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Ouvrage traduit de l’anglais Global Coaching ÉDITION ENRICHIE DE 40 PAGES INÉDITES PHILIPPE ROSINSKI LEADERSHIP Préface de Sir John Whitmore, PhD & COACHING GLOBAL Auteur de Le Coaching interculturel « A provocative, exciting and wise book! » Prof. Carol Kauffman, Harvard University

LEADERSHIP - fnege.org · L’ouvrage Leadership et coaching global a pour vocation de ... et est aujourd’hui une autorité mondialement reconnue en matière de coaching et de leadership

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Ouvrage traduit de l’anglais Global Coaching

ÉDITION ENRICHIE DE 40 PAGES INÉDITES

PHILIPPE ROSINSKI

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LEADERSHIP

Prix : 28 €

ISBN : 979-10-92673-17-3

Préface de Sir John Whitmore, PhD

&COACHING GLOBAL

UN CHANGEMENT DURABLE NÉCESSITE UNE APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE DU COACHING ET DU LEADERSHIP

Face à des bouleversements techniques, sociaux et écologiques tels que l’humanité n’en a jamais connu, il est impératif que se mani-festent des leaders en mesure de relever les défis de la complexité et que les coachs qui les accompagnent y soient préparés.L’ouvrage Leadership et coaching global a pour vocation de

fournir à ces coachs professionnels – et directement aux diri-geants – les ressources : outils, techniques, méthodes, approches, vision, qui font éclore les potentiels et mobiliser les richesses d’imagination, de créativité, de lucidité, de courage et d’enthou-siasme grâce auxquels le futur aura un avenir.Dans cet ouvrage d’une rare complétude :- Vous découvrirez les six perspectives du coaching global : phy-

sique, psychologique, managériale, politique, culturelle et spirituelle ;

- Vous explorerez une approche intégrative de coaching pour desrésultats durables ;

- Vous vous ouvrirez à de nouveaux schémas de pensée ;- Vous conforterez votre apprentissage par des cas et exemples de

coaching extrêmement parlants.

Philippe Rosinski, pionnier de l’approche globale de la personne dans sa fonction managériale, a une formation scientifique (Université de Stanford) et est aujourd’hui une autorité mondialement reconnue en matière de coaching et de leadership. Il est Professeur à la Kenichi Ohmae Graduate School of Business (Tokyo) et le premier Européen désigné Master Certi-fied Coach par l’International Coach Federation.

Il a publié de nombreux articles consultables sur son site et son livre Le coaching interculturel, publié en dix langues, a été sélec-tionné par la Harvard Business School comme ouvrage de réfé-rence dans la catégorie du « business leadership ».Dirigeant de Rosinski & Company, il vit avec sa famille à proximité

de Bruxelles et se déplace dans le monde entier pour donner des conférences, enseigner, former et coacher des dirigeants et des collègues coachs.

Pour plus d’informations, consultez : www.philrosinski.com et www.globalcoaching.pro

Auteur de Le Coaching interculturel

« A provocative, exciting and wise book! » Prof. Carol Kauffman, Harvard University

PHILIPPE ROSINSKI

LEADERSHIP&

COACHING GLOBALTraduction française de l'ouvrage Global Coaching

Une approche intégrative pour des résultats durables

© Éditions Valeurs d’Avenir, 2018© Éditions Nicholas Brealey Publishing, 2010, pour l'édition originale

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, au terme de l’article L 122-5, 2e et 3e art, d’une part, que les « copies et reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droits ou ayant cause est illicite » (art L122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Si vous souhaitez recevoir notre catalogueet être tenu au courant de nos publications,consultez notre site internet,

www.editionsvaleursdavenir.fr

ou envoyez vos coordonnées à :Éditions Valeurs d’Avenir84 avenue Étienne Clémentel63460 Combronde

ou par mail :[email protected]

Philippe Rosinski www.philrosinski.com www.globalcoaching.pro

www.linkedin.com/in/philippe-rosinski-b9b5025 www.facebook.com/globalcoachingpro

Composition et mise en pages : Isabelle Boutet (www.ninalea.fr)

ISBN : 979-10-92673-17-3

À ma fille Arielle,avec tout mon amour.

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Louanges

This book is one of the best I've ever read – timely, relevant and on-message... a significant contribution to the coaching profession.

Katherine Tulpa, CEO, Association for Coaching

A provocative, exciting and wise book! Rosinski's work draws on a well presented range of material, from psychology to medicine, eco-nomics to physics, philosophy to mysticism and beyond and challen-ges us to open up to new ways of thinking. He presents well-written business coaching cases and examines how embracing multiple pers-pectives will enhance our coaching and enable our clients to become more effective.

Prof. Carol Kauffman, Harvard Medical School; director, Institute of Coaching

Global Coaching is a comprehensive guide for coaching those who will lead us into a new world of work!

Darelyn DJ Mitsch, MCC, President, the Pyramid Resource Group,

author of Team Advantage and past president of the International Coach Federation

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Finally, an enlightening book that recognizes the need for a new multidisciplinary approach to navigating the vast sea of complexity that surrounds us.

Adolfo Martini, Learning for Development director, Europe, L'Oréal

A comprehensive mapping of concepts, tools and practical informa-tion to address leaders' multifaceted challenges. I highly recommend this book.

Vincent Lenhardt, President of Transformance Pro

and senior advisor for the Boston Consulting Group

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Sommaire

Louanges..................................................................................................Note de l’éditeur.......................................................................................Préface.....................................................................................................Introduction..............................................................................................1ère partie - L’approche du coaching global.........................................

Chapitre 1 - Le cadre des perspectives multiples.....................................Six perspectives essentielles......................................................................Étude de cas..............................................................................................

Chapitre 2 - Coacher pour un monde meilleur.........................................Développement du leadership global........................................................Progrès des équipes globales....................................................................Progrès organisationnel.............................................................................Des objectifs importants et porteurs de sens.............................................Développement durable............................................................................Démocratie et économie de marché..........................................................

2ème partie - Explorer les six perspectives..........................................Chapitre 3 - La perspective physique........................................................

Stimuler la santé et la formeLes leçons d’Okinawa...............................................................................La nutrition................................................................................................L’entraînement physique...........................................................................La communauté et la spiritualité...............................................................Le sommeil...............................................................................................L’humour et le rire....................................................................................

Chapitre 4 - La perspective managériale..................................................Favoriser la productivité et les résultatsComportements sur les axes tâche et relation...........................................Le leadership situationnel.........................................................................

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Chapitre 5 - La perspective psychologique............................................... Développer les qualités émotionnelles et relationnellesLe besoin de signes de reconnaissance.....................................................La structuration du temps.........................................................................L’état d’esprit OK–OK.............................................................................Mêler des perspectives multiples à l’analyse transactionnelle.................La psychologie positive............................................................................La psychanalyse........................................................................................Liberté.......................................................................................................

Chapitre 6 - La perspective politique........................................................Construire le pouvoir et le serviceSources de pouvoir....................................................................................L’approche dynamique..............................................................................Le service..................................................................................................Les quatre types politiques de base...........................................................Développer la politique constructive........................................................

Chapitre 7 - La perspective culturelle.......................................................Promouvoir la diversité et la créativitéLe tableau des orientations culturelles (COF)..........................................L’évaluation COF......................................................................................Études de cas.............................................................................................L’art et le coaching interculturel...............................................................

Chapitre 8 - La perspective spirituelle......................................................Favoriser le sens et l’unitéLe sens et l’unité.......................................................................................L'absence de sens et la déconnexion.........................................................Adopter la stratégie du tournesol – remarquer les miracles du jour.........Accepter l’inévitable – choisir..................................................................Les leçons de la religion et de la philosophie...........................................

3ème partie - Connecter les six perspectives..........................................Chapitre 9 - Adopter l’interconnexion.......................................................

Le modèle holographique.........................................................................Le paradigme de la complexité.................................................................

Chapitre 10 - Accéder à nos héros intérieurs............................................Considérations générales quant aux archétypes et suggestions d’activités pour les déployer..................................................Rencontrer les archétypes.........................................................................Le modèle process communication...........................................................

Chapitre 11 - L’unité par le lien profond...................................................Développement de l’adulte.......................................................................OK–OK revisité........................................................................................Les relations Je-Tu....................................................................................

Annexe - Le modèle du ruban de Möbius : l’unité et l’infini....................

Bibliographie............................................................................................

Postface - 40 pages inédites......................................................................Promouvoir un leadership global...............................................................Réussir en faisant le bien.............................................................................

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SOMMAIRE

Comment faire pour que les programmes de développement................. du leadership aient un véritable impact ?Perspective physique...................................................................................

Exercice physique.....................................................................................Nutrition....................................................................................................

Perspective psychologique..........................................................................Mécanismes de défense inconscients de l’ego..........................................Dirigeants et collaborateurs toxiques........................................................Psychologie comportementale..................................................................

Perspective culturelle..................................................................................Évaluation COF.........................................................................................Coaching individuel..................................................................................Coaching d’équipe....................................................................................Coaching organisationnel – accompagner les fusions et.......................... acquisitions

Perspective spirituelle.................................................................................Adopter la complexité.................................................................................Supervision intégrative de coaching..........................................................

Bibliographie additionnelle.....................................................................

Remerciements.........................................................................................

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Note de l’éditeur

Lorsque Philippe Rosinski - que nous connaissons de longue date et dont l’ouvrage Coaching across Cultures nous avait déjà enthousiasmés - nous a présenté Global Coaching en nous

demandant si nous serions prêts à le publier en langue française pour toutes les communautés francophones, nous n’avons pas hésité une seule seconde : sa notoriété et la pertinence de ses écrits et conférences depuis près de trente ans plaidaient pour lui.

La question se posait cependant de publier un texte qui avait déjà sept ans : le contenu, les thèmes abordés, les exemples et les études de cas n’auraient-ils pas pâti de ces années alors que les bouleverse-ments techniques et sociaux se produisent à un rythme de plus en plus effréné ? Eh bien, force nous a été de constater que non seulement tous ses messages et ses approches étaient toujours valables mais, plus encore, que Philippe a été pionnier de ce coaching global comme il l’avait été pour le coaching interculturel. Il le demeure.

D’autres auteurs, consultants et coachs se sont emparés de ce « coa-ching global », signe de la validité de ses thèses mais nul mieux que lui ne pouvait aborder chacune des « perspectives » qu’il donne au coaching comme à l’exercice du leadership, d’autant qu’il a ajouté, en français directement - privilège du bilinguisme, voire trilinguisme belge -, une quarantaine de pages d’actualisation : élargissement de ses pratiques et approfondissement de sa réflexion.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Les quatre premières perspectives - physique, psychologique, managériale et politique, pourraient donner l’idée qu’elles ont été lar-gement abordées dans les très nombreux ouvrages de management mais nulle part elles n’ont été développées simultanément et enri-chies par les deux dernières perspectives - culturelle et spirituelle - et dans le lien qu’il fait entre les six. Rares, voire exceptionnelles sont les approches du coaching qui abordent avec compétence les perspec-tives culturelles et spirituelles, qui répondent toutes deux à la question essentielle : qu’est-ce qui donne un sens à la vie ?

Tout en laissant aux coachs la pleine responsabilité de savoir ré- pondre aux besoins évidemment différents, divers, spécifiques de leurs clients, Philippe les engage - comme il incite toutes les personnes qui exercent le leadership - à élargir le champ de leur conscience, la com-plexité du monde moderne le nécessite absolument.

Complexité, le mot est lâché ! La formation scientifique de Philippe lui permet de prendre ce chemin délicat mais Ô combien prometteur. La physique quantique « démontre » que l’univers est un dans sa diver-sité apparente. Philippe utilise les notions d’hologramme pour nous le faire comprendre et nous invite à rechercher en nous cette unité pro-fonde entre la matière et l’esprit, entre toutes les composantes de nos champs d’action, ce qu’il appelle les Perspectives.

Que chacun d’entre vous, lecteur, puise dans cet ouvrage tout ce dont il a besoin pour poursuivre son propre développement, pour atteindre son unité et pour accompagner les personnes de son entourage – en tant que leader, coach, parent - , vers leur réalisation !

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Préface

Leadership et Coaching Global est vraiment le livre complet du coaching. Il est essentiel à tous ceux qui veulent l’étudier, s’y essayer, le pratiquer ou encore s’y plonger. J’espère qu’il sera lu

par de nombreuses personnes qui ne sont pas coachs mais qui souhaitent comprendre et profiter davantage des richesses que nous offre la vie.

Coaching est un terme utilisé pour définir une méthodologie effi- cace qui nous aide nous-mêmes et les autres à grandir et à nous déve-lopper pour devenir les êtres humains les plus complets possible. Leadership et Coaching Global pourrait bien nous aider à transfor-mer des croyances limitantes en nouvelles croyances inspirantes et motivantes.

Le terme global, comme l’utilise Philippe Rosinski ici, nous emmène bien au-delà des frontières implicites de son précédent livre, Le Coaching Interculturel, très bien accueilli. En fait, le terme ici n’a aucune barrière, car dans certaines parties, Leadership et Coaching Global nous entraîne au-delà du monde physique, dans un univers intangible. Ce faisant, l’auteur utilise un style spécifique pour chaque section du livre, ce qui souligne sa faculté d’adaptation. Leadership et Coaching Global est construit autour de six perspectives, qu’il aborde chacune avec le langage et le style le plus approprié à chaque sujet.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Par exemple, en utilisant tour à tour des études de cas dans la section consacrée au « Management » ; des modèles théoriques, des tableaux et des diagrammes dans la partie « Psychologie », et un langage poé-tique dans la partie « Spiritualité ». Dans les six sections, Philippe fait preuve de connaissances étendues et d’une capacité profonde de com-préhension, renforçant ses affirmations par de nombreuses références académiques et littéraires – ou, devrais-je dire, de sagesse.

De nombreux coachs pensent qu’ils doivent se limiter à la demande des coachés et non apporter leurs savoirs ou leurs valeurs dans les sessions. Philippe ne partage pas cette croyance, bien au contraire : il invite le lecteur*1à considérer sérieusement chacun des principaux défis qui se posent à la société – et bien sûr à l’Humanité – et à les prendre pleinement en compte pendant le déroulement du coaching, ce qui encourage de nouveaux développements de l’évolution du métier de coach, engagée depuis quelques années.

Philippe accompagne le lecteur dans un voyage logique et utile pénétré du sens le plus profond du coaching et de ses effets poten-tiels considérables dans notre monde d’incertitude et de changements rapides. Je suis certain que les lecteurs les plus divers, tout comme les coachés, apprécieront cet ouvrage de grande portée et en tireront profit.

John Whitmore Performance Consultants International

* NdE : Nous partageons le souci d'égalité de traitement homme/femme de l'auteur et ne le confondons pas avec l'usage du masculin/féminin. Pour la clarté du texte et sa bonne compré-hension, nous nous sommes conformés aux règles d'usage de la langue française, à savoir le masculin quand il signifie à la fois le masculin et le féminin. Le « lecteur », « les coachs », « les coachés », « les dirigeants », etc. se reconnaîtront, hommes ou femmes.

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Introduction

Les défis globaux et sociétaux

Réduire la pollution, inverser la destruction des écosystèmes, combattre la pauvreté, préserver la santé, favoriser l’accès aux soins, promouvoir l’éducation, limiter la prolifération du

nucléaire, assurer la paix sont quelques-uns des immenses défis aux-quels nous devons faire face.

Un être humain sur six souffre de la faim. Un milliard de person- nes n’a pas accès à l’eau potable. Treize millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année. Les espèces animales se perdent mille fois plus vite qu’à leur rythme naturel d’extinction1. La liste des crises mondiales s’allonge. La crise financière de 2008, avec la chute bru-tale de la bourse, et la récession économique mondiale qui a suivi ont montré douloureusement et clairement que lorsque les banques amé-ricaines construisent des châteaux de sable2, les conséquences se font ressentir dans le monde entier. Nous avons perdu de vue que tout est interconnecté. Une catastrophe internationale pourra très bien avoir son origine ailleurs la prochaine fois.

Parallèlement, beaucoup d’entre nous sont pris dans une frénésie de travail qui promeut une production non-essentielle, sinon néfaste, en vue de résultats financiers. Avec l’argent gagné au travail, on se complaît

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

dans une consommation superflue qui contribue à la destruction de la planète et ne rend pas spécialement heureux.

Nous avons tous un rôle important à jouer pour empêcher les dégâts et faire de ce monde un endroit meilleur pour tous, y compris pour les générations futures. Toutefois, nous devrons nous transformer nous-mêmes pour jouer ce rôle.

Les crises nous offrent l’opportunité de nous élever au niveau des défis sans précédent. Le coaching global peut apporter une contribution inestimable à cet enjeu.

Qu’est-ce que le coaching global ?Le coaching global est une approche holistique faisant appel à des

perspectives multiples et interconnectées, pour faciliter le déploiement du potentiel humain dans des projets porteurs de sens. Dans ce livre, les perspectives auxquelles nous nous intéresserons couvrent une large gamme, du physique au spirituel. Les coachs globaux s’efforcent de tirer profit de ces perspectives à la fois pour définir le succès de façon large et durable (la question du Quoi), et pour permettre de l’atteindre efficacement (la question du Comment).

Le coaching global repose sur le constat que beaucoup des défis à relever, notamment les plus difficiles, sont multidimensionnels. Tout est lié, mais le coaching traditionnel n’aborde tout bonnement pas cette complexité.

Le coaching global nous permet de tirer parti du pouvoir, de la res-ponsabilité et du droit que nous avons tous de rendre meilleures notre vie et celle des autres comme de ressentir plus de joie et de trouver du sens dans tout ce que nous faisons.

Affronter les défis personnelsEn plus des défis globaux et sociétaux que j’ai mentionnés plus

tôt, chacun d’entre nous affronte des défis personnels. Pour les rele-ver, chacun, coach comme coaché, trouvera avantage à améliorer sa forme physique, son énergie et sa résilience ; à développer les compé-tences d’organisation et de leadership menant à des résultats tangibles et durables ; à affiner son intelligence émotionnelle, sa confiance en lui, son aptitude à établir des relations constructives et à gérer les conflits ;

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INTRODUCTION

à apprendre à atteindre ses objectifs tout en servant autrui ; à tirer profit de la diversité pour une meilleure créativité ; à développer des façons de faire face à l’adversité ; et à découvrir comment vivre une vie pleine de sens.

Il n’est peut-être pas nécessaire de maîtriser toutes ces aptitudes. Toutefois, le coaching intervient souvent dans des périodes de transi- tion, ou lorsque de nouveaux défis exigent que nous accédions à un potentiel inexploré jusqu’alors. Vous pouvez, par exemple, avoir be- soin de devenir plus sûr de vous afin de traiter avec un nouveau patron exigeant. Ou peut-être avez-vous été promu à un poste de direction, à la tête d’une équipe culturellement diversifiée. Ou bien vous vous demandez comment mieux gérer les différentes parties prenantes et guider votre entreprise sur le chemin du développement durable. Ou bien encore, vous voulez trouver un meilleur équilibre de vie, être heu-reux à la fois dans votre travail, avec votre famille et dans votre vie sociale.

Ou bien peut-être vous interrogez-vous : « Quelle est la raison d’être de ce travail ou de cette carrière ? » et souhaitez que votre vie ait plus de sens, soit dans votre emploi actuel, soit en changeant radicalement. Ces défis sont les vôtres ou ceux de personnes que vous coachez.

Le coaching global nous aide à faire face aux défis de la vie quo-tidienne, aide les organisations ou entreprises à atteindre des résultats durables et produit des bénéfices pour notre planète sur le long terme. Le coaching global met en exergue les liens entre ces trois enjeux.

Les occasions de libérer le potentiel humain pour atteindre des objectifs importants et significatifs sont probablement illimitées. Grâce au coaching global, les coachés ont une meilleure perception de leurs capacités et découvrent de nouvelles façons d’affronter leurs défis. Ils deviennent plus responsables, prennent les situations en main et donnent d’eux-mêmes efficacement plutôt que de critiquer autrui. Ils permettent aux autres également de contribuer à l’atteinte d’objec-tifs communs. Grâce au coaching global, nous pouvons tous, même modestement, favoriser le progrès de nos organisations, de la société et, plus largement, dans le monde.

Le coaching global est une approche révolutionnaire qui transcende l’impact limité du coaching traditionnel. Nous vivons dans un monde complexe, dynamique et interconnecté. Le coaching traditionnel pro-pose en général une approche binaire, statique et fragmentée. Tant au niveau individuel que collectif, le coaching global favorise l’unité plu-tôt que la fragmentation.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Qui peut bénéficier du coaching global ?Le coaching global peut bénéficier à tous. Il donne les moyens

d’améliorer nos vies et celles des autres.• En tant que citoyens, nos voix comptent et doivent être entendues.

Comme je le soutiendrai, les gouvernements doivent être incités à prendre des décisions courageuses dans l’intérêt de tous. Nous avons besoin de réglementations appropriées pour protéger les consommateurs des produits et des aliments nocifs ; pour assurer une éducation adéquate, l’accès aux soins et des conditions de vie correctes pour tous ; et pour préserver la planète. Bien que les entreprises aient à jouer leur rôle, nous ne pouvons nous attendre à ce qu’elles se substituent aux actions du gouvernement ; leur intérêt financier n’est pas nécessairement en accord avec la satis-faction des besoins réels des citoyens. Nous devons aussi pous-ser les nations à surmonter leurs intérêts égoïstes et renforcer la gouvernance mondiale. Les défis globaux seront affrontés plus efficacement au niveau global. Toutefois, cela ne signifie pas que l’uniformité doive prévaloir. Nous devons réaliser l’unité dans la diversité3.

• En tant que professionnels, managers et leaders dans nos organi-sations, nous pouvons faire en sorte que nos compagnies pour-suivent des buts constructifs et porteurs de sens, au service de multiples parties prenantes et d’un développement durable. Nous pouvons aider à ce que l’épanouissement personnel et la perfor-mance aillent de pair. L’excellence du leadership doit devenir la norme.

• En tant qu’êtres humains, nous pouvons devenir plus heureux en apprenant à apprécier ce que nous avons déjà, en nous ouvrant à la beauté du monde et de l’art, en évitant le consumérisme débili-tant. Des actions simples peuvent produire de grands effets : éco-nomiser l’énergie à la maison, réparer des objets plutôt que les jeter, utiliser des moyens de transport écologiques, manger moins de viande, acheter des produits locaux. Nous nous épanouissons en apprenant à savourer la vie de façon plus naturelle.

Tout est lié. Le coaching global nous aide à devenir acteurs de la création du cercle vertueux du progrès, au détriment du cercle vicieux

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INTRODUCTION

de la destruction. Le coaching global propose une approche qui favorise l’unité dans la diversité, le progrès durable et la réussite porteuse de sens.

Nous préférons laisser aux hommes politiques, aux dirigeants et aux multinationales la responsabilité de changer les choses, et nous dis-penser ainsi de nos propres obligations. Mais les politiques hésitent à prendre des décisions nécessaires et difficiles sans le soutien de l’opi- nion publique. Après tout, ils veulent généralement être réélus. De même, les entreprises sont sous pression pour faire du profit en satis-faisant les exigences du marché. Nous, nous pouvons souhaiter que des dirigeants visionnaires construisent plus de voitures écologiques et produisent plus de nourriture saine, mais c’est à nous, consommateurs, de les y pousser – en refusant de nous contenter de ce qu’ils offrent.

Le coaching global ne vise pas seulement les coachs profession-nels. Il s’adresse à tous les professionnels, managers et leaders dont un des rôles tant dans le secteur privé que dans le secteur public est de déployer le potentiel des individus pour atteindre des objectifs impor-tants et significatifs. Le coaching global devrait imprégner la société tout entière. Dans l’idéal, il devrait être un chemin de développement continu qui débuterait avec l’éducation des enfants. Les médecins, les avocats et d’autres professionnels pourraient bénéficier du coaching global, et leurs clients seraient en conséquence mieux servis.

Cela fait presque vingt ans que je coache des dirigeants. Je forme aussi, et de plus en plus, des professionnels et des managers à devenir des coachs globaux, notamment dans des séminaires4 internationaux de coaching interculturel avec différents collègues et partenaires. Je suis professeur à la Kenichi Ohmae Graduate School of Business au Japon et y enseigne dans le programme MBA en mondialisation.

De plus en plus, le pouvoir et la nécessité du coaching global sont reconnus. Des effets positifs se démultiplient même si une seule per-sonne y a recours : relations plus épanouissantes au travail, performan-ces améliorées, confiance en soi et sérénité au lieu d’insécurité et stress - ce qui bénéficie également aux clients, à la famille et à la vie sociale -, créativité améliorée par le recours à des perspectives culturelles alternatives.

Le coaching a débuté avec des praticiens plutôt que des universi-taires ; les universités n’ont commencé que plus tard à l’intégrer dans leurs programmes et recherches. Le coaching a encore un long chemin

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

à parcourir avant d’imprégner pleinement la société et il faudra encore plus de temps avant qu’une approche globale soit adoptée. J’espère que ce livre contribuera à favoriser cette évolution naissante.

Adopter le paradigme de la complexité Cela n’exige pas moins qu’un changement de paradigme. Comme

je le développerai, les modèles traditionnels - newtonien/cartésien - de la réalité ne suffisent plus pour relever les défis complexes qui s’imposent à nous aujourd’hui. Je ne dis pas que ce modèle tradition-nel doive être supprimé mais plutôt qu’il devrait être intégré dans un nouveau paradigme de la complexité. Dans ce livre, vous découvrirez comment ce nouveau référentiel vous aidera à coacher plus efficace-ment. Je présenterai le modèle holographique pour décrire cette nou- velle réalité et parlerai de ses implications considérables pour le coa-ching et les coachs. Nous examinerons par des exemples comment un tel coaching a été et peut être déployé en pratique.

Pour le moment, je dirai déjà que le modèle holographique com-prend plusieurs notions interdépendantes :

• Toutes choses sont dynamiquement interconnectées ;• Toutes choses créent un tout indivisible ;• Unité et infinité sont liées ;• Chaque partie est dans le tout et le tout est dans chaque partie ;• L’ordre peut être soit manifeste (explicite, déployé) ou caché

(implicite, enfoui). Il y a un échange constant et fluide entre les deux ordres et les niveaux d’existence ;

• La façon dont le coach interagit avec le coaché et l’ensemble qu’ils forment déterminent quels aspects sont déployés et quels autres restent cachés ;

• Nos replis et nos déploiements dynamiques (holo-mouvements) créent, instant après instant, notre univers ;

• Les perspectives multiples favorisent le phénomène de résonance : « Comme la façon dont un laser d’une certaine fréquence amène une image produite avec un laser de la même fréquence à émer-ger d’un hologramme à images multiples. » (Talbot, 1991, 73).

Incidemment, le modèle holographique explique une large gamme de phénomènes surprenants : la non-localisation (en physique), l’éten-

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INTRODUCTION

due et la distribution de la mémoire dans le cerveau (biologie), la synchronicité, les archétypes et l’inconscient collectif de Jung (pour n’en mentionner que quelques-uns).

Il apparaîtra que le modèle holographique décrit utilement notre réalité complexe. Le coaching holographique (équivalent au coaching global), avec sa vision holistique et ses perspectives multiples, consti-tue une forme de coaching plus complète, plus créative, plus puissante et plus riche de sens.

Six perspectives essentiellesD’un point de vue pratique, le coaching global implique que nous

élargissions notre vision pour inclure des perspectives multiples. J’ai constaté que les perspectives interconnectées explicitées ci-après peu- vent favoriser un progrès durable et global : physique, managériale, psychologique, politique, culturelle et spirituelle.

Les perspectives managériale et psychologique sont les deux pi- liers du coaching traditionnel. Pourtant, chaque perspective contient elle-même de multiples perspectives. Certains coachs se reposent sur quelques modèles psychologiques alors qu’ils pourraient tirer profit d’approches alternatives. Je montrerai dans ce livre comment vous pouvez intégrer le leadership situationnel et l’analyse transactionnelle dans une approche de coaching global. J’explorerai également d’autres modèles utiles (notamment la psychanalyse et la psychologie positive), en soulignant leur contribution au coaching global.

Les coachs traditionnels oublient souvent les perspectives politique et culturelle. La nécessaire intégration de cette dernière au coaching est toutefois de plus en plus reconnue par les experts. J’ai présenté ces perspectives dans un article intitulé Constructive Politics (1998), et dans mon premier livre Coaching across Cultures (2003). Je me pencherai à nouveau ici sur la perspective culturelle, et j’expliquerai comment l’outil d’évaluation, le « Tableau des Orientations Culturel-les » (Cultural Orientations Framework, COF), peut aider le dévelop-pement individuel, de l’équipe, et de l’organisation (en particulier dans le cas d’alliances, de fusions et d’acquisitions).

Les coachs traditionnels ont également tendance à ignorer les perspectives physique et spirituelle. Ils mettent peu ou pas du tout l’accent sur une approche proactive de la santé et de la forme phy-sique. Ils incitent éventuellement leurs coachés à faire plus d’exercice,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

sans toutefois considérer leurs besoins individuels ou sans aboutir à un plan précis couvrant les différentes composantes de la forme phy-sique : endurance, force, puissance, souplesse et équilibre. Par ail-leurs, la malnutrition dans les pays pauvres semble aller de pair avec la « malbouffe » dans les sociétés d’abondance. Vous découvrirez une approche systématique de promotion de la santé et de la forme, et en apprendrez les multiples bénéfices, qui vont bien au-delà du simple domaine physique.

La spiritualité, bien que trop souvent confondue avec la religiosité, est de plus en plus intégrée dans le coaching de vie mais rarement dans le coaching professionnel, certains soutenant même l’idée que la spi-ritualité et le succès matériel sont incompatibles. En fait, nous avons besoin d’une perspective spirituelle pour donner sens et consistance à nos vies et à notre travail, pour faire face à l’adversité et nous rappro-cher de l’unité, en nous-mêmes et avec autrui. La spiritualité, avec sa promesse de ré-enchanter notre monde, n’est pas contraire à la rigueur scientifique mais exige une ouverture d’esprit scientifique.

Ensemble, ces perspectives vous aideront à vous développer à tous niveaux : physique, émotionnel, mental et spirituel. Vous serez en mesure d’aider les autres à s’épanouir également.

Cette vision peut paraître utopique. Elle est pourtant parfaitement compatible avec l’approche des coachs, pragmatique et orientée vers l’action. Nous nous efforcerons d’atteindre l’efficacité plus que la per-fection. Et ce qui importe est que nous engagions notre vie autant que possible dans la voie du progrès. Il se peut que nous n’atteignions ni la cohérence parfaite ni l’unité complète et ne surmontions pas toutes nos contradictions. Nos egos échoueront peut-être à accepter toute notre zone d’ombre. Peu importe ; l’essentiel est que nous puissions déployer davantage notre potentiel multidimentionnel et que nous tendions vers des résultats positifs. Dans le film Crash (Haggis, 2004), l’officier de police John Ryan (Matt Dillon) se comporte de façon odieuse, humi-liant à la fois Christine Thayer (Thandie Newton) et son mari. Plus tard, Christine Thayer, dans un état de stress intense, fracasse sa voiture dans un terrible accident. Par coïncidence, John Ryan recroise son chemin à ce moment-là et n’hésite pas un seul instant à sauver la vie de la jeune femme au risque de la sienne. Il y réussit de justesse : la voiture s’em-brase alors que Ryan sort tout juste Thayer de la voiture. Le coaching global ne cherche pas à minimiser nos mauvais côtés. Nous savons ce dont le genre humain est capable et ne pouvons ignorer cette dure réa-

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INTRODUCTION

lité. Néanmoins, le coaching global est résolument porteur d’espoir et d’optimisme : il s’agit de déployer ce qu’il y a de meilleur en nous, de libérer les héros en nous, d’apporter une différence constructive.

Le coaching global peut aborder un large éventail de défis. Par exemple, un manager peut souhaiter avoir plus de confiance en lui et devenir plus assuré, ou gérer plus facilement son stress. Dans ce cas, la perspective psychologique peut être prioritaire. Toutefois, la perspective physique sera également utile. En évoquant comment l’en-traînement physique permet de réduire le stress, le coach global ajoute un atout qui favorisera la quiétude. Coacher selon une perspective managériale peut améliorer une gestion du temps et une organisation personnelle déficiente et ainsi supprimer plusieurs facteurs de stress. Coacher selon une perspective politique permet au coaché de gagner en pouvoir et, par là, d’augmenter sa confiance en lui. Coacher selon une perspective culturelle aide le coaché à considérer les normes, les valeurs et les croyances contribuant à son état actuel. Enfin, coacher selon une perspective spirituelle aide le coaché à se relier au sens, à sa raison d’être et à la sérénité.

Une approche complexe et multidimensionnelle permet d’aborder de nombreux défis résistant aux solutions simples et habituelles. Une perspective culturelle est propice pour aider une équipe interculturelle à traiter constructivement sa diversité. Une perspective spirituelle est appropriée pour aider un dirigeant à réfléchir à l’héritage qu’il souhaite laisser derrière lui. Les coachs globaux efficaces font appel à diverses ressources en les combinant de façon fluide.

Buts et limites, et une invitationEn résumé, ce livre est destiné aux coachs (c’est à dire aux coachs

professionnels et aux leaders qui utilisent le coaching) et à toute per-sonne qui se préoccupe de déployer le potentiel humain pour elle-même et pour autrui. Il vous aidera à :

• développer une conscience plus profonde de la réalité, qui affec-tera votre façon d’être (ouverture, énergie, curiosité, présence, etc.) et vos actions (réalisations visibles) ; améliorant et transfor-mant votre pratique,

• comprendre six perspectives essentielles du coaching (dont plu-sieurs sont généralement négligées) et vous révéler de nouveaux leviers de progrès,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

• réunir les diverses perspectives en un tout cohérent, favorisant l’unité dans la diversité ainsi qu’un succès durable et significatif,

En toute humilité, je dois souligner les limites inévitables de ma démarche. Ce livre devrait ouvrir de nouvelles perspectives. Vous trouverez des illustrations dans des situations réelles de coaching et d’autres exemples encourageants.

Pourtant, la plupart des entreprises et la société dans son ensemble n’adhèrent pas encore au nouveau paradigme, à la réalité post-moderne. Nous n’en sommes qu’au début. D’autres travaux seront nécessaires et ce nouveau livre aidera, je l’espère, à les encourager.

Enfin, permettez-moi de dire que ce livre se veut aussi clair que possible. Aborder la complexité n’implique pas d’être inutilement com-pliqué et de recourir à un épais jargon. J’ai tenté d’éviter ces écueils ; soyez toutefois averti, cher lecteur, que ce livre mettra votre façon de penser à l’épreuve.

Il n’offre ni astuce facile ni méthode simpliste. Il exige attention et ouverture d’esprit. Vous bénéficierez des apports de ce livre si vous êtes un lecteur actif. Je vous invite à tenir un journal personnel ou à employer tout autre moyen pour noter vos idées au fur et à mesure de votre lecture. Je suggère que vous y exprimiez clairement comment vous pourriez faire évoluer votre pratique et relever vos propre défis. Ce livre pourra aussi déclencher des discussions avec vos collègues, et conduire à de nouvelles réalisations ou à des projets innovants. Le coa-ching global est le cheminement de toute une vie. Nous avons tous de nombreuses occasions de grandir et de découvrir comment améliorer notre propre vie et celle d’autrui.

NOTES

1. Statistiques d’Arthus Bertrand, 2009. Son film Home qui a inspiré autant que dérangé a été diffusé sur TV Monde le 5 Juin 2009, et sur www.youtube.com/homeproject.

2. En mettant en place des produits financiers abscons basés sur des actifs sans valeur – les emprunteurs sur hypothèque ne pouvaient rembourser leurs dettes. Voir chapitre 2.

3. Voir Rosinski, 2003.4. Pour plus d’informations, voir www.philrosinski.com.

1ère partie

L’approche du coaching global

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Chapitre 1

Le cadre des perspectives multiples1

Les perspectives multiples m’ont toujours fasciné.À 15 ans, j’hésitais entre la section latin-mathématiques (qui prépare aux études scientifiques et aux écoles d’ingénieurs) et

la section latin-grec (qui prépare aux études littéraires et aux sciences humaines). Je voulais étudier les deux ! Plus tard, après avoir obtenu le diplôme de l’École Polytechnique à Bruxelles, j’ai étudié l’ingénie-rie électrique à l’Université de Stanford et j’ai choisi tous mes cours facultatifs dans le registre des sciences humaines (à l’exception d’un cours de planche à voile !). Je trouvais ces perspectives radicalement différentes, inspirantes et enrichissantes. Mes camarades préféraient habituellement l’informatique, discipline qu’ils percevaient comme un complément plus naturel et plus adapté à l’ingénierie électrique.

Plus tard, alors que j’étais coach de cadres et dirigeants, cette même disposition m’a fait introduire les concepts de coaching global et de coaching à partir de perspectives multiples. Je cherchais à tirer avan-tage d’angles nouveaux (notamment politique, culturel et spirituel) qui ne faisaient pas alors partie du coaching traditionnel. Mon expérience me montre que l’approche multidimensionnelle permet un coaching plus créatif, plus puissant et plus porteur de sens.

1 Page 37.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

À mon avis, la mission du coach est de faciliter le cheminement du coaché vers une performance et un épanouissement supérieurs, vers un succès durable et global, pour son propre bénéfice et celui des per-sonnes qu’il peut influencer dans son entourage.

En pratique, le coaching de dirigeants* est souvent restreint à deux perspectives traditionnelles, l’une psychologique, l’autre managériale, certes essentielles, mais généralement insuffisantes pour libérer tout le potentiel du coaché.

Alors que le coaching s’impose comme une nouvelle discipline, plusieurs universitaires qui contribuent à son « institutionnalisation » adoptent désormais l’idée que les perspectives multiples rendent le coaching plus efficace et plus pertinent. En 2006, deux ouvrages ont illustré cette évolution : Evidence Based Coaching et Excellence in Coaching. Linda Page a résumé cette évolution en 2006 : « Il existe un consensus croissant sur l’idée que l’étude du coaching doit être hybride, multi ou inter-disciplinaire, c’est-à-dire un trait d’union entre les disciplines, plutôt que le champ clos de telle ou telle discipline uni-versitaire existante. »

Lorsqu’il intègre de multiples perspectives, le coaching est un puissant vecteur de changement durable et global (pour soi-même et les autres). J’utilise le terme de coaching « global », « intégratif » ou encore « multidimensionnel », à propos de sa forme large et inclusive. Le coaching s’appuyant sur des perspectives multiples élargit la mis-sion du coach et implique qu’il soit prêt à s’engager lui-même dans un apprentissage à vie.

Six perspectives essentiellesLes perspectives décrites dans le tableau ci-dessous m’ont paru par-

ticulièrement utiles.

Perspective Définition/Explication Deux qualités essentielles favo-risées par la perspective

Spirituelle

La spiritualité est une conscience accrue de la relation avec soi-même, les autres, la nature, l’im-manent et transcendant « divin ». C’est aussi la capacité à trouver du sens, dégager un but et appré-cier la vie.

Sens et UnitéVoir le commentaire dans la section suivante :« Culturelle »

* NdE : En anglais “executive coaching” concerne le coaching de dirigeants au sens le plus large : cadres et dirigeants.

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LE CADRE DES PERSPECTIVES MULTIPLES

Perspective Définition/Explication Deux qualités essentielles favorisées par la perspective

Culturelle

La culture d’un groupe est l’ensemble des caractéristiques uniques qui distingue ses membres de ceux d’un autre groupe.Les caractéristiques externes comprennent les compor-tements, les artéfacts et les produits. Les caractéristiques internes comprennent les normes, les valeurs, et les hypothèses de base.

Diversité et CréativitéDans notre environnement complexe, multiculturel et tur-bulent, nous devons apprendre à embrasser la diversité, combler les écarts culturels, apprendre des différences cultu-relles pour plus de créativité, vivre avec sens, agir avec res-ponsabilité, dépasser les divi-sions et viser l’unité (interne et externe).

Politique

La politique est une activité qui construit et maintient votre pouvoir pour que vous puissiez atteindre vos objectifs. Le pou-voir est l’aptitude à atteindre vos buts significatifs et impor-tants. La politique est un proces-sus. Le pouvoir est un potentiel, provenant de diverses sources.

Pouvoir et ServiceLa politique est inhérente à la vie organisationnelle et essen-tielle au leadership. La politique devient constructive quand elle est aussi mise au service d’au-trui. Alors que le pouvoir donne de l’impact et de l’influence, le service peut guider vos actions.

Psychologique

La psychologie est l’étude de la personnalité de l’individu, des comportements, des émotions et des processus mentaux. La psychologie principalement centrée sur l’individu diffère de la culture et du collectif.

Émotionnel et RelationnelLes perspectives psychologiques et managériales sont les deux piliers du coaching traditionnel.

Managériale

« Manager est une tâche consis-tant à focaliser les ressources sur les objectifs de l’organi-sation, puis à en surveiller et gérer l’utilisation. » (Campbell, 1991, 4)

Productivité et RésultatsVoir commentaire dans la sec-tion précédente

Physique

Le physique est tout ce qui est en rapport avec le corps.

Santé et Forme PhysiqueLa santé et la forme physique sont des fondations fragiles considérées parfois comme allant de soi mais qui néces-sitent au contraire d’être acti-vement cultivées. « Mens sana in corpore sano », un esprit sain dans un corps sain, est un aspect fondamental du coaching global.

La réalité est à facettes multiples et les diverses perspectives sont interconnectées. Chaque perspective générale en contient plusieurs

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

spécifiques. Evidence Based Coaching Handbook (2006) illustre clairement, par exemple, comment diverses écoles, théories et modèles de la psychologie peuvent apporter leur contribution au coaching. Ils comprennent le développement de l’adulte, la psychologie cognitive, la psychanalyse et la psychologie positive.

Le coaching est un art. Dans une situation donnée, le coach doit choisir une approche adaptée pour provoquer la prise de conscience et stimuler le progrès. Il doit pouvoir jongler entre les perspectives multi-ples, puis relier et exploiter les différents points de vue afin d’aborder les défis du coaché dans leur ensemble.

Voyons comment ces idées peuvent s’appliquer pratiquement à un cas particulier écrit par mon amie et collègue le Docteur Katrina Burrus, Maître Coach Certifiée2.

ÉTUDE DE CASMarie, chargée du développement en Asie d’une compagnie interna-

tionale prestigieuse de service à la clientèle, dont le siège se trouve au Royaume-Uni, vous demande votre aide. Son patron lui a suggéré de travailler avec un coach, ce qui est inhabituel ; sa compagnie investit rarement pour la formation continue de son personnel. Elle est donc surprise et se sent privilégiée de bénéficier d’un programme de coa-ching. Vous avez été recommandé pour ce coaching mais vous vivez en Europe ; Marie, Américaine d’ascendance anglo-saxonne, vous demande si vous pouvez la rejoindre pour ce travail à Beijing où elle vit depuis un an.

Elle vous explique qu’elle souhaite cet accompagnement pour deve-nir plus efficace dans le développement des affaires de la région. Elle voudrait faire de cette région Asie un des principaux centres d’affaires pour sa compagnie d’ici quelques années. Elle mentionne également qu’elle travaille tout le temps et ne peut jamais se détendre suffisamment et « être ». Elle est toujours en train de faire quelque chose : travailler, lire ou étudier. Elle voudrait aussi passer plus de temps avec son mari.

Avec son accord, vous parlez à son supérieur fonctionnel et à son supérieur régional (elle dépend à la fois des deux dans une organisation matricielle), pour leur demander ce qu’ils attendent de ce programme de coaching. Vous apprenez ceci : le directeur régional de Marie, Joe, un Britannique vivant à Beijing, la décrit comme une professionnelle exceptionnelle dotée d’une incroyable capacité de travail, gérant des situations complexes et multiples : « Marie », dit-il, « est dévouée au succès de l’entreprise et obtient des résultats remarquables. Elle a été dépêchée dans de nouveaux et difficiles marchés en Europe de l’Est

2 Pages 37 et 38.

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LE CADRE DES PERSPECTIVES MULTIPLES

pour régler des situations de crise et a réussi à résoudre la plupart des problèmes et faire aboutir les projets en un temps très court. En société, elle est charmante et agréable mais au travail elle est très opiniâtre pour imposer ses idées. Lorsqu’elle délègue à ses subordonnés, elle ne cesse de revenir vers eux et de demander ce qui a été accompli. » Joe rapporte que ce comportement est perçu comme très pesant.

Il poursuit : « Ses équipes asiatiques, du Japon, d’Inde et de Beijing tendent à éviter de travailler directement avec elle. Elle a la réputation de réprimander ses subordonnés en public et d’humilier d’autres collè-gues devant leur patron. Certains clients ont même subi sa colère. Elle doit se doter d’un esprit d’équipe et faire en sorte que les gens soient plus heureux de travailler avec elle. »

Joe fait une pause pour réfléchir et continue : « Après une dis-pute, Marie peut bien essayer de faire amende honorable auprès de la personne qu’elle a contrariée ; elle ne peut cependant s’empêcher de démontrer qu’elle a raison, au risque de briser la relation. Beaucoup de ses collègues pensent qu’elle a un besoin d’entrer en compétition et de gagner. Ce qui a surpris plus d’un d’entre eux, c’est que l’assurance qu’elle montre au travail contraste du tout au tout avec son attitude de soumission vis-à-vis de sa supérieure fonctionnelle, Jane. » Joe indique : « J’ai remarqué qu’il lui arrive d’entrer brusquement dans le bureau, l’air tendu et, lorsqu’elle est ennuyée par la discussion, de lever les yeux au ciel et de s’en aller. »

Sa supérieure fonctionnelle, Jane, une Américaine basée aux États-Unis résume l’attitude de Marie comme ceci : « Elle manque de confiance en elle et reste silencieuse pendant les réunions ». Elle poursuit : « Elle veut impressionner et en fait trop pour essayer de convaincre de son intelligence et de son indispensable compétence. Lorsqu’elle rencontre de la résistance chez ses subordonnés, elle devient très agressive, hié-rarchique et condescendante. Elle n’a que très peu d’empathie, voire aucune et manque de « radar social ». Elle est perçue comme peu sensible à ce que demandent les autres. » Jane s’interrompt puis dit pensivement : « Elle ne sait sous quel jour se présenter pour s’attacher les gens. »

Marie vous dit qu’elle a 42 ans, qu’elle est mariée depuis 12 ans et qu’elle n’a pas d’enfants. Elle a été élevée dans l’est des États-Unis dans une famille traditionnelle de la classe moyenne. Son mari est un ban-quier suisse qui réussit très bien, a été régulièrement promu et change de pays à chaque promotion. Jusqu’à présent, elle a trouvé le moyen de suivre son mari tout en s’occupant de sa propre carrière ou de ses études. Elle mentionne que son mari admire ses succès professionnels mais se plaint parfois qu’elle s’en remette trop à lui pour prendre des décisions.

Lorsque Marie donne des informations sur son milieu familial, vous découvrez qu’elle a un frère plus âgé qui était la prunelle des yeux de ses parents. Tous leurs espoirs étaient placés sur la carrière de son

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

frère jusqu’à ce qu’il prenne la décision de quitter complètement la vie professionnelle pour vivre en retrait de la société. Elle, plutôt élève moyenne, a commencé à avoir d’excellents résultats à partir du moment où son frère a quitté le monde des affaires.

Marie parle fièrement des résultats qu’elle a obtenus et de ses nom-breux voyages. Elle vous confie qu’elle poursuit ses propres objectifs et que tout obstacle sur son chemin la contrarie. Consciente d’être perçue comme arriviste, elle veut apprendre comment inspirer plutôt qu’im-poser. Son entreprise lui a donné l’occasion de bénéficier du coaching afin de travailler au développement de son intelligence émotionnelle, ce qu’elle entend comme le développement de ses compétences relation-nelles. Avec ces informations données par Marie ainsi que par ses deux supérieurs, votre évaluation de la situation de coaching commence.

Lors d’ateliers, je pose les questions suivantes aux participants après la lecture de ce cas :

-Quelle est votre compréhension de la situation ? Quels sont les principaux défis et problèmes-clés à considérer ?

-Comment traiteriez-vous ce cas ? Quelle approche adopteriez- vous vis-à-vis de Marie ?

Je vous invite également à répondre à ces questions. Quel est votre avis sur cette situation ? Que feriez-vous pour aider Marie ?

Dans mon expérience, les coachs - coachs professionnels aussi bien que les leaders - suggèrent en majorité des approches psychologiques. Les interculturalistes conseilleront également un accompagnement cul- turel. La plupart des coachs ignorent les approches alternatives et man-quent alors de précieuses occasions de bien aider Marie.

Il est raisonnable d’aider Marie en se focalisant principalement sur l’aspect psychologique et en prenant en compte la dimension intercul- turelle. Toutefois, laissez-moi expliquer brièvement comment d’autres perspectives pourraient ajouter des possibilités complémentaires et occasions supplémentaires de développement pour elle.

SpirituelleMarie veut apprendre à inspirer, à susciter l’enthousiasme. La pers-

pective spirituelle est un chemin utile ici, non seulement pour l’aider à gérer son stress mais également pour l’aider à faire son travail. Pour inspirer, Marie a besoin de trouver un sens plus profond à ses actions. Elle doit manifester une présence plus forte et plus calme, ce qui implique d’être plus à l’aise avec elle-même et d’apprendre à donner et à toucher autrui d’une manière positive.

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LE CADRE DES PERSPECTIVES MULTIPLES

Dans la tradition mystique juive, Cabbale signifie réception et suggère qu’une qualité spirituelle essentielle est l’aptitude à recevoir la lumière : se réchauffer d’un sourire d’enfant, se réjouir de musique ou accepter les encouragements d’un collègue. Vous devez laisser entrer la lumière avant de briller et d’irradier la lumière sur autrui.

Il arrive à Marie d’être dure envers ses collègues mais elle l’est également envers elle-même. Elle a peut-être besoin de s’accepter elle-même. Le coach pourrait recadrer sa situation de remise en question comme une occasion de progresser sur son « périple de héros » (voir partie III Le Coaching interculturel). Il pourrait l’aider à mettre ses défis en perspective, à reconnaître et accepter comme tels les cadeaux qu’elle a reçus de la vie et qu’elle considère probablement comme dus. Cette expression de gratitude mènera à un plus grand calme et à une paix intérieure qui l’aideront à changer ce qui peut être changé et à accepter ce qui ne peut pas l’être.

Le coaching dans une perspective spirituelle signifie faciliter l’unité. Pour aider Marie à devenir plus en accord avec elle-même, le coach doit l’aider à se confronter à son ombre, ses démons et ses faiblesses, et à les accepter. Carl Jung (1923) a décrit comment le soi émerge lorsque l’ego rencontre l’ombre.

Elle semble être une cérébrale. Elle pourrait s’accorder plus à ses émotions, établissant avec elles un contact sain et une distance adé-quate. L’unité impliquerait de pouvoir compter sur une tête froide et un cœur chaud, ce qui équivaudrait à déployer sa part de féminité (aimante et attentionnée) à côté de sa part masculine (dure et exigeante). De même, Marie pourrait devenir plus attentive à son corps. En étant ainsi plus en harmonie avec elle-même, elle le deviendrait davantage avec le monde. Pour l’aider sur ce chemin, le coach l’invitera à méditer sur son pouvoir, son droit et ses responsabilités. Lorsque ce sera culturellement approprié, le coach pourra citer le Talmud et l’inviter à méditer sur ce message : « Celui qui sauve un homme, sauve le monde entier ». Il est aussi écrit que chaque homme doit se dire : « C’est pour moi que le monde a été créé ». Et encore : « Le monde repose sur moi ».

Le coach pourrait alors confronter Marie à l’idée de l’héritage qu’elle veut laisser et des grandes lignes d’actions spécifiques pour apporter sa pierre à l’édifice dans l’amélioration du monde. Elle voudra peut-être commencer par remplacer ses communications destructives par de la bienveillance et du respect pour ses collègues.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

CulturelleMarie travaille dans un pays étranger ayant son propre ensemble de

normes, de valeurs et de croyances. Elle retirerait un grand avantage à apprendre et adopter des façons culturelles différentes de gérer les problèmes.

Plusieurs dimensions du « Tableau des Orientations Culturelles » (voir chapitre 7) semblent être en jeu ici. J’en mentionne quelques-unes ci-dessous :

Humilité versus Contrôle. Le coach peut guider Marie à faire du mieux qu’elle peut tout en acceptant que tout ne soit pas sous son contrôle.

Indirect et Hiérarchique. Du fait, en partie, de la culture du pays dans lequel elle travaille, Marie ne reçoit pas le feedback qui lui serait utile. Elle ne devrait pas tenir cette absence de feedback comme une approbation de son comportement abusif. Elle devrait plutôt se sou-venir que froisser les gens est le premier facteur de « sortie de route » des dirigeants, ainsi que l’établit la recherche du « Center for Creative Leadership3 ». Elle devrait se rendre compte de l’effet aliénant de perdre la face, particulièrement problématique dans les cultures indirectes.

Être versus Faire. Le coach pourrait l’aider à devenir plus sereine et à développer des relations interpersonnelles plus étroites, en « enten-dant » les personnes avec lesquelles elle travaille, ce qui contribuerait à créer un environnement coopératif et constructif, propice à des stan-dards élevés d’efficacité.

PolitiqueLe coach pourrait aider Marie à concevoir des façons de construire

des alliances internes (voir chapitre 6). Elle a besoin de reconnaître que son esprit de compétition est autodestructif. En s’alliant à ses collègues plutôt qu’en se les aliénant, elle pourrait développer ses affaires dans la région Asie, élevant ainsi son profil et son influence dans l’organisation.

PsychologiqueEn termes d’Analyse Transactionnelle (voir chapitre 5), Marie joue

des jeux psychologiques en adoptant des rôles divers dans le triangle dramatique, de persécutrice (OK–pas OK quand elle crie sur son équipe

3 Page 38.

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LE CADRE DES PERSPECTIVES MULTIPLES

directe) à victime (pas OK–OK dans son attitude de soumission envers sa patronne). Le coach doit l’aider à devenir plus sûre d’elle en adop-tant un état d’esprit OK–OK.

Les perspectives culturelles et spirituelles sont liées. À un niveau plus profond, le rapport OK–OK signifie s’accepter et s’aimer soi-même, aimer et accepter les autres. En acceptant des modes culturels alternatifs, voire en y adhérant, Marie pourra se rapprocher d’autres cultures, ce qui lui offrira l’opportunité de s’élever et devenir plus elle-même. Les différences d’autrui nous donnent l’occasion de réfléchir et d’éveiller de nouveaux aspects de nous-mêmes.

ManagérialeLe coach pourrait aider Marie à revoir systématiquement ses divers

projets et découvrir des possibilités d’accroissement de sa productivité et de ses résultats.

PhysiqueMarie est en bonne santé et toujours assez jeune (42 ans), mais son

corps pourrait bien se rebeller contre le haut niveau de stress auquel elle s’accoutume. Le coach global pourrait l’aider à acquérir des habitudes saines et à faire de l’exercice pour augmenter son bien-être, réduire son stress et développer sa résistance. Ensemble, Marie et le coach pour-raient fixer des objectifs spécifiques de forme physique, de nutrition, de sommeil et de divertissement. Elle pourrait également bénéficier d’un bilan médical, de programmes personnalisés avec des experts tels un entraîneur sportif et un nutritionniste.

Chaque cas est unique. Donc le coaching global ne peut se réduire à une série de techniques et prescriptions fixes. Néanmoins, le cas de Marie devrait vous permettre de saisir comment, en pratique, les pers-pectives multiples peuvent éclairer et enrichir le coaching.

Le coaching global ne se limite pas à aider les individus. Dans le pro-chain chapitre, vous découvrirez comment il s’applique aux équipes, aux organisations et aux situations sociétales.

NOTES1. Ce chapitre est tiré de Coaching from multiple perspectives, 2006.2. Katrina Burrus, Phd, MCC. Marie’s Case Study. Préparé pour l’intervention

« Tirer profit des perspectives multiples. Pratique d’un cas concret et com-

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

plexe. », présenté conjointement avec Philippe Rosinski à la Conférence Européenne de la Fédération Internationale des Coachs (ICF), Bruxelles 2006. Reproduit avec permission. Première publication dans International Journal of Coaching in Organizations, 2006 ; 4 (4).

3. Voir Center for Creative Leadership, 2000.

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Chapitre 2

Coacher pour un monde meilleur

Les individus travaillent habituellement en équipe et dans des organisations pour réaliser des projets. Ces collectivités per-mettent également de satisfaire leurs besoins sociaux. Tout

cela se déroule dans le cadre d’une société globalement connectée. Les coachs globaux interviennent à divers niveaux, tous interdépen-dants. Un individu peut faciliter le progrès d’une équipe (évolution et transformation). Une équipe peut favoriser le changement dans une organisation. De même, une entreprise influence le travail des équipes, au sein desquelles le progrès individuel se produit souvent. Il a beau-coup été écrit au sujet du progrès individuel, du progrès d’équipe et du progrès des organisations. Il a été prêté moins d’attention au contexte global dans lequel les coachs opèrent et à la manière dont les coachs peuvent influencer positivement la société. Dans mon livre précédent, je me suis intéressé au coaching des dirigeants et des équipes1. J’ai aussi mentionné de quelles façons les coachs peuvent intervenir dans l’amélioration organisationnelle et sociétale.

Dans ce chapitre, je commencerai par décrire les domaines spéci-fiques auxquels doivent s’intéresser les coachs globaux lorsqu’ils travaillent avec des dirigeants, des équipes ou des organisations. Je présenterai ensuite un aperçu des enjeux sociétaux actuels et souligne-rai le rôle positif que nous pourrions jouer en tant que coachs globaux.

1 Page 77.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Développement du leadership global2

Le développement de leaders globaux est une application-clé du coaching intégratif. L’approche implique habituellement une combi-naison du conseil, de la formation et du coaching. Le conseil détermine les résultats les plus souhaités et réalisables, compte tenu de la situation de l’entreprise, en s’appuyant sur les initiatives déjà en cours en matière de développement du leadership. Dans cette phase, le consultant exa-mine les différents leviers d’amélioration ; par exemple, un programme sur mesure de développement du leadership global comprenant for-mation et coaching, les systèmes d’évaluation des performances et de rémunération, la culture d’entreprise, sa vision et sa stratégie. L’ali-gnement et la cohérence produisent l’efficacité : les différents leviers devraient idéalement se renforcer mutuellement plutôt qu’envoyer des signaux déroutants ; par exemple, prétendre que « les employés sont notre plus grand atout » et les maltraiter ensuite.

Un programme de leadership global peut se concentrer sur les com- pétences de leadership ci-après. Cette liste tient compte des carac-téristiques propres de chacune des six perspectives, des liens de ces dernières entre elles et de la thématique générale de la complexité. Cela peut également s’appliquer à des organisations sans but lucratif.

1. Regarder à partir de perspectives multiples Considérer un large éventail de disciplines différentes, des visions

culturelles alternatives du monde, des formes multiples d’intelligence, être en contact avec les divers archétypes en nous.

2. Réussir en faisant le bienInscrire ses objectifs personnels et organisationnels dans le cadre

plus vaste de l’amélioration du monde.3. AuthenticitéVivre une vie que l’on peut véritablement appeler la sienne. Cela

n’implique nullement d’être toujours transparent ou de se refuser à te- nir un rôle quand nécessaire. Cela n’empêche pas non plus l’évolution en intégrant les apprentissages au contact d’autrui. Cela suppose en revanche d’assumer sa liberté et de prendre du recul par rapport aux conditionnements.

2 Page 77.

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

4. Santé et formeAgir de façon proactive pour être en bonne santé et en pleine forme,

et pour promouvoir le bien-être dans son organisation.5. Orientation résultatsObtenir des résultats et ajouter de la valeur.6. Compétences émotionnelles et relationnelles« Intelligence émotionnelle» et capacité de bâtir des relations

constructives.7. Savoir-faire politiqueS’engager dans des actions politiques constructives.8. Inclusion culturelleTirer parti des différences culturelles et construire l’unité dans la

diversité.9. Éveil spirituelDonner du sens à sa vie et vivre en pleine conscience.10. Interconnexion profondeLier et synthétiser.

Dans le monde d’aujourd’hui, global, multiculturel, dynamique et compétitif, les organisations doivent atteindre plus de résultats avec moins de ressources. Elles ont besoin de créativité et de clairvoyance pour saisir les nouvelles idées et aspirations inhérentes à notre envi-ronnement turbulent et changeant. Les leaders globaux efficaces savent traiter à la fois les menaces et les opportunités, et rendre ainsi possible un succès durable. Les organisations doivent proposer le dévelop-pement du leadership global si elles souhaitent attirer, développer et garder les talents dont elles ont besoin pour réussir.

Enfin, à mon avis, le leadership global est inséparable d’une ambi-tion globale : les leaders globaux sont soucieux d’améliorer le monde dans son ensemble. La bonne nouvelle est que les leaders qui se sou-cient sincèrement des gens et de la société sont plus susceptibles d’ins-pirer, de donner du sens et de susciter le désir de bien faire. Au bout du compte, toutes les parties prenantes sont mieux servies.

Progrès des équipes globalesFaire atteindre des performances élevées et durables par ses équipes

n’est pas une tâche aisée. Au mieux, une équipe peut atteindre la syner-gie. Sa production est alors supérieure à la somme des contributions

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

que ses membres auraient apportées individuellement. À l’inverse, au pire, sa production est inférieure aux contributions individuelles.

Les recherches de David Campbell and Glenn Hallam (1994) indiquent que pour atteindre une performance élevée, les équipes doivent prendre en compte les facteurs ci-dessous, qui forment ensem-ble, selon moi, une très bonne checklist. Le succès durable implique que les membres de l’équipe soient satisfaits, et donc disposés à appor-ter leur temps, leur énergie et leurs compétences au sein de leur équipe. Pour réussir, l’équipe doit aussi être dotée des ressources adéquates. Il lui faut utiliser ces ressources de façon efficiente (faire les choses correctement) et efficacement (faire les choses correctes). De plus, l’équipe ne doit pas devenir complaisante mais continuer à apprendre et à s’améliorer.

Ressources Éléments-clés du succèsTemps et personnel « Nous avons assez de temps et de personnel »Information « Nous obtenons l’information nécessaire »Ressources matérielles « Nous avons les outils et l’espace appropriés »Soutien de l’organisation « Notre organisation nous soutient »Compétences « Nous sommes compétents »Engagement « Nous œuvrons avec cœur »Efficience Bien utiliser les ressourcesClarté de la mission « Notre but est clair »Coordination de l’équipe « Nous sommes organisés et efficients » Unité de l’équipe « Nous travaillons ensemble en harmonie »Objectifs individuels « J’ai des objectifs clairs » ; « Je sais en quoi je contribue »Responsabilisation « On nous fait confiance et nous sommes soutenus.»Amélioration Apprendre, grandir, rester en bonne santéÉvaluation d’équipe « Nous cherchons comment améliorer l’équipe »Innovation « Nous essayons des approches nouvelles et créatives »Feedback « Nous apprenons sur notre façon de faire »Récompenses « Je suis récompensé pour mon bon travail »Leadership « Nous avons un leadership efficace »Succès Satisfaction et performanceSatisfaction « J’aime faire partie de cette équipe »Performance « Nous obtenons de bons résultats »

Pour une équipe travaillant sur un même lieu, atteindre les objectifs est déjà difficile. Ce défi devient plus grand encore pour des équipes

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globales à cause de deux facteurs : la distance et la diversité de ses membres. On peut distinguer quatre types d’équipes, comme le montre le tableau ci-dessous.

Les équipes globales comprennent toutes les catégories sauf celle faible distance/faible diversité, situation « simple » à laquelle le coa-ching global s’applique toutefois aussi bien.

Les exigences de la distance et de la diversité vont souvent de pair. Néanmoins, il peut être utile de s’occuper de ces dernières séparément.

Types d’équipes

Géographiquementdispersée (virtuelle)et Homogène

Géographiquementdispersée (virtuelle)et Hétérogène

Physiquement regroupéeet Homogène

Physiquementregroupéeet Hétérogène

Faible DIVERSITÉ Grande

DistanceUne équipe géographiquement dispersée (ou équipe virtuelle) est

un groupe de personnes travaillant ensemble à distance via la techno-logie (e-mail, téléphone, smartphone, visioconférence), pour un but commun. Certaines de ces équipes peuvent être culturellement très diversifiées, d’autres peuvent être plus homogènes.

Terence Brake (2006) soutient que des équipes géographiquement dispersées doivent faire face à deux difficultés majeures : l’isolement et la confusion.

Quand les membres d’une équipe manquent de proximité physique, ils se sentent souvent isolés. Brake explique qu’une équipe doit com-battre l’isolement en établissant une communauté. Les membres ont besoin de se sentir valorisés pour ce qu’ils sont, pas seulement pour ce qu’ils font et pour la place qu’ils occupent.

DISTANCE

Faible

Grande

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Dans cet environnement où la communication explicite domine (voir chapitre 7), avec des individus éloignés et parfois sans visage associé au nom, le leader et les membres de l’équipe doivent agir de façon proactive pour développer les relations et la confiance. En tant que coach d’équipe, vous pouvez lui poser des questions afin d’obtenir des moyens spécifiques pour y arriver. Les solutions typiques sont de partager des biographies et photos, d’utiliser la visioconférence (les webcams et Skype sont des façons peu coûteuses de rester en contact), de construire et maintenir des relations de personne à personne. Gardez à l’esprit que les membres d’une équipe ne verbalisent pas forcément leurs problèmes ou préoccupations si vous ne faites pas l’effort de maintenir la communication.

La distance favorise les malentendus. Il arrive que les membres d’une équipe interprètent de façons différentes les buts, les priorités et les tâches. Les conditions locales influencent les perceptions. Brake prétend que les équipes ont tout à gagner à combattre la confusion. Leurs chefs apporteront la clarté en fournissant toutes les informations pratiques nécessaires au développement de schémas mentaux parta-gés ; les membres exécuteront ainsi leurs tâches avec assurance. Les équipes devraient avoir une matrice tâches-responsabilités qui précise ce qui doit être fait et qui a la responsabilité de le faire.

DiversitéLes différences culturelles peuvent être un obstacle, déclenchant

parfois des malentendus, des frustrations et même l’aliénation. Mais lorsqu’elle est bien comprise et gérée, la diversité devient une op- portunité. Tirer parti des différences culturelles stimule la créativité et l’efficacité. (Rosinski, 2003).

Dans le chapitre 7, vous apprendrez les techniques pour décryp-ter les similitudes et les différences culturelles, exploiter les atouts de l’équipe et surmonter les obstacles. Ces méthodes vous aideront à tirer avantage de perspectives culturelles alternatives.

Progrès organisationnelLes coachs globaux facilitent le développement et la transformation

organisationnelle de très nombreuses façons.Les coachs s’adressent directement au leader de l’organisation (pré-

sident ou directeur général) ou à l’équipe de direction. Ils aident les leaders à clarifier leur vision d’ensemble de l’organisation, prenant en compte à la fois le contexte externe et les capacités de l’organisa-

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tion. Ils assistent l’équipe de direction dans la mise en parallèle des divers leviers de progrès (par exemple : stratégie, organisation, culture, compétences, sources de motivation3). Les coachs globaux facilitent une performance élevée et durable au niveau de l’équipe de direction, pour qu’elle devienne un exemple et une source d’inspiration pour le reste de l’organisation. Une vision claire, l’unité et la dynamique d’une équipe saine au sommet rendent plus facile la conduite du changement dans toute l’organisation.

Incidemment, la valeur ajoutée des coachs est typiquement liée au processus (susciter un réel engagement, déployer le potentiel humain), plutôt qu’au contenu (proposer une vision et prescrire des solutions stratégiques). Cela ne signifie pas que le coach doive adopter une posi-tion neutre sur ce que fait l’entreprise. Il convient que les coachs soient clairs sur ce qu’ils veulent faciliter et sur ce qu’ils souhaitent éviter. Ils doivent le déclarer d’emblée, de sorte que toutes les parties s’entendent sur un contrat tenant compte des attentes et des contraintes de chacun. Atteindre cette clarté implique que les coachs soient en contact avec les impératifs sociétaux (voir plus loin dans ce chapitre) et avec leur propre raison d’être dans ce monde (perspective spirituelle).

Les coachs globaux apportent une méthodologie permettant d’enga-ger toute l’organisation sur le chemin de la transformation et de concen-trer les énergies vers un but commun. Vincent Lenhardt, pionnier du coaching en France et auteur de la préface de Le Coaching intercultu-rel, décrit un processus de libération de l’intelligence collective des organisations. Une équipe de coachs externes facilite une dynamique « milieu-extérieur », capitalisant sur la conscience qu’ont les managers intermédiaires des impératifs stratégiques ainsi que sur leur connais-sance des réalités opérationnelles. Ces managers intermédiaires contri-buent à construire la vision de l’entreprise, qu’ils adopteront d’autant plus facilement que c’est la leur. Ils forment aussi des « équipes de projets transversaux » avec des représentants de différentes fonctions et localisations. Le modèle holographique est en jeu ici même : l’or-ganisation entière et ses dynamiques se manifestent dans ces projets transversaux qui résonnent à leur tour dans toute l’organisation. Le coaching global exige de voir comment le tout se manifeste dans la partie et comment la partie impacte le tout. L’approche de Lenhardt favorise les impératifs de faire et d’être : réussite des affaires va de

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pair avec développement des capacités collectives, des relations et de la bonne volonté. Cette approche repose principalement sur les pers-pectives psychologique et managériale, avec également les angles politique et spirituel. Plusieurs ouvrages l’ont décrit, notamment Lenhardt et Bernard (2005, 147-153) et Godard et Lenhardt (2000).

Le processus de Lenhardt peut fonctionner dans un contexte global s’il est enrichi de la perspective culturelle pour faire en sorte que la diversité soit pleinement appréciée et valorisée.

Croissance organique, alliances, fusions et acquisitionsLes coachs globaux peuvent faciliter la croissance organisationnelle

à toutes les étapes.

ExplorationIl s’agit de la période durant laquelle les dirigeants envisagent des

options. La recherche suggère que les organisations agissent souvent par habitude et ne prêtent pas attention à certaines possibilités. Par exemple, elles peuvent choisir de racheter une autre entreprise alors qu’une alliance serait préférable d’un point de vue stratégique (Voir Dyer, Kayle et Singh, 2004).

Le coach confronte de façon constructive le dirigeant à ses choix et à ses décisions, l’invite à envisager toutes les options et souligne les biais psychologiques et culturels susceptibles de conduire à des solutions préférées quoique sous-optimales. Par exemple, les cultures compétitives favorisent les rachats hostiles tandis que les cultures col-laboratives font opter pour des alliances.

Le coach est à même de remettre en question la notion de crois-sance. Plus grand n’est pas forcément mieux. Quelles sont les réelles motivations de la quête de croissance ? Ces motivations servent-elles l’entreprise et la société ? Il y a de nombreux exemples de compagnies géantes aux pieds d’argile qui ont payé le prix de leur obsession de la taille. Le quasi-effondrement en 2008 de Citigroup vient à l’esprit4. De plus, les entreprises doivent prendre en compte les ressources limitées de la planète. Nous devrions cesser de rechercher la croissance lors-qu’elle conduit à détruire les écosystèmes au-delà de leur capacité de régénération. Nous reviendrons à cette question du quoi plus loin dans le chapitre.

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La croissance a parfois du sens. Jeffrey Dyer et al. (2004) ont mis en évidence les facteurs à considérer pour choisir une stratégie de crois-sance, lesquels incluent les synergies attendues. Ainsi, les alliances sont les plus à même de générer des synergies modulaires ; les entreprises gèrent alors les ressources indépendamment et mettent seulement en commun les résultats pour plus de gains : par exemple lorsqu’une com- pagnie aérienne et une chaîne hôtelière offrent un programme de fidé-lisation permettant de gagner des miles aériens au prorata de nuitées d’hôtel. Les alliances avec prise de participation sont mieux adaptées aux synergies séquentielles ; une entreprise accomplit ses tâches puis en transfère les résultats à son partenaire pour qu’il accomplisse les siennes, comme lorsqu’une firme de biotechnologie découvre de nou-veaux médicaments et s’associe à un géant pharmaceutique qui se charge des fastidieux processus d’approbation de la FDA. Les fusions et les acquisitions correspondent mieux aux synergies réciproques ; travailler étroitement ensemble et exécuter des tâches via un processus itératif de partage des connaissances, par exemple lorsque Exxon et Mobil « réalisèrent que pour rester compétitives, elles devraient deve-nir plus efficientes dans presque toutes les étapes de la chaîne de la valeur, de la recherche et l’exploration pétrolière jusqu’au marketing et à la distribution ».

D’autres facteurs tiennent compte de la nature des ressources. Les gens, ressources « soft », particulièrement les professionnels expéri-mentés et recherchés, quittent plus facilement l’entreprise s’ils sont insatisfaits. Une prise de contrôle hostile risque d’entraîner le départ du capital humain le plus performant alors même que le groupe acquéreur souhaitait précisément l’obtenir. Une alliance avec prise de partici- pation s’avère souvent plus adéquate dans ce cas. Cette possibilité n’existe pas avec les ressources « dures » (usines, équipements immo-biles), qui se prêtent plus facilement aux acquisitions. Je vous renvoie à l’article de Dyer et ses collègues pour approfondir la question.

Les stratégies seront utilement combinées : par exemple, une al- liance avec prise de participation peut servir de porte d’entrée à une acquisition. Cisco est un exemple unique « ayant absorbé 36 compa-gnies ces dix dernières années » et constitué « plus de 100 alliances » durant la même période. Une raison-clé est que Cisco a un Senior Vice-President chargé du développement de l’entreprise, qui est responsable des fusions et acquisitions, des alliances stratégiques et de l’incubation technologique. En plaçant ces trois fonctions sous la responsabilité

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de la même personne, cette entreprise est capable de considérer en premier lieu ses ressources internes puis, s’il n’y a pas d’option via- ble en interne pour atteindre ses objectifs, d’envisager soit une alliance soit une acquisition. Cisco a des critères clairs. Par exemple, quand il y a un fort degré d’incertitude autour de technologies, ou lorsque celles-ci ne sont pas critiques, Cisco utilise les alliances comme point de départ d’acquisitions. Les participations financières l’aident à « bou-ger rapidement pour devancer ses rivaux et acheter les firmes au bon moment ».

Bien que les coachs agissent en tant que facilitateurs plutôt que consultants, ils doivent être conscients de ces aspects stratégiques et pouvoir ainsi être des sparring partners efficaces pour les dirigeants en posant des questions appropriées et en vérifiant la robustesse de décisions supposées rationnelles. Ils souligneront les tendances psy-chologiques et culturelles qui affectent les prises de décisions.

Lorsqu’une compagnie envisage une fusion, une acquisition ou une alliance, l’exploration est suivie d’une phase de vérifications préa-lables à l’opération (due diligence), qui débouchera éventuellement sur un accord, suivi des efforts nécessaires d’intégration.

Vérifications préalables à l’opérationPendant cette phase, le but est d’évaluer les aspects stratégiques,

financiers et humains et d’assurer que les conditions de réussite d’un accord et d’une intégration soient remplies.

Scott Moeller (2006) rend compte de l’étude de Towers Perrin sur 1400 fusions en 2004-2005. L’étude montre la progression du nombre d’accords réussis à court terme et suggère que les entreprises semblent retenir les enseignements des échecs passés. Fortis n’a pas écouté le conseil : « N’essayez pas d’avaler une entreprise trop grosse » quand elle a acheté ABN Amro, et les actionnaires y ont laissé une fortune. S’ils avaient été sollicités, les coachs globaux auraient pu aider à évi-ter un tel désastre. Aucune expertise financière n’était nécessaire ; les coachs auraient simplement pu questionner les décideurs sur la manière dont ils prenaient en compte les résultats de ces recherches.

Une vérification préalable plus poussée met en évidence d’autres éléments tels « que la nécessité d’une analyse des programmes d’avan-tages sociaux – surtout les retraites – et leurs contreparties financières ». De façon importante, « en incluant les Ressources Humaines plus tôt dans le processus de fusion & acquisition, les équipes qui en sont char-

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gées réussissent à mieux identifier les personnes-clés et les problèmes culturels dans la phase de due diligence ». Towers Perrin (2006) conclut que « le véritable avantage compétitif sera dans l’art de la mise en œuvre, particulièrement à l’égard du personnel » (3-4).

Les coachs globaux contribuent de façon significative au proces-sus de vérification culturelle préalable à la fois dans les fusions & acquisitions et les alliances au moyen d’un audit culturel, qui consiste en des entretiens choisis, en l’utilisation du Tableau des Orientations Culturelles (COF) et en l’analyse et la présentation des résultats. Vous en découvrirez au chapitre 7 la mise en pratique. Les coachs globaux restent évidemment dans leur domaine d’expertise (spécialement inter-culturelle) et se gardent de donner des conseils définitifs. Ils formulent donc leurs conclusions en hypothèses et en questions. Ce qui s’ensuit est un entretien de coaching avec le client plutôt qu’une série de pres-criptions de consultant.

AccordLes coachs aident à négocier un accord satisfaisant. Ils assistent les

dirigeants pour leur éviter de tomber dans des pièges aux moments où les émotions et l’ego risquent de brouiller leur jugement. Geoffrey Abbott porte les pièges suivants à l’attention des coachs : « surestimer la valeur réelle de la cible », « refuser d’ajuster l’estimation initiale même si de nouvelles informations sur la société ciblée montrent une erreur (ancrage) », et « refuser d’abandonner l’affaire même si des dépenses sont irrécupérables (sunk cost) au prétexte que les acteurs impliqués ont investi beaucoup de temps, d’argent, d’effort et de répu-tation » (Abbott, 2009, 306).

IntégrationLe but est d’assurer que les fusions & acquisitions et alliances pro-

duisent effectivement les synergies, la valeur ajoutée et les résultats qu’elles sont supposées générer.

C’est à ce moment là qu’interviennent habituellement les coachs globaux. L’accord est signé et leur tâche consiste à aider les entreprises à en tirer le maximum. Différents leviers (précédemment mentionnés) seront concernés. Le coach accompagnera la transition vers une nou-velle structure et vers de nouveaux processus de travail en impliquant les acteurs et en favorisant la cohérence avec la vision et la stratégie.

Les coachs globaux seront particulièrement utiles pour réduire l’écart entre les cultures organisationnelles et aider au développement

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d’une nouvelle culture conforme à la vision et à la stratégie. Le cas dans le chapitre 7 illustre comment l’évaluation du COF a favorisé une alliance stratégique entre une société néerlandaise et une société fran-çaise. Cette évaluation est typiquement suivie d’actions de coaching, particulièrement le coaching de l’équipe dirigeante et des équipes d’in-tégration qui, en retour, contribuent à infuser le coaching global au sein de la compagnie. Le coaching individuel de dirigeants est également une possibilité, comme je l’ai décrit dans le cas de la fusion réussie entre Unilever et Bestfoods (Rosinski, 2003, 41-43). Ces actions per-mettent aux entreprises de tirer profit des différences culturelles et d’en réaliser une synthèse au lieu de perpétuer une polarisation destructive.

Des objectifs importants et porteurs de sensLes coachs se contentent parfois d’aider leurs coachés à atteindre des

objectifs quelle qu’en soit la nature. Au pire, cette posture « neutre » conduit les coachés vers des objectifs qui s’avèrent néfastes à la fois pour eux-mêmes et pour la société, lorsque le but des coachés n’est pas authentique ou durable. Des visées non authentiques sont des désirs superficiels qui, une fois réalisés, n’apportent qu’une satisfaction tem-poraire, mais pas une véritable joie. Des objectifs non durables sont tels que l’individu et/ou la planète ne peuvent y faire face – comme par exemple infliger trop de pression ou pousser une personne au-delà de ses limites, ce qui mène à l’anxiété et à d’autres maux, mentaux et physiques. Malheureusement, certains coachs accompagnent des sociétés qui combinent ces caractéristiques préjudiciables, poussant par exemple leurs employés à travailler très dur pour vendre des pro- duits financiers toxiques, des grosses voitures polluantes, ou des hamburgers gras et malsains.

J’ai défini le coaching comme « l’art de faciliter le déploiement du potentiel humain pour atteindre des objectifs significatifs et impor-tants » (Rosinski, 2003, 4). Cette définition indique clairement que les coachs doivent se concentrer sur la nature du « quoi » (les objectifs). Les perspectives multiples peuvent aider à préciser les notions d’important et de significatif (porteur de sens). Important se réfère aux domaines physique, psychologique et culturel, et significatif au spirituel.

Qu’est-ce-qui est important ? En premier lieu, les besoins phy-siques : dormir, boire et manger correctement pour survivre ; faire de l’exercice et rester dans une bonne forme physique qui nous aidera à accomplir nos tâches. En second lieu, ce qui importe dépend de notre

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personnalité. Par exemple, pour les extravertis, avoir de nombreux contacts sociaux et pour les introvertis, se ménager suffisamment de temps personnel pour la réflexion et la méditation. En troisième lieu, au plan culturel, les « valeurs » désignent par définition ce qui est impor-tant pour un groupe et ses membres : profit, part de marché et justice en sont des exemples.

Qu’est-ce qui est significatif ? Cette notion a trait à quelque chose de plus profond qui implique de découvrir ce qui fait sens pour soi-même et pour le service d’autrui, et de vivre de cette manière, en pleine conscience, « éveillé ».

Les deux notions important et porteur de sens peuvent-elles se rejoindre ? J’espère que la réponse est oui ! Cela se produit lorsque les perspectives physique, psychologique et culturelle rencontrent la perspective spirituelle. Vivre en pleine conscience implique d’être présent à soi-même et aux autres. Quand nous y parvenons, nous res-pectons nos besoins physiques et psychologiques. Nous honorons nos désirs, au moins ceux qui peuvent être traduits en buts authentiques et durables5. Nous servons les autres dans ce même esprit. Nous quittons le mode « pilotage automatique », avec lequel, tels des automates, nous laissions passivement la société guider nos existences, en agissant par simple habitude, constructive ou destructrice. À l’inverse, nous nous réapproprions droit, pouvoir et responsabilité dans la vie pour obtenir des réussites significatives.

Une nuit d’été, j’étais au cinéma. Une publicité montrait des rues écrasées de chaleur. Un homme qui mourait de soif eut la bonne for-tune de trouver un distributeur de boissons et put boire d’un seul trait un cola qui lui procura un intense plaisir, sinon l’extase. Le message est limpide : le cola est le summum pour étancher la soif ! Le cola est donc important, non ?… Pas vraiment ! Si un cola de temps en temps n’est sans doute pas problématique, sa consommation régulière est malsaine à cause de sa teneur excessive en sucre (voir chapitre 3). L’eau minérale et les fruits d’été (comme la pastèque, le melon, les abricots) constituent des rafraîchissements plus sains. Quand vous êtes habitués à les consommer régulièrement, vous les trouvez vraisembla-blement beaucoup plus savoureux que les sodas. Dans notre société de consommation, nous sommes bombardés de publicités qui brouillent notre perception de ce qui est important et porteur de sens. Le coaching global peut aider les coachés à garder la bonne distance par rapport aux conditionnements sociaux et à faire des choix plus authentiques.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Développement durableNous faisons face à des défis globaux sans précédent. Les

mentalités changent. Les entreprises sont mises sous pression afin d’in-tégrer des pratiques de développement durable. Je mentionnerai les résultats d’études du Boston College Center for Corporate Citizenship (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) et de McKinsey sur ces nouvelles tendances. Par exemple, 57 % des managers qualifient les « questions environnementales, y compris le changement climatique6 » comme l’un des trois problèmes susceptibles de retenir le plus d’at-tention de l’opinion publique et du pouvoir politique lors des cinq prochaines années. Ce chiffre s’est envolé ces derniers temps et les questions d’environnement sont passées au premier rang des préoccu-pations (Bonini, 2008, 5).

Il nous reste cependant un long chemin à parcourir avant que la population, les entreprises et la société entreprennent les transforma-tions nécessaires. Le coaching global est une nécessité, pas un luxe. Il transforme ceux qui dirigent les entreprises, y travaillent, y investissent et y achètent. Par transformer, je ne suggère pas de changer un coaché en une autre personne. Je propose plutôt de faciliter le déploiement des qualités héroïques et nobles qui résident en chacun d’entre nous. Ces qualités sont plus que nécessaires aujourd’hui !

Toutefois, et bien que nous, coachs globaux, croyions ardemment en la force du potentiel humain, nous n’ignorons pas la vie réelle. Nous devons travailler pour transformer une réalité parfois grossière en quelque chose de magnifique. La complaisance ne mènerait qu’à creuser notre tombe collective.

Dans la suite du chapitre, je partagerai avec vous des histoires trou-blantes. Je poursuivrai avec des exemples constructifs qui donnent de l’espoir et nous incitent à agir.

General Motors (GM) : un conte de myopie du marketing Peter Horton, écrivain, directeur, acteur, et passionné de l’EV17

explique :En 1990, la Californie risquait de perdre les fonds fédéraux pour l’entretien de ses autoroutes si elle se montrait incapable d’at-teindre les objectifs de qualité de l’air fixés par le “Clean Air Act” (loi pour la propreté de l’air). Son administration (le California

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Air Resources Board) chercha le moyen d’atteindre rapidement ces objectifs de qualité et porta son attention sur un prototype de voiture électrique de General Motors appelée l’« Impact ». Une disposition fut prise prévoyant qu’en 1998, 2 % des voitures neuves vendues en Californie ne produiraient aucune émission et que ce pourcentage monterait à 5 % en 2001 et 10 % en 2003.La première réaction de GM fut de foncer. La compagnie engagea des millions de dollars et des équipes de concepteurs et d’ingénieurs qui produisirent six ans plus tard « un brillant vaisseau spatial de voiture électrique » renommée EV1. GM engagea ensuite une équipe de commerciaux, capable à la fois de vendre ce type de voitures et aussi d’éduquer avec patience et passion un public intéressé mais sceptique. Cette équipe était composée d’hommes et de femmes d’une vingtaine d’années, célibataires pour la plupart, déterminés et enthousiasmés par ce produit. GM appela ces hommes et femmes « les spécialistes EV ». Au moment où je les rencontrai cinq ans plus tard, on aurait pu les appeler « les Subversifs ». Ils étaient abattus et amers, mais se battaient avec une ferveur quasiment religieuse pour la survie de l’EV1 contre GM, l’entreprise qui les avait recrutés.Peter Horton raconte l’histoire de ces « Subversifs » qui étaient

persuadés que GM n’avait donné aucune chance de réussir à cette voiture et ne s’était pas battu pour l’EV1.

Les Subversifs créèrent, imprimèrent et distribuèrent leurs propres brochures, reprirent tout le marketing événementiel de la société que GM avait engagée, et décidèrent de faire appel à des célébrités qui, étaient-ils persuadés, parleraient publiquement de cette voiture. « Nous savions que nous devions démontrer à GM que le produit qu’ils nous demandaient de vendre valait la peine d’être fabriqué. Mais nous savions que GM allait finir par nous soutenir. Il le fallait. Cette voiture était juste trop exceptionnelle ».Au printemps 1999, les Subversifs avaient réussi. Ils avaient loué à bail les 648 voitures disponibles, le bouche à oreille opérait, et les commandes de voiture commençaient à affluer. Malgré cela, GM ne rouvrit pas l’usine. Les Subversifs devinrent frustrés… En l’ab-sence de voitures à vendre et avec une demande en augmentation, les Subversifs prirent l’initiative de démarrer une liste d’attente.Horton montre l’engagement énorme de ces Subversifs et l’enthou-

siasme généré par l’EV1.

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À l’automne 1999, les Subversifs étaient de nouveau optimistes. Il était question d’une génération 2 de l’EV1, considérablement amé-liorée, équipée d’une batterie perfectionnée. De leur côté, GM et la Californie progressaient en matière d’infrastructures, installant les bornes de rechargement électrique dans tout l’État. L’arrivée de subventions permit de ramener les coûts mensuels de leasing de la voiture au prix raisonnable de 275 dollars dans le Comté de Los Angeles. Mais GM avait un problème. Ils avaient réussi à persuader le “Air Resources Board“ de laisser tomber pour 1998 leur obligation de 2 % de voitures à émission zéro si GM arrivait à mettre en circulation 186 véhicules de la deuxième génération avant fin 1999. Au mois de novembre 1999, avec retard, les voi-tures arrivèrent enfin. Les Subversifs travaillèrent sans relâche, y compris pendant Thanksgiving et Noël, de quatorze à quinze heures par jour, sept jours sur sept… Et juste quelques heures avant le jour de l’an, ils réussirent l’exploit de louer à bail et livrer les 182 voitures8. Ils exultaient : « C’était un objectif fou. Et on y était parvenu. Nous avions alors une véritable force d’attraction sur le marché… » Mais le silence du top management de GM fut assour-dissant. Finalement, le directeur de la marque EV1, Ken Stewart, envoya un courrier : « Je veux vous remercier personnellement pour le travail extraordinaire que vous avez fourni… Votre travail et les résultats obtenus ont été absolument incroyables… Vous avez fait partie d’une des équipes les plus performantes avec laquelle j’ai eu le plus de plaisir à travailler ». L’utilisation d’un mode passé n’échappa pas aux Subversifs... L’EV1 n’aurait de futur que pour autant que la loi imposerait des quotas. Or les exigences devinrent de moins en moins contraignantes : les objectifs de 2 % et 5 % d’émission zéro disparurent et l’exigence des 10 % pour 2003 put désormais s’appliquer aux voitures à essence à faible émission.Un site web dédié à l’EV1, « Voiture électrique débranchée9 »,

explique ce qui s’était passé :En 2001, les fabricants de voitures intentèrent un procès et sou-tinrent que la loi californienne en question entrait en conflit avec le droit exclusif du gouvernement fédéral de réglementer l’économie de carburants. L’administration Bush se joignit au recours et une cour fédérale jugea que l’obligation de zéro émission ne pouvait

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être imposée. Peu de temps après, General Motors annula purement et simplement son programme de voitures EV1 ; le manager de GM, Dave Barthmuss, expliqua que la compagnie ne pouvait plus se permettre de perdre de l’argent avec ce type de voitures. Pour exprimer leur déception, les propriétaires de voitures électriques organisèrent (le 24 juillet 2003), les funérailles symboliques de l’EV1, pour montrer leur attachement à ce programme et pro- mouvoir une dernière fois les nombreux avantages des voitures à émission zéro. « Il est fou que l’EV1, véritable percée technolo-gique, ait pu être mise au placard avant même que le public ait pu la tester », déclara le producteur de films Chris Paine.Le sénateur Tom Hayden dit ceci : « Notre erreur de départ fut de

croire qu’avec cette obligation, la nécessité et les incitations de faire cette voiture, ils la feraient. Nous donnions un mandat à un groupe récalcitrant. Récalcitrant au sens le plus profond de ce mot. Refusant de gagner de l’argent avec des voitures électriques parce qu’ils en refu-saient le concept. » (Horton, 2003).

Il est choquant de savoir que GM a continué de vendre l’énorme et très polluant 4x4 Hummer. Les salariés et les actionnaires de GM ont payé ultérieurement le prix de ces erreurs. GM a déposé le bilan en 2009, en ayant, selon les mots du Président Obama, « atteint le bout de cette route ».

Vous vous souvenez peut-être de « La myopie du marketing » publié par Theodore Levitt dans la Harvard Business Review en 1960. De toute évidence, GM a ignoré son conseil : « La croissance durable dépend de la manière dont vous définissez votre métier, et avec quel soin vous évaluez le besoin de vos clients. » Theodore Levitt explique que le chemin de fer américain s’est effondré au début du xxe siècle car on pensait « voies ferrées » plutôt que « moyen de transport ». « Même après l’avènement de l’automobile, des camions et des avions, les magnats des chemins de fer ont continué à accorder une confiance inébranlable aux voies ferrées. Si vous leur aviez prédit qu’en à peine trente ans, ils seraient mis à terre, ruinés, implorant des subventions du gouvernement, ils vous auraient pris pour un fou. Un tel avenir leur était simplement impossible à envisager. »

GM a souffert de cette « myopie du marketing » en ne réalisant pas qu’à l’orée du xxie siècle, l’avenir des transports devait de nou-veau composer avec le train. Il est dommage que GM n’ait pas évolué vers la production de moyens de transport propres, comme la voiture

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électrique et le train. Le train électrique à grande vitesse est déjà devenu un des moyens de transport préférés en Europe de l’Ouest. Comme beaucoup, j’utilise le train pour aller de Bruxelles à Paris ou Londres. C’est écologique, confortable et plus rapide que la voiture ou l’avion. La Californie vient de s’engager dans un réseau de chemin de fer similaire, en premier lieu entre Los Angeles et San Francisco. C’est le projet de train le plus ambitieux des États-Unis en 80 ans10 !

Quoi qu’il en soit, tel le Phoenix renaissant de ses cendres, General Motors est revenue à la vie. GM a annoncé la commercialisation de son modèle hybride Chevrolet Volt qui consommera 1,02 l aux 100 km, (235 miles par gallon) – c’est quatre fois moins que le pionnier et lea-der industriel Prius de Toyota11. GM a, semble-t-il, fini par apprendre.

L’industrie pharmaceutique : des tactiques douteusesPlusieurs livres ont porté au grand jour les pratiques douteuses de

l’industrie pharmaceutique. Un rapport sur « Le scandale de l’industrie pharmaceutique » (Books, 2009) compile plus de dix ouvrages sur le sujet et des interviews avec les autorités aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France. Il mentionne en particulier : « Nos médicaments quotidiens : comment les compagnies pharmaceutiques se sont trans-formées en d’habiles machines de marketing et ont rendu la nation accro aux médicaments prescrits. » de Melody Peterson (2008), et « La vérité sur les sociétés pharmaceutiques : comment elles nous trompent et ce qu’on peut y faire » de Marcia Angells (2004)12.

Des milliards ont été investis dans la publicité et le financement de la recherche universitaire, donnant lieu à des conflits d’intérêt13, à de fausses assertions dans le marketing, à des médicaments anciens repackagés et présentés comme nouveaux, à des risques sanitaires dis-simulés, à des minimisations intentionnelles d’effets secondaires, et à plus encore.

Janet Maslin (2008) résume la tendance dans un article basé sur l’ouvrage de Peterson :

Entre 1980 et 2003, les Américains ont doublé leur budget voiture et ont multiplié leur consommation de médicaments prescrits par 17. Peterson examine avec recul les conséquences à long terme de ce changement de consommation. Elle note que la première

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génération d’enfants élevés dans un environnement de publicités omniprésentes et enjouées pour ces produits (devenues légales en 1997) a développé l’idée que leur prescription permet de régler tous les problèmes et que, parce qu’ils sont prescrits, ils sont moins dan-gereux que les drogues que l’on se procure dans la rue. Elle constate également qu’une quantité croissante de médicaments s’accumule chez les personnes âgées, sans interrogation sur les conséquences.« Les patients âgés passent souvent de médecin en médecin. Ils courent le risque d’une accumulation de traitements médicamen-teux, comme un récif accumulerait du corail, couche après couche », lui dit un docteur. Et quand les effets secondaires des somnifères et des antidépresseurs administrés aux personnes âgées occasion- nent des chutes, la solution retenue n’est généralement pas de réduire les prescriptions. « Au lieu de cela, les entreprises se ser-vent des statistiques de chutes en hausse pour justifier le lancement sur le marché pharmaceutique d’un nouveau produit qui, selon elles, réduira les risques de se briser les os », écrit Peterson. Le marché de deux de ces médicaments miracles, Fosamax et Actonel, est estimé à près de 10 milliards de dollars pour 2011.Stephen Hall (2004) explique :Il y a de nombreuses raisons qui expliquent le passage de l’industrie pharmaceutique de « pionniers-qui-sauvent-la-vie » à « industriels véreux ». La raison principale reste un changement majeur dans le poids respectif, au sein même des entreprises, entre la R&D tradi-tionnelle et le marketing devenu très majoritaire depuis vingt ans dans les circuits de décisions. Ce changement est visible partout : le profil des dirigeants, les bilans (en 2001, Angell évalue à 54 milliards de dollars les budgets marketing de l’industrie phar-maceutique, soit quasiment le double des dépenses de R&D de 30 milliards de dollars selon le lobby industriel), une armée de 88 000 visiteurs médicaux formés pour abreuver les médecins et les convaincre de prescrire leurs produits. Si la recherche effec-tuée au sein des industries pharmaceutiques reste remarquable, le système récompense prioritairement ce qu’Avorn (Jerry Avorn, professeur à l’école de médecine de Harvard) appelle des « pseudo- innovations insignifiantes ». Transférer la priorité de la R&D vers le marketing « répond rationnellement aux pressions légales, régle-mentaires et économiques d’un marché devenu pervers ».De nombreux responsables sont désormais déconnectés de la mis-

sion d’origine de leur industrie, à savoir que les médicaments sont destinés à améliorer et sauver des vies. Il faut d’ailleurs les éviter quand des alternatives naturelles existent.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

David Servan-Schreiber (2007) se souvient d’un dîner dans un restaurant proposant le meilleur bœuf des États-Unis avec des cardio-logues qui étaient sponsorisés par un groupe pharmaceutique. Un des cardiologues demanda du poisson, expliquant qu’il surveillait son taux de cholestérol. Ses collègues le taquinèrent : « Prends juste ton Lipitor et ne nous embête pas avec ton régime ! » Incidemment le Lipitor est le médicament le plus rentable de tous les temps. À son apogée, il rap-portait un million de dollars par heure ou neuf milliards de dollars par an (Anticancer, Servan-Schreiber, 2007, 193-194).

D’après Philippe Even, les médecins n’ont pas assez appris à exercer leur esprit critique et scientifique (Books, 2009, 22). Ils méconnaissent les pièges des publicités médicales qu’ils reçoivent : l’effet d’un nou-veau médicament peut bien être comparé à celui d’un placebo dans des études, mais pas nécessairement à celui de médicaments existants et utilisant la même molécule. De nombreux professeurs d’université de renom se laissent soudoyer par des groupes pharmaceutiques. Et parallèlement, l’agence américaine des produits alimentaires et médi- camenteux – (Food and Drug Administration “FDA”) est, elle-même, en grande partie, financée par l’industrie pharmaceutique (Books, 2009, 19). Le puissant lobby de l’industrie a même réussi à rendre la publicité de médicaments légale aux États-Unis (heureusement pas en Europe). Les médicaments génériques coûteraient pourtant bien moins cher aux patients, ainsi qu’à la société. Et nous nous porterions tous mieux avec moins de médicaments sans intérêt thérapeutique, plus de recherches ciblant les maladies graves (y compris les maladies orphe-lines) et une meilleure éducation pour encourager des modes de vie plus sains.

Pour tenir, autant que possible, les médicaments à distance, il con-vient de prendre soin de soi, notamment d’adopter une alimentation saine, de faire de l’exercice et de veiller à l’équilibre de sa vie, ce qui demande pour beaucoup un examen courageux de sa santé physique, émotionnelle, mentale et spirituelle et implique des actions disci- plinées et non des solutions miracles. Les coachs globaux peuvent favoriser l’autonomie vis-à-vis des médicaments plutôt qu’une dépen-dance inutile.

Malgré une tendance générale inquiétante, d’autres exemples dans l’industrie pharmaceutique sont encourageants. Le Boston College Center for Corporate Citizenship (BCCCC) évoque le programme en faveur de la lutte contre le diabète de l’entreprise Novo Nordisk : « Leur

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programme « Lutter contre le diabète » traduit sa volonté de combattre cette maladie : trouver de meilleurs moyens de prévention, de détec-tion et de traitement, favoriser la mise en application de la déclaration des Nations unies sur le diabète, encourager les décideurs à traiter en priorité les questions relatives au diabète, former les professionnels de la santé et les individus atteints de diabète (leur apprendre à mieux diagnostiquer, traiter la maladie, favoriser l’autogestion) et sensibiliser largement le public sur la prévention du diabète. » (2009, 33).

Ce qui est frappant, c’est que Novo Nordisk ne se contente pas de vendre des médicaments contre le diabète mais promeut parallèlement la prévention du diabète en parrainant l’éducation. Ce programme est source de fierté et porteur de sens pour les salariés de l’entreprise, dont beaucoup se lancent dans le bénévolat, pour réaliser des campagnes de sensibilisation et de prévention auprès des enfants et pour discuter de la résolution de l’O.N.U sur le diabète (qui met particulièrement l’accent sur le régime et l’activité physique).

Le secteur bancaire : le crash de 2008Les États-Unis ont connu une bulle immobilière entre 2001 et 2005.

Pour augmenter leurs commissions, encouragés en cela par les ins-tances financières, des courtiers en sont venus à octroyer des crédits à un nombre croissant de gens incapables de rembourser ; dans le même temps, les banques d’investissement ont titrisé ces crédits en obligations. La perspective de rendements élevés a attiré en masse des investisseurs qui avaient oublié que les châteaux de sable sont destinés à s’effondrer. Lehman Brothers a disparu et de nombreuses institutions bancaires ont dû être secourues par les États. La crise financière et la récession économique, sa résultante, ont montré douloureusement que nous vivons dans un monde interconnecté.

Les citoyens ont été choqués par la consternante avidité du monde financier, son irresponsabilité et son arrogance. The Economist a posé la question en ces termes : « Que faudra-t-il pour que les banquiers montrent un peu de remords ? » Et d’ajouter : « Que 79 % des sala-riés de Wall Street aient déclaré au sondage d’eFinancialCareers.com avoir reçu une prime en 2008, malgré la catastrophe financière, est vraiment révélateur de ce manque de culpabilité. La moitié d’entre eux avouait ne pas avoir été satisfaite de la somme reçue... » (“Wall Street excess-Looting stars”, 2009).

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Toutefois, les banquiers n’ont pas été les seuls coupables. Les régulateurs n’ont pas joué leur rôle. Ainsi, par exemple, la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur en chef de Wall Street, a fermé les yeux sur les activités de conseils en investissement de Bernard Madoff, malgré un volume d’actifs en gestion de plus de 17 milliards de dollars début 2008. Au moment de son départ, le patron de la SEC a admis que la commission avait bâclé le cas Madoff, en négli-geant d’agir malgré des alertes datant d’une dizaine d’années (“The Madoff Affair – Dumb Money and Dumb Diligence”, 2008).

La crise a été un phénomène complexe, déclenché par un grand nombre de facteurs interconnectés, notamment des choix politiques malencontreux. « La Federal Reserve a ignoré la bulle immobilière et gardé ses taux d’intérêts court terme à un niveau bas trop longtemps. La détermination des pays émergents à accumuler des réserves, et spé-cialement la décision de la Chine de maintenir son taux de change à un bas niveau ont généré un afflux de capitaux vers les États-Unis. Dans cette véritable tempête, les erreurs politiques ont amplifié les excès de Wall Street. » (“Capitalism at bay”, 2008).

La règlementation insuffisante du secteur bancaire a été le facteur-clé. Même The Economist, fervent défenseur de la liberté économique, insiste sur ce rôle crucial :

La finance doit être règlementée. Elle a toujours été sujette à la panique, aux crashs et aux bulles des marchés. Comme le reste de l’économie ne peut fonctionner sans la finance, les gouver-nements ont toujours été largement impliqués. Nul doute que l’organisation actuelle de la finance moderne laisse à désirer. Certaines banques ont apparemment présumé que les marchés seraient toujours liquides. Les conduites à risque ont généré d’énormes récompenses ; la prudence a été sanctionnée. Même les meilleurs banquiers ont pris d’énormes risques. Par exemple, Goldman Sachs, certainement pas le plus audacieux, a eu fin 2007 mille milliards de dollars d’actifs pour seulement 43 milliards de capitaux propres. L’absence de régulation a encouragé ces jeux d’argent.L’innovation financière a largement devancé les régulateurs. Le monde s’est retrouvé avec 62 mille milliards de dollars de Credit Default Swaps (CDS), dont aucun coté en Bourse. Même le plus libéral des libéraux ne pouvait imaginer que c’était raison-nable. (“Capitalism at bay”, 2008).

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D’une manière ou d’une autre, les banquiers et les investisseurs sont devenus des spéculateurs et des joueurs ; ils ont perdu de vue leur raison d’être la plus élémentaire. Les banques doivent incarner un lieu de rencontre où les particuliers et les entreprises investissent leurs économies contre un rendement raisonnable, ou bien empruntent de quoi financer des projets. Idéalement, ces projets représentent une vraie valeur ajoutée : économique, environnementale et sociale.

J’ai eu l’occasion de coacher un expert en investissement financier. Nous avons utilisé le cadre des perspectives multiples et le « Processus de Coaching Global », décrit dans mon précédent livre. Le coaching de John14 s’est déroulé en plusieurs étapes et a concerné différents niveaux de développement. Durant le processus, il a donné sa vision person-nelle de la crise. Son authenticité, dévoilée au fur et à mesure du processus de coaching, a contrasté avec la superficialité de nombre de ses pairs, révélée par la crise.

John explique :Notre équipe (d’investisseurs) a toujours préféré investir dans les domaines qui avaient un impact positif sur la société, par exem-ple dans les sciences de la vie ou les énergies renouvelables, ou bien, dans une moindre mesure, dans l’informatique et internet. Les investissements dans ces domaines ont, par nature, une dimension technologique importante. Ils sont donc plus risqués, et doivent être calibrés et suivis correctement.Nous investissons dans des start-ups et recrutons des collaborateurs pour faire aboutir des projets. Au plan financier, ces opérations dif-fèrent des rachats d’entreprises et fonds spéculatifs, respectivement basés sur la dette et le trading, qui ont été réalisés ces dernières années.Les start-ups sont des entreprises privées, financées uniquement par du capital. Investir implique un engagement à long terme envers les projets et les dirigeants. Le succès est essentiel, mais il est long à se matérialiser car ces entreprises peuvent de ne pas réaliser de bénéfices ni même de chiffre d’affaires avant des années.La performance est essentielle mais la confiance dans les dirigeants passe en premier. Cette confiance se construit progressivement dans la constance et la transparence. Nous avons dû développer des outils et des processus pour sélectionner les dirigeants et les projets. Les qualités d’intégrité et d’engagement sur le long terme

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sont l’essence de ce nouvel environnement, et le talent est plus rare qu’on le pense.Cette noble vision de la finance, sa détermination à sélectionner les

meilleurs dirigeants (pour mener des start-ups ou gérer les investisse-ments dans ces sociétés), ses qualités de meneur d’équipe et son atten-tion à ce que chacun soit justement rétribué, ont permis à John d’attirer puis de retenir des professionnels de talent. L’équipe a mis du cœur à l’ouvrage et éprouvé de la fierté à mener à bien ces projets porteurs de sens.

Résultat des recherches : réussir en faisant le bienIl y a beaucoup à dire sur d’autres secteurs : le pétrole, les produits

chimiques, l’agro-industrie, pour ne citer qu’eux, sans oublier l’indus-trie du tabac, dont les supercheries ont été largement médiatisées.

Si les entreprises peuvent faire beaucoup de bénéfices, elles peuvent aussi causer beaucoup de dégâts. Depuis les pesticides empoisonnés jusqu’aux hamburgers gras, malsains pour l’environnement et pour l’être humain, les habitudes insoutenables semblent ancrées.

La confiance du public dans le monde des affaires est au plus bas historique. Le baromètre de confiance Edelman de 2009 montre que 62 % du public de vingt pays disent « avoir moins confiance dans les entreprises aujourd’hui qu’il y a un an ». Pour les États-Unis, c’est 77 %, soit le plus haut score qu’Edelman ait enregistré en 10 ans (Boston College Center for Corporate Citizenship, 2009, 2). Le BCCCC note que « l’appétit du public pour la règlementation gouvernementale des entreprises croît, et l’attente d’une réelle prise en compte des défis glo-baux par les entreprises augmente ».

Cette étude, qui inclut notamment « les réponses de 238 directeurs financiers et professionnels de l’investissement, de toute la gamme de l’industrie et des régions », montre que les compagnies se portent mieux quand elles font le bien : « Généralement, les entreprises qui excellent au plan social, environnemental ou en termes de gouvernance ont de meilleurs résultats dans chacun des critères standards utilisés par les investisseurs pour évaluer la valeur : croissance, rendement du capital, gestion du risque et qualité du management. » (2009, 3).

En accord avec la philosophie holistique du coaching global, la recherche révèle que pour obtenir de bons résultats financiers :

• Les programmes « Environnement, Social et Gouvernance » (ESG) doivent être étroitement alignés au cœur de métier et aux capacités.

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• Les entreprises doivent être conscientes de la valeur qu’elles créent et la communiquer au marché.

Cela implique d’avoir une vision claire et d’être inspiré par un désir sincère de servir la société plutôt que par un opportunisme cynique. Dans la pratique, cette étude montre aussi « qu’il est nécessaire pour les entreprises de mettre en place un système de mesure de l’impact de tels programmes sur la valeur – ce que peu d’entre elles sont capables de faire aujourd’hui ». (2009, 3).

Le tableau suivant15 montre comment les programmes ESG peuvent créer de la valeur.

Voie de l’ESG vers la Valeur selon quatre critères

Croissance Nouveaux marchés

Nouveaux produits

Nouveaux clients/parts de marché

Innovation

Réputation/distinction

•Accéder à de nouveaux marchés et en gagner par le faire-valoir des pro-grammes ESG

•Créer des produits pour satisfaire des besoins sociaux insatisfaits jusque-là et accroître la différenciation

•Utiliser l’ESG pour communiquer avec les consommateurs ; prendre connais-sance de leurs attentes et comportements

•Développer des produits et des ser-vices innovants à la pointe de la technologie et dédiés aux besoins sociaux et environnementaux pouvant se traduire en développement des affaires, brevets, propriété intellectuelle, etc…

•Accroître la fidélité à la marque, la réputation, les bonnes dispositions de toutes les parties prenantes en coopérant avec elles dans les programmes ESG

R e n d e m e n t du capital

Efficacité opérationnelle

Efficacité de la main d’œuvre

•Réduire les coûts par des modes opéra-toires et écologiques (ex : usage efficient de l’eau, de l’énergie et réduction des matières premières nécessaires.)

•Réduire les coûts en attirant et conser-vant le personnel, et en améliorant son moral avec les programmes ESG

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

R e n d e m e n t du capital

Efficacité de la main d’œuvre

Réputation/ majoration des prix

•Développer les compétences des employés et augmenter la productivité en participant à des activités ESG

•Développer une réputation ESG faisant accepter aux clients de payer des prix plus élevés

Gestion des risques

Risque règlementaire

Droit d’opérer

Risque de la réputation

•Atténuer les risques en respectant les obligations règlementaires, les normes professionnelles et les demandes des ONG

•Faciliter la continuité de l’activité et l’entrée sur de nouveaux marchés par des initiatives ESG locales et le dialogue avec la communauté pour impliquer les citoyens et réduire la résistance locale

•Éviter la publicité négative et les boy-cotts en résolvant les problèmes ESG

Qualité du management

Développement du leadership

Adaptabilité

Vision stratégique à long terme

•Développer les compétences de lea-dership et améliorer les qualités des employés par la participation à l’ESG

•Développer la capacité à s’adapter à des situations politiques et sociales changeantes en impliquant les commu-nautés locales

•Développer une stratégie à long terme incluant les problèmes de l’ESG

Le BCCCC suggère de définir précisément « une voie vers la valeur » pour « donner le détail des moyens permettant aux activités ESG de contribuer aux affaires selon les critères appréciés par le marché : croissance, rendement du capital, gestion du risque, qualité du mana-gement. Les entreprises peuvent alors identifier où leurs programmes ESG ont le plus d’impact et évaluer si cet impact est aligné avec leurs priorités… Expliciter la voie vers la valeur peut aussi servir de substi-tut quand les chiffres pour mesurer l’impact des programmes ESG sont indisponibles ». (2009, 26-27). Le BCCCC note : « Les compagnies qui connaissent la voie vers la valeur, évaluent et identifient la nature des impacts des programmes ESG (à court ou à long terme), auront la capacité de définir les mesures ciblées qui leur permettront d’évaluer leurs efforts. » (2009, 27). Le rapport reprend l’exemple de Campbell

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Soup qui collabore avec l’Association Américaine du Cœur sur les problèmes de l’agro-industrie en matière de nutrition, de bien-être, d’obésité et de sécurité alimentaire (2009, 25-28).

Le processus discipliné du coaching global est concerné tant par le déploiement d’une vision d’ensemble que par la facilitation d’une définition d’objectifs précis.

L’exemple de Philips Lighting : « la croissance par le dévelop-pement durable »

Je me souviens de la joie et de la fierté d’un de mes coachés, un dirigeant travaillant chez Philips Lighting. Il expliquait qu’en rem-plaçant les systèmes d’éclairage actuels par d’autres solutions plus efficaces, nous pourrions réduire considérablement la consommation d’électricité, ce qui éliminerait le besoin de construire au prix fort des centrales électriques coûteuses en Afrique ; que les pays pauvres ne pouvaient pas se permettre ces investissements, de surcroît nuisibles à l’environnement.

Mon coaché avait perdu son enthousiasme et son moral d’antan. Il passait un temps fou dans d’interminables réunions, n’avait plus de vision d’ensemble et ne percevait plus le sens de son travail. Lui faire prendre conscience de ces enjeux sociétaux a permis de le reconnecter à sa passion. Il était redevenu particulièrement heureux de travailler pour une compagnie engagée dans le développement durable et avait de nouveau le sentiment que son travail était foncièrement utile.

Philips a été à l’avant-garde de nombreux développements et avan-cées en matière d’éclairage. Le livret de l’entreprise « Des idées éclai-rantes », illustre sa philosophie et fournit des exemples chiffrés (2008). Voici quelques extraits qui soulignent l’engagement de l’entreprise dans le développement durable et « l’innovation porteuse de sens » :

• Pour Philips Ligthing, le développement durable représente beaucoup plus que mettre en œuvre des politiques et des systèmes. Le développement durable concerne la croissance. En mettant les générations futures en mesure de satisfaire à leurs besoins, nous ouvrons un monde d’opportunités à notre compagnie.

• L’éclairage représente environ 19 % de la consommation élec-trique dans le monde. Nos solutions innovantes d’éclairage peuvent économiser jusqu’à 40 % d’énergie sur toutes les ins-tallations actuelles d’éclairage, que ce soit à l’extérieur, dans les bureaux, les magasins, ou les habitations… Nous travaillons

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aussi à améliorer la durée de vie et la fiabilité des produits pour éviter le gaspillage et les interruptions pour maintenance.

• Nous adoptons une approche de durabilité dans nos processus de production. Tous nos sites de production ont acquis la certifica-tion ISO 14001 et mettent en œuvre des systèmes de management environnemental. Nous faisons de grands efforts – de diverses façons – afin de réduire la consommation d’énergie de chacun de nos sites.

• Xenon sauve des vies. Les feux Xenon réduisent de plus de 50 % les accidents graves qui peuvent survenir la nuit sur les routes de campagne, et de 30 % ceux qui ont lieu sur les autoroutes (étude de TUV Rhineland, Allemagne, 2007). Comparés aux phares halogènes, les feux Xenon économisent aussi 1,3g d’émission de CO2 pour chaque kilomètre parcouru.

• Aider les oiseaux à migrer en toute sécurité : Philips Lighting, avec NAM (la compagnie pétrolière néerlandaise), a mis en place un nouveau type d’éclairage, d’une couleur verdâtre particulière, pour les plateformes pétrolières : un nombre moins important d’oiseaux est détourné par la lumière, ce qui signifie moins d’in-terruptions (souvent fatales) de migration vers le Nord.

Démocratie et économie de marchéDans Le Coaching interculturel, je préconisais de tirer profit des

perspectives libérale, écologique et sociale. C’est en accord avec l’ap-proche des trois fondements de la durabilité : le profit, la planète, les gens.

Le communisme, avec son contrôle opprimant et ses règlementa-tions étouffantes, a prouvé ses limites : le refus de l’entreprise privée, le gel des initiatives personnelles, la promotion de la pauvreté, la limi-tation de la liberté et l’aliénation des citoyens.

Le libéralisme a apporté beaucoup de richesses et de progrès. Pourtant, la « main invisible » d’Adam Smith apparaît de plus en plus comme un leurre. On se souvient souvent de Smith16 pour ses injonc-tions : « Laissez le marché décider ! » et pour son assertion : « Moins il y a de gouvernement, mieux c’est ». Nous nous souvenons plus rare-ment de ses messages sur ce que le gouvernement devrait faire et

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de son aversion pour la classe capitaliste naissante. Nous oublions souvent que son système de « liberté parfaite » avait pour but d’ac-croître la richesse des nations dans l’intérêt de tous, spécialement celui des pauvres.

Robert Heilbroner (2000) explique : « Smith reconnaît explicite-ment l’utilité de l’investissement public dans des projets qui ne peuvent être entrepris par le secteur privé – il donne les routes et l’éducation en exemples. » (69).

Concernant la classe capitaliste grandissante - « les protagonistes » d’Adam Smith - Heilbroner soutient que « c’était la classe même que Smith condamnait pour sa “rapacité mesquine” », et dont les membres « ne sont pas et ne devraient pas être ceux qui dirigent l’humanité ». (66-67).

Comme le soutenait le père du libéralisme lui-même, il est sain d’éviter un libéralisme simpliste dans lequel le marché est livré à lui-même et où les gouvernements ne jouent pas leur rôle crucial. Nous pouvons et devons tous contribuer au progrès de la société par les moyens suivants :

• Nous assurer que les initiatives et les actions sont orientées vers le progrès sociétal au moyen de règlementations appropriées,

• Distinguer les biens des marchandises,• Accepter la nécessité de l’intervention du gouvernement,• Promouvoir une gouvernance globale pour faire face aux défis

mondiaux,• Encourager les entrepreneurs et les innovateurs,• Souscrire au paradigme complexe des perspectives multiples.

Nous assurer que les initiatives et les actions sont dirigées vers le progrès sociétal à l’aide de règlementations appropriées

L’Histoire se répète. Apparemment nous avons échoué à tirer des leçons de ce qui a causé le crash de 1929. Heilbroner (2000) explique ce qui s’est passé alors : « L’Américain moyen s’était servi de sa pros-périté de manière suicidaire : il s’était endetté jusqu’au cou, avait dangereusement excédé ses capacités de remboursement par des achats à crédit et a ensuite scellé son sort en achetant d’énormes quantités d’actions – environ 300 millions d’actions – non pas au comptant mais en règlement différé, c’est-à-dire avec de l’argent emprunté. » (250-251). Le parallèle avec le crash de 2008 est évident.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

André Comte-Sponville (2009) explique que « seule la loi peut moraliser le capitalisme… Ce qui a guidé les banquiers n’était pas un intérêt intelligent, mais plutôt une passion aveugle et déraisonnable : la cupidité ». L’éthique ne suffit pas ici, parce qu’elle n’est pas partagée. La loi, c’est-à-dire la contrainte, est nécessaire. Des règlementations trop faibles et un excès de confiance en « la main invisible » ont mené à la crise bancaire de 2008, comme même Alan Greenspan a fini par l’admettre. Le capitalisme devient dangereux lorsqu’il devient un capi-talisme d’emprunt (c.-à-d. lorsqu’on s’efforce de s’enrichir avec de l’argent qu’on ne possède pas) ; il doit être soigneusement encadré.

Une législation adéquate est cruciale. Les lois doivent porter sur les conflits d’intérêt potentiellement dommageables. Les banques doivent être obligées de garder sur leurs livres un pourcentage significatif des parts de titrisation (de crédits hypothécaires) vendues par leurs com-merciaux plutôt que les cacher dans des fonds vendus à des clients (qui ne comprennent pas ce qu’il y a dans les portefeuilles de ces fonds). Les hauts dirigeants devraient être encouragés par des avantages financiers à créer de la valeur à long terme, et pénalisés s’ils la détruisent. Vers la fin 2008, la France a légiféré sur les parachutes dorés qui récompen-saient l’échec ; un pas dans la bonne direction. Nous devons interdire les mécanismes financiers sophistiqués qui favorisent la spéculation au lieu de créer de la valeur, l’opacité plutôt que la transparence et le capitalisme de casino plutôt que l’entreprenariat.

Le coaching global joue un rôle crucial en favorisant l’auto-respon-sabilisation des personnes : il nous faut réfléchir aux répercussions de nos actions et réaliser que nous avons le choix et pouvons faire la dif-férence. En d’autres termes, nous pouvons combiner une dimension politique (par exemple : l’effet coercitif de la loi, dans ce cas inspiré par l’engagement de servir) et spirituel (par exemple : des actions porteuses de sens) pour nous assurer que le marché va dans la bonne direction.

Distinguer les biens des marchandisesNous devons distinguer les biens des marchandises. Nous avons

besoin de réapprendre la valeur de nombreux biens gratuits et dis- ponibles, en commençant par la nature elle-même. Lorsque nous reconnaissons leur valeur, nous sommes plus enclins à les préserver. D’autres biens peuvent (devraient ?) être mis à disposition à un coût minimal et peut-être même gratuitement : les soins, l’éducation, le transport public, etc.

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De nombreux produits naturels peuvent améliorer la santé ou aider à combattre les maladies, mais ils sont peu attractifs pour les entre-prises pharmaceutiques parce qu’ils ne sont pas brevetables - et ne sont donc pas rentables (voir chapitre 3). Les entreprises pharmaceu-tiques jouent un rôle utile quand elles améliorent la santé en traitant les maladies, mais nous ne devons pas nous reposer trop sur elles. Quand cette industrie finance des recherches universitaires (et se substitue aux financements publics), le conflit d’intérêts est inévitable et les cher-cheurs négligent les possibilités de traitements non médicamenteux pourtant utiles.

Les marchandises et l’économie de marché ont toujours une place si les règlementations sont appropriées ; elles génèrent des richesses économiques qui contribuent à financer les démocraties et permettent de produire d’autres biens essentiels pour les citoyens.

Inévitablement, cela crée une tension. L’économie de marché produit autant de richesses que d’effets secondaires nuisibles : une consommation au-delà du nécessaire, au détriment de notre santé et de notre bien-être, et de celui de la planète.

Il est indispensable de limiter ces excès par la législation et l’édu- cation. Les lois seules ne suffisent pas. Nous devons éduquer les consommateurs, les aider à changer leurs habitudes d’achat souvent totalement inconscientes en des prises de décisions réfléchies fondées sur ce qui est réellement le mieux pour eux et pour la planète. Mon collègue See Luan Foo de Singapour m’a envoyé une carte avec ces paroles de sagesse : « Les gens les plus heureux n’ont pas le meilleur de toutes choses. Ils retirent simplement le meilleur de ce qu’ils ont ! La personne la plus riche n’est pas celle qui a le plus, mais celle qui a besoin du moins possible.17 »

Le coaching rudimentaire se concentre juste sur l’augmentation des ventes et sur l’accroissement des profits, confondant quantité et qualité. Il ne s’interroge pas sur le contexte socio-politique dans son ensemble et ne tente pas de le changer. Le coaching global inclut la complexité en aidant le coaché à tracer sa route à travers les dilemmes et à admettre le paradoxe que « plus peut être moins » et « moins peut être plus ».

Apprécier la nécessité des interventions du gouvernementL’économiste John Keynes a proposé une théorie sur les limites

de l’économie de marché et la nécessité d’une intervention des gou-vernements, particulièrement en temps de crise. Franklin Roosevelt

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s’est appuyé sur ces idées dans son « New Deal » quand il est devenu président des États-Unis au pire de la Grande Dépression.

Quand la consommation des ménages baisse à cause d’un taux de chômage élevé et que l’investissement des entreprises est faible par manque de perspective, l’économie reste au point mort. Pour Keynes, l’approche classique de l’ajustement à la baisse des dépenses publiques aux recettes fiscales en berne ne fait qu’encourager la spirale de la dépression. Il soutient que les gouvernements doivent, au contraire, accroître les dépenses, particulièrement dans les travaux publics pour « réamorcer la pompe qui déclenche la reprise économique » par répercussion avec un effet « multiplicateur » : la population la plus aisée dépense son argent en consommant, ce qui augmente le chiffre d’affaires des entreprises, elles-mêmes capables d’embaucher et de rémunérer plus de salariés qui, sortis du chômage, consomment davan-tage, etc. Une bonne partie de l’argent injecté par le gouvernement lui revient sous la forme de rentrées fiscales (voir notamment Smith, 2008, 163-169).

Keynes a également expliqué que « le remède classique au chômage, qui consiste à réduire les salaires pour réintroduire les travailleurs dans l’emploi, ne fonctionnait pas. Hormis le fait qu’il est difficile pour les salariés d’accepter des baisses de salaire, même en cas de chute des prix, ces baisses de salaires, en réduisant le revenu, conduisent à une diminution du pouvoir d’achat, donc de la demande globale » (Smith, 2008, 167).

De plus, Keynes a montré comment la stimulation de l’économie par la baisse des taux d’intérêt avait perdu de son efficacité. Selon lui, « il pourrait se produire que les taux d’intérêt soient aussi bas que les autorités parviendraient à les y faire descendre, mais toujours trop éle-vés pour stimuler l’investissement parce que les entreprises sont par nature pessimistes sur les perspectives et manquent d’énergie animale. En d’autres termes, il est possible que l’économie soit prise dans une trappe à liquidité. Quand bien même les taux d’intérêt sont au plus bas niveau possible, même à 0 %, personne ne veut emprunter. Dans ces conditions, augmenter les liquidités et le crédit n’aide pas. Ce qui en résulterait serait seulement l’augmentation des dépôts oisifs dans les banques ». (167-168).

L’économie de marché n’est pas destinée à satisfaire les besoins des êtres humains, ni leurs désirs, mais à fournir des marchandises pour satisfaire la demande humaine. Certains produits peuvent être deman-

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

dés sans être vraiment nécessaires (consumérisme). D’autres peuvent être désirés sans être demandés (faute de moyen) : c’est ce problème que les recherches et avancées de Keynes ont aidé à résoudre, en revi-talisant l’économie après la Grande Dépression.

En 2008, George W. Bush, pourtant partisan de la liberté de mar-ché et de l’intervention minimaliste du gouvernement, a préconisé le financement de l’État (c.-à-d. des nationalisations de type socialiste) pour sauver le secteur bancaire et l’économie de marché tout entière de l’effondrement.

L’économie de marché ne peut, à elle seule, répondre à l’ensemble des défis globaux que nous devons relever. Mais l’intervention du gouvernement comporte les risques de l’inefficacité des politiques bu- reaucratiques : fonds publics gaspillés dans des projets mal choisis18,

fonction publique surprotégée, pouvant s’en tirer en cas de performance et de productivité médiocres, ... Pourtant, certaines démocraties sociales (en particulier en Europe du Nord) ont prouvé que prospérité économi-que et protection sociale coexistent aisément, tout comme économie de marché et approche socialiste. Les gouvernements et les entreprises publiques peuvent être gérés efficacement et rigoureusement !

En 2008, Jean-Marc Nollet, un écologiste et politicien belge, a inti-tulé son livre Green Deal, en référence au New Deal de Roosevelt. Nous avons besoin à la fois d’investissements publics et de mesures incitatives pour favoriser une transition sociétale essentielle. Si les constructeurs automobiles sont poussés par Wall Street à publier de meilleurs résultats trimestriels et si, parallèlement, le coût de construc-tion de voitures plus propres est plus élevé, alors nous en resterons au passé. Les gouvernements doivent investir dans les infrastructures de transport public propre (par exemple, les chemins de fer) et mettre en place les mesures éco-incitatives appropriées.

Nollet défend le principe du « pollueur payeur » et celui du « coût réel de la pollution » (94). La nature offre de nombreux services vitaux : production d’eau pure, prévention d’inondations, pollinisation croisée des fruits et des fleurs, fertilité du sol, etc. Il serait inconsidéré de les prendre comme acquis. Nous devons en calculer la valeur économique et c’est aux pollueurs de supporter le coût de la destruction de « ces services vitaux ». Cette approche favoriserait les entreprises de déve-loppement durable et éliminerait celles non-durables, qui sont rentables aujourd’hui, mais ne le resteraient pas dans le cadre d’une approche

18 Page 78.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

« pollueur payeur ». Dans le même ordre d’idée, The Economist (2009) écrit que « le meilleur moyen de limiter le réchauffement de la planète serait une « taxe carbone ». Une taxe sur le dioxyde de carbone (CO2) inciterait tout le monde à en émettre moins. Cela serait simple, direct et transparent19 ».

Nous avons besoin de démocraties fortes pour orienter l’écono-mie vers la satisfaction de vrais besoins humains plutôt que celle de demandes irréfléchies. Si nous laissons le marché à lui-même, des pro-fits financiers gigantesques sont réalisés parce que les consommateurs incités, dans un premier temps, à manger en excès de la nourriture mal-saine, achètent ensuite des médicaments pour combattre les multiples maladies découlant de cette mauvaise hygiène de vie. La prévention, bien que moins rentable, doit jouer son rôle pour sortir de ce cercle vicieux, ce qui implique de promouvoir des habitudes saines par le biais de l’éducation (voir chapitre 3), d’imposer des règles plus strictes à la publicité, d’interdire la « malbouffe » et les sodas dans les écoles*, etc. Il serait ridicule de compter sur la « main invisible » et penser que les entreprises satisferont les besoins humains si on promeut le « laisser-faire ».

Promouvoir une gouvernance globale pour faire face aux défis mondiaux

Une gouvernance globale serait à promouvoir pour faire face aux défis mondiaux tels que la destruction de la biodiversité, l’épuisement des ressources de la terre, la pollution, la pauvreté, les catastrophes na- turelles et le terrorisme. Jacques Attali (2004) remarque que les groupes internationaux ont déjà une gouvernance globale et en tirent avantage dans leurs rapports de force avec les démocraties. Les nations hésitent à abandonner une partie de leurs intérêts nationaux et de leur souverai-neté mais c’est pourtant essentiel pour forger une gouvernance globale solide, établir et renforcer le droit international, et servir l’intérêt du monde entier.

Le Secrétaire Général des Nations unies, Ban Ki-Moon, et Al Gore ont incité les pays à investir dans les énergies renouvelables plutôt que maintenir en vie des industries mourantes et perpétuer de mauvaises habitudes (Ki-Moon et Gore, 2009). Ils affirment que continuer à pla-cer des milliards de dollars dans des infrastructures qui dépendent du

19 Pages 78 et 79.* NdE : De gros progrès ont été faits en France.

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

carbone ou à subventionner des industries qui reposent sur les énergies fossiles équivaut à émettre des obligations hypothécaires à risques. Pour lutter contre la pauvreté, ils proposent aux nations d’accroî- tre l’aide publique au développement, comme l’investissement dans l’agriculture des pays pauvres, la formation des agriculteurs aux pra-tiques de développement durable et la fourniture d’outils et de graines. Enfin, ils exhortent les gouvernements à conclure un véritable accord sur le climat, qui serait suivi d’investissements massifs et, rapidement, d’innovations dans les énergies propres.

Les crises mondiales sont l’occasion de faire d’une pierre deux coups : favoriser les entreprises et l’emploi tout en réduisant la dépen-dance au carbone, en protégeant les écosystèmes et les ressources en eau et en atténuant la pauvreté. En d’autres termes, servir les véritables besoins de la population et prévenir les futures crises. Une gouver-nance globale est fondamentale pour éviter les tergiversations et les marchandages, et adopter les mesures ambitieuses dont le monde a besoin, comme celle de réduire les émissions de CO2*.

Un rapport écrit pour le Programme de l’Environnement des Nations unies propose la vision d’un Global Green New Deal avec une com-binaison d’actions et de réglementations concourant à trois objectifs :

• Redynamiser l’économie mondiale, créer des opportunités d’em-ploi et protéger les groupes vulnérables.

• Réduire la dépendance au carbone, la dégradation des écosys-tèmes et la pénurie d’eau.

• Mettre fin à la grande pauvreté dans le monde d’ici 2025 (Barbier, 2009, 8).

Certains pays montrent l’exemple. La Corée du Sud a annoncé une nouvelle résolution écologique. Pour un coût d’environ 36 milliards de dollars U.S sur 4 ans (entre 2009 et 2012), l’initiative doit créer 960.000 emplois. La résolution comprend neuf axes principaux : développer les transports en communs et les chemins de fer, favori-ser les économies d’énergie (villages et écoles), les véhicules à basse consommation de carburant et à énergie propre, les espaces de vie « écologiques », la protection des rivières, la gestion des ressources en eau (petits et grands barrages), le recyclage (y compris la fabrication de carburant à partir de déchets), et la mise en place d’un réseau d’in-formation sur l’écologie. (Barbier, 2009, 17).

* NdE : Il faut cependant reconnaître que tous les experts ne s’accordent ni sur la réalité du réchauffement climatique ni sur l’excès de CO2, favorable à la végétation.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Toujours est-il que la division est une barrière considérable aux actions globales. En tant qu’individus, nous pensons que régler des pro- blèmes globaux est hors de notre atteinte ; en tant que nations, nous estimons que c’est aux autres de porter ce fardeau. Le modèle hologra-phique nous aide à développer une conscience globale pour promou-voir le progrès.

Les coachs globaux doivent être constamment attentifs à notre monde interconnecté et conscients que nos actions ont des répercus-sions à l’échelle mondiale. Nous avons à nous poser et à poser aux coachés ces questions difficiles : comment nos actions affecteront-elles la société et la planète ? Quel héritage voulons-nous laisser ?

Encourager les entrepreneurs et les innovateursUn autre économiste célèbre, Joseph Schumpeter, a souligné le rôle

fondamental des entrepreneurs et des innovateurs. Il a montré que les « entrepreneurs et leur activité innovante sont les sources de profit dans le système capitaliste. » (295).

« Les innovations étaient généralement le travail de pionniers », note Schumpeter, car « être en tête » est rare et difficile, alors que « suivre » est facile. Derrière l’innovateur, suit tout un essaim (le mot est de Schumpeter) d’imitateurs. Le progrès initial se généralise dans toute l’industrie et une vague d’emprunts bancaires et d’investisse-ments donne naissance à un « boom ». « Mais la généralisation même de l’innovation élimine son avantage distinctif », dit-il (296).

Schumpeter explique que « l’entrepreneur n’est pas nécessairement un récipiendaire du profit, bien qu’il en soit le générateur. Le profit va au propriétaire de l’entreprise, tout comme un loyer revient au proprié-taire du bien. » (296).

Alors pourquoi l’entrepreneur assume-t-il ce rôle souvent ingrat ? Schumpeter voit plusieurs raisons possibles : le rêve et la volonté de créer un royaume privé, la volonté de conquérir, la joie de créer et de faire aboutir, ou simplement le besoin d’utiliser son énergie et son imagination. (297).

Il a montré que le succès du capitalisme repose sur les épaules de dirigeants qui cherchent le sens au-delà du profit. « Le dévelop-pement du capitalisme n’est pas… intrinsèque au capitalisme en tant que tel. C’est la dynamisation de la société du fait d’une élite non capi-taliste ! » (306). Ce paradoxe n’est troublant que si on l’envisage selon le paradigme habituel de la simplicité. Comme je l’expliquerai, si nous

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

adhérons au paradigme de la complexité, il devient clair qu’une telle brèche est inévitable et en accord avec le théorème de Gödel.

D’après Jacques Attali (2009), c’est la production, et non la crois-sance, qui pollue. Il recommande donc d’investir massivement dans l’innovation technologique pour sauver la mise (tout en insistant sur le fait que les mentalités doivent évoluer parallèlement vers la notion de progrès durable). The Economist (2009) cite l’exemple de First Solar, une firme basée en Arizona, qui fabrique des panneaux solaires de l’épaisseur d’un film, plus rentables que la plupart des panneaux existants, et dont la production a doublé en 2009. Cet exemple est important si on considère que l’énergie solaire est plus coûteuse que l’énergie éolienne et qu’elle dépend beaucoup des subventions.

Jean-Claude Guillebaud (2009) montre comment la population est encouragée à consommer et met en garde contre le gaspillage des res-sources planétaires ; il dit qu’on ne peut à la fois « avoir le beurre et l’argent du beurre ». Malheureusement, la notion de bonheur est associée couramment, chez l’homme, à la consommation : remplacer sa voiture, avoir un nouveau téléphone, acheter le dernier cri. Pour Guillebaud, la consommation à outrance est un mirage à abandonner.

Je crois que nous devrions essayer d’atteindre simultanément deux objectifs : encourager les entrepreneurs et les innovateurs à créer des solutions d’énergie propres, rentables - dont nous avons désespérément besoin - et des technologies favorisant le progrès sociétal et, dans le même temps, changer nos habitudes consuméristes pour réduire notre « empreinte écologique20 ».

Le coaching global peut aider à atteindre les deux objectifs. Dans le chapitre 10, vous découvrirez comment les coachs peuvent aider à éveiller les héros en chacun de nous. Par exemple, déployer le Guerrier et l’Explorateur libérera notre capacité entrepreneuriale ; entrer en contact avec le Créateur révélera notre potentiel d’innova-tion ; le Soignant et le Sage nous aideront à préserver les ressources planétaires ; le Destructeur nous rendra capable d’éliminer nombre de nos habitudes de gaspillage. Le coaching à perspectives multiples peut optimiser nos chances de relever ces formidables défis.

Adopter le paradigme complexe des perspectives multiplesLe journal belge Le Soir avait invité des économistes belges de

premier plan à analyser leur échec collectif à prédire la crise de 2008

20 Page 79.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

(« Les économistes surpris par la crise », 2009). Peu d’économistes dans le monde avaient prédit ce qui arriverait et les théories écono-miques sophistiquées avaient été de peu d’utilité pour le prévenir. Certains économistes avaient pu toutefois expliquer a posteriori ce qui était arrivé et comment rebondir.

Conformément à la boutade « Mettez ensemble trois économistes et il en sortira quatre théories contraires ! », le journal Le Soir avait expliqué que ces désaccords ne devaient pas être perturbants : « La multiplicité des théories est sans aucun doute la condition qui nous permet d’appréhender le mieux les diverses facettes de la réalité ; et la diversité d’opinions est une richesse de nos sociétés démocratiques. » (2009).

Les études de Heilbroner (2000) sur les grands penseurs de l’éco-nomie l’ont mené à plusieurs conclusions, qui toutes illustrent la complexité :

• Interdépendance :« Les économies d’aujourd’hui sont plus interdépendantes que ne l’étaient les ouvriers de l’usine d’épingles d’Adam Smith. » (314).

• Complexité des comportements humains :Les sciences économiques traditionnelles supposent des com-portements humains « rationnels » et prédictibles, sous forme d’automatismes de type « stimulus-réponse ». Toutefois, nous ne sommes pas des robots ! « Les comportements humains ne peuvent être appréhendés sans intégrer la dimension de la volonté – la capacité imprévisible à changer d’avis à la toute dernière minute. » (317).

• Pas de véritable vision neutre :« Il existe en économie, évidemment, une grande latitude pour analyser, par la méthode scientifique, de nombreux problèmes que les sciences économiques cherchent à tirer au clair, incluant l’exigence que les économistes rendent compte des données aussi scrupuleusement que possible. Mais lorsqu’il s’agit de faire des recommandations au plan politique, il est impossible de présenter les analyses économiques comme si elles émanaient sans contes-tation possible des fondements de la société. » (318). Heilbroner renvoie à Schumpeter : « Les processus des sciences économiques ne sont en eux-mêmes pas suffisants pour déterminer le fonction-

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

nement du système. » (305). Le paradigme de la simplicité sup-pose un sujet séparé de l’objet de l’observation (l’économiste est le « sujet » distinct de l’ « objet » réel) ; le paradigme de la com-plexité considère que le sujet est inséparable de l’objet qui ne peut être appréhendé « en soi ».

• Perspectives multiples : Heilbroner pense que les sciences économiques doivent être approfondies et élargies par l’apport de savoirs d’autres disci-plines, et mises au service de leaders éclairés pour des objectifs porteurs de sens (321).

Alors que nous arrivons à la fin de la 1ère partie, j’espère avoir éclairé « les complexités » devant lesquelles nous nous trouvons en tant que personnes (chapitre 1) et en tant que collectivités (chapitre 2). Nous gagnerons à dépasser les approches unidimensionnelles et à accepter que notre réalité comporte de nombreuses facettes. Nous devons aussi apprendre à investir pratiquement ces perspectives multi-ples. Le coaching global vise à nous y préparer et à nous faciliter cette transformation.

Dans la 2ème partie, nous explorerons tout d’abord les six perspec-tives essentielles et les façons de coacher selon chacune d’elles. Dans la 3ème partie, nous examinerons les liens entre ces perspectives et les différentes facettes de notre réalité (de l’individuel au sociétal). Le modèle holographique et le paradigme de complexité nous aideront à comprendre cette connectivité essentielle. En tant que coachs, nous serons alors équipés pour relever des défis complexes, et jouer notre rôle dans l’élévation de la conscience globale et la mise en œuvre d’un progrès durable.

NOTES 1. De plus, le lecteur intéressé par le coaching d’équipe trouvera des informations

utiles dans Clutterbuck, 2007. Il y a eu plus de publications sur le coaching individuel en général et le coaching de dirigeants en particulier, y compris Stober and Grant, 2006 ; Passmore, 2006 ; Megginson and Clutterbuck, 2005 ; Wilson, 2007 ; Whitmore, 2002 ; et Downey, 2003.

2. Adapté de Rosinski, « Coaching in a Global World » (AC Global Bulletin, avril 2014).

3. Voir Rosinski, 2003, 85-89.4. Les cyniques peuvent soutenir que c’est la taille des institutions bancaires

menacées qui a obligé le gouvernement à sauver « la finance ». Cela s’est

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

quand même terminé par des milliers de pertes d’emploi et des coûts pour les contribuables. Voir plus dans Engdahl, 2008.

5. Ces notions ne sont ni neutres ni universelles. L’authenticité et la durabilitésont des valeurs culturelles. Pensez par exemple à des personnes (y compris d’immenses artistes comme feu Serge Gainsbourg) qui se plaisent dans des modes de vie nuisibles à leur santé, « préférant vivre l’instant » sans s’inquiéter des conséquences à long terme. Certains tiennent à résister au « politiquement correct culturel » des impératifs de santé. C’est ce qui leur apparaît sensé. Les coachs doivent être conscients de ce qui est réellement important pour eux, de ce qu’ils peuvent accepter ou non, et s’assurer qu’ils ont suffisamment d’affi-nités avec les aspirations de leurs coachés potentiels.

6. La théorie dominante selon laquelle le climat de la terre change dramatique-ment à cause des activités humaines est de plus en plus contestée. The Eco-nomist soutient que le réchauffement de la planète est une menace sérieuse et que les politiques du monde entier doivent prendre des mesures afin de l’éviter, tout en prétendant que le changement de climat n’est pas une certitude. « Les théories dominantes doivent être constamment mises à l’épreuve, puis affi-nées ; des preuves plus nombreuses sont à rassembler, et les théories à vérifier de nouveau. C’est le travail des scientifiques » (Climate Change – a Heated Debate, 2009). De toute façon, réduire la pollution dans le monde reste un objectif important et indispensable, ainsi que la recherche de la vérité.

7. Reproduit avec la permission de l’auteur, Peter Horton, de “Peter Buys an Electric Car : When a Local Actor Falls in Love With the EV1, Little Does He Know He’s About to Enter GM’s Twilight Zone” LA Times, 8 juillet 2003.

8. Peter Horton ne pouvait se rappeler la raison spécifique qui explique la diffé-rence de quatre petites unités entre les deux chiffres. Il m’a dit que l’objectif pour obtenir la prorogation ne cessait de diminuer en même temps que le pro-gramme EV1 était repoussé. GM était alors en position de leader et aurait pu tirer avantage de son avance technologique. Conversation téléphonique avec l’auteur, 19 avril, 2010.

9. Voir www.generationev.com - Consulté 18 juin 2009.10. Voir Mailhes, 2009.11. Le Soir 12 août 2009, 29.12. Parmi les autres livres, je mentionne Kassirer, 2004 ; Even et Debré, 2004 ; et

Borch-Jacobsen, 2009.13. Voir Wilson, 2009.14. Mon coaché préfère rester anonyme, ce qui explique la modification de son

prénom. Il tient toutefois à ce que je fasse état de son point de vue.15. Reproduit avec l’aimable permission du BCCCC (accordée le 17 août 2009

par Peggy Connolly, Directeur Marketing et Communication).16. Voir Smith, 1776/1937.17. E-mail 23 décembre 2008. Le texte est d’un auteur inconnu.18. En Belgique dans les années 80, le journaliste Jean-Claude Defossé a lançé

un show télévisé populaire : Le Journal des Travaux Inutiles. Les spectateurs ont découvert, par exemple, des routes qui ne menaient nulle part, des ponts non reliés aux routes et des constructions superflues.

19. Mais The Economist poursuit : « Pour ces raisons, cela n’arrivera jamais en Amérique. Un discours sincère sur la politique énergétique est rare. Les politi-

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COACHER POUR UN MONDE MEILLEUR

ciens détestent admettre que ce qu’ils prévoient nuira aux électeurs. Le Bureau du Budget du Congrès estime que la réduction de 15 % d’émission de CO2 coûterait 1.600 dollars par an et par foyer américain moyen. Si les politiciens prétendent pouvoir sauver la planète sans coûts, ils risquent un retour de bâton quand les gens réaliseront qu’ils mentaient. » (12).

20. Notre empreinte écologique est la mesure de nos sollicitations sur les écosys-tèmes de la terre, comparée à sa capacité de régénération. Le World Wildlife Fund propose un outil en ligne qui permet de calculer cette empreinte de sorte que nous pouvons décider d’actions spécifiques à mener afin de la réduire. Voir : http://footprint.wwf.org.uk.

2ème partie

Explorer les six perspectives

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Chapitre 3

La perspective physiqueStimuler la santé et la forme

La perspective physique vise à prendre activement soin du corps, notre précieuse mais fragile fondation.

La santé et la forme sont la base de tout. Quand nous prenons soin de notre corps, nous sommes pleinement vivants et en contact avec notre énergie vitale. Nous sommes plus résistants aux

maladies et aux atteintes du stress. Plus heureux, nous pouvons égale-ment maintenir de hauts niveaux de performance. Nous sommes mieux capables de servir autrui.

Pour autant, la plupart des coachs ont tendance à ignorer complè-tement la perspective physique. Par exemple, quand je demande aux participants d’ateliers comment ils aideraient Marie – voir chapitre 1 – ils évoquent rarement la perspective physique.

Le problème commence parfois avec les coachs eux-mêmes, dont certains négligent leur propre bien-être physique.

J’ai eu la chance de coacher plusieurs dirigeants qui faisaient excep-tion et intégraient spontanément la perspective physique dans leur vie : un excellent joueur de tennis, un coureur de marathons et un joggeur qui courait avec ses collègues à l’heure du déjeuner. Ils bénéficiaient tous trois d’une sérénité acquise dans ces activités et des bienfaits d’une camaraderie au travail favorisée par la pratique d’un sport.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Je travaille personnellement avec un entraîneur de fitness deux fois par semaine pour développer ma force et mon endurance musculaire, ma proprioception et ma souplesse. Mon emploi du temps est organisé autour de ces séances que je n’annule que rarement. De plus, je pra-tique régulièrement le vélo, et parcours habituellement de 50 à 100 km lors d’une sortie le week-end (sauf pendant les rigueurs de l’hiver !). Je joue également, mais moins fréquemment, au tennis, fais du kayak, nage, etc. Je dors beaucoup et choisis ce que je mange avec soin. Loin de restreindre ma liberté, cette hygiène de vie m’ouvre de nouvelles possibilités. La nourriture saine peut être savoureuse et l’exercice phy-sique plaisant. Être en bonne forme rend la vie plus facile et agréable.

Malheureusement, de nombreuses personnes se privent de cet avan-tage. Plutôt que d’adopter un mode de vie conscient (voir chapitre 8 – la perspective spirituelle), elles semblent être en pilotage automati- que. Dans un avion, je suis frappé de constater que la majorité des passagers mange, sans réfléchir, toute la nourriture proposée par la compagnie aérienne, alors que cette « malbouffe » est gorgée de grais-ses hydrogénées et saturées, de sel et de sucre à index glycémique élevé. Lors d’un voyage en Australie, j’ai vu servir des pommes en guise de collation et ai constaté que les passagers mangeaient ces fruits nutritifs comme ils auraient mangé des gâteaux ou des biscuits malsains.

Les chiffres en la matière sont alarmants : aux États-Unis, plus de 80 % des adultes au-dessus de 30 ans sont en surpoids ou obèses (plus de 50 % sont obèses), pour respectivement 70 % (et 30 %) au Royaume-Uni, 50 % (et 10 %) en France, et 30 % (et 3 %) au Japon. L’obésité est devenue un fléau mondial qui concerne de plus en plus d’enfants1.

En tant que coachs globaux, nous ne sommes pas spécialistes en nutrition et entraînement physique, mais ce sujet est si important que nous avons à améliorer notre connaissance en ces domaines et à en apprendre les spécificités. Notre action doit aller bien au-delà des conseils habituels – utiles mais trop superficiels : « Vous devriez faire plus d’exercice » ; « Vous devriez manger cinq fruits et légumes par jour ». Tout comme nous faisons appel à des psychothérapeutes ou à des psychiatres compétents lorsque le coaching n’est pas la (seule) solution, nous devons pouvoir collaborer avec de bons nutritionnistes et des entraîneurs physiques efficaces, pour mieux servir nos coachés2.

1 Page 114.2 Page 114.

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

Dans ce chapitre, je me pencherai particulièrement sur la nutrition et l’entraînement physique. Je partagerai les résultats prouvés de la recherche d’experts réputés. Toutefois, les disciplines que je proposerai ne constituent pas la seule voie vers la santé et la forme. Par exemple, la musculation apporte de nombreux bienfaits quand elle est pratiquée correctement. Elle complète d’autres sports qui développent invaria-blement certains muscles au détriment d’autres. Néanmoins, votre médecin et votre entraîneur physique préconiseront peut-être d’autres méthodes mieux adaptées à votre situation particulière. De même, le nutritionniste est le mieux placé pour donner des conseils personnali-sés en matière d’alimentation. Pourtant, à l’inverse de certains coachs qui s’en remettent entièrement aux experts, je veux partager avec vous des principes généraux et suggérer une orientation.

Il est facile de se perdre dans la pléthore de livres et d’articles sur la nutrition. Des margoulins sans scrupule ciblent les personnes en sur-poids et promettent des résultats miraculeux sans effort, par la prise de pilules magiques (qui mènent parfois à des catastrophes - un cas de défaillance rénale me vient à l’esprit). De nombreux régimes fan-taisistes peuvent sembler attractifs mais ne reposent sur aucune preuve scientifique. Par exemple, le régime pauvre en glucides élimine l’eau du corps sans brûler les graisses. Cette eau sera regagnée ensuite avec des effets nocifs. L’apparence peut devenir « boursouflée et bouffie » avec parfois le risque de défaillance cardiaque (Willcox, Willcox et Suzuki, 2005, 51). Heureusement, une approche fondée sur les preuves scientifiques (evidence-based) progresse et les nutritionnistes les plus éminents dans le monde entier tendent à s’accorder sur les principes de base.

Les leçons d’OkinawaDepuis des siècles, l’humanité cherche en vain la fontaine de jou-

vence. La vie éternelle reste hors de portée mais il est un endroit dont les habitants bénéficient régulièrement d’une belle longévité en bonne santé : il s’agit d’Okinawa, une île au sud du Japon. On y trouve la pro-portion la plus élevée de centenaires et de super-centenaires (110 ans et plus). De plus, c’est là que la proportion la plus élevée des habitants âgés peut y profiter du grand âge sans souffrir de maladies débilitantes et de perte de mobilité. Si vous pensiez qu’atteindre un très grand âge est synonyme de survie grabataire, vous voudrez peut-être reconsidérer votre opinion !

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Les frères Willcox (Willcox, Willcox, et Suzuki, 2001, 13) ont été surpris lors de leur première rencontre avec un centenaire, un homme du nom de Nakajimasan. En arrivant chez lui, ils ont trouvé un homme alerte paraissant 70 ans, en tenue décontractée, triant ses outils de jardinage. Ils ont cru un moment s’être trompés d’interlocu-teur et ont demandé à parler à son père. Cet homme énergique était bien Nakajimasan. Par la suite, un bilan gériatrique complet a confirmé qu’il jouissait d’une santé hors du commun, suscitant l’exclamation du vieil homme : « Chaganjuu », qui signifie santé parfaite en dialecte okinawai.

Le maître de karaté Seikichisensei est devenu un héros lorsqu’à 96 ans, il a accepté un combat avec Katsuo Tokashiki, ancien cham-pion de boxe (poids mouche) âgé d’une trentaine d’années. Le vieux maître a esquivé tous les coups avec une agilité remarquable. Au bout de 20 minutes, le jeune champion a ralenti juste un peu et baissé sa garde un instant, ce qui a été suffisant pour que Seikichisensei lui porte un coup décisif. Le boxeur, stupéfait, n’en croyant pas ses yeux, a lançé : « Yarareta, yarareta ! » (Il m’a battu, il m’a battu !). L’homme de 96 ans a répondu en plaisantant : « Il n’avait pas encore suffisam-ment d’expérience pour me battre. », (Curtay, 2006, 66-67).

Même si ces deux cas sont particulièrement impressionnants, les anciens d’Okinawa dans leur ensemble profitent de ce qui pourrait être la plus longue espérance de vie au monde (81,2 ans en moyenne) ainsi que de la plus longue espérance de vie en bonne santé. Ils retardent et parfois évitent les maladies chroniques du vieillissement, comme la démence, les maladies cardiovasculaires (crise cardiaque et AVC), et cancers (Okinawa Centenarian Study, 2008).

Une étude scientifique recherchant les raisons de ce record excep-tionnel a été conduite pendant 25 ans par le Docteur Makoto Suzuki et diffusée aux États-Unis par les frères Willcox (Willcox, Willcox, et Suzuki, 2001), et en France par le Docteur Jean-Paul Curtay (Curtay, 2006). En résumé, quatre facteurs interconnectés interviennent :

• La nutrition : un régime basses calories à base de végétaux et riche en glucides non raffinés,

• L’exercice physique : rester en forme physique dans toutes les dimensions de celles-ci (anaérobique, aérobique, souplesse) en pratiquant les arts martiaux, la danse traditionnelle, le jardinage et la marche,

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

• La vie en communauté : relations personnelles, solidarité, réci- procité,

• La spiritualité : mode de vie équilibré en accord avec la nature, soin du « ki » ou « énergie de vie », profond respect des autres, rites bienfaiteurs célébrant le vieillissement réussi.

On pourrait être tenté de contester ces résultats et d’attribuer cette exceptionnelle longévité des Okinawais à l’inné (leurs gènes) plutôt qu’à l’acquis (leur mode de vie). Mais les résultats des recherches sont sans ambiguïté. Quand les Okinawais vivent à l’étranger et adoptent le mode de vie et le régime des Occidentaux, leur espérance de vie chute sévèrement et ils deviennent enclins aux maladies comme les Occidentaux. Une des nombreuses études sur les migrations porte sur des Okinawais vivant au Brésil (Willcox, Willcox, et Suzuki, 2004). Les jeunes générations d’Okinawais ont malheureusement une espé-rance de vie plus courte que leurs aînés. Le moment du basculement correspond à l’américanisation qui a suivi la seconde guerre mondiale, quand les jeunes ont été séduits par les hamburgers gras, les sodas sucrés et autre « malbouffe ».

La bonne nouvelle est que nous pouvons tous agir sur nos modes de vie et tirer le meilleur des atouts que la nature nous a donnés, en nous en servant avec sagesse.

La nutritionLes résultats des études sur la nutrition à Okinawa sont remarqua-

blement cohérents avec ceux d’autres études, telles celles compilées par le Dr. Servan-Schreiber et décrites dans deux succès de librai-rie : Guérir explique comment la nutrition et l’exercice physique (et d’autres approches non médicamenteuses) combattent le stress, l’an-xiété, et la dépression ; Anticancer décrit comment ce mode de vie a un rôle de prévention et lutte contre le cancer (en complément des approches traditionnelles que sont la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie).

Le résultat de recherches sérieuses met en lumière les puissantes vertus thérapeutiques de certains aliments. Servan-Schreiber montre comment, par exemple, l’ail, les oignons et le chou aident à inhiber la croissance de cellules cancéreuses, comment le curcuma et le thé vert bloquent l’angiogenèse tumorale (croissance de nouveaux vaisseaux

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

sanguins nourrissant les cellules cancéreuses). Beaucoup de ces nutriments pourraient faire d’excellents médicaments3, mais les grou-pes pharmaceutiques ne peuvent pas les breveter et ont donc peu d’intérêt à promouvoir des concurrents à leurs produits. Il est temps que nos gouvernements et nos institutions publiques jouent leur rôle dans l’éducation du public (à commencer par les enfants des écoles), financent la recherche sur la santé (on se repose encore trop sur l’indus-trie pharmaceutique) et règlementent le secteur alimentaire beaucoup plus strictement, à l’instar de ce qui a été réalisé (jusqu’à un certain point) dans le secteur du tabac : limitation des publicités pour des ali-ments malsains, interdiction de la « malbouffe » dans les écoles, obli-gation de transparence sur la composition des aliments, réglementation des publicités mensongères (en faveur, par exemple, de céréales pré-sentées comme concourant à la forme physique mais en réalité surchar-gées en sucres), etc.

Toutes les informations sont heureusement accessibles pour qui fait l’effort de les chercher. Le coaching est une aide inestimable pour les individus qui souhaitent devenir responsables d’eux-mêmes et passer du pilotage automatique à un mode de vie conscient et sain.

Les médias participent à la prise de conscience de l’importance de la nutrition. Mais, comme le marché le demande, l’industrie agroalimen-taire – dans son ensemble – continue à fabriquer de la « malbouffe », de mettre en sérieux danger l’environnement et notre santé (utilisation de pesticides, hormones, antibiotiques, graisses hydrogénées et autres produits toxiques) car elle tire profit d’une législation laxiste, (voir Toxic, Reymond, 2007).

Les entreprises qui aspirent sincèrement à bien agir peuvent y trou-ver un avantage. Promouvoir la santé conduit à des changements et permet de saisir des opportunités de développement, avant les « traî-nards » qui attendent jusqu’à ce que le changement soit exigé par les autorités ou le public. Ainsi, le succès de l’entreprise « Alpro » illustre mon propos : « Alpro est le pionnier européen du développement de nourritures et boissons courantes à base de soja. Depuis plus de 25 ans, nous défendons une approche plus saine et plus durable, produisons et vendons de délicieux produits qui conservent la valeur nutritionnelle unique des graines de soja4 ». La lignée bio est en plein essor en Europe de l’Ouest et la protège des pesticides utilisés à l’excès dans l’agricul-

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ture industrielle et de la qualité insuffisante de l’alimentation animale dans l’élevage industriel.

L’objet de ce livre n’est pas de donner des conseils précis sur la nu- trition. Un nutritionniste et les excellents livres mentionnés plus haut peuvent aider chacun à entreprendre un régime adapté à sa situation médicale propre. Toutefois, laissez-moi partager brièvement avec vous quelques-unes des principales conclusions données par les experts, valables dans la plupart des cas. On pourrait être plus disert mais ce qui suit vous fera sauter le pas et/ou vous servira d’aide-mémoire ou de checklist.

• Mangez une nourriture variée, principalement à base de légumes. Les « cinq couleurs à table » (rouge, jaune, bleu-vert, blanc et noir) sont la garantie d’un apport varié de nutriments5 et incitent visuellement à déguster la nourriture (plutôt que de l’engloutir !).

• Limitez la prise de calories. C’est « l’approche la plus saine de l’alimentation » (Willcox, Willcox, et Suzuki, 2004, 12). Réduire significativement les calories diminue les risques de cancer et allonge la durée de vie. Les régimes « basses calories » limitent la production de radicaux libres qui endommagent les cellules. Ces radicaux libres, molécules instables (ou « oxydants »), sont pro-duits lorsque le corps transforme la nourriture en énergie. Votre corps a des défenses naturelles, notamment ses propres antioxy-dants, mais d’autres antioxydants proviennent de votre nourriture. L’objectif n’est pas d’avoir constamment faim ou de devenir ano-rexique ! L’astuce consiste, au contraire, à avoir un régime riche en glucides complexes et en fibres. Vous vous rassasiez alors de la nourriture la moins raffinée possible (également appelée « com-plète6 »), basse en calories et riche en antioxydants.

• Un concept utile est la densité calorique (DC) qui représente le « nombre de calories rapportée à une quantité de nourriture », d’habitude 1 gramme7. Vous pouvez aisément calculer la DC en lisant ce qui est indiqué sur les emballages. Divisez le nombre de calories (exprimé en Kcal8) par le poids de l’aliment (exprimé en grammes). Souvent, le nombre de calories est indiqué pour

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100 grammes, et il suffit de diviser ce nombre par 100 pour obtenir la DC. Des indications de DC existent aussi pour les aliments nonemballés9.• Les « poids plumes » sont les aliments avec une DC inférieure

à 0,7. Vous devriez composer vos repas sur une base de « poids plumes » avec beaucoup de fruits, de légumes et de tofu.

• Les « poids légers » ont une DC comprise entre 0,8 et 1,5. Ces aliments doivent être consommés avec modération. Ils com-prennent les poissons blancs à chair maigre, le riz et les pâtes (avec grains complets) et les haricots cuits.

• Les « poids moyens » ont une DC comprise entre 1,6 et 3,0. Ceux-ci doivent être consommés en proportions relativement petites. Les poissons gras et le houmous en sont des exemples.

• Les « poids lourds » ont une DC de plus de 3,0. À consom-mer avec parcimonie. Ce sont les aliments transformés - la transformation des aliments diminue les fibres et l’eau et aug-mente le sucre et les graisses, qui doivent être évités ainsi que quelques aliments sains (les noix et des huiles de cuisson riches en oméga-3)10.

Les frères Willcox comparent les 280 calories, habituellement consommées aux États-Unis sous forme de hamburger au fromage (100 grammes, DC 2,8) aux légumes revenus dans un wok associés à du riz et de la soupe miso (500 grammes, DC 0,6). En d’autres termes, vous pouvez manger plus, vous sentir mieux rassasié et peser moins en adoptant le régime d’Okinawa !

Notez également que les muscles brûlent plus de calories au repos que la graisse corporelle11, ce qui devrait vous encourager à pratiquer la musculation (ce dont je parlerai plus tard) ; de plus l’excès de calories est stocké sous forme de graisses12.

• Mangez au moins sept portions de fruits et légumes chaque jour. Ils contiennent beaucoup de substances nutritives mais peu de calories. Ils réduisent les risques à long terme de mala-

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dies cardiaques, de cancer, d’AVC, d’hypertension, et d’obésité. Étant une des sources principales d’antioxydants, ils vous aident à paraître plus jeune13.

• Mangez au moins six portions d’aliments à base de céréales chaque jour. Ces aliments comprennent le pain complet, le riz brun (ou riz complet), le quinoa et le boulgour.

• Les céréales qui contiennent des glucides complexes, les fruits et les légumes doivent constituer la base de votre alimentation. Ces aliments « non transformés » contiennent plus de substances nutritives, plus de fibres, et ont un indice glycémique14 plus faible que les aliments « transformés » (pain blanc, sucre raffiné - prin-cipalement le sucrose ou sucre de table -, les beignets, biscuits, etc.). Les glucides sont le principal combustible de vos muscles15. La nourriture à indice glycémique faible ralentit l’absorption de glucose dans le sang et régule le niveau de la glycémie. Elle est plus adaptée pour le fonctionnement du pancréas et réduit le risque de développer des diabètes de type II, ainsi que des cancers hormonodépendants et des maladies cardiovasculaires.

• Mangez les bonnes graisses, évitez les mauvaises. Les bonnes graisses sont essentielles pour la régénération des cellules et des tissus ; elles sont les constituants principaux des hormones de notre corps, et facilitent l’absorption des principales vitamines. Incidemment, la graisse qui circule dans le sang s’appelle le cholestérol.- Il y a deux variétés de bonnes graisses : les acides gras mono-

insaturés (AGMI) et les graisses polyinsaturées (AGPI). Les premiers (que l’on trouve notamment dans les avocats, l’huile d’olive et les amandes) résistent le mieux aux attaques des radi-caux libres. Les secondes se présentent sous deux formes : les omega-6 (volailles, huile de tournesol) et les oméga-3 (huile de colza, noix, sardines, maquereaux).Pour être plus précis les AGPI sont bons quand le ratio oméga- 6/oméga-3 est compris entre 3 et 10 (ce qui est le cas chez les vieillards d’Okinawa 3-4/1 mais pas chez les Américains

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10-20/1). Un mauvais ratio favorise l’inflammation16, la coagulation du sang et, peut-être, le développement de cancers. Vous devez avoir pour objectif de vous rapprocher du ratio idéal, généralement en baissant votre consommation d’omé-gas-6 et en augmentant celle des omégas-3.

- Les mauvaises graisses comprennent les acides gras satu-rés (AGS) et pour les plus « nocives », les acides gras trans (AGTrans). Il s’agit de graisses insaturées transformées en graisses saturées par un procédé d’hydrogénation (d’où l’appellation de graisse « hydrogénée »). Vous devez éviter ce puissant boucheur d’artères (qui augmente le mauvais cho-lestérol et réduit le bon17) qui se cache dans la plupart des biscuits, la margarine, les frites et plus généralement la res-tauration rapide. Les graisses saturées qui se trouvent dans la viande rouge, les produits laitiers entiers, et l’huile de pal- me sont également néfastes car elles augmentent le mauvais cholestérol. Outre l’augmentation des risques de maladies car-diovasculaires, la recherche suggère une corrélation avec les cancers hormonodépendants.

• Mangez trois flavonoïdes par jour. Ces substances que l’on trouve dans les plantes forment de puissants antioxydants. Elles sont présentes dans le soja (par exemple dans le tofu), les oignons, et le thé vert japonais.

• Mangez trois aliments contenant du calcium chaque jour. Le cal-cium est connu pour fortifier les os et prévenir l’ostéoporose. Si les produits laitiers sont d’excellentes sources de calcium, ils sont meilleurs consommés avec modération, allégés ou écrémés. Les frères Willcox citent des résultats scientifiques qui montrent que la forte charge en protéines des produits laitiers tend à éliminer le calcium des os. Les aliments enrichis en calcium et les légumes verts (chou frisé, brocoli, chou commun) assurent une excellente source de calcium18.

• Mangez une quantité raisonnable de protéines. Les acides ami-nés sont les constituants de base des protéines qui entrent dans

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la fabrication et la régénération des tissus19. On les trouve dans la viande, le poisson, les produits laitiers, le soja et les noix. Les Occidentaux (et particulièrement les Américains qui servent sou-vent des portions démesurées dans les restaurants) ont tendance à manger beaucoup trop de protéines ; un tel régime favorise l’hypertension et le vieillissement artériel. Les produits dérivés des protéines comme l’ammoniaque et l’urée sont hautement toxiques. Cela dit, la quantité de protéines ingérée doit s’adapter à votre âge, votre masse musculaire et votre niveau d’activité. Si vous faites régulièrement de l’exercice pour développer vos muscles, vous aurez besoin de plus de protéines que si vous n’en faites pas. Tout est une question d’équilibre : ni pas assez (mal-nutrition), ni trop. Vous pouvez aussi trouver des protéines plus saines dans le poisson ou le tofu20 (et dans le poulet dans une moindre mesure) que dans les viandes rouges. Les protéines accé-lèrent la sensation de satiété21, et la font durer plus longtemps22.

• Mangez non salé. Remplacez le sel par des plantes aromatiques. Le sel est un des scandales de la nourriture industrielle. Ajouté à la nourriture emballée comme exhausteur de goût (pour rendre plus savoureuse une nourriture fade), le sel favorise l’hyperten-sion, ce qui est mauvais pour les artères23. Le sel peut tout à fait être remplacé par toute une palette de plantes aromatiques savou-reuses - le curcuma, le gingembre, le galanga - qui possèdent de puissantes propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires (de petites quantités de poivre et d’huile d’olive aident à absorber leurs principes actifs. Il vaut mieux ajouter les plantes aroma-tiques une fois les aliments cuits). La menthe, le thym, la marjo-laine, le basilic, le romarin, le persil, le céleri, l’ail, les oignons, la cannelle, le gingembre, tout comme le jus de citron, possèdent tous des propriétés intéressantes. Vous pouvez également utiliser les fanes (par exemple de carottes), plutôt que les jeter.

• Buvez de l’eau et du thé, évitez les sodas et l’alcool. - Buvez de l’eau régulièrement et ayez une petite bouteille d’eau

avec vous. Il est bon que l’eau contienne beaucoup de magné-sium, de calcium et de bicarbonates, peu de fluor et de sodium

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(sauf dans les cas d’hypotension) et le moins possible de nitrates. Les thés verts japonais sont les plus riches en antio- xydants. Le thé au jasmin est très apprécié à Okinawa (vous pouvez y ajouter du curcuma, du citron, de la cannelle, etc.). Il faut éviter de boire le thé extrêmement chaud (Les cancers du pharynx et de l’œsophage sont principalement dus aux petites brûlures à répétition). Les infusions possèdent également de bonnes propriétés : la camomille soulage les brûlures d’esto-mac, l’indigestion et l’insomnie.

- Évitez les sodas très sucrés24. Les jus de fruits fraîchement pressés (c’est-à-dire pressés juste avant que vous les buviez, pas des heures plus tôt) sont plus bénéfiques. Refusez les jus industrialisés qui ne sont pas « 100 % jus de fruits » (sans sucre ajouté).

- Les opinions divergent en ce qui concerne le vin. Selon Servan-Schreiber et Curtay, un verre de vin au déjeuner est bon pour vous (les polyphénols et resveratrol anti-oxydants protègent contre les maladies cardiovasculaires et les cancers), alors que les frères Willcox le déconseillent et pour eux le paradoxe français (une proportion plus faible de maladies cardiovascu-laires malgré un régime riche non idéal et l’usage du tabac) reste inexplicable. Les différences culturelles entrent-elles en compte ici ? En général, il est mieux d’éviter l’alcool. L’alcool présente une teneur en calories élevée (risque d’excès de poids et de vieillissement accéléré), abîme les tissus et détruit les neurones. Il supprime également les inhibitions et réduit tem-porairement le stress, ce qui explique la sinistre attraction qu’il exerce sur les alcooliques qui en abusent au lieu de prendre conscience de leurs difficultés et de demander de l’aide.

• Mangez en quantité raisonnable. Les habitants d’Okinawa mangent jusqu’à ce qu’ils soient rassasiés à 80 % et évitent ainsi l’excès d’alimentation. En effet, il faut environ 20 minutes aux récepteurs de l’estomac pour informer le cerveau de votre niveau de satiété. Il suffit donc d’attendre. Sinon, un cercle vicieux s’installe et vous dilatez votre estomac pour recevoir les suppléments de nourriture. Toutefois, comme je ne sais pas quand mon estomac est rempli à 80 % et que je n’aime pas avoir

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faim, je m’en tiens à la recommandation : « Arrêtez de manger quand vous ressentez la toute première impression de satiété25. » Il est plus facile de manger davantage (mais sans excès) si l’on favorise les aliments à basses calories mentionnés plus haut. De plus, il est conseillé d’opter pour des repas légers le soir, pour assurer un sommeil de bonne qualité26.

Dans le chapitre 8, nous verrons que manger une nourriture saine est propice à la vie, que choisir attentivement nos aliments respecte notre corps et que prendre le temps de préparer et d’apprécier la nourriture (la présenter de façon esthétique, la goûter avant de l’avaler) relève de la perspective spirituelle. Cette attitude implique d’abandonner le pilotage automatique pour devenir responsable de sa santé, cultiver une présence aimante et attentionnée et enfin faire des choix réfléchis.

Choisir c’est demander dans un restaurant une sauce servie à part, des légumes à la vapeur, sans sel, etc. C’est demander des fruits au lieu du gâteau du menu. Si vous vous sentez gêné devant vos amis, vous pouvez aller au chapitre 5 où l’on verra comment développer son assu-rance. Certains restaurants feront de leur mieux pour répondre à vos demandes, d’autres n’y seront pas disposés. Vous saurez où retourner ou ne pas retourner à l’avenir.

Il est important que votre vigilance et votre constance en faveur d’une nourriture ne tournent pas à l’obsession. Par exemple, éviter les graisses saturées ne signifie pas pour autant exclure tous les pro-duits qui en contiennent. J’apprécie de manger du chocolat noir belge (86 % de cacao27) et occasionnellement des gaufres. De même, lors de ma dernière visite à Prague, j’ai dégusté un délicieux cheese-cake. La modération est la clé. Vous efforcer d’atteindre la perfection est une bataille perdue qui, paradoxalement, peut mener à des troubles : l’ob-session maniaque pour les aliments sains porte un nom, l’orthorexie. Je ne prône pas l’austérité. Manger raisonnablement de la nourriture saine est un plaisir. Les repas sont autant d’occasions de prendre le temps de partager un moment privilégié en famille, entre amis ou collègues. Les repas peuvent redevenir une cérémonie.

Vous trouverez beaucoup plus d’informations dans les livres que j’ai recommandés. Je souhaite mentionner ici l’importance du magné-sium. On le trouve dans les eaux minérales, les céréales complètes,

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le soja, les légumes verts, les noix et les amandes, etc. Curtay (2006) place ce nutriment au niveau des antioxydants et acides gras oméga-3, dans leur rôle crucial contre la décrépitude et les maladies associées à l’âge. Le magnésium est particulièrement utile pour gérer un stress psychologique (un autre exemple de lien entre l’esprit et la matière), réguler ce qui pénètre dans nos cellules et pour nous protéger contre les phénomènes d’inflammation.

La bonne nouvelle est que beaucoup d’habitudes alimentaires sont faciles à modifier. Par exemple, si vous cessez d’ajouter sel et sucre dans vos aliments, votre organisme en perdra tôt ou tard l’envie, et vous développerez un goût soutenu pour les saveurs naturelles de la nourriture.

L’entraînement physiqueEn tant que coach, je rencontre souvent des dirigeants qui ne prati-

quent aucun sport ni autre forme d’exercice physique. Certains aimaient le sport dans leur jeunesse mais prétendent ne plus en avoir le temps. Pour eux, le premier pas est de s’y remettre progressivement, après un bilan médical. Par exemple, une dirigeante, après avoir été coachée, a repris la natation deux fois par semaine. Bien que cela lui demande une discipline personnelle, elle se sent mieux et moins stressée. D’autres dirigeants, au contraire, s’exercent bien sûr régulièrement. Quoi qu’il en soit, les coachés n’évoquent pas souvent d’eux-mêmes l’importance de l’exercice physique et son lien avec leur bien-être ou avec leurs per-formances professionnelles. Le cadre du coaching global permet aux coachs de suggérer ce lien et d’encourager les coachés à entreprendre un programme d’entraînement physique d’ensemble en plus de tout autre sport déjà pratiqué.

L’entraînement physique comprend plusieurs dimensions, dont certaines souvent ignorées, avec chacune son bénéfice particulier. Par exemple, certains font régulièrement du jogging pour maintenir ou développer leur endurance cardiovasculaire mais ne s’entraînent pas à renforcer leurs muscles, qui s’affaiblissent.

Les coachs doivent posséder une bonne connaissance des principes généraux de l’entraînement physique, pratiquer eux-mêmes, et être en mesure de recommander des entraîneurs personnels dont le travail avec le coaché complètera le processus de coaching. En pratique, cette approche d’ensemble est réservée aux dirigeants et à tous ceux qui

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

désirent tirer le meilleur parti de leur potentiel pour atteindre de plus hauts niveaux de bien-être et de performance au travail.

Je vais maintenant examiner les domaines interconnectés suivants : l’entraînement cardiovasculaire, la musculation, l’équilibre et les étirements.

L’entraînement cardiovasculaireTout d’abord, on doit distinguer l’entraînement « aérobique » de

l’entraînement « anaérobique ». Les exercices aérobiques ont pour objectifs « d’améliorer l’efficience du système cardiovasculaire du corps dans l’absorption et le transport de l’oxygène » (The New Oxford Dictionary of English, 1998). Dans l’exercice « anaérobique », les muscles obtiennent leur énergie d’autres sources que l’oxygène, par-ticulièrement de l’adénosine triphosphate (ATP), la créatine phosphate et le glycogène. Cette énergie accumulée dans les muscles est immé-diatement disponible mais rapidement consommée (Bosch, 2007, 31). Courir une longue distance à un rythme modéré facile à maintenir est une activité « aérobique ». Sprinter à grande vitesse est une activité « anaérobique ».

La pratique régulière et adaptée d’un exercice aérobique augmente la capacité d’endurance : le système cardiovasculaire transporte plus d’oxygène vers les muscles et les exercices peuvent durer plus long-temps et gagner en intensité. À ce sujet, je suis choqué de voir des personnes d’âge moyen essoufflées après avoir gravi quelques marches ou monté une petite côte.

La fréquence cardiaque indique tout à la fois l’intensité de l’en-traînement et votre forme physique. Lorsque vous pouvez fournir un même effort avec un moindre rythme cardiaque, vous êtes en meilleure forme. Bien entendu, d’autres facteurs peuvent influencer le rythme cardiaque. Par exemple, une température élevée (en particulier au- dessus de 25°C) impose un effort supplémentaire au corps et entraîne une élévation du rythme cardiaque (au repos et pendant l’effort). De même, une hydratation insuffisante augmente le rythme cardiaque pen-dant l’activité physique, ce qui, incidemment, doit nous rappeler de boire suffisamment (Bosch, 2007, 42).

Les médecins utilisent un test d’effort pour déterminer la fréquence cardiaque maximale (FC max)28. Pendant le test, une personne fournit

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

un effort progressivement plus intense, sur un tapis roulant ou un vélo d’appartement. La FC max apparaît comme une caractéristique géné-tique individuelle, qui diminue avec l’âge29 mais n’est pas modifiée par l’entraînement physique (Bosch, 2007, 34). Toutefois, l’entraînement permet d’abaisser la fréquence cardiaque au repos (FC repos).

La formule de Karvonen peut être utilisée pour déterminer la fré-quence cardiaque (FC) ciblée pendant l’effort (FC effort) :

FC effort = Pourcentage (FC max - FC repos) + FC repos La fréquence cardiaque de l’effort peut être mesurée précisément en

utilisant un cardio-fréquence-mètre (doté d’un détecteur et d’une mon-tre). L’exemple qui suit montre comment l’intensité de l’entraînement peut être déduite de la formule de Karvonen. Si la FC d’un individu est de 52 au repos (FC repos) et de 200 au maximum (FC max), et s’il souhaite s’entraîner à 70 % de sa capacité maximale, la valeur de FC pendant l’effort sera calculée comme suit : FC effort = 70 % x (200 - 52) + 52 = 156

Les différentes intensités d’entraînement procurent des bénéfices spécifiques30.

Type d’entraînement Pourcentage approximatif de capacité maximale de fréquence cardiaque

Reprise/échauffement Inférieur à 60 %

Endurance « aérobique » 60 % - 80 % Zone verte

Endurance « aérobique-anaérobique » 80 % - 90 % Zone orange

Endurance « anaérobique» Supérieur à 90 % Zone rouge

L’explication physiologique simplifiée des différentes zones est la suivante31 :

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Réactions chimiques dans les zones verte, orange, et rougeL’énergie nécessaire pour courir, faire du vélo ou effectuer toute autre activité d’endu-rance est produite par des réactions chimiques qui transforment l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine diphosphate (ADP), ce qui libère un atome de phosphate. Il y a deux types principaux de réactions chimiques :

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

Les fréquences cardiaques correspondant à ces zones ne sont pas absolues32. Les pourcentages du tableau sont typiques d’un sportif bien entraîné33. Le niveau d’entrée en zone rouge pourrait être atteint dès 65-70 % et non 90 % par des personnes non entraînées34.

La mesure de la FC est recommandée pour surveiller l’intensité des exercices35. En règle générale, 80 % de l’entraînement cardiovascu- laire devrait se situer dans la zone verte, 15 % dans la zone orange et 5 % dans la zone rouge. Toutefois, instinctivement, un joggeur ignorant

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• Les réactions aérobiques au cours desquelles l’ATP est produit à partir de lipides (graisses), d’ADP et d’oxygène :

Lipides + O2 + ADP → CO2 + ATP + H2OLe dioxyde de carbone (CO2) que vous exhalez et l’eau (H2O) que vous transpirez sont produits en même temps que l’énergie (ATP).Nous sommes dans la zone verte. Les lipides sont une sorte de gazole : nous pou-vons soutenir un effort pendant longtemps car nous avons suffisamment de lipides disponibles. Comme pour toutes ces équations, la réalité est plus complexe. En fait, nous utilisons les glucides particulièrement au début et la réaction avec les lipides met un certain temps à se mettre en place. Il n’en reste pas moins que les lipides sont le carburant principal dans la zone verte. Enfin, dans cette zone, pratiquement aucun acide lactique n’est produit si bien qu’aucune crampe musculaire n’apparaît.

• Les réactions anaérobiques, au cours desquelles l’ATP est produite à partir des glu-cides en l’absence d’oxygène :

Glucides + ADP → acide lactique + ATPNous sommes dans la zone rouge. L’acide lactique est le sous-produit. Les muscles se raidissent et se contractent. De plus, les réserves de glucides sont limitées (dans le sang d’abord, puis sous forme de glycogène). L’effort ne peut pas être maintenu très longtemps. Les glucides représentent une sorte de supercarburant, facilement dispo-nible pour des courses et accélérations rapides, mais inadapté aux longues distances.

• Dans la zone aérobique-anaérobique, l’acide lactique produit par la réaction anaéro-bique est recyclé :

Acide lactique + O2 +ADP → CO2 + ATP + H2OLa combinaison des deux réactions quand le recyclage compense parfaitement la production d’acide lactique est :

Glucides + O2 + ADP → CO2 + ATP + H2ONous sommes alors dans la zone orange, zone dans laquelle les réserves limitées de glucides sont utilisées ; l’absence d’acide lactique et le fait que les graisses sont également consommées permettent de maintenir l’effort plus longtemps que dans la zone rouge. La réaction « aérobique » se produit dans le même temps que les deux réactions ci-dessus.

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de ces données n’effectuera sa course que 10 % dans la zone verte, 70 % dans la zone orange et 20 % dans la zone rouge36. « Plus » n’est pas toujours « mieux » ! En s’entraînant trop et trop dur, il y a un risque de surentraînement qui peut mener à une baisse de perfor- mance, une grande fatigue (qu’on ne guérit pas simplement par le repos et le régime), une instabilité émotionnelle, un affaiblissement du sys-tème immunitaire, etc37. En faire trop est un phénomène culturel (incité par une propension au contrôle et à la compétition, comme précisé dans le chapitre 7). Les coureurs kenyans qui sont au contraire plus dans le plaisir ont tendance à éviter ce piège38.

S’entraîner dans la zone verte promeut une base cardiovasculaire saine et une bonne endurance car cette pratique39 :

• renforce et agrandit le muscle cardiaque40, pour améliorer l’effi-cience de son pompage et réduire la FC au repos,

• améliore la circulation du sang et réduit la tension artérielle,• améliore la vascularisation du cœur et des muscles du squelette

en augmentant le nombre des capillaires et leur densité (nombre de capillaires par coupe transversale d’une partie de muscle)41. Les coureurs expérimentés ont environ 40 % de vascularisation de plus que les personnes qui ne s’entraînent pas,

• permet aux fibres musculaires d’accroître leur stock de glyco-gène, de graisses utiles et d’enzymes oxydatives (ce qui facilite les réactions chimiques qui utilisent l’oxygène),

• augmente le nombre de mitochondries 42,• brûle les graisses,• améliore la capacité des muscles à utiliser les graisses pendant

l’effort et à conserver le glycogène musculaire,• augmente la vitesse de récupération des muscles après un effort

intense.

S’entraîner dans la zone orange contribue à43 :• ajouter du plaisir et de la variété dans l’entraînement : vous accé-

lérez sans sprinter,36 Page 117.37 Page 117.38 Page 117.39 Page 117.40 Page 117.41 Page 117.42 Page 117.43 Page 117.

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

• adapter le corps à un rythme plus rapide, mais confortable, utilisé dans la course de fond (par exemple, le marathon et le semi-marathon),

• entraîner le corps à passer facilement du métabolisme des graisses au métabolisme des glucides (ce dernier est principalement utilisé dans la zone rouge).

S’entraîner dans la zone rouge permet de44 :• développer le corps en vue d’efforts de haute intensité mais de

courte durée (sprinter, combler un écart, grimper une côte en accélérant),

• aider le corps à mieux tolérer la présence d’acide lactique45,• renforcer le cœur (le ventricule gauche renvoie le sang dans votre

corps. Votre cœur doit pomper plus fort pour fournir du sang à vos muscles. La paroi musculaire de votre ventricule gauche s’épais-sira pour que votre cœur puisse gérer l’augmentation de la tension artérielle).

Quoi qu’il en soit, cet entraînement « anaérobique » :• consomme des glucides et épuise rapidement les réserves de

glycogène • est réservé aux sportifs et sportives expérimentés. L’endurance

doit être développée en premier.

Plusieurs activités, pratiquées aussi bien à l’intérieur qu’à l’exté-rieur, peuvent être envisagées pour l’entraînement cardiovasculaire. Je préfère le cyclisme au jogging car la pratique du vélo est moins agres-sive pour les genoux que la course à pied.

Vous devez choisir ce qui est bon pour vous, et pouvez consul-ter un médecin du sport ou un orthopédiste pour vous en assurer. Il convient de varier les activités : natation, ski de fond, patinage, marche nordique, etc. Essayez le vélo d’appartement, que vous pouvez utili-ser en écoutant de la musique, en regardant du sport ou un film à la télévision ou sur un iPod. Une de mes amies a adopté cette méthode agréable et efficace, et s’entraîne à chaque fois pendant 90 minutes. Cependant, lorsqu’il fait beau, elle s’entraîne à l’extérieur et profite alors du paysage, des bruits et des odeurs de la nature. Pour l’intérieur,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

je vous conseille le rameur et le vélo elliptique. Si vous utilisez le tapis roulant, soyez conscients des risques : évitez toute distraction qui pour-rait vous faire tomber du tapis et provoquer des blessures ! Il y aura aussi, évidemment, ceux qui préfèreront les mouvements rapides effec-tués en musique des cours d’aérobic (à fort ou faible impact).

La musculationLa musculation (parfois dénommée entraînement aux haltères ou

entraînement à la résistance) utilise la résistance au mouvement mus-culaire pour développer l’endurance, la taille, la force et la puissance des muscles du squelette46.

La force musculaire est « la force maximale qu’un muscle ou groupe de muscles peut générer », tandis que la « puissance maximale » (géné-ralement abrégée en puissance), aspect explosif de cette force, est le produit de la force et de la vitesse du mouvement. En d’autres termes :

Puissance = Force x Vitesse du mouvement où : Vitesse du mouvement = Distance / Temps

« La puissance musculaire maximale est l’application fonctionnelle de la force et de la rapidité du mouvement. C’est l’élément essentiel de la plupart des performances sportives47. »

La musculation a d’abord été pratiquée par des athlètes de haut niveau et par des culturistes, puis s’est popularisée. Des associations américaines pour la santé, y compris le Collège Américain de la Méde-cine du Sport (ACSM) et l’Association Américaine du Cœur, la recom-mandent à « la plupart des populations, y compris les adolescents, les adultes en bonne santé, les personnes âgées, et les populations à risque (par exemple, les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires ou neuromusculaires) » (Kraemer et Ratamess, 2004, 674).

En 2009, l’ACSM a présenté les nombreux bénéfices de la muscula-tion dans un guide de progression (Ratamess et al., 2009). Elle confère à chaque recommandation un grade (A, B, C ou D) selon la qualité et la quantité des preuves scientifiques.

« Intégrée à un programme complet de remise en forme, la muscula-tion améliore la fonction cardiovasculaire, réduit les facteurs de risques liés à l’infarctus du myocarde et au diabète non insulino-dépendant, prévient l’ostéoporose, réduirait le risque de cancer du côlon, favorise

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

la perte et le maintien du poids dans le temps, améliore la stabilité dynamique, préserve les capacités fonctionnelles et favorise le bien-être psychologique. »

Ces impressionnants bénéfices expliquent pourquoi je recommande la musculation ainsi que l’entraînement cardiovasculaire pour complé-ter le coaching. « Mens sana in corpore sano » écrivait Juvénal ! Ici encore, les coachs doivent montrer l’exemple pour être crédibles.

Prenez garde toutefois de ne pas vous engager à la légère dans la musculation. Il y a de nombreuses variables interconnectées à prendre en compte dans cette discipline. Cette complexité impose de faire appel à un spécialiste pour optimiser votre programme d’entraînement et évi-ter les blessures. Je préfère, pour ma part, les professionnels diplômés en kinésithérapie et spécialisés en musculation. Un entraîneur person-nel compétent doit également posséder les qualités d’un coach global notamment en gestion du temps (perspective managériale), qualités relationnelles (perspective psychologique), une expertise intercultu-relle (tirer profit du contrôle et de l’humilité – voir chapitre 7) et même une intelligence spirituelle (enseigner la « pleine conscience » tout en la pratiquant soi-même). Incidemment les exercices de muscula-tion s’appuient sur le principe holographique du tout inclus dans la partie (intelligence émotionnelle, culturelle, et spirituelle dans l’être physique).

L’ACSM insiste sur le fait qu’un programme de musculation doit « être individualisé » (italiques de l’ACSM, Kraemer et Ratamess, 2004, 674). L’individualisation du programme s’appuie sur quatre étapes :

1. Les personnes à risque (celles par exemple qui souffrent d’une affection physique) se muniront d’une autorisation médicale pour s’assurer que « l’entraînement soit bénéfique plutôt que nuisible aux individus prédisposés aux blessures ou maladies » (675). L’autorisation médicale doit préciser les exercices qui peuvent être pratiqués et ceux qu’il faut exclure. J’ai moi-même pratiqué la musculation avec des blessures et été étonné de ce qu’on peut faire malgré tout. Certains médecins insuffisamment formés préfè- rent interdire tout exercice en cas de blessure, alors que la sélectivité serait plus efficace.

2. La deuxième étape implique une analyse des besoins. Quels pro-blèmes de santé et quelles blessures doivent être pris en compte ?

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Quel type d’équipement choisir ? Quelle fréquence d’entraînement, quelles contraintes horaires ? Quels groupes de muscles travailler en particulier ? Quels types de mouvements des muscles sont néces-saires (concentriques, excentriques, isométriques, pliométriques) ?

3. Les objectifs du programme sont ensuite déterminés. Dans ce li-vre, la musculation est intégrée au coaching global de dirigeants et de professionnels, mais pas à des athlètes de haut niveau. On recherche donc des améliorations modérées plutôt que la maxi-misation de l’endurance, l’hypertrophie musculaire, la force et la puissance extrêmes. La musculation complétée par des exercices d’équilibre et d’étirements conduira à une meilleure stabilité (d’où moins de risques de chutes et de blessures) et à plus de souplesse. Des objectifs complémentaires pourront être l’amélioration de l’état de santé (réduire la graisse corporelle, abaisser la tension artérielle, réduire le stress) et la récupération post-traumatique.

4. Le programme est établi en dernier. Comme pour le coaching bienmené, il convient de l’adapter au fil des séances, avec souplesse et créativité, aux circonstances particulières (par exemple, selon la forme physique de l’individu ou la disponibilité d’un équipement).

L’ACSM souligne trois principes fondamentaux comme base d’une bonne progression en musculation48 :

1. La surcharge progressive : L’augmentation graduelle de l’effortimposé au corps durant l’entraînement physique.

2. La spécificité : Les adaptations de l’entraînement sont déterminées par les exigences de l’activité sportive du coaché et des charges qu’il subit habituellement.

3. Variation ou périodicité. Les variables du programme seront systé-matiquement changées au fil du temps pour garantir l’efficacité des stimuli mis en jeu dans l’entraînement. En effet, le corps humain s’adapte rapidement et des ajustements sont nécessaires à une pro-gression continue.

Votre entraîneur personnel utilisera un bon nombre de variantes pour de meilleurs résultats. La liste suivante indique quelques facteurs de variation importants d’un programme de musculation49 :

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

Facteurs de variation d’un programme de musculation :

• L’intensité se réfère à la quantité de travail requise pour effectuer l’exercice et est proportionnelle à la masse du poids soulevé. L’intensité est habituellement mesu-rée en pourcentage de 1 RM (1 RM ou Une Répétition Maximum, représentant le poids maximum que vous pouvez soulever une seule fois dans un exercice donné)50.

• Le volume est « l’addition du nombre total de répétitions effectuées pendant une séance d’entraînement, multipliée par la résistance utilisée (en kg) et tient compte de la durée pendant laquelle les muscles sont soumis à l’effort. La modification du volume est obtenue en changeant le nombre d’exercices par session, le nombre de répétitions (reps) effectuées par série, ou le nombre de séries par exercice ».

• La répétition (rep) est un cycle unique d’élévation et dépose d’un poids, de façon contrôlée, exécuté selon la norme de l’exercice (c’est-à-dire la décomposition du mouvement assurant la plus grande sécurité et la meilleure augmentation de la force musculaire).

• La série consiste en plusieurs répétitions effectuées l’une après l’autre sans inter-ruption avec plusieurs reps par série, le nombre de reps par série et de séries par exer-cice variant selon les buts poursuivis. Incidemment, « X » RM (répétition maximum) est le poids maximum que l’on peut soulever un nombre maximum de X reps. Par exemple, 10 RM = 70 kg signifie qu’on peut soulever au maximum 70 kg en répétant le mouvement 10 fois de suite51.

• La fréquence des séances représente le nombre de séances d’entraînement effec-tuées par semaine.

• Les actions musculaires sont isotoniques (ou dynamiques) si une partie du corps se déplace contre une force, soit concentriques (monter des escaliers – serrer), soit excentriques (descendre des escaliers – étirer) ; les actions musculaires sont isomé-triques (statiques) si une partie du corps est immobile contre une force. Il convient de mentionner également les actions pliométriques, dynamiques, où chaque contraction musculaire excentrique est immédiatement suivie d’une contraction concentrique52.

• Le tempo concerne la vélocité de la contraction. Par exemple, une vitesse modérée serait : 1 à 2 secondes en mode concentrique (gonfler vos biceps contre la force de la gravité) suivies de 1 à 2 secondes en mode excentrique (détendre vos biceps en résistant à la gravité).

• La période de repos représente le temps de récupération entre chacune des séries, des exercices, etc.

• Les muscles : les groupes de muscles habituellement travaillés comprennent les épaules, la poitrine, le dos (haut et bas), les biceps, les triceps, les abdominaux, les mus- cles des cuisses (quadriceps et ischio-jambiers) et les mollets. D’autres muscles plus petits travaillent également lors de l’entraînement de ces groupes majeurs.

• L’amplitude du mouvement mesure la distance maximale entre la position flé-chie et la position en extension d’une articulation ou d’un groupe de muscles don-nés53. Dans la musculation, l’amplitude du mouvement peut, suivant l’objectif, varier de l’amplitude complète à une amplitude déterminée.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

• Les exercices bilatéraux et unilatéraux. Par exemple une traction à deux mains vers le haut est un exercice bilatéral ; avec une seule main, l’exercice est unilatéral.

• Les exercices sur une seule ou plusieurs articulations. « Les exercices portant surune seule articulation, comme les extensions ou flexions du genou, sont utilisés pour cibler des groupes spécifiques de muscles, et requièrent un niveau limité de compé-tences et de technicité. Les exercices qui nécessitent de mobiliser des articulations multiples comme le développé/couché ou l’accroupissement requièrent des réactions neuronales complexes et sont considérés comme plus efficaces pour accroître la force musculaire car ils permettent de soulever des poids plus importants. » (Ratamess, 2000, 691).

• Les exercices à poids fixes ou libres. « Un entraînement à l’aide d’une machineà structure fixe permet une gamme déterminée de mouvements dont l’utilisateur ne peut dévier. Par exemple, une machine à extension de jambe ne permet que les extensions et les flexions de jambe, tout autre mouvement n’étant pas possible. Une machine à structure variable permet une déclinaison de mouvements compatibles avec ceux pour lesquels la machine est prévue (bien que le lever de poids libres puisse aussi être qualifié d’équipement à structure variable)54. »

• Les systèmes d’énergie. Les exercices de musculation sont principalement anaé-robiques. Lors d’un entraînement (de faible charge 20 RM), la glycolyse reste la principale source d’énergie, et le métabolisme aérobique n’apporte qu’une petite contribution (Knuttgen, 2003). Pour des objectifs de rééducation, perte de poids et remodelage du corps, on utilise de plus petits poids et un mode aérobique est ajouté à la séance.

L’ACSM propose des programmes éprouvés aux adeptes de la mus-culation, depuis les débutants ou ceux qui n’ont pas pratiqué depuis plusieurs années jusqu’aux plus expérimentés (plusieurs années de pratique continue), en passant par les intermédiaires (environ six mois de pratique régulière). Par exemple, pour se référer à l’intensité, il est conseillé à un débutant d’utiliser des poids correspondant à la gamme de répétitions de 8 à 12 RM, alors qu’intermédiaires et expérimentés devront plutôt s’orienter vers une gamme plus large de poids, de 1 à 12 RM.

Je suis impressionné par la variété que mon entraîneur personnel, Chris Richartz, apporte à mes exercices. La musculation, comme le coaching, est une science : les grands entraîneurs connaissent les résul-tats de recherches et les mettent en pratique ; c’est aussi un art parce qu’ils s’adaptent aux situations de façon créative. Chris rend efficaces et plaisantes mes séances d’entraînement d’une heure.

J’ai connu une période d’interruption dans mon activité de muscu-lation et je l’ai reprise en janvier 2006, à un niveau de base car j’avais

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

perdu beaucoup de muscle. Comme débutant à nouveau à la suite d’une affection, il me fallait redévelopper mon endurance. J’étais alors sujet à de petites blessures et inflammations et devais reprendre cette activité avec précaution. La prudence doit être proportionnelle au manque de forme, mais d’un autre côté, les progrès sont assez spectaculaires au début. J’ai également connu une blessure du genou début 2007 - je suis tombé d’un tapis roulant - qui a nécessité une greffe des ligaments antérieurs croisés et un long travail de rééducation, mais je suis désor-mais beaucoup plus résistant. Chris sait fixer le bon niveau d’exigences pour que je puisse progresser sans m’infliger de nouvelles blessures. Mon objectif est d’être en bonne forme et de profiter pleinement des séances mais pas de me préparer aux jeux olympiques ! S’améliorer encore à un stade avancé - le terme « avancé » restant relatif - est dif-ficile mais rendu possible quand toutes les variables de l’entraînement sont maîtrisées. Je suis étonné de pouvoir maintenant effectuer un 1 RM d’environ 300 kg au développé des jambes et m’entraîner souvent au poids maximum disponible sur la machine. J’ai 49 ans et n’aurais pas pu le faire à 20 ans, malgré une pratique régulière du sport. De façon significative, ces progrès se traduisent par un gain de puissance lorsque je pratique le vélo. Grimper les côtes est désormais plus facile, plus rapide et possible avec un plus grand braquet.

Bien que la plupart de vos coachés ne cherchent sans doute pas l'augmentation de leur force musculaire en tant que telle, vous pourriez néanmoins leur rappeler les bienfaits de la musculation pour la santé. En plus d’améliorer la fonction cardiovasculaire et la densité des os, elle augmente le métabolisme55 plus que les activités aérobiques, ce qui favorise la perte de poids. On devient moins fragile et donc capable d’éviter certains maux et handicaps. On améliore sa posture, sa tonicité musculaire, son apparence et on en ressent les bienfaits.

La musculation en tant que pratique préventive va de pair avec le coaching pour améliorer la performance et le bien-être. Elle se dis-tingue de la kinésithérapie, qui comme la psychothérapie, est destinée à guérir des blessures. Elle est d’un coût raisonnable mais ses bénéfices en font un investissement judicieux non seulement pour soi-même mais aussi pour son entreprise et la société en général. Tout comme la pomme du dicton : « Chaque jour une pomme conserve son homme »,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

la musculation et l’entraînement cardiovasculaire gardent le médecin à distance et réduisent le coût des soins médicaux et les arrêts maladie. Ces activités physiques peuvent être considérées comme une contribu-tion citoyenne, tout du moins dans les pays où la couverture médicale est pour l’essentiel prise en charge par un organisme d’état !

L’objectif de ce livre n’est pas d’entrer dans les détails mais, pour être plus concret, je vais partager avec vous mon expérience avec Chris :

• Variété : enchaînements de mouvements concentriques et de mou- vements excentriques plus lents (en mettant l’accent sur celui excentrique si un tendon est enflammé), bilatéraux et unilatéraux, structures sérielles variées (structure en pyramide, par exemple, dans laquelle le poids est d’abord augmenté puis ensuite diminué sur un ensemble de séries combinant volume et intensité), etc.

• Musculation : après avoir effectué une série de mouvements sur la presse à jambes ou développés-couchés des bras avec des poids élevés, Chris me fait continuer la série à moindre intensité mais plus rapidement. Cette situation est proche de celle que je ren-contrerais en pratiquant cyclisme, tennis, kayak, etc. Son but est de m’aider à convertir la force musculaire en puissance fonction- nelle.

• Entraînement en circuit : pendant qu’un groupe de muscles récupère d’une série d’exercices, j’en fais travailler un autre. Je travaille ainsi plus d'une heure et ce rythme rapide (sans être pré-cipité) favorise également l’exercice de type aérobique.

• Entraînement à l’équilibre : je pratique beaucoup d’exercices dans des environnements instables en utilisant des ballons suisses, des planches d’équilibre et des ballons BOSU. La raison en est la suivante :« Le corps possède des détecteurs nommés propriocepteurs qui perçoivent la position des membres sans que l’on ait à regarder. Si la cheville ou le bas de la jambe est endommagée, les proprio- cepteurs peuvent l’être aussi. S’il vous est arrivé de commencer à vous tordre la cheville et qu’elle se soit redressée d’elle-même, c’était grâce à leur intervention automatique pour éviter une bles-sure plus importante. Les propriocepteurs fonctionnent moins bien chez l’athlète blessé, ce qui augmente les risques de nou-

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

velles blessures à la jambe ou à la cheville. C’est pour cela que certaines personnes qui se sont foulé la cheville une première fois se la foulent souvent ensuite. Utiliser une planche d’équi-libre régulièrement peut aider à ré-entraîner les propriocepteurs, améliorer la coordination et prévenir les blessures. Tout ce que le sportif doit faire est de se tenir debout sur cette planche et d’es-sayer de la garder à l’horizontale – sans que les bords touchent le sol56 ». J’ajoute qu’il ne faut pas attendre d’être blessé pour entraîner les propriocepteurs et améliorer son équilibre. Par exemple, je déve-loppe souvent mes biceps avec un ou deux pieds sur le BOSU (de surcroît, en bilatéral et en unilatéral), et améliore ainsi ma force et mon équilibre en même temps.

• L’entraînement fonctionnel consiste à entraîner le corps pour l’ac-complissement d’activités quotidiennes incluant le travail et les sports pratiqués. Il aide à effectuer ces activités plus facilement et sans se blesser. Les exercices aux poids et haltères sont favorisés, et les propriocepteurs entraînés. Chris prend en considération les sports que je pratique et le fait que je travaille souvent assis57.

• Les étirements ont pour but d’accroître la souplesse. En plus des étirements effectués lors de la musculation, Chris termine par l’étirement de plusieurs muscles ou de chaînes de muscles. Les étirements sont souvent un compartiment distinct dans un pro-gramme de mise en forme et s’ajouteront utilement aux séances de musculation.

J’espère que vous avez à présent une idée des bienfaits de la muscu-lation pour l’envisager pour vous-même, et réalisez que sa complexité demande de faire appel à un expert pour vous-même et votre coaché.

Les étirementsNous pouvons véritablement apprendre des chats et d’autres ani-

maux qui ne manquent pas de s’étirer régulièrement. Un autre félin, le guépard, le plus rapide de tous, incarne la complémentarité de la force et de la souplesse58.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Philippe Souchard (1996) et Norbert Grau (2002) louent le bien-fondé de l’étirement et proposent des exercices spécifiques, qui peuvent être effectués seul ou avec l’aide de quelqu’un. Nos diverses activités font appel aux muscles, qui tendent à se rétracter. Ceci est vrai pour les muscles statiques, qui nous permettent de rester debout en « luttant » contre la gravité, et de garder l’équilibre lorsque nous oscillons par rapport à une position centrale. Ces muscles statiques se reposent rare-ment et se raidiraient sans l’effet bénéfique de l’étirement. Un muscle raide est plus faible. Les muscles dynamiques effectuent des mouve-ments de large amplitude et peuvent se relâcher excessivement si on les utilise trop peu (par exemple : les abdominaux). Ils se rétractent aussi avec l’activité physique s’ils ne sont pas étirés correctement.

Dans certaines articulations, des muscles dynamiques s’opposent à des muscles statiques. Par exemple, les quadriceps dynamiques (mus-cle agoniste – qui tend le genou) s’opposent aux muscles statiques ischio-jambiers (muscle antagoniste – qui plie le genou). Souvent, lorsque nous renforçons nos muscles, les muscles statiques ischio- jambiers se raidissent plus et créent un déséquilibre qui diminue l’ex- tension du genou, ce qui réduit le bon fonctionnement du genou et peut provoquer des blessures.

Entretenir ou accroître la souplesse de nos muscles est essentiel pour assurer la facilité et l’amplitude de nos mouvements et éviter le déséquilibre. L’étirement général est important mais il faut insister sur des zones particulièrement raides pour faciliter la liberté de mouve-ments. On peut ainsi éviter des mauvaises postures compensatoires et en maintenir une plus adaptée.

De plus, l’étirement procure une relaxation agréable et favorise le bien-être. Encore une fois, la modération est la clé : les étirements doi-vent être indolores.

Il existe plusieurs variétés, modes et techniques d’étirement (pas-sif, actif, contracté-relâché, contracté-relâché-antagoniste-contracté, chaînes musculaires59).

Des entraîneurs personnels compétents sont rompus aux étirements et les intègrent facilement dans les séances de musculation.

Une approche globaleEnfin, je vais mettre l’accent sur l’importance d’une approche glo-

bale. Quelles que soient les activités physiques que vous choisirez,

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

assurez-vous de développer votre endurance et votre force, sans oublier votre souplesse et votre équilibre. En d’autres termes, les exercices cardiovasculaires, la musculation et les étirements sont tous essentiels. J’ajouterai à ces fondamentaux l’entraînement de l’équilibre. Vous pourrez alors vous engager dans des activités plus spécifiques comme le tennis ou le basketball. La plupart des sports requièrent une prépa-ration physique adéquate qui devient primordiale à mesure que nous prenons de l’âge.

Les coachés se plaignent souvent du manque de temps pour l’exer-cice, qu’ils attribuent à leurs nombreuses responsabilités et lourdes charges de travail. Je vous invite à mettre au défi cette croyance limi-tante. Je taquine souvent mes coachés en leur rappelant que des chefs d’État, tels Barack Obama et Nicolas Sarkozy60, ont trouvé chaque jour du temps pour l’exercice physique !

Aidez vos coachés à se fixer des objectifs précis en y intégrant gra-duellement de l’exercice physique dont ils se feront une discipline. Mais ce doit être également un plaisir. Nous avons tous l’occasion de relever des défis et saisir des opportunités pour exceller dans notre tra-vail ; il n’est pas question d’établir de nouveaux records sportifs !

La forme pour améliorer les qualités de leadershipL’exercice fait plus qu’aider à entretenir sa bonne santé et éviter des

maladies débilitantes. Des études du Center for Creative Leadership (CCL), (Fitness for leadership, 2005) révèlent que l’exercice amé-liore la performance du leadership. Un groupe d’individus s’exerçant régulièrement (entraînement régulier depuis au moins six mois) a été comparé à un groupe d’individus s’entraînant occasionnellement ou pas du tout. Ils furent évalués selon deux outils psychométriques, l’Executive Dimensions et le Campbell Leadership Index.

« Ceux qui s’entraînaient régulièrement ont obtenu de bien meilleurs résultats quant à l’aptitude à Diriger les Autres (particulièrement sur les dimensions : Inspirer l’Engagement, Forger la Synergie, Savoir-Faire Relationnel), Diriger par l’Exemple Personnel - particulièrement la Crédibilité -, et Orientation Résultats). Le score d’ensemble était éga-lement plus élevé pour ce groupe. Les résultats ont été similaires avec le Campbell Leadership Index. Les observateurs ont en effet constaté

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

que les dirigeants qui s’exerçaient physiquement obtenaient des scores significativement plus élevés pour Énergique, Organisé, Productif, Économe, Optimiste, Sûr, Résilient, Calme, Souple et Confiant. Le score général de ce groupe était aussi plus élevé. » (2005, 12).

La corrélation entre la pratique de l’exercice physique et le lea-dership est claire. Toutefois, comme le note le CCL, il est difficile de relier la cause à l’effet. « Dirigent-ils mieux parce qu’ils pratiquent un exercice physique ? Ou bien pratiquent-ils un exercice parce qu’ils sont déjà moins stressés, plus énergiques et se sentent bien dans leur peau ? » (2005, 13).

Les coachs globaux ont seulement besoin de savoir que la corréla-tion existe. On peut alors développer une logique vertueuse : faire de l’exercice, se sentir mieux, diriger mieux, être encouragé à faire plus d’exercice et mieux, se sentir encore mieux, diriger encore mieux, etc.

Il revient aux coachs globaux de faire découvrir les raisons pour lesquelles un coaché ne s’exerce pas : « Qu’est-ce-qui vous empêche de vous exercer ? ». Ils amèneront les coachés à réévaluer leurs raisons (le manque de motivation et le manque de temps sont le plus souvent évoqués61) à la lumière des bénéfices potentiels. Ils les conduiront à dé- passer ces obstacles, par exemple en travaillant sur la gestion du temps (perspective managériale) ou sur l’attention portée à soi-même (pers-pective psychologique).

Un exercice régulier, y compris en petite quantité, a déjà des effets bénéfiques sur la santé62 et le leadership. Les études du CCL ne vont pas plus loin sur le type ou la quantité de l’exercice. Pour ceux qui ne font pas d’exercice, se décider à pratiquer un exercice régulier (après un bilan médical) portera ses fruits. Quoi qu’il en soit, dans ce chapitre, j’ai préconisé d’aller au-delà du strict minimum pour devenir beaucoup plus sophistiqué et ambitieux. Les bénéfices d’une meilleure santé et d’une bonne forme physique suivront.

La communauté et la spiritualitéLes études sur Okinawa mettent en évidence deux autres facteurs

essentiels de la santé et de la forme physique : la communauté et la spiritualité.

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

Dans les chapitres 5 à 8, je parlerai du rôle du coaching dans le déve-loppement de relations constructives et épanouissantes. Les domaines psychologique, culturel et spirituel abordés dans les prochains cha-pitres, nous rappellent une fois de plus que tout est interconnecté. Nos interactions avec autrui et avec la nature nous permettent d’être en meilleure santé et en forme. Inversement, l’isolement et la séparation sont mauvais tant pour nos corps que pour nos esprits.

Le sommeil63

Dans mon expérience, les dirigeants sacrifient souvent le sommeil pour gagner du temps de travail dans leurs journées chargées. Un cercle vicieux lié au manque chronique de sommeil s’installe et mène à la fatigue, à l’irritabilité et à la perte de productivité.

En tant que coach, je mets au défi mes coachés de dormir selon leurs besoins, sans considération de tout autre emploi de leur temps. En examinant soigneusement la façon dont ils gèrent leur temps, ils éta-blissent à nouveau leurs priorités en se concentrant sur ce qui importe vraiment et en s’efforçant d’être plus efficaces.

Préserver le sommeil n’est pas seulement l’affaire de s’en accor-der le temps. Cela demande également de se créer les conditions pour bien dormir, dans un environnement agréable, reposant, qui favorise le sommeil. À l’inverse, une pollution sonore peut perturber le sommeil et ajouter du stress.

Le sommeil est la base indispensable de la réussite et de l’épanouis-sement. Je veille à couvrir ce sujet en coaching, et il n’est pas excep-tionnel que mes coachés se donnent un objectif dans ce domaine.

L’humour et le rireBien que principalement non physique – car relevant aussi des

domaines émotionnel, mental, et spirituel – la conséquence princi-pale de l’humour, le rire, peut être auto-induite par des techniques physiques64. Le rire est, bien sûr, agréable et bon pour la santé. Le poète Edward Estlin Cummings dit avec sagesse : « La journée la plus gâchée de toutes est une journée sans rire ». Les anciens d’Okinawa conservent une attitude souriante et gaie en toute occasion.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Je trouve que la légèreté et le rire aident les coachés à apprécier et à profiter au mieux du processus de coaching. En tant que coachs, il nous convient de cultiver tout ce qui rend le cœur léger, d’apprendre à rire spontanément des fantaisies de la vie (et elles sont nombreuses dans ce monde), de ne pas trop nous prendre au sérieux et de conserver quelques-uns de nos réflexes d’enfant. L’humour peut s’inviter dans de nombreuses situations de coaching, dans les jeux de rôle par exemple. Rire aide à considérer les relations et situations difficiles selon de nou-veaux angles. Le rire ne nous empêche pas de résoudre des problèmes sérieux et d’être conscients d’émotions enfouies ou désagréables. L’humour révèle notre humanité et nous donne le courage d’affronter l’adversité avec le sourire.

Comme nous le verrons chapitre 10, le Fou et le Sage sont insé-parables. Comment peut-on être réellement sage si on se complaît toujours dans le sérieux ? J’ai remarqué que les coachs (tout comme les psychothérapeutes) qui manquent de légèreté et d’humour sont beaucoup moins efficaces pour construire des relations et encourager le changement.

NOTES1. Voir en particulier : Organisation Mondiale de la Santé https://apps.who.int/

infobase/compare.aspx?dm=5&countries=184%2c520%2c570%2c776&year=2005&sf1=cd.0704&sex=all&agegrou (consulté le 10 juin 2010). « Surpoids » signifie un Indice de Masse Corporelle (IMC) ≥ 25, alors qu’ « obèse » signifie un IMC ≥ 30.

2. Je préfère habituellement les nutritionnistes diplômés en médecine et desentraîneurs qui possèdent un diplôme en kinésithérapie.

3. Par exemple, le Dr. David Jenkins a découvert qu’un régime basé sur les habi-tudes d’Okinawa adapté à la nourriture disponible dans un contexte occidental, qu’il a nommé « le régime du jardin d’Éden », a entraîné une baisse significa-tive (29 %) de LDL (mauvais cholestérol) au bout d’une semaine. Ces résul-tats montrent qu’un régime adapté « pourrait être tout aussi efficace que la prise des médicaments connus sous le nom de statines qui constituent la norme du traitement médicamenteux de l’excès de cholestérol depuis 15 ans ». Ce régime s’est accompagné d’autres bienfaits : perte de poids, réduction de l’in-flammation et du taux d’insuline (Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 42).

4. http://corporate.alpro.com/en/organic-food-company.html.5. Le Dr Furhman observe : « Ces vingt dernières années, la science nutrition-

nelle a démontré que les légumes colorés contiennent un vaste assortiment de composés protecteurs, dont la plupart ne sont pas encore nommés ». www.drfuhrman.com/library/article17.aspx, consulté le 22 janvier 2010.

6. Adapté de Willcox, Willcox et Suzuki, 2001, 28-29.7. Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 12.

115

LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

8. Quand on parle de calories, pour dire, par exemple, que les habitants d’Oki-nawa ingèrent 1.600 calories par jour et les Américains 2.100 (Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 12), on se réfère en réalité à l’unité kilocalorie (kcal). Sur les emballages vous voyez généralement le nombre de kcal, par exemple : 97 kcal pour 100 grammes, ce qui correspond à une DC de 0,97.

9. Voir en particulier Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 59-60.10. Adapté de Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 53.11. Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 25.12. Willcox, Willcox, et Suzuki, 2004, 29.13. Plus il y a d’antioxydants, moins les cellules sont endommagées par les radi-

caux libres. Moins le collagène de la peau est endommagé, moins on a de rides. Moins les organes internes sont endommagés, plus ils fonctionnent durable-ment. Willcox, Willcox et Suzuki, 2001, 115.

14. L’indice de glycémie (IG) est le taux de conversion des glucides en sucre dansle sang (glycémie). « L’IG indique simplement le taux d’augmentation de sucre dans le sang après l’ingestion de glucides. Les glucides, rapidement convertis, augmentent de façon importante la glycémie - ce qui n’est pas une bonne chose. L’augmentation du taux de sucre dans le sang induit l’élévation du taux d’insuline, élévation associée à de nombreux autres problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, certains cancers, etc. Conclusion : Tout aliment qui augmente trop votre taux d’insuline est mauvais. Notez aussi que « certains aliments riches en protéines ou en graisses peuvent également causer des pics du niveau d’insuline. » (Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 34-35).

15. Leur principale fonction est de « fournir de l’énergie immédiatement utilisable et de stocker le glycogène (réserve d’énergie) dans le foie et les muscles ». Ils peuvent se trouver sous forme de sucres simples, comme le fructose (sucre des fruits) et le sucrose (sucre de table), et sous des formes plus complexes : l’amidon – composé d’amylopectine et d’amylose qui se convertit plus lente-ment en sucre sanguin que l’amylopectine – et les fibres (Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 34).

16. L’inflammation est le mécanisme qui permet la réparation des tissus après uneblessure. Le médecin grec Dioscorides décrivait déjà ce phénomène au premier siècle av. J.-C. : « Rubor, tumor, calor, dolor » (rougeur, gonflement, chaleur et douleur). Réaction immunitaire complexe, l’inflammation est à double tran-chant : plus d’un cancer sur six est lié directement à des inflammations chro-niques, quand ce mécanisme est détourné de son objectif premier et nourrit la croissance des cellules cancéreuses. (voir Servan-Schreiber, 2007, 69-72).

17. Pour distinguer les deux, il suffit de se rappeler : L pour Léthal (mortel) ; H pourHealthy (sain).

18. De plus, Curtay déclare que le meilleur moyen de lutter contre l’ostéoporose n’est pas le lait, mais – et de loin - l’exercice physique. (voir Curtay, 2006, 145).

19. Les frères Willcox résument : « En termes simples, votre corps préfère les pro-téines pour sa croissance et ses phases de remise en bon état, les glucides comme carburant (pour l’utilisation immédiate ou pour le stockage à court terme dans le foie) et les graisses pour constituer la graisse corporelle (stock d’énergie à long terme). » (voir Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 38).

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

20. Les frères Willcox recommandent le soja comme principale source de proté-ines. Voir Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 70-78. Ils conseillent de choi-sir des protéines végétales plutôt qu’animales. « Une tasse de lentilles cuites contient 34 grammes de protéines pour moins d’ 1 gramme de graisses, et cette graisse est saine. » (67).

21. Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 37.22. Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 65.23. Dans des zones de tension élevée, de petites brêches apparaissent sur les parois

des artères et le cholestérol est utilisé pour les colmater. Si vous avez trop de cholestérol, il s’accumule sur la moindre petite brêche qu’il rencontre ; très rapidement, les parois des artères épaississent, ce qui vous expose à une crise cardiaque ou à une embolie. Willcox, Willcox et Suzuki, 2001, 24.

24. Je me souviens de mon voyage au Népal en 1986. Je remarquais les dents apparemment saines de femmes entre deux âges, belles mais pourtant très pauvres. En même temps, j’étais choqué par le nombre d’enfants qui men-diaient des bonbons aux touristes. Comme beaucoup d’enfants des pays du Tiers-Monde, ils étaient devenus « accro » aux boissons américaines au cola, qui sont mauvaises pour les dents (pour ne pas mentionner la longue liste de tous les autres effets nocifs sur la santé). C’est un triste exemple de l’Amérique exportant ses pires habitudes dans une région du monde au lieu de s’inspirer des habitudes alimentaires saines de la population.

25. Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 61.26. Curtay est d’accord avec la sagesse populaire : Il faut manger comme un prince

le matin, un bourgeois le midi, et un mendiant le soir (Curtay, 2006 , 246).27. Sous réserve des graisses saturées et du sucre (en teneur raisonnable dans le

chocolat à 86 % de cacao), le chocolat est heureusement un antioxydant puissant.28. Wilmore, Costill et Kenney, 2008.29. Wilmore et al. expliquent que la fréquence cardiaque maximale (FC max) est

plus élevée chez les enfants que chez les adultes et décroît linéairement avec l’âge. Elle passe d’une fréquence de 210 pulsations/minute en dessous de 10 ans, à environ 195 à 20 ans et décroît de 0,5 à 1 pulsation chaque année à partir de 25 - 30 ans. Voir Wilmore, Costill et Kenney, 2008, 388-389.

30. Terminologie pour les diverses gammes d’intensité d’entraînement, d’après leprofesseur Jacques Duchateau (Institut des Sciences de la Motricité, de l’Uni-versité Libre de Bruxelles). Correspondance avec l’auteur, Juillet 2009.

31. Cette explication est adaptée de Van Rensbergen, 1996.32. En particulier Cooman, 1991, 11-14. En fait, ces zones peuvent être déter-

minées de plusieurs façons : pendant un test d’effort, quand l’intensité de l’ef-fort augmente, la fréquence cardiaque est mesurée pendant que la production d’acide lactique ou le ratio de CO2 expiré / O2 inspiré est mesuré.Un minimum d’acide lactique est produit dans la zone verte. La quantité commence à augmenter dans la zone orange, puis très nettement dans la zone rouge. S’agissant d’air expiré, l’augmentation et l’accroissement de l’intensité sont linéaires jusqu’à un seuil à partir duquel le tracé prend une direction plus verticale. Il y a certainement une corrélation entre les deux méthodes, bien que la correspondance ne soit pas parfaite.

33. Cooman, 1991, 13.

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

34. D’après le professeur Jacques Duchateau (Institut des Sciences de la Motricité) et Chris Richartz, mon entraîneur sportif. Conversations avec l’auteur les 6 et 20 juillet 2009. Pour des personnes entraînées – plutôt que des sportifs très bien entraînés –, 85 % est habituel.

35. Wilmore, Costill et Kenney, 2008, 461.36. Eddy Cuypers (ancien coach sportif de la championne de tennis Justine Henin),

présentation du 16 avril 2007, « Connaissance de son potentiel physique ».37. Wilmore, Costill et Kenney, 2008, 301-308.38. Steffny et Pramann, 2005, 29.39. En particulier Steffny et Pramann, 2005, 28; et Wikipédia « aerobic exer-

cise » http://en.wikipedia.org/wiki/Aerobic_exercise. Consulté le 20 juin 2009.40. Quand on s’entraîne dans la zone verte, la dilatation se produit et le rapport

volume/capacité du cœur augmente. Par conséquent, plus de sang peut être expulsé lors de chaque pulsation cardiaque (en d’autres termes, le pompage peut se produire à un rythme plus bas pour expulser la même quantité de sang). S’entraîner dans la zone rouge renforce le muscle cardiaque. Le cœur pompe plus fort, mais se fatigue. Conversation avec le Professeur Duchateau le 6 juil-let 2009.

41. The Oxford Dictionary of Sports Sciences & Medecine, Michael Kent, 2007.42. « Mitochondrie : organite cytoplasmique existant en grand nombre dans la

plupart des cellules et siège des processus biochimiques de la respiration et de la production d’énergie. » (Larousse, 2009).

43. En particulier Steffny et Pramann, 2005, 34, 36.44. En particulier Van Den Bosch, 2007, 31.45. La production d’acide lactique est minimale dans la zone verte, commence

à augmenter dans la zone orange et puis s’accroît brutalement, de façon expo-nentielle dans la zone rouge (Steffny et Pramann, 2005, 31). Trop d’acide lac-tique ralentit la combustion des graisses. Des glucides sont alors consommés à leur place. Ce phénomène se produit fréquemment chez les amateurs qui s’entraînent trop durement (Steffny et Pramann, 2005, 26).

46. Définition adaptée de Kraemer et Ratamess, 2004, 674. L’endurance à laquellenous nous référons ici est l’endurance musculaire locale (EML).

47. Wilmore, Costill et Kenney, 2008, 188.48 Ratamess et al. 2009, 688.49. Les sources comprennent : Ratamess et al., 2009, 688, 687, 690 ; et « Strength

training », Wikipédia http://en.wikipedia.org/wiki/Strength_training. Consulté le 20 juin 2009, pages 3, 6, 11.

50. Voir www.build-muscle-and-burn-fat.com/one-rep-max.htlm. (Voyez vous- même comme il est facile de calculer votre rep maximum). Quand vous enten- dez quelqu’un demander : « Combien soulèves-tu au développé-couché ? », il demande précisément quel est le poids maximum que vous pouvez soulever. Il n’est généralement pas possible ou prudent d’atteindre ce maximum (tester votre 1 RM). Des formules existent pour estimer 1 RM. En voici une simple : 1 RM = ((Nombre de répétitions effectuées/30) + 1) x poids utilisé. Par exemple, si vous pouvez soulever 13 reps de 70 kg, vous devriez pouvoir soule- ver 100 kg, mais une seule fois.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

51. Incidemment, plutôt que d'établir directement 1 RM, il est recommandé dedéterminer 3 RM, ce qui correspond en gros à 90 % de 1 RM. La formule précédente est en accord avec l’observation ci-dessus de Chris Richartz. (Correspondance avec l’auteur en juillet 2009).

52. Bender, 1995 : « En anglais courant, le muscle est étiré (c.à.d. chargé)avant de se contracter. Le bon exemple est celui des pompes faites en tapant dans vos mains entre chacune. Vos muscles (les pectoraux en ce cas) sont allongés et chargés par la force de votre corps poussant vers le bas, et immé-diatement après cela, vous devez contracter vos muscles pour vous redresser… La pliométrie est un des meilleurs moyens… d’améliorer la puissance. »

53. Wikipédia : gamme des mouvements http://en.wikipedia.org/wili/Range_of_motion. Consulté le 24 juin 2009.

54. Adapté de Spennewyn, 2008, 75-76.55. « Le métabolisme est le processus chimique et physique du corps qui fabri-

que et détruit les tissus, libère de l’énergie et, ce faisant, génère de la cha-leur ». « Une masse musculaire réduite (plutôt que l’âge en soi) entraîne un ralentissement du métabolisme ». Cf Le mythe du métabolisme – Il n’y aucune raison biologique de devenir plus gros lorsque vous devenez plus âgé (1997), de Clarence Bass. www.cbass.com. Consulté le 21 juin 2009. Hartman et al. arrivent à une conclusion similaire : « La musculation améliore le métabolisme chez les adultes âgés, facilitant les tâches quotidiennes et améliorant la qualité de vie. » (Hartman et al., 2007, 91).Il est suggéré que « les variables qui influencent le plus la dépense d’énergie durant les exercices de musculation sont le volume et l’intensité, respective-ment pendant l’exercice et lors de consommation supplémentaire d’oxygène après l’exercice ». (de Mello Meirelles et Gomes, 2004).

56. “Why Use a Wobble Board or Balance Board ? “ www.sportsinjuryclinic.net. Consulté le 24 juin 2009.

57. Incidemment, un ballon suisse ou un siège suédois (que j’utilise devant l’or-dinateur), peut être meilleur pour le dos. L’ergonomie est un autre domaine qui mériterait d’être exploré.

58. Comme Philippe Souchard l’a suggéré. Voir Grau, 2002, 8.59. Guissard et Dejaeger, 2004.60. Toutefois, même le président français Nicolas Sarkozy (54 ans à l’époque)

a découvert, après avoir été pris d’un malaise pendant son jogging en juillet 2009, qu’on ne doit pas s’entraîner trop intensément (spécialement lors des grosses chaleurs d’été), et qu’il faut se nourrir de façon appropriée. Sarkozy aussi devait apprendre la modération, éviter les excès de sport et les régimes trop draconiens. Voir Algalarrondo, 2009.

61. (2005, 8).62. Haskell et al., 2007.63. Alain Goudsmet évoque sept mécanismes pour récupérer et recharger nos

batteries (2002) : 1. Le Sommeil2. La Nutrition3. L’Exercice physique

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LA PERSPECTIVE PHYSIQUE

4. L’Humour5. La Relaxation6. Les Facteurs de motivation7. Les Contacts sociaux.Les perspectives sont clairement interconnectées. Les rapports humains répondent également à un besoin psychologique, mais nous expliquerons au chapitre 5 que nous avons un réel besoin biologique de communiquer avec autrui. Le sommeil, premier sur sa liste, est le temps de récupération par excel-lence, et le temps pour rêver.

64. Voir les Clubs du Rire (Rosinski, 2003, 171).

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Chapitre 4

La perspective managérialeFavoriser la productivité et les résultats

Manager consiste à focaliser les ressources sur les objectifs de l’organisation, puis à surveiller et gérer l’utilisation de ces

ressources. (Campbell, 1991)

La perspective managériale est l’un des deux piliers du coa-ching traditionnel (à côté de la perspective psychologique). De nombreux livres sur le coaching et le management portent

sur des sujets tels que la gestion du temps, l’organisation personnelle et la gestion de projets. Les formations classiques en management se concentrent sur les disciplines ciblant l’augmentation des résultats et de la productivité. Ces domaines comprennent la stratégie, le marke-ting, les ressources humaines (les humains en tant que ressources), la comptabilité et la finance.

Par exemple, le coach personnel Talane Miedaner conseille aux coachés de faire table rase avant de se donner de nouveaux objectifs (Miedaner, 2000). On oublie souvent cette idée simple et de bon sens. En tant que coach, je mets les coachés au défi de laisser derrière eux ce qui n’est plus une priorité (ou, simplement, ce qui est inutile) pour faire place à de nouveaux projets. Comme nous le verrons au chapitre 10,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

il est nécessaire ici de déployer l’archétype du Destructeur. Dans mon livre précédent (Rosinski, 2003), j’ai évoqué de nombreuses approches de la gestion du temps et des aménagements organisationnels inspirés par des cultures différentes.

Certains outils de management spécifient des objectifs-cibles, tels que Le Tableau de Bord, le Tableau de Bord Prospectif (Kaplan et Norton, 1996), et le Modèle EFQM (European Foundation for Quality Management, 1991)1.

Le Tableau de Bord Prospectif, Balanced Scorecard, souligne aussi les relations de cause à effet entre les indicateurs. Malheureusement, il risque d’exclure des facteurs dont l’importance pour la stratégie d’une entité commerciale ne peut être établie d’une façon aussi linéaire. J’ai introduit la notion de Tableau de Bord Prospectif Global pour étendre le champ des objectifs possibles, élargir la définition traditionnelle du succès en affaires et pour y inclure des domaines qui vont au-delà du métier et sont pourtant interconnectés avec lui : Soi (prendre soin de soi), la famille et les amis (partager l’amour et l’amitié), la commu-nauté et le monde (améliorer le monde).

Le Tableau de Bord Prospectif a introduit une approche à perspec-tives multiples au sein même de la perspective managériale (reliant le marketing, la finance etc.) ; Le Tableau de Bord Prospectif Global relie des perspectives multiples qui vont au-delà du management (voir Rosinski, 2003, chapitre 12).

Dans ce chapitre, plutôt que de donner des conseils ou systèmes de mesure en management, j’aimerais me concentrer sur un modèle classique de Hersey et Blanchard : le leadership situationnel. Il offre une méthode concrète pour encourager la responsabilité et aider les individus à accéder à leurs propres ressources pour assumer diverses activités. Les bonnes intentions et discours des managers ne suffisent pas à insuffler aux employés le désir de responsabilité. Et comme nous en avons débattu antérieurement, lorsque les salariés ont le sen-timent de leur propre responsabilité et de leur pouvoir individuel, ils peuvent prendre pro-activement soin d’eux-mêmes et des autres, tenant ainsi leur place dans le développement d’organisations prospères et la promotion d’un progrès durable. Les managers peuvent devenir

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LA PERSPECTIVE MANAGÉRIALE

plus efficaces dans la responsabilisation de leurs collaborateurs en prenant conscience de leur style de leadership et en adaptant ce style aux diverses situations. Le modèle du leadership situationnel reste très utile dans mon coaching ; je vous invite à le considérer dans le vôtre, non pas comme un modèle autonome, mais associé à d’autres perspectives.

Comportements sur les axes tâche et relationÀ la fin des années 40, des chercheurs de l’Université de l’Ohio ont

lancé un projet de recherche exhaustif pour identifier les grandes carac-téristiques indépendantes du comportement des leaders. Après avoir répertorié plus de mille caractéristiques comportementales, ils se sont rendu compte que la plupart d’entre elles pouvaient être classées en seulement deux catégories. Ils ont appelé ces deux dimensions : initia-tion de structure et considération.

« L’initiation de structure fait référence à la capacité d’un leader à définir et à structurer son rôle et celui des collaborateurs pour atteindre un objectif. La considération décrit celle d’entretenir des relations de travail caractérisées par une confiance mutuelle, le respect des idées et les ressentis des collaborateurs. » (Robbins, 1989, 306).

Des chercheurs du Survey Research Center de l’Université du Michigan ont commencé une étude du leadership à peu près à la même époque. Elle a révélé deux dimensions comportementales similaires du leadership se rapportant à l’efficacité dans l’accomplissement des tâches que les chercheurs ont nommées : orientée collaborateurs (ac- cent mis sur les relations interpersonnelles) et orientée production (accent mis sur les aspects techniques ou fonctionnels du travail)2.

Au début des années 1960, Robert Blake et Jane Mouton ont esquissé une vision bidimensionnelle du style de leadership : « Grille Managériale ». Ils ont appelé les dimensions de la grille : intérêt pour les gens et intérêt pour la production. Cette dichotomie est devenue plus tard le fondement du leadership situationnel, que j’explorerai ensuite.

On qualifie souvent ces deux types fondamentaux du comporte-ment du leader de tâche et de relation. Un comportement tâche (ou

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

fonctionnel) existe chaque fois que vous aidez quelqu’un à accomplir une mission – par exemple en disant ce qu’il faut faire, comment ou avec qui le faire. Un comportement relation intervient dès que vous faites sentir à une personne qu’elle est importante, estimée ou appré-ciée. Ce qui consiste à apporter un soutien socio-émotionnel, en disant par exemple : « Bonne remarque ! » ou « Bien vu ! ».

Le leadership situationnelLes deux comportements, tâche et relation, constituent les axes

d’une matrice binaire qui est un outil simple et apprécié des consultants.Cette matrice montre quatre grands styles de leadership selon que

tel comportement se manifeste souvent (haut) ou rarement (bas). Paul Hersey et Ken Blanchard affirment que le meilleur style de leadership dépend de la situation, définie comme la disposition d’un collaborateur pour exécuter une tâche donnée.

S3 ENCOURAGER S2 COACHER

S4 DÉLÉGUER S1 DIRE / STRUCTURER

Bas Comportement Haut tâche

Cette disposition est unidimensionnelle et comprend deux facteurs : l’aptitude et la volonté. Par hypothèse, ces deux facteurs évolueront ensemble dans le temps. R1, le premier niveau, regroupe les collabo-rateurs à la fois inaptes à effectuer la tâche et refusant d’en prendre la responsabilité. Ils ne sont ni compétents ni sûrs d’eux-mêmes. R4 (le niveau le plus avancé) regroupe, lui, les collaborateurs à la fois capables et disposées à effectuer ce qui leur est demandé. Ils ont à la fois un sentiment de responsabilité et les compétences nécessaires.

Comportement relation

Haut

Bas

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LA PERSPECTIVE MANAGÉRIALE

Les explications données pour les niveaux R2 et R3 semblent moins claires. Par exemple, Hersey présente les collaborateurs regroupés au niveau R2 comme « non-capables mais volontaires ou confiants » et R3 comme « capables mais non volontaires ou manquant d’assurance ». (Hersey, 1979-1993). Selon moi, la bonne volonté et l’assurance ne décroissent pas à mesure que l’aptitude croît, c’est bien souvent le contraire !

En tout état de cause, je trouve utile de considérer « la disposition d’un collaborateur à faire » comme la combinaison de son aptitude et de sa volonté, la volonté comprenant à la fois la motivation et le sens des responsabilités. La disposition se rapporte à une personne donnée pour une tâche particulière. Hersey et Blanchard suggèrent que, pour optimiser la productivité, le style de leadership S1 s’accorde mieux avec un niveau R1 de disposition, le style de leadership S2 avec un niveau R2, etc.

Les managers utilisent souvent le mauvais style dans une situation donnée. Déléguer (S4) est idéal lorsque le collaborateur est apte, volon-taire pour effectuer une tâche donnée et qu’on peut compter sur lui pour exécuter la tâche avec une implication minimale de son manager. Toutefois, ce style est inadapté si le collaborateur est inexpérimenté ; il pourrait se sentir désorienté et abandonné avec trop peu de directives.

La progression typique peut être représentée par une courbe en forme de cloche : au niveau R1, le collaborateur a besoin d’instructions précises pour effectuer sa tâche, ce qui correspond au style de mana-gement S1. Coacher3 (S2) serait moins efficace à ce stade : le manager devrait passer beaucoup de temps à poser des questions et obtenir des réponses du collaborateur qui manque de l’expertise que l’on retire de l’expérience.

Une fois que le collaborateur obtient ses premiers succès, il monte de facto au niveau R2. C’est le bon moment pour le manager de capita-liser sur ces succès et de féliciter le collaborateur (comportement rela-tionnel). Ce compliment produit un renforcement positif, qui favorisera un cercle vertueux de progrès. Le manager peut aussi donner moins de conseils et poser plus de questions, permettant au collaborateur de trouver ses propres réponses, à partir de l’expérience qu’il a acquise

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

(comportement fonctionnel) : « Comment feriez-vous ceci ? Que proposez-vous ? Quels sont les avantages et les inconvénients de ce que vous proposez ? » Le style de leadership S2 est celui qui prend le plus de temps, avec une quantité élevée de comportements tâche et relation.

L’aptitude et la volonté continuent habituellement à évoluer jusqu'à atteindre le niveau R3 ; le collaborateur est capable de se poser des questions et de devenir son propre coach. Le manager consacre alors moins de temps au processus et précise simplement : « Si vous avez des questions ou besoin d’aide, dites-le moi ! »

Toutefois, le manager doit continuer à encourager (S3) le collabo-rateur, en reconnaître les progrès et poursuivre le renforcement positif, ce qui instaurera la confiance. Ultérieurement, le collaborateur sera en mesure d’effectuer la tâche en quasi autonomie (R4). Le manager lais-sera le collaborateur seul après que la finalité et les délais de la tâche auront été convenus. La délégation (S4) est bien acceptée par les deux parties : le collaborateur possède l’aptitude et la volonté nécessaires pour accomplir sa mission, et la relation interpersonnelle est renforcée.

Des managers non attentifs tendent à appliquer le même style (dicté inconsciemment par leurs préférences psychologiques et culturelles) dans toutes les situations. Un mode directif (S1) nuira à l’évolution des collaborateurs suscitée par le coaching. J’ai rencontré bon nombre de managers de cette catégorie se plaignant du manque d’initiative de leurs collaborateurs ! Ils ont vu qu’aller vers S2 fait une grande dif-férence : quand leur style évolue, les qualités de leurs collaborateurs apparaissent.

Déléguer devient également plus efficace. Cependant, les mana-gers ne gagnent rien à assigner précipitamment une tâche importante à un collaborateur. La confiance se construit dans la durée, lorsque leur niveau de mobilisation croît progressivement. Les managers peuvent alors compter sur leur contribution. Ils délèguent parce qu’ils savent que le travail sera fait avec compétence et à temps. Ils peuvent alors consacrer leur temps aux tâches de leur ressort. Pour les dirigeants : la stratégie et la mobilisation du personnel autour de la vision de l’entre-prise. Pour les managers intermédiaires : l'amélioration des processus et le développement de leurs collaborateurs.

En tant que coach opérant dans une perspective managériale, vous pouvez inviter vos coachés/managers à dresser un tableau des disposi-tions de leurs collaborateurs à effectuer diverses tâches. Vous pouvez

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LA PERSPECTIVE MANAGÉRIALE

ensuite demander à vos coachés de comparer leur style de leadership à celui qui est recommandé dans le modèle, selon votre interprétation des explications que je viens de donner. Il s’agit simplement d’une esti-mation pour identifier les écarts critiques. Le tableau ci-dessous, qui est à compléter par un intitulé et une courte description de chaque tâche, illustre cette méthode :

Collaborateurs Tâches

Niveau de mobilisation/disposition du collaborateur

Votre style de leadership actuel

Style de leadership recommandé

John Tâche Jo1 R2 S1 S2

John Tâche Jo2 R2 S1 S2

John Tâche Jo3 R1 S1 S1

Sara Tâche Sa1 R3 S4 S3

Une utilisation de l’art du coaching consiste à aider les managers à combler les écarts présents dans le tableau – par exemple, en passant de S1 à S2 (John pour ses deux premières tâches.) Vous utiliserez alors les questionnements habituels et les jeux de rôles du coaching pour permettre au manager de s’entraîner. Tout en jouant le rôle de son col-laborateur ou, s’il n’arrive pas à engager une relation positive avec lui, en l’invitant à jouer lui-même ce rôle, vous lui montrerez la pratique de S2.

J’utilise cette méthode régulièrement et les managers sont souvent étonnés par les progrès qu’ils peuvent faire avec ce simple outil.

Le développement du leadership peut-il être réduit au modèle du leadership situationnel ? La réponse est non. Le leadership est com-plexe. Le leadership situationnel, malgré son utilité, ne couvre pas toutes les facettes. Utilisé seul, il peut induire les managers dans l’opi-nion erronée que d’innombrables problèmes peuvent être résolus avec cette seule perspective managériale.

Je place le leadership situationnel dans la perspective managériale parce qu’il est essentiellement instrumental, réduisant les comporte-ments relationnels au renforcement positif. De plus, il ne nécessite qu’une psychologie rudimentaire. Martin Buber ferait probablement référence ici à des « rapports » (« relations ») plutôt qu’à des « rela-tions » (« relationships »). Le simple renforcement positif n’équivaut

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

guère aux relations humaines ou rencontres véritables. La partie rela-tionnelle du modèle de leadership situationnel, par sa nature utilitaire, est du type Je-Cela. Les relations Je-Tu, cruciales dans le coaching global, sont d’une qualité différente et seront abordées au chapitre 11.

Pour mettre en œuvre correctement le modèle du leadership situa-tionnel, les coachs gagnent à prendre en compte les perspectives psycho-logique et culturelle. En d’autres termes, ils ont à incorporer plusieurs perspectives dans le processus. Par exemple, une approche directive S1 peut porter ses fruits dans un environnement hiérarchique, même si le modèle recommandé est S2 dans ce cas. Entrevoir la personnalité et la culture aidera au choix du style et à la sortie des zones de confort. Passer à S2, par exemple, implique de passer à une approche plus éga-litaire et de supposer que le collaborateur a le potentiel nécessaire pour prendre des responsabilités et devenir autonome.

Une fois que l’on a compris que le style idéal de leadership (à suppo-ser qu’il existe) doit prendre en compte différentes réalités, physique, psychologique, politique, culturelle et spirituelle, on peut s’attaquer à la perspective managériale.

Voici comment j’ai procédé avec un manager nommé Marc4. Marc était en difficulté. À la différence de beaucoup d’autres, il n’était pas dans le micro-management. Il préférait laisser beaucoup d’autonomie à ses employés. Il donnait des instructions générales et déléguait volontiers. Certains s’accommodaient bien de son leadership, mais d’autres n’obtenaient pas de bons résultats. Je lui ai présenté le modèle du leadership situationnel et l’ai invité à dresser un tableau de ses col-laborateurs à problème et leurs tâches respectives, pour évaluer leurs aptitudes et volontés (et donc leurs niveaux de mobilisation respectifs). Selon cette grille de lecture, son style de leadership ne convenait pas avec un nouveau collaborateur, nommé Robert. Le modèle a montré ainsi clairement à Marc ce qu’il devait faire. Il lui est devenu évident que déléguer était contreproductif et qu’il devait donner des instruc-tions directes et précises. Nous avons également pu envisager l’étape suivante (coaching) et préparer Marc à ce style de management.

Lors de notre seconde séance, Marc a fièrement rapporté que Robert faisait de rapides progrès. Comme nous en avions discuté, Marc avait commencé en donnant des instructions. C’était un nouveau travail pour Robert et il manquait de compétences pour l’accomplir. Un mois plus

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LA PERSPECTIVE MANAGÉRIALE

tard, Robert avait gagné en expertise. Marc a décidé de passer au style de coaching S2 que nous avions répété pendant la première séance. Il lui a posé les questions suivantes : « Que peux-tu faire ? Comment peux-tu résoudre cela ? Que proposes-tu ? ». Je l’ai félicité d’avoir (en grande partie) résisté à la tentation de répondre à la place de Robert et de l’avoir incité à trouver ses propres réponses.

J’ai alors questionné Marc sur les comportements « relationnels ». Il a souri et admis qu’il avait encore des progrès à faire dans ce domaine ! Il a décidé de donner acte à Robert de ses progrès - même des petits – plus régulièrement. Ainsi il était sûr de l’impliquer et d’encourager ses progrès. La perspective psychologique s’est avérée utile. Marc a réalisé que son propre perfectionnisme le conduisait à placer la barre très haut, y compris pour ses collaborateurs. Et par conséquent, leurs résultats étaient rarement assez bons pour justifier des éloges. En s’autorisant à chercher l’efficacité plutôt que la perfection, Marc pouvait le féliciter plus fréquemment et le confortait dans sa progression.

À la troisième séance de coaching, Marc a fait état d’encore plus d’avancées. Son engagement s’était manifesté dans son approche dis-ciplinée et régulière. Le niveau de Robert était passé à R3, et Marc avait changé de style en conséquence. Marc commençait par dire : « Quand veux-tu que nous discutions encore du projet ? ». Il laissait Robert libre de faire appel à un soutien en cas de besoin et le félicitait réguliè-rement de ses réussites. Ils avaient bâti une relation solide. Marc évo-quait ouvertement son utilisation du modèle de leadership situationnel, ce qui leur a permis d’échanger du feedback sur le style de leadership utilisé. Plus encore, l’outil visait un objectif commun : la délégation complète. En arriver là demanderait à Marc de faire des commentaires tels : « Ce que tu fais est bien ! » ou, mieux encore, de louer des com-portements et accomplissements spécifiques ; de reconnaître les réus-sites et encourager l’autonomie : « Je ne veux pas t’ennuyer et risquer de te faire ressentir que tu ne sais pas ce que tu fais. Mettons-nous d’accord sur certains objectifs, puis vas-y et fais-le ! » ; d’encourager son collaborateur à apprendre et d’être préparé également à apprendre de ses collaborateurs : « Comment as-tu apprécié cette expérience ? Qu’en as-tu appris ? » ; de s’enquérir des inquiétudes : « As-tu des appréhensions par rapport à ta prochaine réunion de projet ? ».

Au moment où j’écris ces lignes, je m’attends à ce que, lors de notre prochaine séance, Marc ait atteint le niveau S4 (Nos séances ont géné-ralement lieu toutes les 4 à 5 semaines). Il sera alors important de voir

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

comment il abordera la délégation. Déléguer n’implique pas d’abdi- quer. Marc reste toujours responsable et décidera, avec la participa-tion de Robert, de la meilleure manière de rendre compte des progrès accomplis. De plus, il doit être ouvert à de nouvelles approches, inno-vantes, aussi longtemps que Robert délivrera les résultats escomptés. Plus expérimenté, Robert trouvera vraisemblablement des méthodes novatrices pour y parvenir. Marc doit être prêt à prendre la défense du travail de Robert et à le protéger des reproches possibles de la hiérarchie s’il n’en satisfait pas les attentes. L’aspect relationnel sera minime à ce stade : grâce à la confiance établie, un signe d’approbation de temps en temps suffira à l’encourager.

Le tableau suivant résume des comportements typiques pour chaque style :

S3 : ENCOURAGER

Reconnaître les succès

Encourager l’autonomie

Ouvrir le dialogue, être également prêt à apprendre

Échanger sur des façons d’améliorer les résultats

S’enquérir des préoccupations

Concrétiser une relation confiante et respectueuse

S2 : COACHER

Célébrer les premiers succès

Donner plus d’occasions de pratiquer et progresser

Poser des questions permettant au collabo-rateur de trouver ses solutions

Avant une tâche difficile, débattre des manières de l’exécuter

Pendant : si disponible, être prêt à participer

Après : donner un feedback de résultat

S4 : DELEGUER

Habiliter (« empower ») le collabora-teur (information + ressources + autorité + responsabilité)

Être ouvert à des approches novatrices

Être conscient de votre responsabilité

S’informer régulièrement de la progression

Être prêt à protéger le collaborateur

S1 : DIRE / STRUCTURER

Dire ce qui est attendu

Expliquer comment faire

Donner un exemple

Suivre de près l’exécution

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LA PERSPECTIVE MANAGÉRIALE

Robert s’est révélé un excellent collaborateur. Ambitieux, prêt à travailler avec assiduité, il voulait apprendre comment gravir les échelons. Dans ces conditions, il a été aisé pour Marc d’appliquer le leadership situationnel.

D’autres collaborateurs ont été plus difficiles à manager. Parmi eux, Frank surestimait ses capacités. Soit il faisait immédiatement ce que Marc voulait, soit il ne faisait rien du tout.

Lors d’une séance de coaching, Marc s’est rendu compte qu’il de- vait coacher Frank de plus près. Il avait engagé le dialogue et posé des questions, mais devant la résistance de Frank, il est revenu au mode directif S1 : « Je te demande de faire ceci, cela. » En se référant aux outils fondamentaux de la communication en coaching, tels l’analyse transactionnelle et la programmation neurolinguistique5, Marc a décou-vert comment continuer le dialogue en coaching jusqu’à ce que Frank ait trouvé une solution et se soit engagé à des actions spécifiques.

Le cas de Dirk était encore plus difficile. Dans l’entreprise depuis plus de trente ans, à quelques années de la retraite, il possédait de so- lides connaissances ; perfectionniste, il s’impliquait au point de ne pas prendre toutes ses vacances. D’un autre côté, il ne travaillait qu’à des tâches qu’il choisissait lui-même et sa méticulosité nuisait souvent à la productivité. Marc avait abandonné l’idée de changer la situation. La perspective psychologique, en particulier le modèle « Je suis OK - tu es OK » - que nous aborderons au prochain chapitre -, a aidé Marc à modifier son attitude et ses convictions. Notre jeu de rôles l’a per-suadé qu’il était possible à Dirk de changer son attitude. Il a compris qu’il pouvait reconnaître l’implication professionnelle et la rigueur de Dirk, tout en lui disant franchement ce qui pouvait être amélioré. Il a décidé d’exposer ses attentes et d’avoir un entretien avec Dirk pour se mettre d’accord sur la meilleure façon d’aller de l’avant.

Des compétences avancées en coaching sont donc nécessaires aux managers pour gérer ce type de situation de façon constructive. Ils ont à leur disposition une panoplie de perspectives selon les diverses directions que prend le dialogue. Les managers devront gérer des résis-tances psychologiques, auront à décrypter des orientations culturelles et à faire renaître la notion de sens. Le leadership situationnel ne peut à lui seul embrasser complètement ces sujets. Dans le prochain cha-pitre, nous nous tournerons vers la psychologie.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

NOTES1. Rosinski, 2003, 211-212.2. Robbins, 1989, 301-337, pour une révision des modèles classiques de

leadership.3. Dans ce contexte, le coaching est simplement défini comme un style

haut en matière de comportements tant fonctionnels que relationnels.4. J’ai changé les noms pour respecter l’anonymat.5. Voir chapitre 5 et aussi Rosinski, 2003, appendices 1 et 2.

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Chapitre 5

La perspective psychologique Développer les qualités émotionnelles

et relationnellesLa psychologie est l’étude de la personnalité de l’individu,

de ses comportements, émotions et processus mentaux. La psychologie diffère de la culture en ce qu’elle se concentre

principalement sur l’individu, plutôt que sur la collectivité.

Dans ce chapitre, j’aimerais revisiter une théorie puissante : l’analyse transactionnelle (AT), développée dans les années 60 par le Docteur Éric Berne. Pourtant sa richesse reste encore

largement inexploitée par les coachs. J’ai utilisé l’AT pendant environ 20 ans. Mes clients et moi-même avons été impressionnés par les chan-gements positifs qu'elle permet. Je vais également aborder d’autres théories utiles : la psychologie positive et le coaching à référence psy- chanalytique.

Le directeur des ressources humaines d’une entreprise internatio-nale m’a téléphoné récemment pour me faire part de l’étonnement de sa société devant le progrès rapide d’un de ses dirigeants que j’avais coaché. Ce dirigeant était techniquement très compétent et fiable. Mais il n’avait pas la présence d’un dirigeant. Il était si peu sûr de lui qu’il

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

devenait nerveux ou silencieux dès qu’il était mis en cause en réunion. Il paraissait défait et un peu perdu. J’ai utilisé l’AT dans mon coaching pour l’aider à accroître sa confiance en lui et gagner de l’assurance. Le même directeur des ressources humaines souhaitait m’adresser un autre dirigeant, avec des problèmes similaires ; un coaching local n’avait pas eu le même résultat spectaculaire.

Dans mon premier coaching avec cette société, j’ai travaillé avec un dirigeant qui avait reçu deux avertissements officiels. Il était très compétent, dirigeant dévoué et intervenant de valeur. Le coaché ne manquait pas de présence mais de contrôle de lui-même lié à son hyperémotivité. Il s’énervait souvent et se mettait en colère contre le personnel. L’utilisation de l’AT a été tout aussi précieuse ; elle l’a aidé à passer de l’agressivité à l’assertivité et à développer une présence calme et sereine. Son supérieur, qui doutait que le coaché puisse mo- difier ces habitudes et schémas très enracinés, a été reconnaissant du résultat de ce coaching. Des années plus tard, ce dirigeant entretenait encore des relations plus productives dans son travail.

Dans tous les cas dont je parlerai dans ce chapitre, les managers que j’ai coachés étaient tous impliqués et réellement prêts à s’engager dans le processus du coaching. « Un tango se danse à deux. » Les coachés jouent un rôle important dans l’accomplissement de leur propre réus-site. Je ne peux que faciliter le processus.

Dans Coaching across Cultures (Rosinski, 2003), j’ai décrit l’état d’esprit OK–OK qui favorise la communication productive et épa-nouissante, en l’opposant à d’autres combinaisons mentales : pas OK–OK caractérise le comportement de Victime (Soumise) ; le OK–pas OK est associé aux rôles de Persécuteur, Sauveur, et Victime (Rebelle) ; et pas OK–pas OK, qui correspond à « à quoi bon » ; c’est la pire des combinaisons.

J’ai aussi parlé des concepts de messages contraignants, des centres de ressources (les états du moi), de la contamination, et des transactions.

Dans ce chapitre, j’aimerais insister sur des concepts-clés1 liés à l’AT.

• Nous sommes à 100 % responsables de notre façon de com- muniquer ;

• Nous avons besoin de « signes de reconnaissance ». La communi-cation est une nécessité biologique. Nous pouvons répondre à ce besoin de façon positive ou négative ;

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

• Comment structurer le temps pour recevoir les signes de recon-naissance dont nous avons besoin ?

• Que veut dire l’état d’esprit OK–OK ?Avant tout, je vais expliquer aux coachs comment mettre en pra-

tique ces concepts pour développer efficacement l’assertivité dans un échange OK–OK.

Je partage généralement d’emblée la théorie de l’AT avec mes coa-chés. Ce faisant, je les aide à s’équiper pour gérer leurs difficultés de façon autonome. De plus, cette explication semble agir comme une métaphore et suggérer – consciemment et inconsciemment – des possi-bilités de transformation pour les coachés.

Michel Chalude dit que l’AT a changé sa vie. Je dis à mes coachés qu’en toute honnêteté, elle a changé la mienne aussi.

Selon l’AT nous sommes donc responsables à 100 % de notre façon de communiquer. Ce n’est peut-être pas un fait établi, mais c’est une croyance puissante qui nous responsabilise. Nous pouvons faire des choix et avons beaucoup plus de pouvoir que nous ne le pensons géné-ralement. L’AT fournit des outils tout à fait accessibles (censés pou-voir être compris par un enfant de 8 ans), pour découvrir les choix à faire, surmonter les obstacles et exploiter notre pouvoir. En tant que coachs, il n'est pas nécessaire de passer du temps à essayer de com-prendre pourquoi les coachés communiquent d’une certaine manière. Nous avons plutôt à nous concentrer sur le comment nous communi-quons. Comment notre communication affecte-t-elle autrui ? Que pou-vons-nous faire d’autre ?

L’AT s’adapte bien au coaching orienté vers l’action. Les coachs peuvent explorer de nouvelles options pendant les séances, essayer des modes de communication au travers de jeux de rôles dans l’environne-ment rassurant du coaching. Ensuite, les coachés peuvent s’entraîner dans le monde réel. Je leur demande de noter tout ce qui se produit au cours de leurs échanges, de se souvenir à la fois de ce que j’appelle « les plus » (les réussites), qui seront fêtés lors de la prochaine séance de coaching (pour renforcer les nouveaux comportements et l’assu-rance du coaché), et « les moins » (les résultats en dessous des objec-tifs) qui nous permettront d’en retirer des enseignements.

En dépit de notre totale responsabilité dans la communication, nous n’endossons que 50 % de la réussite ou de l’échec des communica-tions avec autrui, car il faut être deux pour communiquer. Toutefois,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

nous augmentons les chances de succès en faisant de notre mieux, notamment en maintenant une attitude OK–OK, même lorsque nous sommes invités à « jouer à des jeux » (un concept que j’expliquerai sous peu).

Le besoin de signes de reconnaissanceÉric Berne utilise l’expression « signe de reconnaissance » pour

faire référence à « l’unité fondamentale de l’action sociale2 ». Un signe de reconnaissance, c’est des mots adressés à une personne, une intona-tion ou une manifestation non verbale de sa présence : un sourire ou un froncement de sourcil.

Je demande à mes coachés d’imaginer un rat dans trois situations différentes. Dans chaque cas, le rat est bien nourri. Dans une première situation, le rat reçoit un traitement délicat ou une caresse de l’ex-périmentateur. Dans la deuxième, le rat reçoit un choc électrique de l'expérimentateur, douloureux mais pas vraiment dangereux. Dans la troisième, le rat est juste laissé seul. Je demande aux coachés de me décrire, de leur point de vue, l’évolution des rats dans chaque situation. Généralement, les réponses sont similaires : le premier rat ira bien, le deuxième sera « stressé », mangera peu et maigrira, et le troisième rat évoluera correctement mais moins bien que le premier.

Et puis, je leur donne les résultats réels de l’étude : les deux pre-miers rats restent en bonne santé, et le troisième rat meurt rapidement (Berne, 1964, 15).

Ces résultats s’appliquent aussi aux humains. Dans la première par-tie du xxe siècle, les médecins séparaient les nouveau-nés de leur mère et les gardaient en pouponnière, avec une hygiène stricte, une bonne nourriture et d’excellents soins médicaux. Pour éviter toute contagion, il était recommandé de limiter les interactions entre le personnel et les bébés, qui étaient très souvent laissés seuls. Malgré toutes les précau-tions prises, les nouveau-nés dépérissaient. C’est le psychiatre René Spitz qui a compris que le problème venait du manque de contacts humains. Il avait observé que les nouveau-nés qui étaient gardés dans une pouponnière pénitentiaire se portaient beaucoup mieux ; alors même que l’hygiène y laissait à désirer, les mères détenues s’occu-paient elles-mêmes des soins de leurs petits. Dès que les infirmières des

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

pouponnières ordinaires ont commencé à cajoler les bébés, l’affection qu’il avait appelée « hospitalisme » a disparu.

La communication est donc bien plus qu’un échange d’information. Elle n’est pas simplement une exigence psychologique. Nous avons un besoin biologique de contacts et de signes humains de reconnaissance. Si ce besoin ne peut être satisfait de façon positive, nous parviendrons d’une manière ou d’une autre à en recevoir au moins par des signes négatifs, que nous préférons à l’absence d’interaction. Observons par exemple ce qui se passe lorsqu’un enfant veut jouer avec un de ses parents. Si le parent dit : « Je suis occupé pour le moment » et ignore l’enfant, l’enfant fait souvent une bêtise ou se met en colère. Et après ? Le parent réprimande l’enfant ou crie. De cette façon, l’enfant a obtenu l’attention désirée, en mode négatif plutôt que positif.

La portée de ce besoin est grande et s’applique à toutes les activi-tés humaines. Nous ne sommes pas en mesure de nous débarrasser du négatif simplement parce que nous le voulons. Les signes de recon-naissance négatifs servent un objectif vital. Il y a lieu de remplacer les signes négatifs par des signes positifs. En d’autres termes, pour élimi-ner les guerres et les comportements destructeurs, nous avons besoin d’amour et de comportements constructifs, ce qui est vrai à la maison, au travail, et dans les relations internationales.

Comment l’obtenir ? L’AT, encore une fois, propose un modèle élé-gant et utile pour y parvenir.

La structuration du tempsDans la théorie d’Éric Berne, il y a six façons d’obtenir les signes de

reconnaissance, d’une intensité croissante de la première à la sixième que l’on peut comparer au passage d’une nourriture rustique au raffine-ment d’un repas de gourmet.

1. Le retrait :Le retrait se rapporte à la communication que nous avons avec nous-

même. Ce dialogue intérieur peut être très riche mais il est à éviter au cours des réunions car il est susceptible de nous empêcher de suivre ce qui se passe et d’être intégré au groupe.

2. Le rituel :Le rituel se rapporte aux « Bonjour, comment ça va ? - Bien,

merci ! », que l’on échange par habitude lors d’une rencontre. Le film

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Un poisson nommé Wanda (1988) se moquait de la superficialité de ces échanges dans une scène amusante de poissons se saluant l’un l’autre dans un bocal. On pourrait soutenir que « Comment vas-tu ? » n’est pas toujours sincère et qu’on ne s’attend pas à ce que les gens répondent réellement à la question. Pourtant ces rituels sont très importants car ils fournissent des signes de base dont nous avons absolument besoin. Si votre collègue part pour quelques jours, vous lui poserez probablement des questions plus précises à son retour : « Comment ça va ? Comment était ton voyage ? », comme pour compenser l’absence de signes de reconnaissance des derniers jours. Les rituels sont comme passer la première vitesse en voiture avant d’utiliser les suivantes.

3. Le passe-temps/La conversation :Les conversations font référence aux discussions informelles sur

n’importe quel sujet : les vacances, les restaurants (un sujet favori en Belgique, avec le football), les sports, la politique, etc. La conversation est un but en soi. Parler de politique, dans ce cas, n’a pas pour objectif de changer les choses mais de se divertir mutuellement (même si les participants ne l’admettent pas).

Les réunions de travail peuvent être des conversations en l’absence d’objectif précis. À mes débuts de formateur, j’ai travaillé avec une organisation bureaucratique et improductive qui commençait à intégrer un management plus professionnel. Un des axes d’amélioration por-tait sur l’organisation de réunions plus efficaces. Après un jeu de rôles en réunion, un participant dit : « C’était un bon débat. Continuons la prochaine fois ! » Rien n’avait été ni décidé ni exécuté. Cette réunion avait néanmoins été utile en permettant aux participants d’échanger des signes de reconnaissance cruciaux. Graduellement, ils ont appris une nouvelle façon d’obtenir cette énergie et réalisé que les réunions pouvaient devenir des activités (cf infra) plutôt que de simples con- versations.

4. L’activité :Une activité est un projet conduit en association avec d’autres

personnes. Elle implique un but général et des objectifs spécifiques. Les activités offrent des occasions très précieuses pour obtenir des signes de reconnaissance positifs en s’impliquant dans des interactions constructives.

5. Le jeu :Le jeu est un échange négatif d’énergie. J’en ai précédemment

expliqué le mécanisme (Rosinski, 2003, 260-261). Il commence inva-

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

riablement avec une personne pénétrant dans le triangle dramatique comme Persécuteur, Sauveur ou Victime. Le jeu intervient et l’énergie négative commence à se répandre quand la seconde personne mord à l’appât et entre à son tour dans le triangle. C’est un gaspillage d’éner-gie humaine qui accroît le malaise, les conflits stériles, et cause des dommages. Souvenons-nous pourtant que les signes de reconnaissance négatifs valent mieux qu’aucun signe du tout. C’est pour cette raison que ces jeux sont fréquents, en particulier quand il n’y a pas d’échange positif d’énergie.

6. L’intimité :L’intimité est la vitesse que nous passons en voiture après toutes les

autres (sauf la 5ème vitesse - le jeu - qu’il vaut mieux éviter !). C’est la façon la plus riche d’échanger de l’énergie positive. Elle fait référence aux relations sincères. Nous sommes prêts à nous exposer car nous avons confiance en l’autre. Nous nous ouvrons et révélons nos espoirs, nos rêves et nos sentiments, ce qui permet de nous lier profondément à l’autre. Nous entrons en contact avec notre humanité. Ces moments sont épanouissants. Le coaching efficace implique essentiellement une combinaison d’intimité et d’activité.

L’état d’esprit OK–OKCe modèle d’analyse transactionnelle se rapporte à la façon dont

nous nous percevons nous-mêmes et percevons les autres, et à l’ef-fet qui en résulte. Il est nécessaire pour les coachs de développer un état d’esprit OK–OK. C’est un outil de remplacement des communi-cations délétères ou inefficaces par des communications positives et enrichissantes.

Nous pouvons choisir, quelle que soit la situation, d’adopter cet état d’esprit, c’est-à-dire de tendre à faire confiance à nous-même et à autrui. OK signifie digne de respect, positivement intentionné et capable de faire une différence. OK ne veut pas dire parfait ou sans défaut. Cette attitude mentale nous amènera naturellement à nous engager dans des communications et des actions constructives et à développer des rela-tions plus riches et plus productives.

Le point important ici est que l’attitude OK–OK est un choix subjec-tif, indépendant de la réalité « objective ». Peu importe que nous puis-sions justifier rationnellement le choix d’autres combinaisons mentales (OK–pas OK, pas OK–OK, pas OK–pas OK). Par exemple, si nous nous méfions des gens, notre attitude les éloignera habituellement

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

de nous ou diminuera leur confiance en eux. Nous favorisons des cercles vicieux lorsque nous interprétons leur manque d’implication et leurs faibles résultats comme la confirmation de nos croyances ini-tiales. Les coachs préfèrent la perspective OK–OK car les prophéties auto-réalisatrices fonctionnent aussi positivement : lorsque nous avons confiance en nous-mêmes et en les autres, nous mettons en place des cercles vertueux de respect, des attitudes productives et de la créativité.

Deux de mes coachés, dont j’ai évoqué le cas au début de ce cha-pitre, étaient tombés dans le piège de « jouer à des jeux », tout comme Marie (chapitre 1). Comme Jean3, beaucoup de personnes en position pas OK–OK se donnent automatiquement le rôle de la Victime sou-mise, invitant inconsciemment les autres à jouer le Persécuteur ou le Sauveur. Comme Jacques, les personnes en position de OK–pas OK jouent souvent le rôle de Persécuteur, invitant autrui à répondre en tant que Victime (soumise ou rebelle).

Dès lors que Jean et Jacques ont pris conscience de cette dynamique et réalisé qu’ils avaient le pouvoir de changer leur situation en OK–OK, ils ont fait des progrès rapides et impressionnants.

La posture OK–OK est celle de l’assertivité, du calme et d’une séré-nité combinée à la fermeté. Il en émane une force tranquille et une présence rassurante.

Quand les coachés adoptent déjà, spontanément, une attitude OK–OK, le coach leur permettra d’en prendre conscience. Identifier cette capacité les aidera à renforcer leur confiance en eux. Le défi est de gar-der cette attitude OK–OK même dans des conditions de stress.

Si tel n’est pas le cas, il appartient au coach de leur faire identifier ce qui les empêche d’adopter l’attitude OK–OK. Dans son cas, Jean s’était imposé un perfectionnisme impossible à supporter qui l’empêchait de se sentir OK. De plus, il avait appris enfant à réprimer sa colère. Au cours du coaching, il a dû prendre une double résolution : au niveau cognitif, il s’est autorisé à faire des erreurs, à ne pas être parfait, à faire simplement de son mieux, et a accepté de ne pas toujours maîtriser le résultat final ; au niveau émotionnel, il a appris à décoder sa colère et à placer sa voix, une voix plus profonde que celle haut perchée qu’il utilisait auparavant. La colère est une émotion utile pour protéger ses limites.

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

Je l’avais prévenu qu’une compréhension intellectuelle de la dyna-mique en cause ne serait pas suffisante. Pour passer de l’attitude pas OK à celle OK, il devait accéder à sa colère ou risquer ce que l’ana-lyse transactionnelle appelle le racket : au lieu d’éprouver de la colère lorsqu’on est malmené, on ressent une autre émotion - dans son cas, la peur. La peur est utile lorsqu’elle nous pousse à éviter le danger, inappropriée lorsqu’elle remplace la colère. La colère sert en effet à défendre ce qui est juste.

Jean a identifié les permissions qui l’amèneraient à être plus assuré et à traiter efficacement des situations injustes : « J’ai le droit de m’af-firmer ! », « J’arrête de penser que ce que je fais n’est jamais assez bien ! », « Je me félicite des choses que je fais bien ! », etc.

Je l’ai mis au défi de se donner ces permissions tout en se met-tant en contact avec sa colère. Tout d’abord intimidé, il a gagné en assurance quand il a réalisé que je ne jugeais pas ses tentatives de libération de sa colère. Je lui ai rappelé à quel point la situa-tion qu’il vivait était courante. Quand bien même, Jean n’était pas encore prêt à s’exprimer devant moi avec colère mais d’accord pour essayer seul. À la séance suivante, il a osé le faire en ma présence. Tout ce qu’il arrivait à produire au début était une version édulco- rée de la colère. Il avait néanmoins fait un progrès. J’ai alors puisé en moi toute la colère disponible et prononcé ces permissions avec force, pour que Jean répète après moi. J’allais de plus en plus loin. Il suivait, sa rage devenant de plus en plus en forte. Après cette séance, il s’est senti mieux. Il a compris le message de ces permissions qu’il a assi-milées en totalité, émotionnellement et physiquement. Il s’est exercé régulièrement de son côté. La fois suivante, il a été capable de libérer seul la colère. Il est devenu plus assuré et plus efficace au travail.

Il est à noter que Jean s’est rappelé rapidement les situations dans lesquelles il avait refréné sa colère à l’égard de ses parents. Plutôt que de l’inviter à exprimer sa colère envers des parents mythiques (comme ça peut être le cas en psychothérapie), je l’ai encouragé à extérioriser une véritable rage en rapport à sa situation actuelle, ce qui lui a suffi pour remplacer ses anciens « enregistrements» de dialogues intérieurs inadaptés par des enregistrements nouveaux et constructifs. Dans l’ici et maintenant.

Quant à Jacques, il se mettait facilement dans une colère dont les accès lui avaient créé des difficultés. Notre exploration par le

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Processus du Coaching Global (Rosinski, 2003) a intégré des outils tel que le Myers-Briggs Type Indicator® (MBTI®)4 et le Fundamental Interpersonal Relations Orientation-BehaviorTM (FIRO-B®)5.

Après avoir étudié le livret du MBTI® (Briggs Myers, 2000, 25), Jacques a décidé qu’il avait un type ENTJ6 : Extraverti, iNtuitif, Pensée (Thinking), Jugement. Il a souligné les passages des « secteurs d’amé-lioration potentiels » dans le livret qui paraissaient lui correspondre tout à fait :

Si les ENTJ ne trouvent pas une place dans laquelle ils peuvent uti-liser leurs dons et être appréciés pour leurs contributions, ils se sentent généralement frustrés et peuvent :

• devenir trop impersonnels et critiques,• importuns et directifs,• caustiques et agressifs en paroles.Il est naturel pour les ENTJ de prêter moins d’attention aux parties

Sentiment (Feeling) et Sensation ; s’ils négligent trop ces aspects, ils peuvent :

• Ne pas remarquer ou estimer le besoin qu’a autrui de rapport per-sonnel, de reconnaissance et de louanges.

• Ne pas inscrire dans leurs plans le besoin d’autrui d’être soutenu7. Ses scores FIRO-B® ont démontré qu’il avait mis la plus grande par-

tie de son énergie (besoin et comportement) dans le Contrôle Exprimé, bien plus que dans l’Affection.

Ce constat était en accord avec les idéaux dont il avait parlé quand nous examinions ses aspirations. Ses réussites lui étaient de la plus haute importance. « Ma vie se résume à ce que je fais et non à ce que je suis. Je fais tous les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs. »

Il était très motivé pour réussir (au travail comme au sport) et être reconnu comme un bon professionnel. Son enthousiasme, son énergie et son engagement intervenaient au détriment de ses relations, qu’il considérait purement utilitaires ; il s’irritait de résultats insuffisants et de la médiocrité.

Il s’est avéré que Jacques s’enorgueillissait d’être juste et honnête avec les gens. Et sans en être très conscient, il était en fait sensible

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

et attentionné. Il avait appris au fil du temps à dissimuler son côté bienveillant. Les plaintes contre ses accès de colère ont agi comme une sonnette d’alarme. Il en a été véritablement affecté et attristé. Des outils comme le MBTI®, FIRO-B® et COF - qui ont souligné son pen-chant pour la communication directe, l’action et la compétition, que nous examinerons chapitre 7 - lui ont fait prendre conscience de ses pièges naturels et culturels. Son ego a été protégé : tout le monde a ses faiblesses. Par-dessus tout, il avait désormais des clefs pour les déjouer et résoudre son problème.

Jacques a emprunté plusieurs chemins avant de passer de l’attitude OK–pas OK en état de stress à celle OK–OK.

L’un d’entre eux a consisté à réduire son niveau de stress général par des séances régulières de méditation pendant la journée : simplement en inspirant/expirant et en se concentrant sur l’ici et maintenant. En s’ex- trayant de l’ambiance frénétique, même momentanément, il pouvait se souvenir de son intention de rester sur le mode OK–OK.

Il a commençé à développer des relations plus humaines en parlant aux gens non seulement de leur travail mais aussi de leur vie.

Pendant les réunions, il est devenu plus attentif à ses propres senti- ments, à ceux des autres et aux manifestations non verbales. En d’au-tres termes, il a cessé de se focaliser uniquement sur le contenu, et est devenu conscient du processus. Il a développé une présence plus atten- tive. Lorsqu’il sentait la colère ou l’irritation venir, il prenait une profonde inspiration. Au tout début, il préférait ne rien dire pour éviter de faire une remarque désagréable qu’il regretterait plus tard. Puis, de plus en plus à l’aise pour écouter autrui et garder son calme, il s’est mis à prendre la parole à nouveau avec assertivité plutôt qu’avec agres-sivité. Il a appris à poser des questions calmement mais fermement, plutôt que juger les autres et leur dire ce qu’ils devaient faire.

La tenue d’un journal s’est avérée pour lui très utile : il y notait toutes ses interactions réussies et les difficultés restant à traiter. Nous célébrions les premières puis examinions les dernières. Je lui deman-dais habituellement : « Qu’est-ce qui t’a empêché de… ? » Il iden-tifiait alors de nouveaux obstacles. Puis j’ajoutais : « Que peux-tu faire par rapport à cela ? » ou « Comment peux-tu surmonter cette difficulté ? » Je suggérais des réponses quand il ne découvrait pas comment faire différemment. Je lui rappelais ses idées précédentes. Je partageais des outils avec lui. Par exemple, je lui donnais une descrip-tion plus détaillée des centres de ressources (états du moi) de l’analyse

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

transactionnelle : il a appris ainsi à parler plus souvent avec son Adulte (en posant de véritables questions) et à éviter de trop utiliser son Parent normatif (en portant des jugements). J’avais aussi inclus le métamo- dèle de la PNL8. Les jeux de rôle lui ont donné l’occasion de prati-quer et de quitter la séance pourvu de tactiques nouvelles et concrètes pour traiter les défis qui subsistaient.

Finalement, Jacques a été capable de gérer ses émotions, d’éviter des comportements improductifs et de montrer son côté attentionné tout en continuant à insister sur les résultats professionnels. Son direc-teur m’a confié plus tard qu’il n’avait pas imaginé possible un tel chan-gement positif.

Cet exemple montre que le coach est efficace quand il se place en état OK–OK. Si j’avais perçu Jacques fondamentalement pas OK – c’est-à-dire incapable de changer ses comportements inefficaces – si j’avais échoué à identifier ses intentions positives derrière un masque peu flatteur, j’aurais renforcé la position OK–pas OK et perpétué le cercle vicieux.

Mêler des perspectives multiples à l’analyse transactionnelle

Les cas précédents illustrent que même si nous choisissons l’AT (ou toute autre approche psychologique) comme méthode principale, d’autres approches ne sont pas à exclure. Bien au contraire.

Dans le cas de Jean, le travail émotionnel a complété l’AT. Dans son livre Au Cœur de la Relation d’Aide, Vincent Lenhardt décrit une approche similaire qui combine l’AT et la bioénergie (2008)9. Il prône l’intégration tant en psychothérapie qu’en coaching et est consterné par les querelles mesquines entre les différentes chapelles de la psy- chologie.

Dans le cas de Jacques, des outils psychométriques tels que le MBTI® et le FIRO-B®, et la PNL se sont avérés utiles. Des perspec-tives multiples intrinsèques de la psychologie ont été renforcées par les perspectives extrinsèques. En particulier, la perspective politique (voir chapitre 6) lui a beaucoup servi. Il a appris à identifier ses diverses interactions et à forger des alliances avec une discipline remarquable.

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

En ce qui concerne la psychologie, j’ai régulièrement recours à d’autres théories. Plongeons-nous dans quelques-unes d’entre elles maintenant.

La psychologie positive10

La psychologie est la base essentielle du coaching et de la psycho-thérapie, dont l’exercice se distingue ainsi :

1. La psychothérapie a essentiellement pour but de réduire et de supprimer la souffrance des clients (généralement appelés « patients »), laquelle peut revêtir plusieurs formes (l’anxiété, la phobie, la dépression, le manque de confiance, les difficultés rela-tionnelles, etc.).

2. Le coaching aide les personnes qui se sentent déjà plutôt bien et réussissent, afin d’être encore davantage épanouies et d’obtenir de plus grandes réussites. Fondamentalement, le coaching tend à accroître la joie.

En pratique, les frontières ne sont pas nettement tracées ; le coa-ching et la psychothérapie peuvent se superposer, en raison notamment de la large gamme d’approches à l’intérieur même de la psychothérapie (cf la psychologie comportementale par opposition à la psychanalyse) (Rosinski, 2004).

Toujours est-il que la psychothérapie est généralement associée à la diminution de déficiences, à la guérison de maladies et à la résolution de problèmes, et que le coaching se focalise plus sur le déploiement du potentiel humain et la réponse aux défis.

L’accent mis sur les déficiences a longtemps dominé la psychologie. Mais un nouveau courant, la psychologie positive, commence à chan-ger les mentalités centrées sur la résolution des problèmes (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000). Saisissant l’essence même du mouve- ment de la psychologie positive, Seligman décrit ainsi la vie pleine : « Éprouver des émotions positives concernant le passé et le futur, goûter aux sentiments positifs émanant des plaisirs, tirer satisfaction de ses forces personnelles et utiliser ces forces au service de quelque chose de plus grand qui fasse sens. » (Seligman, 2002). Cette tendance relativement récente renvoie la psychologie au mouvement humaniste

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

de Carl Rogers et d’Abraham Maslow, et de leur croyance fondamen-tale que l’humain a la capacité innée de croître et se développer. Le rôle du conseiller est d’encourager la libération ou la révélation du potentiel plutôt que « réparer » ou « changer » le client.

Le chapitre de Carol Kauffman dans Evidence Based Coaching Handbook (Kauffman, 2006, 221) montre comment la psychologie positive peut apporter un fondement scientifique au coaching, aupa-ravant basé davantage sur l’expérience des praticiens que sur des re- cherches universitaires : « Notre conviction est que la théorie de la psychologie positive et la recherche fourniront les bases scientifiques sur lesquelles le coaching pourra s’appuyer solidement ». Kauffman propose des études de psychologie positive qui montrent l’intérêt de construire sur du positif (ce qui est à mon avis l’essence du coaching et n’exclut pas la prise en charge de difficultés). Il est réconfortant de noter aussi cette orientation en psychothérapie et d’imaginer que cette dernière commence à tirer des enseignements du coaching.

Cela dit, ni les psychologues ni les coachs ne doivent s’attribuer les fondements de la psychologie positive, idée qui remonte à plu-sieurs siècles. Le grand philosophe Baruch Spinoza a affirmé, au xviie siècle, que la joie, énergie positive par excellence, était le chemin le plus sûr vers le développement humain : « La joie fait passer l’homme d’une moindre perfection vers une plus grande perfection. La tristesse fait passer l’homme d’une plus grande perfection à une perfection moindre.» (Spinoza, 1677/1996, 104). Le texte de Spinoza avait une profonde résonance. J’ai découvert Éthique après avoir écrit Leading for joy (1998) dans lequel je partageais une idée similaire :

Le but ultime n’est pas mesuré en termes de valeur actionnariale, non plus qu’en terme de satisfaction du client ou de l’employé. Ces derniers sont sans doute des objectifs de valeur, conduisant à des réussites estimables, mais le véritable indicateur est : la joie a-t-elle été créée (et la souffrance réduite) ou non par vos initiatives ? Le bonheur a-t-il été créé (et la misère soulagée) ou non grâce à vos efforts ?

La joie livre un flux d’énergie positive, libère le potentiel humain, crée un cercle vertueux pour les clients, les employés, la société et le monde dans son ensemble. La joie qui nous guide a une grande portée. Elle est faite de choses simples, telles que rire avec des amis, apprécier un bon repas en bonne compagnie, danser ou éprouver du plaisir physique. La joie est une expression spontanée d’une âme et

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

d’un corps en paix. Le bonheur est atteint lorsque nous commençons à comprendre nos véritables besoins et motivations, et ceux des autres, et que nous avançons pour les découvrir mieux et les servir.

Dans son chapitre, Kauffman évoque essentiellement :• Les émotions positives et leurs multiples bienfaits,• Les routes royales vers le bonheur,• Les notions et conditions du flow (traduit par « flux » ou « expé-

rience optimale ») ; mener une vie pleine de vitalité et porteuse de sens,

• Les triomphes de l’espoir basé sur le réel,• Le repérage des forces,• Le véritable bonheur.Les émotions positives « élargissent et bâtissent » l’accès aux com-

pétences personnelles. Dans le domaine médical, il a été démontré que les émotions positives améliorent la fonction immunitaire et la résis-tance à l’adversité, réduisent les réponses inflammatoires au stress, augmentent la résistance aux rhinovirus, baissent le taux de cortisol ; un certain nombre d’études montre qu’elles augurent une plus grande longévité. Les émotions positives sont au cœur de l’épanouissement psychologique et ont un impact significatif sur le développement de l’intuition, de la créativité et sur la concentration.

Les émotions positives accroissent notre capacité à utiliser de mul-tiples ressources sociales, cognitives et affectives. Il est apparu que les émotions positives ont un puissant effet sur les équipes professionnel- les, ce qui conduit à la rentabilité. Des résultats d’études suggèrent que les émotions négatives permettent de faire rapidement face à des situa-tions de vie ou de mort tandis que les émotions positives restent liées aux compétences dont nous avons besoin la plupart du temps.

Les travaux de Mihaly Csikszentmihalyi montrent qu’au-delà de la satisfaction de nos besoins pour survivre et être en sécurité, ce que nous possédons n’a pas d’importance. C’est l’état d’esprit avec lequel nous ressentons les choses qui importe. Certaines études font état d’un phénomène de recherche hédoniste perpétuelle qui voit les individus s’adapter rapidement à leurs nouvelles possessions ou positions sans en retirer du bonheur, et d’une relation négative entre matérialisme et bonheur.

La recherche confirme que mener une vie pleine de vitalité et por-teuse de sens est un puissant chemin vers le bonheur. Csikszentmihalyi

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

évoque le concept de flow, ou « d’état de grâce » (« être dans la zone »), et décrit de façon très intéressante les conditions de cet état.

Les coachs ont intérêt à se familiariser avec cette théorie, particu-lièrement avec le lien entre le bonheur et le sens (des études relient les perspectives psychologiques et spirituelles). Pendant les séances de coaching, nous pouvons recourir à cette théorie et aider les clients à trouver leur propre voie d’accès au niveau supérieur de l’état de grâce. Ces découvertes issues de la psychologie positive fournissent, a posteriori, une validation supplémentaire du modèle du Tableau de Bord Prospectif Global (Rosinski, 2003), qui comprend des objectifs internes (par exemple, expérimenter le flow, la sérénité et la joie, et construire sur ses propres forces), et des objectifs externes comme « améliorer le monde » en tant que source potentiellement riche de sens et de but. Le Tableau de Bord Prospectif Global souligne l’interaction entre les diverses catégories pour favoriser son propre succès et celui des autres (voir chapitre 12, Rosinski, 2003).

D’autres études citées dans le chapitre de Kauffman incluent la classification par Peterson et Selingman des systèmes de forces, dont les résultats orientent dans la même direction que le coaching global. Par exemple, la première catégorie « sagesse et savoir » inclut cinq sous-catégories : la créativité, la curiosité, l’ouverture d’esprit, le goût d’apprendre et la mise en perspective.

Dans l’ensemble, le coaching global aide à trouver « le véritable bonheur » (caractérisé par une vie joyeuse, engagée et ayant du sens) et s’appuie sur les études issues de la psychologie positive pour identifier les ingrédients du « véritable bonheur11 ».

La psychanalyseLa psychanalyse, initiée et développée par Sigmund Freud et ses

disciples, peut être définie comme un « système de théories et thérapies psychologiques qui vise à soigner des désordres mentaux en étudiant l’interaction entre des éléments conscients et inconscients dans l’esprit, et en amenant des peurs réprimées, des conflits refoulés dans l’esprit conscient, par des techniques comme celle de l’interprétation des rêves ou celle des associations libres ». (The New Oxford Dictionary of English, 1998).

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

On n’attend pas des coachs qu’ils maîtrisent le vaste corpus de la psychanalyse. Je voudrais toutefois porter une attention particulière à ce que l’on appelle « les mécanismes de défense inconscients ».

Les mécanismes de défense inconscients (ou d’adaptation involontaire)

Dans la théorie psychanalytique, les mécanismes de défense englo-bent « tous les processus mentaux permettant à l’esprit de trouver des solutions de compromis à des conflits qu’il ne peut régler. Le processus est habituellement inconscient et les compromis nécessitent générale-ment de dissimuler des pulsions ou des sentiments qui abaissent l’estime de soi ou provoquent de l’anxiété. Le concept découle de l’hypothèse psychanalytique selon laquelle des forces dans l’esprit s’opposent et luttent les unes contre les autres12. »

George Vaillant (1977) classe les mécanismes de défense dans une hiérarchie qui correspond au niveau de développement psychanaly-tique de la personne13.

Le niveau IV correspond à des défenses matures, que l’on trouve en général chez les adultes en bonne santé. C’est souvent ce dont s’oc-cuperont les coachs qui, à la différence des psychothérapeutes, tra-vaillent la plupart du temps avec ces adultes-là. Les défenses matures englobent :

• l’humour : voir le côté drôle d’une situation même désagréable,• l’anticipation : prévoir de façon réaliste de futurs désagréments,• l’altruisme : service constructif aux autres qui apporte du plaisir

et de la satisfaction personnelle,• l’identification : se façonner inconsciemment selon le caractère

ou le comportement de quelqu’un d’autre,• la sublimation : transformer des émotions ou instincts négatifs en

actions, comportements ou émotions positifs,• la suppression : décider consciemment de surseoir à tenir compte

d’un besoin ou d’une émotion pour gérer une réalité présente ; avoir la capacité d’accéder plus tard à des émotions inconforta- bles ou stressantes et de les accepter.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Toutefois, la réalité n’est pas toute noire ou toute blanche. Même si nos coachés (et nous-mêmes) allons assez bien et semblons en bonne santé générale, nous devons nous préparer à rencontrer des mécanis- mes de défense moins favorables. Nous n’avons donc pas à être surpris lorsque nos coachés manifestent ces réactions. Nous serons en mesure d’en apprécier la dynamique et ne serons pas désarmés par ce qui se pro- duit. Il convient aussi d’apprendre à surveiller nos propres réactions au moment où nous sommes confrontés à ce type de dynamique.

Le niveau III des mécanismes de défense est considéré comme le niveau névrotique, même s’il est assez courant. Il englobe :

• l’intellectualisation : séparer l’émotion et les idées (par exemple, Jean n’était pas en contact avec sa colère),

• le déplacement : rediriger l’émotion de son objet réel vers une issue plus sûre (par exemple : ne pas dire à son patron la frustra-tion qu’il provoque et, au lieu de cela, s’emporter sur les employés ou les membres ou sa famille),

• la formation réactionnelle : convertir les souhaits ou les pulsions « dangereux » ou angoissants en leur contraire (par exemple : devenir un fervent défenseur de l’éthique, tout en étant tenté d’agir de façon non-éthique) ; le problème est que la pulsion peut finalement prédominer,

• le refoulement : enfouir des pensées douloureuses ou dangereuses dans l’inconscient ; l’émotion est consciente, mais l’idée qui la sous-tend est absente (par exemple : ressentir de l’aversion pour un collègue, sans se rendre compte consciemment qu’en fait, on le jalouse),

• la régression : rechuter temporairement à un stade antérieur du développement de l’ego plutôt que prendre en main de façon plus adulte des pulsions inacceptables (par exemple : succomber à des peurs irrationnelles, être incapable de paraître confiant, partir impulsivement ou abandonner).

À ce stade, les coachs doivent être capables d’aider les coachés à prendre conscience de la dynamique afin qu’ils gérent une situation difficile et fassent des choix avisés. Les coachés se rendent compte que la façon dont ils géraient les problèmes auparavant ne fonctionne plus dans ce nouveau contexte ; ils prennent conscience de leur pouvoir et du choix qu’ils ont d’agir différemment aujourd’hui. Toutefois, une grande vigilance s’impose. Si les coachés semblent incapables d’ac-

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

complir les actions qu’ils ont choisies, prétextant que c’est impossible, ce peut être le signe d’une résistance profondément enfouie. Peut-être des émotions douloureuses liées à un traumatisme du passé sont-elles en train d’émerger. Les nouvelles circonstances ont-elles déclenché des associations avec le passé ? Quand cela arrive, et si le coaché montre des symptômes de grande anxiété ou de dépression – c’est très rare dans mon expérience –, je suggère en général gentiment au coaché d’aller voir un psychothérapeute ou même un psychiatre. Je me souviens d’avoir adressé un dirigeant à un psychiatre qui a confirmé la dépres-sion que je suspectais. Nous avons interrompu le coaching pendant plusieurs mois et repris lorsque le coaché s’est senti de nouveau mieux, après le traitement psychiatrique.

Les mécanismes de défense du niveau II ont été appelés défenses immatures par Vaillant. Ils englobent :

• la projection : attribuer des pensées et des émotions inavouées, inacceptables, non désirées à quelqu’un d’autre,

• l’hypochondrie : transformer des sentiments négatifs envers au- trui en sentiments négatifs envers soi-même – douleur, maladie, anxiété,

• l’agression passive : exprimer indirectement ou passivement son agression envers autrui,

• l’idéalisation : choisir inconsciemment d’attribuer à quelqu’un des qualités plus positives qu’il n’en a réellement.

Ces défenses sont souvent utilisées pendant l’adolescence, mais elles deviennent très problématiques à l’âge adulte. Il se peut qu’elles accompagnent des dépressions sévères ou des troubles de la person-nalité. Ces mécanismes réduisent le stress temporairement, mais si un coaché est pathologiquement incapable de s’en détacher, le coaching devient inefficace et inapproprié, et le coaché sera mieux pris en charge en thérapie. Toutefois, si le coaché a une personnalité assez forte, il reconnaîtra certains de ces mécanismes et croira en sa capacité à chan-ger. Il passera ainsi à une posture OK–OK, ce qui arrive régulièrement dans le coaching car beaucoup de coachés l’entreprennent en situation de force. Le coaching des dirigeants offre un environnement bienveil-lant et sûr pour cette exploration et pour une confrontation toujours constructive. Le courage du coaché, sa détermination et son humilité pour se remettre en question font le reste – permettre la croissance et la transformation personnelle.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Le niveau I fait référence à des défenses psychotiques et comprend :• le déni psychotique : refuser d’accepter la réalité extérieure parce

qu’elle est trop menaçante,• la déformation : remodeler grossièrement la réalité extérieure

pour satisfaire des besoins internes.J’ai constaté personnellement que ces manifestations étaient rares

chez les dirigeants qui entrent volontairement dans le processus du coaching. Le mérite principal de la perspective psychanalytique dans le coaching est de préparer le coach à des réactions en apparence irra-tionnelles et paradoxales. Laissez-moi partager un exemple personnel : une entreprise avait fait appel à moi pour l’aider à promouvoir la diver-sité. J’ai rencontré certains managers qui se flattaient d’avoir voyagé et vécu dans plusieurs pays ; certains prétendaient parler plusieurs lan- gues. À un dîner dans un restaurant local (aux États-Unis), deux d’entre eux ont fait étalage de leur connaissance des vins français. Mais lorsque j’ai présenté le concept des attitudes face aux différences culturelles (différence entre l’ethnocentrisme et l’ethno-relativisme), les mana-gers ont réagi à mes remarques avec une résistance inhabituelle : de la frustration et même de la colère. Ils avaient le sentiment que je leur faisais perdre leur temps en leur disant des choses qu’ils savaient déjà.

Plus avant dans les entretiens, j’ai réalisé que l’entreprise ne prêtait qu’un intérêt de façade à la diversité. Un haut dirigeant m’a dit, par exemple: « Les Asiatiques avec lesquels nous traitons n’ont qu’à s’adap-ter à nos méthodes. » Heureusement pour lui, ses clients étaient des multinationales dont beaucoup s’étaient déjà assurées que leurs entre- prises en Asie suivaient les méthodes de leur siège aux États-Unis. Les dirigeants conservaient un comportement américain et ne s’adaptaient que superficiellement à quelques coutumes locales. J’ai compris que beaucoup de ces dirigeants n’étaient pas émotionnellement prêts à re- mettre en cause leur approche de la diversité comme simple reflet du « politiquement correct » et à s’engager sur la voie d’une authentique appréciation. La plupart d’entre eux étaient dans le déni.

Déni et projection allaient de pair : au lieu de reconnaître leur com-pétence limitée en matière d’approche de la diversité, les dirigeants l’ont projetée sur moi, leur coach.

Le coach est souvent exposé à devenir le « bouc émissaire» que l’on doit sacrifier pour maintenir la cohésion d’une équipe et le statu quo. Il risque alors de pénétrer dans une zone pas OK–OK et se sentir

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

gêné, coupable et incompétent. Nous ne serons peut-être pas capables de renverser la situation (le tango se danse à deux), mais il convient au moins d’apprendre à gérer utilement la dynamique du contre-transfert, comme l’explique Lenhardt (2008, 68) : « Le coach doit pouvoir gérer ses propres réactions émotionnelles et affectives, qui ont été réactivées par le transfert effectué sur lui par la personne qu’il accompagne. » En d’autres termes, il nous faut être réceptifs aux feedbacks et avoir l’hu-milité d’accepter nos inévitables erreurs, sans céder aux projections négatives. Plutôt que de nous sentir personnellement visés par la cri-tique, de nous lamenter sur l’injustice du traitement et de jouer la Victime, il y a lieu au contraire de conserver une posture assurée et constructive OK–OK.

Les situations complexes impliquant des cultures multiples sont un terrain particulièrement fertile pour des manifestations psychanaly-tiques telles que le déni et la projection. Ces dynamiques inconscientes représentent pour le coaché des occasions formidables d’apprentissa- ge ; le coaching global fournit de nombreux outils rendant possibles les confrontations bénéfiques qui favorisent de nouvelles percep-tions et une véritable métamorphose. Le coaching bien maîtrisé aide les coachés à retrouver leur conscience et la liberté de faire des choix authentiques.

Un coach efficace résiste à la tentation d’abandonner prématurément son coaché à un thérapeute. Cette option reste bien sûr indispensable si une souffrance émotionnelle empêche le coaché de fonctionner nor- malement et qu’il semble exposé à un effondrement émotionnel si le coach fait apparaître des mobiles inconscients. Parallèlement, le coach s’interdit de vouloir tout faire ; il connaît ses limites et s’y tient. Les coachs adresseront les coachés à des thérapeutes si la situation l’exige.

Le cas des psychopathesLes coachs croient au potentiel humain et présument des intentions

positives. Ils sont donc en difficulté si la réalité les confronte aux com-portements intentionnellement diaboliques de certaines personnes. Dans leur livre Snakes in suits (2006), Paul Babiak et Robert Hare révèlent les façons d’opérer des psychopathes sur le lieu de travail ; ils expliquent également de quelle façon s’en protéger*.14

* NdE : Les personnes intéressées liront avec profit et plaisir moi, moi et Moi, Hélène Vecchiali, Marabout, 2017, qui explore les différentes formes de narcissisme et la façon de les aborder.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La psychopathie est un désordre de la personnalité. Les psycho-pathes « sont sans morale et incapables d’empathie, de culpabilité, ou de loyauté envers qui que ce soit à part eux-mêmes », disent Babiak et Hare, qui décrivent la déconnexion émotionnelle des psychopathes comme « une incapacité à avoir ou exprimer des sentiments normaux sur les effets de leurs actions envers les autres personnes ».

D’une certaine façon, cette déconnexion émotionnelle est une force : les psychopathes n’ont pas à se soucier de compassion, de la culpabilité ni du remords que la majorité d’entre nous éprouve si nous nuisons à autrui. Ils n’ont aucun scrupule à faire souffrir. Ils cherchent l’excita-tion, ce qui les amène à prendre des risques déraisonnables, à manipuler ou tromper les autres pour atteindre leur but. Ils abusent de la confiance d’autrui et se comportent comme des prédateurs. Ils paraissent souvent charmants, dégagent une forme d’assurance, ce qui les rend attirants pour des employeurs potentiels cherchant par exemple des leaders cha- rismatiques. Bien que des études antérieures aient suggéré que les psychopathes ne pouvaient pas survivre dans le monde de l’entreprise, Babiak et Hare affirment que l’entreprise moderne est devenue un lieu de prédilection pour ce type d’employés. De fait, dans une culture qui valorise le risque élevé, l’image plus que la substance, et le résultat à court terme, ils se sentent chez eux. Les psychopathes intelligents sont rarement inquiétés malgré leurs comportements abusifs.

L’incapacité des psychopathes à éprouver des émotions, en par-ticulier l’amour et la compassion, ou à construire de véritables rela-tions avec autrui, les écarte de l’univers holographique qui suppose l’interconnexion de toutes choses. Les psychopathes déconnectés re- présentent l’antithèse de la personne entière, unie à elle-même et au monde entier. La coupure émotionnelle est aux antipodes du soi (forme accomplie du moi), que l’on ne peut atteindre que si notre ego accepte notre part d’ombre.

Peut-on se mettre en posture OK–OK quand on a affaire à un psy-chopathe ? Je crois que oui, mais nous devons être clair sur ce que OK signifie dans cette situation. Être OK signifie être confiant, conser-ver l’estime de soi malgré la tentative de déstabilisation du psycho-pathe, ne pas se sentir en faute si on tombe dans un piège du psy-chopathe ou si on ne parvient pas à le démasquer. OK–OK signifie s’adresser avec assertivité au psychopathe : fermement mais sans agressivité (ce qui de toute façon provoquerait un retour agressif),

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

calmement mais avec détermination. Gardez à l’esprit que la posture OK–OK ne désigne jamais l’acceptation naïve ni la confiance aveugle.

Cela dit, la perspective psychologique est très souvent insuffisante pour confronter les psychopathes. Ceux-ci sont des maîtres en jeux po- litiques, qu’ils pratiquent de façon négative et destructrice. Se protéger soi-même et protéger son entreprise de ces prédateurs nécessitent de s’engager dans une politique constructive, notamment en créant des al- liances. Nous examinerons comment le faire dans le prochain chapitre.

Il est probable qu’il y ait eu quelques psychopathes parmi les hauts dirigeants imprudents qui précipitèrent la chute de grandes banques durant la crise financière de 2008, et qu’ils n’éprouvent ni remords ni responsabilité pour leurs actions insensées.

Ce n’est pas le genre de personnes qui entreprendraient un travail de développement personnel avec un coach global. Pourtant, il arrive que des coachs rencontrent des psychopathes. En pareil cas, la perspective psychanalytique vous avertira du danger. Ne présumez toutefois pas qu’un coaché est un psychopathe parce qu’il en affiche certaines carac-téristiques ! En cas de doute, vous pouvez consulter la description et les conseils de Babiak et Hare.

LibertéJe terminerai ce chapitre en exprimant une opinion divergente. Le

philosophe français Jean-Paul Sartre refusait le concept freudien de l’inconscient, préférant la notion de « mauvaise foi » de la conscience. Les dirigeants que j’ai décrits plus haut savaient probablement en leur for intérieur qu’ils n’étaient pas honnêtes et n’exprimaient qu’un inté-rêt de façade pour la diversité. Selon Sartre14,15l’homme n’est pas le pantin de son inconscient mais, écrit-il, il est « condamné à sa liberté ». Au contraire d’un objet inanimé, dont l’essence (la raison d’être) pré-cède l’existence (par exemple : un verre est créé pour contenir du liquide), « l’existence de l’homme précède son essence ». En d’autres termes, l’homme est libre de choisir cette essence. Les dirigeants dont j’ai parlé pouvaient soit vivre comme des « salauds » (pour reprendre l’expression de Sartre, que je n’utiliserais pas avec mes clients !) en accord avec leur « mauvaise foi », soit choisir d’accorder leurs actions et leurs paroles. À l’aide du coaching, ils seraient à même de corriger

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

leur conditionnement mental négatif et de développer une façon d’être authentique.

La contradiction ne dérange pas les coachs globaux, car ils acceptent la complexité et ses paradoxes. Si l’inconscient existe, il peut être dé- voilé ; il n’est jamais une excuse pour éviter d’être responsable.

Le coaching global nous offre les perspectives multiples et les outils interconnectés pour aider les coachés à prendre conscience de leurs préjugés, étendre leur vision du monde, découvrir de nouvelles possi-bilités, accepter la complexité et, par conséquent, exercer leur liberté. L’analyse transactionnelle est devenue mon outil psychologique pré-féré parce qu’elle permet aux coachés de faire face à leurs responsabi-lités et à leurs choix en toute situation.

NOTES1. J’aimerais remercier Michel Chalude, qui m’a formé et fut l’un des premiers

psychologues à introduire l’AT en Europe. Je suis également reconnaissant envers Janine Somers, qui a utilisé l’AT avec succès en tant que psychothéra-peute et m’a donné l’occasion de l’apprendre au cours de mon propre dévelop-pement personnel.

2. De plus, « un échange de signes de reconnaissance constitue une transaction,ce qui est l’unité de la communication sociale » (Berne, 1964, 15) ; d’où ana-lyse transactionnelle.

3. Le nom des coachés a été modifié et celui de la compagnie cliente n’a pas étédivulgué par souci de confidentialité.

4. Briggs Myers, 2000.5. Waterman et Rogers, 2007. Voir aussi l’étude du coaching individuel d’un

dirigeant, chapitre 7.6. Le MBTI oppose des préférences deux à deux : Extraverti/Introverti ;

Sensation/Intuition ; Thinking/Feeling ; Jugement/Perception. Il croise ces préférences en 16 types : par exemple, ENTJ est qualifié de « Meneur ». Les quatre associations majeures sont : ST – pratiques, logiques ; SF – humains, concrets ; NF – visionnaires ; NT – ingénieux.

7. Jacques choisit ces deux points, liés au « Sentiment », Sentiment étant actuel-lement sa fonction inférieure. Naomi Quenk propose l’explication sur cette fonction inférieure : « Nous sommes tous capables d’utiliser nos fonctions tertiaires et inférieures lorsqu’une tâche particulière les exige. Quand notre processus le moins développé est utilisé consciemment, nous pouvons l’envi-sager comme la quatrième fonction ou la fonction que l’on préfère le moins. Quand ce processus est engagé inconsciemment et opère hors de notre con-trôle, il sert de fonction inférieure… L’utilisation délibérée de la fonction que l’on préfère le moins est assez différente de l’événement fortuit ou « attaque », que l’on décrit comme étant sous l’emprise de sa fonction inférieure. » (Quenk, 1993, 47-48).

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LA PERSPECTIVE PSYCHOLOGIQUE

8. J’ai décrit comment utiliser ces deux outils dans les annexes 1 et 2 de mon livre précédent, Le Coaching interculturel.

9. Voir chapitre 2. Lenhardt est titulaire d’un doctorat en psychologie. Il est à la fois psychothérapeute et coach.

10. Cette section est adaptée de Abbott et Rosinski, 2007.11. La recherche interculturelle peut enrichir la psychologie positive en soulignant

les variations culturelles dans la façon de concevoir le bonheur. Par exemple, la chercheuse américano-taiwanaise Jeanne Tsai a entrepris de nombreuses études qui montrent des variations surprenantes quant au type de bonheur auquel on aspire. Elle a découvert que les Américains d’ascendance euro-péenne aspirent le plus souvent à une joie exaltée – peut-être en raison de l’individualisme de la culture américaine et de sa valorisation de la capacité d’influencer autrui. Les personnes élevées dans les cultures asiatiques, plus collectivistes et qui privilégient l’adaptation aux autres, aspirent le plus sou-vent à une joie tranquille. Les Américains d’origine asiatique, influencés par les deux cultures, tendent à se retrouver dans les deux aspirations (Tsai, 2006). Les coachs doivent prendre en compte l’environnement culturel des coachés lorsqu’ils cherchent à faciliter la réflexion et engagent un dialogue sur les aspi-rations et les joies.

12. www.britannica.com/EBchecked/topic/155704/defense-mechanism. Consulté le 15 mai 2009.

13. Certaines explications du texte suivant sont adaptées de « Defence Mecha-nism », Wikipédia http://en.wikipedia.org/wiki/Defense_mechanism. Consulté les 15 et 18 mai, 2009. Les exemples sont de moi.

14. Voir en particulier Sartre, 1946.

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Chapitre 6

La perspective politiqueConstruire le pouvoir et le service

La politique est une activité qui construit et maintient votre pouvoirpour atteindre vos buts.

En 1998, j’ai plaidé en faveur de « la politique construc-tive », et soutenu qu’elle est indispensable au leadership1.

Entrez dans n’importe quelle entreprise et prononcez le mot « politique » ; vous constaterez que, pour la plupart, les gens hochent dédaigneusement la tête. Le mot a une connotation néga-tive, car il évoque des agendas cachés, la manipulation, la trom-perie, l’aliénation, les luttes et l’intrigue pour obtenir des postes. Au pire, la politique est perçue comme destructrice, au mieux, comme un mal nécessaire.À mon avis, pourtant, la politique dans l’entreprise n’a aucune raison intrinsèque d’être destructrice. En fait, il est fondamental que les leaders aient un impact. Pour qu’elle soit constructive, ils ont à se défaire de leurs préjugés négatifs, l’aborder de façon méthodique et s’y engager avec un sens de sa finalité.En coachant des dirigeants et des équipes de direction, j’ai décou-vert qu’il est important d’envisager la politique constructive sous deux dimensions : le pouvoir et le service.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Les coachs sont en mesure d’aider les coachés à examiner de façon systématique les sources et la dynamique de leur pouvoir. La notion de politique constructive s’accorde aux valeurs de base du coaching. Si on se réfère à ma définition de la politique - une activité qui construit et maintient votre pouvoir pour atteindre vos buts -, le pouvoir peut être compris comme « la capacité à atteindre vos objectifs significatifs et importants ». La politique est un processus. Le pouvoir est poten- tiel et provient de sources différentes. Dans la Politique Constructive, je cite les sources de pouvoir suivantes : les réseaux externes, les alliés internes, le savoir, la crédibilité, la capacité à formuler des choix, l’auto- rité formelle, les compétences inter et intra-personnelles. La politique devient constructive quand elle s’emploie aussi au service d’autrui - lorsque nous tentons de comprendre les espoirs, les besoins et les rêves des autres et de chercher, de façon créative, un terrain commun entre leurs buts et les nôtres. Nous voulons être ouverts aux souhaits d’autrui tout en restant fidèles aux nôtres et chercher des synergies ou des situa-tions gagnant – gagnant novatrices. Aider les autres à atteindre leurs objectifs est un but en soi (Rosinski, 2003, 123).

Sources de pouvoir2

Pendant que nous passons en revue les sources habituelles du pou-voir, je vous invite à réfléchir à une situation difficile que vous affron-tez. Peut-être serez-vous en mesure d’évaluer le pouvoir relatif dont vous disposez dans cette situation, en notant chaque source séparément sur une échelle de 0 (aucun pouvoir) à 5 (grand pouvoir). Cette simple évaluation vous aidera à en découvrir les sources importantes que vous auriez négligées : par exemple, l’identification des alliés susceptibles de vous soutenir ; à défaut, vous pourriez vous sentir contraint de sup-porter une situation désagréable. Inversement, peut-être aviez-vous plus de pouvoir que vous ne le pensiez ; réfléchissez alors à des façons d’en tirer profit. En tant que coach global, vous inciterez vos coachés à utiliser cette évaluation systématique. L’étape suivante consiste à imaginer d’autres façons de vous doter de plus de pouvoir, d’assurer son assise en déployant autant de sources que possible et en capitali-sant sur le pouvoir déjà disponible.

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LA PERSPECTIVE POLITIQUE

Le réseau externeEst facteur de pouvoir le fait de connaître et d’atteindre des

personnes-clés extérieures en capacité d’aider l’entreprise de façon significative – par exemple, un grand client potentiel, une personnalité politique influente ou un expert utile.

Les alliés internesL’interdépendance est inhérente à la vie des organisations. Nous

avons besoin des autres pour réaliser nos objectifs. Donc, il nous faut développer et maintenir un solide réseau d’alliés internes. Le pouvoir vient du développement de bonnes relations avec des personnes-clés de l’organisation. Un moyen efficace consiste à contribuer à leur tra-vail, ou bien à concourir d’une façon ou d’une autre à leur vie, en leur donnant par exemple l’opportunité de prendre part à un projet qui s’in-tègre dans un objectif personnel particulièrement important.

Le savoirLa force physique et la fortune étaient jadis les sources dominan-

tes du pouvoir. Dans Powershift, Alvin Toffler soutient que le savoir les a supplantées (1990). Il explique que les entreprises recherchent en permanence des informations pertinentes pour prendre l’avantage sur les concurrents. La même idée s’applique aux individus et aux équipes.

Le problème n’est pas la quantité des informations. Nous sommes inondés d’informations. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une infor-mation synthétisée, à jour, spécifique et pertinente, en un mot : savoir.

La crédibilitéSi les leaders (plus généralement, les contributeurs) sont crédibles

et dignes de confiance et s’ils obtiennent constamment de bons résul-tats, leur capacité à atteindre leurs objectifs est augmentée. On souhaite faire appel à eux. Ils sont recherchés, leur pouvoir en est accru – pour autant que leurs résultats soient conformes aux attentes et qu’ils fassent honneur à la confiance placée en eux.

Tout comme les entreprises font la publicité de leurs produits et de leurs marques, les contributeurs doivent reconnaître qu’il importe de se faire valoir pour renforcer sa crédibilité. Je travaille régulièrement avec des dirigeants très performants qui considèrent que leurs résultats

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

parlent d’eux-mêmes, ce qui fonctionne jusqu’à ce qu’une promotion leur échappe au bénéfice d’un collègue qui aura obtenu moins de résul-tats mais aura été politiquement plus actif.

Le choixDisposer d’alternatives en toutes situations est une source de pou-

voir. C’est même un principe de base dans toute négociation. Roger Fisher et William Ury (1981) y font référence sous l’abréviation BATNA (Best Alternative To a Negotiated Agreement). Par exemple, prenez une situation dans laquelle un manager négocie avec un ven-deur d’ordinateurs. Si une gamme d’ordinateurs remplit ses exigences de qualité, mais que le vendeur est tenu d’atteindre des objectifs de vente, le manager est dans une relative position de force. Par consé-quent, mieux vaut éviter d’être trop dépendant d’un supérieur, d’un subordonné, d’un client ou d’un fournisseur.

L’autorité formelle (ou statutaire)La maîtrise des ressources et des décisions est la source de pouvoir

la plus connue. Malgré la reconnaissance croissante du leadership sans autorité formelle, cette dernière demeure importante au plan politique, assurément dans les cultures hiérarchiques et même dans les cultures égalitaires. Si la seule autorité statutaire ne garantit pas l’atteinte des objectifs, elle fournit habituellement plus de ressources et d’opportuni-tés pour mettre des idées en œuvre, ce qui facilite le succès, accroît la visibilité et, de là, conduit à de nouvelles opportunités d’atteindre des buts importants.

Les compétences relationnellesL’étude du leadership et la formation au leadership se concentrent

souvent sur les compétences relationnelles comme source de pouvoir. La persuasion, l’humour, l’assurance, l'écoute et le respect d’autrui et la capacité d’adopter des perspectives différentes augmentent l’apti-tude à travailler efficacement avec d’autres et à développer le soutien et l’engagement nécessaires pour atteindre les objectifs de l’entreprise (particulièrement ceux qui coïncident avec des objectifs personnels).

Les compétences personnellesLe pouvoir résulte aussi de capacités comme la créativité indivi-

duelle (la capacité à examiner les problèmes dans des perspectives

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LA PERSPECTIVE POLITIQUE

multiples et à élaborer des solutions utiles), la forme physique (énergie et endurance), l’optimisme et les capacités mentales (par exemple, une bonne mémoire des faits).

L’ancien Premier ministre belge Wilfried Maertens, remportait assez souvent des négociations tard dans la nuit, quand tout le monde était fatigué et s’apprêtait à partir.

Les Présidents américains Bill Clinton et Barack Obama projetaient un optimisme impressionnant et contagieux. Le « Yes, we can » a sym-bolisé cette assurance en dépit de grandes difficultés.

L’approche dynamiqueLes coachs apporteront une aide très précieuse en passant en revue

les sources du pouvoir de façon systématique, en identifiant les zones-clés sur lesquelles se concentrer et les façons concrètes de construire ce pouvoir.

Dans mon livre précédent, j’ai expliqué comment les dirigeants construisent des alliances internes en identifiant les principales parties prenantes, en évaluant leur proximité avec elles (du point de vue de la cohérence stratégique et de celui de la proximité relationnelle), en les rencontrant, en trouvant des synergies et en réglant les situations difficiles3.

Le simple fait de répertorier les parties prenantes lors d’une séance de coaching révèle souvent de grandes lacunes. Malgré leur rang élevé, les coachés connaissent souvent à peine certains collègues de grande influence qui peuvent agir sur le résultat de projets importants. Construire pro-activement des relations choisies devient un objectif que les coachs font identifier par leurs coachés pour qu’ils créent les meilleures occasions, y compris par une bonne préparation à des ren-contres brèves ou impromptues avec ces puissantes parties prenantes.

Les coachs aideront aussi à découvrir les motivations des parties prenantes, à trouver des moyens constructifs pour aborder les diffé-rences de stratégie en faisant la synthèse des points de vue. Il faut alors souvent puiser dans les autres perspectives du coaching global, en par-ticulier la psychologie, la culture et la spiritualité.

Cette approche peut aller si loin que rien d’autre ne sera habituel-lement nécessaire. Toutefois, pour ceux qui s’intéressent à la politique

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

ou qui veulent repérer, pour s'en protéger, des tactiques politiques nuisibles pour eux et pour l'organisation, pour les Machiavel modernes en quelque sorte, je mentionnerai un guide amusant et érudit : Les 48 lois du pouvoir (Greene et Elfers, 1998). Leur conseil, par exemple « d’utiliser la patte du chat » est cynique et invite les gens à construire leur pouvoir aux dépens d’un collègue.

Dans la fable, le singe attrape la patte de son ami, le chat, et l’utilise pour sortir des châtaignes du feu, dont il raffole, sans se brûler.

Si quelque chose de déplaisant ou d’impopulaire doit être fait, il est trop risqué pour vous de le faire vous-même. Vous avez besoin de la patte du chat – quelqu’un qui va faire le sale boulot à votre place. La patte du chat attrape ce dont vous avez besoin, blesse celui que vous devez blesser et empêche les autres de voir que c’est vous qui êtes responsable. (1998, 206).

Qui qualifierait cette approche de politique constructive ? Elle con- viendrait cependant à qui on confie régulièrement le rôle du bourreau sans cœur, lequel aurait raison de demander aux autres de jouer leur part. Toutefois, en dehors de toute considération morale, ce ne sera pas toujours de bon conseil. Prendre une position courageuse, même impopulaire, peut vous valoir du respect et donc du pouvoir. L’exemple de l’ancien président français François Mitterrand vient à l’esprit. En 1981, il s’engagea en faveur de l’abolition de la peine de mort alors que l’opinion publique y était encore défavorable. Cette décision contri-bua pourtant à construire rapidement la stature d’homme d’État de Mitterrand.

Le service4

La politique n’est pas constructive si elle n’est bénéfique qu’au leader. Elle doit servir les autres – supérieurs, subordonnés, pairs, clients et actionnaires – ainsi que la société en général. Le pouvoir donne du poids et des moyens ; le service guide nos actions. Dans mon expérience, accéder à la perspective spirituelle est un moyen très effi-cace d’épouser un objectif plus large et de se mettre sincèrement au service des autres.

Les leaders diffèrent dans leur disposition au service, en fonction de la force de leur engagement envers autrui, mais aussi du nombre

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LA PERSPECTIVE POLITIQUE

de personnes qu’ils essaient d’aider. Au niveau d’engagement le plus élevé, les leaders s’emploient à servir le monde dans son ensemble et pas seulement ceux qu’ils représentent ou avec qui ils partagent des intérêts communs. Ils sont prêts à sacrifier leurs intérêts égoïstes si ces derniers vont à l’encontre du bien commun. Ne pas prendre en compte ces questions sérieuses entraînerait, au bout du compte, une perte de pouvoir pour tout le monde.

Les leaders diffèrent par leur enthousiasme et leur capacité à écou-ter, faire preuve d’empathie, faire confiance, respecter, partager et être attentionné. En développant une intelligence émotionnelle, culturelle et spirituelle avec l’aide des perspectives du coaching global, les lea-ders peuvent déployer ces qualités :

ÉcouterLa capacité à écouter les autres, sans présumer que nous savons déjà

ce qu’ils vont dire et sans les interrompre pour énoncer notre point de vue, est crucial pour une politique constructive. Elle signifie accepter et respecter le désaccord et être convaincu qu’un terrain d’entente pourra être trouvé à un moment donné.

Faire preuve d’empathieEn plus d’écouter et de comprendre intellectuellement les opinions

d’autrui, faire preuve d’empathie, c’est s’imaginer dans sa situation, comprendre ses sentiments et ce qui nourrit ces derniers. Au-delà des idées, il convient donc d’aborder le champ des sentiments.

Faire confianceLa confiance est essentielle à la politique constructive mais elle

n’implique pas une acceptation aveugle. Il est judicieux de dévelop-per la capacité de reconnaître la sincérité d’autrui, la cohérence de son action et d’en tenir compte dans notre propre plan d’action.

RespecterRespecter les autres et le travail qu’ils font est un élément-clé du

service, ce qui s’avère pourtant difficile dans des entreprises qui valo-risent certains types de travail, comme l’analyse financière ou la straté-gie, et en sous-estiment d’autres, comme les fonctions de soutien.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

PartagerTenter à tout prix de convaincre autrui d’accepter notre lecture d’une

situation est une erreur. Pour autant, il est légitime de faire connaître notre position. C’est ce qui permet aux autres de comprendre et de juger nos paroles et nos actions.

Prendre soin d’autruiL’aptitude à prendre soin d’autrui est probablement la plus impor-

tante que nous puissions mettre à son service. Sans elle, les autres apti-tudes ne sont qu’utilitaires. Selon le psychologue Alfred Adler, cette posture relève « d’un sentiment profond d’identification, de sympa-thie et d’affection, malgré la colère occasionnelle, l’impatience, ou le dégoût » et « d’un véritable désir d’aider l’espèce humaine5 ». Cette attitude se situe au-delà de la morale, dans le domaine de l’amour.

Ensemble, ces qualités orientent efficacement la construction et l’usage du pouvoir.

Les quatre types politiques de base6

Pour bien comprendre l’interaction entre les deux dimensions de la Politique Constructive, le pouvoir et le service, pensez à quatre types politiques de base, qui peuvent être combinés dans une matrice binaire 2/2 (voir tableau) : le Cavalier Seul, l’Idéaliste, le Prince, et le Bâtisseur Éclairé. Ces quatre types politiques vous aideront à évaluer votre situation et à vous fixer des objectifs de développement pour une politique constructive. Le pouvoir vous permet d’atteindre vos buts ; le service assure qu’autrui s’en trouvera mieux ainsi.

L’IDÉALISTE LE BÂTISSEUR ÉCLAIRÉ

LE CAVALIER SEUL LE PRINCE

Bas POUVOIR Haut

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SERVICE

Haut

Bas

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LA PERSPECTIVE POLITIQUE

Le Cavalier Seul Avec une propension faible au service et peu de pouvoir, le Cavalier

Seul est perçu comme centré sur lui-même. Il lui arrive d’avoir une grande compétence technique et de très bien réussir dans certaines activités – pensez à un grimpeur solitaire capable de franchir une haute paroi verticale. Si les conditions sont réunies – avec un pa- tron protecteur ou une situation qui présente peu d’interdépendances – les Cavaliers Seuls ne ressentiront pas le besoin de pouvoir, ni le besoin de s’engager en politique. Dans une situation interdépendante, toute-fois, ils risquent de se sentir frustrés par l’incapacité à se concentrer sur leur travail technique et à s’y engager de façon productive.

L’IdéalisteL’Idéaliste a un réel désir de servir autrui mais dispose de peu de

pouvoir. Souvent perçu comme un militant, ce type politique a des chances de réussir par la persévérance mais est souvent frustré par des obstacles bureaucratiques. Les Idéalistes tendent à ne pas aimer la politique, en raison souvent de leur évitement des conflits. Comme ils sont tournés vers autrui, les Idéalistes attachent souvent moins d’im-portance aux activités liées à leurs propres buts. Dans certains cas, ils en arriveront à accuser autrui de leurs échecs et à se poser inconsciem-ment en victimes.

Le PrinceLe Prince, tel qu’il est décrit dans l’œuvre classique de Machiavel,

a beaucoup de pouvoir mais est très profondément engagé – ou perçu comme tel – dans sa propre promotion. Bien que souvent vu de façon négative, dans certaines circonstances, ce type politique est le mieux à même de faire en sorte que les choses se produisent pour atteindre des objectifs collectifs. Toutefois, le Prince court un risque élevé de s’aliéner autrui, ce qui peut éroder son pouvoir à terme.

Le Bâtisseur ÉclairéAvec un désir de servir autrui et un pouvoir bien développé, le

Bâtisseur Éclairé est le type politique le plus susceptible d’être décrit comme un leader. Ce type utilise la politique pour aider les autres à identifier les défis et à les relever, menant ainsi à l’accomplissement des missions de l’entreprise ou de l’institution. Les Bâtisseurs Éclairés ont des objectifs personnels et acceptent que les autres en aient aussi.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Ils puisent dans leurs motivations propres pour servir les autres en général.

Développer la politique constructiveLes coachs et les coachés utiliseront la matrice avec profit pour éva-

luer leur situation actuelle et identifier les écarts qu’ils doivent combler pour que leur pouvoir corresponde à leur ambition et pour que leurs actions aient un impact positif, ou tout au moins neutre, sur la société.

La matrice montre clairement, par exemple, que dans le cas où leurs actions généreuses et nobles n’auraient qu’un impact dérisoire et frustrant, les coachés auront à renforcer leur pouvoir pour passer du quadrant de l’Idéaliste à celui du Bâtisseur Éclairé. De même, si les coachés jouissent d’une position de pouvoir mais s’interrogent sur l’héritage qu’ils laisseront et aspirent à donner du sens à leur vie, il leur faudra plus de « service » pour passer de Prince à Bâtisseur Éclairé.

Pour cela, les questions suivantes ont lieu d'être posées en coa-ching : « Quelles sources importantes de pouvoir avez-vous négligées ? Que pouvez-vous faire pour construire cette source de pouvoir parti-culière ? » Les coachés proposent souvent des idées inattendues sur lesquelles les coachs rebondiront avec le questionnement habituel : « Qu’est-ce-qui vous empêcherait de faire ceci ? », « Que se passe-rait-il si vous développiez cette capacité7 ? »

Au-delà de ces questions traditionnelles en coaching, le coach pro-posera des outils et des méthodologies pour créer systématiquement des alliances, une source cruciale de pouvoir.

Toutefois, interagir à un niveau cognitif n’est pas toujours suffisant. Aborder le domaine des émotions est souvent essentiel : par exemple, atteindre la colère pour retrouver du pouvoir. De même, éveiller la tristesse pour permettre le travail de deuil et inciter à abandonner des occupations futiles pour en favoriser d’autres plus épanouissantes et orientées vers le service. Les niveaux instinctif, émotionnel et spirituel complètent l’exploration cognitive.

Les archétypesPour approfondir ce cheminement, une référence explicite aux ar-

chétypes de notre inconscient collectif - comme vous le découvrirez au chapitre 10 - sera une aide précieuse pour les coachs globaux. Le

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LA PERSPECTIVE POLITIQUE

rôle du coach est de révéler les héros qui sommeillent en nous. À ce stade, je vais mentionner certains archétypes qui sont particulièrement pertinents. Leur nom vous donnera une idée de ce qu’ils représentent et de leurs contributions.

Le Bienfaiteur et l’Amant sont clairement vivants chez l’Idéaliste. Le Guerrier et le Magicien sont présents chez le Prince. Associés au Souverain (guidé par le Sage et raillé par le Fou) ils forment le Bâtisseur Éclairé. D’autres archétypes peuvent intervenir. Par exemple, l’Explo-rateur nous aide à acquérir de nouvelles connaissances, et le Créateur nous permet d’élaborer de nouvelles solutions et d’augmenter ainsi no- tre pouvoir.

Progresser vers le Bâtisseur Éclairé (autant qu’il est nécessaire) devient une question d’identification et de développement des arché-types dont nous avons besoin (comme expliqué au chapitre 10). Nous libérons plus notre potentiel en amenant ces héros cachés vers l’avant de la scène. Nous facilitons également ce processus avec nos coachés.

NOTES1. Rosinski, 1998.2. Adapté de Rosinski, 1998, 1-2.3. Rosinski, 2003, 138-140.4. Adapté de Rosinski, 1998, 2-3.

5. Adler, 1979, 15 ; Heinz Ansbacher note que lorsque « Maslow étudia despersonnes de santé mentale idéale, il trouva que l’une de leurs caractéris-tiques était le Gemeinschaftsgefül (intérêt social), qui était le critère d’Adler pour la santé mentale ». Incidemment, nous nous réfèrerons de nouveau au Gemeinschaft au chapitre 11 en explorant le point de vue de Martin Buber.

6. Adapté de Rosinski, 1998, 3-4 et Rosinski 2003, 123-125.7. Le méta-modèle de la PNL (programmation neurolinguistique) s’avère très

utile dans ce genre de dialogue. Voir Rosinski, 2003, 267-271.

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Chapitre 7

La perspective culturellePromouvoir la diversité et la créativité

La culture d’un groupe est l’ensemble des caractéristiques uniques qui distingue ses membres de ceux d’un autre groupe1.

Le coaching, défini comme « l’art de faciliter le déploiement du potentiel humain en vue d’atteindre des objectifs importants et significatifs » (Rosinski, 2003, 4), s’est essentiellement déve-

loppé à partir du bon sens (par exemple : établir des priorités, gérer son temps, …) et de la psychologie (par exemple : la psychologie com-portementale, l’intelligence émotionnelle, …). Pendant de nombreuses années, la dimension culturelle a été ignorée ou n’a reçu qu’une atten-tion superficielle. Le coaching issu des États-Unis supposait une vision du monde qui n’était pourtant pas d’application universelle. Dans Coaching across Cultures (Rosinski, 2003), j’ai voulu aider à mieux déployer le potentiel humain en exploitant la richesse de la diversité culturelle.

Le coaching interculturel cherche à atteindre deux buts : • Permettre de travailler plus efficacement en situation intercultu-

relle, sur le plan international comme avec des personnes d’orga-nisations et d’environnements différents ;

1 Page 203.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

• Proposer une forme plus créative de coaching. L’approche remet en cause les biais culturels et vous projette, vous coach, ainsi que les coachés, au-delà de leurs limites précédentes et des vôtres, ce qui offre de nouvelles possibilités pour penser différemment, communiquer, gérer son temps et entreprendre diverses activités.

Comme je l’ai dit en exergue, la culture d’un groupe est définie comme l’ensemble des caractéristiques uniques qui distingue ses membres de ceux d’un autre groupe (Rosinski, 2003, 20). Ces caracté- ristiques comprennent des comportements externes, visibles, et d’autres traits internes, cachés, tels que les normes, les valeurs, et les hypo-thèses de base. Le poète David Whyte a dit un jour : « Les difficultés s’effacent lorsque nous agrandissons notre territoire intérieur, tout en simplifiant notre travail extérieur »2. Les coachs interculturels amènent leurs coachés à mieux prendre conscience de leur carte du monde et à l’élargir (la réalité interne) pour aborder des situations complexes et permettre des actions efficaces (la réalité externe). En retour, ces expé-riences enrichissent le répertoire culturel des coachés et favorisent une spirale d’apprentissage ascendante.

Depuis la publication de Coaching across Cultures, un plus grand nombre de personnes reconnaît qu’il convient de prendre en compte la culture.

Une étude conduite en 2008 par Andrew Lambert du Corporate Research Forum dans cinquante entreprises du Royaume-Uni (dont plusieurs groupes internationaux) a mis en relief que le coaching interculturel est une orientation nouvelle : « Le rythme de la mondiali-sation s’est considérablement accéléré depuis 2001, et bien peu d’orga-nisations n’en sont pas affectées. Beaucoup d’entre elles doivent main-tenant relever le défi de s’intégrer et se délocaliser à l’étranger pour gagner des parts de marché et être rentables. » (63). Lambert explique qu’ « en construisant ce qui a été appelé “l’intelligence culturelle”, le coaching opère comme un ajout sur mesure au développement de la conscience culturelle et aux activités d’intégration ». Il m’attribue le mérite « d’avoir proposé le premier examen complet de ce thème ». Lambert note aussi : « Il se fait un point d’honneur à prendre en compte plus que la culture nationale. Le nombre croissant des fusions et acqui-sitions et des coentreprises transfrontalières met au défi de combiner

2 Page 203.

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LA PERSPECTIVE CULTURELLE

à la fois les cultures d’entreprise et les cultures nationales. Les cultures de métier sont une autre dimension. Une organisation peut inclure de nombreuses disciplines professionnelles… »

Plusieurs universités et écoles de commerce ont commencé à in- troduire le coaching interculturel dans leurs programmes et projets de recherche, dont Oxford Brooks University (Kate Gilbert), Surrey University (Almuth McDowell et Céline Rojon) au Royaume-Uni, et l’Université de Sydney (Anthony Grant et Geoffrey Abbott) en Australie. C’est aussi le cas à la Kenichi Ohmae Graduate School of Business à Tokyo, où j’enseigne le coaching interculturel pour les ma- nagers dans un MBA consacré à la mondialisation.

Mais bien que l’Harvard Business School ait choisi Coaching across Cultures comme recommandation-phare dans la catégorie du business leadership, le coaching aux États-Unis (tant professionnel que de lea-dership) semble plus lent à adopter la diversité culturelle. Il est possible que l’ouverture multiculturelle du président Obama (en particulier aux nations et aux religions) influence le coaching aux États-Unis et donne une meilleure visibilité à la culture.

En 2006, plusieurs collègues et moi-même3 avons lancé des sémi-naires internationaux de trois jours sur le coaching interculturel. Les participants sont des coachs professionnels chevronnés, des leaders expérimentés rompus à l’utilisation du coaching et des intercultura-listes compétents. Pendant les séminaires, ils apprennent expérimen-talement la façon d’intégrer la dimension culturelle dans le coaching et de retirer le meilleur profit de la diversité4. En 2006, j’ai aussi com-mencé à développer l’évaluation en ligne du COF*, que j’aborderai dans ce chapitre.

Toutefois, malgré ces signaux positifs, il reste un long chemin à par- courir avant que la culture soit systématiquement intégrée au coaching et que tous les coachs fassent l’effort d’apprendre la perspective cultu-relle et l’introduisent dans leur pratique, avant que les principales entre- prises et institutions prennent conscience des bénéfices du coaching interculturel et commencent à l’adopter elles aussi. La bonne nouvelle est que la culture, restant une dimension largement inexploitée, consti-tuera un puissant levier de progrès.

3 Page 203.4 Page 204.* NdE : Cultural Orientations Framework, par abréviation COF (NdT).

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Le tableau des orientations culturelles (COF)Pour intégrer systématiquement la culture dans le coaching,

nous avons besoin d’un langage, d’un lexique, pour décrire les ca- ractéristiques culturelles. La tâche paraît difficile : il existe un nombre presque infini de comportements possibles, de normes, de valeurs et d’hypothèses de base. Heureusement, une approche pragmatique per-met de nous concentrer sur les aspects les plus pertinents et les plus saillants, en nous fondant sur les travaux d’éminents intercultura-listes. Le tableau des orientations culturelles (COF) (Rosinski, 2003, 2ème partie) sert cet objectif. Le COF est un schéma intégratif conçu pour évaluer et comparer les cultures. L’évaluation COF est un outil de mesure spécifique au coaching très précieux à la fois pour intro-duire un dialogue profond dans le coaching et pour former des coachs. Son utilisation détermine des profils COF individuels et collectifs, tout en donnant la possibilité de créer de nouvelles dimensions culturelles reflétant des contextes particuliers.

Le COF comprend une gamme de dimensions/orientations cultu-relles, regroupées en 7 catégories ayant une importance concrète pour les leaders, les coachs professionnels et quiconque s’efforce de libérer le potentiel humain dans les organisations :

• Sens du pouvoir et de la responsabilité,• Approches de la gestion du temps,• Définitions de l’identité et du but,• Fonctionnements organisationnels,• Notions de territoires et de limites,• Modèles de communication,• Modes de pensée.Le COF se base sur les découvertes d’anthropologues, d’experts

en communication et de consultants interculturels, tels Florence Kluckhohn et Fred Strodtbeck (1961), Edward Hall (1976), Geert Hofstede (2001), et Fons Trompenaars (1997)5. Une orientation cultu-relle est une propension à penser, ressentir ou agir d’une façon déter-minée ou, en tout cas, influencée par la culture. Les Américains, par

5 Page 204.

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LA PERSPECTIVE CULTURELLE

exemple, ont tendance à communiquer de façon directe, en disant ce qu’ils pensent et en pensant ce qu’ils disent. Le message est clair, mais risque de paraître offensant. Leur orientation culturelle est la commu-nication directe. Les Asiatiques ne disent pas nécessairement ce qu’ils pensent, au risque de ne pas être compris, pour éviter de heurter les sentiments d’autrui.

Les orientations culturelles n’ont pas de frontières nettes. En d’au-tres termes, personne n’est totalement direct ou indirect ; les individus et les cultures se situent dans un continuum limité par ses deux extrê-mes. Par exemple, vous pouvez communiquer de façon directe dans 75 % des cas et de façon indirecte le reste du temps (voir graphique ci-dessous). En ce cas, en matière de dimension interculturelle « com-munication directe-indirecte », votre orientation culturelle est principa-lement « communication directe ».

Exemple : Dimension culturelle communication directe-indirecte

100 % 75 % 50 % 25 % 0 %

Directe Directe

Orientation de communication Orientation de communication directe indirecte

Le tableau COF vous aide à :• Évaluer les cultures. Le COF fournit un langage pour décrire les

traits marquants d’une culture et attire l’attention sur les variables et tendances culturelles-clés.

• Découvrir de nouvelles options culturelles. Comparons une orientation en faveur de l’organisation hiérarchique et la prédi-lection pour une structure plane. Les constantes qui paraissent si naturelles et universelles semblent tout à coup relatives, voire par-tiales, lorsqu’elles sont confrontées à leurs opposées. Les orien-tations qui n’avaient pas été découvertes ou envisagées offrent de nouvelles possibilités de faire face aux défis.

• Évaluer des différences culturelles. Comme l’indique l’étude de Stewart et Bennett, « la difficulté majeure dans l’interaction

176

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

interculturelle tient – pour l’exprimer simplement - à la non- reconnaissance des différences culturelles correspondantes ». (1991)6. Dans le cas de plusieurs cultures, le COF propose une approche systématique pour clarifier la nature des différences culturelles et identifier leurs similitudes.

• Relier des cultures différentes. Une fois les différences cultu-relles spécifiques identifiées, nous pouvons employer notre éner-gie à combler les écarts entre elles.

• Imaginer une culture désirée. Le COF fournit le vocabulaire pour décrire une « culture idéale ». Il s’agit ensuite de la relier à la culture présente. Si la tâche reste vaste, elle devient néan-moins gérable.

• Tirer parti de la diversité culturelle. En présence d’alternatives culturelles clairement identifiées, nous pouvons choisir le meil-leur des deux ou trois aspects de chaque dimension. Chaque fois que possible, nous pouvons retirer le plein avantage des diffé-rences culturelles et obtenir une synergie.

Plusieurs nuances importantes distinguent le COF de modèles anté-rieurs et parmi elles :

• Le mérite : Les mots sont sélectionnés pour exprimer le mérite potentiel de chaque orientation. Par exemple, j’ai choisi d’utiliser humilité plutôt que soumission à la nature, inventé par Kluckhohn et Stodtbeck (1961).

• L’essence : J’ai adhéré à l’essence des dimensions, qui réside dans leur étymologie. J’ai défini ainsi le temps monochronique par « se concentrer sur une activité et/ou une relation à la fois », par opposition à temps polychronique qui signifie « se concentrer en même temps sur plusieurs tâches et/ou relations ». Le concept original de Hall (1976) inclut d’autres notions, comme planifier et catégoriser, qui ne se rapportent pas nécessairement à la dua-lité temps monochronique/temps polychronique en soi (Rosinski, 2003, 96).

• La dialectique : Je m’intéresse moins à décrire les caractéris-tiques statiques et binaires d’une culture (par exemple : les Français sont comme ceci, les Américains sont comme cela…) qu’à disposer d’un vocabulaire pour décrire les traits dynamiques et complexes des cultures. Aristote déclarait que « de deux pro-

6 Page 204.

177

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

positions contradictoires, si l’une est vraie, l’autre est forcément fausse »7. C'est à la fois juste et faux ! La pensée binaire (ou) tend à favoriser la polarisation et la division. La dialectique (et) nous aide à trouver de nouvelles façons de réconcilier les alternatives, tirer profit des différences et permettre l’unité dans la diversité. (Rosinski, 2003, 57-58).

L’évaluation COF8

En 2006, j’ai commencé à construire un outil d’évaluation basé sur le tableau COF. Cet outil permet de donner un feedback spécifique aux individus et aux groupes et d’identifier des opportunités concrètes de développement. J’ai d’abord utilisé une version papier (en pdf) de l’évaluation COF. Comme cet instrument sous ce format s’est avéré performant, des informaticiens et moi-même avons développé une ver-sion électronique utilisable en ligne.

Cette version donne aux individus, équipes et organisations du monde entier un accès facile à l’évaluation COF. Cet outil et de plus amples informations sont disponibles sur www.cofassessment.com.

L’avantage de l’évaluation COF pour favoriser le développement personnel et collectif découle des hypothèses suivantes, vérifiées sur le terrain par d’autres coachs et moi-même :

• Quand les solutions habituelles ne fonctionnent pas, comme c’est souvent le cas face aux défis complexes et récurrents, il convient de réviser notre approche culturelle et d'envisager notre réalité selon d’autres perspectives,

• Des orientations culturelles auxquelles nous recourons trop peuvent provoquer des difficultés (par exemple, la communica-tion directe, exagérément utilisée, heurtera certaines personnes et perturbera la relation),

• Des orientations culturelles que nous négligeons représentent des opportunités de développement (par exemple : faire preuve de plus de sensibilité quand nécessaire grâce à une communication indirecte).

• L’évaluation COF facilite une exploration fructueuse avec des questions telles :– Quelles orientations culturelles sur-utilisez-vous dans votre

situation de défi, vous empêchant, ce faisant, de le relever ?

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178

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

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180

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

– Comment cette sur-utilisation vous met-elle en difficulté ?– Quelles orientations culturelles sous-utilisez-vous, vous empê-

chant, ce faisant, de relever votre défi ? – En quoi ces orientations culturelles négligées constitueraient-

elles un gisement de progrès pour vous ?– Qu’est-ce qui changerait si vous les maîtrisiez ?

Un gestionnaire de projet, spécialement formé à l’utilisation du COF, sera en mesure de soumettre à cette évaluation une équipe, un département, une organisation ou même plusieurs entreprises dans le cas d’une fusion ou d’une alliance. Ces gestionnaires ayant obtenu la certification COF prennent connaissance des résultats globaux et des résultats par sous-groupes. Le regroupement des données concernant plusieurs projets dans la même organisation permet d’en établir le pro-fil. L’outil permet à ses utilisateurs de :

• Regrouper des résultats individuels et établir des profils de groupe par projet (celui d’une équipe, celui d’ensemble d’une entreprise, aussi bien que ceux par les catégories/champs que le gestionnaire de projet COF aura prédéfinis, comme le département, le niveau du management, les entités fusionnant, etc.). Il est aussi possible d’obtenir des résultats agrégés COF par combinaison de catégo-ries (par exemple, pour telle catégorie d’âge dans tel pays),

• Ajouter des dimensions culturelles personnalisées supplémen-taires au-delà des 17 dimensions standard du COF.

En réalité, le concept de profil culturel est en quelque sorte une extension. Ces orientations culturelles - au contraire des préférences psychologiques - dépendent en grande partie du contexte culturel. Elles changent dans une certaine mesure selon la situation ; par exemple : communication explicite au travail, mais implicite en famille et avec des amis proches. Comment pouvons-nous alors établir un profil cultu-rel fiable ? Une solution consiste à concevoir un profil culturel dans chaque situation, qui serait juste, mais seulement dans l’une d’entre elles. Une autre solution est d’accepter que le profil culturel d’un indi-vidu ne représente qu’une tendance dominante.

Un profil culturel ne détermine pas toujours les actions. Par exemple, certaines personnes orientées vers la compétition peuvent choisir la collaboration dans une situation particulière. Votre profil culturel ne limite pas votre potentiel, au contraire. Le connaissant,

181

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

vous êtes en mesure de découvrir le champ d’autres possibles et de puiser dans ce potentiel inattendu. Les coachs aideront leurs coachés à vivre des processus similaires.

Considérations méthodologiques : l’utilité versus la validitéLe coaching interculturel repose sur une vision d’un monde « à réa-

lités multiples ». La culture, de ce point de vue, est hautement contex-tuelle, dynamique et fluide.

Saisir des données par l’évaluation COF dans un moment particulier est utile pour générer des discussions et comprendre les processus de changement, mais n’aide pas vraiment à chercher des vérités arrêtées sur des individus, des groupes, ou des sociétés.

Dans ce questionnaire, j’ai opté pour la simplicité et la franchise. Les divers points découlent directement de la définition de chaque orienta-tion culturelle (voir tableau pages 178-179). Les profils culturels sont destinés à constituer une base utile à une discussion plus approfondie, plutôt qu’une mesure réellement valide. Paradoxalement, cet échange génère parfois des résultats plus valides que ceux fournis par certains instruments psychométriques dûment homologués. Le processus de validation produit souvent l’illusion d’une exactitude absolue qui n’est pas vérifiée dans la pratique. Même les outils les mieux fondés sur des études et les plus populaires comprennent des hypothèses et des points de vue qui peuvent se révéler inexacts.

Par exemple, beaucoup tiennent le “Bar-On Emotional Quotient Inventory” pour le meilleur outil d’évaluation de l’intelligence émo-tionnelle, et c’est certainement un excellent outil de coaching (Bar-On, 2002). Mais j’ai récemment eu l’occasion d’examiner un rapport qui montrait un faible score pour « résolution de problèmes ». Le point qui avait fait baisser le score était l’approche « pas à pas ». L’outil est construit sur l’hypothèse que cette méthode est la panacée, alors qu’elle révèle, à mon avis, un biais psychologique Sensation (pour uti-liser la terminologie de Myers-Briggs Type Indicator® (MBTI) et/ou un biais culturel de linéarité. L’iNtuition peut être le meilleur moyen de résoudre certains problèmes. La créativité - définie comme « la faculté de trouver des idées originales et des approches différentes en cas de problème ou de défi résistant aux solutions habituelles » (Rosinski, 2003, 187) – est alors essentielle.

Un autre exemple concerne les contradictions apparentes entre deux modèles distincts issus des mêmes travaux de Carl Jung sur

182

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

les types psychologiques (Jung, 1923) : le Myers-Briggs Type Indi-cator® (Briggs Myers, 2000) et les Cerebral Cortex’s Four Modes of Thinking du Docteur Katherine Benziger (2006). La dichotomie Juger-Percevoir (JP) est absente du modèle de Benziger. Une personne habituée au MBTI® risque d’être déroutée par sa description de quatre modes qui supposent de facto soit J, soit P, en plus des fonctions. Par exemple, le Frontal Droit équivaut à iNtuition/Sentiment (NF) et P. Cela fonctionne dans mon cas car j’ai une préférence ENFP, mais qu’en est-il de quelqu’un qui a une préférence NF et J ? Benziger explique qu’elle n’utilise que les éléments du modèle de Jung ayant une base physiologique solide, et que son travail représente la synthèse de plus de 30 années de recherches en neurosciences et psychologie9. En résumé, ces écoles peuvent se prévaloir toutes deux de conclusions reposant sur des études solides. Les contradictions montrent pourtant que ces conclusions restent de simples hypothèses et qu’elles ne doivent pas être prises pour des vérités absolues.

Les meilleurs chercheurs scientifiques utilisent leur ouverture d’es-prit et leur curiosité ; ils prêtent une attention particulière à ce qui ne s’accorde pas aux concepts du moment. Einstein avait dit à ce propos : « Je n’ai pas de talent particulier. Je suis simplement passionnément curieux. » Il avait également noté : « Il importe de ne jamais cesser de remettre en question. La curiosité a sa propre raison d’exister. On ne peut s’empêcher d’admirer les mystères de l’éternité, de la vie, de la merveilleuse structure de la réalité. » (Singh, 2004, 98-99).

Toutes ces qualités sont également nécessaires au coaching global ; la prudence s’impose quand nous utilisons des théories, modèles et instruments psychométriques. Quand nous analysons des résultats, évi-tons tant de les rejeter que de les accepter trop rapidement. Un esprit ouvert, associé à un scepticisme sain, est nécessaire pour apprendre de n’importe quelle évaluation. Rigueur et curiosité sont de mise pour la personne qui donne son feedback afin de dépasser l’illusion de l’exac-titude absolue, de comprendre les biais et les limites de l’instrument et de traiter les résultats comme des hypothèses de travail.

Concevoir un instrument psychométrique fiable dans le domaine interculturel est encore plus délicat, pour plusieurs raisons :

• Le concept même d’évaluation d’une culture à l’aide d’un ques-tionnaire est déjà culturellement biaisé,

9 Page 204.

183

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

• Le langage est un problème : l’anglais est connu dans le monde des affaires, mais n’est pas universel. Les traductions sont parfois problématiques. Par exemple, certains concepts n’ont pas d’équi-valent dans une autre langue,

• Dans la plupart de ces outils, les concepts abstraits que le ques-tionnaire cherche à mesurer ne sont pas évalués directement. Ils le sont indirectement au travers de leurs manifestations observables. Ce qui peut être équivalent dans un contexte culturel ne l’est pas nécessairement dans un autre. Les hypothèses inhérentes à l’outil se vérifient dans certains contextes (validation de l’instrument) mais s’avérent fausses dans d’autres.

Céline Rojon et Almuth McDowall de l’Université de Surrey au Royaume-Uni ont effectué une première étude (Rojon, 2010) sous la forme d'une validation croisée du questionnaire d’évaluation COF avec le questionnaire Saville Consulting Wave Focus Styles (Saville Consulting, 2006), un outil validé de mesure de la personnalité pro-fessionnelle. Ils ont rassemblé des données de participants vivant au Royaume-Uni et en Allemagne (total N = 222) pour permettre une comparaison directe. Rojon conclut : « La validité conceptuelle du ques-tionnaire est adéquate, avec des coefficients de validité convergente autour de r = .30 et une validité divergente étayée par l’absence de corrélations pour la majorité des constructions sans lien théorique. Pour ce qui concerne la comparaison des deux cultures à propos de la personnalité, la compétence et les orientations culturelles, il en résulte que contrairement aux résultats précédents (Ronen et Schenkar, 1985 ; Schwarz, 1999 ; House et al., 2004 ; Bartram et al., 2006), le classement des pays en ensembles culturels distincts ne peut être justifié sur la base des résultats actuels, avec des différences de profils culturels pour la plupart d’entre eux négligeables. » Dans ce cas, les différences de genre passent avant les nationalités. Bien sûr, les auteurs de cette étude ne disent pas que cela sera toujours vrai. Mon propre audit culturel d’une alliance entre une entreprise néerlandaise et une entreprise française, dont je parlerai plus tard dans ce chapitre, a confirmé les différences nationales attendues et leur contribution à d’importantes variations de comportement (Égalité versus Hiérarchie et Communication Directe versus Communication Indirecte). Le fait que les différences natio-nales s’accompagnent d’autres différences culturelles est significatif. Rojon observe que « les résultats actuels soutiennent la vision inclu-sive et dynamique de la culture de Rosinski (2003), qui s’oppose à la

184

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

vision classique, binaire et statique, et à la catégorisation des individus selon leur nationalité ».

L’évaluation COF elle-même n’est pas exempte de difficultés. Par exemple, quand les participants de certaines cultures hésitent à expri-mer leur désaccord, ils faussent la mesure de leurs capacités. Toutefois, et paradoxalement, l’évaluation COF s’avère avantageuse simplement en permettant des conversations utiles sans prétendre à la validité abso-lue. Avec tout outil – y compris l’évaluation COF – il est essentiel d’engager soigneusement le processus d’évaluation en donnant des instructions claires, en mettant en garde contre des problèmes suscep-tibles de dénaturer les résultats et en créant un environnement sûr et constructif qui encourage d’emblée la franchise et le développement.

Selon mon expérience, l’évaluation COF est bien acceptée par les coachés. Il existe toutefois d’autres options pour aborder la dimen-sion culturelle, par exemple les approches inductives (Rosinski, 2003, 61-68), seules ou en combinaison avec l’évaluation COF. Pour aider les coachés dans ce domaine, les coachs seront sensibles à leurs propres orientations culturelles et à la façon dont elles sont susceptibles d’af-fecter la mission de coaching. Il leur faut aussi comprendre les hypo-thèses culturelles associées aux outils et aux approches qu’ils utilisent. Les coachs formés au COF discerneront en quoi la culture influence leur propre travail et affecte la vie de leurs coachés.

ÉTUDES DE CASCoaching individuel de dirigeants

L’outil COF est souvent le plus bénéfique lorsque les coachs l’uti-lisent systématiquement dans la phase initiale de l’évaluation et s’y réfèrent par la suite à propos des situations concrètes des coachés. L’évaluation COF complétera utilement d’autres outils habituellement utilisés comme le Myers-Briggs Type Indicator® et le Fundamental Inter-personal Relations Orientation-BehaviorTM (FIRO-B®), avec la philoso-phie commune sous-jacente de faire un usage constructif des différences. Le FIRO-B® (Waterman et Rogers, 2007) explore trois domaines essen-tiels touchant aux relations interpersonnelles : l’Inclusion (interactions sociales), le Contrôle (mener, prendre des décisions, responsabiliser), et l’Affection (relations personnelles, ouverture). Il distingue les compor-tements dont nous prenons l’initiative (Exprimés) des comportements que nous attendons des autres (Souhaités).

Dans cette étude de cas, j’utilise l’exemple de Tom, dirigeant belge d’un grand groupe international. J’ai modifié quelques détails (y com-pris le nom) pour protéger la confidentialité.

185

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

Les scores du FIRO-B® de Tom, pour la catégorie Affection ont été exceptionnellement élevés ; (8 pour l’Affection Exprimée, 7 pour l’Affection Souhaitée, sur une échelle de 0 à 9). L’évaluation COF a montré une orientation Partage claire (par opposition à une orientation Protection) et seulement un niveau moyen de « capacité perçue » à utili-ser l’orientation Protection quand nécessaire. Ces résultats combinés ont permis une discussion constructive sur ce qui empêchait Tom de passer suffisamment de temps en Belgique (à la fois au siège de l’entreprise et avec sa famille) et de réduire ses voyages fatigants à travers le monde. Les résultats ont également montré qu’il avait tendance à repousser les confrontations lorsqu’il devait gérer des situations relationnelles diffi-ciles. Comme les scores élevés d’Affection l’indiquent, il tendait natu-rellement à faire preuve d’empathie et encourageait les liens affectifs, ce que les membres de son équipe appréciaient. Toutefois, cette tendance était à double tranchant. Une propension inconsciente à faire plaisir lui faisait souvent négliger ses propres besoins et le rendait parfois trop indulgent avec les résultats insuffisants de collègues, ce qui l’empêchait de confronter certains membres de l’équipe. L’évaluation COF a montré clairement que Tom devait délimiter des frontières et fermement impo-ser des limites (orientation Protection).

Un résultat du dialogue de coaching a été que Tom a commencé à affronter un de ses subordonnés directs dont les résultats avaient été bien au-dessous de la moyenne depuis plus d’un an. Il a donné trois mois à ce collaborateur pour montrer une amélioration significative et atteindre des objectifs fixés d’un commun accord. Tom a aussi tiré des enseignements du MBTI®. En sortant consciemment de sa zone de confort iNtuition/Perception (NP), il a conçu et appliqué un plan de déve-loppement précis, dans un mode Sensation/Jugement (SJ). L’évaluation COF l’a aidé à réaliser qu’il n’était pas à l’aise avec la communication très directe – lors d’un conflit ou lorsqu’il devait transmettre un message difficile et imposer son point de vue, au risque d’offenser ou de heurter autrui. Il a expliqué que son comportement convenait dans le contexte belge, mais était inadapté aux Pays-Bas ou au Danemark où les gens s’attendent à des manières plus directes. De plus, son orientation vers la communication affective, doublée d’une grande intelligence, lui a fait prendre conscience qu’il omettait souvent l’importance d’une commu-nication précise et concise.

Les scores de son FIRO-B® pour le Contrôle étaient relativement élevés (7 pour le Contrôle Exprimé, 6 pour le Contrôle Souhaité). Les résultats du COF pour Contrôle-Harmonie-Humilité ont éclairé ces résultats : l’Humilité était moins préférée et moins maîtrisée que l’Har-monie et le Contrôle. Tom ne pouvait pas concevoir que son subordon- né n’assume simplement pas ses responsabilités. Son propre sens des responsabilités, couplé avec sa sensibilité, expliquait pourquoi il n’avait pas confronté plus tôt son subordonné sur ses faibles résultats : il avait

186

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

éprouvé pour lui, le voyant en difficulté, une sympathie excessive. Tom a réalisé qu’en jouant le rôle de Sauveur, il maintenait son subordonné dans une position de Victime, lui permettant d’utiliser ses problèmes personnels comme excuse. Ces difficultés ne pouvaient pas à elles seules expliquer ces faibles résultats. Il devait s’assurer que son subordonné reconnaisse et résolve ses problèmes.

D’autres dimensions du COF ont contribué à orienter le choix de Tom pour la suite de sa carrière. Son orientation vers le Temps polychronique et le changement ont confirmé son besoin de variété dans son travail. Continuer sur la voie de la direction générale pouvait lui permettre d’ex-primer cette préférence. Ses connaissances psychologiques et culturelles l’ont aidé à identifier des tendances personnelles qui s’étaient avérées contreproductives et, ce qui était plus important, à faire de nouveaux choix pour devenir un leader plus efficace. Dans le cas de Tom, les prin-cipes suivants ont été précisés pour l’aider à comprendre les résultats des instruments :

• Les interprétations sont avant tout de la responsabilité du coaché,• Le coach invite le coaché à exprimer ce qui l’a marqué : confirma-

tions, nouveaux points de vue ou questions basées sur les résultats,• Le coach propose judicieusement des interprétations, en présentant

avec précaution ses remarques comme des hypothèses,• Les observations du coach sont liées, autant que possible, aux en-

jeux concrets du coaché,• Le coach facilite un processus de découverte dans lequel le coa-

ché utilise l’évaluation pour prendre conscience de sa réalité à partir de nouvelles perspectives, pour identifier les forces et les embûches et pour conclure avec de nouvelles options et actions spécifiques afin de relever les défis.

Les profils culturels et de personnalité présentent l’avantage qu’ils aident à recadrer les difficultés en termes de préférences sous-employées plutôt qu’en termes de déficiences personnelles. La prise de conscience et l’attention sont essentielles et déterminantes pour faire face aux dif-ficultés. Si les problèmes étaient au contraire attribués à des déficiences personnelles, l’estime et la confiance en soi des coachés pourrait en pâtir et miner ainsi le processus de résolution.

Coaching d’équipe de dirigeantsCette section présente quelques résultats d’ensemble du COF d’un

groupe international de quinze coachs ayant participé à une formation sur le coaching interculturel. Bien que ce séminaire n’ait pas été une séance de coaching d’équipe à proprement parler, les résultats donnent une idée de l’utilisation du COF avec un groupe et des avancées rendues possibles par ce processus. Ces coachs professionnels - douze femmes

187

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

et trois hommes, entre 40 et 60 ans - avaient tous de l’expérience et venaient du Royaume-Uni, de Belgique, de France, de Turquie, d’Israël et des États-Unis.

Le groupe risque de négliger les orientations sous-représentées alors qu’elles pourraient s’avérer bénéfiques face aux difficultés résistant aux solutions habituelles. En les prenant en compte, les membres identi-fient de nouvelles pistes pour traiter les défis complexes. Dans d’autres cas, le groupe peut reconnaître systématiquement ses atouts et en faire bon usage. Il arrive que ses penchants culturels soient particulièrement adaptés pour aborder certaines situations. Les résultats COF facilitent à la fois le développement de l’équipe dans son ensemble et de l’indi-vidu au sein de l’équipe.

Le but de ce chapitre n’est pas d’examiner tous les résultats. J’ai choisi de me concentrer sur certaines dimensions. De même, dans le coaching d’équipe et les ateliers, nous choisissons de nous concentrer sur certains points plutôt que de tenter une revue exhaustive des résul-tats du COF. J’ai donné des exemples de questions qu’un coach gagnera à utiliser avec un groupe pour mieux faire prendre conscience de chaque dimension du COF. Il s’agit, comme indiqué plus haut, d’inciter les coa-chés à produire leurs propres interprétations plutôt que les voir impo-sées par le coach/facilitateur « expert ». Nous faisons l’hypothèse que les coachés sont experts dans leurs propres contextes professionnels et culturels, ce qui n’exclut ni le partage d’autres exemples et idées, notamment sur l’exploitation des différences, ni la référence au livre Le Coaching interculturel pour plus d’information.

(1) Contrôle-Harmonie-Humilité

Orientations (Occurrences %) Aptitudes (Occurrences %)

Faib

leLi

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oyen

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e

Contrôle Harmonie Humilité

Faib

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0 0

14 1443

29

1443

29147 7

43 43

0Claire Modérée Neutre Modérée ClaireContrôle Harmonie Humilité

188

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

L’orientation est principalement tournée vers le Contrôle, et 92 % des répondants déclarent être bons ou excellents dans la prise de respon-sabilités. C’est un atout précieux pour fixer des objectifs et les atteindre, parfois contre toute attente. D’un autre côté, l’orientation vers la pers-pective Humilité est pratiquement absente. De plus, seulement 43 % du groupe s’auto-évalue favorablement à propos de la capacité à user d’Humilité – en général, le niveau de réponse assez d’accord/moyen suppose une hésitation et n’est donc pas considéré comme favorable. Dans ce cas, 43 % est la somme de 29 % d’accord/ bon et 14 % tout à fait d’accord/excellent.

L’aide du coach/facilitateur pour explorer les résultats passe par des questions telles que :

• Quels sont les avantages d’une orientation Contrôle ?• Dans quels cas une orientation Contrôle serait-elle moins utile ?• Quelles sont les alternatives possibles ?• En voyant les résultats individuels, vos propres orientations dif-

fèrent-elles de celles du groupe ? De quelle façon ?• Qu’est-ce que cela signifie en pratique ?

Les résultats actuels suggèrent qu’apprendre à accepter ses limites naturelles est une opportunité de développement. Tirer parti de l’Hu-milité (en la combinant avec le Contrôle) aidera le groupe à viser une réussite réaliste et durable et à résister à la tentation de faire n’importe quoi pour réussir – tomber dans l’excès, s’effondrer, etc.

(2) Temps Rare – Abondant

Orientations (Occurrences %) Aptitudes (Occurrences %)

Rare Abondant

Faib

leLi

mité

eM

oyen

neBo

nne

Exce

llent

e

0 0

1421

3629

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140

57

29

0Claire Modérée Neutre Modérée ClaireRare Abondant

Faib

leLi

mité

eM

oyen

neBo

nne

Exce

llent

e21

189

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

L’orientation est nettement tournée vers Temps rare par opposition à Temps abondant, reflétant la croyance que « le temps est de l’argent » et que nous avons à l’utiliser avec efficience. Seuls 28 % des membres du groupe obtiennent une note favorable sur la capacité à utiliser l’orien-tation Temps abondant. Le groupe semble négliger la possibilité que le temps puisse être perçu comme abondant, ce qui représente une occa-sion de développement (intérêt de ralentir ou de « donner du temps au temps »). Malgré l’orientation du Temps rare et le fait que les coachs soient souvent sollicités pour aider les coachés à gérer leur temps de façon plus productive, 35 % des membres du groupe admettent avoir du mal à l’utiliser de façon efficiente.

Dans le cas où le coach/facilitateur observe que l’orientation du groupe reflète un biais dominant de l’Occident, il invite le groupe à discuter de l’existence et des avantages d’approches alternatives pré-férables. Le coach soulignera le paradoxe qu’en prenant son temps (comme s’il était abondant), on en apprécie mieux la rareté – l’éternité dans un instant. Il est plus facile de voir ce qui est vraiment important lorsqu’on prend du recul et qu’on ralentit. Le coach demandera alors aux membres du groupe de donner des exemples spécifiques de la façon dont ils seraient plus efficaces en considérant le temps comme une ressource abondante et de la façon dont ils tireraient profit des deux perspectives.

(3) Être – Faire

Orientations (Occurrences %) Aptitudes (Occurrences %)

Être Faire

Faib

leLi

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eM

oyen

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Exce

llent

e

0 0

7 757

29

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14 22

50

0Claire Modérée Neutre Modérée ClaireÊtre Faire

Faib

leLi

mité

eM

oyen

neBo

nne

Exce

llent

e43

14

190

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La distribution des orientations est proche d’une courbe normale (en forme de cloche), et les aptitudes sont à un niveau élevé tant pour Être que pour Faire. Ces résultats renvoient à la thèse selon laquelle l’apport des coachs de dirigeants est de tirer profit de la combinaison Être et Faire. Ils apportent une aide précieuse aux entreprises où l’accent est souvent mis sur le Faire au détriment de l’Être. Comme je l’ai souligné, plus d’Être peut paradoxalement accroître le Faire (les accomplisse-ments). Le coach/facilitateur examinera les points de vue avec le groupe sur la distribution idéale des orientations et aptitudes des coachs. Le coach demandera de donner des exemples dans lesquels Être et Faire ont bien fonctionné ensemble.

(4) Individualiste - CollectivisteLa distribution est proche de la normale, et le groupe semble capable

de mettre l’accent à la fois sur les projets/attributs individuels et l’ap-partenance à l’équipe. C’était visible pendant le séminaire lorsque les participants ont montré la richesse de leurs individualités et de leurs cultures, tout en contribuant de façon constructive au fonctionnement harmonieux du groupe ainsi qu’au partage des idéaux.

(5) Hiérarchie – ÉgalitéL’orientation dominante est l’Égalité, comme on peut s’y attendre

avec le biais d’égalité inhérent au coaching. J’ai soutenu dans Le Coaching interculturel que le coaching suppose l’égalité mais peut néanmoins profiter aussi d’une orientation Hiérarchie. De plus, 93 % des membres du groupe ont une note favorable sur la capacité à utiliser l’Égalité. Toutefois 43 % semblent avoir des difficultés à bien travailler dans un environnement hiérarchique.

Voici quelques thèmes de discussion :• Comment êtes-vous préparés pour aider vos coachés à travailler

efficacement avec leur hiérarchie ?• Courrez-vous le risque de ne pas tenir compte de cette possibilité et

d’ignorer la politique ?• Comment les aider à s’engager dans une « politique constructive » ?

(6) Universaliste-ParticularisteL’orientation dominante est Particulariste et 79 % des membres du

groupe obtiennent une note favorable sur l’adaptation aux circonstances particulières en appliquant des solutions sur mesure. Le groupe paraît flexible. Avec l’Universalisme sous-représenté comme orientation, et seulement 35 % de scores favorables à l’aptitude correspondante, vous choisirez des questions utiles à son développement :

191

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

• Comment tirer le meilleur avantage des économies d’échelle ?• Comment atteindre une meilleure cohérence quand vous travaillez

ensemble ?L’enjeu consiste à s’efforcer d’obtenir à la fois cohérence et flexibilité.

(7) Stabilité – Changement

Orientations (Occurrences %) Aptitudes (Occurrences %)

L’orientation dominante est le Changement, avec un impressionnant score de 100 % en faveur de la capacité à bien travailler dans un envi-ronnement dynamique où l’adaptabilité et l’innovation sont encoura-gées. Les coachs sont souvent qualifiés d’agents de changement, mais l’option changement n’est ni le seul, ni toujours le meilleur choix. Avec un penchant et une aptitude auto-évaluée limités pour la stabilité, les questions sont alors les suivantes :

• Quels mérites de la stabilité négligez-vous peut-être ?• Dans votre coaching, vous souvenez-vous que la combinaison idéale

est souvent celle de périodes de changement alternant avec des périodes de stabilité (notamment pour la récupération et la consolidation) ?

• Comment paradoxalement promouvoir le changement en recadrant la « résistance au changement » en une « préférence pour la stabilité » ?

Pour le groupe, le danger serait de tout faire pour entraîner des chan-gements nouveaux et radicaux à un moment où le renforcement, la continuité et l’amélioration systématique des processus existants sont

Stabilité Changement

Faib

leLi

mité

eM

oyen

neBo

nne

Exce

llent

e

0 0

21

43 360 00

57

07

50

0Claire Modérée Neutre Modérée ClaireStabilité Changement

Faib

leLi

mité

eM

oyen

neBo

nne

Exce

llent

e4343

192

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

nécessaires. Comment le groupe est-il alors en mesure de trouver sa motivation dans une exécution rigoureuse et une pratique disciplinée ?

(8) Directe-IndirectePlus de 42 % des membres du groupe préfèrent la communication

Directe (mais seulement 7 % la préfèrent nettement). La moitié du grou- pe est soit neutre soit encline à une communication Indirecte. C’est substantiellement différent du coaching traditionnel qui prend appui sur la communication Directe et ne tient pas compte de la communication Indirecte. Les scores des aptitudes suggèrent que les membres du groupe sont susceptibles d’apprendre les uns des autres et de développer leur capacité à être à la fois clairs et sensibles lorsqu’ils communiquent dans des situations difficiles.

(9) Analytique-SystémiqueLa majorité de ce groupe préfère une pensée Systémique (avec 86 %

des membres qui se considèrent bons ou très bons dans ce domaine). Ce profil est probablement inhabituel dans les sociétés occidentales. Ce groupe de coachs globaux est culturellement enclin à aider les autres à découvrir des connexions entre des éléments, établir des liens et se concentrer sur l’ensemble du système. Cette orientation culturelle de- vient de plus en plus nécessaire dans le monde global et interconnecté d’aujourd’hui (par exemple, ce livre soutient que nous devons travailler de concert et en interdisciplinarité pour affronter de nouveaux défis mon-diaux). Nous devons cependant encore user de la pensée Analytique, et 35 % des membres du groupe déclarent n’avoir qu’une faible capacité à décomposer un problème en plus petits éléments.

Commentaires supplémentaires :Outre les données et les interprétations mises à la disposition des

coachés, il est important que nous, coachs globaux, (1) assurions qu’ils acquièrent une connaissance profonde dépassant la seule compréhen-sion superficielle intellectuelle des concepts et (2) que nous facilitions le développement qui se construit sur cette prise de conscience.

L’expérimentation est cruciale. Les participants apprennent mieux lorsqu’ils ont l’occasion de s’entraîner dans des jeux de rôle interac-tifs sur des situations difficiles, individuellement, puis en équipe, enfin quand nous faisons l’analyse de l’enregistrement de ces échanges. Des situations concrètes les aident à comprendre comment leurs orientations culturelles (individuelles et collectives) se manifestent et le debriefing leur permet d’identifier de nouveaux choix qui seront peut-être plus efficaces.

Les questions suivantes élaborées spécialement pour ce groupe ont prouvé leur utilité :

193

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

• Quelles sont vos orientations culturelles ?• Comment ces orientations varient-elles dans des contextes diffé-

rents ?• Comment vos orientations culturelles influencent-elles votre façon

de coacher/diriger ?

Les questions suivantes font référence aux difficultés du groupe à traiter avec une culture différente :

• Quelles sont leurs orientations et quelles sont les différences-clés avec les vôtres ?

• Comment conciliez-vous les différences ?• Que vous enseigne la comparaison des cultures ?• Comment vous aide-t-elle à vous développer (enrichissement de

vos propres cultures, élargissement des options lorsque vous coachez/dirigez, et dans votre vie) ?

Bon nombre de questions sont à la disposition des coachs pour dé- clencher des discussions et des prises de conscience sur les sujets liés à la culture. Et d’autres encore :

• Quelles sont les orientations dominantes dans l’équipe ?• En tant qu’individus, comment paraissez-vous différents ou sem-

blables ? Quelles en sont les implications ?• Quelles orientations culturelles ne sont pas représentées dans votre

équipe ? Comment compenser ce manque ?• Avec quelles personnes-clés de votre entreprise travaillez-vous le

plus ? Quelles sont leurs orientations – ou que semblent-elles être ? Comment ont-elles influencé le développement de votre relation avec ces personnes ? Quel usage feriez-vous de cette connaissance ?

• À quel point vos collègues sont-ils conscients de leurs orientations et des vôtres ?

• Quelles orientations différentes agissent dans diverses parties de votre organisation ?

• Y a-t-il des orientations dominantes ? Si oui, comment votre profil s’accorde-t-il avec elles ?

• Comment exploiter les différences ?• En quoi la culture nationale est-elle pertinente dans cette situation ?• Où se trouvent les synergies et/ou les conflits potentiels ?

Les orientations du COF procèdent d’études interculturelles solides et couvrent un large champ. Toutefois des dimensions supplémen- taires sont parfois utiles pour rendre compte de situations spécifiques. L’outil COF, à l’inverse d’autres instruments d’évaluation intercultu- relle, offre la possibilité d’ajouter des dimensions culturelles adaptées au contexte particulier d’un client. J’ai utilisé cette caractéristique

194

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

à une conférence sur le Service rassemblant de nombreux dirigeants internationaux. Des entretiens préliminaires ont révélé, en plus des liens avec les dimensions du COF, une dichotomie intéressante que j’ai sai-sie sous la forme de deux dimensions supplémentaires dont Noblesse-Servitude (le service vu comme une activité noble par opposition à la servitude). Il n’est pas surprenant qu’une large majorité ait exprimé une préférence pour la Noblesse (90 %, dont 60 % une préférence claire). L’orientation Servitude n’était pourtant pas définie comme vide de tout mérite : ceux qui voient le service comme une servitude considèrent comme important de poser des limites pour éviter d’être exploités. Il est à noter que 70 % des participants ont fait apparaître leur incapacité à fixer des limites appropriées au service de leurs clients. Ils ont collec-tivement retenu deux conclusions de ces résultats :

1. L’accent doit être mis sur une meilleure prise en compte de soi et de ses employés : abuser de leur bonne volonté pour satisfaire les clients coûte que coûte est à éviter.2. Le service n’est heureusement pas un jeu à somme nulle : servir les autres avec générosité et attention est souvent source de satisfaction personnelle, de fierté et de sens. En d’autres termes, vous vous servez vous-mêmes en servant autrui.En résumé, l’évaluation COF offre différentes possibilités d’aider les

dirigeants à gérer de façon constructive la diversité culturelle. Surtout, elle propose aux coachs un langage aisé à introduire dans le contexte des organisations, qui rend service aux coachés pour mieux appréhender leur réalité. L’évaluation COF suppose une idée de la culture dynamique et inclusive contrastant avec les approches culturelles traditionnelles. Mise à profit, la diversité culturelle devient une opportunité pour le dé- veloppement personnel et collectif. Toutefois, une application méca-nique du COF risquerait de déclencher des polarisations et stéréotypes préjudiciables. En développant en nous-mêmes l’unité dans la diversité, nous, coachs globaux, serons plus crédibles et mieux équipés pour la promouvoir à l’extérieur.

Le développement organisationnel : une alliance stratégique entre une compagnie néerlandaise et une compagnie française

Au-delà du développement de soi et de l’équipe, les coachs seront amenés à faciliter le développement organisationnel (voir chapitre 2). Les organisations s’appuient sur trois mécanismes pour se développer : la croissance interne, les alliances et les fusions et acquisitions.

Malheureusement, beaucoup d’alliances, fusions et acquisitions échouent prématurément, ne parviennent pas à rapporter les bénéfices stratégiques attendus et infligent des dommages financiers aux parte-naires. Les raisons principales de ces échecs sont au plan général le facteur humain et spécifiquement la culture10.

Vous pouvez heureusement inverser cette tendance par une gestion proactive et efficace des différences culturelles.

10 Page 204.

195

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

En 2009, ma société a été sollicitée pour conduire un audit culturel utilisant l’évaluation COF dans le cadre d’une alliance stratégique entre une entreprise néerlandaise et une entreprise française. Je vais montrer comment l’évaluation du COF combinée à des entretiens ont permis une bonne compréhension de la situation et des enjeux. J’ai supprimé certains détails et ne décrirai pas le contexte pour protéger les informa-tions confidentielles de cette alliance stratégique, qui est en cours. Les deux PDG et le Comité de Direction ont trouvé les résultats éclairants et accepté d’emblée nos recommandations. Un des membres du Comité, connu pour son scepticisme vis-à-vis des « méthodes douces » de mana-gement, a même souligné la précision de l’analyse culturelle et l’utilité des recommandations.

Avec deux collègues, nous avons mené cinq jours d’entretiens en France et aux Pays-Bas. Plus d’une centaine de participants ont rempli le questionnaire de l’évaluation COF. Le taux élevé de réponses a confirmé l’enthousiasme des participants pour cette alliance et leur envie d’en savoir plus sur la composante culturelle. Aux dimensions standard ont été ajoutées cinq autres dimensions sur la base de polarités pertinentes identifiées lors des entretiens.

Nous avons observé de nettes similitudes et différences de culture, ainsi que des situations intermédiaires (voir tableau ci-dessous) :

Similitudes et différences-clés entre les deux culturesImportance/Pertinence pour l’alliance

1. Temps rare-abondant2.Contrôle-humilité-harmonie3. Universaliste- particulariste4. Monochronique- polychronique5. Stabilité-changement

1. Être-faire2. Compétition-collaboration3. Formel-informel

1. Hiérarchie-égalité2. Direct-indirect3. Actif-réfléchi

• Passé-présent-Futur• Implicite-explicite • Quoi-qui• Générer-questionner• Proactif-réactif

• Individualiste-collectiviste• Protection-partage• Affectif-neutre• Déductif-inductif• Analytique-systémique• Planifié-émergent

n /a

Similitudes claires Similitudes avec Différences claires quelques différences

Degré de similitude/différence

Élevée

Moyenne/basse

Évitez recours excessif /insuffisant

Utilisez commelevier !

196

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Voici des exemples (parmi 22 dimensions) de ces résultats, sous forme résumée. Ils vous donneront une idée des éclairages nouveaux obtenus par cette évaluation.

Temps Rare-Abondant Évaluation des orientations Descriptions (% d’occurrences) et illustrations

Atout (productivité) et risque potentiel (précipitation constante sans nécessaire-ment donner du temps à ce qui importe le plus) :

• France : les gens semblent mettre plus de temps à établir des relations.• Pays-Bas : directs, cadres temporels mieux respectés.

Suggestions

Efficience (environ 80 % de réponses favorables). Aptitude limitée à gérer le temps sur un mode abondant (plus de 50 % de réponses défavorables).

Éclaircir la vision et la stratégie aiderait à consacrer du temps à ce qui importe vraiment. S’autoriser et autoriser autrui à ralentir régulièrement. S’efforcer d’être efficace et efficient.Paradoxalement c’est souvent en traitant le temps comme s’il était abondant que vous en appréciez la rareté.

Contrôle–Harmonie–Humilité Évaluation des orientations Descriptions (% d’occurrences) et illustrations

Sentiment de maîtrise de l’aptitude à for-ger le futur : « Nous avons le pouvoir de donner forme à l’industrie ».Un plus grand sens de l’autonomie res-ponsable aux Pays-Bas qu’en France. Les dirigeants français trouvent cepen-dant des moyens de parvenir aux résul-tats attendus.Anxiété possible face au manque de contrôle, notamment face à l’incertitude.

SuggestionsPlus de 80 % de réponses favorables à Contrôle (même plus de 90 % pour les Pays-Bas)Plus de 50 % de réponses défavorables pour Humilité (même plus de 60 % pour les Pays-Bas)

Capitaliser sur l’attitude « peut faire » pour encourager le progrès.Apprendre à tenir compte des limites naturelles pour favoriser un progrès durable :

• Essai et erreur.• Accepter un manque de réponses claires et nettes quand des situations confuses apparaissent.• Ménager des temps de récupération dans un environnement de travail inten- sif.

23.5

Claire Modérée Neutre Modérée ClaireRare Abondant

20.5

58.8 53.9

15.720.5

2.0 5.10.0 0.0

FRNDL

17.5

Claire Modérée Neutre Modérée Claire Contrôle Harmonie Humilité

16.3

44.553.1

31.8 30.6

6.4 0.0 0.0 0.0

FRNDL

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

197

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

Universaliste-Particulariste Évaluation des orientations Descriptions (% d’occurrences) et illustrations

Bonne nouvelle : des solutions sur me- sure répondent aux défis particuliers des clients. Problèmes :

• La recherche des économies d’échelle et de la cohérence n’est pas nécessaire-ment la meilleure solution.• Risque de réinventer la roue par manque de partage et d’échange des meilleures pratiques.• Ce risque n’est apparemment pas un problème pour l’instant. Qu’en sera-t-il si plus d’intégration, de synergies, et d’économies d’échelle sont attendues ?

SuggestionsPlus de 70 % de réponses favorables pour Particulariste.Plus de 80 % de réponses défavorables pour Universaliste.

Effort nécessaire de flexibilité et de cohérence. Articuler la vision générale pour que l’alliance stratégique clarifie le niveau de cohérence-intégration attendu.

Être-Faire Évaluation des orientations Descriptions (% d’occurrences) et illustrations

• Résultats normalement distribués, un penchant pour Faire. Reconnaissance de l’importance d’investir plus de temps pour créer de bonnes relations, mieux se connaître et poser des assises solides. Également un fort élément de motivation pour beaucoup de personnes interrogées.• Apprendre des autres, se développer en élargissant ses horizons est également motivant.• « Nous avons besoin de gains rapides », « Définir/mesurer le succès », « Nous de- vons montrer que cette collaboration est une réussite ».

Aptitudes à Être et Faire (plus de 70 % favorables dans les deux compagnies).

• Pour accroître la performance (Faire), il est nécessaire de mettre en place des relations constructives et de s’impliquer dans le développement personnel et en équipe (Être).• Établir une culture d’échanges de feed-backs régulier sur les comportements et leur impact.• Ne pas ignorer la relation humaine, sour- ce de motivation, quand des réunions ou des ateliers sont planifiés. La confiance ainsi construite facilite les collaborations futures.

1.6

Claire Modérée Neutre Modérée ClaireUniversaliste Particulariste

2.0

17.512.2

25.534.7 39.7 38.8

15.9 12.3

FRNDL

7.9

Claire Modérée Neutre Modérée ClaireÊtre Faire

14.3 11.1

24.5

39.7

24.5 25.4 26.515.9 10.2

FRNDL

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes Suggestions

198

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Hiérarchie-ÉgalitéÉvaluation des orientations Descriptions

(% d’occurrences) et illustrationsLes Néerlandais sont habitués à une ap- proche pratique qui favorise des proces-sus de décision rapides et l’autonomie.En France, il est nécessaire de débattre un sujet à l’avance/de pré-vendre/d’être d’accord au préalable pour éviter des discussions pendant les réunions. Aux Pays-Bas, on se parle franchement pen-dant les réunions. La manière française est souvent perçue comme une barrière réduisant l’efficacité.Toutefois, en majorité, les Français dé- clarent qu’ils préféreraient une approche plus égalitaire.

SuggestionsAptitudes pour Égalité : FR : plus de 60 % favorables ; P-Bas plus de 90 % favorables. Hiérarchie : FR : plus de 70 % favorables ; P-Bas plus de 60 % défavorables.

Encourager le plus possible l’autonomie des Français, en prenant exemple sur les Néerlandais.Pour les Néerlandais, apprendre à s’en-gager dans une « politique constructive » si nécessaire en prenant exemple sur les Français, particulièrement dans des situations délicates et controversées.

Direct-IndirectÉvaluation des orientations Descriptions

(% d’occurrences) et illustrationsP-Bas : Dites ce que vous pensez et allez droit au but. Les Néerlandais paraissent beaucoup plus sûrs d’eux-mêmes, trop di- rects et même agressifs quand il s’agit de donner leur opinion ou de critiquer : “direct kritiek”.FR : On prend plus de précautions avant de donner son opinion dans des situa-tions délicates, particulièrement à ses su- périeurs.Pas de difficultés graves signalées. Qu’en sera-t-il après la période de « lune de miel » ?

SuggestionsAptitudes pour Direct : FR : plus de 50 % favorables ; P-Bas presque 80 % favorables. Indirect : FR : plus de 50 % favorables ; P-Bas 60 % défavorables.

S’efforcer de tirer parti du mode direct et du mode indirect en combinant leurs valeurs sous-jacentes : clarté et sensibi- lité.• Être clair et ferme sur le contenu tout en étant prudent et sensible sur la forme.• Être direct sur le fond et indirect sur le processus autant que nécessaire pour évi-ter de faire perdre la face.

1.6

Claire Modérée Neutre Modérée ClaireHiérarchie Égalité

0.0

28.6

12.323.8

16.3

31.8

57.1

14.3 14.3

FRNDL

9.5

Claire Modérée Neutre Modérée ClaireDirect Indirect

16.3

41.3

57.1

17.5 14.328.6

6.1 3.2 6.1

FRNDL

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

199

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

Actif-RéfléchiÉvaluation des orientations Descriptions

(% d’occurrences) et illustrationsL’action est favorisée par les Néerlan-dais, la réflexion préférée par les Fran- çais.Néerlandais : concrets, pragmatiques ; Français : réflexe intellectuel avant d’agir ; en quoi est-ce mieux ainsi ? Certains Français apprécient la manière néerlandaise : « Vous faites ; cela fonc-tionne ou pas. Vous ne vous posez pas quinze questions avant d’agir, ce qui laisse plus de place à la créativité et la spontanéité. »

SuggestionsActif : FR : presque 60 % favorables ; P-Bas 80 % favorables.Réfléchi : FR : presque 80 % favorables ; P-Bas environ 60 % favorables.

Continuer à montrer de l’estime à la fois pour l’action et la réflexion. S’aventurer hors de sa zone de confort quand c’est approprié :

• Devons-nous vraiment passer tout ce temps à réfléchir avant d’agir ?• Ne devrions-nous pas réfléchir encore avant d'essayer une solution ?

J’ai insisté sur le fait que nos « suggestions » avaient pour but d’ap-profondir le dialogue, la réflexion, l’action. J’ai souligné notre principe de coaching : en tant que facilitateurs, notre meilleur apport est d’aider les autres à concevoir leurs propres solutions et actions. D’après mon expérience, on parvient mieux ainsi à la pertinence et à l’appropriation, pour plus de performance et de satisfaction.

Même en tant que consultants, nous avons manifesté une autre ten-dance : favoriser l’unité dans la diversité plutôt que la polarisation. Ces descriptions et suggestions montrent clairement que chaque groupe a des leçons précieuses à enseigner et à apprendre, et qu’il est parfois nécessaire que chacun sorte de sa propre zone de confort.

D’autres ateliers avec des équipes de projets inter-organisationnels, dont nous étions les coachs d’équipe, nous ont permis d’avancer dans le processus de construction de la prise de conscience puis dans le change-ment concret. Par exemple, il est devenu évident que certains dirigeants français attendaient que leur haut-management prenne les décisions et agisse (voir Hiérarchie versusÉgalité dans le COF). Ils ne se sentaient pas mis en responsabilité ; ils pensaient que c’était à leur hiérarchie de changer la situation. Ils ne semblaient pas réaliser qu’ils avaient l’oppor-tunité et la responsabilité d’engager des actions importantes. Je les ai mis au défi de prendre les devants, leur ai suggéré de demander à leurs leaders l’autorisation de prendre certaines décisions et leur ai recommandé d’ex-pliquer qu’en demander sans cesse ralentissait leur projet. Après tout,

9.0

Claire Modérée Neutre Modérée Claire Actif Réfléchi

31.021.0

29.0

16.022.0

43.0

14.0 11.04.0

FRNDL

Apprentissages-clés de l’évaluation des aptitudes

200

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

les hauts dirigeants français avaient accueilli les conclusions culturelles avec enthousiasme et souhaitaient des managers faisant preuve d’ini-tiative et d’autonomie. Au lieu de dire aux participants ce qu’il fallait faire, je leur ai demandé : « Qu’est-ce-qui vous empêche de demander à vos dirigeants… ? » et, question après question, les ai aidés à sur-monter les obstacles, principalement des contraintes qu’ils s’imposaient à eux-mêmes inconsciemment. En fin de compte, je me suis assuré qu’ils s’engageaient vis-à-vis de leur équipe avec des questions comme : « Quand votre équipe pourra-t-elle s’attendre à ce que vous ayez eu cette discussion avec votre patron ? ». Certaines de ces questions étaient posées devant tout le groupe, d’autres en entretiens individuels pour traiter de sujets plus sensibles et éviter de faire perdre la face.

Adhérer intellectuellement à une analyse culturelle est une chose, modifier nos propres habitudes en est une autre. Les coachs globaux jouent un rôle essentiel en facilitant les changements comportementaux indispensables qui permettent l’apparition de la nouvelle culture. Cette transformation culturelle a maintenant commencé…

L’art et le coaching interculturelRompant avec le langage banal et stéréotypé des affaires, l’art nous

permet de produire de nouvelles idées et de développer de nouveaux comportements. J’ai précédemment examiné la manière dont une ap- proche inductive pouvait compléter la méthode déductive du COF (Rosinski, 2003, 61-68). L’approche inductive pourrait impliquer la création artistique, même sous forme rudimentaire : réaliser un collage, dessiner, etc.

L’induction fait appel à l’intuition, une forme de savoir immédiat qui ne recourt pas au raisonnement. Le mot intuition vient du latin intueri, « regarder attentivement », ce qui suggère qu’une observation attentive permet à l’intuition de générer un savoir précieux et implique d’aller au-delà des premières impressions. Les intuitions se produisent souvent sous forme de flashs ou de perceptions, lorsque nous nous détendons et délaissons notre envie de résoudre un problème au moyen de la logique. Incidemment, j’ai un crayon, du papier et une lampe de poche à côté de mon lit : les intuitions me viennent souvent lorsque je suis sur le point de m’endormir. Elles arrivent aussi lorsque je fais du vélo, lis dans un fauteuil confortable, discute avec un ami ou me donne le temps de prendre du recul.

Le grand art est un moyen puissant de sensibiliser ceux qui le découvrent et dont il développe la conscience. Il communique avec

201

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

notre cœur, notre âme, et pas seulement avec notre esprit. Souvenez-vous de l’émotion associée à l’écoute d’une belle musique ou à la vision d’un film magnifique. Au-delà de la maîtrise technique, l’authenticité est la marque du réel talent artistique. L’œuvre d’art est beaucoup plus qu’un artéfact culturel ; elle touche aussi le spirituel. Pensez au dia-logue qu’Irvine Stone attribue à Vincent Van Gogh et sa mère :

« Je devrai attendre jusqu’à ce que mon dessin soit au point.– Tu veux dire que tu dois améliorer ton dessin pour que les por-

traits soient assez bons pour être vendus ?– Non, je dois améliorer mes dessins pour qu’ils soient au point.– Je crains ne pas comprendre cela, mon fils.– Moi non plus, mais c’est ainsi. » (Stone, 1935, 108).

La profondeur et le refus de la superficialité, ajoutés à l’observa-tion attentive, caractérisent aussi le véritable artiste. Réfléchissez aux paroles de Van Gogh, que rapporte encore Stone :

Je ne peux pas dessiner une silhouette sans tout savoir sur les os, les muscles, les tendons qui sont à l’intérieur. Et je ne peux pas dessiner une tête sans savoir ce qui passe dans le cerveau du modèle et dans son âme. Pour peindre la vie, on ne doit pas seulement comprendre l’anatomie mais ce que les gens ressentent et pensent du monde dans lequel ils vivent. Le peintre qui ne connaît rien d’autre que sa tech-nique s’avérera un artiste très superficiel. (Stone, 1935, 113).

C’est précisément quand l’artiste est en contact avec son être authen-tique qu’il nous émeut profondément. La vraie résonance ne résulte pas de stratagèmes de marketing élaborés. Elle implique plutôt de laisser libre cours à une véritable expression artistique. Les coachs globaux n’encouragent pas seulement l’expression artistique ; ils facilitent les authentiques cheminements de vie, le leur et celui de leurs coachés.

Revenons à la perspective culturelle : l’art offre une source impor-tante d’information sur la culture. De plus, peindre transmet en une image qui vaut mille mots, la richesse des différences culturelles.

Je demande à mes étudiants de MBA d’illustrer les leçons sur le management global et la réalisation de l’unité dans la diversité en choi-sissant et discutant d’œuvres d’art : peinture, cinéma mais aussi sculp-ture, architecture, poésie, etc., en se référant au COF. Je leur explique qu’ils choisiront des œuvres qui illustreront, pour chaque dimension culturelle :

202

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

• La sagesse dans chaque orientation,• Les pièges pour chaque orientation,• La synthèse des orientations/l’exploitation de ces différentes

orientations culturelles.

La Grande Vague de Katsushika Hokusai et Immobilité du Temps de Salvador Dali, choisies par mes étudiants11,1illustrent cette synthèse. Il nous est loisible, comme à eux, de choisir d’interpréter ces œuvres d’art comme nous le souhaitons.

La Grande Vague122Contrôle-Harmonie-HumilitéLes pêcheurs semblent petits comparés à la grande vague. La for-

ce énorme de cette vague qui retombe les rend vraisemblablement humbles. Elle est sur le point d’absorber leurs petits bateaux.

Leur sort est-il scellé ? Pour une raison ou une autre, les marins semblent confiants dans leur aptitude à survivre et assurer que leur des-tin reste entre leurs mains. Avec leur expérience, ils rassemblent leur courage et plongent droit dans la vague pour en sortir de l’autre côté.

Étrangement, malgré les déferlements brutaux de l’océan et le com-bat farouche des hommes, l’œuvre exprime plus de sérénité que de violence. On dirait que tout ira bien. L’harmonie semble émaner des formes du yin et du yang de la mer qu’accompagne l’attitude assurée des pêcheurs qui font preuve de détermination (yang) et de lâcher prise (yin).

La présence stable du Mont Fuji à l’arrière-plan apporte la paix et le calme. Et le soleil brillant exprime encore un paradoxe.

La Grande Vague nous montre que nous pouvons avoir à la fois le contrôle, l’harmonie, et l’humilité.

Immobilité du Temps133: Temps Rare-AbondantLes horloges et les montres nous rappellent constamment que le

temps passe et qu’il est rare.Apparemment inspiré par un camembert coulant au soleil, Dali

a peint et sculpté plusieurs montres en train de fondre.

11 Page 204.12 Page 204.13 Page 204.

203

LA PERSPECTIVE CULTURELLE

Le tic-tac régulier du mécanisme ralentit, puis cesse. Le temps est devenu abondant. Parce que chaque instant devient éternité, nous som-mes enclins à le savourer. Immobilité du Temps illustre le paradoxe qui consiste à davantage apprécier la rareté du temps en agissant comme s’il était abondant.

Les mots attribués à Nadine Stair renforcent ce propos : « J’ai vécu des instants, et si c’était à refaire, j’en vivrais bien plus. En fait, j’es-saierais de ne vivre rien d’autre. Juste des instants, les uns après les autres, plutôt que de vivre en pensant au futur. »

Le présent devient un présent quand il est vécu en toute conscience. Nous entrons dans le domaine du spirituel, qui est le sujet du prochain chapitre. Ce qui est important (perspective culturelle) l’est-il vrai-ment - c’est-à-dire : a-t-il du sens (perspective spirituelle) ?

NOTES1. Rosinski, 2003, 20.2. Conférence ICF, Vancouver, 2000.3. Je remercie ici Sherie Olmstead, Geoffrey Abbott, Dina Zavrski-Makaric, Eva

Benesova, Nathalie De Broux, Robert Lee, Barbara Christian, et Kate Gilbert, qui ont contribué aux premières éditions à Bruxelles, Sydney, Prague, Rome, New-York et Oxford.

204

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

4. Voir www.philrosinski.com pour plus d’informations sur ces séminaires.5. Il existe une bibliographie plus détaillée dans Rosinski, 2003.6 . Concernant la « culture idéale », il ne s'agit pas d'imposer une culture, qui

serait une forme d'impérialisme mais de chercher quelles seraient les meilleurs modèles de culture dans un contexte donné.

7. Aristote, ive siècle av. J.-C. /1999, De l’interprétation, livre 1, partie 9.8. Ces sections, comme les études de cas de coaching individuel et d’équipe, ont

été adaptées de www.philrosinski.com/cof et de Rosinski, 2009.9. Correspondance électronique avec l’auteur, 30 août, 2007.10. En particulier Lee-Marks, 2005 : « Une série d’études affirme que les trois

quarts des transactions faites détruisent de la valeur ou n’atteignent pas les objectifs même si elles bénéficient de conceptions stratégiques sophistiquées, d’un financement optimal et d’autres avantages de premier ordre. »Lesowitz et Knauff, 2003 : « Plus des trois quarts des fusions et acquisitions ne produisent pas les résultats escomptés… Les mêmes enquêtes qui font état d’un fort taux d’échec l’ont relié à une intégration défaillante ou incomplète - malgré deux décennies face à ce problème - et à un traitement bâclé de ce qui touche aux gens, aux processus, et aux cultures. »Schoenberg, 2005 : « Une raison fréquemment mise en avant comme cause de ces taux élevés d’échec est le choc des cultures. Des problèmes de com-patibilité culturelle peuvent être extrêmement compliqués lors d’acquisitions transfrontalières où les équipes de direction associées reflètent les influences, à la fois de leur culture d’entreprise et de leur culture nationale. Par exemple, la fusion Daimler-Chrysler était perçue non seulement comme l’association de Daimler-Benz - relativement hostile au risque et orienté vers la technique - et Chrysler au style entrepreneurial orienté vers le marketing, mais aussi comme une rencontre entre les valeurs des parties prenantes allemandes et les pra-tiques plus agressives du business américain. »Dyer, Kale, et Singh, 2004 : « 40 à 55 % des alliances échouent prématurément et infligent des pertes financières aux partenaires. »Kempner, 2005 : « D’après McKinsey & Co., gérer « le côté humain du chan-gement » est la véritable clé pour optimiser la valeur d’une transaction. L’échec fréquent en ce domaine peut expliquer pourquoi 50 % de toutes les transactions finissent par détruire de la valeur pour les actionnaires. »

11. Les deux exemples sont extraits du premier cours de l’United Business Institute à Bruxelles en 2005 (donné avec Dominique Ringler).

12. Kanagawa oki nami ura (La Grande Vague Au Large de Kanagawa) Premier tirage : sur bois, couleur, entre 1826 and 1833, tiré ultérieurement sur papier. Katsushika Hokusai, 1760-1849. Wikimedia commons : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Great_Wave_off_Kanagawa2.jpg. Cette œuvre est dans le do- maine public aux États-Unis et dans les pays dont la durée des droits d’auteur est de cent ans ou moins après la mort de ce dernier.

13. Immobilité du Temps (1979) est une des œuvres de Dali sur le thème Les Montres molles, qu’il peignit initialement dans La Persistance de la Mémoire (1931). Voir : www.salvadordalimuseum.org/education/documents/clocking_in.pdf (consulté le 12 mai 2010).

205

Chapitre 8

La perspective spirituelleFavoriser le sens et l’unité

La spiritualité est une conscience aiguisée de la connexion avec soi-même, les autres, la nature et avec le « divin » immanent

et transcendant. C’est aussi l’aptitude à trouver du sens, déterminer un but et apprécier la vie.

Le coaching ne serait pas global si la quête humaine du sens, qui semble indispensable et universelle, n’était pas abordée.Pendant longtemps, le commun des mortels n’a pas eu à se pré-

occuper de donner un sens à sa vie. En effet, le sens était fourni par une religion omniprésente, par des idéologies hypnotiques (par exemple, le communisme), ou par un contrat de travail à vie. D’autre part, on était (et on est toujours, dans beaucoup de régions du monde) si occupé à satisfaire des besoins élémentaires de survie qu’on n’avait pas le loi-sir de se poser la question du sens.

Pourtant, dès les temps les plus reculés, certains ont réfléchi au mys-tère de la vie ; à son origine, son but et son sens. Les croyants pensaient que Dieu (ou les dieux) leur apportait les réponses et les guidait grâce à leur religion particulière. Une minorité d’athées pensait que les hu- mains comblaient eux-mêmes le vide en inventant des mythes et des pratiques religieuses. Ils se tournèrent vers la philosophie séculière pour explorer le sujet du sens.

206

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Les changements turbulents de l’environnement de la Terre, l’af- faiblissement des fournisseurs institutionnels d’idéologie (églises en Occident, systèmes politiques totalitaires, employeurs qui offrent un travail stable pour la durée de la carrière) et la progression de l’indi-vidualisme (du moins dans les pays développés) ont créé une situa-tion relativement nouvelle : les humains ne peuvent plus compter sur ces sources externes bien établies et doivent trouver du sens par eux-mêmes dans leurs propres vies.

La poursuite continuelle de la « croissance », la maximisation du profit et son revers, le consumérisme futile, sont de plus en plus insuf-fisants pour accéder au sens. Se goinfrer est différent de savourer. La quantité n’équivaut pas à la qualité. Pour le dirigeant qui travaille dur et se consacre à créer de la valeur pour l’actionnaire, le contrecoup sera peut-être l’épuisement ou le licenciement. Pour le consommateur compulsif, ce sera peut-être la maladie ou le surendettement.

Le coaching conduit à prendre du recul, à se reconnecter avec soi-même et avec les autres, à trouver du sens. Dans le Processus de Coaching Global (2003, Partie III), j’ai montré comment les coachs arrivent à aider des coachés à se connecter à la fois à leurs désirs per-sonnels et aux besoins des autres (de leurs familles et amis, aux parties prenantes de leur organisation, aux communautés auxquelles ils appar-tiennent et au monde). Il n’y a pas de solution unique, figée ; chaque coaché découvrira sa réponse particulière et évolutive.

Le sens et l’unitéLe sens et l’unité sont intimement liés : nous trouvons du sens

quand nous construisons l’unité en nous-même et avec le monde. Souvenez-vous des exemples de mes coachés, le dirigeant d’une société d’investissement et le haut cadre de Philips Lighting (voir chapitre 2). Ils sont devenus tous deux beaucoup plus heureux et efficaces dès lors qu’ils se sont trouvés en accord avec leurs véritables aspirations et se sont efforcés de faire une différence positive dans le monde, ce qui avait nécessité l’exploration de leurs désirs personnels – Qu’est-ce qui vous rend heureux ? Qu’est-ce qui vous donne de l’énergie positive ? Au contraire, qu’est-ce qui vous épuise ? –, ainsi que des occasions de servir autrui.

J’ai trouvé que cette double et large exploration des désirs person-nels et des besoins d’autrui est une façon opérante de faire émerger un sens et une direction personnels. Le processus de coaching encourage

207

LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

à agir à partir de ces thèmes. Les actions ne sont pas imposées aux coachés mais associées à ce qu’ils considèrent comme étant vraiment important. Les objectifs ciblés font alors sens. En d’autres termes, le coaching permet aux coachés de s’engager avec enthousiasme dans et avec la vraie vie. Ainsi que l’ont indiqué les recherches (en psycho-thérapie) d’Irvin Yalom (1980), l’engagement est la voie royale pour combattre l'absence de sens et la remplacer par la quête de sens (482).

Nous avons besoin de nombreuses avancées technologiques et d’ini-tiatives pour faire face aux énormes enjeux planétaires. Nous avons de nombreuses opportunités d’aider à rendre le monde plus sain et plus durable ; c’est la priorité.

Alors que le consumérisme excessif devrait être combattu (voir chapitre 2), la consommation raisonnable conserve du sens quand la qualité prévaut sur la quantité : rien ne nous empêche de profiter des plaisirs rendus possibles par l’industrie cinématographique et par les fabricants de systèmes de divertissement à domicile, parmi d’autres entreprises.

Je crois que nous avons aussi besoin d’aventures humaines sti- mulantes, susceptibles de nous réunir. Les Jeux Olympiques et autres compétitions internationales offrent des moments excitants, lorsque des sportifs se mesurent pacifiquement entre eux. Dans un tout autre domaine, j’imagine un programme spatial, collectif et ambitieux, por-teur de progrès technologiques positifs. À condition que ce ne soit pas au détriment de priorités environnementales et sociales, poser le pied sur Mars pourrait être ce pari audacieux, un voyage dans l’univers ex- térieur souvent accompagné de voyages spirituels intérieurs.

De la Lune à MarsDécouvrir est l’une de nos aspirations les plus impérieuses : l’Ex-

plorateur est un des archétypes humains (voir chapitre 10). Les efforts vers de nouvelles frontières nous procurent un but porteur de sens.

Au xxe siècle, aucune autre aventure n’a probablement marqué notre imagination collective autant que celle de l’odyssée Apollo - j’étais alors enfant - lorsqu’un homme a mis le pied sur la Lune.

Neil Armstrong, Buzz Aldrin, Michael Collins et ceux qui ont suivi étaient mes héros. Ces astronautes ont fait preuve d’un incroyable sen-timent d’unité, d’émerveillement devant la beauté de la Terre vue de loin, de paix et de gratitude envers la vie, de conscience que le Jardin d’Eden est juste ici, sur notre planète. (Sington, 2007).

208

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Edgar Mitchell a eu ces mots :Quand vous voyez la Terre comme ceci, et le cosmos comme cela,

et dix fois plus d’étoiles, dix fois plus brillantes car il n’y a pas de pollution atmosphérique, quand vous regardez par la fenêtre la vue à 180°, c’est magnifique, bouleversant… J’en ai soudain été recon-naissant de tout mon être… Je me suis rendu compte que les réponses aux grandes questions posées à la science – « Qui sommes-nous ? Comment sommes-nous arrivés ici ? Où allons-nous ? » – sont certai-nement incomplètes et peut-être erronées. Cette sensation d’unité et de connexion est une expérience extatique, un bonheur merveilleux. À mon retour, je savais que ma vie avait changé. Je savais que je devais découvrir ce qu’était cette expérience que j’avais vécue. (Mack, 2008, xi).

Dans les années 60, la rivalité entre les États-Unis et l’Union Soviétique a poussé les Américains à s’engager dans l’ambitieux pro- gramme Apollo et ils ont atteint l’objectif incroyable, fixé par le Président Kennedy, d’envoyer l’un d’entre eux marcher sur la Lune et d’en revenir sain et sauf avant la fin de la décennie. Aujourd’hui, aller sur Mars représenterait une occasion formidable pour les nations de travailler de concert – comme l’explique la NASA, « c’est un défi partagé et pacifiste qui unifie des nations dans la poursuite d’objectifs communs14».

Le voyage sur la Lune a permis de répondre à certaines questions scientifiques sur les origines de la Lune et de la Terre. L’utilisation de nouvelles technologies développées lors de ces missions s’est large-ment répandue - la poêle à frire revêtue de Teflon et la couverture de survie en sont des exemples2.5

Le secteur militaire a souvent donné aux ingénieurs des fonds et des occasions pour innover et développer de nouvelles technologies. Les progrès qui en ont résulté ont trouvé de nombreuses applications dans la vie quotidienne. À mon avis, les programmes spatiaux fourniraient à l’humanité une alternative pacifique et riche de sens : le long voyage sur Mars, par exemple, présenterait des défis considérables, notam-ment en obligeant les voyageurs à économiser soigneusement l’éner-gie, recycler les déchets et gérer efficacement des ressources limitées.

1 Page 225.2 Page 225.

209

LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

L’absence de sens et la déconnexionLe sens et l’unité vont de pair. J’aimerais en évoquer maintenant le

corollaire : l’absence de sens est associée à la déconnexion. Malheu-reusement, les deux sont fréquentes aujourd’hui. Le manque de sens se manifeste de manières variées. Les cas les plus sévères nécessitent une psychothérapie - voire la psychiatrie - mais de nombreuses situations courantes relèvent d’un coaching compétent. Sinon, des pratiques spi-rituelles comme le chamanisme sont envisageables, pour autant que le fossé culturel ne soit pas un obstacle insurmontable.

L’absence de sens provient possiblement d’un travail qui manque de valeur intrinsèque ou dont la valeur n’est pas apparente. Ce dernier cas est plus simple à gérer ; la valeur est bien là, nous avons juste besoin de la déployer ou de nous y connecter de nouveau. Le maçon qui se voit en simple tailleur de pierres n’éprouve sans doute pas le même enthou-siasme et la même fierté que celui qui se voit en bâtisseur de cathé-drale. Les leaders et les professionnels ont à transmettre cette notion de sens. Mais qu’en est-il du travail dont la valeur est discutable ? Nous avons évoqué la production de véhicules très polluants ou de nourri-ture malsaine. Peut-être ces activités avaient-elles un sens lorsque la pollution n’était pas un problème sérieux et que les conséquences de la malbouffe n’étaient pas claires. C’est fini. Le déni et d’autres méca-nismes de défense (voir chapitre 5) sont des moyens d’éviter de se pencher sur le problème pour faire des choses sans vraie valeur. Yalom (1980) décrit aussi le schéma courant d’une activité frénétique. Elle « consomme tant d’énergie qu’elle empêche de consacrer les ressources individuelles ainsi épuisées à la quête du sens ». (452).

Alors que ces mécanismes procurent éventuellement un soulage-ment psychologique temporaire, ils sont bien incapables de remédier à l’absence de sens sur le long terme. « Quand l’activité ignore ce qui est “bon” ou “bien”, tôt ou tard, elle a raison de l’individu » (452) et l'amène à s’interroger : « Quel est l’intérêt ? Quel est le but ? Que vais-je laisser derrière moi ? » Se reconnecter à la notion de sens demande beaucoup de courage. Vous poser ce genre de question risque de vous faire appa-raître à vos propres yeux comme « le salaud » dont parlait Sartre (voir chapitre 5). Vous savez - et au plus profond de vous-même, saviez depuis toujours - qu’une fois la déconnexion dévoilée, vous aurez à changer votre conduite, parfois radicalement, pour répondre à ces questions de façon satisfaisante. Il ne s’agit pas d’adhérer à une mora-lité et à une éthique imposées par l’extérieur mais de répondre à l’appel

210

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

qui vient de l’intérieur pour atteindre l’unité et la congruence. Le coaching est à même d’apporter une aide précieuse dans ce chemine-ment. Les coachés trouveront des réponses hautement contextualisées et nuancées à leurs questions. Par exemple, les leaders d’une compagnie qui vend de la « malbouffe » ne changeront peut-être pas la situation immédiatement mais auront à cœur d’entreprendre une transformation graduelle et déterminée. Cette démarche et l’effort qu’elle demande se révéleraient alors porteurs de sens.

Le manque de sens nous envahit lorsque nous réalisons que les buts que nous avons fixés ne sont pas (ou ne sont plus) de vrais buts mais le résultat d’un conditionnement social ; au bout du compte, ils sont insatisfaisants. De tels objectifs – fortune, grande noto-riété, position dominante – porteurs de sens pour certains paraîtront à d’autres totalement futiles.

Il est facile de déclarer se moquer de l’argent quand on en a beau-coup ! Le choix nous appartient de vivre confortablement tout en nous dispensant d’articles de luxe superflus. Nous pourrions vouloir exercer un travail intéressant, apporter une contribution utile et recevoir une rémunération raisonnable, tout en nous passant d’objets honorifiques jugés maintenant sans intérêt, par exemple, avoir une plus grosse voi-ture lors d’une promotion.

Yalom nous met en garde contre la perte de sens lorsque nous pre-nons trop de recul et adoptons une vision « galactique » (ou nébuleuse ou cosmique) (478). Un tel éloignement implique la déconnexion, qui nous mène au pessimisme et à la négativité. Le philosophe Schopen-hauer illustre cette tendance. Bien qu’il ait la réputation d’un philo-sophe sérieux, certaines de ses idées, elles, sont difficiles à prendre au sérieux - par exemple, « le bonheur et les objectifs sont inatteigna- bles, car ils sont les fantômes de l’avenir ou font partie du passé dis-paru » - lorsque nous réalisons à quel point elles sont entachées de sa vision galactique. Dans Le Coaching interculturel, j’insiste sur le fait que nous devons rester rivés à la réalité pour éviter d’être éblouis par de trop nombreuses options (Rosinski, 2003, 30). De même, la perspective spirituelle suppose une immersion dans la vie en même temps qu’une vision élevée. Une présence attentive est préférable à une déconnexion abstraite et d’ailleurs très différente.

De son côté, Yalom décrit des signes cliniques d’absence de sens, que les thérapeutes rencontrent plus que les coachs : vide existentiel (ennui, apathie, vacuité) et névrose existentielle (symptômes cliniques

211

LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

déclarés, au-delà du sentiment d’absence de sens : alcoolisme, dépres-sion, obsessions, etc.) (449-450).

La déconnexion, qui, selon mon expérience, va de pair avec cette absence, est clairement apparente dans l’expérience suivante :

Le 12 janvier 2007, Joshua Bell, un des meilleurs violonistes mon-diaux, s’est posté à l’entrée d’une station de métro à Washington DC, habillé comme un musicien de rue, en T-shirt, jeans et casquette de baseball. Il a joué sur un Stradivarius de 1713 d’une valeur de 3,5 mil- lions de dollars des œuvres remarquables parmi les plus belles et plus difficiles jamais écrites, pendant 43 minutes. Il n’a pas interprété des airs familiers qui auraient pu attirer l’attention des passants mais des chefs d’œuvre qui avaient résisté à l’épreuve du temps. 1097 per-sonnes sont passées près de lui. Malheureusement, la grande majorité n’a prêté aucune attention à Joshua Bell. Lorsqu’on leur a demandé si elles avaient remarqué quelque chose d’inhabituel à la station qu’elles venaient de quitter, une personne seulement sur quarante interrogées a mentionné le violoniste ! Bell reçut 32,17 dollars d’aumône et un bil-let de 20 dollars laissé à la fin par la seule personne à l’avoir reconnu. Aucun attroupement : seuls un ou deux passants se sont arrêtés en mê- me temps pour écouter. Joshua Bell avait fait salle comble trois jours plus tôt au Symphony Hall de Boston, où le prix des places moyenne-ment situées était de 100 dollars.

À proximité, certains faisaient la queue pour acheter des billets de loterie. Aucun ne se retourna pour voir Bell. Espérant le gros lot, ils ne se sont pas rendu compte de la chance qui se tenait juste à côté d’eux.

Gene Weingarten remarque :Si nous ne pouvons prendre le temps… d’écouter un des meilleurs

musiciens sur terre jouer certains des plus beaux morceaux jamais écrits ; si la tension du monde moderne nous domine au point d’être sourd et aveugle à une telle chose – alors que manquons-nous d’autre ? (Weingarten, 2007).

Heureusement, l’expérience est également porteuse d’espoir. La plu-part des passants, sans distinction d’ethnie, de genre ou de génération, ont défilé rapidement devant ce magnifique violoniste sans saisir cette chance ; les enfants, quant à eux, voulaient au contraire s’arrêter pour voir et écouter, résistant généralement avec vigueur aux injonctions de leurs parents de se dépêcher. Les enfants possèdent encore curiosité, sens de l’appréciation, sensibilité artistique et nous apprennent à ravi-ver les nôtres et à rétablir nos connexions intérieures.

212

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Un changement de culture est nécessaire pour que notre sens poétique inné puisse s’épanouir dans nos vies plutôt que, si on n’y prend garde, être graduellement étouffé et évincé. Grâce à l’action des coachs globaux, les coachés éviteront le piège d’une vision limitée du monde qui donne la primauté au temps rapide (Rare), au profit (Faire) et au détachement (Neutre). Ils apprendront à cultiver les orientations culturelles du temps lent (Abondant), du relationnel (Être) et de l’es-thétique (Affectif) (voir chapitre 7).

Adopter la stratégie du tournesolRemarquer les miracles du jour3

J’ai été touché par l’histoire de Joshua Bell et déconcerté en regar-dant la vidéo sur le web. J’ai été ému également en regardant le film August Rush (Sheridan, 2007), enchanté par l’histoire magique, les acteurs inspirés et la musique magnifique. Le film raconte l’histoire d’un musicien prodige, orphelin (Freddie Highmore), qui utilise son talent pour retrouver ses parents biologiques (Keri Russell et Jonathan Rhys Meyers).

Le film nous permet de ressentir l’interconnexion et l’unité qui caractérisent notre univers holographique (voir chapitre 9) et la pers-pective spirituelle. Ici, la musique est le lien harmonique entre les hu- mains. La musique est partout. Il nous suffit d’écouter !

« Écoute la musique ! » est l’équivalent auditif de la « stratégie du tournesol » visuelle, que j’explique comme suit.

La perspective spirituelle est à mon sens semblable à celle du tournesol, résolument tourné vers la lumière. Elle consiste à prendre du recul par rapport à la vie quotidienne pour mieux discerner la lumière environnante et par conséquent restaurer le sacré dans sa vie.

Barbara De Angelis (2006) écrit : « La plupart des gens ne finissent pas la journée heureux et centrés sur les dons du jour, les miracles du jour, les connexions du jour. Ils se disent : “Je n’ai rien vendu aujourd’hui, je n’ai pas terminé ces cinq missions ; je ne suis pas allé au gymnase… donc, ce n’était pas une bonne journée…”. Chaque jour peut être gratifiant… si nous nous développons, apprenons et parta-geons, nous connectons et sommes attentifs. » Plutôt que d’essayer vainement de tout mettre sous contrôle, elle note que « nous sommes maîtres de nous ouvrir à l’amour et la joie, ou pas ».

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LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

Il est certes plus facile de voir la lumière quand la vie est radieuse. Nous sommes de toute façon probablement tous voués à vivre des moments difficiles dans notre existence. Paradoxalement, il faut par-fois voyager dans le noir pour apprendre à mieux accueillir la lumière – même si ce n’est qu’une faible lueur.

L’obscurité représente le sentiment d’être au fond du trou, physi-quement ou psychologiquement. Loin des vertes prairies et des plages ensoleillées, un gouffre sombre s’ouvre parfois devant nous. Nous évi-tons souvent d’y tomber, mais l’épreuve frappe tout de même. Quand nous sommes inondés de lumière, nous prenons souvent la clarté com- me un dû, peut-être même sans remarquer son éclat. Paradoxalement, entourés de ténèbres, dans des situations extrêmement difficiles, nous sommes en mesure de relativiser. Une petite lueur nous semblera plus lumineuse que jamais. Ce faible rayon de lumière devient synonyme d’espoir et de réjouissance. Tout d’abord ce sentiment de gratitude nous aide à survivre. Puis, quand nous sommes affranchis de l’obscu-rité, notre reconnaissance nous fait vivre plus pleinement. La présence lumineuse, auparavant considérée comme allant de soi, apporte alors, et chaque jour, un sentiment de joie plus profond.

Le trait de lumière, par sa rareté même, a exercé une emprise plus forte que l’abondante luminosité. De retour à la clarté, nous sommes mis au défi de continuer à remarquer et accueillir ces rayons de nou-veau abondants.6

Pendant l’épreuve que j’ai traversée au milieu des années 20004, j’ai lu le périple de Dante qui le mène depuis l’Enfer violent, où tout espoir est perdu, en passant par le Purgatoire plus clément et déjà empreint de sérénité, jusqu’au Paradis étincelant (Alghieri, 1321/1996). Mon imagination en a été frappée.

J’ai également lu le livre inspirant de Viktor Frankl (1959) sur son calvaire dans les camps de concentration nazis. Alors qu’il luttait pour survivre dans d’atroces circonstances, il était encore capable de discer-ner quelques rayons de lumière. Il a décidé que le mal n’a pas le pou-voir de nous détruire. Son hymne à l’espoir nous ouvre une voie pour trouver un plus grand sens et un but plus élevé dans nos propres vies.

Les grandes traditions spirituelles nous invitent à recevoir la lumière – c’est-à-dire la joie, l’amour, la vie, et l’énergie positive – et nous enseignent la manière de le faire. La Cabbale - la tradition mystique

4 Pages 225 et 226.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

juive, qui s’est aussi développée dans le christianisme avec Pic de La Mirandole - signifie littéralement « réception » (Ouaknin, 2003). Elle est propice à la reconnexion à un sentiment d’émerveillement et de gratitude. Elle nous montre les diverses voies à emprunter, même dans l’adversité, pour amener nos esprits, nos cœurs et nos corps à ac- cueillir la lumière qui nous entoure : votre enfant en train de jouer, le sourire d’un collègue, le soleil qui brille, le chant d’un oiseau, l’aide d’un étranger, une bonne santé, un morceau de musique mélodieux, un paysage magnifique…

Une fois en nous, cette énergie positive nous fait briller aussi et réfléchir la lumière. Quand nous la recevons et la renvoyons au monde, nous contribuons à un cercle vertueux de progrès.

À quelques nuances près, d’autres traditions spirituelles semblent comparables sur l’essentiel. Dans le bouddhisme, l’Éveil implique de mettre la réalité dans une large perspective, de s’ouvrir, s’écouter soi-même et écouter les autres avec douceur et compassion. Dans le chama-nisme, « l’Éveillé… n’est plus prisonnier de ses caprices, ses humeurs, ses croyances, ses rêves et son passé ». Ne reste que « la liberté des anges, baignant dans l’amour du vivant ». (Gougaud, 1995, 280).

À mon avis, coacher d’une perspective spirituelle ne relève pas d’une religion au sens traditionnel et n’a rien à voir avec un dogme. Il s’agit d’inviter les coachés à mieux adopter la stratégie du tournesol dans leurs vies : prendre l’habitude de se défaire de la négativité, trou-ver et partager l’énergie positive, saisir des occasions de ressentir de la compassion, de la reconnaissance et de la joie. Ils deviendront plus résilients lorsqu’ils affronteront des épreuves difficiles.

Les coachés apprennent à ne pas être rongés par le ressentiment, la déception et la frustration, à être plus indulgents et tolérants envers eux-mêmes et les autres. Plus humbles, ils acceptent les limites natu-relles, réfléchissent régulièrement à la manière d’utiliser au mieux leur énergie et engagent des actions constructives pour atteindre leurs objec- tifs importants et porteurs de sens.

Pour le coach, il existe donc diverses façons d’intégrer la perspec-tive spirituelle : la clé, c’est d’être connecté à la « luminosité », de lais-ser entrer la clarté avant de l’irradier vers l’extérieur. Quand vous êtes ainsi pleinement présent, votre imagination et votre intuition feront le reste.

À titre d’illustration, voici comment j’ai aidé un dirigeant qui se sentait mal à l’aise dans son travail. Il était en terrain difficile. De

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multiples parties prenantes tentaient de négocier les meilleurs accords possibles dans le but de créer une nouvelle entreprise. Coacher d’une perspective politique s’est avéré très utile pour ce dirigent mais ce n’était pourtant pas suffisant pour le satisfaire entièrement. La perspec-tive spirituelle l’a guidé pour ne pas perdre de vue sa mission essen-tielle : l’entreprise très profitable qu’il voulait créer servirait la société grâce à l’application de découvertes biomédicales capitales pour les traitements médicaux. Il a appris à se connecter plus profondément à lui-même, aux autres et à sa mission.

Un jour, percevant son stress, je lui ai proposé une activité que je n’avais encore jamais essayée lors d’une séance de coaching : marcher dans la forêt de Soignes, à proximité. Chose rare, la nature pénètre dans certaines parties de Bruxelles et il arrive que vous rencontriez un cerf si vous marchez doucement. Mon coaché a accepté volontiers ma proposition et quelques minutes plus tard nous étions en pleine forêt. Il continuait de parler tout en marchant. À un moment donné, je lui ai demandé s’il avait remarqué la beauté de l’environnement. Il a avoué ne pas y avoir prêté attention. Je l’ai alors invité à regarder attentive-ment, lui ai même proposé de toucher le tronc d’un arbre immense, de se concentrer pour ressentir et visualiser l’arbre, son corps et le contact entre les deux. En quelques minutes seulement, mon coaché avait retrouvé le calme et ressenti de la sérénité. La demi-heure de marche a été fructueuse : mon coaché a gagné en clarté dans la der- nière partie de notre séance de coaching et entrepris d’affronter avec créativité ses difficultés complexes. Dans le même temps, il s’est étonné qu’il n’y ait personne d’autre dans la forêt, malgré le temps clément, la proximité de la ville et sa beauté. Pour lui, ce bref détour est devenu une métaphore de la prise de recul, de la reconquête de la perspective, de l’attention et de la reconnaissance.

Accepter l’inévitable – choisirLe coaching consiste à explorer de nouveaux chemins et à faire de

nouveaux choix. Viktor Frankl (1959, 75) soutient que nous avons tou-jours le choix :

Nous qui avons vécu dans les camps de concentration gardons le souvenir d’hommes qui marchaient dans les baraquements pour en ré- conforter d’autres, offrant leur dernier morceau de pain.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Ils étaient peut-être peu nombreux mais ils apportaient la preuve indéniable que l’on peut tout prendre à un homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines, qui est de choisir son attitude en toutes circonstances, de se déterminer.

Et il y avait toujours des choix à faire. Chaque jour, chaque heure était l’occasion de prendre une décision, une décision qui ferait que vous vous soumettriez ou non à ces pouvoirs qui menaçaient de vous voler votre être, votre liberté intérieure ; qui déterminerait si vous deviendriez ou non le jouet des circonstances et renonceriez à la liberté et la dignité pour être façonné en détenu typique.

Frankl explique que trois façons fondamentales d’aborder la vie sont en mesure de lui donner du sens : la vie active de la création (réussite ou accomplissement), la vie passive du plaisir (qui inclut de vivre des choses telles que la bonté, la vérité et la beauté, ou la rencontre avec quelqu’un qu’on aime) et finalement, la vie courageuse d’accepter de souffrir avec dignité quand la souffrance ne peut être évitée.

Dans Le Coaching interculturel, j’ai montré comment les coachs peuvent favoriser le sens par la vie active de la création et la vie passive du plaisir. Le Tableau de Bord Prospectif Global sera une aide pour les coachés ; ils y trouveront du sens en fixant des objectifs concrets qui feront une différence positive pour autrui, y compris pour les par-ties prenantes de l’organisation et la société dans son ensemble. Les coachés s’engageront véritablement à mener les actions nécessaires si et seulement s’ils désirent intrinsèquement atteindre ces objectifs. Nous inviterons aussi les coachés à prendre grand soin d’eux-mêmes et à partager l’amour et l’amitié. Les deux premières voies de Frankl, « active » et « passive », correspondent à « Faire » et « Être » dans le COF.

Qu’en est-il de la souffrance ? Dans l’adversité, « confronté à une situation sans espoir, face à un sort inéluctable », il y a toujours une possibilité de « transformer une tragédie personnelle en triomphe, de tourner son malheur en un exploit humain ». Je pense comme Frankl que souffrir n’est pas nécessaire : « Si c’est évitable, la chose sensée à faire est d’en éliminer la cause. » (117). Mais quand c’est inévitable, nous trouverons du sens en changeant notre attitude vis-à-vis de la souffrance. Accepter notre sort avec dignité et courage nous fera gran-dir et donnera ainsi un exemple stimulant à autrui. L’histoire person-nelle de Frankl est une preuve du pouvoir exaltant de la dignité.

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LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

Se comporter dignement et avec courage dans de terribles circons-tances est un chemin vers le développement spirituel qui mène au sen-timent d’apaisement, sinon à l’amour et à la joie. Dans la mythologie grecque, Sisyphe a été condamné à pousser un énorme rocher jusqu’au sommet d’une montagne mais le rocher retombe invariablement, le contraignant à recommencer. Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus (1942) suggère que Sisyphe pouvait toujours choisir de sourire et de rendre son sort plus supportable en l’acceptant avec grâce, au lieu de s’engluer dans la frustration et le désespoir.

Les leçons de la religion et de la philosophieLa religion et la philosophie offrent toutes deux de nombreuses

sources de sens. Je mettrai l’accent sur deux perspectives : le judaïsme et la philosophie de Baruch Spinoza pour illustrer les leçons propres à inspirer les coachs d’aujourd’hui. J’espère que ces exemples vous donneront envie de consulter d’autres sources spirituelles.

Toutes les religions fournissent un accès à la sagesse, même pour les non religieux. La pensée critique s’ajoutera à l’ouverture d’esprit. Il est clair que l’interprétation littérale de certains textes religieux entraîne parfois extrémisme et destruction. Heureusement, il existe aussi des lectures plus fédératrices et riches de sens.

Je trouve plus efficace de me référer aux traditions particulières des coachés. Les coachs manifesteront l'importance qu'ils accordent à ces traditions en soulignant en quoi elles peuvent éclairer la situation présente de leurs coachés. Il leur appartient de déployer leurs propres richesses culturelles pour progresser. Les coachs ont parfois à faire quelques recherches pour découvrir l’univers de leurs coachés. Nos exemples auront alors plus d’échos chez eux. De plus, ces derniers n’auront pas l’impression que nous tentons de les convertir à une autre tradition. Cette confiance établie, il est plus facile de se référer à des chemins spirituels avec lesquels nous sommes plus familiers, non pour les éloigner de leur religion mais pour élargir leurs perspectives.

Par exemple, de nombreux poètes et spiritualistes ont célébré le pou-voir de l’amour. Si vous coachez un chrétien, il convient de vous réfé-rer à Jésus-Christ comme modèle idéal. Il est une source d’inspiration -pas seulement pour les chrétiens - lorsqu’Il s’adresse à la foule qui condamne violemment la femme adultère : « Que celui qui n’a jamais

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

péché lui jette la première pierre5.7» Alors que personne n’ose, Jésus déclare à la femme : « Je ne te condamne pas non plus. Va ton chemin. Et à l’avenir ne pèche plus6.8» Hesna Cailliau (2003) explique : « Jésus montre que l’amour est une vision, une prise de conscience de ce qui m’unit à l’autre ; ainsi, en ce qui concerne la femme adultère : là où tout le monde voit une faute condamnable, Jésus voit avant tout une femme qui souffre. » (132) Outre la suspension du jugement, qui est primordiale - ce que tous les coachs savent déjà -, Jésus prouve à quel point l’amour est une magnifique source de sens et d’unité.

L’amour est également le thème central de l’enseignement de Rumi, un des plus grands représentants du soufisme, branche mystique de l’islam.

Considérez le poème qui suit :« Regardant ma vieJe vois que seul l’Amour a été le compagnon de mon âme.Du plus profond mon âme crie :N’attends pas, livre-toi pour l’Amour »Traduction du texte anglais reproduit avec l’autorisation de Harper Collins Ltd.,

de Rumi, Whispers of the beloved, ©1999, Maryam Mafi et Azima Melita Kolin.

En cas de résistance à la religion, considérée comme un sujet sensible, la philosophie offre une alternative. Je ne me réfère pas au jargon abscons et aux abstractions arides qui prédominent par-fois et peuvent manquer d’utilité pratique. Les philosophes anciens demeurent une source d’inspiration. Pour Épicure : « La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous pro-cure la vie heureuse. » (Comte-Sponville, 2000, 11-12). Alors qu’épi-curiens et stoïciens partageaient cette vision, ils ont proposé des chemins différents pour atteindre le bonheur. Pierre Hadot (1995) ex- plique que pour Zénon, fondateur de l’école du stoïcisme, le bonheur équivaut à la moralité. La volonté de faire le bien est la seule chose qui dépende de nous, que personne ne peut nous prendre. Zénon insiste sur la cohérence dans la vie, ce qui d’une certaine façon me rappelle

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LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

Sartre (voir chapitre 5). Épicure met l'accent ailleurs, considérant que l’homme est motivé par son propre plaisir et par son intérêt. Le rôle de la philosophie sera d’aider à rechercher un plaisir raisonnable et, en définitive, le seul vrai plaisir, le plaisir pur d’exister. « Tout le mal-heur… vient de ce qu’ils ignorent le véritable plaisir. Le recherchant, ils sont incapables de l’atteindre, parce qu’ils ne peuvent se satisfaire de ce qu’ils ont ou parce qu’ils recherchent ce qui est hors de leur portée ou parce qu’ils gâchent ce plaisir en craignant sans cesse de le perdre. » (Hadot, 1995, 180).

Comme Yalom l’avait déjà fait remarquer, les perspectives théolo-giques ou philosophiques athées se rejoignent souvent lorsqu’il s’agit d’identifier des sources utiles de sens. Que les humains aient besoin de découvrir le sens de Dieu (théologie) ou d’inventer le leur (philosophie existentielle), ils gagneront à trouver et respecter ce sens. Quel que soit le chemin, le coach se préoccupe d’apporter une aide pragmatique plutôt qu’une dispute ontologique à propos de « la nature de l’être, de la réalité ou de l’existence ». (Mack, 2008, 8).

Le cas du judaïsmeJ’aimerais partager quelques sources de sens proposées par le ju-

daïsme - plus en tant que tradition culturelle que religion -, que les coachs et les coachés, israélites ou non gagneront à envisager. Voici des extraits d’un article que j’ai écrit il y a plus de 10 ans7,9qui illustrent les inspirations glanées en visitant une tradition particulière. La pre-mière leçon est éclairée par une histoire hassidique - vous pouvez en trouver davantage ainsi que des leçons dans l’article et les références. Incidemment, les récits sont une façon intéressante de suggérer de nou-veaux sens. Ils sont au cœur de la célèbre approche thérapeutique de Milton Erickson8.10C’est un exemple à suivre pour les coachs : intro-duire des métaphores dans le coaching, encore que cette technique soit plutôt réservée aux coachs aguerris. Toutefois le rôle habituel du coach est de faire émerger le sens par les coachés eux-mêmes. Les coachs suggèrent sous forme de métaphores, avec grande précaution. Il s’agit de faciliter la révélation de désirs authentiques et la quête d’un vrai sens.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La joieRuth Westheimer et Jonathan Mark rapportent l’histoire suivante,

que Baal Shem Tov, fondateur du mouvement hassidique aimait racon-ter. Ils poursuivent avec l’interprétation de Gestom Scholem :

Un jour, le prophète Élie traversait la place du marché quand le rabbin de ce shtetl (village) le reconnut. Le rabbin lui demanda si quelqu’un de cette petite ville aurait une place dans l’autre monde. Élie montra deux frères qui passaient par là. « Ces deux-là », dit-il.

Le rabbin leur demanda quels étaient leurs métiers. « Nous sommes des amuseurs publics. Si quelqu’un est triste, nous essayons de lui changer les idées. Si nous voyons des personnes se disputer, nous essayons de les réconcilier. »

Gestom Scholem, un des grands spécialistes du mysticisme juif, explique ainsi l’histoire :

« Ces deux amuseurs étaient vertueux, dans le cœur de Baal Shem Tov : ils n’étaient pas refermés sur eux-mêmes, pensant à leur salut, mais traversaient ce marché sale et bruyant, comme le faisait Baal Shem. Leur capacité à transformer la réalité la plus crue en spiritua-lité est le signe de leur forte communion avec Dieu. » (Westheimer et Mark, 1995, 94).

La tradition judaïque nous rappelle un but merveilleux : créer la joie pour nous-mêmes et autrui. Nous en avons parlé au chapitre 5 et avons remarqué la similitude de ce message avec la vision de Baruch Spinoza ; il s’accorde à la psychologie positive et se trouve au cœur du coaching.

L’espoirL’espoir, souvent accompagné d’humour, a permis aux juifs de sur-

vivre aux persécutions et aux périodes troubles de leur histoire. La tradition juive a certainement des propositions pour faire face aux épreuves. Elle nous enseigne à affronter la réalité (externe ou interne) telle qu’elle est, dans sa laideur et dans sa beauté. À nous de ne pas avoir peur, de ne pas nous cacher et de ne jamais désespérer ! La tra-dition judaïque, en particulier le hassidisme, nous invite à croire qu’il y a toujours de l’espoir. C’est un espoir actif, qui mène à une attitude proactive. Il fonctionne comme une prophétie auto-réalisatrice : nous trouverons les solutions que nous cherchons si nous sommes suffisam-ment flexibles et ouverts pour les voir.

Élie Wiesel (1972) nous dit : « J’entends encore la voix mon grand-père : “On te dira sûrement que telle ou telle histoire ne peut être

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objectivement vraie ; et alors quoi ? Un Hassid objectif n’est pas un Hassid.” Il avait raison. L’appel du Baal Shem était un appel à la sub-jectivité, pour un engagement passionné. Les histoires qu’il raconte montrent que l’homme est plus que ce qu’il semble être et qu’il est capable d’offrir plus qu’il ne semble posséder. » (Wiesel, 1972, 20). Il explique : « Dans son univers, les mendiants sont des princes ; les idiots sont des sages. Dotés de pouvoirs, les clochards parcourent le monde, le réchauffent, le changent. Dans le hassidisme, tout devient possible s’il y a quelqu’un pour écouter, aimer et s’ouvrir. C’est ce qu’est une légende hassidique : une tentative d’humanisation du destin. »

La beauté matérielle et spirituelleDans certaines traditions, plus de spiritualité signifie moins de ma-

térialisme. Un écart – une opposition – résulte de cette dichotomie. Celui qui est porté à la spiritualité voit le plaisir physique et la richesse comme des intérêts futiles. Tout comme les matérialistes trouvent les méditations ascétiques bizarres. À un mariage juif auquel j’étais invité, à Anvers, le rabbin a souhaité une réussite matérielle et spirituelle au jeune couple. Le Grand Maguid a dit : « Nous ne devons pas séparer les besoins du corps des besoins de l’esprit. » (Lipman, 1997). Ainsi le plaisir sexuel fait partie du mariage ; il est même un mitsvah (com-mandement divin).

De son côté, le Dr Ruth explique que la beauté physique est célébrée dans la tradition judaïque, à commencer par la Torah qui mentionne quatre femmes exceptionnellement belles. Elle fait remarquer que la beauté masculine est traitée avec une égale ouverture d’esprit. Elle note la connexion suivante : « Le Talmud affirme que la beauté de la femme aide à développer l’esprit de l’homme. » (Westheimer et Mark, 1995, 20, 49).

Le rabbin Dahan, lui, remarque que le judaïsme a été plus créatif et productif dans des temps de prospérité matérielle. La réussite maté-rielle est positive même d’un point de vue spirituel. Elle signifie que les riches ont plus à donner et évitent ainsi de perdre du temps à lutter pour survivre. L’argent n’est pas un but en soi mais il rend les choses possibles et nous aide à accéder à la joie pour les autres et nous-mêmes.

Le livre de Wiesel sur le hassidisme inclut des exemples de leaders pauvres (le rabbin Israël Baal Shem Tov) et riches (le rabbin Israël de Rizhin), de laids et de beaux. La pauvreté et la laideur ne sont pourtant pas valorisées en tant que telles. Ce sont pour certains des épreuves

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

à surmonter et non des états désirables. Pour lui, la beauté spirituelle est essentielle. « Ces hassidim… je les connaissais. Ils émouvaient par leur simplicité, aimaient la beauté et savaient aimer. Et faire confiance. Ils savaient comment donner et recevoir gaiement ; ils savaient com-ment partager, participer. Dans leur communauté, aucun mendiant ne souffrait de faim pendant le shabbat. Malgré leur misère, malgré les menaces constantes pesant sur leurs enfants ou leurs anciens, ils ne demandaient rien à personne ; ils ne pensaient pas que tout leur était dû. Toujours surpris par un signe de bonté ou de compassion, ils répon-daient avec gratitude. » (Wiesel, 1972, 10).

Les problèmes surviennent quand le matérialisme et la spiritualité sont considérés comme contradictoires. Des besoins naturels et légi-times (matériels et spirituels) risquent alors d’être réprimés. De ce fait, ils font souvent irruption de façons extrêmes et paradoxales9.11

Par exemple, un matérialisme extrême peut devenir une obsession : travailler comme un fou parce qu’il n’y a jamais assez d’argent, s’en-traîner et manger avec une extrême rigueur car le corps n’est jamais en assez bonne santé ou, à l’inverse, se suralimenter à en devenir obèse. À un moment donné, la spiritualité exacerbée se manifeste sous une forme également extrême : abandonner une belle carrière pour être enfin avec sa famille, devenir critique à l’égard des plaisirs et des récompenses matérielles.

Les environnements culturels et les systèmes organisationnels pro-voquent parfois des dilemmes douloureux, comme si le corps et l’esprit ne pouvaient être comblés en même temps.

La tradition judaïque nous offre une alternative rafraîchissante et raisonnable. Entre les extrêmes, il y a de la place pour la modération, pour reconnaître et satisfaire nos désirs, matériels ET spirituels. Il nous est loisible d’être bons et généreux envers les autres et nous-mêmes tout en essayant de rencontrer nos différents besoins et en servant autrui.

Le matérialisme et la spiritualité gagnent à être associés pour que les personnes et les organisations prospèrent.

Questionner, apprendreLe Talmud est une vaste compilation de débats entre érudits, de leurs

commentaires, et de commentaires sur ces commentaires. Il comprend

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LA PERSPECTIVE SPIRITUELLE

l’interprétation de la Torah dans des domaines tels que la législation, l’éthique, les cérémonies et les traditions. Il inclut ce message essen-tiel : « Nul n’est plus pauvre que l’ignorant. »

À ce sujet, Wiesel écrit : « Le judaïsme n’a jamais prétendu être monolithique. Son enseignement est un tout, une synthèse ; tous les courants sont représentés, ceux des maîtres comme ceux des disciples. Donnée une fois, la Torah est reçue mille fois et reçue de mille façons, chacun contribuant à l’enrichir. » (136).

Abraham ben Samuel Aboulafia, de son côté, propose sept manières de lire la Torah. Le cinquième niveau, par exemple, invite le lecteur à analyser tous les éléments du texte lui-même, y compris la forme des lettres : Pourquoi y a-t-il 22 lettres ? Pourquoi la première lettre de la Torah est-elle un « beith » ?… Ce questionnement surprend, choque parfois pour qui est habitué à se fier au jugement d’autrui. L’aptitude à questionner a permis à d’éminents scientifiques comme Einstein et Freud de remettre en question les hypothèses et d’ouvrir des perspec-tives radicalement nouvelles. Cette culture implique aussi la tolérance : les perspectives multiples, par opposition à une vérité unique, existent et sont en elles-mêmes une source de richesses.

La vérité comme acte, l’amour au-dessus de l’érudition, la commu-nauté au-dessus de la solitude

Comme l’explique Martin Buber (1967), « la tâche du judaïsme n’est pas de comprendre intellectuellement la spiritualité, ni son ex- pression artistique, mais son accomplissement » et « Dieu ne veut pas que l’on croie en Lui, que l’on En débatte et qu’on Le défende, Il veut simplement être accompli par nous ». (10, 94). Il est du devoir de l’homme de créer « une vraie communauté » sur terre (Buber, 1967, 111). Dans la tradition judaïque, le Messie viendra lorsque l’homme aura construit une telle communauté. L’attente du Messie est alors proactive et non passive.

Le hassidisme naissant nous a montré un exemple de ce à quoi res-semble cette « vraie communauté ». Elle est liée par un amour frater-nel. « La préoccupation principale de Baal Shem était de créer des liens à tous les niveaux ; ce qui rassemble les gens, ce qui unifie la commu-nauté était bon selon lui ; ce qui propageait la division était mauvais. Le rôle de l’homme est, selon lui, de réduire la solitude dans le monde. » (Wiesel, 1972, 45).

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Baruch SpinozaLe modèle holographique s’accorde également remarquablement

avec la philosophie singulière de Baruch Spinoza, qui inspira les Lumières au xviiie siècle mais qui reste difficile à saisir (de la même façon que le modèle holographique implique un « changement de para-digme » et exige un effort particulier de réflexion de notre part).

Sans éliminer la possibilité de « l’éthique » et de la « responsabi-lité », Spinoza défend la « liberté par le savoir », ce qui est assez diffé-rent du célèbre « libre arbitre ». Ce dernier est largement illusoire : des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels expliquent des comportements que nous attribuons au « libre arbitre ». Pourtant la plupart des coachs ne s’en rendent pas toujours compte et ne com-prennent pas pourquoi des coachés continuent à buter sans cesse sur les mêmes obstacles.

« La béatitude » est selon Spinoza le but ultime à atteindre pour les humains ; c’est la joie de tous les instants de la compréhension de la nature, du salut dans et par le monde ; c’est la sérénité de la participa-tion pleine à la vie. Pour lui, « la béatitude est l’état normal de l’âme, dont nous sommes séparés par nos illusions et nos mensonges. Ce n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ». Plus simplement, selon André Comte-Sponville (2001), « c’est le bonheur du sage, ou la sagesse elle-même comme bonheur. Son contenu est de joie, donc d’amour. Son objet est la vérité, donc tout. C’est l’amour vrai du vrai. Que nous soyons incapables de l’habiter n’empêche pas de découvrir, parfois, qu’elle nous habite » (83). Jérôme Grynpas explique : « C’est la joie de comprendre qui je suis et comment l’être que je suis peut développer toutes ses capacités10.12»

Les perspectives variées auxquelles je fais référence dans ce livre nous aident à comprendre les filtres qui déterminent ou au moins influencent nos actions. Par exemple, le COF nous donne une feuille de route concrète pour décrypter certains de nos biais culturels et ainsi dépasser nos limitations culturelles actuelles. Sur le plan physique, j’ai évoqué comment notre nutrition impacte notre santé et notre forme, notre capacité à gérer le stress, etc. Beaucoup se nourrissent sans y prê- ter attention, ignorant les opportunités d’aller bien au-delà de leurs capacités physiques actuelles. Ainsi, le coaching global facilitera le voyage vers la béatitude, celle définie par Spinoza. Selon mon expé-rience, les coachés qui entreprennent ce parcours acquièrent sérénité

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et sagesse. Ils sont plus capables de suspendre leur jugement, d’attri-buer les comportements de leurs collaborateurs à des facteurs dont ils n’ont pas encore conscience et de s'ouvrir à de nouvelles possibilités pour répondre à leurs défis.

La diversité – autre thème-clé de ce livre – entre en jeu ici égale-ment. Selon Spinoza, les différences qui font de chacun de nous une personne unique nous permettent de penser librement. L’implication pratique pour les coachs est qu’il importe de comprendre, cultiver et tirer parti de cette diversité. Les perspectives psychologiques et cultu-relles ouvrent la voie vers la perspective spirituelle.

Spinoza attire l’attention sur « l’unité corps-esprit » - « une seule et même chose, exprimée de deux façons différentes » -, qui est éga-lement compatible avec le modèle holographique. De plus, il affirme que la nature est la totalité : tout lui appartient et il n’est rien d’autre qu’elle ; il n’existe pas de transcendance. En matière d’actions pra-tiques, cette vision profane (le terme « Dieu » qu’utilise Spinoza ne doit pas nous dérouter, étant donné son concept de Deus sive natura – Dieu est la nature) peut s’accorder aux visions religieuses, comme celles de Buber, de Jung (le but de notre vie est de compléter le travail de création de Dieu) ou Teilhard de Chardin. La position de Teilhard de Chardin est que la vie est une entité unique ; le monde vivant tout entier est « un seul et gigantesque organisme » ; chaque individu, en contribuant à ce projet commun, bénéficie d’une raison d’être person-nelle ; « bien qu’une faible proportion de ceux qui essaient d’atteindre les sommets de l’accomplissement humain y parvienne, il est impératif qu’il y ait une multitude de grimpeurs. Sinon, le sommet pourrait bien ne jamais être atteint par quiconque. Les disparus et les foules oubliées n’ont pas vécu en vain, s’ils ont fait l’effort de grimper ». (Yalom, 1980, 426).

NOTES1. Voir www.nasa.gov/exploration/home/why/_moon.html. Consulté le 13 août

2009.2. D’après Francis Rocard, astrophysicien au CNES. JT TV5 Monde. 20 juillet

2009.3. Ces deux sections comprennent des adaptations de Rosinski, Lessons in Global

Coaching From a Journey Through Unusual Hardship, 2007, 11-13 ; et Rosinski, Coaching From Multiple Perspectives, 2006, 8-9.

4. Rosinski, 2007. Une blessure de sport peu importante a empiré, entraînant une affection qui n’a pu être ni expliquée ni guérie pendant plus d’un an. La

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

douleur était telle qu’elle m’empêchait de m’asseoir et de me tenir debout.Mon épreuve m’a rappelé à quel point la division et l’absence d’une approche globale imprègnent toujours notre société. Pendant plus d’un an les médecins et autres professionnels de santé que j’ai consultés avaient peu de connaissance et apparemment peu de curiosité sur tout ce qui sortait de leurs spécialités. À l’inverse, l’approche multidisciplinaire que j’ai fini par découvrir a fait la différence et confirmé le pouvoir des perspectives multiples. L’approche mul- tidisciplinaire du Professeur Plaghki lui a permis de confronter des points de vue et de faire s’enrichir mutuellement les divers domaines d’expertise. D’où un diagnostic correct. Au contraire, les médecins isolés s’étaient égarés et avaient fait des erreurs coûteuses facilement évitables.

5. La Bible : Jean 8.7 Nouveau Testament Weymouth.6. La Bible : Jean 8.11 World English Bible.7. Rosinski, Leading for Joy : Lessons on Leadership From the Judaic Tradition

1998.8. Zeig, 1980. Par exemple, p. xi : « Certains d’entre nous voulaient en venir

au « véritable enseignement » et demandaient des clarifications. Erickson répondait avec une histoire. D’autres questions recevaient d’autres histoires en réponse. Au lieu de nous laisser digérer et ruminer la signification d’une histoire, Erickson commençait tout de suite un nouveau récit, avec parfois quelques plaisanteries pour attirer notre attention, et d’autres fois sans aucune transition. »

9. Plus à ce sujet au chapitre 10 (le concept de l’ombre).10. Leçon de philosophie le 25 novembre 2009, CCLJ, Bruxelles.

3ème partie

Connecter les six perspectives

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Chapitre 9

Adopter l’interconnexion

Le coaching traditionnel, reflet de nos tendances culturelles occi-dentales aristotéliciennes et de notre vision matérialiste du monde, est souvent caractérisé par une approche fragmentée et spécialisée.

Nous pouvons ainsi nous concentrer sur nos domaines d’expertise mais risquons de passer à côté des interconnexions et de manquer de hauteur de vue. S’agissant de nos six perspectives de coaching, cela revient à ignorer les bénéfices de points de vue différents (par exemple, négli-ger le territoire culturel). Ce cloisonnement prive surtout des fertilisa-tions croisées et des synthèses nécessaires face aux défis complexes.

Des expériences extraordinaires et des découvertes capitales peu-vent aider à changer notre façon de penser et notre regard sur la vie. Pour y accéder, il nous suffit simplement d’être profondément ouverts et curieux. Il ne s’agit pas de renoncer au scepticisme salutaire mais plutôt d’accepter la primauté des expériences, même si les résultats ne correspondent pas à nos modèles et à notre vision du monde. C’est ce que font les meilleurs coachs : ils écoutent réellement, suspendent leur jugement, vont au-delà de leurs idées préconçues, et permettent au potentiel du coaché de s’épanouir.

Dans ce chapitre, je présenterai le modèle holographique. Je m’inspirerai en particulier de l’étonnant Holographic Universe, écrit par Michael Talbot (1991) et me baserai sur les idées innovantes du

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

physicien David Bohm (Wholeness and the Implicate Order, 1980). La synchronicité a sans doute été à l’œuvre lorsque je suis tombé sur les livres de Talbot et de Stanislav Grof (2006). Le modèle holographique donne l’ancrage théorique, solide et original nécessaire au coaching glo-bal. En outre, il se trouve que la théorie mathématique et le langage de l’hologramme sont les transformées de Fourier, au cœur de mes études à l’Université de Stanford, où j’ai obtenu un Master de sciences en ingénierie électrique.

Je présenterai aussi le modèle de pensée complexe pour compléter notre cadre conceptuel du coaching global. Je m’inspirerai en parti-culier de l’excellent travail d’Edgar Morin (2005). Ces deux modèles sont cohérents, et désignent ensemble un nouveau paradigme pouvant mener le coaching vers de nouvelles frontières.

Le modèle holographiqueUn hologramme est une image en trois dimensions généralement

réalisée à l’aide d’un laser. Il peut être statique (une image) ou dyna-mique (un film). Il a l’air réel. Mais quand vous voulez le toucher, vous ne saisissez que l’air.

Hologramme vient du grec holos (entier) et graphè (action d’écrire, de dessiner). Donc, « l’hologramme est un outil qui, en quelque sorte, “écrit le tout” » (Bohm, 1980, 183).

L’holographie est possible grâce au phénomène d’interférence, qui se produit, par exemple, quand des vagues d’eau produites par le jet de cailloux dans un étang passent les unes à travers les autres ; elles créent une configuration complexe – un schéma d’interférence.

La lumière cohérente d’un laser convient bien pour créer les sché-mas d’interférence rendant possibles les hologrammes. Bohm explique que l’on fait passer la lumière laser à travers un miroir semi-réfléchis-sant. Une partie du faisceau atteint directement une plaque photogra-phique, alors que le reste est réfléchi de façon à éclairer un objet. La lumière réfléchie par cet objet atteint aussi la plaque, où elle interfère avec la lumière parvenue directement au travers du miroir. Le schéma d’interférence qui en résulte est enregistré sur la plaque. Il est si com-plexe et généralement si fin qu’il est invisible à l’œil nu. Pourtant, il contient, implicitement, toutes les informations sur l’objet.

Quand la plaque photographique est éclairée au laser, un front d’ondes semblable à celui qui vient de l’objet original est créé. Cela

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ADOPTER L’INTERCONNEXION

nous permet de voir en trois dimensions à partir de nombreux points de vue, quelque chose qui ressemble exactement à l’objet. De plus, si nous éclairons seulement un petit endroit de la plaque, nous voyons toujours la structure entière, mais avec moins de précision et à partir d’une gamme réduite de points de vue.

Il n’y a pas de correspondance une à une entre les parties de « l’ob-jet éclairé » et les parties de « l’image de cet objet sur la plaque ». Le schéma d’interférence de chaque partie de la plaque concerne l’objet entier, et chaque partie de l’objet concerne la totalité du schéma d’in-terférence sur la plaque (183-184).

Cette propriété « d’intégralité indivisée » de l’hologramme est en contraste avec la vision mécaniste du monde à laquelle nous nous sommes tant habitués que nous la confondons avec la réalité, entre-tenant « l’illusion que le monde est vraiment constitué de fragments séparés » (9). La lentille optique illustre cette correspondance point à point. Les lentilles des microscopes ou télescopes peuvent nous aider à explorer le monde, des objets minuscules jusqu’aux étoiles loin-taines. Néanmoins, Bohm soutient qu’ « à cause des propriétés ondula-toires de la lumière, même une lentille ne peut produire une correspon-dance point à point exacte » (184-185). Tout comme les lois de Newton ont été dépassées par la physique d’Einstein malgré leur utilité dans beaucoup de domaines, la vision « lentille » mécaniste du monde doit être transcendée par la conception plus générale de l’« hologramme ». L’hologramme révèle une vision organique du monde, en accord avec notre réalité complexe et interconnectée, et nécessaire pour relever les difficiles défis de notre époque.

Une nouvelle description de l’univers émerge. Cet ordre n’est pas à comprendre seulement en termes d’arrangement régulier d’objets dans l’espace et d’événements dans le temps, mais plutôt comme « un ordre total contenu implicitement dans chaque région de l’espace et du temps. » En d’autres termes, « chaque région contient en elle-même une structure entière enfouie en elle » (188).

Chaque partie du film holographique contient toute l’information de l’ensemble. Vous pouvez reproduire l’objet original en braquant le faisceau laser seulement sur un fragment du film (bien que les images deviennent plus troubles lorsque les parties éclairées deviennent plus petites). C'est déconcertant d’un point de vue mécaniste, mais pas sous le nouveau paradigme de la complexité.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

En outre, vous pouvez enregistrer plusieurs images sur un seul film en changeant la direction du faisceau laser. Vous pouvez reproduire chaque image ultérieurement en choisissant le bon angle du faisceau.

Karl Pribam, professeur de neuropsychologie à l’Université de Stanford, a utilisé le modèle holographique dans les années 60 pour rendre compte de phénomènes déroutants de notre cerveau, notamment :

• L’étendue de notre mémoire : nos cerveaux, tout comme des holo-grammes, peuvent stocker un nombre gigantesque de souvenirs dans très peu d’espace.

• Notre aptitude à nous rappeler et à oublier : se souvenir est ana-logue à diriger un faisceau laser pour faire apparaître une image particulière. Sans le bon angle, cette image n’apparaîtra pas.

• La non-localité : les souvenirs ne semblent pas localisés dans des zones spécifiques du cerveau mais sont distribués partout. Karl Lashley a coupé plusieurs parties de cerveaux de rats ; après ces opérations, ils continuaient pourtant à effectuer leurs parcours habituels dans les labyrinthes. Paul Pietsch a manipulé le cerveau de salamandres (tranchant en rondelles, retournant, mélangeant, diminuant, et hachant...), ce qui n’a pas empêché les salamandres de continuer à se nourrir normalement une fois remis en place ce qui restait du cerveau. (voir Talbot, 1991, 12-13 et 26).

D’autres phénomènes comme les tendances associatives de la mémoire et notre capacité à reconnaître rapidement un visage fami-lier dans une foule, peuvent aussi être expliqués par des techniques holographiques.

Le modèle holographique nous permet de douter de la dualité externe-interne, que nous tenons habituellement pour acquise. Intérieu-rement, nous avons des sentiments, des pensées, et des représentations mentales de la réalité. Extérieurement, nous avons le monde matériel d’objets et d’êtres vivants que nous voyons, entendons, touchons, sen-tons, et goûtons. Comme beaucoup d’autres coachs, j’utilise souvent cette dichotomie. Le COF nous montre par exemple comment repré-senter des aspects saillants de notre culture. Nos orientations (internes) influencent nos comportements (externes). En élargissant notre terri-toire intérieur, nous obtenons de plus nombreux choix externes et pou-vons devenir plus efficaces. N’est-ce pas évident ?

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ADOPTER L’INTERCONNEXION

En fait, la réalité n’est pas si simple. Pourtant utile, la séparation interne-externe n’explique pas, par exemple, le phénomène du membre fantôme. Un amputé peut ressentir une douleur, parfois insoutenable, du membre manquant comme s’il était encore là. J’ai moi-même expé-rimenté un syndrome similaire1.1Des preuves supplémentaires confir-ment que notre cerveau peut nous tromper en nous faisant croire que des processus internes se situent à l’extérieur de notre corps. Le phy-siologiste et Prix Nobel Georg von Bekesy a mis des vibrateurs sur les genoux de sujets aux yeux bandés et leur a fait ressentir que ces vibra-teurs étaient entre leurs genoux. Talbot (1991) explique : « Il a démon- tré que les humains ont la capacité de ressentir des sensations sur des localisations spatiales où ils n’ont aucun récepteur de sensation. » Il fait le lien avec le modèle holographique : « Créer l’illusion que les choses sont situées où elles ne le sont pas est le caractère quintessentiel d’un hologramme. » (25).

La physique quantique apporte d’autres preuves que la réalité est plus complexe que nous le pensons. Si vous brisez la matière en mor-ceaux de plus en plus petits, vous n’obtenez pas seulement de plus petits objets comme vous pourriez vous y attendre d’un point de vue mécaniste. Vous découvrez des entités comme des électrons, ayant des propriétés différentes, « par exemple, semblables à des particules ou à des ondes, ou à quelque chose entre les deux, selon le contexte envi-ronnemental dans lequel elles existent et sont sujettes à observation ». (Bohm, 1980, 222). Les physiciens croient que l’univers entier est fait de particules subatomiques (parfois appelées quanta), qui se com-portent de cette « façon-caméléon ». (Talbot, 1991, 33).

Le modèle holographique donne un fondement à l’affirmation que nous vivons dans un monde interconnecté, et beaucoup plus inter-connecté que nous le pensons habituellement. En 1982, les physiciens français Alain Aspect, Jean Dalibard et Gérard Roger prouvèrent que le physicien danois Niels Bohr, un des pères fondateurs de la physique quantique avait raison. Ils produisirent une série de photons jumeaux en chauffant du calcium avec des lasers et les laissèrent se déplacer dans des directions opposées. Ils disposaient à l’époque de la tech-nologie nécessaire pour mesurer des phénomènes plus rapides que la lumière. Comme la théorie de Bohr l’avait prédit, chaque photon maintint son angle de polarisation (c’est-à-dire son orientation spatiale

1 Page 259.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

en cours d’éloignement de son point d’origine) en synchronisme avec son jumeau. Les photons ne pouvaient pas communiquer entre eux au moyen de la lumière, car cette lumière aurait eu à voyager plus vite que la vitesse de la lumière, la vitesse absolue, selon la théorie de la relati-vité restreinte d’Einstein. L’expérience d’Alain Aspect indique que la connexion entre les photons jumeaux était non locale (Talbot, 1991, 36, 43, 52-53). Les photons restaient en quelque sorte connectés, ce qui ne prouve certes pas la validité absolue du modèle holographique mais donne néanmoins du poids à un modèle conforme aux résultats expérimentaux et constituant à ce jour notre meilleur moyen d’expli-quer cette réalité intrigante. La conscience de cette interconnexion peut inspirer notre coaching. Nous pouvons réfléchir aux implications, nous demander ainsi qu’à nos coachés : comment pouvons-nous pleinement prendre en compte le fait que tout soit profondément connecté ?

Dans sa recherche sur les plasmas, Bohm (qui fut le protégé d’Eins-tein) découvrit « des océans entiers de particules, chacune se compor-tant comme si elle savait ce que des trillions d’autres faisaient ». Il nomma « plasmons » ces mouvements collectifs d’électrons (Talbot, 1991, 38). Des particules subatomiques se comportaient donc comme des ensembles interconnectés. Bohm propose une analogie utile. Ima-ginez que vous filmez un poisson nageant dans un aquarium avec deux caméras, placées à des angles différents et reliées à deux écrans distincts de télévision. Les deux images seront corrélées. De même, bien que les particules semblent être séparées les unes des autres, elles agissent comme si elles étaient la projection d’une réalité unique de « dimension plus élevée » (analogues aux poissons vus sur les écrans télévisés à deux dimensions, projections du poisson dans l’aquarium à trois dimensions). Dans certaines conditions, les particules peuvent paraître relativement indépendantes. En général toutefois, les parti-cules montreront des relations non-locales, non-causales, similaires à la corrélation des mouvements des poissons sur les écrans TV.

Bohm investigua plus avant la notion d’ordre. L’ordre peut exister sous un désordre apparent. Cette notion est aussi au cœur de la « théo-rie du chaos ». (voir en particulier Gleick, 1997). Bohm fut frappé par un appareil composé de deux cylindres de verre imbriqués l’un dans l’autre et séparés par de la glycérine (un fluide très visqueux) : « Une gouttelette d’encre insoluble est placée dans le fluide, puis on fait faire une rotation au cylindre extérieur. La gouttelette est alors étirée en un filet fin qui finit par devenir invisible. Quand le cylindre est tourné en

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ADOPTER L’INTERCONNEXION

sens inverse, le filet se rétracte puis la gouttelette reprend sa forme d’origine. » (Bohm, 1980, 227).

Il explique : « Quand les particules d’encre sont étirées en un long filet, tout se passe comme si elles étaient enveloppées dans la glycé-rine. » La gouttelette peut être déployée « en inversant le mouvement du fluide » (Bohm, 228).

Ce phénomène illustre comment l’ordre peut être soit manifeste (explicite, déployé), soit caché (implicite, enveloppé). De même, il y a de l’ordre enveloppé dans le désordre apparent du schéma d’inter-férence enregistré sur un film holographique ou dans les mouvements apparemment aléatoires d’électrons dans des plasmas.

Talbot résume l’affirmation cruciale et étonnante de Bohm : « La réalité tangible de nos vies quotidiennes est une sorte d’illusion, com- me une image holographique. Il y a un ordre sous-jacent et plus pro-fond de l’existence, un niveau fondamental et étendu de réalité qui donne naissance aux objets et apparences de notre monde physique d’une manière très semblable à l’hologramme qui naît à partir d’un morceau de film holographique. » Bohm appelle ce niveau plus pro-fond de la réalité l’ordre implicite (enveloppé, enfoui), et fait référence à notre propre niveau d’existence comme ordre explicite ou déployé. (Talbot, 1991, 46). Il y a d’innombrables enveloppements et déploie-ments entre les deux ordres. Chaque particule subatomique est un ensemble, et la façon dont l’observateur interagit avec ce dernier dé- termine quels aspects se déploient et lesquels restent cachés. C’est « l’effet-caméléon » mentionné plus haut.

Appliquer par analogie ces idées au coaching implique au moins deux choses :

• Les hommes ont un énorme potentiel caché et, par notre coaching, nous pouvons les aider à en déployer divers aspects. Le danger serait de nous limiter trop tôt, et de limiter ainsi les progrès de nos coachés, en adoptant les mêmes points de vue partiels. Ce serait comme diriger des faisceaux laser dans une fourchette angulaire étroite, ignorant la possibilité de nombreuses autres perspectives ; cela restreindrait le déploiement du potentiel du coaché.

• La qualité de notre interaction avec les coachés est cruciale. Comme vous le verrez au chapitre 11, cela est en rapport avec la notion des relations Je–Tu de Martin Buber (1985) et sa notion que « toute vraie vie est rencontre ».

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Comme je l’ai mentionné plus tôt, la transformée de Fourier est le langage mathématique de l’hologramme. Dennis Gabor l’a utilisée en 1947 lorsqu’il conçut l’idée de l’holographie, pour laquelle il reçut un prix Nobel (voir Talbot, 1991, 27). Quand j’ai étudié la transformée de Fourier et ses multiples applications, j’ai été fasciné par l’élégance et l’ingéniosité de la théorie mathématique et sa large application à de nombreux domaines, dont l’électronique, l’optique, l’acoustique, et le traitement d’image2.2Une de ses applications, l’imagerie médicale, ai- de à sauver des milliers de vies3.3Mon professeur, Ronald Bracewell (1978), explique : « Nous pouvons penser aux fonctions et à leurs transformées comme si elles occupaient deux domaines, parfois dési- gnés comme supérieur et inférieur, comme si les fonctions circu-laient au niveau du sol et leurs transformées sous terre. » (135). Le détour dans ce monde souterrain rend souvent la vie plus facile sur terre. Par exemple, la convolution de deux fonctions f(x) et g(x) (représentée par f(x) g(x)) est plutôt compliquée (“convoluted” en anglais !) :

-∞ ʃ f(u) g(x-u) du.+∞ La convolution dans un domaine est équivalente à une simple multi-

plication dans l’autre domaine. Cela signifie que vous pouvez transformer les fonctions, multiplier ces transformées F(x) × G(x) dans le domaine fréquentiel – l’autre domaine –, puis retransformer le résultat pour obtenir la convolution souhaitée. Je ne m’attends pas à ce que les coachs globaux maîtrisent les mathématiques (dont j’ai presque tout oublié moi-même !), mais nous pouvons garder à l’esprit la philosophie sous-jacente : être ouvert et sensible à différents niveaux de réalité, et jongler de façon créative avec ces domaines amélioreront vos capacités en coaching.

Les théories de Bohm et Pribam proposent une manière radicale-ment nouvelle d’envisager le monde : « Nos cerveaux construisent mathématiquement la réalité objective en interprétant des fréquences qui sont en dernière analyse des projections d’une autre dimension, un ordre plus profond de l’existence qui est au-delà du temps et de l’espace. Le cerveau est un hologramme enveloppé dans un univers holographique. » (Talbot, 1991, 54). Cela ne signifie pas que les objets matériels n’existent pas. Mais la réalité de chaque objet a deux aspects.

2 Page 259.3 Page 259.

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Par exemple, sans filtres mentaux, nous nous représenterions une table comme une figure d’interférence. Laquelle est réelle, et laquelle est une illusion ? Comme Pribam dit à Talbot : « Pour moi, les deux sont réelles, ou si vous voulez, aucune des deux n’est réelle. » (Talbot, 1991, 55). Pour rendre les choses encore plus complexes, nous faisons égale-ment partie de l’hologramme !

Le mérite de Talbot est de mettre en évidence des implications audacieuses et révolutionnaires du modèle holographique, et de mon-trer comment celui-ci peut expliquer une variété de phénomènes stu-péfiants - phénomènes qui appartiennent habituellement aux domaines de l’ésotérisme et de la paranormalité -, fascinants mais apparemment impossibles.

Je vous renvoie au livre de Talbot ainsi qu’à Quand l’impossible arrive du Dr. Stanislav Grof (2007) et à Passeport pour le cosmos de feu John Mack, professeur à Harvard (2016). Pour autant que vous approchiez le coaching avec un esprit ouvert, ces lectures devraient ébranler vos conceptions ontologiques.

J’aimerais mentionner quelques-uns de ces phénomènes et donner des exemples. J’espère qu’ils vous inciteront à en apprendre plus et à considérer leurs implications pour le coaching global.

• La synchronicité et l’inconscient collectif de Carl JungJe développerai ces thèmes dans le prochain chapitre. Tout est lié. Bohm pense également que « la conscience de l’humanité est pro-fondément une ». (Weber, 1982, 72). Talbot, tout comme Buber (voir chapitre 11), souligne que l’individualité n’est pas perdue : « Nous sommes comme les tourbillons dans la rivière, uniques mais inséparables du cours de la nature. » (1991, 81) En pratique, pourtant, nous ne puisons pas dans le savoir inconscient de l’es-pèce humaine entière ! La raison, selon le psychologue Robert Anderson, est qu’un processus sélectif de résonance personnelle est en jeu. (voir Talbot, 1991, 61).

• Les expériences mystiquesLes mystiques de traditions et d’époques diverses ont fait état d’un sentiment d’unité avec la vie - une unicité cosmique avec l’univers. Bohm et Pribam suggèrent que « les mystiques sont peut-être capables de regarder au-delà de la réalité ordinaire explicite et d’entrevoir ses qualités plus profondes et plus holo-graphiques ». (Talbot, 1991, 63).

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

• Les psychosesMontague Ullman pense que les psychotiques partagent des expé-riences similaires mais sont incapables de les ordonner rationnel-lement. Ces visions furtives du niveau holographique de la réalité sont des versions tragiques de celles rapportées par les mystiques. « Les schizophrènes font souvent état d’immenses sentiments d’unicité avec l’univers, mais d’une façon magique et délirante. » Les maniaques « s’identifient pompeusement à leur potentiel infini... En retour, le maniaque déprime lorsqu’il revient de cette échappée surréaliste et affronte de nouveau les risques et hasards de la vie quotidienne ». (Talbot, 1991, 63-64).

• Troubles de la personnalité multipleCe syndrome se manifeste quand un individu présente plusieurs personnalités distinctes. De plus, le fort clivage psychologique entre les diverses personnalités va de pair avec des changements biologiques spectaculaires après chaque changement de person-nalité. Les modifications biologiques « incluent l’apparition et la disparition brutales d’éruptions, de marques cutanées, de cicatrices et autres blessures des tissus ; des transformations de l’écriture et de la latéralisation ; de l’épilepsie, des allergies, du daltonisme qui se manifestent uniquement quand une de ces personnalités contrôle le corps » (Goleman, 1988). Une femme « admise à l’hôpital pour du diabète déconcerta ses médecins en ne manifestant aucun symptôme de la maladie lorsque la per-sonnalité non diabétique était dominante » (Goleman, 1985). En changeant de personnalité, un « multiple » peut aussi réagir diffé-remment aux médicaments, peut avoir une meilleure ou une pire vision et être différent « dans un talent artistique ou même dans la connaissance de langues étrangères » (Goleman, 1988). Ces parties déclarent des âges, des genres et des antécédents diffé-rents. Le syndrome peut représenter un mécanisme d’adaptation par morcellement de la souffrance après, par exemple, un passé d’enfant monstrueusement maltraité. C’est un exemple extrême de fragmentation. Un traitement psychiatrique adéquat permet-tra aux diverses personnalités de s’intégrer en une personnalité unique. Ce trouble ne montre pas seulement à quel point notre psychisme peut influencer notre corps mais également que ces différentes personnalités agissent comme « une image hologra-phique multiple » chez les personnes souffrant de ce syndrome. (Talbot, 1991, 100).

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• Des expériences étonnantes dans des états de conscience modifiésStanislav Grof a développé une technique utilisant du LSD pour induire des états de conscience modifiés. Plus tard, avec son épouse Christina, il mit au point la Respiration Holotropique, une méthode non-médicamenteuse d’auto-exploration et de thérapie. « Avec cette approche, des états de conscience inhabituels sont induits par des moyens très simples et naturels - une respiration plus rapide, de la musique évocatrice, et la libération d’énergies bloquées par un certain travail corporel. Les expériences déclen-chées par cette approche peuvent être extrêmement fortes et s’ap-parentent à la fois aux états causés par des psychotropes et à ceux décrits dans le Shivaïsme du Cachemire4. »4(Grof, 2006, 38).Dans ces états modifiés de conscience, les gens revivent des expé-riences qu’ils ne peuvent pas connaître ou dont ils ne peuvent se souvenir (selon la vision actuelle du monde). Ces expériences in- cluent leur propre naissance, leur existence intra-utérine et leur conception (Grof, 2006, 99), des épisodes de la vie d’ancêtres (ayant vécu bien avant leur propre conception), d’autres périodes de l’histoire et d’autres lieux géographiques (sans sentiment de lien biologique avec les protagonistes de ces épisodes, qui appar-tiennent souvent à d’autres groupes ethniques). (Grof, 2006, 117).Grof partage des histoires ahurissantes de réincarnations qui em- mènent les individus en d’autres temps et lieux dans des situa-tions chargées en émotions. Pendant ces épisodes, ils ont eu le sentiment étrange de déjà vu ou de déjà vécu et « d'un lien pro-fond avec les protagonistes ». (Grof, 2006, 135-137).

• La santé et la maladie ; le lien corps-espritLe Dr. Carl Simonton et son épouse Stephanie sont devenus convaincus que, pour être plus efficace, le traitement du cancer devait prendre en compte l’être humain dans sa totalité en tant que système intégrant l’esprit, le corps et les émotions. Ils ont appris à leurs patients, notamment par des techniques d’imagerie visuelle, à utiliser leur esprit et leurs émotions pour modifier le cours de leurs tumeurs malignes. Dans les années 70, ils ont traité 159 patients atteints de cancers diagnostiqués comme médicale-ment incurables. Quatre ans plus tard, 63 de leurs patients étaient toujours en vie : 14 ne montraient aucun signe de maladie, les

4 Pages 259 et 260.

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tumeurs diminuaient chez 12 autres, et 17 étaient dans un état stable. La durée moyenne de survie du groupe fut de 24,4 mois, soit le double de la durée moyenne de survie de 12 mois au plan national. 51 % des survivants purent maintenir le même ni- veau d’activité qu’avant le diagnostic et 76 % restèrent au moins à 75 % aussi actifs qu’auparavant. C'était tout simplement extraordinaire pour des patients « cliniquement incurables ». (voir Simonton et al., 1992, 10-12).L’effet placebo nous fournit un autre point de vue interpellant sur la connexion esprit-corps. Talbot (1991) rapporte que, dans les années 50, les patients qui bénéficièrent d'une opération simulée pour une angine de poitrine « étaient a priori aussi soulagés que ceux qui avaient subi une véritable opération ». L’effet placebo a fait l’objet de nombreuses études ; différentes sortes de douleur, l’asthme, des ulcères d’estomac, la dépression, l’arthrite dégé-nérative, la polyarthrite rhumatoïde, le diabète, la sclérose en plaques et le cancer, pour ne citer qu’eux, ont répondu au placebo (90-92). Cependant, nous n’avons pas conscience que nous pos-sédons un pouvoir incroyable de guérison et nous devons nous laisser « embobiner » afin de l’utiliser.Le psychologue Bruno Klopfer a rapporté un cas extraordinaire qui illustre bien cela. Un homme nommé Wright avait un cancer avancé des ganglions lymphatiques. « Son cou, ses aisselles, sa poitrine, son abdomen, et son aine contenaient des tumeurs de la taille d’une orange. Sa rate et son foie étaient si gros que, chaque jour, deux litres d’un liquide laiteux devaient être ponctionnés de sa poitrine. » Wright supplia son médecin de le laisser essayer un nouveau médicament appelé Krebiozen. À la surprise de son médecin, il fut sur pied et en train de se balader deux jours après la prise du médicament. Ses « tumeurs avaient fondu comme neige au soleil ». Dix jours plus tard, Wright quitta l’hôpital, apparem-ment guéri. Il alla bien pendant deux mois environ mais rechuta quand il lut que le Krebiozen n’avait aucun effet sur le cancer des ganglions lymphatiques. Le médecin lui raconta alors une histoire fausse mais convaincante : « Un nouveau Krebiozen super raffiné et doublement puissant » pouvait désormais traiter son cancer. Le docteur lui injecta de l’eau stérile sous couvert d’un protocole élaboré. De nouveau, la guérison de Wright fut spectaculaire. Il n’eut plus de symptômes pendant encore deux mois. Cependant,

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« son amélioration cessa quand l’Association Médicale Améri-caine publia un rapport établissant que des tests à échelle natio-nale avaient démontré l’inutilité du Krebiozen dans le traitement du cancer. Quelques jours après avoir lu cette déclaration, il fut admis à l’hôpital et mourut deux jours plus tard ». (Klopfer, 1957, 331-340).Selon le modèle holographique, notre esprit et notre corps sont intimement liés. Dans ce paradigme, des événements incroyables sont du domaine du possible. Le cas de Vittorio Micheli, dûment documenté et vérifié par radiographie (avant et après), illustre comment la profondeur de la foi spirituelle peut être à l’origine de guérisons miraculeuses. « Son os iliaque avait été désagrégé par un sarcome malin. Il restait si peu d’os que l’épiphyse de son fémur flottait dans une masse de tissus mous. Après une série de bains dans l'eau de Lourdes, son os iliaque se régénéra en quelques mois, ce qui constitue un exploit actuellement considéré comme impossible par la science médicale5. »5Les scientifiques établiront peut-être ultérieurement que ce processus naturel est possible après tout. Il est de toute façon très rare - peut-être parce qu'il implique d’accéder à un niveau très profond du psychisme. Il semble que dans une certaine mesure, la santé aille de pair avec un sentiment d’unité et de connexion, alors que la maladie révèle une fracture. Nous avons un certain pouvoir de créer à la fois la maladie et le bien-être. L’effet placebo (guérison) trouve une contrepartie négative dans l’effet nocebo (détérioration), comme le montre le cas de Wright. Il est donc heureux que notre accès à ces pouvoirs soit restreint. Le développement personnel pour-rait impliquer d’accéder graduellement à ce potentiel stupéfiant à mesure que nous renforçons progressivement notre maturité, notre sagesse et notre aptitude à utiliser ces capacités de façon constructive.

• La perception extrasensorielle et autres capacités paranormalesCes expériences transcendent les limites habituelles de l’espace et du temps et déconcertent les scientifiques, qui ne peuvent ex- pliquer de tels phénomènes avec les théories traditionnellement admises. Grof illustre des cas dans différentes catégories, qui incluent :

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o La télépathie : L’accès direct au processus de pensée de quelqu’un d’autre, sans utiliser des mots, des indices non verbaux, des signes ou d’autres moyens conventionnels de communication.

o Les expériences extracorporelles : Épisodes pendant les-quels la conscience désincarnée se déplace dans l’espace et perçoit l’environnement avec précision. Quand une telle perception implique des endroits éloignés, on l’appelle pro-jection astrale.

o La précognition : Anticipation précise de futurs événements sans indice objectif.

o La voyance : Capacité divinatoire à accéder à une infor-mation touchant au passé, au présent et à l’avenir en dehors de l’usage des cinq sens.

o La psychométrie : Processus d’obtention, par un contact prolongé avec un objet, d’information sur son histoire ou de faits et d’impressions sur une personne à laquelle l’objet a appartenu.

Grof (2006) mentionne aussi des expériences de mort imminente (near-death experiences) qui, dans leur forme pleine, incluent un épisode extracorporel, des rencontres et de la communication avec des personnes décédées (qui fournissent des informations vérifiables qui convainquent Grof qu’il ne s’agit pas d’halluci-nations), de transmission médiumnique (dans laquelle une per-sonne transmet par l’écriture automatique, par la parole ou par des messages d’action d’une source extérieure à sa personnalité habituelle) (169-173). Par exemple, Luiz Antonio Gasparetto a produit des peintures magnifiques d’artistes célèbres - Van Gogh, Picasso, Rembrandt et d’autres, chacune dans un style dif-férent... Il l'a fait en présence de Grof et de participants à un sémi-naire à Esalen. Avec juste assez de lumière pour que les partici-pants puissent voir mais pas assez pour que lui puisse distinguer les couleurs, il peignait ces œuvres à une vitesse impressionnante, travaillant parfois même sur deux tableaux simultanément – un pinceau dans chaque main. (Grof, 2006, 184-190).Grof cite une séance de psychométrie conduite par la médium Anne Armstrong. Elle demande aux participants de « suspendre tout doute sur leurs propres pouvoirs psychiques et de noter tout

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ce qui leur vient à l’esprit, sans la moindre réserve ou censure », après avoir regardé un objet qui « à l’insu des autres membres du groupe, avait une valeur affective » pour son propriétaire. Grof donne des exemples d’associations remarquables faites par les membres du groupe. Une différence-clé entre eux et Anne est « qu’elle était capable de décrypter ses propres images et associa-tions et de les traduire en interprétations claires et cohérentes ». (Grof, 2006, 198-208).

• Les matérialisationsComme l’explique Talbot (1991), le psychologue Erlendur Haraldsson a passé plus de dix ans à étudier Sai Baba en Inde, un homme qui pouvait faire apparaître des objets sur demande, y compris des espèces botaniques rares, des bagues et des bijoux de prix, de grandes quantités de nourriture (même des fruits hors saison) et des cendres sacrées hindouistes. « Bien qu’Haraldsson admette qu’il ne peut prouver de façon concluante que les exploits de Sai Baba ne soient pas les résultats de tromperies et de tours de passe-passe, il offre une grande quantité de preuves qui orientent assez clairement ces phénomènes vers le paranormal. » (151-152). Des milliers d’individus ont été témoins de ces matérialisations, dont Grof qui a observé de près Sai Baba produire une grande quantité de sucreries et de cendres. « Tout cela avec des manches courtes qui auraient rendu n’importe quel tour de magie très dif-ficile. » (Grof, 2006, 229).

• Les OVNIS, les rencontres extraterrestres et les enlèvementsDes centaines de personnes de différentes parties du monde ont décrit, indépendamment l’une de l’autre, des expériences sem-blables avec des extraterrestres. John Mack, professeur de psy-chiatrie à l’Université de Harvard, a entrepris une investigation majeure sur ces déclarations. En visionnant Enlevés (Allix, 2005) qui inclut son témoignage et plusieurs autres interviews d’enle-vés, j'ai été frappé par l’ouverture de Mack, son empathie et ses questions astucieuses alors qu’il essayait de découvrir la vérité. Dans la foulée, j'ai lu le second livre de Mack sur ce sujet (2008). Mack conclut que ceux qui ont rapporté des rencontres avec des extraterrestres, ou des enlèvements par ces derniers, ne souf-fraient d’aucun trouble psychiatrique et parlaient en toute sincé-rité. Mack (2008) explique :

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Je fus alors confronté au choix d’essayer de faire entrer les déclarations de ces personnes dans un cadre correspondant à ma propre vision du monde – selon laquelle elles avaient des fan-tasmes, faisaient des rêves étranges, déliraient, transformaient la réalité – ou bien de modifier ma vision du monde pour y inclure la possibilité que des entités, des êtres, des énergies – quelque chose – venant d’ailleurs entraient en contact avec mes clients. Le premier choix était en accord avec ma vision du monde, mais ne correspondait pas aux données cliniques. Le second ne corres-pondait pas à mes fondements philosophiques, ni aux hypothèses classiques concernant la réalité, mais semblait mieux cadrer avec ce que je découvrais. Cela paraissait plus logique et plus honnête intellectuellement de modifier ma cosmologie plutôt que de conti-nuer à essayer de forcer mes clients à entrer dans un moule qui ne leur convenait clairement pas. (5)Aussi réelles que soient les rencontres pour ceux qui les ont vécues, Mack insiste : « Je ne cherche pas à établir la réalité matérielle du phénomène d’enlèvements par des extraterrestres, c'est-à-dire les affirmations d’avoir été emmenés par des êtres humanoïdes dans des sortes d’enceintes où diverses procédures et communications ont prétendument eu lieu. Je me préoccupe plu-tôt de la signification des expériences pour ces personnes commu-nément appelées enlevées et pour le genre humain en général. » (xi-xii).Dans son hommage à Mack, Michael Cohen (2008) déclare que « l’univers holographique » est le seul modèle scientifique com-patible avec ces expériences extraordinaires.Mack (2008) note que dans beaucoup sinon la plupart des cul-tures indigènes, la « traversée » depuis le monde non visible (ou « autre » monde) vers notre réalité matérielle est considérée comme un événement normal ; mais dans « notre société occi-dentale, scientifique/matérialiste, les domaines du spirituel et du matériel ont été gardés séparés et distincts, et la possibilité d’aller et venir de l’un à l’autre est envisagée comme douteuse, sinon complètement impossible » (5). Il cite Malidoma Somé, un chamane du peuple Dagara du Burkina Faso : « Pour un homme ou une femme Dagara, le matériel est juste le spirituel prenant forme. » (Somé, 1995, 8). Sequoyah Trueblood, « un passeur », fils d’un indien d'Amérique et d’une mère germano-britannique dit : « Que le corps physique soit pris ou non pendant un enlè-

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vement n’est pas important, car nous “sommes esprit”. » (Mack, 2008, 7).Mack défend une approche multidisciplinaire – puisque « dans le cas de phénomènes d’enlèvement, il est même difficile de savoir sur quel(s) territoire(s) nous travaillons » – et conteste la pré-somption des scientifiques selon laquelle « la véritable objectivité – la séparation radicale du sujet et de l’objet – peut être atteinte d’une manière ou d’une autre » (24). Il remarque également que « la psychologie orientale utilise l’idée d’un “esprit neutre”, ni purement objectif, ni subjectif. Il est présent, attentif, ferme mais détaché, et inclut à la fois l’observation et le sentiment dans le processus du savoir. Peut-être est-ce avec notre esprit neutre que notre travail avec les enlevés devrait être mené » (25).Ce qui fait la différence, pour les enlevés et pour Mack qui les a écoutés véritablement, est le développement spirituel qui résulte systématiquement de ces rencontres.Selon Peter, un des enlevés, le phénomène de l’enlèvement « réi-fie66la césure classique esprit-corps qui a été responsable de tant de mal dans l’histoire humaine : l’intellect fuyant le cœur, la tech-nologie devenue frénétique ». (Cohen, 2008, 3). Cohen décrit les sentiments de l’unité cosmique et poursuit :

John [Mack] défendait une vision du monde plus large que la vision centrée sur l’homme et que la vision d’un cosmos dominé par les humains. Son vaste intellect lui permettait une conception plus large de notre place dans « l’omnivers », une place où les humains pourraient coexister avec d’autres espèces et converser intelligemment avec elles. Mais faire cela nécessite plus que des signaux radios et de l’intelligence scientifique – cela nécessite une intelligence émotionnelle et spirituelle, y compris une capacité à approfondir notre ouverture aux expériences intérieures. En cela, John fut un pionnier dans la promotion d’une vision élargie de la conscience et de notre relation à la création tout entière. John nous a emmenés bien au-delà de l’union à nos propres constructions intellectuelles, et dans la connaissance du lien de notre âme à quelque chose de bien moins restrictif. (Cohen, 2008, 4).

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Le développement spirituel résultant des rencontres d’extrater-restres et d’autres expériences extraordinaires se manifeste par une profonde appréciation de la vie et une volonté d’aider à préserver l’en-vironnement fragile de notre planète : « Les enlevés disent que les extraterrestres visitent la terre pour nous avertir que la désinvolture avec laquelle nous déforestons, souillons l’eau et polluons avec les déchets aura des conséquences désastreuses si nous ne changeons pas nos habitudes. Les enlevés acquièrent un profond souci de l’environ-nement, et le sentiment que les créatures rencontrées sont envoyées par le pouvoir, quel qu’il soit, régnant sur l’univers. Ils constatent que leurs expériences trouvent un écho dans les religions des Indiens d’Amé-rique. » (Publishers Weekly, 2008). Plusieurs de ces enlevés dédient à présent une grande partie de leur vie à protéger nos écosystèmes. Par exemple, Bernardo Peixoto « cherche à arrêter la déforestation en développant la prise de conscience de notre connexion essentielle avec la terre et le ciel et en mobilisant l’intérêt international et national pour la forêt amazonienne au Brésil ». (Mack, 2008, 176).

Que signifie tout cela pour la pratique du coaching ? Le coaching traditionnel, ancré dans la vision occidentale binaire du monde, ignore la nature profondément interconnectée de la réalité. L’écoute n’est en conséquence pas aussi profonde, la compréhension pas aussi clair-voyante, et la présence pas aussi authentique. Les coachs globaux n’ont pas nécessairement besoin de faire autrement les choses. Leur conscience plus élevée, leur sentiment accru de connexion avec eux-mêmes, avec les autres, et avec le monde dans son ensemble sont éclai-rants et communicatifs. Je décrirai cette attitude de coaching global au chapitre 11 en faisant référence aux relations Je-Tu de Martin Buber, qui sont remarquablement en accord avec le modèle holographique.

Le modèle holographique est-il valide ? À mon avis, c’est une hypothèse ingénieuse et une description élégante. Il nous reste tou-tefois beaucoup à apprendre. Notre compréhension de la réalité n’est pas achevée, et nos théories sont toujours appelées à être dépassées par d’autres plus adaptées au fur et à mesure que notre savoir collectif progresse. Au bout du compte, parce que nous sommes pragmatiques, ce qui importe le plus est de savoir si nos croyances nous apportent des résultats efficaces et constructifs. Nous sommes moins intéressés par leur véracité absolue. En enrichissant notre point de vue culturel et en élargissant notre vision du monde, nous pouvons réenchanter notre vie et l’imprégner de sens. Les perspectives culturelle et spirituelle sont

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bien entremêlées. Il en va de même de toutes les perspectives. L’exer-cice physique augmente notre bien-être. Nous devenons plus optimistes et reconnaissants, c'est-à-dire infusés de spiritualité. L'interconnectivité au cœur du modèle holographique signifie aussi que nous prenons en compte les liens entre divers niveaux : nous-mêmes, nos équipes, nos entreprises, nos familles, nos communautés et nos nations, sans oublier le monde (et même le multivers !). Nous avons conscience du grand impact de nos décisions et de nos actions quotidiennes. Les coachs globaux saisissent chaque occasion de jeter des ponts, d’exploiter des perspectives multiples et d’encourager la synthèse.

Il n’est pas nécessaire de vivre des expériences paranormales ou de rencontrer des extraterrestres pour acquérir une conscience globale. Comme je l’ai mentionné au chapitre 8, la stratégie du tournesol est au cœur de la perspective spirituelle. Nous pouvons nous tourner vers la lumière sous ses diverses formes. La vie est un miracle. L’amour est une merveille. Nous pouvons nous émouvoir de la mélodie d’un musicien, de la détermination d’un athlète, des actions héroïques d’anonymes et, bien sûr, des beautés naturelles de notre planète. Yann Arthus-Bertrand (2009), parmi d’autres photographes et réalisateurs, a saisi quelques trésors de notre terre. Il y a de nombreuses manières de déployer notre humanité et notre sentiment de connexion.

Ma thèse pour l’École Polytechnique de Bruxelles a consisté à ima-giner, concevoir et construire un appareil pour déterminer en temps réel l’occurrence de phases de sommeil profond d’un dormeur. L’ap-proche habituelle par traitement du signal impliquait une transformée de Fourier pour agir dans le domaine fréquentiel. J’ai décidé d’éviter le détour formel « sous terre » car, dans ce cas particulier, je pouvais trouver un moyen plus facile en restant au « niveau du sol ». Parfois au contraire c’est ce détour qui permet de simplifier une situation qui sem-blait inextricable. Les coachs globaux doivent se préparer à prendre ces deux chemins. En vérité, les deux domaines sont toujours avec nous et en nous.

Sans renoncer à fixer des objectifs dans le coaching7,7nous devons guider nos coachés à toujours s’ouvrir et s’adapter avec flexibilité à ce qui émerge, en se fiant à leur intuition et leur sagesse. Grof (2006) parle de ce mode « au fil de l’eau » (qui imite la façon dont l’eau se comporte dans la nature) :

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Nous tentons de comprendre le mouvement des choses et comment nous y associer le mieux possible. C’est la stratégie utilisée dans les arts martiaux et le surf. Elle implique de se concentrer sur le processus plutôt que sur l’objectif ou le résultat. Quand nous sommes capables d’aborder la vie ainsi, nous accomplissons plus avec moins d’efforts. De plus, nos activités ne sont ni égocentriques, ni exclusives, ni compétitives... mais inclusives et synergiques. Le résultat n’est pas seulement une satisfaction personnelle, mais sert l’intérêt de la communauté... Lorsque nous procédons dans ce cadre taoïste, des coïncidences et des synchronicités bénéfiques tendent à se produire, qui nous aident dans nos projets et notre travail. Nous trouvons « fortuitement » l’information dont nous avons besoin, les bonnes personnes arrivent au bon moment, et les fonds nécessaires deviennent disponibles (66).

Le paradigme de la complexitéLa pensée complexe est en accord avec le modèle holographique.

Elle fait comprendre le paradigme de la simplicité et précise ce qui est nécessaire pour aller vers le nouveau paradigme, plus adapté à notre monde post-moderne. Je présenterai quelques concepts-clés pour nous préparer, nous coachs globaux, à adopter la complexité. Nous ne de- vons toutefois pas abandonner les modèles simples, mais les placer dans un contexte élargi, en étant conscients de leurs limites et de la manière de les compléter par d’autres perspectives. Le leadership situationnel en est un exemple (voir chapitre 4).

Dialectique, récursivité et principe holographiqueLa dialectique, évoquée dans mon précédent livre (Rosinski, 2003,

57-58), est un aspect essentiel de la pensée complexe. Héraclite, un philosophe présocratique des ve et vie siècles av. J.-C., est à l’origine de cette philosophie, ce qui exclut de la qualifier de mode nouvelle et éphémère du management. Encore aujourd’hui, nous avons grand besoin de ce mode de pensée.

Contrairement à ses contemporains, Héraclite a refusé de s’attacher à un maître et se méfiait du savoir commun. Il a apporté les idées radi-cales suivantes :

• Paradoxalement, si nous voulons éviter que le conflit dégénère, nous devons accepter que la contradiction et le conflit sont néces-saires plutôt que de rechercher l’harmonie.

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• Chaque chose est une et son contraire. Elle est faite d’éléments antagonistes, intimement enchevêtrés. Par exemple : « haut » est inséparable de « bas » ; comme jour et nuit, mâle et femelle, etc.

• L’harmonie implique la similitude, l’immobilité, la mort. Le conflit est inhérent à la diversité, au mouvement, à la vie.

• Accueillir la nécessité du conflit et s’assurer qu’il ne dégénère pas porte un nom : la justice.

Mon idée d’une unité comprenant la contradiction remonte à Hé- raclite. Pourtant de nombreux coachs et organisations adoptent encore une approche binaire et des notions simplistes de l’éthique, qui peu-vent être contre-productives dans notre monde complexe. Pensez, par exemple, aux multinationales qui vendent des sodas. Elles sont fières de leur engagement pour la « qualité » et la « valeur actionnariale », et cependant promeuvent un produit malsain. Certaines personnes pensent que ces produits sont de très mauvaise qualité, compte tenu de leur faible valeur nutritionnelle. Se complaire dans l’excès d’une société consumériste, réagir aux publicités abrutissantes, et absorber des quantités énormes de « malbouffe », tout cela a forcément un prix : l’obésité, le diabète, le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc. Cette notion contradictoire de la qualité est nécessaire pour promou-voir le progrès.

Le médecin Larry Dossey propose des liens avec le modèle holo- graphique. « Nous tendons à considérer que la maladie nous est exté-rieure. La maladie nous assiège et perturbe notre bien-être. Mais si l’espace, le temps et toutes les autres choses de l’univers sont insé-parables, alors nous ne pouvons distinguer la santé de la maladie... Quand nous cessons d’envisager la maladie comme distincte et la voyons comme la partie d’un tout, comme un milieu de comportement, de régime, de sommeil, d’habitudes d’exercices et d’autres relations au monde, notre état s’améliore. » Il se réfère à une étude montrant que la plupart des personnes affligées de maux de tête chroniques ont guéri après avoir commencé à tenir un journal. Dans ce cas, la simple recon-nexion avec soi-même a hâté la guérison. « Quand notre attention est centrée sur un principe de relation et d’unicité et non sur la fragmenta-tion et l’isolement, la santé s’ensuit. » (Talbot, 1991, 89).

Plus généralement, la connexion avec le modèle holographique devient apparente lorsque nous considérons les polarités insépa-rables suivantes : onde-particule, déployé-enveloppé, partie-tout et externe-interne.

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En tant que coachs globaux, nous adoptons cette réalité dans notre pratique. Nous considérons les réalités internes et externes comme imbriquées. De l’ouverture de la représentation interne de la réalité (par exemple, utiliser le COF comme feuille de route au plan culturel, trouver au plan spirituel un sens aux épreuves subies, envisager la poli-tique comme nécessaire et potentiellement constructive), résulte natu-rellement une façon nouvelle et efficace de s’engager dans le monde « extérieur ».

Ce processus est récursif : il fonctionne comme une danse dans une spirale ascendante de renforcement mutuel. Les actions des coachés dans le monde « réel » sont plus productives, ce qui les conforte dans leur vision et leurs nouvelles croyances, amenant des succès encore plus importants. Incidemment, cette amplification et cet effet généra-teur distinguent la récursivité de la simple réciprocité, rétroaction ou régulation. Les coachs célèbrent les succès des coachés à chaque étape de leur parcours, consolidant ainsi leurs progrès et les aidant à surmon-ter les épreuves abordées comme des opportunités d’apprentissage.

D’après Edgar Morin, la récursivité est un des trois principes de la pensée complexe, au côté de la dialectique et du principe hologra-phique (c’est-à-dire le tout dans la partie et la partie dans le tout).

Système ouvert versus système ferméÀ la différence des systèmes ouverts (par exemple, le corps humain,

les organisations, les sociétés), les systèmes fermés ne possèdent pas de source d’énergie/matière extérieure à eux-mêmes.

Steven Strogatz (2003) remarque : « Les scientifiques ont souvent été déconcertés par l’existence d’un ordre spontané dans l’univers. Les lois de la thermodynamique semblent dicter, au contraire, que la nature évolue inexorablement vers un état de plus grand désordre et une entro-pie plus importante. Pourtant, nous voyons tout autour de nous des structures magnifiques – les galaxies, les cellules, les écosystèmes, les êtres humains – qui ont réussi d’une manière ou d’une autre à s’assem-bler. »

La vie est une victoire fragile sur l’inexorable déclin de l’univers. La vie est possible parce qu’elle est un système ouvert (par exemple : le corps, l'organisation). La néguentropie88contrarie l’entropie et équivaut au développement du système ouvert - à sa complexité accrue. Morin (2005) explique que la vie (la biologie) se caractérise par un ordre

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plus important que celui de la physique. Pourtant, la vie tolère de plus grands désordres que la physique. L’ordre et le désordre augmentent tous deux à mesure qu’une organisation devient plus complexe. Les cellules de nos corps se dégradent et renaissent de manière incessante. Vivre est à la fois mort et rajeunissement. Mais à force de régénération, nous vieillissons et finalement mourons (85), ou pour citer Héraclite, « Vivre de mort, mourir de vie ». Paradoxalement, « la vie est un pro-grès qui se paie par la mort des individus » (82).

Un défaut fondamental de la pensée simpliste est qu’elle a tendance à aborder les systèmes ouverts comme s’ils étaient des systèmes fermés. Elle ne comprend pas les relations entre les systèmes ouverts et leurs écosystèmes, qui sont à la fois « matérielles/énergétiques » et « orga-nisationnelles/informationnelles ». (Morin 2005, 32). La pensée sim-pliste ignore le fait que les systèmes fermés sont condamnés à s’étioler. La vie nécessite de l’ouverture et des échanges avec l’environnement.

Le tableau suivant résume les contrastes entre systèmes ouverts et fermés.

Système fermé Système ouvert

En équilibre En équilibre apparent – « État assuré, constant et pourtant fragile – steady state » (31-32) (paradoxe : la structure demeure quand ses composants changent)9

Statique Dynamique (déséquilibre stabilisé/équilibre apparent)

Paradigme de la vision du monde : classifi-cation, analytique, réductionniste, causalité (uni)linéaire

Paradigme de la vision du monde : la réalité du système réside à la fois dans la relation et la distinction du système ouvert et de son environnement

Soumis à la mort Dédié à la vie

Sujet à l’entropie (qui est une mesure du désordre : plus élevée est l’entropie, plus élevé est le désordre) ; l’entropie est la plus grande quand le système est fermé – cet état de « désordre interne parfait » est synonyme d’« équilibre »

La vie est une victoire fragile sur le déclin/l’entropie inexorable de l’univers (la seconde loi de la thermodynamique indique que l’entropie de l’univers tend vers un maximum). La vie est possible car c’est un système ouvert

L’harmonie – comprise comme équilibre parfait – équivaut à la mort. (Héraclite affirme cela bien avant que nous ayons compris la thermodynamique)

La néguentropie contrarie l’entropie et équivaut au développement des systèmes ouverts (par exemple : organisationnel), c’est-à-dire à une complexité accrue

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Isolé mais pas autonome

Autonome mais pas isolé (l’autonomie, un but crucial du développement humain selon l’analyse transactionnelle (voir chapitre 5) se produit par l’ouverture, par l’échange ; paradoxalement nous construisons l’auto-nomie par notre dépendance aux autres, à commencer par nos parents)

Le théorème de l’incomplétude de GödelJudy Jones et William Wilson (1995) expliquent :

En 1931, le mathématicien tchèque Kurt Gödel démontra que dans n’importe quelle branche des mathématiques, il y aurait toujours des propositions qui ne pourraient être prouvées ni justes, ni fausses en utilisant les règles et les axiomes... de cette branche des mathé-matiques elle-même. Vous pourriez prouver toute affirmation sur des nombres à l’intérieur d’un système en sortant de ce système pour obtenir de nouvelles règles et de nouveaux axiomes. Mais, fai-sant cela, vous ne feriez que créer un système plus vaste contenant ses propres affirmations non démontrables. Cela implique que tout système logique, quelle que soit sa complexité, est par définition incomplet, car contenant, à n’importe quel moment donné, plus d’affirmations qu’il ne peut en prouver selon ses propres règles.

Aucun système n’est complètement capable de s’expliquer lui-même, ni de se prouver totalement.

Autrement dit, tout système de pensée est ouvert, ce qui a deux conséquences.

La « mauvaise » nouvelle est la présence inévitable d’une faille. Dans le coaching, nombreux sont ceux qui oublient que les modèles sont nécessairement imparfaits. Les coachs entretiennent parfois l’il-lusion de la validité absolue des outils psychométriques (voir chapitre 7). La quête du modèle, de l’approche ou de la théorie ultime est un leurre.

La « bonne » nouvelle est que nous pouvons adopter un point de vue « méta ». En prenant du recul, nous pouvons introduire de plus en plus de la complexité de la vie dans notre coaching. Nous ne pouvons pour-tant pas nous dissocier complètement du système. La position neutre et externe est une illusion. La qualité de notre connexion et de notre rela-tion permet aussi au coaché de déployer des qualités fécondes. Adopter des perspectives multiples et des paradoxes est une nécessité.

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Le progrèsLes interactions entre le système et l’écosystème peuvent être conçues comme le dépassement du système en un méta-système avec des niveaux croissants de complexité. (Morin, 2005, 32).

Le coaching global facilite ce progrès et favorise le développement humain grâce aux perspectives multiples. Toutefois, en tant que coachs, nous devons élargir notre propre système avant d’encourager ce pro-cessus chez les coachés. Par exemple, les coachs peuvent d’abord se reposer sur des compétences en psychologie, puis élargir ce système en insérant de la politique, de la culture, etc. De même, nous pou-vons d’abord nous concentrer sur l’individu puis envisager graduelle-ment l’équipe du coaché, son entreprise et le contexte sociétal. Si, par exemple, le coaché est un cadre débordé qui va constamment au-delà de ses limites personnelles, le coach peut réaliser qu’en plus de facteurs psychologiques, des facteurs culturels sont également en jeu.

Cette évolution du coaching vers une complexité grandissante re- flète le développement de la vie sur terre.

Voici d’autres incidences pour le coaching :• Les coachés ouvrent leur « système » grâce au coaching. On peut

alors introduire de nouveaux points de vue, de nouvelles ques-tions intéressantes et des liens prometteurs. Les stimuli extérieurs favorisent en effet la pensée créative, d’où, par exemple, l’utilisa-tion de cartes postales10 (Rosinski, 2003, 61-68).

• Les coachs facilitent le déploiement du potentiel des coachés (modèle holographique). Les coachs déplacent l’angle de leurs rayons laser pour révéler les facettes de ce potentiel. Cette idée implique que les coachs interagissent avec les coachés, les uns et les autres en tant que systèmes ouverts.

• Les coachés deviennent finalement leurs propres coachs. Ils intè-grent le coach extérieur dans leur être. Les coachés peuvent alors mener des séances de coaching très efficaces avec eux-mêmes. Ils augmentent leurs capacités à adopter des méta-points de vue ; ils peuvent sortir d’eux-mêmes. Alors qu’ils continuent de se déve-lopper, ils pourraient avoir besoin de l’input d’un coaching nou-veau et différent pour appréhender une complexité accrue.

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• Ce processus évolutif est en accord avec les théories du déve-loppement de l’adulte (voir chapitre suivant) et avec celles du développement spirituel. Selon la Cabbale, les sages et les pro-phètes entrevoient des mondes supérieurs. Le progrès est en ligne avec les notions à la fois séculières et mystiques du développe-ment humain. Pour la Cabbale, Kether (Couronne) est le niveau le plus élevé11,2alors que pour l’analyse transactionnelle, atteindre le Prince123est l’échelon suprême.

• La diversité alimente le système ouvert. Les systèmes fermés sont affligés par l’absence de la diversité essentielle à la vie. Combien de diversité un système ouvert peut-il accueillir ? Je dirais que nous devons trouver un équilibre dynamique. Trop peu de diversité ferait imploser le système, trop de diversité le ferait exploser. Ce n’est pas qu’une question de quantité : quand on a appris à inclure la diversité, on peut absorber de nombreuses différences et les utiliser de façon constructive. Néanmoins, les coachs doivent stimuler les coachés sans les submerger. Très sou-vent, je me concentre sur les bases et introduis graduellement plus de perspectives et plus de notions complexes. Ceci s’applique aussi au coaching d’équipes et d’organisations.

• Pour jouer leur rôle et aider les coachés dans des situations de plus en plus complexes, les coachs ont besoin de progresser dans leur propre développement, ce qui veut dire appréhender plus de données et envisager de nouvelles perspectives – fonctionner comme un système ouvert – plutôt que de se reposer sur leurs lauriers. Les coachs doivent être réellement engagés à apprendre à partir de points de vue multiples tout au long de la vie.

Le paradigme de la complexité versus le paradigme de la simplicité

Complexité vient du mot latin complexus, « ce qui est tissé en- semble ». La complexité est un tissu d’éléments hétérogènes indis- sociables.

Pour Morin (2005), le paradigme de la simplicité sépare ce qui est lié (disjonction) ou rend uniforme ce qui est divers (réduction) (79). Dans l’un et l’autre cas, c’est une mutilation. La science est séparée des

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lettres, les affaires de la philosophie, et l’esprit du corps. Au contraire, le paradigme de la complexité favorise à la fois la distinction (sans iso-ler) (Morin, 2005, 104) et la combinaison d’entités variées. Autrement dit, établir des liens et tirer profit de la diversité (encourager l’unité plutôt que l’uniformité134) est au cœur du paradigme de la complexité.

Le paradigme de simplicité évite l’ambiguïté et les paradoxes. Il s’attache aux certitudes. Le but est d’imposer l’ordre, en créant des ca- tégories qui aboutissent malheureusement aux silos déconnectés avec lesquels beaucoup d’entreprises se débattent. Cet ordre apparent est, paradoxalement, le désordre (l’entropie) qui caractérise les systèmes fermés. Le paradigme de la complexité assume le désordre apparent (l’ambiguïté) et les contradictions logiques. Il favorise l’ordre consti-tuant les systèmes ouverts vivants.

En visant à contrôler et maîtriser la réalité, les tenants du paradigme de la simplicité manquent d’humilité. On peut voir les effets dévasta-teurs de ce paradigme sur les écosystèmes de la Terre. Le paradigme de la complexité prend en compte les limites naturelles. Le but est de dialoguer, de naviguer avec la réalité.

L’interconnexion est au cœur de la complexité, conformément au modèle holographique.

Le tableau145suivant résume le contraste entre les deux paradigmes. Le coaching traditionnel favorise le paradigme de la simplicité ; le coa-ching global est résolument du côté du paradigme de la complexité, qui transcende la simplicité sans l’exclure.

Adopter la complexité ne signifie pas, à mon sens, rendre nos vies plus compliquées que nécessaire, et ne justifie pas la pensée confuse comme substitut à la rigueur et à la clarté. Cela signifie en revanche de viser la justesse et d’observer la réalité avec un esprit ouvert, en par-ticulier quand nos perceptions semblent contredire nos théories et nos idées préconçues.

Je pense comme Morin que la simplification est souvent nécessaire mais avec une réserve. La réduction est acceptable pour autant que l’on sache que c’est une simplification. Elle devient problématique quand nous avons l’arrogance de penser que nous détenons une vérité simple, au-delà de l’apparente multiplicité et de la complexité des choses. (Morin, 2005, 134-135).

13 Page 260.14 Page 260.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Le paradigme de la complexité prend en compte le facteur chance, à la fois sous la forme d’obstacles inattendus à surmonter et d’oppor-tunités à saisir. De ce fait, le processus du coaching ne peut être traité comme une poursuite mécaniste d’objectifs rigidement prédéfinis. Il doit intégrer le « au fil de l’eau » de Grof.6

Simplicité Complexité

S’efforce de mettre de l’ordre dans l’uni-vers et de dissiper le désordre (alors que paradoxalement le désordre caractérise les systèmes fermés)

Assume le désordre et les contradictions logiques (alors que paradoxalement l’ordre caractérise les systèmes ouverts)

Voit tout comme unidimensionnel, spécia-lisé, fragmenté

Voit tout comme multidimensionnel et interconnecté ; aspire à la complétude (mais avec la conscience que le savoir complet est hors de notre portée)

Voit soit l’Un soit le Multiple mais ne peut voir que l’Un peut aussi être le Multiple

Relie l’Un et le Multiple. Toutefois l’Un ne se dissout pas dans le Multiple, et le Multiple est toujours partie de l’Un

Soit sépare ce qui est lié (disjonction) soit rend uniforme ce qui est différent (réduc-tion). C’est une mutilation

Distingue (sans isoler) et associe

Considère l’objet comme distinct du sujet Conçoit le lien inséparable entre le sujet et l’objet

Recherche la brique élémentaire dont l’uni-vers serait constitué

Réalise que c’est une entité floue, bru-meuse, complexe. Reconnaît en particulier deux brèches, aux niveaux micro et macro15

La pensée se raccroche aux certitudesLa pensée est pleine d’incertitudes, cri-blée de trous, sans fondement absolu de certitude

Programmes (mode de pilotage automa-tique, prédictible)

Stratégies (réponses complexes aux événe-ments imprévus)

DéterminismeNécessité (déterminisme) et hasard (obsta-cles imprévus à surmonter et opportunités soudaines à saisir)

Vise à contrôler, maîtriser la réalité Vise à traiter, dialoguer, négocier, naviguer avec la réalité

Exclut la complexité Inclut la simplicité tout en la transcendant

15 Pages 260 et 261.

257

ADOPTER L’INTERCONNEXION

Co-constructivisme versus positivismeLes coachs William Bergquist et Kristin Eggen (2008) soutiennent

une approche complexe et distinguent « objectivisme » et « construc-tivisme ». Du point de vue objectiviste, « il y a une réalité quelque part que l’on peut connaître et spécifier » (59). Nous pouvons la regar-der directement ou indirectement. Dans ce dernier cas, Bergquist et Eggen renvoient à l’allégorie de la caverne de Platon. Pour Platon, nous vivons avec une image de la réalité (des ombres projetées sur les parois de la caverne) et n’avons aucun moyen de savoir si nous voyons l’ombre ou la réalité, étant donné que nous avons toujours vécu dans la caverne (60). « Non seulement nous ne voyons pas la réalité, [mais] il y a quelque chose qui détermine quels éléments de la réalité objec-tive sont projetés sur la paroi. » (61) Dans le monde actuel, les médias jouent la fonction cruciale de concentrer notre attention sur certains sujets tout en en excluant d’autres, et d’interpréter les événements. Les médias tendent à forger nos opinions. Si nous n’exerçons pas notre jugement, non seulement nous penserons qu’il existe une réalité simple et objective mais nous confondrons aussi la réalité elle-même avec la réalité altérée par le filtre des médias.

Du point de vue constructiviste, « nous construisons nos propres réalités sociales, largement basées sur des interventions sociétales - les traditions et les besoins de la culture et le contexte socio-économique dans lequel nous nous trouvons ». Initialement, « ces structures sociales sont fondées sur les croyances et les hypothèses profondément ancrées de sociétés et de cultures spécifiques ». (Bergquist et Eggen, 2008, 62). Nous ne devons pas adopter cette vision statique. Nous pouvons construire de nouvelles réalités culturelles qui tirent profit de possibili-tés culturelles différentes. J’ai déjà soutenu cette approche dynamique (Rosinski, 2003) qui a fait défaut dans les comparaisons interculturel- les traditionnelles, statiques (par exemple, les Américains sont comme ceci, et les Asiatiques comme cela). Incidemment le constructivisme ne se limite pas à la culture ; il renvoie simplement à la notion que nous générons notre vision du monde au travers de nos expériences.

Bergquist et Eggen (2008) classent les perspectives constructivistes en versions statique (« descriptions biaisées et résistantes de la réa-lité ») et dynamique (« la réalité créée dans l’interaction entre deux personnes ou plus et/ou des événements ») (59). Morin utilise les mots « constructivisme » et « co-constructivisme » pour nommer une telle distinction167.

16 Page 261.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La complexité augmente quand nous allons de l’objectivisme (aussi nommé « positivisme ») vers le co-constructivisme, deux extrêmes que Morin oppose l’un à l’autre.

La vision positiviste nous a permis de faire des progrès scienti-fiques considérables. Nous avons néanmoins besoin de l’approche co-constructiviste, en ligne avec le modèle holographique, pour appré-hender notre réalité complexe.

La liberté de choix était absente des théories économiques clas-siques, qui supposaient que les êtres humains se comportant de façon déterministe étaient des objets indifférenciés (prétendument ration-nels). Heilbroner a prôné une approche complexe pour combler cette lacune (voir chapitre 2). Le co-constructivisme s’applique aussi au domaine spirituel. Selon la Cabbale, Dieu a contracté Sa présence absolue pour créer volontairement un vide (acte du « Zimzoum »). Par conséquent, seuls Ses reflets peuvent être perçus. Cette incomplétude et cette imperfection permettent la liberté de choix des humains17.8

Positivisme (simplicité) Co-constructivisme (complexité)

Les objets existent indépendamment du sujet et peuvent être observés et expli-qués en tant que tels ; le sujet est soit un « bruit » qui est une perturbation, une déformation, une erreur à éliminer pour atteindre le savoir objectif, soit un miroir, un simple reflet d’un univers objectif ; le sujet est exclu de la science et en même temps...

Sujet et objet sont inséparables ; le monde est dans notre esprit, qui est dans le monde ; dans cette relation complexe, les deux doivent rester ouverts dans une spi-rale ascendante d’enrichissement mutuel

Sujet maîtrisant un monde d’objets

DéterminismeLa régression du déterminisme et de la certitude rend possible enrichissement et liberté de choix

Évolution historique de la pensée (simplifiée)J’aimerais conclure ce chapitre par une description très simplifiée

de l’histoire de la pensée humaine, adaptée de Morin et Frédéric Lenoir (Lenoir, 2003). Nos sociétés sont pour l’essentiel celles de la moder-

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ADOPTER L’INTERCONNEXION

nité, mais vont vers une post- (ou ultra) modernité. Dans cette nouvelle phase, nous réconcilierons la rationalité avec notre désir de « ré- enchantement du monde », ou la science sera compatible avec la spi-ritualité. La rationalité ne sera plus confondue avec la rationalisation, une pathologie qui consiste à enfermer la réalité dans un système cohérent, en réfutant tout ce qui contredirait la cohérence. (Morin, 2005, 94).

Comme je le soutiens tout au long de ce livre, ce changement est nécessaire et crucial pour notre survie sur cette planète. Les coachs doivent comprendre et adopter ce nouveau paradigme de la complexité. Nous pourrons alors faire prendre conscience et faciliter la transforma-tion. Nous devons être prêts mentalement à aider autrui à aborder le monde interconnecté dans lequel nous vivons et jouer notre rôle pour favoriser ce mouvement d’unification.

Pré-Modernité Modernité Post/Ultra-Modernité

SimplicitéSujet distinct de l’objet

SimplicitéSujet distinct de l’objet

ComplexitéSujet inséparable de l’objet

Les mythes et les dieux ont leur propre vie Problème : manque de raison (pensée magique)

Théories cohérentes mais fermées, partiales, unilatéralesProblèmes : rationalisation (au lieu de rationalité) - ce qui est irrationnel et com-plexe est omis

Rationalité et désir de « ré-enchanter le monde »

NOTES1. Le syndrome douloureux régional complexe de type 1 (une affection neuro-

inflammatoire). Voir Rosinski, 2007, et les résultats fascinants des recherches de Vilayanur Ramachandran, 1998, 2003.

2. Comme le déclare Joseph Goodman, « tout comme il est pratique de décrire un amplificateur audio par sa réponse fréquentielle (temporelle), il est de même souvent pratique de décrire un système d’images en termes de réponse fré-quentielle (spatiale) ». (Goodman, 1968, 1).

3. J’ai eu l’opportunité d’étudier cela avec le professeur Albert Macovski. Voir Macovski, 1983.

4. Le Shivaïsme du Cachemire est une philosophie hindoue : « La matière n’est pas séparée de la conscience, mais plutôt identique à elle. Il n’y a aucun écart entre Dieu et le monde. Le monde n’est pas une illusion, mais la perception de la dualité est une illusion. » De Wikipédia, consulté le 22 juillet 2009. Sur la

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

base de cette ressemblance, Grof conclut : « Ils représentent ainsi une preuve supplémentaire que le phénomène induit par le LSD et autres substances simi-laires ne sont pas des artefacts chimiques, mais d’authentiques manifestations du psychisme humain. » (Grof, 2006, 38).

5. Voir “Vittorio Micheli’s Cancer Cured” (http://avemaria.bravepages.com/articles/mar/alex.html), extrait le 3 mai 2010, et « Les Miraculés de Lourdes – Vittorio Micheli de Scurelle – Le Chasseur Alpin et le Redoutable Cancer » (http://fr.lourdes-france.org/approfondir/guérisons-et-miracles/liste-des-mira-cules) extrait le 4 mai 2010.

6. « Réifier : considérer qu’un concept abstrait est réel » www.thefreedictionary.com. Extrait le 23 juillet 2008.

7. Je n’irai pas aussi loin que Grof quand il suggère que nous ne devrions pas nous focaliser sur un but fixe prédéterminé (Grof, 2006, 66), mais je crois que nous ne devrions pas être trop attachés à ces buts surtout lorsqu’ils nous égarent. La déconnexion, qui peut devenir une dépression, survient si l’on persiste avec rigidité sur le mauvais chemin, notamment si nous ignorons nos limites ou nos envies profondes.

8. Le concept de néguentropie me rappelle le « conatus » de Spinoza. Pour Spinoza, le conatus de quelqu’un est son « effort de persévérer dans son être » (Ethics III P6) (1677/1996, 75). C’est son essence et il prend la forme de désir (Ethics III P7) (1677/1996, 76). Pour Comte-Sponville, le conatus est le pouvoir de vivre ou d’exister (2001, 122). Incidemment, les six perspectives révèlent également des voies variées reliées entre elles pour le conatus : du physique (viser la santé et le bien-être) jusqu’au spirituel (viser l’unité et le sens).

9. Comme l’explique Morin, c'est le cas pour « un tourbillon, la flamme de la bougie, mais aussi nos organismes, où sans cesse se renouvellent nos molé-cules et nos cellules, tandis que l’ensemble demeure apparemment stable et stationnaire ». (Morin, 2005, 31).

10. De la même façon, je trouve plus facile d’improviser une histoire pour ma fille si elle me donne un point de départ ou des personnages, au lieu d’attendre que j’invente tout moi-même.

11. Voir notamment Halevi, 1979. La notion de mondes supérieurs qui imprègnent notre existence est en accord avec le modèle holographique : ces mondes peuvent être considérés comme cachés, implicites, enveloppés.

12. Ne pas confondre avec le Prince, un des quatre types politiques fondamentaux, haut en pouvoir mais bas en service (chapitre 6).

13. Rosinski, 2003, 30.14. Contient divers éléments adaptés de Morin, 2005.15. Plus haut dans ce chapitre, j’ai noté que les quanta (particules subatomiques)

ne se comportent pas comme des objets habituels. Au niveau macro, Einstein explique comment le temps et l’espace ne sont pas des réalités/variables indé-pendantes et transcendantes mais constituent une configuration entremêlée. Dans sa théorie de la relativité générale, il montre comment le mouvement des

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ADOPTER L’INTERCONNEXION

objets peut être expliqué plus précisément par la courbure de l’espace-temps (c’est-à-dire l’espace et le temps combinés) que par les forces de gravité de Newton.

16. Entretien avec Edgar Morin (2) : Science et Philosophie 2008.17. Halevi, 1979.

263

Chapitre 10

Accéder à nos héros intérieurs

Le célèbre psychiatre suisse Carl Jung (1960) a décrit des cas de coïncidences stupéfiantes et hautement improbables qu’il nomme synchronicité. Lors d’un séminaire sur le coaching

interculturel que j’ai tenu récemment à Prague, une des participantes a apporté un pendentif comme choix d’artéfact : un crucifix avec en son milieu une étoile de David. Ce bijou, fabriqué spécialement pour elle, représentait sa double culture chrétienne et juive. Élevée dans une famille mixte, elle avait appris à apprécier les deux traditions. Un jour, ce bijou lui est volé chez elle. Un peu plus tard, elle se rend dans une bijouterie, une parmi tant d’autres de la grande ville où elle vivait ; son bijou était là, exposé ! Le cambrioleur avait dû le vendre à ce bijoutier. Elle l’a alors racheté, avec le sentiment que ce symbole de double reli-gion lui était vraiment destiné.

Même si la brochure du séminaire de Coaching interculturel n’avait pas mis en avant l’aspect de la « culture religieuse », cette femme espé-rait en apprendre plus sur ses racines juives et combiner cet héritage avec son éducation chrétienne, dans un enrichissement mutuel. À sa grande surprise, mon propre artéfact était une marionnette de rabbin achetée à Prague ; j’ai partagé avec elle un article que j’avais écrit liant le développement du leadership et le judaïsme et elle m’en a été reconnaissante.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Carl Jung rapporte des coïncidences encore plus improbables. L’une d’elles est l’histoire de M. Deschamps... et d’un certain pudding aux prunes. M. Deschamps rencontre M. de Fontgibu à différents moments de sa vie, à différents endroits, précisément lorsqu’il mange ce fameux pudding que Fontgibu lui avait donné pour la première fois quand il était enfant.

L’histoire du scarabée doré est aussi édifiante : une des patientes de Jung en avait rêvé. Puis, pendant une séance de thérapie, un insecte inhabituel ressemblant fort à un scarabée doré a percuté la fenêtre ; il a servi à dénouer un processus qui se trouvait dans une impasse. Comme l’explique Stanislav Grof (2006), « l’existence de telles coïncidences extraordinaires est difficile à concilier avec la compréhension de l’uni-vers issue d’une science matérialiste décrivant le monde en termes de chaînes de cause à effet. Et la probabilité qu’une telle chose arrive par hasard est tellement faible qu’il n’est pas sérieux de la considérer comme une explication ».

Comme Carl Jung et Stanislav Grof, je remarque que si nous nous ouvrons à la possibilité de la synchronicité, ces événements tendent à se produire dans nos vies. La synchronicité permet d’entrevoir l’uni-vers holographique, en déployant (révélant) une partie de ce qui était enfoui (caché) auparavant. « L’inconscient collectif » de Jung est peut-être simplement une autre manière de décrire ce substrat holo-graphique voilé qui nous unit. Pour Grof, l’interaction spontanée de notre psychisme (par exemple, le rêve du scarabée doré) et ce qui paraît être le monde matériel estompe les frontières entre la réalité subjective et la réalité objective. Grof désigne ces phénomènes invraisemblables comme des « épisodes d’états de conscience holotropique » - holotro-pique signifiant « avançant vers la complétude ».

Grof explique que les synchronicités ont eu un profond impact sur la pensée et le travail de Jung, en particulier sa compréhension des archétypes et les principes primordiaux gouvernant et organisant l’in-conscient collectif. D’après Jung, les archétypes transcendent à la fois le psychisme et le monde matériel. Ils sont des structures de sens qui informent à la fois le psychisme et le physique et jettent un pont entre l’intérieur et l’extérieur.

Se basant sur le travail de Jung, Carol Pearson (1991) a délimité le territoire des archétypes. Elle décrit une série d’archétypes univer-sels comme autant de héros intérieurs différents. Tous ces héros sont à notre disposition, mais il appartient aux coachs de les éveiller et d’ai-

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ACCÉDER À NOS HÉROS INTÉRIEURS

der les coachés à déployer les archétypes enfouis en eux, en particulier le/les archétype(s) qui les aidera/aideront à progresser dans leur che-minement. Par exemple, révéler le Guerrier intérieur aidera le coaché à évoluer de l’évitement des conflits à une ferme résolution. De même, le Créateur lui permettra de faire confiance à son imagination et de rendre ainsi possible la réalisation de ses rêves.

Par hasard (ou peut-être par synchronicité !), les archétypes de Pear-son ont un lien avec les six perspectives de ce livre. Cette connexion ouvre d’autres voies au coaching par des perspectives multiples, en soulignant les archétypes spécifiques à déployer pour des réussites durables et globales. Nous gagnerons à éveiller ces archétypes dans nos vies et à faire appel à eux de façon fluide afin d’en faciliter l’emploi pour le coaching d’autrui, en toute crédibilité et compétence.

Le tableau suivant suggère les connexions possibles. Il fait égale-ment référence aux six processus de Taibi Kahler, que j’évoquerai plus loin dans ce chapitre.

Perspectives Les archétypes de Pearson Processus de Kahler

Spirituelle Sage -Fou (ou Bouffon) Rêveur

Culturelle Explorateur (ou Chercheur) -Créateur Rebelle

Politique Souverain (ou Gouverneur) -Magicien Persévérant

Psychologique Bienfaiteur (ou Soignant) -Amant (ou Amoureux) Empathique

Managériale Gars/Fille Ordinaire (ou Orphelin) - Destructeur Travaillomane

Physique Innocent - Guerrier Promoteur

Considérations générales quant aux archétypeset suggestions d’activités pour les déployer

La vie comme un cheminementEn considérant la vie comme un cheminement, les coachs sollicitent

l’appétence des coachés pour s’engager dans l’aventure, leur ouverture

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

pour saisir des opportunités inattendues, leur courage pour surmonter les obstacles inévitables en cours de route et, par-dessus tout, peut-être, leur ambition pour vivre une existence authentique et faire en sorte que leurs rêves se réalisent.

Pearson (1991) explique que « comme pour les héros anciens, en suivant nos propres chemins, en découvrant nos propres destins, en donnant ce que nous avons d’unique à offrir, nous aidons à rétablir la vie, la santé, et la fécondité dans le royaume ».

Plutôt que vivre en pilotage automatique, dans un consumérisme délétère et à la poursuite de chimères, il nous est salutaire de conduire nos vies au mieux et de prendre nos responsabilités. Les coachs jouent un rôle essentiel en mettant les coachés face à leurs droits, pouvoirs et responsabilités et en facilitant leur voyage en territoire inconnu.

Pearson nous invite « à quitter un sens rétréci de nos possibilités pour choisir de vivre une grande vie », ce qui ne veut pas dire « se mesurer à des critères préexistants » - le statut social, la richesse matérielle, par exemple - mais trouver ce qui a réellement du sens à nos yeux et vivre en accord avec ce sens. « Les récompenses de la rencontre de soi sont considérables. Quand nous nous trouvons, tout semble concorder. Nous voyons notre beauté, notre intelligence et notre bonté. Si nous les utilisons de manière productive, nous nous accomplissons. Nous avons beaucoup moins à prouver et pouvons donc nous détendre, aimer et être aimés. Nous avons tout ce qui est nécessaire pour revendiquer notre pleine humanité, notre plein héroïsme. » (1991, 4-5).

Les archétypesLes archétypes se comprennent de diverses manières connectées.• Ils sont les guides de nos cheminements, « chacun apportant une

mission, une leçon, et finalement un cadeau ». Ils nous enseignent comment vivre. Ils demeurent en chacun de nous. Autrement dit, nous portons en nous leur plein potentiel.

• Ils sont des hologrammes1, à la fois en nous et au-delà. Pearson note : « Carl Jung reconnaît que les images archétypales qui réap-paraissent dans les rêves de ses patients se retrouvent dans les mythes, les légendes et l’art des peuples anciens, comme dans la littérature, la religion, et l’art contemporain. Nous savons qu’elles sont archétypales car elles laissent des traces identiques ou simi-laires dans le temps et dans l’espace. » (1991, 6).

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ACCÉDER À NOS HÉROS INTÉRIEURS

• Ils sont les héros intérieurs, enfouis dans l’inconscient collectif (ou le substrat holographique), prêts à être déployés.

• Ils sont les métaphores ou les schémas invisibles qui déterminent comment nous nous présentons et connaissons le monde.

Héros et dragonsPlus nous empêchons un archétype particulier de se manifester dans

notre vie, plus il va nous faire trébucher sous sa forme de dragon. Par exemple, le Soignant vous apprend à prendre soin de vous-mêmes ainsi que des autres. Si vous n’écoutez pas cet archétype, en voulant aider les autres vous risquez de les rendre dépendants (agissant en Sauveur en ter- minologie AT) et d'oublier en même temps de prendre soin de vous.

Jung décrit le cheminement de la vie comme un processus d’in-dividuation. L’ « Ego » rencontre l’ « Ombre » (ou l’ « Âme » chez Pearson), et le « Soi » émerge. Pearson décrit l’ego comme le « conte-neur » de notre vie. L’âme est « le dépositaire de tout le potentiel des humains, potentiel qui repose en chacun de nous, comme des graines en germination prêtes à pousser si les conditions extérieures sont pro-pices - soleil, eau et terre fertile ». Le soi « signifie la réalisation d’un sentiment de véritable identité. Quand le soi naît, nous savons qui nous sommes, les parties disjointes de notre psychisme s’assemblent et nous faisons l’expérience de la complétude et de l’intégrité ». (1990, 28-29).

Le dessein consiste à exprimer de nombreux archétypes sans être possédé par aucun d’eux. En éveillant notre potentiel héroïque, nous transformons le monstre caché en un prince élégant, comme dans le classique La Belle et la Bête. Nous devons accepter la bête pour libérer le prince en elle. À l’inverse, dénier et refouler l’ombre renforce son pouvoir de nous saper.

Les archétypes n’ont pas à être tous d’égale importance dans nos vies. À nous coachs d’aider à éveiller les guides nécessaires aux coachés pour relever un défi particulier ou franchir une étape. Le Destructeur leur permettra, par exemple, d’évacuer tout ce qui ne sert plus leur but.

Comment élever nos héros intérieursLes coachs globaux ont à éveiller leurs propres archétypes avant

de les susciter chez les autres. Si votre Guerrier est enfoui, comment inciter autrui à combattre plutôt qu’à fuir ? Si votre Fou est enfermé,

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

où trouver légèreté et humour pour détendre l’atmosphère lorsque votre coaché est embourbé dans la frustration ?

Le Créateur du coach inspirera des options pour éveiller nos arché-types. Voici quelques tactiques pour déployer un archétype.

• « L’éclairer avec la lumière de la conscience. » (Pearson, 1991, 19).Mieux connaître un archétype particulier en le nommant et en décrivant ses caractéristiques est une impulsion de progrès. Votre coaché a peut-être négligé la sagacité du Fou, confondant gravi-tas et sagesse.

• Autoriser le déploiement de l’archétypeUne fois que le coaché a compris les mérites d’un archétype, vous n’aurez peut-être pas besoin de le mettre au défi de l’utiliser. Par exemple, le coaché évoquera le Fou en riant sans se prendre trop au sérieux. Ayant pris conscience des bienfaits, le coaché sera encouragé à continuer.

• Faire référence aux réussites dans le passé et dans d’autres con- textesSi le coaché semble incapable d’éveiller son archétype, deman-dez-lui s’il en était capable auparavant, éventuellement dans un autre contexte, ce qui augmente habituellement la confiance du coaché en sa capacité de faire appel à l’archétype. Il n’aura plus ensuite qu’à le faire dans une nouvelle situation. Un de mes coachés a réalisé qu’il n’avait aucune difficulté à appeler son Guerrier dans un contexte sportif. Nous avons alors cherché ce qui l’empêchait d’utiliser cette compétence pour remédier à de faibles résultats professionnels. Si, d’un autre côté, le coaché n’est pas à l’aise avec un archétype qui lui serait profitable, pro-posez-lui des activités susceptibles d’éveiller le héros tapi « au fond de la caverne ». Par exemple, une activité artistique aidera à révéler le Créateur.

• Jouer l’archétypeJouer le rôle de l’archétype et inviter le coaché à essayer à son tour lui donnent forme, par exemple par une partie d’un jeu de rôle basé sur une véritable difficulté affrontée par le coaché. La séance de coaching est un terrain d’entraînement, un laboratoire que vous avez rendu sûr2 pour expérimenter de nouveaux compor-

2 Page 293.

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ACCÉDER À NOS HÉROS INTÉRIEURS

tements, exposer des vulnérabilités, etc. Au cours d’un séminaire, nous avons fait appel à des acteurs professionnels afin de nous aider dans cette tâche. Jouer un archétype inhabituel peut être embarrassant au début. Comme toujours, vous devrez féliciter la tentative elle-même puis les premières réussites, aussi petites soient-elles, ce qui encouragera le coaché à continuer ; finale-ment, l’archétype sera ressenti comme une expression naturelle de sa personne.

• Utiliser la musiqueDifférents styles de musique portent des énergies spécifiques. Écouter l’harmonie du rock progressif d’Alan Parson évoque le Sage ; la voix cristalline et les chansons mélodieuses de Katie Melua éveillent en nous l’Amoureux ; l’entraînant Final Count-down d’Europe anime le Guerrier.Invitez les coachés à écouter une musique qui reflète ce qu’ils veulent déployer : le Guerrier avant un concours, le Créateur devant une feuille blanche. Pourquoi ne pas chanter ou jouer d’un instrument ?

• Regarder des filmsDe la même façon, visionner des films constitue un moyen ludique d’exercer nos archétypes. Une comédie nous fera rire comme un Fou. Pour développer le Guerrier, tournez-vous vers les person-nages de Rambo ou Rocky joués par Sylvester Stallone. Les films servent aussi de point de départ pour une discussion de groupe. Les participants à l’une de mes formations en développement du leadership ont débattu de façon animée après avoir regardé Douze Hommes en Colère (Lumet, 1957). Henri Fonda, le héros, incarnait plusieurs archétypes, notamment « le Gars ordinaire », qui comprend que chacun compte et que nous devons cesser de nous fier à nos premières impressions et condamner quelqu’un trop vite.

• Trouver et imiter des modèlesDes modèles font partie de l’entourage du coaché. Demandez-lui de les identifier pour un archétype donné (ou groupe d’arché-types), invitez-le à observer et interroger ces personnes/modèles et à adopter certains de leurs points de vue et comportements.

• Représenter les archétypes Des images (dans un jeu de Tarot, par exemple) ou des costumes

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

et des objets (chapeau de magicien, cape, baguette magique) évo-queront l’état d’esprit et l’énergie particuliers d’un archétype. Rassemblez ces objets pour un séminaire ou demandez à votre coaché d’en trouver pour son choix d’archétypes.

Au-delà des actions déterminées suggérées par le coach pour hâter l’apprentissage, la vie elle-même offre habituellement à des archétypes peu sollicités des occasions de s’épanouir. Par exemple, un patron insensible obligera malgré lui un employé à s’affirmer pour survivre. Appréhender ces défis comme autant d’occasions d’apprentissage et pousser le coaché à rassembler son courage pour terrasser les dragons est du ressort du coach.

Rencontrer les archétypesJe recommande le livre de Carol Pearson (Awakening the Heroes

Within, 1991) pour une description détaillée des archétypes : leurs caractéristiques, les cadeaux uniques qu’ils offrent et leurs niveaux variés de développement : la part d’ombre, l’appel déclencheur d’éveil et les trois étapes du développement positif. Ici, je fournirai seulement une vue d’ensemble. En connectant les douze archétypes avec les six perspectives, vous découvrirez de nouveaux moyens de coacher3.

La perspective physique – stimuler la santé et la forme

L’InnocentL’Innocent en nous croit que le paradis sur terre est possible, que nos

vies n’ont pas à être pénibles et qu’elles peuvent, en fait, être merveil-leuses. Il possède l’optimisme d’embarquer pour le voyage et d’avan-cer résolument. L’Innocent immature* est naïf, peu réaliste et sujet à désillusion et déception. Toutefois, s’il garde foi et bonté dans l’ad-versité, il revient du voyage en Innocent Sage : confiant et optimiste mais ni naïf ni dépendant.

L’étude sur les centenaires d’Okinawa (voir chapitre 3) a révélé qu’ils ont une existence longue et saine grâce à une alimentation adé-

3 Page 293.* NdE : Dans ce qui suit, les termes « mature » et « immature » seront utilisés de façon équi-valente à « développé » et « non développé » ou « ombre ».

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quate, un exercice physique régulier, des relations sociales et un appétit d’Innocent pour la vie. Comparez-les à certains Occidentaux, de moi-tié leur âge mais déjà « vieux » d’esprit et de cœur : leur pessimisme - manque de contact avec leur Innocent intérieur - les a menés à perdre espoir après quelques échecs, abandonnant toute chance de mettre en action leur vitalité et d’embarquer pour de nouvelles aventures. Contrairement aux Okinawais, ils n’assument pas leur responsabilité en matière de santé. Ils consomment de la nourriture malsaine, s’ins-tallent dans des habitudes sédentaires et précipitent leur propre déclin.

Les coachs globaux ont besoin d’activer leur Innocent. Les meil-leurs coachs dégagent de l’optimisme et croient réellement que le coa-ching apporte une différence significative.

Le GuerrierLe Guerrier négatif est souvent impitoyable et se présente comme

une brute stressée et agressive. S’il est mature, il s’engage avec asser-tivité dans des résolutions de conflits et des négociations constructives. Il nous apporte aussi le courage et la persévérance grâce auxquels nous poursuivons notre voyage et surmontons les obstacles.

Toutefois, avant toute considération psychologique, le Guerrier doit être fort et en bonne forme physique. Développer notre force physique, notre endurance et notre souplesse nous procure vigueur et confiance en nous. Nous sommes moins vulnérables aux blessures et aux mala-dies (voir chapitre 3). Être en bonne santé signifie aussi ne perdre ni temps ni énergie à combattre des maladies ou à leur faire face en étant diminué par un corps affaibli. Les coachs dont la formation se limite à l’aspect psychologique et aux modèles du coaching traditionnel ten-dent souvent à négliger cet aspect essentiel qu’est le physique, au détri-ment de leurs coachés.

Des études indiquent que lorsque notre consommation de calories est basse, notre niveau d’hormones de stress augmente, ce qui s’avère une très bonne chose : « Absorber moins de calories aide à produire constamment la bonne quantité de glucocorticoïdes - juste assez pour nous maintenir vifs, mais beaucoup moins que si nous étions en situa-tion de stress4. » (Willcox, Willcox et Suzuki, 2004, 47-48). Le Guerrier efficace est alerte, vif, calme et ferme à la fois.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La perspective managériale – promouvoir la productivité et les résultats

Le Gars/la Fille Ordinaire (également nommé l’Orphelin)5

Le Gars/la Fille Ordinaire ou Orphelin a vécu des expériences dou-loureuses, accompagnées de blessures psychologiques et physiques : abandon, exploitation, abus. Alors que l’Orphelin négatif reste sur un mode de victime ou blesse et manipule les autres à son tour, l’Orphelin mature a gagné en humanité par ses épreuves. Acceptant sa vulnérabi-lité, il6 s’autorisera à demander de l’aide à autrui. Il a acquis de l’em-pathie et de la compassion à travers ses difficultés et veut maintenant aider les autres, considérant que chacun compte et que personne ne doit être laissé seul. Plutôt que de promouvoir une dépendance limitante, l’Orphelin, au mieux de son archétype, tend à favoriser des relations d’interdépendance plus saines.

Il désire la sécurité et favorise le réalisme plutôt que des actions imprudentes, ce qui l’amène à suivre des pratiques managériales sen-sées et à éliminer des risques inconsidérés. Quand il est enfoui, les inhibitions vitales sont écartées, laissant place à un comportement irresponsable. Ce peut être un désastre. A contrario, dans de nom-breuses banques, certains se moquaient des Orphelins qui prévenaient du danger à venir et les mettaient à l’écart. Le résultat en a été la pire crise financière et économique depuis la seconde guerre mondiale avec des effondrements comme celui de Fortis en Belgique (voir Condijts, Gérard et Thomas, 2009).

L’Orphelin sait que la sécurité ne va jamais de soi et qu’il convient de s’employer à la maintenir par une gestion prudente et rigoureuse.

Le DestructeurIl est aisé d’imaginer la destruction et l’autodestruction générées par

le Destructeur négatif. Cependant, mature, il apporte un don précieux, celui de faire table rase afin que nous ayons la place et le temps néces-saires pour de nouvelles aventures, ce qui améliore tout de suite notre productivité.

Mes clients tombent souvent dans le piège qui consiste à ajouter plus d’actions et de projets sur une table déjà garnie. Je les mets inévi-tablement au défi : « Quelque chose doit être enlevé ! Quelles sont vos

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priorités ? Qu’est-ce qui est le moins important à vos yeux ? Sur quoi vous concentrer, et quoi abandonner ? »

Le président Obama a utilisé le Destructeur en s’adressant à ses homologues d’autres pays - notamment en Amérique du Sud, l’Iran, la Russie - pour tenter de construire des relations sur une nouvelle base, s’efforçant de faire table rase du passé en se délestant des fardeaux émotionnels accumulés.

Talane Miedaner (2000) donne de judicieux conseils sur la façon de l’utiliser : « Éliminez toutes ces petites contrariétés, débranchez ce qui sape votre énergie, éliminez aussi les “il faudrait que...”, désengorgez votre vie, dites simplement non et dites-le souvent, etc. »

Le Destructeur nous fait voyager léger et « enlève les mauvaises herbes pour permettre de nouvelles pousses ». (Pearson, 2008).

La perspective psychologique – développer des qualités émo-tionnelles et relationnelles.

Le Bienfaiteur (ou Soignant)Le Soignant immature est enclin au martyre ou apporte un soutien

inapproprié en aidant des individus à s’adonner à des addictions ou à d’autres comportements irresponsables et nuisibles. Le Soignant mature manifeste de l’altruisme, de la générosité et de l’attention. Dans le meilleur cas, il agit au service de l’ensemble du monde et pas seule-ment d’un cercle de personnes proches. Il favorise l’autonomie d’autrui (apprendre à pêcher) plutôt que la dépendance (donner un poisson).

Le sens de son service fait de cet archétype un élément-clé dans l’Idéaliste et le Bâtisseur Éclairé mentionnés au chapitre 6. Toutefois, si le Soignant suffit pour faire un Idéaliste, le Bâtisseur Éclairé requiert quant à lui d’autres archétypes, en particulier le Souverain et le Magicien.

C’est aux coachs de faire preuve d’attention sincère pour rendre leurs coachés attentifs à leur tour. J’ai vu de nombreux coachés transformés après avoir trouvé leur Bienfaiteur. Au lieu de traiter leurs employés comme des ressources jetables, ils ont eu le souci de leur bien-être. Cette nouvelle dynamique est plus épanouissante et plus efficace.

L’ Amant (ou Amoureux)L’amour rend plus vivant, aide à connaître le plaisir, à atteindre l’in-

timité, à s’engager dans la félicité. Il nous permet de nous attacher à quelqu’un ou à quelque chose.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Dans son versant immature (ombre), l’amour devient jalousie, envie, fixation obsessive sur un objet de désir ou une relation, violence et addiction sexuelles ou, au contraire, puritanisme. (Pearson, 1991, 156-157).

L’amour existe sous différentes formes, particulièrement Éros et Agapè. Éros représente la passion : son attrait expose à la perte de toute raison et à une prise de risques inconsidérés. Les philosophes grecs invi-tés au célèbre banquet de Platon (Platon, ive siècle av. J.-C./1986), ont débattu du sens d’Éros. Socrate a gagné la dispute : pour lui, l’amour/ éros se rapporte à quelque chose que nous désirons et dont nous man-quons à la fois. Il n’est pas la complétude mais l’incomplétude, pas la destination heureuse mais la quête incertaine.

Les histoires d’amour sont parfois compliquées, mais l’amour n’est pas forcément tragique. Apprenons à aimer ce que nous avons ; évi-tons de ne jamais nous sentir comblés (ou alors juste fugitivement). Notre Amoureux aurait sans doute besoin du Sage. J’aime la définition du philosophe néerlandais Baruch Spinoza : « L’amour est une joie, accompagnée de l’idée d’une cause extérieure. » (Spinoza, 1677/1996, 105). Je me réjouis effectivement, lorsque par exemple, je pense à ma fille. Éros a de multiples facettes : parentale ou romantique ; passion pour le travail, les sports, les arts, la nature, etc.

Pour le philosophe français André Comte-Sponville (1995), l’amour est la vertu la plus évoluée, qu’il place au-delà de la moralité. Il existe en dehors de la volonté. Il est une grâce. Il n’est pas question que les coachs se forcent à aimer leurs clients ; en revanche, se tourner vers leurs coachés (comme nous l’aborderons au chapitre suivant) avec une véritable empathie et une entière présence est une forme d’amour.

Agapè se rapporte à « l’union intérieure qui nous permet de déve-lopper la capacité d’aimer non seulement les êtres qui nous sont chers, mais aussi l’humanité et le cosmos ». (Pearson, 1991, 152). Agapè et Éros sont complémentaires plutôt qu’exclusifs l’un de l’autre.

Cultiver une acceptation aimante de nous-mêmes7 et l’amour de la vie réduit notre dépendance à autrui pour connaître la joie. Cela nous rend également plus aimables - plus susceptibles d’être aimés.

La perspective politique – construire pouvoir et serviceLe Souverain (ou Gouverneur)L’archétype du Souverain incite à récupérer notre pouvoir et

à prendre nos responsabilités. Une des contributions essentielles des

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coachs consiste à aider les coachés à réaliser qu’ils ont du pouvoir, du choix et des responsabilités. Au chapitre 5, j’ai expliqué comment je m’y emploie, notamment en utilisant l’analyse transactionnelle. Les coachés qui me disent « je suis ainsi » ou « c’est comme ça » communi- quent un sentiment d’impuissance. Ils comprennent rapidement qu’ils n’expriment qu’une partie limitée d’eux-mêmes et qu’ils ne saisissent pas les occasions de transformer les situations. À la fin de la première séance, ils entrevoient de nouvelles possibilités. Par la suite, en adop-tant d’autres comportements - ce qui exige courage et discipline -, ils obtiendront de nouveaux succès qui renforceront leur vision élargie du monde et les encourageront à revendiquer plus de leur pouvoir.

Le Souverain maîtrise le pouvoir dans la matrice de la « politique constructive » (voir chapitre 6). Non développé, il est seulement un Prince au pouvoir élevé mais au service faible ; de son côté, le Souve-rain développé a intégré le Soignant pour devenir un Bâtisseur Éclairé : plutôt qu’utiliser le pouvoir à des fins personnelles seulement, le Souverain mature a un réel souci de servir autrui - la famille, les amis, les parties prenantes d’organisations et le monde en général, c’est-à-dire les diverses catégories du Tableau de Bord Prospectif Global. (Rosinski, 2003, 212). Il sait comment construire une base de pouvoir et user de la politique pour créer un royaume d’abondance pour tous.

Nous avons vu plus haut que coacher à partir d’une perspective poli-tique permet d’évaluer les diverses sources possibles de pouvoir et de les développer de façon proactive. L’archétype du Souverain nous aide à nous connecter à la figure mythique du roi/empereur et suggère qu’il est à notre portée d’être tous des rois vertueux promouvant le bien de la société et de la planète. Nous sommes en contact avec notre Souverain lorsque nous prenons la responsabilité totale de nos vies. Au niveau le plus achevé, nous sommes en complétude, ayant intégré les divers archétypes pour soutenir notre Souverain. L’ordre, la paix, la créati-vité, l’abondance et l’amour qui règnent dans nos esprits deviennent à l’extérieur ceux de nos royaumes : nos familles, nos organisations, etc. À l’inverse, les insuffisances extérieures montrent les limites intérieures de notre Souverain. Par exemple, lorsque nous ne sommes pas en paix avec nous-mêmes, nous avons tendance à provoquer inconsciemment des conflits stériles. Avec une mentalité de pénurie, nous manquons des occasions de collaboration et de synergies, pour des résultats « per-dant-perdant » plutôt que « gagnant-gagnant ». De même, lorsque, malgré nos meilleures intentions, nous n’arrivons pas à rassembler le pouvoir nécessaire pour diriger.

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L’interview de managers et d’employés dans une entreprise, pour conduire par exemple un audit culturel ou préparer un coaching d’équipe, révèle rapidement l’ambiance : confiante ou méfiante, enthousiaste ou blasée, tendant vers le service ou cynique, etc. Selon mon expérience, le climat dans un royaume reflète souvent le style du roi.

Le MagicienAlors que le Souverain, tel le Roi Arthur, inséparable de son

royaume, exerce un leadership visible, le Magicien utilise le pouvoir d’une autre manière, agissant en conseiller, comme Merlin, en chaman ou en guérisseur. Dans les organisations, le Souverain se déploie dans le dirigeant ; le Magicien apparaît chez le consultant*8et probablement plus encore chez le coach de dirigeants.

Le don du Magicien consiste à transformer la réalité, à changer le plomb en or – ou, plus précisément, à déployer l’or niché dans le plomb. Libérer le potentiel d’autrui est au cœur de sa mission.

Au sommet de son art, il est un coach global, capable de faire appel à des perspectives multiples et conscient de leur interconnexion dyna-mique. Il est physiquement, émotionnellement, mentalement et spiri-tuellement couplé à la grande toile de la vie et du cosmos qu’il perçoit comme un univers holographique. Par conséquent, il sait comment transformer le stress négatif d’un coaché en énergie sereine, en recom-mandant de l’exercice physique et une alimentation appropriée, com-ment faire appel au Destructeur du coaché pour éliminer ce qui pompe son énergie, comment activer le Soignant et l’Amoureux pour apporter un soutien relationnel et émotionnel, etc.

Ayant surmonté les épreuves, le Magicien sait que les pertes font place à de nouveaux projets, que la maladie nous recentre sur ce qui importe vraiment, que l’échec nous prépare à de futures réussites et que connaître des difficultés développe notre gratitude et notre appréciation des choses auparavant considérées comme allant de soi.

Finalement, les Magiciens promeuvent la joie, qui est d’après Spinoza - souvenez-vous du chapitre 5 - « le passage d’un homme d’une moindre à une plus grande perfection ». (Spinoza, 1677/1996, 104).

Le Magicien est en scène par exemple quand nous aidons le coaché à se rendre compte qu’il refoule une émotion telle que la colère. Quand le coaché apprend à extérioriser cette émotion enfouie, elle cessera de

* NdE : Consultant interne ou externe, conseiller, stratège.

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le miner. Il utilisera alors cette colère pour s’affirmer et s’en sentira mieux. Elle aura essentiellement été transmutée en joie. Le même phé-nomène s’applique à la tristesse. Lorsque le coaché s’autorise à avoir du chagrin, il tourne la page et ressent de la joie à nouveau.

Inversement, tel un sorcier, le Magicien négatif change le positif en négatif. Même sans mauvaise intention, il nomme et catégorise ; scientifique plutôt qu’artiste, doté d’une préférence Sensation versus Intuition (cf. MBTI®), manager dur plutôt que sensible, il arrive que, par inadvertance, il réduise les possibilités et change l’or en plomb. Je ne suggère pas d’éviter de coller des étiquettes, mais de veiller à ouvrir les possibilités plutôt que les fermer : « Le feedback indique que vous paraissez souvent dur, mais j’ai cependant remarqué votre sensibilité lorsque... ; Comment pourriez-vous manifester davantage cet aspect bienveillant en vous ? » Au niveau conscient, le Magicien négatif est le sorcier déguisé en dirigeant sans cœur ou en communicant sans scru-pule, un maître de la manipulation. C’est lui qui incite les enfants à la malbouffe et les adultes à un consumérisme futile. Ici, le coach favori-sera la prise de conscience de ce conditionnement et incitera le coaché à revendiquer son pouvoir en faisant de véritables choix.

La perspective culturelle – promouvoir la diversité et la créativité

L’Explorateur (ou Le Chercheur)L’archétype de l’Explorateur incarne d’autres caractéristiques es-

sentielles du coach global et particulièrement la curiosité. L’Explorateur visite des territoires inconnus, étudie à l’intérieur et à l’extérieur de son domaine d’expertise et accueille volontiers de nouvelles aventures et rencontres. Il a le courage de braver la solitude et l’isolement lorsqu’il voyage en dehors des sentiers battus.

Si le coach que vous êtes est séparé de son Explorateur, il est can-tonné à une seule façon de pratiquer et se montre réticent à quitter son pays pour participer à des conférences internationales ou des événe-ments où seront présentés d’autres points de vue. Aussi efficaces que soient vos méthodes de coaching, ce manque de curiosité limitera for-cément la qualité de votre performance.

Pendant un séminaire de développement du leadership global à Sin-gapour, nous avions proposé une activité de chasse au trésor. Les parti-cipants ont ainsi découvert la riche diversité culturelle de la ville et ont pu à la fois cultiver leur Explorateur intérieur et célébrer les différences culturelles.

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Voyager stimule l’Explorateur, loin ou près de chez soi. C’est l’oc-casion de découvrir votre voisinage avec un nouveau regard, à pied, à vélo ou en kayak, et de percevoir d’autres aspects d’une région que vous pensiez bien connaître. Prenez le temps de rencontrer et connaître des gens, plutôt que de vous hâter d’un site touristique à l’autre. Acti-vez votre Explorateur par l’étude et aventurez-vous vers de nouvelles frontières hors de votre domaine.

Je suis surpris que peu de gens agissent de cette manière : autant que je me souvienne, aucun de mes camarades d’ingénierie MS à Stan-ford n’avait choisi ses cours à option dans le domaine des sciences humaines. Pratiquement aucun des médecins que j’avais rencontrés n’avait fait l’effort d’apprendre hors de sa spécialité (voir Rosinski, 2007). L’Explorateur était, au contraire, très présent chez Léonard de Vinci, probablement le meilleur exemple d’individu à l’esprit curieux et aux multiples talents : artiste (peintre, sculpteur, musicien, archi-tecte...), scientifique (médecin, astronome, géologue, anatomiste...), ingénieur, inventeur et philosophe humaniste. (Broun et al, 2007). La diversité de ses recherches et de ses activités a nourri sa créati-vité, favorisant une pensée hors du cadre et une fertilisation croisée. C’est un exemple édifiant pour tous. Les meilleures universités, telle Stanford, encouragent de plus en plus les recherches interdisciplinaires pour relever les défis complexes des temps modernes.

Pearson (1991) explique que « le désir impérieux de trouver le Graal, de gravir des montagnes en quête de visions, de chercher la sagesse, de traverser de nouvelles frontières, d’atteindre ce qui était inatteignable auparavant dans tous les domaines de la vie, semble maintenant endémique dans l’espèce humaine. Le Chercheur répond à l’appel de l’Esprit – s’élever » (123). En fin de compte, le Chercheur est en mesure de voyager intérieurement et extérieurement, en vivant l’intégralité indivisée de toute chose caractéristique de notre univers holographique.

L’Explorateur est très vivant chez les enfants, dont la joie de décou-vrir le monde n’est pas encore entravée par des jugements sur leur performance. C’est encore une fois le rôle du coach d’aider l’archétype à se déployer.

Le CréateurL’archétype du Créateur « encourage toutes les entreprises origi-

nales, de l’art le plus achevé à la plus petite innovation dans le mode de vie ou le travail ». (Pearson, 2008).

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La création débute par une écoute avec une imagination réceptive. Souvenez-vous que « intuition » vient du mot latin intueri, qui signi-fie « observer attentivement ». De belles et authentiques créations impliquent une certaine forme de résonance. L’artiste est en phase avec son être le plus profond et avec le monde dans son ensemble. La créativité semble se produire lorsque nous puisons dans cette réalité holographique.

Accéder à notre Créateur implique aussi de nous autoriser à créer : trouver de nouvelles façons de résoudre des problèmes, insuffler de la nouveauté au travail ou, plus largement, créer nos vies. Alors que le Chercheur permet de découvrir de nouvelles possibilités et de puiser dans la diversité, le Créateur actif la favorise et écarte le condition-nement qui nous amène à vivre en pilotage automatique, de manière étriquée. À nous coachs d’expliciter ces permissions en remplaçant les messages contraignants par de nouveaux messages libérateurs : « Je ne suis pas obligé d’aller travailler si tôt chaque jour et ferai utilement de l’exercice physique à la place » ; « Il m’appartient de trouver le temps de faire du théâtre, de la sculpture, ou n’importe quelle autre activité que j’ai envie de pratiquer depuis longtemps » ; « Rien ne m’empêche d’être efficace plutôt que parfait ». Pour bien faire, rapprochons-nous d’une vie qui soit réellement la nôtre afin de réaliser nos rêves, ce qui implique de petits ajustements ou des changements radicaux. « Le Créateur nous pousse en dehors des rôles artificiels pour revendiquer nos propres identités. Quand cet archétype est actif, les personnes sont autant animées par le désir de créer leur vie que le sont les artistes pour peindre ou les poètes pour écrire. » (Pearson, 1991, 171). L’appel est si fort que beaucoup d’entre elles sont prêtes à sacrifier argent et sta-tut. Le plus souvent il en coûte peu. Avec authenticité, la vie et le tra-vail sonnent plus juste et apportent plus de satisfaction qu’un substitut mercantile.

Penser que nous sommes les créateurs de notre vie révèle un biais culturel de contrôle, tout simplement parce que nous ne maîtrisons pas toutes les circonstances. Nous sommes à même de créer, mais nous sommes aussi créés (biologiquement et socialement). Le but, cepen-dant, est de profiter des opportunités dont nous disposons pour modeler nos vies.

Éveiller les Créateurs qui sont des entrepreneurs est essentiel pour nos économies (voir chapitre 2). Un de mes coachés m’a confié qu’il s’était récemment ouvert à de nouvelles visions, intuitions et intérêts

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en tous genres, de la stratégie militaire à la psychologie. Il a commencé à écrire des éloges de certaines personnes, découvrant en même temps ses propres valeurs. Ce bouillonnement d’activités semble aller de pair avec son sens de l’entrepreneuriat.

Le but principal du coaching interculturel est d’aider des gens à dé- couvrir de nouvelles possibilités au-delà de leurs limites culturelles actuelles et de libérer plus de potentiel humain en se servant des richesses de la diversité culturelle. Le Coaching interculturel (2009) est donc une bonne ressource pour ceux qui veulent découvrir des moyens pratiques de déployer leur Créateur.

La perspective spirituelle – favoriser le sens et l’unité

Le SageLe Sage est le philosophe en nous. L’étymologie révèle son essence :

philos (ami) et sophia (sagesse). Selon Comte-Sponville (2000), le phi-losophe s’efforce d’atteindre le bonheur - comme tout le monde - mais aspire encore plus à la vérité. Il préfère une vraie tristesse à une fausse joie (17).

Initialement, le Sage cherche « la Vérité » dans un sens objectif et absolu. Graduellement, il s’éloignera de la simplicité pour adopter la complexité. Il prendra conscience de la multiplicité et de la relativité de la vérité. Le Sage en nous apprendra à dépasser le dogme et à apprécier une variété de perspectives. Il cultive à la fois un engagement à recher-cher la vérité et un sens du détachement. Notre savoir limité et relatif implique d’abandonner les certitudes et de garder l’esprit ouvert. En définitive, il aspire à l’unité dans la diversité. Tous les chemins spiri-tuels enseignent l’amour qui nous lie les uns aux autres.

Le spiritualiste complète le philosophe dans l’archétype du Sage. Pearson explique que nous avons besoin à la fois de nos esprits et de nos cœurs pour entrevoir « l’unité » dans le cosmos ; c’est là encore une caractéristique de la conception holographique de l’univers. À nous d’amener à la fois esprit et cœur aux niveaux les plus élevés pour lâcher prise et laisser la vérité entrer dans nos vies tel un cadeau.

À ce stade, le rôle du coach va bien au-delà du soutien traditionnel à la détermination d’un but et à la formulation d’objectifs spécifiques. Mesurer le retour sur investissement du point de vue du Sage serait difficile. Le Sage mature cesse de combattre la vie et lui fait confiance, s’ouvrant à ce qui en émerge.

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Coacher en tant que Sage nécessite d’être à l’aise avec la complexité et les perspectives multiples et d’être vif pour repérer les croyances limitantes et saisir des occasions d’élargir la vision du monde de ses coachés. Il s’agit de mettre respectueusement le coaché au défi en posant des questions provocantes ou en proposant des contre-exemples et des métaphores. Montrez-vous capables de lâcher prise, de faire confiance à ce qui émerge et d’encourager ainsi vos coachés à faire de même. Il m’est arrivé de coacher un dirigeant en situation de recon-version. Après que nous avons examiné franchement ses désirs et ses dons particuliers, et systématiquement étudié les opportunités sur le marché, le dirigeant a reçu une proposition d’évolution de poste inté-ressante dans l’entreprise même qu’il était censé quitter. Il s’en était au préalable détaché émotionnellement alors qu’il y avait passé vingt ans. Aurait-il tenté d’y rester, court-circuitant une exploration plus pro-fonde, il n’aurait sans doute pas recouvré la notion de sens ni rétabli une connexion avec son entreprise.

Il y a un Sage négatif aussi : coupé plutôt que détaché, obsédé par le fait d’avoir raison et d’être parfait, écrasé par la relativité et inca-pable d’agir, déconnecté de son corps (ascétique) et de son cerveau (un gourou anti-intellectuel déniant sa propre subjectivité)... Cette version sombre favorise le désarroi et l’aliénation plutôt que l’unité.

Le Fou (également nommé le Bouffon)Le Fou de la Cour a un rôle salutaire : il taquine, raille et amuse. En

injectant de l’humour et en exprimant la joie de vivre, le Fou apaise les débats tendus et aide ceux qui sont au pouvoir à ne pas se prendre trop au sérieux.

Le Sage peut-il être réellement sage sans le Fou ? Effectivement, comment prendre au sérieux quelqu’un qui est trop sérieux ? Un sen-timent de légèreté et de chaleur et une propension infantile à rire et plaisanter communiquent aisance, sérénité et épanouissement. Pensez aux gloussements du Dalaï Lama.

Le coaching efficace implique la connexion avec son Fou. Nous sou-rions et faisons partager notre amusement devant la comédie humaine. Les rires sont fréquents pendant mes séances de coaching. Par exemple, j’aime prendre part aux jeux de rôles avec mes coachés. Ils s’amusent lorsque je joue leur patron manipulateur ou l’employé mal disposé. Au lieu de rester embourbés dans la frustration, ils commencent à accepter ces traits humains, si communs en fait. La légèreté rend plus

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facile l’exploration de manières de gérer plus productivement les rela-tions problématiques et de communiquer de façon OK–OK.

Non seulement nous faisons un travail sérieux mais, semble-t-il, presque sans effort. Le coaché quitte une séance de trois heures d’hu-meur optimiste, prêt à relever les défis à venir.

Tout au début des années 1990, j’ai suivi une psychothérapie de groupe avec Janine Somers en Belgique. La plupart des thérapeutes que j’ai connus avaient malheureusement leur Fou sous contrôle ; ils semblaient croire que la gravité était nécessaire pour travailler sérieuse-ment. Au contraire, Janine souriait, taquinait gentiment et riait. C’était une psychothérapeute des plus efficaces. L’énergie du groupe était fan-tastique et les participants accédaient à un grand nombre d’émotions. De même, Michel Chalude, auprès de qui j’ai appris l’analyse transac-tionnelle, a un agréable sens de l’humour pince-sans-rire. Il crée une ambiance détendue propice à l’apprentissage.

Évidemment, le Fou, comme d’autres archétypes, ne sera pas sol-licité à l’excès, pour ne pas empêcher les coachés d’accéder aux émo-tions importantes, souvent moins plaisantes (colère, tristesse, et peur) qu’ils auraient refoulées, et qui sont de précieux guides.

L’École de Palo Alto89 a développé une tactique que certains coachs (dont moi) utilisent régulièrement. Un coaché se plaint d’un compor-tement improductif associé à une situation désagréable (par exemple, son micro-management associé à sa surcharge de travail), exprime son incapacité à traiter le problème et s’attend à y être confronté par son coach. Au lieu d’aller dans son sens, le coach joue l’« idiot » et manie le paradoxe : « Pourquoi voudriez-vous changer ce comportement ? » « Vous n’auriez plus l’occasion de résoudre ces problèmes techniques » etc. Très souvent, le coaché lui-même finit par recommander le chan-gement. Pour réussir, le coach a besoin ici d’un humour pince-sans-rire plutôt que d’une franche rigolade. Je signale incidemment que l’approche de l’École de Palo Alto est interdisciplinaire et complexe (Kourilsky, 2004), en ligne avec le coaching global.

Une autre façon de libérer le Fou en soi est de se concentrer sur l’as-pect comique des situations et de nous autoriser à faire « le bébête ». Par exemple, j’aime faire des grimaces devant le miroir. N’hésitez pas à faire ce qui vous amuse ! C’est un bon entraînement pour votre coa-ching. Prenez juste garde à choisir le bon contexte.

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Pearson (1991) explique que lorsque le Fou existe dans nos vies « nous sommes revivifiés et revigorés », même si « nous risquons de nous attirer des problèmes ». Lorsqu’il y a trop peu du Fou, « nous devenons moralisateurs, inhibés, coincés, anorexiques, fatigués, ennuyés, déprimés, ou nous manquons de curiosité » (222). Le Fou a un appétit pour la vie qui fait souvent irruption dans les moments les plus pénibles : pendant des obsèques, en voyant des visages aus-tères... Je me souviens qu’avec des amis nous n’avons pu nous retenir de rire fort en écoutant un morceau contemporain de violon aux sono-rités bizarres. Heureusement, le compositeur ne s’en est pas offusqué : après tout, sa musique nous avait touchés de façon joyeuse !

Quand le Fou est refoulé, il nous incite, de manière souterraine, à jouer inconsciemment des jeux négatifs. Eric Berne (1964) a révélé cette dynamique (voir chapitre 5). Selon Pearson, « il vaut mieux engraisser un peu la bête avec de la bonne nourriture, de la bonne com-pagnie et d’agréables moments pour qu’elle ait bon caractère ». (1991, 227).

Le Fou, au meilleur de lui-même, nous permet de vivre ici et main-tenant pour le plaisir de l’instant. Le sens de la vie réside dans cette célébration. Les joies terrestres et les sourires nous rapprochent les uns des autres et favorisent l’unité, que ce soit au sein de couples ou d’équipes professionnelles. Ces moments sont décisifs.

Le Fou nous ramène au début du voyage, bien qu’à un nouveau niveau. Nous ne rions pas comme des Innocents indemnes de tout, mais comme des adultes ayant acquis la résilience nécessaire pour affronter les épreuves avec le sourire.

Le modèle process communicationTaibi Kahler a développé son modèle de « Process communica-

tion »*10à partir de l’analyse transactionnelle pour nous aider à interagir efficacement. Sa typologie donne un aperçu des diverses caractéris-tiques de notre personnalité, de nos besoins psychologiques, de nos styles de management de prédilection et de nos modes de gestion du stress. C’est une invitation à observer comment nous nous exprimons et sommes perçus par autrui.

La prémisse holographique du modèle le rend cohérent, approprié et pratique pour les coachs globaux. Par exemple, la façon dont nous

* NdE : On parle plus volontiers en France de PCM : Process Communication Management.

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parlons et construisons nos phrases tend à refléter des dynamiques plus larges de notre vie. Le coach sera attentif au processus autant qu’au contenu. Intéressons-nous au cas où votre coaché prononce une longue phrase pleine de détails ; interprétez qu’il veut peut-être dire incon-sciemment : « J’aime construire de longues phrases, avec le souci de l’exactitude, pour montrer que je suis logique, minutieux et compé-tent. » Si de plus, il est vêtu de manière soignée et que son bureau est bien rangé, vous avez sans doute en face de vous une personne avec un « processus Travaillomane » important. Après quelques instants seulement, vous serez en mesure de prédire que ce coaché est vrai-semblablement sous l’influence du message contraignant « Sois par-fait9 ». Il fonctionne très probablement en mode OK–pas OK s’il est sous pression (attaquant et surcontrôlant). Il appréciera les félicitations sincères pour son travail dévoué, l’atteinte de ses objectifs et sa com-pétence technique. Ne pas reconnaître son bon travail déclenchera un mécanisme inconscient négatif : il fera remarquer plus visiblement son engagement pour recevoir un « signe de reconnaissance ». En surcon-trôlant, il voudra vous faire comprendre et reconnaître à quel point il prend au sérieux que tout soit fait correctement. 11

En quelques secondes, le coaché révèle une de ses dynamiques. Le niveau micro fait écho au niveau macro de façon holographique. Le tout (scénario de vie) se trouve effectivement dans la partie (instants de comportement). Et la partie, encore et encore répétée, renforce davan-tage le tout. Dans cet exemple, vous ne serez pas surpris que cette personne s’efforce d’être la meilleure, qu’elle veuille être numéro un, etc.

La théorie de Taibi Kahler est élégante mais doit être utilisée avec discernement. Comme toujours, ces prédictions sont à envisager com- me des hypothèses et non comme des certitudes. Coach, prenez garde à ne pas vous aliéner autrui en déclarant : « Je sais déjà qui vous êtes. Voici vos besoins, vos schémas d’échec... » ; la prudence est requise : « Avez-vous remarqué comment vous avez dit cela ? » Si le coaché n’en a pas la moindre idée, décrivez-lui ce que vous avez observé et deman-dez-lui d’interpréter son comportement. Si ce n’est toujours pas clair pour lui, proposez-lui une hypothèse en prenant soin de la relier à vos observations et aux feedbacks reçus. Plus un schéma micro se répète, plus il tend à révéler une dynamique macro essentielle. Le coaché en

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prendra progressivement conscience par sa participation active dans l’échange. Tout cela ne vous dispensera pas de satisfaire ses besoins et l’information que vous lui fournirez lui permettra d’identifier des signaux d’alarme : quand il ne reçoit pas les signes positifs de recon-naissance qui le nourrissent, c’est à lui de les solliciter ou de se les accorder en cultivant l’appréciation de soi.

Le second risque est d’utiliser l’outil de façon mécanique, ce qui vous empêcherait d’établir le genre de relation véritable que nous abor-derons au chapitre 11.

Avec de la pratique, vous commencerez à garder le modèle à l’esprit avec de nombreuses autres perspectives que vous saurez maintenant intégrer de façon fluide.

Taibi Kahler décrit six processus que nous pouvons associer à nos six perspectives fondamentales10. Relier les deux modèles offre de nou-velles occasions d’enrichissement mutuel. En traitant ces processus comme des muscles à développer, nous élargissons notre répertoire et affinons notre capacité à nous connecter aux autres. Nous avons tous des préférences mais tous les processus sont à notre disposition, même ceux qui sont cachés.12

Dans la section suivante, j’indiquerai des éléments de chaque pro-cessus et soulignerai comment la « Process communication » enrichit la boîte à outils du coach global.

Les six processusLe tableau suivant résume les caractéristiques-clés des divers pro-

cessus. Je vous renvoie au travail de Taibi Kahler (1988, 1982), dont ce tableau s’inspire, pour des informations plus complètes.

Quand je parle, par exemple, d’un Empathique - ou n’importe quel autre processus -, je fais référence à une personne en train de manifes-ter ce processus. Kahler prétend que nous possédons tous un processus de base, complété par d’autres qui apparaissent en phases. Cet aspect de sa théorie est moins en ligne avec ma propre expérience. Je préfère dès lors parler simplement de processus à l’œuvre tout en constatant que nous avons tous nos préférences : par exemple, certaines per-sonnes montrent le plus souvent leur Empathique, de temps en temps leur Rebelle et leur Travaillomane et très rarement leur Promoteur, leur Persévérant et leur Rêveur. Différents assemblages émergent habituel-lement avec le temps.

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Certaines connexions avec les six perspectives sont tout de suite repérables. La sensibilité de l’Empathique et sa capacité à s’occuper des autres signifient par exemple que le Soignant est bien présent. La bienveillance facilite la construction de relations. En même temps, le modèle offre de nouvelles informations. Le moteur de l’Empathique est le désir de faire plaisir à autrui, avec l’espoir inconscient qu’il sera reconnu et apprécié en tant que personne, pour ce qu’il est plutôt que pour ce qu’il fait.

Si un Empathique commence à parler à voix basse à son mana-ger et avec un sourire gêné, il y a des chances qu’il exprime incon-sciemment : « Je ne me sens pas suffisamment reconnu ; je commence à ressentir du stress négatif ; je quitte la zone verte d’OK–OK pour entrer en zone orange. » C’est l’occasion pour le manager d’exprimer une authentique appréciation, en faisant savoir à l’Empathique qu’il est OK. L’employé a alors de fortes chances de revenir en zone verte. Si le manager ne perçoit pas le signal de l’employé et ne comprend pas le besoin psychologique sous-jacent, l’Empathique entrera en zone rouge. Il renversera son verre ou commettra une autre maladresse et se comportera comme une Victime. Si le manager entre alors dans le rôle du Persécuteur ou du Sauveur du triangle dramatique - triangle de Karpman -, l’Empathique aura obtenu la reconnaissance qu’il voulait, bien que de façon négative plutôt que positive. Le modèle indique aussi qu’un style de management bienveillant fonctionne mieux avec l’Em-pathique. En revanche, un style impersonnel et autocratique génère du stress négatif, entraînant un moral bas ainsi qu’une faible productivité.

Coach, comment savez-vous que vous avez affaire à un Empathique ? De la compassion, de la sensibilité et un comportement chaleureux (zo- ne verte) en sont les premiers indices. Puis il y a sa propension à trop s’adapter (zone orange). Ce sont des signaux auxquels il faut être atten-tif. Vous avez intérêt à développer tous ces « muscles » pour pouvoir facilement communiquer avec votre coaché sur son canal préféré. Sinon, des difficultés vont apparaître dans votre relation.

Vous pourriez vous sentir désorienté à ce stade : le leadership situa-tionnel (voir chapitre 4) suggère, par exemple, un style directif mais comme vous avez affaire à un Empathique, le conseil est d’être bien-veillant, ce qui est quelque peu contradictoire. Que faire ?

Comme nous l’avons évoqué au chapitre 9, les coachs gagneront à abandonner le paradigme de la simplicité pour adopter celui de la complexité. L’art du coaching consiste à intégrer sans heurt des

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approches différentes. Dans l’exemple ci-dessus, si votre employé est inexpérimenté vous privilégierez un style directif avec des instructions claires. Faites en même temps preuve de bienveillance, en manifestant de la chaleur et en montrant à cette personne que vous l’appréciez en tant qu’être humain.

La même philosophie s’applique aux autres processus. Il se peut que vous repériez le Rebelle avant qu’il ne prononce un mot, par sa tenue vestimentaire particulièrement colorée. Il veut être remarqué et provo-quer une réaction. Il est à son meilleur si vous plaisantez avec lui, le taquinez, blaguez... Il s’apparente à l’archétype du Fou de nombreuses façons, mais la créativité est une plus grande partie de son caractère. Il propose rapidement des idées originales, apporte de nouvelles pers-pectives et met en question votre théorie. S’il tente de détruire votre construction mentale, n’en faites pas une affaire personnelle. Ne soyez pas offensé par ses points de vue et habitudes anti-conventionnelles. Si vous ne répondez pas à son besoin ludique du contact, il entrera proba-blement en zone orange : vous remarquerez un froncement de sourcil ou un grattement de tête : il essaie de comprendre ! Si vous le traitez avec condescendance plutôt qu’avec humour, il entrera en zone rouge afin d’obtenir ce qu’il veut, même de façon négative.

Sans doute consigner vos expériences dans un journal d’apprentis-sage serait-il judicieux. Avec qui êtes-vous à l’aise et avec qui éprou-vez-vous des difficultés ? Peut-être constaterez-vous que vous avez du mal à communiquer avec un ou deux processus. Par exemple, si vous n’êtes pas en contact avec votre propre Rebelle, vous serez mal équipé pour traiter avec d’autres Rebelles. S’ils n’ont pas développé d’autres canaux de communication pour vous rencontrer dans votre zone de confort, des malentendus se produiront et vous ne percevrez alors sans doute que le versant négatif des Rebelles. Vous augmenterez encore votre animosité envers eux et passerez à côté de leur créativité, ratant les occasions qu’ils vous offrent d’éveiller votre propre spontanéité et votre humeur enjouée.

Le Persévérant s’aventure souvent dans des positions de pouvoir où il est à même de défendre ses opinions et de se battre pour ses convictions. Comme de nombreux politiciens à succès, il persévérera et tiendra à ses valeurs et ses croyances. Si son travail et ses convic-tions ne sont pas reconnus, il entrera vraisemblablement dans la zone orange. Son visage prendra une expression plus sévère. Il toisera les autres d’un regard perçant. Si les autres n’ont pas conscience de la

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

dynamique sous-jacente, ils peuvent réagir en Victimes, soit dans la soumission - « Qu’ai-je raté ? Je me sens très mal ! » -, soit par la rébellion - « Espèce d’idiot pompeux ! Tu veux ma photo ? » -. Ils entreront directement dans le triangle dramatique11. La « Process communication » propose des possibilités plus constructives. Tout en se préoccupant aussi de la tâche à accomplir (l'attention au pro-cessus ne dispense pas d'agir sur le contenu), ils peuvent en tout cas saluer les opinions du Persévérant : « J’estime votre opinion. » S’ils partagent ses convictions et ses idéaux, ils gagneront à exprimer à quel point ils sont également importants pour eux. S’ils ne sont pas d’accord, ils souligneront la légitimité de ses croyances. En répondant à son besoin, ils diffuseront une énergie positive qui évacuera le léger stress négatif, le replaçant dans la zone verte du territoire OK–OK. Une autre attitude risque d’exacerber la tension. Dans la zone rouge, le Persévérant commencera à batailler, à adopter un comportement agres-sif, intimidant et brutal pour s’assurer que ses opinions soient enfin entendues. Il dira par exemple de façon très coléreuse : « Je trouve inacceptable qu’on puisse rendre un rapport si médiocre ! » 13

Le Travaillomane est responsable et organisé, très semblable au Gars Ordinaire réaliste et au Destructeur qui désherbe le jardin. Sa focalisation sur la tâche favorise la productivité et les résultats. Son esprit logique le rend compétent pour résoudre les problèmes, de façon impersonnelle toutefois.

Si l’on n’apprécie pas son bon travail ou ne respecte pas l’organi-sation de son temps, il travaillera plus pour « être parfait ». Mais si l’on ne remarque pas le signal orange, le Travaillomane montrera son visage d’attaquant. Il criera par exemple : « Ce rapport est bâclé ! » Notez la différence subtile entre le Travaillomane et le Persévérant : le Persévérant formule un jugement, alors que le Travaillomane est plus factuel12. Cet éclat a pour but de faire comprendre à chacun qu’il prend très au sérieux la production d’un travail de qualité ! Incidemment, je ne vous conseille pas de plaisanter comme un Rebelle quand le Travaillomane atteint ce stade.14

L’orientation-action du Promoteur est connectée à la perspective physique. Il a besoin d’excitation et préfère les actes à l’analyse intel-lectuelle. Sa force consiste à obtenir la réalisation de ce qui doit être fait et non à tourner autour du pot. Il affichera un visage charmant et persuasif pour arriver à ses fins.

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Il excellera si un manager explique les résultats attendus et le laisse ensuite agir à sa guise pour les atteindre, tout en apportant une forme de saine compétition et une copieuse récompense financière en cas de succès. Si en revanche son manager apparaît un peu mou, le Promoteur y verra une faiblesse qu’il n’appréciera pas. Son besoin d’action inas-souvi, il entrera en zone orange : « Décidez-vous et dites-moi ensuite ce que vous voulez ! » Si le manager ne comprend toujours pas, le Promoteur commencera à critiquer et à manipuler. Il pourra dire d’un ton insolent : « J’aurais fait ce rapport en deux jours, mon vieux ! »

Je me souviens d’avoir coaché une équipe en charge des ventes et du marketing. Sans surprise, avec des Promoteurs bien représentés, le leader de l’équipe avait organisé une soirée de courses de karting. Nous sommes d’abord passés par plusieurs tours de qualification, suivis de deux demi-finales et de la finale. C’était vraiment très amusant : j’ai complètement libéré mon Guerrier, cherchant la vitesse maximale, et ainsi fini par remporter le concours, gagnant du même coup le respect de mes coachés. Je communiquais cinq sur cinq avec eux ! Si je n’avais pas véritablement partagé avec eux l’excitation de la soirée, il aurait manqué quelque chose, ce qui ne sous-entend pas qu’il faille suivre ses clients dans n’importe quelle activité. Il s’agit de trouver des aventures à partager et de mettre en commun l’optimisme de l’Innocent : « Nous pouvons le faire ! »

L’attitude calme du Rêveur facilite la posture méditative et déta-chée du Sage. D’où la connexion avec la perspective spirituelle, sur un mode tranquille et imperturbable qui contraste avec l’exubérance et la vivacité du Fou.

Le calme du Rêveur lui permet d’effectuer sereinement un travail que d’autres n’auraient jamais la patience d’accomplir. Il peut être de routine à l’usine ou une méditation de yoga. L’imagination du Rêveur l’aide à garder son calme. Il aime la solitude et apprécie la contempla-tion de la nature.

Ceux qui dirigent des Rêveurs doivent leur expliquer exactement ce que l’on attend d’eux, puis les laisser le faire seuls. Les Rêveurs ont également besoin d’espace privé et de temps libre.

Si ses besoins ne sont pas satisfaits, le Rêveur a le sentiment de devoir être plus fort pour se protéger des autres et des choses qui l’en-tourent. Si sa tranquillité est mise à l’épreuve par diverses sollicita-tions ou des instructions confuses, il entrera dans la zone rouge : dans une attente passive et en s’éclipsant mentalement. Vous vous souvenez

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

sans doute de la dynamique du Sage négatif : le détachement sain se transforme en une rupture néfaste avec la réalité. Ce comportement est inconsciemment mis en place pour obtenir l’espace de réflexion néces-saire. Des managers trop occupés pourraient ne pas remarquer l’inac-tivité du Rêveur pendant un certain temps et le laisser dans son coin. Au final, cette passivité a de fortes chances de se retourner contre eux.

Comme pour tous les autres processus, si les besoins ne sont tou-jours pas satisfaits (au moins pour conforter la situation OK–pas OK ou pas OK–OK), le stress négatif s’accumule et il en résulte un niveau 3 de mécommunication : le Rêveur et l’Empathique geignards, le Rebelle et le Promoteur blâmeurs, le Persévérant et le Travaillomane attaqueurs, ils entrent tous dans un mode pas OK–pas OK désespéré (noir). Heureusement, lorsque les besoins sont satisfaits de façon posi-tive, tous les processus partagent le mode OK–OK sain et constructif (vert).

Aspirer à la complétudeTrop souvent, les formateurs et les coachs encouragent par inad-

vertance l’exclusion et la limitation lorsqu’ils qualifient les personnes, en disant par exemple : « Je suis un Rebelle, tu es un Persévérant. » (ou avec des variantes plus raffinées : « Tu as une base de Persévérant avec une phase de Travaillomane. »). Alors que de telles étiquettes ont un rôle positif pour aider à la prise de conscience, elles réduisent également l’identité et risquent de devenir un prétexte pour stagner : « Comme tu es un Persévérant, il y a peu de chances pour que tu te charges efficacement de ce projet créatif fait pour un Rebelle ! »

Le modèle holographique montre clairement que nous avons tous ces processus à notre disposition. Certains sont déployés alors que d’autres sont enfouis. Il n’est pas surprenant qu’à certains moments, on se sente plutôt un Persévérant et à d’autres un Rebelle.

En fait, même si nous préférons certains processus à d’autres, nous aspirons également à la complétude. À l’issue d’un test au début des années 1990, j’ai reçu l’étiquette de Rebelle, ce qui me convenait bien. Je ne la renie pas aujourd’hui, mais j’aime aussi la solitude lorsque je fais du vélo en forêt pendant des heures et, de façon générale, j’ai appris à savourer les cadeaux uniques que m’offre chacun des processus.

Apprécier sincèrement tous les processus et réaliser qu’ils sont tous en nous enrichissent nos vies et améliorent notre capacité à nous connecter à nos différents coachés. Ces processus ne sont pas juste

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des méthodes que nous apprenons ou des techniques parfois perçues comme étrangères à nous. Ils deviennent des parties intégrantes et affirmées de nous-mêmes.

La vie nous procure souvent des opportunités inattendues de déve-lopper nos processus endormis. Si, en tant que Travaillomane, vous appréciez un environnement ordonné, vous ferez peut-être face à des circonstances imprévues ou traverserez des turbulences qui feront voler en éclats votre univers rangé et rassurant. Ce sera l’occasion de laisser votre Promoteur ou votre Rebelle venir à la rescousse. Il vous est loisible d’accepter leur appel et d’avancer dans votre cheminement vers la complétude, ou d’y être sourd et de vous enfermer dans un sens limité et limitant d’identité.

Dans le prochain chapitre, je présenterai la conceptualisation de Martin Buber parce que, si les modèles sont nécessaires, il est judi-cieux de les mettre de côté quand ils bloquent l’établissement des rela-tions authentiques qui nous rendent pleinement humains.

NOTES1. Je viens de découvrir que Pearson a déjà comparé les archétypes aux

hologrammes.2. Notamment par des règles de stricte confidentialité, dans une attitude bienveil-

lante et sans jugement.3. La connexion particulière que je propose n’est pas censée exclure d’autres

connexions possibles. Par exemple, on peut connecter l’espièglerie du Fou avec le processus du Rebelle de Kahler et la créativité associée à la pers- pective culturelle.

4. Ce régime réduit aussi le risque de lésions du cerveau et d’autres tissus liées au stress et protège contre les maladies du cerveau associées au vieillissement.

5. Pearson, « Archetypes 101 », 2008.6. Je fais référence à l’archétype soit comme une entité soit comme une personne

manifestant cet archétype.7. Lex Hixon parle d’une progression, depuis l’attente du Messie jusqu’à la

reconnaissance que le Messie est venu et qu’il est en nous (Hixon, 1996). La tradition hassidique s’accorde au modèle holographique.

8. L’École était connue pour son habitude à jouer de paradoxes afin d’encourager le changement. L’humour faisait partie de l’approche de Paul Watzlawick et apparaît déjà dans le titre d’un de ses livres : The Situation is Hopeless, but not Serious : the Pursuit of Unhappiness (Watzlawick, 1984). Cet esprit ne se retrouve pas dans le titre de la traduction française, Faites Vous-Même Votre Malheur. La première partie, omise, aurait pu être traduite par : La situation est désespérée, mais pas grave.

9. Voir chapitre 5 et Rosinski, 2003, 151.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

10. J’aimerais saluer de nouveau Michel Chalude, un des premiers spécialistes à introduire la Process communication en Europe. Michel me suggéra cette connexion lors d’un déjeuner le 23 juin 2008. Je vais plus avant ici en me basant sur cette correspondance.

11. Voir chapitre 5 et aussi annexe 1 dans Le Coaching interculturel au sujet de l’analyse transactionnelle.

12. Le Travaillomane parle habituellement avec son Adulte alors que le Persévérant parle avec son Parent Normatif. Dans la zone orange, le Travaillomane parle à partir de son Parent Normatif négatif bien qu’avec toujours des nuances fac-tuelles de son Adulte. Voir annexe 1 dans Le Coaching interculturel sur l’ana-lyse transactionnelle pour plus d’information sur les « États du moi ».

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Chapitre 11

L’unité par le lien profond

Au-delà de la maîtrise technique, du maniement habile des modèles et de l’enchaînement des concepts, ce qui importe probablement le plus dans la communication – et dans le coa-

ching en particulier – est le désir profond de se connecter réellement avec les autres. Cela signifie écouter vraiment, renoncer aux stéréo-types et idées préconçues et s’autoriser à être influencé par les réac-tions d’autrui. Malgré leur utilité, il arrive, paradoxalement, que les modèles empêchent une véritable communication !

J’examinerai dans ce chapitre comment Martin Buber exprime cette notion essentielle. Il oppose deux types d’interactions - ou posi- tions - : les rapports Je–Cela et les relations Je–Tu (Buber, 1958 ; Kramer, 2003).

Le Je–Cela est une relation fonctionnelle entre sujet et objet. Elle implique des modèles tels que le COF pour décrire la réalité. Kramer explique que « le monde du Cela est un monde de choses, de processus, de caractéristiques et d’objets qui sont continuellement divisibles » (29).

De l’autre côté, le Tu indique la qualité des relations véritables dans lesquelles les partenaires sont réciproquement uniques et entiers. Je–Tu est un « dialogue » dans lequel une personne se tourne vers une autre de tout son être.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Buber a beaucoup insisté sur l’ambiguïté de la condition humaine : « Sans Cela une personne ne peut vivre. Mais celui qui ne vit qu’avec Cela n’est pas une personne1. » (Buber, 32). Nous sommes tous concer-nés : sans Cela, impossible de coacher. Mais avec seulement Cela, le coaching n’est pas global.15

Ces notions peuvent encore paraître quelque peu mystérieuses mais vous découvrirez comment la puissante attitude psychologique OK–OK s’enrichit d’autres perspectives et s’approfondit par le concept de Buber sur le plan spirituel. Son approche est remarquablement cohé-rente avec le modèle holographique. Il a indiqué comment surmonter la fragmentation et construire l’unité par le lien profond.

En premier lieu, j’aimerais suggérer des connexions entre la théo-rie du développement de l’adulte et le coaching global. Sans surprise, le coaching global efficace va de pair avec les stades les plus avan-cés du développement humain. Ce lien entre eux offre plus d’oppor-tunités de fertilisation croisée. Sur ces points, je ferai référence ici au « cinquième niveau de conscience » de Robert Kegan et aux relations sujet-objet, ainsi qu’à l’adaptation des étapes de développement de Kegan par Jennifer Garvin Berger et, particulièrement, à l’atteinte du stade de l’ « Aîné ».

Développement de l’adulteBerger explique comment les coachs gagnent à utiliser la théorie du

développement de l’adulte. Cette théorie « s’intéresse à la façon dont chaque personne crée son propre monde en le vivant » et « comment cette construction change avec le temps pour devenir plus complexe et à facettes multiples ». (Berger, 2006, 78). Le modèle met en lumière les caractéristiques du développement dont on a besoin pour s’impliquer efficacement dans le coaching. De fait, il s’agit de mettre les choses en perspective et d’augmenter notre capacité à gérer une réalité multidi-mensionnelle complexe.

Berger soutient que « même des coachs ayant une compréhension sophistiquée des différences entre leurs clients ne comprennent pro-bablement pas tout à fait les formes qualitativement différentes du développement de la compréhension chez les adultes, ni les mondes profondément différents qu’ils se construisent. Une compréhension de ces différences permet d’avoir une écoute plus attentive, d’établir des

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L’UNITÉ PAR LE LIEN PROFOND

connexions que l’on n’aurait pas faites autrement et de proposer des interventions qui peuvent mener aux plus grands succès et au dévelop-pement des clients » (79). Elle note qu’il « s’agit par le rythme de ce mouvement d’accroître notre capacité à voir plus de complexité dans le monde » (80).

En pratique, il s’agit de garder à l’esprit que les personnes regardent souvent la réalité à partir d’autres stades de développement que les nôtres. En principe, le coach lui-même a atteint un stade de dévelop-pement supérieur ou au moins égal à celui du coaché, pour l’assister d’une manière propice à son développement. Berger prétend que peu de personnes atteignent le stade de l’« Aîné » - le quatrième et dernier de son modèle. C’est pourtant à ce stade que les personnes récoltent le plus de bénéfices du coaching global : « L’Aîné voit, comprend les perspectives des autres et les utilise pour transformer continuellement son propre système, en devenant plus expansif et plus inclusif. Il n’uti-lise pas les perspectives d’autrui pour ajuster son propre raisonnement ou ses principes, comme le fait le PDG - c’est le stade précédent ; il prend le risque de changer le système entier dans chaque interaction avec les autres. » (81).

Pour les PDG, le chemin de développement consiste à « accroître leur curiosité vis-à-vis d’autres systèmes de compréhension », ce qui les aidera à « remettre en question le leur propre – non pas dans l’espoir de l’affiner mais afin de le transcender ». Ce changement implique aussi de passer « de la certitude d’un PDG à l’ouverture d’esprit de l’Aîné » et de développer la « pensée paradoxale » et l’aptitude de l’Aîné « à voir partout des connexions. Il est capable aborder un problème sous de multiples angles et de voir comment les différentes perspec-tives se chevauchent ». « Les Aînés sont au diapason de toutes les par-ties prenantes autour d’eux. » (233). Le Tableau de Bord Prospectif doit devenir le Tableau de Bord Prospectif Global (Rosinski, 2003). « Les Aînés voient les multiples niveaux de chaque problème et sont à même de comprendre différentes perspectives. » (89-92).

Les personnes dotées du regard de l’Aîné sont équipées au mieux pour aborder les défis globaux complexes que nous connaissons au- jourd’hui. Comme l’a relevé Albert Einstein, « les problèmes impor-tants que nous affrontons ne seront pas résolus au niveau de pensée auquel nous étions au moment où nous les avons créés » (91).

Pour aider les coachés sur la voie du développement, je considère souvent d’abord leurs défis. Par exemple, s’ils veulent accroître leur

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confiance en eux et leur assertivité, un regard d’Aîné n’est probable- ment pas nécessaire pour y parvenir. D’un autre côté, beaucoup de défis - de plus en plus - sont multidimensionnels : quand nous aidons les coa-chés à adopter progressivement différentes perspectives pour atteindre leurs objectifs, nous favorisons l’émergence d’un point de vue d’Aîné. Les coachs indiqueront aussi les connexions entre les perspectives – par exemple, comment la forme physique des coachés influe sur leur performance intellectuelle, ou leur notion du sens sur leur performance professionnelle – afin d’expérimenter la manière dont les perspectives combinées leur permettent de traiter des difficultés spécifiques.

Robert Kegan fait part de statistiques troublantes : « Dans un échan-tillon composé d’individus de divers milieux socio-économiques des États-Unis, 79 % d’entre eux n’ont pas atteint le quatrième niveau... et un minuscule pourcentage seulement est au-delà du quatrième ni- veau. » (Debold, 2008). Devons-nous abandonner tout espoir que la majorité atteigne ce quatrième niveau ? Le coaching global est-il réservé à une petite élite ? Pour Kegan, les adultes traversent habituel-lement plusieurs transformations au cours de leur développement et chaque transformation construit un édifice plus complexe et élaboré. Selon mon expérience, le coaching global facilite grandement ce pro-cessus. Nous ne voulons pas laisser des statistiques médiocres altérer notre croyance que les gens sont capables d’intégrer la complexité et les perspectives multiples. Cette croyance fondamentale du coaching dans le vaste potentiel humain est auto-réalisatrice. Mais il convient que les coachés soient suffisamment ouverts, curieux, courageux et disciplinés pour s’engager et se maintenir dans le processus. Jongler avec les perspectives multiples et les paradoxes demande de la pra-tique, ce qui est indubitablement plus facile pour certains que pour d’autres ; mais atteindre le niveau « d’Aîné » ne devrait pas être réservé à quelques chanceux !

Les relations sujet-objetKegan décrit la voie du développement en faisant référence à la

nature évolutive de la relation sujet-objet (Debold, 2008).Pour Kegan, l’« objet » se rapporte aux « aspects de notre expé-

rience qui sont apparents et observables, mis en rapport, portés à ré- flexion et à action, contrôlés et connectés à autre chose. Il nous est plus facile d’être objectifs à propos de ces choses si nous ne les voyons pas en tant que « moi ». Mais nous sommes tant identifiés et fusionnés

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à d’autres aspects de notre expérience que nous les tenons pour nous-mêmes. Nous les vivons subjectivement par la moitié « sujet » de la relation « sujet-objet ». Gardez cependant à l’esprit que, pour Buber, la relation sujet-objet est appelée Je-Cela, qui exclut encore le riche domaine du Je-Tu.16

Kegan explique que le bébé, dans les premières minutes de sa vie, est entièrement « sujet » et pas du tout « objet ». Au plus haut niveau du développement, illustré par le Boudha, l’« adualisme » prédomine aussi : « le soi a été entièrement identifié au monde ». Kegan souligne qu’il n’y a alors aucun sujet : « Vous ne regardez le monde d’aucun point de vue privilégié distinct de lui2. » Je pourrais aussi soutenir qu’il n’y a alors que le sujet et pas l’objet ou plus précisément que le sujet et l’objet sont devenus inséparables. C’est le domaine relationnel du Je-Tu. Toutefois, plutôt que de suggérer une identification entière au monde, Je-Tu indique une « intimité » et une « réciprocité mutuelle ». (Kramer, 2003). De même, dans la complexité de Morin, « l’un ne se dissout pas dans le multiple » (voir chapitre 9). Notez que le modèle holographique conforte cette notion d’« unicité de l’univers » que décrit Kegan et qu’atteindre « l’unité » est une fois de plus envisagé comme le but ultime. Notez aussi que Buber s’est éloigné du « mysticisme d’absorption » - « dans des formes du mysticisme hindou par exemple, on voit le « Je » s’affaisser et devenir un en Dieu ». Kramer explique que, pour Buber, « les positions sujet-objet essentielles au véritable dialogue sont annihilées dans la fusion ». Au contraire, le concept de Buber, « un lien vivant entre tous les êtres séparés », se rapproche du modèle holographique. Pour moi aussi, l’« unicité de l’univers » signi-fie l’unité dans la diversité plutôt qu’une uniformité insipide. L’altérité est indispensable à la rencontre réelle. En langage d’AT, l’autonomie favorise la communication constructive plus que ne le fait la symbiose.

Le coach gardera à l’esprit cette remarque cruciale de Kegan : toutes les façons dont nous déchiffrons notre expérience et produisons du sens sont partielles. « Donc, [dans le cinquième niveau de conscience] vous commencez à concevoir une façon de construire le monde qui est beau-coup plus ouverte à la contradiction, aux oppositions et à la capacité de se rattacher à de multiples systèmes de pensée. » Kegan distingue un postmodernisme négatif « qui consiste à se débarrasser de toute forme idéologique et n’est que déconstruction » et un postmodernisme plus

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constructif dans lequel se « bâtissent les relations entre ces idéologies plutôt que d’en rester à une seule ». Il poursuit : « C’est un état d’esprit beaucoup plus positif. » C’est précisément ce que nous tentons d’ac-complir avec le coaching global.

OK–OK revisitéComme nous l’avons vu au chapitre 5, l’injonction « Je suis OK–

Tu es OK » mène à des relations constructives nourries par un sens communicatif de la valeur, du respect et de la confiance. L’attitude OK–OK n’est pas limitée à la perspective psychologique mais s’étend à d’autres domaines relationnels, qui incluent la politique, la culture et la spiritualité.17

Avant de parler de ces liens, laissez-moi noter que la perspective physique s’intéresse à la santé et à la forme physique de l’individu plu-tôt qu’aux relations en tant que telles. Elle représente vraiment la fon-dation. Certains pourraient soutenir que ce n’est pas une condition de l’établissement de véritables relations. Des maladies douloureuses sont parfois de puissants antidotes à des obstacles tels que l’arrogance. La maladie nous rappelle nos limites humaines. Partager la souffrance fait partie de la condition humaine et peut rapprocher les gens. Toutefois, si comme Frankl, nous cherchons à éviter des douleurs inutiles, nous nous efforcerons de nous maintenir en bonne santé et en forme. Comme je l’ai évoqué au chapitre 3, nous pouvons faire beaucoup en la matière. Être en forme facilite notre capacité à construire des relations joyeuses et fructueuses avec les autres.

Dans la perspective managériale, il existe une forme de relation dépersonnalisée. Comme dans la théorie traditionnelle de l’économie (voir chapitre 2), il s’avère utile de comparer les personnes à des agents qui prennent leurs décisions « rationnellement » - en matière d’écono-mie, ce seront l’optimisation des profits et la minimisation des pertes - sans tenir compte des facteurs psychologique, politique, culturel, et spi-rituel. Cette vision simplifiée suffit, par exemple, à plaider pour la col-laboration dans le « dilemme du prisonnier3 ». L’ OK–OK signifierait à ce niveau : J’agis « rationnellement » – Tu agis « rationnellement ». Aussi insuffisante qu’elle paraisse, cette position a été le pilier de

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l’économie traditionnelle et des premières théories managériales. Elle reste utile – quoique toujours en association avec d’autres perspectives – pour établir un solide business plan aux calculs financiers précis et favoriser la productivité et les résultats.

Au-delà de la perspective psychologique, l’attitude OK–OK au plan politique s’envisage comme la combinaison du pouvoir et du service, caractérisant « la politique constructive » : s’efforcer de construire son propre pouvoir (soi) tout en le mettant au service des diverses parties prenantes (autrui). En cela, le « Bâtisseur Éclairé » est OK–OK : il est capable d’atteindre des objectifs importants et porteurs de sens et de permettre aux autres d’atteindre les leurs. L’ « Idéaliste », lui, est pas OK–OK - il se soucie des autres mais avec une capacité limitée pour les servir - et le « Prince » est OK–pas OK, puissant mais peu concerné par l’aide à apporter aux autres. Le « Cavalier Seul », autocentré, se débrouille très bien en travail-lant indépendamment ; il sera en revanche en difficulté dans des situations d’interdépendance où son manque de pouvoir limite ses moyens d’atteindre ses objectifs et où son faible sens du service tend à aliéner autrui, ce qui est pas OK–pas OK.

Sur le plan culturel, l’attitude OK–OK caractérise l’approche ethno- relative que j’ai commentée dans Le Coaching interculturel. Nous reconnaissons, à tout le moins, la légitimité et les mérites de préfé-rences culturelles différentes : les nôtres et celles des autres. Nous sommes, espérons-le, prêts à nous adapter - sans adoption ni assimila-tion -, à intégrer et, in fine, à tirer parti des différences. Nous faisons alors tout notre possible pour favoriser la synergie, chercher les joyaux des cultures différentes et atteindre l’unité dans la diversité. Toutes les autres associations, impliquant au moins un « pas OK », révèlent une certaine forme d’ethnocentrisme - dans laquelle notre vision du monde est le centre de toute réalité. Cet ethnocentrisme est évident si nous reconnaissons les différences culturelles mais les évaluons négative-ment : quand nous dénigrons les autres, nous les voyons comme « pas OK ». Lorsque nous élevons autrui sur un piédestal et dénigrons notre propre culture, nous la traitons comme « pas OK ». Ignorer les diffé-rences ou les banaliser démontre souvent un manque d’intérêt pour l’autre culture ou une absence d’appréciation de son caractère singu-lier. Nous sommes, peut-être inconsciemment, en train de voir l’autre culture comme « pas OK ».

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Au plan spirituel, l’OK–OK prend un sens encore plus profond et plus large. L’assertivité du coach, la maîtrise de la politique construc-tive et l’excellence interculturelle sont complétées par le désir d’établir « des relations vivantes » et par la capacité de bâtir « de véritables communautés ». Les rapports Je-Cela sont nécessaires et sont parfai-tement OK sur un plan psychologique, comme le respect, la confian- ce... Toutefois, les relations Je-Tu sont celles qui nous rendent plei-nement humains et représentent l’OK–OK dans le sens le plus noble. Coacher avec une perspective spirituelle, même fugitivement, ne se produira que lorsque la qualité de la relation Je-Tu sera présente.

Les relations Je-TuJe n’ai pas la prétention d’entrer ici dans le détail de la contribu-

tion de Martin Buber. Mon but est de présenter quelques-uns de ses concepts qui, selon mon expérience, enrichissent les perspectives des coachs et augmentent leur impact positif. Pour ceux qui aimeraient en apprendre davantage, je recommande l’excellent guide de Kenneth Kramer (2003) qui rend la pensée de Buber beaucoup plus accessible. Buber met cependant en garde sur le fait que « le dialogue Je-Tu ne s’enseigne ni ne se transmet. Il ne peut qu’être indiqué ». (Kramer, 2003, 45).

Jennifer Maione décrit son expérience d’un tel dialogue : « Elle m’a fait sentir que j’avais vraiment écouté et offert quelque chose que jamais personne ne lui avait donné. Je pense que j’étais la seule per-sonne à qui elle se soit réellement ouverte. » (Kramer, 2003, 20). Vous avez eu, je l’espère, de telles expériences avec vos coachés. Cette qua-lité de relation est épanouissante à la fois pour le coaché et le coach et elle donne du sens à notre engagement.

Le coach professionnel maîtrise les outils et les techniques (Je-Cela) mais ne les appliquera pas de façon mécanique. L’art du coaching implique d’aller au-delà de la technique pour entrer dans de véritables relations (Je-Tu). Être reconnaissants de ces relations authentiques, en contact avec notre sens de la légèreté et de l’humour, et confiants que notre coaching aidera à faire une réelle différence est une aide précieuse. Vouloir apprendre de nos coachés et croire en leur sagesse permettent également la relation mutuelle Je-Tu. C’est plus difficile en psychothérapie, où la relation est habituellement moins égalitaire. La grâce et l’émotion suscitées par des musiciens quand leur jeu s’élève au-delà de la maîtrise technique sont comparables auprès des coachés à celles d’un coaching fluide et authentique. C’est le cas lorsqu'un

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coach global, par sa maîtrise de l’art de jongler avec les multiples pers- pectives pour servir ses coachés, déborde d’humanité, de simplicité et de légèreté. Comme le musicien touché par la communion avec son auditoire, le coach sera touché en retour. Il est alors en contact avec la gamme complète des émotions, ce qui lui permet d’être facilement en empathie avec le coaché, en contact avec des considérations pragma-tiques aussi bien qu’avec des aspirations humaines élevées, et à l’aise avec la diversité psychologique et culturelle. Il a atteint l’unité inté-rieure, de façon éphémère mais puissante ; il la propage au dehors.

Buber nous oriente au-delà de la dichotomie traditionnelle sujet- objet : « Plutôt que servir en tant qu’objet d’expérience, Tu vise la qua-lité d’une relation véritable dans laquelle les partenaires sont mutuel-lement uniques et complets. Cette prise de conscience vivante n’est ni objective, ni subjective. Elle est interhumaine4. » (Kramer, 2003, 15).18.

Les rapports Je-Cela et les relations Je-TuBuber décrit deux attitudes primales, Je-Cela et Je-Tu, et suggère

que nous vivons dans une interaction continuelle entre ces deux paires complémentaires. « Chacun vit dans un continuum Je-Cela -Je-Tu, dans des alternances permanentes entre les deux piliers de base de la vie. » (Kramer, 20 ;03, 16). Les deux sont nécessaires pour coacher mais atteindre Je-Tu est indispensable pour devenir des êtres humains complets. « Il n’y a pas de relation Je-Tu pure sans point Je-Cela de référence. Avoir une relation Je-Tu avec tout le monde ou dans toutes les situations est impossible. Toutefois, rester ouverts et souhaiter éta-blir des interactions Je-Tu avec ceux qui ont des intentions similaires est réalisable. » (Kramer, 2003, 19).

Jennifer Maione mentionne un inconvénient des relations Je-Tu : « Je ne pourrais vous raconter maintenant tout ce que nous nous som-mes dit. » (Kramer, 2003, 20). De même, un inconvénient d’être plei-nement présent dans le coaching fait qu’il m’est difficile après coup de me souvenir exactement de ce qui a été dit, des liens qui ont été établis, des idées qui ont émergé. Mes notes sont une imparfaite, mais utile façon de saisir un tant soit peu de ce qui s’est produit à ce moment-là.Les mots, certes bénéfiques, ne peuvent saisir et restituer complète-ment ce qui s’est passé.

Me plaçant du côté Je-Cela pour le moment, je vais tenter de résu-mer les contrastes entre les rapports Je-Cela et les relations Je-Tu5. 19

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Rapports Je-Cela Relations Je-Tu

Indiquent les degrés de ma séparation des autres

Objectivantes, monologiques

L’autre est réifié et réduit au contenu de la propre expérience de l’observateur

Bénéfices pratiques

Indiquent une intimité des liens

Plus immédiates, mutuelles et dialogiques

L’autre est invité à me rencontrer là où je me tiens, dans une récipro-cité ouverte et mutuelleNécessaire pour développer la complétude personnelle

Jamais exprimés avec l’être completExpérimentent/utilisent/saventDans l’espace et le tempsDans un sens : singulièresContrôleDualité sujet-objet

Exprimées avec l’être entierÉvénement/occurrenceEn dehors de l’espace et du tempsÀ double sens : mutuellesLâcher priseIntermédiarité interhumaine

Catégoriser les chosesDans cette expérience réifiée du monde, on ne s’aventure pas en-dehors de plans, schémas et buts qui s’auto-renforcentCette « connaissance objective » est nécessaire

Moments directs et ouverts de présence mutuelle entre les personnes. Trois caractéristiques6 :

Franchise et complétudeVolonté et grâcePrésence de réciprocité

Le monde du Cela : Choses, processus, caractéristiques et objets conti-nuellement divisiblesUn individu qui parle principalement Je-Cela observe les choses comme des objets, les arrange, les met dans l’ordre, les sépare, et les relie sans nécessairement ressentir le poids de leur importance L’individu perçoit les êtres et les actions comme des choses et des événements composés de proprié-tés et de moments, comme positionnés dans des réseaux d’espace et de temps, comparés et mesurés à d’autres choses

Le monde du Tu :Univers holographique : intégra-lité indivisée de toutes choses

Entière acceptation du présent.Entrevoit l’ordre enfoui, au-delà du temps et de l’espace7

Rapport (Ich-Es Verhältnis) Rapport de proximité physique seulement. Par exemple deux boules peuvent être dites en « rela-tion » entre elles sur une table de billard alors qu’elles n’ont aucune relation interpersonnelle entre elles

Relation (Ich-Du Beziehung)

2021

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L’UNITÉ PAR LE LIEN PROFOND

Buber souligne sur le Tu Inné : « Dans l’utérus, l’enfant est enve-loppé dans une relation naturelle dont les liens sont brisés à la nais-sance. » (Kramer, 2003, 28). Enveloppé - enfolded - est le terme utilisé dans le modèle holographique. Pour Buber, donc :

• La relation Je-Tu vient d’abord, puis la relation Je-Cela émerge.• Le Je-Tu devient continuellement le Je-Cela ; parfois seulement,

le Cela est capable de retourner au Tu.• Le Je-Cela n’a pas besoin de devenir le Je-Tu mais, pour devenir

vraiment une personne humaine, il est nécessaire de rencontrer le monde en tant que Tu.

• Le Tu Inné cherche tout au long de la vie des rencontres véri-tables. (Kramer, 2003, 29).

Toutefois, cette rencontre véritable ne sera plus la fusion au sein de l’utérus mais une présence réciproque qui affirme les deux personnes. Il s’agit de solidarité dynamique et de lien profond. « Le trésor tant recherché et l’épanouissement dans l’existence se trouvent juste là, au sein du dialogue authentique. » (Kramer, 2003, 12). Buber écrit que « la parole primordiale de Je-Tu ne se dit qu’avec l’être tout entier... Je deviens par ma relation8 avec Tu ; quand je deviens Je, je dis Tu. Toute vraie vie est rencontre ». (Buber, 1958, 17). En entrant dans la relation de coaching avec notre « être complet », nous promouvons l’huma- nité de nos coachés autant que la nôtre.22

Cet accent mis sur les relations a une profonde implication pour le coaching. Dans les pratiques traditionnelles, le dialogue et les relations – ou devrais-je dire les rapports – sont souvent le moyen de parvenir à une fin, comme la maturité, l’expression de soi ou la paix de l’esprit. La réalisation de soi de l’individu (Maslow), son autonomie (Berne) ou son individuation (Jung) sont le but de son cheminement et de son développement. Pour Buber, cet égocentrisme et ce développement individuel se trompent de cible s’ils ne servent qu’eux-mêmes. En adéquation remarquable avec le modèle holographique - qui souligne notre interconnexité -, Buber suggère une forme de co-développement ou de co-construction. « La vraie vie est rencontre » et nous nous déve-loppons à travers cette connexion. Si le dialogue est simplement un moyen de l’égocentrisme, alors il cesse d’être un véritable dialogue.

Ce n’est pas pour autant que le coach global cessera d’aider le coa-ché à définir et atteindre ses propres objectifs. Il s’agit d’inciter plutôt

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à entrer dans la relation en étant plus attentif à l’impact de nos actions et à nos liens avec le monde dans son ensemble ; d’abandonner les croyances limitantes, les pensées destructrices et les émotions qui nous empêchent d’être pleinement présents dans la relation ; et d’apprécier réellement la relation elle-même.

« Ouvrir notre cœur et notre esprit à ceux que nous rencontrons » favorise la sincérité du dialogue qui « se passe entre nous dans une réciprocité dynamique et mutuelle ». Cette ouverture n’est cependant pas automatique. « Elle n’arrive pas simplement par mon intention mais en vertu de la grâce relationnelle. » (Kramer, 2003, 55-56). Sans la bonne volonté du coaché, le meilleur coach demeure inefficace.

La contribution de Buber est également utile pour le coach en ce qu’il l’informe des dangers d’une conscience orientée vers l’objet - dont les effets dommageables ont été très apparents au moment de la crise financière mondiale de 2008, comme je l’ai mentionné dans le chapitre 2 - : « Comme nous ne pouvons nous passer du monde du Cela, notre course au profit et au pouvoir a besoin d’être orientée par la présence de relations Je-Tu. Ce sont ces relations authentiques qui empêchent le monde du Cela de prendre le dessus et introduisent dans la vie un sens ultime et une valeur intrinsèque. » (Kramer, 2003, 75-76).

La véritable communautéFerdinand Tönnies (1887/2001), précurseur de la sociologie en

Allemagne, a opposé deux catégories sociales, qu’il a nommés respec-tivement Gemeinschaft et Gesellschaft.

En voici la différence :Gemeinschaft – souvent traduit par « communauté » – se réfère aux groupes unis par les sentiments d’intimité et les liens réciproques, ressentis comme un but à maintenir, leurs membres étant le moyen d’atteindre ces buts. Gesellschaft – souvent traduit par « société » – fait référence aux groupes soutenus par la société en tant qu’ins-truments pour réaliser les objectifs individuels de ses membres.Gemeinschaft s’illustre de façon historique par une famille ou un voisinage dans une société (rurale) prémoderne ; Gesellschaft par une société par actions ou un État dans une société moderne, celle dans laquelle vivait Tönnies. Les relations Gesellschaft sont appa-rues dans un contexte urbain et capitaliste caractérisé par l’in-dividualisme et des liens monétaires impersonnels entre les gens.

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L’UNITÉ PAR LE LIEN PROFOND

Les liens sociaux étaient souvent utilitaires et superficiels, l’intérêt personnel et l’exploitation devenant de plus en plus la norme9. 23

Buber a revisité cette dichotomie et prôné Gemeinschaft. Dans les organisations et sociétés individualistes d’aujourd’hui, restaurer un sens de la communauté et de la solidarité semble impératif. La vision de Buber implique un attachement profond et une relation authentique entre les membres : « Une véritable communauté ne se construira pas sur les affects de l’un par rapport à l’autre, ou par rapport à quelque chose. Une authentique communauté est au contraire construite sur l’envie à chaque instant de nouer des relations vivantes. » (Kramer, 2003, 76).

Alors que la Collectivité (Gesellschaft) est caractérisée par « une union organisée des forces » et « des relations sociales institutionnali-sées », la Communauté (Gemeinschaft) est imprégnée d’« interaction vitale » et d’un « courant de don et d’abandon créatif ». Pour Buber, « la vraie communauté ne peut être érigée en un but à atteindre ; elle s’établit lorsque les individus apprennent à s’écouter à nouveau les uns les autres » (77). Pour lui, la véritable communauté est « la constitu-tion intérieure d’une vie commune qui connaît et embrasse les diffé-rences » et « surmonte l’altérité en une unité vivante » (83,95). Ce n’est « pas seulement un idéal, mais aussi la direction d’un mouvement, une réalité que nous essayons de bâtir dans chaque situation ». Je partage aussi la vision inclusive de la culture impliquée dans la croyance de Buber : « La question décisive d’une vision du monde est de savoir si elle permet de se lier à lui dans un élan vital ou si elle empêche cette possibilité. » (91). 24

Les deux véritables communautés préférées de Buber sont la légen-daire communauté hassidique et celle que Maurice Friedman appelle « la communauté d’apprentissage ». La description de Buber s’ap-plique étonnamment au caractère de nos séminaires internationaux sur le Coaching interculturel10, dans lesquels de multiples nationali-tés, langues, religions et métiers s’assemblent en groupes hétérogènes ; ses participants partagent un état d’esprit ouvert, bienveillant et se montrent constructivement provocateurs. Lors de nos séminaires, les participants « donnent » et « reçoivent », si bien que chacun « reçoit » davantage : le coach puise dans leur expérience et leur perspicacité ; il facilite ainsi les apprentissages croisés et la construction de relations.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La communauté d’apprentissage, une communauté continuellement régénérée de personnes voulant être présentes à et pour chacun, reconnaît nécessairement de multiples points de vue et en discute ouvertement. La diversité n’est pas vue comme une difficulté à sur-monter. La multiplicité de points de vue d’une communauté d’ap-prentissage est la base de dialogues continuels car chaque personne apporte quelque chose de très concret et d’unique dans une relation communautaire. L’honnêteté de l’ouverture d’esprit et la volonté d’être changé sont plus appréciées que la similarité des vues. (Kramer, 2003, 91).

Le Je réelBuber insiste sur la complétude de la personne. Pour lui, la complé-

tude se rapporte à « l’intégration sans heurt du corps, de l’esprit et de l’âme ». (Kramer, 2003, 99). Lorsqu’ils agissent pour établir d’authen-tiques dialogues avec leurs coachés, les coachs globaux jouent un rôle décisif pour aider le « Je réel », le véritable soi, à émerger. Pour Buber, « notre plus importante tâche est de réaliser notre potentiel unique, imprévisible et continuel en sanctifiant chaque jour passé avec autrui ». (Kramer, 2003, 121).

Le tableau suivant11 distingue les personnes des individus. Buber nous incite à devenir des personnes.25

Individu Personne

Vit dans le mondeRéférence à soi, orienté moiNécessaire pour la survie de baseOrienté egoParaître

Vit avec le monde

Élargit l’entreprise humaineOrienté relationDéployer

Le Tu éternelAu travers des époques, les peuples ont débattu de l’existence de

Dieu et ont imaginé des réponses variées quant à Sa nature. Buber esquive ces deux interrogations. Que nous croyions en Dieu ou non n’est pas important. Ce qui importe, ce sont nos actions et nos atti-tudes12. Et « plutôt que de proposer une interprétation de la nature divine, Buber avance que la présence de Dieu est perçue à travers le domaine interhumain ». (Kramer, 2003, 129).11 Page 311.12 Page 311.

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Le concept de Buber est remarquablement en adéquation avec le modèle holographique : Dieu, « l’éternel (ou l’absolu) Tu », « forme un lien profond entre tous les êtres séparés » (129). « Chaque Tu particulier est une entrevision du Tu éternel » (156). Dans notre monde fragmenté et polarisé, soyons, sans tendre au mysticisme, plus en accord avec cet invisible lien profond. Le coach global participe à l’authenticité des relations. De plus, la perspective spirituelle invite à vivre de façon plus consciente et éveillée ; ainsi « chaque moment de vie devient sacré » (154).

Le « revirement »L’acte de revirement consiste à se détourner de la séparation pour

se tourner vers le lien profond. « Lorsque nous sommes « possédés par un désir de posséder », nous nous immergeons dans le monde du Cela quel que soit le genre d’idoles que nous construisons pour justifier notre position ». (Kramer, 2003, 164).

Dans le chapitre 2, j’ai raconté la décision regrettable de GM d’an-nuler son programme de voiture électrique. Bien que je ne sache pas exactement ce que les leaders de GM avaient en tête, je ne peux m’em-pêcher d’imaginer ce qui se serait passé s’ils avaient ouvert un réel espace de réflexion et engagé de véritables dialogues conformes au coaching global. Un coaching à partir d’une perspective spirituelle leur aurait permis de prendre des décisions plus authentiques – des déci-sions porteuses de sens, qu’ils auraient peut-être souhaité prendre, sans l’oser. Peut-être leurs ego étaient-ils encore trop attachés au statut élevé qu’ils ne voulaient pas risquer de perdre. Peut-être n’imaginaient-ils pas de diminuer leur train de vie avec des revenus moindres en perdant leur travail à cause d’une prise de décision courageuse. Peut-être ne s’étaient-ils pas rendu compte qu’un plein engagement dans le progrès des technologies vertes entraînerait des changements positifs pour leur compagnie, pour eux-mêmes et pour la société.

La séparation nous éloigne de nos vraies motivations, des besoins des autres et des nécessités sociétales et planétaires. Buber nous oriente au contraire vers le lien et l’attachement profonds. Toutefois, « se détourner est abandonner la fausse affirmation de soi, mais non aban-donner le Je, comme dans le mysticisme » (159).

Bien avant l’avènement de la discipline du coaching, la véritable écoute de Buber se plaçait déjà au-delà de l’écoute active qui, il est

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

vrai, implique à juste titre de suspendre son jugement. Elle est carac-térisée par :

• Se tourner vers l’autre de tout son être (corps/esprit/âme),• Être pleinement présent à la singularité de la situation avec l’autre,• Répondre fidèlement et attentivement,• Imaginer ce que l’autre pense, ressent, et perçoit,• Poser des questions porteuses de sens,• Prêter attention à la fois à ce qui est dit et ce qui ne l’est pas (172).

Nous avons peut-être manqué beaucoup d’occasions de nouer de véritables dialogues. Mais c’est à nous de décider de nous tourner vers les autres et d’établir des liens profonds. Traçons le chemin et faci-litons le processus. Contribuons ainsi à l’éclosion d’une authentique communauté du monde !

NOTES1. Voir aussi Kramer (2003, 31). Kramer explique : « Alors qu’une personne n’est

pas entièrement humaine sans un Tu, un humain ne vit pas sans Cela. Buber lui-même a vécu une grande partie de sa vie dans le monde du Cela, en rassem-blant des données et en analysant leur sens au travers des disciplines. » (31).

2. Berger et Atkins (2009) expliquent les relations sujet-objet dans la théorie du développement de l’adulte de Kegan de la façon suivante :Le processus de transformation se déplace de plus en plus de ce que l’on ne voit pas et de ce qui n’est pas examiné dans la façon dont nous comprenons le monde – ces choses dont nous sommes les sujets – à une place où elles peuvent être vues et examinées – et devenir des objets de notre inspection. Nos croyances incontestées concernant le monde sont conservées implicitement et modèlent l’expérience que nous en avons et des possibilités que nous perce-vons. Quand nous commençons à mettre en question nos convictions, idées, théories, etc., notre position plus explicite ouvre de nouvelles possibilités et nous permet de gérer des niveaux de complexité de plus en plus importants. Ce processus est comme retirer une paire de lunettes teintées de sorte que, au lieu de regarder à travers elles, nous devenons capables de les observer, donc de comprendre et de contrôler leur emploi : choisir quand nous les voulons tein-tées ou non. L’exemple le plus marquant du passage de l’implicite à l’explicite apparaît quand graduellement, dans le temps, des systèmes entiers cachés de fabrication de sens deviennent visibles. Ce changement signifie que ce qui était un jour la lentille, dont on n’a pas conscience, à travers laquelle on regardait le monde, devient maintenant un objet que l’on peut voir et sur lequel on peut réfléchir. (25-26).Aussi élaboré et utile que soit le modèle de Kegan, il semble pourtant omettre la perspective co-constructiviste (voir chapitre 9), ce qui est la possibilité pour l’inséparable sujet-objet de co-créer de nouvelles réalités dans une spirale ascendante d’enrichissement mutuel. C’est comparable au domaine Je-Tu de

311

L’UNITÉ PAR LE LIEN PROFOND

Buber, également omis, dans lequel les relations véritables permettent un pro-fond enrichissement humain. Autrement dit, il y a apparemment encore plus de complexité à embrasser au-delà du dernier stade de Kegan !

3. La désignation « dilemme du prisonnier » est habituellement appliquée à « des situations dans lesquelles deux entités pourraient retirer d’importants béné-fices d’une coopération ou souffrir de ne pas l’engager, mais trouvent difficile ou coûteux, pas nécessairement impossible, de coordonner leurs actions pour coopérer ». (Wikipédia)

4. Kramer (2003) explique : « Par Tu, Buber ne veut dire ni « Dieu » ni « tu » comme un objet de ma perception, ou « il », ou « elle », ou « cela » d’ailleurs. Avec le mot « Tu » Buber fait référence à la singularité et la complétude émer-geant d’une véritable écoute et d’une réponse responsable. » (19).

5. Ceci est adapté de Kramer, 2003, 16, 17, 18, 20-24, 26, 90, 104, 29-30, 39, 40, 44. J’y ai ajouté des références au modèle holographique (voir chapitre 9).

6. Elles visent l’immédiateté, la présence sans agendas. Cela comprend à la fois « choisir » d’amorcer une relation et « être choisi » par quelqu’un qui décide aussi d’amorcer une relation, ce qui implique action et abandon. La grâce est la présence mutuelle, spontanée et indéterminée, qui n’est pas activée par la volonté seule. Je dirais simplement : It takes two to tango : il faut être deux pour danser le tango.

7. Talbot 1991, Partie III, notamment 197, 229. « La “maison” de l’esprit, comme pour toute chose, est l’ordre enfoui. À ce niveau, qui est le plenum fondamen-tal de l’univers manifeste tout entier, il n’y a pas de temps linéaire. Le domaine enfoui est atemporel ; les moments ne se succèdent pas en série comme des perles enfilées. » (Dossey, 1989, dans Talbot, 1991, 197).

8. J’ai remplacé la traduction de Smith « relation » par le choix de Kramer rela-tionship pour maintenir la cohérence et le respect de sa judicieuse distinction entre les relations Je-Cela versus les relationships Je-Tu.Note de l’auteur pour la version française : le français ne donne pas la possibi- lité de distinguer relation de relationship. Dans les deux cas, la traduction est « relation ». Le choix effectué ici pour les différencier est « rapport » versus « relation ».

9. De Wikipédia https://en.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_T%C3%B6nnies con-sulté le 30 juillet 2009. « Alors qu’être membre de Gemeinschaft est épa-nouissant, un Gesellschaft est utilitaire pour ses membres. En sociologie pure – théoriquement – ces deux types de volonté sont à séparer strictement ; en sociologie appliquée – empiriquement – ils sont toujours mélangés. »

10. Voir www.philrosinski.com.11. Adapté de Kramer, 2003, 108-109.12. Voir chapitre 8 et Kramer, 2003, 155.

313

Annexe

Le modèle du ruban de Möbius :l’unité et l’infini126

Réfléchissant à ma pratique du coaching de dirigeants, je me suis demandé comment représenter graphiquement la relation entre les diverses perspectives ; mon ancienne orientation scienti-

fique s’est sans doute manifestée ici ! Le ruban de Möbius m’apparut une évidence.

Le ruban de Möbius, aussi appelé cylindre déformé (Henle, 1994) est une surface à un côté obtenu en prenant une bande de ruban, en en tournant l’une des extrémités d’un demi-tour puis en rattachant les deux extrémités (Gray, Abbena, et Salamon, 2006), de sorte qu’on par-court les deux faces (en fait une seule) de cette bande sans interruption.

L’artiste M.C. Escher a créé de célèbres représentations de la bande de Möbius, une notamment où l’on voit des fourmis marchant sur le ruban à un côté qui forme le signe ∞(qui se trouve symboliser l’in-fini). La bande de Möbius représente à la fois l’unité et l’infini : elle n’a qu’un côté et qu’un bord, et les fourmis pourraient y marcher éternel-lement. Un esprit mathématique pourrait développer le modèle en y in- troduisant des fractales, produisant ainsi un bord de longueur infinie.

1 Page 315.

314

LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

Les perspectives multiples pourraient être imaginées comme divers points de vue situés sur le ruban de Möbius (voir dessin). Bien sûr, je ne pense pas que nous puissions connaître la représentation ultime d’une réalité complexe, et je doute même de l’existence d’une représentation unique. Des représentations multiples peuvent coexister, chacune avec ses mérites et ses limites. Cette représentation du ruban de Möbius est simplement une tentative d’éclairer certaines caractéristiques qui paraissent importantes : l’unité (un côté et un bord) et en même temps l’infini. La propriété de ne posséder qu’un côté et qu’un bord évoque le concept d’unité dont nous avons parlé plus haut. De plus, la forme ∞combine visuellement la dilatation et la contraction, représentant explo-ration et ouverture avec convergence et aboutissement, tous nécessaires à un coaching créatif.

Les perspectives multiples du coaching sur un ruban de Möbius.

Spirituelle

Culturelle

PsychologiquePolitique

Managériale

Physique

315

ANNEXE

Enfin, la dualité unité-infini inhérente à la bande de Möbius est un rappel puissant pour indiquer aux coachs globaux que tout est inter- connecté. Elle est une invitation à tirer profit de la diversité et à favo-riser la synthèse.

NOTES1. Cette annexe est adaptée de Rosinski, « Coaching from multiple perspectives »,

2006.

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Postface

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Sommaire

Postface - 40 pages inédites......................................................................Promouvoir un leadership global...............................................................Réussir en faisant le bien.............................................................................Comment faire pour que les programmes de développement................. du leadership aient un véritable impact ?Perspective physique...................................................................................

Exercice physique.....................................................................................Nutrition....................................................................................................

Perspective psychologique..........................................................................Mécanismes de défense inconscients de l’ego..........................................Dirigeants et collaborateurs toxiques........................................................Psychologie comportementale..................................................................

Perspective culturelle..................................................................................Évaluation COF.........................................................................................Coaching individuel..................................................................................Coaching d’équipe....................................................................................Coaching organisationnel – accompagner les fusions et.......................... acquisitions

Perspective spirituelle.................................................................................Adopter la complexité.................................................................................Supervision intégrative de coaching..........................................................

Bibliographie additionnelle.....................................................................

Remerciements.........................................................................................

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40 pages inédites

Huit ans déjà depuis la parution de Global Coaching ! Beaucoup de choses se sont passées depuis lors. Pour ce qui est

du coaching global, je retiens des expériences très prometteuses en sachant que la tâche demeure considérable. Cela dit, je me souviens du temps, au début des années 90, où je présentais à des clients potentiels une nouvelle approche, dont j’ai découvert seulement plus tard qu’elle portait le nom de coaching. J’ai reçu une invitation à parler en tant que conférencier et coach en 1995, et ai réalisé alors que je coachais comme monsieur Jourdain faisait de la prose. Je suis reconnaissant envers tous ceux qui m’ont fait confiance à l’époque et qui se sont montrés prêts à se lancer dans cette aventure de développement personnel alors iné- dite. Les coachs professionnels étaient une espèce rare au début des années 90. En 2016, leur nombre est estimé à plus de 50.000 (Inter-national Coach Federation, 2016) ! De plus en plus d’entreprises et de personnes ont recours au coaching. Que de chemin parcouru depuis les années 90 !

Le coaching global décrit dans cet ouvrage représente l’avenir du coaching dans notre monde interconnecté et turbulent. Combien de temps faudra-t-il encore avant que ce constat ne soit largement par-tagé ? Combien de temps encore avant qu’il n’entre dans les mœurs, dans l’éducation, dans les organisations de façon plus générale ? Et avant que les humains ne déploient leur potentiel varié pour un monde plus fraternel, plus respectueux de l’environnement et plus joyeux pour tous ?

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

J’essaie de contribuer à ma façon à rendre le monde un peu meilleur. Les solutions de progrès sont d’ordres divers. Le coaching global peut apporter un vrai plus, en particulier pour faire advenir le leadership nécessaire en ce xxie siècle, d’où l’ajout du mot « leadership » dans le titre de cet ouvrage.

Leadership et Coaching Global est destiné tant aux coachs profes-sionnels qu’aux leaders : dirigeants, cadres et plus généralement toute personne désireuse de déployer le potentiel humain, dans ses multiples facettes, à des fins porteuses de sens.

Cette postface me donne l’occasion de dresser plusieurs constats avec huit années de recul, de partager de récentes expériences, de nou-velles ressources et quelques réflexions. Comme le coaching global vise à incorporer la sagesse de cultures variées et se nourrit de disci-plines multiples (psychologie, management, anthropologie, médecine, physique, philosophie, économie, écologie, etc.), je ne peux prétendre à l’exhaustivité. De nombreux autres ouvrages intéressants mérite-raient d’être cités, d'autres outils exposés, études présentées, expé-riences relatées. De façon subjective, j’ai choisi dès lors de vous livrer ce qui durant ces quelques années a le plus influencé l’évolution de ma pratique du coaching global et pourrait, je le crois, vous être également bénéfique.

Promouvoir un leadership globalLe leadership traditionnel est insuffisant face aux défis complexes

actuels. Plutôt que de division et de polarisation, nous avons besoin d’intégration profonde.

Le leadership global concerne l’être humain dans sa totalité, s’adres-sant aux intellects, cœurs, corps et esprits. Il opère à différents niveaux interreliés : individu, équipe, organisation et société.

Il se fonde sur le coaching, qui n’est pas seulement un style de lea-dership parmi d’autres mais plutôt une philosophie de leadership : la notion qu’une performance durable sera mieux atteinte en déployant le spectre complet du potentiel humain et en suscitant un engagement véritable.

Notre démarche s’appuie en particulier sur six perspectives inter-connectées : physique, managériale, psychologique, politique, cultu-relle et spirituelle.

Des expériences récentes ont montré que le leadership global peut apporter une réelle différence individuellement et collectivement.

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WEX, Inc., une société basée aux États-Unis en train de croître ra- pidement et internationalement, a fait appel à moi pour l’aider à cons-truire un cursus complet de développement du leadership sur l’assise du coaching global. Les premiers programmes (appelés ILDPs pour Integrated Leadership Development Programs) ont été destinés aux dirigeants seniors. Ils ont consisté en cinq jours de séminaire résiden-tiel suivis d’une année de coaching individuel pour chaque participant. Les participants ont été très enthousiastes pendant cette semaine de séminaire. Mais surtout, après un an, Alison Soine-Norris (directrice “Global Learning & Organizational Development”) a déclaré : « Les premières mesures d’impact du programme ILDP sont très positives. Le nombre de cadres ayant obtenu une promotion ou une nouvelle opportunité professionnelle depuis leur participation est trois fois plus élevé par rapport à ceux qui n’ont pas pris part au programme. Un an après l’évaluation 360° Campbell Leadership Index faite avant le sémi-naire la société a réévalué les participants : des progrès significatifs ont été mesurés dans tous les domaines, avec des évaluations, tant de leurs subordonnés que de leurs managers, largement au-dessus de la norme. En outre, nous avons recueilli plusieurs témoignages indiquant que les leaders plus en retrait étaient devenus plus assertifs et que les managers déléguaient plus efficacement. » (Harsch-Porter, Coaching in action : How WEX develops leaders, 2016).

Le leadership global n’est pas réservé au seul monde de l’entreprise. À la suite à la parution de Global Coaching, j’ai été appelé par des dirigeants remarquables du monde médical et de l’éducation. Ils ont vu le potentiel du coaching global et m’ont donné l’occasion de tra-vailler avec eux. J’évoquerai plus loin mon article coécrit avec le Prof. Emmanuel Thienpont (« Unfolding the Remarkable Orthopedic Surgeon », 2015) ainsi que ma collaboration avec Médecins Sans Frontières à Haïti. Le directeur d’école Ken Sell (Leading School Improvement, 2016) m’a invité à m’adresser aux participants d’une conférence organisée par son école Aoba International à Tokyo et à animer ensuite un atelier de deux jours « Coaching global pour ensei-gnants » pour les professeurs de lycée et de primaire. Cette approche intégrative permet aux professeurs d’aider leurs élèves à tirer parti de leurs potentiels considérables et variés, à exploiter leurs intelligences multiples - en référence à la théorie d’Howard Gardner. Nos partici-pants ont commencé à incorporer le coaching global dans leur façon d’enseigner et dans leur curriculum. Je trouve cela particulièrement

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

réjouissant. J’ai souvent entendu les adultes avec qui je travaille me dire qu’ils auraient aimé apprendre tout cela bien plus tôt dans leur vie. Apprendre à bâtir des relations constructives avec les autres, à commu-niquer efficacement, à développer un ego sain, à comprendre et à tirer parti des différences culturelles, à vivre une vie porteuse de sens... me semble suffisamment important pour devenir obligatoire dans l’éduca-tion des adolescents. Pourtant, contrairement aux mathématiques, à la physique ou à l’histoire, ces sujets ne sont encore que trop rarement abordés.

En nous appuyant sur ces expériences, sur des premiers séminaires publics de leadership global en Inde1 et plus généralement sur mes vingt-cinq ans comme formateur et coach international de dirigeants, un premier « Global Leadership Development Program » public de cinq jours a eu lieu en République tchèque avec l’assistance du Dr. Eva Benesova en octobre 2017. Ce séminaire résidentiel a été précédé de différentes évaluations et suivi de coaching individuel, à l’instar de ce que j’ai fait chez WEX.

Notre but est de combiner le meilleur des méthodes du dévelop-pement du leadership traditionnel avec de nouvelles perspectives et une démarche holistique. Nous voulons donner à nos participants l’op-portunité de se plonger dans une expérience d’apprentissage puissante qui peut changer leur vie. Nous proposons pour cela un environne-ment propice à l’apprentissage, aux discussions, à la réflexion et à l’ac-tion. Le programme inclut, outre l’utilisation d’évaluations comme le Campbell Leadership Index et le COF, de nombreuses occasions de pratiquer la communication interpersonnelle dans des situations déli-cates, des activités expérimentales d’équipe, des études de cas, des acti-vités artistiques, de coaching de pairs, ainsi que des temps de réflexion individuelle et en groupe.

Nous voulons aider ainsi nos participants à aborder la complexité, à promouvoir une haute performance durable et à favoriser la crois-sance personnelle.

Réussir en faisant le bien Les défis mondiaux mentionnés dans l’introduction restent d’ac-

tualité. Les massacres terroristes islamistes chez nous en France et en

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Belgique et autres atrocités commises dans le monde par Daesch, Boko Haram, Al-Qaïda et autres fanatiques nous rappellent la triste réalité que l’obscurantisme est malheureusement encore florissant en ce xxie siècle. Les héros qui risquent leurs vies pour combattre ces assassins méritent notre admiration.

Toutefois, aussi modeste que soit notre contribution, nous pou-vons tous jouer un rôle pour promouvoir les Lumières et un niveau de conscience plus élevé à la place des ténèbres. Nous sommes tous à mê- me de rendre notre monde meilleur, avec davantage de compassion et de sécurité.

Dans des registres certes moins cruels que les attentats barbares, les exemples négatifs continuent à ne pas manquer. Il reste à faire ! Dans Merchants of Doubt (Oreskes & Conway, 2010) (Kenner, 2014), les auteurs donnent une multitude d’exemples d’industriels faisant appel à des experts dont le rôle est de semer le doute auprès du public, de contester les résultats probants de recherches scientifiques avec une mauvaise foi éhontée. Leur but est d’éviter ou de simplement retarder des législations contraignantes qui réduiraient leurs profits. Le cynisme le plus froid est à l’œuvre au mépris de la sécurité, de la santé et de la protection de l’environnement.

Les drames et scandales continuent de meubler l’actualité. Par exemple, « des milliers d’enfants ont été exposés in utero à la Dépakine, dont les risques énormes étaient connus ». (« Une alarmante étude sur la Dépakine soigneusement cachée aux familles », Barré, 2016). À Londres, « au moins 79 personnes » ont péri dans l’incendie de la tour Grenfell. « En promettant de réduire la paperasserie, des politi-ciens ont considéré que les réductions de coûts valaient bien les risques d’autoriser l’utilisation de produits inflammables dans les façades. Les constructeurs ont été autorisés à envelopper des tours d’appartements – sans doute même des centaines – de haut en bas de matériaux hau-tement inflammables, une pratique interdite aux États-Unis et dans de nombreux pays européens. Et les entreprises n’ont pas hésité à four-nir le marché britannique. » (Kirkpatrick, Hakim, Glanz, Davis, & Youssef, 2017)

Dans les entreprises, le niveau d’implication (d’engagement) des employés est généralement faible. C’est ce que révèlent deux études importantes : 13% de personnes « impliquées » selon Gallup (73.752 participants en provenance de 141 pays hors États-Unis et 151.333 par-ticipants aux États-Unis – données de 2011 et 2012) (Gallup, 2013)

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

et 40 % de personnes « hautement impliquées » selon Towers Watson (plus de 32.000 employés dans 26 marchés dans le monde – données d’avril et mai 2014) (Towers Watson, 2014). La notion d’implication n’est pas exactement la même dans les deux études. Pour Gallup, « les employés impliqués travaillent avec passion et ressentent une connexion profonde avec leur société ». Pour Towers Watson, « les employés hautement impliqués sont ceux avec des scores élevés pour les trois éléments d’un engagement durable », à savoir « l’engagement traditionnel » (« la volonté de consentir à des efforts plus soutenus au travail quand nécessaire »), « la mise à disposition » (« avoir les outils, les ressources et le soutien pour faire leur travail efficacement ») et « l’énergie » (« avoir un environnement de travail qui soutient le bien-être physique, émotionnel et interpersonnel »). Dans la concep-tion de Towers Watson, l’implication ne peut en effet devenir durable que si les employés disposent des moyens nécessaires pour faire leur travail correctement et travaillent dans une entreprise qui prend soin d’eux. Gallup met en avant des notions de passion et de profondes connexions avec l’entreprise qui ne sont peut-être pas indispensables pour une réelle implication des acteurs. La conscience professionnelle et la volonté de servir les clients, quand elles existent, sont déjà bien précieuses !

Quoi qu’il en soit, même les chiffres moyens plus élevés de Towers Watson restent largement en deçà des 50 %. C’est problématique parce que le niveau d’implication a un impact significatif sur les indicateurs- clés de performance. Quand l’implication des employés augmente, les tendances sont les suivantes : satisfaction des clients, profitabilité et productivité accrues, alors que les départs de personnel, les incidents de sécurité, les vols, l’absentéisme et les défauts de qualité diminuent. De plus, « partout dans le monde, les employés impliqués appré-cient davantage leurs vies et ressentent des émotions plus positives ». (Gallup, 2013, 21). Les chiffres médiocres en matière d’implication vont donc de pair avec un vrai gâchis financier, commercial et humain. Ils révèlent en outre une sérieuse carence de leadership.

Towers Watson souligne en effet que le leadership constitue le moteur principal, le facteur-clé permettant d’augmenter l’implication des employés, et ce à la fois dans son ensemble et pour chacune des composantes d’un engagement durable mentionnées plus haut (3). Jeffrey Pfeffer, professeur à l’Université de Stanford, conclut logique-ment : « Si, comme d’innombrables études le démontrent, le leadership

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affecte l’implication, la satisfaction et le turnover des employés, le triste état de ces indicateurs du lieu de travail nous procure des preuves irréfutables de l’échec du leadership. » (Pfeffer, 2015, 14).

Pfeffer note que les entreprises dépensent pourtant des milliards de dollars en formation au leadership. Il confirme notre constat que la formation traditionnelle en la matière est largement inefficace. Dans la section suivante, je partagerai le résultat de recherches expliquant cet échec et montrerai comment notre approche permet au contraire d’ob-tenir un véritable impact, à l’instar de ce que WEX Inc. a pu constater.

Mais avant cela, je voudrais partager des nouvelles positives sous forme de progrès encourageants.

J’évoquais au chapitre 2 la nécessité pour les entreprises de res-taurer la confiance, de dépasser une notion étriquée et court-termiste du succès (profit financier) en créant une véritable valeur économique, environnementale et sociale. L’année suivant la publication de Global Coaching, Michael Porter, professeur à l’Université de Harvard a co- écrit un article à l’écho important dans lequel il défendait cette même idée. Il a utilisé l’expression « créer de la valeur partagée » pour tra-duire cette notion (Porter & Kramer, 2011). Cette démarche va bien au-delà de la « responsabilité sociale » dans laquelle les questions sociétales sont à la périphérie plutôt qu’au cœur. Le principe de valeur partagée implique de « créer de la valeur économique d’une façon qui crée aussi de la valeur pour la société en traitant ses besoins et défis ». Porter constate qu’« un nombre croissant de compagnies, connues pour leur approche dure en affaires – comme GE, Google, IBM, Intel, Johnson & Johnson, Nestlé, Unilever et Wal-Mart – se sont déjà lan-cées dans des campagnes conséquentes pour créer de la valeur partagée en reconcevant l’intersection entre la société et la performance d’en-treprise ». Porter ajoute : « Le but d’une entreprise doit être redéfini : création de la valeur partagée, pas seulement profit en tant que tel. Cela va générer une vague d’innovation et de croissance. Cela refaçonnera aussi le capitalisme et sa relation à la société. Peut-être le plus impor-tant - apprendre comment créer de la valeur partagée - est-il notre meilleure chance de légitimer à nouveau le monde des affaires. » Il précise : « Tous les profits ne se valent pas. Des profits impliquant un but social représentent une forme plus élevée de capitalisme, qui crée un cycle positif pour la compagnie et la prospérité de la communauté. »

Dans ce même dessein de concilier profit et sens, Paul Polman, CEO d’Unilever a déclaré : « Nous pensons que les entreprises responsables

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

qui apportent une contribution bénéfique à la société comme partie intégrante de leur modèle de business connaîtront le succès », et « Promouvoir l’enrichissement financier des actionnaires au détriment de tout le reste ne créera pas une entreprise bâtie pour durer. » (Harvard Business Review, 2012, 114-116).

Mark Kramer et Marc Pfitzer mettent en avant un « écosystème de valeur partagée » suggérant que « les compagnies doivent parfois faire équipe avec des gouvernements, des organisations non gouver- nementales et même des rivaux afin de capturer les bénéfices éco-nomiques du progrès social ». (Kramer & Pfitzer, 2016). Pour cela « les entreprises doivent initier des efforts « d’impact collectif » qui impliquent tous les acteurs dans leur écosystème... Cinq éléments sont nécessaires : un agenda commun, un système de mesure partagé, des activités se renforçant mutuellement, une communication constante et un support d’appui « colonne vertébrale » d’une ou plusieurs organisa-tions indépendantes ». Par exemple, « le premier programme à grande échelle pour diagnostiquer et traiter le HIV/SIDA en Afrique du Sud fut introduit par une société minière internationale anglo-saxonne afin de protéger son personnel et réduire l’absentéisme ».

De nombreux ouvrages ont également, ces dernières années, mis en avant la nécessité du changement et les formidables opportunités pour construire un monde durable et meilleur. Parmi ceux-ci, je citerais Plan B 4.0 (Brown, 2009), The Third Industrial Revolution (Rifkin, 2011), The Price of Inequality (Stiglitz, 2012), et Pour une économie positive (Attali, 2013).

Les dirigeants d’entreprises et responsables politiques ne sont pas les seuls habilités à initier le progrès. Chaque citoyen peut assumer un rôle de leader, c’est-à-dire favoriser le déploiement du potentiel humain en quête de sens. Le film documentaire Demain (Dion & Laurent, 2015) illustre superbement cette idée. Le film adopte un point de vue optimiste : « Il recense des initiatives dans dix pays de par le monde, face aux défis environnementaux et sociaux du xxie siècle, qu’il s’agisse d’agriculture, d’énergie, d’économie, d’éducation ou de gouvernance2. »

Ce foisonnement d’idées et d’initiatives constructives peut nous réjouir mais les obstacles au progrès sont encore nombreux. La réalité pour sa plus grande partie est très éloignée du paradis sur terre. Le

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développement du leadership à tous les niveaux, et de préférence dès le plus jeune âge, est un impératif. Encore faut-il pouvoir efficacement déployer les qualités de leadership qui résident en chacun de nous...

Comment faire pour que les programmes de développement du leadership

aient un véritable impact ?C’est là que le bât blesse. Michael Beer – professeur à l’Université

de Harvard – et al. partagent le constat de Jeffrey Pfeffer : « Les com-pagnies dilapident des milliards de dollars dans des programmes de formation et de développement – mais leurs investissements ne portent pas leurs fruits. » (« Why Leadership Training Fails – and What to Do About It », 2016).

À considérer les conclusions de leurs recherches ainsi que ma pro-pre expérience, dix problèmes courants au moins, allant souvent de pair, expliquent ces résultats calamiteux. Je vais les évoquer puis par-tager des réponses pour y remédier.

Les problèmes sont de deux ordres : ceux liés au système et ceux liés à la formation elle-même.

Absence de vision systémiqueManque de clarté dans la vision, la stratégie et les valeurs.

Quand celles-ci ne sont pas claires, les managers ne savent pas ce qu’on attend d’eux, ce qui engendre une confusion concernant les qua-lités de leadership à développer. Est-ce que les managers doivent privi-légier des résultats à court terme ? Encourager la créativité et promou-voir l’innovation, nécessaires à une performance durable ? Appliquer les mêmes règles pour tous ? Favoriser la flexibilité ?

Si vous ne savez pas où vous allez et ce qui vous importe, il est peu probable que vous mettiez en place ce qui est nécessaire.

Les hauts dirigeants ne joignent pas le geste à la parole, en toute impunité.

Les exemples de tels écarts sont nombreux, entraînant aliénation et confusion. La formation censée promouvoir les qualités déclarées est-elle en décalage avec ce qui est attendu en pratique ? L’investissement en formation devient alors un gaspillage.

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

La différence entre ce que les dirigeants disent et ce qu’ils font peut relever de la pure hypocrisie. Mais elle peut aussi constituer une « for-mation réactionnelle », mécanisme de défense inconscient mentionné au chapitre 5.

Les récompenses et promotions ne sont pas liées aux comportements de leadership attendus.

Même si certains managers trouvent une motivation intrinsèque à in- vestir le temps et l’énergie nécessaires pour aider leurs collaborateurs à déployer leur potentiel, d’autres préfèrent se concentrer sur les indi-cateurs clés de performance sur la base desquels ils seront évalués et récompensés. Le manque d’alignement entre ce qui est prétendument attendu et ce qui est réellement évalué engendre de la confusion. Cela diminue l’impact de la formation, quelle qu’en soit sa qualité.

Les hauts dirigeants souhaitent améliorer les compétences de lea-dership sans y mettre les moyens.

Certaines entreprises dépensent des fortunes en formation avec peu de retour sur leur investissement. D’autres ne sont pas prêtes à consen-tir aux investissements nécessaires, se contentant de demi-mesures. Il se peut que ces dirigeants ne perçoivent pas exactement en quoi le développement du leadership permet d’améliorer la situation de leur entreprise, ou qu’ils ne soient pas vraiment convaincus que les change-ments désirés puissent devenir réalité.

La formation est évaluée sur base de la satisfaction immédiate des participants.

De nombreuses formations sont jugées avec ce que Pfeffer appelle des « feuilles de bonheur3 », c’est-à-dire des formulaires d’évalua-tion demandant aux participants, à l’issue de la formation, s’ils sont satisfaits. C’est le niveau de plaisir qui est mesuré plutôt que l’impact réel, et les deux ne vont pas nécessairement de pair. Vous obtenez ce que vous mesurez : « Mesurer la valeur de divertissement produit du super divertissement, pas du changement ; mesurer ce qu’il ne faut pas évince l’évaluation des indicateurs pertinents tels que les améliorations des conditions de travail. » (Pfeffer, 2015, 27-28).

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Formation inadéquateApproche unidimensionnelle et parfois simpliste.

Comme le disait Abraham Maslow, « si vous n’avez qu’un marteau, vous aurez tendance à voir chaque problème comme un clou ». C’est inadéquat face à une réalité complexe, multidimensionnelle.

Négliger les sources de motivation et la part d’ombre des dirigeants.

Nous ne changeons que si nous voyons un bénéfice à le faire. Je parle ici d’un bénéfice personnel. Si le programme de développement du leadership ne prend pas en compte cette réalité psychologique, elle s’avérera inadéquate à promouvoir un réel changement. En effet, elle tentera vainement de faire évoluer des comportements qui servent une fonction consciente ou inconsciente.

Prescrire plutôt que décrire. C’est un travers courant pour des formations de se concentrer sur ce

que les dirigeants devraient faire plutôt que sur ce qu’ils font, pourquoi ils le font, avec quel impact...

Faire la leçon aux dirigeants est voué à l’échec. Cela revient à les infantiliser et à méconnaître leur expertise.

De belles histoires pour émouvoir, comme substitut à la substance et aux faits.

Les participants aiment généralement être inspirés, émus et amusés par le formateur. Bien sûr, il est préférable qu’un formateur puisse tou-cher les participants. Il est nécessaire qu’il arrive à capter leur atten-tion (ce qu’il fera généralement encore mieux en les faisant activement participer). Toutefois, les histoires prennent souvent la forme de fables éloignées de la réalité. C’est le cas d’autobiographies de dirigeants habituellement plus aspirationnelles que véridiques4. Ces comptes- rendus inexacts des comportements réels des dirigeants constituent une piètre base pour donner des conseils. Il y a deux soucis. D’abord, le manque de rigueur et la faible substance du contenu sont probléma-tiques lorsqu’ils sont conjugués à un esprit critique déficient des par-ticipants subjugués par l’orateur. Ensuite, l’impact est le plus souvent de courte durée : une motivation de l’instant à changer suivie du retour aux comportements habituels : business as usual5.

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Le manque de curiosité et de rigueur intellectuelle de certains formateurs.

Tout le monde peut s’autoproclamer formateur ou coach, et les entreprises clientes ne font pas toujours la part entre le bon grain et l’ivraie. Les plus actifs commercialement ne sont pas nécessaire-ment les plus compétents. Certains formateurs ressassent des modèles appris sans les remettre en question et sans chercher à les enrichir avec d’autres perspectives. Le cas des coachs est encore plus délicat. Notre expertise réside principalement dans le processus plutôt que dans le contenu. Notre rôle consiste à aider les coachés à trouver leurs propres réponses au lieu de les conseiller. Certains coachs y voient une dis-pense d’apprendre de nouveaux contenus, surtout si cela exige un effort intellectuel important et l’acquisition de connaissances complexes. À l’inverse, les coachs globaux voient dans cet apprentissage continu et varié une source de motivation et d’enrichissement personnel.

Comment remédier à ces problèmes ? Les solutions sont également de deux ordres : agir sur le système et proposer des formations adé-quates. Certaines de ces réponses découlent de façon tellement évidente du diagnostic qu’elles nécessitent peu d’explications supplémentaires. Approche systémiqueÉtablir une vision claire, une stratégie et des valeurs adaptées, et déterminer les qualités de leadership qui les servent.

J’ai décrit comment accompagner une telle démarche (Le Coaching interculturel, 2009, 110-114).

Joindre le geste à la parole (se développer soi-même avant de déve-lopper les autres).

Cela s’applique tant aux formateurs qu’aux dirigeants censés montrer l’exemple. Les formateurs et coachs veilleront à confronter constructivement les dirigeants. Ils en feront ainsi des alliés précieux qui rendront la formation plus crédible et plus efficace. Melissa Smith, CEO de WEX, s’est impliquée personnellement dans les programmes ILDP mentionnés plus haut en n’hésitant pas à se remettre en question et à se livrer avec candeur devant les participants. Peter Leyland, Vice-Président chez Baxter, a eu le courage de travailler sur lui-même avant

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de demander aux membres de son équipe de progresser individuelle-ment et collectivement6.

Renforcer les comportements de leadership attendus par des récom-penses et sanctions adéquates.

Pfeffer explique que les dirigeants ont le plus souvent tendance à d’abord servir leurs intérêts propres. Au lieu de déplorer cet égoïsme humain, il faut de manière pragmatique faire en sorte que leurs intérêts coïncident avec ceux de leur entreprise7. Le système de rémunération et les promotions couronneront l’excellence du leadership. À l’inverse, les comportements inadaptés seront sanctionnés, même si des résultats financiers ou commerciaux sont obtenus à court terme.

Déterminer les résultats attendus liés au développement du leader-ship et investir en fonction de leur valeur.

Quel impact attendez-vous du programme de développement du leadership ? Cela vaut la peine de définir ce succès de façon précise. Certains critères cités plus haut pourront être pertinents : augmenta-tion du niveau d’implication du personnel, réduction de l’absentéisme et du « présentéisme8 », constitution d’une réserve de talents – bench strength – susceptibles d’occuper les nouveaux postes de direction sans devoir recruter des dirigeants externes, diminution des départs de talents, augmentation de l’excellence du leadership, etc. Plusieurs de ces critères furent utilisés par exemple dans le cas de WEX. Une valeur financière peut souvent être estimée, comme par exemple le coût du départ évité d’un dirigeant utile à la société suivi d’une procédure de recrutement pour le remplacer. Même si tout ne peut pas être aisément mesuré (quelle est la valeur financière d’une ambiance positive de tra-vail ?) et même si tous ces critères sont influencés par des variables autres que la seule formation, il est possible d’obtenir un ordre de grandeur, par exemple en comparant un groupe formé à un groupe de contrôle non formé afin de mieux cerner l’impact de la formation elle-même. Un investissement qui semble élevé dans l’absolu peut paraître très raisonnable au regard de ce qu’il va rapporter.

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Les coachs ont davantage l’habitude d’une telle démarche puisque le coaching est précisément destiné à accompagner une personne ou une équipe en vue d’atteindre des objectifs importants et significatifs.

L’ILDP mentionné plus haut, combinant séminaire de formation et coaching, opère selon ce principe.

Cela n’exclut pas les formations courtes et ponctuelles. Il s’agira toutefois de bien en clarifier les buts et de gérer les attentes des partici-pants : sensibiliser, informer et faire prendre conscience est utile mais ne sera généralement pas suffisant pour apporter de vrais changements comportementaux.

Favoriser un cheminement de leadership et mesurer l’impact dans le temps.

Les événements isolés ont moins d’impact qu’un accompagnement dans la durée. Cela fait la force du coaching. Même si souvent les chan-gements constatés parlent d’eux-mêmes, cela vaut la peine de mesu-rer l’impact a posteriori en le comparant à ce qui était visé au départ. Cette démarche permettra, en cas de succès, d’encourager l’entreprise à poursuivre et, en cas d’échec - ou d’échec relatif -, de corriger le tir. Cela dit, en mesurant les progrès au fil de l’eau, on peut apporter à temps les corrections nécessaires et se donner toutes les chances d’obtenir le succès in fine.

Formation adéquateAdopter la complexité et les perspectives multiples (« et » versus « ou »).

Cette notion au cœur de notre démarche est l’antidote contre les approches unidimensionnelles insuffisantes.

Intégrer la perspective politique (en combinaison avec les cinq autres).

Cela revient à aborder la réalité comme elle est plutôt que comme on voudrait qu’elle soit. Les activités politiques sont inhérentes à la vie en organisation. Il s’agit dès lors d’aider les managers à s’y engager de façon systématique et constructive.

Comprendre les motivations humaines inconscientes et notre part d’ombre.

Il s’agit ici aussi d’éviter le déni et « d’outiller » les managers pour qu’ils puissent tenir compte de l’inconscient.

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Accroître le niveau de conscience plutôt que prescrire. Une approche efficace consiste à faire prendre conscience aux diri-

geants de leur impact et à les aider à mieux se connaître (leurs désirs, préférences psychologiques, orientations culturelles, etc.).

Ils pourront ainsi choisir eux-mêmes en connaissance de cause leur mode de comportement. Diverses activités peuvent être proposées pour obtenir du feedback : évaluation 360°, activités expérimentales ou réelles (éventuellement filmées) suivies d’échanges de feedbacks, etc.

Impliquer la personne entière (corps, cœur, intellect, esprit).Pour plus d’efficacité, le formateur aura intérêt à solliciter les parti-

cipants dans tous les registres, à leur faire déployer leurs intelligences multiples et leur potentiel à nombreuses facettes.

Je vous propose à présent d’examiner plus en détail certaines des six perspectives. Je mettrai l’accent sur certains développements qui m’ont paru particulièrement intéressants en complément du texte paru en 2010.

Perspective physique Depuis la parution de Global Coaching, je continue à intégrer la

perspective physique tant dans mes interventions que dans ma propre vie. J’ai également découvert de nouvelles ressources très utiles que je souhaite partager avec vous ici.

Exercice physiqueLe programme de développement du leadership global consiste

habituellement en un séminaire expérimental de cinq jours suivi de coaching individuel. Chaque journée de séminaire comporte une séance d’une heure d’exercice physique. Les exercices proposés sont adaptés en fonction des contextes géographiques et culturels, du niveau des participants et des experts et infrastructures disponibles. En Inde, nous avons fait appel à une professeure de yoga qui nous a fait découvrir différentes facettes du son art qui, non seulement favorise la souplesse, mais permet aussi de travailler l’endurance cardiovasculaire et la force. Aux États-Unis, un instructeur nous a proposé un circuit training, don-nant la possibilité à chacun de travailler selon son niveau de forme physique.

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Plusieurs managers qui avaient perdu l’habitude de faire du sport régulièrement ont saisi cette opportunité de remettre le pied à l’étrier. Bien au-delà du séminaire, ils ont mis en place de nouvelles routines sportives, en recueillant petit à petit les fruits en matière de bien-être et d’élimination du stress. Le coaching professionnel et le soutien de leurs pairs ont aidé nos participants à maintenir et renforcer ces saines habitudes.

Un livre m’a particulièrement interpellé : Younger, Next Year (Plus jeune l’an prochain) (Crowley & Lodge, 2007). La thèse du livre, étayée par de nombreuses et sérieuses recherches est la suivante : « Plus de 50 % de toutes les maladies et blessures dans le dernier tiers de votre vie peuvent être éliminées en changeant votre style de vie... Éliminées ! En même temps que toutes les souffrances, les dépenses et la joie per-due qui vont avec les maladies et blessures graves. »

Bien qu’il n’y ait pas de garantie absolue en la matière, ces conclu-sions mettent à mal la célèbre affirmation de Chateaubriand pour qui « La vieillesse est un naufrage ». (Mémoires d’outre-tombe, 1848).

Cette décrépitude annoncée n’est pas une fatalité. Nous pouvons nous maintenir en bonne forme pendant longtemps, en commençant par « rajeunir » si nous (re)prenons de bonnes habitudes sportives et alimentaires et en nous maintenant ensuite à un même niveau de forme, qui ne baissera que lentement avec le temps.

Mis à part les Okinawais que j’ai déjà évoqués au chapitre 3, je citerai ici l’étonnant Robert Marchand pour illustrer ce phénomène. Ce Français a établi de nouvelles catégories de records en parcou-rant, à l’âge de 100 ans, 100 km à vélo. Il a réalisé cet exploit en 4 heures 17 minutes et 27 secondes le 28 septembre 2012 (soit plus de 23 km/h). Plus tôt, également à 100 ans, il avait établi un record de l’heure cycliste avec 24,1 km. Il a battu son propre record à 102 ans avec 26,9 km ! Il a recommencé à 105 ans, le 4 janvier 2017, en par-courant 22,5 km dans l’heure et expliqué après sa course : « J’aurais pu faire mieux. Je n’ai pas vu la fiche des dix dernières minutes. Sinon je serais allé un peu plus vite. »

Même si les performances de Robert Marchand sont exception-nelles, je rencontre fréquemment des retraités de plus de 70 ans roulant à vélo de façon impressionnante.

Toutefois ces bénéfices n’arrivent pas sans effort. Chris Crowley et Henry Lodge nous donnent l’ordre de grandeur de l’exercice néces-saire : une séance intensive de 45 minutes 6 jours par semaine, dont

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quatre séances d’entraînement cardiovasculaire et deux séances de musculation. Même si cela va bien au-delà de l’exercice sporadique ou hebdomadaire, ce temps reste très raisonnable en comparaison des nombreux bienfaits qu’il procure.

Pour ma part, je suis ravi de pouvoir dire qu’à 57 ans j’ai « rajeuni » depuis le moment où j’ai écrit la version originale anglaise de ce livre (49 ans). Je parcours régulièrement des distances plus élevées à vélo, avec un dénivelé plus important et je roule plus rapidement. J’ai effec-tué plusieurs sorties de plus de 160 km au cours de ces dernières années et ai pour la première fois dépassé, en 2017, les 200 km. J’ai participé ces trois dernières années au Biketour organisé par Médecins du Monde Belgique. En septembre 2016, leur Tour des Flandres faisait 560 km en quatre jours. En septembre 2017, nous avons été trois à participer à la version XL, avec des étapes encore plus longues et vallonnées jusqu’à Londres. De belles aventures sportives et humaines pour moi, a fortiori au service d’une noble cause !

Mon client WEX, Inc. a aussi pu faire l’expérience du sport comme source de plaisir et de développement individuel et collectif. Une équipe féminine comprenant la CEO Melissa Smith (45 ans à l’époque) a participé en août 2015 au triathlon/sprint organisé dans le Maine. Les concurrentes ont apprécié cette expérience.

Leonard Berry et al. ont montré que promouvoir de la sorte des pro-grammes de bien-être dans les organisations permet d’obtenir un retour sur investissement pouvant atteindre 6 sur 1, grâce à la productivité accrue et à l’absentéisme réduit.

Je continue également mes séances de musculation suivie de stret-ching deux fois par semaine. C’est Michael Petitjean qui m’accom-pagne désormais, avec efficacité et dans la bonne humeur. La pratique sportive a des répercussions pour moi bien au-delà du sport : j’apprends à mieux doser mes efforts et à écouter mon corps plus attentivement.

NutritionEn matière de nutrition, je recommande le livre de Thierry Souccar

et Angélique Houlbert qui m’a été conseillé par ma médecin nutritio-niste, La meilleure façon de manger (2015). Ce livre fait la synthèse de nouvelles études publiées et les traduit sous forme de conseils pra-tiques. Les auteurs travaillent de façon indépendante de l’industrie agroalimentaire et ont fait appel à de nombreux experts renommés dont les Dr Bradley et Craig Wilcox, cités au chapitre 3 pour leurs travaux

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sur le régime Okinawais. Les conclusions du chapitre 3 restent d’actua-lité même si de nouvelles études viennent apporter certaines nuances : par exemple, les graisses saturées ne se valent pas toutes et il ne s’agit pas de les éliminer complètement.

La meilleure façon de manger suggère dix grandes règles alimen-taires « dont dépendent les équilibres métaboliques et donc votre santé à long terme » : 1. Limiter les aliments transformés ; 2. Consommer plus de la moitié de sa nourriture sous forme végétale ; 3. Choisir des aliments à densité calorique faible ; 4. Choisir des aliments à densité nutritionnelle élevée ; 5. Choisir des aliments antioxydants ; 6. Choisir des aliments à index glycémique bas ; 7. Équilibrer ses graisses ali-mentaires ; 8. Veiller à l’équilibre acide-base ; 9. Réduire le sodium et privilégier le potassium ; et 10. Manger hypotoxique. (18-19).

Un bémol toutefois : très peu de références scientifiques sont citées dans le livre pour étayer les diverses recommandations. Par exemple, concernant les œufs, un seul article (datant de 1988 !) est mentionné. C’est d’ailleurs un problème général : beaucoup de conseils en matière d’alimentation sont donnés sans base scientifique solide ou, dans le cas présent, sans que les sources ne soient citées dans le détail. Michael Greger constitue une exception. Je conseille donc son livre How Not To Die (2015) qui contient plus de 130 pages (en petits caractères !) de références scientifiques. Les conclusions de ce médecin également indépendant de l’industrie agroalimentaire sont plus radicales que celles de Thierry Soucar et se résument en deux règles simples : pré-férer la nourriture non transformée à la transformée, et les aliments végétaux à ceux d’origine animale. Comme Thierry Soucar, Michael Greger recommande une alimentation non transformée, faisant la part belle aux légumes et aux fruits. Mais là où Thierry Soucar soutient qu’il n’est pas nécessaire de consommer des aliments d’origine ani-male, le Dr Greger conseille lui de les éviter (sans devoir toutefois se priver d’en consommer de temps en temps). Quoi qu’il en soit, le Dr Greger remarque que le régime d’Okinawa évoqué au chapitre 3 est à 96 % végétal et qu’il serait difficile d’affirmer qu’un régime occi-dental 100 % vegan lui serait supérieur. En d’autres termes, même si certaines contradictions subsistent, les recommandations des meilleurs experts indépendants semblent malgré tout se rejoindre sur l’essentiel.

Le coaching global invite à aborder tous ces thèmes avec proactivité et professionnalisme. La forme particulière, qu’il s’agisse des types

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d’activités physiques ou/et des choix alimentaires, peut varier selon vos préférences.

Le coach n’a toutefois pas le mandat ni la prétention d’imposer quoi que ce soit. Winston Churchill affectionnait cigares et whisky tout en évitant le sport... Cela ne l’a pas empêché de devenir un leader incon-testé en jouant un rôle déterminant pour vaincre l’horreur nazie. Il a vé- cu plus de 90 ans. Même si, statistiquement, vous avez bien plus de chances de vivre longtemps et en bonne santé en adoptant les conseils exposés plus haut, le choix du style de vie reste le vôtre.

Cela dit, en prenant activement soin de vous et, autant que faire se peut, en favorisant une culture de la santé dans vos organisations, vous aiderez à mettre en place des fondations physiques solides rendant tout le reste possible.

Perspective psychologique

Je continue à promouvoir une approche intégrée en nous invitant à apprendre de différents courants en psychologie. Les regards multi- ples permettent d’éviter le piège du « si vous n’avez qu’un marteau, vous aurez tendance à voir chaque problème comme un clou ». Ils procurent des pistes de progrès variées adaptées aux situations particulières.

J’ai évoqué certains de ces courants : psychologie comportementale et cognitive, analyse transactionnelle, programmation neuro-linguis-tique, profils psychologiques (MBTI®, FIRO-B®, etc.), psychologie positive, psychanalyse, etc.

Ces dernières années, j’ai pu lire plusieurs ouvrages et articles inté-ressants dans le domaine psychanalytique, en particulier les excellents The Wisdom of the Ego (1993) et Triumphs of Experience (2012) de George Vaillant, dont j’évoque le travail au chapitre 5.

D’autres ressources ont attiré mon attention et concernent plus par-ticulièrement la façon de reconnaître, de composer avec, voire de coa-cher des dirigeants et collaborateurs toxiques : Emotional Vampires at Work (Bernstein, 2013) et Coaching the Toxic Leader (Kets de Vries, 2014)*.9

Enfin, je souhaite également mentionner ici, dans le domaine de la psychologie comportementale, les travaux remarquables de Daniel Kahneman qui lui ont valu un prix Nobel d’économie. Ceux-ci mettent en lumière nos biais psychologiques, sources de nombreuses erreurs si nous n’y prenons garde et nous en remettons à notre seule intuition. * NdE : Cf (en français), Mettre les pervers échec et mat, Hélène Vecchiali, Marabout, 2014.

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Son livre Thinking, Fast and Slow (2011) dévoile ces écueils et la façon de les contourner*.10

Mécanismes de défense inconscients de l’egoGeorge Vaillant s’est particulièrement intéressé aux mécanismes de

défense inconscients de l’ego (ou mécanismes involontaires pour faire face aux difficultés). Il s’appuie en particulier sur les travaux d’Anna Freud, fille du célèbre Sigmund Freud, père de la psychanalyse. Cer-tains prétendent qu’enseigner ces concepts devrait être réservé aux formations avancées en psychologie et en psychiatrie. George Vaillant, professeur de psychiatrie à l’Université de Harvard, affirme au contraire que vous pouvez rapidement entraîner des observateurs indépendants peu sophistiqués à identifier ces mécanismes. Lorsqu’il a soumis à ces observateurs des situations à analyser, il a pu en effet vérifier la fiabi-lité de leurs réponses, hautement corrélées entre observateurs indépen-dants. Ces mécanismes permettent de réduire anxiété et dépression, de cacher à la conscience des pulsions, sentiments et pensées qui menace-raient d’écorner l’estime de soi.

Au-delà d’une démystification salutaire d’un domaine parfois opa-que pour le profane, la contribution de Vaillant a un double mérite à mes yeux : 1. Il établit un lien intéressant entre les mécanismes de défense inconscients et le développement de l’adulte selon Erik Erikson (1963) ; 2. Il étaie ses conclusions sur la base de recherches impres-sionnantes, des études longitudinales prospectives menées pendant de nombreuses décennies permettant de suivre l’évolution de personnes depuis leur jeune âge jusqu’à la vieillesse.

En résumé, le type de défenses que nous utilisons involontairement dépend de notre niveau de développement. Pouvoir reconnaître ces défenses aide le coach à accompagner plus efficacement ses coachés. Il s’agit toutefois de manier cette information avec précaution en se rappelant que ces défenses, aussi inadaptées qu’elles puissent paraître, servent le but essentiel de la préservation de l’ego. Pour éviter les effets secondaires négatifs, il s’agit d’approcher la situation de façon indi-recte en contribuant au développement du coaché. Le coaché mature utilisera en effet spontanément des défenses matures. Notez que les termes « mature » et « immature » ne comportent pas de jugement de valeur mais soulignent le fait que l’ego continue à se développer à l’âge adulte. * NdE : de même, toujours en français, le « classique » de Normand Baillargeon, petit cours d'autodéfense intellectuelle, LUX, 2006.

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Considérez par exemple la différence entre la suppression (mature) - décision semi-consciente de différer notre attention à une émotion ou à un besoin afin de faire face à la réalité présente - et le refoulement (névrotique) - ensevelissement dans l’inconscient de pensées doulou-reuses ou dangereuses (l’émotion reste consciente mais l’idée sous-jacente est absente). La suppression est utile lorsque nous apprenons une très mauvaise ou une très bonne nouvelle entraînant un torrent d’affects qui pourrait nous empêcher de réaliser la tâche à venir (par exemple une présentation devant un large public ou une négociation importante). Nous mettons l’émotion de côté pour y revenir plus tard, à un moment plus opportun. Arriver à faire cela est moins une question de volonté qu’une question de capacité liée à notre niveau de dévelop-pement. Le refoulement, quant à lui, est également utile mais ne sera pas sans effet négatif. Nous pouvons par exemple ressentir un sentiment de frustration sans faire le lien avec l’idée sous-jacente déplaisante et cachée : nous travaillons peut-être sur un projet qui va à l’encontre de nos valeurs. Ce constat, porté à notre conscience, nous renverrait une image moins reluisante de nous-mêmes. Le refoulement nous évite de voir cette réalité en face et de prendre des décisions difficiles et cou-rageuses. Il nous aide à nous accommoder de la situation mais ne nous évite pas le malaise.

Les défenses non matures chez le coach sont problématiques pour l’exercice de son métier. Si nous ne voyons pas clair dans nos émotions, nous n’arriverons pas à faire la différence entre ce qui nous appartient et ce qui appartient au coaché. Nous ne pourrons pas le confronter effi-cacement dès que nécessaire et risquons au contraire de prendre à titre personnel certaines critiques qui ne nous concernent pas. Je vous ren-voie aux mécanismes de transfert et contre-transfert évoqués au cha-pitre 5.

Si tous vos collègues vous font confiance, sauf un, il s’agit sans doute de son problème. Si aucun ne vous fait confiance, c’est proba-blement le vôtre !

Selon mon expérience, le coaching global favorise le développe-ment de l’adulte. Il donne un coup d’accélérateur au processus. Les coachés pourront ainsi, en toute spontanéité, recourir davantage aux mécanismes matures comme l’humour sous forme d’autodérision ou l’altruisme sous forme de Bâtisseur Éclairé (cf chapitre 6).

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Dirigeants et collaborateurs toxiquesJeffrey Pfeffer a souligné la différence entre ce que les dirigeants

devraient faire et ce qu’ils font en réalité (Leadership BS, 2015). La réalité du leadership est souvent moins clinquante que les qualités prônées dans de nombreux ouvrages et formations. Par exemple, la modestie caractérise le niveau 5 (le plus élevé) chez un dirigeant selon Jim Collins (Good to Great, 2001) mais en pratique le narcissisme*, qui est en quelque sorte son contraire, est fréquent, en particulier chez les hauts dirigeants. Pensez à Jack Welch (General Electric), Steve Jobs (Apple) et à un certain Donald Trump ! 11

Cette croyance en son statut spécial, ses qualités exceptionnelles et son destin hors du commun, cette conviction qu’elle mérite un traitement privilégié, font partie des caractéristiques d’une personna-lité narcissique. Elles la rendent parfois difficilement supportable pour son entourage mais la poussent aussi à entraîner son organisation vers l’avant avec une grande ambition. La réalité n’est pas en noir ou blanc.

Albert Bernstein (Emotional Vampires at Work, 2013) nous pré-sente ces personnalités qui peuvent saper notre énergie et nous sug-gère des façons de nous en prémunir. Cette information peut également constituer une aide pour ces personnes elles-mêmes qui ont aussi la possibilité de se développer. Sa liste comprend les narcissiques, les paranoïaques, obsessionnels-compulsifs, histrioniques, etc. En pra-tique, certaines caractéristiques se mélangent avec des traits domi-nants. Le psychopathe présenté au chapitre 5 est le plus dangereux (4).

Des liens existent d’ailleurs entre ces troubles de la personnalité et les mécanismes de défense (non matures) examinés par George Vaillant.

La connaissance de ces dynamiques en complément d’une bonne estime de soi nous aidera à gérer au mieux ces situations. Psychologie comportementale

Daniel Kahneman nous propose le quizz suivant :« Une batte et une balle coûtent $1.10. La batte coûte un dollar de

plus que la balle. Combien coûte la balle ? » (Thinking Fast and Slow, 2011-2012, 44).

La réponse 10 ¢ est intuitive, attrayante... et fausse ! En effet : 10 ¢ pour la balle + $1.10 pour la batte = $1.20, ce qui est faux. Cette réponse nous est suggérée par notre mode de pensée rapide ou « système 1 » qui est automatique, émotionnel et intuitif.* NdE : Sur les trois formes de narcissisme, cf Hélène Vecchiali, cité page 153.

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La réponse correcte est 5¢. En effet : [coût total] 1.10 = X [pour la balle] + (X + 1) [pour la

batte] [coûts en $]-> 1.1 = 2 X + 1-> X = 0.1/2 = 0.05Trouver cette réponse nécessite de faire appel à notre mode de pen-

sée lent ou « système 2 » qui est calculateur, délibératif mais aussi paresseux. Notre système 2 implique un effort mental. Nous laissons dès lors le plus souvent notre système 1 mener la danse.

Certains dirigeants et coachs se targuent d’avoir une très bonne in- tuition. Kahneman montre clairement comment elle peut les induire en erreur. Avec son collègue Amos Tversky de l’Université Hébraïque de Jérusalem - décédé avant d’avoir pu lui aussi recevoir le prix Nobel -, ils ont mis en évidence de nombreux biais psychologiques qui entra-vent notre capacité à évaluer objectivement l’information, à façonner un jugement sensé et à prendre des décisions efficaces.

Il serait épuisant d’examiner toutes les informations pertinentes et irréaliste de mener une réflexion approfondie avant chaque décision. Les raccourcis cognitifs (heuristiques) sous forme de jugements rapides nous rendent souvent service mais apportent aussi leur lot d’erreurs.

Les biais psychologiques dont il est question ici sont à différen-cier des mécanismes de défense inconscients discutés précédemment. Certes les deux phénomènes nous amènent à altérer la réalité, mais les raisons de cette distorsion sont fondamentalement différentes. Les biais psychologiques mis en évidence par Kahneman et d’autres com-portementalistes s’expliquent par nos ressources cognitives limitées : par défaut, c’est le système 1 qui est à l’œuvre, permettant au système 2 de s’économiser. À l’inverse des mécanismes de défense inconscients, ils n’ont pas pour fonction de préserver notre ego en tentant d’évacuer les sources d’anxiété et les atteintes à notre estime de nous-mêmes.

Psychomédia propose une bonne synthèse de nombreux biais psy-chologiques qui nuisent à la pensée rationnelle9,12en particulier ceux mis en évidence par Kahneman et Tversky. Cette liste inclut :

* biais rétrospectif : « tendance à surestimer, une fois un événement survenu, comment on le jugeait prévisible ou probable »,

* biais de négativité : accorder plus d’importance et se souvenir davantage du négatif que du positif,

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* biais de cadrage : « tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté – par exemple, la décision d’aller de l’avant ou pas avec une chirurgie peut-être affectée par le fait que cette chirurgie soit décrite en terme de taux de succès ou de taux d’échec, même si les deux chiffres fournissent la même information »,

* biais d’ancrage : « tendance à utiliser indûment une information comme une référence – dans les négociations, faire la première offre est avantageux »,

* biais de disponibilité en mémoire : la probabilité d’un événement est confondue avec la facilité avec laquelle il vient à l’esprit – un évé-nement observé récemment sera perçu comme plus probable qu’il ne l’est en réalité,

* illusion de contrôle : « tendance à croire que nous avons plus de contrôle sur une situation que nous n’en avons réellement », etc.

Une expérience a été menée à l’Université de Stanford : 48 étudiants de cycle supérieur qui se sont déclarés pour ou contre la peine de mort ont eu à examiner deux prétendues études, confirmant et infirmant res-pectivement l’efficacité dissuasive de la peine capitale.

Devinez la suite ! Pensez-vous que :1) Leurs croyances respectives se sont déplacées vers le centre

parce qu’ils ont pu voir les arguments des deux camps ?2) Leurs croyances initiales sont devenues encore plus marquées et

le groupe dans son ensemble encore plus polarisé ?La réponse 2) est correcte ! Les étudiants ont prêté davantage d’at-

tention aux arguments et « preuves » confirmant leurs vues initiales. Ils les ont pris pour argent comptant et leurs convictions de départ en ont été renforcées. Ils se sont montrés beaucoup plus critiques en revanche face aux éléments contraires à leurs opinions. Ils les ont tout simple-ment rejetés. (Lord, Ross, & Lepper, 1979).

Nous voyons ce phénomène appelé « biais de confirmation » très souvent à l’œuvre. Quand avez-vous vu pour la dernière fois un politi-cien s’exprimer comme suit devant un adversaire lors d’un débat télé-visé : « Vous venez de faire une excellente remarque. Je me rends compte que ma croyance était inexacte. Je viens d’apprendre quelque chose grâce à vous ! » ? Cela n’arrive pas très fréquemment, n’est-ce pas ?

Nous avons tendance à préserver notre carte du monde et à éva-cuer tout ce qui peut la contredire. Cela nous maintient dans une zone

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de confort rassurante, faite de certitudes. Mais cela nous empêche de grandir. Le coaching global, en nous invitant à nous ouvrir et à appren- dre grâce à d’autres perspectives, constitue un puissant antidote.

Avant d’accompagner les autres, nous devons bien sûr commen-cer par travailler sur nous-mêmes, avec vigilance et courage, afin de déjouer les biais de confirmation et autres pièges psychologiques qui nous guettent.

Perspective culturelle

La perspective culturelle est importante tant pour le coaching pro-fessionnel que pour l’exercice du leadership. Elle constitue un axe essentiel dans le développement d’un leadership global ou intégré. Elle reste sous-utilisée même dans le cas d’approches prétendument « holistiques ».

Je continue à être actif dans ce domaine particulier. J’anime le sémi-naire « Leadership et Coaching interculturel » qui est aussi une certi-fication à l’outil d’évaluation en ligne COF (tableau des orientations culturelles) en français depuis 2011. Il a eu lieu à Paris et à Bruxelles. Ce séminaire est proposé en version anglaise depuis 2006. C’est une expérience riche pour les participants et pour les formateurs. Au-delà des concepts, outils, prises de conscience et entraînements pratiques, les participants nous disent souvent « qu’ils ont vécu ce qu’ils ont appris ». Ils retiennent la congruence entre le message (tirer parti de la diversité) et l’expérience elle-même. En arrivant à capitaliser sur leurs propres différences (ce qui suppose généralement de dépasser quelques obstacles en cours de route), en étant capable de construire des rela-tions fortes en trois jours, en contribuant au climat d’ouverture et de bienveillance, ils se rendent compte des gisements de progrès encore inexploités dans nos organisations.

Évaluation COFL’outil d’évaluation en ligne COF est disponible depuis 2006. En

2017, une refonte complète de l’outil a eu lieu afin de proposer un design plus moderne, une ergonomie améliorée, de nombreuses nou-velles fonctionnalités et d’autres avantages. L’évaluation COF diffère des outils traditionnels de comparaisons interculturelles. Ces derniers examinent principalement les différences de cultures entre pays et s’ap-puient sur un nombre à fois limité et fixe de dimensions. L’évaluation

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COF, quant à elle, s’intéresse à tous types de groupes culturels (pays, organisation, génération, profession, etc.). L’outil est d’ailleurs para-métrable et permet à ses utilisateurs de définir eux-mêmes les groupes et sous-groupes culturels qu’ils souhaitent comparer et ce de façon illi-mitée dans la nouvelle version. En outre, au-delà des 17 dimensions standard du COF qui couvrent déjà un champ culturel important, la nouvelle version offre la possibilité de créer un nombre indéfini de dimensions culturelles supplémentaires, déterminées sur mesure pour chaque projet.

De fait, l’évaluation COF peut être considérée comme l’équivalent sur un plan culturel d’outils comme le MBTI au plan psychologique. Ces deux outils sont d’ailleurs complémentaires. J’en profite pour mentionner le projet de recherche réalisé par OPP qui a analysé les liens entre COF et MBTI sur un échantillon de plus de 1.000 personnes ainsi que mon article dans lequel je discute ces liens et illustre l’usage combiné du COF et du MBTI au travers d’un cas de coaching (« How to Integrate Nature & Nurture in Coaching », 2016).

La culture est à l’acquis (“nurture” en anglais : tout ce qui nous nourrit et nous permet de grandir) ce que la personnalité – selon Carl Jung en tout cas – est à l’inné (“nature” en anglais). Nous sommes nés avec certaines caractéristiques et nous en avons acquis au contact des autres, généralement des groupes qui nous ont influencés (famille, école, pays, ville, groupe religieux, organisations, etc.).

Là où le MBTI vise nos caractéristiques innées, le COF évalue nos caractéristiques acquises et davantage susceptibles de changer selon les contextes et dans le temps. Le COF couvre un champ très vaste que les coachs ne peuvent se permettre d’ignorer. Le coach global, quant à lui, s’intéresse à la fois à l’inné et l’acquis.

Le coaching interculturel s’applique aux différents niveaux men-tionnés au chapitre 7 : individuel, équipe, organisationnel et sociétal.

Coaching individuel À la suite de la parution d’un article1013coécrit avec le Dr Emmanuel

Thienpont, éminent chirurgien orthopédiste et professeur à l’Univer-sité Catholique de Louvain, j’ai été contacté par Alan Lefebvre, coor-dinateur du « Mentoring & Coaching Hub » chez Médecins Sans

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Frontières, et me suis retrouvé quelques mois plus tard à Haïti pour coacher deux directeurs médicaux haïtiens de MSF.

J’ai passé une semaine là-bas en juillet 2016 à la fois pour découvrir le contexte local, rencontrer de nombreux collègues de ces deux direc-teurs et pour les coacher individuellement de façon intensive. Ces deux programmes de coaching se sont poursuivis pendant plusieurs mois après ma visite, via Skype.

Le temps passé à Haïti fut essentiel pour bien m’imprégner de la situation et pour nouer de solides relations de confiance avec mes coa-chés. Ceux-ci tâtaient régulièrement le terrain avec une allusion ou une expression non verbale. Cela signalait généralement qu’ils souhaitaient partager une information délicate ou un dilemme. Être attentif à ces clefs était bien sûr essentiel et je veillais également à communiquer mon respect et mon admiration sincères. Ces personnes se consacrent à sauver des vies humaines dans des circonstances souvent difficiles. Elles font un travail absolument remarquable. Je pense qu’elles ont vu mon profond respect et se sont confiées à moi. Pour faciliter le proces-sus, je faisais une reformulation empreinte de taquinerie bienveillante du genre : « Si je comprends bien entre les lignes, ce que tu es en train de me dire c’est que... » suivie d’une version plus explicite de leur message livré implicitement.

La conscience des différences culturelles était indispensable et allait bien au-delà de la connaissance des différents modes de communica-tion. Un des sujets concerna la manière d’aborder leur management afin de les convaincre d’assouplir certaines règles en matière d’admis-sion des patients. MSF accueille des patients gratuitement mais ne peut malheureusement pas s’occuper de tous ceux qui auraient besoin de soins médicaux. Des règles strictes d’admission permettent un traite-ment équitable : les mêmes règles s’appliquent à tous. Cette notion de la justice qui privilégie la cohérence révèle une orientation culturelle « universaliste » et n’est paradoxalement pas universelle. Dans une vision « particulariste », être juste signifie au contraire ne pas traiter tous les cas de la même manière, mais prendre en compte des situations spécifiques. Il s’agit de privilégier la flexibilité. Cette seule conscience que les deux points de vue sont légitimes permet d’éviter un dialogue de sourds et une polarisation des positions respectives. L’enjeu ne con-siste pas à trancher entre cohérence et flexibilité mais plutôt à trou-ver la meilleure façon de concilier ces différences. En l’occurrence, il s’agit d’être cohérent le plus possible en faisant en sorte que chacun

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respecte les mêmes règles tout en faisant preuve de flexibilité dans des circonstances exceptionnelles. C’est paradoxalement en manifes-tant leur engagement à faire appliquer les règles communes de MSF que nos directeurs médicaux haïtiens sont parvenus à convaincre leur direction de faire preuve de souplesse pour pouvoir sauver des vies humaines supplémentaires dans des cas spéciaux.

Le coaching interculturel a permis aux directeurs de méta-communi-quer, c’est-à-dire de discuter de leurs « cartes du monde » respectives, pour trouver ensuite avec leurs interlocuteurs les meilleures façons de concilier les différences en présence : en l’occurrence, universalisme et particularisme mais aussi différents modes de communication.

Notez que la conciliation va ici au-delà d’un simple compromis - plus de flexibilité impliquerait moins de cohérence. Le concept de leveraging (tirer parti) des différences signifie une synthèse : la direction générale fait évoluer les règles en tenant compte de situations particulières comme celles exposées par nos coachés. In fine, ni la cohérence ni la flexibilité ne sont sacrifiées.

Parfois les différences culturelles sont moins visibles et peuvent donner l’illusion qu’elles n’existent pas ou importent peu. Toutefois, selon mon expérience, de nouveaux gisements de progrès sont géné-ralement trouvés en explorant de façon systématique les différentes dimensions du COF.

En outre, il est indispensable que le coach ait conscience de ses biais culturels inévitables et de ce qu’ils induisent dans son comportement. Pour cela, le coach aura avantage à faire appel à un superviseur formé en coaching interculturel, comme il recourra parfois à un superviseur compétent sur un plan psychologique pour éviter de tomber dans les pièges du transfert et contre-transfert (Rosinski, « Integrative Coaching Supervision », 2016).

Coaching d’équipe

Les biais cognitifs décrits par Kahneman au niveau individuel sont-ils atténués en groupe grâce à la confrontation des différents points de vue ? Ou pourraient-ils encore être amplifiés ?

Si l’on n’y prend garde, c’est la deuxième proposition qui est obser-vée. Un biais de conformisme est à l’œuvre.

Cass Sunstein, professeur à l’Université de Harvard, tire les conclu-sions de nombreuses recherches à ce sujet, en soulignant l’importance de la diversité cognitive (la diversité de perspectives que nous défen-dons depuis longtemps) comme antidote :

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« Un de nos thèmes centraux est l’immense importance de la diversité, pas nécessairement le long de lignes démographiques, mais en termes d’idées et de perspectives. Nous parlons surtout de diversité cognitive.

Les dirigeants peuvent faire beaucoup pour accroître la diversité, à la fois en créant la culture adéquate et en engageant les bonnes personnes.

Un des avantages particuliers de la diversité et de la dissension est qu’elles promeuvent deux choses dont les institutions ont besoin : créa-tivité et innovation. » (Sunstein & Hastie, 2015).

Randall Peterson, professeur à la London Business School, livre les conclusions de plusieurs études et méta-analyses : le niveau de per-formance d’une équipe ne dépend pas du niveau de diversité en son sein ! Il poursuit avec une analyse plus fine : la diversité croissante s’accompagne d’une performance augmentée ou diminuée (stable en moyenne !) selon la manière dont cette diversité est gérée. Mal maniée, la diversité devient source de problèmes qui font chuter la performance. Exploitée efficacement, elle devient source de progrès11.14

Je suis régulièrement invité à coacher des équipes de direction. Ces interventions concernent le développement de l’équipe au sens le plus large. Même si l’aspect culturel n’est pas central dans la démarche, il se révèle souvent important. J’ai eu par exemple l’occasion de travailler avec un comité de direction européen d’une entreprise internationale. L’intervention a pris la forme d’interviews individuels confidentiels et d’évaluations préliminaires, suivies d’un design sur mesure discuté ensuite avec le dirigeant responsable et enfin de trois journées de coa-ching d’équipe en résidentiel avec de nombreuses activités adaptées aux enjeux de ce groupe et destinées à le faire progresser dans son cheminement vers une performance durable. L’équipe était déjà hau-tement performante et souvent citée en exemple dans cette entreprise. L’évaluation COF a révélé clairement un piège qui la menaçait.

La propension au contrôle allait de pair avec la proactivité de l’équipe, confiante en sa capacité de forger des succès ambitieux. La tendance au temps polychrone expliquait qu’elle n’hésitait pas à mener de front de nombreux projets. Tout allait bien... mais ses membres avaient pris conscience que son rythme actuel de tra-vail n’était pas tenable. Des signes d’essoufflement étaient apparus.

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La vision de ces graphiques (366-367) a provoqué un déclic salu-taire : la nécessité de lâcher prise, de respecter les limites individuelles (orientation « humilité ») - tout en lui permettant de voir clairement la façon d’y parvenir – et de traiter le temps de façon plus monochrone en éliminant les projets non essentiels. Lors de la dernière journée, les priorités nécessaires ont été fixées.

L’évaluation COF permet souvent de mettre en lumière de nom-breuses zones aveugles et pistes de progrès. Il favorise un dialogue fructueux entre les membres d’une équipe.

Coaching organisationnel – accompagner les fusions et acqui- sitions15

Les fusions et acquisitions (F&As) sont une façon importante de se développer pour de nombreuses organisations. Le volume global d’affaires concerné a été de plus de trois trillions de dollars en 201612.

Le Boston Consulting Group confirme le résultat de recherches précédentes mentionnées au chapitre 7 : « L’obstacle principal à l’in-tégration réussie de deux compagnies en F&A réside dans les diffé-rences culturelles entre l’acquéreur et la cible. Ce facteur fut cité par 83 % des dirigeants ayant participé à cette enquête. » (Weber, Tarba, & Oberg, 2014, 151). Yaakov Weber et ses collègues (2014) citent le BCG en ajoutant : « Quand la raison principale de l’achat réside dans l’acquisition d’un personnel talentueux, innovateur et détenteur de connaissances professionnelles... de telles F&As sont vouées à échou- er, en particulier si les différences culturelles et leurs influences ne sont pas identifiées et analysées à l’avance, et traitées immédiatement, avant, pendant et après la signature des contrats. » (11).

Comme ce problème persiste bien que nous en connaissions l’ori-gine et que nous soyons en mesure d’y remédier, ces mêmes auteurs concluent : « La surprise dans une ère où il est bien connu que les F&As connaissent un taux élevé d’échec n’est pas que la culture orga-nisationnelle constitue un facteur clef de succès. La surprise, c’est qu’elle doive encore devenir un facteur principal dans le processus de décision des administrateurs et dirigeants concernant le choix de F&As appropriées, la détermination de la valeur de la transaction, la planification de l’intégration des deux organisations, et la rétention du capital humain de la compagnie acquise qui a tendance à s’en aller immédiatement après la fusion. »

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En tout cas, comme nous l’avons montré au chapitre 7, le coaching interculturel avec l’utilisation de l’évaluation COF permet de trans-former ces échecs annoncés en succès, évitant un gâchis tant financier qu’humain. Il reste aux dirigeants à connaître l’existence de cette pos-sibilité encore méconnue et à vouloir tirer parti des différences cultu-relles en présence.

Perspective spirituelleCoacher à partir d’une perspective spirituelle nous entraîne au-delà

des enjeux immédiats et des péripéties quotidiennes. Nous invitons ici nos coachés à aller en profondeur (dégager du sens, se connecter avec soi) et à prendre de la hauteur (replacer leurs défis dans un contexte sociétal plus large de connexion avec les autres).

De nombreux coachs sont déjà familiers du thème actuellement à la mode de la « pleine conscience ». Il s’agit d’apprendre à être dans l’instant, à devenir pleinement présent, à apprécier que le présent soit un présent. Cela passe par différentes formes de méditation.

La perspective spirituelle inclut d’autres domaines d’exploration dont certains ont été présentés au chapitre 8 : la stratégie du tournesol (se tourner résolument vers la lumière avec gratitude face aux cadeaux de la vie souvent considérés comme allant de soi) ; la quête de sens (notamment les trois manières de trouver du sens à sa vie selon Viktor Frankl13)16; la résilience face à l’adversité ; l’exploration des buts essentiels ; le positionnement par rapport aux enjeux sociétaux et aux dilemmes d’ordre éthique ; l’exploration existentielle par rapport à nos préoccupations ultimes.

Le coach global aborde ces conversations avec une combinaison d’humilité (il n’a pas toutes les réponses), d’empathie (nous partageons notre condition humaine) et de sagesse (celle provenant d’une vision issue de perspectives multiples).

Parfois, le contexte bienveillant et sûr du coaching suffit à créer un sanctuaire propice à l’exploration profonde. Les questions de coaching sont toutes simples : « Quel est votre but ? Qu’est-ce qui est vraiment important pour vous ? Quel héritage voulez-vous laisser ? »

De façon alternative, l’utilisation d’activités artistiques (collages, dessins, etc.) à la portée de tous permet de court-circuiter le « cerveau

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gauche » rationnel de nos coachés pour laisser libre cours à l’intuition et à l’imagination de leur « cerveau droit » afin d’examiner ces mêmes questions de façon plus indirecte.

Le plus souvent, cette introspection amène le coaché à relier son but à un enjeu sociétal, en trouvant une façon concrète de contribuer à façonner un monde meilleur.

Les conversations de coaching peuvent également porter sur des dilemmes éthiques. Les zones grises sont nombreuses. Le coaching permet de réfléchir aux options possibles et à dégager le meilleur choix compte tenu des circonstances. Par exemple, dans le domaine alimen-taire, proposer les produits les plus sains et éliminer tous les aliments néfastes serait idéal mais risquerait d’entraîner une chute des ventes tel-lement drastique qu’elle mettrait l’entreprise en péril. Un choix réaliste consistera à faire évoluer progressivement la composition des produits en même temps que les habitudes alimentaires des consommateurs.

Les défis d’ordre existentiel sont rarement présentés comme tels par les coachés, selon mon expérience. Ils n’en demeurent pas moins en toile de fond. Le coach global le sait et sera prêt, quand il l’estimera opportun, à aborder ces thématiques explicitement.

Irvin Yalom, professeur de psychiatrie à l’Université de Stanford, a introduit la psychothérapie existentielle qui concerne également le coaching. Il aborde quatre préoccupations ultimes : la mort, la liberté, la solitude et l’absence de sens (Existential Psychotherapy, 1980, 8- 9).

L’horizon de la mort crée une tension : nous cherchons à persévérer dans notre être (le « conatus » de Baruch Spinoza) alors même que nous savons la mort inévitable. Ce constat peut entraîner une terreur face à la mort, qui nous paralyse et nous empêche de vivre pleinement. C’est paradoxalement en regardant la mort en face, en étant conscient de la fragilité de nos existences que nous pouvons apprécier à sa juste valeur le miracle de la vie (Staring at the Sun, 2008). Il faut vivre avant de mourir ! J’ai accompagné à quelques reprises des coachés dans la soixantaine, la cinquantaine voire la quarantaine, qui regrettaient leurs choix professionnels, arrivaient au constat douloureux qu’ils auraient mieux fait de prendre un autre chemin et avaient l’impression d’être dans une impasse. Ma question, inspirée de Yalom, est alors habituel-lement la suivante : « Que pourrais-tu faire (mes coachés et moi nous tutoyons le plus souvent) à présent pour ne pas avoir de regret d’ici 20 ans concernant la façon dont tu auras vécu les prochaines années ? » Cette interrogation les met face à la préoccupation suivante :

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La liberté paraît exaltante mais elle nous confronte en même temps à la responsabilité de forger notre existence. Contrairement à un objet inanimé (par exemple une table) dont la fonction, l’essence, pré-cède l’existence (la vocation de la table est décidée avant même que celle-ci ne soit construite), une personne libre existe avant de devoir elle-même déterminer son but. Comme disait Jean-Paul Sartre, dans ce cas « l’existence précède l’essence ». Il est plus facile, mais beaucoup moins gratifiant, de se plaindre des autres, d’adopter une posture de « victime », que de prendre son destin en main en exerçant la liberté dont nous disposons.

La solitude ne peut être totalement évitée malgré notre tendance à nous rapprocher des autres et les liens forts qui nous unissent. Yalom explique qu’il reste inévitablement un écart impossible à combler totalement. Les dirigeants connaissent bien la solitude du pouvoir. Ils doivent prendre et assumer seuls certaines décisions difficiles. Cela dit, nous sommes tous confrontés à cet aspect de la condition humai- ne. L’espace privilégié du coaching permet une grande intimité. Para-doxalement, ce rempart contre la solitude aide les coachés à mieux affronter l’isolement dans leurs vies et à prendre parfois des décisions aussi courageuses que nécessaires.

L’absence de sens est la quatrième préoccupation existentielle expo-sée par Yalom. Nos décisions et actions semblent souvent dérisoires face à l’étendue des défis sociétaux. Au chapitre 9, j’ai eu l’occasion de souligner la contribution des religions et de la philosophie. Si le coa-ché trouve dans sa tradition religieuse une source de sens qui le porte sans nuire aux autres - le jihad dans sa version sanguinaire ne remplit évidemment pas cette condition ! -, le coach n’a qu’à l’encourager. Si le coaché se trouve dans l’incertitude, le coach gagne à s’inspirer de sa propre réflexion philosophique afin d’alimenter le questionnement du coaché et d’animer le dialogue.

Adopter la complexité La complexité est devenue un thème majeur dans le management

avec de nombreux articles qui lui sont consacrés, comme entre autres Learning to live with complexity (Sargut & Gunther McGrath, 2011), Embracing complexity (Mauboussin, 2011), et The biology of corpo-rate survival (Reeves, Levin, & Ueda, 2016).

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Ce dernier article réitère le constat fait par d’autres à maintes reprises y compris par nous dans Global Coaching : « Les compagnies opèrent dans un monde de plus en plus complexe : environnements d’affaires plus divers, dynamiques et interconnectés que jamais - et bien moins prévisibles. » Pourtant, notent ces auteurs, « de nombreuses firmes continuent à poursuivre des approches stratégiques classiques conçues pour des temps plus stables, mettant l’accent sur l’analyse et la planification destinée à maximiser la performance à court terme plutôt que la robustesse à long terme ».

Manager dans la complexité (Genelot, 2011) constitue une ressource intéressante. Dominique Genelot résume son message au travers des dix conseils suivants, assez bien en ligne avec notre propos :

1. Remontez à la source de vos représentations. Demandez-vous si votre système de représentation est en adéquation avec votre projet ; 2. Pilotez par les finalités. Mettez en question les structures. Centrez- vous sur le projet poursuivi, sur les raisons d’être de l’activité ;3. Pensez et organisez l’entreprise comme un système ouvert, com- me un tissu d’interactions ;4. Multipliez les connexions, créez des réseaux d’intelligence ; 5. Intégrez l’incertitude dans les processus de pilotage ;6. Développez l’autonomie. Ouvrez des espaces à l’invention ;7. Sachez reconnaître et articuler des logiques différentes. Dépassez les antagonismes en vous référant à des logiques d’ordre supé- rieur ;8. Donnez du sens, construisez sur la culture ;9. Placez l’homme au centre. Couplez l’individuel et le collectif ;10. Détruisez les idoles qui sont dans vos têtes. Renoncez à l’opti-mum mythique, au rêve de tout réunir dans une seule loi ;(354).

Traiter la complexité ne peut toutefois pas être réduit à quelques conseils pratiques. Le domaine de la physique quantique qui a bou-leversé notre vision du monde et que j’ai évoqué au chapitre 9 mérite notre attention. Il a fait la une du journal The Economist qui met en avant les innovations technologiques rendues possibles par cette théo-rie initiée depuis un siècle et sur le point de toucher le grand public :

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mesurer de toutes petites variations de gravité et localiser ainsi des conduites enfouies sous terre sans devoir détruire de routes pour creu-ser ; envoyer des messages impossibles à intercepter, copier ou transfé-rer en s’appuyant sur la propriété de non-localité ; etc. (Quantum leaps, 2017).

Concernant les phénomènes extraordinaires mentionnés dans le même chapitre, l’Inrees constitue une référence utile. Citons notam-ment son numéro hors série « Nous ne sommes pas seuls » (2013).

Rupert Sheldrake y explique que « nous sommes tous reliés », que « les êtres vivants sur notre planète forment un ensemble cohérent, et leur principale caractéristique est d’être tous reliés par des champs invisibles » (21). Dorion Sagan soutient que « nous sommes bien plus inbriqués avec le monde et les autres formes de vies que nous voulons bien le voir » (19). Hubert Reeves nous incite à changer notre rap- port au monde, à cesser d’essayer de dominer ce monde en nous voyant comme « le centre, le chef-d’œuvre de la création, de l’évolution, ayant tous les droits ». Il ajoute : « Nous sommes intégrés à un écosystème fait de beaucoup d’interrelations, nous ne pouvons éliminer ces interactions dont nous dépendons. » (88). Stéphane Allix nous livre également son interview de John Mack, mentionné au chapitre 9, dont la « démarche, où la rigueur scientifique s’allie à une grande ouverture d’esprit, inspirera la création de l’Inrees » (101).

Les coachs globaux puisent dans ces explorations une meilleure compréhension scientifique et un émerveillement, qui les incitent à véri- tablement s’imprégner du nouveau paradigme, à encourager les pro-grès et à « ré-enchanter le monde ».

Supervision intégrative de coachingDe plus en plus de coachs professionnels offrent leurs services.

Des écoles, elles aussi de plus en plus nombreuses, forment des aspi-rants coachs qui viennent rapidement gonfler les rangs. La supervision des coachs est apparue il y a une dizaine d’années comme une suite logique de cette évolution. L’International Coach Federation définit la supervision de coaching comme suit : « L’interaction qui se produit quand un coach rapporte périodiquement ses expériences de coaching auprès d’un superviseur de coaching afin d’engager un dialogue réflexif et un apprentissage collaboratif pour le développement et le bénéfice du coach et de ses clients14. »17

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Peter Hawkins et Nick Smith (2006), Barbara Moyes (2009), Mike Munro Turner (2011), Paul Lawrence et Ann Whyte (2014) en décrivent les trois fonctions principales. Je partage leur opinion en mettant l’ac-cent sur la complexité ainsi que la possible transformation du coach face à elle :

1. Développement et transformation du coachIl s’agit d’aider le supervisé à gérer des situations complexes, en

apprenant à coacher à partir de perspectives multiples, à adopter une approche systémique, accroître sa conscience de lui-même et sa « carte du monde », acquérir de nouveaux outils et développer des compé-tences spécifiques. Au-delà de ces aspects, la supervision aide le super-visé à se développer et à se transformer comme personne et comme coach. En effet, si en tant que coach, je prétends aider les autres à gran-dir, il est indispensable que je continue moi aussi à me développer, voire à me transformer, pour être légitime et crédible.

2. Ressourcement du coachLa supervision constitue un moment de ressourcement émotionnel

pour le supervisé, lui permettant de faire face plus efficacement et avec plus de sérénité aux situations de défi.

3. Qualité du coachingLe but est aussi d’aider le supervisé à faire en sorte que ses inter-

ventions de coaching remplissent les standards nécessaires de qualité et d’éthique, et puissent ainsi apporter une contribution constructive au coaché, à son organisation et à ses différentes parties prenantes.

Personne ne remet en question la nécessité pour les coachs profes-sionnels de continuer à se développer tout au long de leur vie. Il y a éga- lement un consensus concernant l’importance d’une prise de recul et d’une pratique réflexive. Cependant, certains* vont jusqu’à prôner l’obligation pour chaque coach de travailler avec un superviseur d’une façon formelle et régulière. Cela revient à méconnaître les limites d’une certaine supervision de coachs. Je vous les livre ci-dessous avec mes recommandations pour remplacer cette supervision traditionnelle par une supervision intégrative découlant du coaching global :18

* NdE : En fait, la plupart des institutions de coaching.

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1. Brouiller la distinction entre le coaching et la psycho- thérapie

La supervision de coaching est apparue au Royaume-Uni, issue du modèle psychothérapeutique. Emprunter à la supervision clinique et en tenter l’application dans le cadre du coaching soulève certains pro-blèmes. Cette approche, en brouillant la distinction entre le coaching et la psychothérapie, entraîne une confusion dommageable dans l’esprit du coach.

D’où ma recommandation : réaffirmer qu’un coaching efficace em- prunte à une vaste palette de disciplines au-delà de la psychologie et tient compte des contextes différents entre le coaching et la psychothérapie.

La psychologie reste très importante pour moi mais ce n’est qu’une des perspectives. Il me semble par exemple essentiel qu’un superviseur soit conscient de ses biais culturels et de ce qu’ils induisent et qu’il ait accès à d’autres choix culturels.

2. “One size fits all” – le problème de l’approche uniformeLes coachs ont des besoins différents. Il ne peut y avoir de réponse

unique. Il s’agit dès lors de considérer différentes façons d’obtenir les béné-

fices que la supervision de coaching est censée procurer.La supervision de coaching peut prendre différentes formes : for-

melle ou informelle, individuelle ou en groupe, régulière ou ad hoc, payée ou non (Lawrence & Whyte, mars 2014). Payer un superviseur individuel que vous rencontrez régulièrement et de façon formelle n’est qu’une possibilité parmi seize ! Et d’autres possibilités supplé-mentaires aideront les coachs à réfléchir utilement à leur pratique et à l’enrichir : lecture, journal personnel, rencontres avec des personnes d’horizons variés et apprentissages à leur contact, etc.

3. Renforcer une approche mécaniste du coachingBob Garvey (2015) soutient qu’une approche mécaniste domine

l’agenda de professionnalisation du coaching au travers de standards, cadres de compétences et prétendue assurance qualité. Il suggère que cela inhibe la pensée créative et innovante, et que c’est inadéquat dans notre monde complexe, imprévisible et non-linéaire. Je partage sa mise en garde. Je suggère d’appréhender le paradigme de la complexité et

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d’établir des liens humains profonds. Nous avons besoin de fluidité, de discernement et d’une conscience aiguë que tout est connecté.

4. Réduire les possibilités par inadvertance en enfermant les coachs dans des modèles rigides

J’ai été le témoin des effets dommageables d’une supervision rigide. Une coach expérimentée avait été supervisée et en était devenue plus désorientée et moins confiante. Le superviseur avait, sans s’en rendre compte, imposé sa vision du monde, croyant sans doute que le modèle de coaching qu’il avait appris avait une portée universelle. La subtilité, la flexibilité et l’humanité avaient manqué. La supervisée était censée se fondre dans un moule, enfiler une camisole de force.

La supervision intégrative de coaching vise un autre but : aider chaque coach à devenir un coach unique et à affirmer sa singularité.

Il ne s’agit bien sûr pas de permettre tout et n’importe quoi, mais plutôt de concilier universalisme (cohérence) et particularisme (flexi-bilité). En tant que superviseur, j’ai d’abord aidé cette coach à décons-truire les normes et croyances limitantes qui lui avaient été inculquées et à les remplacer par des alternatives plus efficaces.

Je vous renvoie à mon article sur la supervision intégrative de coa-ching pour plus de détails (2016). J’y démystifie notamment l’idée mainte fois entendue que la supervision de coaching serait fondamen-talement différente du coaching. Tout dépend de l’ambition que vous avez pour le coaching. Le coaching global, pour sa part, est pleinement holistique par essence et vise à inclure tout ce qui concerne le dévelop-pement du coach ; le coaché est lui-même un coach dans le cas de la supervision.

Dans notre monde interconnecté et turbulent, le coaching global constitue une aide précieuse, une synthèse nécessaire pour les coachs, qu’ils soient leaders ou coachs professionnels. En facilitant le déploie-ment du potentiel humain à facettes multiples, le coaching global est un vecteur nouveau de performance durable, d’épanouissement et de sens. Il favorise l’efficacité, la créativité et l’humanité.

Au moment où vous terminez la lecture de cet ouvrage, et avant que vous mettiez en œuvre les méthodes et les techniques que vous

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40 PAGES INÉDITES

aurez ajoutées à votre panoplie, avant surtout que vous vous engagiez pleinement dans le coaching global - y compris et essentiellement dans sa dimension spirituelle qui lui donne tout son sens -, nous vous sou-haitons d’exercer ce métier ou cette fonction dans votre activité pro-fessionnelle et personnelle avec le cœur empli de Joie et de gratitude devant la Vie.

NOTES1. Voir www.globalcoaching.pro News et www.facebook.com/globalcoachingpro

pour plus d’informations.2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Demain_(film,_2015). Consulté le 26 juillet

2017.3. L’étude en 2013 de l’“Institute for Corporate Productivity” révèle que « la

satisfaction de leur expérience de développement du leadership est classée deuxième en ordre d’importance » alors que « les scores d’implication de leurs collaborateurs ou de leur département arrivent seulement en sixième position et sont utilisés seulement par 36 % des compagnies qui ont répondu à l’en-quête ». (Pfeffer, 2015, 28).

4. Jeffrey Pfeffer cite plusieurs exemples dont Bill George (ancien CEO de Medtronic) et Jack Welch (ancien CEO de GE) qui « curieusement » ne parle pas des « salauds GE » (GE jerks), expression utilisée pour décrire les compor-tements encouragés par la culture brutale de GE (36-37).

5. Jeffrey Pfeffer décrit les mécanismes plus propices à entraîner le changement : fixer des objectifs et accompagner le changement en donnant régulièrement du feedback (le coaching est une approche efficace !), changements dans l’en-vironnement social (exemple : les Alcooliques Anonymes, par leur soutien social, favorisent le changement), l’amorçage (« priming » - ex. une assiette plus petite incite à manger moins), etc. (50-54).

6. Rosinski, Le Coaching interculturel, 2009, notamment chapitre 6. 7. Pfeffer, 2015, 31, chapitre 6.8. Le présentéisme consiste à être physiquement présent mais mentalement

absent, à être là par obligation, pour se faire bien voir ou par sens du devoir en cas de maladie, sans toutefois travailler de façon productive.

9. Voir http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/biais-cognitifs. Consulté le 19 juillet 2017.

10. « Unfolding the Remarkable Orthopedic Surgeon », 2015, publié dans la revue médicale Acta Orthopaedica Belgica.

11. The Grand Tour 2017, Bruxelles, 17 mai 2017. Dans sa correspondance avec moi le 26 juin 2017, Randall Peterson cite plusieurs sources et références :* Webber, S. S., & Donahue, L. M. (2001). Impact of highly and less job-re-lated diversity on work group cohesion and performance : A metaanalysis. Journal of Management, 27, 141–162. * Bowers, C., Pharmer, J. A., & Salas, E. (2000). When member homogeneity is needed in work teams : A meta-analysis. Small Group Research, 31, 305–327.

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12. Voir http://www.mergermarket.com/pdf/MergermarketFinancialLeagueTable Report.Q42016.pdf. Consulté le 21 juillet 2017.13. Pour rappel : 1) à travers une œuvre ou une bonne action ; 2) en faisant l’ex-

périence de quelqu’un ou de quelque chose ; 3) par son attitude envers une souffrance inévitable.

14. Voir http://www.coachfederation.fr/index.php?option=com_k2&view=item list&layout=category&task=category&id=287&Itemid=322. Consulté le 31 juillet 2017.

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Bibliographie additionnelle

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383

Remerciements

J’aimerais exprimer ma gratitude à tous les contributeurs à ce livre. Je ne peux pas rendre justice ici à tous ceux qui ont fait une vraie différence dans ma vie et ont inspiré, d’une manière ou d’une autre,

l’écriture de Global Coaching.Je suis reconnaissant envers mes clients, coachés individuels, équi-

pes, parfois membres divers d’une même entreprise. Leur confiance et leur partenariat m’honorent. Je fais cas également de leur engagement dans la performance et l’épanouissement humains, et dans les innova-tions qui tendent vers des résultats durables et riches de sens. Nombre de défis qu’ils ont relevés dans leur vie ont nourri le développement du coaching global pour aider à surmonter des situations complexes. Toutefois, par souci de confidentialité, je n’ai pas mentionné de nom ni d’information sensible.

Parmi ceux qui ont contribué directement au livre, je remercie par-ticulièrement le Dr Katrina Burrus de son excellente étude de cas au chapitre 1, Peter Horton de m’avoir laissé partager l’incroyable histoire de la voiture électrique de General Motors au chapitre 2, le Pr Jacques Duchateau et mon entraîneur personnel, Chris Richartz, de la généro-sité de leurs explications, articles, recommandations de lectures et com-mentaires avisés relatifs à la section sur la forme physique au chapitre 3. Je veux aussi remercier Sherie Olmstead d’avoir partagé des résul-tats de recherches et Luc Vandeputte de son aide et aussi mes étudiants de MBA pour leurs efforts créatifs qui ont conduit aux exemples cités

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LEADERSHIP & COACHING GLOBAL

à la fin du chapitre 7 sur l’art et le coaching interculturel. Je remercie Michel Chalude d’avoir suggéré un lien intéressant avec la « process communication » dans le chapitre 10.

Je suis reconnaissant envers Sir John Whitmore, qui a magnifi-quement saisi l’esprit de Global Coaching dans sa préface, et envers les autres personnalités qui m’ont honoré en supportant ce livre avec enthousiasme. J’ai le sentiment que nous sommes devenus des compa-gnons de voyage sur le chemin du coaching global.

Je veux aussi rendre hommage à mes partenaires, amis et collè-gues qui promeuvent activement le leadership et coaching interculturel & global dans le monde entier au travers de différents séminaires et projets internationaux. Leur enthousiasme et leur collaboration m’ont vraiment touché et soutenu. J’y associe les participants à nos ses-sions et mes lecteurs dont l'intérêt marqué a généré des opportunités inattendues.

J’aimerais bien sûr remercier mon éditeur en langue anglaise. Nicholas Brealey a cru dès le début en la pertinence de mon premier livre, et sa maison d’édition a accepté d’emblée ce second livre. Erika Heilman, directrice éditoriale, a mené ce projet avec compétence. Je lui suis reconnaissant de sa volonté de publier le meilleur ouvrage possible, et de sa participation constructive tout au long du projet. Je veux aussi remercier la directrice de publication, Jennifer Olsen, de ses conseils utiles et de son dévouement, ainsi que Kendra Moura et Renee Nichols de leur contribution.

Enfin, mes remerciements vont à ma famille, particulièrement à mon épouse Anne et à notre fille Arielle, dont l’amour et le soutien m’ont permis de consacrer suffisamment de temps et d’énergie à la recherche, la préparation, l’écriture, la relecture, la correction des manuscrits de Coaching Global et de leurs épreuves.

Édition française Je voudrais tout d’abord saluer la mémoire de Sir John Whitmore,

auteur de la préface, qui nous a quittés en cette année 2017. J’ai beau-coup de respect pour son rôle pionnier dans le coaching et pour sa pro-fonde humanité. J’ai toujours apprécié et partagé sa vision du coaching comme moyen de déployer le potentiel humain à des fins porteuses de sens. Je garderai un beau souvenir de longues conversations stimulantes que nous avons eues ensemble à Bruxelles, Sydney, Prague et ailleurs,

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REMERCIEMENTS

et du franc-parler empreint d’humour de John lorsqu’il s’adressait aux dirigeants et managers.

Je remercie Florence Daumarie et Olivier Piazza de l’Université de Cergy-Pontoise. J’ai apprécié leur intérêt constant pour Global Coaching et leur volonté de contribuer à la parution d’une édition fran-çaise. L’Université de Cergy-Pontoise s’est chargée, à titre gracieux, de produire une première traduction du livre. Je remercie Elsa Strachan qui a réalisé l’ébauche initiale et Alain Field qui a révisé en détail cette traduction. Ils ont donné l’impulsion initiale au projet et je leur en suis reconnaissant.

Leadership et coaching global a pu voir le jour grâce aux Éditions Valeurs d’Avenir. Je remercie tout particulièrement mes éditeurs Jean et Jacqueline Taillardat pour leur enthousiasme à faire connaître cet ouvrage auprès d’un public varié comprenant les professionnels de l’accompagnement humain et des ressources humaines, dirigeants et managers, écoles et universités, et toutes les personnes qui souhaitent tirer parti de leur potentiel à facettes multiples afin de vivre pleinement leur vie. J’ai apprécié l’excellent travail de finalisation de la traduction de Jean et Jacqueline, dans un double souci de préserver l’intégrité du texte original et de soigner la qualité du style de la version française. Je remercie aussi Isabelle Boutet pour sa belle mise en page, dans un esprit d’esthétique, de lisibilité et de rigueur.

Ce fut un plaisir de coopérer avec Jean, Jacqueline et Isabelle : une collaboration fluide, un vrai travail d’équipe et des liens humains dé- passant largement le cadre transactionnel d’un rapport auteur-éditeur. Ce sont des passionnés qui n’ont pas compté leur temps pour produire un ouvrage de la meilleure qualité possible à partir de mes écrits, et cela toujours dans la bonne humeur. Je leur exprime ma gratitude pour l’importance qu’ils accordent à Leadership et coaching global.

Ouvrage traduit de l’anglais Global Coaching

ÉDITION ENRICHIE DE 40 PAGES INÉDITES

PHILIPPE ROSINSKI

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LEADERSHIP

Prix : 28 €

ISBN : 979-10-92673-17-3

Préface de Sir John Whitmore, PhD

&COACHING GLOBAL

UN CHANGEMENT DURABLE NÉCESSITE UNE APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE DU COACHING ET DU LEADERSHIP

Face à des bouleversements techniques, sociaux et écologiques tels que l’humanité n’en a jamais connu, il est impératif que se mani-festent des leaders en mesure de relever les défis de la complexité et que les coachs qui les accompagnent y soient préparés.L’ouvrage Leadership et coaching global a pour vocation de

fournir à ces coachs professionnels – et directement aux diri-geants – les ressources : outils, techniques, méthodes, approches, vision, qui font éclore les potentiels et mobiliser les richesses d’imagination, de créativité, de lucidité, de courage et d’enthou-siasme grâce auxquels le futur aura un avenir.Dans cet ouvrage d’une rare complétude :- Vous découvrirez les six perspectives du coaching global : phy-

sique, psychologique, managériale, politique, culturelle et spirituelle ;

- Vous explorerez une approche intégrative de coaching pour desrésultats durables ;

- Vous vous ouvrirez à de nouveaux schémas de pensée ;- Vous conforterez votre apprentissage par des cas et exemples de

coaching extrêmement parlants.

Philippe Rosinski, pionnier de l’approche globale de la personne dans sa fonction managériale, a une formation scientifique (Université de Stanford) et est aujourd’hui une autorité mondialement reconnue en matière de coaching et de leadership. Il est Professeur à la Kenichi Ohmae Graduate School of Business (Tokyo) et le premier Européen désigné Master Certi-fied Coach par l’International Coach Federation.

Il a publié de nombreux articles consultables sur son site et son livre Le coaching interculturel, publié en dix langues, a été sélec-tionné par la Harvard Business School comme ouvrage de réfé-rence dans la catégorie du « business leadership ».Dirigeant de Rosinski & Company, il vit avec sa famille à proximité

de Bruxelles et se déplace dans le monde entier pour donner des conférences, enseigner, former et coacher des dirigeants et des collègues coachs.

Pour plus d’informations, consultez : www.philrosinski.com et www.globalcoaching.pro

Auteur de Le Coaching interculturel

« A provocative, exciting and wise book! » Prof. Carol Kauffman, Harvard University