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47me Année . No 6 31 Mars 1928 DE. LA valai,a1Joe d véduG:afion L'ECOLE PRIMAIRE paraît 14 fois pendant le cours scolaire Abonnement annuel: Fr. 4.50 Les abonnements se règlent par chèque postal Ile 56 Sion, ou à ce défaut contre remboursement. Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à Il. LOUIS DELALOYE, Secrétaire au Dé- partement de l'Instruction publique à Sion. Les annonces sont reçues exclusivement par PUBLICITAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, Sion Rue de Lausanne 4 - Téléphone 2.36

L'Ecole primaire, 31 mars 1928

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Page 1: L'Ecole primaire, 31 mars 1928

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47me Année . No 6 31 Mars 1928

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Les abonnements se règlent par chèque postal Ile 56 Sion, ou à ce défaut contre remboursement.

Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à Il. LOUIS DELALOYE, Secrétaire au Dé­

partement de l'Instruction publique à Sion.

Les annonces sont reçues exclusivement par PUBLICITAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, Sion

Rue de Lausanne 4 - Téléphone 2.36

Page 2: L'Ecole primaire, 31 mars 1928

LIBRAIRIE PAVO T Lausann • .......; . Genève . - Neuchât~1 - Vevey - Meittreux - Berne

VIENT DE PARAITRE

Là Physiolo~ie pour tous

par

le professeur Maurice ARTHUS

Directeur de l'Institut de Physiologie de l'Université 'de Lausanne

Un volume În-16 de la collection Petite bibliothèque de médecine et d' hygiène, broché . Fr. 2.-

Cet ouvrage comprend l'ensemble des causeries que le pro­fesseur Arthus a faites récemment au poste radiophonique du Champ-de-l'Air, à Lausanne. Ces causeries avaient pour but de faire connaître à chacun, quelle que soit sa culture scientifique, les grands phénomènes de la vie physique, que nul en vérité ne de­vrait ignorer au temps où nous vivons.

Il a paru utile de publier ces causeries, a(in que ceux qui les avaient entendues et ceux qui en avaient été empêchés puissent les lire et en retirer pour leur instruction et pour la bonne conduite de leur personnelle hygiène, tout avantage et tout profit.

Nul n'ignore que le professeur Arthus sait exposer les ques­tions qu'il traite avec simplicité et avec clarté et que, sans user de termes techniques, il sait conduire ses auditeurs et ses lecteurs au cœur même des questions, faisant ainsi (Euvre de vulgarisation utile et ne se bornant jamais à simplement effleurer son sujet. On retrouvera, dans la Physiologie pour tous, les caractéristiques de l'œuvre entière du professeur de Lausanne.

Les neuf chapitres de l'Quvrage ont pour titre: 1. Constitu­tion des êtres vivants; 2. ·Le sang; 3. La circulation du sang; 4. La digestion; 5. La respi.t:ation; 6. La température deT.homme; 7. La r:lliori a li m én hl i F-P.' ft Lp. D3 i • _~'LJ~_~v--'-'i' LLLI-Lc...· ~L----L.lL..-.-'-i1JL .. _~:;_'"--U:;.,~LLLI.~~ __ _

4:7me Année No 6 31 Mars 1928

Organe de la Société valaisanne d'éducation

SOMMAIRE: Rapport de Gestion de C. R. P. E. - Ch roniqu e de

l'Union : La prolongation de la scolarité. - Choses bonnes ·en tout

temps. - Se perfectionner toujours .. . - La main dan s la main. -

Echos de la Conférence d'Entremont. - Langue française: L'ha­

bitation. - Correction de la composition française . - A propos

d'analyse. - Causerie littéraire: La clarté du style. - L'ensei­

gnement de l'histoire locale. - Sou de Géronde. - . OS PAGES.

_ La Question sociale: Le Syndicat.

Rapport de Cestion de la Caisse de Retraite pour l'~~née 1927

Au 1er janvier 1927, la fortune de la Caisse de Retraite du personnel enseignant se montait à F r. 820,343 .25

Elle s'est augn1.entée :

1. Recette de l'année et part de l 'Etat Fr . 113,907.95 2. Equivalant par Fonds de Réserves, se-

lon art. 46, 4me al. du R. du 16 no­vembr e 1925

3. Intérêts

8,442 .50 36,210.10

F r. 158,560.55 158,560.55

978,903.80

Dont à déduire :

1. Equivalent par Fonds de réserves . F r. 2. Payen1.ent des pensions 3. Payelnen t des frais généraux

4. Impôt fédéral, droit détachement et frais 5. Payelnent des retraits aux sortants (19)

Fr .

8,442.50 10,464.75

3,561.25

704.95 7,893.40'

31,066 .85 31,066.85

Forutne nette de la Caisse au 31 -XII-1927 F r. 947,836 .95

Cette valeu r est représentée par le Bilan suivant :

Page 3: L'Ecole primaire, 31 mars 1928

1 Obligation 4 % % 1 41J2% 1 5 % 1 4 % %

·1 Dépôt 4 % % 1 5 % 1 5 % 1 4% % 1 4% % 1 4%% 1 5 %

38 Obligat. 5 % 20 5 % 65 5 1J2 %

5 51J2% Com.pte courant à la Caisse d'Etat

677 Assurés 18 Pensionnés

- 170 -

BILAN 1927 Actif

B. D Banque Cantonale

»

Dépôt ferme Banque Cantonale

Valais 1918 Valais 1924 Valais 1924

. »

Valais 1924 Banque Cantonale

Passif

Fonds de Réserves Conlpte d'ordre

40,000.-80,000.-40,000.-.

500.-35,000.-40,000.-

200,000.-110,000.-40,000.-

100,000.-90,000.-19,000.-20,000.-65,000.-

2,500.-8,885.35

56,951.60

947,836.95 .

735,904.35 62,481.50

117,484.80 31,966.30

947,836.95

Sion, le 16 mars 1928. LA COMMISION. POUl' la COlTIl11ission : S. MEYTAIN,caissier.

Chronique de l'Union

La prolongation de la Scolarité

L'article premier du règlement pour les Ecoles primaires du can ton ~u V alai~ es.t conçu en ces ternles:

« L E~ole .pnmaire a essentiellenlent pour but de former le cœur et l, es.p.~'lt de nos élèves, d 'en faire des bons citoyens, des homme~ lel!gIel~x ~t moraux, en leur inculquant les idées d'ordre

let c~e tr avall, aInSI que les connaissances les plus nécessaires .\ a VIe. C

O' « Pour att~indr; ce but important, il faut un personnel ensei­o~l~lnt capab.le. et devoué, secondé par les parents et les autorités Cl' I es et relIgIeuses » .

- 171 -

Nous voyons donc par là que notre tâche est bien moÏns celle d'instruire que d'éduquer. Nous ne pou, ons qu'abonder dans cet esprit. L'homme, en effet, n e vaut que par ses qualités morales. Et l'avenir de la fanlille et de la société repose essentiellement sur l'esprit de cœur et de justice de l'individu. D'autre part, le progrès intellectuel lui-luême est subordonné à ~a pratique de la vertu. Celle-ci seule libère l'intelligence de toute entrave à action paralysante et pernlet son plein épanouissemeat. D'ailleurs, tous ceux qui sont üuprégnés de foi chrétienne, qui nourrissent des convictions religieuses profondes ne peuvent mettre en doute la supériorité de l'éducation sur l'instruction; et jamais celle-ci ne suppléera à celle-là. Bien rares sont ceux qui ne peuvent citer dans la sphère de leur connaissance des exemples frappants d'in­tellectuels baignés dans une atmosphère de vices, incapables du plus petit effort de volonté et en butte au mépris de leurs sem­blables. Nous profitons de l'occasion pour crier à l'aristocratie nlondaine ac'tuelle, que nous ne reconnaissons à cette heure qu'une seule et unique noblesse digne de considération et d'estinle : celle de braves gens, aux aspirations raisonnables, aux âmes franches et loyales, aux actions vertueuses. Et cette noblesse nous la ren­controns en luontagne conlme en plaine, dans le hameau le plus m.odeste COlume dans la cité la plus considérable.

Cette tâche délicate de l'éducation nous est donc confiée. L'école primaire, en effet, accapare l'enfant à l'époque de la vie où son intelligence s'ouvre à des horizons nouveaux, où les im­pressions se gravent profondément dans son âme et y laissent des enlpreintes ineffaçables . C'est l'âge où il s'agit de veiller à l'épa­nouisseluent de ses facultés, où doit s'accom.plir ce travail de cultute pour les bons sentiments et de lutte contre les tendances luauvaises. Nous avons dans nos mains des fleurs délicates et précieuses qu'un rien peut ternir et fanèr. Et pour acco111plir œuvre utile en nlatière d'éducation , l'on ne peut agir à la hâte ni à la légère. La préparation doit être longue et profonde, constante et soignée. Les luaîtres devraient pouvoir agir sans cesse sur l'en­fant et le suivre non seulement en classe mais dans ses heures de libre et à la nlaison.

Mais, hélas! dans les circonstànces actuelles, chez nous, dans notre beau Valais, est-il permis d'entretenir des visées si hautes? Comment veut-on que dans une période de six mois de classe, l 'on puisse exercer une influence prépondérante pour la formation de l'esprit et du cœur de nos élèves? C'est demander l'impossi­ble à ces pauvres maîtres d'école. D 'autre part, loin d'en arriver à forn1er l'esprit et le cœur, nous ne pouvons que donner ' à l'en­fant un faible vernis de connaissances que les longues vacances de l'été ne manquent point de couvrir d 'un voile assez épais. ~i encore avec la mêIue scolarité, le progranuue était moins chargé, s'il nous était loisible de consacrer nos heures de classe à des

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exercices tendant à la formation de l'intelligence, du raisonne­Iuent, du jugement de nos dis'ciples, peut-être alors, l'école pri­maire aurait-elle atteint une partie de son but. Mais gardons-nous­en, Messieurs! Il s'agit tout d'abord de collectionner dans l'esprit de l'enfant toutes les nlultiples exceptions du pluriel dans les noms, les cÎlues innombrables des Alpes grisonnes, les dates nOlU­breuses de l'histoire suisse, car l'inspection nous guette au bout de l'année et ce n'est certes point sur les facultés de raisonnement de l 'enfant que portent les appréciations de MM. les Inspecteurs. Ce que l'article premier du règlement regarde comme l'essentiel n'est que l'accessoire ou mieux l'insignifiant en pratique. Et ces examens se nlultiplient pour le plus grand bien de l'école, dit-on!

Pourtant, nous berçons-nous d'illusions, ou l'esprit d'obser­vation nous fait-il défaut, mais il nous semble que la mentalité de nos populations se transforme. L on sent de plus en plus le besoin de l'instruction. L 'imluoralité, le Iuatérialisme envahissent la campagne, gagnent nos vallées .les plus reculées. L 'esprit reli­gieux se perd. Le respect de Dieu et de l'autorité manque à la jeu­nesse actuelle. Et de lnoins et moins certains paren ts ne sont à luême d'élever leurs enfants. Mais alors , qui les remplacera, ' si ce n'est l'école? EUe seule peut enrayer le mal et conduire les générations futures dans le chemin du de, OÜ'. Et pour atteindre ce but, une réforme dans l'enseignement s'impose. A cette heure l 'on se plaît à l'envi à nous couvrir de fleurs , à vanter notre mé­rite et notre dévouenlent, luais on s'en tient là. Par ailleurs, les journaux sont remplis 'd'articles soulignant les maux dont souffre la société actuelle. On crée partout des organisations puissantes à but philanthropique, on propose des remèdes; tous doivent opérer sur la masse des travailleurs, mais il n 'y a rien pour la formation de J'enfance. On engloutit des subsides énormes pour le développement de l'agriculture, on vote des crédits excessifs pour la construction de routes superbes et d 'une utilité douteuse, luais on lésin~ et on compresse avec la dernière rapacité le budget de 1 Instruction publique. C'est ,;raiment à désespérer de notre bon sens et de notre démocratie.

La réforme de la loi Sur l'enseignenlent est-elle si hérissée de difficultés que l'on n 'ose l'aborder. Nous ne le croyons pas! Des entreprises plus délicates et plus difficiles encore ont été présentées au verdict populaire et cependant le sort leur a été favorable. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour la modification de la loi scolaire? Qui oserait encore nier sa nécessité? La lutte cepen­dant revêtira un caractère ardent et passionné. La prolongation de la scolarité sera la pierre d 'achoppement pour l'acceptation de la loi. Pourtant, Dieu sait si elle s'impose. Nous la proposons obli­gatoire et annuelle pour les enfants dés l'âge de six à onze ans. L'on ne viendra pas nous objecter que les montagnards en ont besoin pour les occuper à des trava·ux agricoles; nous ferions

- 173 -

dans ce cas œuvre utile en proposant la cessation ~~une parei~le -exploitation 'du travail lnanuel. Or quels ~vantages 1 ecole. ne ]),1 ()~

, 'ait-elle pas à ces enfants, Ils recevraIent une bas,e solIde dans CUlele L ~t t e 'cer sur . t tes les connaissances primaires, e mal re pourral ~x I ' . ou. e inTluence heureuse au point de vue éducatIon p ar la

eux un . - 't' 1 ~t 'e Il formation de leur intelligence, Il appre?dral a es CO,n?aI, l " .

aurai t économie de temps pour les p .';n~des ~e scola~·Ite redu~t~" b'autre p art, le problème du chôma?e salso,nmer, :e~'aIt e~ p~I h~ résolu pour un grand nombre de maJt~'es ,qUI pouualent II ~,.a~llel à leur formation intellectuelle et p~'ofessIO~ln~lle et, sou~tra,Its de l'obsession de leur avenir, prendraIent gout a ]e~r profeSSIOn et .accompliraient œuvre utiI~ pour le ~ays tout entIer, L~~ l~aI'e~ts eux-mêmes ne demanderaIent pas mIeux que de pOUVOII s en Ie~ Iuettre au régent pour la garde de leurs enfants durant leUI absence,

Il y a donc une croisad~ active à entrep~'e~dre au~r~~ de l'opinion publique pour le tnomphe d~, cett~ I~ee. Nous Iecl~­mons ici le concours de tous ceux que 1 ecole Interesse et en ~aI­ticulier du clergé et des adluinistra-tions: Et nos collè.gu~s ser~le~t bien inspirés de tenter dès les prochaInes v~cances, l, ouvel h.l},e dans leur village d 'écoles d 'été. Nous ne connalSS~llS po~nt de n;~,­thode plus efficace pour assurer le succès de la 101 scolaIre et de.la nous leur souhaitons heureux succès. M,

Clloses bonnes en tout ten1lls Nous publions ci-après une correspondal;ce qui a par,u, il ,Y a

déjà un bon nombre d 'années, dans un numero du Bulletzn Peda­gogique de Fribourg .

C'est une lettre ad.ressée par un inspecteur à un jeune insti­tuteur,

Les excellentes directions pédagogiques qu'elle renfernle pourront peut-être rendre service à plus d 'un lecteur de l'Ecole primaire, La voici:

Monsieur l 'Instituteur,

Je viens vous présenter en toute franchise, et sans autre préa~­bule, la critique de la classe à laquelle j'assistai hiel~, Vo.us accueIl­lerez ces observations avec le même esprit que celm qUI me les a inspirées: tout ce que.i désire, c'est d'être utile à vous et à vos écoliers.

Commençons par l'accessoire, La salle m'a paru propre; mais ne pO{lrriez-vous pas lui donner un aspect plus agréable, l~lus attray~nt , soit en alignant mieux vos deux rangées de 'bancs, SOIt en la deco­rant de quelques vases de fleurs? Puis, il faut aérer plus souvent,

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L'a~r qu~ (y re~pirais m'a quelque peu indisposé. De l'air, de l'air pm, de l ~lr frals: ça ne coùte rien. J 'aurais a imé que vous eussiez ~Om~el?Ce votre classe exactement à l'heure indic[uée dal1s votre ordre C:1 ,10~I.. ~~us ave~ un e cloche et une horloge. Ainsi, rien de plus aIse. J al ete surpns de voir arriver plusiem's écoliers trop tard sallS que vous ayez demandé compte de ces retards. Prenez o'arde: si V?U~ l~'êtes pas sévère sur ce point, vous n'aurez bie'ntô; plus de chsc~plme. ~ue vos élèves sachent bien que l'on n enfreint jamais im­punement l ordre du jour de l'école.

'J'aime , bien le mode que vous suivez IJour la 1J1'1e1'e " t f t om; les

en an s ,prlen~ ensemble, en réeitant le Pater~ l 'Ave par petites phra-ses ; malS oblIgez vos élèves à fair e leur signe de croix avec plus de respect.

Pourquoi omettre ensuite l'examen de propreté et l'appel qui doi­vent suivre la prière?

l'VIais arrivons à la classe proprement dite.

J'~i été frap!Jé de trouver un ordre du jour aussi défectueux. Vous n'y ,f~Ites mentIOn que des devoirs et des leçons à donner au cours supeneur: Est-ce que la marche cles autres cours serait abandonnée aux capnces du moment?

~Ie pe~'mett~'ez-vous de dire ici to~te ma pensée? Votre ol'dre du . .lOl~r ~ll'a l'~ll~ de ~'~tre que de la frime à montrer à l 'insperotem' le ~0~1I c~ u,ne vIsite. J, al cru le remarquer au changement de leçons: ~os ecoh el s ne paraIssent nullement prévoir les leçons suivantes' ~ ordre que vous, su~viez le jour de ma visite leur était certainemen1, mconnu. MauvaIS sIgne que l 'absence d 'une marçhe régulière.

Et, votre journal de classe! Est-ce bien ce que l'on vous a r ecom­mande sur les bancs de l'école normale? D'ou' . t ~. c, VIen que vous n 'avez pas meme un regIstre affecté spécialement à cet usao'e 9 Je l 'al' . , 'cl ' '. 0 • exa -mme e pres, malS .l e vous avouerai qu'il m'a été impossible de com-pr.endre comment vos cours étaient agencés de façon à occuper à la fOlS et fructueusement tous vos élèves.

. Jeune homme, prenez votre manuel de pédagogie: étudiez de nouveau, oui, étudiez la manière de dresser le Journal d.e classe. Vous me paraissez avoir oublié tout eela.

. Vous ouvrez vo:r~ école en vous occupant du cours inférieur. C' t bIen. C~~e~dant, d ou vient que votre cours inférieur est scindé :~ deux dIv~SlOns? Est-ce que les élèves entrés à l'école il a un an, ne sauraIent pas encore lire ou bien auriez-vous per~js a~x parents de ~~us envoye~' des commençants quand cela leur plaisait? J 'ai oublIe de V?US ~nterroger sur la cause de ce déplorable fractionne

7

n:en~. Je chs deplorable, car dans une école comme la vôtre . reumt tous les cl 0'" l ' qUI , eol es, que ce temps ne réclame pas cette multiplic,ité de ,cours! Vous ne l 'ignorez pas, les leçons données pal' le moniteur aux commençants comptent peu, bien peu. Cependant les cours supé-

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rieurs ne sauraient être abandonnés à. eux-mêmes; ils réclament vos explications, votre parole. Comment concilier tout cela'? De gr6ce, ne multipliez pas les divisions et subdivisions.

Votre leçon donnée a:u premier tableau de Perroulaz était bien conforme aux principes pédagogiqu es. Vous av iez soin de remonter chaque fois aux éléments et vous suiviez la nouvelle épellation. Mais quel'e l'ebt tante monotoi1ie n'offrait pas votre leçon! Pourquoi ne 1)as diversifier votre enseignement par quelques digressions: expli­cation d'un mot, petite leçon de choses, emploi des caractères mo­biles, etc. '? L'heure de passer à un autre cours venue, pourquoi n e pas faire continuer votre leçon par un moniteur ? Vous les ren­voyez à leurs bancs et vous les obligez à copier un e série de bâtons au tableau noir placé derrière eux! Histoire de tuer le temps!

Pendant que vos commençants étudiaient le syllabaire, que fai­saient vos écoliers des cours intermédiaires? Des riens; car ils co­ùiaient leur grammaire, et cela sans direction aucune, sans expli­cation, sans moniteur et sans surveillance. Vous n 'êtes venu ni voir, ni contrôler leur trava.il. Souffrez que je vous le dise, tout cela m'a 1)aru bien défectueux. Inévitable conséquence d'un Journal de classe

mal dressé. Le cours supérieur écrivait pendant ce temps une dictée, sous la

,direction d 'un moniteur. Rien de mieux pour économiser le temps, que de charger un aide de faire les dictées. Mais que de critiques 11 a pas éveillées en moi votre manière de procéder ! Et d 'abord, pour­quoi choisir un sujet à cent coudées au-dessus de la portée intel­lectuelle de vos écoliers! La Mosaïque! Vos élèves n 'y comprenaient rien à une série de vocables aussi éloignés de leur langage et cie leurs idées ordinaires. Aussi, 1a plupart des mots étaient-ils com-1)lètement dénaturés. Mais si vous aviez des, raisons particulières de préférer ce sujet difficile à tout autre, du moins vous deviez le lire vous-même une fois et en expliquer le sens. Vos élèves ne sont. })as des Champollions pour les mettre en présence dïndéchiffrables

hiéroglyi)hes.

Mais que ne prenez-vous le livre de lectur~ ? D'où vient que vous ne faites pas préparer vos dictées, puisqu'on vous ra recommandé à récole normale? Le livre de lecture rend, en outre, la correction facile et fructueuse. Vous avez eu soin de faire échanger les cahiers })our les corriger. Je vous approuve, mais quels fruits aura-t-on retirés de cet exercice, puisque les fautes ' ont été seulement soulignées? Il est vrai que vous avez imposé pour tâc:iJ.e à vos élèves de relever deux fois chaque mot mal orthographié. "Mais, remarquez-le bien, si les enfants n'ont pas su écrire correctement ces mots qu 'Hs voyaient pour la première fois, c'était moins leur faute que la vôtre, puisqu'ils n 'a­vaient pas eu occasion de les étudier d 'avance.

Ce n'est pas tout. D'où vient que les 'élèves d 'un même cours ,écrivent l'un sur un cahier, un a.utre sur une ardoise, un troisième

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sur un carnet avec un c-rayon à papier? C'est le comble du désordre. Puis, vous demandez de chacun d'eux le nombre de fautes et vous ne les notez pas! N'emploierez-vous donc aucune des moyens orcli­naires pour stimuler vos écoliers? Avez-vous le système des bons points? Donnez-vous les places au banc? Distribuez-vous des prix?

Dites-moi que faites-vous pour les exciter a u travail, pour encou­rager ceux qui sont laborieux et pOUl' réprimer la paresse des négli-gents? .

Ce n'est pas encore tout. D'où vient la funeste h abitude de com­mencer les mots des réponses ~ donner par les élèves?

Mais ce qui m a le plus surpris, ce sont vos leçons de grammaire, qui ont suivi la dictée, leçon de gramm aire au cours supérieur sur le participe, leçon de grammaire au eours moyen sur le complément du nom, leçon de grammaire a u cours inférieur (division supérieure) sur le féminin de l 'adjectif. Que d'efforts, que de peines, que de temps consacré à une théotie stérile, vide de sens, niaise et rebutante!

Ceci m 'a fait croire que vous ne compreniez rien à l 'enseignement. De deux choses l 'une, ou réformer totalement votre enseignement ou ... je n 'achève pas.

Travaillons, . Monsieur l 'Instituteur, travaillons beaucoup. Votre tout dévoué,

x.~ Inspecteur.

Se perfectionner toujours

. .Il est i~?-disl?ensable de s 'améliorer soi-même pour perfec­hanner et raJeunIr son enseignement et rester supérieur à sa tâche. Car, sav?ir ne, suffit .pas: il faut savoir enseigner, c'est-à-dire

. commumquer a autrUI ce que l'on sait, m.ais d'une manière 01'­

.donnée, c}aire,. prenante, en adaptant la forme, le ton, le geste à la comprehensIOn de l'auditoire, en dosant la qualité et la quan­tité selon son niveau . .

. Travail automatique, dira-t-on? Non pas; l'éducateur a be­sOl.n de toute s~ conscience et de toute son énergie pour s'affran­clur de la routll1e et pour muéliorer son enseignement et sa m é­thode. Quel~e . que soi~ la carrière déjà fournie par un maître, il est u~e ~xpenen~e qUI ne s'acquiert qu 'au jour le jour et par un travaIl d adaptahon sans cesse poursuivi : c'est l'expérience de la classe vivante con1posée d'enfants dont l'instituteur voit l'intelli­gence et le sayoir se d~velopper peu à peu par le travail quotidien. Cette a~aptahon au nIveau de son auditoire exige de l'instituteur une .rev~sIOn constante de ses méthodes , un remaniement de ses ~xphcahons . Une leçon rabâchée d 'année en année, sous la même forme .et. dans les m.êmes termes devient un exercice mécanique et fastIdIeux, sans VIe et sans attrait.

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L'instituteur qui ne se perfectionne pas déchoit à son insu . Comment éviter cet écueil? En étudiant chaque jour et d 'avance les leçons que l'on va fai're, en les préparant à tête reposée et en calculant pour ainsi dire leur portée possible sur l'ensemble de la classe et sur chaque élève en particulier.

La main dans la main

C'est d 'abord aux Instituteurs que M. le Conseiller fédéral Musy a fait appel pour préparer chez nous une votation favorable au nou­veau projet de loi concernant les boissons distillées.

E n joignant à la conférence de M. Sermoud la discussion sur les moyens d 'enrayer l'alcoolisme par 1 école, le Département de l'Instruc­tion publique a tenu compte du caractère professionnel des réunions cl éducateurs.

L'accueil cordial réservé à la parole sympathiqL1E, du conférencier a exprimé clairement l 'attitude du personnel enseignant valaisan .

L'âge de nos élèves indicrue n ettement que la part réservée à l' école clans l 'immense tâche de la réforme des m œurs alcooliques n 'est qw~

nll'emcnL une campagne de votation, mais surtout une œuvre d.'?!du­ca1ion: Préserver la jeunesse des débuts d 'h abitudes a lcoolique:, par réel ucation abstinente et la prémunir contre des excès futurs par l'cn­~'.eigllrment antia lcoolique oecasionnel.

Ln dIscussion a quelquefois semblé insinuer qu'il exista ;t une S01-te un e sorte de rivalité préjudiciable entre la propagande législative et l'action éducative, que le souci de préservation antialcoolique pouvait nuire au succès de la votation, bref qu 'il fa llait choisir entre les deux.

L 'examen attentif de la question écarte pareille restriction.

La déchéance alcoolique ravage d 'abord l 'individu, chez qui elle su scite une coalition d 'obstacles intérieurs. Avant d'avoir sensiblement ébranlé le corps, elle a jeté le trouble dans l 'âme; grâce à la compli­cité des instincts, elle a affaibli la volonté.

Il s'agit avant tout d 'une maladie morale dont la guérison exige un remède approprié: la réforme individuelle. C'est là une œuvre édu­cative. « L'individu sera le centre de l 'action antialcoolique. »

Mais la volonté affaiblie rencontre trop de pierres d 'achoppement, d 'obstacles extérieurs. La réclame incessante d'un commerce puissant et du cabarétisme, l'opinion et les habitudes régnantes, les prétendues exigences de la vie sociale, des entraves légales, les intérêts d 'une éco­nomie nationale sortie de la saine voie, même certaines imprudences de la médeeine créent un milieu où le mal peut sévir à sa guise.

L 'alcoolisme est aussi une maladie sociale à laquelle il faut ap­pliquer un traitement de même nature. C'est ici que doit intervenir la loi, par exemple la réglementation de la production et de la vente

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des boissons distillées. Il s 'agit de créer « une zone protectrice» autour de tant de volontés faibles qui succomberont presque infailliblement dans un milieu social proalcoolique.

Ainsi l'éducation et la loi doivent réagir simultanément contre le ma.l. Il faut fortifier par la loi les mesures générales ' propres à ''::011-

tenir l'égoïsme d'un commerce trop opposé à l'intérêt général ct étLl­blir un cordon de sauvegarde autour de la foule des dégélléres.

Mais la loi toute seule est même impllissante pour réprimer des manifestations brutales de l'alcoolisme, comme en témoignent les plain­tes fréquentes sur ' le trafic clandestin d'absinthe, le nombre exagéré des cabarets, l'ivresse ambulante, etc. A plus forte raison, ne faut-il pas compter sur elle pour atteindre le mal dans sa source.

Quoi d'étorinant? L 'esprit public, non seulement n'est pas disposé au redressement de nos mœurs, mais il ne voit pas même le véritable visage du mal.

Voilà pourquoi l'action éducative énergique est la condition incljs- , pensable au succès de toute législation antialcoolique.

La première conquête à faire est celle des consciences.

Les premières influences à mettre en ligne sont celles du prêtre, de l'éducateur et d'autres autorités sociales.

Le plus pressé, c'est de préserver les existences non encore conta­minées.

Cet apostolat novateur ne peut pas s'appuyer sur la base .chance­lante d'une modération incontrôlée d'où la plupart dévient vers des excès occasionnels et beaucoup s'acheminent vers une déchéance pro­fonde; il faut l'attitude vigilante et catégorique du soldat qlli monte la garde aux frontières de la vie.

La tactique même de la propagande législative doit tenir compte de l'ensemble des causes de l'alcoolisme. On peut être tenté de char­ger l'eau-de-vie de toutes les responsabilités et de tonner contre l'alcool de la régie, « ce pelé, ce galeux, d où vient tout le mal. »

Dans la lutte contre le fléau' alcoolique, la victoire appartient à la loi acceptée par l'opinion publique. Mais pour que l'esprit public veuille et mérite une législation vraiment conforme aux intérêts de l'hygiène et de la morale, à la sauvegarde de nos énergies vitales, il faut qu'une génération entière soit élevée à l'abri de la contagion et des préjugés proalcooliques. G.

Echo de la conférence d'Entremont

Jeudi, 14 mars, les instituteurs d'Entremont, répondant avec un joyeux empressement à l'appel de leur inspecteur, se réunissaient à Vollèges, ravissante loealité aux sites enchanteurs.

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Mais si le site est enchanteur, la réception cordiale de sa ' vail­lante population et de ses dignes magistrats nous captive, nous im­pressionne.

C'est dans l'une des coquettes salles du nouveau bâtiment sco­laire de cette localité que nous attendait le plaisir d'assister à une très intéressante conférence donnée par M. Sermoud du Départe­ment fédéral des Finances, sur les ravages de l'alcoolisme.

La réunion fut rehaussée par la présence de NI. vValpen, Conseil­l r d'Etat, le courageux chef de l'Instruction publique, de M. le Rév. , Chanoine Terrettaz, chapelain à Bagnes, de M. Sauthier, Pré­sident de Vollèges.

Honneur à ces Messieurs qui ont bien voulu s 'arracher à leUl's travaux pour assister à notre modeste congrès.

A 9 h. X, la séance s'ouvre par la prière. M. Tissières, inspecteur­adjoint et Président d 'Orsières, préside la séance. Il nous fait part d'une nouvelle impressionnante: M. Canon, notre dévoué et aimable Inspecteur, est retenu chez lui par la maladie.

Par quelques paroles bien senties, il salue M. le Conférencier, les autorités de Vollèges et les vaillants instituteurs que le temps grin­cheux des premières heures du matin n'avait point effrayés.

Après la lecture du protocole et la confirmation du comité, la parole est donnée à M. Sermoud du Département fédéral des Fi­nances. Le sympathique conférencier conquiert toute la salle, par ses paroles persuasives, sa bienveillance et surto-qt par la maîtrise avec la.quelle il développe son SU] et.

Il nous met sous les yeux, par un graphique, le danger qui me­nace notre pays si une courageuse réaction n'intervient, car la Suisse est, parmi les Etats de l'Europe, celui où l'on boit le plus de bois­sons distillées.

Par ses paroles claires, précises, par ses tableaux pleins de clarté et d'une compréhension facile, l'éminent orateur fait toucher du doigt la plaie effrayante de l'alcoolisme. Son exposé est rempli de scènes poignantes qui donnent une véritable idée de ce terrible fléau.

La revision des art. 31 et 32 bis de la Constitution fédérale a été suggérée par des préoccupations ' d'ordre fiscal, mais la revision pro­jetée est intimément liée à une autre question plus grave: la lutte contre l'abus des boissons alcooliques.

Cet abus est énorme en Slüsse et ses effets sont un désastre. Cet ennemi redoutable détruit nos énergies physiques, paralyse nos fa­cultés, assombrit nos demeures et affaiblit les forces vives de notre chère patrie.

Cet abus s'explique facilement, quand on considère que la Suisse est le seul pays où la fabrication des boissons distillées se fait sans contrôle, où la vente se fait sans impôt et par le fait où l'on boit

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le pll!s de « schnaps» (consommation en raison inverse de lïmpo­sition) .

Suivant des recherches, des enquêtes faites dans les étë J)lisse­ments d 'enfants anormaux, les 1;lôpitaux, les asiles, les prisons, un grand nombre de victimes payent l a rançon de l 'alcool et sont un danger, même une lourde charge pOlll' la société. L 'on peut estimer· qu'enyiron le 40 % de ces dégénérés le sont par suite de l'abus des boissons distillées. •

Devant ce terrible fléau, nous n·avons pas le droit de rester sourd à l'immense plainte qui s 'élève de toutes parts. Nous n 'avons pas le droit de rester indifférent à un danger aussi grave. L 'alcoolisme menace de nous engloutir; à un si grand mal, il faut opposer des remèdes énergiques. Luttons contre l 'alcoolisme, ce dissolvant funeste qui dévore notre capital humain, nos énergies, notre ressort moral ct l'âme même c~e notre petite patrie. Il le faut pour la prospérité ma­térielle et la grandeur morale de notre pays ...

Des applaudissements prolongés soulignent la péroraison du conférencier, prouvant que les instituteurs sont convaincus de la né­cessité d 'une revision du régime des alcools .

Durant la discussion qui suit, M. l 'instituteur L. Gailland de­mande à M. le Conférencier si les distillations chimiques, bien plus nocives que les autres alcools , seront atteintes par la revision. M. Tis­sières, inspecteur-adjoint, parle de l'opportunité des deux questions: la lutte contre l 'alcoolisme et contre la tuberculose. 1\'1. Terrettaz, chapelain à Bagnes, parle de la nécessité de soutenir les autorités dans la communes afin qu'elles puissent mieux intervenü' dans l es manquements et les abus.

Il est midi. Les discussions se font rares; et chacun sent le be­soin de s 'accorder un petit délassement. M. Tissières, inspecteur­ad.ioint, nous invite à nous rendre sans arrêt au «Café de l 'Union» où un dîner fort bien servi et copieusement arrosé, sème la gaîté chez tous les participants. Bientôt, sous l 'habile direction de notre brillant ma.ior de table, qu'est M. Gailland, l'éloquence tombe à flots dans la salle trop exiguë: M. Sauthier, président de Vollèges; M. le Conseiller d 'Etat vValpen; M. Terrettaz, chapelain à Bagnes; M. Ser­moud; M. Tissières, inspecteur-adjoint; M' Troillet, instituteur; M. Moulin, secrétaire c-ommunal, prennent tour à tour la parole.

Mais en si bonne compagnie, le t~mps est si court et les plus éloignés doivent songer au départ.

A 5 heures, la séance est levée, et chacun prend le chemin de son village, emportant de cette fête quantité de bonnes et fermes résolutions et un souvenir inoubliable de Vollèges et de ses auto-rités. X. de L.

uh -

Langue . ,

francaise , ,

L'Habitation (S uite.)

6. Les Catacombes. - Un jour, tandis que Constantin assistait aux délibérations du Sénat, j 'étais allé visiter la fontaine Egérie, La nuit me surprit: pour gagner la voie Appienne, je me dirigeai sur le tombeau de Cécilia lVletella, chef-d'œuvre de grandeur et d 'élé­gance. En traversant des champs abandonnés, j'aperçus pluJieurs personnes qui" se glissaient dans l'ombre, et qui, toutes, s'arrêtant au même endroit, disparaissaient subitement. Poussé pal' la curiosité, je m 'avance, et j'entre hardiment dans la caverne où s'étaient plongés les mystérieux fa ntômes.

Je vis s'allonger devant moi des gal eries souterra ines, qu'à peine éclairaient, de loin en loin, quelques lampes suspendues. Les murs des corridors funèbres étaient bordés cl'un triple rang de cer­cueils placés les uns au-dessus des autres, La lumière lugubre des lampes, rampant sur les parois des voûtes, et se mouvant avec len­teur le long des sépulcres, répandait une mobilité effrayante sur ces objets éternellement immobiles. En vain, prêtant une oreille atten­tive, je cherche à saisir quelques sons pour m e diriger à travers un abîme de silence, je n 'entends que le battement d e mon cœur lans le repos absolu de ces lieux.

Je voulus retourner en arrière, mais il n'éta it plus temps. Je pris une fausse route, et au lieu de sortir du dédale, je m'y enfonçai. De nouvelles avenu es, qui s'ouvrent et se croisent de toutes parts, augmentent à chaque instant mes perplexités. Plus je m'efforce de trouver un chemin, plus je m 'égare ; tantôt je m 'avance avec len­teur, tantôt je passe avec vitesse: alors, par un effet des échos, CJui l'épétaient le bruit de mes pas, je crois entendre marcher précipi­tamment derrière moi.

Il y avait déjà longtemps que j 'errais a insi; mes forces com­mençaient ·à s'épuiser; je m 'assis à un carrefour solitaire de la cité des morts. Je regardais avec inquiétude la. lumière des lampes presque consumées qui menaçaient de s'éteindre. Tout à coup, une harmonie semblable au chœur 10intaü1 des esprits célestes sort du fond de ces demeures sépulcrales : ces divins accents expiraient et renaissaient tour à tour; ils semblaient s'adoucir encore en s'égarant dans les routes tortueuses du souterrain. Je me lève, et je m'avance vers les lieux d 'où s'échappent ces magiques concerts: je découvre une salle illuminée . . Sur un tombeau paré de fleurs, ï\lIarcellin célé­brait le mystère des chrétiens... Je reconnais les Catacombes!

Chateaubriand.

a) Conjuguer oralement au passé défini, au futur simple et aux telnps composés correspondants: être surpris par la nuit

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dans la CalTlpagne, s 'éclairer d 'une lam e sourde, prêter 'une oreille attentive aux bruits du dehors.

b) Relever tous les ITlOtS qui servent à peindre: a) le silence des catacombes; b) l'inquiétude d 'Eudore.

(Le silence des Catacombes s'exprime par les nlots : en vain, je prête une oreille attentive, abîme de silence, j'entends le bat­tenlent de mon cœur, repos absolu, écho, carrefour solitaire, cité des morts ... L 'inquiétude d'Eudore est peinte dans les termes: ITlystérieux fantômes, corridors funèbres, IUlnière lugubre des lampes, nlobilité effrayante, en vain .. . je n'entends que le batte­rnent de mon cœur, dédale, perplexité, égaré, tantôt.. . vitesse, je crois entendre, j'errais, inquitéude ... )

c) Donner un synonylne de : tandis que (pendant que), ga­gner (atteindre), tombeau (monulnent funèbre), abandonnés (dé­serts), ombre (ténèbres), subitement (tout à coup), poussé (excité), hardiInent (délibérément), fantônle (ombre, spectre), galerie (cor­ridaI') , éclairaient (illuminaient), de loin en loin (de distance en distance), lampe (lumière), murs (parois) , rang (rangé), lugubre (blafarde), effrayante (terrifiante), imlTlobile (fixe), saisir (per­cevoir), sons (bruits); repos absolu (calme absolu), retourner en arrière (reculer), fausse (mauvaise) , dédale (labyrinthe), per­plexité (incertitude), chemin (route, voie) , chœur (concert), ac­cents (accords), s'adoucir (s'atténuer), paré (COll' ert, orné).

7. Les migrations des pauvres. - L'ouvrier des villes ou des grands centres miniers est essentiellement nomade. Il se porte au jour le jour là où il y a de l'ouvrage, là où il y a du pain, là où il y a de l'espoir. Comme l 'oiseau, il s 'en va là où le vent pousse son aile, où le ciel est plus doux, le grain de blé plus dru, le vautour plus rare, et verte la branche tremblante où il perchera une saison, sans même se donner le temps ou la peine d 'y bâtir son nid.

Vous l'avez rencontré des centaines de fois, dans les quartiers pauvres et populeux de nos . principales villes manufacturières, la charrette à bras du déménagement: là s'entassent pêle-mêle Te lit éventré, le mobilier boîteux, le linge troué, les loques, l'outil du mé­tier, l'ustensile du ménage, le ber'ceau de l'enfant, la cage de l'oiseau - .le voudrais pouvoir dire le crucifix et la Madone de plâtre -tandis que le père s'est attelé bras nus, haletant, au chariot qu 'il traîne et que la mère · pousse par derrière, suivie de ses enfants qui pleurent, les petits sur les bras des grands, tous en guenilles, les pieds dans le ruisseau, la sueur noire au front. D'où viennent-ils, pourquoi partent-ils, et où vont-ils? A la grâce de Dieu! Hier du moins, ils avaient un Nazareth quelconque, avec un foyer, une cham­bre, un abri da:8.s un coin. L'Hérode qui, au bout du mois, les a: chassés de ce logis, c'est le propriétaire. L'arrêt qu'on leur a signifié, c'est l'échéance du terme.

Mgr Baunard.

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Correction _de la composition française

Voici un tableau-guide qui pourra rendre service à ceux qui ont à s'occuper de la correétion de compositions franç~ises dans les écoles prinlaires supérieures, dans les classes secondaIres, etc., etc.

A) Correction du fond.

Incompréhension du texte donné;

Dans le plan consi­déré en général.

Manque d'un plan logique; Manque d'ordre dans les idées; Manque d'unité; Développement au delà des limites exi­

gées par le suj et.

2. Dans l'entrée matière. [

Absence d 'introduction, d 'exposition si le sujet le demande;

en Exorde pris de trop loin ou hors du sujet;

Début insignifiant ou emphatique du né­gatif (je n 'ai pas dessein de, etc __ l

f Analyse trop détaillée, divisions trop multiples;

Omission de circonstances (fUi auraient fourni des amplifications utiles (cau­ses, temps, lieu, moyens, motif, ma­nière, etc.);

3_ Dans le corps ou le{ Définitions omises ou inexactes; , , Absence d 'exemples de preuve ou de de-

developpement. monstration; Exemples trop vulgaires ou trop recher­

chés; Ar guments trop peu nombreux, ou trop l faibles et exposés sans ordre, sans dé­

veloppement suffisant.

1

Manque d 'intérêt, parce que la conclu­sion ne résume ni ne juge pas;

Dans la ,conclusion- Conclusion trop didactique; Conclusion qui répète l 'introduction.

B~ Correction de la forme (défauts dans l'expression des pensées)_

·1. Prolixité, répétition d'idées, divisions' inutiles.

2. Mcinque de liaison dans les idées.

3. Fautes contre le mouvement gé­néral du style.

f Manque d 'alinéas ou leur abus; Périodes trop longues;

1 Phrases trop longues et abus des termes

C'onj onctifs; { Incidentes alourdissante$ ou parenthèses

1

trop multiples;

l Phrases saccadées, écourtées, haletantes,

mal équilibrées ou boiteuses; . Ponctuation défectueuse.

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4-. Fautes de constl'UC­

tian.

5. Fautes dans les tel'-DIeS.

f 1

~ 1 l (

1

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Néologismes, solécismes; amphibologies; Mauvais emploi des relatifs; Inversions forcées ou prétentieuses; "Monotonie des constructions; Abus des expressions excl~atives; Obscuri té dans les idées; Renversement des gradations; Manque de symétrie dans nombre dt

phrases qui l 'exigent.

Fautes d'orthographe; barbarismes; ex­pressions incorrectes;

Termes impropres; termes inutiles, para­si tes, expressions trop vulgaires ou tri­viales; métaphores incohérentes, lour­des;

Mauvaise alliance de mots; comparai­S0n8, allusions obsC'ures; répétition trop fréqu ente de noms, de pronoms, etc.;

Emploi abusif d'adverbes de manière ter­minés par ment, de syllabes nasales, de participes présents, de verbes à certains temps peu harmonieux;

Epithètes trop nombreuses, banales, inu­tiles, inexactes, impropres ou abus de conjonctions, de termes vagues, de ver­bes vulgaires (faire, avoir, être, etc.);

Cacophonie ou mauvaises consonnances.

A propos d'analyse

Il est des choses, banales en apparence, qu'on ne saurait tou­tefois se relnettre en mémoire trop souvent: la valeur de l'analyse pour l'enseignement est peut-être de ces choses-là, surtout quand il s'agit d'étudier des langues.

Si l'élève, tel un petit mécanicien, connaît bien chaque pièce de sa machine, c'est-à-dire chaque mot de sa phrase (nature et fonction) il sera moins exposé à faire de ces propositions ou phrases qui sont de véritables casse-tête chinois et la plaie des sujets de rédaction. Lecture, dictée, tout souffre d'ailleurs chez l'élève qui ne fait pas d'analyse; tout gagne, au contraire, chez celui qui n'écrit rien sans l'avoir examiné et pesé. L'analyse fixe l'attention, discipline la pensée, et, pai' le fait peut rendre inté­ressant un texte qui paraît aride.

. Quoi de plus monotone, par exen~ple, qu 'une lecture sans ana­lyse,? Une fois le sens du texte connu, les élèves bâillent, rêvent, se tIennent mal; leur corps est là, immobile, mais leur esprit est ailleurs; à peine prêtent-ils une oreille distraite aux rares observ8-tions du maître. -

Avec l'ana.lyse, cet exercice change d'aspect.

Un court exemple fera saisir notre pensée: Avant l'exercice,

1

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l'élève est rendu attentif à l'obligation de se demander la nature et la fonction d~ chaque mot, sans excepter ceux sur lesquels il ne sera pas fait de questions. L'horloger, ajoutons-nous, analyse, monte, démoI1te et remonte son horloge; le mécanicien-chùuf­feur, son automobile; les deux doivent savoir le nom et la fonc.­tion de chaque pièce. Pour l'élève, chaque phrase est une machine dans les pièces (les mots) sont groupées rationnellement (par Vropositions) .

Mettons que nous lisions « La fenaison ». Le texte com­mence par cette proposition: « La saison des foins est venue ... » Nous demandons: « Qu'est le premier mot? Rép. C'est u,n article défini - Qu'est-ce que l'article défini? Rép. Que fait celui-ci (fonction) ? Rép. Et le second Inot? C'est un nom commun. -Qu'est-ce le nom commun? Rép. - Que fait celui-ci? Réponse: Fenaison indique ce dont on parlera dans le morceau . - Relisez la première prop. Qu'est le mot des? Rép. - Que fait-il? Quelle est la fonction du mot « foin » ? Rép. - Qu'est-ce qu'une prop. ? Rép. - Combien en connaissez-vous d 'espèces? De quelle nature est celle-ci? Pourquoi? Dites la fonction de tous les mots qu'elle contient, etc.

Pour varier, on peut de temps en temps faire analyser à un élève tous les verbes qu'il a lus. Un second fera l'analyse logique. Un troisième découvrira les mots sujets, après avoir répété la définition de ce dernier. Un quatrième dira la fonction des noms. Un cinquième extraira, de ce qu'il vient de lire, tous les n~ots invariables et il les définira.

En . général, autant que possible, il est bon d'insister sur la nature et la fonction des mots et des propositions, sans trop s'ar­rêter aux détails, genre, nombre, etc.

Il est évident que la lecture proprement dite ne doit pas souffrir de cette manière de procéder, comine le disent fort sage­n~ent les instructions placées en tête de chaque livre de lecture: si l'élève n'est pas appelé à analyser chaque mot de vive voix , il n'est pas dispensé de l'analyser pour lui en particulier. D'ail­leurs, si l'attention fléchit chez l'un ou l'autre élève, une prompte, sévère et opportune question l'aura bien vite tiré de ses rêves.

Prenons encore la dictée. Comme ce travail se prête bien à l'analyse l ,Au fur et à mesure que l'élève écrit un mot, il doit se demander ou ' den~ander au maître ce qu'est ce mot et, quand la proposition entière est donnée, ce qu'il fait.

Quelques questions en relisant ou en corrigeant, permettr.ont au Inaître de s'assurer que l'on n'a rien écrit machinalement:

Et la rédaction, comme nous le disions en commençant, que de profit elle peut tirer de l'analyse 1

Et puis, s'il est bon de faire beaucoup d'analyse en gram­maire, il est non moins utile d'en faire pour les autr,es branches,

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nlême pour toutes les choses de la vie. Que fais-je maintenant? Pourquoi? - Qu'est-ce que j'ai dans les mains? D'où cela vient­il? Qu'est-ce que j'en fais? etc.

N'est-il pas vrai, l 'analyse bien entendue. commencée à l'école avec la grammaire, èontinuée pour la plupart, disons même pour 'toutes les branches du programm.e avec des adaptations diverses, peut contribuer à rendre la vie plus intéressante, plus fructueuse; elle peut mêlne nous aider à lTIOnter vers Dieu, source et fin de tout être. N., inst.

Causèrie littéraire

La clarté du style

La première qualité du style est la clarté. Le style est· clair si l 'on peut saisir immédiatem(-~nt . et sans E· fforts

les pensées ou les sentiments exprimés.

Tel n'est pas le fait de cette phrase, empruntée à l'éloquence mi­nistérielle : « Nous n 'avons pas eu l'idée d'avoir la pensée de rien faire qui pût nous faire supposer l 'intention d 'en avoir '! »

Fénelon réclame d 'a]}ord « une diction simple, précise, dégagée, où tout se développe soi-même et aille au-devant du lecteur.»

Les deux principales conditions de la clarté du style sont - avec la clarté de la pensée - la pureté de la langue et la propriété des termes.

Pureté lIe la langue. - Par pureté de la langue, dit :Mgr Grente, on entend l'emploi de mots que consacre l'usage, et des constructions de phrases que la syntaxe approuve.

Le dictionnaire renseigne sur les mots; la grammaire sur les tours de phrase ainsi autorisés.

Boileau prescrivait ce respect de la langue traditionnelle:

Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous 'soit toujours sacrée! En vain vous me frappez d'un son mélodieux, Si le terme est impropre ou le tour vicieux Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme. Sans la langue, en effet, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant éc-rivain.

Si chacun, en effet, pouvait, selon son caprice, modifier la syn­taxe et attribuer aux mots une signification variable, l'unité de la lan­gue n'existerait bientôt plus. « Un des malheurs de la France, disait ironiquement M. Faguet, est que des écrivains soigneux osent écrire: « Je préfère le perdrix que le chou. »

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Locutions vicieuses. ---= Il ne faut donc pas employer de locu­tions vicieuses: par exemple, le mot conséquent dans le sens de considérable, ni l'expression tout à l'heure à la place de tout de suite ou de maintenant.

De même seront prosc-rites des incorrections de ce genre: « J e partis à Paris»; « On prit nos casquettes pour aller en promenade»; « Il s'apercevait quelle responsabilité il avait assumée» (Lichtenber­ger); « Le général but dans celle (la tasse) qui représentait Jeanne d 'Arc; son neveu prit celle ornée par le combat des Pyramides» P. Adam); « Ce livre m'a intéressé; en face de la gare, je m'en rappelle »; etc" etc.

On ne commettra pas non plus des fautes . aussi graves que les suivantes: « M. le préfet, quoique changé plusieurs fois, lui a toujours témoigné de la bienveillance; C'est à la fois un voyage amusant et instructif - (un voyage et quoi ?); Je vous promets (au lieu de j'af­firme) qu'il n'a pas menti (promettre est personnel et concerne l 'ave­ni); Au nom du Conseil municipal et du mien ( de mon nom?); La ruine s 'abattit sur le prince, mais il l'était déjà (quoi); etc.»

On n 'oserait pas éC'l'ire: « Les gardes, après s'être retirées, il ne l'este sur la scène que Polyeucte», parce qu 'on voit bien que les gardes n 'ont pas de fonction grammaticale dans la phrase; mais l'on dit couramment: « Ce que je me suis amusé; ce que c'était drôle! »

et la faute est de même nature, puisque le mot ce reste égalen1ent en l ~air.

Phrases enchevêtrées. - On n 'écrira pas de phrases enchevêtrées où la proposition principale, étouffée par les incidents, apparaît con­fusément.

Quand le lecteur est contraint de s'arrêter pour réfléchir, soit sur le rôle grammatical des mots, soit sur la nature des propositions, c'est un signe d'obscurité.

Ex.: « Il se montra tel, dit Saint Simon, dans une place où il avait affaire avec le public contre lequel il s'embarricadait, en sorte qu'on n'en pouvait approcher, et tandis qu'il s 'enfermait de la sorte et que les plaideurs en ' gémissaient souvent encore de ses brusqueries, quand ils pouvaient pénétrer jusqu'à lui, il s'en allait prendre ,l'air, disait-il, dans la maison qu'il occupait avai1t d'être premier président et causer avec un charron, son voisin, sur le pas de sa boutique, qui était, disait-il, l'homme du meilleur sens 'tiu monde ».

Un moyen pratique de s'exercer · à la clarté est de prendre de ces longues phrases du XVIe et du XVIIe siècle et de les alléger de leurs incidents, de leurs . participes présents et de leurs tournures passives.

Phrases tortueuses. - Les phrases tortueuses, où les idées se succèdent pèle-mêle, doivent être évitées. L'esprit, pro'mené d'une pen~ sée à l'autre, ne sait plus se reconnaître. Exemple :

« Madame a raiso~1, dis-je, en prenant la parole d'une voix émue,

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qui vibra dans ces deux cœurs où je jetai mes espérances à jamais. perdues, et que je calmai par l 'expression de la plus haute de toutes les douleurs, dont le cri sourd éteignit cette querelle, comme quand le lion rugit tout se tait. » (Balzae.)

Phrases ambiguës. - Les mots seront disposés de manière qu'il n'y ait nulle équivoque.

Personne ne voudrait écrire : « Il sortit en pleurant du café», ni « Monument élevé la mémoire de X ... tué accidentellement en signe d'affection», et tous les écoliers s'amusent d 'annonces aussi burles­ques: « A vendre: piano du professeur Y. .. , obligé de quitter la ville dans une caisse en cilène et avec des pieds sculptés.» Mais Fénelon a bien commis cette phrase douteuse: « Il alla avec eux sous les . mè­mes voùtes dorées du brHlant Olympe boire le nectar, où les dieux lui donnèrent pour épouse l'immortelle Hébé. »

Vous riez de cette phrase: En attendant l 'arrivée des pompiers, le feu consumait la toiture.» Car vous dites aussitôt : Il fallait bien s 'occuper! Et vous plaisantez le chroniqueur. .Mais lorsque vous écrivez : « En attendant vos ordres, veuillez agréer .. ,» c'est un égal non sens.

V. Hugo, dans les « Burgraves », prète à l'un de ses personnages les paroles suivantes :

... Sanglant, m ais respirant encore, Tu me tins suspendu hors des barreaux de fer.

Qui, sanglant? qui, respirant? La grammaire répond tu, a lors que l e contexte dit me.

« Je viens, comme Thémistocle, a dit Napoléon, m asseoir a u fo yer du peuple britannique.» Il semblerait, d 'après cette phrase, que Thé­mistocle a sollicité aussi l'hospitalité de l'Angleterre.

Un général visite l 'hôpital militaire, et on lui demande s 'il veut parcourir les salles de l 'hôpital civil. « Certainement, répondit-il, les soldats seuls ne sont pas mes enfant,s.» Les soldats n e sont pas seuls mes enfants.»

Quelquefois, on suit son idée sans se soucier des mots et de leur effet,_ et on aboutit à des phrases ridicules. Exemple:

Dans uI.l roman de gros tirage, une femme se plaint que '3on mari ne lui adresse pas la parole duraht les repas: « Il mange tout le temps, dit-elle, sans desserrer les dents. »

Il est défendu aussi de faire des rapprochements de ce genr0 :

« Mieux vaut prêter serment qu'à la petite semaine ... Il prit le deuil et son parti de cette mort. »

A moins qu'on ne cherche un effet · comique, comme ce grenadier de la comédie qui avait reçu deux blessures, l'une à Wagram et l'autre à la jambe, ou comme Rochefort qui décochait à l'Empire cette épi­gramme: « Il y a en France trente-six millions de sujets sans compter ceux de mécontentement.»

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Ce son jeux de mots ou calembours dont on ne doit se servir qu 'avec une extrêm e cireonspection . Nous n 'en parlerons ici que pour' conseiller surtout de n 'en pas commettre d 'involontaires.

Exemple: La curiosité a · vaincu Loth.

lJ'enseignement de l'histoire locale

S'il est utile que les élèves sachent l 'histoire de la Suisse, il est tout aussi important qu'ils connaissent les événements qui se sont déroulés dans la région qu'ils habitenf - leur petite patrie. Il me semble que chaque instituteur en doit être convaincu et que cha­cun va lnettre à profit les idées si suggestives parues dans l'Ecole pl'ilnail'e (No du 30 janvier).

Au début de sa vie scolaire, l'enfant n 'est pas à mêm.e de sai­sir le sens du développement historique. Il faut l'initier graduelle­ment à cette évolution des choses: les sciences de la nature en constituent des auxiliaires précieux.

L 'étude de l'homlne, des animaux, des plantes procure des visions rétrospectives , entraîne à des explorations intéressantes du passé lointain. C'est l'homme surtout qui est le centre d'intérêt le point de départ, le foyer où rayonnent toutes les explorations,' sa manière de voir, d 'agir, de lutter; sa manière de satisfaire ses hesoins individuels , de maîtriser la nature ou lui obéir afin de pouvoir la vaincre. Cette initiation est faite sous fonne de récits récits qui captivent l'enfant et dé, eloppent la notion du temps:

« La guerre du feu », de Rosny; « Dâah le premier homme », d'Edmond Haraucourt, évoquent en traits inoubliables la vie de ces ancêtres.

Comm.e l'évolution naturelle de l'enfant reproduit, quoique d 'une façon abrégée et fragmentaire, les phases par lesquelles a passé 1 humanité, le passé le plus reculé se trouve être, - plus que le présent, - à la portée de l'enfant.

Après avoir établi ces coordinations synthétiques spéciales, nous pouvons aborder l'étude de toute une série de faits et de questions historiques se rattachant aux choses et aux formes de la vie sociale de son pays natal. L'enfant ne demeure en aucun cas A spect~teur passif e.n face des événements historiques, si le maItre saIt mettre en .l eu les moteurs essentiels à son enseigne-1nent~ l'intérêt, le lnouvement et l'invention. Le village le bourg la ville présentent tous des faits historiques faci es à interprétel: et sur lesquels il est facile également d'attirer l'attention de l'en­fant. . Pour sus?iter en l'ni l'~dm~rati?n pour tous ceux qui ont pu Inca~ner une eI?oque ?e la VIe hIstOrIque, nos écoliers doivent jouer un l'ole . Le InaItre hu demandera sa collaboration dans les recher­ches de la documentation. Avec eux, il reconstituera les faits.

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l1istoriques de tout ce passé en leur demandant de préparer ou d'enrichir les collections d'im.ages, de cartes postales, de docu­ments de toutes espèces, fossiles, lTIonnaies, o.utils, ~rmes, cos­tUlTIe etc ... Ce travail de recherches plaît aux enfants et les cond~1Ît tout naturellement à la reconstitution de la vie d'autrefois.

Les travaux manuels concourent de la façon la plus heu­reuse à l'enseigneluent de l 'histoire. Le dessin, le modelage ser­vent à représenter des monuluents; des églises, des chapell~s, des habitations, des armes, des ustensIles, etc . Ils permettent ~l l en­fants de saisir d'une façon plus vivante les cl~oses e~ les. fmt~ des temps passés et de constituer une sorte de petI~ musee h1stonque. Les excursions jouent aussi un grand rôle. V ~lr s~r place est un des meilleurs moyens de développer le sens hlstonque et de re~ ­dre l'histoire vivante; ces visites permettant de remonter de la p~ ­l'iode la plus lointaine à la périod~ la l:lus r~~ente. ~ ~e Vala;s offre à ce sujet 'un cham.p d 'observatIon tres vane: A cot~ du .cha­teau, on visitera l'église, le monument, la malS?n hlstO~'lqU: , l'usine. Que l'on juge les suggestions, les comparaIsons qUI nal-tront d'un tel tableau.

L'enseicrnement de l'histoire l'ocale peut être juxtaposé ù celui de l'histoire::> nationale ou bien les deux études ont lieu sin1ulta­nément. Toutes les fois que le n1aître, dans sa leçon d'histoire, a l'occasion de parler de la région, il ne manquera pas d 'y insister. F. CHAMPOD.

~ Pour le "Sou de Géronde" ~~<> La C lef du Paradis

Les e~lfants sont frèr es des anges! Leur charmante ÏIigénuité A des réflexions étranges Dont j'aiIne la naïveté. Un .four Bébé dit à sa m ère, Qui me l'a conté depuis,' « Je voudrais bien comme saint Pierre, «Avoir la clqJ du Paradis!

« Oh! cette clef si précieuse, « Ce doit être un bien beau bi.fou! ... :. Alors, émue et sérieuse, La mère prend ... un petit sou. Cette obole, elle la fait luire Aux regards de l' enfant s~l'pl'is Et lui dit avec un SOUl'ü'e " , « Voici la clef du PQ1:adis! »

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« Ce que tu vois, ajouta-t-elle, « Ce n 'est qu'un so u ! c'est peu! c'est bien peu ! « Et pourtant cet objet si frêle « Ouvre les portes du Bon Dieu. « Celui qui sauve et qui pardonne, « Lui-même l'enseigna jadis,' « Le pauvre sou qu'au pauvl'e on donne « Devient la clef du Paradis. »

Alfred Besse Delarzes (1848-1904).

Produit du "Sou dé Géronde"

du 1er janvier au 15 mars 1928.

Chandolin, Fang, 5.-; Bagnes, Lourtier G., 7.30; Plan Con­they, F ., 2.85; Grôn e Loye, M., 5 .-; Biel Schulknaben, 3.-; Chalais F., 7.-; St-Luc, G., 4 .10; Ayent St-Romain, G. II, 5 .-;

• Granges, F., 6.-; Vérossaz G., 4.-; Fiesch F., 2.-; Conthey Erde, F., 8.-; Troistorrents G. II, 7.50; IVlartigny-Bourg G. l, 2.10; Saxon Ecoles, 39.70; Martigny, F. III, 10.60; Glis Knaben, 4 .75; Conthey 5:ensine, G., 5.50; Martigny-Bourg, G. III, 4 .30; Premploz Conthey G., 4 .50; Zenuatt F., 10.-; Grimentz M., 10.- ; Conthey Bourg, M., 3 .50; Conthey Daillon F ., 2 .-; Orsières La­douay, M., 3.30; Sierre F ., Ecoles lTIunicipales, 38.50; Chamoson, G., 20.20; Champéry, F., 24.-; Chandolin , M., 3.-; Orsières Pra­surny, :M., 3.-; Lourtier Bagnes, F., 7 .~; Gampel Schulen, 75.-; Massongex Daviaz, M., 12.80; Orsières Arlaches, M., 1.50; Liddes Chandonne, 1\II., 3.20; Mollens, F ., 9 .50; Vex Filles inf . 5 .-; Riddes F., 8.35; Fully, G. III, 3.55; Ayer écoles, 7.-; Vai d 'Illiez, F., 10.-; Auserberg Schules, 5.-; St-Maurice, Ecole de Mlle Rrouge, 3.-; Bour g-St-Pierre M., 20.60; Saas Fee, 21.50; Veysonnaz l\~., 5.20; Liddes F., G., 6.45; Fully Branson G., 2.20; Bagnes Versegères, F., 7.20; Sion Ecoles prim., G., 31.-; Trient Les Jeurs, M., 5.-; 5:·avièse Ormone, F., 4.-; Sion, Ecole de M. Aubry, 2.40; Ravoire F., 5 .-; Grimisuat, 5.-; Collonges, F., 6.-; Châteauneuf, F., 7.50.

Est-il besoin de recomluander encore cette œuvre à la bien­veillance du P. E., et des élèves de nos écoles? Souvenons-nous qu'il y a à Géronde près de 100 enfants .dont b eJ. ucoup doivent à l.a charité 1?ublique ?e recevoir . leur ins truction. Si chaque en­f~nt d?nnalt au. mOIns un sou, nous aurions une jolie somme_ chsponlble à la fIn de l'année.

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~ Nos Pages l0~@ COURRIER DES INSTITUTRICES

.sOMMAIRE: Aux Institutrices du Valais Romand. - La fauvette du Calvare. - Grains de poussière. - Soleil...

Aux Institutrices du Valais Romand

. La retraite annuelle aura lieu du 8 au 12 avril à l'Ecole Nor­Inale des Institutrices. Elle sera prêchée par le Révérend Abbé Pilloud et comlnencera le soir de Pâques, à 20 heures.

Les institutrices désirant y participer sont instamment priées d'arriver le 8 au soir et d 'assister à tous les exercices.

Le prix de pension et logelnent pour les trois jours est de 7 francs par personne.

Jeudi 12 avril: Assemblée générale. 11 heures: Conférence du Dr Repond: L ) hygiène mentale et

l'enfant. 13 heures: Dîner. 14 heures .: Conférence de M. Sermoud, du Département fédé­

ral des Finances: Les ravages de l'alcoolisme. Les Institutrices, nous n'en doutons pas, voudront toutes

jouir des précieux avantages d'une Retraite fermée; toutes aussi tiendront à faire acte de présence à l'Assemblée générale.

Le Département nous accorde à cette occasion 4 jours de congé. Le Comité.

-~ La rau\7ette du Cal\7aire C3"--

Ah! non) je n)irai pas sous son toit solitaire) Troubler ce juste en pleurs par le bruit de mes pas, Car il est, voyez-vous, de grands pleurs sur la teITe Devant qui l'amitié doit prier et se taire;

Oh! non, je n)ind pas.

Lorsque de ses douleurs le blond fils · de ~Marie) Mourant réjouissait Sion et Samal'Ïe)

Hérode, Pilate et l'Enfer, Son agonie émut d'une pitié profonde Les anges dans le ciel, les femmes en ce Inonde,

Et les petits oiseaux dans l'ail'.

Et, sur le Golgotha noir de peuple infidèle) Quand les vautoùrs) à grand bruit d'aile)

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Flairant la mort) volaient en l'and; Sortant d'un bois en fleur Clll ]Jied de la colline)

Une fauvette pèlerine Pour consoler Jésus se posa sur son front.

Oubliant pOUl' la Croix son doux nid sur la branche). Elle chantait) pleurait et piétinait en vain) Et de son bec pieux mordait l'épine blanche)

Vermeille, hélas! du sang divin; Et l'ironique diadème

Pesait plus, douloureux au front du morilJ(wd, Et Jésus , souriant d'un sourire suprême)

Dit cl la fCll.zvette: « A quoi bon? ...

« A quoi bon te rougir aux blessures divines? Aux clous du saint gibet cl quoi bon t'écorcher ? Il est) petit oiseaux) ·des maux et des épines Que du front et du cœur on ne peut aITacher.

La teInpête qui m'environne J eite Clll vent ta plume et ta voix)

Et ton stérile effort, cm poids de ma couronne. Sans même l'effeuiller, ajoute un nouveau . poids. »

La fauvette comprit) et) déployant son aile, Au perchoir épineux déchirée à moitié, Dans son nid que berçait la branche maternelle, COllnzt ensevelir ses cJwnts et sa pitié. Oh! non) je n )irai pas) sous ce toit solitaire) Troubler ce juste en pleurs pal' . le bruit de mes pas, Cal' il est) voyeZ-VallS, de grands pleurs sur la terre Devant qui l'amitié doit priel' et se taire;

Oh! non, je n )irai pas .

Hégésippe MOREAU.

Petits Grains de poussière Ils flottent vaguement un peu partout, sans qu 'on fasse attention

à eux, les petits grains de poussière.

Ils n 'ôtent pas le jour, mais lui enlèvent un peu de sa limpidité.

Ils ne détériorent pas les meubles ou l'étoffe sur lesquels ils se posent silencieusement, mais ils ternissent leur éclat et permettent aux insectes de se dissimuler et de pénétrer dans le meuble ou l'étoffe.

Petite et imperceptible poussière, n 'es-tu pas l 'image de ces petits et imperceptibles défauts qui flottent silencieux autour . du caractère - auxquels on ne prend pas garde - qui se cachent dans ses replis

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t, petit à petit, le rendent moins bon, moins attrayant, moins facile à supporter, moins agréable?

Voyez s'agiter et tourbillonner autour de vous ces mille et mille formes un peu vagues, comme s 'agitent et tourbillonnent dans un rayon de soleil ces mille et mille atomes si légers qu 'un fouffle les dissiperait - formes ondulantes qui cherchent à s'insinuer et à se reposer en vous.

Elles s'appellent : petites minutes de paresse - petites lâchetés clans le devoi' - petites impolitesses - petites insouciances - petites légèretés - petites inattentions - ' petites manières sans gêne -petits oublis - petites négligences dans la toilette et çlans la tenue - petites susceptibilités - petites habitudes dl? moquerie superfi­cielle - petites lambineries - petites curiosités.

Ce n'est presque rien tout cela - tout cela même a, par moment, un certain côté gracieux, et cependant qui de nous, vivant avec ceux qui ne savent pas chasser ces importuns, ne s'est pas senti plus ou moins mal à l 'aise, un peu mécontent, un peu refroidi, un peu blessé et attristé?

Oh ! ceux qU'Oll aime, comme on les voudrait parfaits, et comme ces menues imperfections les déparent!

Va donc, chaque matin, toi qui veux aimer et être aimé, fair e plaisir et être heureux, va 'porter devant le tabernacle où reste' Jésus, ou au moins devant l'image toute gracieuse de la très sainte Vierge , ton âme, ton cœur, ta volonté, ton caractère - pour que Jésus et Marie les rendent plus forts pour la lutte, plus vigilants, plus dé­voués, plus aimables, - comme on porte aux premiers rayons du soleil les fleurs qu'on veut garder plus fraîches, plus épanouies et plus odorantes. . P. d'O.

Soleil ... S:oleil, vie des vieillards, espérance des hum.bles, divine cha­

rité que le Ciel fait aux pauvres, tu coules COlTllne un fluide es­sentiel et béni aux veines de l'anl0ur, de l'art et de la gloire! ...

Mais tu coules aussi, belle onde chaude et dorée, sur ces vi­sages où ta flamme se heurte à une autre flamnle intérieure, à l'ardeur puissante et douce qui soulève déjà nles enfants vers ta lumière bien -aimée ...

Voici le temps où les vergers tendent, frém.issants sous le ciel, la foule fleurie de leurs branches . L'espoir des fruits dort sous les fleurs comme une pensée heureuse au fond d'une âme. Les rameaux s'ouvrent, bras parfumés qui appellent des lendemains de gloire. Un rêve d'apothéose court avec les sèves sous tous les aubiers... J

Voici le' te1nps où les vergers évoquent déjà des ors et des ombres, l'odeur miellée des abricots, la goutte de sucre que ' pleure

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tout bas le petit œil rose des figues. Déjà l'on pense avec envie aux soirs éclairés de lucioles et d'étoiles, où, dans la houle indisci­plinée des graminées aux fins panaches, on entendra, de temps en temps, l'écrasement sourd d'une pêche trop mûre. L 'on pense aux matins délicieux où la peau satinée des pom1ues sera cou­verte de petites perles, et où les oiseaux s'appelleront avec des mines gourmandes autour des branches alourdies, ..

Tout cela, c'est toi qui les donnes, soleil appelé, imploré, sans qui rien ici-bas ne saurait vivre. C'est ton étreinte éblouissante qu'attendent les branches ouvertes, et pour s'effeuiller pêle-mêle au vent des chemins, les fleurs fragiles du printenlps 'guettent tes longs doigts de lumière.

Viens, tu pourras boire les sources e~ la couleur fraîche des. roses, puis.que par quelque doux prodige tu donnes à la chair des fruits ce que tu dérobes aux jardins et aux font~ines . Ta robe somptueuse est accablante lorsqu'elle s'appesantit sur les plaines basses; 1nais comme elle est belle, le soir, traînant son repli sur le flanc des collines occidentales, hésitante, comnle si malgré les appels de l'autre hémisphère elle' ne voulait pas nous abandon­ner ! ...

:1:

'" * Ecoute, voici des visages chéris, où le m.ys tère des ressem­

blances a déjà fixé un printemps qui me rappel1e tout le nlien. Voici teùdus vers toi des fronts marqués pour quelque œuvre idéale: l'espoÏl: de l'avenir y dort COlnme le fruit dort parmi les t'leurs ...

." Et voici le temps où j'évoque la route estivale, la route qui aura pour nîarges les belles 111ois50ns nlürissantes et les vergers riches de fruits. D'avance .le me réjouis de la récolte sans pareille qui fera ployer les branches et dont les épis seront gonflés. Et .l e pense aux matins légers, pleins d'espérance, où l'âme soulevée a des élans d'oiseau ... . je pense aux soirs, enveloppés d 'une séré­nité divine, et que traverse le vol silencieux des phalènes aux ailes veloutées. Mais j'évoque surtout l'apothéose ardente des cueillettes, lorsque sous ton baiser, sole,il, les beaux fruits mùrs se détachent d'un air de lassitude heureuse, en parfumant les mains qui se tendent vers eux! ...

Tout cela, c'est toi qui le donnes, Soleil d'en-haut, dont l'autre n 'est qu'une pâle image. C'est toi qui dois dorer et mürir ces fronts que j'habitue à se tourner vers ta splendeur et à te chercher au fond du ciel: ainsi les branches printanières s'élèvent dans l'air frais d'avril...

C'est toi qui prépareras l'été de ces âmes; fais-le abondant, et qu 'il remplisse jusqu'aux bords les treillis d'osier des corbeilles! ...

M. BARRERE-AFFRE.

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La question sociale

Le Syndicat x.

L'Association professionnelle. - Par le seul fait qu'ils tra­vaillent dans une profession, les hommes, dès qu'ils ont pu le faire, ont partout et toujours cherché, avec plus ou moins ?e succès, à s'assembler en groupes séparés d'après la profession. Dans le précédent entretien nous avons vu comment les COl'PO­rations avaient satisfait ce besoin naturel d 'association et com­nlent la Révolution, devant le grand nombre d'abus qui s'y étaient introduits , en décréta la suppression. Elle se trompa d'ail­leurs gravement en cela, et pour éviter un mal, elle tomba dans un mal pire; car les ouvriers se trouvèrent, à partir de ce mo­Inent-Ià, sans protection efficace. Tous leurs efforts tendirent alors à recouvrer ce droit d'association, qui correspond à un be­soin impérieux de l'homnle. Ils eurent à soutenir bien des luttes, jusqu'à ce que la loi de mars 1884 leur reconnût ce droit en auto­risant les Syndicats professionnels.

LE SYNDICAT La protection des 'intérêts professionnels. - Qu'est-ce qu'un

syndicat? C'est une association libre de personnes appartenant toutes à une nlême profession, qui se groupent pour la défense de leurs intérêts communs.

Ainsi par exemple les ouvriers boulangers d'une ville se groupent et formel~t le syndicat' des ouvriers boulangers: le salaire, le nombre d'heures de travail, la suppression du travail de nuit, le remplace­ment du pétrin à bras par le pétrin mécanique, le repos hebdoma­daire etc. sont des questions qui les touchent tous de très près; leur santé' leu~> avenir leurs ressources pour vivre et élever leur famille, sont 'en jeu pour' eux tous. Il est tout naturel qu 'ayant les mêmes intérêts et plus ou moins les mêmes besoins, ils s unissent pour la défense des premiers et la satisfaction des seconds.

Pareillement, les ouvrières de la Mode' et de la Couture, s 'unis­sant entre elles, forment un syndicat de l'aiguille; par leur. bonne entente elles obtiennent qu'on les paie davantage, qu'on supprIme la veillée, si nuisible à leur santé et parfois à leur réputation.' q~ 'on distribue l 'ouvrage de telle sorte que le chômage de la deml-SaIS<4l1 soit en partie supprimé, etc ...

Par exemple encore, des patrons, pour régulariser 13: p~'?duction de leurs usines lutter contre la concurrence, exporter a 1 etranger, s 'associent en ;yndicats de leur profession soit dans une ville, soit dans toute une région ou même tout le pays.

Avantages du Syndicat. - Comment les syndicats peuvent­ils améliorer les conditions de travail et de vie de leurs nlembres ?

1. En leur rendant des services d'ordre matériel: par exenl­pIe, en établissant des ateliers de chômage, dispensaires, restau ~ rants syndicaux, coopératives, lnutualités, caisses de prêts gra­tuits, cours professionnels, etc ...

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2. En leur rendant des services d'ordre social et, notamment, en soutenant leurs revendications auprès des pouvoirs publics et des patrons, en revendiquant de justes salaires et des conditions de travail humaines.

Ces avantages ne peuvent être assurés qu'à ces deux condi­tions: 1. avoir de l 'argent; 2. maintenir l'entente.

Les cotisations syndicales fournissent l'argent nécessaire , quand elles sont payées régulièrement. S:upposons un syndicat de cinq cents m.embres, donnant chacun une cotisation mensuelle de 1 fr.; au bout de l'année, la caisse syndicale comptera 6000 francs a, ec lesquels elle pourra rendre à ses lnembres des services di­vers, compensant, et bien au delà, le versement des 12 fl'. payés par chacun d'eux. Plus la cotisation sera forte, plus aussi les res­sources du syndicat seront éle, ées et plus il pourra rendre de services à ses membres.

L'union entre les syndiqués est indispensable: il faut savoir se confonner à une décision prise au syndicat et renoncer à son caprice, parfois à son intérêt particulier, s'il est contraire au bien général. Le succès de l'action syndicale est à ce prix. Aussi un bon ouvrier prévoyant et. comprenant ses intértês sera aisément un bon syndiqué.

DIVERSES SORTES DE SYNDICATS

lVIais il n 'adhérera pas à n'importe quel syndicat. Vous avez compris certainement quelle grande force naît de l'association, de l'effort commun de centaines, de nlilliers de pel'sonnes. Or une force peut agir pour le bien ou pour le mal. Tout dépend de l'im.pulsjon qui lui est donnée, des principes qui la cHrigent. Il est donc très important de bien choisir son syndicat, car tous ne réalisent pas les deux conditions essentielles, reconnues néces­saires à une action bienfaisante.

Le choix du syndicat. - Il faut que les syndicats profes­sionnels aient exclusivement pour objet l'étude et la. défense des intérêts économiques industriels, commerciaux 'et agricoles et qu'ils s'inspirent d'une doctrine juste et vraie pour juger, régler les questions qui les regardent.

En effet, si le syndicat n 'est basé sur aucune doctrine, il sera comme une arme entre les mains d'un fou. Un fou est un homme n 'ayant ni raison ni suite dans les idées. Un jour il peut faire usage de son fusil en tuant un loup, mais le lendemain, il peut aussi bien s 'en servir pour tuer un homme.

Le syndicat s'inspire-t-il d une doctrine erronée, malsa.ine, il sera l'arme redoutable du malfaiteur.

Et donc il faut une bonne et solide doctrine à Ja base d 'un syn­dicat afin d 'en faire une arme pour la .iustice qui donne à chacun son dû et pour la charité qui défend les faibles et les opprimés.

Les Syndicats ouvriers. Parmi les syndicats d'ouvriers, on peut distinguer trois gran­

des catégories, différentes surtout par l'esprit et la doctrine qui les inspirent.

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Les syndicats à. principes socialistes . - On les nomn~e en ­core syndicats l'ouges; ce sont les plus nombreux, car ils ont ra~­lié tous les lnécontents , en dénonçant des abus sans doute, malS aussi en attisant la haine et la r évolte, en faisant de belles autant que trompeuses promesses. De plus, ils ont enrôl~ ,souvent dans leurs rangs les timides et les hésitants, en les obhgeant par des lnenaces - parfois n~ises à exécution, à 1 occasion des grèves -, à donner leur nom au syndicat et à payer les cotisations .

Les syndicats professionnels cl principes chrétiens. - L es ouvriers sérieux devraient tous aller dans les syndicats profes ­sionnels à pl:incipes chrétiens, c'est-à-dire fidèles à suivre la doc­trine mo.rale de l'Evangile.

Nous avons parlé plus haut de la corporation et de la confrérie: ces syndicats chrétiens sont à rapprocher, par leur but, des anci ennes corporations, et non pas des confréries. Ils s'occupent directe.ment d~s seuls intérêts professionnels du groupement; c'est pourquoI Ion clIt qu'ils ne poursuivent pas un but religieux. Toutefois, à· côté d'eux et les doublant en quelque sorte, il existe très souvent une association ou Union catholique des mêmes syndiqués, qui ressuscite et fait revivre dans le même esprit qu'autrefois l'ancienne confrérie; c'est-à­dire qui travaille à développer la vie chrétienne de ses membres, pour le plus grancf profit d'ailleurs de la profession. . .

Ces syndicats à principes chrétiens ne reçOIvent en leur sem que des catholiques. Mais, il en est d'autres, spécialement dans, les P~ys où les protestants sont nombreux, qui ne clemandent que l adh eslOn à la morale chl~étienne et qui comptent des protestants parmi leurs membres.

L'adhésion à la morale chrétienne, cela ,eut dire que pour juger toutes !es questions relatives au travail, ils s 'appuient sur les principes de justice et de charité enseignés par le Christ et par . l'Eglise et que, notamment, le pape Léon Xln a rappelés a \'ec tant de force dans son Encyclique sur la condition des ouyriers.

Syndicats .1aunes. - Il y a Inême une troisième sorte :rle syn­dicats, qui ont pris eux-.lnêmes le nom de Syndicats jaunes. Ils sont constitués par les ouvriers, mais avec l'aide financière de certains patrons. Sans doute, leurs adhérents peuvent jouir des mêmes avantages matériels que les syndiqués des autres groupes, mais on voit combien il leur sera difficile de réclamer et d 'agir -le jour où ils auront de très bonnes raisons poul: cela - en de­bors des décisions patronales . En sorte que ces syndicats jaunes, privés de l 'indépendance nécessaire, seront portés tout naturelle­Inent à se laisser vivre bien doucement et n auront jamais l'al­lure décidée, l'esprit ouvert, l'activité que vous remarquerez chez les gens qui ont dû lutter et se débrouiller tout seuls. Quoi qu'il en soit, les ouvriers n 'ont pas l'air de compter beaucoup sur les syndicats de cette couleur; . ils n'y vont presque pas. Ils disent que les syndicats jaunes ont surtout pour but d'empêcher les grè­ves, même justes; aussi appellent-ils souvent leurs· adhérents: briseurs de grèves.

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Syndicats patronaux. A côté des syndicats ouvriers , on rencontre, dans la plupart

des pays, des groupements professionnels de patron::i. Les pa­trons d'une n~ême ville ou d'une même région se groupent pour étudier les plus justes et les meilleurs procédés à suivre en vue du bien génél:al de la profession ou de l'industrie.

Utilité des syndicats patronaux. - Ce serait donc une erreur grossière de croire que ces syndicats de patrons sont faits pour simplement soutenir la lutte contre les syndicats ouvriers et ne se constituent que pour cela. Eviden~n~ent, ils .ont à défendre les intérêts des patrons; mais le lneilleur nloyen de les défendre est de travailler en commùn avec les syndicats ouvriers de la même profession 'pour l'intérêt général de celle-ci.

Il est donc à souhaiter que ces syndicats patronaux se· multi­plient, qu'il y ait de moins en moins de patrons isolés, de « sauvages », qui refusent de faire partie des associations patronales de leur pro­fession. C'est la condition de l'organisation professionnelle générale de IÏotre pays.

Conunission mixte. - Quand le syndicat patronal existe ù côté du syndicat ouvrier, les questions intéressant patrons et ou­vriers, et notamment celles qui peuvent les diviser, son.t examinées par des délégués des deux syndicats réunis en commission mixte.

De ces exanlens, sérieusement et paisiblenlent poursuivis en vue du bien général, naissent des accords, des conventions col­lectives ) qui règlent pour un temps fixé l'avenir de la profession et de ses membres. Elles ont en général donrié, partout où on a pu conclure de pareilles conventions, d'excellents résultats: elles ont enlpêché les conflits et assuré la paix profitable à tous, em­ployeurs et employés. Nous en reparlerons un peu plus au long dans le prochail} entretien.

- Syndicats agricoles. Dans les COmlnlll1eS rurales, il existe des syndicats qui réunis­

sent les propriétaires grands et petits, les métayers, les fermiers , les éleveurs, les ouvriers de la terre, etc.

CONCLUSION Il faut souhaiter que les patrons d'une part et les oU\Tiers

d'autre part, organisés par profession et par région dans de puis­sants syndicats, animés les uns et les autres par l'esprit de justice et par le désir de la paix sociale, cherchent à s'entendre par le moyen de commissions mixtes; ainsi, travaillant de concert, ils serviront, a\ ec la prospérité de l'industrie qui les fait "i,' re , leurs intérêts bien . compris, qui sont aussi ceux de la patrie.

Les syndicats chrétiens peuvent être des agents actifs de cette organisation professionnelle si souhaitable, parce qu'ils savent que le progrès individuel et social ne peut se réaliser que dans la paix et par la justice qu'enseigne et qu'impose la religion .

Il faut que les catholiques aillent nombreux dans ces syn-dicats. -

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RÉSUMÉ

1. Les travailleurs ont toujours cherché à se g,roüper pro­fessionnellelnent.

Leurs associations professionnelles autrefois s'appelaient corporations . - Actuellem.ent, ils se groupent en syndicats,

2. Le syndicat est une association libre de personnes exer­cant la n'lême profession; il a pour but l'étude et la défense des intérêts communs et l'organisation professionnelle. Les syndicats rendent à leurs men'lbres des services d'ordre professionnel, ma­tériel, moral et social.

3. Pour être bienfaisant, le syndicat doit satisfaire aux deux conditions suh antes:

a) avoir uniquen'lent un but professionnel (donc pas de ])0-

~itique) ; b) s 'inspirer d'une doctrine solide et juste pour juger et r é­

gler les questions qui les intéressent.

4. Il existe plusieurs sortes de syndicats; il n"est pas indif­férent d'adhérer à son gré aux uns ou aux autres, à cause de l'opposition des doctrines qui les inspirent .

Les syndicats à principes socialistes (syndicats rouges), se basent sur une doctrine de lutte de classes et de révolution vio­lente. Action politique marquée. - Les syndicats pl'ofessiennels cl principes chrétiens reposent sur la doctrine sociale catholique: amélioration du sort de l'ouvrier par l'union des "Classes et l'Ol'ga­nisation de la profession. - Les syndicats ouvriers, qui ont be­soin du secours financier des patrons (syndicats jaunes) ; ne peu­\ ent pas jouir de l'indépendance nécessaire.

5. Il n 'y a pas que des associations d'ouvriers ; les associa­tions de patrons forment les syndicats patronaux.

6. Des délégués du syndicat ouvrier, réunis en conseil avec des délégués du syndicat patronal, forment Ja ,commission mixte.

Nulle organisation ne pourrait aussi bien que cette commis ­sion lnixte, contribuer à l'organisation de la profession et à l'apai­sement des conflits.

Les syndicats chrétiens peuvent être des agents actifs de cette organisation professionnelle si souhaitable. Leur développement est donc très désirable. '

Pensées Pour les défauts d 'autrui, support, Et sévérité pour' les nôtres; C'est ainsi que 1"0 If arrive au port Content de .soi et maître des autres.

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