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Kernos Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique 5 | 1992 Varia Le signe d’extase et la musique Pierre Somville Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/kernos/1059 DOI : 10.4000/kernos.1059 ISSN : 2034-7871 Éditeur Centre international d'étude de la religion grecque antique Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 1992 ISSN : 0776-3824 Référence électronique Pierre Somville, « Le signe d’extase et la musique », Kernos [En ligne], 5 | 1992, mis en ligne le 19 avril 2011, consulté le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/kernos/1059 ; DOI : 10.4000/ kernos.1059 Kernos brought to you by CORE View metadata, citation and similar papers at core.ac.uk provided by OpenEdition

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KernosRevue internationale et pluridisciplinaire de religion

grecque antique

5 | 1992

Varia

Le signe d’extase et la musique

Pierre Somville

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/kernos/1059DOI : 10.4000/kernos.1059ISSN : 2034-7871

ÉditeurCentre international d'étude de la religion grecque antique

Édition impriméeDate de publication : 1 janvier 1992ISSN : 0776-3824

Référence électroniquePierre Somville, « Le signe d’extase et la musique », Kernos [En ligne], 5 | 1992, mis en ligne le 19 avril2011, consulté le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/kernos/1059 ; DOI : 10.4000/kernos.1059

Kernos

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Kernos,5 (1992),p. 173-181.

LE SIGNED'EXTASEETLA MUSIQUE

ils jouaientla sonateà Kreutzer.Connaissez-vousle premierpresto?Ah ! Quellechoseterrible...

TOLSTOï

Je livre ici le bilan provisoire d'une rechercheen cours sur unproblèmeprécis d'iconographie,Il s'agit du gestede ces symposiastesinclinant le bustevers l'arrière, se portantla main droite à la tête et seprenantle front, en y appliquantla paumeou l'avant-bras.

Ce mouvement,relativementfréquent,estbien connu: les représen-tations figurées y ont accoutuméles archéologueset les historiensdel'art. Toutefois, si la descriptionen est aiséeet le répertoireassezfacileà établir, la questiondu sensen estétrangementnégligée.Quepeutbiensignifier un tel geste, stéréotypéet récurrent, toujours en un mêmecontexte?Cette questionsembleavoir échappéà nos iconographes,partrop positivistes.Encorene suffit-il pasde la poser...

Examinonsnéanmoins,à titre d'échantillons,trois imagesdes pluscélèbres:le Stamnos,signéSmikros,du muséede Bruxelles (fig. 1); unmédaillon de Kylix des «Collectionsantiques»de Munich (fig. 2) et unfragment de scènelatérale (sud) du sarcophage,dit «du plongeur» àPaestum(fig. 3),

Dans les trois cas, on retrouve le même geste, en une situationanalogue,celle du banquet,et dansun semblablecontextemusical. Or,ces imagespeuventêtre lues, d'abord,d'unefaçon simplementdénota-tive. Le convive couché, la présencede l'aulète ou de l'aulétride, lasituationde buveur,et d'auditeur,tout plaide en un premiertempspourune lecture «sympotique»,Mais on risque de tomberassezvite danslabanalisation,ou la trivialité : du vin et de l'aulos à la saoûlerieet auxmaux de tête... Sansdoute, vaudrait-il mieux s'interrogersur le sensdes deux principalescomposantesenvironnantnos images: la musiqueet le banquet.

D'abord, le Symposionn'est pas toujours, malgré son nom, unesimple «beuveriecollective». La référenceaux récits homonymesdePlatonet de Xénophonnousen fournit la preuve.De plus, le «banquet»-lieu de plaisirs éminemmentvariables- peut aussi revêtir un statutmétaphorique:imagedu bonheur,il serviraparfois de termecomparantaux félicités de l'au-delà.Sa connotationvariera, dès lors, de l'érotiqueau funèbre et comporteral'exigence au moins d'une double lecture.

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Commentexpliquer autrementl'allusion de Socrateaux «banquetsdesbienheureux»au livre II de la République(363c) ? Commentlire autre-ment le décor à situation et destinationfunéraire du sarcophagedePaestum? Mêmele trèspositivisterecueilSympotica1 éditéà Oxford parOswyn Murray fait place, dansla contribution de John Boardman,aufiligrane interprétatif d'un banquetdont l'instrument principal, laJ(Â, tV ll , évoquerait égalementla célébration érotique des noces etl'exposition rituelle du défunt (lors de la prothesis). C'est de cetteconjonction, d'ailleurs, que dépendraéventuellementl'interprétationsymboliqued'une fonction socialeémargeantainsi à l'aire du sacré2.

De plus, le Symposionesttoujours,de quelquemanière,une célébra-tion dionysiaque,dansles deux sensdu terme: réunionde buveursoù levin coule à flots, certes,mais où les proposdu skolion peuventtoujoursrelayer le va-et-vientdes coupeset nous emmenerdansles plus hautessphèresde l'éros... Platon et Xénophon en témoigneraientà nouveau.On sait aussi que la cérémoniecommencepar une libation rituellesuivie d'un chant en l'honneur du dieu, péan ou dithyrambe. Ainsiamenés,les discoursqui suiventpeuventne pas être de simplesproposde table mais participerdes iEpOt Mym, de mêmeque la boissonpeutnepasêtre simplebeuverieérotique,mais évocationpréparatoired'un iEpOÇYUlloç. Sansoublier que les frontières du sacréet du profane étaientparfois chez les Grecs moins nettesque nous pourrions le croire. Si letemenostranche l'espaceet en délimite très exactementla doublefonction, démarquantclairement le temple de son environnement,dans les actesde la vie quotidienne,on assistesouventà un mixte deconduitesqui, tout en étantutilitaires, portentla trace d'une sacralisa-tion archaïqueou d'un rituel fossilisé. Ainsi, le Kottabosestpeut-êtreladégénérescencestochastiqued'une offrande au dieu (de l'amour ?),pareillement, le symposiarqueétendusur le premier lit évoque, ouréalise, la présencedu dieu Dionysos,de mêmeque les convivesrepré-senterontses comastes.Le gradian qui lesterala scèned'une plus oumoins grande sacralité reste évidemmentà définir, selon les propostenus, le désir de boire plus ou moins modéré et la volonté, parfoisdélibérée, de substituerà l'invective ou aux chansonsgaillardes lechantprofond.

La musique,quant à elle, ne doit pas davantageêtre réduite à safonction utilitaire ou décorative.Il ne s'agit pas d'une simple «musiquede table» accompagnantun repas,mais aussiet surtoutd'une pratique

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2A symposiumon the Symposion,ClarendonPress,1990.

SymposionFurniture, p. 122sq.

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visant à charmer (au sens fort) quelquesmoments privilégiés del'après-boire.Dès lors, ressouvenons-nousdes théoriesmusicalesdontle sillage pythagoricien nous rappelle notammentle rôle psychago-gique. Plus précisémentlié au «banquet», l'au los se signale pard'évidentesaccointancesdionysiaques.Cet instrumentà anche,prochede notre hautbois, simple ou double, jouant toujours à l'unisson,représenteen effet l'attrait fascinant et troublant des gammes«phrygienneset lydiennes»,les plus enharmoniques,modulant sur lequart de ton! La notion d'enthousiasmey est proverbialementliée,exprimant au niveau même du langage courant le souvenir d'unesacralisationde cette émotionviolente. La musiquede l'aulos est ainsipourvoyeusedu raptus émotionneloù l'auditeurse croit «habitépar ledieu», de même qu'elle réalise, comme nous le rappelle Aristote,l'allègementcathartique(Katharsis) de l'affection de l'âme (Pathos)ainsi provoquée3. Aristoxène, enfin, disciple de l'École, prêtera àl'ancienpythagorismecet éclairantadagecomparantà la médecinedescorps la musique,«médecinedes âmes»4.

Rappelonsainsi que le son mêmede l'aulos évoquela présencedeDionysos ou annoncesa venue imminente5. Le vin qui tourne danslescoupesen signaleégalementl'épiphanie.Toutefois,on veillera à ne pasoublier que Dionysos,maîtrede l'ivresse,estd'abordle dieu des sèvesetde la fermentationprintanière,avantd'être celui du vin, du moût et del'automne6. La notion d'ivresseest donc relative elle aussi et peuts'entendre,mêmeen l'absencede vin ou de tout agentphysiqueà effetpsychotrope,commeune affection de l'âme, analogueau vide intérieurdu dervicheou aux photismesdu Bodhisattva.

Les démarchesmystiques (c'est-à-direvisant à l'union avec ladivinité) ne sont pasplus réductiblesaux seuls agentsmatérielsen cequi regardeles phénomènesd'ivresseque les impressionsérotiques.En

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VIII, 1341b 33 - 1342a 18. Cf. à ce proposmonEssaisur la Poétiqued'Aristote,Paris,Vrin, 1975,p. 41, 68, 77 sq. Pourcequi concernelesgammeset les réalitésarchéologiquesou instrumentales,cf. aussiF. DUYSINX, Musiqueet PoésieenGrèceantique,Bruxelles,F.P.G.L.,1988,p. 12 (aulos);21 (gammephrygienneet lydienne).

DIELS-KRANZ, Die Fragmenteder Vorsokratiker,Berlin, 19611°, t. I, p. 768, 19-21.

Cf. par ex. XEN, Banquet,IX, 3 : OÜ1tOO q>ULVOJ.!ÉVOU lnovuaou llUÀEÎ'tO 6セュcxe○ッ pu8J.!oç.Cf. la belle monographiede W. OTTO, Dionysos, le mytheet le culte (trad.P. Levy), Paris,Mercurede France,1969,p. 169 sq. et mesÉtudesgrecques,Bruxelles-Liège,Mardaga,1990,p. 43 sq.

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tout cas,que le son de l'instrument(flûte ou hautbois)remplisHele cœurd'allégresse,nul ne l'aura mieux dit que Théognis:

Aid IlOt q>tÎ",ov セGエッー iuivE'tut, 01t1tü't' à.1Coucrcouù'),iJw q>8EyyollÉvcov illllEpoEcrcruv onu.

Toujoursmon cœurbondit lorsquej'entendsun sonDe flûte au charmeirrésistible.

(Élégies,I, 531-532)

*

Venons-enmaintenantaux images, que nous sommesdésormaismieux préparésà regarderet à tenter d'expliquer.La triple redite dumême mouvement, confronté à la musique et au banquet, semblerelever, par son aspectstéréotypé,d'une sorte de rituel ou de gestuelledont le senspremiernouséchappe,mais qui sembletraditionnellementfixé. Le buste incliné et la tête projetéevers l'arrière, yeux grandsouverts,suggèrentà la fois la concentrationet l'abandon,sousl'effet del'audition musicale. Le mouvementpourrait rappeler le traditionnelgesteménadiqueprojetantviolemmentla tête vers l'arrière, cou fléchi.Les sectatricesdu dieu sont ainsi dites fH\jlUUXÉVEÇ dans un fragmentpindarique notamment7 et souventreprésentéesde la sorte, thyrsebrandi, dans les scènesfigurées. Mais notre mouvementparaît pluscalme, du moins sous l'aboutissementiconographiquequi nous en estprésenté.L'auditeur bien concentrésemble absorbépar la musique,comme ravi en extase où, étymologiquementparlant, l'âme semblequitter le corps... On pourrait croire aussi que le personnagechante,bien que souventle gestequi aide à «pousserla note» soit plutôt, têteainsi projetéevers l'arrière, celui de la main portéeà la basedu cou. Laboucheentr'ouvertede l'auditeurde la fresquede Paestumpeut égale-ment signifier qu'il s'abandonneà l'émotion. Rien n'imposede penserqu'il chante. Quant aux mots où OUVUILUt inscrits en légendesur lemédaillon de Munich, rien ne nous contraint à les relier au texte dupoèmede Théognis:

<0e ne peuxchanter...»

(Élégies,I, 939-940)

7 Fragmentdu secondDithyrambe(70 b, 13, Bowra)aimablementcommuniquéparmoncollègueetami Emilio Suarezdela Torre.

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On pourrait lire aussi, au regard de la coupe, endormie dans lamain gauche:

\セ・ ne peux boire...»

Sur l'image de Bruxelles, enfin, l'auditeur est comme fasciné parl'aulétride Helikè, dont les doigts et l'instrument(un diaulos merveil-leusementdécoupé)touchentpresquele bras et le visage. Les yeuxouverts,regardantà la verticale, la tête ceinte de bandelettes,c'est deson avant-brasqu'il se prendle front, la main restependanteau niveaude l'arrière de la tête. Cet Alcibiade-là sembleattendreMarsyas ouSocrate, indifférent au charme de la joueuseionienne au délicieuxdrapé... Je m'empressed'ajouter que les autresauditeurssont aussiindifférents à la présencede l'aulète. Visiblement hors d'eux-mêmes,sous l'effet phrygien et dionysiaquede la musique,c'est le cortègedudieu qu'ils attendent ou entendent. Ils sont ainsi à l'image desCorybantes...

Suivonsquelquesinstantscette autrepiste d'enthousiasmemusical.En trois endroitsdu plus hautlyrisme, Platonfait en son œuvreallusionà ce phénomènedu corybantisme. La référence aux personnagesmythiquesqui auraientcouvert de leur musiqueles vagissementsdeZeus enfant, servantainsi Rhéa, son augustemère crétoise,nous offreun analogondu thiasedionysiaque.Le contexted'ivressemusicaleet desonsde flûte (aulos) y esttoujoursassociéet Platonen fait à chaquefoisétat. Or, ceux dont il parle sont «comme les Corybantes»,ou mieuxencore«commeceux qui sont en proie au délire corybantique»(rocmepoik o ー u セ ャ x v G ョ イ ッ v G エ → ᅦ I N Suivent des notations d'hallucinations auditivess'accompagnantd'un étatprochede la possession:les personnagessontdits KlX'texolleVot et offrent tous les signesde l'état d'extasemusicalequenous avonscru lire sur nos images.

Voici ces textes de Platon. D'abord à la fin du Criton, aprèsl'émouvanteprosopopéedesLois, Socratedit, en un momentde grandeémotion puisqu'il vient de prendrela décisionde ne passe déroberà lamort, que ces discours lui ont précisémentfait le même effet «que cessons d'aulos que croient entendreceux qui subissentles transportscorybantiques»(rocrnepoi k o ー u セ ャ x カ G エ エ イ ッ カ G エ ・ 'trov lXÙÀrov OOKOÛcrtV UKOUetV). Etil ajoute que lui «bourdonnentles oreilles...» (Kat Èv ÈIlOt ャxuGエセ セ セxセ ...セッャャセ・○L 54d).

Le deuxièmepassage,extrait de l'Ion, fait allusion à l'inspirationdivine du rhapsode,soumisau géniehomériquecommele poètecréateurle sera à la Muse «de même que ceux qui subissentles transportscorybantiquesn'entendentque cettemélodieaiguë,qui doit être celle du

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dieu, dont ils sont possédés... (rocrm:p oi lCopupavnrov'tl::sÉlCeiVOU /lOVOUaicrSavov'taL't01> /lÉAOUS oçÉroS0 av 11 't01> SÉouÉç chou av Ka'tÉXrov'taL, 536c).

Le troisième extrait nous amène à la fin du Banquet, quandAlcibiade fait l'éloge de Socrateet le compareà un Silèneou à Marsyas,le célèbreaulète,disciple d'Olympos... Il ajoute alors que le charmedel'aulos, si exclusifet si divin par la qualité du raptus émotif qu'il nousprocure, - ('teX.... /lova lCa'tÉXEcrSaL1tOLEî Kat DTJAOî 'tOÙS 'trov SErov 'tE Kat'tEAE'trov DEO/lÉVOUS) «et qui révèle ceux qui ont besoin des dieux etd'initiations», - Socrateest capable,à lui seul, de le produire sansaucunautreinstrumentque saparole.Et Alcibiade d'ajouter:«quandjel'écoute,bien plus que chez ceux qui subissentles transportscoryban-tiques, mon coeur bondit et les larmesme viennentsousl'effet de sesdiscours» (o'tav yeX.p à,Kouro, 1tOAU /lOL /lâAAOV セ 'trov Kopupavnrov'trov セ 'tElCapD{a 1tTJDi?: Kat DalCpuaÉlCXEî'taL U1tO 'trov AOyrov 'trov 'tOU'tou, 215e)8.

Cette triple affirmation, métaphorique,des effets proprementextatiquesde l'aulos devraitéclairernotre petit problèmede sémantiquede l'image. Bien sûr, le texte n'est pas une «légende»comme le récithomériquepeut quelquefoisvenir expliciter, par ekphrasis,telle repré-sentationfigurée du cadavred'Hector traîné dansla poussièrede Troie.Certainssujets,plus difficiles, comportentplus d'incertitudes.

Enfin, les allusions aux Corybantesnous permettront de noustournerverscetteCrèteoù tout commence,où Zeusestné dansuneGrottede l'Ida, fils (et bientôt parèdre?) de la Grande-Mèreméditerranéennedes origines. C'est elle, Mère aussi des fauves et de la nature,qui selivre aux épiphaniesvégétaleset chorégiquessur les sceauxet intaillesdu minoen moyen et récent. Que des phénomènesextatiquessoient deson ressortet dépendentde ses«apparitions»semblechoseadmise.Quela musique(dont nous verronsdéfiler quelquesinstrumentistessur lesflancs du sarcophagepeint d'Hagia-Triada)y jouentquelquerôle, estdel'ordre du plausible.Enfin, que le personnage,postédansle coin latéralde tellesscènesd'épiphanie9 ou représentéseulsousforme de statuettede

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On notera,demêmequechezThéognisle recoursà destermesdu vocabulaireamoureux,rappelantSappho(fr. 2 Puechnotamment)sansoublier le lien qui,de tout temps,rapprochel'érotiquede la mystique.Cf. notammentl'intaille reproduitepar M.P. NILSSON, Minoan-MycenaeanReligionandits Survival in GreekReligion,Lund, 19492, à la p. 353, fig. 162oùl'on voit trônersur samontagne,faite de pierresaccumulées,une déessedesfauveshéraldiquementencadréede deuxlionnes.

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bronze10, s'appliquantle poing droit sur le front, tronc légèrementarquéversl'arrière,participepeuou prou de notre thèmeiconographique,voilàqui pose une ultime question que, pour l'instant, nous laisseronsaulecteur le soin d'apprécier.

En tout cas,la proximité initiatique et musicaledesCourètescrétois,de l'aulos phrygienet desBacchantesthébainesnousauraété rediteparle plus jeune - et le plus tragique- des tragiques;écoutonsEuripidedansla secondeantistrophede la parodosdesBacchantes:

セ q s 。 F セ e オ セ 。 k ッ オ ー セ ᆳ

'tcov ç6:SWt 'tE kーセGエ。

f.WYEVÉ'tOpEÇ ËvauÂm,ËvSa 'tptKOpUSEÇ av'tpotçセ オ ー ッ V G エ ッ カ ッ カ j \ Z u k ᅡ 」 ッ セ 。

'tOOE セッエ kッーオセ。カGエe Tlt>pov'セ。kx、\ヲ 0' avà OUV'tovepKÉpaoav 。 ッ オ セ P \ ヲ <l>puYtcovauÂrov Q エ v e オ セ 。 G エ エ

(d'aprèsl'éd. G. Murray)

Ô retraitedesCourètesô grottessaintesde la Crèteoù naquitZeus,c'estlà que découvrirentpour moiles Corybantesà triple aigrettece cercletendude peauqu'ils joignirentfidèle au rythme desbacchantesau son délicieux desflûtes de Phrygie

(120-128)

PierreSOMVILLEUniversitéde LiègePhilologieclassiquePlacedu XX-Août, 32B - 4000LIÈGE

1° La plus célèbreestcelle, trouvéeà Tylissos,qui figure au muséed'Iraklion,maison en trouveausside beauxexemplairesdansla collectionBenakiou auBritish Museum...

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Fig. 1: Stamnos,signéSmikros,Ve s. av. J.-C.,Bruxelles,Muséeroyauxd'artetd'histoire.

Fig.2: Médaillon de coupeattribuéeà Dotiris, Ve s. av. J.-C., Munich, AntikeSammlungen.

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Fig. 3: Sarcophagepeint, décorintérieur, long côté sud (fragm.), 480 av. J.-C.,MuséedePaestum.