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http://etudeslibres.com Le syncrétisme religieux en Amérique latine. En règle générale, le syncrétisme religieux est défini comme une nouvelle spiritualité, une sorte de "bricolage" associant dogme religieux, rites traditionnels, parfois mystiques. - L’hégémonie catholique A partir de la fin du XVI e siècle (concile de Lima), l'évangélisation se fait dans les langues autochtones et absorbe les références culturelles indigènes, par exemple la Pachamama de l’altiplano andin est assimilée à la Vierge, ou bien le sanctuaire de la déesse mère de Tonantzin à Mexico, qui devient un lieu d’adoration populaire après l’apparition de la Vierge de Guadalupe. Favorisé, le catholicisme exerce son hégémonie jusqu'à la première moitié du XX e siècle. Au temps des dictatures, l'Eglise catholique veut s'affirmer comme le porte-parole des pauvres dans une compétition avec les idéologies révolutionnaires. Ce mouvement dans les années 1960 prit le nom de théologie de la libération. Mais le Vatican a peu à peu isolé ce courant ; cet abandon a vu le départ progressif des classes populaires au profit d’autres églises et sectes. -Les nouveaux mouvements Aujourd'hui, près d'un quart des croyants se déclarent non- catholiques. Organisées autour d'un chef et un guide, ces églises et sectes s’introduisent au sein des populations des bidonvilles, d'origine rurale, sans repères, et miséreuses. Elles appartiennent à plusieurs ensembles : -Les sectes orientalistes et néo-orientales comme la secte Moon reconnut en 1981 par la dictature militaire argentine ; elle investit des sommes considérables dans ce pays. Très implantée aussi en Uruguay, elle possède un quotidien, une banque et la plus importante imprimerie du pays. -Des cultes afro- américains dans lesquels se mêlent croyances traditionnelles des esclaves et catholicisme populaire (Vaudou); -les sectes syncrétiques nord-américaines : Mormons, New Age, Jéhovah, scientologie…; -les Pentecôtistes et les messianismes en général, qui se structure autour de personnages charismatiques (Israélites, Luz del Mundo); -des sectes en rupture avec le catholicisme. Cette diversification des appartenances confessionnelles, et la pluralité des églises notamment chez les Pentecôtistes ont créé une forte compétition entre elles, créant un marché religieux. Les nouveaux convertis vont d’une confession à l’autre, parfois en les mélangeant. Il n’y a pas d’exclusivité dans ce nomadisme spirituel. Les cas de double affiliation sont également fréquents. Au Brésil, le candomblé (religion d’origine africaine et l’umbanda (mélange de racines africaines et extérieures) tolèrent les autres croyances et sont des cibles privilégiés des Pentecôtistes. - Les « nouveaux » protestants. Ces derniers incorporent les croyances et mythes issus de la religion populaire : la thaumaturgie d'origine chamanique, l'exorcisme, la démonologie ou le don du ciel de parler une langue inconnue sans l'avoir apprise. La Bible est constamment citée, brandie pour ses pouvoirs supposés et non pas pour son contenu ; celui-ci est détaché de son contexte. La célébration du culte se transforme en un véritable spectacle, avec chanteurs et orchestre, imité en cela par l’Eglise catholique notamment brésilienne. Au Brésil, tout particulièrement, cela a aboutit à des pratiques mercantiles (vente d'objets religieux, ou bénis et de prières). Le fondateur de la « Igréja universel do reino de Deus » etudeslibres.com

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Le syncrétisme religieux en Amérique latine.

En règle générale, le syncrétisme religieux est défini comme une nouvelle spiritualité, une sorte

de "bricolage" associant dogme religieux, rites traditionnels, parfois mystiques.

- L’hégémonie catholique

A partir de la fin du XVI e siècle (concile de Lima), l'évangélisation se fait dans les langues

autochtones et absorbe les références culturelles indigènes, par exemple la Pachamama de

l’altiplano andin est assimilée à la Vierge, ou bien le sanctuaire de la déesse mère de

Tonantzin à Mexico, qui devient un lieu d’adoration populaire après l’apparition de la Vierge

de Guadalupe.

Favorisé, le catholicisme exerce son hégémonie jusqu'à la première moitié du XX e siècle.

Au temps des dictatures, l'Eglise catholique veut s'affirmer comme le porte-parole des pauvres

dans une compétition avec les idéologies révolutionnaires. Ce mouvement dans les années

1960 prit le nom de théologie de la libération. Mais le Vatican a peu à peu isolé ce courant ; cet

abandon a vu le départ progressif des classes populaires au profit d’autres églises et sectes.

-Les nouveaux mouvements

Aujourd'hui, près d'un quart des croyants se déclarent non- catholiques. Organisées autour d'un

chef et un guide, ces églises et sectes s’introduisent au sein des populations des bidonvilles,

d'origine rurale, sans repères, et miséreuses. Elles appartiennent à plusieurs ensembles :

-Les sectes orientalistes et néo-orientales comme la secte Moon reconnut en 1981 par la

dictature militaire argentine ; elle investit des sommes considérables dans ce pays. Très

implantée aussi en Uruguay, elle possède un quotidien, une banque et la plus importante

imprimerie du pays.

-Des cultes afro- américains dans lesquels se mêlent croyances traditionnelles des esclaves

et catholicisme populaire (Vaudou);

-les sectes syncrétiques nord-américaines : Mormons, New Age, Jéhovah, scientologie…;

-les Pentecôtistes et les messianismes en général, qui se structure autour de personnages

charismatiques (Israélites, Luz del Mundo);

-des sectes en rupture avec le catholicisme.

Cette diversification des appartenances confessionnelles, et la pluralité des églises notamment

chez les Pentecôtistes ont créé une forte compétition entre elles, créant un marché religieux.

Les nouveaux convertis vont d’une confession à l’autre, parfois en les mélangeant. Il n’y a pas

d’exclusivité dans ce nomadisme spirituel. Les cas de double affiliation sont également

fréquents. Au Brésil, le candomblé (religion d’origine africaine et l’umbanda (mélange de

racines africaines et extérieures) tolèrent les autres croyances et sont des cibles privilégiés des

Pentecôtistes.

- Les « nouveaux » protestants.

Ces derniers incorporent les croyances et mythes issus de la religion populaire : la thaumaturgie

d'origine chamanique, l'exorcisme, la démonologie ou le don du ciel de parler une langue

inconnue sans l'avoir apprise. La Bible est constamment citée, brandie

pour ses pouvoirs supposés et non pas pour son contenu ; celui-ci est détaché de son

contexte. La célébration du culte se transforme en un véritable spectacle, avec chanteurs et

orchestre, imité en cela par l’Eglise catholique notamment brésilienne.

Au Brésil, tout particulièrement, cela a aboutit à des pratiques mercantiles (vente d'objets

religieux, ou bénis et de prières). Le fondateur de la « Igréja universel do reino de Deus »

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(Eglise Universelle du royaume de Dieu) a de nombreux démêlés avec la justice ; il est à la tête

d’un empire financier et médiatique, menant un train de vie luxueux, grâce aux nombreuses

collectes.

-Marché religieux et concurrence

Ces sectes, dont celles dites de "guérison divine" ont bénéficié, dans leur implantation, du

soutien politique, matériel et financier des USA afin de contrer notamment la théologie de la

libération catholique.

La rivalité est visible notamment par les programmes et réseaux télévisuels catholiques et

pentecôtistes. Au début des années 2000, la « Confédération Chrétienne ibéro- américaine des

Communicateurs et de Moyens Massifs de Communication » (COICOM), réunie en congrès à

Lima affirmait regrouper plus de 1 000 chaînes radio, 200 stations de TV, 500 journaux et 5 000

journalistes et communicateurs évangéliques. On trouve des empires télévisuels dont le plus

connu est la TV Record brésilienne, achetée en 1989 par Emir Macedo, fondateur de l’Eglise

Universelle du royaume de Dieu pour 45 millions de dollars US. La chaîne TV « Enlace » dont

le propriétaire est le pasteur Gonzalez Ortíz propose pour 20$ « guérison, prospérité

économique, succès en affaire et salut de l’âme ». Il estime recevoir ainsi 860 000 dollars de

dons par an.

-Religion et politique

Bien que l’implantation de L’Eglise catholique soit ancienne et centralisée, les dictatures

militaires, à partir des années 1960, furent une période favorable au pentecôtisme. Au Chili en

1974, ou au Venezuela, par exemple des lois portant sur les cultes reconnaissent la pluralité

confessionnelle et l’égalité entre les religions. Cette reconnaissance est la contrepartie du

soutien apporté aux dictatures.

Dans les années 1990, leur progression dépasse en moyenne 5% en Amérique latine avec des

différences selon les pays. Les protestants sont 25% au Chili ou au Guatemala, près de 15 % au

Panama, 10 % au Nicaragua ou au Brésil.

La "Igréja universel do reino de Deus" au Brésil déclare 500.000 fidèles. Dans le Chiapas

mexicain, 92% de la population se disait en 1970 catholiques, et 67% en 1990. En échange du

vote de leurs fidèles, ces nouveaux acteurs ont de plus en plus d’influence et de pouvoir. Le

poids du vote évangélique ainsi que les appuis financiers les encouragent à créer des partis

confessionnels. Ainsi, à partir des années 1980, des centaines de pentecôtistes et évangéliques

sont élus à des postes municipaux, parlementaires dans tous les pays de la région ; d’autres

accèdent aux plus hautes fonctions de l’Etat comme Jorge Serano Elias, vice- président du

Guatemala en 1991-1993, ou Alberto Fujimori, président du Pérou en 1990. Au Vénezuela les

évangéliques créent en 1987 la Organización Renovadora Autentica (ORA = prie en espagnol)

reconnue par le Conseil suprême électoral en vue de conquérir la présidence de la république.

Au Mexique, la Iglesia de la luz del Mundo de Guadalajara fut un puissant soutien au parti

institutionnel révolutionnaire (PRI).

Conclusion

L’Amérique latine est une terre de forte religiosité populaire et fragmentée sur le plan

confessionnel. Bien que toujours majoritaire, le nombre de catholiques décline au profit

essentiellement des Pentecôtistes. D’abords handicapés par un manque de prestige, peu à

peu les Pentecôtistes adoptent une stratégie d’entreprise commerciale transnationale. Ces

derniers sont également en rupture avec le protestantisme historique par l’incorporation d’autres

croyances (chamanisme), d’autres pratiques ainsi que dans leur rapport avec le politique.

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