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EOOLE , PRIMAIRE ORGANE DE LA SOCIETE: VALAISAl'llil TIOII N° 7 Pour la rentrée des classes ' vaoda'l1ces , touohent à leur ' fin. Les !écoliers songent ' q:u1e le ffiloiment va fi- '1ür du !bon temps, du ,temps ils vent : bag"llleruauder !a'u d1u, 'caprke, et lever ta 1 lld et ne se pif 1 élo1dCUa per ' de tâclhes, de hw'es" '- et peut-être de t'OUette. I ]CJeS 1 111'a1, tJres i atussi songent leu.r n' ou- vel!1e «v' oIlée », le joH lmtot ,qui IPalrle d'Ioi- seaux, idont ils Slônt , les IÛ'iseleu.rs .. , ai- m:ants 'etslÛ'uvent ·aimés. Ils songent 's,ans l arm:ertume,arvec ,.plaisk même. Ils ' se . detnlaniden.rt conument ils vont pI1o! cé- der Jo'btenir un :meilleul[ «r ' erude- mellJt» 'q ue l'année idernière, pOUlr ohte- une .meilleu' re als1similatilon du p'(o- gl i1a ' mm'e ' et de :meilleurs resultats. Car il être . . . Iplf ' aihique. ILe 'S i oui ci d',être pf'atique : pfÜme tout en : f1lo: tre siècle ruti'LHai'r.e. On Ipeut s'e de. mander ,si les, in térêtsl d'·âme , et die coeur ne sont rpas à , ces intêt1êts \que le 1 : et , tenfe-la-terlre tient Ipour , «pr:alhq:ue ». SION, Septenlbre Ig: 31 M, aiS! ' aooe . lptons le sens v,ulgaire du mot. , Nous rpensons ' qu,e le Ipr<og1rès de nl os classes I m10ins 'dI UlperfediOlll. a .rrement ·q· ue 1' , on Ipour,l1aH l aIP:p:olier à n'os méthlodes e't à nos ; moy:ens ment que ,du !perfectiounemient mo, r.al 'Ou religieux ' de Iceux ,qui oui, les leçons de rl 1 ançaÏ's, de oallcul, voire de et , de llrav.aùx 'll1I anue}s, 'e.t l'assimilaiion inte1'ligente des p 110,gr.amm es, ont plu;s de q'u'il ne semlhl'e avec la · de re m 1l. l onceme11Jt et de rrecueillement,disons, plus 'simplement, si 1' ; 0'11 veut, avec la vie ' chlvét.ienne ,quelque peu intérieur.e, à liaqueHe S'ont lp:a' fVe11'U!S les maHres d'éoole. Il , est, vous l'.adJmettrez, des , dal s:ses failbles , et des classes il ,est Ides ,classes , moyet1Jnes qui I s'réohel !onnent du m1 édvÛ'ore au bon; il es t, dans, iUn:e· ' mê- ' me cIrasse, , des hr'anches ' meil1eures et di es brl a11ldhes 'moindres. Q!uelle ' eslt la If.aison die 'oette difWêr.eni ce? Les l elèves? Sans doute:, il1l!ais moins 'q1 u"on ne , cr.oH. - 'La du maÎ,tre? ' M1ais

L'Ecole primaire, septembre 1921

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Page 1: L'Ecole primaire, septembre 1921

~~ ~

~ ~ ~. EOOLE , ~

~ PRIMAIRE ~yAl)

ORGANE DE LA

SOCIETE: VALAISAl'llil

D'EI~U(JA TIOII

N° 7

Pour la rentrée des classes

~Les, 'vaoda'l1ces ,touohent à leur 'fin. Les !écoliers songent 'q:u1e le ffiloiment va fi­'1ür du !bon temps, du ,temps où ils 'Peu~ vent :bag"llleruauder !a'u '~né d1u, 'caprke, et '~e lever ta1lld et ne Ipoin~' se pif1élo1dCUa per 'de tâclhes, de hw'es" '- et peut-être de t'OUette.

I]CJeS 1111'a1,tJres iatussi songent 'à leu.r n'ou­vel!1e «v'oIlée », le joH lmtot ,qui IPalrle d'Ioi­seaux, idont ils Slônt ,les IÛ'iseleu.rs .. , ai­m:ants 'etslÛ'uvent ·aimés. Ils songent 's,ans larm:ertume,arvec ,.plaisk même. Ils 'se .detnlaniden.rt conument ils vont pI1o!cé­der 1p'~Ulr Jo'btenir un :meilleul[ «r'erude­mellJt» 'q ue l'année idernière, pOUlr ohte­n~r une .meilleu're als1similatilon du p'(o­gli1a'mm'e 'et de :meilleurs resultats. Car il ~aut être . . . Iplf'aihique.

ILe 'Siouici d',être pf'atique :pfÜme tout en :f1lo:tre siècle ruti'LHai'r.e. On Ipeut s'e de. mander ,si les, in térêtsl d'·âme ,et die cœur ne sont rpas 'Stu,)J.é.rieUi~s, à ,ces intêt1êts \que le :~'~nlS (lO\l~l.t~nun, ~OUjrOUlflS ~atrériel 1 :et ,tenfe-la-terlre tient Ipour, «pr:alhq:ue ».

SION, Septenlbre Ig:31

M,aiS! 'aooe.lptons le sens v,ulgaire du mot. ,Nous rpensons 'qu,e le Ipr<og1rès de nlos classes idJ~pen:d Im10ins 'dIUlperfediOlll.a

.rrement ·q·ue 1',on Ipour,l1aH laIP:p:olier à n'os méthlodes e't à nos ;moy:ens d'e1lJseig.ne~ ment que ,du !perfectiounemient mo,r.al 'Ou religieux 'de Iceux ,qui ense~g,nenl: oui, les leçons de rl1ançaÏ's, de oallcul, voire de ~;y,ml1!asüque et ,de llrav.aùx 'll1Ianue}s, 'e.t l'assimilaiion inte1'ligente des p 110,gr.amm es, ont plu;s de \ralPlprO'1~ts q'u'il ne semlhl'e avec la ,capalci~é ·de rem 1l.lonceme11Jt et de rrecueillement,disons, plus 'simplement, si 1';0'11 veut, avec la vie 'chlvét.ienne ,quelque peu Ipel['~onnelle, intérieur.e, à liaqueHe S'ont lp:a'fVe11'U!S les maHres d'éoole.

Il ,est, vous l'.adJmettrez, des ,dals:ses failbles ,et des classes ~ortes; il ,est Ides ,classes ,moyet1Jnes qui Is'réohel!onnent du m1édvÛ'ore au bon; il es t, dans, iUn:e· 'mê­'me cIrasse, ,des hr'anches 'meil1eures et dies brla11ldhes 'moindres. Q!uelle 'eslt la If.aison die 'oette difWêr.enice? Les lelèves? Sans doute:, il1l!ais moins 'q1u"on ne ,cr.oH. - 'La Isèie~nlce du maÎ,tre? 'M1ais ;~ous

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Pour exercer l'autorité sur l'enfant il faut d'abord le comprendre

Vous 'Voulez commJan'der 'à la nattH'e, oo·mmencez par vous soun~etfuïe à elle.

die 'm:ax·ime :d'iallrt1're :PléllfadoX1ale de HaleG'!l ne Ir,eçloit nulle ,par:t sion éllp:pHca­tûon lé1!utau1Ji: .qlue ;sur le ~enr:ain de l'édu­cation IPlotUlr ,commander ·à l'entant, au j"eune 'h,omm'e, il fau t ten~Ii con~pte ,de leur lP'sychto~ogLe ~p~écilale, et rpo'wr en te­'lliÏ1" '·compte, il f.aru t ~la 'connaîiire. ·

IM·ais looon1aHIre et ,comprendre l'en­fant n'est ipas chose facÏ'1e: no'l.l!S aVIOns été enfa1l1{s, Imais nouS! ne le 'Siommes plu's, iet ll'Ollisa'ViOlllSI 'qu.elqne ,peine à I1JO'lfSI Ia:bsltir.aire :dle la rléaltté 'qUie 'l1l011S

so·mmes IPnésentement,. pour r:emonter, Ipaf le ISlotl!venÏr, ;à ce que nous: tétiOI11IS, enfants. 'N ous ~ommes eXlposés à tom­ber dans run \rellativi'sffie ·g.r:ossier et fu­rreste, 'en V/oyant l'enfant à t1r'avers 11'0··

tre tempér'éllmeat ,d'hommes, . et à lui 'pil)êrer, sauf la Inat'ulfité let la bai le, to U.­

tes les· ÎiC~ées, ~oultes 'les tendances, tlo'Ut~s les dilSlpositiions Ique l'.alllalvse n'Ons faIt di ' couv,rir dans 'l'ho'mme lValit, nlégHge'a:nt totalement lce :qui fiait l'io'f,i'ginaIité in­(Iomm'llaücable ,die Pen[ant. Est-il éJton~ nant 'q'U!e l'eniant, !ainsi 'ciOlnpris, ne soit 'qu'lune ttiédJuotiion OUI lune ,oaricature de l'homme 'fait, et s'écarte :de ,J'enfant vé­ritable .alUVafl1lt Ique le nain se sépafle de P'enfant ifl!01mal, dont il se °if1alp(p'fiOche implemen:t ipar la taille .et siouvent par

l'insu~Hslance 'de s'on dëvelop:pement in­tellectuel et m'o'fial. Il me fait sOlruger, ~omme natlliJ.iel1ôment, à ces .pel1lsionrnJa~­res d'un ooHège de Rome, le Colle{<bo nobile, 'qui à l'â'ge 'de ,dix à douze :ns, 'S'alff,ubLaie11't dléj à du ·costume de

S'oh1ée, ,p\Of,tant -f'11ac, pI.astrnol1i et 'chapellu Ih.aut ,de iforme.

(P.our loorn!pœnc1re l'enf.ant, il ne f,au.t pas 1'léhvdier exdusivement de l'exté~

~rieuret Ip.aJr lanal'ogie avec nous-mêmes, il :f,aru,t, ISlui:v:ant l'ingiéni:eUlse h:1lée de H. Berg/son, s'installer 'd'emhlée .au sein

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m'ême ,de la ,riéalibé, il \fall't, dans la me~ S'ure du pO'ssi1ble, 1P1I1Q.céd'er 'Piaf rnrituition {U'ede, et 'cet,te int'llliüon, sui'v~n~ Ile mê­me .auteu1r, :est ·urne :symp.atJhle In.tellec­:rueUe,

T.JH. 'f labre lai êJmer'veiIlé le monde de; savants ,et de ,ceux 'qui 'Sont ~ll'l:ieux des ohiolsels de }a rn1atuœ, :enlleu..r o['evelant la vie et les mJœUirs :deS! insectes, 'Quelle ~);a!Hence ne 'l'ui :a-t-il plas rfaUu :pour 's~ IpeHlcheJr doum et nuit SIUIf les Insedes, 'poUir srulflplfendre leurs mœllir~ et .. les jeux :de leUiDSi instinots, .qlUieUe mtUlhon meDveilleuse faite ~oute entièif:e, peut-'on ,dire, ·de Isympa:tlhie avec les Ipetits êtres, -objets de ses iétuldles,! iOn ~h1ouV,~r.a s~ns doute 'qlue l'eniiant 'Y.aut bIen ·d etr,e letu­dvé .avec lia Imême .paüence et à l'aide de la même S')'rmpatJlüe.

~

Comprendre l'en1fiant, ·c'est d',ahorc1 ô.lœnetke 'qru'il est enrftani, c'est-à-dire q'U'il est .à' cet ·â!ge d'équilibre instable et Is'o'l1'mis :àf 'Un IDéllpide déve}oIPlpeme.11't. L'homme fait, le vieHl:anl sUtnoult, est à Pébat .s~,ahq'ue, il aimie Iltn:e ,certal~ne tr.a'llquil1i~é, rune vie rlég,lée, stans· n~n d'imp:névu; il esi installé :dlans 'Une VIe toute .o:rglani$êe, -dans laqlU'elle l'au:to,ma­tisme emahrssant ,des !htahi,tuJdleSi ,oocu­pe 1a rP1'11'S glnain,de iP,artie Ide 'l:a place. L'en~:ant est à l'léta:t dynami'que, ·il est l'hbmttne 'q'ui 'Se orée plar 'Utne él:,~'I,uÜOl~ ,oonstal1te; il ,aime Ique 181011' mllleui lm ,ressemble, ,qu'il Sioit f'ait .de Imohilité, de Ichan:gements 'et !d'.i,mp'flév:ll's,; la tl1é~\~II'a­rivé Ipapf,aite, le ,oonvenu et le lunadlhon­ne'l l'éneJrvent· les 'changements, les m:odifiioaüons, 'les 'surprises ménagées l'enchantent. Il comprenait 'bien l'enM

fant 'cet êdUicateUir i'l1dompalf1alble, M. l"aJhb:é Lagamlje, ·qui s'i11J~niait à tou·, jhurs !renouveler ,q'uelqU'e 'dho.~:e dans la disposition 'des liocaux et l'a:menagement des sepy:kes :diu ·collège, :p,endanJt les oonglés, :arfin de ttnlénag,er à Ises enfanbs ides ·sulf/pifi'Ses :a:u retO'UJT ,des Vlalcances.

lOomprerudtre l'enlfiant, Ic'est sentir q ~e ce jeuJ.1Ie 'être sourit ,à ,la: vie.et ·qu.e la V.le lui sOll'rit, qu'il n'a ipas sulbi encore les .fnoÎ'ssement,s d'un destil1J ;contraire, 'qu' il s'ép.anouit, 'donfiiant Icomme 'Une Neur cIlan:s l'esiPOir ,dU' soleil die 'midi. Un au~ teuf ,disait que l'enfant devr.ait 'être éle­vé « in ' hymnis iet canticis» (dans ~~~. hymnes -et les Icantiques), .q1ue don~ 11 ne 'doit ,pas Ire11lcontœJr !chez 'ceux qUI le dirigent 'U1n visa:ge 'mlaussade, 'q'ui fla's'­'Se o011li:r.aste .avec son ah~ lépanou.i, 'une raideur qrui 'blianelhe avec sIOn eX!u:béran .. ce . une ~IiQidewr {ja}lcullée qui tombe, ,co~llime 'llifiie iClloulohe ·g;lalœe, S'Ufr le hOiU-il­}Ionnement de ses sentiments.

lOo:mprendre P,enlfa!l1't, Ic'est savoir ,qu'là 'sion â'g'e ,on a Ibesoin de ise dlêp~nM ICler foUement, Ique l'on -S'I$pre11'd iPour toutes Oies fio:rmes vvolentes 'du m:o:uve­ment, 'qu'il y laUitait danger ,de contrlain­dJl:e ,d'une If.aço.ru 'figide une eXiuibél-Jance i1f1iésistible, et ,qu'à ifoor,ce de !refoll!ler Veff'S FintJérieur l'a di'~ploni!bilité d'éner­gie nerveuse, \(}n s'·eXipos~r.ait ~ pro du ~­fe des :pell'tulr:ba~tons .qUI :aU'r.atent leu.r r,et'entissement dans la vie ·mo·Dale de l'enifant.

GO'11llprendre l'enfiant et 'Surtout le jeune homme, ,c'est s'aper,cevoir q,u'il est flacHe à lancelr versr ILes ,entr-epnses g1énéreuses, ,qru?il est s'U:~de)pti'})le ,d'el~­thtousiasme, .P'O:UIfiVU! Iq1u'lon sache lui fa 1-

re envis'a'ger 'un but IclliHicile à ;aUein­.d:re, 'et un llé'slultat Iqu'il y aur,a 'q,uelq ue glloire ;à réaliSe![. 'Pifooposez aU! jeune­homme 'q.ui ,a ·dle 1'amour ,p:f1opre - et Hs deVinaient ItlO'llS :en aVloir - des ' ·cho­s.es Ibrop ais!ées :à :aldoompliIr, fI \res,tera ·fl10id, :H 's'lahsHendIia 10U :agi,ra 'S.ans g'oût ev sall1JS tél:él!l1l ; pl1ÜJposez-lui ~es dloses di'flfvciles, h1alldies, ou ,du lUOlpS

qui ,paraissent telles, et vous IO'btiendrez cl es IPIflŒdi,gres ..

(A suim·e.)

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Petit Paysan

Petit pays'Rn tu viens ct'enlrer à Pécole d,u vii Hage.

Jusqu'à maintenant, ,lu as vécu librement, au .gr·and air. 1IU/ as a,ppris il connaître la pen' te opier·reuse .qLl1i ,conduit à la monta'gule; lu t'es Ifamiliar.ilsé avec ,les :ruelles du village où les 11lla·i'hons on! des galedes ;à. Ijou~: contre lesquel­les s 'aWonge, mUle 'fo'i,s tor.due, la. tre,ille ,de ·vigne; en pa'ssant deV'aJl1lr les peht-s 'ja~dNJ.os ,lout f.lroris, tu as écouté chanter les abe~l1~s; tu tes arrêté souvent ·sur la Iplaœ où la vletlle fontaine raconte toujoiU,rs la même hi,stoire; et puis t,u as couru dal\l'S l'Ihel'be haute, par­mi les pommiers' en iIeUlrs, tandi~ q.~'au.des. SlUIS de ta tête de petits nuages glIssaIent l~n­temen,t dans ~e 'Ciel bleu; le long des ha~e~ toutes neul'ties dJ'laulbélpûnes, lU as pOUil'S'lllVl les ,papilll'Ü'ns avec le 'Jrreme lacharnement .que nous meHons, nous, les 'hommes, à poursuIvre les ohimères de 'l'exi,stenœ.

A parcou,l'IÎlr les chemins rocailleux, tU' as élargi ·t,a .poitrÎlne et dW'ci tes j,~rets. , T.u. rrrimpes 'SJUol' les arbres comme un Jeune eCU~ ~elllil et, san.s en ·avoir l'air, dans tes vagal' bondéllges, tUi as appri's bea.u:co~'P, d~. ohoses.

'JuSlgiU.',au rjour ?ü tu es ~ntr~ a ~~col~; t,u étais l,ilbre' tu' élalt ton maltre; ta 101, 'c etalt tou bon p1ais,i~. Aujourd'hui, plus. L'écol~ ~e réclame, d"instinct tu te soumets là sa d~,SCi. ,pline. Comme tous ceux de ta race, ~~ deV1ne~ que ta liberté rég.ide dau:s cette obel'S·sa~ce a ,la loi - ,à cette loi, égale pOUT tOUIS, qm veut Igue petits ga-rçons et petites ibHles .de t~u-te condition de l1'i'luporte quel ·rang socIal, pr,.en­nent ploa'~e là la même table, danS!. la memc classe et reço'ivent les. mêmes leçons.

Da{ls cette école de village où ,ton père e~ ton !grand-,père ont lreçu. les conn~Issrallces qUL

devaient leu,r per'1l1ettre de ,se gUtlder dans la vie t,u jJrCl!1rls tplQ.ce à ton tour. C'est l~ 'que tOI; inteUi,gence s'aiguisera, J'à que i.u trouves ras ce qui dloit meubler ton cerveau. Sous ce plafond ba.s, bIandhi là ;la c?aux,. en fa:e de ces murs ornés de cartes derouJees, pres de ces fen.l'êtres oU/Vertes sur un paysage de ver­O'ers de prairies, de champs de blé! et de col­iine~ mollement ond:ulées, tUI apprendIr,as 'que 'Ml des'CendiS d'une 'l'o,hulSte souche paysanne, A vec tes ,petits condisciples lu pénétreras peu â peu dans le passé. Vous 'apprendrez, euX et toi, lue ceuoc qua' ;vous out précédé dans

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la vie ont longten~ps labo,LUré et euse'111encé celte boune terre Iqui vous nûuu-1-Ü. La maison ca'mpagnarde que VOUIS parcoUirez de la cave au grenier, en joua;nt à cache-cache du,rant les jours de pluie, ills l'ont habitée ,avant VÜlus, ~Is l'ont 'rendue con~orta!b1e. C'est tà qu'ils -ont véoul, aimé et 'souIHert.

TÜluit cel'a, iJ, faut ,que tu le saches, - petit ŒJaysan - afin que tu aoquières œtte noble Ibierté de ceLu~ ui se ;sent dans la vérité de ses origines. C'est â l'école du village que tu: ap­prenŒra,s Ique tu es unl authentique produit du sol dans' l~quel tu :plonges déj!à de profondes 'l-acines. 'Maiin1:tenant ill\! es le jewIe arbre dont la sève a tant de force qu'elle ferait éclater l'écorce. iPlulS ta,rd ce 'sera .1a montée des feuil­les) puis ],a HoraÎ,son qui est 1" ~anortLissement de la jeunesse et emfrin la belle maturité avant la déc-r~pitu;de_ Ta race, c'eslt œlle de ces ro­hus,tes pays:al1'& IqllJi, ,aIUX :jours de danger, son1 le premier il"empad de la nation.

,Pa:rce que demain tu: pos'séderas UU1 coin de terTe et une maison pour abriter ia fa­mille, ,tu n'auras Ipas de peine à cOl11,prendre ce Iq.u'est la patrie. Alor,s tu, ltai'mera's, cette patrie, parce Iqœ ton coinl: de .terre en fa:it pa,rtie et aussi tes aJfifedions 'les plus chères; tu l'aimera's -comme I\.lJJ.l bon petit Ipaysan sait aimer, c'est .. à:"'C1lire 'sans bru:it, ,sans paroles vaines, s i~ellCiel.lJsement, pr ofondément. Et si quelque JOUl',tu deva'Îs tout 'abandonner pour protéger ton pays men a'cé , tUI partimis sans 11ésj,tanol1 pa'rce que tu sais d'où tu vioo's et Olt tUI va's.

A l'école Idlu vi,Uage, tu connaîfifas toutes c s choses en ,apprenant ,à lire, c'es.t~à-dire en dOI\.1Uant aux mots leur valeur r éelle et leur sens p mpre. On t'enseignera à éCliÎre une langue s imple et h011lnête comme celle que 'tu parles. D'albord ilu ,apprendras :à connaître ton ,1 ays Hata'l, les plal\1tes Iqu.i y croissent et les 'forêts Igillii' l'entourent. Puis le cercle de tes cOl1lf1ais's'ances s'élargiiJ:'la; ton jugement se [armera ,peu 'à peu et tu s,auras discelil1er quels 'sont tes' droi.t,s et tes devoi'rs. la manière de vivre d,ans ,la société et les ég'a:rds que tu dois à tc's s embltable s'.

A Fécale du 'V iHa'ge , tu n 'apprendras q.ue les ohoses es,sentielles_ Ce qui formera Ion raisOlnnement, c'est le contact quotidien cl.e la natu.re et des hommes. A mesure que ru gl'an­diiras, le champ !de tes connaiss'ances s"é'la,r· gira; ,fou ser'as fier de ton vinage, fier de ta l,ignée, et ~e robusle boni 'sens que iu a.g"

3S

comllle tO'lLS iCeux de ta race, fera de foi un être fort, bien . êquilihré, une conscie11:ce droi. te, Ull homme enifiill! J ean des SClt1J'ins.

.. ----_a ....... _-- --

Les idées de M. Brusquet sur la réforme de renseignement 1)

<dl n'y a de sérieux que ce qui ne le paraît pas . »

Mon ami Bru.squet lle Cf'a'ÏtU1 pas le pan­!loxe. Il a Isu,r les g.randes Iq>uesüons à l'o-rdre du jOU'l' en ce mûment dans 11oh-e pays et a illeu·rs , S011 -opinion bien aürêtée, qui, le plws souvent, Il'es1 :pas l'opillioo du g.rand nombre. Ses idées sont â liU:i et Ï'l ne tient pas énormémeult à ce qu'on les partage. S'il les expose, c'est uniquement, semble-t-il, pour le plaisir de VÜlus étonner.

_ P.uistque vous êtes décidés à rénover, chlsait-il l'a'lt:bre (jouir, commencez par siml~li -1ier les écriiures imlPosées au maître d'école : 'S:wpprimez le grand 'Regi'stre mairiou.)e, les Livrets st-ollaires les Carnets Ijournaliers, les Carnets de fréq:uentation. - Ceux-ci pour­ront d'aitleur's êt,re repni,sj dès' .que l'élève aura atteint 'Sa 10me année, parce Iqu'talors Hs au­ront leur raisonl: d 'être. - On ne C011serve­rait, selon moi, en fa'it de ,livrets, que. œ~ui de la Caisse 'd!'épargne, dont la tenue n a Ja­mais su.rchargé l'in st itLl:teu,r , ,pàs p~lIS q,ue

~l'ÜIStitutTice . Quantt à l'énorme Onglet des Circulai'res, il pOLluait d,i'spar'aître sans in­convénietntts, ....

_ iMla,i's, h:asrurdai-ie, Ique 'ferez-vou,s des circuna'iifes elles-mêmes? '

_ La cirou.Iaire a-t-elle donc tant de prix? répLiqua-l'-il s'ans rire. QU"est-ce RU, juste? di- . les-le quoi. Un enchevêtrement de phrases dé­cousues, destinées à contredire d'autres phra­ses ayant servi â composer sur le même s.uljet d'autres ciroularires. Comme son nom l'indi­que, elle tOlLrne 'a,utour ides questions de telle ~açot1 ue ceux qui la font ne la con~prennent pas tOUijours et Ique 'ceux qui la lisent ne la comprennent ,preS/qlLle jt~Hll!ais.

Au sur,plus, classez-vous réglementaire-

1) Cette ba.utade a paru 'd1an? i'Ed1wat6'l /'1' du 19 mars. ,Bien qulelle ne ISOit pas, absolu­ment appropriée à. notre 'situation 'Scolaire, 1~ personnel valai,san en:seignant y trouvera ce­pendi<lnt matiè're à s'en am!U'ser un brin.

ment et soigneusement ces feutHles officielles dans cet onglet '~l.'uqil1el vou's, feignez de tant tenir? Il est permils ,d'en douter si l'on en croit la fable SlUlvanf'e, qu'on n?a d 'ailleurs jamais attribuée à La Fontaine:

De ton onglet détaohée, ,Ciroulaire dé1al~ssée, al! va's-tw? - Je n'en 'sRis I!',iecu! Le temps a Isé'ché 1a collè QuJ 'seulle 'étaU mon soutien Et d,ms la salle d'étole 'Le z~phyr ou l'alq,uilon Depuis !hiUii't IjO'lllfS me traUl'spor1e IDe la fenêtre ,à l,a porte Et du ;pupitre au plafond. :Mais je vais où l'on m'emporte, Sans ~e plaindre dru combat; Je va l'S' Ol! v'a fou,te chose, Où v'a 'la lfeuille de rose Et I:a 'feuille de liEtalt.

nans ces corndHions, je ne vois pas ce qu,i emp'êClhe Iq!u'on ·renonce à ce 1110'yen de com­munication entre supérieurs et subordonll1iés: abolissons la oirou~aire, et les iregist'res et les carnets, et méttons l'onglet au, rarnca,rt. Pou,r, quoi le méllliager? i1 a bon dos!

Ainsi 'sera réso~ue la question du .papier et du même ,cowp, celle de la paper,asserie.

Qu'ant au ,programme de vos das'ses il se­rajt 1acile - en dépÏ't des affirma.tion~ con­Iraire's - de la simPiI.ihler: Poua'quO'i, par exem­ple, passer des 'anlf1,ées là enseigner la calli­graphie, quand nous possédons des machines rà écrire de tous 'systèmes, dlont la moind11'e travaUle P~llJS vHe et plus proprement que le pltuls habi,le de vos élèves? 'Po Ul1qillo i 'Conti­nuer 'à f,üre du solfège et du chant, attendiu .que lephonog!l'·a:phe, mo!}'ennant quelques iours de manIvelle, vous .fera entendre tOu.s les airs ima,~Înab'les?

- tM'ais il parle du nez'. - . Au~,anl' parler du nez 'que d'autre chose. N'est-il ,pas superfLu de donner des '~çons

de dessin, alors qu'existe" la photogr,aphie? De calou,ler. ptûsqU"iJ y a d 'ingé<n:ieUises ma­chines ,qui 'le [ont mieux que nous,?

- Cependant, dis-je timidement, elles ne peuvent établir un cO'mpte de ménaR'e.

- Ohaoon tO!l1uaît as'sez ce ,qu'il gagl!le. Quant aux ~b()iurs, vous savez qu'altljour­d hui on d~pense s'ans compter.

- lFerez-vo'lf!s peut-'être grâce à l'a géomé-trie? '

- Non! IJaÎ'ssOins le triangle aux 'Loges

39

maçonniques, le car,ré aux Germains, le tra­pèze a,ux gymnastes, la pyramide ~ l'Egypte et le cylindre aux pre'!l1Îers magiÎlSkats, du pays.

Je ne vois, pas davau1lt,a'ge le néces'sité d'étu­~r la géographie, du moment ,que la guer!f(! a bouleversé la. fig!u.re du. monde, 'qlue les peu­ples ne veUllent former qU'Ull lSeul peuple et 'que Phulmanité fout entière semble avoir perdu la calf te.

, - ,Evidemment, sans corte, pas de géogra. ,phie!

Mai,s on peut apprendre Phis,toi,re? - Nous sommes un peuple !heu'feux; les

peu.p~es heureux n'ont pas d'histoire. - Ils ont lile l'angue, et l'oolÏant doH la

connaître. - « La lang1ue matenlelle est cene dans

IwqueHe 011 pense, » d'édarent [es « Inst!l~uc tions »venues de Berne au, moment 'ti/li! rec~n­sement fédéral , or, là. Illot.re époque agitée ct 'fiévreuse, on n 'a plus le temps de penser.

- Vous ramez! Convenez cependant que la lectu!re, l'orthographe ....

- La lecture! Mais vous-mêmes ne voulez plus de l'.jnstruction livresque; vous faites la guerre iau livre. Le seul moyen de rendre le livre inoî'fensi! n"est.il pas d:'a'bolir la ledttre

Pou'r ce qui est de l'orthographe, pas n'est besoin de l'apprendre puisque des esprHs émi­nents et biem. i'l1te.tlitionnés s'efforcent de la mettre â la portée de tout le monde.

Voilà pour le françai's. Je ne parle pas de l'allemand, qui :n'est point' obligatoire dall1's vos écoles primaires. Il a d'ailleurs trop de cas et les IRomands n'en font pas assez.

_ .vous admettez ~)ourt-ant l'utHité, ta 'né­cess,jlté des frav'aux manuels?

_ Pas même. pu.isqu' il est entendu que la main gauche doit ignorer ce que fait la droite.

_ Vou's êtes rad-icalement démolisseur, M. Bruslquet! '

- -Et vous , radicalement conservateur! - De sorte qu'il ne res'terait que la gym-

nastitque? .. _ . A cood'Î'tion 'que les docteu,rs qu!i la pré­

conisent, les maîtres qui l'enseignënt et les manuels IqulÎ s'y rapportent 'se mettent d'ac­cord.

- ' . _. ILa Science .... - 'En attendant sa faillite , si sOLlvent pro-

damée. - Et la religion. , .. - !M'ais tûut le monde se plaint qu'il n'y

en a plus.

Page 4: L'Ecole primaire, septembre 1921

~ Je m'·a,perçoÎ's, M. Brusquet, que vous tl'accordez à l'enseignement primaire qu'un intérêt iout àJ lllJit. . . . -

_ Secondaire ... , C'est vrai. _ Que vous <réduisez le rôle du maître

d'école à peUl de ohose et 'dlésapprou vez ta ré· cen te augmentation des traitements?

- IVOU!S 's'avez bien :ue dans toute entre­prise digne des temps aclue.Js UI1.1e augm~nta­fion du gain va de pa'i1' 'avec une diminu-tion des heu,res de trava,il.

Ces't ·absurde; mais les choses absurdes donnell1·t dUI cha'rllueà la vie; sans· el1es, O'n mourrait d'ennui.

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C'est pOUl~gUOj je propose encore: 1. La -s'uppres'sion des' commiss.ions scolai­

res . ,Car, Olll bien elles sont tO'Uljours de l'avis du régent, ei alO'rs- eI'les n'ont pas de raison 'd"être, ou bien elles lui font La .gue1'l'e et il n'ell); Ifa·u,t pas, puisque le monde ne veut plus de guerre.

2. a,) La siUippres,sion des inspecteurs, at· 'tendu qu'il tIy a,ura plu.s tiell à ·inspecter et

i)} La 'suppression du 'D~pa,rlemeflt de 1'lns­tr.udi'Ün puJbHque, puilsqu'il n'y aura plus d"illStrructio:fl'. A. R.

Variétés

EXAMENS, EXA'MINA TEURS, EXAllvtUlNES Bn jluiilet, c'est ne ~rand blanle-bas dans

les milieux ·scola.itres. Après le .« lemps de pioche », comme on -d"isait :j/adtis, après une longue période de bourrage et de gavalge, il s'agi!" maintenant de décrocher l,a timbale. CerMica.ts d'études, brevets, diplômes de li­ce11ciés, de docteul"s... il Y ~n a pOUT tous les âges et pour tous les goûts,. Mais i!1. faut les conquérir de hau~e lutte. Les examina­teur.& s~1t SUT les dents, les candidats dans lem"s peti.ts ·souJÏers. lEt les mamans ne dor­inent plil1's.

Que d:}histo~res il y aJulrait à raconter sm' les examens! Que d'anecdotes, que de s·ai.llies J1alpportées Ipar les chroniues ulI1li versifaires! Il en est une Iqrui fUit célèbre au Quartier La­ti:n. LeféhUire de Foulrcy, estima'blesavant du 'siècle dernier, mais homme bounu et grin­cheux, ilvte 'rogeait un jour I\.ll\.1J jeune homme sur la ij)lhysique. Comme celui-ci xes:ta.it coi, l'examil1a-teulr IÏmpatienté cria à Phuiss1ier de '!Service:

Apportez 'une boUe ,de foin à ce petit âne!

SUir Iquoi, pilqué a,u vif et retroll'vant s,a lal1!glue, le candidat dpos.t,a, en narguant son juge: "

_ Apportez-en deux. NO'LUs dëJeuneron·g ensemlJle.

Mais en iVoici une autre: .Lorsque le grand Arag1a comparut, à 17

ans, 'devant Monge qui devail' l'examiner e.n vue de 'son admis'SJion à l'Ecole polyteohnl­:que, un dialogue se<l.'iré s'échang.ea entre eux. 'Le candida,t qu~Af'ago ,rempl'aç,alt SUIr la sel­lette avait lamentalJlemelt1.t « 'sé'ché' ». Monge é1ait en colère.

_ Si .y·Ü'UiS n'en savez pa,s plus 'qil\e votre :prédlécesseur, d,if-il aUI nouveau venu, il est bien in1Uhle que je vous interroge.

_ C'est en m',i'11terrogeant Ique VOlt S ' le sa,u,rez, réiplitqUJa cl'ân.lement Ar.ago. C'est d'ai1-.Ieu,rs votre 'devoir.

_ Vous le pirenez de bien haou l', jeu:Jl.e homme! Nous aHons ,voir si vous avez raI­son d.Pêt're 'si fier ....

IEit l'examen commença, Penldanl .p1uls de 2 h., iMonge retint Arago devanlle tabl.eau l1?ir, cherchant à le pre,ndre en :îau.fe, IU'1 tendiant mi:J.le pièges, le toulfUal11t et le retou~1Ja.nt ,com-111e ' l1n chat fait d'iUlle sourii,s. A la hn, Il y 'te­nant plulS, enth'ouSoi'asmé d"une intelligence si Ta re 'le 'IlJ:aÎtre embras·sa F'êlèvc, en le décla­rant' reçu, aUi pre'mier rang.

@

• ALlPIHAiB'ET EN OHO OLAf Un maître d'·école serbe viell.1:1 dïl~la~iner

une l11é~hode d"ensei,gnement assez ongmale: celle de l'alphabet en chocolat.

Il remet à ses petits éJève's les leUres mou­lées en chocolat et dès que l'un: d'entre eux est pa·l'\'elliu à compose~' son nom .ave~ ce~ caractères comest.ibles, Il est 'autor'l'sé a les manger. ,

IL'ap:pât de la ~olNmapdii.se) is,ur~x.C1 t~ C:3 petits -cerveaux et 11 paraIt qu en trOIS jOu.r s à peine les, élèves ,reconnaissent toutes les letu tres et C0'111pO'sent de nombreux mols.

~ t N·atte.ndez point des circonstance~ ex:

traordinaires pour faire de bonnes achons, sachez user des ·situaHons ordinaires:

J.-P. Richter.

-.---............ _~ ...... $ .. -.--~.'~-

Supplément du '~o 1 de "f &cole" (19~1)·

L'histoire d'nne âme (SUtte.)

Un secret pour toujoars être content. - Un laboureur, ·d'ut). 'car,actère violent et ·empo[,œ, ne ,pouvaH ,passer. une de­mi-}ou1iIl'éle s'ans 'Se laisser aller .à q-uel­que illllOUv.ement d'impatience. Tantôt il se 'fâdhait Ip1aiflce :qu:e son ,attelalg-e ne pouvait p'as lavancer, tantôt pain:ê que 'S,a;' ftiécolte ne ,pouss:ait .pas Icomme il Pau1rait VioU'liu. Un Ijlour il s'irritait paiflce que 'le 'SloleU, itrtQP hrû'lant, le fai­\;l'ait slQiuf.]ritf; !Un aiUtre :j:our. ,parlce ique la pluie l'elTIJp'êdhait de tlftavaiUer. ,

Tl :a\Tlait pour ,~oisin un hom:me ~ui par,ais'sait llouljüu!rs Icon~ent, 'qui ne' se .plaignait 'jamais ,et ISJou,dait 'à Tout ve­Inant.

<<: 'Bien :sûr, se dit le lalboulreur colé­riq'ue, ,cet hbmlme la un siecret ,pQur 'êi:re si Icalme du; tql~,fin iau soil·. !Il faut gue jle le lui demand!e. »

.'L'.alDol1dant avec sia brusquerie habi­t'uelIe, il lui ,dit sans 'faQon: «Com­'ment donc faites-vous ,pour ne jamais vous mettre len 1001ère? Depuis bien des alunées que. je 'VIOUS :obs'erve, je vous vois t1oui'our:s le même visage. Est-ce qu'il n'y a 'Ytfaiment rienl ,qui 'VIOUS ,conwa­'tite? Ou ibien, ·si vous :aiVeZ un secret, ~ 'di,bes--Ie IDIOi.

- Oui, en effet, 'l,épiOndit· l'autre, j'.ai un s'eoret, mais je 'VIOUS le liV'rerai vo­lontiers. iRien .de plus Isimple d'ailleurs; c'est dans les Idbj.ets q,ui :servent à mon 'Vr,avail lloornalier que je ,trouve ce fa­Imeux seoret. ~ V:ot'Ve iiJravail? IMais ,c'est le mê­

m'e qUe le m~en. Que 'Vloulez .. vous dire? - lVioici, mon ami. Chaq'Ute iois que

fe Ip'0usse la ·charrue, j'e lfegail"de ces dé­,chitrulfes !qu'elle kalce 'dans la terre et qui :en :Font Isorlir les mauv.aises herbes qlui emplêClheraÏJeJnt le ig1liain de germeŒ'. Et a1Jors je mie dis en moi-même: « Mon âme 'est laJU!ssi !Un 'ohamp inculte. rem,pli

,de tmalU\',aÏJses herbes IqJui S!OIll-t mes dé­rfauts. Je dois, donc recourir sans cesse là Icette 'cihaliruie :POU'f les /exti1fper. Puis je ,cultiverai cette âme .pour que la se­Imence p!UÏ's'se 'Y lever et q1ue la Irécolte S'oH Jahondante.» IQuand j'.ai fait ·ces Irefle!Cions, Ije me tiens Isur mes gardes, et s'il !SJurvilent .un sujet de contrariétê, lune oocasÏJon de. médire du iP'liÛil;hafn, une rpensée de Icu:pidité IOU touJ .autre m.auvai'S Isentiment, ,je me dis à moi-:mê.­me: ,attentiO[lI, Vioilà la mauvaise hel1he, voilà le vi'lain défaut 'qui se montre, 'Un hon 'coup de ,charrue.» Et avec l'aiçl'e de IDieu j'en viens à hout assez vite. 'L'habitude Ifend Icette !opêratilOll beau­ICOUP iplu!s fadle. »

ILe lahoureu.r, q'ui avait écou·re très lélittentivement, 'l'·esta tout ébahi; mais ,pourtant il fut 'obligé ,d'avouer 'que cet. te Iméthode ·était bonne et qtl'elle dev.ait iliéussi1r 'Vo'utes Iles Tois qu'Ion la praJt­q,uait :a'Yec Ifidlé'litê.

!Héla:s! il lui manquait ce qui man­q:ue à tant de ,ohretiens: la vliaie bo·nne vol'onté, le courage, la pers:évérance, iaustSi ifest.a-t-il bouil1ru, :violent ,et SUlrt'Out m;alheureux ~oomme auparava:nt.

Le poirier tordu. - Un j~ll1dinier -av.ait ·f.ait Ica,deau là son !fils d'Uln jeune ploider; l'enifant le ,soigna :alVec :Ul1Je ~ol­licitude exemplai,re.

Celpendant l'a:t1bre ne venait pas dvoit. Ses branches s'·obstinaient à 'pren­dre de fausses directions ·et il ,avait un aspect bÎi:Z)aT're qui vexait notre ']eu:n~ g'alfQon. :Il imagina de soutenir les braudhes et de les incliner dans tel sens plutôt :que 'dans tel lautre la,U' m10yen de quelques tuteurs. Rien n'y fit. L'arb.re rebelle semblait vouloir désespérer la patience de ·SJon jeune maître.

lE t, en ,effet, ,c~est ,ce .q ui arriva.. Un matin, notre petit bonhomme dépité, fu­rieux, Isaisit les tu±eUlis et les j et.a au ·loin. :Puis il alla WOUiVer sion père en llui di'&an~: «Il lest inutile Ique je m"oe-

Page 5: L'Ecole primaire, septembre 1921

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cwp1e :~avaln~alg,e Ic1:e ,ce lPokier; Ion n'elJ: fera Tien de hon, c'est impossible. -

ILe père étudia Ipalr q,uel 'caprÎ<Ce de la natoc.e les branches .poussaient et se déployaient tou~'oUtrs du même côté . puis il tailla., il imprima 'Un.e nou-vel1~ inclinaison ,aux jeunes !pousses. Des ,se­m'aines, 'des mois -se ,passèrent. L'amé­Iio1i~Ho~ lobtenue par,ut Ipeu isensi'ble. Enft:n 1 a,rlbr.e pallut 'oomprendre et S'es branlClhes IsruiN'irent la di,rection qu',on v'oulait :leU'r donner. .

«T,ll' Vlois, dit ,al,~rs le j ardini~r , 'q u' awec le temps lOIn VIent à bout de tout. Ta patience 'avait !été déjà 1 Oll!glUe, mais pas assez !pouiftant. Il fallait 'Une lutte o;p~n!âtre contre les rebellions ,de ce 1P'ÜJ)r~er. I~t p~r,ce .'que j'ai persisté à lut­t~r, Je 'SI~l~ vlctoneUx.. Eh bien, Icette pe­ilte ,expenence ,contient une importante leçon. Combien n"est-il pas rplus néces­saIre de Ifedresser son !caifadère que d'aS'Slo<tuplir et de diriger les hranches

,d'u~ arbre, dût-il porter, (beaucoup de frl~lt.S! Olt', ,ce qui s'est passé ,pour ton l~olrHtr se :~r.odruit ,chaq ue :j'our dans l 'oodTe siplntuel. Une 'f'oule ,de gens oommenoent 'à ,oomlbattre les travers de leUJtl 'car,~ctère, ~nais, 'parlee qu'ils per­dent j)'~hence, ,tIs n'ar1"ivent jamais à se ,c01inger.

i(-es ra c!11: es. - route semence qui d01t fructtfIer prend d'abord racine dans notre cœur. '

(L~s racines font tout et ne se voient pas. iPauvres êtres cachés en terre, com­me vous paraissez déshérités de la "na­ture, comme vous êtes méconnus 'folllés aux pieds! !Et cependant vous 'ates la source de la fécondité. Savez-vous par exe~ple, ~e qui entretient chez cett~ jeu-' ne fIlle pIeuse la magnifique végétation de vertus que nous admirons? C'est une réunion de petites racines intérieu­res·, c'est-à-dire ,une série de petites cho­ses obscures: la vigilance sur soi-mê­lm;, la mo:rti~Î<Catvo.n, neSjprit .de prière. C est aUSSI une sUlte de petites précau-

tions que le monde méprise. rv oilà les 'Viraies 'r:adnles dlu bien en ~ette âme ,piri­vilégiée. Ce qui est caché vivifie ce qui paraît aux yeux de tous.

La sécheresse. _ 1 « 'L~ semence jetée, dit .l'Ecriture sainte, il faut de l'eau pour arroser la ' terre.» Et ailleurs: «Comme la pluie descend du ciel et, abreuvant la terre, la rend féconde, ain­si en est-il de la parole du Seigneür. ~

!La parole divine, entendue, lue, mé­ditée, vojlà donc cette eau qui rafraî· chit et vivifie notre cœur. iMais c'est en­core la prière et surtout la divine Eu­charistie qui se transforment en fon-taine d'eau vive. .

·Quand l'âme a reposé sur le cœur de ·Dieu, quand elle a bu la divine liqueur, alors l'être tout entier est rajeuni, les désirs sont satisfaits, l'intelligence re­trouve toute sa vigueur.

Oh bienheureuses les âmes pour les­quelles ces enseignements ne sont pas de simples images, mais qui font Pex­périence de ces modestes conseils!

Ce qui féconde les âm'es. - En gé­néral, l'eau ne suffit pas. L'horticulteur a soin d'activer la végétation . par 1'em­ploi d'engrais approprié.

iIl existe aussi un engrais pour les âmes: ce sont tous les principes de bien, tous les stimulants qui sont autour de nous: secours spirituels, bons exemples, etc.

Il y a tant de salutaires influences à côté d'autres pernicieuses! Hélas! ne sont-ce pas les dernières qui trop sou­vent l'emportent.

lLe \Seigneur vous a peut-être donné déjà ce qu'il fallait pour bonifier cent jardins semblables à celui de notre âme. :Quel parti en avez-vous tiré? Ah! quand il viendra pour vous faire ren­dre compte de ces moyens de fertilisa­tion, quelle ne sera pas la confusion de son serviteur infidèle et négligent!

La greffe. - Tout le monde sait ce

iiô

que ce moi veut dire. IAppliqué à l'ordre moral, c'est une opération qui doit se faire constamment. Supposons que vous ayez un caractère violent: c'est un sau­vageon épineux. Il faudrait le greffer avec la douceur. 'Vous avez les nerfs excitables. Il faudrait tempérer cela par la patience. "

- . Mais, direz-vous peut-être, com­ment peut-on se greffer?

,On se greffe en se faisant violence, en se laissant pratiquer des incisions, telle est la méthode employée par les jardiniers.

!lI faut savoir souffrir, il faut laisser l'instrument tranchant entrer dans le vif et y déposer les germes des vertus nouvelles. Lai greffe prise, il faut y veil­ler et user de ces précautions qui sont comme les ligatures de l'ordre moral.

!La taille. -- IUn ·des travaux les plus indispensables du jardinier, .c'est la taille; la ~aille 'supprime les hr.anches swperlflules iQU nuisibles, mais elle ne rrehr.an!che Ique ipo:ll'r ,donner. Il y a aus­si toUlj'OUiliS là ~etrrandheti en 11IOus : les pensées mauv,aises, les lades ,eoupa:bles et ,ces mille Irejetons :de l'âme pécheres,­se, 'quelle ·que soit leulrfo['me.

IOuwe ,ces s1.tJpertfluires mauvaises, il 'Y il. Icelles 'qrui sont ,simplement nuisi­bles: désir.s :de vanité, d'amow--pfl~p'fe, besoin de s',agiter, de s''Ûc()u!per de cho­ses lqui ne nous regloodent pas; ,désirs ,d'Ia.türer 1',atte11ltion, inquiétudes, etc.

IH,abiles 1 a~dinief1S, 'V.ous devez re­trooaher tous ,ces désirs: ils nuisent à Vlotre p1ioglfès, là 'Votfoe bonheur, à l'en­semble de 'Vlotife vie. ISi 'Vous voulez le~ satisfaire, Hs vous iétoordi!1ont de nou·, 'Ve11es exigences et vous n'aurrez jamais la ·pai,x.

\La senre - L'â,me !humaine ,contient tou~e une \rtégétattoifl! Ide 1P1anihes délica­tes ,qu'il faut soustraire .aux vents f110ids et auxquelles il faut lPl."io!oufler une dou­ce IOha,1euT 'Vitale.

;Quels sont ,ces vents 'Î1'loi.ds? L;égois­,me, la IC?'I?-versati0n,,,avec des .personnes ~peu, dlretIennes. L ame ,qui s'e~pose là ces œu:r~nts 'se glace Icomme la plante des tflOplqUeS 'sous nos froids ,climats.

,Ayez rune serre ,dans votre Icœur et dans 'cettle S'eJ:1re ,entretenez ·une do'uce dh,aleur, qui haigne les plantes délica­tes dans leur 'atmosphère naturelle. La 'dhaleUJr, on l'ohtient par le ,recueille­ment, le souvenir de Dieu, la médita­tion du Saint ,E'Vangile, l,es Ip1euses in· v'Û'caüons, €al' un mot tout ,ce ,qui Ir.amè­ne 'en nou~ l',air 'qui vient du deI.

Les maladies des plantes. -'- Elles sont nombreuses et leur histoi'f,e est en~ co!re Icelle de notre âme

:Vous avez 'vu cet ,a,rbrisseau ,dépérir lentement? ... ,Mais ,qu',est deVienue ·cet­te \~erveur (q,ue v'ous laviez aux premiè .. If:es années de 'ryorbre jeunesse? Les Ifeuil­les ,d~e 'ce mag1ni'fique printemps sont tombees: les fleu!l"s se sont cHét.fÏies· les .filiuits (qui s'annonçaient pleins d; sa-Vieur. ont 'a;varœ. .

'Qu.elle ,que soit la cause ,de ,ce dlpé~ ifissement, il J,aut ,chel'1dher les ,moyens de se Ig,uérir-. 10r, Ipour se ,guérir il faut !feoowrÏr au médecin et ,aux ;emèdes ,c'~t-à .. dwe l,a' prière, La péniteoce, 1~ fUIte dUI ' monde et de ses divertisse­ments. IM,ais surtout ne tardez IPas: les maliadies deviennent incuraibles 'quand eUes 'Sont négligées. Agissez vite ' et léneflgiqruement .

a a ra ••

Son Prêtre 1

Elle était déjà courbée par l'âge, le travail et les infirmités', la ,sainte et vieille servante. Et pourtant, elle avait fait un rêve, un rêve impossible, r- qui est aujourd'hui en train de se ré.aliser!

Un dimanche, au prône de la grand'messe elle entendit raconter que le nombre 'des prê:

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ires diminuait partout. Cette nouvelle l'attris­ta. «0 ma bonne INfère sainte Anne, murmu­ra-t-elle, vous ne permettrez pas!» Mais que pouvait faire, pour empêcher ce malheur, une pauvre célibataire de sa condition? prIer et voilà tout, prier pour que le Saint-Esprit al­lume au cœur des mères chrétiennes le désir d'amener leurs enfants au bon Dieu.... Ce­pendant cette réflexion ne la rassuraii. pas, car un mot terrible du curé lui revenait sans cesse à la mémoire: « A notre époque, il ' ne suffit pas de prier: il faut agir. lt

«Mon Dieu, pensait-elle, que voulez-vous donc que je fasse?» Tout à coup une idée surgit dans sa tête: une idée folle, mais qu' importe, cette idée l'obsédait; si elle pouvait assez amasser d'argent pour élever elle-même un enfant au sacerdoce! . ..

Pauvre vieille, elle qui n'avait qu'une petite ,ren,te, que lui avaient laissée ses maîtres, et le travail de son aiguille! «N'importe, se dit­elle, je ferai des économies; je travaillerai da­vantage! »

«Des économies, quand on , a à peine de quoi vivre! travailler davantage quand on a 60 ans! C'est une folie. C'était une folie, sans doute, et pourtant ce fut décidé; il fut décidé qu'elle donnerait, elle aussi, son prêtre au bon Dieu. lEt la voilà qui se met à l'œuvre. s,timulée par cette ambition immense.

• c Un prêtre! se disait-elle. Je serais assez heureuse ,pour avoir «un prêtre à moi », un prêtre qui priera pour moi, qui fera aimer le bon ,Dieu pOUf moi! Oh! mon Dieu, ne me laissez pas mourir sans que je vous donne un prêtre! :t

Et elle a amassé de la sorte, sou par sou, 3000 fr.! En a-t-elle enfin suffisamment? Elle va le demander au vicaire. Le vicaire est un jeune prêtre, ardent, zélé, donnant tout son temps et tout son cœur aux jeunes gens, dont il est l'idole. ~ «M. le vicaire, j'ai fait un beau rêve;

mais j'ai besoin de vous pour le réaliser. Je veux « ~voir mon prêtre ». Vous trouverez bien dans votre patronage un enfant intelli­gent qui fera de bonnes études, un ènfant pie~x qui deviendra un bon prêtre comme

( ,

vous. IV ai ci ',une petite somme pour son ins­truction. En ai-je assez? Dame! on pourrait travailler encore, vous savez! ... » Le vicaire ému ne put que lui répondre: « Merci, oh! mèrci, Jeanne; le bon Dieu vous bénira.»

lEt la bonne vieille sortit, les yeux pleins de larmes, larmes de joie, en murmurant: J'au­rai mon prêtre! j'aurai mon prêtre!

Aujourd'hui, ses doigts paralysés -ne ,tra .. vaillent plus; mais sa vieillesse est encore ré­jouie par l'image de «son prêtre» qui étudie, qui grandit et qui se sanctifie.

M.eurs en paix, bonne et vieille servante! Va, tu peux, cahne et souriante, te présenter au bon Dieu; il te recevra avec amour et il œ dira: «Bonne et fidèle servante, toi qui sur la terre paraissais si petite et si inutile, toi qui étais si peu connue et si peu appréciêe, vois dans la suite des ,~es tout le bjen que fera « ton prêtre»; vois ' ce qU'Îl fera !lü-mê­me et ce que feront, longtemps après lui, d'autres prêtres qu'il aura élevés, lui aussi, comme tu l'as élevé: des coupables ramenés ',à la vertu, des enfants gardés purs, des jeu­nes filles protégées contre le vice . .. . Et le point de départ de cette gloire que je reçois, c'est toi! toi qui, avec tes privations si vail­lamment supportée!§, as fait un prêtre! »

Le voile de tulle Autour d'une grande table Henri lI, vive­

ment éclairée par deux lampadaires, toute une famille est assise: à droite, l'aïeule, une man­,tille noire sur la tête, faisant ressortir plus vivement la blancheur des cheveux; puis le grand-père, en veston à brandebourgs, l'air d'un vieux militaire, avec son impériale et sa rosette.

Et, en effet, c'est un vieux colonel. Tout auprès d'eux, comme un bouquet, six

enfants qui 'causent à voix basse, avec des inflexions douces, attendries, sans penser à jouer, et, au milieu, entre son ,père et sa mè­re, une fillette de douze ans, l'air sérieux, l'expression recueillie, émue . .. , 11 plane sur

117

cette famille comme un parfum de piété, CO~­me une atmosphère d'église; il Y a là un de ces bonheurs intimes, si grand, si beau, que l'âme humaine semble impuissante à le con­tenir; les yeux se mouillent à sa pensée, et les larmes qu'ils versent semblent être le trop­plein du cœur.

- Tiens! voisntu, bichette, dit le gl'and­père, tu m'as fait pleurer cO'mme une bête tout à l'heure en me demandant pardon! Ça m'a rappelé la mienne, et ça remonte furieu ' sement loin; il y aura juste 60 ans l'année prochaine! Seulement, moi, j'étais un fameux diable; tandis que toi ...

Et le grand-père regarda longuement la petite Maria, qui avait les yeux fixés sur Je tapis.

-.-: Oh! je sens bien, continua-t-ll en riant, ce qui v;a m'arriver demain! Quand je verrai ma petite-fille en blanc à l'égiise, que j'enten· drais mes vieux cantiques ... '. Vlan! ça va y être . . .

- . .. 'Eh bien! nous mettrons trois mOUQ

chairs dans la poche à grand-papa! . .• :- . . . . Pour pleurer ses vieux péché(! ... - Sans préjudice des nouveaux! . .. • - Oh! des nouveaux! s'écria le co onel,

l'air un peu anxieux, comme si vous sa­viez! .... .

- J'en connais au moins quelques-uns !, . , :- 'Lesquels? -, Voulez-vous les voir? - Oui! !Légère comme un oiseau, la mère disparut

un 'instant et revint les bras chargés de toute une vaporeuse toilette blanche, la toileHe classique de la :Première Communiante.

- Voilà les pièces à conviction, dit la ma­man, en déposant le gracieux ballot sur ]a table.

,Et à la haute clarté des lampes, toute la toilette parut s'embellir encore; le voile, en tulle de soie, semblait un de ces fils de la \Vierge qui flottent dans la campagne les beaux matins d'automne; le corsage aux mille petits plis, la robe en mousseline fine, tout accrochait la lumière, la tamisant, la rendant plus douce, plus mystérieuse .. .

Quelque chose de cette blancheur se reflé· tait dans la pièce, commune image de l'inno­cence de cette belle ,enfant qui rajeunissait tous les cœurs.

- \M'ais, je ne vois pas, dit 'le grand-pè­re!. .. Des pièces à conviction, ça?

- Comment! vous ne voyez pas, et eUe ceinture de taille?

- Tu l'aurais voulue t:n satin, p~l1t-être? C'est plus jeune, n'est-ce pas?

- 1N0n, bon grand-papa, dit la petite Com­muniante, maman aurait voulu que vous fas­siez les choses ,plus simplement. Si demain je pense à toutes ces belles affaires, qui priera pour grand-père? 1

;- Bah! fillette, ,quand le général vient, faut le grand uniforme 1

-, Uniforme de fantaisie ou d'ordonnance ? - lD'ordonnance, petite! - 'Eh bien! grand-papa, dit la fillette, en

nouant ses deux bras ,autour du cou de l'aïeuJ, n'y a-t-il pas un peu de faIJ.taisie dans toutes ces histoires-là?

- Hum! hum! tu , sais, filette, moi, je suis un vieux soldat; si tu me demandais où l'on fabrique les meilleures pipes, j'irais les yeux fermés. !La lingerie, c'est autre chose! Je suis allé drans la première maison que j'ai trouvée sur le Bottin, et j'ai dit à la bonne feinme que j'y ai rencontrée: «Madame, voilà: j'ai une petite-fille... s'appelle Maria . .. gentille tout plein. .. . 1 m. 32 de hauteur: faut lui faire une toilette complète... Première COl11~

munion . . : M'y ,connais pas, moi! Seulement, vous savez, vous, je suppose? 'Faites le mieux possible; le prix? .. M'est égal! Surtout que ce soit bien, O'U alors vous tords le cou com­me à un lapin! » ,M'a écouté, cette femme! Et tu crois que ça t'empêchera de prier, ces ma­nivelles-là?

- Oh! cher papa, moi, non! Mais les au· tres! Qui sait? Tiens! donnez-moi carte blan­che!

- Veux bien! 'Permission de minuit ac­cordée!

Et la Ipetite Maria tendit son front pOUl'

la recevoir. fLa soi'rée s'écoula ainsi, douce­ment, el~ parlant du lendemain, du grand jour

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de la vie, de cette chose Înfiniment , douce qu' on appelle la Première Communion.

Par la fenêtre entr'ouverte, on apercevaif les étoÏies scintiller, là-haut, dans le bleu @li­lencieux du ciel; et, ce soir-là, les, anges gar­'diens furent tout tristes de ne pas être hom­mes , pour pouvoir s'agenouiller à la T,able Sainte, aux côtés de la petite Maria.

!Le lendemain matin, vers 8 heures: - Mille bombes! murmurait tout bas le

vieux colonel enfoui sur une chaise, au fond d'un confessionnal, je ne vois pas la fillet­te! . .. IPousser une reconnaissance?.. Pas possible . . . bloqué par six rangées de fem­mes! Voyons, orientons-nous! Voilà la peti­te de B .. " puis, à côté d'elle ... ? Vois pas!. . . D'ailleurs, un gros voile, une toile à sac ... . c'est pas le sien!... ILa troisième, c'est la fille du docteur du premier.. . La quatriè­me:? ; .. Pfls elle! Bon sang de bon sang! S'est pas trouvée mal, je suppose? Ah! mon voile! Sûrement... c'est lui... la troisième du second!

Et grand-papa, tranquillisé, mit ses lunet­tes, suivit pieusement sa messe, essaya même de chanter les cantiques! Mais sa basse-tail­le, émergeant du confessionnal, ayant fait re­tourner trois rangées de chaises, il jugea pru­dent de s'abstenir.

IQuand' le moment solennel arriva et que les enfants, une par une, s'agenouillèrent h la Sainte Table, le colonel essuyà précipitam~ ment ses verres .. .

. .. Une jeune fille, plus pieuse, plus re­cueillie que les autres, passait devant lui, les mains jointes, les joues enflammées, les yeux à terre. ~ . C'est elle! murmura-t-il.

Et vite, il fit sa prière: --, Mon IDieu, qui êtes dans le cœur pe

la petite Maria, bénissez-la! Bénissez-les ,tous! . .. et puis le .pauvre vieux diable de pécheur que je suis! ...

lEt ce fut tout. .. " ILes yeux continuèrent ce que les lèvres

avaient commencé; et grand-papa eut beau mordiller sa moustache de droite et sa mous-

tache de gauche, tousser, s'agiter, il fallut cié­plier un mouchoir.

Toutefois, quand l'émotion fut passée et , qu'il releva la tête, il ne put pas encore dire où était sa petite-fille. Franchement, pour un ancien stratégiste, c'était vexant!

A la sortie de l'église, il eut l'explication de tout.

Maria, dans la salle des catéchismes, s'é­tait « trompée» de voile avec' la pauvre petite fille d'un ouvrier.

\M'ais, en chemin, le colonel, qui avait pour certaines choses de kl religion la « compre~

noire » un peu difficile, et qui, d'ailleurs, était presque vexé qu'on pût confondre son voile qui avait coûté trois louis avec de la toile de

. coton à 35 sous, le colonel, dis-je, s'arrêta brusquement:

- Bien vrai, tu t'es trompée, petite?.. ' - Tiens! tu es un ange! tEt il l'embrassa sur le front, très fort.

'---__..I-IIl fe----

Treize à table! Monsieur était IUill; petit freluquet, droit

oomme un l, marohant raide comme s'il eût a'valé sa cat!llle. Avec les oheveux qui ·Lui res­taient, il se [aisait lUne if.a,ie... à ga'U;che, à cause de ses opinrions; se taillait la oaroe en pointe, et nt'avait pas plus de ventre que sur la main . ...

n était Vénéralblle d~ la Loge «ILes Tuiles ' du Temple»; et ,sa mOf'a:le était aussi libre que sa libre pensée. '

!Madame était une planche à pain comme MPnsieuif. Dans le pays, on prétetndait qu'elle tenait hearUcoup de la ,chèvre, non seuJemenû parce que, elle aussi, possédait la gr aisse en dedans; dTi1ais plllr<:e qrtL'eille en .a vait encore l'allure exulbérante, -capricieuse, orig.inale. Elle se coi~iait dl !hl décoilHfée 7), parlait bcile­ment dix heu.res de suite; et, en l'écoutant, on a'Vlait alternativement peur ·qu'elle se casse quelque ohtose, et surtout la chaise, ,qu'on ne lui avait pas confiée pour s'asseoir tout au bord.

119

Ancienne institutrice de Pa'ris, elle avait une manière de dire: « Ah! ma ohère!. .. »)

qui aNait été immédiatement copiée par ses nOUJvel1es amies de province. Elle avait, e.n outre, rune cuisinière .qui savait faire 135 sou­pes et connaissait. 18 façons 'd 'a,rranger la ma· yonnaise.

Or, ~ cause de ses Péohés, UiIl de mes amis, ·qw a une 1P0si:iion officieLle, fnt invité par le vénérahle Frère à 'Vooir immoler une côte­lette sur l'au1el de l 'amitié. En langage vul­gaire, on lui ordonna de veni.r dîner, en lui faisant ' sentir qu'oo n'admettait pas d 'excu­ses.

-Il 'Vint confier son malheur à ·mon gilet, - Quel1e corvée, mon cher, me dit"'i1 ; seu-

lement, voilà, il s'a.git de mon avenir. Si je lui rcluse son dîuler, c'est firui, ge peux 11'umé­·roter mes caisses et préparer mon déplace­ment.

- Parlfaitement, tle me mets à ta ptace; seulement, tu comprenrls, ~e ne peux pas y aller !pour toi.

- rDes gens qui ne croient à r ien, mais à r ien! .. .

- Aucune es.pèce de préjugé, ,q.uoi! - Quelle soirée! De quoi pourrons·,nous

bien parler? - Bah! de la pLuie, du bea:u temps, de l'a­

griculture, des engrais.. . . Précisément, il y aura All1thime Bou!ard!

Et ce !fut sur ce progrruume que Üe lui Sel'·

rai la main, comme on la serTe à UI11 ami mal· heureux dans une circonstance grave.

'Maintenant, ,je lui laisse la parole: ' - B011ljI0l1!l"! cher Moosieur, oh! que je

suis heureux de vous voir .. .. Là! donnez­moi 'Votre parapluie . . . votre OO'apeau .. ,. Votre pardessus . .. votre canne! . .•

Et fiNe papi,}lt011ll1ait autour de moi dans l'ombre de ~'an1icha.rrrfure; et, à chaque pas q'U 'elle ~aisait, en avant ou etI1: ar.rière, son ombre courait le long du mur , s'allongeant brusquement en 10t!1g.ues lignes maigres rap' pelant une araignée, ou se ratatinant subite· ment d'ooe . ~açon impressionll1ante en des li­gnes courtes de cafard.

En entrant, eNe me prit les rnairns, d'une

manière tout à fait maternelle : - Savez·vous, cher Monsieur, fit-elle en

minaudant, pourquoi ~e suis si heureuse, mais si heureu'se, de VOllS voir ce soir? . . C'es t bêle ce que je 'vais vou s dire!. . . Oh! irès bête!

- Eh bien! c'est que, grâce à 'VOL1lS, nous ne 'serons pasl • • • ll~EIZE à table!

- C'est que, vous comprooez, la plus jeu,. ne meurt dans Pannée! « ça, c'est prouvé »; et cOlmme c'est moi, alors 'Vous me sau'vex pres.q.ue la vie.

- Très 'flatté, chère Madame, de vous sau­ver fa vie! . . . murmurai"lie.

La saNe à manger était pleine, pleine à: dêbqrder, de me creusai lahorieusemen t upe plaœ entre Anthime Boulard, Uûl autre Vé· nérable, et Dugosquet, le sous· vétérinaire. P.uis~ lune ' ~ois l'incrustation faite, ti 'engageai la conversation d 'ull1e ilTJanière tout à tait dé­gagée, sûr d'avance de mon succès.

_ Vous ne 'savez pas ce que vient 'de me dire Mada,me dans l'antichambre?

- Non. _ Oh! l'indiscret! fit-elle, en arrivant en

coup de vent, et toute rouge, de la cuisine.

Je voulus reouJ1er, mais il étai t trop tard. De lous les côtés, la CUJ.'iosité, assez ex·

citée, provoque une explication, et moi 1 tout en me faisant prier, ,je raconte l'histoire, m'at­tendant â un éclat de rire uni'Versel,

Jugez de mon ahurissement lorsque je vis tme :driscussion, d'un sérieux à toute épreuve, s'engager SlI'r cette question,

_ Vous en parlez légèrement, jeune hom· me entonne Bowlard, mon voisin, et moi je VOl~S réponds avec l'expérience de mon âge; et d'autant plus librement, que « ü'ai peine » à croire à l"inHruence néfaste du ohiNre 13. Néan11loins, ~ 'ai eles faits, des faits précis, que ÜJe pourrais vous citer, qui expliquent, s'ils ne justirrient pas 'l'espèce d'épouvante que cause le nombre 13. Ainsi feu Mme Boulard ....

_ Comment, m'écriai-je, 'Vous, M. Bou-lard, qui prétendez ne croire à rien!, . . .

_ Je vous réitère, qewne homme, ,je ne crOIS

pas, 1e constate seuJement! .. ~ . En ce moment, l'amphitrion entre en llgne ;

"""""',. .""",!

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sa pomme d"Aûlam, très proéminente, sous le gosier, 'fionte et desœl!1d effrayamment, à me­sure q.U!'i1! s'anime en causant.

- MOlIlsieur, j'ai été mécanicien ... t - Ah! je ne savais pas .... - Si, "Monsieur .... Or, nous constatioos,

chaque treize du mois, une diminution d'au moins un quart dans les voyageurs. Et, quand ce treize était un vendredi, alors c'était un désastre, Monsieur! Qu'avez"vous à dire à cel'a? C'est du suffrage uni'versel, cec.i, Mon-sieUrl"! .

- 'En effet, i ,l donne sa mesure. - Patiaitement, Monsie\1Jf! ...

A ce marnent, Bouléllrd mont voisin se lrouva incommodoé, ce qu.i, d'aillelw:s, ;,eut <I.rriver a tout le monde quand on parle' de chi~fres aussi malicieux. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir Margot, la grosse cui­siilière, venir s'installer à .la place en,core toule chaude du Vénérable et 'le comble des comJbles, c'est 'que Ma·rgot, swbitemem.t inquiè­te pour sa mayonnaise, ayant 'COUfolli à }a cui­sine, et son prédécesseur proioltlgeant Mon absence au delà de toute pro.portion nllson­nable, on me demanda, «comme I\lll service », de me leve'r de table et d'aller voir devant les casseroles, si la sauce ·se liait bi~n, salilS ·quoi Madame, el~e-même, se dévouerait!..,

Et comme 'moi, le Jésuite à robe cour le, l'homme naviguant dans les ténèbres de la SILo

perstition, rie rerus·ai de me prêter à cette co· médie, Madame, devenue hès nerveLLse, plaça œoffiœ, à côté de moi, pendant quelques mi­nutes, devilllez quoH... la poupée de sa :fille! ... Et, 'Cie cette façon, nous rûme5 !oUJjours ,qruatorze!

Si J'avais osé comprDmettre ma place de 10nctioll11'aire, â'aurais renversé loutes les sa­lières, mis tous les couverts en croix, ce qui au,rait ce ri a inement procu·ré à la dame du Vén~r~b2e une attaque de nerfs des plus ca­r-acténsees.

Quand Üe sortis, Je me retournai, au milie-u de la nuit; les fenêtres, violemment éclairées) se détachaient en rouge, au 'Sein de l'ObSCll­dté; 'l'ombre de \Madame se projetait sur les

rideaux, rnélancoliq:ue et fatale; ~'étais parti le premier, et maintenant ils étaient 13!

Les voi,là, pensai-:je, tous ces mondains, qui éclatent de rire devalllt nos mystères .... On ne veut pluls de ohristianisme; mais qui dira la somme de sUJPerstitions imbéciles qui le ·remplacent. Et je pensais aux somnambu" les qui s'enrichissent, aux tireuses de cartes, au spiritisme, 'au 'IUa!gnétisme plus ou mOÎfils ra:nimal. Piel'1'e 7,' Ennite.

LE FOIN NOUVEAU L'af'ïouragement par le foin nouveau ne

doit commencer normalement qu'ruprès l'achè­vemoot complet de la fermentation de ce four­rage. Cette fermell:1tation ne s'achève que deux ou trois mois après la mise en grange. Pen­dant 'la fermentation, le foin provoque des co­liques et d'autres malaises chez les animaux. Il contient même des éléments dangereu.x pour la santé des bestiaux, des poisons qui peuvel'iLt provoquer la mort. Il est donc très recom­mandable de retarder le plus possible l'ali­mentation des bêtes avec ~e foin nouveau et de cooserver 'Une provision de fourrages de la .récolte précédente.

S il devient lIlécessaire de fourrager du foin en fermentation, il est recommandable de le faire préalarblement s'écher à Fair et au soleil pour éloigner toute humidité, tOLLte moiieut occasionnée par la fermentation et dans les­que'l'les essentiellement se trouvent les .princi­,pes qui a ttaquen1 les organes digestifs des animaux.

HUMOUR AlMJFJRICAIN nans touies Iles circonstances de la vie, les

AmérÎ<:M'lls <sont graves et en même temps la­cétieux. Ils ont du bon .sens et une .finesse d'esprit qui est quel·que chose de beaucou.p plus profond que 1 humour ordinaire. On con­naît œtte réponse d'un Yankee ogll!Î venait de se lTIœrier et qoui avait fait 'Cent 'fois, aupara­vant, ,le sermrot de mourir célibataire, à un de ses amis qu.i lu·il l'aJppelait .ce serment: Quand je durails de mourir .célibatai're, je ne croyais pas vivre QlUJsqu'au jour où je me ma~

rierais>. :t

121

L'histoire d'une âme (Suite.)

Ce que c'est qu'un défaut Un déf.aut, c'est une é,pine. Vous ,au­

rez 1naintes io'is 'considéré ,ces épines qui oroissent sur les buissons ou lencore sUrr 'cerlba.ins la'l.1bustes, :sur ,certains fr.uHs, iP'fÏindpalement dans les .pays oh1auds. Elles déchirent et ensanglan­tent ·ceux 'qui les touchent. Voilà ce que 'fait .un déf.aut: il 'cause de viV'es souf­irances à celui ,qui en est laffligé ,ainsi qu'~au'~ :p~odhlain. .-

C'est ,enQore 1,llne tnJalucv,aise herhe qui se dêvelolpp'e a'V,ec une .activit~ p1'1odi­gieuse, pfro,jleHe d~ ~o'utes paris ses r.a­meaux et étouffe les ibolfllnes Iplantes. Si le cu ltiv.at eUT ne se 'hâte ,de l',a'rracher, il ne ,pOUl1riélJ .plus s'en :~endre m;aîtrre~

C'est enco're 1JIll'e .guêpe qui bourdon­ne sans ,cesse 'à 'Vos ,côtés, et vous pique de temps en temps.. Est-il vraiment :algJféahle -de vivre dlélIns La ,compagmie d'une guêpe ,et d'Iê'we ,expo'sé à 'Ses cui­saintes piqûres? SalIs .doute ·son Viol d~stl1ait les étou'rdis, mais le .perfide in­secte est armé d'un dalrd.

Qu'est-ce qu'un défaut? C'est un ver, Uil1: ver lalUSsi 'horrible que ,ceux qui s'at­tachent à l:a r.acine des i})lantes, qui en Slwcent tél! sève et les lont périT. En ·quel­ques jlD'urs La pl1ante ,attaquée ,par ce 'cruel :ad'Versaire ,s'étiole, se fane, se des­sèche ~ 'Ses feuilles ·et ses fleu.rs se 1)en­lC!hent languissantes, :puis Jaunissent: VOUIS n'avez plus bientôt Iqu'un bois mort. 'Ne !faut-il illéllS faire périr 'ce ver sains misérkoTde?

Eh bien, il est tout :aussi indispensa-ble de !f,airie la gue11fie à ses défauts.

Sema'illes et moineaux Il ne 1aJUlt palS o:enonlcer :aux semailles

de 'orlaint'e -des Ilnoilneaux, dit un p'flO­v.ef.be.

\Quand le ,cultiv.ateuif lette 'Sa lSeme~­,ce .eIl! tel1f1e, les moineaux, ou autres 01-

'Seaux malrauŒeurs né S'()nt 'Pas l'oin. Il les VlOit, bien, ·et il sait 'pan.aitement q:u' .aip,rès son dé,paTt ,ces ,~o'Urm:ands vont !]J1io'céder au pillage ,et laocarplélJf.er le plus de gll1aiŒ1JS qlu'ils pourront.

-Eh bien, que penseriez-vous du culti­vlai:eur ,qui Ise 'Ofoiserait les br.as au lieu ,de 'semer, en di'sant: «Ce n'est Ipas la peine de ;peJr:dre mon temps et ma se­me11!ce; il vaut mieux rester chez moi. »

IPlal! une sotte terreur des moineaux il s:e resignel1ait à n'avoir :aucune ré­,coIte.

ILe ;ch:rétien 'qui jUlge inutile de résis­ter à Ises ,pas,sions n'est pas plus sensé. P,élJr:ce ,qu'il ,craint les moineéllUx, c#est­à-dire le ,dia'bIe, il Ifefuse de s'occuper ·de Sion ,chia111lP spirituel, qui est s.on âme, de 1a.ire la 'g'ueflr,e aux 'mauvaises her­bes qui 's:ont lSes vÎ'Ces, de jeter la bon­ne 'semence, 'c'est-.à-dire de recouri'r à la prière et lélIUX 'Sacrements. Comme si ses eftiorls n'étaient pas toujours un excel­lent la'PP'oint pour l'·aveni1f! Gom~e. s'il ne val1ait rpas mieux se relever ;a,p'rès 1l!ne chulle ·que de rester stagnla:nt dans La 'boue du péché, quand 'même l on de-V'liait retomber encore! .

ILa lâ'oheté seule pleut souffler à l'es­prit ·de lPareils pretextes pour renoncer ;au plus ,s'aint ·des devoirs. C'est ,aussi dér.aisonnable 'que de ne pas voul·oir ,commencer l'œuvre, ,par,ce qu'on ne voi,t !pas q'waJ11d 'O'n pour.r.a la fini!r.

L'o"a~e

'Le feuiHage tremlble et frémit d'une ,manière insensible. Un ,calme effliay,ant s'étend S1Urf le pay.sage; le nuage pèse s·ur les :airs, il ,descend, il menace.

I Ja nature animée a l'eUir. L'oiseau rase les blés en tour:noYlélJnt d'un air ti­,mide et n'affl1onte !pas les hal11teurs. Les hôtes des ipâtuif<ages se rendent au ruis­seaUl; inq'ui'ets ils: effleur·ent l'onde, ils ne boivent pas.

'L'édair sillonne l'espace. La voix du Seigneur, dit le ,PlSIalmiste, entr"ouvre

\ tt""

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la nUe et ,fait 'SlÛlrtiJr La fl,aJmme; La flÛu­dre édat'e, elle ifai1J entendre se~, grül1-dements formidabl'es, elle fr.appe . le so·mmet des monts, l:a; cime ·des arrblres, IPlaJcliois .des êtres nUŒnams.

Adieu l'espoi'f ,du laboureur; la glrê­le, voici la 'g'J'êle! Elle tombe en fl.ots pliessés, en torrents destructeurs. Que vOint ·deveniT les t~a'\T,a'Ux ,de l'année?

IQudquierois, 'q.UJand la tempête ~'est dédhraîJl1ée, 1"aimoslphère Hent en Tés:erve Uill 'redoutable ennemi. Le dlésert ia ses tOUir'biUons de 'sable :qui enlèvent tout ce ,qu'ils [lienconi:lrent; l'occident :a ,aussi, lui, 'ses tboull"mentes, il :a ses ,fll1ombes d'eau·.

'lJa 'Voy;ez-Vlo1.tJS s'rav:ancer, lia Icotonne de Vlalpewrs humides? ,Eill'Ve10'gpée p.alr les tOluroiUOlllS du vent elle t'Ûurue sur elle-m1ême, ,elle 'enlève les terres et les feuilles, les slables, l'eau du nUlalge et ·celIe dru Iruisseau. ,Elle ip,etlis.e: 'où v.a-t­elle?

\Malb:eur IélJUOC cltlailIllPs lau ",dessus des­quels elle 'crève!

IL"âme :a aussi ses lona!ges, les pas­sions qui lSévissenlt 'Comme la giJ.-ê1e, des­sèchent les f1.eui11s et ~on~ Tomber les épis mÛŒ1s.

\EiMeuillée, l"â'me .a per.du.! sa Ivedu; elle 'se ,oou'l1be sous le siroco, ISla tig:e s'incJ i­ne et ne soutient Iplus IS011 épi. C~s.t la .mort iPO'UŒ1 ~él! pél!1Wfe victime, à moins q,u'elle ne reOOUif.e à ·DieU! la'Vec fer,veur. N',ouhliions Ipas 'qlUe, ipialr delà les :O~élIges qlUi ~élI IpooiVSiuivent, !él1U-des'slUlS .de ces ~litvêes rfianal·es d'où la ,gmêle tombe avec ,~nalda:sl il ry ,a t'Û·ujjIO,Ul11S le deI êboilé.

Le !lalet de. ferme Un [ermier 'avait autref01s à sOn ser­

vi'ce 'un :dJomesti'que i1IDmmé Antoine, qui :a:vait la mauvaise, 1'lho'11fible habi· tUide .de blasphémer. M'ain,tes ':Fois il l'en avait TeJpris, ~évèrement ,m'ême, 'fien n'y f~:üsait. «C'·est !plus TO'f,t 'que ,moi, di­slait-il, \je ne Isaulrais m'en empêcher.» ILe ,maJÎ;tre [prit la ~s:olution de le ren-

\noyer, mais lélJUplar,av,ant il eut l'idée d'es'Slayer d'un moyen flIOU'V'eélIU.

- Antoine, lui dit-il un. beau matin, si tu plasses tou~e lél! j'oua::nlée 'Sans jllf.er, Je t'e donnerai 5 frr.

:L'es 'Oooasions ne 'man1q uèrent pas à Antoine de s'imp:atienter, ·car il y avait heau!oouip d"ouVlna'ge 'ce jrou:r-Ià et i·l fai­sait très 'chaIUJd. iM:ais la pièce de 5 1f. hriUait {lou/j'ours devant Ises yeux. Ju­rer, Ic'était la perdœ. Â1ntoine ne jura pas.

- Bh bien, lui dit fe soir le fermier en la lui .donnant, Iprétendras-tu en'cO ~ l'e 'qu'Ï'l f'.est impossible ,de ne .pas j'll~ 'fer? .DU!1iant toute cette journée, on n'a plas entendu IUn seul hlasphème.

- MI! Monsieur, si vous saviez cornlme 'je dev-ais ,lne !fetenir et com!bien de frois j'.ai eu mon jUTon SUl" le bout des lèvi"es. Je vou;s :assUrfe 'que j'ai bien ~agné l'a pièce de 5 ir.

- Soit, ·c'étairt: difficile, mais ce n'é­tait pas inllp'O'ssible. Eh bien, ce q-ui n'a p:as lébé impossible -aulou,r,d'OOi ne salu~ rait -l'être :dJemlairn ni les j'ours suivants.

Et en e1ffet ,c"étaH si peu impossiblE. que notre Antoine, craig·nant d'ê~re ·ohassé, et :aUêclh'é piar l'es.poir d'une ré­Icompense s'il 'Se ·corrigeait, perdit to.ta-1ement l'h!albitUJde de · bl.as/puémer, Or, 'ce qu'il a 100 fair·e .pour un ·misérable intérêt fwm:ain, t'out le m'Onde peut le .faire pOillili ,p,lailJ'e là 'Dieu et dans son plrD­pife i'llluériêt spirituel. On le peut d'au­tant mieux ,qu',on est 'a-ss1lllf'é Idu 6eco U;l'S

d'en tl1'a1t~ si l'IOn ·est fidèle à le ,S'ollid­ter.

Le ver destructeur IEtrang,e desünée de la nature végé­

.tale: ll.;e ver Ifo'ngeuf :est en eUe, aiVec elle; Ilialrement il l':ab:anŒonne. Ins.ensi­hIe e11l11lemi qui la. ,dessèche, la par.aly­-se et 1,a tu'e!

En v,ain la TOse étale ses vives cou­ieUJrs, et IPrordi'gue, !aUI ·souffle du zéphyr 1

~es doux pa:r;fums; .J'insecte est là, il la

souÎ,l1e .d;un 'odÎeu'x ùonMd, il !épuise sa substance, il flétrit Isa beauté.

'Dans la ,fleur brillante du po'mmier Penmemi a s'Ûn ·domicile préféDé; la fleur rlésiste, pu,is, 1Q1fSlqu'elle est tombée, l'in~ secte .demeure. Ce beau rEruit, en crois­sant, lui iOUVToe .dans ses nanos la' pri­'S'Ün ,q:tr'il désire, ,et le Vier la :pique, ·pui,s la !fonge.

'Le blé n'eslt pas .affr.andhi de ·ce tris~ te 'Slo,rt de la plante. L'insecte, d',abord ,établi à Séti ·~acine, lui :a enlevé la 'co,m­'m11l11icatÏton 'avec les suas ,de la terre et la tige n'la rp.as véou! .

D"auttes fois, c'est dans sa fleUlr q'ue le ver Ipi'que le blé: il épuis·e ,cette faible uhstance. La ,co~olle tom'be comme la

pouslsiève. Lentement la tige se flétrit; sur le ,sinon natal il iJaut ·qu'elle tombe d Iqu'elle meure.

En!fin, ·c'est à l'épi que s'attadhe l'en­nemi; il se plaoe 'entfte la 'barlJe -et le 'Wliain. Plus longue 'aI,ors est la .r.ésis­télJllJce; mlais ·peu là peu ch:aque grain se lüor'1.1ompt. L'~i n'atteindra pas s'a des­tinlée; il ne fera .pras rpa1rtie .de l'a mois-

. sou, il ne tombena: pas :S!OUSI la: .foocil­le, il ne lui seria ;pas donné de bondir dans l'.aire et de iaillir sous le fléau.

(PlulS tard, le ~J'ain reJp:ose :dans le ~renieli .du maître. 'L'impla'cable enne­mi l.e ,PIOUIl",suit encore là, et l'odieUx oha,r,ançonl . melllaice de nlOlif: ,ce g,r.ain ·qui tél! réchaPlPé à tant de p'élfils.

C'est ici 'qu'abondent les symboles et que }.a iPalUJVre rhUJmal1iM peut rrewouver ses ftaiblesises, 'S,es 'd:oul'eurs et ses cau­'S·es de mort.

'Le Vet1 'aU' sein ,de la /plante, ·c'est l'en­lliui, c'est 'lia rmal:adie, c"est ,surtout le péché. .

lBiefll m~alhreuTeux est le ,chl1.1étien ,q/ui ip'O'fte au ~ond de 'SIon âme 'ce 'ver spiri­turel! IPlus ·de lumière; il vit, ,ce ,cœur, dans :une rnégi:O!Il' ténébreuse dont il se contente, il é~ollf·fe le lori saUiVeU!J: de s.a conscience.

QJ!l!e ISlont ,devenus ces tnstincts gêné­lf'eux .d'un âge meilleur, ·ces vertus ai­malbles, fleurs brillantes, tiges épa­nouies, ,qui ne jpof1taient pas enoore l'en­nemi dans leu.r 'sein? AUI cont:l!ct de l'ennemi tout .pM-it, ~out se cons,ume

j

tout 'mewrt! 1Pourtant, il ne mut ij ainais: ·déseslpé­

Irer; la misédcor.de divine est plus gran­de ·qule le mal; UlU instant sulftfit; une Vlraie honne vol'onté et le m,al Iseva vain­cu.

'Alme pédh,eresse! l'aisse faire le jar. dinier ,oél,este; il a le secret de ,cultiver les plantes hum.aines. Il les aime, fil les a 'C:ooées là ISion image; il sait leurs ma­l,a'dies, il chasse le ver ,qui les oonsume. MailS 1:rtt n'es !pas 'comme le blé, ,qui ne peut rien faire ,p'aT lui ... même. 'L'homme est libre; ·qu·and }'.ennemi est en lui et le déVlo!f1e, fhomme peut encorre luder et 'Vai:nClie; il doit ,coolPérer au trava il de Dieu. N,e l'oublions jam:ais!

La vieille

IL était à. peu près quatre :heures. Le solei,l était moins 'a'rdent, les !I:efiets de

l'eau . avaient des teintes roses traversées de frissons' d'or, des chatoiements amortis de ve­lOUTS, des s'C'Ïntillements aux clartés fauves et empourprées.

Devant nOlUS ies ~aTdlin.s de Cadem abbi a , disposés en terrasses, comme dans un de ces grands pays·ages décoraiifs du XVIIIe siècle, des'cendaient en pente maÙ,estueuse jusque dans le lac.

'Le lbateaJU parti de Come vers midi ne tarda pas â être en vue ÙIU petit pod où je l'atten­dais.

'J,. montai. Nons passâmes sUicœss,ivement Idev,ant les

v.lIlas et les hôtels de ·Menaggio, deval11t Bel­lano au .pied du mont Grigna, et devant Rez­zonico gardé encore !pal' sa vieilile forteresse d'li! XJ~Ele siècle, r'uine géarn1e doo.lt les ~urs

, • \ ,

Page 10: L'Ecole primaire, septembre 1921

crevassés devenus des dentelles laissent voi,r à travers leurs jours· le bleu brillant de l'ho­rizon.

Toute cette partie du voyage est délicieuse et charmante·

'Le lac de Côme a plus de grâce et de no· blesse 'que Ile lac Ma'jeur. De tous les lacs ita· liens c'es~ celui que je préfère; au fond! de ses golfes pittoresquement découpés, de ses baies tranquilles . où ·le flot se déroule en moUes ca­resses, que de /jo'lis villages ignorés, dans d'es sites pleins d'ombre, de silence et de paix! Quelle doUice sieste tIJ'âme on ferait là, reposé dans une ivresse d'oubli, noyé dans les feuil­lages paniumés!

Les Anglais ne voyageant jamais le dima·n­che, Iles premières places du bateau éiaien\ vides; aux secondes, - là Il'avant -. s'enta~. saient des, pays'ans et des. paysannes en habits de fête; ils étaient très gais, ils riaient, chatt­taient, parlaient avec de glrands gestes et de grands éclats de voix, heureux de vivre, de ne ~rien faire, se laissant aller aux expansion':'! bruyantes des peuples ,qui poussent et vivent en plein soleil.

Seule, une ·vieille femme assise à l"écad, conservai t un air' grave et sérieux.

Immobile comme une sta~ue, elle tenait ·ses yeux obstinément fixés srwr la pOÎl1te d\m pe­tit cap qui grandissait dans le lointain et qui s~appelle Dongo.

Je la regardais avec cUJrloslté en me pro­menant :sur le pont, car elle n"avait pas une physionomie onllinaire et d'admitrais 'les gros· ses boucles d'oreiUes et le collier qu'elle por­tait. 'Ce collier, composé de pièces de mon­nait à l'eNigie de Marie-Thérèse, me rappe­'lait ceux que li'avais vu,s au cou des femmes en Bosnie et danSiles confins militaires. Qualllt aux boudes d 'oreilIes, c':étaient des 'merveil­les d'orfèVTerie ancienne.

La vieille finit par !femarquer l'attention que je prêtais à ses bijoux, elle en parut flat· tée, et me dit en italien au momen.t où ~e pas­sais devant elle: .

- Ils sont très vieux, n'est-ce pas, signor? - 'Et très beaux ... . ILes boucles d'oreil-

les sur tout sont belles.

Elle et1/ décrodha lune et me la mit dans la main:

- Pesez-'moi ça; il y a de l'or pour deux napoléons. On m'en a offert cent francs, rai dit non. Ils ont appartenu à ma grand'mère. On ne 'Vend pas les reliques !de famille.:. à moins, œjouta-t-elle d'une voix sourde et con­centrée qui décelait la colère, qu'on y soit obligé ....

En dii,sant ces mots, elle a·vait baissé les yeux, mais elle ,les releva aussHôt et les ra­'mena avec un ;redoublement d'aitention· du côté de Dongo.

GU'l'ieux comme le dev-iennent tous ceux qui voyagen~, je di$A à la vieille:

- Quelqu'un vous attend là-bas? 'Elle me Ifépondit vi'Vemeni: - Oh! non, B.e ne l'espère pas. Quel ma 1-

heur 'S:I « il» était là! On l'aurait pris. - La persoolllè qui vous ,iniéresse est en

1u,ite? - Oui; ,c)eSlt mon mari .... - Votre mari? .. Qu'a-t-il donc ·rait? - Rien.... . . - Mais, cependant? .. - III est .contrebandier ':Blle se tut un moment, plllis elle reprit : - ·Vous ne savez donc pas, signor, qu'on

potursuit 'les contrebaIII.diers comme des va­leMs? lEt elle se mH là crier iout 'haut que le vrai voleur 'êta,it le gou'Vernement qui aug­mente .chaque année sans il'aison les t'axes et les impôts; que 'tout est mepleur marché elll Su~'sse, et que cemc quJ ont ~ bonnes ,jambes pOU'l" tra'Verser ta montagne sont bien lilbres d'allIer acheter leurs provisiOl\S au delà de la ~,rontière . .. .

Les paroles de l'Italienne excitèrent vive­ment. ma ruriosiié; flairant .ql.\elque histoire émou'Vanie, je m'assis à côté dè. la vieille et je la pria,i· de me conter f'aventute arrivée à

son mari. - Ah! signor, [it-elle, quel malheur! Il y

a trois jours, lIa 'Veille de l'Assomption, mon homme revient, ,selon son habitude, pour as­sister â la grand'messe, car il est bon chré­tien. Comme la nuit était sombre, il avait pris · a veé tUli, QU lieu de le laisser dans la monta-

i2ô

gne, le ballot de faha,c qu'il étaH .allé chercher à lùwgano. Qui l'a dénoocé? Qui l'a vu?'Nous sallllrons ça plu:s tard. Il n:'a Œ"encontré ni gen­daTmes, nt douautiers; son chien n 'a pas . aboyé. une seule lois, lui 'qui flaire ces fripouilles à cent pas et qui leur en veut pOUl· ~ous les coups de ,fusil ,qlt'ils lui ont envoyés. Pauvre. TUlrco! n ne dira plus rien maintenalnt! Un si fidèle anri.mal, et sans peur, comme un lion! Les hriganldis me l'ont tué . . . •

Une larme rou'la sur 'la Ijoue ridée de la ·vieille.

!Elle l'essuya du revers de la mai'l1, puis elle continua:

- Mon mari ùeta son ballot dlans un {;olill de la cui·sine, mangea sa polenta et se cou.cha.

Quand ge le rejoign1s, ill dormait comme L1ne souche, il avait fait quànze lieues de mar­Cihe.

Vers 4 heures, Je fus réveillée par le cnien qui grognait. Le village semblait encore plon­gé dans un profond ,sommeil, dans ce som­meil si .ca.]me des dours de fête; au dehors 011

n 'entendait pas un bruH, sauf quelques coqs qui commençaient à. se répondre.

Je me levai bien doucement, je pris mes sabots là la main, et tl.e descendis à la cu isilne où nous aviollls laissé Turco.

:La queue et les oreilles droites, 1e m:y:seau allongé vers la porte, il grondait d~une voiJ.. rauque comme s'il eût senti /quelqu'un de sus­pect r ôder autour de la maison.

- Silence, Ttl'fco, silence! Hs-je en me glis­sant avec précaution le long du mUT jusqu'à la fenêtre; et de me cachai clerrièi:'e 'Un vieux manteau accroché à UIl1 clou, retenant le chien de -la main droite, soulevant lentement le manteau de la main gauohe pou'r regarder ce qui se passait devant la maison.

Le cœur me battait, j'avais de vHail!1s pres­sentiments.

Un petit ~{)iUII' gris tombait comme ·une poussière; de ne vis rien.

iEt ,cependant Tl\.IJfco continuait de gronder sourdement et son poil se hérissait~

Tout à icOUp il fit ru.n mouvement brusque et il s'élança de toute sa ·force contre· la fenêtre.

Je reconnus des douanier s.

- Silence, Turco! criai-je .de nOUJveau art chien en 'le regardrunrt: d :Jun air de menace· et je l'entraînai avec moi dans t'escalier qui ~on­duit de la ouisine â la dhambre.

Mon mari dormait encore comme UlI'L bien­heureux.

-- lLève-toi vite, lève-foi, dis-Ûe en le se­couant.. ... Les douaniers sont a.utour ·de la luaison.

Il ne filt qu'lun saut et me Idemanda si j'a-vais caChé le tabac.

Je luli trépondis: - IPas encore. 'Il me dit: - Dépêche-toi d'aller le cacher. Je. :redescendis dans la cUJÏsine avec Turco,

mais il n'y avait phts moyen de le tenir. Il sautait comme un furieux en ahoyant. Il finit par m'échapper.

Si vous avjez vu avec qUe'He colère il ·se jeta contre la parle; ma parole, on eût dit qU11 léta:it enragé.

r appliquai l'œil au trou de la serrure el je vis les deuoc douaniers qui s'avançaient à pas de loup mais avec précaution, pour ne pas faire de bruit. Je barricadai la porte avec la 'lourde table de chêne Ide la cuisine et je tirai tout doucement le grand verrou.

- Pourvu que j'aie le temps de cacYler le labal{:! pensaÎlS-je.

Je cha·rgeai le sac sllIr mon ·épa·uJe et ge courus Ile porter à la grange où je le lITIis sous un tas de paille.

lPen:dant ce temps, les douaniers qui avaient entendu le C'hien :l'bayer et qui craignaient que mon mari ne vînt au devant d'eux, car c'est un gaiHard ru n'avoir pas peur de six hommes, s"efforçaient de forcer la porte, mais ds n'y parvenaient pas.

Alors ~ls se mÏ1'oo;t à parler. 'f.urco aboyait si furieusem~ll1t qu'on ne comprenait rien à ce gul·ils disaient.

Comme je ne il"épondais pas, l'idée leur vint qu'il n'y avait peut-être personne, ' et ils cru­rent ,qu'ils pouvaient ·se r isquer par la fenêtre,

Vun d'eux, d'un coup de coude, enfonça un carreau, ;puis passant le bras à l'intérieur, il pouss'a l'es.pagnolette et ouvr it la fenêtre.

"t. 'f' t 1 • i

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,TUlrCO, au milieu dè la CUiSIne, les yeux flamboyants, la gueule ouverte, atteadait.

Dès qu'il vit une issue, il prit son élan et sauta il travers la croisée au .cou du premier douanier.

11. ~omme et le dhtien roulèrent à . terre, l'un criant, l'autre 'muet, mordant son adveisaÏ're avec lfurenr, essayant de l'êkangler. Lhomïne était bllanc -comme un mort, ses mains cris~ pées es,sayaient en vain de repousser le chien dont le museau était maintenant Ll'ouge de g.ang. ~Les autres douaniers aCCOlll1'urent le re~ volver au poing, maios ils n'osèrent pas tirer de peur d'atteill1dTe .Jel1T' camatfade en même temps que le chien.

Une bataille terrihle s'engagea entre ces hommes et Turco. Ah! signor, si vous aviez été ~, YOUS aW'iezcrié bravo tellement Turco êtalif beau! Il ·avait lâché son premier adver~ saire qui était étendu, tou;t 'l'oide, sur le sol, et ü s'était retou.rné contre les autres doua­niers. JI Iles mordait, 11 déchirait leurs vê [e~

ments" sautaallt de t~un à 1 autre, bondissant avec l'agilité d 'un tigre et la frénésie d'un dé­mon. Ils tirèrent p1usieurs fois sur lui sans l'atteindre; 00 eût dit qu'il était ensorcelé.

'Enfin ils prirent leurs sabres, et cette fois, comme TUTCO ne re.culait pas, qu'j·l redoublait ses furieuses attaques, Hs le transpercèrent de plu.sieurs cOUips à la Ifois.

IMon 'homme était (des emdu dan la c Lli ~

$ine. 'Il me dit : - As~tu caché le tahac? IJe ,lui répondi,s oui. _ C'est bien, ~it-il. Adieu, ~e 'me sauve

avant qu'dIs entrent. Ne manque pas daller demain :raconter à Luigi Cervi ce qui est ara rivé, et préviens les camarades. Ils te donne­ront de mes nouvelles.

il! sortit .par lIa petite porle de la g.range. et 'je montai au grenier pour le suiVl'e à tra­'Vers la Ilucarne. Il se coula le -long d'une haie et atte~gn,jf les 'vignes où il disparut. Une fois da,ns les vigneS' il était dallls la montagne.

Quand ~,e revins dans la cuisine les doua~ niers y étaient, bouleversmt tout, fou.nIallt tout, Ibfi.sant tout comme s'ils étaient ivres.

\L'1un d'eux dont le {:)anta-lon était c1échirê et le genou saignait, m'empoigna à la gorge et me lPousS'an1 contre le mur, s'écria: -

- Ah! !C'est toi, ,sorcière, 'qw as lâché le chien contre nous ....

Je crus qu'il allait m'étrangler. Je n'avai s plu,g. de sou5lfle; mes yeux tournaient.

Ses camarades !l'arrêtèrent. ~ Où est ton mari? me demandèrent-ils. Je leur :répondis: - Mon mari n)est' .pas ici. - Tu mens! - f"ouiUez ,la maison.

ILs allèrent partout, dans tOUS les coins, à la calVe, au galetas, dans l'écurie, dans la g1range. .

(Us avaient ouvert la porte de la cuis.ill1e, je sortis pour voir <Ce qtt'~ls 'avaient faH de Tur­co.

Hélas! Ile pruuvre chien était étendU! sans vie, le cou à. moitié coupé

1 la gueule salie

d'u.ne écume sanglante, à quelques pas de la Ifenêtre qu'il a va,i t défencùue. De le voi r ainsi) cela me creva 1e ;cœur.

1e pleUil'ai comme sii ravais penLLli mon eu­~t.

Les douaniers n'ayant .rien trouvé, étaient -revenus.

IJ1s me dirent: _ Ton ma:r:i 'a Œilé! ... c 'est un malin, mais

nous le rattraperons .... Sorcière, dis-nous Où est le sac ... le .sac de tabac qu jil a apporté JlÏer -soiT?

'le leUtl' répoo.di,s: - III l'ama emporté pUiÎsque ·vou s ne l'a g

liez vu l1ill'lle part. I1s voulurent alors m'intimider . par des

menaces, faiTe !semblant de m'arrêter; je leul' dil&: « Je ,gais 'la loi:, VOlUiS ne pouvez rIen .sans preuve ... Vous n'en a,vez pas ... allez­'~ous en ... »

Ils 'furent bien obligés de me Ilaisser iran­qUJiHe.

Et as sortirent en ,naugr6ant. - Ton mari payera tout ça! 'l''-Î'cana le plu!l

vieux, en nie mettant 'son poing sous le nez. ,Je lfemontai à ma luca·me et 'je les suivi

121

bngtemps, iong·temps, tiusqu'là ce 'qu:ils eus­~ent dri.,sparu.

A la nuit, fenterrai au lond d,u jardill.l no­tre paUiVre Turco et d'ornai soa tombe de quel­ques fleurs.

J'étais bien triste, de pleu,ra,i une partie de la nuit, et sans ces·se je me disais:

« Si pourtant ils attrapeŒlt ton homme, que devielllCii"as~tllJ et Ilwi que deviendra-t-il?»

Le lendemain, à la pointe du jour, j'étais de nouveau en vedette au grenier. La plaine était tranquille et déserte comme la montagne.

Quand le bateau passa, je le pris pour al­Jer à Lenno, chez Luigi Cervi. Ce Luigi est Udl! gros négociant Ifort riche. Il m'écouta d 'un ~,ÎJr contrarié et me dit ces seuls mots: «Tâ~ chez que votre homme ne -s.e fas'se pas pin­cer!», puis tH me :congédda.

Près de sa maison je l'entonlrai quelques compagnons de moo mari, qui ' savaient déjà la nouvelle et me dirent de bonnes paroles.

.J"ai dû cOIUiCher à. Lenno, car le bateau ne revoient pas dans la même journée. Encore dix mÏinutes et je .serai de retour à Dongo .... C'est .ce point qui est là, devant nous... Ah! « 'santissima Mar,ia, ril'aoi. froid au cœur et il me semble que mes yeux 'se !brouiLlent. ... Vous ne 'Voyez rien, signor?

Je pris ma 101'gnette mais Üe n'osais pas d:i:re à la iVieiUe que j'apercevais au milieu d'un grand con~ours de monde, des d'oua­niers en armes qu~ aV.aJient l'air de garder ~n prisol1ll1ier.

iLe hateau ,se :rapprochait de plus en plus des rives 'Vers lesquelles ·ses hélices envoyaient de Ila,rges nappes d'eau !bleue frangée de den­telles dVécwne.

On distinguait maintenant cà l'œil nu les maiso01'SI iCllu vmage avec leurs treilles vertes, le cO'llJvent (des 1D0minicains' â Fentrée de la, va]lée, l'auberge avec son enseigille rouge, le petit débarcadère au pont de bois 'bra.nl'ant posé sur de Ihauts chevalets, et la ,foule endi ullanchée qui Œaisaoi.rt: cercle autou!' de deux douaniers enire 'lesquels se tenait un hom­me dont les deux maÏlns étaient attachées.

La vieille s'était levée toute droi te: elle re­gardait avec la fixité d'une hallliUdnée, puis

towt à coup, elJ.e devint pâle comme un linge, elle artiloula un nom d'ul11e 'Voix étouHée, -le nom de .son mari sans Idioute, - et elle se laissa tomber sur le banc.

:Le ibaieau labordait, 011 jetait ~es cordes; tout le monde était occupé 'à SlUivre la ma-' l!1œuvre et :à 'Voir ce qll!i se Ipassait à terre. Personne, excepté moi, n'avait remarqué l )é~

motion de 'la vieille. BeaucoUip de gens descendaient. Dès que

la petite passerelle lfu.tt libre, les deux do·ua· niers emboîtèrent le pas derrière ' leur pri­sonnier et montèrent soUr le bate,au.

11. homme qu::.iLs condluisaient à Gravedona, où ,les :prisons ront autrement soUdes qu'à Dougo, éiait un g:rallidl diable au teint pâle, aux yeux et au!X) ·cheveœc noirs, à 'la barbe dJUIe et Ifris'ée comme diu CL'lin., au cou maigre dont les muscles saillaient; la p~al.lJ de S011

ryj'sage était comme collée S'UT 'Ses os et creu­sée de rides profondes. Une véritable figure d'affamé. :Il était vêtUJ d'une veste coulelU' oli­ve, iaoUnie par les plulÎes, ,mangée par ie so­leil; ses .panialons de velours à côtes étaient couverts de !boue et déchirés en plusieu'rs en­droits.

Son appa:riti.Ot!lJ excitoa un v-if mouvement de ,ouriosité parmi les pa,ssagers qui s'interrogè­rent, demandant SQ on -le connaissait, si on savait pourquoi il a'Vait été arrêté.

'La vieiille, â côté de laquelle j'étais l'esté, détOltLl11:a vi'vement 1a tête et regarda ICl'"un au­tre ·côté.

Comme le banc était libre près d'elle, les douaniers, vinrent s'y asseoir avec leu'!" pri­sonnier, qu'.ils mi'l'ent au. milieu, d'eux.

Le ibatea-u avait repris 'sa marche, côtoyant des bords très plats et marécageux, couverls (Foseraies aux longues tiges a·rgentées, cou· pés de ruisseaux et de canaux formant l'em­bou.chiure dn.lJ 'Dongo.

Le p6sonl1ier avai l rabaHlI. sorl large cha~

peau de ~eLltre sur ses yeux, et il paraissait dormir.

Un des douaniers dit à son (wmpagnon: - rai soif, et toi 'Pietro? Pietro, qw était près de 'la vieille, répondit:

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- Et moi donc! après toute la poussière que nous avons avalée!

L'autre reprit: - Eh bien, va -boire le premier, tandis que

je Je garde; moi, fJ'rai après. -, Je te ferai apporter un verre. - 'C'est juste. ·Pietro se leva et descelUdit dans la cabine. IDeux min'U~es plus tard une grosse som"

llIelière aux mancJhes retroussées sur ses bras halés arriva 'avec un grand verre de vin rouge qui oscillait sur une assiette. Elle le présenta au douan,ier qu'i glissa son f.usil sous le banc pour avoir les mains libres et boire à son aise.

Comnle il lapail son vin à petits couI>s, en passant sa langue sur sa moustache, et qu'il avait entamé ll.tn bout de conversation avec sa vois-ine, la vieNle qui méditait son coup de­puis Dongo, tira vivement 'de sa poche un couleau ouvert, coupa les cordes qui liaient les mains de son mari, et lui dit en lui mon­trant le iJ."ivage 'qrui n'était qu'à une ~ntaille de brasses: « felipo, par la Ma!dbne, sauve­foi! »

Le .contrebandier jeta un rapide regard au· tour de lui, et ramas'Slant toutes ses forces, il sauta d~un hond par-des5JUS bord dans le lac.

Son gardien vit ae mouvement trop tard· U demeura !Un moment stupide, comme pétri­fié, tenant son verre d'une main et l'assiette de l'autre.

Cependant .il se ra.v.isa, et jetant les objets qui l'embarrassaient, il se baissa pour ra­masser son, fusil. Une balle bien dirigée pou-vait atteilljCi1re le fugitiŒ. . -

Mais la vieilae veillait. Au ' moment ' où le douanier se pencha, Ile

le poussa de toutes ses fovees: il perdit l 'é­quiliJbre et roula sur le pont,' et pour le main' tenir à terre, elle se rua sur lui, l'ê!re~gnaut à la gorge: «Pietro! à moi, au se· .. .se· .. cours! :l)

Pietro ne 'PQu:vait pas Fentendre et person­ne parmi les passagers ne voulait prendre le ,parli d,l'iun douanier contre une femme. Du reste tourt le monde était occupé à swvJ'e 'le fUi'iifif qui nagea·it comme un désespéré et

dont les chan,ces de sa,lut augmentaient à cha­que ' seconde.

IEnl1Ïn Pietro ardva, appelé opar les gens du bateau.

l'l se Ijeta ,sur lIa vieille, eut mille peines à débarrasser son camarade, et taudis que ce­lui-ai la maintenait, li.} déchargea son fusil contre le f'll!g'itilf, qui lui répondit par un geste ironique.

Il venait idle prendre pied 'Slu,r le sable de la 'rive: il était s'a:uvé!

!La vieiIŒe, dépeignée, son bonnet dans le dos, les grandes manches de sa chemise dé­chirées, r.ia.i-t aussi, Iprise d'un fol accès de joie.

Qua!lld elle vit son ~a'l'i disparaître der­rière le l"idea'll mouvant et argenté des osiers, sur la plage déserte, elle frappa des mains et se mit â danser, mais les 'Cieux 'douaniers l'ar­l'êtèrent en kt prenant bl'usquel11ent chacun par un bms et en IliUi idlisanl des 'mots grossiers. Puis ils la 'IOl'cèrent à s'asseoir et ayant renoué la corde ,coU!pée qui avait servi pour SOI1 Iïil3.ri , ils lui attachèrent les poignets.

EIJe les laissait faire, douce maintenant comme une !brebis, et lew" disait: « Tout ce que vous voudrez... ça TIl'est ég.al. . .. Il est sauvé!. . . ' ij'lli; il serait 'mort dans vos abo­minables prisons où H n'y a pas d'lair... à moi, ça rm:est égal! ça m'est égal! ... l)

Et elle if'iait, en se moquant des deux doua­niers ql.ll; la ligotaient en jurant, et la sep :raient si fort 'que le sang giclait de sa chair.

t Victor TISSOT.

Il •• u

Variétés * «Pardon, M. le Pl'afesseur, .dit un élève

à sou maître plongé dans iUl1. travail. absor­bant, je voudrais VOI.llS poser une quesHon sur le cerveau de l'homme .... l>

« Mais, mOIll ami, répliqua 'l'autre; vous voyez hien que frai aut.re chose en tête! )

1) >il ._ Vous irez â ,la mOillJtagœ, cet été?

Non, 1es !Pf1Î'X :sOll1J1: ,trOjp élevés. lNoos airons à 131 mer, 'P0l1j~ !pro~i~er de 'la' vague Iqui baisse.

129

Pain bénit A mesure que la 10i staffa~b1it, leS' couttt~

Iwes le·s plus l'es,pectables et les plus s~in'!es tendent. à diparaître. Dans la plruipart des pa­rois'ses, la cérén:l.Onie dru pain bénit est tOJ11t­bée en désuétude, et là où elle se fait encore, ce n'es'!, saulI dans les campagnes religieuses, oit les traditions se conservent davantage, que par exception, à l'occasion des grandes fêtes de l'année. Cependant, le pain bénit est un de nos plus an,ciens et de nos plus véné­rables sacramentaux. DlJ.ns certaines .régions, la famille qU1Ï donne le pain à bénir est re­présentée, au, marnent de cette bé~édiction, par un des enfants de la maison, ordinaire­ment une ~iIle habillée de blanc, tenant un cierge ;a la maÎ'n. C1est là une cou~ume ins­pirée par la ~oi, la bénédiction donnée au pain offert étant une bénédiction pour toute la .famille. Le plus ordinairement, dans des villes, l'o.tifrande du pain à bénir est faite, par convenance, par bienséance, dans des pen­sées humaines et la famille donatric!! s'en dé­sintéresse' ailleurs c'est le service de l'église qui le fo~nit. '

Et cependant, l'usage , du, pain bénit re- ' monie aux temps les plus anciens. N'est-il pas 'URl souvenir des agapes des temps apos­toliques? Ces ag~pes étaient des repas, ainsi l110mmés à cause de la parfaite oharité qui régnait-entre les fidèles qui y prenaient part. A cet âge d'or du christianisme, les chré­tiens ' se réunissaient daus quelque maison particulière, dans quelque modeste oratoire, ou même dans une cata.combe; et là, en mé­moire de la dernière Cène que Notre-Sei­gneur fit avec ses apôtres, ils s'asseyaient à la IPJême table, riches et pauvres, granros et petits. ChacUill apportait ce qu'il avait et ils mangeaient ensemble, les pl~s riches parta­geant aiVec les plus pauvres. Doux et touchanlt spectacle que la ~aiblesse humaine ne pertll1Ït pas de contempler longtemps. -' DUl temps même de S. Paul, de graves

ah us s'y glissèrent; l'Apôire s'en plaint vive­'111lfut et les corrige avec rigue4ll'. Mais les abus au lieu de diminuer, allèrent toujOUl1's'

en lalugmeutant, e~ l'on fut, dans la suite, obligé de supprimer ces repas m~sfiquesj il n en reste plu.s qu~~ dernier mais précieux ( v~s­tige: c'est notre pain bénit. Et ce pain Ille

nous rappe1le-t-il pas, d 'une mani~e plus pré­cise encore, le pain eucharistique, par les pa­roles que l:IEglise èmploie daus sa liturgie pour le bénir. Jésus avait lu,i-même béni le pain qu'il multiplia dans le désert pour nour";.' l'il' la foule qUli l'avait Sluivi fout un jOll'rj il avait promis, à cette foule émerveillée de ce miracle, un autre pain qui serait son corps et dont la nourri'ture mystérioose ferait vivre les âmes d''Ulne vie divine qui ne finirait ja­mais.

Ces promesses, PEglise les rappelle 'à No­tre-Seignettrr dans l'oraison par laquelle le prêtre lui demande de bénir le pain qui lui est présenté. «Seigneur Jésus-Christ, pain des Anges, pain vivant de 1 éternelle vie, dai­gnez bénir ce pain, comme vous avez béni les cinq pains dans Je désert, afin que tous ceux qui en goûteront reçoivent la 'santé de l'âme et du corps, ô Dieu, qui vivez et ré­gnez daJl1's tOu.s les siècles des siècles. Ainsi soit-il. :t> Mais, pour estimer et aimer une oho­se, il est nécessaire de la connaître, ef notre époque nl 'est-elle pas une époque d'ignorance religieuse!

• 1 ... $.......-----..

Pour le 1 el' Aotit

Pacte de 1291 A-ui nom du Seigneur, Amen. C'est chose

honnête et profitable a.u 'bien pubiic de con­solider les traités dans un état de pa'ix et de lranquillité. Soit dolt1.c notoi1'e à t.ous ,que ies hommes ~e la vallée d Uri, la commune de la vallée de Schwyz et la commune de ceux de la vallée inférieure d'Unterwald, considérant la malice des temps et il l'eiŒet de se d~fen­dre et ,mainteni.r avec plus d'efficacité, onl pris de bonne loi l'engagement de s'assister mutuellement de toutes leurs forces, secours et bons offices tant au dedans qu'au dehoil'.s du pays rovers et contre quiconque tente~ati

Page 13: L'Ecole primaire, septembre 1921

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de 'leur faire v.iolemce, . de les -inquiéter ou molester en leurs personnes et en leurs biens.

Toot ce que dessus sta~ué pour l'utilité commune, devant, s!il plaît à pieu, durer à perpét.uité.

Fait en l'an dlu Seigneur 1291, au com­mencement d'aol1t.

~

Une étoile su r la cime Un soho de 1er aoû,t, jl'ai compris ce que

c'est que la Patrie. C'étaH dans illJn village montagnard. ILes ~ étrangers» s'agitaient s'empressaient, dressaient des gurirlandes ies: tonnaient de lampioills et tilt! drapeaux l~s fa· çades des hôte]s. Les gens du pays, dans le my.stère de la sal'le d école, tOUt aU! fond du hameau, répétaient les eh~urs patriotiqües. et le vent qui roulait w trombe .sur la vallée em­portait -des morceaux de «Sem,pa'Ch», de «,Roulez Tambours», dU! « Crunüque Suisse» mugis par la \fanfure. '

ILes enœants prenaient 'Prét~xte d"un grand feu qu'on al1umera'lt :sur la plateforme her­beuse d'un «point de vue ·» IPour courir tout le door la forêt, se lbarlboui'ller de myrtilles et se poisser de il'ésÎlle. Mais on n'était pas content, au ,viJlage. Quand! VO'll!S disiez aux vieux â. veste ,coUIrte 'qui, 'le soir venu, la pipe aru ,coin des lèvres, les mains derr-ière le dos causaient devant la Poste: «Alocs nous al~ Ions avoir un beaou 1er Août? » j:ls haussaient les épauJes, jetaient l\.lll1l 'jet de satlive bruJ11e s~ le ohemin et r~ondaient: « Maurice et Joseph s'Ont loin a·vec des Anglais. Y au'fa' pas de feu !SiUJr la Dent. l) Et les' filles en fa-00 nt, regal"daient s'cuvent du côté du' glacier et le rateaou en l'air not·aient avec dépi,t: « Ja­maLS ils iIl'a1l!rQlJJt ,le temps de descend,re et de ,remonter. ~

\La Dent, ·c'est une œlèche de pierre effilée qm ,domi!l1e la plaine du hant Ide ses 3800 mè­tres. /N-y monte pas qui veut et aV'oir « fait la Dent» vous confère, dans la il"égion, un hr~v~t de courage, di'em:Lurance, de s'ang-ko,id qw Impose aux plus maHcieux. On salue avec res'pect, fût-il le plus r.id~CU!le des cit~dins, ce-

lui. qUlÎ' a « fait la 'Dent ». Il est du coup sa-'Cré montagnard. ' . ,

A 2 heures, OnJ avait perdu tout es,poi,r. lLe temps était â l'orage. Des nuages s"a.mas­saient autour de la (Dent dont on n'aperce­vait pLus que la pointe étilllcelante nageant dans un ciel moutonnant. Maurice et Joseph n'étaient JPas Tentrés,. Vers les. 4 heures ils apparurent. Ils déva'laient le dernier r;idil­Ion caillouteux qui pointe droit /Sur le pré -de leM chalet. Ils étaient sales, harassés, en­croûtés - des clol\.tS de leurs souliers jusqu~à la barbe - d'une couche de boue grise, faite de l'eau des 10rrents t'raversés à gué, de la neige des névés et de la poussière des piero f,iers. Il.eurs torses trapus chargés de cordes) de piolets, · de 'sacs semlblaient trop low'ds pour leurs j,ambes serrées dans· des molletiè­res en HœHe. Ils prirent :Jeur dé, fderrière le volet, entrèrent chez eux, 'Sans r~ondre aux .timides bonjours, ·tandis que leurs Anglais se dirigeaient ·vers Phôtel.

Décidément, pas de feu sur la Dent, ce soir.? On me rit aU! nez. Il [aut six herures en la tournant, de tiOUil' et pa,r le beau temps. Trois en l'abordant de front et :ce n'est pas un Üeu faoci'le. Je m'en dotLtais â voir se dres­ser cette ,longue pointe de roo où l'œil ne pax;venait pas à accrocher une saillie.

Une neUlre plus tard, 0011 vit Maur.ice et Jo­seph sorHr de lem ohalet. Ils étaient rasés de ~rais) brossés, méconnaissables. Ils avaient leurs souliers 'ferrés reluisants de graisse ~rakhe, des morIetières propres, des cordes en sautoir, des piolets srur l'~paule, Ils se diJ:i· geaient vers le Bazar.

- Alors, et ces feux pour la Dent? Vous ne pouviez ,pas les apporter c'hez nous?

- Vous y aIJez qu:and même?

.us eUll"ent ru,n geste d'iIlliPatience et on eut peurr '.d'une colère. Mais le temps ma'l1!quai't. Ils prirent le paquet de feux de Bengale et, méticuleusement, avec les soins de nourrice emma,mottant run précieux .poupon, l'assu:jet­f.i.rent sur. leUil' sac. iDe ~eu:r pas lent, ils re­broussèrent ,dhemin et s'enfoncèrent dans la montagne.

131

Et tout ~ coulP, en bas, à 10 heU!1'es, Je~ ohanis, 'les !bruits, les discOUil's les rires tout s 'arrêta. ~J1e émotion poignit' les cœur~.. La haut, là la fine poin1e de la Dent qU'assai'!" laienrt les nuages, une étoile s'allumant cla:i­:re, pure et brillante comme une goutte de rÛ' sée perlant au matin sur Pherbe dUr pré.

A ce signal, rd.'autres étoiles s'urgirent de 'l'omibre. Les yeilx en ha:wf, une à une, avec fierté, avec graMude on les -reg.ardait naître) on épiaH les moindres phases de ]euil' fugitif et lumineux Idestin.

!Mais de toutes la plus helle, celle qui dura le plus longtemps" celle qu'i s! irri/d'j.a des feux les plus vi\ts et persista) tenace, par dessus 1es tllU ages , seule au ciel, alors q.ue toutes les aufres 's'étaioot évanouies dans la nuit, ce fut l'étoile de Œoi et de mâle amour allumée par la volonté de deux montagnards, à la pointe. la plus ,inaccessi'hle de la Dent.

iL. HAUTESOURCE. ~Extrait de Il'Ecolier genevois".}

La vieille maison -Moi, q,wi suis né dans les CqpealUX, je l',a­

vais bien connue et a.imée, la viellle mai·som El'le était pour 'l11eS 1eunes papilles comme

un bouquet de Ueuil's·.

Il y avait un large escalier, bordé de v:.eux arbres sciés en planches régulières., et qui sé­ohaient le 10ilg des murs blanchis à la dlaux; ils attendaient l'heure de devenir des meu­bles fins et soyeux, caresse à la mai'ili et aou­celltr aux yeux. J'ai!fi'1ais le par:twn de ces ar­bres et, par une ' sorte d'instinct ancestral, je les nommais en moi-même, rietn. qu·'en les respirant.

J'aimais l'atelier avec tTiple rangée !ïé1a­ihl,ls .. " avec. les. ouvriers aux bras nus, chan­tant, varlopa.nt d',~m grand geste tradiiion­nel ....

J'aimais, au cœUil' des rabots, la :Iaissan­ce, le déroulement, Pefflorescence des co­peaux hhmcs et dorés et !frisés._

Que n'aimais-ie pas en ce sanduaire du bois!, . . '

J'aimais même la sciure !fine, que je pre­nais à pleines mains, et où il me semblait re­trouver comme Pâme lointaine de la grande forêt hmissante et verdoyamte.

~ Cette -maison, elle paraissait faire pa-rtie des

choses qui ont toujours été et qui ne pelLvent pas être autrement: même patron, mêmes ou .. vriers, mêmes ~ournisseurs, même clientèle aimable et fidèle, se succé.'CJ.ann- de père en fils ....

Elle venait l~, dans l'atelier, esquisser des projets, éprouver des tenta'tions ... voir, com­parer, assister à la naissance du metLble rêvé lequel ferait si bien là-bas, dans la douceUl~ du foyer ....

- Surtout, soignez-moi bien cette conso­le, M. Durand. _. c'est pour La fête de ma femme et!: nos viugt ans. de mariage! ...

- Alors, laissez-moi choisir le marbre ... j'en connais un ... unique!" ..

- Ce sera chaud ... ? - Mais il ,fera si bien!

Oh! tentateur! ... le prix au juste. _. ? Autour de 2000 ... . C'est trop!... quatre ·fois trop!!. -. Lais'sez-moi vous le montrer?

- Non, je ne veux pas le yoir... je suc­comberais .•..

On discutait gentiment, et on s'arrangeait towjours. L'atelier devenait un salon où 9011- .

vrnt l'ouvrier donnait un avis. trè~ écollté. Tel contremaître exhibait 'une vieille pipe chaudement culottée, qui h.ù avait été o.f.fèrte en souvenir d'un amoU!r de petite vitrine POllli­

padour à laquelle il avait travaillé un 'l\n-Et tout cela était si 00111 qu'un client, son

lOOuble ,fini, ne se ré~tgnait pas à ne !pas re­venir, au risque de se laisser tenter encore ....

~ Mais la roue tom"ne... le père Durand,

est devenu vieux ... très v,ieux. Son ms était mort aJUJ champ d'honneur,

et n'ayant eu que celui-là, le père DUil'and -oh! la d'll.re punition! - a dû penser à cé·

~ttttttttttr"""r""rrrrrrrrrr",r""rrrrrrr""""t""""""t"'ttt'''''''' . - .,~

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iS2

der sa maison à des étrangers... sa maison tellement sienne!... où tout avait son em­preinte. .. sa maison prolongement de son âme, qu'il eût été si bon, si: indiquéj de Mguer aux « sieus» s'il av,ai~ eu des «siens »!

Deux jeunes 'gen~ se sont présentés et ont ()I~fert la ~orte somme.

Après avoir temporisé pOUtr gagner un peu de temps, DU.ra!l1d dut s'indiner: il n'en pouvait pluls.

Un soir, il W le tour de son atelier, 'regar­dant les dhoses comme on les regarde quand on leur :dit le suprême adieUt.

Et les choses semblent vous :iixer aussi.

Il contempla longuement les outils, les éia­blis, les plans accrochés aux ImllifS, les beaux

. dessins accumulés depuis quaranle ans, les planches de :f-in bois des Hes, de chêne blond qu'ill n 'avait pas utilisées.... Puis, les lar­mes aux yeux, il s etIl alla poulr 11e plus jamais revenir. .

~

, ,Le lendemain, chics et autoritaires, les deux jeunes gens arrivèrent et prirent pos session de cette maison qUli devenait « leur » maison, puisqu'ils lavaient payée.

Ils sortaient tous les deux d'une 'haute école; le père Durand, lui, n'avait ,jamais été à cette école.

II1s avaient des idées irmpémtives' sur tout et entendaient les imposer.

ILe père Durand n'.jmposailt pas, il per­suadait.·

:Les nOUiVeaux patrons regardèrent la mai­sou, la soupesèrent, ne faisant entrer en ligne de compte que la matière... n'estimant pa·s, ne voyant même pas ce qui en était l'atmos­phère, la douceur, la traditionl, l'a~ectioQ1 ... donc, en réalité, la force.

~

·Le premier jour, ils eu'rent une dis.cussian avec un v'ieux et honoraJble client, qu'ils trai­ièrent, sallls nuance, comme ooe humanité qui a fini son temps.

- Mais, Monsieur, vous nous demandez la lune! •..

C'es,t que le :père .oLllrwd. Inre ia don:-nai t, la Lune! ...

- Ail.lfjourd)hui, elle coûte trop cher. - Alors, j'irai autre palft. - 'Allez-y dooc! .. . 'Le client partit ... . lPuis ce ~U!t un oUIY'rier ... et un autre de-

puis 37 ans dans la ~,a.ison. ' ,Peu 'à peu, l'ancien personnel devint sus­

pect. ILes clients aimaient là parler avec le premier contremaître; I\ID des deunes gens en prit ombrage, et le vieux contremaître sauta.

Sauta avec lui le dessinaiteur. On demanda sans courtoisie des arrhes

d'avance. !Bref, en quelques mois tout changea. Le

père DU:foand avait suscité une !famille ouvriè­re et artistique ....

Eu:x, ils firent une boite.

~ Et main'tenant, cela va comme vont les

boîtes. DgiIé i'ncessant de têtes nou.velles) parloi s

inquiétantes .... Grève par 'Ci • .• Grève par là .. ,. 'Prix de série... remise sur les quantités. -. faut que ça rapporte!... Si vous Il'ê-

tes pas content, allez-vons-en! ... - T'en fais pas!. .. Pas si vite, le « sit11ge »

n'est pas là! ... - iMets-Lui ' du plaqué à ce vieux bonze­

là. .. il ne pensera ,jamais à démonter sa porte ....

Le père Ourand ne passe plus dans la rue où fut son atelier. il voudrait 'même éviter les clients, qui tous sont restés ses amIS.

A quoi bon les entendre?.. â quoi bon .Jl sait bien, en SDn âme Îlllstinctive, que

'jamais l'esprit n'a xempl'acé le cœur.

~ 'Parlois un jeune oUivrier, ar1tiste malgré

l'époque, découvre dans un coin de l'ancien atelier 'l.lIt1e fine coquiHe 'Louis ~V, ou une corbeille Louis XVI légèrement enlevée en plein bois. Il rêve alors devant la conscience, le ~ini, l'élégance du travail, et s'adressp.nt à. un voisin d'ocCRosion:

133

.-. Regaroez dortc! ... Vautre exarrnine un ,instant; et balançant

l'objet d'un geste indilf:férent: - Ça, cles,t de l'histoire ancÏetI1Jl1eL ..

·Et il se remet, comme un vaglte automaie, à faire dlU vieux nÇ>yer avec dl\.1J 'brou d~ ,"oix et du sapin nejU)f ....

Pie't't'c l' llJnnite.

Les distractions - de I~a Fontaine

ILe troisième centenaire de là naissance de La Fontaine (8 juillet 1621) aurait mérité d'ê­tre célébré dans tous les pays où l'on parle français. Car celui que la duchesse de Bouil­lon, son Egérie, avait surnommé plaisammellt le ,« Fablier» (parce qu'il produisait des fa­bles aussi naturellement qu'un pommier pro­duit des pommes) est, sans contredit, l'un des maîtres de notre langue, l'un des plus grands écrivains du grand siècle. Mais si son chei­'d'œuvre est universellement populaire, sa phy­sionomie :ilntime eg,t bien moin.s connue. On sait vaguement qu'il mena une existence assez déréglée, qu'il fut aussi mauvais mari que piètre fonctionnaire, qu'il vécut sans ambition mais non sans goût pour la bonne chère et le plaisir, qu'on l'appelait le Bonhomme à cause de sa philosophie souriante, enfin qu'il était fort original et surtout fort distrait. C'est sous ce dernier aspect de caractère que nous voudrions le considérer ici, en empruntant à ses biographes quelques traits anecdot~ques .

« La vie de ILa ,fontaine - a écrit Diderot _ ne tut) pour ainsi dire, qu'une distraction continuelle. Au milieu de la société, il en était absent.:& .Dès sa jeunesse, alors qu'il habitait Château-Thierry, il inquiétait souvent les siens par ses bévues. Un jour, son père le chargea d'une mission importante, relativement à son office de maître des eaux et forêts qu'il se proposait de lui transmettre. lA peine dehors, La Fontaine rencontra des camarades, bague­nauda avec eux, les accompagna au spectacle et rentra très tard au logis, ayant perdu à la

fois la notion du temps et le souvenir de cè qu'on attendait de lui. Il nl'était pas rare de le rencontrer dans un accoutrement qui ne laissait aucun doute sur son étourderie: se rendant en visite avec ses bas à l'envers !OY­

tant en bottes blanches par une pluie' bat­tante, errant la nuit tombée dans la campagne avec une lant~rne qu'il oubliait d'allumer, etc. . .. Chose plus grave: il scandalisait sa ville na tale par ses fredaines. Si bien que pour y mettre un terme, son père s'empressa de le marier en lui cédant sa charge. !11 n'était pas plus fait, du reste, pour la vie conjugale que pour la carrière administrative. Aussi inca­pable de gérer sa fortune que celle des au­tres, il laiss'a péricliter ses affaires et entamer son patrimoine. Quant à son foyer, il n'y était guère retenu et sa femme avait coutume de dire que, la plupart du temps, «M. de' La Fontaine ne se rappelait même pas être Ma­rié ». Il eut pourtant ' un enfant, par distrnc­tion sans doute. Mais, en raison du peu d'har­monie qui régnait dans le ménage, il dut être élevé ailleurs, par des amis, sans que ni son père, ni sa mère (une précieuse et une pim­bêche) aient paru se soucier beaucoup de lui. Or, il advint qu'on présenta, un jour, dans un salon, avec un peu de mystère. certain jeune homme au fabuliste qui crut devoir, par une pure .politesse, faire compliment de -sa bonne mine et die son esprit.

_ Mais c'est Ohat11es, lui dit-on . ... C'est votre fils!

- Ah! j'en suis fort aise! . .. répondit-fl. Et, sans plus, il lui tourna le dos. Ni l iâge, ni la célébrité ne devaient meitre

un frein à ces échappades. Un de ses contem­porains rapporte qu'ayant suivi, à côté de La \Fontaine, le convoi funèbre d'un nommé Mit­'ton, à! la table duquel ils s'étaient souvent ren­contrés, !Cela n 'empêcha pas Pl1U'luberlu de poète d'aller, huit jours après, demander à une parente des nouvelles du défunt. Ses amis avaient beau prendre toutes les précaudons pour lui éviter les conséquences, pariois fâ~ cheuses de ses gaffes, rien n'y faisait.

Une autre fois, ayant un procès sérieux ~ soutenir devant le tribunal de Château-Thier-

Page 15: L'Ecole primaire, septembre 1921

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ty; Îl étaît resté, sans y penser, jusqu'à la ve~IŒe à la campagne. Ata'rmé de son indo­lence, un de ses proches lui envoya dans Sa

retraite un bon chev'al pour qu'il pût arriver à l'heure de l'audience. 'La ,Fontaine se mit èn selle, avec la ferme intention d'aller défen­dre sa cause. Mais, en route, il eut la malen­contreuse idée de vouloir saluer en passant un. hober~au de sa connaissanc~, qui taqui~ naIt aUSSI la Muse. JI fallut bien manger et boire. Puis, on se mit à parler de poésie. Le temps passa et quand, enfin, le Bonhomme) se rappelant le but de son voyage se fût dé­cidé à enfourcher de nouveau sa ~nonture il galopa en vain à bride abattue et n'arriv~ à destination que pour apprendre que les juges étaient partis et qu'il avait perdu son procès.

Une autre fois, quoique ses relations avec Fouquet l'eussent un peu compromis à la COU;l', ,Louis XIV ava.it daigné le recevoir à !Versailles où il devait faire hommage au mo­narque de la primeur d'lu'll 1Il00Wea;{'l' livre de ses !fables. tPar malheur, à peine introduit dans les appartements royaux, il s'aperçut qu'il n'avait oublié qu'une chose le manus­cri~ qoU!':~l vef1'ait ll'emet1re. Le l'oi ne l~i en tint poutant pas rancune et, après avoir ri le premier de sa déconvenue, lui fit remet­tre par Bontemps (son premier valet de chambre) une bourse bien garnie. Sur quoi, La 1F0ntaine remonta dans le carosse de louage qui l'avait amené 'pour retourner à Paris. Arrivé au Palais-Royal, où se trou­vait la station de ces véhicules, il regagne à pied son domicile de la rue d'Enfer. Chemin faisant, un de ses confrères de l'Académie l'accoste et lui demande comment s'est pas­sée sa réception: «Fort bien déc1are-t-il épanoui. ,Et j'en rapport~ un ~ouvenir qui vaut son pesant d'or: une bourse? - Oui. - Où est-elle? .... » Le IBonhomme se tâte, palpe ses poches .IRien. « 0 ciel, soupire-t-i1 après un instant de réflexion ..... j'ai dû la laisser dans le carosse.» lEt le voilà tout courant, reparti pour le ,Palais-IRoyal 0&, par miracle, il retrouve son cocher et sa bourse restée enfouie sous un coussin de la voiture~

Malgré ses travers et ses incartades, on ,

se plaisait à l'inviter cians ~e monde. Il se faisait rarement prier, car il était gourmand et franc buveur. Mais on avait bien de la peine à le tirer d'une rêverie opiniâtre ou ' d'un mutisme obstiné. Ce qui faisait dire à l'un de ses commensaux, Vigneul de 'Marvil­le: « Comment peut-il se faire qu'un homme qui a su rendre spirituelles les plus grosses bêtes, ne puisse, même un moment, faire ve­nir son esprit sm les Œèvres?»; ce ,qu~ sa grande amie, Madanie de iLa Sablière, lui di­sait à lui-même, sous une forme plus lapidai­re encore: «Mon Dieu, què vous seriez bête, si vous lll'a'VlÎez tant d'esprit! » _

Non, cet « habitué du pays des songes, ce familier de l'illusion», qui - selon l'~xpres­sion de M. 'Raymond Poincaré - avait « un instinctif besoin de dispersion intellectuelle et sentimentale», ne fut ni un cœur sec, ni un dilettante impuissant. Ami d'une fidélité à toute épreuve, compatissant aux humbles, in­dulgent pour tout le monde, il méritait lui ­même la plus large indulgence. Ce prétendu « idiot 1>, qui - au témoignage de son con':' temporain l'abbé . d'Olivet - « n'avait su, de sa vie, faire à propos une démarche pour lui, était néanmoins capable de donner les meil­leurs conseils.» Ce balourd, ce naïf, ce sim­ple, « d'une simplicité ingénue qui est, d'or-, dinaire, le privilège de l'enfance 7> était et resta toujours, en effet, un grand enfant. Mais cet en/fant avait du génie et quelqu'un qui 's'y connaissait put s'en porter garant en une cir­constance assez solennelle. Alors que, dans une assemblée d'élite, on essayait de 1:,abais­ser ,La Fontaine devant ses illustres rivaux: Racine, Boileau, Molière, ce dernier pt:otesta cr,ânement par ces mots: « Nos beaux esprits peuvent se trémousser. Us n'effaceront pas le Bonhomme. ~ Henri NICOLE.

•••• j: JI ne nous a,r,rj;ve guère de nous deman.­

der â nous-mêmes .ce que nous sommes réel­lement; mais nous nous demandons sans ces· se ce qu'on croit que nOlIS sommes.

.' 1 \ Mas'sillon. t lL"a,rgent est 'un bon serviteur et lun mau..-

mais maître. A. Dumas fils.

135

Variétés

OONTRE LA MORSURE DES VIPERES

Dès -qu/on a été mordu, .il importe d'empê­cher le venin introduit dans la plaie de pa-s­ser dans la circulation générale et 'pour cela i1 but immédiafemeru.t serrer le membre mor­dJu ~ l'aide d'un lien quelconque: mouchoir, cravate, lfiœl1e, au-dess,u,s de la plaie, eulre celle-ci et le tronc, as'sez près de la blessu.re. Pll!is, avec 1ID canif ou un couteau, on pra­tique au lliiveau de ,la morsure une incision profonde de 1 cm. environ, longue de 2 ou 3, passant par la blessure dans le sens de la longueur du membre, de façon qu'elle s,~ igh1e abondamment pOUrr éliminer la plus grande partie du venin. On peut SIU.cer la plaie pour ,aspirer 1e sang, si la bou-che ne présenie pas de lésion ou d'écorchure capable d 'absorber le venin.

Ceci fait, et l'ap~demett1t fait, si l'on dis" pose de sérum antivenimeux, ' on en injecte un flacon ide 10 cmB sous la peau du ventre a vec les .précautions habituelles : ser,Ïlngue houil1ie, peau désinfectée Il la tei.nture d'iode, injection lente.

Si l'on n'a pas à sa d1sposition de sérum, en attendant qu'on puisse s'en proourer, on ar.rose la plaie avec ooe so~ution fraîche d hy­pochlorite de ooaJUX ià 2 '% ou de chlor:ure f;:lJ'or à 1 pour 1000, on lave abondao..l11ment et l,Ion fait ensuite tUil1 pansement avec des com­presses imibilbées d'hy.pochlorite de chaux ou dIalcool.

On a précol11J.i'sé \beaucoup .d·au:Lre~ traite­ments: injections de Œ110Jphine, de strychni­ne, que Tien ne U'llSliifie; cau1:érisatioll1:S à l'am­moniaque, au ~er rouge, à l'amadou, qui ne sont pas là recommander à. cause des cicatri­ces. On peut IStimuler l'organi,sme par l'in­gestion de calé, de thé ou d'alcool à doses modérées. 'Mais l'essentiel est de se procurer le pluS! tôt lPossi'bl~ du sér.um antivenimeux et , de l'ilwjeder.

IEn résumé, en ca's de morsure: ligature et

inlcl's'1On imm~diates~ in~ection de sérum le plus tôt possillJle; en 'l'attendant, lavage à l'hy­pOc'hlOJÏie ou aru cl1lo11UJfe d'or; catfé, thé j>ü. a'lcool. Dans les régions où les vipères sQnt nombre~tses, les pharmaciens disposent pres­que touj.aursr de sérum; 0111 peui aussi s'en mynir il. l'avance et se promener aVec un fla­con et lune seringue dans une trou,S'se prépa­rée pou'r cela.

~ NE TUEZ PAS!

Si vous tenez à vos récoltes, 01 tuez' pas: La bête à. Bon Dieu, (coccinel'le), qui se nour. rît de pucerons. Le petit grillé ou crabe doré, qui ~ai1 la guerre aux chenilles, a.ux li­maçons, aux hanneions. Les araignées (excepté dams nos appartements), qui détruisent les mouches,. ,Le crapaud ,qui mange les limaces et les Œourmis. L'engoulevent ou crapaud vo­dant, qlui extermine des milliers de cousins. La charwve-souris, 'qui lait aux papillons de filiUilt et aux 'hannetons lIa guerre que Phiron­delle [ait aux moucherons. L'orvet, sorte de petit serpent non venimeux, qui croq.ue les sarU'terelles. La mlJJsaraigne, qui vit de vers de terre, comme la souris de blé. Le coucou') dont la nourriture préilérée est la chenille. Le grimpereau et la Ifauvette, ellll1emis des guêpes. Les moineaux, qu~ exterminent tant d'insec­tes nuisihles aux grains. Les étouf01ea'ux qui passet1!t leur vie à manger des larves. Les mé­sanges, dont chaque couple prend en moyen­ne 120,000 vers ou insectes pour élever leurs petits. Le hérisson, qui détr.uit les vipères. La

, chouette, qui fait la besogne de plusieurs chats, en mal1geant .par tête et par an plus de 6000 souris.

~

LA GRISE DU SOURIRE, Il y a, dit-on, 'Une crise de soudre. On rit

encore, et même assez IOUll'dement. Mais l'eXiPres'sion de la fine gaieté a disparu de I1Ü'S lèvres. On ne SOllJl'it phrs; 011 ne com­prend plus l'ironie; 0111 ne pre,l1d iplu3 phisir aulX deux 'SIU!btils ..,:de l'alLusion, de la ,réticence on de l'antiphrase, Vaima:ble e1lljouement est une ,qjua1i~ <J!Ulh Ise fait rare.

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Un savant ,f,rança'i,s) 'le docteulr Pa-uchet, déplore cet assombrisseme11lt de nos visages, et dénonce les rav.ages croissan1s qu'accom­plissent SiUll' nos traits fatigués la mélancolie et l'~cLée Œixe. Nous ne voyons dans les l"ues que fronts soucieux et 'rega1ds sévères. Vhu· manti'té semble atvo.ir perdu la divilne in sou­da nce du cœUJl'.

Mais ce compa-tissant méldecin croit avoir découvert un ,remède à -cette fâoheuse épidé­mie. Sa 'v,idUiosité chi·:rwrgioale ne l'a point conduit à un ravalement ooerg.ique, par le mo:)'en tl'aUidacieL1>Ses incisions, de nos faces crel1JSées de rides !précoces. C'est dans le plan psyc:holog'ique qu'il exerce sa dextIérité d 'o­pérateur. ŒL se propose de 'faire la rééd'Uca­Hou du sourire par rtlill entraînement ,psycro­physiolog.i,que, par une sorte Ide gymnastique suédo,ise des commissures des lèvres. En ver­lU des lOdS bien 'Connues de l'expression des 'émotions, la simple macifestation extérieure de la joie produ.ira, mécaniquement, en nous , des états de satisŒadion et Iféfa'hlira, prIDmp­teme~t, notr s·muté morale Ull1J instant com­promise. « Alpprenez à être heu'feux, nous chlt-il, comme on apprend à jouer du violon, »

IEn'traÎ,nez-vous â 'Fexpressioo. du b onheur et 'le honiheur obéiTa â ces soŒcitations métho­diques, N'attendez pas d'être heureux pour soUrire: sou,riez d'atbord et 'Vous finLrez par être heureux.

~tte méihode n'es' point .arhitmire. Elle s 'inspill'e, en somme, Idtes lPdncipes des maî­bres du sourire: les Japo'nais. !L'art du SQou­rke, appris, par disc.1pline morale, dès l'eu­ffianJCe, est une dies ,manilfestations 1es plus rur.ÎeUlses de 'l'fume ill,ipPol11e. Savoir sourire Sa!l1lS clIfor t appairent, aux heUifes les plUls pa­thétiques ou les plus' ibr:llJta:Ies de 1a vie, est 'une ror>me dlu ' oU/rage dhez 'le peuple japo­naJs.

~

UNE OURIBUSE liETT~E A l'occasion du centenailre de la mort de

Napoléoill 1er, on ne lira pas sms intérêt une lettre que possède un 'Collectionllleur anglais. Elle est signée de Joseph Bon-<lJparte, frère

\

aîné de Napoléoo 1er, qui recO!l11111a11de celui-ci au supér·iettIr du petit Sémiltlai'l'e d'Aix, en Provence, La void:

26 aotît 1785.

MOil1!sieulJ: et ohe,r ami,

«Je pro!fi,te de l'occasion que m'offre UJI-1

de mes cotn1jpatriotes pOUIr aiVoÎlr l'ihol1ll1eur de VOltS d Ol1l11er de mes nOUNelles qui, en effet, sont telles que je désire 'CIiue soient celles de toute votre oharmalllte famille.

« Je suppose qu'un de mes frères sem al': rivé.à. Aix ou du moÎlns y sera bieJl1,tôt. C'est un échalPPé de l'école mili{aire de Briel1ll1e, q'lllÎ ne se ,sentant aucwne diSjpo~i lioll pour le :service de notre bOI11 roi, se réllugie au peti t Sémilllaire d'Aix, où, à l'ombre de fautel, il pouna eu! liberté suivre SOil1 inclinaüol1 et augmenter le pieux escadron.

« Je vous prie de ~ui 1émoigmer le quart des bontés que vous a'vez etœs poun moi . et il aura lieu de vous remercier il1lfinimeut.);

Le sacerdoce pa'raissait donc être la pre­mière 'Yooation de Napoléon 1er. Dans la Sillite ou a \PU voir le vaÎl!1lqueur d 'Austerlitz au milieu de tout autres canons que ceux de l'Eglise.

~ POUR CONSERVER

LES POMMES nE TERRE.

Voici' ce qu:un agriculteur français, se ba­sant sur ses propres expériences, préconise comme procédé de conservation des pommes de terre : i

Une fois la récolte terminée, bien sécher· la pomme de terre, en enlever la terre, puis la mettre dans un endroit sec (cave). Mettre à 1 emplacement des lattes 'l111e cou'Che de SâT­nrents de 6 il 10 cm. d'épaisseur; aJ1.lJ milieu un fagot mis debout et servant à former che­minées d'appel OUi d"~ératiollJ; sourrer ou sau­poudrer de cendres de !bois; alterner les cou-ches de pommes de terre et de sarments.; en cas de besoin, pro.longer la oheminée d 'aé­ration au moyen d'w second Œagot. En em­ployant .ce procédé, les rpommes de terre se conservent ]'llsqù'en juin.

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'La Sœur Crncifixa !La SœUJr Crucifixa était ·la plus 'âgée des

Sœurs de chœur. AJUcune n'existait dans le couvent qu'elle

n'ait connue 'jeune. Soos son lourd costume d'étQlffe raide, elle cadhait I\l:ll vieux corps 'Usé au service de :Dieu. On ne pouvait imagilller un être pLus ŒragiJe que cette forme presque transparente de maigreu~, qui allait à tâtons le long des murs, s'accrochant à la rampt' pour monter ou descendre un escalier. Et powrtant il y avait elllCore un ·reste ae 'beauté en eUe, c~ait son regard! Ce regard limpide comme une eau profonde reflétait le del! On y lisailt une extrême bonté, une grande bien­veillance.

,EUe ava:it 83 ans, Sœur Crucifixa, et était entrée (lJU couvent à râge de 18 ans. Elle ne se souvenait pltus qu ~elle appa'l'tenait à 'Une a,U!cienne noblesse, qu'à l'entrée dru château les armes de sa famille étaient en relief dans la pierife, que 'ses parents étaient reçus à la cour; nom et sOUNenirs ·étaient restés dehors. EUe s'était œaite pa'ÜJvre! Elle n'appartenait plus à la terre, et r,ien de la terre ne lui ap­partenait.

De longues a'nnées, elle ~ut maîtresse de ahant et de pia.no, elle aouait de 1'orgue dans la viei1le église, et, 'Comme elle éiait artiste dans l'âme, elle formait d'excellentes élèves; elle en avait ~ormé un grand nombre, et tou­jours avec amour. 'En Jouant de l'orgue, son âme s'élevait vers Dieu: to.ute harmonie n'a­mène-t-ehle pas à lui?

:Mais une fradu're â la main l'empêcha de conllinuer; 'Personne ne se douta de la pri­vaHoDi C}UI'eUe en éprouvait, car Sœur Cru­ci,fixa ne profanait pas la souJffrance par la plainte.

Alors on la nomma IÏnfirmière; elle remer­cia de tout cœwr pour ce poste qu'elle ,aimait. De loogues ·années, eUe demeura auprès de~ malades, soignant et consolant; elle en assista beallJJCoup dans lellir pénilble agonie, recueil­lani leurs dernières larmes, en y mêlant les siennes. Mais tout .cela l'a.v(lJit épuisée, car elle était d'une santé "déLicate.

IPltœ tard, ,elle . fut chargée ·des fleurs :pout Yéglise et le cimetière. Le jardin était .assez grand; il y fleurissait des roses, des lys, des œillets, des résédas, des héliotropes et mille alutres espèces de neurs. Elle fit ce travail avec joie encore, tant qu~elle en eut la force; mais on avait !d'ft bientôt la :remplacer. De­pu.is lors, elle aidait à mettre la table ou à tricoter des bas pour les pauv.res nombreux que le cQouvent entretenait; c 'était tout ce qu' elle pouvait faire, et encore hien lentement.

lLa Sœur avait dans ses rderniers jours une 10UIfde épreuve; elle ne pouvait rester long­temps éveillée, elle qui avait eu tant d'activité. . ,Elle s'endormait pendant la prière, au bré-viaire et à la médHation. Elle pouvait à peI­ne achever w « IPater », et généralement, à «notre pain quotidien l) elle fermait les yeux. « iVesprit est prompt, mais 'ta chair est 'fai­hIe», pensait-elle tristemet1t.

C'était le 25 ijJUillet, jowr de la tête de S. Jacques, patron de la communauté. On avait l"hahifude de célébrer cette solenn.ité par une grand'messe chantée, et ou ornait l'autel des pLus ibeaux canld~lahres et des p1JUs belles fleurs. -

Il :faisait un temps lourd d 'orage. Sœur CruciŒixa était agenolllÎllée au milieu du chœur, le regard fixé sur l'autel. Elle ouvrit son livife pour suriiV1'e la messe -au son de la clochette; mais elle lut avec peine l'éV'angile du li0Uir. Tout tournait autour d 'eUe; ses pen­sées 'lui édhappaient, elle se sentait lasse ho

mouniT. Elle essaya de Lutter, en regardant le ·ta­

hle~u du grand! saini François d'Assise. qu' elle avait toujOUJl'S tant aimé. On le repr~sen­·tait dans les monts d'Averne, prê€hant aux oiseaux; les mésanges -et les pin~ons se po'" saient 'SUil' ses épaules; les hihouoc, les 'aigles, les ,faucons, les tourterelles se pressaient à ses pieds. 'Malis l'image ,avait ~rdu sa puis­sance sur la pau.vre Sœur Grudf.ixa.

Elle essaya de prier S. Antoine, qlli por­tait le doux 'Enifa,nt Jésus Idans les bItas, mais en vain!

'Sa tête retomba sur sa poitrine, elle s!en­dormit. On ohanrfa 'le «Credo :t.i .elle ne J'en·

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tendit poinIt, pas plus que la clochette de I~E­lévatioo, pas plus' 'que 1'« Agnus 'Dei»; mais elle eut UIl1: songe étrange.

Elle étaH debout a,li! pied d'une intermina­ble échelle, un peu comme celle de Jacob. Au haut se trot,fvait Notre-Seigneur, qui disait: «Venez à moi, vous tous qui souFfrez, et je vous ,soulagerai:.-:I)

!Elle entendit œtte voix etUi bien'-aimê, et ,VOIU~rttJt monter un degré, mais elle en fut in~

capable; elle essaya ul11e seconde ~ois, mais en vain. Alors eH~ se laissa: tomber en pIeu ~ rant et s'écria:

-. Seignetur, 1e ne puis pa's monter jusqu'à toi!

Alors elle vit 'Jésus, descendre degré par ki~gré, les !bras ouverts 'po.ur la ,recevoir, elle, la pauv,re créature lasse et sans éIllergie! Une force d!~V'irne l'envaihit, une. ,confiance d'enfant dans la miséricorde de Dieu, d~, 'son amour inépuisalble. . .

IBt lui, le [ort et le doux, emporta amou­reusement dta'llls son éternité sa vieille ser-vante f,idèle. H'BRBERT.

La femme cerveau. 8 h. 112 du matiu, ma messe à peine t,i,nie,

t'employé s'avance: - ,DéJà cinq !personnes ... ,_dont deux, très

pressees. Quelques trop courtes minutes d'actions de

gJ'lâces, et je prends moo thermos, ma ser­:vietfe, mon co.urage, et lie monte à mon bu­l'eal)l

- Vous me permettez, n"est-ce pas, d~ava-

1er une pauvre tasse de thé? .. Surgit ,ooe petite dame, ailma:ble ,mais vi­

naigrée: - C'est ''lue je ,suis très pressée ... je Ill'ai

d'ailleurs qu'un mot à dire .... Ce que je le connairs) ce mot-là! - lEt alors? .. - Je peux très bien 'Vous expliquer la ,cho-

se pendant que vous dé[eunez. - ... 11!

Je regarde les qu,atre aut,res patients .... 11 y ~ UttlJ Ibra.ve vieu"lquL vient me demander cent 'SOUIS ••• un de mes pa.roissiens qui m'ap" porte son denier du culte ... la mère d'un eu­,fant dUJ catéchisme . . .. La cinquième est une petite de dix~huit an's, tête de la jeune fille « à la cru-che cassée ,» de Greuze; l'enfant est plongée ldlans run livre de mécan~que; ïaper~ çois 'des graphiques impressionnants.

'Et le contraste est étrange de cette petiie tête d'oiseau penchée sur ces .cosinus bar­bares .... nieu semJble l'avoir tellement faite pour a'utre dhose!

~ 'l'ai bu mon ;thé, l'estomac contracté par

le flux de paroles dlonu m'j'l1onde la .petite dame pre s'sée qui me demande la lune.

IMes yeu.x regardrot la. pendule. . .. 9 heu~ res moins 51. .. Elle n'avait qu''un mot à dire! Mon cerveau a déjà ahsorbé tout ce vide!

:Les trois autres personnes pa'ssen! assez rapidènent ... puis, la [aune fille.

- A l~ bonne heUIe, Mademoi,selle, vous ne perdez pas votre ·temps! ...

---. Jamais! ... 'Je « potas'sais l> ma «trigo » ,

- Et cela vous intéresse beaucoup? .. - C'est passionnant! . . . - Oh! n'exagérez pas,! .. .

- Je n'exagère pas... 'La jeune hUe mo-derne ne veu~ phllS rêver.... Elle veut des preu ves. .. r,ien que des preu1ves!... Je pré­pare ma licence ès sciences; crest ·une joie wique pour moi de senHr enlÎin le terrain so­lide sous mes pied!s. Torut ce qui Ille se prouve pas me laisse 'froide. . .. ,Et toutes mes amies sont comme Iffioi... précises, positives) pra­tiques! ... 2 et 2 foot 4.

- Et 4 ~ont 8... lDélideux! ...

~ ILe temps de regarder au: loin, un instan l

celte Eve nouvelle, et la conversation -conti-nua. ;

- 'Vous parlez, Mademoi'selle, absolument comme un nouvea:u riche ....

- Je ne comprends pas? .• - Alors, [e vais vous expliquer: Ceux qui

s-ont nés qlans un château et l'ont toujours

..

'habité ne sonf. pas hypnotisés par lui-. ... Mais le nouvea:u riahe qui vient de se l'offrir est, comme IRabagas, touûours à le patper.

- iJe ne vois pas encore? .. - C'est aurieu)(! ... vous bites pourtan.t de

la tr·go!. .. )L~homme 's'occupe de la science depuis touüoU!rsr;' aU!ssi

J il s'y comport~ avec

un -cerveau calme et posé. Il saH le prix de cette science, mais auS'si ·sa vanité, son amer­tume et sa possible banqueroute. Vous autres, jeunes mies, vous êtes ar,rivées d'hier dans cette science, aloliS' ene vous éblouit, vous el11

parlez comme des néophy1es, comme ides «bleus ».

~ La petite Greuze parut ioute froissée. - Vous n'allez pas, je suppose, dire du

mal de la science!. .. - Certes, non!... J'en pense même beau­

coup de bien;, «à condition qu:'elle reste à sa place». 'Mais, 'avouez... que de crimes' on commet en son nom! Hier, les, malades d'un hôpital signaient me pétitioo à cause des hur­lements de pauvres cihiens que de~ savants, avant de les vivisecter, laissent mourir de faim iPOur voir s'ils durer ont aussi longtemps que le mahl'e de Cork ..••

Un infime détaiEl... ~

- EviJdemment! C'est au nom de la science que, depuis Wt1 siède, 00 fait à la religion une guerre au cou1ea'u ....

ILa petite Greuze se dres'sa sur .ses ergots: - Oui, mais les résultats! ... - ILesquels? .. La religion es,f~eIle mor-

te? .. :La guerre est-elle devenue plus hu­maine? Y a-t-il moins d'apaches? Sommes­nous IpLus' heureux? .. Vit~on plus loulgtemps? • .. On ijoli village devient-il plus beau et plus moral quand une usine se dresse sur ses prairies? .. ,Je fréquente de talootueux méde~ cins, et 'je salis ce qu'ils, me disent dans l'in­timité du progrès de la médecine ....

~ Comme elle n'avait que dix~'huH ans, et que

je Ille vouliaiSl !pas la laisser partir sur une mauvaise ,impression, fie me fis paternel: '.

- IJe ne nie pas les klliffi'oultés de l'heure

présente, mais lie tpUlÎ'S les déplorer aussi. Potit vous, en partioulier, ma ohère enfant, la scien­ce v,raiment vous favorise~t-elle?.. Aùgmen~ te-t-elle -cette poésie... ce que je ne sai,s quoi de ldJLvin 'que l'homme aime à trouver dans la femme? ..

... Votre ci.llJtérieur sera-t-il mieux tenu? . .. votre ouisine mieux bite, parce que vous serez licenciée ès sciences? ..

- Oh! ma cuisine! ... - Votre !pot-au-feu mieux ohoisi? .. - 'Mon pot-au-feu! ... - Vos enbnts' .... - 'Mes enfants!... Si, vous vous imaginez

que j'aurai le temps d~élever des mioches,!. ..

~ -J Mais alors cette réponse seule vous jluge!

DT si, je ne me trompe, . La femme est femme :surtout pour avoir des enfants" .. '. Toute doc· trine qui arrache la [emme ~ ce devoir est antisociale. !Les hommes, tous les hommes, à la rigueur, peuvent [aire de la trigonométrie; mais, j1usqu'à. présent, aucun ne peut mettre des erufants au monde.... Ceci donc vous regarde, d'abord et avant toUlt .... Tenez! ... dms le journal de ce matin, voici une inter­view d'Hindenburg. .. Je vous lis le pas,sa,ge:

« Oui, la iFrance a gagné la guerre, grâce » ~ des alliés qui'elle n'aura pas toujours. Et » maintenant elle a ,peur; car elle sait bien que » la failblesse de sa natalité la remettra demaill1 » devant un pêrU plus grand que celui d hier. »IEt .c'est pourquoi, bien que victorieuse, eIlé » vit, pLus que l'Allemagne, dans la crainte »et le tremblement. ~

. .. Et puis, ma chère entant, laissez-moi' ajouter ceci: Fhomme - et la [emme encore bien moins - ne yit pas avec son setù cer­veau. ÜOi vit aussi, et s.urtout, par son cœur; et les grandes pensées viennent de lui.

. .. Quand j'étais au Séminaire, je m'étais fait un «vade-meoum» de d!Î,scussioos: «Si l'on m'attaque sur tel point: voici ma répon­se. . .. Sur tel a:utre: voici la réponse ... »

-. Je comprends ,cela!

- Vous comprenez cela?.. Eh bien! Ma-demoiselle, ce «vade·mecum» ne m'a dA'mais

', \

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servi 1 Je crois avoir aUljourd'hui une foi IpLus grande encore que celle de ma jeunesse et j'essaie de la communiquer aux autres, I~a'is par des motifS' tirés' de la personne humaillle totale, et non de son seul cerveau. .... Vous verrez quand vous aureZl un peu vécu! . .. Cer­veau contre cerveau, c'est à jamais la bataille. . .. On cherche le dernier mot, et c'est tout. Le cœur seul persuade le cœur; et c'est une vérité qu~ vous, Ijeunes filles. " vous, poésie; vous, prmtemps, vous devriez comprendre pLus que les a,Mes.

- Nous avons changé, tou.t cela! - Hélas.! ...

Cii Nous nous regardâmes tous les deux. - Mais, a,u fait, Mademoiselle, pourquoi,

étiez-vous ,donc venue me voi,r de si bon ma­tin? ...

- Ohl ie Ille sais plus.l ... avec toutes vos fh~ories ....

. " qui ne SGnt nullement les miennes. - ... Vous m"avez troublée .... - Vous ne pouviez' pas me dire ql;lelque

chose 'qui me fasse !plus plaisir! ... Un moment, je crus voir presque quelques

larmes qui alors n'auraient pas été mathéma­tiques ...• '

Et il me sembla ,qu'elle 'l'amassait s,a c tri­go» et sa c mécano» avec des doigts m'oms absolument fervents que tout à liheure.

Qui .s'ait!, . . peut-être n 'ai-je pas tout à fai,t perdu ma matinée? ..

Pierre Z' N'l'mite,

• • • • 1

Il y a, cent ans. Il y a i1uste ,cent ans, c'était en 1821, un, in­

génie~ valaisan. ,Ignaœ ,venetz, présentait à la SoCIété helvétique des sciences naturelles, réunlÎe â Berne, 00 mémoi,re sur les variations de ' J'a températl1!I'e dans les Alpes, mémoire dans lequel il · s'ess~yait à démontrer ,que les glaciers alpilIls avaient été ,jadis ,considérable­~t pLus .. grands ql1e de nos ijours, qu'ils avalent meffie, débortdlé ~lU!squ'a'w Plateau et au

Jwra et qu!ainst se pouvaÙ e~ü.quer l'épar­pillement sur le lSol de notre patrie des blocs dits erratiques, tels que les Pierres du Niton qui br,isent le miroir de lai 'Rade de Genève, ou Jes énormes blocs de g.ranH ci et là dres­sés SUT le Salève, ou encore la gracieu-se Pier­re des lMal'mettesl qui domine la cité de Mon­they, ou encore les blocs nombreux qui for­ment l'anière-plan du Prélet de Valère.

Cette idée d'avant-garde dépassait de beau­coup les opinions courantes Ide l'époque, ce­pendant po,int reculée, aussi ne fut-elle pas comprise.

Venetz Ille se 1'ebuta pas, En 1829, H revlinl â. la charge, tou1:ours devant la Société helvé­tique, :réunie cette année-là au Grand-Saint­BeJ'lnard. n exposa à un auditoire des moill1s convainous la théorie qUli: lui était chère, ~ sa­voir qu'au pléistocène, au début' de not,re ère. géologique, ,qui est la quaternaire, à l'aube de l'lhuil11<atIité, de ~ormidables avancées de glaciers avaient envahi toute la Suis.se.

Ce que les gll'wd's premiers ifôles de la Science en ce commencement du XIXé siè­cle, ne voulaierut pas comprenidTe, de simples montaglnards en revanche en avaient l'infui­tion. Un paysan de Bagnes, Jean-Pierre Per­raudin, \pa1'courant les supel'lbes _ vallées de son canton,interrogeant la nature de toute SOIl! âme, neuve et droite, avait de son côté ent'revu la grandiose vérité scientifique. Un jour de 1815 d~, il eut l'occa'sion d'exposer ses vues à un exoursioniste de !pas,sage, un géo­lo~ue de proïession, Jean de Charpentier, qui venait tout récemment d'être nommé directeur des Salines de Bex. IVan dernier, on a fêté sa mémoire en transportant sur la place de Bex, la pierre tombale fa'Î,te d~un bloc erratique qui .jusqu'alors recouvrait ses cendres dans le ci~ metière de la petite cité vaudoise.

De éharpentier dédaigna tout d 'abord les idées de Perraudin; elles lui. parurent idiotes et dignes de pitié, de pauvres hypothèses émi­ses par un pauvre 'cerveau d'illeHré! Mais voici que trois ans plus tard, il entre M re­lation ,avec Vel1etz, qui lui conte la même his­foire. Outré, il se met alors à l'œuvre pour dëmontrei" la fausseté Jcle ces allégations. Il

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patcollil't sans 'rel~che monts el giaciers, pla­teaux et vallées, il compare, il étudie, il se do­cumente. .. et peu ' à peu, le doute l'ébranle et enfin la vérité l'il1umine, il est converti à son tou'l', 'Lui aussi, il écrit un mémoire sur la question et se rend à Lucerne pour le lire, C'était en 1834. Tout en allant à ILu cerne , de Cha,rpentier descendait la vallée du Hasli. En cours de route, il 1'encontre un; bûcheron du pays, il entre en conversation avec ce fils de l'Oberland et celui-ci, .comme Perraudin, at­tribuait aux- glaciers le transport des blocs er,ratiques. La vér ité, décidément, sortait à pleins bordls, du .cerveau ,des humbles.

!LaJ conférence de Cha'l'pentier eut un reten­tissement considérable et dès lors l'idée était en marohe, ca,r le géologue de Bex, et c'est Là son g'l'and mérite, trouva la manière de faire ra'yoooer: lsa théor.ie et de rdmposer.

IPoUir bien, sais,iif la 'hardiesse de cette idée, H est nécessa,ire de savoir .ce que pensaient les savants au début du XIXe siècle sur 1'0-rï.gine des blocs erratiques et sur les [orees qui avaient bien ;pu les transporter.

'Noke ilLustre géologlue genevois, Horace­Bénéld!ict de Saussure, qùi' cependant avait ét'lldlié avec sagacité les glaciers, leurs mou­vements et leurlS moraines, ima'gina:it à ce pro­pos ,que lors du .soulèvement des Alpes, ro­céan en fureur s'était déversé en déLuge, avait brisé les rochers et en avait 'répandu au loin les débris.

'lLéopold de Buc~, :reprenant Fhypothèse, caloula :au'eUe avait dft être 1a force du cou­nnt ca:p~ble de transporter les blocs jusque sur le Jura, et le plus cu.rieux c'est 'qu'iJ ob­tient un résultat: ce courant avait eu une vi­{esse de 19,460 pieds (6500 m. env.) par se­conde! Quand l'espIli1 humain s'égare, iL jon­gle même avec les impossibilités et les absur­ditésl

Un autre géolo~ue, Konrad! Esoher, de Zu­rich, expliquait la dispersion des blocs er­ratiques par la ruptwre d'un immense lac va­laisan, retenw par une digue gigantesque qui aW'ali1 relié la Dent de Mordes à la Dent' du Midi.

D'aJutres, 1els que James Hall, se repré-

sen!aieni la d&Yâcle des èa!ux ,tomn1e due ' â. la fusion subite d~énor1flles accumulations de neiges, :fusion causée par le dégagement de gaz souterrains'. .

Mais 1'evenons à Jean de Charpentier. Sa conférence faite, il développe sa théorie, ac­cumule de nouveaux doouments et, en 1841, il publie un très remarquable ouvrage, 'Ïlnti­tUilé: « Ess,ais SU'l' les glacier.s et sur les ter­rains, eI"rati;ques dillJ bassÎln du Rhône. :t

l.es conbr'adlideurs ne manquèrent pas, car la vérité a tOUÛ'Our:s be<\IUÇOUp de peill1e à se [rayer un .chem~n, et l'U!l1 Idres plus acharnés fut ,Louis Agassiz, <un Neuchâtelois. Faisant sienne UIlIe opinion émise en 1837 par Schim .. per, il imag.ine que les blocs erratiques avaient gHssé des Alpes ,jusqllJ:au Jl\1ra sur un plan in cliné de gJaœ. Le paUiVre entêté eu fut pour ses frais, et de Charpentier n'eut pas de peine à ~aire Ibascll'ler ce plan incliné et là renvoyer dans la boîte aux idées saugrenue's.

,La théorie des grandes gla'ciations quater­naires étâit désormais solidement établie, Qu,e la Suisse ait été, ill n'y a pas bien longtemps, recouverte entièrement de glaces atteignant jusqu'à plus de mille mètres d'épaisseur et d'où seules émergeaient- les hautes. cimes, voil.à qui frappe l'imag,ination de stupeur. Et de Cha,rpootier lm-même en ressenta'it comme une angoisse: « Quoique je n'aie iamais pu croire au transport des débris erratiques par le mo­yen de l'ea'u, néanmoins, l'énormité du volume des glaciers diluviens a été' pour moi, pen! dant longtemps, IR{ rprinci:pale cause qui m'em­pêchait d'admettre leur arndenne existence. Et telle est la Ipuissance de l'habitude, qu'à fheu­re qu'il es.t, lorsque Ùè me trouve sur quelque éminence du l'ma, d'où la vue embrasse une grande étendue de la plaine, j'éprouve encore involontairement une sorte Ide répuglnance, une certaine diHiculté à me bire à l'idée de ces énormes glaciers. Il me semble impossi:ble qUe cette vaste conrf,rée :si 'belle, si riche, si va;~

riée, si animée, ait été autrefois ensevelie sous les glaces, et que son Isol, aujourd'hui si pro­ductiJf, n lait été dadis qu'un lit de glaciers, congelé et stérile. »' '

IDes pléiades de géologues ont depuis lors

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mwl'tÎIp1ié ieu'ts !l'edherêhes et approfondi l'é­tu:de du phénomène gla.ciaire. On sait mainte­nant 'qu>à quatre reprises, les glaciers ont pro­gres,sé puis 1"étro~radé, que la plus impor­tante de ces glaciations, 'la würmienne, a été l'avant-dernière et qu:alors les glaces, chas· sant !devant eUes toute vie, sont allées déver­ser lems chargements de cailloux jus qu'au­dela du Jill!fa, jusqu'à ,Lyon et jusqu'au sud de Grenoble.

lEt taudis ,que ces glaces würmiennes recu" laient, des hommes de la préhistoire, des tai1~ leurs de silex vinrent s'établir sur les fron .. Hères de J'a glac7, daus des grottes, à Cosen­cher entr'autres dans le ,ca/nton de Neuchâtel, Oll L'-on retrouve les débris de .leur cu,iSline et de leur industrie primHive.

Maurke BOUBIER.

Bienfaits de la gymnastique

Une nation n"es! réellement forte que si les ,individus qui la composent 'Sont sains et vi­goureux, 's accor.dant entre eux pour diriger leurs pensées, leur énergie et leur activité vers le bien, chacun se préocoulpant de son hygiène, de soo pernectionnement physique ei moral, convaincu du lbénéfice, de l'intérêt qu'il peut en tirer (pOUIl" lui~me et pour ses des­cendants; car toutes les g~érations qui se succèdent dans un pays sont ,soll'idaires les :rmes des autres. '

\La ~orce physique, illUiie à. la 'force manIe, exerce :sur les des-fill1ées ihrumaines 'tille action considérable.

Ile principe même de la 'vie ,pour penec­tionner l'homme, est le mouvement. Vhomme bien équi'lilbré peut, dans tous les actes de sà vie, doruner un elff.ort 'plus grand. Il jOtùt gé­némlement d'une vie plus calme, 1,1 aime au même degré le trava,H, la récréation saine, et sa tâohe terminée, il t:rouve fa'cilement le re­pos dans le sommeil ;réparatellr.

VEducation physique, dont l ~utilité es,t in· contestable, s'iÎmpose à. tous. ~lIe doit péné­trer dans' les m~u,rs', dans Tes hatbitu,des 'quo.

ilidiennes, 'comme 'llllle nécessité ahsolue, rorri-­me le boire, et le manger, car elle assure la s,anté et la sta!bilité morale.

iPOUIl" se rendre compte des bienfaits des exerctces corporels réguI.iers, il suffit de voir ~'état physique de 'Ceux qui, les méprisent ~t toutes les ma~adies dont, par leur faute, ils se laissent assaillir. IDans mon ardeur à plai­der, ,je ne vais pa,s jusqu'l dire .que la séden­ta'rité soit la cause de tous les mawc, ni qu' eUe soit la seule cause 'possible de tous les maJUx ,qu'on peut généralement Jmputer à rai­son. n 'y a aussi pour Jes hahitafl'llts des villes,: l'alimentation trop riche, l 'abus de l'alcool et du tahac, l'aiT confiné, les miasmes I\.lJl"bains, les pouss,ières, aa ,saIeté, l'hérédiié, toutes cau­ses morbides d'importance; mais à côté d'el­les la sédentarité tioue presql\.l,e toU!jours ,aussi SOIIl: rôle néfaste, ;rôle primordial parfois, rôle secondaire plus souvent, ma,is !IlruTlement né­gligeable.

Je st1Ji,s loin de prétendre, comme q'ont sou­tenu les sportsmen, plus cony.aincus que j u- _ di cieux, que toute neurasthénie est guérissa­ble par J'entraînement physique. Il treste pour­tant vrai qu'un bon état physique, qu'ul!1 bon fOlldionnement des organes internes, que de se sentir vigoureux, 'souple, déluré, adroit, bien dans 'sa peau, donnent le sentimen,t de 1a joie de vivre, portent 1 esprit à la bienveil­lance, entretiennent lia bonne humeu:f et con­trihuent à mettre le cerveau dms des dJ.:spo­sHÏons favorables à oUIlle activité féconde.

Je dois dire encore ëeci qui est d'impor. tance: Un organisme wi:raîné, est dans ùn état :de développement plu.s apte 'à exécuter l'exercice ou les exercices par lesquels J,l 9 est entraîné, mai.s il es,t p'Ius apte à. la vie en gé­nér'al; qa vie qrui brûle en nous et que nous devons continuellemem.t délfendre, minute par minute, contre les causes de iillO.flt qui nous assaillent sans IM'Irêt: poisons et microbes, pla,ies et bosses, froidure et cltaleu:r, etc,

Or, 'qU'.i dit homme entraîné, dit homme plu:s -vivant, rmieux vivant; ayanJt plus de ",hau­ces qu'un autre de :résister aux causes mor. brdes; lancé ûans le combat de lIa vie avec de meilleU!l'es aM1eS qu'un autre. Il semble qu 'u-

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ne iehle ,coosidératio.tl: ne <:l.ev,rai t laisser Hel'­SOlIDe indiflférent à l'enkaînement physique.

!L'homme Ille llTIeurt pas, ~IL 'se tue, a-t-on diit. 'Il sel tue de vingt manières différentes·: les passions, les soucis, Iles toxiques, le sur­menage, la !I1églligence qui laisse s'atrophJ.er les 'IDusdes et le reste dans l'inaction physi­que.

IPru' conséquent, paul' conserver la santé et vi vire longtemps" fuyez Jes pa'ssiol1's, évitez les soucis, restez ' modérés même dans) le tra­vail et. .. pratiquez la gymnastique d'entre­tien avec con s,tan ce et ,régularité.

Le 'corps, pas .plus que J'esprit, Ille se for­me 'san.s ooe cuHure intense, l\.Ll1 en braînemen t régtJJ1ier. On iOrne les coaps ,comme on orne les esprits) 'selon des, méthodes 'rigoureuses. Ces méthodes ont pour hase le « calte de la v010nté », oulte trop ignoré de nos loms et

dont Fahandon a fait naître -les aiftIedions dan· gereuses ,que vous conuaissez. ,

'Les exercices gymna,sti'ques ei athlétiques exéoutés méthodiquem.ent et surveillés avec la pLus grande attentioll1, ne peuvent que donner d'excellents trésultats. IEn suivant des inldica· tions pr-écieuses, nOlI:S obhlendrolils la maîtrise complète de nous-même, qualité supérieure

. entre toutes, nom~ner .son -corps, ne pas être es'dave de ses sensations et de ses caprices, va-incre ses -appréhensions et sa pares'se, agir 'quand et comme on veut, c'est à -coup sûr élargiT son champ d"activité et diminuer la part Idu !hasard dans la ;yJe. S:lhahii,uer à c0l!1-mander à son corps, c"est 'S'élever moralement en lmusel!ant -ce qu'il y a di'animal en nous et en le tenant en mains paur qru:"i'l Ille nou,s échappe plu:s. E. HARTMANN.

Impôts bizarres et saugrenns ==

lL'idée de mettre un impôt sur les pianos là Paris, ayant, comme ohaoun sait, soulevé la réprobation de l'opinion pwb1rique, il s'est agi de rf'rouver une taxe de remplacement.

Nos dénidte,urs 'd 'impô!s se sont mis l'eSlprH à la torture; e'fi lils vietllDent d'imaginer q.uel­que chose de très hien.

On annonce l'impôt sur les aSCe41SeUrs et sur les tapis d"escalier.

Ce sont là, n'est-il pas vrai, des signes de ,richesse .. " TaxOll1s donc, iaxoll1s .sans re­mords l'a scenseU!l' et le tapis dans l'esoalier!

On sait .queHe est généra'lement la préoc­c'u,pation des gou:vernements quand ils créenlt des taxes nouvelles? C'est que ces taxes n 'at­ieio'nent ou semblent lIl 'atteindre que la classe ri;he de la populatioo,. C'est là, d'ameurs, une illusion et souvent, hêlas! une 'hypocri­si~ car quel est l'homme d'IEtat assez naïf PÛ'~il' ignorer que finalement c'est l'ouv-der, c'est le travailleur, c'est le petit qui subit la répercussion des imt)ôts dont 0'11 n'a pas voulu drapper le gros.

Nous avons comme cel,a des tas d"Îlmpôls somptua'Î,res qui ne dlatent pas d'atU10ll'rd'h~i, et nous constatouls, en cons,idéral11t leuT hlS­taire, que les mon~uchies avaient déJjà cette petite tendance démagogi,que .qui coosiste à justifier l'impôt en persuadant au peuple que ce n'est i-amais lui qui est v!Ï.sé.

IPour Ile citer qu'un exemple, prenons la t,axe des voitures: elle date de ,1705. Mais elll ce lemps-lâ, ,Pal'~ls n'avait que quelques cen­taines de carosses, QueUe misémhle somme pOllvait-el,le fOUJ'ni,r à l"Elat edl comparaison des 20 millions ,que lui vaut aujourd'hui l'im­pôt SUI!' les voitu.res, les autos et les chevaux!

!Mais cQ,l11Ibiell d'impôts singiUJ.iers furel11t encore i'lllVentés 1 Imaginez qu)en 1691 le gou­vernement royal f.rançais s'avisa de taxer les chaperuux! Que ifi.root les confr,ilburubJes? Il~ renoncèrent à leull" couvre-'ohef. IL est vral qu:'on portait alors de hautes et vastes per­ruques, ;qu~ rendaien~ le cha~au " super~lu. M'ais le dernier mot reste tOuJ}ours a'u f.l.sc. ,En 1708)' les ,per,ruques elles' .. mêmes fu.rent imposées, Auoune perruque ne pouvait sor­tir d:e chez le perruquier si, elle ne portait à pintérieur U>11l cachet attestant que la taxe, va­riant suiv-ant la va.Jeur de l'objet, avait bien

été payée.

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IEn cefte année 1708, le gouvernement, auJX ahois, ·semble avoir eu, aoU poirnt de vue le l'impôt, de . bien siifÎgulières in·itiatives.

Entre autres taxes étranges, c'est cette all1-

née-lâ que fouit étahli ceUe qu.i kappait les cé­,rémonies d~ mariage et de baptême. Un fi ­manoier, psychologue assurément, s'ét~it dit

que ces jours-lâ les mariés et leurs parents, les pères et Jes mères des nouveaux-nés de­vaient être plus faoi'leltl1e11,t généreux qu'en autre temps. POUifiquoi ne pas exploiter ceHe générosité au profit de l'Etat?

lia taxe fu t créée. L'effet en .fut déplorable. Il advint ceoi: Les bonnes gens renoncèrent à porter leurs mioohes à l'église et se con­tentèrent de les ondoyer aU! logis. Quant aux mariages, le nombre en dimillU!a subitement dans des IproporHons considérables. Les fialll-cés, avec ,l'agrément de leurs parents, se -ma­Tiaient par consentement réciproque. L·Etat, en imposant UI1 droit sur les mariages, avait tout s.implemen t ~a vorisé t''Uuion Hbre.

, C'éta,it d 'une belle moralité, comme vous 'Voyez,

'Le ;XVlUIe siècle a eu l'imagination fertile en matière d'impôts·. Le gou'Vernement du Ré­gent, puis celu,i de Louis XV Surent impito­yables pour les petites dames éMgantes: on tàxa leurs pa,rfurms, Ottl taxa Ide deux sols par livre la poudre d'amidon don~ elles se cou­vrarent les cheveux. On les atteignit dall1s le,ul" gowrmandise non moins que dans leur co­quetterie. Un impôt fut mis sur la. glace con­sidérée comme objet de luxe. Du coup, les sorbets loenohérir-entcoos,idérablemento Et les « cûlilettes » qui en fais'aioot une énorme con­

sommation, en l,ure nt indiglnées.

'Mais dlans les siècles précédents on trouve aussi nombre d Ïn!itiaüves plutôt bizar,res en rmat;[ère de _contribu,tion. C'est ainsi qu'en 1552 on mit SitLf les clochers une con:tr1bu~iolU. que devaient payer les communes et les com­munautés qui voulaient s'of'kir le luxe d'or­ner d'une tour leur chapelle.

IEn 1582, le ~ait d'avoiif du linge de mai­son. était .considéré comme un excès somp­tua,ire digne d'attirer les (f~ueu(f.s ,du fisc.

Les draps de lit ·ffiUlfent )taxés ,â fUll! "sol la paire~.

!La France, (l!U sUirplus, n'eUlt pas .le mo­nopole des li,mpôts somptuaires les plus étran­ges ou des taxes les plus inattendues,

On sait qu'après sa dé{aite de Poltava le roi Charles ~I1 de Suède créa plus d'lLtt im­pôt himrre. C'est ainsi qu'il taxa tOu.s ,ceux qui portaient des habits dans la confectiûn desquels H entrait de la soie. Il mit même 'un hnpôt sur les cheminées.

Mais l'impôt le plus singulier qui ait ja­mais été imaginé est certainement celui que le tsar ,Pierre le Grand mit sur le pûrt de la bal~~. Un seigneur 'payait 100 roubles et un houl1~eois 60 pour avoir le droit de porter du poil aU! menton.

Nous n'en finirio8ls pas s'il 1allait énumé­rer tous les impôts .saugrenus qui ,furent ou proposés ou appli.qués dans le passé. Mais le pré(ent tt"est pas exempt de ces initiatives siugulières. Témoin cette miriHque idée de taxer les tapis des escaliers.

Que croyez-vous qu)il en adviendra? . . Ma foi, c:'~st bien simple: Oon supprimera les Ita­pis d'escalier et le fisc n'en touchera pas un sou de pLus. Il est 'Vrai qu'il lui ·restera la reSS'ÜiU'rce de taxer les escaliers eux-mêmes.

La morale de ceci, ,nous la trouvons dans une pa,role, pleine de justesse et de bon sens, de MlirabeaU! le père, ce'lui qui s'était IcLécer­né le beau, titre d' « Ami des hommes»,

«L'Î'lnpôt excessif, disait Mirra:bea.u, pro­duit sur la matière ,imposée le même effet que l'épervier SUT la basse-cour, il la met en fuite. »

Nos 'Ïa!iseurs d'impôts feraient bien de mé­diter SUir cette ,image et de se persuader de sa vérité. Ernest LAUT.

t BndUlrci,ssez yotŒ'e enfant 'à la . sueur et au 'frOoid, a'UJ vent, (l!U soleil et au.x hasards qu'il lui faut mépriliser; ô1ez-Iui toute mol­lesse et dé1icates·se au vêtir et au c'ouclter, au mang~er et ·au boi:re. Montaigne.

t Tu gémis de tes malheUll"s! Si tu consi­dérais tout ce que lSoufirent les autres, tu te pla,indrai,s plus doucement. Chilon.