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Le voyage à Venise - excerpts.numilog.compublication par F. G. Osann de son Cornutus et de sa Theologia physica stoicorum (1846) demeurés jusqu’alors inédits5, É. Egger parle

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  • Le Voyage à Venise

  • COLLECTION ESSAISSérie « Philologie »

    dirigée par Laurent Calvié

  • Jean-Baptiste-GaspardD’Ansse de Villoison

    LE VOYAGE À VENISE

    La recherche de manuscrits grecs inéditsà la fin du XVIIIe siècle

    Suivi deSur des recherches à faire dans le voyage

    de Constantinople et du Levant,par Bernard de Montfaucon

    Textes présentés, établis et annotéspar Laurent Calvié

    ANACHARSIS

  • ISBN : 979-10-92011-43-2

    Diffusion distribution : Les Belles Lettres

    © Anacharsis Éditions, 201743, rue de Bayard31000 Toulousewww.editions-anacharsis.com

    Figure 1. J. Boilly, Villoison (vers 1825)

  • Préface

    Ce jeune homme était déjà un vétéran de la science.(A. Pierron) 1

    Le cas de J.-B. G. D’Ansse de Villoison [Fig. 1-3et 27], qui fut sans doute le plus grand hellénistefrançais du XVIIIe siècle, « un paléographe consommé,un critique pénétrant et ingénieux, un savant de l’éru -dition la plus variée et la plus abondante » 2, a été régléde manière trop expéditive par les historiens de la philo-logie classique : tandis que J. Bernays et W. Kroll n’endisent mot et que R. Pfeiffer signale juste que son édi-tion [Fig. 4] des scholies homériques du Venetus A(1788) est à l’origine de la révolution philologique opérée par les Prolegomena ad Homerum (1795) deF. A. Wolf, présentés comme « la première tentativeméthodique et solidement fondée d’histoire d’un texteantique », J. E. Sandys trouve en lui « le dernier philo-logue de l’ancienne école » et U. von Wilamowitz estimequ’« en tant que chercheur, il ne compte pas » 3. Cultivé

    1. A. Pierron, L’Iliade d’Homère I, Paris, 1869, p. LXXVI.2. A. Pierron, L’Iliade I, Paris, 1869, p. LXXVII.3. Voir J. Bernays, Geschichte der klassischen Philologie, Hildesheim, 2008 ;W. Kroll, Geschichte der klassischen Philologie, Berlin-Leipzig, 19192 ; R. Pfeiffer,History of Classical Scholarship II, Oxford, 1976, p. 174 ; J. E. Sandys, A History ofClassical Scholarship II, Cambridge, 19213, p. 398 (voir aussi É. Egger, L’hellé-nisme en France II, Paris, 1869, p. 402 : « philologue de l’ancienne école ») ; etU. von Wilamowitz, Geschichte der Philologie, Leipzig, 19213, p. 46.

  • 6 Le Voyage à Venise

    Figure 2. F.-A. Vincent, Villoison (1805)

    Figure 3. F.-A. Vincent, Villoison (1805)

  • par ses anciens amis et disciples 4, son souvenir est restévivant jusqu’au deuxième tiers du XIXe siècle, où, après lapublication par F. G. Osann de son Cornutus et de saTheologia physica stoicorum (1846) demeurés jusqu’alorsinédits 5, É. Egger parle encore de la précocité de son« immense érudition » et P.-A. Pierron de « son nomimmortel » (1869) 6 ; puis est venue la déréliction, d’oùl’ont un temps tiré Ch. Joret [Fig. 5] 7, W. Fischer,J. Nicole et V. Bérard 8 ; et l’oubli… Ce n’est qu’au seuildu XXIe siècle qu’on s’est de nouveau intéressé à Villoison :on n’a cependant alors pas vu en lui un philologue original,fécond et moderne, mais « le premier néo-helléniste » 9, unépigraphiste annonciateur « de l’Alterthumswissenschaftdu XIXe siècle », un pionnier « dans les études tsakoniennes »

    Préface 7

    4. Voir C. Rostan «Discours », Mémoires publiés par l’Académie de Marseille 3(1804), p. 124-136 ; D. Wyttenbach, « Relationes breviores », Bibliotheca critica3/3 (1805), p. 127-133 ; J.-F. Boissonade, « Villoison », Mercure de France(1805), p. 410-416 ; B.-J. Dacier, «Notice historique sur Villoison », MF 24(1806), p. 261-275 ; et S. Chardon de La Rochette, «Notice sur Villoison »,Mélanges de critique et de philologie III, Paris, 1812, p. 1-61, qui souhaitait « qu’onrecueillît, en 2 ou 3 volumes, les articles qu’il [Villoison] a fournis aux journauxet aux mémoires de l’Académie des Inscriptions, ou qu’il a fait imprimer sépa-rément » (p. 51).5. L. Annaeus Cornutus, De natura deorum, Gottingae, 1844.6. É. Egger, L’hellénisme en France II, Paris, 1869, p. 286 et p. 400 ; A. Pierron,L’Iliade, Paris, 1869, t. I, p. LXVI ; et C. G. Cobet, « Villoisoni error de Ruhnkeniiuxore », Mnemosyne 2 (1874), p. 451-452.7. Voir Ch. Joret, « Villoison et la cour de Weimar », RHLF 2 (1895), p. 523-549, 3 (1896), p. 161-191 et p. 346-375 ; « Villoison et la Provence », Annales dela Société d’Études Provençales 2 (1905), p. 231-257 et 3 (1906), p. 1-22 ; « Troislettres inédites de Villoison à Fr.-A. Wolf », REG 19 (1906), p. 394-409 ;«Madame de Staël et Villoison », RHLF 15 (1908), p. 610-619 ; « La paléogra-phie grecque de Villoison », RPh 32 (1908), p. 175-180 ; « Villoison et la créationd’une chaire de grec moderne au Collège de France », JS (1909), p. 149-156 ;D’Ansse de Villoison, Paris, 1910 ; « Brunck et Villoison », RPh 34 (1910), p. 350-378 ; et « Lettre de Villoison au 1er Consul », JS (1913), p. 320-321.8. Voir W. Fischer, «Die Papiere Villoisons über die Klöster auf dem Athos »,BZ 8 (1899), p. 604-606 ; J. Nicole, « Trois lettres inédites de Villoison », RPh 33(1909), p. 59-70 ; et V. Bérard, Un mensonge de la science allemande, Paris, 1917,p. 213-259.9. Voir G. Tolias, La médaille et la rouille, Athènes, 1997, p. 125-155 ; et «Gréco-phile et mishellène », in G. Grivaud (éd.), Les mishellénismes, Athènes, 2001,p. 57-67 ; et É. Famerie, « Pour l’amour du grec », Art&Fact 33 (2014), p. 31.

  • 8 Le Voyage à Venise

    Figure 4. Villoison, Homeri Ilias, Venetiis, 1788, p. 1

  • et la dialectologie grecque 10 ou le père de « l’hellénismecomparé » 11 ; et de son travail philologique, on n’a retenuque ses études homériques 12…L’affirmation de J. E. Sandys suivant laquelle Villoison

    serait « le dernier philologue de l’ancienne école » (sonœuvre philologique serait ainsi désuète et dépassée) reposecependant sur l’idée que la philologie classique auraitconnu à la fin du XVIIIe siècle, en Allemagne, la principalerévolution de son histoire : avant F. A. Wolf, les spécialistesdes textes anciens n’auraient été que des érudits de cabinet,semblables au vieux singe antiquaire de J. S. Chardin[Fig. 6] ; tandis qu’après lui, la philologie serait « devenue lapremière discipline historique, un modèle pour toutes lesautres sciences historiques, de la Germanistik à la Geistesge-schichte ». Or cette idée est fausse et idéologiquementorientée : au moment où les études philologiques connais-saient un développement sans précédent en Allemagne,elle a été induite par la pratique des philologues allemandseux-mêmes, qui ont d’une part largement cessé de « compi-ler les innombrables notes et bibliographies des travauxantérieurs » et qui, « quand ils s’intéressaient à la traditionérudite d’un domaine donné », ont eu d’autre part unefâcheuse « tendance à souligner la distance qui séparait leur

    Préface 9

    10. Voir Villoison, De l’Hellade à la Grèce, Hildesheim, 2006, p. 31 ; É. Famerie,« Villoison et la redécouverte du dialecte tsakonien », Anabases 6 (2007), p. 248 ;et « Pour l’amour du grec », Art&Fact 33 (2014), p. 32.11. Voir G. Koutakiotis, «Οι ερευνές του Villoison στον Αθω. Απόηχοι, ερμη-νείες και σπαράγματα (1785) », Ο Ερανιστής 26 (2007), p. 36 ; O. Cavalier, « Leslettres de Villoison à la duchesse de Saxe-Weimar », in C. Bonnet & al. (éd.),Connaître l’Antiquité, Rennes, 2010, p. 54 ; et É. Famerie, « Pour l’amour dugrec », Art&Fact 33 (2014), p. 30-31.12. Voir L. Canfora, « La découverte du Ven. Marc. A par Villoison »,L. E. Rossi, « La méthode philologique de Villoison et le Ven. Marc. A» etG. Nagy, « Les éditions alexandrines au XVIIIe et au XIXe siècle », in F. Létoublon& C. Volpilhac (éd.), Homère en France après la querelle (1715-1900), Paris, 1999,p. 41-49, p. 51-61 et p. 63-72 ; A. Grafton & al. (trad.), F. A. Wolf, Prolegomenato Homer, Princeton, 2005, p. 7-8 ; et L. Calvié, «Documents inédits, méconnusou oubliés sur le voyage à Venise de Villoison et la découverte du Venetus A del’Iliade », QS 81 (2015), p. 165-189.

  • propre travail, moderne et critique, des efforts frustes etnaïfs des humanistes dans leur étude de l’Antiquité » 13. Àpartir de F. A. Wolf, la philologie classique n’a pas tantconnu une révolution allemande qu’une concentration et

    10 Le Voyage à Venise

    13. A. Grafton, «De polyhistor en philologue », ARSS 135 (2000), p. 26 et p. 35.

    Figure 5Ch. Joret, D’Ansse de Villoison, Paris, 1910, p. 1

  • un développement massif en Allemagne. L’invention de laphilologie textuelle ne date nullement de cette époque :l’histoire des textes remonte au moins à R. Simon (1685),voire à P. Vettori (1536) ; la paléographie grecque a étéréduite en traité par B. de Montfaucon (1708) ; l’étudegénéalogique et le classement des manuscrits, qui a aboutià la fameuse méthode de Lachmann, était déjà pratiquéepar J.-J. Scaliger (1577) et par J. Wallis, par exemple ; etla critique verbale a très tôt été théorisée par F. Robor-tello (1557), W. Canter (1566) et K. Schoppe (1597) 14.Quant à l’Altertumswissenschaft (la science de l’Antiquité) deF. A. Wolf et à l’Encyklopädie der philologischen Wissenschaf-ten (l’Encyclopédie philologique) d’A. Bœckh, qui n’ontjamais véritablement dépassé l’état de projet 15, elles se sontlargement appuyées « sur des fondements établis par lespolyhistors » et les polymathes qui les avaient précédées 16. S’ilest donc indéniable que le XVe siècle a connu une restaurationgréco-italienne des études philologiques ; que leur centregéographique a ensuite varié au fil du temps (l’Italie auXVe siècle, la France au XVIe, les Pays-Bas au XVIIe, l’Angle-terre aux XVIIe-XVIIIe, l’Allemagne aux XVIIIe-XIXe, l’Italie etles États-Unis aux XXe-XXIe siècles) ; et que leur histoire adepuis deux siècles été marquée, comme toutes les autressciences, par des « coupures épistémologiques » et des « chan-gements de paradigmes scientifiques »17 ; elles paraissentcependant ne pas avoir connu de véritables révolutions

    Préface 11

    14. Voir B. Hemmerdinger, Les manuscrits d’Hérodote et la critique verbale,Genova, 1981, p. 13-17 ; J. Irigoin, «Dom B. de Montfaucon », Cahiers de la VillaKérylos 6 (1996), p. 71-85 ; S. Timpanaro, La genèse de la méthode de Lachmann(1963), Paris, 2016, p. 28-29 ; M. D. Reeve, « J. Wallis, Editor of Greek Mathe-matical Texts », inG.W.Most (éd.), Editing texts, Göttingen, 1998, p. 77-93 ; etK. Vanek, Ars corrigendi in der frühen Neuzeit, Berlin-New York, 2007.15. Voir P. Judet de La Combe, « Philologie classique et légitimité », dansM. Espagne & M.Werner (éd.), Philologiques I, Paris, 1990, p. 27.16. A. Grafton, «De polyhistor en philologue », ARSS 135 (2000), p. 34 ; voiraussi A. Bernardini-G. Righi, Il concetto di filologia, Bari, 1947, p. 97-117.17. P. Judet de La Combe, « Sur les conflits en philologie », Texto ! 13 (2008), p. 3-4.

  • internes et avoir plutôt suivi les « tribulations de l’histoirepolitique, idéologique et religieuse » 18 : « l’âge d’or de laphilologie, note ainsi B. Hemmerdinger, s’achève en 1848.Il est suivi d’un âge d’argent, qui finit dans le sang en 1914.Et, depuis 1914, nous vivons dans un siècle de fer 19. »

    12 Le Voyage à Venise

    18. Voir D. Pralon, « Brève histoire des études grecques en Europe occidentale »,in P. Brillet-Dubois & É. Parmentier (éd.), Φιλολογία, Lyon, 2006, p. 346.19. B. Hemmerdinger, Les manuscrits d’Hérodote, Genova, 1981, p. 12.

    Figure 6J.-S. Chardin, Le singe antiquaire

  • 1. L’ecdotique de Villoison

    Je viens d’épouser une demoiselle d’une très anciennefamille […]. Je l’ai prévenue que mon usage était detravailler douze heures par jour au grec et que toutl’or du monde était incapable de me faire renoncer à cegenre de vie ; qu’ainsi, d’après cet exposé, elle n’avaitqu’à voir si elle voulait m’épouser et si je lui conve-nais, parce que je ne changerais jamais de conduite.( J.-B. G. D’Ansse de Villoison) 20

    L’œuvre philologique de Villoison appartient assurément àcet âge d’or de la philologie classique où les bibliothèquesoffraient aux savants une abondante et généreuse récolte detextes anciens inédits, de même qu’à la race d’or « le sol fer-tile offrait de lui-même une récolte abondante » (Hésiode,Travaux, 117-118). Elle consiste avant tout en une ving-taine d’éditions de textes grecs de genres et d’époquesextrêmement variés (toutes publiées entre 1773 et 1788),qui mettent en œuvre une ecdotique (une méthode d’édi-tion critique) féconde : celles du Lexique homérique d’Apol-lonios le Sophiste (1773) et du Venetus A de l’Iliade (1788)sont pour ainsi dire diplomatiques et visent à reproduire desmanuscrits uniques 21 ; la plupart des autres, fondées sur lesrares témoins manuscrits (un ou deux, tout au plus) que lephilologue avait sous la main, constituent des anecdota, quin’ont d’autre objet que de faire connaître la teneur de textesrares et inédits : la Métaphrase en prose du chant III de l’Iliade,le De versus heroici differentiis et le De versus caesuris, figuriset affectionibus, le Violier à tort attribué à Eudocie 22, le

    Préface 13

    20. Villoison, «À Valckenaer » (16 janv. 1777), Leyde, BR, Ms. BPL 339, inCh. Joret, Villoison, Paris, 1910, p. 129.21. Villoison, Apollonii Sophistae Lexicon graecum Iliadis et Odysseae, Lutetiae Pari-siorum, 1773, t. I-II, p. 1-881 (d’après le Paris, BnF, Ms. Coislin 345, Xe s.) ; etHomeri Ilias, Venetiis, 1788, t. I, p. 1-120 (d’après le Venise, BNM, Ms. gr. 454, Xe s.).22. Le Violier est une forgerie du copiste-faussaire C. Palaeocappa : voir P. Pulch,

  • 14 Le Voyage à Venise

    Figure 7Villoison, Longi Pastoralium de Daphnide

    et Chloe libri IV, Parisiis, 1778, p. 1

  • Rosier deMacaire Chrysocéphale, le Panégyrique de l’empe-reur Anastase de Procope de Gaza, une Oraison funèbre etune Déclamation de Chorikios de Gaza, un opuscule ano-nyme Sur les atticismes, le Sur les figures d’Hérodien, le Surla prosodie de Porphyre, des Scholies à la Grammaire deDenys le Thrace, le De communi mathematica scientia de Jam-blique, deux petits traités de Plotin, le Sur les accents d’Ar-cadios, une Nova versio graeca de l’Ancien Testament, lesScholies à l’Iliade, l’Anecdotum Venetum, le Sur les signes cri-tiques d’Héphestion et une autre semblable liste anonymede signes critiques 23 ; et les deux dernières offrent le texted’ouvrages déjà imprimés, pour lesquelles Villoison avaitétudié davantage de codices grecs : celle du De natura deorumde Cornutus, qui repose sur les leçons de 12 manuscrits 24 ;et celle du Daphnis et Chloé de Longus [Fig. 7-8], dont letexte est fondé sur la collation directe des Paris, BnF, Ms. gr.2895 (XVIe s.), 2903 (XVIe s.) et 2913 (XVIe s.) 25. Toutes ceséditions ont une qualité commune : ce ne sont jamais de

    Préface 15

    De Eudociae quod fertur Violario, Argentorati, 1880 ; et « Zu Eudocia. Constanti-nus Palaeocappa, der Verfasser des Violariums », Hermes 17 (1882), p. 177-192.23. Voir Villoison, Apollonii Sophistae Lexicon graecum Iliadis et Odysseae, LutetiaeParisiorum, 1773, t. II, p. 889-920 ; « Fragmenta duo Plutarchi e codice regioParisino 1955 », in J. J. Reiske, Plutarchi volumen decimum, Lipsiae, 1778, p. 807-813 ; Anecdota graeca, Venetiis, 1781, t. I, p. 1-442 et t. II, p. 1-79, p. 21-26, p. 28-45, p. 52-65, p. 79-85, p. 87-97, p. 103-118, p. 138-143, p. 172-175, p. 178-188,p. 188-225 et p. 227-242 ; Epistolae Vinarienses, Turici, 1783, p. 115-118 ; Novaversio graeca Proverbiorum, etc., Argentorati, 1784, p. 3-213 ; et Homeri Ilias,Venetiis, 1788, t. I, p. LIX-LX et p. LX, n. 1 et t. II, p. 3-532. Ces ouvrages ont res-pectivement été édités par Villoison d’après les manuscrits suivants : Paris, BnF,Ms. gr. 2684 (XIVe s.) et 2766 (XIVe s.) ; 1955 (XIIe s.) ; 3057 (XVIe s.) ; Venise, BNM,Ms. gr. 452 (XIVe s.) ; 428 (XIVe s.) ; Paris, BnF, Ms. gr. 2967 (XVIe s.) ; Venise, BNM,Ms. gr. 446 (XIVe s.) ; 512 (XIIIe s.) ; 489 (XIVe s.) ; XI. 4 (XVe s.) ; 243 (XVe s.) ; 243 et244 (XVe s.) ; Paris, Bnf, Ms. gr. 2102 (XVIe s.) et 2603 (XVIe s.) ; Venise, BNM, Ms.gr. 7 (XIVe s.) ; 453 (XIe s.) et 454 (Xe s.) ; 483 (XIVe s.) ; et 480 (XVe s.).24. Ce sont les Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Ms. gr. 567 (XVIe s.), les Flo-rence, BML, Ms. gr. Plut. 31.37 (XIVe s.), 56.20 (XVe-XVIe s.), 57.24 (XIVe s.), 58.13(1491), 60.19 (XVe s.) et les Paris, BnF, Ms. gr. 2551 (XVe s.), 2720 (XVe s.), 2860(XVe s.), 3052 (XVe-XVIe s.), 3076 (XVIe s.) et 3078 (XVIIe s.).25. Villoison, Longi Pastoralium de Daphnide et Chloe libri quatuor, Parisiis,1778 ; et Animadversiones ad Longi Pastoralium de Daphnide et Chloe libros qua-tuor, Parisiis, 1778.

  • simples rééditions d’une vulgate (le texte de l’editio princeps,établi par quelque humaniste sur un manuscrit récent, doncfacile à lire, reproduit et remanié d’une édition à l’autre)que Villoison se serait borné (à l’instar de ses contempo-rains) 26 à revoir et corriger ope ingenii ou coniecturae (grâceaux ressources subjectives de la critique conjecturale). Ellesconsistent au contraire en la transcription inédite d’untexte manuscrit de la meilleure qualité possible, amélioré opeingenii ou ope codicum (grâce aux ressources objectives procu-rées par d’autres textes manuscrits que Villoison collationnait

    16 Le Voyage à Venise

    26. Voir S. Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 19-21 et la n. 3.

    Figure 8. Villoison, Adnimadversiones ad Longi Pastoralium de Daphnide et Chloe libros IV, Parisiis, 1778, p. 1

  • intégralement) 27 : en cela, elles n’ont rien à envier aux plusmodernes éditions de son temps ( J. A. Ernesti), ni à celles desdeux générations suivantes (F. A. Wolf et G. Hermann) 28.Depuis le milieu du XIXe siècle (l’« âge d’argent » de B. Hem-merdinger), on considère certes que la critique des textes doitprocéder en deux temps : la recension (recensio), qui consiste enun examen de la tradition manuscrite (réunion, classementgénéalogique et sélection des manuscrits) 29 et l’émendation(emendatio), qui « consiste en la correction des passages cor-rompus ou présumés être tels » 30. Mais à l’époque de Villoi-son, fort peu de classicistes se préoccupaient de recension 31 :c’est des biblistes que « l’exigence d’une étude généalogiquedes manuscrits » est passée aux philologues classiques del’Allemagne 32. De toute évidence, Villoison ne se préoccu-pait pas davantage que J. Le Clerc, avant lui, ou queG. Hermann et I. Bekker, après lui, de généalogie desmanuscrits 33 : il cherchait certes à voir le plus grand nom-bre possible de codices des auteurs qu’il éditait, à les colla-tionner et à en enrichir le texte et les notes de ses éditions,mais il faisait la même chose avec leurs éditions antérieureset fouillait aussi toute la littérature antique et médiévalepour rassembler les témoins de la tradition indirecte oùpuiser de bonnes leçons ; et il recherchait dans toute labibliographie philologique passée les conjectures des phi-lologues qui l’avaient précédé 34. Ce faisant, il s’inscrivait

    Préface 17

    27. Voir S. Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 21-38 ; et E. J. Kenney, TheClassical Text, Berkeley, 1974, p. 21-74.28. Voir S. Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 58-60.29. Voir par exemple P. Collomp, La critique des textes, Paris, 1931, p. 20.30. M. Scialuga, Introduzione allo studio della filologia classica, Alessandria, 2003,p. 47 ; voir aussi R. Tarrant, Texts, Editors, and Readers, Cambridge, 2016, p. 49-84.31. S.Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 39 ; et G. Pasquali, Storia della Tradi-zione et critica del testo (1934), Firenze, 19522, p. 8.32. S. Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 61-64.33. Voir S. Timpanaro, La genèse, Paris, 2016, p. 46, p. 65-66.34. Voir Villoison, Longi Pastoralium lib. IV, Parisiis, 1778, p. II : « Je t’offre, lecteurérudit, un texte de Longus presque neuf, éclairé et corrigé en une infinité d’endroits

  • dans la tradition hollandaise de l’editio variorum (editio cumnotis variorum) 35, qu’il faisait lui-même remonter jusqu’à laphilologie alexandrine, dont le Venetus A nous auraitconservé « l’Homerus variorum » 36. Villoison n’en fut pasmoins un grand éditeur, car sa pratique ecdotique était fon-dée sur une connaissance peu commune des manuscrits(paléographie) et de la langue grecs (linguistique), sur uneexigence insigne en matière de critique verbale et d’exé-gèse, et sur une érudition extraordinaire.Au philologue qui se propose de publier des textes iné-

    dits s’impose en effet l’obligation de lire les manuscrits quiles conservent : il lui faut être un paléographe aguerri, car ilest bien plus difficile de déchiffrer pour la première fois lesgraphies d’un codex byzantin ou humanistique que d’y véri-fier les lectures d’un précédent éditeur. P.Maas affirmait en1924 qu’« aucun paléographe » n’avait « vu l’ensemble desprincipales collections de manuscrits grecs » et qu’aucunn’avait « exploré le fonds de plus d’un ou deux pays » 37.Villoison fut assurément une exception, car à l’âge de35 ans, il avait déjà dépouillé les collections de manuscrits

    18 Le Voyage à Venise

    par la plus scrupuleuse collation de huit manuscrits et de sept éditions, par nosconjectures et nos remarques, quelle qu’en soit la valeur, et par celles d’hommes debien plus d’autorité, qu’elles soient encore inédites, comme celles des très célèbresL. C. Valckenaer, D. Wyttenbach, H. Tollius, N. Hinlopen, P.-H. Larcher,P.-D. Huet, etc., ou qu’elles aient déjà été éditées, mais que la plupart en soient dis-persées dans divers livres, comme celles des très célèbres F. L. Abreschius,J. Alberti, J.-É. Bernard, S. Bergler, B. G. L. Boden, R. Colombani, G. d’Arnaud,J.-Ph. d’Orville, L.Dutens, B. Elsner, D. Heinsius, T. Hemsterhuis, J.M. Heusin-ger, G. Jungermann, G. Koen, J. D. van Lennep, J. Markland, P. Moll, M.-A.Muret, son premier éditeur parisien, J. J. Reiske, J. F. Reitz, D. Ruhnken, L. Rho-domann, J. Toup, F. Orsini, P. Vettori, Th. Warton, P. Wesseling, etc. ; par larecherche empressée des sources dont Longus a irrigué ses jardinets, par la compa-raison continuelle des passages similaires et des imitations, par l’explication desanciens rites, des amours attiques et de la propriété des mots, et par le choix soi-gneux des leçons, des interprétations et des observations » (TdÉ).35. Voir R. Pfeiffer, History of Classical Scholarship (1300-1850), Oxford, 1976,p. 162.36. Villoison, « Relation d’un voyage littéraire fait à Venise », § 22.37. P. Maas, «Griechische Paläographie », in A. Gercke & E. Norden, Einlei-tung in die Altertumswissenschaft, Leipzig-Berlin, 19243, t. I/9, p. 69, § 2.

  • grecs de la France (Paris) 38, de Venise 39 et de la Grèce 40 :en 1771, il avait publié un très moderne Alphabet du manus-crit de la bibliothèque de Coislin (le Paris, BnF, Ms. Coislin345, du Xe s.) qui en présentait « le tracé de chaque lettre »,« les plus notables et plus rares ligatures », les « formes prisespar la terminaison des mots » et un spécimen de l’écrituredu copiste (la lettre Ω du Lexique) [Fig. 9-10] 41 ; dès lemois de juin 1780, il envisageait de composer une Paléogra-phie grecque critique qui puisse avantageusement remplacerla Palaeographia Graeca (1707) 42 de B. de Montfaucon 43 :l’« Index » de ses Anecdota graeca (1781) contient ainsi unefoule de « remarques étendues sur la paléographie » 44 ; et s’ilne la publia finalement jamais, il reste cependant des tracesde ses travaux préliminaires à la BnF : des notes sur « l’or-thographe alexandrine » pleines d’intérêt pour le paléo-graphe (« confusion des voyelles ») ou des « référencesbibliographiques relatives à la paléographie » 45 ; et le Paris,BnF, Ms. Suppl. gr. 989 46 n’est autre que l’exemplaire de « la

    Préface 19

    38. Voir Villoison, «À Wyttenbach » (été 1778), Paris, BnF, Ms. NAF 168, f. 90v :« la Bibliothèque du Roi dont j’ai parcouru presque tous les manuscrits ».39. Voir Villoison, «À Wyttenbach » (25 déc. 1779), Paris, BnF, Ms. NAF 168,f. 46v-47 ; et « À Hennin » (déc. 1779), cité dans Ch. Joret, Villoison, Paris, 1910,p. 168 : « Je ne veux pas sortir de Venise, où je ne dois pas retourner, avant d’avoirexaminé à fond tous les manuscrits de S. Marc. »40. Voir Villoison, «Orthographe Alexandrine », Paris, BnF, Ms. Suppl. gr. 933,f. 15 : « lorsque j’examinais les manuscrits des bibliothèques de Paros, du MontAthos, de Patmos, de tout l’Archipel et d’une partie de la Morée » ; et Villoison,De l’Hellade à la Grèce, Hildesheim, 2006, p. 18.41. Villoison, Alphabetum codicis Bibliothecae Coislinianae, Parisiis, 1771[= Villoison, Apollonii Sophistae Lexicon graecum Iliadis et Odysseae, Lutetiae,1773, t. II, pl. I-IX].42. B. de Montfaucon, Palaeographia greca, Paris, 1708.43. Voir Ch. Joret, « La paléographie grecque de Villoison », RPh 32 (1908),p. 175-180, dont on montrera ailleurs que les conclusions sont erronées ; etVilloison, Paris, 1910, p. 190-191.44. Villoison, «À Castillon » (2 mars 1780), Histoire de l’Académie royale dessciences et belles-lettres, Berlin, 1781, p. 33.45. Elles sont conservées dans les Paris, BnF, Ms. Suppl. gr. 933, f. 14-35 et 935,f. 269-278.46. Voir Ch. Joret, « La paléographie grecque de Villoison », RPh 32 (1908),p. 179-180.

  • 20 Le Voyage à Venise

    Figure 9Villoison, Apollonii Sophistae Lexicon graecum Iliadis et Odysseae, Lutetiae, 1773, t. II, pl. I

  • Préface 21

    Figure 10Villoison, Apollonii Sophistae Lexicon graecum Iliadis et Odysseae, Lutetiae, 1773, t. II, pl. II

    Page vierge