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7 Pilier du répertoire d’orgue du XX e  siècle, le Prélude, Adagio et Choral varié sur le Veni Creator de Maurice Duruflé est devenu un œuvre canonique, occupant les programmes de concerts et de concours depuis plusieurs décennies, et tout particulièrement depuis les années 1990, qui ont marqué un regain d’intérêt pour les œuvres du compositeur. Mais son rayonnement s’étend tout autant auprès de plusieurs générations d’impro- visateurs, pour lesquels il a constitué, ou constitue encore, un modèle. L’objet de cet article n’est nullement d’en faire une analyse statique qui considérerait l’œuvre comme un objet fini, clos sur lui-même. Les pages qui suivent proposent au contraire de tirer profit des informations disponibles sur sa genèse pour questionner les procédures, les choix qui ont abouti aux faits musicaux tels que nous pouvons les lire dans la partition aujourd’hui : déplier, déployer, et éclairer ainsi une musique que nous connaissons bien grâce à des questions nouvelles, pour remettre l’action productrice de l’œuvre au cœur de l’analyse. Au commencement : un exercice du Conservatoire ? Un témoignage d’André Fleury, cité par James Frazier, le biographe de Duruflé, a permis de fixer par écrit ce que la transmis- sion orale à l’intérieur du monde organis- tique parisien laissait entendre : le Choral varié, troisième mouvement du triptyque, a connu une existence autonome préalable, ce Le Veni Creator de Maurice Duruflé : écriture et réécritures Par Thomas Lacôte que confirme le programme de deux récitals de septembre et octobre 1926 : Duruflé y interprète des Variations sur le Veni Creator de sa plume 1 . Il a alors 24 ans. Fleury précise qu’elles ont été composées « pour un examen du Conservatoire », et qu’il les a reprises plu- sieurs fois, « en particulier pour leur donner une brillante conclusion ». Il ajoute d’ailleurs que le compositeur les a jouées à son mariage en 1928. Probablement a-t-il été le témoin privilégié des retouches successives apportées à cette pièce, et dont nous ne pouvons, en l’état actuel des choses, connaître l’ampleur 2 . Pour un examen du Conservatoire ? Frazier suppose qu’elle aurait donc été écrite dans la classe de Widor : Duruflé fut en effet élève dans sa classe de composition de 1925 à 1927 (il sera rejoint par Messiaen en octobre 1926), avant qu’il ne cède sa place à Paul Dukas à la rentrée 1927. Pourtant, Duruflé a catégoriquement réfuté avoir été l’élève de Widor, ce qui a conduit plusieurs commen- tateurs à affirmer que le vieux Maître, qui prendra sa retraite à quatre-vingt-trois ans, désertait sa classe dans ses dernières années, au profit d’assistants. Toujours est-il que les réformes mises en place par le directeur Henri Rabaud au début des années 1920 laissent en 1 Voir Données par Alain Cartayrade dans ce Bulletin 2 La Bibliothèque Nationale de France conserve la partition de travail annotée d’André Fleury du Prélude, Adagio et Choral varié (édition de 1931), dédicacée par le compositeur, tout comme celles du Scherzo et de la Suite.

Le Veni Creator de Maurice Duruflé : écriture et …...7 Pilier du répertoire d’orgue du XXe siècle, le Prélude, Adagio et Choral varié sur leVeni Creator de Maurice Duruflé

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Pilier du répertoire d’orgue du XXe siècle, le Prélude, Adagio et Choral varié sur le Veni Creator de Maurice Duruflé est devenu un œuvre canonique, occupant les programmes de concerts et de concours depuis plusieurs décennies, et tout particulièrement depuis les années 1990, qui ont marqué un regain d’intérêt pour les œuvres du compositeur. Mais son rayonnement s’étend tout autant auprès de plusieurs générations d’impro-visateurs, pour lesquels il a constitué, ou constitue encore, un modèle. L’objet de cet article n’est nullement d’en faire une analyse statique qui considérerait l’œuvre comme un objet fini, clos sur lui-même. Les pages qui suivent proposent au contraire de tirer profit des informations disponibles sur sa genèse pour questionner les procédures, les choix qui ont abouti aux faits musicaux tels que nous pouvons les lire dans la partition aujourd’hui  : déplier, déployer, et éclairer ainsi une musique que nous connaissons bien grâce à des questions nouvelles, pour remettre l’action productrice de l’œuvre au cœur de l’analyse.

Au commencement : un exercice du Conservatoire ?

Un témoignage d’André Fleury, cité par James Frazier, le biographe de Duruflé, a permis de fixer par écrit ce que la transmis-sion orale à l’intérieur du monde organis-tique parisien laissait entendre  : le Choral varié, troisième mouvement du triptyque, a connu une existence autonome préalable, ce

Le Veni Creator de Maurice Duruflé : écriture et réécritures

Par Thomas Lacôte

que confirme le programme de deux récitals de septembre  et octobre 1926  : Duruflé y interprète des Variations sur le Veni Creator de sa plume1. Il a alors 24 ans. Fleury précise qu’elles ont été composées « pour un examen du Conservatoire », et qu’il les a reprises plu-sieurs fois, « en particulier pour leur donner une brillante conclusion ». Il ajoute d’ailleurs que le compositeur les a jouées à son mariage en 1928. Probablement a-t-il été le témoin privilégié des retouches successives apportées à cette pièce, et dont nous ne pouvons, en l’état actuel des choses, connaître l’ampleur2.

Pour un examen du Conservatoire ? Frazier suppose qu’elle aurait donc été écrite dans la classe de Widor  : Duruflé fut en effet élève dans sa classe de composition de 1925 à 1927 (il sera rejoint par Messiaen en octobre 1926), avant qu’il ne cède sa place à Paul Dukas à la rentrée 1927. Pourtant, Duruflé a catégoriquement réfuté avoir été l’élève de Widor, ce qui a conduit plusieurs commen-tateurs à affirmer que le vieux Maître, qui prendra sa retraite à quatre-vingt-trois ans, désertait sa classe dans ses dernières années, au profit d’assistants. Toujours est-il que les réformes mises en place par le directeur Henri Rabaud au début des années 1920 laissent en

1 Voir Données par Alain Cartayrade dans ce Bulletin2 La Bibliothèque Nationale de France conserve la partition de travail annotée d’André Fleury du Prélude, Adagio et Choral varié (édition de 1931), dédicacée par le compositeur, tout comme celles du Scherzo et de la Suite.

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8 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

Alain, les Variations sur l’Hymne Lucis Creator, d’ailleurs nommées sur d’autres manuscrits « Choral varié ». Présentation du thème en mode de sol, harmonisé à cinq voix à la manière d’un choral, variations faisant appel à des procédés canoniques, élégance stricte des lignes, langage modal particuliè-rement sage, aux changements d’éclairage peu nombreux et prudemment conduits  : il semble bien que ces deux œuvres obéissent au même cahier des charges. L’œuvre d’Alain est en fait un exercice présenté à l’examen de janvier 1932 dans la classe de contrepoint et fugue de Georges Caussade, dont Duruflé fut également l’élève entre 1924 et 1928. La seule différence notable est la variation finale de Duruflé  : ses formules instrumentales idiomatiques semblent loin des enjeux d’une classe de contrepoint, mais en prenant en compte le souvenir d’André Fleury, on peut tout à fait imaginer que si Duruflé a voulu rendre son final plus brillant, c’est justement parce que sa version primitive était conçue pour une fonction bien différente. Chez Duruflé et plus encore chez Alain, ces deux Chorals variés témoignent d’un hiatus stylis-tique certain avec le reste de leur production, dus non pas tant à la jeunesse de leurs auteurs qu’aux contraintes spécifiques de la classe de Caussade. Duruflé aurait-il recyclé pour son examen de composition de première année un devoir commencé dans une autre classe ?

Une meilleure connaissance de l’ensei-gnement de Caussade et des exigences des examens de composition du Conservatoire, une comparaison avec d’autres devoirs d’étu-diants et d’éventuelles versions antérieures de ce Choral varié conservées par Duruflé permettraient d’affiner cette hypothèse, pour ainsi mieux distinguer les propositions per-sonnelles de Duruflé face à un exercice aca-démique permettant de former des élèves à une certaine discipline de l’écriture tout en ne se limitant pas au pastiche.

effet la place à la présentation de tels travaux lors des concours de janvier et juin. Ainsi, en janvier 1927, Duruflé reçoit un prix de 1200 francs pour une Méditation pour orgue. En mai 1927, pour la mise en loge préalable au concours, il écrit une « Pièce pour orgue » sur un thème de Raoul Laparra. En juin 1927, c’est sa Fantaisie pour piano sur un thème gré-gorien qui lui vaudra un second prix : d’abord élevée au rang d’opus 1, elle sera ensuite reje-tée. En janvier 1928, le Scherzo op. 2 lui per-met d’obtenir à nouveau une bourse de 1 200 francs de la Fondation Halphen et, enfin, son Prélude, récitatif et variations op. 3 pour flûte, alto et piano lui vaut un premier prix en juin 1928. Les Variations sur le Veni Creator ont-elles été présentées à un des concours de 1926 ? Les archives du Conservatoire de Paris permettent de l’affirmer avec une quasi-cer-titude : en juin 1926, à l’issue de sa première année d’étude en classe de composition, Duruflé présente un «  Choral varié pour orgue ». Seul demeure le procès-verbal, et le thème du Veni Creator n’est pas mentionné, mais la conjonction des dates ne peut laisser place au doute. Le jury du concours est com-posé des musiciens français les plus éminents du moment  : Henri Rabaud, Georges Hüe, Gabriel Pierné, André Messager, Vincent d’Indy, Maurice Ravel, Paul Dukas, Florent Schmitt, et Marcel Samuel-Rousseau. Quel aéropage  ! Duruflé obtient 3 voix pour un premier accessit, ce qui est insuffisant, mais 8 pour un second accessit, arrivant en tête dans cette catégorie3.

Les liens de ce Choral varié avec les pratiques pédagogiques du Conservatoire ne s’arrêtent peut-être pas là. On peut en effet n’être que frappé des similitudes entre l’œuvre de Duruflé et une œuvre de Jehan

3 Ces renseignements doivent beaucoup aux recherches de Christopher Brent Murray dans les Archives du Conservatoire versées aux Archives Natio-nales. Qu’il en soit ici remercié.

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se succéder l’exposition des matériaux, leur développement et leur retour, pour faire émerger de nouvelles dynamiques formelles et expressives. Deux compositeurs essentiels dans l’héritage de Maurice Duruflé, Franck et Debussy, ont pu le rendre sensible à cette question. Si Franck, selon le témoignage de d’Indy, fait remarquer que dans son Premier Choral, «  le vrai choral se fait au cours de l’œuvre  », c’est qu’il écrit l’émergence pro-gressive d’une phrase qui, au départ simple coda de l’énoncé thématique principal, pro-gresse jusqu’à une glorification finale. D’Indy lui-même proposera, en 1897, sa propre version du problème avec Istar, une série de variations pour orchestre disposées dans l’ordre inverse de celui pratiqué communé-ment. Le thème est donc énoncé à la fin, sans pourtant que d’Indy ne résiste à la tentation de clore l’œuvre selon les codes propres à son époque, avec une péroraison finale qui montre bien les limites d’une application trop littérale du principe  : questionner le statut du thème et sa fonction dans le dérou-lement temporel de la pièce ne consiste pas seulement à faire les choses à l’envers (même si le récit de la princesse Istar sert d’arrière-plan narratif à cette construction) et ce sont bien des conventions qui peuvent se voir remises en question par cet ébranlement des fondations des formes musicales. Debussy formulera avec ironie cette critique d’un ordonnancement temporel immuable et trop prévisible, dans son commentaire d’une sym-phonie d’un de ses contemporains, Georges Witkowski  : «  La première partie, c’est la présentation habituelle du «  thème  » sur lequel l’auteur va travailler ; puis commence l’obligatoire dislocation… »4 Au-delà de ses écrits, c’est son œuvre qui révèle l’étendue de la remise en question qu’il opère : peu à peu, une évolution constante de sa thématique

4 Voir le premier article de «  Monsieur Croche  » (1er avril 1901), sur une symphonie de G. Witkowski.

Quand, en 1930, l’Association des Amis de l’Orgue fondée quatre ans auparavant par Norbert Dufourcq et Béranger de Miramon Fitz-James, lance un concours pour la com-position d’un triptyque pour orgue, Duruflé va donc reprendre son Choral varié du Conservatoire et le faire précéder de deux mouvements nouveaux. Cet historique bien particulier va avoir sur la forme même de l’œuvre des conséquences essentielles  : l’observer sous cet angle permet d’en mieux éclairer certaines singularités.

Préluder au choral : stratégiesDuruflé se trouve donc face à une ques-

tion de composition particulière  : intégrer à un ensemble un élément pré-composé. Comment procède-t-il  ? Il reprendra pour ses deux premiers mouvements le matériau motivique du Choral, c’est-à-dire les diffé-rentes incises de l’hymne Veni Creator, tis-sant à partir de ce matériau un dense réseau de cellules dérivées. Mais il va également faire de ce Choral le point nodal de l’édifice entier, en lui confiant le rôle d’exposition du thème dans sa version intégrale  : ainsi, tout ce qui aura été entendu précédem-ment sera alors compris comme prémices, comme annonces, ou, pour le dire autre-ment, comme prélude(s). Ces circonstances de composition conduisent donc Duruflé à un renversement des fonctions temporelles de l’œuvre. Le thème s’annonce, le thème devient, le thème approche. En un sens, une fois énoncé dans son intégrité, l’œuvre est, pour ainsi dire, terminée  : le Choral ne peut que se répercuter en variations brèves, fermées sur elles-mêmes, avant la péroraison finale.

Cette idée de composition replace l’œuvre dans une généalogie essentielle de l’his-toire des formes musicales  : celle qui ques-tionne l’ordonnancement temporel hérité de la forme sonate du XVIIIe siècle, faisant

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10 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

Mélodiquement, la relation cyclique des tierces mineures et tritons est complétée  : la première citation de l’incipit de l’hymne au début de l’Adagio est en effet exprimée sur Sib (même si harmonisée sur Sol) là où l’apparition au moment du Choral se fera harmoniquement et mélodiquement sur Mi.

Ainsi, et sans préjuger le détail de la structuration harmonique des deux premiers mouvements (son étude dépasserait le cadre de cet article), le choral varié préexistant se trouve ainsi pris dans les mailles d’un filet qui organisent sa fonction comme partie d’un tout. La dynamique, ainsi que la gestion des forces instrumentales contribueront puis-samment à seconder la répartition des pôles : inventer une fonction formelle au choral, ce sera donc ici en faire une résolution théma-tique, harmonique mais aussi instrumentale, en le faisant précéder du point culminant de tension de l’œuvre toute entière, et ren-dant, par l’entrecroisement de ces logiques aboutissant toutes au même point, sa pré-sence nécessaire. Ne nous y trompons pas  : cette nécessité est le résultat d’une stratégie savamment construite grâce aux plus habiles techniques d’artisanat compositionnel que Duruflé a retenu des modèles qu’il s’est choisi.

Repentirs

Si le perfectionnisme de Duruflé est proverbial, il faut bien reconnaître que le Prélude, adagio et choral varié représente un cas particulièrement emblématique. Bien que le Scherzo, édité en 1929, ait été modi-fié jusqu’en 1971 (!), il n’existe nul autre exemple chez lui d’une modification si pro-fonde de la physionomie d’une œuvre, si longtemps après sa première publication.

D’après Ronald Ebrecht, cette réécriture, qui affecte principalement l’adagio central, a été publiée en août 1956, soit plus de 25

écartera toute symétrie dans l’architecture, et la ductilité de son matériau empêchera de le figer dans un état qui représenterait une quelconque stabilité. Duruflé, en choi-sissant un thème préexistant, constitué, ne peut aller aussi loin, mais il a la possibilité de jouer avec la reconnaissance progressive de son thème et de ses différentes périodes mélodiques, permettant la dissolution de son matériau thématique en cellules si brèves qu’elles deviennent communes et perdent leur identité ou, à l’opposé, l’énoncé d’un thème attendu et reconnu comme résolution d’une attente méticuleusement entretenue. C’est d’ailleurs un des apports propres du genre de la paraphrase grégorienne à ce pro-blème du statut de l’exposition  : destinée, dans sa fonction première, à préluder ou à répondre à l’énoncé d’une mélodie grégo-rienne par le chœur, elle peut se retrouver libérée de la contrainte de l’exposé théma-tique  : comprise sous cet angle, l’introduc-tion du matériau grégorien dans la musique d’orgue française du premier XXe siècle n’a pas seulement impulsé un renouvellement du langage vers une modalité aux incarna-tions diverses selon les individus, mais elle a également rendu possible des innovations formelles indéniables, dont Tournemire, et Duruflé dans cette œuvre, ont été les artisans les plus conscients.

Cette architecture « à rebours » est construite à grande échelle sur des échafaudages  : des pôles harmoniques forts qui, en référence aux vastes formes tonales du XIXe  siècle (et notamment ici, Liszt et Franck), organisent l’éloignement et le retour par rapport à un centre, ici mi (en mode de sol).

Prélude Mi

Adagio Sol -------- Ré bémol

Choral varié Mi

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criture de l’adagio va profondément redessi-ner son équilibre formel. Ce travail peut être résumé en deux moments :

– Suppression  : au bas de la page 23 de la partition actuelle, la fin de la deuxième exposition du premier thème de l’Adagio a été supprimée, ainsi que celle du second thème. A la 2ème mesure du 4ème système de cette page, la partition reprend sur ce qui constituait en réalité le deuxième volet d’un développement du second thème.

– Extension  : toute la section allant de la mesure précédant le «  Animando poco a poco » jusqu’au climax « Poco meno » (p. 24 et 25 de la partition actuelle) est absente de la version originale  : le passage entre ces deux points ne représente à l’origine qu’une mesure et demie. (Voir Fig. 2)

La forme qui en résulte est moins symé-trique, en supprimant le retour du second thème (et plus particulièrement celui de la section jouée sur la voix humaine) et plus continue, car la seconde exposition du pre-mier thème mène progressivement et sans

registration, cette note doit donc évidemment être jouée au Récit, et non sur le Cromorne du Positif !

ans après la version initiale, même si on peut imaginer qu’elle ait commencé à germer longtemps auparavant. Celle-ci (Editions Durand, 1931) est aujourd’hui consultable en bibliothèque notamment (Bibliothèque Nationale de France, Médiathèque Hector Berlioz du CNSMD de Paris).

Comme ce fut le cas pour ses autre œuvres d’orgue, au moment où Marie-Madeleine Duruflé-Chevalier en devenait l’interprète privilégiée, les tempi de l’ensemble de l’œuvre ont été globalement accélérés (sauf pour la Variation 2, qui est, elle, notable-ment ralentie, et pour le début du Final), sans d’ailleurs qu’aucune indication verbale de mouvement ne soit modifiée en consé-quence. (Voir Fig. 1)

Si aucune retouche essentielle n’est appor-tée aux volets extrêmes du triptyque5, la réé-

5 Le seul changement notable de registration concerne la première variation du Choral. Il permet de corriger une erreur manifeste demeurée jusqu’à aujourd’hui  : avec la registration d’origine (Main droite, Grand-Orgue  : Flûte harmonique  ; Main gauche, Positif  : Bourdon 8  ; Pédalier  : Hautbois du Récit en tirasse), le si ajouté au Positif à la der-nière mesure sonne au clavier d’accompagnement. Dans l’édition actuelle, pour s’adapter à la nouvelle

1ère version (1931) version de 1956

(I) Allegro, ma non troppo blanche = 66 blanche = 72

Più lento noire = 76 noire = 88

(transition) Lento, quasi recitativo noire = 46 noire = 50

(II) Adagio noire = 52 noire = 60

Poco piu lento noire = 60 noire = 69

(III) Andante religioso noire = 60 noire = 66

(Var.1) Poco meno lento noire = 72 noire = 80

(Var.2) Allegretto noire= 126 noire = 108

(Var.3) Andante espressivo noire = 60 noire = 66

(Final) Allegro noire = 80 noire = 80

Largamente blanche = 56 blanche = 63

Fig. 1 : Principales Indications de tempi métronomiques dans deux éditions de l’œuvre

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12 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

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Fig.2 : Adagio, mes. 72 à 103, version 1931.

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Fig.2 : Adagio, mes. 72 à 103, version 1931. (suite)

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Page 8: Le Veni Creator de Maurice Duruflé : écriture et …...7 Pilier du répertoire d’orgue du XXe siècle, le Prélude, Adagio et Choral varié sur leVeni Creator de Maurice Duruflé

14 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

Fig.2 : Adagio, mes. 72 à 103, version 1931. (suite)

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{

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15

à cette césure une importance plus grande qu’elle n’en a rapportée de la forme globale.

- le thème sur la voix humaine était pré-senté en mode 2², d’abord polarisé sur Si bémol, puis sur Ré bémol (pages 20 et 21 de la partition actuelle). Son retour s’effec-tuait dans la même carrure (deux mesures à chaque fois), et sur la même échelle, cette fois polarisée sur Mi et sur Sol. Il en résultait une certaine monotonie, et une certaine impres-sion de systématisme, propre à la circularité de ce mode.

Cette ablation implique bien évidemment un travail de couture, de greffe, comme pour créer de nouvelles nervures reliant les frag-ments entre eux  : l’organisme idéal qu’on a voulu voir en l’œuvre musicale a bien souvent recours à toutes sortes d’actes chirurgicaux… Nous n’entrerons pas ici dans les détails de la médecine musicale (les apprentis-chirurgiens

césure au climax. Ce dernier est désormais préparé avec plus d’ampleur, par une mon-tée de tension plus graduée. Il est naturel de tenter d’imaginer les raisons qui ont poussé le compositeur à de telles révisions, même s’il est facile a posteriori d’affir-mer l’évidence de leur nécessité… Avançons cependant, avec la prudence qui s’impose, quelques propositions. Dans le premier cas, la partie supprimée semble présenter deux inconvénients principaux :

- la deuxième exposition du premier thème, close comme la première, s’enchaînait à une reprise du thème 2 précédemment entendu sur la voix humaine, sans transition autre qu’une mesure de silence, permettant de changer la registration. La continuité qui présidait à l’écriture du triptyque jusqu’ici s’en trouvait rompue, le silence donnant

Fig.2 : Adagio, mes. 72 à 103, version 1931. (suite)

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102

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104

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106

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16 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

Elle porte la progression d’une simple cellule de demi-ton montant (page  24, deuxième système), comme un ultime résidu de toutes les cellules précédentes. La ligne conductrice va donc se focaliser sur cette unique cellule, lui inventant des anacrouses, et l’intensifiant au moyen d’une montée dans le registre et d’une conduite harmonique construisant une tension croissante. C’est toute l’architecture du triptyque qui s’en trouve modifiée. Le point culminant, par l’amplification de sa préparation, en acquiert un rayonnement plus grand sur l’ensemble. Les proportions du decrescendo qui suit s’en trouvent mieux justifiées : mû par une tension insuffisante, il pouvait apparaître auparavant comme privé d’élan (Dans un même ordre d’idée, la dési-nence de la fin du Prélude a été notablement étirée, en prenant modèle sur le Prélude sur le nom d’Alain). Mais, surtout, cette ample développement du demi-ton agit jusqu’aux portes du Choral varié, puisque son ultime devenir est de s’agrandir à une seconde majeure, celle qui ouvre la présentation de l’hymne grégorienne dans son état original : sa fonction de résolution s’en trouve d’autant renforcée, et avec elle la force centripète qui fait converger les panneaux du triptyque, et les aimante malgré leur hétérogénéité.

Si l’examen de cette révision offre donc une singulière leçon de composition, nous entrevoyons déjà le profit essentiel que peut en tirer l’interprète, dans sa manière de conduire l’Adagio. Pourtant, le plus grand bénéfice pour lui se trouve peut-être dans un détail moins frappant à première vue mais aux conséquences fécondes  : la disparition des épisèmes horizontaux.

À la recherche des épisèmes

Le terme « épisème » est employé pour la première fois dans le domaine musical par Dom Joseph Potier dans son ouvrage  Les

y trouveront cependant un profit certain), mais il faudrait cependant s’arrêter, pour ne pas tomber dans l’écueil entrevu plus haut, sur ce que Duruflé perd (perte choisie ou subie) dans cette opération. La greffe, aujourd’hui encore, se voit sur la partition, et peut s’en-tendre : hiatus rythmique, passant des triolets aux doubles-croches, hiatus de registration (un des problèmes habituels de discontinuité acoustique de l’orgue symphonique  : com-ment enlever la voix céleste ?), mais surtout, deux figures instrumentales ont, pour ainsi dire, perdu leur généalogie. Dans la version primitive, la figure d’accompagnement en doubles croches liées par deux s’imposait par la persistance du thème sur la voix humaine, repris quatre fois avec cette même figure d’ac-compagnement, et la transition rythmique s’en trouvait fluidifiée par la superposition à ce même moment d’une figure en sextolets dérivée de la troisième période de l’hymne, issue du récitatif du dernier système de la page 21 de la partition actuelle. Ensuite, la figure de main droite de la dernière mesure de la page 23 devient elle aussi orpheline : elle renvoie bien à la mesure 2 de l’Adagio mais sa figuration instrumentale était préparée par une souple ligne de quintolets et sextolets aux sommets desquels était entendue la première période de l’hymne, préparant en même temps son arrivée à la pédale. Ce que Duruflé a gagné en fluidité en supprimant un silence déstabilisant et en gommant une symétrie trop voyante, il l’a donc perdu en terme de subtilité dans la transition rythmique et dans la dérivation des figures motiviques et instrumentales.

Le profit de l’extension est quant à lui plus clair : d’un crescendo bien trop brusque, peu maîtrisé harmoniquement, la réécriture fait une des pages les plus incandescentes et les plus raffinées dans leur texture de tout l’orgue symphonique français (combien de tutti gros-sièrement écrits font pâle figure à côté d’elle !).

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17

tout début et à la toute fin de sa Paraphrase-Carillon pour l’Assomption6.

C’est probablement dans ce double héri-tage Debussy-Tournemire qu’il faut com-prendre l’usage de ce trait horizontal chez le Duruflé des années 30, à l’entrecroise-ment des techniques du piano et de l’orgue. Amplement utilisé dans l’édition de 1931, ce signe aura donc presque entièrement disparu dans la révision de 1956. (À titre de com-paraison, il sera très rare de l’œuvre d’orgue de Messiaen, et se limitera à sa signification d’un détaché long, alors qu’il abonde dans sa musique pour piano, où il reprend à son compte cette généalogie multiple (voir pour un exemple très représentatif le début de l’Amen du Désir)7. Il n’est conservé qu’aux pages 8 et 9 au pédalier (sans, étrangement, l’être aux pages 1 et 2 qui leur sont similaires) et au début de la dernière variation, où il se limite à indiquer un staccato moins marqué dans un contexte de notes pointées, comme chez Widor et Dupré. Pourtant, son utilisa-tion dans la première édition révèle, comme enfouie sous une épaisse poussière, toute une couche d’indications interprétatives extrême-ment précieuses, laquelle a été par la suite et jusqu’à nos jours totalement occultée. Leur interprétation n’est pas univoque, elle reste éminemment ambiguë : citons quelques exemples, qui ne remplacent pas cependant la consultation de la partition dans son

6 Son Précis d’exécution et de registration à l’orgue comme sa Petite méthode d’orgue restent cependant mystérieux sur ce signe qu’ils nomment «  porté  » et dont ils résument la signification à une «  insistance » sur la note en question pour lui donner sa pleine valeur. 7 Dans son introduction aux trois tomes de l’œuvre d’orgue de Jehan Alain, Marie-Claire Alain précise  : « J’ai repris […] le procédé de Jehan, tel qu’il l’expose dans la 2e des Trois Danses : le trait horizontal indique un léger allongement de la durée (comme dans la notation grégorienne). En aucun cas, ce trait horizontal n’indique une articulation. »

Mélodies grégoriennes d’après la tradition (1880). Il désigne ainsi les signes ajoutés à la notation neumatique ou alphabétique sous forme de petits traits horizontaux ou verticaux, pouvant éventuellement être com-binés. Dans ses éditions modernes, Solesmes a plus particulièrement conservé l’épisème horizontal «  qui peut affecter une note simple ou un groupe entier, et indique un léger élargissement de la note ou de toutes les notes du groupe, sans pourtant les dédoubler  », d’après le Paroissien romain. Or, l’usage du trait horizontal surmontant une note se développe parallèlement, à la fin du XIXe  siècle, dans la notation moderne. Une étude détaillée de ce signe aux XIXe et XXe s’avèrerait passionnante, et du plus haut intérêt  : il semble qu’elle reste à faire. Articulation, toucher, durée, timbre, expres-sion, phrasé : ce « trait » pourra entrecroiser nombre de ces paramètres et révéler ainsi leur interdépendance. Dans le domaine de la musique d’orgue, il est inusité par Franck  ; Widor s’en sert comme signe d’articulation, désignant un staccato relativement plus long (ou « louré »), notamment dans un contexte où les notes sont surmontées de points (voir par exemple le développement du premier mouvement et le début du Final de la VIe Symphonie). C’est également l’usage qu’en fera Dupré. Il semble que Fauré s’en tienne aussi à ce même usage (mélodie Le Voyageur op. 18 n° 2), mais, dès ses premières mélodies et Pelléas et Mélisande, Debussy emploiera abondamment ce signe et lui donnera une toute autre acception (voir Beau soir et C’est l’extase, ou comparer les versions piano-chant et orchestre de la toute fin du premier acte de l’opéra, mais aussi sa révision des œuvres de Chopin), suggérant appui et allongement, mais aussi une certaine qualité d’attaque et de sonorité. Tournemire semble recueillir toutes les qualités suggestives de ce signe jusqu’à le rendre polysémique et ambigu, comme le prouve, par exemple, son usage au

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18 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

un signe incitatif et qualitatif, comme une musica reservata qui serait du domaine de la connivence implicite entre le compositeur-interprète… et son interprète. Le Prélude, Adagio et Choral varié n’est pas le seul à avoir subi cette révision drastique  : citons à titre d’exemple emblématique l’ample mélodie de la fin du Prélude de la Suite opus 5, qui a elle aussi perdu tous ses épisèmes, lesquels sont pourtant essentiels pour construire l’équi-libre agogique de cette phrase et lui donner sa pleine signification expressive.

Comment expliquer la disparition de ces signes  ? Le compositeur a-t-il voulu réagir contre des interprétations jugées trop libres ? C’est possible. De plus, s’il n’est pas ici le lieu de refaire l’histoire de la double influence de

ensemble. Placé à l’intérieur d’une liaison, le trait pourrait indiquer un léger détaché, conduit, mais avec une certaine forme d’in-sistance comme dans le Prélude sur le nom d’Alain (page 5 de ce dernier). (Voir Fig. 3)

Mais la plupart du temps, il penche bien vers l’épisème grégorien, sans rupture du legato. (Voir Fig. 4)

Il ne se limite pas à agir sur une durée iso-lée : il indique bien souvent le point d’appui d’un phrasé, ou sous-entend un très léger ritenuto marquant la fin d’un autre. (Voir Fig. 5 et 6)

En résumé, c’est d’abord le désir d’une pertinente souplesse rythmique qu’il met en lumière, celui d’un rubato expressif si subtil qu’il ne peut être noté autrement que par

Fig.3 : Prélude mes 113-114

Fig.4 : Prélude mes 154-157

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Page 13: Le Veni Creator de Maurice Duruflé : écriture et …...7 Pilier du répertoire d’orgue du XXe siècle, le Prélude, Adagio et Choral varié sur leVeni Creator de Maurice Duruflé

19

Tournemire et de Dupré sur Duruflé, on peut cependant pressentir que cette dernière y est peut-être pour quelque chose… A tout le moins la diffusion des « éditions Dupré » a-t-elle eu un impact normatif sur la nota-tion de la musique pour orgue du milieu du siècle. Les conceptions de l’ « exécution » et de ses « lois rationnelles » véhiculés par l’or-ganiste de Saint-Sulpice et dont témoignent ses enregistrements semblent bien loin de la mobilité agogique suggérée par les signes laissés par Duruflé, qui ont peut-être trouvé peu d’échos auprès de ses contemporains. Le compositeur a-t-il véritablement modifié sa conception profonde de l’interprétation de cette pièce et de sa vie rythmique  ? Aucunement, c’est notre sentiment. Aux

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P. Principal 8 (Anches 8-4 et Mixtures préparées) Ch. Principal 8 (reeds 8-4 and Mixtures ready)

G. Montre 8 (Anches 16-8-4 et Mixtures préparées) G. Open diapason 8 (reeds 16-8-4 and Mixtures ready)

Péd. Soubasse 16 Ped. Stop. diapason 16

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Fig.5 : Adagio mes 5-6

interprètes de prendre ainsi toute la mesure de leur liberté… et des exigences qu’elle implique.

Au fur et à mesure de ces pages, le lecteur en a peut-être acquis la conviction  : notre connaissance de l’œuvre de Duruflé reste encore bien obscure. Tant de travail reste à accomplir  ! Une édition critique répon-dant aux normes actuelles de la musicologie et fondée sur la totalité des sources exis-tantes constituerait une impérieuse nécessité. Pourtant, selon les termes du droit d’auteur, elle a peu de chance de voir le jour avant plus de quarante ans… Dans l’intervalle, sou-haitons tout au moins qu’une consultation attentive des différentes éditions devienne

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Tempo

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G. P. R.

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Sw.-Vox humana,

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Stop. diap.

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Péd. P.

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Fig.6 : Adagio mes 42-43

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20 Bulletin M. & M.M. Duruflé 2013

partitions dans le formol comme un modèle immuable, à prendre plus de recul sur les conditions de leur production et à en envi-sager alors, sans nostalgie ni anathème, de possibles conséquences, pour lesquelles la connaissance, et le renouvellement des pers-pectives d’analyse seraient les premiers leviers de l’imagination et les meilleurs remparts contre l’épigonisme.

Les exemples musicaux ont été saisis par Ronald Ebrecht et Ashlin Aronin que nous remercions.

l’habitude pour les nombreux jeunes orga-nistes qui s’affrontent à cette musique. Nous avons montré qu’il n’y avait là nul souci documentaire docte, mais au contraire possi-bilité d’entrevoir ce texte musical comme un texte vivant, et par là même apte à engendrer des lectures toujours nouvelles. À l’heure où la musique d’orgue française des années 30 semble parfois constituer un horizon indé-passable pour une génération d’organistes (interprètes, improvisateurs, créateurs), et où Duruflé occupe sans discontinuer l’affiche des concerts d’orgue, un tel angle d’approche pourrait contribuer à éviter d’endormir ces