènes (données système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques [SIGAPS]).The box-plot is disadvantageous for emergent specialities and favourites homogeneous disciplines (SIGAPS data).

Domaines Total revues Catégories A Catégories B Catégories C Catégories D Catégories E

Médecinepalliative

3 13 1 1 3

Andrologie 4 7 1 3 1Soins santé et

services20 77 1 10 23 17 13

Cardiologie etsystème

20 117 8 16 27 29 21

il

Lrs

CllebéE

sml

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ereddgmtptr

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slmsdrtdmn[MdeôlLtrcmbtebd

npdcfcslcsbpcar

cardiovasculaire

ndustriels et quelques start-up et ignore superbement toute tissu des PME, industrieuses et souvent innovantes.

e cas de la médecine palliative : elle estécente, du moins en France. Ses atoutsont aussi ses handicaps

’est une discipline transversale. Elle intervient dans learge domaine de la prévention et le traitement de la dou-eur, des symptômes de la fin de vie, dans l’accompagnementt la prise en charge du patient, de sa maladie et des comor-idités multiples qui peuvent s’y associer. Elle établit unchange constructif avec les spécialités qui la sollicitent.lle a soin de prendre soin sans négliger les soins.

C’est aussi une discipline morcelée entre réseaux deoins, soins à domicile, maisons de retraite et établisse-ents d’hospitalisation pour personnes âgées dépendantes,

its identifiés soins palliatifs, unités mobiles et unités fixes.C’est une discipline devenue incontournable, comme en

émoigne l’obligation réglementaire de structures de soinsalliatifs (circulaire du 19 février 2002, en application de laoi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soinsalliatifs).

C’est une discipline émergente dans le sens où elle s’estn grande partie auto-organisée et n’a pas encore la pleineeconnaissance universitaire. Elle ne s’est pas développéex-nihilo mais s’inscrit dans une filiation, dans l’hybridatione multiples compétences. Ses praticiens proviennent’horizons variés : hématologie et oncologie, médecineénérale et gériatrie, anesthésie réanimation. . . mais deultiples intervenants viennent encore enrichir ses pra-

iques et sa réflexion éthique : infirmiers et aides-soignants,sychologues, kinésithérapeutes, socio-esthéticiens, assis-antes sociales, bénévoles, sociologues, philosophes eteprésentants des différents cultes.

La médecine palliative doit devenir une vraie disciplineniversitaire. La nomination en 2010 de trois nouveaux pro-esseurs associés est, à cet égard, encourageante maisndique aussi le chemin qu’il reste à parcourir. Sa placearticulière au sein de l’hôpital et de la société rend cetatut nécessaire pour éviter qu’elle ne devienne l’objet

e luttes d’influence, qu’elle ne soit sanctuarisée ici ouà par une autre discipline. La recherche de ce statutniversitaire impose l’adhésion de fait aux contraintesIGAPS, ce d’autant que chacun des praticiens venus aux

ccp

oins palliatifs essaie de publier dans les revues de sa spécia-ité d’origine surtout si elles sont bien cotées. Les articles deédecine palliative doivent eux aussi obéir aux règles d’une

tratégie éditoriale orientée SIGAPS surtout lorsqu’il s’agite recherche « protocolée », c’est-à-dire répondant à desègles méthodologiques susceptibles de favoriser sa publica-ion dans une revue à impact factor. À défaut d’être publiésans une revue francaise non indexée, il serait logique auoins de les proposer en priorité aux revues relevant de

otre spécialité, seul moyen de limiter l’effet Saint Matthieu10] et de promouvoir la médecine palliative. L’effet Saintatthieu reprend la conclusion de la parabole du semeurans l’évangile éponyme : « car on donnera a celui qui at il sera dans l’abondance mais à celui qui n’a pas, ontera même ce qu’il a » (Mt 13 :12). Ce que la sagesse popu-aire résume d’un lapidaire « on ne prête qu’aux riches ».’effet Saint Matthieu consiste en un avantage cumulatif enermes de notoriété pour les publications faites dans desevues à fort impact factor, disproportionné par rapport àelui acquis avec une revue moins cotée et ce indépendam-ent de la qualité intrinsèque de la publication. Cet effetoule de neige suggère donc implicitement qu’une publica-ion francophone est de moindre qualité qu’une publicationn anglais et que si vous ne publiez pas dans une revue deon impact factor, c’est parce que votre article n’est pas’un bon niveau.

La dispersion des productions scientifiques n’aide pasotre discipline à se structurer, à créer et animer un cor-us des connaissances. Certes, la puissance des moteurse recherche permet de pallier l’éparpillement des publi-ations. Il suffit d’utiliser plusieurs bases de données etureteurs, de croiser les mots clés pour recueillir un nombreonsidérable de références bibliographiques. Ce butinage aon revers, l’accès en ligne au texte intégral est payant eta récolte souvent riche mais rien ne garantit qu’elle soitomplète. Profusion et coût, voilà deux écueils qui amènentoit à n’utiliser que les résumés, soit une sorte de contre-ande scientifique en usurpant les identifiants d’un tiers. Delus, la recherche bibliographique est devenue ponctuelle,iblée, factuelle. Enfin, toutes les publications semblantccessibles, pourquoi investir dans un abonnement à uneevue donnée ?

Pourtant, il est important de disposer d’un médiaommun et accessible à tous, assurant la synthèse desonnaissances et des pratiques. Nous devons être les soinsalliatifs et non faire du soin palliatif. La richesse et

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ds(A

R

Le SIGAPS et la médecine palliative en France

la diversité des intervenants justifient l’émergence d’uneculture commune, d’un espace de publication commun.La médecine palliative est aussi une médecine où larecherche clinique non protocolée est importante, cellequi permet de partager une expérience clinique à par-tir d’un cas ou sur une base rétrospective. Elle peutd’ailleurs être l’origine du développement ultérieur d’unerecherche protocolée. Cette recherche clinique non proto-colée mérite d’être publiée. Pour les francophones, deuxpublications au moins répondent à ces besoins. MédecinePalliative : Soins de Support, Accompagnement, Éthique(Elsevier Masson) et la Revue Internationale de Soins Pal-liatifs (Éditions Médecine et Hygiène). Toutes deux sontrésolument transversales, interdisciplinaires et ouvertes àtous les professionnels de santé. Toutes deux ont un comitéde lecture, demandent une traduction des titres et des résu-més en anglais.

Conclusion

Le SIGAPS est avant tout un outil stratégique d’évaluationdes publications scientifiques. Son application principale estdésormais économique dans le cadre des MERRI. Il peut êtreutilisé comme un outil stratégique de compétition entreles pôles, les hôpitaux, les facultés. Enfin, il est devenulogiquement un des critères de promotion universitaire. Lamédecine palliative ne peut donc s’en désintéresser que cesoit au niveau de l’hôpital, du pôle ou des échelons univer-sitaires, ce d’autant qu’une publication entre dans le calculdes scores SIGAPS des cinq années suivantes.

Cependant, il ne faut pas tomber dans le piège de lalogique d’évaluation à tout crin. Même si elles ne sont pasreconnues, valorisées, l’expérience clinique, les réflexionséthiques, les approches transversales de la médecine pal-liative doivent pouvoir être partagées, discutées. La valeurscientifique de ces publications ne se résume pas qu’à unimpact factor. Pour la médecine palliative francophone,l’existence de deux publications francophones est donc unatout, voire une nécessité.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

[

299

Autorisations : Les auteurs ont obtenu l’autorisation’utilisation des captures d’écran SIGAPS (P. Devos respon-able SIGAPS CHRU de Lille) et des graphiques de l’AP—HPAnne Glanard responsable cellule expertise bibliométriqueP—HP).

éférences

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