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COMPTE-RENDU DE LACV Le veterinaire et les grandes populations animales: I'exemple du poro Guy-Pierre Martineau, Martine Denicourt, Robert Charette, Jean Vaillancourt et Sylvie D'Allaire Groupe de Recherche sur les Maladies Infectieuses du Porc (GREMIP), Faculte de Medecine veterinaire, Universite de Montreal, C.P. 5000, Saint-Hyacinthe (Quebec) J2S 7C6 (Martineau, Denicourt, Vaillancourt, D'Allaire) et Cooperative Federee de Quebec, 1055, rue du Marche-Central, Montr6al (Quebec) H4N IK3 (Charette) Can Vet J 1987; 28: 338-345 Introduction Le mot de medecine preventive est tres populaire, que ce soit chez tous les autres intervenants en pro- duction porcine. A force de l'utili- ser, connaissons-nous encore avec precision sa signification? Nous sem- blons exceller dans ce domaine. En est-il reellement ainsi? Avons-nous tous les outils necessaires pour y par- venir? Le present article tentera d'ap- porter des elements de reponse a ces nombreuses questions. Situation de la production porcine au Canada La productivite moyenne des eleva- ges canadiens ne parait pas excep- tionnelle, ce qui est confirmee par les donnees recemment publiees par Wilson et al (1) et qui concernent des elevages ontariens. Les perfor- mances moyennes des elevages com- merciaux quebecois ne sont proba- blement pas superieures. Au Quebec, les seules donnees officielles provien- nent des rapports annuels du Pro- gramme d'Amelioration des Troupeaux Porcins du Quebec (PATPQ) qui com- pile les resultats de gestion d'envi- ron 10% des truies de la province et de 299 troupeaux dont 113 sont des elevages pur-sang ou hybrideurs (2). A la lecture de ces documents, on peut noter une amelioration de la pro- ductivite d'environ 11I% en 6 ans, passant de 18.6 en 1981 a 20.6 en 1986. De tels chiffres pourraient faire croire a une productivite exception- nelle des troupeaux porcins quebe- cois. Cependant, ces resultats ne doi- vent pas etre consideres comme repre- sentatifs de la production porcine quebecoise dans son ensemble. En depit de l'augmentation des connaissances, il faut constater que les ameliorations ne sont pas celles escomptees. Pourquoi si peu de pro- gres? II est probable que les raisons sont multiples. Cela servira un des themes abordes dans cet article, a savoir la nature polyfactorielle des problemes d'elevage. Les principaux facteurs 'a l'origine du manque de progres trouvent leur origine dans les principales compo- santes d'un elevage a savoir l'ele- veur, son elevage, ses problemes sani- taires et ses conseillers. L'eleveur - I1 existe une grande diversite d'eleveurs: ainsi il est dif- ficile de parler d'eleveur-type. Tous n'ont donc pas la meme receptivite a la medecine preventive (Figure 1). Telle qu'illustr6e a la figure 1, la grande majorite des eleveurs peuvent etre probablement classes comme receptifs a la m6decine preventive mais avec de nombreuses reserves. L'elevage Bien que les structures physiques puissent parfois sembler similaires, il faut considerer que cha- que elevage est unique. I1 est fr6quent d'entendre qu'un eleveur a fait les memes ameliorations que son voisin parce que cela avait bien fonctionne chez ce demier. Toutefois, l'eleveur s'etonne de ne pas constater les ame- liorations escomptees. En fait, cela n'est pas etonnant. I1 faut donc etre extremement prudent dans l'extrapo- lation d'une mesure prise dans un elevage. Les probitmes sanitaires - Ils sont nombreux et souvent tres mal definis par les eleveurs. Ainsi, une diarrhee colibacillaire neonatale et une diar- rhee colibacillaire vers l'age de trois semaines connaissent un meme effec- teur (Escherichia coli) mais des condi- tions d'apparitions bien differentes. L'eleveur ne fait pas cette difference puisque dans les deux cas il y a inter- vention des <<colibacilles>>. De plus, ils affirment souvent l'importance d'un Can Vet J Volume 28, No. 6 June 198, R6sum: Une premi6re partie est consacr6e a. dtfiniton des maladies :et de leur cadre. Ainsi, aprts avoir rap- pelt quelques caract6ristiques de la prduct.i.on pori. canadiean"ne, les auteurs rappellent les princwipaes classifications des maladies du porc en insistant sar les maladies infec- tieuws. Ces deri&espeuven &n regroup6es en trois classes sur une base clinipo-6pidtmiologique. Un 6leva Otant consid6 comme un systeme, il est donc n6cessaire- ment soumnis aux caractristiques propres A tout systbme. Une deuxieme partie est consa- crte a la mnthdodologie utilis6e dans ..:.. ...::.... I'ppche clnique e la mile- cine de population. La methodo- logic utilisee (Problem-Oriented Population Medicine) est detcite par analogie avec celle utilis6e en m6decine individuelle (Problem- reted edical Reord). Une troisi6me partie est consa- crde a d6finir la notion de varia- bles: resultantes et explicatives qui carac6risent chaque 6levage, pour -en arriver, dans une quatri6me et demikre partie, a proposer certaines bases pour le controle sanitaire en production porcine en insistant sur le r8le du vtt6rinaire face aux maladies dites d'dlevage. - . 338 /

Le veterinaire et les grandes populations animales: I'exemple du poro

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COMPTE-RENDU DE LACV

Le veterinaire et les grandes

populations animales: I'exemple

du poroGuy-Pierre Martineau, Martine Denicourt, Robert Charette, Jean Vaillancourt et Sylvie D'Allaire

Groupe de Recherche sur lesMaladies Infectieuses du Porc(GREMIP), Faculte de Medecineveterinaire, Universite de Montreal,C.P. 5000, Saint-Hyacinthe(Quebec) J2S 7C6 (Martineau,Denicourt, Vaillancourt, D'Allaire)et Cooperative Federee de Quebec,1055, rue du Marche-Central,Montr6al (Quebec) H4N IK3(Charette)

Can Vet J 1987; 28: 338-345

IntroductionLe mot de medecine preventive est

tres populaire, que ce soit cheztous les autres intervenants en pro-duction porcine. A force de l'utili-ser, connaissons-nous encore avecprecision sa signification? Nous sem-

blons exceller dans ce domaine. Enest-il reellement ainsi? Avons-noustous les outils necessaires pour y par-venir? Le present article tentera d'ap-porter des elements de reponse a cesnombreuses questions.

Situation de la productionporcine au CanadaLa productivite moyenne des eleva-ges canadiens ne parait pas excep-tionnelle, ce qui est confirmee parles donnees recemment publiees parWilson et al (1) et qui concernentdes elevages ontariens. Les perfor-mances moyennes des elevages com-merciaux quebecois ne sont proba-blement pas superieures. Au Quebec,les seules donnees officielles provien-nent des rapports annuels du Pro-gramme d'Amelioration des TroupeauxPorcins du Quebec (PATPQ) qui com-pile les resultats de gestion d'envi-ron 10% des truies de la province etde 299 troupeaux dont 113 sont deselevages pur-sang ou hybrideurs (2).A la lecture de ces documents, on

peut noter une amelioration de la pro-ductivite d'environ 11I% en 6 ans,passant de 18.6 en 1981 a 20.6 en1986. De tels chiffres pourraient fairecroire a une productivite exception-nelle des troupeaux porcins quebe-cois. Cependant, ces resultats ne doi-vent pas etre consideres comme repre-sentatifs de la production porcinequebecoise dans son ensemble.En depit de l'augmentation des

connaissances, il faut constater queles ameliorations ne sont pas cellesescomptees. Pourquoi si peu de pro-gres? II est probable que les raisons

sont multiples. Cela servira un desthemes abordes dans cet article, asavoir la nature polyfactorielle desproblemes d'elevage.

Les principaux facteurs 'a l'originedu manque de progres trouvent leurorigine dans les principales compo-santes d'un elevage a savoir l'ele-veur, son elevage, ses problemes sani-taires et ses conseillers.

L'eleveur - I1 existe une grandediversite d'eleveurs: ainsi il est dif-ficile de parler d'eleveur-type. Tousn'ont donc pas la meme receptivite ala medecine preventive (Figure 1).Telle qu'illustr6e a la figure 1, lagrande majorite des eleveurs peuventetre probablement classes commereceptifs a la m6decine preventive maisavec de nombreuses reserves.

L'elevage Bien que les structuresphysiques puissent parfois semblersimilaires, il faut considerer que cha-que elevage est unique. I1 est fr6quentd'entendre qu'un eleveur a fait lesmemes ameliorations que son voisinparce que cela avait bien fonctionnechez ce demier. Toutefois, l'eleveurs'etonne de ne pas constater les ame-liorations escomptees. En fait, celan'est pas etonnant. I1 faut donc etreextremement prudent dans l'extrapo-lation d'une mesure prise dans unelevage.

Les probitmes sanitaires- Ils sontnombreux et souvent tres mal definispar les eleveurs. Ainsi, une diarrheecolibacillaire neonatale et une diar-rhee colibacillaire vers l'age de troissemaines connaissent un meme effec-teur (Escherichia coli) mais des condi-tions d'apparitions bien differentes.L'eleveur ne fait pas cette differencepuisque dans les deux cas il y a inter-vention des <<colibacilles>>. De plus,ils affirment souvent l'importance d'un

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R6sum:Une premi6re partie est consacr6ea. dtfiniton des maladies:et deleur cadre. Ainsi, aprts avoir rap-pelt quelques caract6ristiques dela prduct.i.on pori. canadiean"ne,les auteurs rappellent les princwipaesclassifications des maladies du porcen insistant sar les maladies infec-tieuws. Ces deri&espeuven&nregroup6es en trois classes sur unebase clinipo-6pidtmiologique. Un6leva Otant consid6 comme unsysteme, il est donc n6cessaire-ment soumnis aux caractristiquespropres A tout systbme.Une deuxieme partie est consa-

crte a la mnthdodologie utilis6e dans..:.. ...::....

I'ppche clnique e la mile-cine de population. La methodo-logic utilisee (Problem-OrientedPopulation Medicine) est detcitepar analogie avec celle utilis6e enm6decine individuelle (Problem-reted edical Reord).Une troisi6me partie est consa-

crde a d6finir la notion de varia-bles: resultantes et explicatives quicarac6risent chaque 6levage, pour-en arriver, dans une quatri6me etdemikre partie, a proposer certainesbases pour le controle sanitaire enproduction porcine en insistantsur le r8le du vtt6rinaire face auxmaladies dites d'dlevage.- .

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probleme sur des donnees subjecti-ves non quantitatives.

Les conseillers - Le veterinaire estclassiquement reconnu comme leconseiller privilegie sur le plan sani-taire. Cependant, il y en a d'autresqui s'estiment competents pour lefaire. I1 n'est pas facile de convain-cre un eleveur qui entend de nom-breuses explications pour un memefait, et il faut souvent passer beau-coup de temps 'a defendre son proprepoint de vue vis a vis celui d'autresintervenants.

L'impact des conseillers est parti-culierement marque dans la percep-tion que les eleveurs et les interve-nants autres que les veterinaires ontdes maladies infectieuses.

Le porc et ses problemesClassifications - I1 existe de nom-breuses classifications et aucune, aelle seule, ne peut pretendre englo-ber toute la medecine porcine.

Les maladies ont d'abord ete clas-sees sur la base des symptomes (clas-sification symptomatique). L'observa-tion attentive d'un animal ou d'unecollectivite animale permet souventde mettre en evidence des signes attri-buables 'a une maladie a defaut de pou-voir trouver une autre explication.Cette association symptome-maladieest 'a l'origine de la classificationsymptomatique des maladies qui pre-vaut encore dans de nombreux ouvra-ges. Elle est surtout utilisee dans lalitterature anglo-saxone. Les exem-ples abondent: greasy pig disease, legweakness, splay-leg, white scour, TGE.Cette classification est encore utiliseepour decrire soit des problemes cli-niques dont l'etiologie n'est pasconnue ou parce que les causes sontmultiples ou enfin par habitude.

Avec la d6couverte des agents infec-tieux et parasitaires a la fin duXIXeme siecle, on etablit une rela-tion etroite entre le microbe et lesymptome: la diaffhee est devenu lacolibacillose, la toux est devenue lapasteurellose et la rhinite atrophiqueest devenue une bordetellose. Cettemaniere d'envisager les maladies duporc est a la base d'une classifica-tion que l'on retrouve dans de nom-breux traites de medecine porcine.

La medecine de population ne prendplus l'individu comme unite morbide.Elle envisage le troupeau comme untout. On admet souvent que deux

oproduits>> distincts caracterisent uneexploitation a savoir la sante et laproduction. Les pertes associees al'hypoproductivite de la majorite denos elevages sont souvent associeesa des modification au niveau de lasante et de la production plutot quepar l'existence de maladies apparen-tes (3, 4, 5, 6, 7).

La separation traditionnelle de lasante et de la production devrait etredesormais caduque. En effet, lors demauvaises performances de reproduc-tion d'une population, un diagnosticmedical est 'tabli: il s'agit sans aucundoute d'une maladie. Pourtant, cettedemiere est mieux definie par l'eta-blissement de donnees de productiontelles le taux de mise-bas, le taux deretours en chaleur, le taux de sailliesmultiples, le taux de truies sailliesdans la semaine qui suit le sevrage,l'intervalle sevrage-saillie fecon-dante, le nombre de porcelets nesvivants plutot que par des symp-t6mes cliniques (8). Ainsi, la defini-tion de la sante devient relative enfonction des performances attenduesdans un elevage donne (4, 9, 10).L'optimum de production est variabled'un elevage a l'autre. Toute deviationvers la baisse doit etre considereecomme le signe d'une maladie depopulation, I'hypoproduction.

Enfin, de nombreuses maladies duporc sont classees en fonction deslesions macroscopiques (ulceres gastro-oesophagiens), microscopiques (adeno-matose intestinale) ou physiopatho-logiques (dyschondroplasie).

Les maladies infectieuses - La con-ception de l'association «microbe-symptome-maladie>> est a la base denotre enseignement veterinaire.

L'etablissement d'une classificationest toujours un peu arbitraire. I1 estneanmoins possible de classer lesmaladies infectieuses de porc en troiscategories:

Les maladies du premier groupefont intervenir un micro-organisme quiest capable, 'a lui seul, de produireune maladie epidemique. Chez le porc,ce sont surtout les virus des pestesporcines, de la fievre aphteuse et dela pseudorage. Une fois introduits dansun elevage, ils sont capables de sepropager et sont responsables d'epi-demies majeures. On peut encore yentrer certains agents de forte conta-giosite mais de pouvoir pathogenelimite tels les virus des gastro-enteritecontagieuses et du virus de la grippe

par exemple. Les moyens therapeuti-ques sont souvent inefficaces et il faututiliser d'autres moyens de contr6le(vaccination, eradication). L'exemplede la peste porcine est probablementle plus representatif.Les maladies du deuxieme groupe

font intervenir des agents retrouvesdans la plupart des elevages commer-ciaux. Par exemple, on peut citer lessouches enteropathogenes de coliba-cilles, Pasteurella multocida, Borde-tella bronchiseptica, Streptococcussuis, Mycoplasma hyopneumoniae,Mycoplasma hyorhinis, les rotaviruset Isospora suis. Ces agents n'exer-cent donc leur pouvoir pathogene qu'al'occasion de circonstances parti-culieres. lls sont responsables dece que l'on appelle les maladiesd'elevage.La lutte contre ces maladies d'ele-

vage par les antibiotiques et/ou lesvaccins est peu efficace. On pourraitobjecter que les vaccins composes deces micro-organismes ont contribuepour la plus grande part a la reduc-tion des maladies qui y sont asso-ciees. Toutefois, divers elements sug-gerent que cette assertion n'est pastoujours exacte.

Les maladies du troisieme grouperepresentent un niveau intermediairepuisque les agents responsables ontcertaines caracteristiques des deuxgroupes precedents. Deux exemplespeuvent etre cites: la pleuropneumo-nie porcine a Actinobacillus (Haemo-philus) pleuropneumoniae se rap-proche des maladies du premier groupealors que la dysenterie a Treponemahyodysenteriae est, au Quebec, plusproche des maladies du deuxiemegroupe.

Ainsi, si Act. pleuropneumoniae es,un microbe reconnu comme etant aforte contagiosite (analogie avec lepremier groupe), il est etonnant deconstater de grandes variations de laprevalence clinique ou serologiqued'un elevage a l'autre meme si leserotype est identique (11). Ains,malgre la presence de la bacterie, desfacteurs d'elevage interviennent d'unemaniere importante pour expliquer lesvariations observees. Le fait que tousles serotypes n'ont pas la meme preva-lence dans la population porcine cana-dienne doit aussi etre pris en compte.Ainsi, il est important de toujoursindiquer le serotype lors de mentiondu mot pleuropneumonie porcine aAct. pleuropneumoniae. La prevalence

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des serotypes varie d'un pays 'a l'au-tre et c'est une des raisons qui fontque les programmes de controle misen place dans un pays donne ne doi-vent pas etre strictement copies dansun autre pays. Enfin, il est importantde souligner qu'a l'oppose des mala-dies du deuxieme groupe, le traite-ment medical a court et moyen termeest generalement efficace. La bactdrien'etant pas encore repandue dans lamajorite des troupeaux, il est- permisde croire que des programmes d'era-dication pourront etre mis en place a

moyen et a long terme.Treponema hyodysenteriae, I'agent

de la dysenterie porcine est proba-blement largement repandu dans lapopulation porcine quebecoise et cana-dienne. La situation est donc differentede celle de la pleuropneumonie por-cine. Des programmes d'eradicationsont possibles mais la grande diffu-sion de la bacterie limite ces pro-grammes a quelques unites particu-lierement bien structurees. Bien quel'infection soit presente dans un grandnombre d'elevages commerciaux,diverses raisons peuvent expliquer lavariation clinique observee sur le ter-rain. Les raisons sont d'ordre medi-cales, epidemiologiques, therapeuti-ques ou associees a la r6gie. Donc,cette maladie se rapproche d'avan-tage du deuxieme groupe. Toutefois,l'efficacite du traitement medical jus-tifie sa place dans ce groupe.

Lelevage considerecomme un systemecomplexeDefinitions et caracteristiques- Unelevage doit etre considere commeun systeme au meme titre que n'im-porte quelle entreprise. La notion desysteme foumit un moyen de perce-voir les composantes qui affectent lerendement de la fonction de distribu-tion dans une entreprise. Un systemeest generalement compose de cinqelements de base a savoir les intrants,les differentes composantes, les liens,les extrants et la retroaction (retourdes informations). Tout systeme estdestine a fonctionner dans un envi-ronnement donne et a atteindre cer-

tains objectifs. L'utilisation de lanotion de systeme permet de voir cha-que partie d'un tout sans perdre devue l'ensemble.La notion meme de systeme est

variaDie en fonction de l'objectif pour-suivi. C'est ainsi qu'un architecte peut

considerer une maison comme un

systeme global compose de differentssous-systemes tels l'electricite, lechauffage, l'isolation, et la'plombe-rie. Toutefois, un ingenieur 6n venti-lation considere le systeme de chauf-fage comme un ensemble 'a lui seulet la maison devient alors l'environ-nement. Un psychologue, quant 'a luienvisage la maison comme l'environ-nement d'une famille. Pour lui, lesrelations entre le chauffage et lesysteme electrique ne lui paraissentpas fondees alors qu'elles le sont pour

l'architecte.Un elevage doit etre considere

comme un systeme incompletementstructure. En effet, a partir d'un cer-

tain niveau d'intrants, il est difficilede predire le niveau d'extrants. Ainsi,meme si chaque element du systemeest optimal, I'activite globale dusysteme peut etre sub-optimale, resul-tat d'interactions multiples et com-

plexes, particulierement dans les sys-temes oiu des facteurs biologiques sontimpliques.Un elevage etant un systeme, il

s'en suit certaines caracteristiques quisont a l'origine de bien des echecs etdes frustrations subis quotidienne-ment en s'attaquant au systeme cons-titue par une porcherie.La modification continuelle d'un

systeme est la premiere caracteristi-que. 11 n'existe aucun systeme quidemeure longtemps statique. C'est par-ticulierement vrai pour un systemeconstitue d'elements vivants. II esttres frequent d'entendre un eleveuraffirmer que rien n'a ete modifie avantl'apparition de certains problemes. Sitel est le cas, la seule maniere d'ex-pliquer l'apparition des problemes,selon lui, est le manque de chanceou encore par exemple l'introductionde germe (infection) ou du gene

(heredite). Or, ces modifications exis-tent toujours, volontaires ou non,

conscientes ou non.

Le fait que chaque systeme est uni-que est la deuxieme caracteristique.Chaque elevage a son propre envi-ronnement (eleveur compris) quientraine des modifications dans l'etatdu systeme. L'environnement com-

prend toutes les variables qui peu-vent influencer le fonctionnement dusysteme. Comme il existe plusieurscentaines de variables, il est possiblede les regrouper par exemple en sixdifferentes classes: alimentation etabreuvement, logement, animaux,regie, microbisme et eleveur (12).

Cette caract6ristique permet de com-prendre pourquoi l'application de cer-

taines mesures dans un elevage nedonne pas les memes resuitats dansun autre.

Le comportement contre-intuitifd'un systeme est la troisieme carac-

teristique. C'est un peu la regle inversedu bon sens frequemment appliqueedans les elevages. L'examen superfi-ciel d'un systeme conduit souvent a

une prise de d6cisions qui s'averentinefficaces et qui peuvent meme aggra-ver le mauvais fonctionnement dusysteme. Il n'est pas rare de consta-ter que des solutions apparammentevidentes peuvent aggraver un prob-leme plut6t que de l'ameliorer. Dansun systeme complexe, cause et effetne sont pas toujours relies dans letemps ou dans l'espace. Cet aspectcontre-intuitif s'illustre tres bien lorsde problemes de ventilation (13).

L'evolution d'un systeme vers un

niveau de performances plus faiblesest la quatrieme caracteristique. Ellea des consequences importantes dansun elevage. Une telle tendance ne se

visualise pas toujours d'une maniereevidente. Pour mettre en evidence cetteevolution, il faudra disposer d'indi-cateurs precis, sensibles, fiables etexhaustifs. S'il est vrai d'affirmer quel'enregistrement des performances per-met de mesurer les progres realisesdans un elevage, il est tout aussiimportant pour detecter le debut demauvaises performances.

L'interdependance entre les dif-ferents elements d'un systeme est lacinquieme caracteristique. Aucuneactivite ne peut prendre place touteseule. Chaque evenement est influencepar ceux qui l'ont precede mais affec-tera aussi ceux qui suivront. Ce con-

cept des liens est fondamental dansl'approche systemique. Ces interde-pendances sont nombreuses en pro-duction animale. Bien que connu, ce

concept est encore peu utilise ce

qui se reflete par l'approche «mono-

factorielle>> de nombreux problemesrencontres.La hierarchie et l'organisation d'un

systeme constitue la sixieme carac-

teristique. Chaque composante fonc-tionne comme un sous-systeme inter-ferant lui-meme avec le systeme. Cettehierarchie est tres importante puis-qu'elle genere toujours une compo-sante limitante. I1 existe donc tou-jours une composante qui limite lesperformances d'un systeme. Con-trairement a une idee generalement

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admise, la sante ne devrait pas etreconsidceree comme une composantelimitante du systeme puisqu'elle n'estqu'un produit (extrant) du systeme.Si notre conception est juste, la santedevient alors un indicateur du systemeau meme titre que la productivite.Cette notion de facteur limitant expli-que souvent pourquoi 1'ameliorationdes autres composantes ne se traduitpas dans l'amelioration des perfor-mances etlou de la sante du systeme<<elevage» tant et aussi longtemps quela composante limitante n'a pas etecorrigee. Cette notion est souventoubliee en medecine alors qu'elle estcouramment utilisee en nutrition.

Variables resultantes etvariables explicatives d'unsystemeVariables re'sultantes Tout systemese traduit par un produit ayant descaracteristiques 'a la fois quantita-tives et qualitatives. Cela veut direque le systeme oe'levage>> peut etreevalue par ses criteres de performan-ces comme par exemple le nombrede porcelets sevres par truie et par

an, le nombre de mise-bas par cagede mise-bas ou par la qualite de son

produit (la sante). La sante et les per-

formances sont des variables resul-tantes et indissociables du systeme.La sante et les performances devien-nent donc des indicateurs du systeme.Cette notion d'indicateurs est tresimportante en medecine des grandespopulations.

Variables explicatives Elles sontmultiples. Pour des raisons pratiquesd'investigation, il est cependant pos-

sible de les regrouper en plusieursclasses: alimentation et abreuvement,logement, animaux, regie, microbismeet eleveur (12). L'ordre dans lequelils sont places ne prejuge en rien deleur importance relative.

II existe plusieurs difficultes dansl'analyse des variables explicatives (oucausales) d'un systeme. Le principalprobleme est de ne pas favoriser l'in-vestigation d'une seule de ces varia-bles. Classiquement, il y a souventsurevaluation des variables associeesdirectement 'a l'etat de sante commepar exemple d'accorder au microbeune part trop importante. Cela meneai des interprtations biaisees et a des

echecs sur le terrain.L'evaluation objective des differen-

tes variables explicatives represente

une des difficultes importantes. II

existe diff6rents moyens de faire cetteevaluation, mais ils sont encore peu

utilises. Toutefois, la description descriteres d'evaluation objective des dif-ferentes composantes explicatives dusysteme depasse le cadre de cet arti-cle. Certains seulement seront men-

tionnes au paragraphe suivant.

Evaluation des variablesPrincipes generaux I1 y a des prin-cipes generaux d'evaluation et dequantification des variables. L'eleveurest souvent la seule source de don-nees et son evaluation du problemeest souvent biaisee. Ceci est normal;il a souvent tendance 'a generaliser a

partir d'une seule observation et lesassociations qu'il etablit sont plus sou-

vent le fruit de ce qu'il pense plutotque de ce qui est.

Les observations selectionnees parle veterinaire ont necessairement un

caractere synthetique puisqu'elles doi-vent caracteriser une situation et un

systeme. I1 faut toujours eviter d'ex-trapoler ses observations dans letemps. Elles ne sont valables que pourle moment de la visite de l'elevage.Un exemple courant peut illustrer ce

risque: il est tres frequent d'obser-ver des problemes lies a l'hypo-abreuvement des truies, principale-ment en periode peri-partum et dontles consequences sanitaires sont par-ticulierement prejudiciables (14). I1arrive que le debit mesure au momentde la visite puisse etre normal ou sou-vent a la limite inferieure. Toutefois,il faut se souvenir que 70% de laconsommation joumaliere d'eau destruies se fait dans l'heure qui suit lerepas (14). Comme toutes les truiessont nourries en meme temps, on

assiste alors a une augmentation tresimportante de la demande en eau, ce

qui s'accompagne d'une diminutionimportante de la pression et donc dudebit. Si la visite ne se fait pas apresle repas, il est impossible d'evaluercorrectement cet hypoabreuvement.

11 est donc souvent difficile de serendre compte de ce qui se passe d'unemaniere continuelle dans l'elevage a

partir d'une seule donnee prise a unmoment donne.

Les variables resultantes- Produc-tion: D'une maniere generale, nous

manquons de donnees fiables, exhaus-tives et aisement interpretables. Lamajorite des eleveurs n'ont pas encore

de donn;ees permettant une descrip-tion des differentes composantes dela productivite. II est important de se

demander pourquoi une telle situa-tion existe. Une part des responsabi-lites revient au veterinaire puisque, atitre de conseiller privilegie de l'ele-veur, il devrait lui montrer le carac-

tere indispensable des documents degestion technique. Les donnees glo-bales (comme par exemple la compi-lation du nombre de porcelets ven-dus par annee) sont, par essence,retrospectives et ne donnent pas lestendances actuelles. Elles permettentseulement de situer l'elevage. C'estloin de la gestion reelle et des objec-tifs de planification qui doivent carac-

teriser tout elevage.Les performances d'engraissement

sont generalement bien connues pourles producteurs qui fonctionnent en

systeme tout plein-tout vide (15). Tou-tefois, il est etonnant de constater quela majorite des eleveurs qui engrais-sent des animaux dans un systeme enrotation n'ont pas de donnees preci-ses sur la duree d'engraissement ou

sur la conversion alimentaire (16).11 est alors difficile de faire de la

medecine preventive dans de tellesconditions. Et pourtant, la recolte detelles donnees n'est pas difficile. Il

existe plusieurs methodes simples pourevaluer avec fiabilite la croissancemoyenne en engraissement (17).Champagne et Vachon (16) ont cal-cule que le temps necessaire a la prisede donnees etait en moyenne de dixminutes par semaine pour 1000 porcsen inventaire. II est alors difficile desavoir pourquoi l'eleveur n'a pas ces

donnees. De plus, quand elles exis-tent, le vet6rinaire utilise peu ces don-nees. Une des raisons reside dans leurdifficulte d'interpretation et aussi dansle temps necessaire pour en faire une

bonne analyse. Il ne faut pas non plussous-estimer le manque de formationdes veterinaires dans ce domaine pre-cis. 11 n'est pas encore souvent percucomme un gestionnaire et un planifi-cateur de la population.

L'etat de sante peut s'evaluer dedifferentes manieres: chez le porc a

l'engraissement, l'examen du tractusrespiratoire a l'abattoir foumit des don-nees interessantes. Couplees a l'ana-lyse de la croissance, ces donneessont tres precieuses pour 'tablir desprogrammes de medecine preventive.Il existe de nombreuses references surles differentes methodologies (18-19).

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Chez les naisseurs, les donnees uti-lisables proviennent d'enregistrementsfaits par l'eleveur. La qualite dudiagnostic depend de la qualite desdonnees. Avant d'intervenir pour

resoudre un probleme d'elevage, ilfaut tres souvent mettre en place un

systeme de donnees permettant d'eva-luer objectivement le probleme. L'ele-veur decouvre alors souvent un autreaspect de son probleme. L'exempletype est probablement rencontre dansI evaluation de l'importance d'unprobleme de diarrhee chez des por-

celets 'a la mamelle. Ainsi, dans lecas de la coccidiose, quand on ques-

tionne un eleveur sur le nombre deporcelets atteints, il repondra inva-riablement qu'ils le sont tous. Cetteaffirmation ne resulte pas d'une ana-

lyse formelle mais plutot de l'impor-tance de la contamination de la logede mise-bas par des selles diarrhei-ques. Et pourtant, il est important deconnaitre la prevalence moyenne duprobleme dans une portee aussi bienque dans l'elevage en general.

I1 ne faut pas perdre de vue que lasante est le resultat du fonctionne-ment du systeme. En d'autres ter-mes, meme si la diarrhee neo-nataleest associee 'a certains colibacillesenteropathogenes, cela ne veut pas

dire que la variable explicative del'origine du probleme (au sens de l'ele-vage) est le colibacille. La presence

d'une diarrhee colibacillaire est un

excellent indicateur qu'il y a un dys-fonctionnement de l'elevage. Biensur, il est certain qu'il n'y a pas dediarrhee colibacillaire sans colibacille;cependant, ces demiers sont proba-blement presents dans la majorite deselevages du Quebec.

Les variables explicatives II

ne s'agit pas de passer en revue lamethode utilisee pour evaluer les dif-ferentes variables explicatives mais

plutot de donner un compte-rendu deplusieurs annees d'evaluation.

Les problemes d'elevage sont, dansla grande majorite des cas, le refletd'une erreur de regie, donc directe-ment sous la responsabilite de l'ele-veur. Cette culpabilisation de l'ele-veur n'est pas toujours bien reque parce dernier. Afin de menager l'ele-veur, il est plus simple de rejeter toutela faute sur le microbe.En engraissement, les conditions

d'environnement dont la ventilationsont souvent 'a l'origine des problemessanitaires. Toutefois, l'evaluation des

conditions d'environnement est diffi-cile, souvent subjective et le concensusest difficile a obtenir (13).

L'evaluation des variables explica-tives par l'utilisation de donnees pro-

venant de comparaisons entre eleva-ges peut generer des erreurs. Ce quifonctionne bien dans un elevage n'estpas necessairement adequat pour un

autre elevage. I1 y a plusieurs exem-

ples de cela particulierement au niveaude la regie de la reproduction. Ainsi,des resultats classiques indiquent quela prolificite est meilleure si le nom-bre de saillies par oestrus augmente(20). Toutefois, l'application de ce

principe dans les elevages n'est pas

toujours suivie des resultats attendus(21). Il en est de meme pour la regleselon laquelle une double saillie effec-tuee par deux males diff6rents aug-

mente la prolificite en moyenne d'undemi porcelet. Pourtant, au niveaudes elevages, les resultats escomptesne se manifestent pas toujours (22).Ceci n'indique pas necessairement queles resultats des recherches ne sontpas valables. Ceci souligne simple-ment qu'il y a des differences entrela recherche experimentale et cellequi resulte d'observations au niveaudes elevages.

I1 y a plusieurs exemples qui peu-

vent illustrer les difficult6s rencon-

tr6es quotidiennement par le veteri-naire. Un des nombreux points dedivergence entre l'eleveur et son

v'terinaire conceme l'etat de chairdes truies: le degre d'embonpoint d'unanimal est une notion relative. Laquantification est indispensable etapporte des renseignements precieux.

I1 est difficile de faire admettrequ'un probleme aussi commun que

la diarrhee neo-natale puisse etre lie aun manque relatif de chauffage durantles premieres heures de vie. En effet,de nombreux eleveurs continuent d'uti-liser des lampes infra-rouges dont lapuissance ne permet pas de fournirla temperature critique pour le por-celet durant les premiers jours de vie.Or, la consommation de colostrum,dont depend la protection du porce-let, est etroitement liee a la tempera-ture ambiante des premieres 24 h devie.

I1 en est de meme pour l'abreuve-ment chez les animaux reproducteurs.Un hypoabreuvement est un des prin-cipaux facteurs de risque dans lesyndrome <<MMA>>. Et pourtant, ilest relativement facile de mesurer leniveau d'abreuvement des truies (14).

La mesure du debit seul est insuffi-sante puisqu'il faut aussi tenir comptede nombreux autres parametres telsla pression, le mode de distribution,l'accessibilite du dispositif et l'heurede la journee.

Les moyens diagnostiquesen medecine porcineApres avoir defini les maladies etleur cadre, il est important de pou-

voir poser un diagnostic precis. Lam'thodologie utilisee dans l'appro-che clinique de la medecine de popu-

lation peut, d'une certaine maniere,se comparer a celle utilisee en mede-cine individuelle.

POMR versus POPM Le systemePOMR (Problem-Oriented MedicalRecord) est un modele largement uti-lise pour expliquer le processus patho-logique chez un animal donne. Auniveau d'une population, Stein (23)propose le terme POPM (Problem-Oriented Population Medicine). Lesysteme prend en consideration lesdifferents groupes de variables expli-catives de la sante et de la produc-tion (animaux, logement, alimenta-tion, microbisme, regie et l'eleveur).Aucun veterinaire ne mettra en

doute la necessite d'avoir des don-nees objectives individuelles commela temperature, les fr6quences car-

diaque et respiratoire pour determi-ner l'etat de sante d'un animal.

Dans une population, il existe aussides donnees objectives qui permet-tent de savoir si l'elevage est en sante.

Elles portent des noms differents maiselles sont aussi indispensables au diag-nostic. Ces donnees se nomment parexemple le taux de mise-bas, le tauxde retour en chaleur et le nombremoyen de porcelets nes vivants.Chez l'individu, on parle de tachy-

cardie quand le rythme cardiaque estau-dessus de la normale. De la mememaniere, il y aura tachycardie (oupolypnee) au niveau d'une popula-tion lorsqu'il y aura une deviationentre les performances observees etcelles normalement attendues.

Chez l'individu, diff6rents tests telsla biochimie ou l'hematologie aidentle clinicien 'a confirmer ou infirmerle diagnostic clinique.Au niveau d'une population, il

existe aussi des tests diagnostiquescomme la distribution de productionpar numero de portee, la distributionpar race et l'analyse des performan-

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ces d'une cohorte en fonction de dif-ferents criteres epidemiologiques.

L'anamnese est importante dansles deux types de medecine. Enmedecine individuelle, il est rare des'arreter 'a l'anamnese. De nombreuxcriteres objectifs permettent de poserun diagnostic et de nombreuses metho-des permettent de le confirmer. I1 estcurieux que la meme demarche nes'applique pas toujours en medecinede population; les allegations d'uneleveur concernant un probleme nesont pas souvent remises en question.En fait, la procedure diagnostique

en medecine individuelle ou en mede-cine de population est la meme maisles indicateurs utilises sont differents.Dans une procedure diagnostique auniveau d'une population, il faut faireabstraction de l'individu.

Le SOAP - Ce sigle est bien connuet sert souvent de leitmotiv aux etu-diants veterinaires. En medecine indi-viduelle, l'importance des donneessubjectives (S du SOAP) est contre-balancee par la prise de donnees objec-tives (O du SOAP). En medecine depopulation, il y a une carence de don-nees objectives. Quand elles existent,leur analyse est difficile et demandebeaucoup de temps. Le systeme existemais aucune structure formelle n'existeet il n'y a pas d'uniformite. I1 y aencore beaucoup de progres a reali-ser dans cette voie.

Bases et limites ducontrole sanitaire dans laproduction porcine

Bases - L'association microbe-symptome a inspire une conceptionmonofactorielle de la prevention desmaladies chez l'homme et les ani-maux. Cette conception, mise del'avant des le debut du XXeme siecle,a mene a une notion de medecinepreventive s'appuyant supposement surdes bases solides et irrefutables.En effet, la plupart des maladies

infectieuses du porc respectaient lefameux postulat de Koch, c'est-a-direl'isolement d'un micro-organisme, lareproduction experimentale de lacondition avec ce micro-organisme etle re-isolement en culture pure aucours de la maladie reproduite chezun animal sain.Le controle et l'eradication des

maladies ne pouvaient etre envisagesque par la lutte contre le microbe.

Cette maniere de comprendre les mala-dies a mene au contr6le des grandsfleaux tels la fievre aphteuse, la pesteporcine, la tuberculose bovine ouencore la brucellose. Plusieurs mini-epidemies ont recemment soulignela fragilite et la vulnerabilite desespeces animales susceptibles: pesteporcine classique en Angleterre en1986, peste porcine africaine en Bel-gique et en Hollande en 1985, fievreaphteuse au Dannemark en 1983.Meme cela ne remet pas en doutel'efficacite de ces mesures. La revo-lution microbiologique a aussi meneau developpement des vaccins et desantibiotiques et a la comprehensionde nombreux mecanismes physio-pathologiques.

II est interessant de se souvenir duprobleme rencontrd par Pasteur a pro-pos de la reproduction experimentaledu cholera aviaire. 11 ne parvenaitpas a reproduire la maladie sans trem-per prealablement les tarses des ani-maux d'experience dans de l'eauglacee. Appliquee a un probleme demedecine porcine, cette observationde Pasteur permet de faire une nou-velle dissociation dans les maladies:celles dont le determinisme est poly-factoriel, c'est a dire necessitant l'as-sociation de plusieurs influences patho-genes. Les maladies liees a la presenceou l'influence d'un agent pathogeneunique relevent d'un determinismemonofactoriel (12).

Ces concepts sur les maladiesinfectieuses s'inscrivent dans uneevolution normale suivie a travers lesdiffdrentes etapes qui jalonnent ledeveloppement de la medecine pre-ventive. Schwabe (24) distingue cinqphases chronologiques dans le deve-loppement de la medecine preventive,dont quatre sont presentement termi-nees. La revolution microbiologiquea dtd la demiere phase completee.Selon lui, la demiere phase a deve-lopper resulterait d'une anomalie;ainsi, le microbe seul ne parvient plusa expliquer un grand nombre de mala-dies nommees maladies d'elevage. I1a dtd largement demontre que la plu-part des maladies endemiques ou sub-cliniques ne repondent pas aux mani-pulations veterinaires traditionnelles(6, 7, 8, 24). Une des grandes diffi-cultes rencontrees avec ces problemesest liee a l'absence presque totale derecherches.

Schwabe, en tant qu'epidemiolo-giste, propose de parler de revolu-tion epidemiologique pour cette cin-

quieme phase (24). Toutefois, ce termecache beaucoup d'ignorance (un peucomme on se protege en abusant dumot "stress»)) et une nouvelle defini-tion devrait etre proposee.

Les limites du controle sanitaireLe developpement des techniquesactuelles d'elevage a ete rendus pos-sible grace a la mise en place de dif-ferentes mesures sanitaires. Cependantil a aussi eu diverses consequencesqu'il est essentiel de bien cemer.Tout d'abord, les animaux sont

devenus totalement dependant desconditions d'elevage (temperature, ali-mentation). Ces conditions ne sontencore qu'imparfaitement connues,surtout dans le contexte global d'unelevage. Meme s'il y a des regleselementaires de regie, leur applica-tion varie d'un elevage a l'autre. Celaaura des consequences importantes surla conduite de l'elevage, 1'etat de santdet les performances. Les refdrences ace sujet sont rares et souvent diver-gentes. L'exemple le plus importantconcerne la ventilation (13).La plupart des micro-organismes

responsables des maladies les plusprejudiciables a la rentabilite de laproduction porcine sont presents dansla majorite des elevages. Ils sont al'origine des maladies de la deuxiemecatdgorie telle que rapportde precedem-ment. Des lors, l'apparition de lamaladie associee au micro-organismen'est pas le fruit de la malchance maisplutot une consequence d'un mauvaisfonctionnement de l'elevage. La mala-die devient donc un indicateur de dys-fonctionnement. Dans un tel cas, il ya souvent l'utilisation intempestive etsouvent anarchique de traitementsmedicaux.

Pour des raisons d'ordre economi-que, l'etat de sante des animaux dansles conditions industrielles doit etreconsidere comme tres precaire; lamoindre erreur peut provoquer l'ap-parition de maladies. Or, tel que celaa dtd explique a propos de l'approchesystemique, il n'y a pas toujours derelations dans le temps et dans l'espaceentre la cause et l'effet.

Les maladies du porc (infectieusesou non) constituent encore aujourd'huiun frein important a la rentabilite deselevages. Diffdrentes raisons peuventexpliquer pourquoi la situation nes'ameliore pas plus rapidement: lemanque de connaissances en medecinedes grandes populations, le vetdrinaireet l'eleveur.

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Contrairement a d'autres discipli-nes comme la virologie, la bacterio-logie, la physiologie ou la patholo-gie, il y a un manque de connaissancesobjectives et scientifiques concernantles circonstances associees a l'ex-pression spontanee du pouvoir patho-gene des agents dont la virulence ne

s'exerce que dans certaines conditionsexperimentales. Pour s'en convain-cre, il suffit de comparer le vocabu-laire utilise pour decrire les carac-teristiques des micro-organismes ou

des lesions a celui utilise pour decrireles circonstances associees aux mala-dies d'elevage; dans ce demier cas,

on utilise des mots aussi vagues qu'en-vironnement, ventilation ou stress. Cesont des mots que les utilisateurs ne

peuvent quantifier ou decrire objecti-vement au niveau d'un elevage. Cequi est paradoxal, c'est que beaucoupd'intervenants en production porcinene semblent pas convaincus de cetetat de fait. Pour la plupart, il s'agitde personnes ayant peu de contactavec la realite clinique. Ainsi, au lieud'admettre qu'il y a une carence auniveau des connaissances, on en arrivea avoir des connaissances faussees:cela entralne des interpretations plusou moins fantaisistes au detriment deseleveurs. Cette plethore de theories,qui repose souvent sur des fondationsscientifiques depassees, a contribuea jeter un discredit important sur lesve'trinaires.

L'attitude des veterinaires consistetrop souvent a masquer les symp-t6mes des qu'ils apparaissent en agis-sant sur le microbe. Cette attitudeconduit ineluctablement a un conflitentre le veterinaire et le zootechni-cien. Le veterinaire des grandes popu-lations animales doit aussi avoir desnotions de zootechnie. Son attitude a

souvent tendance a discrediter le zoo-

technicien car il donne beaucoup plusd'importance a l'aspect infectieux qu'al'autre. En effet, en presence de prob-lemes sanitaires, I'attitude veterinaireconsiste souvent a privilegier l'infor-mation concemant les microbes ou

les lesions et a invoquer une attitudetres manicheenne. II s'agit en quel-ques sortes d'excuser l'eleveur pouraccuser le microbe. Notre formationest inadequate pour affirmer sur desbases objectives que telle ou telle fauted'elevage est responsable du probleme.

11 s'etablit souvent d'un dialoguede sourds entre les differents inter-venants; l'eleveur prend ce qui luiparait le plus clair. C'est l'association

du microbe et de la maladie qui est lefait le plus facile a comprendre.

Le vet6rinaire vendeurTel que mentionne auparavant, laplupart des intervenants considerentque la medecine de production doitetre le principal outil en medecineporcine. L'efficacite de cet outil estfonction des donndees communiquees.En d'autres termes, sans la participa-tion active de l'eleveur, il ne sauraity avoir de medecine preventive. Mal-heureusement, les eleveurs ne sontpas assez au courant de cet exigence.

Il faut considerer la medecine deproduction comme une innovation. Ace titre, elle doit etre vendue aux pro-

ducteurs. Le veterinaire doit etreconvaincu qu'elle demande une par-

ticipation active, soutenue et impor-tante de l'eleveur; de plus, les resul-tats ne se mesurent generalement pasrapidement. La theorie de la diffu-sion et de l'adoption d'une innova-tion a ete developpee par Rogers en1962 (25). Selon cette theorie, lors-qu'un nouveau produit arrive sur lemarche, il n'est adopte que par unnombre restreint d'innovateurs que

Rogers estime a 2.5% du nombre totald'acheteurs. Si l'innovation a dusucces, il y aura une phase de crois-sance du produit. Les consommateursqui adopteront le produit sont appelesles acheteurs precoces, et peuventrepresenter 10-15% du nombre totald'acheteurs. La majorite des ache-teurs ne s'impliquent qu'au momentoui le produit atteint le stade de lamaturite. Comme la periode de matu-rite est en general assez longue, ilexiste encore des diff6rences appre-ciables entre les consommateurs dudebut et de la fin de cette phase. Ledemier groupe d'acheteurs du pro-duit comprend ceux de la periode desaturation et sont appeles les refrac-taires. Ce n'est que lorsque le pro-duit a perdu toute trace de nouveautequ'ils l'acceptent.

11 peut parai'tre deplace de consi-derer la medecine des grandes popu-lations animales comme un produitqu'il faut vendre. L'ignorance de cetaspect explique une part importantedu malaise qui existe quant a la per-ception de la medecine preventive au

niveau du champ. Il faut accepter lefait que le veterinaire doit aussi etreun directeur du marketing. Quand on

sait que 50 a 80% des nouveaux pro-duits subissent un echec, l'identifica-

tion des acheteurs precoces apparaitcruciale pour celui qui veut en assurer

le succes.Ii existe diff6rentes strategies pour

y arriver. Il serait des lors souhaita-ble que le veterinaire connaisse cer-

taines notions de marketing et de com-munication. Dans ce cadre, il n'y a

aucun aspect negatif a etre considerecomme un vendeur malgre les prejugesqui peuvent subsister.

ConclusionsLes difficultes d'evaluation desproblemes en medecine des grandespopulations sont rencontrees quotidien-nement. Toutefois, la plus grande dif-ficulte est de pouvoir analyser cor-

rectement les differentes composantesdu systeme constituant l'elevage. Cetteanalyse est indispensable dans l'eta-blissement du diagnostic et dans lamise en place de programmes efficacesde medecine preventive.Chaque intervenant en production

porcine travaille dans une sphere d'in-fluence et ceci entralne des diff6ren-ces de point de vue. Ainsi, il existesouvent autant de programmes de pro-

phylaxie qu'il y a de specialistesconsultes. L'eleveur devra faire un

choix; il faut s'attendre a ce qu'ils'attarde au programme qui le satisfait.La visite d'un elevage qui englobe

l'analyse des performances demandeplusieurs heures. Par tradition, l'ele-veur est habitue a payer pour un acteet non des conseils. Or, la medecinedes grandes populations est avant toutefficace par ses conseils. Une foisconvaincu, 1'eleveur acceptera sans

probleme ce principe. Le veterinaireen medecine porcine devient donc un

vendeur d'idees. Ces dernieres doi-vent s'appuyer sur des donnees scien-

tifiques reconnues, objectives etexhaustives.

L'utilisation de l'informatique estau v'terinaire en medecine desgrandes populations ce que le stetho-scope est au veterinaire en medecineindividuelle.La notion de maladie polyfacto-

rielle est de plus en plus accepteemais il n'est pas certain que le veteri-naire actuel est suffisamment formepour une telle approche.

Les facteurs de regie sont souventa l'origine des problemes d'elevage.11 faut donc delaisser le traitementsymptomatique et plutot essayer d'im-planter une medecine plus globalememe si au debut, elle ne s'appli-

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quera que chez les innovateurs. PourI'avoir verifie 'a maintes reprises, ilest difficile d'essayer de convaincrequelqu'un qui est <<a priori>> scepti-que. De plus, cela demande beau-coup de temps et beaucoup d'effortset qui sont difficilement remunerables.Meme s'il y a certains cas de gueri-

son spectaculaire en medecine despopulations, l'evolution vers l'amelio-ration de la plupart des situations estlente. Elle ne peut donc pas se visua-liser de maniere evidente pour l'ele-veur qui cotoie ses animaux tous lesjours; la faible sensibilite de la visiondes faits I'amene souvent douter de1'efficacite des mesures prises. Cettecaracteristique rend encore plus dif-ficile le travail du veterinaire.

L'industrie porcine a compris l'in-teret economique de la medecineve'trinaire dans les grandes popula-tions et elle investit dans ce sens. Leveterinaire n'est plus uniquement celuiqui limite les pertes, mais il est etroi-tement associe aux facteurs de renta-bilite de la production porcine.

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