Le XIXe Siecle Litteraire

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    UNIT 1 : Le XIXesicle approche globale

    Les limites chronologiquescommunment assignes ce sicle littraire stendentde 1789 1914 ; aussi le XIXe sicle a-t-il t considr comme la plus longue tape delhistoire littraire franaise. Le tableau des dates essentielles qui jalonnent lhistoire de la

    socit franaise pendant cette priode illustre de faon vidente le parcours de la sensibilitlittraire :1800Napolon Bonaparte, sacr empereur en 1804, sempare du pouvoir et fait la

    conqute de presque toute lEurope. Cette priode est connue dans lhistoire sous le nomdEmpire. Bonaparte supprime les liberts acquises par les citoyens franais au moment de laRvolution de 1789, ce qui ramne progressivement la France une monarchie absolue;

    1815 la France est vaincue par les Anglais et les Prussiens lors de la bataille deWaterloo (droule le 18 juin 1815), qui est perue comme un dsastre provoquant la chutede Napolon Bonaparte. Les Bourbons reviennent au trne, ce qui donne cette priodehistorique le nom de Restauration. On assiste au rgne de Louis XVIII, suivi par celui deCharles X, dont le rgne provoque de vifs mcontentements de la population parisienne,

    qui se rvolte et dresse des barricades; 1830pendant trois jours, (les Glorieuses ), les 27, 28 et 29 Juillet, cest

    linstauration de la Monarchie de Juillet, lors de laquelle Louis-Philippe remplace lamonarchie dite de doit divin par la monarchie dite bourgeoise des Orlans ;

    1848Napolon Bonaparte proclame la IIe Rpublique, ce qui met fin laMonarchie de Juillet ;

    1852 Louis Napolon Bonaparte (Napolon III) sempare du pouvoir et rgnependant une vingtaine dannes, jusquen 1870 ;

    1870la guerre franco-prussienne, double par la capitulation des Franais Sedan1.Le gouvernement provisoire install pendant ces moments dramatiques est prt abandonnerle pays aux mains des envahisseurs trangers, aussi la population parisienne se soulve-t-ellede nouveau pour proclamer la Commune de Paris et ensuite la III e Rpublique, forme degouvernement de la France moderne.

    La littrature est un miroir de la socit, elle est troitement lie au contexte qui la voitnatre (par exemple, lEmpire de 1800 est porteur des rves de toute une gnrationimpatiente ; lanne 1815 qui marque, comme on a dj vu, la chute de lEmpire et laRestauration est perue comme dcevante et conformiste et on la reprsente dans le planlittraire comme une domination de lexaltation du moi et de lindividualisme. Les crivainsdu moi Chateaubriand, Senancourveulent compenser la morosit de la vie par la crationlittraire. Les Rvolutions de 1830 et 1848 voient natre des expriences nouvelles, suivies dedsenchantements explicables par le fait que la IIe Rpublique ne dure pas. Les ralistes

    veulent faire concurrence lHistoire ou lEtat civil. Les naturalistes transposent dans leursuvres littraires le triomphe de la bourgeoisie et de la classe moyenne et la mise en place delindustrie capitaliste. Le dernier tiers du sicle est vu comme une volont de faire de lalittrature lapplication du positivisme2 cest le cas de Zola et de Maupassant. En outre, en1870, aprs la chute du IIeEmpire, les aspirations dmocratiques de 1789 se concrtisent sousla forme de la IIIeRpublique). On se rend donc facilement compte que la littrature suit ettraduit son poque, tout en rvlant les interrogations multiples de lcrivain sur ses raisons de

    1Cette circonstance historique se trouve la source du calembour Napolon, cdant Sedan, cda ses dents.

    2 Le positivisme est une cole philosophique reprsente par Auguste Comte, selon laquelle la science est le

    point le plus avanc de la connaissance. Comte propose de transformer la socit en changeant en un premier

    lieu les mentalits; cest pourquoi il invente les mthodes de la sociologie. Sa thorie est retenue pour son apportscientifique et domine la philosophie des intellectuels du second Empire, qui y puisent la certitude que la science

    exige une manire de penser indpendante des dogmes et des prjugs.

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    transformer le rel en fiction. Tous ces bouleversements politiques et sociaux ont desrpercussions sur la production littraire.

    Dautre part, on assiste au XIXesicle une prodigieuse acclration des sciences et audplacement des limites de la connaissance. On enregistre toute une srie de dcouvertestechniques, parmi lesquelles lesplus importantes visent linvention de la machine vapeurs3,

    du gnrateur pour lnergie (le moteur lectrique, Gramm, 1869), de lantenne (par le RussePopov), de la photographie (la lumire peut tre retenue sur le papier), du phonographe (parlAmricain Thomas Edisson), du tlgraphe (appareil permettant transmettre les messagesinstantanment, invent par Wheatstone en 1838), du tlphone (Alexandre Graham Bell,1876), du cinma (par Louis et Auguste Lumire4), la dcouverte des anesthsiques, denouveaux matriaux et de nouvelles techniques de construction (le ciment de Portland, lacideau contenu diminu de charbon, les ponts suspendus, les gratte-ciels etc.). De nouvellesthories sont mises en uvre: celle de lvolution humaine de Charles Darwin (1859), lathorie cellulaire des plantes et des animaux de Schreiden et Schwann, la thoriemicrobienne (dans la mdecine) et llectromagntisme (la dcouverte des liaisons entrellectricit et le magntisme).

    Mais il faut observer que lhomme et les sciences dites humaines occupent uneposition de choix dans ce tourbillon dinformations. Lhomme devient un objetdinvestigation scientifique, car de nouveaux champs dinterrogation souvrent son sujet.Jusquau XVIIIesicle, il tait considr comme un tre homogne, faisant harmonieusement

    partie de lunivers; on lui dessine ds 1800 une nouvelle reprsentation et il apparat commeun individu divis, problmatique, qui cache des profondeurs insouponnes. Aussi acquiert-ilsur le plan littraire limage de lhomme sensible et timide, surtout dans la premire moiti dusicle5.

    UNIT 2 : LE ROMANTISME

    Le Romantismeapparat au XIXesicle comme une esthtique ouverte, qui porte sesregards la fois sur le monde extrieur, et sur les profondeurs mystrieuses du moi 6. Ilsinstaure dans le domaine littraire comme une rvolution contre le got classique 7 et

    propose des lois qui proclament la libert cratrice8comme principe esthtique essentiel.Le critique Philippe van Tieghem considre que la doctrine romantique stablit en

    France en deux temps : la premire priode est domine par Mme de Stal, tandis que ladeuxime, qui dure de 1820 1830, sorganise autour de la figure de Victor Hugo et de sesobjectifs essentiels : le renouvellement de la technique du thtre, la proposition dun nouvelidal pour la prose, le travail hardi sur la nature de la posie etc. Van Tieghem ajoute quil y aencore une tape, que va de 1830 1850, pendant laquelle on assiste au renouvellement du

    contenu dune uvre littraire et ltablissement dune philosophie romantique.Le Romantisme, situ entre 18209 et 1850, couvre la fin de la Restauration, laMonarchie de Juillet (le rgne de Louis-Philippe) et le dbut de la IIeRpublique. Il devient

    3Cette invention a permis la naissance du chemin de fer.

    4On leur doit aussi le premier procd commercial de photographie en couleurs (1903).

    5La Renaissance avait impos lidal humain du courtisan, le XVIIesicle celui de lhonnte homme, tandis

    que les Lumires avaient promu limage du philosophe militant. Dans la deuxime moiti du XIX e sicle estpropos lidal humain du savant et du prophte.6

    Philippe van Tieghem,Les grandes doctrines littraires en France, P.U.F, Paris, 1993, p. 160.7Le classicisme est une doctrine littraire fonde sur lordre, la clart et la discipline.

    8

    La conclusion de Van Tieghem est trs intressante: il affirme que le Romantisme est la continuation etllargissement du classicisme (op. cit., p. 158).9Cette limite initiale du courant est reprsente par la parution desMditations de Lamartine.

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    lun des grands moments de croissance et de renouvellement de la civilisation europenne,une haute poque de laventure occidentale de lhomme10.

    Les manifestations du Romantisme sont visibles lintrieur des foyers damiti quise sont forms au dbut du XIXesicle et qui rassemblaient des potes, des prosateurs, des

    peintres et des sculpteurs autour dun objectif commun: labolition des contraintes surannes.

    Les conservateurs. Le premier cnacle se constitue en 1820 chez Emile Deschamps, ose runit lquipe du Conservateur littraire et Vigny.Un deuxime groupe apparat en 1821 la Socitdes Bonnes Lettresqui rassemble

    un public de mondains et leur fait entendre confrences et lectures.Les libraux. En 1824, Charles Nodier runit la jeunesse romantique dans le salon de

    lArsenal, tous les dimanches soirs. Cest la grande boutique romantique , selon Musset.Nodier est nomm secrtaire de la bibliothque de lArsenal ; sa femme et sa fille Marieaccueillent les visiteurs. A ces runions participent des crivains, des critiques, des artistes detoutes tendances. Les principaux familiers du salon sont Victor Hugo, Alfred de Vigny,

    Lamartine lors de ses passages Paris; un peu plus tard, Mrime, Alexandre Dumas, Grardde Nerval, Thophile Gautier, Honor de Balzac, les peintres Delacroix et Boulanger, le

    sculpteur David dAngers, le graveur Devria. Mme si ces changes engendrent des pointsde vue prcis et de nouvelles perspectives, aucune doctrine densemble ne se dgage.

    En 1827, Hugo se convertit au libralisme et se rapproche du Globe. Il fonde un cnacleavec son ami Sainte-Beuve et organise des runions dans son appartement, rue Notre-Dame-des-Champs. Autour de lui se groupent presque tous les crivains clbres de sa gnration :Vigny, Musset, Gautier, Mrime, Dumas, Balzac, ainsi que de nombreux artistes.

    Les revues/journaux qui dfendent les principes de la nouvelle littrature sont : LeMercure du 19esicle ; Les Annales romantiques ; La Quotidienne ; Le Globe (fond enseptembre 1824 par Paul Dubois, groupait Stendhal et Mrime, qui voulaient relier leromantisme au libralisme. Il oppose son dogmatisme lclectisme de la Muse franaise etcontribue, par ses enqutes et par ses campagnes donner au mouvement une claireconscience de ses fins. Les crivains qui collaborent au Globe sont : Sainte-Beuve, Stendhalet Mrime. Ils dnoncent la tyrannie des rgles, revendiquent lindpendance en matire degot et russissent ainsi largir lhorizon littraire11) ; Le Conservateur littraire, fond

    par Victor Hugo en 1819 (il a 18 ans), avec ses frresans Abel et Eugne;La Musefranaise (fonde vers 1823 par Emile Deschamps, tait une publication catholique etconservatrice). Chaque numro contient, outre une rubrique de murs oriente vers la dfensedes ides monarchistes et chrtiennes, des pages en vers, o figurent les pomes de VictorHugo, dAlfred de Vigny et des pages critiques, o lon exalte Byron, Walter Scott,Shakespeare. Les rdacteurs de cette revue proclament la ncessite dun renouvellement delart, mais sont hostiles aux outrances.

    Entre le groupe du Globe (qui rassemblait des esprits libraux) et celui de la Musefranaise (reprsent par les conservateurs) il y avait de nombreuses divergences doriginepolitique, qui ont entran des inimitis littraires12.

    Pour embrasser le mouvement romantique dans sa complexit, il faudrait galementmentionner que tous ses traits drivent dune forte volont dindividualisme tous les

    10Cf. A. Biedermann, cit par Jean Raimond dans ***Prcis de littrature europenne, sous la dir. de Batrice

    Didier, PUF, 1998, chap. Le Romantisme europen, p. 363.11

    Un exemple en ce sens serait celui de Jean-Jacques Ampre, qui rvle au public franais les contesdHoffmann, en 1828.12

    Tout cela complique lunification des ides littraires. Ces deux groupes politiques opposaient les libraux

    dsireux de nouveauts littraires et les conservateurs, dont Chateaubriand est le porte-parole avec son journalLeConservateur, qui refusent de voir dans le Romantisme une Rvolution, mais un simple largissement duclassicisme.

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    caractres de linspiration, de lart et de lidologie romantiques peuvent tre dduits de cettedfinition.

    En 1843 anne marque par la chute du drame de Hugo, Les Burgraves13 lesnouvelles valeurs spirituelleslesprit positif, le ralisme et lavnement de Baudelaire fontcroire aux contemporains que les temps du romantisme taient rvolus. Dailleurs, lesprit

    mental de la deuxime moitie du XIXe

    sicle nest plus soumis un seul systme de valeurs.Les principes romantiquesla sensibilit, limagination, lexaltation du moi, le mal de vivre interfrent avec les concepts de la potique raliste la thorie de la mimesis et les rgles dela vrit dans lart.

    Groupement de textes observer et analyser

    Lme de la nature se fait connatre nous de toutes parts et sous mille formesdiverses. La campagne fertile, comme les dserts abandonns, la mer, comme les toiles, sontsoumises aux mmes lois; et lhomme renferme en lui-mme des sensations, des puissancesoccultes qui correspondent avec le jour, avec la nuit, avec lorage; cest cette alliance secrte

    de notre tre avec les merveilles de lunivers qui donne la posie sa vritable grandeur. Lepote sait rtablir lunit du monde physique avec le monde moral : son imagination forme unlien entre lun et lautre. (Mmede Stal,De lAllemagne, 1810)

    ***

    Il arrivera, je crois, une poque quelconque, oles lgislateurs philosophes donnerontune attention srieuse aux lois civiles qui les protgent, aux devoirs quil faut leur imposer, au

    bonheur qui peut leur tre garanti; mais dans ltat actuel, elles ne sont, pour la plupart, nidans lordre de la nature, ni dans lordre de la socit. Ce qui russit aux unes perd les autres ;les qualits leur nuisent quelquefois, quelquefois les dfauts leur servent; tantt elles sonttout, tantt elles ne sont rien. Leur destine ressemble, quelques gards, c elle desaffranchis chez les empereurs ; si elles veulent acqurir de lascendant, on leur fait un crimedun pouvoir que les lois ne leur ont pas donn ; si elles restent esclaves, on opprime leurdestine.(Mme de Stal,De la littrature, 1810)

    ***

    Je suis le premier qui ait fait descendre la posie du Parnasse et qui ait donn cequ'on nommait la muse, au lieu d'une lyre sept cordes de convention, les fibres mmes ducoeurde l'homme, touches et mues par les innombrables frissons de l'me et de la nature. (Alphonse de Lamartine,Mditations potiques, 1820)

    *** Lart ne fait que de vers. Le cur seul est pote.(Andr Chnier)

    UNIT 3 : LE PRROMANTISME

    Le Prromantisme (1800-1820) reprsente la priode de transition qui couvre laseconde moiti du XVIIIesicle, lEmpire et le dbut de la Restauration.

    La production littraire sous lEmpire a donn la postrit ses titres comme unecollection de prnoms: Corinne (1807), Adolphe (1816), Ren (1802), Oberman (1804), lesromans se prsentant comme libres rcits dun Moi qui se dit unique: Je dois rester, affirme

    13Cet chec reprsente un symptme du dclin de la littrature romantique.

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    le hros principal dOberman, quoi quil arrive, toujours le mme et toujours moi: tel que jeme sens, tel que je veux tre.

    Les traits des romans personnels :-laffirmation rsolue de loriginalit fondamentale de lindividu. Le retour du Moi

    seffectue sur tous les terrains, le romantisme allemand contribuant cet panouissement de

    lgotisme: Les souffrances du jeune Werther (1774) de Goethe influence les romanciersfranais au mme titre que les Confessions de Rousseau.-le culte du sentiment et de la sensibilit; ils oprent avec une nouvelle hirarchie des

    facults humaines, la premire place tant tenue non pas par la raison, mais par les valeursaffectives.

    -la suprmatie de limagination, considre comme facult essentiellement cratrice ;-la cration dune littrature du refuge (pass, histoire, nature, rve, amour). Ils

    imposent ainsi un type de lyrisme personnel, tout en exaltant le Moi, plac au centre delcriture. Ce lyrisme traduit aussi un large mouvement de communion avec la nature et aveclhumanit tout entire.Omniprsent dans ces rcits, le Moi se cherche et se dchire, en proie ses doutes ou ses dsirs contraires. Rien dtonnant, donc, que ces uvres soient

    dinspiration autobiographique. Lexemple de Chateaubriand est, cet gard, le plusreprsentatif. Avant dentreprendre la grande fresque des Mmoires dOutre-Tombe, o ilvoudra expliquer son inexplicable cur, il avait essay dans Rendlucider cet trangesentiment dangereux et dlicieux la fois, le vague des passions , qui implique lexistencedun Moi souffrant aussi. Ennui, insatisfaction, impuissance, complaisance narcissique,sentiment de frustration et dincomprhension, sentiments complexes dont lanalyse se faitdouloureusement, voil, en grand, les coordonnes majeures de ce que Chateaubriand appelle vague des passions , mal du sicle et Benjamin Constant, une des principalesmaladies morales du sicle.

    Franois-Ren de Chateaubriand connat une adolescence rveuse et mlancolique,sous lautorit dun pre triste et distant, vieil aristocrate ruin fig dans les prjugs de sacaste. Son uvre, dune importance fondamentale pour le dveloppement du romantisme, esttroitement lie lhistoire de son temps.La Rvolution le contraint senfuir. Li lAncienRgime par ses origines et son ducation dans le vieux manoir seigneurial de Combourg (enBretagne), Chateaubriand connat lmigration et ses misres: Il part en Amrique (1791) puissexile Londres (1793-1800), aprs avoir combattu dans larme des migrs. Cest cettepoque quil commence crire. Lhostilit de Napolon 1er lui vaut bien des dboires et ildoit vite renoncer la charge dambassadeur Rome (1804). Il achve son existence dans unesolitude ombrageuse, se consacrant surtout la rdaction des ses Mmoires doutre-tombe.Cet homme qui vcut persuad dtre lun des derniers reprsentants dun monde rvolu,gar dans laube des temps modernes, meurt Paris, lge de quatre-vingts ans.

    Analysant le vague des passions , lauteur y voit un vritable mal du sicle,fatalement prpar par la destruction des anciennes valeurs et par laffaiblissement dumysticisme chrtien. Il contribue par l populariser quelques-unes des ides les plusimportantes du courant romantique, dj rpandues en Europe parLes Souffrances du jeuneWertherde Goethe.

    Atala ouLes Amours de deux sauvages dans le dsert est un rcit marqu par linfluencedu roman exotique de la fin du XVIIIe sicle (Paul et Virginie) et par le mythe du bonsauvage, mais il rvle surtout aux contemporains lenvotement dune prose potique

    parfaite: par lharmonie des sonorits, le style de Chateaubriand suggre la beaut despaysages amricains comme lardeur des passions; Chactas, vieillard aveugle, y raconte sa vie Ren, jeune Franais venu chercher aux Amriques un soulagement aux passions qui lui

    rongent le cur.

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    Le roman Ren est une sorte de confession o le hros veut faire comprendre lessentiments confus et douloureux qui lobsdent depuis lenfance, son dgot profond delexistence: Mon chagrin tait devenu une occupation qui remplissait tous mes moments:tant mon cur est naturellement ptri dennui et de misre. Il est un jeune hommetourment, victime du vague des passions et dont lexistence est voue au malheur. Mme

    si Chateaubriand condamnera plus tard les rveries mlancoliques de son hros, toute unegnration se reconnatra en Ren dont le dsespoir et lennui dfinissent le mal du sicle:Je vois un jeune homme entt de chimres, qui tout dplat, et qui sest soustrait aux

    charges de la socit pour se livrer dinutiles rveries, dit, un moment donn, le preSoul. On nest point, monsieur, un homme suprieur parce quon aperoit le monde sous un

    jour odieux. On ne hait les hommes et la vie que faute de voir assez long. tendez un peuvotre regard, et vous serez bientt convaincu que tous ces maux dont vous vous plaignez sontde purs nants Que faites-vous seul au fond des forts o vous consumez vos jours,ngligeant tous vos devoirs? La solitude est mauvaise celui qui ny vit pas avec Dieu ()Quiconque a reu des forces doit les consacrer au service de ses semblable; sil les laisseinutiles, il en est dabord puni par une secrte misre, et tt ou tard le ciel lui envoie un

    chtiment effroyable.Lauteur, lui-mme, il y ajoutera plus tard, dans sesMmoires dOutre-Tombe:Si Ren nexistait pas, je ne lcrirais plus; Sil mtaitpossible de le dtruire, je le

    dtruirais: il a infest lesprit dune partie de la jeunesse, effet que je navais pu prvoir, carjavais au contraire voulu le corriger. Une famille de Ren potes et de Ren prosateurs apullul; on na plus entendu bourdonner que des phrases lamentables et dcousues; il na plust question que de vents dorage, de maux inconnus livrs aux nuages et la nuit; il ny a pasde grimaud sortant du collge qui nait rv dtre le plus malheureux des hommes, qui, 16ans, nait puis la vie, qui ne se soit cru tourment par son gnie, qui, dans labme de ses

    penses, ne se soit livr au vague de ses passions () qui nait tonn les homme stupfaitsdun malheur dont il ne savait pas le nom, ni eux non plus.

    Le Gnie du Christianisme, dont la parution concide avec le Concordat et la restaurationdu culte catholique, marque le retour du sentiment religieux. Sadressant, non la raison, mais la sensibilit et limagination, Chateaubriand veut ramener ses lecteurs au christianisme enexaltant ses beauts et sa valeur civilisatrice.

    Sur le plan littraire, Chateaubriand affirme la supriorit des auteurs modernes sur lesAnciens parce que la religion chrtienne leur permet dapprofondir la connaissance de lmehumaine. Le christianisme, la peinture dune nature dont la beaut prouve lexistence de Dieusont donc les sources dinspiration privilgies des artistes modernes et Chateaubriand criten 1808 une pope chrtienne,Les Martyrs ; rompant avec les traditions classiques,Le Gniedu Christianisme entendait ainsi ouvrir une voie nouvelle.

    Les Mmoires dOutre-Tombeest un ouvrage entrepris ds 1807 et acheve en 1841, quine parut quaprs la mort de son auteur, sous forme de feuilleton, dans le journal Presse(1848-1850).Les Mmoires ne sont pas seulement une autobiographie, rflchissant sur sondestin, dressant un parallle entre lui et Bonaparte. Chateaubriand nous livre une vastemditation sur lhistoire et donne de remarquables portraits de ses contemporains. Par lescorrespondances tablies entre des impressions ressenties plusieurs moments de sa vie, ilcommence une analyse de la mmoire sensitive que luvre de Proust reprendra.

    Luvre comporte quatre parties:Dans la premire partie, lvocation de la jeunesse et des voyages de lcrivain (1774 -

    1799) trouve ses moments forts dans les souvenirs de lenfance Combourg. La relation dusjour en Amrique est aussi le sujet de quelques grandes pages.

    La seconde partie peint les dbuts littraires de Chateaubriand et analyse la gense deses ides et de ses premiers ouvrages (1800-1814).

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    Lhistoire reprend le devant de la scne dans la troisime partie. Lauteur y distinguedeux priodes, lEmpire (1800-1815) et la Restauration (1815-1830). Tout en criblant de sestraits le rgime imprial, Chateaubriand avoue une certaine admiration pour Bonaparte, dontle gnie fait mieux ressortir ses yeux la terrible mdiocrit des hommes acquis lamonarchie.

    La quatrime partie constitue une sorte de bilan. Elle embrasse dans une vaste synthsela vie de Chateaubriand tout entire et la met en perspective dans le cours de lhistoire, o il at tmoin et acteur.

    crits en pleine priode romantique, Les Mmoires dOutre-Tombe traduisent le parfaitachvement du style de Chateaubriand et restent un tmoignage trs vivant sur son poque.Plus quune simple autobiographie, cet ouvrage fait du temps historique lui-mme, interfrantdans lexprience vcue, un matriau potique et romanesque:

    Le rledcisif des romanciers du moi a t de systmatiser les choix, les principes etles obsessions de toute la gnration romantique. Senancour, Madame de Stal, BenjaminConstant ou Chateaubriand affirment pour la premire fois la dtermination et lesdchirements du XIXesicle.

    Groupement de textes observer et analyser

    Ce jour, je mgarais sur de grandes bruyres termines par des forts. Quil fallaitpeu de chose ma rverie: une feuille sche que le vent chassait devant moi, une cabanedont la fume slevait dans la cime dpouille des arbres, la mousse qui tremb lait au souffledu nord sur le tronc dun chne, une roche carte, un tang dsert o le jonc fleurimurmurait ! Le clocher militaire, slevant au loin dans la valle, a souvent attir mesregards ; souvent jai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tte.Je me figurais les bords ignores, les climats lointains o ils se rendent ; jaurais voulu tre surleurs ailes. Un secret intime me tourmentait ; je sentais que je ntais moi-mme quunvoyageur ; mais une voix du ciel semblait me dire : Homme, la saison de ta migration nest

    pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lve, alors tu dploieras ton vol vers cesrgions inconnues que ton cur demande.

    Levez-vous vite, orages dsirs, qui devez emporter Ren dans lesespaces dune autrevie ! Ainsi disant, je marchais grands pas, le visage enflamm, le vent sifflant dans machevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchant, tourment, et comme possd par le dmonde mon cur. (Chateaubriand,Ren)

    ***

    Il reste parler dun tat de lme qui, ce nous semble, na pas encore t observ :cest celui qui prcde le dveloppement des passions, lorsque nos facults, jeunes, actives,

    entires, mais renfermes, ne se sont exerces que sur elles-mmes, sans but et sans objet.Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet tat du vague des passions augmente ; car ilarrive alors une chose fort triste : le grand nombre dexemples quon a sous les yeux, lamultitude de livres qui traitent de lhomme et de ses sentiments rendent habile sansexprience. On est dtromp sans avoir joui; il reste encore des dsirs, et lon na plusdillusions. Limagination est riche, abondante et merveilleuse; lexistence pauvre, sche etdsenchante. On habite avec un cur plein un monde vide, et sans avoir us de rien on estdsabus de tout. (Chateaubriand, Gnie du christianisme, 1802)

    ***

    Hier au soir je me promenais seul ; le ciel ressemblait un ciel d'automne ; un ventfroid soufflait par intervalles. A la perce d'un fourr, je m'arrtai pour regarder le soleil : il

    s'enfonait dans des nuages au-dessus de la tour d'Alluye, d'o Gabrielle, habitante de cette

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    tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et

    Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mmoires seront publis.Je fus tir de mes rflexions par le gazouillement d'une grive perche sur la plus haute

    branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparatre mes yeux le domainepaternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'tre le tmoin, et, transport subitement

    dans le pass, je revis ces campagnes o j'entendis si souvent siffler la grive. Quand jel'coutais alors, j'tais triste de mme qu'aujourd'hui. Mais cette premire tristesse tait cellequi nat d'un dsir vague de bonheur, lorsqu'on est sans exprience ; la tristesse que j'prouveactuellement vient de la connaissance des choses apprcies et juges. Le chant de l'oiseaudans les bois de Combourg m'entretenait d'une flicit que je croyais atteindre ; le mmechant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus la poursuite de cetteflicit insaisissable. Je n'ai plus rien apprendre, j'ai march plus vite qu'un autre, et j'ai faitle tour de la vie. Les heures fuient et m'entranent ; je n'ai pas mme la certitude de pouvoirachever ces Mmoires. Dans combien de lieux ai-je dj commenc les crire, et dans quellieu les finirai-je ? Combien de temps me promnerai-je au bord des bois ? Mettons profit le

    peu d'instants qui me restent ; htons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y touche

    encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchant, crit son journal la vuede la terre qui s'loigne et qui va bientt disparatre. (Chateaubriand, Mmoires doutre-tombe, I, 3, 1848)

    ***

    Javais, je crois, quatorze, quinze et dix-sept ans lorsque je vis Fontainebleu. Aprsune enfance casanire, inactive et ennuye, si je sentais en homme certains gards, jtaisenfant beaucoup dautres. Embarrass, incertain ; pressentant tout peut-tre, mais neconnaissant rien ; tranger ce qui menvironnait, je navais dautre caractre dcid quedtre inquiet et malheureux. La premire fois je nallai point seul dans la fort ; je merappelle peu de ce que jy prouvai, je sais seulement que je prfrai ce lieu tous ceux que

    javais vus, et quil fut le seul o je dsirai de retourner. Lanne suivante, je parcourusavidement ces solitudes ; je my garais dessein, content lorsque je napercevais aucunchemin frquent. Quand jatteignais lextrmit de la fort, je voyais avec peine ces vastes

    plaines nues et ces clochers dans lloignement. Je retournais aussitt, je menfonais dans leplus pais du bois; et quand je trouvais un endroit dcouvert et ferm de toutes parts, o je nevoyais que des sables et des genivres, jprouvais un sentiment de paix, de libert, de joiesauvage, pouvoir de la nature sentie pour la premire fois dans lge facilement heureux. Jentais pas gai pourtant : presque heureux, je navais que lagitation du bien-tre. Jemennuyais en jouissant, et je rentrais toujours triste. Plusieurs fois jtais dans les bois avantque le soleil parut. Je gravissais les sommets encore dans lombre ; je me mouillais dans la

    bruyre pleine de rose; et quand le soleil paraissait, je regrettais la clart incertaine qui

    prcde laurore. Jaimais les fondrires, les vallons obscurs, les bois pais; jaimais lescollines couvertes de bruyre; jaimais beaucoup les grs renverss et les rocs ruineux ;jaimais bien plus ces sables vastes et mobiles, dont nul pas dhomme ne marquait laridesurface sillonne a et l par la trace inquite de la biche ou du livre en fuite. Quand

    jentendais un cureuil, quand je faisais partir un daim, je marrtais, jtais assez bien, etpour un moment je ne cherchais plus rien. Cest cette poque que je remarquai le bouleau,arbre solitaire qui mattristait dj et que depuis je ne rencontre jamais sans plaisir. Jaime le

    bouleau ; jaime cette corce blanche, lisse et crevasse, cette tige agreste, ces branches quisinclinent vers la terre, la mobilit des feuilles, et tout cet abandon, simplicit de la nature,attitude des dserts. Temps perdus, et quon ne saurait oublier! Illusion trop vaine dune sensibilit

    expansive ! Que lhomme est grand dans son inexprience; et quil serait fcond, si le regardfroid de son semblable, si le souffle aride de linjustice ne venait pas scher son cur! Javais

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    besoin de bonheur. Jtais n pour souffrir. Vous connaissez ces jours sombres, voisins desfrimas, dont laurore elle-mme, paississant les brumes, ne commence la lumire que par destraits sinistres dune couleur ardente sur les nues amonceles. Ce voile tnbreux, ces rafalesorageuses, ces lueurs ples, ces sifflements travers les arbres qui plient et frmissent, cesdchirements prolongs semblables des gmissements funbres; voil le matin de la vie;

    midi, des temptes plus froides et plus continues ; le soir, des tnbres plus paisses ; et lajourne de lhomme est acheve. (Senancour, Oberman, Lettre XI, 1804)***

    La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives,parmi lesquels la caravane emplume, poules d'eau, sarcelles, martins-pcheurs, bcassines,se taisait ; le lac battait ses bords ; les grandes voix de l'automne sortaient des marais et des

    bois : j'chouais mon bateau au rivage et retournais au chteau. Dix heures sonnaient. A peineretir dans ma chambre, ouvrant mes fentres, fixant mes regards auciel, je commenais uneincantation. Je montais avec ma magicienne sur les nuages : roul dans ses cheveux et dansses voiles, j'allais, au gr des temptes, agiter la cime des forts, branler le sommet desmontagnes, ou tourbillonner sur les mers, plongeant dans l'espace, descendant du trne de

    Dieu aux portes de l'abme, les mondes taient livrs la puissance de mes amours. Au milieudu dsordre des lments, je mariais avec ivresse la pense du danger celle du plaisir. Lessouffles de l'aquilon ne m'apportaient que les soupirs de la volupt ; le murmure de la pluiem'invitait au sommeil sur le sein d'une femme. Les paroles que j'adressais cette femmeauraient rendu des sens la vieillesse, et rchauff le marbre des tombeaux. Ignorant tout,sachant tout, la fois vierge et amante, Eve innocente, Eve tombe, l'enchanteresse par quime venait ma folie tait un mlange de mystres et de passions : je la plaais sur un autel et jel'adorais. L'orgueil d'tre aim d'elle augmentait encore mon amour. Marchait-elle? Je me

    prosternais pour tre foul sous ses pieds, ou pour en baiser la trace. Je me troublais sonsourire ; je tremblais au son de sa voix, je frmissais de dsir, si je touchais ce qu'elle avaittouch. L'air exhal de sa bouche humide pntrait dans la moelle de mes os, coulait dans mesveines au lieu de sang. Un seul de ses regards m'et fait voler au bout de la terre ; quel dsertne m'et suffi avec elle ! (Chateaubriand,Mmoires doutre-tombe, I, 3, 1848)

    ***

    Bonaparte nest point grand par ses paroles, ses discours, ses crits, par lamour desliberts quil na jamais eu et na jamais prtendu tablir; il est grand pour avoir cr ungouvernement rgulier et puissant, un code de lois adopt en divers pays, des cours de justice,des coles, une administration forte, active, intelligente, et sur laquelle nous vivons encore ; ilest grand pour avoir fait renatre en France lordre, pour avoir relev les autels, pour avoirrduit de furieux dmagogues, dorgueilleux savants, des littratures anarchiques, des athesvoltairiens, des orateurs de carrefours, pour les avoir rduits servir sous lui ; il est grand

    surtout pour tre n de lui seul, pour avoir su, sans autre autorit que celle de son gnie, pouravoir su, lui, se faire obir par trente-six millions de sujets lpoque o aucune illusionnenvironne les trnes. (Chateaubriand, Mmoires doutre-tombe, livre XXIV de latroisime partie)

    ***

    Que ne puis-je menfermer dans cette ville en harmonie avec ma destine, dans cetteville des potes, o Dante, Ptrarque, Byron, passrent ! Que ne puis-je achever dcrire mes

    Mmoires la lueur du soleil qui tombe sur ces pages! Lastre brle encore dans ce momentmes savanes floridiennes et se couche ici lextrmit du grand canal. Je n e le vois plus ;mais travers une clairire de cette solitude de palais, ses rayons frappent le globe de laDouane, les antennes des barques, les vergues des navires, et le portail du couvent de Saint-

    Georges-Majeur. La tour du monastre, change en colonne de rose, se rflchit dans lesvagues ; la faade blanche de lglise est si fortement claire, que je distingue les plus petits

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    dtails du ciseau. Les encltures des magasins de la Giudecca sont peintes dune lumiretitienne, les gondoles du canal et du port nagent dans la mme lumire. Venise est l, assisesur le rivage de la mer, comme une belle femme qui va steindre avec le jour: le vent du soirsoulve ses cheveux embaums; elle meurt salue par toutes les grces et tous les sourires dela nature. (Chateaubriand,Mmoires doutre-tombe, livre VII de la quatrime partie)

    UNIT 4 : LE LYRISME ROMANTIQUE (I)

    Alphonse-Marie de Lamartine

    La jeunesse de Lamartine est exclusivement provinciale. Il voyage en Italie et en Suisse (1811-1815),

    connat une vie sentimentale particulirement agite. Ses uvres potiques lui assurent rapidement une grandeclbrit.

    Secrtaire dambassade Naples (1820), il se marie avec une riche Anglaise, Maria -Anna-Eliza Birch(1820). Il continue sillonner lEurope et publier des vers. 1830 le voit en mme temps entrer lAcadmiefranaise et renoncer sa carrire de diplomate. Il se range dans lopposition librale et conquiert une relle

    popularit. Quand la rvolution de 1848 renverse Louis-Philippe, il joue un rle important dans la naissance de laseconde Rpublique. Mais il prouve un chec svre lorsquil se prsente aux lections pour la prsidence de laRpublique. Il assiste, impuissant et dsabus, au coup-dtat de Louis Napolon Bonaparte (1851).

    Aigri et ruin, il doit vivre des seuls revenus de sa plume et mne une vie triste et obscure. Il meurt lge de soixante-dix-neuf ans.

    uvres principales : 1820: Mditations potiques; 1823: Nouvelles Mditationspotiques; 1830: Harmonies potiques et religieuses; 1835: Souvenirs, impressions, penseset paysages pendant un voyage en Orient; 1836: Jocelyn; 1838: La Chute dun ange; 1839:

    Recueillements potiques; 1847:Histoire des Girondins; 1856-1857:La Vigne et la Maison;1859: Cours familier de littrature.

    Lamartine donne ses contemporains le sentiment dune vritable rvolution potiqueen publiant en 1820 Les Mditations potiques qui ont connu immdiatement un succsimmense. Ce recueil est dabord lexpression de la douleur du pote dont lamour pour Elvire(Julie Charles dans la ralit) a t bris par la mort de celle-ci, tout comme du dsir deretrouver, avec la foi, la paix de lme.

    Les Mditationsexpriment, sur le ton de llgie:-les motions lies ce drame sentimental et la protestation devant la fuite implacable

    du temps (LIsolement, Le Lac);-lamour de la nature, la fois confidente et consolatrice, dont les paysages sont autant

    de reflets subtilement accords ltat dme du pote (Le Vallon, LAutomne);-linquitude religieuse dune me qui fait taire ses doutes pour chanter son besoin

    dinfini (LHomme, LImmortalit).

    Dveloppant tous les nouveaux thmes romantiques,Les Mditations sont encore, dansla forme, trs marques par le classicisme (priphrases, allusions mythologiques, invocationsoratoires) mais la musicalit du vers est souvent remarquable. Ce lyrisme lgiaque seretrouve dansLes Harmonies potiques et religieuses (1830) et, beaucoup plus tard, dans LaVigne et la Maison (1857).

    Le recueilHarmonies potiques et religieuses voudrait approfondir la rflexion djamorce dix ans plus tt, dans les Mditations potiques. Lauteur sy rapproche delhumanisme chrtien qui anime un fort courant de lopposition librale contre le rgime de laRestauration. Il prtend, dans sesHarmonies, avoir voulu reproduire un grand nombre desimpressions de la nature et de la vie sur lme humaine qui auraient toutes t se perdre etse reposer dans la contemplation de Dieu.

    Compose dune soixantaine de pomes rpartis en quatre livres, luvre est pleine dethmes gnralement chers Lamartine: lcoulement du temps, la mlancolie, les

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    touchants spectacles de la nature et linquitude mtaphysique: les destines de lhomme,sa place dans lunivers, son aspiration vers labsolu. Il dresse, dans ce recueil, une vritablesymphonie la gloire de Dieu, tout en y exprimant la scurit dune me qui croit laProvidence et qui se confie elle.

    On retrouve donc dans les Harmonies potiques et religieuses les lments

    fondamentaux dun romantisme dj fortement marqu dans les premiers vers du pote. Maisle lyrisme spanche l plus volontiers que labstraction philosophique et donne louvrageun aspect plus sincre et plus libre. Si la religion tient une place essentielle, ce nest pas entant que doctrine, mais plutt pour communiquer la parole potique la ferveur dun vritablelan mystique vers lidal et vers luniversel.

    Romantique par excellence, Lamartine cherche son inspiration surtout dans lamour, lamlancolie, la nature et la foi. Il crit une posie trs suggestive, dont la musicalit parfaite,lharmonie, la vigueur et la fluidit semblent traduire la musique de lme.

    Le moi parlant se trouve toujours au centre de lexpression potique. Il nest pas lesujet dune aventure personnelle, mais runit dans son expression luniversalit et lternit delhumanit immuable. Sans perdre sa force, le je peut tre dilu dans ses quivalences

    collectives ou impersonnelles, car tout sujet universel et immuable est confront auchangement du temps et du monde.

    Une large part de la potique lamartinienne rside dans la dialectique de lexpansioninfinie, qui peut avoir des formes diverses; dans le temps, cette dialectique se manifeste

    comme le dsespoir de la fuite du temps, oppos aux rgles de la fixit (Le Lac) et danslespace, elle se manifeste dans la prdilection pour certains endroits de recueillement, offrantune vritable protection du monde (Le Vallon).

    Les thmesprivilgis du lyrisme lamartinien sont:-la nature, place entre le foyer (ayant une valeur rassurante et nostalgique la fois, qui

    lui confre de la protection et de la chaleur) et le dsert (symbolisant les menaces obscuresdun monde aride, vide, triste).

    -le temps, reprsentant une vraie obsession; le pote traite de la fuite du temps et de seseffets dsastreux sur lhomme.

    -la nature phmre de lhomme, oppose la nature ternelle;-la mort, vue souvent comme un allgement des souffrances et comme une forme

    dvasion;-le sentiment religieux: parfois le pote entre en conflit avec le disme, rsum dans

    lopposition religion/foi. Dans le recueil Voyage en Orient, il fait lloge dune autre religion,en loccurrence dIslam, o il voit un catholicisme purifi; dans certains de ses pomes, ilretrouve la forme religieuse de linvocation ( Dieu, la vie, la mort, lme, au temps, lanuit).

    Dautres thmes rcurrents sont: le rve, lamour, le pass et lavenir, le souvenir delenfance, la condition humaine, la posie comme source dimmortalit, la condition delhomme suprieur.

    La force de la posie lamartinienne rside dans la nettet des images, dans la parfaitefluidit, dans la prcision des figures, dans la musicalit de ses vers etc.

    Sa posie ressemble celle de Racine: les concepts les plus familiers se mlent auxsubstances potiques qui ont surtout une valeur damplification et cela cre limpression dunacadmisme un peu prcieux.

    Pote du moi et de la cit, Lamartine a dot la posie romantique de deux territoireslyriques: le lyrisme personnel et linspiration sociale.

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    Groupement de textes observer et analyser

    Salut ! bois couronns d'un reste de verdure !Feuillages jaunissants sur les gazons pars !Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature

    Convient la douleur et plat mes regards !

    Je suis d'un pas rveur le sentier solitaire,J'aime revoir encore, pour la dernire fois,Ce soleil plissant, dont la faible lumirePerce peine mes pieds l'obscurit des bois !

    Oui, dans ces jours d'automne o la nature expire,A ses regards voils, je trouve plus d'attraits,C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire

    Des lvres que la mort va fermer pour jamais !

    Ainsi, prt quitter l'horizon de la vie,Pleurant de mes longs jours l'espoirvanoui,Je me retourne encore, et d'un regard d'envie

    Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

    Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

    Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;

    L'air est si parfum ! la lumire est si pure !Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

    Je voudrais maintenant vider jusqu' la lieCe calice ml de nectar et de fiel !Au fond de cette coupe o je buvais la vie,Peut-tre restait-il une goutte de miel ?

    Peut-tre l'avenir me gardait-il encoreUn retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?

    Peut-tre dans la foule, une me que j'ignoreAurait compris mon me, et m'aurait rpondu ? ...

    La fleur tombe en livrant ses parfums au zphire ;A la vie, au soleil, ce sont l ses adieux ;Moi, je meurs; et mon me, au moment qu'elle expire,S'exhale comme un son triste et mlodieux.(Alphonse de Lamartine,L'automne)

    ***

    Mon cur, lass de tout, mme de l'esprance,N'ira plus de ses vux importuner le sort ;Prtez-moi seulement, vallon de mon enfance,Un asile d'un jour pour attendre la mort.

    Voici l'troit sentier de l'obscure valle :Du flanc de ces coteaux pendent des bois pais,

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    Qui, courbant sur mon front leur ombre entremle,Me couvrent tout entier de silence et de paix.

    L, deux ruisseaux cachs sous des ponts de verdureTracent en serpentant les contours du vallon ;

    Ils mlent un moment leur onde et leur murmure,Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

    La source de mes jours comme eux s'est coule ;Elle a pass sans bruit, sans nom et sans retour :Mais leur onde est limpide, et mon me trouble

    N'aura pas rflchi les clarts d'un beau jour.

    La fracheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne,M'enchanent tout le jour sur les bords des ruisseaux,Comme un enfant berc par un chant monotone,

    Mon me s'assoupit au murmure des eaux.(Lamartine,Le Vallon)

    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny est le fils dun vieil officier de carrire et sa jeunesse fut berce par les gloires delEmpire. Malheureusement, il entre dans larme au dbut da la Restauration et, touffant dans la triste vie desgarnisons, il ny trouve aucune des satisfactions attendues. Il se met alors crire et frquente les milieuxromantiques, tout comme les cnacles conservateurs des frres Deschamps et de Hugo, o il lit en 1822 ses

    premiersPomes.Aprs avoir particip la lintervention avorte, en Espagne (1823), il se marie avec une jeuneAnglaise et quitte larme pour se consacrer la littrature.

    Ses romans, ses pomes et ses pices de thtre lui valent quelque succs. Il sprend de lact rice Marie

    Dorval avec qui il entretient une liaison dont il sort trs meurtri (1827 -1835). Sous la Monarchie de Juillet, descrises affectives (maladie de sa femme, liaison tourmente avec Marie Dorval et mort de sa mre) inscrivent soncriture sous le signe dun pessimisme encore plus profond.

    lu difficilement lAcadmie franaise (1845), il fait quelques incursions infructueuses dans la politique(1848-1849). Il se rfugie enfin dans une existence austre et secrte, composant des uvres qui ne seron t

    publies quaprs sa mort, survenue lge de soixante-six ans, un an aprs sa femme.Vigny a eu une existence marque par des dsillusions successives. Du dans sa vie militaire (voir son

    recueil de nouvelles Servitude et Grandeur militaire, 1835) comme dans ses ambitions politiques, il trouve sans

    doute une compensation dans la cration littraire.uvres principales : 1822: Pomes; 1826 (et complts en 1837): Les Pomes

    antiques et modernes et Cinq-Mars (roman historique); 1829: Othello (thtre); 1829: LeMore de Venise (drame); 1832: Stello (drame); 1835:Chatterton (drame); Servitude et

    grandeur militaires (rcits); 1835: 1843: La Mort du loup; 1844: Le Mont des Oliviers, LaMaison du berger; 1854:La Bouteille la mer; 1864: dition posthume du pomeLa Colrede Samson et du recueil desDestines; 1867:dition posthume duJournal dun pote.

    Tout en conservant les thmes principaux de ses contemporains (dsarroi moral,pessimisme, misre de la condition potique etc.),Les Pomes antiques etmodernesvoquentles grandes tapes de lhistoire de lhumanit. Recourant au procd du symbole, Vigny ydveloppe une rflexion philosophique sur le sens de la vie humaine: de ce recueil ingal sedtache notamment le pome Mose o Vigny fait du prophte biblique le symbole delhomme de gnie vou la solitude:

    Ce grand nom de Mose ne sert que de masque un homme de tous les sicles et plusmoderne quantique: lhomme de gnie, las de son ternel veuvage et dsespr de voir la

    solitude plus vaste et plus avide mesure quil grandit. Fatigu de sa grandeur, il demande lenant.

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    Mais toi, ne veux-tu pas, voyageuse indolente,

    Rver sur mon paule, en y posant ton front ?Viens du paisible seuil de la maison roulante

    Voir ceux qui sont passs et ceux qui passeront.

    Tous les tableaux humains quun Esprit pur mapporteSanimeront pour toi, quand, devant notre porte,Les grands pays muets longuement stendront.

    Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre

    Sur cette terre ingrate o les morts ont pass ;Nous nous parlerons deux lheure o tout est sombre,O tu te plais suivre un chemin effac,A rver, appuye aux branches incertaines,Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines,

    Ton amour taciturne et toujours menac.(Alfred de Vigny,La Maison du berger, extrait,

    1844)

    ***

    SI ton cur, gmissant du poids de notre vie,Se trane et se dbat comme un aigle bless,Portant comme le mien, sur son aile asservie,

    Tout un monde fatal, crasant et glac;Sil ne bat quen saignant par sa plaie immortelle,Sil ne voit plus lamour, son toile fidle,clairer pour lui seul lhorizon effac;

    Si ton me enchane, ainsi que lest mon me,Lasse de son boulet et de son pain amer,

    Sur sa galre en deuil laisse tomber la rame,Penche sa tte ple et pleure sur la mer,

    Et, cherchant dans les flots une route inconnue,

    Y voit, en frissonnant, sur son paule nue,La lettre sociale crite avec le fer;

    Si ton corps, frmissant des passions secrtes,Sindigne des regards, timide et palpitant;

    Sil cherche sa beaut de profondes retraitesPour la mieux drober au profane insultant;Si ta lre se sche au poison des mensonges,Si ton beau front rougit de passer dans les songes

    Dun impur inconnu qui te voit et tentend,

    Pars courageusement, laisse toutes les villes;

    Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin;

    Du haut de nos pensers vois les cits servilesComme les rocs fatals de lesclavage humain.Les grands bois et les champs sont de vastes asiles,

    Libres comme la mer autour des sombres les.

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    Marche travers les champs une fleur la main. (Alfred de Vigny,La Maison du berger,extrait, 1844)

    UNIT 5 : LE LYRISME ROMANTIQUE (II)

    Alfred de Musset

    Lenfant prodige du romantisme ou lenfant terrible du romantisme, comme il a t surnomm,Musset est n dans une famille de grande culture et rvle prcocement dincontestables talents de pote. Ilentame, sans beaucoup de zle, des tudes de droit, puis de mdecine. Sa belle prestance lui vaut bien desconqutes fminines, mais, sous lapparence dune joie et dune aisance toute preuve, se cachent pourtanttoujours une inquitude souterraine, o se rassemblent les troubles du mal aim et les dceptions dun crivainmal laise dans sa peau.

    Il se passionne surtout pour la cration littraire et, li aux jeunes crivains de la gnration romantique, ilparticipe toutes leurs luttes. Il participe aux cnacles romantiques, comme celui de Charles Nodier, o il lit sesContes dEspagne et dItalie, en 1830 et soriente aussi vers le thtre, avec les picettes dUn Spectacle dans un

    fauteuil(1832) etLes Caprices de Marianne (1833).

    Son enthousiasme se prolonge dans le domaine politique, puisquil nhsite pas prendre part auxinsurrections de juillet 1830 contre Charles X.

    Musset vit de ses publications, dans une certaine bohme. Il connat une liaison orageuse avec GeorgeSand (1833-1835), liaison qui donnera son gnie un plus de maturit. De cette rupture bouleversante vontnatre le drame de Lorenzaccio (1834), le rcit de La Confession dun enfant du sicle (1836) et les quatre

    pomes desNuits (1835-1837).Mais sa sant, trs fragile, est gravement altre par lalcoolisme. Lcrivain mne une existence assez

    morose, peine claire par quelques nouvelles aventures sentimentales et par une lection, plutt laborieuse, lAcadmie franaise (1852). Us par la maladie et les excs, il meurt dans une indiffrence peu prs gnrale;il a alors quarante-sept ans.

    uvres principales: 1830: Contes dEspagne et dItalie; La nuit vnitienne; 1833: LesCaprices de Marianne;Rolla; 1834:Fantasio, On ne badine pas avec lamour,Lorenzaccio;1835-1837: Les Nuits; 1836: La Confession dun enfant du sicle (rcit autobiographique),

    Lettre Lamartine, Il ne faut jurer de rien; 1841: Tristesse; 1845: Il faut quune porte soitouverte ou ferme.

    Son premier recueil, Contes dEspagne et dItalie(1830), qui tmoigne de ce que lon anomm le romantisme tapageur utilise jusqu lexcs tous les procds de la nouvellecole (exotisme et couleur locale, passions violentes, destines fatales, audaces de laversification), non dailleurs sans fantaisie et, parfois, sans une certaine distance ironique.Mais cest sa liaison malheureuse avec la romancire George Sand (1833-1835) qui, en luirvlant les souffrances de la passion, influena profondment sa posie.

    DansLes Nuits(1835-1837) le romantisme exalt - le pote dialogue avec la Muse,symbole de linspiration.

    Il sagit en fait de quatre pomes inspirs de ceux du pote romantique Edward Young,

    portant le nom de mois et formant la partie la plus reprsentative et la plus durable de luvrede Musset. Chaque saison correspond une saison du cur, mais elles retracent aussi lecheminement douloureux de linspiration potique, prenant la forme dune vritablechronique sentimentale.

    Tous les quatre pomes (Nuit de mai, 1835,Nuit de dcembre, 1835,Nuit daot, 1836,Nuit doctobre, 1837) ont la mme forme, celle du dialogue entre la Muse et le Pote (Nuit demai, Nuit daot, Nuit doctobre), tout comme entre le Pote et la Solitude (Nuit dedcembre), cette formule permettant Mussetde traduire le conflit qui le dchire.

    -La Nuit de maiest crite juste aprs la rupture avec George Sand (1835) et chante lasouffrance et le dsespoir dun homme qui se sent abandonn. La dception sentimentaledevient une interrogation angoisse sur le sens de la vie et une douleur excessive et tropimmdiate empche le pote dcrire. La Muse veut lexhorter oublier son mal en laissanterrer son inspiration, mais le pote reste abm dans son malheur.

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    -La Nuit de dcembre marque lapoge de la solitude, la seule compagnie du pote,celui-ci retraant le parcours malheureux de sa vie. Cest un chant lugubre et touchant de larupture consomme, dont les traces se refusent avec obstination loubli.

    -La Nuit daotse situe deux ans aprs la sparation,tant porteuse de lexigence derevivre et daimer encore, car avec lt vient, sinon loubli, du moins lpoque de nouvelles

    intermittences du cur, linstinct de la vie et du plaisir sveillant de nouveau.-La nuit doctobrelaisse esprer, malgr lautomne, un retour la vie et au bonheur. Lepome reprend le thme de la souffrance salvatrice et inspiratrice: lamour, mme bris, auraassur la rdemption de lindividu et ressuscit la cration potique. Musset proclame doncque les blessures de lexistence sont souvent lorigine des uvres dart des plus belles (voirle sonnet Tristesse).

    De la Nuit de mai la Nuit doctobre, Musset voque, propos de sa grandedouleur, le problme du rle de la souffrance dans la cration potique et dans la vie: de lce dialogue si nouveau entre la Muse tendrement maternelle et le Pote tourment par lasouffrance. Cest justement cette conception qui explique loriginalit de son lyrisme. Pourlui, la posie doit tre lexpression immdiate des motions ressenties par le pote durant des

    moments de crise o elles sont plus vibrantes; la posie est le fruit dune inspiration spontaneet elle est fonde sur la sincrit totale. Elle est fille de la souffrance ainsi que lillustre dans

    La Nuit de Mai le symbole du Plican: tel loiseau qui se livre en pture ses petits, le potelivre au lecteur les vers que lui dictent les douleurs quil ressent.

    Cela fait que le pote se confond souvent avec lhomme; en exprimant son motionindividuelle, il veille dans le lecteur des motions profondes. Son art rend des accentsdexaltation passionne et sincre laide des mots des plus simples.Cest aussi un sentimentintensment vcu de mal du sicle qui sexprime en ce recueil avec le thme de la solitudedu pote (La Nuit de Dcembre). Luvre de Musset met en place un lyrisme de type spcial,

    plac entre le classicisme et le romantisme.Cest ainsi quil est romantique par linspiration, une place essentielle tant occupe,

    dans ses posies, par lexotisme brillant, lexotisme mditerranen, surtout dans le premierrecueil, Contes dEspagne et dItalie.Il peuple ses pomes de villes chres aux romantiques(Rome, Venise) et de personnages remarquables par leur charme.

    Mais Musset tmoigne aussi dun ct classique, par la matrise classique du vers et dela versification et par son attitude de moraliste lucide, qui a perdu, peu peu, ses illusions surlui-mme et sur les autres, attitude double de pessimisme (le bonheur est difficilementaccessible et lhomme est irrmdiablement seul).

    Le lyrisme personnel de Musset se traduit par le retour des thmes douloureux,comme la fuite du temps (Souvenir), le regret dune adolescence pure (Nuit de dcembre),les souffrances de lamour, vu comme sentiment double (bonheur et dchirement du cur),

    la mort dun tre aim, la solitude (Nuit de dcembre).

    Groupement de textes observer et analyser

    Les voil, ces sapins la sombre verdure,Cette gorge profonde aux nonchalants dtours,Ces sauvages amis dont lantique murmureA berc mes beaux jours.

    Les voil, ces buissons o toute ma jeunesse,Comme un essaim doiseaux, chante au bruit de mes pas!

    Lieux charmants, beau dsert quaimait tant ma matresse,Ne mattendiez-vous pas?

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    (Alfred de Musset, Souvenir, extrait, 1841)

    ***

    J'ai perdu ma force et ma vie,

    Et mes amis et ma gaiet;

    J'ai perdu jusqu' la fiertQui faisait croire mon gnie.

    Quandj'ai connu la Vrit,J'ai cru que c'tait une amie ;Quand je l'ai comprise et sentie,

    J'en tais dj dgot.

    Et pourtant elle est ternelle,Et ceux qui se sont passs d'elleIci-bas ont tout ignor.

    Dieu parle, il faut qu'on lui rponde.Le seul bien qui me reste au monde

    Est d'avoir quelquefois pleur.(Alfred de Musset, Tristesse)

    Victor Hugo

    Le pre de Victor Hugotait gnral dEmpire et a jou un rle important en Italie et en Espagne. VictorHugo a t surtout lev par sa mre, Sophie Trbuchet, en compagnie de ses deux frres Abel et Eugne. Ils ontconnu une enfance assez difficile, tant sans cesse ballotts de ville en ville selon les hasards de la vie de

    garnison, et les vicissitudes lies la msentente des parents. Comme jeune homme, il manifeste prcocementdes ambitions littraires et nattend pas vingt ans pour publier ses premires uvres potiques. Il pouse AdleFoucher, une amie denfance, malgr lopposition de ses parents et la jalousie de son frre Eugne, qui sombrera

    peu peu dans la folie.Introduit dans les milieux royalistes, il anime des cnacles bientt frquents par plusieurs grandes figures

    du romantisme (Chateaubriand, Vigny). Il devient rapidement le chef de file de la nouvelle cole artisti que(Dumas, Gautier, Musset, Nerval, Nodier et dautres crivains de la gnration romantique font partie de sonentourage) et prend une part prpondrante dans sa lutte contre les no -classiques en publiant la Prface deCromwell (1827) et en faisant jouer des pices de thtre novatrices comme Hernani, dont la premirereprsentation donne lieu une vritable bataille en pleine Comdie-Franaise (25 fvrier 1830).Il nest lu lAcadmie franaise qu sa troisime tentative (1841) mais sa clbrit est dsormais tablie. Louis -Philippele fait pair de France (1845).

    En 1833 Hugo commence, avec la comdienne Juliette Drouet, une liaison qui, de disputes en

    rconciliations, durera jusqu la mort de celle-ci, en 1883. Chaque t, ils voyagent ensemble, notamment enBretagne, en Normandie, dans le Nord et en Allemagne.La mort tragique de sa fille, Lopoldine, lprouve cruellement (4 septembre 1843). Il se rfugie dans

    lcriture et dans la politique. Conservateur, il devient dput aprs la rvolution de 1848. Son oppositionvhmente au coup dtat de Louis-Napolon Bonaparte (1851) le contraint sexiler, dabord en Belgique, puisdans les les anglo-normandes, Jersey et Guernesey (1852-1869). De l, il lance des pamphlets terribles contre leSecond Empire. Revenu en France aprs 1871, il est nouveau lu dput, mais il sige dsormais parmi lesreprsentants de la gauche. Il continue de lutter pour des ides gnreuses comme labolition de la peine de mort.

    Son uvre, immense, illustrant tous les genres, le fait dj apparatre de son vivantcomme un gant des lettres. La troisime Rpublique naissante fait de lui un symbole. Quandil meurt, le 22 mai 1885, elle lui fait des funrailles grandioses.

    uvres principales :

    uvres potiques: 1822: Odes et posies diverses; 1824:Nouvelles Odes; 1828: Odeset Ballades; 1829: Les Orientales; 1831: Les Feuilles dautomne; 1835: Les Chants du

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    crpuscule; 1837: Les Voix intrieures; 1840: Les Rayons et les Ombres; 1853: LesChtiments; 1856:Les Contemplations; 1859-1883:La Lgende des Sicles.

    uvres romanesques : 1823:Han dIslande; 1829: Le Dernier Jour dun condamn;1831:Notre-Dame de Paris ; 1862:Les Misrables; 1866:Les Travailleurs de la mer; 1869:

    LHomme qui rit; 1873: Quatre-vingt-treize.

    uvres dramatiques: 1827: Cromwell(et sa prface); 1830:Hernani; 1831:MarionDelorme; 1833:Lucrce Borgia; 1838:Ruy Blas; 1843:Les Burgraves.Rendu clbre par ses premires uvres, Odes et Ballades, par la posie mais aussi par

    ses romans et par ses drames, Victor Hugo devient peu peu, aprs 1827, le chef de la jeunecole romantique: cest autour de lui que se runit le Cnacle form par les artistes et parles crivains du romantisme militant (Vigny, Musset, Dumas, Mrime, Balzac, Sainte -Beuve, Nerval, Gautier). Prpar par le cnacle, le succs de la bataille dHernani sera sontriomphe comme celui du romantisme.

    Le recueildescriptifLes Orientalesexploite surtout la veine pittoresque (exotisme de

    latmosphre, des motifs et des dtails), mais Hugo est dj au service dune ide endfendant la cause de lindpendance de la Grce (Clair de Lune, LEnfant).

    Les Feuilles dAutomne, contenant des vers de la famille, du foyer domestique, de lavie prive, sont marques par un lyrisme intime et mlancolique.

    Les Chants du Crpuscule etLes Voix Intrieureslaissent toujours une grande place aulyrisme intimiste mais le pote, inquite des volutions venir, rflchit aussi sur lesvnements contemporains ( la Colonne).

    Les Rayons et les Ombresfont place une inspiration plus large et affirment nettementla conception hugolienne de la fonction du pote.

    Les Chtiments sont une satire passionne de lexil Victor Hugo contre le SecondEmpire dont, confiant en la force de lesprit, il prophtisa la chute (Sonnez, sonneztoujours). Introduit par le pome Nox et conclu parLux, tout ce recueil se prsente commeun lent cheminement des tnbres vers le jour, vritable allgorie de toute lhistoire humaine.Il convient en effet de trouver la route qui mnera le peuple opprim des tristesses prsentesaux promesses du futur, connues du pote. Les six premires parties reprennent ironiquementdans leurs titres les formules de la propagande bonapartiste: la socit est sauve, lordreest rtabli, la famille est restaure, la religion est glorifie, lautorit est sacre,la stabilit est assure. Mais la septime partie annonce que les sauveurs se sauveront .

    Luvre toute entire affiche le ton acerbe de la rvolte et de lindignation, mais elleslve bien souvent au grand souffle de lpope. Le sublime est indispensable pour mieuxfaire ressortir linfamie. Hugo veut faire apparatre, en la comparant la gloire de Napolon

    premier, la drision du second Empire. Visionnaireet prophtique, il nhsite pas chercherdans la Bible les modles de son art. La posie, en effet, est seule capable de montrer la

    dimension mtaphysique du crime de Louis-Napolon Bonaparte: attentat contre le droit et lalibert, il constitue un vritable sacrilge.Les Contemplations,construites autour du drame qui a profondment marqu le pote

    (la mort de sa fille Lopoldine noye Villequier, en 1843, avec son mari, au cours dunepromenade en barque), sont souvent considres comme le chef-duvre potique de Hugo, lerecueil voulant tre les mmoires dune me. Mais Victor Hugo largit ce drame

    personnel en communiant avec tous ceux qui souffrent; il mdite sur les mystres de luniverset prsente maintenant le pote comme un mage capable de les lucider par la force du verbe

    potique. La composition du recueil retrace donc tout un itinraire affectif, spirituel etpolitique. La premire partie,Autrefois, reflte la gense de toutes les convictions du pote etdes idaux qui vont diriger toutes ses luttes entre 1830 et 1843. La seconde partie,

    Aujourdhui, est presque entirement occupe par les rflexions mtaphysiques qui obsdentHugo depuis la cruelle disparition de sa fille, le 4 septembre 1843, jusquen 1855, lorsquil

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    fait lpre exprience de lexil. Rvolt par le drame qui le frappe, le pote se rfugie dans lesouvenir ou cherche dans son art le moyen dune impossible communication avec lAu -Del.Il y trouve en fait une nouvelle force. Jamais Hugo navait dfini aussi clairement que dans

    Les Contemplations la fonction de la posie, prophtique, capable de percer les grandsmystres de ltre, de connatre le pass comme lavenir et dclairer les hommes dans leur

    marche vers le progrs et le bonheur. Le verbe potique, clbr ave c une abondance et unediversit qui sont les principales caractristiques formelles du recueil, devient ainsi instrumentdun pouvoir sacr: il est parole visionnaire qui annonce religieusement, par ses images et sessymboles, les grandes vrits de demain.

    La Lgende des sicles est une vocation de lvolution de lhumanit par unesuccession de petites popes (titre dabord envisag par Victor Hugo) enchsses dans unvaste ensemble cyclique, o le pote, empruntant ses sujets et ses figures toutes les histoireset toutes les mythologies, affirme sa confiance dans le progrs du genre humain.

    De lensemble de ces uvres, on peut dgager quelques dominantes:-le lyrisme hugolien stend une large diversit de thmes: lenfance (Lorsque

    lenfant parat), lamour (Tristesse dOlympio), la mort (A Villequier) tant les plus

    privilgis.-la nature devient le point de dpart dune vaste mditation philosophique.

    LAnimisme de Hugo prte chaque lment naturel une vie spirituelle (Stella): tout est medans un monde o saffrontent le bien et le mal, o lEsprit lutte pour saffranchir de lamatire (Ce que dit la bouche dombre).

    -limportance de la fonction du potene cesse de saffirmer au fil de luvre: dfinisimplement dansLes Feuilles dautomnecomme plac par Dieu au centre de tout comme uncho sonore, il devient dans Les Rayons et les Ombres (Fonction du pote) et plus encoredansLes Contemplationsun prophte, un guide spirituel conduisant lhumanit vers la vrit,un voyant capable de transformer le monde par la seule force des mots.

    Groupement de textes observer et analyser

    Je vis cette faucheuse. Elle tait dans son champ.Elle allait grands pas moissonnant et fauchant,

    Noir squelette laissant passer le crpuscule.Dans l'ombre o l'on dirait que tout tremble et recule,L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.

    Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux

    Tombaient ; elle changeait en dsert Babylone,Le trne en chafaud et l'chafaud en trne,

    Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,L'or en cendre, et les yeux des mres en ruisseaux.Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit tre.Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait natre ? -Ce n'tait qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ;Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ;

    Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;

    Les peuples perdus semblaient sous la faulx sombreUn troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ;

    Tout tait sous ses pieds deuil, pouvante et nuit.Derrire elle, le front baign de douces flammes,

    Un ange souriant portait la gerbe d'mes. (Victor Hugo,Mors)

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    *****

    Demain, ds l'aube, l'heure o blanchit la campagne,Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

    J'irai par la fort, j'irai par la montagne.Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixs sur mes penses,Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

    Seul, inconnu, le dos courb, les mains croises,Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

    Un bouquet de houx vert et de bruyre en fleur.4 octobre 1847(V. Hugo,Demain, ds l'aube)

    UNIT 6 : LE ROMAN ROMANTIQUE

    Le roman acquiert, avec le romantisme, une porte considrable, tout en se diversifianten une grande varit de formes. Cadre de lexpression personnelle, instrument delexploration de lhistoire et du monde, il est dsormais le genre choisi par les plus grandscrivains dont les uvres dfinissent elles seules de nouveaux types de romans.

    - le roman confession

    Correspondant au lyrisme exprim par la posie du moment, le roman intimiste etsentimental poursuit la veine dinspiration ouverte, au dbut du sicle, par les romanciers duMoi , tant, souvent, une analyse autobiographique des tourments romantiques.

    Ainsi le roman de Sainte-Beuve, Volupt (1834), est-il la traduction lyrique desinquitudes de jeunesse et des doutes de son auteur.

    La Confession dun Enfant du sicle (1836) dAlfred de Musset est lexemple le plusremarquable de cette confession romanesque du mal du sicle: le hros, Octave, tombdans la dbauche par dception sentimentale et tortur par les affres de la jalousie, reflte lesdrames de la vie de Musset.

    son tour, George Sand, dans ses premiers romans, Indiana (1832),Llia (1833) ouMauprat (1837) sexerce dcrire lpanchement de passions qui se veulent un dfi lasocit et ses lois.

    Plus tard, en pleine gnration raliste, le roman Dominique (1862) dEugneFromentin, autobiographie romanesque dans la ligne dAdolphe et de Volupt, sera ladernire uvre tmoigner la fois de la persistance et de la critique de ce type de roman.

    - le roman historique

    Le roman sentimental et personnel va cder peu peu la premire place au romanhistorique qui connat, ds 1820, un succs considrable auprs des lecteurs, exprimantlintrt de la nouvelle cole pour lhistoire nationale comme son got du pittoresque et de lacouleur locale.

    Les uvres illustrant ce genre romantique privilgi sont nombreuses: vocationsdramatiques dpoques troubles o se dchanent les passions (Prosper Mrime, LaChronique du rgne de Charles IX; Alfred de Vigny, Cinq Mars); romans daventures

    figurant parmi les uvres les plus durablement populaires de la littrature franaise(Thophile Gautier,Le Capitaine Fracasse; Alexandre Dumas,Les Trois Mousquetaires).

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    Cette reconstitution romanesque de lhistoire est particulirement saisissante dansluvre de Victor Hugo,Notre Dame de Paris (1831): Hugo fait revivre le Paris de Louis XI(XVesicle) domin par sa cathdrale, personnage principal vritable du roman. Lintrigue etles personnages mlodramatiques illustrent les grands thmes romantiques comme lescontrastes chers Hugo: la sduisante bohmienne Esmralda, que la passion dun prtre,

    larchidiacre Frollo, conduit une fin tragique est aussi aime par un tre monstrueux etdifforme, Quasimodo.- le roman-feuilleton

    Le roman historique connatra en fait ses plus grands succs chez des crateurs qui seserviront de lhistoire avant tout comme dun cadre pittoresque, voire exotique, pour desaventures mystrieuses ou exaltantes: la Corse et lEspagne de Prosper Mrime (Colomba,1840; Carmen, 1845), ou encore lgypte de Thophile Gautier (Le Roman de la momie,1858).

    Mais laudience maximale du genre sera atteinte par dinterminables romans qui, partir de 1835, paraissent en feuilleton dans des journaux bon march (La Presse,Le Sicleetc.). Les deux matres incontestables du genres sont Alexandre Dumas, avec ses sagas

    historiques hautes en couleurs (Les Trois Mousquetaires, 1844; Le Comte de Monte-Cristo,1845; Le Chevalier de la Maison-Rouge, 1846), et Eugne Sue, chez qui le romandaventures se double dune dimension sociale: Le Juif errant, 1844,Les Mystres de Paris,1842-1843 etLes Mystres du peuple, 1849-1857.

    - le roman social

    Ouverts au monde extrieur, les romantiques nont pas nglig leur poque: aprs 1830,laffirmation des proccupations sociales conduit un intrt nouveau pour le peuple. Les

    Mystres de Paris(1824) dEugne Suevoquent avec compassion la misre populaire maisne sont encore quun roman daventures mlodramatiques.

    Les Misrables (1862) de Victor Hugo dveloppent un vritable plaidoyer pour toutesles victimes des misres du temps. Par le rcit de la rdemption morale dun forat, JeanValjean, condamn au bagne pour avoir drob un morceau de pain, Victor Hugo dresse le

    procs dune socit injuste, impitoyable aux pauvres quelle conduit la dchance moralepar le vol ou par la prostitution. Anim de vastes fresques piques, le roman est aussi unevaste mditation sur lvolution de lhumanit nvitant pas les trop longues dissertationsmorales.

    Chez George Sand, le parti pris de llargissement du romanesque au social devientsystmatique aprs 1840. Certaines de ses uvres, commeLe Compagnon du tour de France,1840 ou Le Meunier dAngibault, 1845, peuvent tre lues comme des mises en fiction dusocialisme utopique, tandis que ses romans champtres (La Mare au diable, 1846,

    Franois le Champi, 1850,Les Matres sonneurs, 1853) demeurent marqus parune sorte de

    mysticisme populaire et rustique.La Petite Fadette idalise la vie paysanne et mle une certaine nostalgie philosophique la description raliste des coutumes de la rgion de Cosse. Le roman sinscrit dans la lignedes grandes uvres romantiques caractre autobiographique. Linfluence du romantisme yest dcelable par lidentification de quelques traits fondamentaux, dont on peut retenir:

    - quelques thmes privilgis, tels quela nature, le rve, lamour, la lutte contreles prjugset les ingalits sociales, la magie qui fait tomber laccent sur le ctlgende,superstition, traditions populaires ;

    - le style emphatique, la nettet des images, la parfaite fluidit, la prcision desfigures stylistiques et la musicalit des phrases ;

    - ce texte romanesque est en mme temps le cadre de lexpression personnelle delauteur, un instrument dexploration de lhistoire et une analyse des tourments dupersonnage central. La personnalit de la petite Fadette prsente de nombreux traits

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    romantiques, tels que le sentiment dtre diffrente des autres et, par l, incomprise, celui dela solitude et du malaise devant lexistence ;

    - le texte sorganise autour dun personnage central, valorisant lindividu ;- laction du roman est place aux derniers jours de septembre, donc les vnements

    se droulent en automne - saison privilgie des romantiques ;

    - la mise en valeur des rves et des rveries du hros principal. La rveriespanouit partir des sensations et des lments concrets. Le rel est apprhend par le biaisde la synecdoque (la signification abstraite est symbolise par la chose concrte) ;

    - le choix les toponymes reflte le rapport lieu - homme ;- lauteur illustre dans ce roman sa sympathie profonde pour le peuple ; il y

    introduit un grand nombre de hros populaires (deux familles de fermiers les Barbeau et lesCaillaud, la mre Sagette, la mre Fadet et ses enfants la petite Fadette et Jeanet) etc.

    Groupement de textes observer et analyser

    Lacclamation fut unanime. On se prcipita vers la chapelle. On en fit sortir en

    triomphe le bienheureux pape des fous. Mais cest alors que la surprise et ladmiration furent leur comble. La grimace tait son visage. Ou plutt toute sa personne tait une grimace. []

    Tel tait le pape que les fous venaient de se donner.On et dit un gant bris et mal ressoud.Quand cet espce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et

    presque aussi large que haut, carr par la base, comme dit un grand homme, son surtout mi-parti rouge et violet, sem de campanilles dargent, et surtout la perfection de sa laideur, lapopulace le reconnut sur-le-champ, et scria dune voix :

    Cest Quasimodo, le sonneur de cloches! cest Quasimodo, le bossu de Notre-Dame !Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! Nol! Nol! [] Cependant tous lesmendiants, tous les laquais, tous les coupe-bourses, runis aux coliers, avaient t chercher

    processionnellement, dans larmoire de la basoche, la tiare de carton et la simarre drisoire dupape des fous. Quasimodo sen laissa revtir sans sourciller et avec une sorte de docilitorgueilleuse. Puis on le fit asseoir sur un brancard bariol. Douze officiers de la confrrie desfous lenlevrent sur leurs paules; et une espce de joie amre et ddaigneuse vintspanouir sur la face morose du cyclope, quand il vit sous ses pieds difformes toutes ces ttesdhommes beaux, droits et bien faits. Puis la procession hurlante et dguenille se mit enmarche pour faire, selon lusage, la tourne intrieure des galeries du Palais, avant la

    promenade des rues et des carrefours. (Victor Hugo Notre-Dame de Paris (1831), d.Gallimard, Folio classique, 2002, p88-91.)

    ***

    Si l'on rsume ce que nous avons indiqu jusqu'ici trs sommairement en ngligeantmille preuves et aussi mille objections de dtail, on est amen ceci : que l'architecture a t

    jusqu'au quinzime sicle le registre principal de l'humanit, que dans cet intervalle il n'est pasapparu dans le monde une pense un peu complique qui ne se soit faite difice, que touteide populaire comme toute loi religieuse a eu ses monuments ; que le genre humain enfin n'arien pens d'important qu'il ne l'ait crit en pierre. Et pourquoi ? C'est que toute pense, soitreligieuse, soit philosophique, est intresse se perptuer, c'est que l'ide qui a remu unegnration veut en remuer d'autres, et laisser trace. Or quelle immortalit prcaire que celle dumanuscrit ! Qu'un difice est un livre bien autrement solide, durable, et rsistant ! Pourdtruire la parole crite il suffit d'une torche et d'un turc. Pour dmolir la parole construite, il

    faut une rvolution sociale, une rvolution terrestre. Les barbares ont pass sur le Colise, ledluge peut-tre sur les Pyramides.

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    Au quinzime sicle tout change.La pense humaine dcouvre un moyen de se perptuer non seulement plus durable et

    plus rsistant que l'architecture, mais encore plus simple et plus facile. L'architecture estdtrne. Aux lettres de pierre d'Orphe vont succder les lettres de plomb de Gutenberg.

    Le livre va tuer l'difice.

    L'invention de l'imprimerie est le plus grand vnement de l'histoire. C'est larvolution mre. C'est le mode d'expression de l'humanit qui se renouvelle totalement, c'estla pense humaine qui dpouille une forme et en revt une autre, c'est le complet et dfinitifchangement de peau de ce serpent symbolique qui, depuis Adam, reprsente l'intelligence.Sous la forme imprimerie, la pense est plus imprissable que jamais ; elle est volatile,insaisissable, indestructible. Elle se mle l'air. Du temps de l'architecture, elle se faisaitmontagne et s'emparait puissamment d'un sicle et d'un lieu. Maintenant elle se fait trouped'oiseaux, s'parpille aux quatre vents, et occupe la fois tous les points de l'air et de l'espace.

    Nous le rptons, qui ne voit que de cette faon elle est bien plus indlbile ? Desolide qu'elle tait elle devient vivace. Elle passe de la dure l'immortalit. On peut dmolirune masse, comment extirper l'ubiquit? Vienne un dluge, la montagne aura disparu depuis

    longtemps sous les flots que les oiseaux voleront encore ; et, qu'une seule arche flotte lasurface du cataclysme, ils s'y poseront, surnageront avec elle, assisteront avec elle la dcruedes eaux, et le nouveau monde qui sortira de ce chaos verra en s'veillant planer au -dessus delui, aile et vivante, la pense du monde englouti.

    Et quand on observe que ce mode d'expression est non seulement le plus conservateur,

    mais encore le plus simple, le plus commode, le plus praticable tous, lorsqu'on songe qu'ilne trane pas un gros bagage et ne remue pas un lourd attirail, quand on compare la penseoblige pour se traduire en un difice de mettre en mouvement quatre ou cinq autres arts etdes tonnes d'or, toute une montagne de pierres, toute une fort de charpentes, tout un peupled'ouvriers, quand on la compare la pense qui se fait livre, et qui il suffit d'un peu de

    papier, d'un peu d'encre et d'une plume, comment s'tonner que l'intelligence humaine aitquitt l'architecture pour l'imprimerie ? Coupez brusquement le lit primitif d'un fleuve d'uncanal creus au-dessous de son niveau, le fleuve dsertera son lit.

    Aussi voyez comme partir de la dcouverte de l'imprimerie l'architecture se desschepeu peu, s'atrophie et se dnude. (Victor HugoNotre-Dame de Paris (1831), d.Gallimard, Folio classique, 2002)

    ***

    Le pauvre pote jeta les yeux autour de lui. Il tait en effet dans cette redoutableCour des Miracles, o jamais honnte homme n'avait pntr pareille heure; cercle magiqueo les officiers du Chtelet et les sergents de la prvt qui s'y aventuraient disparaissaient enmiettes; cit des voleurs, hideuse verrue la face de Paris; gout d'o s'chappait chaquematin, et o revenait croupir chaque nuit ce ruisseau de vices, de mendicit et de vagabondagetoujours dbord dans les rues des capitales; ruche monstrueuse o rentraient le soir avec leur

    butin tous les frelons de l'ordre social; hpital menteur o le bohmien, le moine dfroqu,l'colier perdu, les vauriens de toutes les nations, espagnols, italiens, allemands, de toutes lesreligions, juifs, chrtiens, mahomtans, idoltres, couverts de plaies fardes, mendiants le

    jour, se transfiguraient la nuit en brigands; immense vestiaire, en un mot, o s'habillaient et sedshabillaient cette poque tous les acteurs de cette comdie ternelle que le vol, la

    prostitution et le meurtre jouent sur le pav de Paris.C'tait une vaste place, irrgulire et mal pave, comme toutes les places de Paris

    alors. Des feux, autour desquels fourmillaient des groupes tranges, y brillaient et l. Toutcela allait, venait, criait. On entendait des rires aigus, des vagissements d'enfants, des voix de

    femmes. Les mains, les ttes de cette foule, noires sur le fond lumineux, y dcoupaient millegestes bizarres. Par moments, sur le sol, o tremblait la clart des feux, mle de grandes

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    ombres indfinies, on pouvait voir passer un chien qui ressemblait un homme, un hommequi ressemblait un chien. Les limites des races et des espces semblaient s'effacer dans cettecit comme dans un pandmonium. Hommes, femmes, btes, ge, sexe, sant, maladie, toutsemblait tre en commun parmi ce peuple; tout allait ensemble, ml, confondu, superpos;chacun y participait de tout.

    Le rayonnement chancelant et pauvre des feux permettait Gringoire de distinguer, travers son trouble, tout l'entour de l'immense place, un hideux encadrement de vieillesmaisons dont les faades vermoulues, ratatines, rabougries, perces chacune d'une ou deuxlucarnes claires, lui semblaient dans l'ombre d'normes ttes de vieilles femmes, ranges encercle, monstrueuses et rechignes, qui regardaient le sabbat en clignant des yeux.

    C'tait comme un nouveau monde, inconnu, inou, difforme, reptile, fourmillant,fantastique. (Victor Hugo Notre-Dame de Paris (1831), d. Gallimard, Folio classique,2002)

    UNIT 7 : LE THEATRE ROMANTIQUE

    Dans la premire moiti du XIXesicle, le thtre franais est sensible aux tentatives derenouvellement enregistres dans tous les domaines artistiques et surtout aux circonstances

    politiques, sociales et historiques caractrises par de nombreux pisodes rvolutionnaires.Aprs le coup dEtat de 1851, la nouvelle situation socio-politique engendre une nouvelletendance dramatique, plus apte reflter lexpansion conomique et le pouvoir de la

    bourgeoisie. Le drame (le mot grec dramasignifie action ) acquiert alors une importanceessentielle, due trois facteurs dterminants: le dclin de la tragdie, la redcouverte deShakespeare et des dramaturges allemands et le got du XVIIIesicle pour le mlodrame et

    pour ses motions simples. Dautre part, la Rvolution franaise et ses aspirations libertairestouchent le domaine thtral. Le libralisme politique va de pair avec la libert dans lart

    prche par Victor Hugo.Les thories dramatiques sont cohrentes, exprimant toutes une seule ide majeure: la

    libert absolue du genre thtral. Elles sopposent directement au pseudo-classicisme,reprsent par les dramaturges qui imitaient Racine et Corneille au XVIIIesicle et au dbutdu XIXe.

    Les premiers textes thoriques slaborent de 1809 1827 et proposent une rformede la tragdie. Lidal thtral qui y apparat rassemble des ides sur la cration de la tragdiehistorique, savoir: la prsentation dun moment important de lhistoire nationale franaise,la mise en jeu de passions dans un milieu social lev et le refus de la rgle des units.

    En 1809, Benjamin Constant adapte en franais la trilogie Wallenstein de Schiller etla prsente par une prface empreinte dlments nouveaux. Il prne dans ses Rflexions une

    dramaturgie de la totalit, veut ancrer le drame dans lHistoire et critique la rgle des units,qui force le pote ngliger souvent dans les vnements et dans les caractres, la vrit dela gradation, la dlicatesse des nuances.

    Mme de Stal plaide dansDe lAllemagne (1810) pour des formes nouvelles et pourltude des modles trangers. Pendant son exil Coppet sous lEmpire, elle runit dans sonsalon un groupe desprits clairs, dont fait partie Schlegel lui -mme. Elle est la premire quioppose la tragdie franaise le systme dramatique des Anglais et des Allemands. Mme deStal considre que la tragdie franaise, qui prtend imiter la tragdie grecque, est en ralitun genre indcis, qui ne saccorde ni avec le sicle, ni avec les murs nationales des

    personnages quen reprsente . Le ton uniformment noble de la tragdie franaise prive debien des motions quon trouve dans le thtre tranger. Cest pourquoi elle veut opter pour

    un autre systme dramatique. Il faut quand-mme dire quelle reste attache lancienne

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    Saragosse, dans la chambre de Doa Sol, la nuit, se rencontrent trois hommes prisde la jeune fille: le roi dEspagne, Don Carlos, le proscrit Hernani, qui sest rvolt contre leroi pour venger son pre et le vieux Don Ruy Gomez de Silva, oncle de Doa Sol. Celle -ciaime Hernani et sapprte le suivre. Mais lenlvement choue, et Hernani doit regagner sesmontagnes. Traqu par les troupes royales, il se rfugie au chteau de Don Ruy Gomez, qui se

    dispose pouser sa nice. Surprenant le proscrit avec Doa Sol, le vieillard laisse clater safureur; mais il refuse au roi de lui livrer un hte. Il ne dshonorera point, par une telle infamie,ses anctres dont les portraits ornent la salle. Don Carlos emmne Doa Sol comme otage.Cependant Hernani promet son sauveur de mourir ds quil exigera: le signal sera le son ducor quil remet.

    Aix-la-Chapelle, prs du tombeau de Charlemagne, Don Carlos attend le rsultat dellection lEmpire; il mdite sur le destin du monde domin par ces deux moitis de Dieu,le Pape et lEmpereur. Dans lombre, un complot se trame contre lui: les chefs sont RuyGomez et Hernani. Don Carlos est lu: le voici Charles Quint; alors il pardonnemagnanimement aux conjurs arrts par sa garde; Hernani, redevenu Don Juan DAragon,il accorde la main de Doa Sol. Hernani pouse donc celle qui laime: tous deux gotent un

    instant de bonheur ineffable, mais le son du cor retentait: le vieillard inexorable vient rclamersa proie. Doa Sol arrache le poison Hernani et boit avant lui; tous deux expirent et RuyGomez se tue son tour.

    En dpit de ce dnouement sombre, Hernani faisait passer un souffle de jeunesse sur lethtre franais. Par ses hardiesses de son ton, de style et versification, ce drame tait bien fait

    pour enthousiasmer les Jeune-France; avec le lyrisme de ses sentiments simples, gnreux,chevaleresques, avec sa tendresse et son panache, il reste entranant, exaltant mme.

    Hugo mle dans son drame rminiscences littraires et souvenirs personnels: Ernani,cest le nom dun village du pays basque espagnol travers lors de son voyage; la violence quiimprgne le drame, mort sur lchafaud du pre dHernani, mort de ses compagnons dans uneattaque sur fond de tocsinne et de torches pourrait tre inspire par certaines scnes trs

    brutales dont Hugo avait tmoign. Hernani ne semble pas avoir par ailleurs de modlelittraire prcis, mai