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Actualités pharmaceutiques n° 526 mai 2013 23 La gale humaine en 2013 dossier Mots clés • Conseil • Contre-indication • Examen parasitologique • Gale • Prurit • Traitement Keywords • Advice • Contraindication • Parasitological examination • Pruritus • Scabies • Treatment Auteur correspondant Gilles DREYFUSS [email protected] © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.02.026 A fin de traiter la gale, et en l’absence de l’exis- tence d’un consensus, le prescripteur doit choi- sir la forme du traitement, local ou per os, la mieux adaptée en fonction des cas (tableaux 1 et 2). La gale est souvent responsable d’épidémie dans les collectivités où le traitement par voie orale est privilégié car il permet de traiter un plus grand nombre de per- sonnes en même temps. Le traitement per os est égale- ment recommandé pour les gales norvégiennes, associé ou non à un traitement scabicide local et kératolytique. Traitements locaux conventionnels Les traitements topiques acaricides de la gale se pré- sentent sous forme de lotion (Sprégal ® , Ascabiol ® ). Ils sont disponibles sans ordonnance, mais ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Ils doivent être appli- qués de façon simultanée aux sujets atteints et aux sujets contacts, même en l’absence de signe clinique. Leur délai d’action est immédiat. Le mode d’administration, très spécifique, doit être précisé lors de la délivrance. Les produits doivent être appliqués après une toilette soigneuse de tout le corps, de préférence le soir afin d’éviter toute toilette ultérieure (même des mains), et en insistant sur l’hygiène des ongles (courts et brossés). Certaines zones doivent être particulièrement traitées : tous les plis, les ongles, l’ombilic, les espaces interdigitaux des mains et des pieds, la face antérieure des poignets et les parties génitales. Ces traitements topiques étant irritants, il ne faut pas répéter de façon inconsidérée leur application sans avis médical. Benzoate de benzyle, sulfiram (Ascabiol®) Le benzoate de benzyle et le sulfiram sont actifs sur tous les stades du cycle de développement du parasite. Le mode d’action n’est pas encore bien défini sur les aca- riens, mais il entraînerait la mort du sarcopte en agissant sur son système nerveux. Son action est immédiate. La lotion doit être appliquée après un bain et sur une peau encore humide. L’application nécessite un pinceau plat, type “queue de morue”, de 7 à 10 cm de large et à poils synthétiques. Le patient doit appliquer, par badi- geonnage, une ou deux couches successives sur la totalité de la surface corporelle, en respectant un temps de séchage entre les deux couches de 10 à 15 minutes. Le pinceau doit ensuite être nettoyé et désinfecté avec un détergent, puis jeté à la fin du traitement. Au bout de 24 heures, le patient doit se savonner, se rincer abon- damment, puis se sécher par tamponnement. Le traitement par Ascabiol ® de l’enfant de moins de 2 ans suit la même conduite que chez l’adulte. Il nécessite de se limiter à une seule application d’une durée inférieure à 12 heures et de lui bander les mains ou de lui mettre des moufles pour éviter une ingestion accidentelle. Quelques effets indésirables peuvent survenir avec Ascabiol ® et notamment des manifestations locales : une sensation possible de cuisson immédiate et une possible eczématisation, particulièrement accrue en cas d’applications itératives. Des manifestations générales, telles que des convul- sions en cas d’ingestion accidentelle, peuvent égale- ment être observées. En cas de passage cutané, le risque systémique augmente si la peau est lésée et chez l’enfant de moins de 2 ans. Esdépalléthrine, butoxyde de pipéronyle (Sprégal® lotion) L’esdépalléthrine (esbiol) est un pyréthrinoïde de syn- thèse, associé au butoxyde de pipéronyle pour son action synergique. Elle agit sur les parasites adultes, les Le traitement de la gale La gale ne guérissant pas spontanément, le patient doit être pris en charge dès le diagnostic établi. Aux traitements locaux conventionnels vient s’ajouter un traitement per os particulièrement adapté aux personnes vivant en collectivité. Dans les cas où une complication apparaît, des soins complémentaires doivent être prescrits. La conduite à tenir doit être correctement expliquée au patient. The treatment of scabies. As scabies does not clear up on its own, the patient must be treated as soon as the diagnosis is made. In addition to conventional local treatments there is an oral treatment which is particularly well suited to people living in institutional accommodation. If a complication occurs, complementary treatments must be prescribed. The steps to take to manage the disease must be explained to the patient. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Nathalie BARACHY Gilles DREYFUSS Jérémy VONO

Le traitement de la gale

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• n° 526 • mai 2013 • 23

La gale humaine en 2013

dossier

Mots clés• Conseil

• Contre-indication

• Examen parasitologique

• Gale

• Prurit

• Traitement

Keywords• Advice

• Contraindication

• Parasitological

examination

• Pruritus

• Scabies

• Treatment

Auteur correspondantGilles [email protected]

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.02.026

A fin de traiter la gale, et en l’absence de l’exis-tence d’un consensus, le prescripteur doit choi-sir la forme du traitement, local ou per os, la

mieux adaptée en fonction des cas (tableaux 1 et 2). La gale est souvent responsable d’épidémie dans les collectivités où le traitement par voie orale est privilégié car il permet de traiter un plus grand nombre de per-sonnes en même temps. Le traitement per os est égale-ment recommandé pour les gales norvégiennes, associé ou non à un traitement scabicide local et kératolytique.

Traitements locaux conventionnelsLes traitements topiques acaricides de la gale se pré-sentent sous forme de lotion (Sprégal®, Ascabiol®). Ils sont disponibles sans ordonnance, mais ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Ils doivent être appli-qués de façon simultanée aux sujets atteints et aux sujets contacts, même en l’absence de signe clinique. Leur délai d’action est immédiat.Le mode d’administration, très spécifique, doit être précisé lors de la délivrance. Les produits doivent être appliqués après une toilette soigneuse de tout le corps, de préférence le soir afin d’éviter toute toilette ultérieure (même des mains), et en insistant sur l’hygiène des ongles (courts et brossés). Certaines zones doivent être particulièrement traitées : tous les plis, les ongles, l’ombilic, les espaces interdigitaux des mains et des pieds, la face antérieure des poignets et les parties génitales.Ces traitements topiques étant irritants, il ne faut pas répéter de façon inconsidérée leur application sans avis médical.

Benzoate de benzyle, sulfi ram (Ascabiol®)Le benzoate de benzyle et le sulfiram sont actifs sur tous les stades du cycle de développement du parasite.

Le mode d’action n’est pas encore bien défini sur les aca-riens, mais il entraînerait la mort du sarcopte en agissant sur son système nerveux. Son action est immédiate.La lotion doit être appliquée après un bain et sur une peau encore humide. L’application nécessite un pinceau plat, type “queue de morue”, de 7 à 10 cm de large et à poils synthétiques. Le patient doit appliquer, par badi-geonnage, une ou deux couches successives sur la totalité de la surface corporelle, en respectant un temps de séchage entre les deux couches de 10 à 15 minutes. Le pinceau doit ensuite être nettoyé et désinfecté avec un détergent, puis jeté à la fin du traitement. Au bout de 24 heures, le patient doit se savonner, se rincer abon-damment, puis se sécher par tamponnement.Le traitement par Ascabiol® de l’enfant de moins de 2 ans suit la même conduite que chez l’adulte. Il nécessite de se limiter à une seule application d’une durée inférieure à 12 heures et de lui bander les mains ou de lui mettre des moufles pour éviter une ingestion accidentelle.Quelques effets indésirables peuvent survenir avec Ascabiol® et notamment des manifestations locales : une sensation possible de cuisson immédiate et une possible eczématisation, particulièrement accrue en cas d’applications itératives.Des manifestations générales, telles que des convul-sions en cas d’ingestion accidentelle, peuvent égale-ment être observées. En cas de passage cutané, le risque systémique augmente si la peau est lésée et chez l’enfant de moins de 2 ans.

Esdépalléthrine, butoxyde de pipéronyle (Sprégal® lotion)L’esdépalléthrine (esbiol) est un pyréthrinoïde de syn-thèse, associé au butoxyde de pipéronyle pour son action synergique. Elle agit sur les parasites adultes, les

Le traitement de la galeLa gale ne guérissant pas spontanément, le patient doit être pris en charge dès le diagnostic

établi. Aux traitements locaux conventionnels vient s’ajouter un traitement per os

particulièrement adapté aux personnes vivant en collectivité. Dans les cas où une

complication apparaît, des soins complémentaires doivent être prescrits. La conduite à

tenir doit être correctement expliquée au patient.

The treatment of scabies. As scabies does not clear up on its own, the patient must be treated as soon as the diagnosis is made. In addition to conventional local treatments there is an oral treatment which is particularly well suited to people living in institutional accommodation. If a complication occurs, complementary treatments must be prescribed. The steps to take to manage the disease must be explained to the patient.

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Gilles DREYFUSS

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larves et les œufs. Elle est présentée sous forme de lotion en aérosol, ce qui facilite son utilisation par simple pulvérisation sur la majorité du corps (à l’exception du cuir chevelu où il faut utiliser un coton imbibé de produit). Il est important de préciser au patient de ne pas fumer et de se tenir éloigné de toute flamme ou objet incan-descent durant l’application.

La lotion Sprégal®, présentée en flacon pressurisé, doit être pulvérisée, dans une pièce bien aérée. Les yeux, le nez et la bouche doivent être protégés avec un linge. Le produit doit être administré en tenant le flacon éloigné de 20 à 30 cm, de haut en bas du corps de façon à recouvrir toute la surface corporelle, y compris les organes génitaux, sans laisser d’espace non traité. Les régions correctement

Tableau 1. Les principaux traitements de la gale.

Sprégal® aérosol Ascabiol® Stromectol®

Voie d’administration Topique Topique Per os

Principes actifs Esdépalléthrine, butoxyde de pipéronyle

Benzoate de benzyle, sulfi ram

Ivermectine

Présentation Lotion : fl acon pressurisé de 152 g

Lotion : fl acon de 125 mL Comprimé dosé à 3 mgBoîte de 4 ou 20 comprimés (modèle hospitalier)

Effets indésirables Picotements, irritation cutanée

Sensation de cuisson immédiate, eczématisation

Exacerbation transitoire du prurit en début de traitement, hyperéosinophilie transitoire, anomalies de la fonction hépatique, hématurie

Contre-indications Antécédents d’allergie à l’un des constituants, sujets asthmatiques, nourrissons ou jeunes enfants ayant des antécédents de bronchite dyspnéisante avec sibilants

Antécédents d’allergie à l’un des constituants

Antécédents d’allergie à l’un des constituants

Nombre d’applications Une pulvérisation (à renouveler 8 jours plus tard si persistance des signes cliniques)

Chez l’adulte : 2 badigeonnages successifs, espacés de 15 minutes (renouveler une application 8 jours plus tard si persistance des signes cliniques)

Une dose de 200 μg d’ivermectine par kilogramme de poids corporel, administrée à jeun avec de l’eau, à distance des repas (2 heures)Les comprimés peuvent être écrasés

Durée de contact 12 heures, puis savonner et rincer abondamment

24 heures, puis savonner et rincer abondamment

Mode d’administration Appliquer après un bain, sur peau sèche, sur tout le corps, de haut en bas, sauf le visage et le cuir chevelu, en tenant le fl acon éloigné de 20 à 30 cm et en protégeant le visage avec un linge ou un masqueEn cas de lésions du visage, les frotter avec un coton imbibé de la solution

Appliquer sur une peau encore humide après la douche, à l’aide d’un pinceau plat, en 1 ou 2 couches, sur tout le corps, y compris les organes génitaux, en insistant sur les plis et les mains. Éviter d’appliquer le produit sur le visage, le cuir chevelu et les muqueuses

Grossesse À éviter Une seule application avec une durée inférieure à 12 heures

À éviter

Enfants Protéger les voies aériennes lors de l’utilisation de l’aérosol

Chez l’enfant de moins de 2 ans : 1 application de moins de 12 heures

Contre-indiqué chez les enfants de moins de 15 kg

Agrément aux collectivités Non agréé aux collectivités Agréé aux collectivités Agréé aux collectivités

Prise en charge Non remboursé par la Sécurité sociale

Non remboursé par la Sécurité sociale

Remboursé par la Sécurité sociale à 65 %

Liste Non listé Non listé Liste II

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La gale humaine en 2013

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imprégnées apparaissent luisantes après l’application. En cas de lésion à traiter sur le visage, il faut frotter la zone atteinte avec une compresse ou un coton imbibé. Le patient doit garder le produit au contact de la peau pendant 12 heures, puis se savonner et se rincer abondamment.Un seul traitement est généralement suffisant. Un prurit post-scabieux peut persister pendant 8 à 10 jours, mais ne doit pas conduire à des applications répétées.Ce traitement est contre-indiqué en cas d’antécédents asthmatiques en raison du risque de déclenchement d’un bronchospasme potentiellement mortel. Par ailleurs, Sprégal® ne doit pas être utilisé chez les nourrissons et les jeunes enfants ayant des antécédents de bronchite dyspnéisante avec sibilants. En raison du risque de

bronchospasme à la suite de l’inhalation de ce produit, il convient, pour traiter une gale chez ces sujets, d’avoir recours à une forme pharmaceutique non pressurisée. Cette recommandation concerne aussi bien le sujet traité que la personne appliquant le produit.

Alternative thérapeutique per osLe Stromectol® (ivermectine) représente une alternative thérapeutique. L’ivermectine est une lactone macro-cyclique, dérivée des avermectines isolées à partir de la fermentation de bouillons de Streptomyces avermitilis (figure 1).Elle est active sur les sarcoptes adultes mais n’est pas ovocide. Ce médicament induit une paralysie du parasite

Tableau 2. Traitements en fonction des diff érentes formes de gale.

Clinique Benzoate de benzyle

Esdépalléthrine, butoxyde de pipéronyle

Ivermectine Mesures additionnelles

Remarques

Gale classique X X X Le choix entre les trois traitements se fait sur l’ancienneté des lésions, l’état cutané (eczématisation ou non) et l’observance du patient à son traitement [1]

Gale hyperkératosique

X Utilisation d’agents kératolytiques (vaseline salicylée à 10 ou 20 %)

L’hospitalisation avec isolement est indispensableUne 2e dose d’ivermectine ou l’association à un traitement topique peuvent être nécessaires dans les 8 à 15 jours pour obtenir la guérisonTraiter de manière plus large les sujets contacts

Enfant de moins de 2 ans

X X L’ivermectine est contre-indiquée chez les enfants de < 15 kgPour le benzoate de benzyle, il est préférable de se limiter à une seule application d’une durée inférieure à 12 heures (8 heures chez les nourrissons de moins de trois mois) [1]Bander les mains pour éviter une ingestion accidentelle

Femme enceinte X Se limiter à une seule application de benzoate de benzyle d’une durée inférieure à 12 heuresLa préparation au soufre de 2 à 10 % dans la vaseline peut aussi être utilisée chez la femme enceinte [1]

Femme allaitante X Le benzoate de benzyle peut être utilisé pendant 24 heures. La mère doit tirer son lait ou nettoyer le mamelon avant chaque tétée et avant de remettre le produit [1]

Gale surinfectée X Associer un antibiotique à débuter avant le traitement topique

Traiter l’impétiginisation en prioritéContrôler le risque de glomérulonéphrite post-streptococcique et de septicémie Rechercher une protéinurie trois semaines après le traitement [1]

Gale en collectivité X Formation d’une équipe de gestion des épidémiesL’ivermectine permet d’interrompre plus aisément la chaîne de contamination, mais l’utilisation des traitements topiques est bien entendu possible

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en interrompant la neurotransmission au niveau des récepteurs de l’acide gamma aminobutyrique (GABA). En effet, sa fixation sur les canaux chlorure glutamate-dépendants des cellules nerveuses ou musculaires des invertébrés provoque une hyperpolarisation conduisant à une inhibition de la fonction musculaire, donc une paralysie et la mort du parasite.

La posologie recommandée est de 200 μg d’ivermectine par kilogramme de poids corporel par voie orale (tableau 3). Le traitement consiste en une dose orale unique administrée à jeun, avec de l’eau, à 2 heures de distance des repas. Les comprimés peuvent être écra-sés avant d’être avalés, notamment pour les enfants. Mais l’ivermectine ne doit pas être utilisée chez les moins de 2 ans en raison du passage possible à travers la barrière hémato-encéphalique immature. Il peut être utile de conseiller l’administration le soir au coucher. En effet, la concentration maximale en ivermectine au niveau de son site d’action, l’épiderme, est ainsi obtenue en fin de nuit ou le matin au réveil. Cela permet de n’effectuer le changement des vêtements et du linge de toilette qu’une seule fois, le lendemain de la prise du traitement.La guérison n’est estimée définitive que 4 semaines après le traitement. La persistance d’un prurit ou de lésions de grattage ne justifie pas un deuxième traitement avant cette date. L’administration d’une deuxième dose, 2 semaines après la dose initiale, doit être envisagée en

Tableau 3. Dose d’ivermectine en fonction du poids [6].

Poids corporel (kg) Dose (nombre de comprimés à 3 mg)

15 à 24 1

25 à 35 2

36 à 50 3

51 à 65 4

66 à 79 5

≥ 80 6

Vers d’autres traitements acaricides

F La perméthrine sous forme de crème à 5 % est considérée comme traitement de référence par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et notamment au Royaume-Uni, aux États-Unis ou encore en Australie, mais n’est malheureusement pas dispo-nible en France. Selon une méta-analyse de 2007, il s’agirait même du traitement topique le plus efficace et pourrait être considéré comme un traitement de première intention [2]. La perméthrine agit en perturbant le flux du canal sodique, entraînant un retard de la repolarisation, donc la paralysie et la mort du parasite.

F Les huiles essentielles de Melaleuca alternifolia et de Lippia multiflora contiennent des terpènes (terpinéol, alpha- et bêta-pinène) connus pour avoir un réel pouvoir contre le sarcopte de la gale. Une étude de l’université d’Obafemi Awolowo, au Nigeria, a montré que l’huile essentielle de Lippia multiflora (20 % v/v )

appliquée pendant 5 jours consécutifs sur des sujets porteurs de la gale donne 100 % de guérison (contre 87,5 % obtenus par le benzoate de benzyle à même concentration) [3].Ces huiles essentielles sont toutefois contre-indiquées chez les enfants de moins de 30 mois ou ayant des antécédents de convulsion fébrile ou de crise d’épilepsie en raison du risque possible de convulsions.

F Le soufre précipité de 2 à 10 % dans la vaseline est un traitement de la gale qui peut être utilisé en toute sécurité chez les nourrissons et les femmes enceintes [4]. La pommade est appliquée sur toutes les surfaces du corps pendant deux à trois nuits consécutives. Ce traitement est cependant salissant et malodorant. Une irritation locale accrue est constatée dans environ 25 % des cas [5].

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Figure 1. Structure chimique de l’ivermectine : une lactone macrocyclique.

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cas de persistance de signes cliniques ou si l’examen parasitologique est positif à cette date. Dans la gale profuse et la gale croûteuse, une deuxième dose d’iver-mectine ou l’association à un traitement topique peuvent être nécessaires dans les 8 à 15 jours pour obtenir la guérison. En effet, les œufs n’étant pas détruits par l’iver-mectine, un second traitement peut être requis afin d’éradiquer la génération suivante de sarcoptes.Une exacerbation transitoire du prurit peut être observée en début de traitement. Il a aussi été noté des hyper-éosinophilies transitoires, des anomalies de la fonction hépatique et des hématuries.Très rarement ont également été rapportés des nécro-lyses épidermiques toxiques et des syndromes de Stevens-Johnson.

Traitements complémentairesDifférents traitements complémentaires sont dispo-nibles selon le type de gale.

En cas de surinfectionUn traitement antibiotique per os ou par voie locale, associé ou non à un antiseptique, peut être nécessaire en cas de surinfection. L’antibiothérapie traite les surinfections par les staphylocoques et les strepto-coques, et doit être débutée préférentiellement 24 à 48 heures avant le traitement acaricide.

En cas de gale irritée ou eczématiséeLes symptômes peuvent être diminués par l’application, 24 heures après pulvérisation de Sprégal® ou d’Asca-biol®, d’un traitement approprié, notamment un dermocorticoïde [6].

En cas de pruritLe crotamiton (Eurax®) est indiqué dans le traitement symptomatique local du prurit, dû en particulier aux piqûres d’insectes. Il s’utilise à raison d’une application 2 à 3 fois par jour. Chez le jeune enfant, une application unique est généralement suffisante.Précisons que ce produit est contre-indiqué dans les dermatoses infectées ou irritées et les lésions suintantes.Son efficacité n’a pas été vraiment prouvée dans les scabioses. Il est parfois conseillé pour les nodules sca-bieux ou post-scabieux de l’enfant [1]. Enfin, devant l’an-crage psychologique que peut susciter cette parasitose, il peut être utile d’associer un antihistaminique ou émol-lient face à un prurit persistant à la suite du traitement.

Conduite à tenirChez un patient atteint de la gale, le traitement médi-camenteux ne suffit pas. Un certain nombre de mesures doivent être appliquées afin d’éviter l’exten-sion de la parasitose à d’autres personnes.

F Traiter simultanément les sujets contacts : les personnes ayant eu un contact cutané prolongé avec le sujet doivent être traités, même en l’absence de signes cliniques. La définition des sujets contacts à traiter doit être élargie dans le cas de gales profuses en raison de la très forte contagiosité.

F Avoir une hygiène des mains rigoureuse : toute personne ayant un contact avec le patient et les objets contaminés doit porter des gants à usage unique non stériles, puis procéder à un lavage simple des mains avec de l’eau et du savon. Il n’est pas utile d’utiliser des solutions type hydro-alcoolique car ces produits ne sont pas actifs sur les sarcoptes se trouvant à la surface de la peau. Outre les objectifs habituels, ce lavage simple a pour but d’éliminer les sarcoptes présents sur les mains lors du rinçage.

F Limiter les déplacements et les contacts avec

d’autres personnes : durant le temps du traitement, il est nécessaire de limiter les déplacements, les visites et les activités sociales. L’isolement doit être maintenu pendant 48 heures après la prise du traitement. Cela implique la mise en arrêt maladie des professionnels malades et l’éviction scolaire si le patient est un enfant, jusqu’à guérison clinique. Tout contact avec la peau du patient doit être évité. Le port d’une sur-blouse à manches longues est impératif chez les personnes côtoyant de près le malade et les personnels soignants.

F Traiter le linge : le traitement du linge est indisso-ciable du traitement individuel et conditionne le succès thérapeutique. La désinfection concerne le linge porté par le patient dans les 8 jours précédant le constat de l’infestation parasitaire et celui porté jusqu’à la levée des mesures (48 heures après la prise du traitement par voie orale et après le badigeonnage pour le traitement topique). Le linge doit être manipulé avec des gants et ne doit jamais être posé par terre. Le parasite étant détruit à 55 °C, le Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) recom-mande de laver le linge qui peut l’être à plus de 60 °C (draps, taies d’oreiller, serviettes de bains…) [7]. Quant à celui ne supportant pas un lavage à une telle tempé-rature, il faut l’isoler dans un sac plastique fermé hermé-tiquement pendant une semaine (ce qui correspond au délai maximum de survie du parasite en l’absence de nutriment), puis le laver normalement, ou bien le stocker dans un sac plastique avec un produit acaricide pendant au moins trois heures.

À savoir

Chez les sujets atteints de gale, une exacerbation transitoire du prurit peut être observée en début de traitement.

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En France, seul l’A-Par® est autorisé pour la désinfection de l’environnement contre la gale. Cet aérosol est vendu en pharmacie, mais n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Il ne doit pas être utilisé par un asthmatique ou en sa présence. La pulvérisation d’A-Par® doit se faire dans une pièce aérée, en tenant le flacon à 30 ou 40 cm des articles à désinfecter et loin de toute flamme. Il est préférable de désinfecter en même temps les vêtements à l’endroit et à l’envers (en insistant sur les coutures, emmanchures). Les vêtements traités sont utilisables 2 heures après la pulvérisation du produit.

F Désinfecter l’environnement : selon l’avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF), le traitement de l’environnement n’est pas indiqué dans le cas de gale commune. Un nettoyage quotidien des locaux avec les techniques habituelles, en insistant sur les lieux de vie communs, est suffisant. En cas de gale profuse ou hyperkératosique, il faut vapo-riser le produit acaricide, puis effectuer un nettoyage complet à l’intérieur des meubles de stockage du linge, des fauteuils et des rideaux en tissu, des interstices des fauteuils en plastique, de la literie et de la toile du sommier…En l’absence de consensus concernant le choix du moment optimal de traitement de l’environnement, il semble cependant préférable de désinfecter l’environ-nement lorsque les individus sont protégés par un trai-tement actif (soit au moins huit heures après la prise d’ivermectine). La literie traitée ne doit pas être utilisée dans les 12 heures suivant la pulvérisation du produit.Il est donc judicieux de prévoir l’application le matin.

F Ne pas traiter plus que nécessaire : un prurit peut persister 8 à 10 jours après le traitement. Cela ne signe pas forcément un échec du traitement de la gale, mais il peut s’agir :• d’une acarophobie ;• d’une irritation imputable au traitement ;• d’un eczéma de contact ;• d’une mauvaise compliance du patient à son traitement.Ainsi, un nouveau traitement ne s’imposera que pour les sujets ayant des signes cliniques spécifiques ou un exa-men parasitologique positif 8 à 15 jours après le traitement, ou pour le cas des gales profuses et hyperkératosiques.

Prescription et conseils au patientLe pharmacien doit pouvoir expliquer la prescription d’Ascabiol® (figure 2) et conseiller le patient à l’officine :• appliquer une première couche à l’aide d’un pinceau

plat, le soir après une douche, sur la totalité du corps, en évitant le visage et le cuir chevelu et en insistant sur les lésions ; il ne faut pas hésiter à frotter en cas de pilosité importante ;

• appliquer une deuxième couche, 10 à 15 minutes après, selon le même protocole ;

• laisser le produit en contact pendant 24 heures ; en cas de lavage des mains durant ce laps de temps, l’application du produit doit être réitérée sur les mains ;

• ne pas se laver pendant ces 24 heures, puis prendre une douche à l’eau et au savon ;

• appliquer un soin émollient en cas de sensation de peau sèche et prurigineuse ;

• ne pas répéter le traitement antiparasitaire sans avis médical ; des applications inconsidérées risqueraient de provoquer des irritations cutanées ;

• traiter l’entourage simultanément de la même manière, même en l’absence de signes cliniques ;

• isoler le linge et la literie dans un sac plastique, fermé hermétiquement, pendant une semaine, et procéder à leur lavage habituel ou avec un produit acaricide.

Il faut s’assurer de :• ne pas remettre des vêtements contaminés, en

revanche, il n’est pas nécessaire de désinfecter le mobilier ou la moquette ;

• désinfecter les pinceaux et les jeter après le traitement ;• dédramatiser car si la gale est une maladie très déplai-

sante, cela reste une pathologie bénigne. w

Déclaration d’intérêts :

les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

Les auteursNathalie BARACHYDocteur en pharmacie,

Faculté de pharmacie, 2 rue du

Docteur-Raymond-Marcland,

87025 Limoges cedex, France

[email protected]

Gilles DREYFUSSProfesseur de parasitologie,

Faculté de pharmacie, 2 rue du

Docteur-Raymond-Marcland,

87025 Limoges cedex, France

[email protected]

Jérémy VONODocteur en pharmacie,

3 rue Jean Giraudoux,

19290 Sornac, France

[email protected]

Références[1] Botterel F, Foulet F. Diagnostic et traitement de la gale en 2010 : quoi de neuf ? Journal des Anti-infectieux 2011;13:109-16. http://dx.doi.org/10.1016/j.antinf.2011.03.003

[2] Strong M, Johnstone P. Interventions for treating scabies. Cochrane Database Syst Rev 2007;(3):CD000320.

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[6] Vidal, Le dictionnaire. 85e édition. Issy-les-Moulineaux: Vidal Édition, 2009.

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Points à retenir

• La gale est due à une infestation par un minuscule acarien nommé sarcopte, qui s’introduit sous la peau et s’y reproduit. • Les signes cliniques de la gale consistent

en des démangeaisons très intenses à prédominance nocturne. De petites papules, voire des sillons, sur les mains et les poignets s’observent souvent. D’autres zones peuvent être fréquemment atteintes : l’abdomen, le pubis… • La gale est une maladie contagieuse,

et il n’est pas rare que des personnes de l’entourage soient également atteintes. • Le traitement de la gale nécessite un lavage

à 60 °C de tout le linge ou sa désinfection par un acaricide, et le traitement de toute personne suspecte ainsi que de l’entourage par des produits antiparasitaires (lotions, sprays, crèmes). Il est aussi possible de recourir à un traitement par voie orale.

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Figure 2. Prescription d’Ascabiol®