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Médecine du sommeil (2011) 8, 32—38 ARTICLE ORIGINAL Le sommeil des adolescents : une enquête à Rabat—Salé Sleep of adolescents: A study in Rabat—Salé R. Aalouane a , D.T. Alaoui b , F. Elghazouani a , C. Aarab a , F. Lahlou a , H. Hafidi a , A.A. Zeggwagh c , I. Rammouz a,a Centre psychiatrique universitaire Ibn Alhassan, CHU Hassan II, faculté de médecine et de pharmacie, université Sidi Mohamed ben Abdallah, BP 4094, Ain Kadouss, Fès, Maroc b Psychiatre de la santé publique, Taza, Maroc c Laboratoire de biostatistique de recherche clinique et d’épidémiologie, faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, Rabat, Maroc Rec ¸u le 4 d´ ecembre 2009 ; accepté le 16 janvier 2011 Disponible sur Internet le 22 f´ evrier 2011 MOTS CLÉS Adolescents ; Épidémiologie ; Lycéens ; Sommeil Résumé De nombreuses études ont fait état des effets négatifs d’un mauvais sommeil sur la qualité de la scolarité des adolescents dont les fonctions cognitives sont ainsi altérées. Objectifs. — L’objet de ce travail était d’étudier la prévalence des troubles du sommeil dans une population d’adolescents et d’en rechercher le retentissement sur le déroulement de la scolarité. Patients et méthodes. — Nous avons mené une étude transversale pendant un mois auprès de 1451 lycéens de Rabat et Salé (Maroc) à l’aide d’un autoquestionnaire qui recueillait des informations sur les données sociodémographiques, les habitudes du sommeil et les résultats scolaires durant les trois derniers mois. Résultats. — Vingt-deux pour cent des filles et 18,1 % des garc ¸ons se plaignaient de difficultés d’endormissement. La somnolence en classe a été retrouvée chez 17,6 % des filles contre 12,8 % des garc ¸ons, dont respectivement 1,6 et 1,4 % prenaient des somnifères. Une différence signifi- cative a été notée entre la durée du sommeil durant les jours de cours et les jours de vacances. Les filles avaient tendance à se lever plus tôt mais sans que cela ne diminue la durée globale de leur sommeil. Comme les garc ¸ons, elles étaient satisfaites de leur sommeil dans la moitié des cas, alors qu’elles présentaient plus de réveils nocturnes et de cauchemars. Les difficul- tés d’endormissement, les réveils nocturnes répétés, les cauchemars et la prise de somnifères étaient significativement associés à un mauvais rendement scolaire chez les filles et les garc ¸ons. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Rammouz). 1769-4493/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.msom.2011.01.001

Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

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Page 1: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

Médecine du sommeil (2011) 8, 32—38

ARTICLE ORIGINAL

Le sommeil des adolescents : une enquête àRabat—Salé

Sleep of adolescents: A study in Rabat—Salé

R. Aalouanea, D.T. Alaouib, F. Elghazouania, C.Aaraba, F. Lahloua, H. Hafidia, A.A. Zeggwaghc,I. Rammouza,∗

a Centre psychiatrique universitaire Ibn Alhassan, CHU Hassan II, faculté de médecine et depharmacie, université Sidi Mohamed ben Abdallah, BP 4094, Ain Kadouss, Fès, Marocb Psychiatre de la santé publique, Taza, Marocc Laboratoire de biostatistique de recherche clinique et d’épidémiologie, faculté demédecine et de pharmacie de Rabat, Rabat, Maroc

Recu le 4 decembre 2009 ; accepté le 16 janvier 2011Disponible sur Internet le 22 fevrier 2011

MOTS CLÉSAdolescents ;Épidémiologie ;Lycéens ;Sommeil

Résumé De nombreuses études ont fait état des effets négatifs d’un mauvais sommeil sur laqualité de la scolarité des adolescents dont les fonctions cognitives sont ainsi altérées.Objectifs. — L’objet de ce travail était d’étudier la prévalence des troubles du sommeil dansune population d’adolescents et d’en rechercher le retentissement sur le déroulement de lascolarité.Patients et méthodes. — Nous avons mené une étude transversale pendant un mois auprèsde 1451 lycéens de Rabat et Salé (Maroc) à l’aide d’un autoquestionnaire qui recueillait desinformations sur les données sociodémographiques, les habitudes du sommeil et les résultatsscolaires durant les trois derniers mois.Résultats. — Vingt-deux pour cent des filles et 18,1 % des garcons se plaignaient de difficultésd’endormissement. La somnolence en classe a été retrouvée chez 17,6 % des filles contre 12,8 %des garcons, dont respectivement 1,6 et 1,4 % prenaient des somnifères. Une différence signifi-cative a été notée entre la durée du sommeil durant les jours de cours et les jours de vacances.Les filles avaient tendance à se lever plus tôt mais sans que cela ne diminue la durée globale

de leur sommeil. Comme les garcons, elles étaient satisfaites de leur sommeil dans la moitiédes cas, alors qu’elles présentaient plus de réveils nocturnes et de cauchemars. Les difficul-tés d’endormissement, les réveils nocturnes répétés, les cauchemars et la prise de somnifèresétaient significativement associés à un mauvais rendement scolaire chez les filles et les garcons.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (I. Rammouz).

1769-4493/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.msom.2011.01.001

Page 2: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

Le sommeil des adolescents : un

KEYWORDSAdolescents;Epidemiology;Sleep;Students

formance. Thus, we suggest to integrate this in the educational strategies by notably informingthe students about this phenomenon, improving the sleep hygiene, and performing medicopsy-

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chological assessments in st© 2011 Elsevier Masson SAS.

IntroductionLes troubles du sommeil sont un sujet de préoccupationcroissante auprès des professionnels de la santé mais aussidans le grand public.

Au cours de l’adolescence, le sommeil connaît denombreuses modifications qui peuvent se répercuter surles résultats scolaires. Plusieurs études ont souligné lafréquence des troubles du sommeil à cet âge, liésessentiellement aux remaniements architecturaux de sesphases, ainsi qu’à l’influence des contraintes scolaireset des facteurs psychologiques. Les modifications del’architecture du sommeil consistent en une diminutionimportante du sommeil lent profond, en particulier dustade IV avec une réduction de 40 %, une augmenta-tion du sommeil lent léger et une diminution de lalatence de la première phase du sommeil paradoxal[1].

Les résultats émanant des études de Carskadon et al.[1] ont montré aussi qu’à partir de l’âge de 13 ans, unesomnolence diurne apparaît de facon plus importante quechez le préadolescent. Cela s’explique par une réduc-tion du temps de sommeil de l’adolescent qui perd enmoyenne deux heures entre dix et 20 ans, passant de

neuf à sept heures de sommeil, alors même que les ado-lescents ont besoin d’au moins huit heures et demi desommeil [2]. Les conséquences sur l’humeur, la vigilanceet les processus d’apprentissage ne sont pas négligeables[1,3—6].

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ts with recurrent somnolence at school.ights reserved.

D’autres études estiment la fréquence de la plainte’insomnie chez les lycéens entre 9 et 20 % et ces résultatsiffèrent selon l’âge, le sexe et les critères d’évaluation5—10].

Si ces études sont très nombreuses dans les pays déve-oppés et de plus en plus structurées du point de vueéthodologique, le sommeil reste moins exploré dans leonde arabe, au moins sur le plan épidémiologique descrip-

if. La question se pose du possible impact des influencesocioculturelles et religieuses sur les modifications de cettectivité physiologique au Maroc, alors que ce pays traversene période d’évolution des jeunes générations qui ont delus en plus tendance à s’identifier au modèle occidental.

L’objectif de cette étude a été de déterminer la préva-ence des troubles du sommeil chez les lycéens marocains et’en rechercher une éventuelle influence sur le rendementcolaire.

éthodes

l s’agit d’une étude transversale portant sur la qualité duommeil des lycéens âgés de 16 à 20 ans. Ils ont été recrutés

e enquête à Rabat—Salé 33

Conclusion. — Cette étude confirme l’importance de la qualité du sommeil des adolescents etses répercussions sur la qualité des résultats scolaires. Elle amène à souligner l’intérêt d’unéventuel changement des stratégies éducatives, avec notamment une information des étu-diants, une meilleure hygiène du sommeil et un examen médicopsychologique des étudiantsqui présentent une somnolence élevée en classe.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Numerous studies indicate that poor sleep in adolescents impacts negatively cog-nitive function and school performance.Aim. — The present work aimed at investigating the prevalence of sleep disorders in high-schoolstudents and at evaluating its repercussion on the school performance.Methods. — In this cross-sectional study, we collected data during one month in 1451 high-schoolstudents in the Rabat-Salé region. An anonymous auto-questionnaire was used that providedinformation about the sociodemographic items, sleep habits and school performance during thepast three months. The statistical analysis of the data was performed using the SPSS software.Results. — Twenty-two percent of the girls and 18.1% of the boys complained of sleeping disor-ders. The somnolence in classroom was found in 17.6% of the girls and 12.8% of the boys amongwhom, 1.6 and 1.4% used sleeping pills, respectively. A significant difference was found invarious sleep habits between school days and holidays, and between males and females. Femalestended to get up earlier than males, but this was not associated with a shorter sleep duration.In both genders, half were satisfied with their sleep even though females had more awake-nings after sleep onset (WASO) and more nightmares than males. Difficulties in initiating sleep,frequent WASO, nightmares and sleep medication were significantly associated with poor schoolperformance.Conclusion. — This study confirms the importance of good sleep in adolescents for school per-

ans cinq établissements d’enseignement secondaire danses deux villes de Rabat et Salé, retenus après tirage au sort.’accord du délégué provincial du ministère de l’Éducationationale et des directeurs d’établissements concernés para réalisation de l’enquête a été obtenu. Les classes ont été

Page 3: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

3 R. Aalouane et al.

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Tableau 1 Durée du sommeil.

VariablesExtrêmes

n Moyenne ± ET

Durée sommeil scolaire4h—12h

1356 7h54 min ± 1h6 min

Durée sommeil week-end5h—14h

1371 9h36 min ± 1h30 min

Durée sommeil vacance3h30—15h

1350 9h30 min ± 1h30 min

Différence sommeilscolaire/sommeilweek-end3h18′—8h

1357 4h 22 min ± 1h36 min

N : nombre total de l’échantillon ; ET : écart-type. Les valeurssont exprimées en moyenne ± écart-type.

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4

hoisies au hasard et tous les lycéens de ces classes ont éténclus après avoir donné leur consentement. Une séancee travail préalable a été organisée avec les lycéens poureur expliquer les objectifs de cette recherche couverte par’anonymat.

Cette enquête a été menée à l’aide d’un autoquestion-aire se présentant sous la forme de questions fermées,édigé en arabe et en francais, le choix de la langue étantaissé à la discrétion des sujets interrogés. Construit tout’abord par une équipe de psychiatres et d’enseignants,uis repris en collaboration avec l’équipe de biostatistique,e recherche clinique et d’épidémiologie de la faculté deédecine de Rabat, ce questionnaire a été testé avant leébut de l’enquête sur une classe de 35 lycéens : aucunenomalie de structure, de contenu ou de compréhension n’yété décelée.L’autoquestionnaire évaluait la qualité du sommeil pen-

ant les trois derniers mois précédant l’enquête en seondant sur les items suivants : difficultés d’endormissementprises en compte à partir d’une latence d’endormissementxcédant une demi-heure), réveils nocturnes (pris enompte à partir d’au moins deux éveils par nuit), cauche-ars, horaires du coucher et du réveil, degré de satisfactionu sommeil, recours à un somnifère, et durée du som-eil pendant les jours de classe, de vacances et de fin de

emaine. Nous avons aussi noté si les lycéens estimaientue la qualité de leur sommeil influencait leurs résultatscolaires et cherché les causes éventuelles d’un mauvaisommeil.

L’enquête a été réalisée par trois psychiatres qui se ren-aient disponibles pour répondre à chaque sollicitation de laart des élèves. Les questionnaires à réponses inachevées,ncohérentes ou inexploitables ont été exclus.

L’enquête a duré 30 jours. Nous avons comparé lesroupes répartis selon le sexe, la présence ou non desroubles du sommeil et selon la durée du sommeil estiméeubjectivement en distinguant les lycéens dormant de moinse six heures (court-dormeurs) et ceux dormant plus de huiteures (long-dormeurs).

Les données ont été traitées à l’aide du logiciel statis-ical package for the social sciences (SPSS) dans sa version0.0. Les variables quantitatives sont exprimées en moyennet écart-type, et les variables qualitatives en effectif etourcentage. La comparaison des variables quantitatives até effectuée en utilisant le test t de Student et celle desariables qualitatives le test de Chi2. Une valeur de p < 0,05 até retenue comme significative.

ésultats

armi 1800 questionnaires distribués, 1540 ont été rendus,oit un taux de réponse de 85,5 %. Les questionnaires annu-és, au nombre de 89, l’ont été du fait de l’incohérencees réponses qui ont rendu leur exploitation impossible.’analyse des résultats a porté sur 1451 élèves : 822 garcons

56,7 %) et 548 filles (37,8 %) ; 81 élèves ont omis de répondrela question concernant le sexe, soit 5,5 % des élèves.L’âge moyen était de 17 ans et cinq mois ± un an et cinq

ois, avec des extrêmes entre 16 et 23 ans. La tranche d’âgee 16 à 20 ans représente 92,4 % de l’échantillon.

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La durée moyenne du sommeil estimée par les lycéens auours de la semaine était de 7h 45min, de 9h 36min en fine semaine et de 9h 30min pendant les grandes vacances.a différence moyenne de la durée du sommeil entre lesours de classe et la fin de semaine a été de 4h22 ± 1h36Tableau 1). Ces habitudes de sommeil étaient globalementdentiques chez les filles et chez les garcons, avec cependantne tendance à se réveiller plus tôt chez les filles, sans queela ne réduise significativement la durée de leur sommeilTableau 2).

En ce qui concerne les troubles du sommeil, les difficul-és d’endormissement ont été observées chez 22 % des fillest 18,1 % des garcons, sans différence significative entre leseux sexes (Tableau 3). Les réveils nocturnes et les cauche-ars étaient significativement plus fréquents chez des filles

16,5 et 11,5 %, respectivement) que chez les garcons (7 et,4 %).

La fréquence de la somnolence en classe et l’usage deomnifères étaient légèrement plus élevés chez les fillesue chez les garcons mais sans différence significative entrees deux sexes. Enfin, la moitié des lycéens étaient satis-aits de leur sommeil (50 % des filles et 58,5 % des garcons,ans différence significative) et pensaient que la qualité deeur sommeil influencait leur résultat scolaire (51,1 et 46 %,espectivement, non significativement différent).

Parmi les facteurs possibles des troubles du sommeilapportés par les élèves eux-mêmes, la préoccupation occa-ionnée par les études est l’élément le plus présent dans 52 %es cas. Les habitudes, comme celles de se coucher tard, deegarder la télévision ou de pratiquer des loisirs, viennentn deuxième position (18 % des cas), alors que les causes deature psychiatrique ne sont citées que dans 9 à 12 % deséponses.

Dans notre étude, les élèves éprouvant des difficultés’endormissement présentaient significativement plus deomnolence en classe, de réveils nocturnes, de recoursux somnifères et de perturbations de la scolarité que

ans les élèves qui ne les éprouvaient pas (Tableau 4).lles étaient relevées de facon homogène pour les court-t long-dormeurs et quelle que soit l’heure du coucherTableau 4).
Page 4: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

Le sommeil des adolescents : une enquête à Rabat—Salé 35

Tableau 2 Horaires et durée du sommeil selon sexe.

Variable Filles (n) Garcons (n) p

Durée sommeil Jours d’études 7h 48min ± 1h 8min (545) 7h 48min ± 1h 6min (812) NSDurée sommeil week-end 9h 48min ± 1h 48min (541) 9h 48min ± 1h 36min (813) NSDurée sommeil vacances 9h 36min ± 1h 24min (532) 9h 24min ± 1h 48min (795) NSHeure du coucherJours d’études 22h 54min ± 1h (547) 23h 6min ± 54min (820) NSHeure du coucher week-end 23h 24min ± 1h 9min (543) 24h 48min ± 1h 18min (816) NSHeure du coucher vacances 0h 18min ± 1h 24min (538) 23h 48min ± 1h 25min (802) NSHeure du réveil Jours d’études 6h 48min ± 36min (546) 7h ± 36min (812) NSHeur du réveil week-end 9h 9min ± 1h 6min (546) 9h 26min ± 1h 26min (817) NSHeure du réveil vacances 9h 54min ± 1h 8min 10h 14min ± 1h 36min NS

Les valeurs sont exprimées en moyenne ± écart-type. p : significativité statistique entre les filles et les garcons ; NS : non significatif.

La durée de sommeil ne différait pas avec l’âge oule sexe mais les lycéens dormant moins de six heurescomparativement à ceux dormant plus de huit heuresavaient plus de cauchemars et présentaient plus de somno-lence en classe, avaient plus recours aux somnifères, étaientmoins satisfaits de leur sommeil et étaient plus nombreuxà penser que leurs difficultés de sommeil influencaientnégativement leurs performances scolaires (Tableau 5).

Tableau 3 Difficultés de sommeil selon le sexe.

Variable Filles % (n) Garcon % (n) p

Difficultés d’endormissementSouvent 22 (120) 18,1 (146)Parfois 52,3 (285) 51,2 (412) NSJamais 25,7 (140) 30,7 (247)

Réveil nocturneSouvent 16,5 (89) 7 (56)Parfois 47,1 (255) 38,6 (310) 0,001Jamais 36,4 (197) 54,5 (438)

CauchemarsSouvent 11,5 (62) 5,4 (43) 0,001Parfois 46 (249) 33,8 (269)Jamais 42,5 (230) 60,9 (485)

Somnolence en classeSouvent 17,6 (94) 12,8 (102) NSParfois 63,2 (338) 53,2 (423)Jamais 42,5 (230) 34 (270)

Usage de somnifèresSouvent 1,6 (9) 1,4 (11) NSParfois 8,4 (46) 4,1 (33)Jamais 90 (493) 94,6 (769)

Satisfait de la qualité sommeilOui 50 (270) 58,5 (472) NSNon 50 (270) 41,5 (355)

Qualité sommeil/influence scolaritéOui 51,1 (271) 46 (371) NSNon 48,9 (259) 54 (435)

Les valeurs sont exprimées en pourcentage et nombre de cas. p :significativité statistique entre les groupes ; NS : non significatif.

Discussion

Le sommeil des adolescents, à l’instar d’autres composantesneuropsychologiques, physiologiques et sociales, connaît denombreuses modifications, surtout dans sa structure et danssa rythmicité nycthémérale.

Plusieurs études ont essayé d’établir un rapport entre laqualité du sommeil et le rendement scolaire [11]. Cepen-dant, les appréciations de l’adolescent sur lui-même et surson sommeil sont subjectives [12] et les lycéens ont ten-dance à sous-estimer la durée totale de leur sommeil, lesheures du coucher et du réveil [13], ce qui amène à desrésultats contradictoires [11,14,15].

Notre étude est essentiellement descriptive et nos résul-tats sont comparables à ceux que l’on retrouve dans d’autresétudes antérieures [6,7,9,16,17] (Tableau 6), avec des diffé-rences probablement liées à des critères méthodologiques etau caractère subjectif des réponses. Nos résultats rejoignentceux de Gibson et al. qui ont réalisé deux enquêtes sur3235 lycéens à un intervalle de trois ans et ont trouvé unedurée du sommeil de moins de 8h30 chez 71 % d’entre eux.

Tableau 4 Caractéristiques des élèves ayant des diffi-cultés d’endormissement.

Variable Difficultés %(n)

Pas dedifficultés %(n)

p

Sexe : G/F 57,9 (558) 63,8 (247) 0,05/42,1 (405) /36,2 (140)

Dormants < 6 h 7,6 (73) 7,5 (29) NSRéveilnocturne

59,9 (576) 35,1 (136) 0,001

Cauchemars 52,1 (498) 32,4 (126) 0,001Sommeil enclasse

74,9 (709) 64,6 (246) 0,001

Somnifères 8,7 (84) 3,9 (15) 0,002Influencescolarité

50,8 (483) 40,7 (155) 0,001

Les effectifs sont exprimés en pourcentage et en nombre entreparenthèses. G : garcons ; F : filles ; p : significativité statistiqueentre les groupes. ; NS : non significatif.

Page 5: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

36

Tableau 5 Caractéristiques du sommeil chez leslycéens dormant moins ou plus de six heures.

Durée du sommeil p

Variable Moins de6 h% (n)n = 103

Plus de 6 h% (n)n = 1266

Sexe 54,5(n = 55)/45,5(n = 46)

60,3 %(n = 757)/39,7 %(n = 499)

NS

Âge 17,4 ± 1,4 ans 17,4 ± 1,4 ans NSDifficultésendormis-sement

71,6 71,4 NS

Souvent 30,4 18,7Parfois 41,2 52,7Jamais 28,4 28,6

Réveilnocturne

53,4 52,7

Souvent 16,5 10,2Parfois 36,9 42,5 NSJamais 46,6 47,3

Cauchemars 63,2 45,8Souvent 15,5 7 0,002Parfois 42,7 38,8Jamais 41,7 54,2

Somnolenceen classe

83,3 71,2

Souvent 20,6 14 0,016Parfois 62,7 57,2Jamais 16,7 28,8

Usage desomni-fères

18,5 5,2

Souvent 4,9 1 0,0001Parfois 13,6 5,1Jamais 81,6 93,9

Satisfaitqualitésommeil

Oui 34 57,1 0,0001Non 66 42,9

Qualitésom-meil/influencescolarité

63,4 46,5

Souvent 60,4 45,8 0,001Parfois 3 0,7Jamais 36,6 53,4

Les valeurs sont exprimées en pourcentage pour l’âge enmoyenne ± écart-type. p : significativité statistique entre lesgroupes ; NS : non significatif.

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R. Aalouane et al.

’endormissement à une heure tardive est significativementié à un sommeil de mauvaise qualité et chez 23 % des lycéense cette étude, les troubles du sommeil sont associés à unetentissement sur la scolarité [18]. De même, nous obser-ons une réduction significative de la durée du sommeil enemaine par rapport au week-end, en accord avec de nom-reuses études et notamment celle de Patois et al. [6] chez5 703 adolescents de 15 à 20 ans : la différence moyennentre les durées du sommeil en période scolaire et en fin deemaine est de près de deux heures et celle entre périodecolaire et vacances est de 1h15. Pendant les vacances, 85 %es adolescents dorment plus longtemps qu’en période sco-aire : 49 % dorment une à deux heures de plus, 21 % trois

quatre heures de plus et 3 % plus de cinq heures sup-lémentaires. Comme dans les études précédentes, nousrouvons un lien entre les départs matinaux à l’école, laoindre durée du sommeil et les épisodes de somnolence

n classe [4,14], ainsi que plus de troubles de sommeil chezes filles que chez les garcons [6,7,17]. Des facteurs hormo-aux en période pubertaire pourraient en être responsables1], sachant aussi que le sexe féminin, le tabac et l’alcooleraient des facteurs de risque d’un mauvais sommeil [11].

Les contraintes extérieures (révision des cours jusqu’àne heure tardive, réveil matinal précoce, transport mati-al en fonction de l’éloignement du lycée, irrégularité desoraires entre jours de week-end et jours de cours) sont desacteurs qui prédisposent aux transformations architectu-ales et quantitatives du sommeil des lycéens. Une enquêtee Heins et al. [19] a mis l’accent sur le retentissement, sura qualité du sommeil, d’activités de loisirs, comme le fait deegarder la télévision et de jouer sur l’ordinateur ou en vidéousqu’à une heure tardive de la nuit. Ils ont montré dans uneopulation de 1933 écoliers que ces habitudes réduisaient deacon significative la durée totale du sommeil et par consé-uent retentissaient sur les facultés d’attention en classet sur le rendement scolaire. De la même facon, l’enquêteaïwanaise de Yen et al. concernant les perturbations quali-atives et quantitatives du sommeil en fonction des facteursndividuels, familiaux et environnementaux chez 52 lycéensapporte une association significative entre la diminution dea durée du sommeil, le degré élevé des conflits familiaux,a consommation du café la nuit et l’utilisation excessive’internet [20].

Aux éléments cités ci-dessus, s’ajoutent des facteursthniques, culturels et socioéconomiques, qui certaine-ent favorisent des habitudes de sommeil différentes.

ajel et al. [21] montrent l’existence d’un lien entre leevenu socioéconomique et la qualité du sommeil « donta perturbation est associée de facon significative avece moins bons résultats scolaires ». De même, Liu et al.bservent chez 1056 adolescents et 838 parents une cor-élation significative entre les perturbations du sommeilhez les adolescents et l’histoire des troubles du sommeilhez leurs parents [22]. Cependant, l’étude comparativee Roberts et al. portant sur 4175 adolescents de diffé-entes origines (Amérique, Europe, Mexique, Afrique) etisant à évaluer l’impact ethnique et culturel sur lesroubles du sommeil n’a pas révélé de résultats significatifs

10].

Au Maroc, la pratique religieuse du Ramadan, à l’instares pays musulmans, laisse une empreinte sur le sommeil desdolescents [23]. L’étude de Margolis et Reed aux Émirats

Page 6: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

Lesom

meildes

adolescents:une

enquêteà

Rabat—Salé

37

Tableau 6 Résultats comparatifs des études précédentes.

Auteurs Adolescents (N) Plainte d’insomnie Difficultés d’endormissement Réveils nocturnes Somnolence diurne Prise de somnifères Cauchemars

Patoiset al., 1993[6]

G : 11 923F : 13 780 F : 17 % G : 13 % F : 12,6 % G : 7,8 % F : 30 % G : 20 % F : 88 % G : 77 % F : 6 % G : 2 % F : 23 % G : 10 %

Choquet etLedoux,1994 [27]

12 000 ———– 41,5 % 19,2 % 6,9 % ———— 8,6 %

Mellens E,1994

———— 35 % 25 % 5,5 % 21 % 3 % ———–

Plazzolo Jet al., 1999[17]

1285 F : 18 % G : 14 % ————– F : 40 % G : 30 % F : 89 % G : 79 % ———— F : 32 % G : 15 %

Bailly Det al., 2004[7]

806 F : 14 % G : 9,9 % F : 28,6 % G : 22 % F : 13,7 %G : 11,2 % 8,2 % 1,6 % 6,2 %

Ohida Tet al., 2004[9]

107 907 F : 39 % G : 38,1 % F : 16 % G : 15,3 % ———— F : 39,2 %G : 33,3 % ———— ————

Kaneita Yet al., 2006[28]

103 650 23,5 % 14,8 % 11,3 % ———– ———– ———–

Hazama GIet al., 2008[29]

4971 ———– F : 0,32 % G : 0,58 % ———– ———– ———– ———–

Roberts RE,et al., 2008[10]

4175 26,8 % 7,05 % 8,2 % 6,66 % ———– ———–

Notreétude

1451 19,8 % F : 22 % G : 18,1 % F : 16,5 % G : 7 % F : 17,6 %G : 12,8 % 1,5 % F : 11,5 %G : 5,4 %

Page 7: Le sommeil des adolescents : une enquête à RabatâSalé

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rabes unis [24] a montré que la durée du sommeil des étu-iants en médecine est significativement réduite pendantette période, du fait des heures de coucher tardives.

La préoccupation concernant les cours et les examens, laension psychique vécue au sein des lycées et les problèmeselationnels seraient aussi des facteurs surajoutés. Ainsi,e nombreux travaux soulignent la fréquence des troublesnxiodépressifs ou de troubles du comportement chez lesdolescents souffrant de troubles du sommeil [3,5,25].

onclusion

ompte tenu des troubles du sommeil qui sont largementbservés dans cette population de lycéens, des mesures pré-entives seraient à prendre afin d’améliorer la qualité duommeil chez les adolescents et plus généralement danse grand public. La sensibilisation au thème du sommeil,’information et les interventions psychoéducatives sont uneoie d’approche, comme l’ont montré Brown et al. [26] surn groupe d’étudiants pour qui un programme éducatif sure sommeil a été bénéfique, tant sur la qualité du sommeilue sur le comportement.

Bien que les résultats obtenus ici soient proches de ceuxue l’on trouve dans les études antérieures (différence enurée du sommeil entre jours de classe et jours de vacances,rédominance des troubles du sommeil chez les filles parapport aux garcons et influence significative de la qualitéu sommeil sur la scolarité), notre travail est un des raresui aborde le sujet dans le monde arabe.

Notre enquête, menée sur un échantillon de grandeaille, s’est adressée à des lycéens marocains marquésar leurs spécificités socioculturelles, environnementales eteligieuses. Elle vise à enrichir les données apportées par lestudes épidémiologiques antérieures et à favoriser la cons-itution d’une base de données sur les modalités du sommeiles lycéens dans les différentes régions du globe et dans lesifférentes cultures.

onflit d’intérêt

ucun.

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